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Soc. 14 février 2024 n° 22-14.385

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 14 février 2024



Cassation partielle

Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 178 F-D
Pourvoi n° R 22-14.385



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 FÉVRIER 2024
L'association Maison [4], dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 22-14.385 contre l'arrêt rendu le 3 février 2022 par la cour d'appel de Pau (chambre sociale), dans le litige l'opposant
1°/ à Mme [T] [S], domiciliée [Adresse 3],
2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Seguy, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de l'association Maison [4], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [S], et après débats en l'audience publique du 16 janvier 2024 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Seguy, conseiller rapporteur, Mme Douxami, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 3 février 2022), Mme [S] a été engagée en qualité de directrice d'établissement, le 17 mars 2008, par l'association Maison [4], gestionnaire d'un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes.
2. Le 24 novembre 2014, elle a été convoquée à un entretien préalable à son éventuel licenciement et a été mise à pied à titre conservatoire. Licenciée le 16 décembre 2014, elle a saisi la juridiction prud'homale d'une contestation de la rupture de son contrat de travail.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée des sommes à titre d'indemnité de préavis, outre les congés payés afférents, à titre d'indemnité légale de licenciement, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de lui ordonner de rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées à la salariée dans la limite de six mois, alors « que l'employeur, tenu de l'obligation de prévention des situations de harcèlement moral et plus généralement des risques psychosociaux au sein de l'entreprise, ainsi que de l'obligation de mettre en oeuvre les mesures de sécurité et de prévention dans l'entreprise à l'égard de l'ensemble de ses salariés, peut licencier pour faute grave un salarié dont il est établi que les méthodes de gestion consistaient en des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité des salariés placés sous sa subordination, d'altérer leur santé physique ou mentale et de compromettre leur avenir professionnel ; qu'en l'espèce, en jugeant que le licenciement pour faute grave de la salariée était dépourvu de cause réelle et sérieuse, après avoir elle-même constaté que l'employeur avait produit aux débats un courrier des délégués du personnel signé par trente-cinq salariés sur soixante, deux attestations de délégués du personnel et quatre courriers de salariés, dont un confirmé par attestation, dénonçant les méthodes de gestion de l'intéressée ayant causé la démission d'au moins deux salariées, le placement en arrêt de travail d'une autre, un mal être et une souffrance de la majorité du personnel, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations dont il s'évinçait que la réalité des faits de harcèlement ressortait du nombre des courriers et attestations de salariés et représentants du personnel versés au débat ainsi que de la concordance des faits qui y étaient dénoncés, a violé les articles L. 1152-1, L. 1152-4, L. 1152-5, L. 1153-1, L. 1153-5, L. 1153-6, ensemble les articles L. 1234-1, L. 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail, ce dernier article dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 :
4. La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.
5. Pour dire que le licenciement ne reposait ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient d'abord que l'employeur qui avait reçu le 23 octobre 2014 des courriers remis par trois salariées faisant état de faits de harcèlement moral à leur encontre, n'a engagé que le 24 novembre 2014 une procédure disciplinaire à l'encontre de la directrice mise en cause dans ces courriers et qu'il n'est justifié de l'organisation d'aucune mesure d'enquête par l'employeur à la suite des dénonciations reçues ni après réception du courrier rédigé par Mme [U] en date du 19 novembre 2014 et de celui signé par neuf autres salariées le 20 novembre 2014, aucun élément ne permettant d'établir que l'employeur a cherché à vérifier que les faits qui lui étaient rapportés étaient effectivement constitutifs de faits de harcèlement moral imputables à la directrice.
6. Il ajoute que les courriers et attestations produits font état d'une attitude générale ou d'événements non datés et non de faits précis et circonstanciés, que la seule dénonciation d'un climat de travail tendu, de conditions et de relations de travail effectivement difficiles ou heurtées, ne peut valoir qualification de harcèlement moral et que s'il est fait ensuite état de décisions de la directrice au sujet de l'affectation de salariées à certaines tâches ou d'une surcharge de travail, la situation de tension, voire de stress ou de contrariété, même intense, qui est liée à un contexte professionnel difficile, à la nature de la tâche du salarié, ou à l'étendue de ses responsabilités, voire à une surcharge de travail, ne peut non plus être qualifiée de harcèlement moral.
7. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations la pratique par la salariée d'un mode de gestion inapproprié de nature à impressionner et nuire à la santé de ses subordonnés, ce qui était de nature à caractériser un comportement rendant impossible son maintien dans l'entreprise, la cour d'appel a violé les textes susvisés.




Crim. 12 septembre 2023 n° 22-83.812

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° E 22-83.812 F-D
N° 00897

ODVS 12 SEPTEMBRE 2023

REJET

M. BONNAL président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 12 SEPTEMBRE 2023


Mme [U] [E], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 10 décembre 2021, qui, dans l'information suivie contre personne non dénommée des chefs de harcèlement moral et homicide involontaire, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de M. Joly, conseiller référendaire, les observations de Me Bouthors, avocat de Mme [U] [E], les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [H] [B] et M. [V] [T] et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 juin 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Joly, conseiller rapporteur, M. Samuel, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 7 mars 2012, Mme [U] [E] a retrouvé le corps de son compagnon, [O] [C], magistrat, qui s'est suicidé à leur domicile.
3. Mme [E] a déposé plainte des chefs de harcèlement moral et homicide involontaire.
4. Une information a été ouverte contre personne non dénommée de ces chefs et les supérieurs hiérarchiques de [O] [C], Mme [H] [B] et M. [V] [T], ont été placés sous le statut de témoin assisté.
5. A l'issue de l'information, une ordonnance de non-lieu a été rendue par le juge d'instruction.
6. Mme [E] a relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
7. Le grief n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le non-lieu du chef de harcèlement moral, alors :
« 1°/ qu'après avoir constaté, du chef du procureur de la République de Nanterre, un ensemble concordant de décisions ou d'abstentions de nature à altérer la santé physique et mentale d'un magistrat appartenant à son parquet (éviction sanction des permanences de nuit, retrait de son bureau, absence d'information en temps utile sur son avancement, etc), lequel se suicidera dans les heures suivant un entretien avec son chef hiérarchique dont il était sorti en larmes et désespéré, la chambre de l'instruction n'a pas tiré les conséquences nécessaires de ses propres constatations caractérisant des indices suffisants de harcèlement moral ; que la cour, qui n'avait pas à se prononcer sur la perfection des preuves recueillies mais seulement sur l'existence d'indices suffisants de nature à justifier un renvoi correctionnel, n'a pas motivé son arrêt en violation des dispositions des articles 212, 215, 591 et 593 du code de procédure pénale, 222-33-2 du code pénal, ensemble les articles 2 et 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
9. Pour rejeter la demande de la partie civile tendant à la mise en examen puis au renvoi devant le tribunal correctionnel de M. [T] du chef de harcèlement moral, l'arrêt attaqué énonce que les premiers éléments d'enquête judiciaire, ainsi que ceux recueillis dans le cadre des procédures administratives, ont conclu que le décès de [O] [C] était lié à une dégradation importante et soudaine de son état de santé psychique et ne révélait pas de lien avec ses conditions de travail.
10. Les juges ajoutent qu'il résulte des auditions de plusieurs magistrats ayant exercé au tribunal de grande instance de Nanterre au même moment que [O] [C] et, en particulier, de ceux dont l'audition était sollicitée par Mme [E] aux termes de sa plainte, à l'exception d'une personne avec laquelle les enquêteurs ne sont pas parvenus à reprendre contact, que ni le fonctionnement du parquet de Nanterre, ni le conflit qui a pu opposer certains magistrats du siège et du parquet au sein de cette juridiction n'ont pu avoir des conséquences sur l'organisation et la répartition du travail entre les membres du parquet au détriment de [O] [C].
11. Ils relèvent que la plupart des magistrats du parquet entendus ont souligné l'existence d'une organisation et de méthodes de gestion habituelles pour ce type de service et que les collègues de la division à laquelle appartenait [O] [C] ont confirmé la mise en place d'une méthode de répartition de la charge de travail égalitaire en particulier sur une base géographique.
12. Ils retiennent que, contrairement à ce que soutient la partie civile, il n'a pas davantage été recueilli d'élément permettant de confirmer l'existence d'un ostracisme de M. [T] à l'encontre de [O] [C] et des magistrats qui, comme ce dernier, n'étaient pas issus de l'Ecole nationale de la magistrature.
13. Ils indiquent qu'il n'a été constaté aucune observation, critique ou surveillance répétée et excédant les exigences habituelles liées à la nature de ses fonctions, que ce soit de la part de M. [T], qui n'a exprimé aucune réserve sur [O] [C] dans le cadre de son évaluation professionnelle, ou de l'ensemble de la hiérarchie.
14. Ils relèvent que le changement de bureau de [O] [C] s'explique par des considérations d'organisation du service liées à l'arrivée de plusieurs nouveaux magistrats au sein de la division de la délinquance générale à laquelle il appartenait, ce qui résulte des témoignages tant de sa hiérarchie que des magistrats de ce service, aucun élément de nature à étayer une quelconque volonté d'isolement n'ayant été recueilli, ce changement étant par ailleurs intervenu après que [O] [C] avait été consulté.
15. Ils ajoutent que, si le retrait de [O] [C] du tableau des permanences de nuit à compter de fin décembre 2011 a été qualifié de sanction par deux de ses collègues, au motif que ces permanences étaient rémunératrices et que cela revenait à reconnaître son inaptitude à ce type d'activité professionnelle, un collègue qui travaillait dans la même section que lui a déclaré que ce retrait ne pouvait être considéré comme une sanction dans la mesure où [O] [C] se plaignait de ces permanences, tandis que son chef de service a déclaré lors de la réunion du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail qui a suivi son décès que [O] [C] n'avait pas vécu ce retrait comme une sanction, mais espérait que cela ne nuirait pas à sa mobilité professionnelle.
16. Ils précisent que M. [T] explique ce retrait comme étant une décision hiérarchique prise pour la bonne marche du parquet en réaction à un abandon de poste de la part de [O] [C], ajoutant qu'il n'a pas souhaité consigner cet incident par écrit dans le compte rendu de l'entretien professionnel pour ne pas pénaliser [O] [C] dans son avancement, ce que confirment les documents relatifs à son évaluation.
17. Ils considèrent que, dans ces conditions, quelles que soient les circonstances exactes de l'incident ayant conduit M. [T], en sa qualité de supérieur hiérarchique de [O] [C], à le retirer du tableau des permanences de nuit, et en dépit de l'absence d'explications directes données par M. [T] à l'intéressé, il n'est pas démontré que cet acte isolé a eu pour but ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail.
18. Ils indiquent qu'à la demande de M. [T], Mme [B] a, le 6 mars 2012, eu un entretien avec [O] [C] et que Mme [E], auditionnée par la mission d'inspection qui s'est déroulée après le suicide de son compagnon, a déclaré que cet entretien s'était mal passé et avait pu être à l'origine d'une « décompensation » et d'une détresse responsables de la dégradation fatale de son état de santé.
19. Ils précisent que Mme [E] a déclaré devant le juge d'instruction que, selon elle, Mme [B], lors de cet entretien, avait menacé [O] [C], indiquant que le seul témoignage important, toujours selon elle, était celui de Mme [W] [K], magistrate au tribunal de grande instance de Nanterre, qui l'a décrit comme complètement dévasté à la sortie du bureau de Mme [B].
20. Ils rappellent que Mme [K] a, quant à elle, indiqué, d'une part, dans un message électronique adressé au président du tribunal que, ce jour là, elle avait rendez-vous avec Mme [B] et qu'à son arrivée, [O] [C] était très ému, d'autre part, lors de son audition par le juge d'instruction, qu'elle a gardé en mémoire le regard de [O] [C] à sa sortie du bureau et qu'elle avait alors pensé à un entretien qui ne s'était pas bien passé, précisant qu'elle « n'assimile pas le regard de [O] [C] à ce moment là à celui d'une personne en train de se faire lyncher », qu'elle n'a rien constaté lorsqu'elle a passé la tête dans le bureau, si ce n'est une certaine tension entre les deux interlocuteurs, mais qu'elle n'a rien vu de particulier sur le visage de [O] [C] qui s'était alors retourné vers elle, précisant n'en avoir parlé à personne et n'avoir rien constaté ensuite dans le comportement de Mme [B], qu'elle a qualifié d'identique à celui qu'elle lui avait toujours connu.
21. Ils relèvent, concernant toujours cet entretien, que Mme [B] a, lors de son audition, confirmé avoir eu rendez-vous le même jour avec Mme [K], déclaré ne pas l'avoir vue croiser [O] [C], affirmant qu'en tout état de cause, ce dernier n'était pas sorti de son bureau en larmes, précisant que ce n'était pas ce que Mme [K] avait écrit au président du tribunal dans le courrier figurant au dossier, tout en relevant qu'elle n'expliquait pas comment Mme [K] pouvait affirmer dans ce message que l'entretien avec [O] [C] avait été tendu, ayant reçu ce dernier porte fermée.
22. Ils en déduisent que l'information n'a pas permis de confirmer l'existence de comportements ou d'actes répétés de la part de la hiérarchie de [O] [C] de nature abusive, tels que dénoncés dans la plainte, et ayant eu pour but ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail.
23. En l'état de ces énonciations, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.
24. En effet, il revient à la Cour de cassation, saisie d'un pourvoi contre un arrêt de la chambre de l'instruction statuant sur l'appel d'une ordonnance du juge d'instruction réglant une procédure d'information, de vérifier si la chambre de l'instruction, dans l'exercice de son appréciation souveraine des faits et des preuves, a statué sur l'existence et la suffisance des charges par des motifs suffisants, exempts de contradiction et répondant aux articulations essentielles des mémoires déposés devant elle. La Cour de cassation ne peut substituer son appréciation des faits et des preuves à celle de la cour d'appel.
25. Or, les motifs précités, exempts d'insuffisance comme de contradiction, par lesquels la chambre de l'instruction a estimé que la personne placée sous le statut de témoin assisté n'avait pas commis des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail de [O] [C], relèvent de l'appréciation souveraine par les juges du fond, des éléments de fait et de preuve recueillis au cours de l'information.
26. Dès lors, le grief doit être écarté.
27. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.




Soc. 28 juin 2023 n° 22-12.777

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 28 juin 2023



Rejet

Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 756 F-D
Pourvoi n° T 22-12.777


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 JUIN 2023
Mme [L] [J], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° T 22-12.777 contre l'arrêt rendu le 17 novembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 6), dans le litige l'opposant à la société Auchan hypermarché, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Maitral, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [J], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Auchan hypermarché, après débats en l'audience publique du 31 mai 2023 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Maitral, conseiller référendaire rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 17 novembre 2021), Mme [J], engagée en qualité d'hôtesse de caisse par la société Auchan hypermarché le 20 octobre 1998, est devenue manager caisses le 1er juin 2013.
2. Mise à pied à titre conservatoire le 30 mai 2017, elle a été licenciée pour faute grave le 21 juin 2017.
3. Elle a saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement de diverses sommes au titre de la rupture de son contrat de travail.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches
Enoncé du moyen
5. La salariée fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement pour faute grave est fondé et de la débouter de l'intégralité de ses demandes à titre d'indemnité légale de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire et les congés payés afférents, et de remise des documents légaux conformes sous astreinte, alors :
« 3°/ que peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en oeuvre par un supérieur hiérarchique lorsqu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'il résultait des constatations de l'arrêt qu'elle n'exerçait aucune responsabilité hiérarchique sur la salariée qui se disait victime de ses agissements fautifs ; qu'en retenant néanmoins qu'elle a à l'égard de celle-ci, occupant un poste à la parapharmacie, un comportement harcelant, sur fond de rivalité amoureuse en faisant à l'occasion état de sa capacité de nuisance à raison de sa position de manager, constitutif d'une faute grave, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
4°/ que l'obligation faite à l'employeur de prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir ou de faire cesser les agissements de harcèlement moral n'implique pas, par elle-même, la rupture immédiate du contrat de travail d'un salarié à l'origine d'une situation susceptible de caractériser ou dégénérer en harcèlement moral ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1, L. 1152-4, L.4121-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail. »
Réponse de la Cour
6. Appréciant les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel a constaté que la salariée avait adopté à l'égard d'une employée travaillant en parapharmacie un comportement harcelant, sur fond de rivalité amoureuse, en lui faisant à l'occasion état de sa capacité de nuisance à raison de sa position de manager au sein de l'hypermarché.
7. Elle a pu en déduire que ces faits, incompatibles avec les responsabilités confiées à la salariée, rendaient impossible son maintien dans l'entreprise.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.




Soc. 7 juin 2023 n° 22-10.196

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
BD4


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 7 juin 2023



Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 665 F-D
Pourvoi n° N 22-10.196


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 7 JUIN 2023
La société Aries Packaging, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° N 22-10.196 contre l'arrêt rendu le 10 novembre 2021 par la cour d'appel de Reims (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. [G] [C], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
M. [C] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation.
Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Deltort, conseiller, les observations de Me Ridoux, avocat de la société Aries Packaging, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [C], après débats en l'audience publique du 11 mai 2023 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Deltort, conseiller rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 10 novembre 2021), M. [C] a été engagé en qualité de technicien par la société Aries Packaging à compter du 15 juillet 1996.
2. Le 31 janvier 2008, le salarié a accédé au statut d'agent de maîtrise avec application d'une convention de forfait annuel en jours.
3. Le 22 janvier 2019, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes en résiliation judiciaire de son contrat de travail et au titre de l'exécution de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, les deuxième et troisième moyens du pourvoi principal de l'employeur
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses deux premières branches et en sa quatrième branche
Enoncé du moyen
5. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que la convention de forfait est nulle et de le condamner à payer au salarié diverses sommes à titre de rappel d'heures supplémentaires, de contrepartie obligatoire en repos au titre des années 2016 et 2017, outre les congés payés afférents, d'indemnité pour travail dissimulé, de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail et de dire qu'elle produit les effets d'un licenciement nul et de le condamner à payer diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, d'indemnité de préavis, outre les congés payés afférents, d'indemnité de licenciement et d'indemnité forfaitaire pour violation du statut protecteur, alors :
« 1°/ que l'article 14 de l'accord national du 28 juillet 1998 sur l'organisation du travail dans la métallurgie autorise la conclusion d'une convention de forfait en jours avec des salariés n'ayant pas la qualité de cadre pour les types de fonctions et niveaux de classement qu'il énumère, notamment pour les fonctions d'agent de maîtrise avec un classement égal ou supérieur à 240 ; que l'arrêt constate qu'à la date de la signature de la convention de forfait, M. [C] exerçait des fonctions d'agent de maîtrise et bénéficiait du coefficient 305, ce dont il résulte qu'il rentrait dans le champ d'application de l'article 14 susvisé ; qu'en jugeant néanmoins que la convention de forfait était nulle, au motif que M. [C] n'était pas cadre mais assimilé cadre, la cour d'appel a violé l'article 14 de l'accord précité et l'article L. 212-15-3 III du code du travail ;
2°/ que l'employeur a l'obligation d'assurer un suivi réel et régulier de l'amplitude des journées d'activité et de la charge de travail du salarié soumis à une convention de forfait en jours ; qu'en se fondant sur le contrôle exercé par l'employeur sur les temps passés en usine par M. [C] pour prononcer la nullité de la convention de forfait, quand ledit contrôle n'avait d'autre objet que d'assurer le suivi régulier de l'organisation du travail de ce salarié et de sa charge de travail, la cour d'appel a violé l'article 14 de l'accord national du 28 juillet 1998 sur l'organisation du travail dans la métallurgie et l'article L. 212-15-3 III du code du travail ;
4°/ que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que selon l'article 18 du règlement intérieur, l'obligation de pointer quatre fois par jour concerne exclusivement les salariés en forfait heures ; qu'en énonçant que cette obligation visait également les salariés non-cadres en forfait jours, la cour d'appel, qui a dénaturé l'article 18 du règlement intérieur précité, a derechef violé le principe susvisé. »
Réponse de la Cour
6. La cour d'appel, qui a constaté que le salarié était soumis à une obligation de pointage lors de son entrée dans l'usine, pour chaque demi-journée de présence, donnant lieu à des relevés informatiques reprenant chaque jour les heures d'arrivée et de départ et le nombre d'heures travaillées, et qu'une journée de travail, pour être validée, devait comptabiliser six heures de présence dans l'entreprise, a pu, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par le moyen pris en sa quatrième branche, en déduire que le salarié ne disposait pas d'une réelle autonomie dans l'organisation de son emploi du temps pour être éligible à une convention de forfait en jours.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le moyen du pourvoi incident du salarié, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
8. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement dommages-intérêts pour préjudice moral, alors « que dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que les juges doivent se prononcer sur l'ensemble des éléments invoqués par le salarié et dire si ces éléments pris en leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; que la cour d'appel, qui a retenu comme établis les griefs relatifs aux conditions de mise en oeuvre de la convention de forfait ayant conduit à une charge de travail importante du salarié à l'origine de plaintes de celui-ci et de conséquences sur sa vie personnelle, et à la divulgation de données personnelles du salarié sur un serveur du bureau d'études mécaniques, a également relevé qu' ''il ressort par ailleurs de la pièce n° 25 du salarié que le directeur général groupe Tecma a indiqué aux délégués du CSE présents : "que M. [C] [G] souhaite quitter l'entreprise effectivement c'est une chose, par contre qu'il demande 300.000 euros, c'est une autre chose" ; que se livrant à un examen séparé de ces faits soumis à son appréciation, elle a cru pouvoir dire que ''cette phrase ne permet pas à elle seule de caractériser un processus de déstabilisation" ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si pris ensemble, ces éléments qu'elle a dit établis ne permettaient pas de présumer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel a violé l'article L. 1154-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail :
9. Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié et d'apprécier si les faits matériellement établis ou présentés, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
10. Sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.
11. Pour rejeter la demande au titre du harcèlement moral, l'arrêt retient que les conditions relatives à la mise en oeuvre de la convention de forfait n'étaient pas en lien avec une méthode de gestion mise en oeuvre par un supérieur hiérarchique, que la divulgation des données personnelles du salarié sur un serveur du bureau d'études mécaniques a concerné celui-ci comme d'autres salariés durant quelques heures et résultait d'une erreur, que l'indication, par le directeur général aux délégués du comité social et économique que l'intéressé souhaitait quitter l'entreprise et qu'il sollicitait une somme de 300 000 euros, ne permettait pas à elle seule de caractériser un processus de déstabilisation et tendant à le décrédibiliser, que le salarié soutenait à tort que l'employeur avait opposé un refus injustifié à sa demande de congés payés puisque celle-ci avait été acceptée le 16 juillet 2021 et que dans ces conditions, à défaut de satisfaire à la preuve qui lui incombe, le harcèlement moral managérial n'était pas caractérisé.
12. En statuant ainsi, par une analyse séparée des éléments invoqués par le salarié, alors qu'il lui appartenait de dire si ces éléments étaient matériellement établis, et, dans l'affirmative, d'apprécier si ceux-ci, pris dans leur ensemble, permettaient de présumer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel a violé les textes susvisés.




Soc. 18 janvier 2023 n° 21-19.136

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
AF1


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 18 janvier 2023



Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 24 F-D
Pourvoi n° J 21-19.136



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 JANVIER 2023
Mme [M] [H], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 21-19.136 contre l'arrêt rendu le 6 mai 2021 par la cour d'appel de Poitiers (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Vim, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, les quatres moyens également annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ott, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme [H], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Vim, après débats en l'audience publique du 23 novembre 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ott, conseiller rapporteur, Mme Bérard, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 6 mai 2021), rectifié par arrêt du 14 avril 2022, Mme [H] a été engagée par la société Vim (la société) à compter du 1er septembre 2009 en qualité de directrice administrative et financière, exerçant une fonction complémentaire de ressources humaines, au statut cadre.
2. Placée à compter du 16 août 2018 en arrêt de travail, elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur par lettre du 17 août 2018.
3. Le 20 février 2019, la salariée a saisi la juridiction prud'homale aux fins de requalifier la prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'annuler la convention de forfait en jours. Elle a réclamé le paiement de diverses sommes.

Examen des moyens
Sur les premier, deuxième, quatrième et cinquième moyens du pourvoi principal et sur les premier, deuxième, troisième et quatrième moyens du pourvoi incident, ci-après annexés
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le troisième moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
5. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande formée au titre du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, alors « que l'obligation de prévention des risques professionnels, qui résulte des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement moral instituée par l'article L. 1152-1 du code du travail et ne se confond pas avec elle ; qu'en l'espèce, en se fondant uniquement, pour débouter Mme [H] de sa demande formée au titre du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, sur le motif à soi seul inopérant que l'existence d'un harcèlement moral n'était pas établie, la cour d'appel a violé les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail. »

Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
6. L'employeur conteste la recevabilité du moyen. Il soutient d'une part que la cour d'appel n'a pas été saisie d'une demande au titre du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, d'autre part que le moyen est contraire à l'argumentation de la salariée devant la cour d'appel ou du moins nouveau et mêlé de fait et de droit.
7. Cependant, aux termes du dispositif de ses conclusions visées par la cour d'appel, la salariée demandait de réformer le jugement pour le surplus et, statuant à nouveau, de condamner la société au paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de sécurité en matière de santé ayant donné lieu à un harcèlement moral.
8. Par ailleurs, dans ses conclusions d'appel, la salariée faisait valoir qu'elle avait alerté son employeur de son mal-être, de ses difficultés au travail et de son sentiment d'être mise au placard, sans que celui-ci réagisse. Le moyen, qui n'est pas nouveau, n'est pas contraire à ce qu'a soutenu la salariée devant la cour d'appel.
9. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l'article L. 1152-4 du code du travail, l'article L. 4121-1 du même code, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017, et l'article L. 4121-2, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :
10. L'obligation de prévention des risques professionnels et du harcèlement moral, qui résulte de ces textes, est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement moral instituée par l'article L. 1152-1 du code du travail et ne se confond pas avec elle.
11. Pour débouter la salariée de sa demande en dommages-intérêts au titre d'un manquement à l'obligation de sécurité, l'arrêt retient que l'existence d'un harcèlement moral n'est pas établie.
12. En statuant ainsi, alors que dans ses conclusions d'appel la salariée faisait valoir qu'elle avait alerté son employeur par email du 19 avril 2018 de sa situation de mal-être, de ses difficultés au travail et de son sentiment de mise au placard et que celui-ci n'avait rien fait et n'avait pris aucune mesure pour faire cesser le management autoritaire d'un supérieur hiérarchique à l'égard de ses subordonnés, la cour d'appel a violé les textes susvisés.




Soc. 28 septembre 2022 n° 21-19.313

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CA3


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 28 septembre 2022



Cassation partielle

Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 1019 F-D
Pourvoi n° B 21-19.313



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 SEPTEMBRE 2022
Mme [C] [E] [I] épouse [F], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° B 21-19.313 contre l'arrêt rendu le 11 mai 2021 par la cour d'appel de Besançon (chambre sociale), dans le litige l'opposant à l'association Centre formation Bourgogne Franche-Comté, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Grandemange, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme [E] [I], après débats en l'audience publique du 28 juin 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Grandemange, conseiller rapporteur, M. Barincou, conseiller, M. Gambert, avocat général, et Mme Lavigne, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 11 mai 2021), Mme [F] a été engagée, à compter du 21 août 2017, par l'association Centre de formation Bourgogne Franche-Comté en qualité de directrice.
2. Après avoir saisi la juridiction prud'homale, le 7 septembre 2018, en résiliation judiciaire de son contrat de travail et en paiement de diverses créances salariales, elle a été licenciée pour faute grave le 8 octobre 2019.
Examen des moyens
Sur le quatrième moyen, pris en ses trois premières branches, ci après annexés
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui sont, irrecevable s'agissant de la deuxième branche et manifestement pas de nature à entraîner la cassation pour les autres.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
4. La salarié fait grief à l'arrêt de juger irrecevables ses demandes relatives à la nullité du licenciement, alors :
« 1°/ qu'une juridiction d'appel, saisie d'une fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de prétentions nouvelles ou la relevant d'office, est tenue de l'examiner au regard des exceptions prévues aux articles 564 à 567 du code de procédure civile ; qu'en se bornant à relever, pour déclarer irrecevables les demandes de la salariée au titre du licenciement nul, que "l'article 910-4 précise certes que restent recevables les questions nées de la survenance d'un fait " dans les limites des chefs du jugement critiqué", mais en l'espèce le jugement de première instance ne comportait aucun chef de jugement relatif au licenciement", sans rechercher si les prétentions nouvelles de la salariée au titre du licenciement nul ne constituaient pas des demandes additionnelles recevables en appel comme étant rattachées par un lien suffisant avec ses prétentions originaires tendant à la résiliation judiciaire du contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 70 du code de procédure civile ;
2°/ que lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, et que ce dernier le licenciement ultérieurement, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée, à défaut de quoi il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur ; que compte tenu du lien existant ainsi entre l'appréciation de la demande de résiliation judiciaire et celle du bien-fondé du licenciement, lorsque le licenciement est notifié au salarié au cours de l'instance d'appel du jugement ayant rejeté sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur, et postérieurement à ses premières conclusions d'appel, le salarié est recevable à présenter dans de nouvelles conclusions des prétentions subsidiaires relatives au mal-fondé ou à la nullité de son licenciement, de telles conclusions devant être regardées comme nées postérieurement aux premières conclusions de la survenance ou de la révélation d'un fait et comme se rattachant aux chefs du jugement critiqués, lequel avait rejeté la demande de résiliation judiciaire, reprise à titre principal en cause d'appel ; qu'en l'espèce, en jugeant le contraire pour dire irrecevables les demandes relatives à la nullité du licenciement qui avait été notifié à la salariée postérieurement au jugement ayant rejeté sa demande de résiliation judiciaire et au dépôt de ses premières conclusions d'appel, la cour d'appel a violé l'article 910-4 du code de procédure civile, ensemble l'article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
5. Le moyen, qui reproche à la cour d'appel d'avoir déclaré irrecevable la demande de la salariée au titre de la nullité de son licenciement, manque en fait, la cour d'appel n'ayant dans son dispositif prononcé aucune irrecevabilité.
6. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
7. La salariée fait grief à l'arrêt de fixer à une certaine somme la créance de l'employeur au titre des paiements indus de jours de congés supplémentaires, alors « que la seule fixation d'une rémunération forfaitaire, sans que soit déterminé le nombre d'heures supplémentaires inclus dans cette rémunération ne permet pas de caractériser une convention de forfait ; qu'en l'espèce, pour condamner, après compensation, l'association Centre de formation à payer à la salariée la somme de 3.859,91 euros, outre 385,99 euros au titre des congés payés y afférents, la cour d'appel a retenu que "la convention des parties prévoyant un forfait de salaires pour un horaire indéterminé ne pouvant produire d'effets, le paiement de jours de repos en exécution de cette convention est devenu indu et l'employeur est en conséquence en droit de réclamer le remboursement des jours de repos et ce sur la durée de l'ensemble de la relation de travail" ; qu'en statuant ainsi, quand il résultait de ses propres constatations que le contrat de travail reprenait des termes identiques à l'article 10 de l'accord collectif national de travail du 6 avril 1999, relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans les associations à caractère familial responsables d'établissements d'enseignement et de formation professionnelle, et précisait "que la rémunération de Mme [C] [E] [I] épouse [F] correspond à "un forfait de salaire pour un horaire indéterminé", ce qui ne permettait pas de caractériser l'existence d'une convention de forfait et donc ouvrir droit à l'employeur de demander le remboursement des jours de repos et des congés payés conventionnels, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa version applicable au litige, ensemble l'article L. 3121-53 du code du travail. »
Réponse de la Cour
8. Il résulte de l'article 1302-1 du code civil que celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu.
9. La cour d'appel, qui a retenu que la convention de forfait de salaire pour un horaire indéterminé à laquelle la salariée était soumise ne lui était pas opposable, en a exactement déduit que le paiement des jours de congés supplémentaires accordés en contrepartie de ce forfait de rémunération était devenu indu.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche
Enoncé du moyen
11. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, alors « que les juges du fond ne peuvent modifier l'objet du litige, tel que déterminé par les prétentions respectives des parties exprimées dans leurs conclusions ; que justifie la résiliation judiciaire du contrat de travail un manquement ou un ensemble de manquements de l'employeur suffisamment graves pour empêcher la poursuite de ce contrat, et qu'il appartient aux juges du fond, saisis d'une telle demande, d'apprécier si, dans son ensemble, le comportement de l'employeur établi par le salarié présente ce caractère de gravité ; qu'en l'espèce, au soutien de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts du Centre de formation Bourgogne Franche-Comté, la salariée faisait valoir de graves manquements de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail, à savoir, le harcèlement moral, mais également le manquement de l'employeur à ses obligations conventionnelles et légales et le manquement à son obligation de loyauté ; que pour débouter la salariée de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, la cour d'appel a retenu que "le harcèlement qui constitue le seul fondement de la résiliation ayant été rejeté, il en sera de même pour al demande relative à la rupture du contrat de travail" ; qu'en déniant ainsi l'invocation par la salariée d'autres manquements que le harcèlement moral au soutien de sa demande de résiliation judiciaire, la cour d'appel a méconnu l'objet et les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code de procédure civile :
12. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
13. Pour rejeter la demande de la salariée tendant à la résiliation judiciaire de son contrat de travail, l'arrêt retient que le harcèlement qui constitue son seul fondement ayant été rejeté, il en sera de même pour la demande relative à rupture du contrat de travail.
14. En statuant ainsi, alors que, dans ses conclusions d'appel, la salariée fondait sa demande de résiliation du contrat de travail non seulement sur le harcèlement moral mais également sur le non-respect par l'employeur des dispositions de la convention collective et des manquements à l'obligation de loyauté, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé.
Et sur le quatrième moyen, pris en sa quatrième branche
Enoncé du moyen
15. La salariée fait grief à l'arrêt de condamner, après compensation, l'employeur à lui payer une somme limitée à 385,99 euros au titre des congés payés, alors « que ne peuvent donner lieu à un double paiement, et sont de ce fait exclues de l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés, les sommes attribuées au salarié en fonction d'une production globale annuelle sans distinction entre les périodes de travail et celles des congés payés ; qu'en l'espèce, pour condamner, après compensation, l'association Centre de formation Bourgogne Franche-Comté à payer à la salariée la somme de seulement 3.859,91 euros outre 385,99 euros au titre des congés y afférents, la cour d'appel a retranché du montant du rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, le remboursement des congés payés conventionnels et des demi-journées de repos auquel elle avait condamné la salariée et a, ensuite, calculé l'indemnité de congés payés afférente au rappel d'heures supplémentaires sur la base cette différence globale ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a ce faisant imposé à la salariée un double paiement de l'indemnité de congés payés, a violé l'article L. 3141-22 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3141-24 du code du travail :
16. Selon ce texte, le congé annuel prévu par l'article L. 3141-3 ouvre droit à une indemnité égale au dixième de la rémunération brute totale perçue par le salarié au cours de la période de référence.
17. Pour condamner l'employeur à payer à la salariée une somme de 385,99 euros au titre de l'indemnité de congés payés, l'arrêt, après avoir fixé la créance de la salariée au titre des heures supplémentaires à la somme de 10 000 euros et celle de l'employeur au titre du remboursement des jours de repos indûment payés à celle de 6 140,09 euros, opère une compensation entre les créances réciproques des parties et assortit d'une indemnité de congés payés la somme résultant de cette compensation.
18. En statuant ainsi, en déduisant de l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés la créance de l'employeur, la cour d'appel a violé le texte susvisé.




Soc. 2 février 2022 n° 20-16.872

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CDS


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 2 février 2022



Cassation partielle

Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 153 F-D
Pourvoi n° C 20-16.872



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 FÉVRIER 2022
Mme [P] [R], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° C 20-16.872 contre l'arrêt rendu le 26 mars 2020 par la cour d'appel de Versailles (11e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Idex services, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Prieur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [R], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Idex services, après débats en l'audience publique du 7 décembre 2021 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Prieur, conseiller référendaire rapporteur, M. Barincou, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 26 mars 2020), Mme [R] a été engagée le 10 septembre 2007 par la société Idex services, en qualité d'adjointe au responsable de facturation.
2. Contestant son licenciement notifié par lettre du 16 décembre 2015, elle a saisi la juridiction prud'homale, le 8 juin 2016, de diverses demandes au titre de l'exécution et la rupture du contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le second moyen, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en paiement d'une certaine somme à titre d'heures supplémentaires pour la période non prescrite de juin 2011 à décembre 2015, outre les congés payés afférents, de limiter la condamnation de l'employeur en paiement d'heures supplémentaires outre les congés payés afférents et pour la seule période du 16 décembre 2012 à fin novembre 2013, et en conséquence de fixer le salaire moyen à la somme de 3 943,33 euros et calculer l'indemnité conventionnelle de licenciement, l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, le rappel de salaire au titre de la mise à pied et les congés payés afférents, l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur la base de ce salaire minoré, alors « que par application combinée des articles L. 3245-1 du code du travail et des dispositions transitoires de l'article 21 V de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, la prescription quinquennale reste applicable à l'action en paiement du salaire dès lors qu'elle a commencé à courir avant le 16 juin 2013, date d'entrée en vigueur de cette loi qui a réduit sa durée à trois ans et que l'action a été introduite dans le délai de trois ans à compter de cette date, soit jusqu'au 16 juin 2016 ; qu'il s'en déduit que Mme [R] ayant saisi la juridiction prud'homale le 8 juin 2016, la cour d'appel ne pouvait considérer que sa demande en paiement d'heures supplémentaires était prescrite pour la période comprise entre juin 2011 et le 15 décembre 2012 au motif que la demande de répétition de salaire ne peut porter que sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat de travail, soit pour la période postérieure au 16 décembre 2012 ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article L. 3245-1 du code du travail et l'article 21 V de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3245-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, et l'article 21 V de cette même loi :
5. Aux termes du premier de ces textes, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.
6. Selon le second, les dispositions du nouvel article L. 3245-1 du code du travail s'appliquent aux prescriptions en cours à compter du 16 juin 2013, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, soit cinq ans.
7. Pour dire prescrite la demande en paiement d'un rappel de salaire pour heures supplémentaires portant sur la période antérieure au 16 décembre 2012 et limiter la somme allouée au titre des heures supplémentaires non rémunérées à la période du 16 décembre 2012 à fin novembre 2013, l'arrêt retient que lorsque le contrat de travail a été rompu, la demande en répétition de salaire peut porter sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture. Il ajoute qu'en l'espèce la salariée a été licenciée le 16 décembre 2015, qu'il s'ensuit que l'intéressée, qui a saisi le conseil de prud'hommes en juin 2016, est recevable en sa demande de rappel de salaire portant sur la période postérieure au 16 décembre 2012, (soit du 16 décembre 2012 au 16 décembre 2015), mais que sa demande portant sur la période comprise entre juin 2011 et le 15 décembre 2012 est prescrite.
8. En statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que la salariée, qui avait saisi la juridiction prud'homale le 8 juin 2016, demandait paiement d'un rappel de salaire au titre des heures supplémentaire portant sur une période allant de juin 2011 à décembre 2015, ce dont il résultait que, la prescription de trois ans étant applicable aux créances salariales non prescrites à la date de promulgation de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 sans que la durée totale de prescription ne puisse excéder cinq ans, les demandes en paiement des créances salariales exigibles postérieurement au 8 juin 2011 n'étaient pas prescrites, la cour d'appel a violé les textes susvisés.




Soc. 24 novembre 2021 n° 20-13.502

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CF


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 24 novembre 2021



Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 1334 F-D
Pourvoi n° Q 20-13.502







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 24 NOVEMBRE 2021
M. [N] [M], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 20-13.502 contre l'arrêt rendu le 19 décembre 2019 par la cour d'appel de Nancy (chambre sociale, section 2), dans le litige l'opposant à la société Salveco, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Rinuy, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [M], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Salveco, après débats en l'audience publique du 6 octobre 2021 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rinuy, conseiller rapporteur, Mme Pécaut-Rivolier, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 19 décembre 2019), M. [M] a été engagé par la société Salveco (la société), le 18 novembre 2013, en qualité de directeur commercial international. Il s'est vu prescrire un arrêt de travail à compter du 15 décembre 2014.
2. Le 12 janvier 2015, le salarié a saisi la juridiction prud'homale, afin de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur et d'obtenir paiement des conséquences financières de la rupture de son contrat de travail ainsi que d'un rappel d'heures supplémentaires.
Examen des moyens
Sur les deuxième et troisième moyens, ci-après annexés
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande au titre du travail dissimulé, alors « qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur de mentionner sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli ; qu'en considérant que le non paiement des heures supplémentaires ne suffit pas, en l'espèce, à caractériser l'intention de l'employeur à se soustraire à ses obligations à ce titre quand, statuant sur la demande relative aux heures supplémentaires, elle a constaté, d'une part, que l'employeur avait parfaitement conscience que le salarié travaillait au-delà de ces horaires normaux, en étant contraint de satisfaire aux exigences formulées par le directeur général et, d'autre part, que le salarié n'avait jamais perçu le paiement d'aucune heure supplémentaire, ainsi qu'il ressort de l'examen de ses bulletins de salaire, ce dont il résultait le caractère intentionnel de l'absence de mention, sur les bulletins de salaire, de toutes les heures accomplies au delà de la durée légale, la cour d'appel a violé les articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail. »


Réponse de la Cour
5. Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 8221-5 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie.
6. Les juges du fond apprécient souverainement, en présence de bulletins de paie mentionnant un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué, si l'intention de dissimulation de l'employeur est établie.
7. Le moyen, qui ne tend qu'à remettre en cause cette appréciation souveraine de la cour d'appel, ne peut dès lors être accueilli.
Mais sur le quatrième moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
8. Le salarié fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement de la somme de 26 598 euros à titre d'indemnité de préavis, alors « que le salarié qui se trouve, du fait de sa maladie, dans l'impossibilité physique d'exécuter un préavis n'est redevable d'aucune indemnité compensatrice de préavis envers l'employeur ; qu'en condamnant le salarié au paiement d'une indemnité de préavis, quand celui-ci, en arrêt de travail en raison d'une maladie professionnelle, était dans l'impossibilité physique d'exécuter le préavis, la cour d'appel a violé l'article L. 1237-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1237-1 du code du travail :
9. Aux termes de ce texte, en cas de démission, l'existence et la durée du préavis sont fixées par la loi, ou par convention ou accord collectif de travail. En l'absence de dispositions légales, de convention ou accord collectif de travail relatifs au préavis, son existence et sa durée résultent des usages pratiqués dans la localité et dans la profession. Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités d'application du présent article.
10. La prise d'acte de la rupture du contrat qui n'est pas justifiée produit les effets d'une démission. Il en résulte que le salarié doit à l'employeur le montant de l'indemnité compensatrice de préavis résultant de l'application de l'article L. 1237-1 du code du travail. Toutefois, aucune indemnité compensatrice de préavis ne peut être mise à la charge du salarié s'étant trouvé, du fait de sa maladie, dans l'incapacité d'effectuer le préavis.
11. Pour condamner le salarié à payer à la société la somme de 26 598 euros à titre d'indemnité de préavis, l'arrêt retient que la prise d'acte du salarié équivaut à une démission, qu'une indemnité de préavis est donc due à l'employeur, du fait de la décision prise par le salarié, indépendamment de son arrêt de travail.
12. En statuant ainsi, alors que le salarié qui se trouve, du fait de sa maladie, dans l'impossibilité physique d'exécuter un préavis n'est redevable d'aucune indemnité compensatrice de préavis envers l'employeur, la cour d'appel a violé le texte susvisé.




Crim. 19 octobre 2021 n° 20-87.164

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° H 20-87.164 F-D
N° 01239

EA1 19 OCTOBRE 2021

REJET

M. SOULARD président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 19 OCTOBRE 2021


M. [X] [B], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 2e section, en date du 8 décembre 2020, qui, dans l'information suivie, sur sa plainte, contre personne non dénommée, du chef de harcèlement moral, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de Mme Thomas, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [X] [B], les observations de la SCP Gouz-Fitoussi, avocat de M. [W] [V], et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 21 septembre 2021 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Thomas, conseiller rapporteur, M. Bonnal, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. [B] a porté plainte et s'est constitué partie civile du chef de harcèlement moral au travail subi courant 2011, en invoquant notamment un contexte général de harcèlement moral au sein de la société qui l'employait.
3. M. [V], directeur général de la société, a été licencié en 2012 notamment du fait de méthodes de management ayant eu des conséquences graves sur l'état de santé des salariés et sur le climat social.
4. Par ordonnance du 25 septembre 2019, le juge d'instruction a déclaré n'y avoir lieu à suivre.
5. M. [B] a relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à suivre en l'état contre quiconque, alors :
« 1°/ qu'a violé les articles 222-33-2 du code pénal et L. 1152-1 du code du travail, dans leur rédaction applicable en l'espèce, la chambre de l'instruction qui a retenu que la caractérisation du délit de harcèlement moral était exclue quand le supérieur hiérarchique mettait en oeuvre des techniques de management perverses à l'égard de l'ensemble des salariés, et non pas seulement à l'égard d'un ou plusieurs salariés déterminés, et créait dans l'entreprise un climat social délétère à l'égard de tous, y compris quand, comme en l'espèce, ceci aurait entraîné, au moins pour un salarié déterminé, en l'occurrence M. [B], une dégradation de ses conditions de travail qui avait eu pour effet d'altérer sa santé et de compromettre son avenir professionnel ;
2°/ qu'en relevant que l'auteur des agissements reprochés n'avait pas pris délibérément pour cible un salarié ou un groupe de salariés en particulier, la chambre de l'instruction a conditionné la responsabilité pénale de l'auteur de ces agissements à une intention délibérée, de sa part, de porter atteinte à ses victimes, en violation des mêmes dispositions. »
Réponse de la Cour
6. Pour confirmer l'ordonnance de non-lieu du juge d'instruction, l'arrêt attaqué énonce, sur les faits de harcèlement managérial au travail dénoncés à l'encontre du directeur général, qu'il s'agit d'un mode de management autoritaire qui excède les limites du pouvoir de direction et qu'ainsi, les méthodes de gestion mises en oeuvre peuvent caractériser un harcèlement moral dès lors qu'elles se manifestent pour un salarié ou un groupe de salariés déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
7. Les juges ajoutent que le directeur général a fait l'objet d'un licenciement au motif principal que ses méthodes de management et de gestion du personnel avaient eu des conséquences graves sur l'état de santé des salariés et sur le climat social, que les juridictions du travail ont confirmé la cause réelle et sérieuse du licenciement et que la réalité d'un climat délétère et de méthodes de gestion entraînant un mal-être des salariés ressort de nombreux autres éléments du dossier.
8. Ils constatent que toutefois, les méthodes en cause s'appliquaient à l'ensemble des salariés sans distinction, sans viser particulièrement le demandeur.
9. Ils en concluent que contrairement à ce qu'indique celui-ci, les décisions des juridictions du travail n'ont pas affirmé que le mis en cause avait personnellement exercé des actes de harcèlement moral sur sa personne, mais ont considéré qu'il n'avait pas pris les mesures nécessaires pour mettre fin à la souffrance au travail des salariés de l'entreprise.
10. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction n'a pas méconnu les textes visés au moyen, pour les raisons qui suivent.
11. D'une part, elle a, sans dénaturation des faits ou de la règle de droit, retenu qu'il y avait lieu, pour caractériser en tous ses éléments constitutifs l'infraction de harcèlement moral prise de méthodes de management préjudiciables à l'ensemble des salariés, de rechercher si elles avaient eu pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié concerné susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, et elle a souverainement conclu que le dossier n'établissait pas que tel était le cas à l'égard du demandeur.
12. D'autre part, en statuant ainsi, elle n'a pas, même implicitement, exigé la démonstration d'une volonté délibérée du mis en cause de nuire à un salarié ou un groupe de salariés déterminé.
13. Dès lors, le moyen doit être rejeté.
14. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.




Soc. 5 mai 2021 n° 19-19.095

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
LG


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 5 mai 2021



Cassation

Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 492 F-D
Pourvoi n° Y 19-19.095





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 5 MAI 2021
Mme [X] [R], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Y 19-19.095 contre l'arrêt rendu le 9 mai 2019 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant à la société Somarvrac, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Pecqueur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de Mme [R], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Somarvrac, après débats en l'audience publique du 9 mars 2021 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Pecqueur, conseiller référendaire rapporteur, M. Pion, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 9 mai 2019), Mme [R] a été engagée à compter du 7 avril 1997 par la société Somarvrac en qualité de conseillère de vente.
2. En arrêt maladie à compter du 22 septembre 2014, elle a été déclarée inapte à toute poste dans l'entreprise en une seule visite à l'issue d'un examen médical réalisé par le médecin du travail le 19 janvier 2015.
3. Licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 9 février 2015, elle a saisi la juridiction prud'homale de demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. La salariée fait grief à l'arrêt de rejeter la demande de nullité du licenciement et de la débouter de ses demandes subséquentes, alors « que le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude médicale du salarié à son poste de travail que s'il a réalisé deux examens médicaux de l'intéressé espacés de deux semaines, accompagnés, le cas échéant, des examens complémentaires ; que seul le maintien du salarié à son poste de travail entraînant un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité ou celles des tiers ou la tenue d'un examen de préreprise dans un délai de trente jours au plus permettent au médecin du travail de constater l'inaptitude médicale du salarié à son poste de travail à l'issue d'un seul examen ; que l'inaptitude ne peut être déclarée après un seul examen médical que si la situation de danger ressort de l'avis du médecin du travail ou si cet avis indique outre la référence à l'article R. 4624-31 qu'une seule visite est effectuée ; qu'en décidant que la procédure de constatation de l'inaptitude médicale de Mme [R] était régulière après avoir constaté que l'avis du médecin du travail n'indiquait pas expressément l'existence d'une situation de danger immédiat pour la santé ou la sécurité de Mme [R] et qu'il résultait de la décision que l'article R. 4624-31 du code du travail n'était pas visé, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi violé l'article R. 4624-31 du code du travail dans sa rédaction applicable à la cause. »
Réponse de la Cour
Vu l'article R. 4624-31 du code du travail, dans sa rédaction issue du décret n° 2012-135 du 30 janvier 2012 :
5. Selon ce texte, le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude médicale du salarié à son poste de travail que s'il a réalisé deux examens médicaux de l'intéressé espacés de deux semaines, accompagnés, le cas échéant, des examens complémentaires. Lorsque le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité ou celles des tiers ou lorsqu'un examen de préreprise a eu lieu dans un délai de trente jours au plus, l'avis d'inaptitude médicale peut être délivré en un seul examen.
6. Pour rejeter la demande de nullité du licenciement présentée par la salariée, l'arrêt, après avoir constaté que l'inaptitude de la salariée avait été relevée à l'issue d'un seul examen médical du médecin du travail en date du 19 janvier 2015 et qui était libellé ainsi « inapte à la reprise du à son poste. Inapte à tout poste dans l'entreprise en une seule visite médicale », énonce que c'est donc en connaissance de cause que le médecin du travail l'a déclarée inapte après une seule visite et que, bien que l'avis ne l'indique pas expressément, il existait, aux yeux du médecin du travail une situation de danger immédiat pour la santé et la sécurité de Mme [R] qui justifiait que son inaptitude soit constatée selon la procédure accélérée.
7. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'avis du médecin du travail ne mentionnait pas l'existence d'un danger immédiat, la cour d'appel a violé le texte susvisé.




Soc. 5 mai 2021 n° 19-18.502

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
MA


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 5 mai 2021



Rejet

M. SCHAMBER, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 502 F-D
Pourvoi n° D 19-18.502



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 5 MAI 2021
La société Micropole Nord-Ouest, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommée Micropole Nord, a formé le pourvoi n° D 19-18.502 contre l'arrêt rendu le 26 avril 2019 par la cour d'appel de Douai (chambre sociale), dans le litige l'opposant à Mme [Y] [I], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Sornay, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Micropole Nord-Ouest, après débats en l'audience publique du 10 mars 2021 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Sornay, conseiller rapporteur, M. Rouchayrole, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 26 avril 2019), Mme [I] a été engagée le 18 octobre 2010 par la société Micropole Rhône-Alpes en qualité de consultante senior au statut cadre, position 2.3 coefficient 150 de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, dite Syntec.
2. Elle a saisi, le 21 décembre 2015, la juridiction prud'homale d'une action en résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur et paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.
3. Par courrier du 29 mars 2016, elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur, et a sollicité la requalification de sa prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Examen des moyens
Sur le second moyen, ci-après annexé
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée diverses sommes à titre de rappel de salaire (13è mois au prorata temporis), outre les congés payés afférents, et au titre des primes de vacances impayées, alors :
« 1°/ que l'article 31 de la convention nationale des bureaux d'études techniques, dite Syntec, stipule que l'ensemble des salariés bénéficie d'une prime de vacances d'un montant au moins égal à 10 % de la masse globale des indemnités de congés payés prévus par la convention collective de l'ensemble des salariés, et que toutes primes ou gratifications versées en cours d'année à divers titres et quelle qu'en soit la nature peuvent être considérées comme primes de vacances à condition qu'elles soient au moins égales aux 10 % prévus et qu'une partie soit versée pendant la période située entre le 1er mai et le 31 octobre ; que lorsque le contrat de travail prévoit, en plus des avantages dont bénéficie le salarié en vertu des règles applicables au sein de l'entreprise, le versement de la rémunération contractuelle sur treize mois, les parties peuvent prévoir expressément qu'un tel avantage intègre la prime de vacances de l'article 31 de la convention collective nationale Syntec ; qu'au cas présent, la société Micropole Nord-Ouest faisait valoir qu'il avait été convenu contractuellement avec Mme [I] d'intégrer la prime de vacances dans le paiement du treizième mois de rémunération ; que l'ensemble des avenants au contrat de Mme [I] indiquait que sa rémunération était versée sur treize mois et que "le treizième mois, incluant la prime de vacances conventionnelle est versé en deux fois aux mois de juin et décembre au prorata des rémunérations fixes perçues sur les mois de présence entre les deux échéances des semestres calendaires considérés" qu'en considérant que le treizième mois participait de la rémunération de Mme [I] mais ne pouvait constituer la prime de vacances prévue par l'article 31 de la convention collective nationale applicable aux bureaux d'études, cependant que les parties avaient contractuellement convenu d'intégrer la prime de vacances conventionnelle dans le treizième mois de la rémunération de la salariée, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 31 du texte conventionnel susvisé, ensemble l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable au litige ;
2°/ que le créancier ne peut obtenir deux fois le paiement d'une même créance ; que l'employeur ne saurait ainsi être condamné à payer au salarié le montant de la prime de vacances de l'article 31 de la convention collective nationale applicable aux bureaux d'études, dite Syntec, en sus de sa rémunération annuelle intégrant contractuellement cette prime conventionnelle ; qu'au cas présent, la société Micropole Nord-Ouest faisait valoir qu'il avait été convenu contractuellement avec Mme [I] d'intégrer la prime de vacances dans le paiement du 13ème mois de rémunération, comme le stipulait l'ensemble de ses avenants contractuels ; qu'en jugeant que la société Micropole Nord-Ouest restait redevable de la prime de vacances, sans rechercher si le treizième mois versé à Mme [I] ne représentait pas tout ou partie du montant de cette prime conventionnelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 31 de la convention collective nationale applicable au personnel des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils, et des articles 1134 et 1376 du code civil dans leur rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour
6. Aux termes de l'article L. 2254-1 du code du travail, lorsqu'un employeur est lié par les clauses d'une convention ou d'un accord, ces clauses s'appliquent aux contrats de travail conclus avec lui, sauf stipulations plus favorables.
7. Selon l'article 31 de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, l'ensemble des salariés bénéficie d'une prime de vacances d'un montant au moins égal à 10 % de la masse globale des indemnités de congés payés prévues par la convention collective de l'ensemble des salariés. Toutes primes ou gratifications versées au cours de l'année, à divers titres et quelle qu'en soit la nature, peuvent être considérées comme primes de vacances à condition qu'elles soient au moins égales aux 10 % prévus et qu'une partie soit versée pendant la période située entre le 1er mai et le 31 octobre.
8. Lorsque le treizième mois constitue, non une prime, mais une modalité de paiement du salaire, son versement ne saurait valoir prime de vacances, au sens de l'article 31 précité.
9. Ayant constaté que les parties étaient convenues d'un salaire annuel brut payé treize mois dans l'année, la cour d'appel, qui a fait ressortir que la prime de treizième mois était une modalité de paiement du salaire, a exactement retenu, sans avoir à procéder à une recherche inopérante, qu'elle ne saurait valoir prime de vacances au sens de l'article 31 de la convention collective applicable, nonobstant les stipulations contraires du contrat de travail qui ne pouvaient déroger aux dispositions plus favorables de la convention collective.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.




Soc. 3 mars 2021 n° 19-24.232

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.
IK


COUR DE CASSATION______________________

Audience publique du 3 mars 2021



Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyenfaisant fonction de président


Arrêt n° 285 F-D
Pourvoi n° H 19-24.232



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 3 MARS 2021
M. M... S..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° H 19-24.232 contre l'arrêt rendu le 20 décembre 2018 par la cour d'appel de Caen (chambre sociale, section 1), dans le litige l'opposant à la société Armatis Normandie, société en nom collectif, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Joly, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. S..., de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Armatis Normandie, après débats en l'audience publique du 13 janvier 2021 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Joly, conseiller référendaire rapporteur, Mme Sommé, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 20 décembre 2018), M. S... a été engagé à compter du 2 janvier 2007 par la société Armatis Normandie (la société), en qualité de superviseur.
2. Le 6 avril 2010, le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail.
3. Le 11 juin 2010, le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir des dommages-intérêts pour harcèlement moral et la requalification de sa prise d'acte en licenciement nul.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de dommages-intérêts au titre du harcèlement moral, de sa demande de prise d'acte de la rupture de son contrat de travail produisant les effets d'un licenciement nul, et de ses demandes de paiement des indemnités de rupture et de dommages-intérêts, et de le condamner à payer une somme à titre d'indemnité compensatrice de préavis, alors « que les juges doivent examiner les éléments invoqués par le salarié afin d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, y compris les documents médicaux, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; que le salarié a produit de nombreuses attestations, auditions de salariés recueillies dans le cadre de plusieurs plaintes pénales et extraits de presse faisant état des méthodes de management générant une souffrance au travail, le témoignage de Mme Q... faisant état de la situation de l'exposant, des documents médicaux concernant l'arrêt de travail dont il a fait l'objet en septembre et octobre 2009, la tentative de suicide sur son lieu de travail le 16 octobre 2009, l'hospitalisation ainsi que l'arrêt de travail et le suivi psychologique dont il a fait l'objet suite à cette tentative de suicide, la reprise à temps partiel thérapeutique à compter du 14 décembre 2019, le certificat du docteur D..., psychiatre, précisant que le salarié était suivi régulièrement depuis son hospitalisation, qu'il avait besoin d'une reprise d'activité qui devait être à temps partiel et éviter les pressions psychologiques dans ce domaine, les constatations du médecin du travail qui a notamment mentionné dans le dossier médical la tentative de suicide sur le lieu de travail pour "ras le bol professionnel" et l'absence de reconnaissance par ses supérieurs, ainsi que le courrier du salarié du 4 janvier 2010 pour demander la reconnaissance de l'accident du travail, faisant état des brimades et pressions subies, rejoignant les nombreux témoignages des autres salariés ainsi que son propre témoignage ; que la cour d'appel, qui n'a pas examiné l'intégralité des éléments invoqués par le salarié afin d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, y compris les documents médicaux, permettaient de présumer l'existence d'un harcèlement moral, a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1152-1 du code du travail et l'article L. 1154-1 du même code, dans sa rédaction applicable :
5. Pour débouter le salarié de ses demandes au titre du harcèlement moral, la cour d'appel a retenu que les éléments apportés par ce dernier portaient sur des considérations trop générales concernant les méthodes de gestion du centre d'appel dirigé par la société et que les agissements de harcèlement moral collectif dénoncés ne s'étaient pas manifestés personnellement pour le salarié déterminé qui s'en prévalait.
6. En se déterminant ainsi, par des motifs inopérants, alors qu'elle avait relevé que plusieurs salariés témoignaient, d'une part, de pressions en matière d'objectifs, imposées aux directeurs de projets, aux responsables de projets, aux chargés de terrain, aux superviseurs et aux téléconseillers par une organisation très hiérarchisée du directeur de site et qui se traduisaient par une surveillance des prestations décrite comme du "flicage" et, d'autre part, d'une analyse de leurs prestations qu'ils ressentaient comme une souffrance au travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Sur le second moyen, pris en sa première branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts au titre du manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité
Enoncé du moyen
7. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de dommages-intérêts au titre du manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité, alors « que la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation emportera censure de l'arrêt en ses dispositions relatives au manquement à l'obligation de sécurité et ce, en application de l'article 624 du code de procédure civile. »


Réponse de la Cour
8. La cassation sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, emporte cassation par voie de conséquence du chef du dispositif critiqué par le second moyen en ce qu'il fait grief à l'arrêt de débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts au titre du manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité.




Soc. 3 mars 2021 n° 19-20.791

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.
LG


COUR DE CASSATION______________________

Audience publique du 3 mars 2021



Cassation partielle sans renvoi

M. HUGLO, conseiller doyenfaisant fonction de président


Arrêt n° 282 F-D
Pourvoi n° S 19-20.791



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 3 MARS 2021
La société La Maison Bleue-Thiais,dont le siège est [...] , venant aux droits de la société Eveil et Sens, a formé le pourvoi n° S 19-20.791 contre l'arrêt rendu le 6 juin 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 5), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. E... H..., domicilié [...] ,
2°/ à Mme D... H..., domiciliée [...] ,
3°/ à M. S... H..., domicilié [...] ,
tous trois pris en leur qualité d'ayants droit de T... H...,
4°/ à M. Q... H..., domicilié [...] ,
défendeurs à la cassation.
MM. E... et S... H... et Mme D... H... ainsi que M. Q... H... ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Les demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Joly, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de la société La Maison Bleue-Thiais, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de MM. E... et S... H... et de Mme D... H... ainsi que de M. Q... H..., après débats en l'audience publique du 13 janvier 2021 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Joly, conseiller référendaire rapporteur, Mme Sommé, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 juin 2019), T... H... a été engagée suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du 10 septembre 2007 par la société Eveil et Sens, aux droits de laquelle vient la société La Maison Bleue-Thiais (la société), en qualité d'auxiliaire de puériculture.
2. Le 16 décembre 2008, elle a été élue en qualité de délégué du personnel titulaire et le 17 mars 2010, elle a été désignée en qualité de dé
3. Le 31 mars 2011, elle a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes en paiement.
4. T... H... étant décédée le [...], MM. E... H... et S... H... et Mme D... H... ont repris l'instance devant la cour d'appel en leur qualité d'ayants droit successoraux, ainsi que M. Q... H....
Examen des moyens
Sur les deux premiers moyens du pourvoi principal et le moyen du pourvoi incident, ci-après annexés
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le troisième moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
6. La société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à MM. E... H... et S... H... et Mme D... H..., en leur qualité d'ayants droit successoraux de leur mère T... H..., certaines sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents avec intérêts au taux légal à compter du 10 juin 2010, alors « que l'indemnité de préavis étant une créance de nature salariale, les intérêts moratoires ne peuvent courir qu'à compter de son exigibilité ; qu'en faisant courir les intérêts sur ces sommes à compter du 10 juin 2010, alors pourtant qu'elle avait constaté que si la salariée avait saisi, le 31 mars 2011, le conseil de prud'hommes de Créteil de ‘' demandes en paiement ‘', elle n'avait été licenciée que le 9 août 2013, la cour d'appel a violé l'article 1153 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
7. Les ayants droit de la salariée contestent la recevabilité du moyen. Il soutiennent qu'il est nouveau et mêlé de fait et de droit.
8. Cependant, le moyen étant de pur droit, il est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l'article 1153 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
9. La cour d'appel a fixé au 10 juin 2010 le point de départ des intérêts légaux sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents.
10. En statuant ainsi, alors que la salariée avait été licenciée le 9 août 2013 et que l'indemnité de préavis étant une créance de nature salariale, les intérêts moratoires ne peuvent courir qu'à compter de son exigibilité, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
11. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
12. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.




Soc. 3 février 2021 n° 18-20.812

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.
IK


COUR DE CASSATION______________________

Audience publique du 3 février 2021



Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyenfaisant fonction de président


Arrêt n° 181 F-D
Pourvoi n° U 18-20.812



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 3 FÉVRIER 2021
Mme K... R..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° U 18-20.812 contre l'arrêt rendu le 5 juin 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 11), dans le litige l'opposant à l'association l'International Council Of Museums, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
L'association l'International Council Of Museums a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation également annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de Mme R..., de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de l'association l'International Council Of Museums, après débats en l'audience publique du 9 décembre 2020 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 juin 2018), Mme R... a été engagée le 22 décembre 2008 par l'association l'International Council Of Museums (l'ICOM) en qualité de directeur administratif et financier.
2. La salariée a été licenciée, le 5 avril 2013, pour faute grave.
3. Elle a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le second moyen du pourvoi incident, qui est préalable
Enoncé du moyen
4. L'employeur fait grief à l'arrêt de juger que la salariée n'avait pas le statut de cadre dirigeant et de déclarer recevables ses demandes en rappel d'heures supplémentaires, alors :
« 1°/ que sont considérés comme cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement ; que la qualité de cadre dirigeant au sens de l'article L. 3111-2 du code du travail n'impose pas que le salarié se situe au niveau hiérarchique le plus élevé de l'entreprise et qu'il n'ait aucun supérieur hiérarchique ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que Mme R... assumait les fonctions de directrice administrative et financière, percevait l'une des plus haute rémunération de l'association, qu'elle disposait d'une délégation de pouvoir du directeur général, qu'en l'absence de ce dernier, toutes les directions de l'ICOM devaient se référer à elle et qu'elle devait se substituer à lui pour l'animation de la réunion hebdomadaire d'équipe, tout en notant que le directeur général passait ''une grande partie de son temps à l'étranger'', ce dont il se déduisait que Mme R... dirigeait concrètement l'ICOM une grande partie du temps ; qu'en jugeant pourtant que celle-ci ne pouvait prétendre au statut de cadre dirigeant, motif pris de ce que lui échappait la signature des courriers qui incombait au directeur général et que les décisions qu'elle était amenée à prendre ''dépassaient une gestion courante ou constituait des décisions stratégiques pour l'association'', la cour d'appel, qui a à la fois ajouté à la loi et omis de tirer les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article L. 3111-2 du code du travail ;
2°/ que sont des cadres dirigeants les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans l'entreprise ou leur établissement ; que pour l'appréciation de la qualité de cadre dirigeant, la participation à la direction de l'entreprise ne constitue pas un critère autonome et distinct se substituant aux trois critères légaux fixés par l'article L. 3111-2 du code du travail ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que Mme R... assumait les fonctions de directrice administrative et financière, percevait l'une des plus haute rémunération de l'association, qu'elle disposait d'une délégation de pouvoir du directeur général, qu'en l'absence de ce dernier, toutes les directions de l'ICOM devaient se référer à elle et qu'elle devait se substituer à lui pour l'animation de la réunion hebdomadaire d'équipe ; qu'en jugeant pourtant que celle-ci ne pouvait prétendre au statut de cadre dirigeant, au motif inopérant qu'elle devait être présente aux horaires des autres salariés dont elle était responsable et que la signature du courrier appartenait au directeur général, la cour d'appel a violé l'article L. 3111-2 du code du travail ;
3°/ qu'en l'espèce, l'exposante faisait valoir que Mme R... pouvait être amenée à assurer, par interim, en remplacement du directeur général, la gestion et le suivi de l'ICOM et que ''Mme J..., déléguée du personnel, qualifie d'ailleurs Mme R... de "directrice adjoint'''' ; qu'elle faisait encore valoir que Mme R... prenait de manière autonome toutes les décisions de gestion du personnel, que M. X... n'était pas en copie des courriels qu'elle adressait pour transmettre ses ordres et directives, et qu'elle ''gérait seule, ou en collaboration avec des subordonnés ou des prestataires, un nombre important de dossiers, couvrant tous les domaines'' ; qu'en occultant ces éléments déterminants dont il s'induisait que Mme R... disposait de la qualité de cadre dirigeant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3111-2 du code du travail. »


Réponse de la Cour
5. Selon l'article L. 3111-2 du code du travail, sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement.
6. Ayant constaté, après avoir examiné les fonctions réellement exercées par la salariée, que cette dernière ne jouissait pas d'une réelle autonomie de son emploi du temps, étant tenue d'être présente au siège de l'association aux heures de présence des autres salariés, la cour d'appel a pu déduire, de cette seule constatation, qu'elle n'avait pas la qualité de cadre dirigeant.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur les premier, troisième, quatrième, cinquième moyens du pourvoi principal de la salariée et le premier moyen du pourvoi incident de l'employeur, ci-après annexés
8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le deuxième moyen du pourvoi principal, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
9. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de condamnation de l'employeur à lui verser une indemnité forfaitaire pour non-respect des repos quotidien et hebdomadaire, alors « que les juges du fond ont débouté Mme R... de sa demande indemnitaire pour non-respect des repos quotidien et hebdomadaire, au prétexte que les heures supplémentaires qu'elle avait effectuées avaient donné lieu à des repos compensateurs qui avaient été pris ou avaient été indemnisés lors du solde de tout compte, et qu'aucun élément ne laissait présumer qu'elle n'avait pas bénéficié des repos quotidien et hebdomadaire, cependant que certains salariés attestaient qu'elle arrivait souvent tardivement ; qu'en statuant par ces motifs, impropres à caractériser que l'ICOM établissait qu'elle aurait respecté les temps de repos quotidien et hebdomadaire de l'exposante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3131-1, L. 3132-1 et L. 3132-2 du code du travail, le premier de ces textes pris en sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1315, devenu l'article 1353, du code civil :
10. Selon ce texte, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le payement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
11. Il en résulte que la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l'employeur.
12. Pour débouter la salariée de sa demande de condamnation de l'employeur à lui verser une indemnité forfaitaire pour non-respect des repos quotidien et hebdomadaire, l'arrêt retient qu'aucun élément déterminant ne permet de laisser même présumer que l'intéressée n'a pas bénéficié du respect du repos quotidien et hebdomadaire alors même que certains salariés attestent qu'elle arrivait souvent tardivement.
13. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé le texte susvisé.




Soc. 27 janvier 2021 n° 19-12.952

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.
LG


COUR DE CASSATION______________________

Audience publique du 27 janvier 2021



Rejet

Mme LEPRIEUR, conseiller doyenfaisant fonction de président


Arrêt n° 118 F-D
Pourvoi n° W 19-12.952



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 27 JANVIER 2021
Mme U... B..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° W 19-12.952 contre l'arrêt rendu le 28 novembre 2018 par la cour d'appel de Poitiers (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Socovet Sistem, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Le Corre, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme B..., de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Socovet Sistem, après débats en l'audience publique du 1er décembre 2020 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Le Corre, conseiller référendaire rapporteur, Mme Le Lay, conseiller, Mme Laulom, avocat général, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 28 novembre 2018), Mme B..., engagée le 1er octobre 1979 par la société Socovet sistem en qualité de secrétaire, occupait en dernier lieu les fonctions de responsable administratif et logistique, statut cadre. Elle a été licenciée pour faute grave le 18 mars 2015.
2. La salariée a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes au titre de la rupture de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
4. Mme B... fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande tendant au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis conventionnelle et des congés payés afférents, alors « qu'en vertu de l'article 9 de l'annexe IV à la convention collective nationale des industries de l'habillement du 17 février 1958, les cadres ayant plus de 3 ans de présence dans l'entreprise bénéficient d'un préavis de quatre mois en cas de licenciement sans qu'il y ait lieu de distinguer selon la cause de ce licenciement; qu'en déboutant la salariée de sa demande à ce titre au seul motif que son licenciement pour faute grave serait fondé, la cour d'appel a violé l'article 9 de l'annexe IV à la convention collective nationale des industries de l'habillement du 17 février 1958. »
Réponse de la Cour
5. Sauf dispositions conventionnelles plus favorables, l'existence d'une faute grave justifiant le licenciement prive le salarié du bénéfice de l'indemnité de préavis.
6. Selon l'article 9 de l'annexe IV "Ingénieurs et cadres" de la convention collective nationale des industries de l'habillement du 17 février 1958, dans sa rédaction antérieure à l'accord du 3 septembre 2019, en cas de licenciement d'un cadre ayant plus de 3 ans de présence dans l'entreprise, la durée du préavis est portée à 4 mois.
7. Une telle stipulation ne constitue pas une disposition plus favorable en ce qui concerne le bénéfice de l'indemnité de préavis en cas de licenciement justifié par une faute grave.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.




Soc. 20 janvier 2021 n° 19-17.503

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.
MA


COUR DE CASSATION______________________

Audience publique du 20 janvier 2021



Rejet

Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 83 F-D
Pourvoi n° T 19-17.503



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 20 JANVIER 2021
M. K... M..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° T 19-17.503 contre l'arrêt rendu le 7 février 2019 par la cour d'appel d'Orléans (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société [...], société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Pecqueur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. M..., de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [...], et après débats en l'audience publique du 24 novembre 2020 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Pecqueur, conseiller référendaire rapporteur, M. Ricour, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 7 février 2019), M. M... a été engagé le 20 octobre 1986 en qualité de conducteur régleur par la société [...].
2. A l'initiative de l'employeur, le médecin du travail a examiné le salarié le 6 avril 2012 et l'a déclaré « apte à l'essai sur un poste ou une machine comportant le moins de gestes répétitifs possible ».
3. Interrogé par l'employeur le 22 juin 2012, le médecin du travail a préconisé un essai d'une semaine sur le poste de conducteur machine Holweg simple piste.
4. Licencié pour faute grave par lettre du 3 septembre 2012, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de sécurité, alors :
« 1°/ qu'il appartient à l'employeur de justifier avoir pris toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ; que la cour d'appel a jugé que l'employeur a respecté l'obligation de sécurité pour la raison que le salarié ne démontre pas qu'il s'est plaint à de multiples reprises des mauvaises conditions de travail qu'il subissait sur la machine Roto 8, ni que de nombreux accidents sont survenus sur cette machine, ni qu'il a exercé son droit de retrait en mars 2011 ; qu'en statuant ainsi, quand il appartient à l'employeur de justifier qu'il a pris toutes les mesures nécessaires, la cour d'appel a violé les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ;
2°/ qu'il appartient à l'employeur de justifier avoir pris toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ; qu'en faisant grief au salarié de n'avoir pas rapporté la preuve que les nombreux postes adaptés à ses problèmes de santé étaient disponibles, quand il incombe à l'employeur de justifier avoir pris toutes les mesures nécessaires, la cour d'appel a derechef violé les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail. »
Réponse de la Cour
6. Ayant relevé que l'employeur avait, à la suite de la constatation de la non conformité du paquetiseur de la machine sur laquelle travaillait le salarié, écrit à ce dernier pour lui demander de rester chez lui, consulté le médecin du travail puis suivi les préconisations de celui-ci, la cour d'appel en a déduit, sans encourir le grief du moyen, qu'il avait ainsi pris les précautions nécessaires pour préserver la santé du salarié.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
8. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire le licenciement fondé sur une faute grave et de le débouter de ses demandes d'indemnité de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis et de dommages-intérêts, alors :« 1°/ que ne commet pas de faute grave le salarié qui refuse le poste proposé à la suite de l'avis du médecin du travail le déclarant apte à l'essai en invoquant l'absence de conformité du poste proposé audit avis ; que dans ce cas, il appartient à l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité, de solliciter l'avis du médecin du travail ; qu'en estimant que le salarié, en refusant de rejoindre son poste comme l'employeur le lui demandait, a fait preuve d'insubordination et d'abandon de poste, constitutifs de faute grave, quand l'employeur, tenu de consulter à nouveau le médecin du travail, s'en est abstenu, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-5, L. 1234-9, L. 1235-1 et L. 4624-1 du code du travail ;
2°/ que la contestation formée par le salarié devant l'inspecteur du travail de l'avis émis par le médecin du travail sur son aptitude à occuper un emploi peut être introduite après la prise d'effet du licenciement de l'intéressé ; qu'en se fondant sur l'absence de contestation devant la juridiction administrative de l'avis d'aptitude avec restrictions à l'essai du médecin du travail pour dire justifié le licenciement prononcé pour abandon de poste et insubordination, la cour d'appel a violé l'article L. 4624-1 du code du travail ;
3°/ que le droit de retrait peut être exercé lorsque le salarié a un motif raisonnable de penser que la situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ; qu'en retenant que, à défaut d'avoir effectué l'essai demandé par l'employeur, le salarié ne pouvait raisonnablement se prévaloir d'un danger grave et imminent pour sa vie et sa santé, la cour d'appel, qui a ajouté une condition qui ne figure pas dans la loi, a violé l'article L. 4131-1 du code du travail ;
4°/ que le droit de retrait peut être exercé lorsque le salarié a un motif raisonnable de penser que la situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ; qu'en se bornant à retenir que faute pour lui d'avoir effectué l'essai demandé par l'employeur, le salarié ne peut raisonnablement se prévaloir d'un danger grave et imminent sans rechercher, comme elle y était invitée, si le poste à l'essai n'était pas contraire aux réserves émises par le médecin du travail quant aux gestes de prise avec pince qu'il impliquait, peu important que le salarié n'ait pas informé immédiatement l'employeur de ce qu'il entendait exercer son droit de retrait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 4131-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
13. La cour d'appel a retenu, par une appréciation souveraine, que le salarié n'avait pas de motif raisonnable de penser que l'essai, qui avait été préconisé, après déplacement dans l'atelier et étude du poste proposé par l'employeur, par le médecin du travail, dont l' avis n'avait pas été contesté, présentait un danger grave et imminent pour sa santé.
14. Le moyen, qui, en ses deux premières branches, manque en fait, n'est pas fondé pour le surplus.




Soc. 6 janvier 2021 n° 19-14.747

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.
LG


COUR DE CASSATION______________________

Audience publique du 6 janvier 2021



Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyenfaisant fonction de président


Arrêt n° 20 F-D
Pourvoi n° X 19-14.747



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 JANVIER 2021
La fédération des Associations pour adultes et jeunes handicapés, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° X 19-14.747 contre l'arrêt rendu le 27 février 2019 par la cour d'appel de Reims (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. C... U..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Cavrois, conseiller, les observations de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la fédération des Associations pour adultes et jeunes handicapés, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. U..., après débats en l'audience publique du 12 novembre 2020 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Cavrois, conseiller rapporteur, Mme Monge, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 27 février 2019), M. U... a été engagé à compter du 16 septembre 2013, en qualité de chef de service éducatif, par la fédération des Associations pour adultes et jeunes handicapés (ci-après APAJH).
2. Invoquant notamment le non-paiement d'heures supplémentaires et affirmant avoir subi un harcèlement moral, le salarié a saisi la juridiction prud'homale le 21 juillet 2016 aux fins de résiliation judiciaire de son contrat de travail. Il a été licencié le 28 juillet 2016.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche, et sur le second moyen, ci-après annexés
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
Enoncé du moyen
4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié certaines sommes à titre de rappel d'heures supplémentaires de 2013 à 2015 inclus, outre congés payés afférents, à titre de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité résultant de la violation des amplitudes maximales de temps de travail et des temps de repos, à titre de reliquat d'indemnité conventionnelle de licenciement, à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé et de prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail et juger qu'elle produisait les effets d'un licenciement nul et condamner par conséquent l'employeur à lui payer une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, alors :
« 2°/ que la société exposante avait notamment fait valoir et démontré de manière détaillée que le salarié avait régulièrement perçu les indemnités d'astreinte qui lui étaient dues et qu'au titre des heures supplémentaires dont il demandait le règlement, par exemple au titre de la période du mois de juin 2015, figuraient de prétendues heures de travail effectif durant les astreintes, sans qu'aucune intervention ne lui ait été demandée, ni qu'aucune situation d'urgence ou de nécessité ne justifie son intervention ou l'accomplissement d'un quelconque travail alors qu'il se trouvait à son domicile ; qu'en allouant au salarié l'intégralité de la somme qu'il réclamait au titre des heures supplémentaires, soit 104 972,62 euros, outre congés payés y afférents, sans nullement se prononcer sur ce moyen propre à démontrer qu'une partie au moins des heures supplémentaires dont il demandait le paiement n'était nullement justifiée, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
3°/ que la cassation de l'arrêt en ce qu'il a condamné l'employeur à payer à M. U... les sommes de 104 972,62 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires de 2013 à 2015 inclus, outre congés payés y afférents, entrainera par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, sa censure en ce qu'il l'a également condamnée à payer 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité de résultat résultant de la violation des amplitudes maximales de temps de travail et des temps de repos, de 10 470,94 euros à titre de reliquat d'indemnité conventionnelle de licenciement, de 38 458,38 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé et en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire de son contrat de travail et jugé qu'elle produisait les effets d'un licenciement nul et condamné par conséquent l'employeur à lui payer la somme de 44 800 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, ces chefs de dispositif de l'arrêt étant dans un lien de dépendance nécessaire. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
5. Selon ce texte, le jugement doit être motivé et le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs.
6. Pour condamner l'employeur à verser un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, l'arrêt retient que sauf à soutenir que les heures réalisées par son salarié n'ont pas été commandées par l'employeur, soulignant notamment que celui-ci pouvait, le soir, ou le week-end, adresser des mails en réponse sur des points non urgents, l'employeur n'a produit aucun élément sur le temps de travail effectivement réalisé par son salarié, qu'il n'a pu ignorer, au regard des tâches qui lui étaient confiées, mais aussi de l'heure matinale ou tardive à laquelle certains mails ont pu lui être transmis, sur laquelle il ne justifie pas avoir alerté son salarié. L'arrêt en déduit que même si ces heures supplémentaires n'ont pas été commandées par l'employeur, celui-ci, qui n'en ignorait pas la réalité, en a implicitement accepté l'exécution, que même s'il soutient que les heures supplémentaires éventuellement effectuées devaient être récupérées, l'employeur ne rapporte pas la preuve que son salarié a été rempli de son droit à récupération.
7. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de l'employeur, qui soutenait n'avoir jamais demandé au salarié d'accomplir un travail au service de l'entreprise pendant ses temps d'astreinte, de sorte que le décompte d'heures supplémentaires invoqué par le salarié, qui incluait des heures de travail prétendument effectuées à domicile pendant les temps d'astreinte, pour lesquels il percevait une contrepartie financière, lesdites heures ne pouvant être décomptées comme étant du temps de travail effectif, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
8. La cassation du chef de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur au paiement d'un rappel d'heures supplémentaires entraîne, par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs de dispositif allouant à M. U... les sommes de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité résultant de la violation des amplitudes maximales de temps de travail et des temps de repos, de 10 470,94 euros à titre de reliquat d'indemnité conventionnelle de licenciement, de 38 458,38 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé et de 44 800 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.




Soc. 9 décembre 2020 n° 19-13.470 B

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.
MF


COUR DE CASSATION______________________

Audience publique du 9 décembre 2020



Cassation partielle

M. CATHALA, président


Arrêt n° 1168 FS-P+B
Pourvoi n° J 19-13.470



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 DÉCEMBRE 2020
M. O... Y..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° J 19-13.470 contre l'arrêt rendu le 10 janvier 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 7), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Ramp Terminal one, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...] ,
2°/ au Défenseur des droits, dont le siège est [...] ,
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Van Ruymbeke, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. Y..., de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la société Ramp Terminal One, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat du Défenseur des droits, et l'avis de Mme Molina, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 octobre 2020 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Van Ruymbeke, conseiller rapporteur, Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen, MM. Pion, Ricour, Mmes Capitaine, Gilibert, conseillers, M. Duval, Mmes Valéry, Pecqueur, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 janvier 2019), M. Y... a été engagé le 1er novembre 2009, avec reprise d'ancienneté au 19 janvier 2000, par la société Ramp Terminal One, en qualité d'assistant avion 1.
2. Estimant faire l'objet d'actes de discrimination et de harcèlement depuis notamment sa désignation en qualité de délégué syndical et invoquant un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes de dommages-intérêts.
Examen des moyens
Sur le troisième moyen, ci -après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de dommages-intérêts pour violation par l'employeur de son obligation de sécurité de résultat, alors :
« 1°/ que tout salarié dispose d'un droit à la santé et au repos constitutionnellement et conventionnellement garanti ; que la méconnaissance par l'employeur des préconisations du médecin du travail qui indique l'existence d'un risque grave, spécifique et identifié, en cas de conduite d'un certain types d'engins, commet une faute qui cause nécessairement un préjudice au salarié, privé ainsi du droit constitutionnellement et conventionnellement garanti à la préservation de sa santé ; qu'en déboutant M. Y... de sa demande au motif qu'il ne justifiait pas du préjudice qui résultait du manquement de l'employeur à l'obligation de suivre les préconisations du médecin du travail lequel avait interdit son affectation à la conduite d'un engin aéroportuaire lourd, la cour d'appel a violé l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail dans leur rédaction alors applicable, interprété à la lumière de l'article 5.1 de la directive 89/391 du 12 juin 1989 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
2°/ que lorsque le salarié justifie d'une dégradation de son état de santé corrélative à la violation par l'employeur de son obligation de sécurité de résultat il appartient à ce dernier d'apporter la preuve de l'absence de lien entre eux ; qu'en reprochant au salarié de ne pas avoir apporté la preuve d'un tel lien, la cour d'appel qui a inversé la charge de la preuve, a violé les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et 1315, devenu 1353, du code civil. »
Réponse de la Cour
5. L'existence d'un préjudice et l'évaluation de celui-ci relèvent du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond.
6 . La cour d'appel, dans l'exercice de son pouvoir souverain, a constaté que le salarié se bornait à une déclaration de principe d'ordre général sans caractériser l'existence d'un préjudice dont il aurait personnellement souffert.7. Le moyen, inopérant en sa seconde branche, n'est pas fondé pour le surplus.
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
8. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral, alors que lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments étrangers à tout harcèlement ; qu'en déboutant M. Y... de ses demandes aux motifs que ni le maintien d'un salarié sur son poste correspondant à ses fonctions, son expérience et ses qualifications, même au détriment des prescriptions et restrictions du médecin du travail, ni le refus de mobilité professionnelle, ni celui d'accorder des heures supplémentaires qui relèvent du pouvoir de direction de l'employeur, ni la régularisation tardive des heures de délégation du salarié après rappel à l'ordre de l'inspecteur du travail, ni la dégradation constatée de l'état de santé du salarié dont il n'est pas établi qu'elle serait en lien avec le comportement de l'employeur, n'étaient de nature à laisser supposer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel qui a en réalité fait peser sur le seul salarié la charge de la preuve du harcèlement moral, a violé l'article L. 1154-1 du code du travail. »
Réponse de la cour
Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail, le second dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :
9. Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
10. Pour rejeter les demandes formées au titre d'un harcèlement moral, l'arrêt retient que ni le maintien d'un salarié sur son poste correspondant à ses fonctions, son expérience et ses qualifications, même au détriment des prescriptions et restrictions du médecin du travail, ni le refus de mobilité professionnelle ni celui d'accorder des heures supplémentaires ne caractérisent des méthodes de gestion ayant pour objet ou pour effet de dégrader les conditions de travail du salarié susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
11. Il ajoute que les conditions d'emploi du salarié n'ont pas entraîné de dégradation de son état de santé, que les instances représentatives du personnel n'ont jamais été alertées, que la régularisation tardive des heures de délégation s'explique par le retard de transmission du salarié et par le débat qu'il y a eu entre l'employeur et le salarié sur la possibilité de les prendre durant les arrêts de travail. Il conclut que la matérialité d'éléments de faits précis et concordants qui, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement, n'est pas démontrée.
12 .En statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait d'examiner les éléments invoqués par le salarié, de dire s'ils étaient matériellement établis, et, dans l'affirmative, d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettaient de présumer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve de l'existence du harcèlement moral sur le seul salarié, a violé les textes susvisés.




Soc. 9 décembre 2020 n° 19-16.473

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.
LG


COUR DE CASSATION______________________

Audience publique du 9 décembre 2020



Rejet

Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyenfaisant fonction de président


Arrêt n° 1162 F-D
Pourvoi n° Y 19-16.473





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 DÉCEMBRE 2020
Mme Q... Y..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° Y 19-16.473 contre l'arrêt rendu le 14 mars 2019 par la cour d'appel de Chambéry (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société MMA Gestion, société anonyme à conseil d'administration, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Pecqueur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme Y..., de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société MMA Gestion, après débats en l'audience publique du 20 octobre 2020 où étaient présentes Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Pecqueur, conseiller référendaire rapporteur, Mme Capitaine, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 14 mars 2019), Mme Y... a été engagée à compter du 1er février 2008 par la société Assur'banque conseil en qualité de chargée de clientèle, classe IV, au poste de responsable de la branche assurances de personnes et assurances collectives.
2. A compter du 1er avril 2015, le contrat de travail de la salariée a été transféré à la société MMA Gestion.
3. Placée en arrêt de travail du 5 août 2015 au 29 août 2015, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande tendant à voir juger que l'employeur a commis une faute en modifiant sans son consentement préalable son contrat de travail, alors :
« 1°/ que la transformation des fonctions d'un salarié constitue une modification du contrat de travail même si cette modification n'entraîne ni déclassement ni perte de salaire ; que la cour qui, bien qu'elle ait constaté que Mme Y..., engagée en qualité de chargée de clientèle afin de former et animer le personnel des différentes agences et d'augmenter le chiffre d'affaires de l'agence, s'était vue imposer une réduction du nombre de ses rendez-vous avec le personnel des agences, des inspecteurs MMA étant désormais affectés au soutien de celui-ci et ses nom et fonctions n'étant plus mentionnés au titre des personnes intervenant en soutien lors des réunions d'information organisées par les représentants, inspecteurs, responsables de secteur et managers de l'entreprise, a néanmoins, pour juger qu'aucune modification du contrat de travail de la salariée n'était établie, énoncé que sa rémunération n'avait pas été modifiée, que les attestations versées aux débats réaffirmaient les fonctions contractuellement fixées et que la réduction du nombre des rendez-vous intervenait dans un contexte de transfert des activités de son ancien employeur, de la réorganisation provoquée par ces transferts avec notamment les recherches et équipements de nouveaux locaux de quatre agences au lieu de cinq avec déménagement des dossiers, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait au contraire que l'employeur avait imposé à la salariée un appauvrissement de ses missions et de ses responsabilités et, partant, modifié le contrat de travail sans l'accord de cette dernière, violant ainsi l'article L. 1221-1 du code du travail ;
2°/ que la salariée soutenait dans ses conclusions d'appel que lors d'un entretien en date du 16 juillet 2015, Mme R..., directrice générale de la société MMA Gestion, avait reconnu que ses fonctions avaient été modifiées, indiquant à la salariée qu'elle n'avait pas un poste de manager et pas la fonction d'animer ou d'encadrer les collaborateurs de l'entreprise, mais qu'en dépit de ce changement, aucun avenant au contrat de travail ne lui serait proposé et versait aux débats, preuve à l'appui, en pièce n° 11 de son bordereau de communication de pièces annexé à ses écritures d'appel, le compte rendu de l'entretien du 16 juillet 2015 ; qu'en énonçant, pour juger qu'aucune modification du contrat de travail de la salariée n'était établie, qu'aucun changement dans les attributions contractuelles de la salariée n'était établi, la cour d'appel n'a ainsi pas répondu au moyen précité qui était pourtant de nature à démontrer le contraire et a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
5. La cour d'appel a retenu, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, que les attributions de la salariée n'avaient pas été modifiées et que ses responsabilités n'avaient pas été remises en cause.
6. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
7. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande au titre du harcèlement moral, alors :
« 1°/ que la cassation à intervenir sur le fondement du premier moyen entraînera nécessairement par voie de conséquence l'annulation de l'arrêt attaqué en ce qu'il a débouté Mme Y... de sa demande au titre du harcèlement moral, par application de l'article 625, alinéa 2, du code de procédure civile ;
2°/ que les méthodes de gestion et d'organisation du travail mises en oeuvre par un supérieur hiérarchique caractérisent un harcèlement moral lorsqu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que la cour d'appel en se fondant, pour dire que les nouvelles conditions de travail imposées à l'exposante comme les discussions engagées dans le cadre des rémunérations, mutuelle, décompte des congés ne permettaient pas de présumer l'existence d'un harcèlement moral et la débouter, en conséquence, de sa demande au titre du harcèlement moral, sur la circonstance inopérante que les perturbations et discussions avaient concerné l'ensemble des salariés et non elle seule, circonstance qui n'était pourtant pas de nature à excuser le comportement de l'employeur à l'endroit de l'exposante, a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
8. Le rejet du premier moyen rend sans objet la première branche du moyen, qui invoque une cassation par voie de conséquence.
9. Sous le couvert de grief non fondé de violation de la loi, le moyen ne tend en sa seconde branche qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine par la cour d'appel des éléments de fait et de preuve dont elle a déduit l'absence de mise à l'écart de la salariée.
Sur les troisième et quatrième moyens, ci-après annexés
10. Le rejet des deux premiers moyens rend sans objet les troisième et quatrième moyens invoquant une cassation par voie de conséquence en application de l'article 624 du code de procédure civile.




Soc. 2 décembre 2020 n° 19-20.546

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.
IK


COUR DE CASSATION______________________

Audience publique du 2 décembre 2020



Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyenfaisant fonction de président


Arrêt n° 1142 F-D
Pourvoi n° A 19-20.546



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 DÉCEMBRE 2020
Mme F... U..., épouse L..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° A 19-20.546 contre l'arrêt rendu le 31 mai 2019 par la cour d'appel de Besançon (chambre sociale), dans le litige l'opposant à l'Association chantiers environnement, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ott, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme U..., de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de l'Association chantiers environnement, après débats en l'audience publique du 14 octobre 2020 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ott, conseiller rapporteur, Mme Lanoue, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 31 mai 2019), Mme U..., engagée suite à des contrats emploi solidarité et emploi consolidé à compter du 22 février 2001 par l'Association chantiers environnement (l'association) pour un emploi de secrétariat et suivi de chantiers, a été classée assistante administrative à compter du 1er septembre 2013. Après trois sanctions disciplinaires, dont une mise à pied de cinq jours notifiée le 23 janvier 2015, elle a été licenciée pour faute le 16 juillet 2015.
2. Estimant avoir été victime d'un harcèlement moral, elle a saisi le 11 septembre 2017 la juridiction prud'homale aux fins de dire son licenciement nul, subsidiairement sans cause réelle et sérieuse, et aux fins de paiement de diverses sommes.
Examen des moyens
Sur le deuxième moyen, pris en ses troisième, quatrième, cinquième, sixième, septième, huitième et dixième branches, sur le troisième moyen et sur le quatrième moyen, ci-aprè
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le deuxième moyen, pris en ses deuxième et neuvième branches
Enoncé du moyen
4. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande visant à voir prononcer la nullité de son licenciement pour harcèlement moral et en conséquence de ses demandes formées à ce titre, alors :
« 2°/ que les juges doivent rechercher si les éléments invoqués par le salarié, pris dans leur ensemble, y compris les documents médicaux, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que la salariée avait fait l'objet de plusieurs sanctions disciplinaires et qu'elle produisait plusieurs documents et témoignages attestant du comportement violent et agressif du directeur ainsi que des documents médicaux attestant de la dégradation de son état de santé ; que la cour d'appel, qui n'a pas recherché si ces éléments, pris dans leur ensemble, y compris les documents médicaux, permettaient de présumer l'existence d'un harcèlement moral, a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
9°/ que la cour d'appel a retenu que la salariée n'avait pas contesté les sanctions et qu'elle ne saurait sérieusement prétendre que ces procédures disciplinaires n'étaient pas fondées, l'employeur versant aux débats des pièces démontrant l'existence de fautes et de négligences que l'exposante a admises dans un courrier du 30 janvier 2015 ; qu'en statuant comme elle l'a fait, quand la salariée avait contesté la mise à pied du 23 janvier 2015 devant la juridiction prud'homale et qu'il lui appartenait de rechercher, comme elle y était invitée, si la sanction avait été notifiée le jour même de l'entretien préalable, si la sanction était licite au regard du règlement intérieur et si les éventuelles erreurs qui lui étaient reprochées à la salariée ne trouvaient pas leur cause dans les conditions de travail qu'elle subissait ainsi qu'elle l'avait indiqué dans le courrier adressé à l'employeur le 30 janvier 2015, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
5. Le moyen ne tend, sous le couvert de griefs de manque de base légale, qu'à contester l'appréciation souveraine par la cour d'appel des éléments de preuve et de fait dont elle a, exerçant les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1154-1 du code du travail et sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, déduit que partie des faits invoqués par la salariée n'étaient pas établis et que les autres faits, pris dans leur ensemble, ne permettaient pas de présumer l'existence d'un harcèlement moral.
6. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
7. La salariée fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable en raison de la prescription la demande d'annulation de la mise à pied prononcée le 23 janvier 2015, alors « que les fins de non recevoir doivent figurer dans le dispositif des conclusions ; qu'en déclarant irrecevable en raison de la prescription la demande d'annulation de la mise à pied, quand la fin de non recevoir tirée de la prescription ne figurait pas dans le dispositif des conclusions de l'employeur, la cour d'appel a violé les article 4 et 954 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
8. L'employeur conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que le moyen est nouveau puisque l'irrecevabilité de la fin de non-recevoir n'a jamais été soulevée par la salariée devant la cour d'appel.
9. Cependant il résulte des dispositions de l'article 619 du code de procédure civile que n'est pas irrecevable le moyen né de la décision attaquée.
10. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l'article 954, alinéas 2 et 3, du code de procédure civile :
11. Il résulte de ce texte que les prétentions des parties formulées dans leurs conclusions d'appel sont récapitulées sous forme de dispositif et que la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.
12. Pour déclarer irrecevable en raison de la prescription la demande d'annulation formée par la salariée de sa mise à pied prononcée le 23 janvier 2015, l'arrêt retient que l'employeur soutient que cette prétention est irrecevable en raison de la prescription, que la salariée a contesté la première fois cette sanction lors de la saisine du conseil des prud'hommes le 11 septembre 2017, soit au-delà du délai de deux ans de l'article L. 1471-1 du code du travail, que la demande est donc prescrite.
13. En statuant ainsi, en considération d'une fin de non-recevoir qui ne figurait pas dans le dispositif des conclusions de l'employeur, de sorte qu'elle n'en était pas saisie, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
14. La cassation sur le premier moyen, pris en sa première branche, est sans effet sur le chef du dispositif critiqué par la première branche du deuxième moyen en l'absence de lien de dépendance nécessaire.




Soc. 4 novembre 2020 n° 19-15.901

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.
LG


COUR DE CASSATION______________________

Audience publique du 4 novembre 2020



Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyenfaisant fonction de président


Arrêt n° 984 F-D
Pourvoi n° B 19-15.901



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 NOVEMBRE 2020
La société Distrilec, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° B 19-15.901 contre l'arrêt rendu le 22 février 2019 par la cour d'appel de Rennes (8e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme M... B..., domiciliée [...] ,
2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [...] ,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Chamley-Coulet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Distrilec, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme B..., après débats en l'audience publique du 16 septembre 2020 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Chamley-Coulet, conseiller référendaire rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 22 février 2019), Mme B... a été engagée le 1er juillet 1987 en qualité de comptable par la société Distrilec. Après avoir été promue chef comptable le 1er juin 1996, la salariée a été nommée le 1er décembre 1999 en qualité de responsable financier, statut cadre. A la suite d'une intervention chirurgicale programmée le 30 mai 2012, la salariée a été placée en arrêt de travail, lequel a fait l'objet de prolongations jusqu'au 30 septembre 2012. A l'issue de la visite de reprise du 1er octobre 2012, elle a été déclarée inapte à tous les postes dans l'entreprise. Le 15 octobre 2012, l'employeur a adressé à la salariée une offre de reclassement au sein de l'entreprise Texier Electricité, qu'elle a refusée. Le 31 octobre 2012, la salariée a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement avant d'être licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 3 novembre 2012.
2. Le 2 août 2013, la salariée a saisi la juridiction prud'homale en contestation de son licenciement en invoquant notamment des faits de harcèlement moral.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
3. L'employeur fait grief à l'arrêt de déclarer nul le licenciement de la salariée et de le condamner à lui payer à ce titre une certaine somme ainsi qu'une somme à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés y afférents et une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de le débouter de ses demandes reconventionnelles, alors « qu' aux termes de l'article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être licencié pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ; que selon l'article L.1152-3 du même code, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L.1152-1 et L.1152-2 est nulle ; qu'il en résulte que la constatation, par le juge prud'homal, de ce que le salarié a été victime d'un harcèlement moral n'entraîne la nullité de son licenciement pour inaptitude que si un lien de causalité est établi avec certitude entre ce harcèlement et cette inaptitude ; qu'en prononçant la nullité du licenciement de Mme B... sans caractériser de lien entre le harcèlement moral et le licenciement pour inaptitude intervenu à la suite d'une intervention chirurgicale sur le canal carpien et un arrêt de travail puis une visite de reprise qui s'en étaient suivis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1226-2-1, L.1152-2 et L.1152-3 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1152-2 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n°2012-954 du 6 août 2012 et l'article L. 1152-3 du même code :
4. Après avoir énoncé qu'un licenciement intervenu dans un contexte de harcèlement moral est nul, l'arrêt retient que la salariée établit des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement, que l'employeur ne prouve pas que ses comportements à l'égard de la salariée ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, qu'en conséquence il y a lieu de déclarer son licenciement nul.
5. En se déterminant ainsi, sans caractériser le fait que la salariée avait été licenciée pour avoir subi ou refusé de subir un harcèlement moral, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés.




Soc. 30 septembre 2020 n° 19-17.428

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.
IK


COUR DE CASSATION______________________

Audience publique du 30 septembre 2020



Rejet

Mme LEPRIEUR, conseiller doyenfaisant fonction de président


Arrêt n° 866 F-D
Pourvoi n° M 19-17.428



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 30 SEPTEMBRE 2020
Mme I... D..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° M 19-17.428 contre l'arrêt rendu le 12 décembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 10), dans le litige l'opposant à l'association Délégation Unedic AGS, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Duvallet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme D..., de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de l'association Délégation Unedic AGS, après débats en l'audience publique du 15 juillet 2020 où étaient présentes Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Duvallet, conseiller référendaire rapporteur, Mme Depelley, conseiller référendaire, ayant voix délibérative, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application des articles R. 431-7 et L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 décembre 2018), Mme D... a été engagée à compter du 1er septembre 2009 par l'association Délégation Unedic AGS en qualité de technicien d'affaires. Convoquée à un entretien préalable à licenciement, elle a saisi la commission nationale paritaire de conciliation qui a rendu un avis le 1er février 2016. Elle a été licenciée le 10 février suivant.
2. Contestant son licenciement, elle a saisi la juridiction prud'homale.
Examen des moyens
Sur le premier moyen et le troisième moyen, pris en ses deuxième à sixième branches, ci-après annexés
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
4. La salariée fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement de dommages-intérêts au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors :
« 1°/ qu'aux termes à la fois des stipulations de la convention collective nationale de l'Unedic et du règlement intérieur de la CPNC, en cas de licenciement pour motif personnel, l'agent concerné dispose, à l'issue de l'entretien préalable, d'un délai d'un jour franc durant lequel il peut saisir la commission nationale paritaire de conciliation sachant que cette commission doit être formée de 10 membres, composée, pour moitié, de représentants des directions des institutions et, pour moitié, de représentants des organisations syndicales signataires de la présente convention ; que la salariée faisait valoir, de manière déterminante, que la CPNC qui s'était réunie et avait rendu un avis le 1er février 2016, n'avait pas respecté la condition paritaire puisqu'elle était composée de 5 représentants de la direction et de 3 représentants syndicaux ; que l'avis des deux corps de représentants ayant été discordant, l'employeur aurait du imposer la tenue d'une nouvelle commission réunie en parité ; que pour débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à raison du non respect des conditions de mise en oeuvre de la Commission nationale paritaire, la cour d'appel a considéré qu' ''aux termes de la convocation adressée aux membres de la commission, l'Unedic a rappelé les dispositions de l'article 2 du règlement de la commission prévoyant la nécessité de désigner un représentant de l'organisation syndicale parmi les salariés de l'Unedic ou de la DUA, et en cas d'empêchement d'un des membres devant représenter la dite organisation syndicale de désigner un remplaçant'' et que l'employeur n'avait pas à supporter les conséquences de la carence des organisations syndicales qui avaient omis de procéder à la désignation d'un remplaçant ; que pourtant, la consultation d'un organisme chargé, en vertu d'une disposition conventionnelle, de donner un avis sur une mesure disciplinaire envisagée par l'employeur constitue pour le salarié une garantie de fond et que le licenciement prononcé sans que cet organisme ait été consulté et ait rendu son avis selon une procédure régulière ne peut avoir de cause réelle et sérieuse ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles 32 et 33 de la Convention collective nationale de l'Unedic du 21 novembre 2009, ensemble du règlement intérieur de la CPNC ;
2°/ que la consultation d'un organisme chargé, en vertu d'une disposition conventionnelle, de donner un avis sur une mesure disciplinaire envisagée par l'employeur constitue pour le salarié une garantie de fond et que le licenciement prononcé sans que cet organisme ait été consulté et ait rendu son avis selon une procédure régulière ne peut avoir de cause réelle et sérieuse ; qu'en retenant, pour débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse pour non respect des conditions de mise en oeuvre de la Commission nationale paritaire, qu' ''aux termes de la convocation adressée aux membres de la commission, l'Unedic a rappelé les dispositions de l'article 2 du règlement de la commission prévoyant la nécessité de désigner un représentant de l'organisation syndicale parmi les salariés de l'Unedic ou de la DUA, et en cas d'empêchement d'un des membres devant représenter la dite organisation syndicale de désigner un remplaçant'' et que l'employeur n'avait pas à supporter les conséquences de la carence des organisations syndicales qui avaient omis de procéder à la désignation d'un remplaçant, la cour d'appel a violé les articles 32 et 33 de la Convention collective nationale de l'Unedic du 21 novembre 2009, ensemble du règlement intérieur de la CPNC ;
3°/ que les juges ne peuvent dénaturer les documents de la cause ; que pour débouter la salariée de ses demandes, la cour d'appel a affirmé qu' ''aux termes de la convocation adressée aux membres de la commission, l'Unedic a rappelé les dispositions de l'article 2 du règlement de la commission prévoyant la nécessité de désigner un représentant de l'organisation syndicale parmi les salariés de l'Unedic ou de la DUA, et en cas d'empêchement d'un des membres devant représenter la dite organisation syndicale de désigner un remplaçant'' et que l'employeur n'avait pas à supporter les conséquences de la carence des organisations syndicales qui avaient omis de procéder à la désignation d'un remplaçant ; que pourtant, il ressortait explicitement de la convocation adressée aux membres de la CPNC que l'employeur avait convoqué uniquement les représentants de la direction, mais non pas les représentants syndicaux ; que dès lors, les organisations syndicales n'avaient pas été informées de la possibilité qu'elles avaient de procéder à la désignation d'un remplaçant ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause. »
Réponse de la Cour
5. Selon le règlement intérieur de la commission paritaire nationale de conciliation du 20 février 2014, la commission comprend 10 membres, soit cinq représentants des organisations syndicales et cinq représentants de la direction. Les représentants des organisations syndicales titulaires sont les représentants des organisations syndicales signataires de la convention collective nationale du personnel de l'assurance chômage, chacune des organisations syndicales ne pouvant désigner qu'un seul représentant parmi les salariés de l'Unedic. En cas d'empêchement du membre au sein de la commission, il appartient au représentant de désigner un remplaçant.
6. La cour d'appel a constaté, hors toute dénaturation, que l'employeur avait respecté les garanties conventionnelles prévues en faveur de la salariée et satisfait à ses obligations à cet égard, tandis que les organisations syndicales avaient omis de procéder à la désignation de deux remplaçants, en méconnaissance des dispositions du règlement intérieur, ce dont il résultait que le non-respect de la règle conventionnelle de la parité de la composition de la commission n'était pas imputable à l'employeur. Elle en a exactement déduit que le licenciement n'était pas privé de cause réelle et sérieuse de ce fait.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le troisième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
8. La salariée fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement de dommages-intérêts au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « qu'aux termes de l'article 12 des statuts de l'Unedic, le président de l'Unedic signe tous les actes, délibérations et conventions et qu'aux termes de l'article 32 de l'avenant à la convention collective nationale des personnels des institutions d'assurance chômage du 10 février 2011, le licenciement est prononcé, sur demande motivée du Directeur d'établissement, par le Directeur général ; que les stipulations statutaires applicables à l'Unedic ne prévoient aucun mécanisme de délégation de pouvoir en matière de licenciement ; que pourtant, en l'espèce, pour dire que le licenciement de la salariée avait une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a considéré la lettre de licenciement avait été signée pour ordre et au nom du directeur de l'Unedic M. T... ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 12 des statuts de l'Unedic et 32 de l'avenant à la convention collective nationale des personnels des institutions d'assurance chômage. »
Réponse de la Cour
9. La cour d'appel a constaté que la lettre de licenciement avait été établie au nom du directeur général de l'Unedic et signée pour ordre par le directeur d'établissement conformément aux instructions écrites du directeur général de l'Unedic, titulaire du pouvoir de licencier en vertu de l'article 32 de l'avenant du 10 février 2011 à la convention collective nationale des personnels des institutions d'assurance chômage.
10. Elle en a exactement déduit que la procédure était régulière.
11.Le moyen n'est donc pas fondé.




Soc. 8 juillet 2020 n° 18-26.385

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.
CF


COUR DE CASSATION______________________

Audience publique du 8 juillet 2020



Cassation partielle

Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 565 F-D
Pourvoi n° B 18-26.385





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 JUILLET 2020
M. B... G..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° B 18-26.385 contre l'arrêt rendu le 2 octobre 2018 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant à la société LPG Systems, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Duval, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de M. G..., de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société LPG Systems, après débats en l'audience publique du 26 mai 2020 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Duval, conseiller référendaire rapporteur, Mme Gilibert, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 2 octobre 2018), M. G..., engagé le 1er juillet 2010 par la société LPG Systems en qualité de « webmarketeur », a été licencié pour faute grave le 2 avril 2015.
2. Le 10 avril 2015, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes relatives tant à l'exécution qu'à la rupture de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral alors :
« 1°/ que le harcèlement moral est constitué indépendamment de l'intention de son auteur ; qu'au nombre des faits caractérisant le harcèlement moral dont il avait été victime, l'exposant avait fait valoir l'envoi de l'avenant sur les objectifs deux jours après son rattachement à sa nouvelle supérieure hiérarchique alors que d'ordinaire cet avenant était donné en janvier et le fait que ce nouvel avenant avait ''rogné'' sur les conditions d'octroi de ses primes ; que pour écarter ce fait de ceux laissant supposer l'existence d'un harcèlement et partant se dispenser d'apprécier si l'employeur était en mesure de le justifier par un élément objectif étranger à tout harcèlement, la cour d'appel qui retient que l'exposant ne démontre pas que ces objectifs ont ''intentionnellement'' été fixés de manière inatteignable pour le mettre en défaut par rapport aux années précédentes et à ses résultats provisoires de l'année 2014, a violé l'article L. 1152-1 du code du travail ;
2°/ que peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en œuvre par un supérieur hiérarchique dès lors qu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation de ses conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'ayant retenu que sur une période de moins de deux mois, soit du 7 octobre au 4 décembre 2014, la supérieure hiérarchique de l'exposant ne lui avait adressé ''que'' trois mails le dimanche 19 octobre de 21 heures 42 à 22 heures 00 et trente-quatre mails le soir après 19 heures 00, la cour d'appel qui, pour écarter tout harcèlement, retient que le salarié ne démontre pas qu'il lui était imposé de les consulter immédiatement et d'y répondre avant le lendemain, s'est prononcée par des motifs inopérants comme ne permettant pas de conclure que ces agissements sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement et n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 1152-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail, le second dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :
5. Aux termes du premier texte visé, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
6. Il résulte du second de ces textes, que lorsque survient un litige, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
7. Pour débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts au titre du harcèlement moral, l'arrêt, après avoir énoncé que le harcèlement moral n'est en soi, ni la pression, ni le surmenage, ni le conflit personnel ou non entre salariés, ni les contraintes de gestion ou le rappel à l'ordre voire le recadrage par un supérieur hiérarchique d'un salarié défaillant dans la mise en œuvre de ses fonctions, retient que les objectifs transmis en octobre 2014 l'ont été à la prise de poste de la responsable du salarié et que ce dernier ne démontre pas qu'ils ont intentionnellement été fixés de manière « inatteignables » pour le mettre en défaut par rapport aux années précédentes et à ses résultats provisoires de l'année 2014, en sorte que ce fait n'est pas établi. Puis, pour retenir que l'employeur démontre que les autres faits matériellement établis par le salarié étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, l'arrêt, s'agissant des mails reçus par le salarié de la part de sa responsable, énonce que le listing des mails reçus par M. G... de la part de Mme N... du 7 octobre 2014 au 4 décembre 2014 ne fait apparaître que trois mails le dimanche 19 octobre de 21 heures 42 à 22 heures 00, tous les autres mails de ces trois mois (au nombre de quatre-vingt-dix-huit) étant adressés la semaine, dont uniquement trente-quatre le soir après 19 heures 00 et que M. G... ne démontre pas qu'il lui était imposé de les consulter immédiatement et d'y répondre avant le lendemain surtout s'il travaillait de son bureau en région parisienne et non de chez lui comme il lui a été demandé.
8. En statuant ainsi, alors que le harcèlement moral est constitué indépendamment de l'intention de son auteur, la cour d'appel qui a, en outre, statué par des motifs impropres à établir, s'agissant de l'envoi des mails au salarié, que l'employeur justifiait ses agissements par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, a violé les textes susvisés.
Et sur le troisième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
9. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter ses demandes tendant au paiement d'heures supplémentaires, de repos compensateur et de congés payés afférents, de travail dissimulé et de non-respect de la durée maximale de travail alors « qu'il appartient au salarié qui demande le paiement d'heures supplémentaires d'étayer préalablement sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés, l'employeur étant alors tenu d'y répondre en fournissant au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; que le juge ne peut rejeter une telle demande au motif que les éléments produits par le salarié ne prouvent pas le bien-fondé de sa demande ; qu'au soutien de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, l'exposant avait versé aux débats des tableaux dont le contenu était extrêmement précis comme indiquant, au titre des années considérées et pour chaque jour travaillé, les horaires effectués et le nombre d'heures supplémentaires accomplies ; que la cour d'appel qui, pour le débouter de l'ensemble de ses demandes retient qu'au-delà ''des tableaux de type Word par lesquels il a récapitulé ses heures supplémentaires non vérifiables'', il n'avait pas versé d'autres éléments les corroborant ''sachant que travaillant à domicile avant son recadrage, il n'était pas contrôlé dans ses heures de travail et de pause'', et, par motifs éventuellement adoptés des premiers juges que ''nul ne peut se faire de preuve à lui-même'' et que le salarié ''ne prouv(e) aucunement avoir effectué des heures supplémentaires'', a fait peser sur le salarié la charge de rapporter la preuve de l'existence et du nombre d'heures de travail accomplies et partant des heures supplémentaires dont il demandait le paiement, en violation de l'article L. 3171-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :
10. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
11. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
12. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
13. Pour débouter le salarié de sa demande au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents, l'arrêt retient que le salarié verse aux débats des tableaux de type Word par lesquels il a récapitulé ses heures supplémentaires non vérifiables sans verser d'autres éléments les corroborant, sachant que travaillant à domicile avant son recadrage, il n'était pas contrôlé dans ses heures de travail et de pause. Il en déduit que le salarié ne fournit par conséquent pas les éléments suffisants pour étayer sa demande d'heures supplémentaires.
14. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé.




Soc. 1 juillet 2020 n° 18-20.482

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.
CH.B


COUR DE CASSATION______________________

Audience publique du 1er juillet 2020



Rejet

Mme LEPRIEUR, conseiller doyenfaisant fonction de président


Arrêt n° 522 F-D
Pourvoi n° K 18-20.482



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 1ER JUILLET 2020
M. B... S..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° K 18-20.482 contre l'arrêt rendu le 31 mai 2018 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant à la société Tibco services, société par actions simplifiée, venant aux droits de la société Tib Co convergence, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Depelley, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. S..., de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Tibco services, après débats en l'audience publique du 19 mai 2020 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Depelley, conseiller référendaire rapporteur, Mme Marguerite, conseiller référendaire, ayant voix délibérative, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application des articles R. 431-7 et L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 31 mai 2018), rendu sur renvoi après cassation (Soc., 3 février 2017, pourvoi n° 15-16.340), M. S... a été engagé le 4 avril 2007 en qualité de directeur par la société Tibco convergence, filiale du groupe Tibco aux droits de laquelle vient la société Tibco services. Il a été proposé au salarié une rupture conventionnelle de son contrat de travail le 29 septembre 2010, proposition que l'intéressé a acceptée le 1er octobre 2010 avant de se raviser. Le salarié a saisi le 19 octobre 2010 la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur en raison de faits de harcèlement moral et a informé le président du groupe par lettre du 21 octobre 2010 de son intention de porter plainte à son encontre de ce chef. Il a été convoqué le 29 octobre 2010 à un entretien préalable et a été licencié pour faute grave par lettre du 16 novembre 2010. Il a sollicité subsidiairement l'annulation de son licenciement sur le fondement des articles L. 1152- 2 et L. 1152-3 du code du travail.
2. Par arrêt du 13 février 2015, la cour d'appel a débouté le salarié de toutes ses demandes.
3. Par arrêt du 3 février 2017, la chambre sociale de la Cour de cassation a cassé l'arrêt de la cour d'appel sauf en ce qu'il déboute le salarié de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral.
4. Par arrêt du 31 mai 2018, la cour d'appel statuant sur renvoi a confirmé le jugement déboutant le salarié de sa demande de nullité du licenciement et en paiement de dommages-intérêts subséquents.
Examen des moyens
Sur le second moyen, ci-après annexé
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.



Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande tendant à voir constater la nullité de son licenciement et de ses demandes indemnitaires à ce titre, alors :
« 1°/ que le motif de licenciement tiré de la dénonciation des agissements de harcèlement moral par le salarié dont la mauvaise foi n'est pas établie emporte, à lui seul, la nullité de plein droit du licenciement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que le licenciement pour faute grave du salarié était justifié tandis que la lettre de licenciement datée du 16 novembre 2010 vise expressément la dénonciation du harcèlement moral qu'il reprochait de bonne foi à son employeur dès le 19 octobre 2010 ; qu'en statuant ainsi, quand le grief énoncé dans la lettre de licenciement tiré de la relation d'agissements de harcèlement moral par le salarié dont la mauvaise foi n'était pas caractérisée emportait à lui seul la nullité de plein droit du licenciement, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail ;
2°/ que le licenciement concomitant à la relation d'agissements de harcèlement moral et fondé, fut-ce pour partie, sur un tel motif est affecté d'une nullité de plein de droit ; qu'en l'espèce, il est constant que le salarié était placé en arrêt maladie prolongé pour un « trouble anxio-dépressif réactionnel à une hyperactivité professionnelle » depuis le 30 septembre 2010 en raison des faits de harcèlement moral qu'il imputait à M. L... en saisissant de ce chef le conseil de prud'hommes le 19 octobre 2010 ; qu'aussitôt après avoir eu connaissance de cette dénonciation, l'employeur a initié, dès le 29 octobre 2010, une procédure de licenciement pour faute grave à son encontre ; qu'en rejetant la demande de nullité formulée par le salarié cependant que la lettre de licenciement visait expressément ce grief dans la décision entreprise par M. L..., ce dont il résultait que l'invocation de ce motif emportait à elle seule la nullité de plein droit du licenciement, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi derechef les articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail ;
3°/ qu'aucun salarié ne peut être licencié pour avoir dénoncé des agissements de harcèlement moral ; que, sauf mauvaise foi, le salarié ne peut jamais se voir reprocher d'avoir relaté de tels faits ; qu'en l'espèce, pour débouter le salarié de sa demande de nullité du licenciement, l'arrêt se borne à retenir que l'employeur déplore « la stratégie mise en oeuvre par le salarié » outre les autres manquements invoqués à l'appui du licenciement pour faute grave, de sorte que la rupture du contrat de travail est au moins partiellement fondée sur cette dénonciation pourtant légitime ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans caractériser la mauvaise foi du salarié, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail ;
4°/ que la lettre de licenciement fixe les limites du litige et expose les motifs du licenciement ; que tous les motifs qui y sont évoqués doivent être licites et fondés sur des faits précis, sauf à affecter la légitimité de la mesure entreprise ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement rédigée par M. L... invoquait une série de reproches mineurs et formulait in fine comme grief déterminant la dénonciation d'un harcèlement moral subi par le salarié ; que la formulation de ce motif illicite viciait le licenciement et emportait à elle seule la nullité de plein droit de la rupture du contrat de travail, peu important la réalité des autres manquements ; qu'en décidant le contraire, au motif inopérant que la concomitance entre la dénonciation des faits et le déclenchement de la procédure de licenciement n'est pas significative de l'existence d'un lien entre les deux événements, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail, ensemble l'article L. 1232-6 du code du travail ;
5°/ que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les termes clairs et précis des écrits qui lui sont soumis ; qu'en énonçant que la lettre de licenciement serait scindée en deux parties, l'une portant sur la réponse au courrier du salarié du 9 novembre 2010 et l'autre sur les raisons du licenciement, de sorte le salarié n'aurait pas été licencié à raison de cette dénonciation quand celle-ci, expressément visée par la lettre de licenciement, constituait nécessairement l'un des motifs de la rupture, la cour d'appel a méconnu l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause. »
Réponse de la Cour
7. La cour d'appel a constaté, sans commettre la dénaturation alléguée, que la dénonciation le 21 octobre 2010 d'agissements de harcèlement imputés à l'employeur ne constituait pas l'un des griefs énoncés dans la lettre de licenciement, celle-ci étant motivée par des faits de harcèlement moral imputés au salarié à l'encontre de collaborateurs, et révélés à l'issue d'une réunion du 8 septembre 2010.
8. Le moyen n'est dès lors pas fondé.




Soc. 11 décembre 2019 n° 18-24.204

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Limoges, 25 septembre 2017), rendu après cassation (Soc., 21 mai 2014, n° 13-16.341), que Mme V..., engagée par la société Complexe commercial de La Roche-Posay (la société) le 1er octobre 1992 en qualité de secrétaire, physionomiste, caissière grands jeux, était en dernier lieu membre du comité de direction des machines à sous ; qu'en arrêt de travail pour maladie à compter du 22 décembre 2003, elle a été déclarée inapte à tout poste dans l'entreprise le 5 décembre 2006 et licenciée à ce titre le 5 janvier 2007 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement du 14 juin 2010 du conseil de prud'hommes de Poitiers qui a dit que les motifs d'annulation de son licenciement ne sont pas avérés et que son licenciement est donc bien fondé et l'a déboutée de toutes ses demandes alors, selon le moyen :
1°/ que peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en oeuvre par un supérieur hiérarchique, dès lors qu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner, pour ce salarié, une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, peu important que lesdites méthodes ne produisent pas les mêmes effets sur les autres salariés ; qu'en l'espèce, les juges d'appel ont constaté que le comportement de M. U..., dont l'approche pouvait être « sèche », qui était empreint de « difficulté à adapter sa manière de communiquer à la personnalité de chacun de ses salariés » et que plusieurs personnes avaient ressenti comme « désagréable », avait entraîné chez Mme V... une « dépression réactionnelle nettement corrélée au comportement de son directeur », mettant à mal la personnalité et l'identité de cette salariée, dont la cour a constaté qu'« il est réel que son vécu de la situation demeure douloureux, même à distance » ; qu'en jugeant que le comportement de M. U... n'aurait pas été spécifiquement lié à la personne de la salariée, ni intrinsèquement harcelant, pour écarter la qualification de harcèlement moral, alors qu'il résultait de ses constatations que la salariée subissait personnellement les agissements dont son supérieur hiérarchique était coutumier, la cour d'appel a violé l'article L. 1152-1 du code du travail ;
2°/ que le harcèlement moral est constitué, indépendamment de l'intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'en retenant que M. U... n'aurait pas adopté une attitude délibérément harcelante ciblant Mme V..., cependant que le harcèlement était caractérisé par les motifs par lesquels elle avait constaté que la salariée subissait personnellement les agissements dont son supérieur hiérarchique était coutumier, la cour d'appel a statué par un motif impropre à justifier sa décision, en violation de l'article L. 1152-1 du code du travail ;
Mais attendu que le moyen ne tend qu'à contester l'appréciation souveraine par la cour d'appel des éléments de preuve et de faits dont elle a, sans méconnaître les règles spécifiques de preuve et exerçant les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1154-1 du code du travail, déduit que la salariée n'établissait pas de faits qui permettaient de présumer l'existence d'un harcèlement ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement du 14 juin 2010 du conseil de prud'hommes de Poitiers qui l'a déboutée de toutes ses demandes alors, selon le moyen :
1° / que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; que si les premiers juges avaient retenu que Mme V... n'avait apporté aucun justificatif du nombre de jours de congés acquis au 22 décembre 2003 qu'elle n'avait pas pu prendre, cette dernière en justifiait dans ses écritures d'appel en faisant notamment valoir que le nombre de jours n'avait pas été contesté par l'employeur et figurait sur sa fiche de paye du mois de novembre 2013 ; qu'en omettant de répondre à ce moyen des conclusions de Mme V..., la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; que devant la cour d'appel, Mme V... faisait valoir que sa demande au titre des congés non pris ne pouvait être jugée prescrite car, faute d'avoir pu prendre ses congés en raison de ses arrêts maladie, elle bénéficiait du droit de les reporter, de sorte que le point de départ du délai de prescription, qui est la date à laquelle la créance est devenue exigible, était la date de son licenciement pour inaptitude ; qu'en omettant de répondre à ce moyen des conclusions de Mme V..., la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt, en dépit de la formule générale du dispositif qui « confirme le jugement du 14 juin 2010 », ne statue pas sur le chef de demande relatif aux congés non pris, dès lors qu'il ne résulte pas des motifs de la décision que la cour d'appel l'ait examiné ; que l'omission de statuer pouvant être réparée par la procédure prévue à l'article 463 du code de procédure civile, le moyen est irrecevable ;




Civ.2 28 novembre 2019 n° 18-23.987

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 12 octobre 2018), que W... U..., salarié en qualité de chef d'équipe régulateur de la société Loomis France (l'employeur), s'est suicidé à son domicile, le [...], quelques heures après avoir pris connaissance de la lettre de notification de son licenciement pour faute grave ; que la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne (la caisse) ayant reconnu, après enquête, le caractère professionnel du décès, l'employeur a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ; que Mme O..., veuve de W... U..., et Mme U..., fille de la victime, ont saisi une juridiction de sécurité sociale aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ; que les deux instances ont été jointes à hauteur d'appel ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le décès de W... U... a un caractère professionnel ayant pour cause la faute inexcusable de l'employeur, alors, selon le moyen :
1°/ que lorsque le décès dont il est demandé la prise en charge résulte d'un comportement intentionnel de la victime et est d'origine multifactorielle, le lien de causalité avec les conditions de travail doit avoir un caractère déterminant pour emporter qualification en accident du travail ; qu'au cas présent, il résulte des propres constatations des juges du fond et des pièces versées aux débats que M. U... avait été hospitalisé deux mois pour dépression et suivait des traitements médicamenteux très lourds pour soigner son alcoolisme ; qu'en reconnaissant néanmoins le caractère professionnel du suicide du salarié, survenu à son domicile, sans rechercher si le travail était la cause principale et déterminante de l'acte intentionnel de la victime et si le suicide n'était pas, en réalité, la résultante de l'état pathologique antérieur (dépression et alcoolisme) de la victime, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale ;
2°/ que lorsque le décès dont il est demandé la prise en charge résulte d'un comportement intentionnel de la victime qui était sous l'emprise de l'alcool au moment de son décès, le lien de causalité avec les conditions de travail doit avoir un caractère déterminant pour emporter qualification en accident du travail ; qu'au cas présent, l'employeur faisait valoir qu'il résultait des éléments versés aux débats, et notamment de l'audition de M. G..., que M. U... était sous l'emprise d'un état alcoolique lorsqu'il s'était suicidé ; que le geste de M. U... avait notamment été provoqué par cet état d'ivresse tandis que le salarié, qui suivait un lourd traitement pour soigner son addiction à l'alcool, ne buvait plus depuis plusieurs années ; qu'il appartenait aux juges du fond de rechercher, comme il leur était demandé, si nonobstant l'absence d'analyses toxicologiques versées aux débats, il résultait des pièces produites que M. U... était sous l'emprise de l'alcool lorsqu'il s'était suicidé, cet élément étant de nature à démontrer que le suicide du salarié avait une cause étrangère à son travail ; qu'en se bornant à énoncer sur ce point qu' « il ne peut être considéré qu'il est établi, comme l'affirme l'employeur, que plusieurs heures se seraient écoulées entre la connaissance du licenciement et le suicide de M. U... au cours desquelles il aurait consommé de l'alcool, même si le médecin légiste a noté dans son rapport une odeur d'alcool lors de la dissection, les expertises des prélèvements réalisés (en particulier l'expertise toxicologique) n'étant pas jointes à la transmission reçues par la caisse », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale ;
3°/ que le juge ne peut refuser de statuer, en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties ; qu'il lui appartient d'ordonner, le cas échéant, une expertise ou la production de pièces supplémentaires ; qu'au cas présent, l'employeur faisait valoir que M. U... était sous l'emprise d'un état alcoolique lorsqu'il s'était suicidé à son domicile, en se fondant notamment sur le rapport d'autopsie et sur le témoignage de M. G... ; que la cour d'appel a refusé de statuer sur la question de l'imprégnation alcoolique de M. U..., en énonçant que ce fait ne pouvait être considéré comme établi, en l'absence des résultats de l'expertise toxicologique, sans pour autant estimer que M. U... était sobre lors de son suicide ; qu'en refusant de se prononcer sur l'état alcoolique de M. U... au moment de son suicide, tandis qu'il lui appartenait d'ordonner la production de l'expertise toxicologique si elle estimait cette pièce nécessaire pour démontrer ce fait – expertise dont ne disposait pas l'employeur – la cour d'appel a violé l'article 4 du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt constate que W... U... a pris connaissance de son licenciement par un appel téléphonique de son épouse vers 11 heures, le [...] ; qu'il a, alors, contacté la responsable des ressources humaines, rédactrice de la lettre de licenciement, en faisant état de ce qu'il n'avait pas reçu de convocation à l'entretien préalable ; qu'il a également contacté plusieurs personnes, entre 14 heures 30 et 15 heures 57, exprimant le choc ressenti à l'annonce de cette nouvelle et évoquant auprès de l'un d'eux son intention de mettre fin à ses jours ; que le corps sans vie de W... U... a été découvert à son domicile à 18 heures 42, le médecin légiste ne se prononçant pas sur l'heure exacte du décès ; que, si le rapport médico-légal fait état d'une odeur d'alcool lors de la dissection, les expertises des prélèvements, en particulier l'expertise toxicologique, n'ont pas été communiquées, de sorte qu'il ne peut être considéré comme établi que W... U... se serait alcoolisé durant les heures écoulées entre la connaissance du licenciement et le suicide ; que la lettre retrouvée à côté de son corps corrobore le lien entre le suicide et la connaissance du licenciement puisqu'elle désigne le responsable de l'agence, comme un « harceleur malin et courtois » ajoutant « voilà, (...) vous avez gagné. Ma famille a perdu » ; qu'il résulte de ces éléments convergents que l'élément déclencheur du suicide de W... U... a été l'annonce de son licenciement, de sorte que son décès présente un lien étroit avec son travail justifiant la reconnaissance de son caractère professionnel ;
Qu'en l'état de ces constatations, procédant de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur et de la portée des éléments de fait et de preuve soumis à son examen, dont elle a fait ressortir que le suicide est intervenu par le fait du travail, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérantes, ni d'ordonner d'office la communication du rapport d'expertise toxicologique, a légalement justifié sa décision ;
Et sur le second moyen :
Attendu que l'employeur fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :
1°/ qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance ; que l'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable ; que la convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge, la lettre indiquant l'objet de la convocation ; que l'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation ; que l'employeur a pour seule obligation de convoquer régulièrement le salarié pour un entretien préalable, peu important l'absence d'accusé de réception de la lettre de convocation, lorsqu'elle est envoyée en recommandé ; que l'envoi de la lettre de convocation du salarié à un entretien préalable au licenciement en dehors du temps de travail, par exemple durant les congés du salarié, ne constitue pas une irrégularité de procédure ; que le salarié n'est pas tenu de se rendre à l'entretien préalable, de sorte que n'est pas irrégulier, ni déloyal, le licenciement d'un salarié qui ne s'est pas rendu à ce entretien ; qu'au cas présent, la cour d'appel a constaté que M. U... était en congés du 10 au 17 septembre ; que l'employeur l'a convoqué par lettre recommandée avec avis de réception le 10 septembre 2012, pour un entretien fixé au 19 septembre 2012 ; que M. U... est retourné au travail le 18 septembre 2012 et qu'il ne s'est pas présenté à l'entretien préalable du 19 septembre ; que par lettre du 26 septembre, réceptionnée le 27 septembre, l'employeur a licencié M. U... pour des faits datés des 2, 3, 18 août et 4 septembre 2012 ; que le 28 septembre, soit postérieurement au licenciement, la lettre de convocation à l'entretien préalable est retournée à l'employeur avec la mention « non réclamée » ; qu'il se déduisait de ces constatations que l'employeur, qui était seulement tenu de convoquer le salarié à un entretien préalable au moins cinq jours ouvrables avant l'entretien et dans le délai de deux mois à compter du jour où il avait eu connaissance des faits fautifs, n'a commis aucune faute dans le déroulement de la procédure de licenciement ; que le fait que la lettre de convocation à l'entretien préalable ait été envoyée pendant les congés du salarié, que l'employeur ne se soit pas assuré que M. U... avait bien reçu la lettre, et que les faits reprochés datent des 2, 3, 18 août et 4 septembre, ne peuvent constituer des fautes ou une « gestion déloyale » de la procédure de licenciement ; qu'en jugeant pourtant que « s'il est tout à fait exact que le salarié peut librement choisir de se rendre ou pas à un entretien préalable, pour autant le respect loyal de la procédure impose à l'employeur de s'assurer que son salarié, qui était en congés lors de l'envoi de la convocation et qui ne s'est pas présenté à cet entretien, alors qu'il était sur son lieu de travail ce jour-là, a bien eu connaissance de celle-ci, d'autant qu'il avait précédemment relevé de sa part des comportements « inappropriés » attribués à la prise de médicaments » et que « la gestion déloyale de la procédure de licenciement caractérisant la faute inexcusable est réelle, compte tenu d'une part de l'envoi (le 10 septembre 2012)pendant les congés du salarié de la convocation à un entretien préalable fixé 2 jours après la fin des congés (19 septembre) alors que les fautes reprochées sont datées par la lettre de licenciement des 2 et 18 août 2012 (outre deux absences « inopinées » des 3 et 4 septembre) et que le salarié est licencié, sans que l'employeur se soit assuré qu'il avait bien eu connaissance de sa convocation à l'entretien préalable », pour retenir la faute inexcusable de l'employeur, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser l'existence d'une faute commise par l'employeur, violant les articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale et les articles L. 1232-2 et L. 1332-4 du code du travail ;
2°/ que ne met pas en oeuvre de manière tardive et déloyale la procédure de licenciement l'employeur qui envoie à son salarié une lettre de convocation à un entretien préalable six jours après le dernier fait fautif reproché ; qu'au cas présent, la cour d'appel a constaté que les faits fautifs reprochés dataient des 2, 3, 18 août et 4 septembre 2012 ; que M. U... a été convoqué à un entretien préalable par lettre du 10 septembre 2012, pour un entretien prévu le 19 septembre 2012 ; qu'il ressortait de ces constatations que la mise en oeuvre de la procédure de licenciement par l'employeur, le 10 septembre 2012, n'était pas tardive au regard du dernier fait fautif reproché ; qu'en jugeant pourtant que l'employeur avait géré manière déloyale la procédure de licenciement, caractérisant une faute inexcusable, au motif notamment de l'envoi par l'employeur, le 10 septembre 2012, de la lettre de convocation « alors que les fautes reprochées sont datées par la lettre de licenciement des 2 et 18 août 2012 (outre deux absences « inopinées » des 3 août et 4 septembre) », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant les articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale et l'article L. 1332-4 du code du travail ;
3°/ que ne met pas en oeuvre de manière déloyale la procédure de licenciement l'employeur qui envoie à son salarié, durant ses congés, une lettre de convocation à un entretien préalable dont la date est fixée sur le temps de travail du salarié ; qu'en jugeant pourtant que l'employeur avait géré de manière déloyale la procédure de licenciement, caractérisant une faute inexcusable, au motif notamment de l'envoi par l'employeur, le 10 septembre 2012, de la lettre de convocation à l'entretien préalable durant les congés du salarié, tandis qu'un tel fait ne pouvait caractériser une faute de l'employeur, la cour d'appel a violé les articles L.452-1 du code de la sécurité sociale et L. 1232-2 du code du travail ;
4°/ qu'il résultait des pièces versées aux débats que Mme U... avait réceptionné l'avis de passage de la lettre convoquant le salarié à l'entretien préalable, mais avais omis d'aller chercher le document au bureau de poste ; que l'absence de réception, par M. U..., de sa convocation à l'entretien préalable, n'était pas imputable à l'employeur, nonobstant le fait que la lettre ait été envoyée durant les congés du salarié ; qu'en jugeant néanmoins que l'employeur avait géré de manière déloyale la procédure de licenciement, caractérisant une faute inexcusable, au motif notamment de l'envoi par l'employeur, le 10 septembre 2012, de la lettre de convocation à l'entretien préalable durant les congés du salarié, et du fait quel'employeur ne s'était pas assurée que M. U... avait bien reçu la convocation, la cour d'appel a violé les articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale et L. 1232-2 du code du travail ;
5°/ que, lorsque le décès d'un salarié dont il est demandé la prise en charge, est d'origine multifactorielle et résulte d'un comportement intentionnel de la victime, la faute reprochée à l'employeur doit avoir un caractère déterminant dans le geste du salarié pour que la faute inexcusable de ce dernier soit reconnue ; qu'au cas présent, à supposer qu'une faute puisse être reprochée à l'employeur dans la gestion de la procédure de licenciement, le caractère causal et déterminant de ladite faute dans le geste de M. U... devait être caractérisé ; qu'en se bornant à énoncer que le décès de M. U... avait pour cause la faute inexcusable de l'employeur, sans caractériser en quoi le simple fait d'avoir omis de vérifier que le salarié avait bien reçu la convocation à l'entretien préalable au licenciement, aurait été déterminant dans le suicide de M. U..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;
6°/ que, subsidiairement, l'existence d'une faute inexcusable nécessite que soit caractérisé un danger normalement prévisible dont l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience et à l'égard duquel il n'a pas pris de mesure de prévention ; que la simple connaissance, par l'employeur, d'une « fragilité psychologique » d'un salarié, en l'absence de toute tentative de suicide précédente et tandis que le médecin du travail l'a déclaré apte sans restriction, à chaque visite de reprise, ne peut suffire à caractériser le fait que l'employeur avait, ou aurait dû avoir conscience du risque de suicide du salarié si ce dernier venait à être licencié, même brutalement ; que ne commet pas une faute inexcusable l'employeur qui ne s'est pas assuré que le salarié, absent lors de l'entretien préalable, avait bien reçu la lettre de convocation ; qu'au cas présent, la cour d'appel a constaté qu'à l'issue des deux visites de reprise, les 4 et 11 juin 2012, le médecin du travail avait déclaré M. U... apte sans restriction et que le salarié avait fait l'objet de cinq examens par le médecin entre le 2 janvier et le 25 juillet 2012 ; que la cour d'appel a cependant retenu la faute inexcusable de la société Loomis, en énonçant que cette dernière avait connaissance de la fragilité psychique du salarié et « par conséquent ne pouvait pas ignorer le risque auquel il l'exposait en rompant le contrat de travail sans s'assurer que son absence à l'entretien préalable ne résultait pas de l'ignorance de la convocation » ; qu'en statuant ainsi, tandis que la simple connaissance, par l'employeur, d'une fragilité psychologique de son salarié, ne peut suffire à caractériser le fait que l'employeur avait, ou aurait dû avoir conscience, du risque de suicide du salarié, pourtant déclaré apte à chaque visite par la médecine du travail, la cour d'appel a violé l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;
Mais attendu que l'arrêt constate d'abord, que le chef d'agence, se questionnant sur l'aptitude de W... U..., a écrit à plusieurs reprises à la médecine du travail pour faire état du comportement curieux de celui-ci, de ses absences régulières, d'une chute alors qu'il se trouvait dans le fourgon blindé, et de propos imputés à un lourd traitement médicamenteux, de sorte que l'employeur connaissait la fragilité psychologique de son salarié ; qu'il relève ensuite, que le licenciement présentait un caractère brutal pour un salarié ayant plus de 23 ans d'ancienneté et n'ayant pas fait l'objet de sanctions disciplinaires antérieurement ; qu'il retient enfin que la procédure de licenciement était déloyale en raison, d'une part, de l'envoi, pendant les congés du salarié, de la convocation à un entretien préalable fixé deux jours après la fin desdits congés alors que les fautes reprochées sont datées des 2 et 18 août, outre deux absences « inopinées » des 3 août et 4 septembre 2012, d'autre part, du fait que le salarié a été licencié, sans que l'employeur se soit assuré qu'il avait bien eu connaissance de sa convocation à l'entretien préalable, de sorte que son absence à l'entretien ne résultait pas de l'ignorance de la convocation ;
Que de ces énonciations et constatations, procédant de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve débattus devant elle, la cour d'appel, qui n'avait pas à rechercher si la faute inexcusable de l'employeur avait eu un caractère déterminant dans la survenance de l'accident, a pu déduire que l'employeur avait ou aurait du avoir conscience des risques psychologiques encourus par W... U... et qu'il n'avait pas mis en oeuvre les mesures nécessaires pour l'en préserver ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;




Crim. 13 novembre 2019 n° 19-80.382

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

-M. T... B...,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7ème chambre, en date du 23 octobre 2018, qui, pour harcèlement moral, l'a condamné à un an d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;






La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 1er octobre 2019 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Maziau, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Lavaud ;
Sur le rapport de M. le conseiller MAZIAU, les observations de Me Laurent GOLDMAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LEMOINE ;
Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que Mme R... O..., médecin au sein de l'association nationale de prévention en alcoologie et addictologie du Var (ANPAA 83) a porté plainte le 4 juillet 2010 à l'encontre de M. B..., directeur de cette association, pour harcèlement moral ; qu'elle a exposé avoir été embauchée par cette association au mois d'octobre 2005 et précisé que les faits de harcèlement ont débuté en 2008 jusqu'en 2013 ; que le 5 août 2013, M. K... A..., médecin, ancien salarié de l'ANPAA 83, a également porté plainte pour harcèlement moral à l'encontre de M. B... ; que celui-ci a été cité devant le tribunal correctionnel du chef de harcèlement moral commis entre le 4 juillet 2010 et le 4 juillet 2013 à l'encontre de Mme O... et de M. A... ; que les juges du premier degré l'ont déclaré coupable et ont prononcé sur les intérêts civils ; que le prévenu, le ministère public et les parties civiles ont relevé appel de cette décision ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 121-3, 222-33-2 du code pénal, 388, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
“en ce que l'arrêt a déclaré M. B... coupable des faits de harcèlement moral commis depuis le 4 juillet 2010 jusqu'au 4 juillet 2013, l'a condamné à une peine d'emprisonnement d'un an avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;
“1°) alors que, saisi in rem, le juge répressif ne peut statuer que sur les faits visés à l'acte qui le saisit, sauf accord exprès du prévenu d'être jugé pour des faits non compris dans les poursuites ; que M. B... ayant été cité devant le tribunal correctionnel pour avoir, entre le 4 juillet 2010 et le 4 juillet 2013, harcelé moralement Mme O... et M. A..., la cour d'appel, en retenant, pour le déclarer coupable, des faits datant de juin 2008 et d'octobre 2013, non compris dans la période de prévention, a méconnu le principe et les textes susvisés ;
“2°) alors que l'infraction de harcèlement moral suppose, pour être retenue, qu'il soit relevé le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'en se bornant presque exclusivement à relever des agissements concernant Mme O..., sans constater d'agissements répétés à l'encontre de M. A..., la cour d'appel, qui a pourtant retenu la culpabilité de M. B... à l'égard de ce dernier, n'a pas légalement justifié sa décision ;
“3°) alors que, de surcroît, ne peuvent constituer des faits de harcèlement moral, les agissements qui relèvent des fonctions d'un chef de service et rentrent dans le cadre de son pouvoir de direction ; qu'en se bornant à relever les méthodes de gestion du personnel et les décisions prises par M. B..., directeur départemental de l'ANPAA 83, à l'égard des salariés Mme O... et M. A..., sans rechercher si ces méthodes et décisions ne relevaient pas de son pouvoir légitime de direction en qualité de directeur, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés ;
“4°) alors que tout jugement ou arrêt doit répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties ; qu'en s'abstenant de répondre aux conclusions de M. B... qui faisaient valoir que, lors de son arrivée à la direction de l'ANPAA 83, il existait un climat social très dégradé qui l'avait contraint à prendre des mesures de réorganisation importantes qui avaient contrarié les médecins, ce qui était de nature à faire peser un doute sur la crédibilité des témoignages recueillis à son encontre, la cour d'appel n'a pas suffisamment motivé sa décision ;
“5°) alors que de surcroît, en se bornant à retenir, pour dire établie la culpabilité de M. B..., que les attestations de MM. C... et H... ne suffisaient pas à contredire les témoignages des salariés, les conclusions de l'enquête interne et les termes de la lettre de licenciement, sans examiner les deux autres témoignages de MM. Y... et E..., concordants avec ceux de MM. C... et H..., produits par M. B..., la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
“6°)alors que le harcèlement moral est une infraction intentionnelle qui nécessite, pour être retenue, la caractérisation de la volonté délictueuse du prévenu ; qu'en se bornant à relever que l'intention coupable se déduisait des faits poursuivis, des départs de la structure et des conclusions de l'audit, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des textes susvisés” ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 2, 3, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
“en ce que l'arrêt a déclaré M. B... responsable du préjudice subi par chacune des parties civiles et l'a condamné à payer à Mme O... la somme de 10 000 euros et à M. A... la somme de 5 000 euros ;
“alors que l'auteur de l'infraction ne peut être condamné à réparer que le préjudice résultant directement de l'infraction pour laquelle il a été poursuivi et a été reconnu coupable ; que M. B... a été poursuivi pour avoir harcelé moralement Mme O... et M. A... du 4 juillet 2010 au 4 juillet 2013, de sorte que la cour d'appel ne pouvait le condamner à réparer le préjudice moral subi par Mme O... entre 2008 et 2013 et le préjudice moral subi par M. A... entre 2008 et 2012”.
Les moyens étant réunis ;
Vu les articles 388, 2 et 3 du code de procédure pénale ;
Attendu, d'une part, que les juges ne peuvent légalement statuer que sur les faits dont ils sont saisis ;
Attendu, d'autre part, que l'action civile devant les juridictions répressives, qui n'appartient qu'à ceux qui ont personnellement et directement souffert des faits, objet de l'infraction poursuivie, ne peut être exercée que dans la limite des faits visés par la prévention ;
Attendu que, pour confirmer le jugement sur la déclaration de culpabilité de M. B... à l'égard de Mme O... et statuer sur les intérêts civils, l'arrêt énonce notamment, parmi les actes et les comportements du prévenu retenus à son encontre, que par courrier électronique du 23 octobre 2008, ce dernier a accusé la partie civile, responsable depuis 2005 des traitements substitutifs, de dissimuler des factures de médicaments, lui demandant notamment à l'avenir, d'être plus vigilante sur la gestion de ses stocks et l'accusant d'un manque de rigueur ; que les juges relèvent encore que par mail du 24 juin 2008, adressé à l'ensemble de la structure, M. B... a accusé les médecins de compromission avec les laboratoires ; qu'ils exposent notamment que le préjudice subi par Mme O... se trouve objectivé tant par l'attestation dressée par le docteur D..., en date du 27 juillet 2013, qui évoque la grande angoisse manifestée par la partie civile du fait du harcèlement moral causé à son endroit par le prévenu, que par les conclusions de l'expertise judiciaire psychiatrique de Mme O... ; qu'ils retiennent que les éléments du dossier démontrent l'importance du préjudice moral de Mme O... du fait des agissements du prévenu à son endroit, entre 2008 et 2013, soit durant cinq années ;
Qu'ils ajoutent, en ce qui concerne M. A..., que ce dernier a dû démissionner du fait du comportement abusif manifesté par M. B... à son encontre et retiennent, sur le préjudice moral subi, qu'il a dû endurer entre 2008 et 2012, vexations et accusations mensongères jusqu'à sa démission ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, par des motifs intégrant des faits non compris dans la prévention, la cour d'appel a méconnu l'étendue de sa saisine ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 23 octobre 2018, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le treize novembre deux mille dix-neuf ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.




Soc. 23 octobre 2019 n° 17-28.429

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme A... a été engagée en qualité de comptable le 26 décembre 2005 par l'Association tutélaire de Seine-et-Marne (l'association) ; que le 18 décembre 2009, elle a été élue en qualité de délégué du personnel ; qu'elle a fait l'objet d'une mise à pied disciplinaire le 8 novembre 2011 ; que le 5 janvier 2012, elle a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir notamment l'annulation de la sanction disciplinaire dont elle a fait l'objet le 8 novembre 2011, le paiement du salaire correspondant à la durée de la mise à pied, des dommages-intérêts pour discrimination syndicale et l'indemnisation d'un harcèlement moral ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen ci-après annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes à l'égard de l'association et de M. N... alors, selon le moyen :
1°/ que ne commet aucune faute une déléguée du personnel qui cherche à s'assurer qu'un salarié n'est pas maltraité par un cadre dirigeant ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si Mme P..., dans ses déclarations à la police, n'avait pas souligné qu'elle ne souhaitait pas suivre M. N... dans son bureau, ni rester seule avec lui, de sorte que le fait, pour ses collègues, de la suivre et de frapper à la porte de M. N... n'était pas fautif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1333-1 du code du travail ;
2°/ que ne commet aucune faute une déléguée du personnel qui cherche à s'assurer qu'un salarié n'est pas maltraité par un cadre dirigeant ; qu'il résulte des propres constatations de la cour d'appel que M. N..., directeur, avait convoqué Mme P... dans son bureau alors qu'il était dans un état d'énervement, puis que, les collègues de Mme P... ayant frappé à sa porte, il l'a bloquée, ce qui les a conduites à chercher à entrer ; que l'énervement de M. N... rendait compréhensible que Mme A... et ses collègues frappent à sa porte, et que le blocage de sa porte, qui est une attitude anormale, rendait légitime que Mme A... et ses collègues cherchent à ouvrir cette porte pour vérifier que Mme P... était traitée de façon normale ; qu'en estimant que cette attitude était constitutive d'une insubordination susceptible de sanction, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi l'article L. 1333-1 du code du travail ;
Mais attendu que c'est sans encourir les griefs du moyen que la cour d'appel a retenu que malgré l'absence de souhait d'une salariée, convoquée à un entretien informel, d'être assistée d'un délégué du personnel pour cet entretien, Mme A... a imposé sa présence sous couvert d'un mandat de délégué du personnel et a perturbé cet entretien en tentant de forcer la porte et qu'il s'en est suivi une bousculade, faisant ainsi ressortir l'existence d'un abus ;
Mais sur le troisième moyen :
Vu l'article L. 1132-1, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2012-954 du 6 août 2012, et les articles L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail ;
Attendu que pour débouter la salariée de ses demandes relatives à une discrimination, l'arrêt retient que s'il a existé des difficultés relationnelles entre la direction et les instances représentatives du personnel, ainsi qu'entre ces instances et certains salariés, la salariée ne présente pas des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte à son encontre ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait par motifs adoptés que l'inspecteur du travail avait rejeté la demande d'autorisation de licenciement pour faute grave présentée par l'employeur en raison du lien avec les mandats de la salariée, et qu'il résultait de ces éléments, soutien nécessaire de la décision administrative et s'imposant au juge judiciaire, l'existence d'éléments laissant supposer une discrimination en raison des activités syndicales, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses constatations, a violé les textes susvisés ;




Soc. 23 octobre 2019 n° 18-14.149

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. [H] a été engagé le 1er juillet 1992 par la société Distri 2000, aux droits de laquelle vient la société Sedifrais Montsoult logistic (la société) ; qu'il exerce depuis de nombreuses années divers mandats syndicaux au sein de la société, en dernier lieu comme délégué syndical et délégué du personnel et est également conseiller prud'homme ;
Sur les deuxième, troisième et quatrième moyens :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de lui ordonner de positionner le salarié au poste de chef d'équipe, agent de maîtrise, niveau 5, et de la condamner à lui payer des sommes à titre de dommages-intérêts pour discrimination syndicale, rappel de prime de productivité pour la période du 12 février 2015 au 31 août 2017 et congés payés afférents alors, selon le moyen, que :
1°/ les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner et analyser tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, afin d'établir le rattachement syndical exact de tel ou tel salarié, l'employeur invoquait et produisait aux débats les procès-verbaux des élections professionnelles et les listes de candidats aux élections depuis 2000, ainsi que diverses attestations des salariés concernés eux-mêmes ; qu'en affirmant que M. [H], en se fondant sur l'attestation de M. [S], élu FO jusqu'en 2015, établissait que sur les vingt-et-un agents de maîtrise niveau 5, figurant sur le tableau établi par la société SML en première instance et modifié ensuite, treize étaient élus, adhérents ou sympathisants FO alors qu'une seule salariée CGT en faisait partie, et en déduisant de cette surreprésentation des adhérents et sympathisants FO que l'absence d'évolution de carrière de M. [H] et le peu de formations dont il avait bénéficié laissaient présumer une discrimination syndicale à son égard, sans examiner les pièces produites en appel par l'employeur et tendant à démentir cette surreprésentation des adhérents et sympathisants FO, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ l'employeur présentait en appel, la liste des vingt-et-un salariés recrutés entre le 1er janvier 1991 et le 31 décembre 1993 (soit à la même époque que M. [H]), au niveau 1 B ou 2 B, établie à partir du registre unique du personnel qu'il produisait, et soulignait que sur ces vingt-et-un salariés, seuls quatre avaient été promus à un poste d'agent de maîtrise, niveau V, et qu'au jour de leur promotion, deux de ces salariés étaient affiliés au syndicat FO, l'un à la CGT et l'autre sans étiquette syndicale ; qu'il faisait également valoir que sur les vingt-deux agents de maîtrise encore présents dans l'entreprise, six étaient adhérents FO, le tout étant à mettre en relation avec la forte représentativité de FO dans l'entreprise, qui avait recueilli 35,89 % des voix en 2010 et 52 % en 2014, contre 26 % environ pour le syndicat CGT lors de ces deux élections ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ces éléments, de nature à démentir tout favoritisme de l'employeur en faveur des adhérents ou sympathisants FO, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;
3°/ en tout état de cause que l'employeur n'étant pas tenu d'assurer la progression de carrière d'un salarié par des changements d'emploi et de qualification, la passivité du salarié, qui ne s'est jamais porté candidat à une promotion ni n'a manifesté la moindre volonté d'évolution, constitue un élément objectif étranger à toute discrimination dans l'évolution de carrière, peu important que la candidature n'ait pas toujours été imposée dans l'entreprise comme une condition sine qua non d'une promotion ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;
4°/ les juges du fond ne peuvent modifier les termes du litige ; qu'en l'espèce, employeur et salarié s'accordaient sur le fait que M. [H] n'avait jamais fait acte de candidature à un autre poste que le sien ; que dès lors, à supposer qu'elle ait adopté le motif du jugement selon lequel « tant bien même qu'il aurait fait postulation sur des postes à pourvoir comme ce fut le cas en 2011 celui-ci n'a rien obtenu », la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
5°/ à tout le moins que les juges du fond sont tenus de préciser l'origine des renseignements qui ont servi à motiver leur décision ; qu'à supposer qu'elle ait adopté le motif du jugement selon lequel « tant bien même qu'il aurait fait postulation sur des postes à pourvoir comme ce fut le cas en 2011 celui-ci n'a rien obtenu », la cour d'appel, faute d'avoir précisé d'où elle tirait que M. [H] aurait fait acte de candidature sur un poste en 2011, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
6°/ de même que les juges du fond sont tenus de préciser l'origine des renseignements qui ont servi à motiver leur décision ; qu'à supposer qu'elle ait adopté le motif du jugement selon lequel « M. [H] a été systématiquement privé de toute information quant aux campagnes de promotion internes et n'a pu, de ce fait, postuler utilement aux promotions qui étaient prévues », la cour d'appel, qui n'a pas précisé l'origine de cette affirmation, a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
7°/ subsidiairement que la contradiction de motifs équivaut à une absence de motifs ; qu'en l'espèce, pour retenir l'existence d'une discrimination, la cour d'appel a relevé que sur les deux autres caristes embauchés à la même époque que M. [H], en 2014, M. [S] était devenu chef d'équipe et M. [N] contrôleur d'allée ; qu'en affirmant ensuite, pour fixer le montant des dommages-intérêts pour discrimination syndicale en tenant compte de la prime de productivité perçue par certains chefs d'équipe, que M. [H] était fondé à se référer à la rémunération de M. [S] et M. [N], engagés tous les deux en qualité de caristes groupe 3 à la même époque que lui, promus chef d'équipe, quand elle avait au préalable constaté que seul M. [S] avait été promu à ce poste, la cour d'appel s'est contredite, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
8°/ de même que la contradiction de motifs équivaut à une absence de motifs ; qu'en l'espèce, pour retenir l'existence d'une discrimination, la cour d'appel s'est fondée sur la circonstance que M. [H] était, en 2014, le seul sur les vingt-deux salariés du panel, à n'avoir connu aucune évolution de carrière, notamment, M. [KG], engagé comme manutentionnaire le 9 décembre 1991 était contrôleur cariste et M. [PI] engagé le 13 décembre 1993 comme manutentionnaire était adjoint préparation, M. [B] [Z] et Mme [GS] engagés comme manutentionnaires étaient devenus chefs d'équipe, et que sur les deux autres caristes embauchés à la même époque que lui, l'un était devenu chef d'équipe et l'autre contrôleur d'allée ; qu'en affirmant ensuite que la discrimination syndicale était fondée sur la comparaison de la situation du salarié avec celle de ses collègues embauchés à la même époque que lui et promus chef d'équipe, pour en déduire que la réparation du préjudice nécessitait qu'il soit repositionné à un poste de chef d'équipe, catégorie agent de maîtrise, quand la comparaison n'avait pas été menée avec des collègues tous promus chefs d'équipe, la cour d'appel a derechef entaché sa décision d'une contradiction de motifs et violé l'article 455 du code de procédure civile ;
9°/ à tout le moins que le repositionnement du salarié victime de discrimination syndicale ne peut être ordonné qu'au poste qu'il aurait atteint s'il avait eu un déroulement de carrière normale ; qu'en ordonnant à la société Sedifrais Montsoult logistic de positionner M. [H] au poste de chef d'équipe, agent de maîtrise, niveau 5 et en évaluant les dommages et intérêts sur cette base, quand il ne résulte pas de ses constatations que M. [H] serait parvenu à ce poste et à ce niveau s'il avait bénéficié d'un déroulement de carrière normal, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1 et L. 1134-1, L. 2145-1 et L. 2145-8 du code du travail ;
10°/ encore plus subsidiairement qu'il est interdit au juge de dénaturer les documents soumis à leur examen ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir, preuves à l'appui, que si seuls les quatre chefs d'équipe désignés en 2009 au service de la préparation s'étaient vus octroyer contractuellement une prime de productivité de 788 euros, c'était en raison, d'une part, de la dimension de leur poste, le périmètre de leur équipe étant à l'époque étendu, puisqu'ils étaient à l'époque quatre pour encadrer cent-vingt personnes, quand les chefs d'équipe nommés postérieurement encadraient beaucoup moins de collaborateurs, et d'autre part, afin de compenser la suppression de leur prime de productivité de préparateur de commandes, élevée du fait de leur performance individuelle ; qu'en affirmant que la société SML, qui ne discutait pas que tous les chefs d'équipe ne percevaient pas la prime de productivité, ne communiquait aucun élément justifiant cette différence, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de la société et le bordereau de communication de pièces y annexé et a violé le principe susvisé, ensemble l'article 4 du code de procédure civile ;
Mais attendu que sous le couvert de griefs non fondés de violation de la loi et de défaut de base légale, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine par la cour d'appel des éléments de preuve et de fait dont elle a, par une décision motivée et hors toute dénaturation, déduit tant l'existence de faits précis laissant supposer l'existence d'une discrimination à raison de l'activité syndicale exercée par le salarié, que l'absence de justification par l'employeur d'éléments objectifs étrangers à toute discrimination ;
Mais sur le cinquième moyen :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour condamner la société à payer au salarié certaines sommes à titre de complément de prime de productivité et congés payés afférents, l'arrêt retient, après avoir constaté que le protocole d'accord du 27 novembre 2002 stipule que la grille du service de la réception sera augmentée de 40 % depuis l'intervalle de colis « 1 300 à 1 324 » qui correspond aujourd'hui à 1 036 francs et correspondra donc à compter du mois de décembre 2002 à 1 450,40 francs jusqu'à l'intervalle de colis « 1 900 à 1 924 » qui correspondra donc à « 3 028,20 francs » (- soit 461,64 euros -), que, contrairement à ce que soutient la société, l'accord du 22 novembre 2002 a plafonné la grille à la tranche 1900/1924, et non 1875/1899, d'un montant de 578,82 euros et qu'en l'absence de tout élément fiable produit par l'employeur sur le nombre de colis par heure traités, l'argument selon lequel il est peu courant d'atteindre le rythme de mille trois cent colis par heure n'étant pas pertinent puisque le salarié a obtenu une prime supérieure à celle de 221,12 euros, correspondant à mille trois cent colis par heure, d'octobre 2007 à octobre 2009, de janvier à mai 2010 et de mars à juillet 2011, il lui sera accordé un complément de prime de productivité calculé sur le maximum prévu de 578,82 euros ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs contradictoires, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;




Soc. 23 octobre 2019 n° 18-14.148

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. [YR] a été engagé le 9 octobre 2000 par la société Montsoult services, aux droits de laquelle vient la société Sedifrais Montsoult logistic (la société), en qualité de manutentionnaire ; qu'après avoir été déclaré inapte à la préparation mais apte au poste de cariste, il a, par avenant du 26 octobre 2009, été affecté à l'approvisionnement ; qu'il exerce, depuis 2006, divers mandats syndicaux au sein de la société et est, en dernier lieu, délégué du personnel titulaire, membre titulaire du comité d'entreprise et conseiller du salarié ; qu'il a, le 4 août 2011, saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ; que l'Union locale CGT de l'Est du Val-d'Oise est intervenue volontairement dans la procédure ;
Sur les quatrième, cinquième, sixième et huitième moyens :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'ordonner le positionnement du salarié au poste de chef d'équipe, statut agent de maîtrise, niveau 5 de la convention collective au salaire de base de 2 581,89 euros pour 162,50 heures outre 788 euros de prime de productivité, sous astreinte, pendant trois mois, de 300 euros par jour de retard passé un délai de deux mois après la notification de l'arrêt, et de la condamner à payer au salarié des sommes à titre de dommages-intérêts pour discrimination syndicale et de liquidation de l'astreinte alors, selon le moyen :
1°/ qu'il appartient à celui qui allègue une discrimination pour l'un des motifs visé par l'article L. 1132-1 du code du travail d'établir des éléments la laissant supposer, et ce n'est qu'une fois cette preuve rapportée que l'employeur doit prouver l'existence d'éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'en l'espèce, l'employeur soulignait, d'une part, que le panel de l'inspecteur du travail, ne retenant que six salariés dont cinq chefs d'équipe puis vingt-huit salariés dont quinze chefs d'équipe, était parcellaire et ciblé, et donc non représentatif au vu des effectifs de l'entreprise, d'autre part, et preuve à l'appui, qu'il présentait à tort certains salariés comme exerçant ou ayant exercé des mandats sous l'étiquette FO ; qu'en se fondant sur le panel retenu par l'inspecteur du travail, sans s'expliquer sur les critiques élevées par l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;
2°/ que lorsqu'un salarié alléguant une discrimination entend se prévaloir à ce titre d'une évolution de carrière moins favorable que d'autres salariés, la comparaison doit s'effectuer avec l'évolution de carrière de tous les salariés placés dans une situation identique à la sienne, c'est-à-dire de ceux engagés à la même époque que lui dans des conditions identiques de diplôme et de qualification ; qu'en l'espèce, l'employeur produisait en appel la liste des cinquante salariés recrutés entre le 1er janvier 1999 et le 31 décembre 2001 (soit à la même époque que M. [YR]), dont quarante-trois manutentionnaires niveau 1 B (soit la qualification de M. [YR] à l'embauche), établie à partir du registre unique du personnel qu'il versait aux débats en appel, et soulignait que sur ces quarante-trois salariés, dix-huit n'avaient jamais connu de promotion, vingt avaient évolué sur un poste d'employé, niveau 2B, et cinq seulement avaient été promus à un poste d'agent de maîtrise, niveau V et qu'ainsi M. [YR] avait connu la même évolution de carrière que la majorité des salariés engagés à une date proche de la sienne en passant sur un poste de cariste, niveau 2B ; qu'en s'abstenant de comparer l'évolution de carrière de M. [YR] à celle de l'ensemble des salariés placés dans la même situation que lui, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;
3°/ que le juge, tenu d'observer et de faire respecter le principe de la contradiction, ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement ; qu'il ne peut donc fonder sa décision sur des pièces qu'il a écartées des débats en raison de leur communication tardive ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a écarté des débats les pièces communiquées par le salarié le 10 octobre 2017, i.e. notamment les pièces n° 234 à 258, sur lesquelles la société n'avait pas été en mesure de s'expliquer en temps utile ; que les seules attestations que le salarié invoquait et produisait s'agissant de la question de l'adhésion à FO ou à la CGT de personnes figurant dans la liste établie par l'employeur des salariés recrutés entre le 1er janvier 1999 et le 31 décembre 2001, constituaient ses pièces n° 248, 249, 250 et 257 ; qu'en affirmant que le tableau produit par l'employeur était démenti par les attestations produites par le salarié car il en résultait que treize salariés étaient adhérents FO et non pas cinq comme le soutenait l'employeur, sans préciser sur quelles attestations, autres que celles qu'elle avait écartées des débats, elle fondait cette affirmation, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 16 du code de procédure civile ;
4°/ que l'employeur soulignait que la réalité des faits ayant motivé l'engagement d'une procédure de licenciement avait été reconnue par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise dans son jugement du 17 juin 2011, ayant annulé les décisions de l'inspection du travail et du ministre refusant l'autorisation de licenciement de M. [YR], et que l'annulation de ce jugement par la cour administrative de Versailles par arrêt du 31 mai 2012 n'était intervenue qu'en raison d'un non-respect du délai de convocation du comité d'entreprise ; qu'il ajoutait que la deuxième procédure n'était que la suite du refus d'autorisation qu'il avait dû solliciter pour les mêmes faits à la suite du jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 17 juin 2011 ; qu'en retenant à l'appui de sa décision « l'entêtement de l'employeur à poursuivre la procédure de licenciement engagée en juillet 2008, malgré l'arrêt de la cour d'appel administrative de Versailles du 31 mai 2012 », sans s'expliquer sur ce point, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1 et L. 2141-5 du code du travail ;
5°/ que sauf usage plus favorable, dont le salarié doit rapporter la preuve, le représentant du personnel doit, lorsqu'il n'est pas en heure de délégation, être à son poste de travail selon ses horaires habituels ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le 18 juin 2013, M. [YR] qui avait une réunion à 9h30 avait pris son poste à 4h33 au lieu de 3 heures, que les 22 et 24 octobre 2013 il était arrivé avec 4 minutes de retard et le 25 octobre avec 11 minutes de retard alors qu'il avait une réunion de DP le 24 octobre 2013 et avait 2 heures de délégation de 9h30 à 11h30 pour le CHSCT le 25 octobre 2013 ; qu'en accordant au salarié un rappel de salaire pour les retenues sur salaire effectuées à raison de ces retards à la prise de poste, au prétexte que M. [YR] travaillant de 3 heures du matin à 10h30, la société ne pouvait sérieusement soutenir que sa participation à des réunions commençant à 9h30 ne donnait pas lieu à un aménagement d'horaires et que l'employeur ne justifiait pas de la pratique en vigueur dans l'entreprise sur la question depuis 2006, la cour d'appel a violé les articles 1315 et 1134 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble les articles L. 2315-1, L. 2315-3, L. 2325-6 et L. 2325-7 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, et les articles L. 1132-1 et L. 2141-5 du même code ;
6°/ que lorsque le contingent d'heures de délégation est dépassé, c'est au salarié d'établir l'existence de circonstances exceptionnelles justifiant, eu égard aux fonctions conférées par la loi, un dépassement de ses heures de délégation ainsi que la conformité de l'utilisation desdites heures excédentaires avec sa mission ; que l'assistance d'une partie devant le conseil de prud'hommes, qui ne relève pas des fonctions conférées par la loi au délégué du personnel ou au membre du comité d'entreprise, ne peut relever de circonstances exceptionnelles justifiant un dépassement du contingent d'heures de délégation dont dispose un tel représentant du personnel ; qu'en retenant l'existence de circonstances exceptionnelles et en jugeant injustifiée la retenue sur salaire au titre d'un dépassement de 3,50 heures de crédit d'heures de délégation en raison de l'assistance de quatre salariés devant le conseil de prud'hommes en qualité de délégué du personnel et membre du comité d'entreprise et de la préparation du contentieux collectif ayant nécessité un surcroît de démarches et d'activités dépassant ses tâches habituelles, la cour d'appel a violé les articles L. 2315-1 et L. 2325-6 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, et les articles L. 1132-1 et L. 2141-5 du même code ;
7°/ que les circonstances exceptionnelles justifiant un dépassement du crédit d'heures de délégation doivent résulter d'une activité inhabituelle, nécessitant un surcroît de démarches et d'activités débordant le cadre des tâches coutumières du représentant du personnel en raison notamment de la soudaineté de l'événement ou de l'urgence des mesures à prendre ; qu'en l'espèce, l'employeur soulignait que le contentieux prud'homal évoqué par M. [YR] était en cours depuis 2012, que M. [YR] n'avait pas été présent à la réunion d'expertise du 20 mars 2015 puisque les salariés en cause étaient assistés par un avocat, et qu'aucune mesure urgente ou imprévisible n'avait été nécessaire de la part des salariés ; qu'en retenant l'existence de circonstances exceptionnelles et en jugeant injustifiée la retenue sur salaire au titre d'un dépassement de 3,50 heures de crédit d'heures de délégation au prétexte qu'il résultait de l'attestation de la directrice du greffe du conseil de prud'hommes de Montmorency que M. [YR] avait assisté quatre salariés en qualité de délégué du personnel et membre du comité d'entreprise et avait procédé à la remise de chèque aux fins de consignation de l'expertise, et que cette attestation confirmait les termes du courrier du 28 mai 2015 dans lequel le salarié expliquait son dépassement de 3,5 heures de ses heures de délégation par la préparation du contentieux collectif ayant nécessité un surcroît de démarches et d'activités dépassant ses tâches habituelles, sans s'expliquer sur l'absence de mesures à caractère urgent ou imprévisible et sur la circonstance que les salariés étaient déjà assistés par un avocat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2315-1 et L. 2325-6 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, et les articles L. 1132-1 et L. 2141-5 du même code ;
8°/ que le juge est tenu de s'expliquer sur les éléments objectifs invoqués par l'employeur pour justifier de l'absence de discrimination ; qu'en l'espèce, la société SML soulignait, preuve à l'appui, que si l'inscription à la formation CACES de M. [YR] n'avait pu avoir lieu que le 9 avril 2015, c'était en raison des refus par ce dernier des dates précédemment proposées ; qu'en retenant à l'appui de sa décision que M. [YR] n'avait été inscrit à une formation de renouvellement du CACES que les 8 et 9 avril 2015, sans s'expliquer sur les refus par ce dernier des dates précédemment proposées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1 et L. 2141-5 du code du travail ;
Mais attendu, d'abord, que la pertinence du panel de comparaison est appréciée souverainement par les juges du fond ;
Attendu, ensuite, que la cour d'appel, qui a fait ressortir l'existence d'un usage dans l'entreprise au profit des représentants du personnel participant à des réunions, auquel l'employeur ne justifiait pas d'avoir mis fin, ainsi que de circonstances exceptionnelles justifiant des dépassements d'horaire, a pu en déduire que c'est à tort que la société avait procédé à ces retenues sur salaires pour absences injustifiées ;
Attendu, enfin, qu'appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel a constaté que la société n'établissait pas que les faits dont elle a jugé qu'ils laissaient présumer une discrimination étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ;
D'où il suit que le moyen qui, en ses troisième et quatrième branches, critique des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur les deuxième et troisième moyens réunis :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer au salarié des sommes à titre de rappel de salaire correspondant aux retenues injustifiées des mois de juillet, août et novembre 2013, congés payés incidents, rappel de salaire correspondant à une retenue injustifiée au mois de mai 2015 à titre de prétendues « heures de pause » et congés payés afférents alors, selon le moyen :
1°/ que sauf usage plus favorable, dont le salarié doit rapporter la preuve, le représentant du personnel doit, lorsqu'il n'est pas en heure de délégation, être à son poste de travail selon ses horaires habituels ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le 18 juin 2013, M. [YR] qui avait une réunion à 9h30 avait pris son poste à 4h33 au lieu de 3 heures, que les 22 et 24 octobre 2013 il était arrivé avec 4 minutes de retard et le 25 octobre avec 11 minutes de retard alors qu'il avait une réunion de DP le 24 octobre 2013 et avait 2 heures de délégation de 9h30 à 11h30 pour le CHSCT le 25 octobre 2013 ; qu'en accordant au salarié un rappel de salaire pour les retenues sur salaire effectuées à raison de ces retards à la prise de poste, au prétexte que M. [YR] travaillant de 3 heures du matin à 10h30, la société ne pouvait sérieusement soutenir que sa participation à des réunions commençant à 9h30 ne donnait pas lieu à un aménagement d'horaires et que l'employeur ne justifiait pas de la pratique en vigueur dans l'entreprise sur la question depuis 2006, la cour d'appel a violé les articles 1315 et 1134 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble les articles L. 2315-1, L. 2315-3, L. 2325-6 et L. 2325-7 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 ;
2°/ que lorsque le contingent d'heures de délégation est dépassé, c'est au salarié d'établir l'existence de circonstances exceptionnelles justifiant, eu égard aux fonctions conférées par la loi, un dépassement de ses heures de délégation ainsi que la conformité de l'utilisation desdites heures excédentaires avec sa mission ; que l'assistance d'une partie devant le conseil de prud'hommes, qui ne relève pas des fonctions conférées par la loi au délégué du personnel ou au membre du comité d'entreprise, ne peut relever de circonstances exceptionnelles justifiant un dépassement du contingent d'heures de délégation dont dispose un tel représentant du personnel ; qu'en retenant l'existence de circonstances exceptionnelles et en jugeant injustifiée la retenue sur salaire au titre d'un dépassement de 3,50 heures de crédit d'heures de délégation en raison de l'assistance de quatre salariés devant le conseil de prud'hommes en qualité de délégué du personnel et membre du comité d'entreprise et de la préparation du contentieux collectif ayant nécessité un surcroît de démarches et d'activités dépassant ses tâches habituelles, la cour d'appel a violé les articles L. 2315-1 et L. 2325-6 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 ;
3°/ que les circonstances exceptionnelles justifiant un dépassement du crédit d'heures de délégation doivent résulter d'une activité inhabituelle, nécessitant un surcroît de démarches et d'activités débordant le cadre des tâches coutumières du représentant du personnel en raison notamment de la soudaineté de l'événement ou de l'urgence des mesures à prendre ; qu'en l'espèce, l'employeur soulignait que le contentieux prud'homal évoqué par M. [YR] était en cours depuis 2012, que M. [YR] n'avait pas été présent à la réunion d'expertise du 20 mars 2015 puisque les salariés en cause étaient assistés par un avocat, et qu'aucune mesure urgente ou imprévisible n'avait été nécessaire de la part des salariés ; qu'en retenant l'existence de circonstances exceptionnelles et en jugeant injustifiée la retenue sur salaire au titre d'un dépassement de 3,50 heures de crédit d'heures de délégation au prétexte qu'il résultait de l'attestation de la directrice du greffe du conseil de prud'hommes de Montmorency que M. [YR] avait assisté quatre salariés en qualité de délégué du personnel et membre du comité d'entreprise et avait procédé à la remise de chèque aux fins de consignation de l'expertise, et que cette attestation confirmait les termes du courrier du 28 mai 2015 dans lequel le salarié expliquait son dépassement de 3,5 heures de ses heures de délégation par la préparation du contentieux collectif ayant nécessité un surcroît de démarches et d'activités dépassant ses tâches habituelles, sans s'expliquer sur l'absence de mesures à caractère urgent ou imprévisible et sur la circonstance que les salariés étaient déjà assistés par un avocat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2315-1 et L. 2325-6 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a fait ressortir l'existence d'un usage dans l'entreprise au profit des représentants du personnel participant à des réunions, auquel l'employeur ne justifiait pas d'avoir mis fin, ainsi que de circonstances exceptionnelles justifiant des dépassements d'horaire, a légalement justifié sa décision ;
Mais sur le septième moyen :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour condamner la société à payer au salarié certaines sommes à titre de rappel de prime de productivité et congés payés afférents, l'arrêt retient, après avoir constaté que le protocole d'accord du 27 novembre 2002 stipule que la grille du service de la réception sera augmentée de 40 % depuis l'intervalle de colis « 1 300 à 1 324 » qui correspond aujourd'hui à 1 036 francs et correspondra donc à compter du mois de décembre 2002 à 1 450,40 francs jusqu'à l'intervalle de colis « 1 900 à 1 924 » qui correspondra donc à « 3 028,20 francs » (- soit 461,64 euros -), que, contrairement à ce que soutient la société, l'accord du 22 novembre 2002 a plafonné la grille à la tranche 1900/1924, et non 1875/1899, d'un montant de 578,82 euros et qu'en l'absence de tout élément fiable produit par l'employeur sur le nombre de colis par heure traités, l'argument selon lequel il est peu courant d'atteindre le rythme de 1 300 colis par heure n'étant pas pertinent puisque le salarié a obtenu une prime supérieure à celle de 221,12 euros, correspondant à 1 300 colis par heure, à plusieurs reprises, il lui sera accordé un complément de prime de productivité calculé sur le maximum prévu de 578,82 euros ; Qu'en statuant ainsi, par des motifs contradictoires, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;




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