Soc. 20 novembre 2024 n° 23-19.352
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 20 novembre 2024
Cassation partielle
Mme CAPITAINE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 1165 F-D
Pourvoi n° K 23-19.352
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 20 NOVEMBRE 2024
La société Biopath Hauts de France Nord, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° K 23-19.352 contre l'arrêt rendu le 8 juin 2023 par la cour d'appel d'Amiens (5e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant à Mme [J] [P], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Pecqueur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Biopath Hauts de France Nord, de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de Mme [P], après débats en l'audience publique du 15 octobre 2024 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Pecqueur, conseiller référendaire rapporteur, Mme Nirdé-Dorail, conseiller, M. Charbonnier, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 8 juin 2023), le cabinet Plouviez Delahaye a engagé Mme [P] en qualité de secrétaire coursier le 26 décembre 2001. Le 1er avril 2013, le contrat de travail de la salariée a été transféré au Laboratoire régional de biologie médicale, aux droits duquel vient la société Biopath Hauts de France Nord.
2. Victime d'un accident du travail le 13 septembre 2017, la salariée a été déclarée inapte à son poste le 16 décembre 2019. Elle a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 13 février 2020.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
3. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que l'inaptitude de la salariée a une origine professionnelle et de le condamner au paiement de diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice égale à l'indemnité compensatrice de préavis et de reliquat d'indemnité spéciale de licenciement, alors « que les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement ; qu'en l'espèce, se prononçant sur l'origine professionnelle de l'inaptitude de Mme [P], constatée par le médecin du travail le 16 décembre 2019, la cour d'appel a tout d'abord estimé qu'il ressortait des données médicales du dossier (?) que Mme [P] présent[ait] un lourd passé de lombalgies chroniques et polyarthralgies, pathologies d'origine dégénérative, dans la survenance desquelles il n'est pas fait état d'une implication de ses conditions de travail, que la caisse primaire d'assurance maladie avait refusé la prise en charge de deux pathologies de la salariée et que si cette dernière avait été victime d'un accident du travail le 13 septembre 2017, celui-ci a[vait] été qualifié de bénin par l'expert qui l'a examinée (?) et l'état de santé de la salariée a été déclaré consolidé le 20 juin 2018 sans aucune séquelle de sorte que cet accident ne peut être en lien avec l'inaptitude prononcée le 16 décembre 2019 et, enfin, qu'au moment de l'avis d'inaptitude, Mme [P] était en arrêt de maladie simple depuis le 26 janvier 2018 ; en l'état de ces constatations, pour dire que l'inaptitude de la salariée était d'origine professionnelle et condamner l'employeur au paiement d'une l'indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis et d'une indemnité spéciale de licenciement telles que prévues par l'article L. 1226-14 du code du travail, la cour d'appel a retenu que toutefois, le 31 mars 2017, le docteur [R] a estimé que les douleurs ressenties par la salariée étaient entretenues par son activité professionnelle notamment par des trajets en voiture et montées et descentes de véhicule ; dans son rapport du 31 août 2017, la Sameth note que Mme [P] effectuait 22 arrêts par tournée impliquant, à chaque fois, de descendre et remonter dans le véhicule ce qui était générateur de douleurs. Cette étude de poste établit également que les difficultés rencontrées par la salariée lors de l'exercice de ses missions en raison de ses pathologies, sont accrues par l'utilisation d'un siège de bureau inadapté. Or, l'aménagement du poste de travail par la mise à disposition d'un siège de bureau adapté, préconisée par Comète France dès le 29 juillet 2016 puis par le médecin du travail le 6 juillet 2017, n'a finalement pas été mis en oeuvre avant le constat d'inaptitude et le licenciement de Mme [P], éléments dont la cour d'appel a déduit que la dégradation de l'état de santé de cette dernière et, partant, son inaptitude a, au moins partiellement, une origine professionnelle ; qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants tirés d'un lien entre la dégradation de l'état de santé de la salariée et ses conditions de travail, ainsi que d'un retard dans la mise en oeuvre de préconisations du médecin du travail, sans caractériser que l'inaptitude de Mme [P] avait pour origine un accident ou une maladie professionnelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1226-10 et L. 1226-14 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1226-10 du code du travail :
4. Il résulte de ce texte que les règles applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.
5. Pour condamner l'employeur à payer à la salariée des sommes à titre d'indemnité compensatrice égale à l'indemnité compensatrice de préavis et de reliquat d'indemnité spéciale de licenciement, l'arrêt retient que les données médicales du dossier établissent que l'intéressée présente un lourd passé de pathologies d'origine dégénérative, dans la survenance desquelles il n'est pas fait état d'une implication de ses conditions de travail. Il ajoute que l'accident de travail du 13 septembre 2017 dont elle a été victime a été qualifié de bénin par l'expert qui l'a examinée le 25 mars 2022 et que l'état de santé de la salariée a été déclaré consolidé le 20 juin 2018 sans aucune séquelle. Il en déduit que cet accident ne peut être en lien avec l'inaptitude prononcée le 16 décembre 2019. Il relève que la CPAM a refusé de prendre en charge deux des pathologies de la salariée au titre de la législation sur les risques professionnels et qu'au moment de l'avis d'inaptitude, la salariée était en arrêt de maladie simple depuis le 26 janvier 2018.
6. L'arrêt retient ensuite que le docteur [R] a toutefois estimé le 31 mars 2017 que les douleurs ressenties par la salariée étaient entretenues par son activité professionnelle notamment par des trajets en voiture et montées et descentes de véhicule, ce que la Sameth a confirmé. Il relève enfin que l'étude de poste effectuée par la Sameth établit également que les difficultés rencontrées par la salariée lors de l'exercice de ses missions en raison de ses pathologies sont accrues par l'utilisation d'un siège de bureau inadapté, alors que la mise à disposition d'un siège de bureau adapté, préconisée par Comète France dès le 29 juillet 2016 puis par le médecin du travail le 6 juillet 2017, n'a finalement pas été mise en oeuvre avant le constat d'inaptitude et le licenciement de la salariée.
7. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté l'absence de maladie professionnelle et écarté tout lien de causalité entre l'inaptitude et l'accident du travail du 13 septembre 2017, ce dont il résultait que les règles protectrices des victimes d'accident du travail ou de maladie professionnelle n'étaient pas applicables, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
8. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement de la salariée dépourvu de cause réelle et sérieuse et de le condamner à lui verser une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « qu'est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude lorsqu'il est démontré que l'inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée ; qu'en l'espèce, pour dire le licenciement de Mme [P] dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner la société Biopath Hauts de France Nord au paiement de dommages-intérêts à ce titre, la cour d'appel, après avoir relevé dans ses motifs consacrés à l'origine professionnelle de l'inaptitude, que la salariée souffrait de pathologies préexistantes sans rapport avec ses conditions de travail, que la caisse primaire d'assurance maladie avait refusé la prise en charge de deux de ces pathologies, que l'accident du travail du 13 septembre 2017 n'était pas en lien avec son inaptitude, et que celle-ci avait été prononcée à la suite d'un arrêt maladie simple, la cour d'appel a retenu que, toutefois, l'employeur s'était rendu responsable de plusieurs manquements à son obligation de sécurité (absence d'action de formation et de prévention alors que la salariée était exposée à des postures pénibles et un travail répétitif, défaut d'identification des risques dans le document prévu par l'article L. 4121-3 du code du travail, retard dans la mise en oeuvre des préconisations du médecin du travail sur l'aménagement du poste de travail), et que la société, échou[ait] à rapporter la preuve de ce que l'inaptitude de Mme [P] a[vait] une cause totalement étrangère aux manquements [en cause]" ; qu'en statuant ainsi, quand il revenait à la salariée de démontrer que son inaptitude était consécutive à des manquements de l'employeur l'ayant provoquée, la cour d'appel a violé l'article 1353 du code civil, l'article L. 1235-3 du code du travail, et les articles L. 4121-1 et L. 4121-2. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1235-3, L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail :
9. Il résulte de ces textes que le licenciement pour inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse lorsqu'il est démontré que l'inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée.
10. Pour dire que le licenciement de la salariée est dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur au paiement de dommages-intérêts à ce titre, l'arrêt retient que les manquements de l'employeur à son obligation d'assurer la santé et la sécurité de la salariée sont établis et que l'employeur échoue à rapporter la preuve de ce que l'inaptitude de la salariée a une cause totalement étrangère à ces manquements.
11. En se déterminant ainsi, par des motifs insuffisants à caractériser un lien entre l'inaptitude de la salariée et le manquement de l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Et sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
12. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement d'une somme à titre de prime d'objectifs, alors « que l'employeur ne peut être condamné au paiement d'une rémunération variable dépendant de l'atteinte d'objectifs, pour n'avoir pas fixé ces objectifs au salarié, dès lors qu'en tout état de cause, cette rémunération variable n'était pas due ; que durant un arrêt maladie, le salarié peut uniquement percevoir les gratifications qui ne dépendent pas de sa prestation de travail ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt que la salariée avait été placée en arrêt maladie depuis le mois de janvier 2018 jusqu'à la fin de la relation de travail ; que, pour lui allouer le bénéfice d'une prime d'objectifs sur les années 2017 à 2020, la cour d'appel a retenu que si cette prime n'est pas prévue au contrat de travail, il n'est pas contesté qu'elle était versée semestriellement en fonction d'objectifs fixés par l'entreprise", de sorte qu'en l'absence de toute indication quant à la suspension de la prime d'objectifs en cas d'absence, la salariée, qui ne s'était pas vu fixer ses objectifs en début d'exercice, pouvait prétendre à la somme de 5 249,17 euros, calculée par référence au montant maximal de la prime perçue précédemment ; qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que la prime d'objectifs était assise sur des objectifs assignés chaque année à la salariée, en sorte qu'une telle prime dépendait de sa prestation de travail, la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail, ensemble l'article 1103 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1226-1 du code du travail et 1103 du code civil :
13. Il résulte du premier de ces textes que la suspension du contrat de travail dispense l'employeur de son obligation de rémunération du salarié.
14. Il résulte du second de ces textes qu'un salarié, sauf clause contractuelle ou conventionnelle contraire, ne peut prétendre recevoir une prime, lorsque la gratification a été instituée afin de rémunérer une activité ou récompenser les services rendus, que dans la mesure du travail effectivement accompli.
15. Pour condamner l'employeur au paiement d'une somme à titre de prime d'objectifs, l'arrêt retient que, si la prime d'objectifs n'est pas prévue au contrat de travail, il n'est pas contesté qu'elle était versée semestriellement en fonction d'objectifs fixés par l'entreprise. Il ajoute qu'en l'absence de toute indication quant aux modalités de détermination de cette prime et de suspension éventuelle de celle-ci en cas d'arrêt de travail, c'est à juste titre que la salariée réclame le paiement d'une somme calculée par référence au montant maximum de la prime d'objectifs perçue précédemment.
16. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la prime dépendait de la réalisation d'objectifs, et que la salariée, dont le contrat de travail avait été suspendu du 27 janvier 2017 au 13 février 2020 par un arrêt de travail pour maladie, ne se prévalait d'aucune clause de maintien de salaire, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
17. La cassation des chefs de dispositif relatifs à l'origine professionnelle de l'inaptitude, à l'absence de caractère réel et sérieux du licenciement de Mme [P] et à la condamnation de l'employeur au paiement de diverses sommes au titre de la prime d'objectifs, d'indemnité compensatrice égale à l'indemnité compensatrice de préavis, du reliquat d'indemnité spéciale de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant la société Biopath Hauts de France Nord aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause.
Soc. 9 octobre 2024 n° 22-11.828
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CH9
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 9 octobre 2024
Cassation partielle
M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 1018 F-D
Pourvoi n° M 22-11.828
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 OCTOBRE 2024
Mme [Y] [U], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° M 22-11.828 contre l'arrêt rendu le 15 décembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 4), dans le litige l'opposant :
1°/ à la Régie autonome des transports parisiens, établissement public à caractère industriel et commercial, dont le siège est [Adresse 3],
2°/ à la caisse de retraite du personnel de la RATP, dont le siège est [Adresse 1],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bouvier, conseiller, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [U], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la Régie autonome des transports parisiens, après débats en l'audience publique du 11 septembre 2024 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bouvier, conseiller rapporteur, Mme Ollivier, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à Mme [U] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la caisse de retraite du personnel de la RATP.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 décembre 2021), Mme [U] a été engagée par l'EPIC Régie autonome des transports parisiens (la RATP), pour une durée indéterminée à compter du 26 février 1990.
3. Affirmant être victime depuis décembre 2011 d'un harcèlement sexuel de la part de son supérieur hiérarchique, la salariée en a informé sa direction le 13 juin 2013.
4. Le 3 juillet 2013, elle a déposé plainte pour harcèlement sexuel auprès des services de police.
5. Le 15 novembre 2013, la RATP a informé la salariée du fait que son supérieur hiérarchique était muté sur le site Kheops [Localité 4] où elle avait obtenu une mutation et que sa propre affectation était susceptible de changer. Victime d'un malaise sur son lieu de travail, la salariée a déposé le 16 novembre 2013 une déclaration d'accident du travail pour « choc psychologique ».
6. Elle a fait l'objet d'arrêts de travail ininterrompus à compter du 16 novembre 2013 et a été déclarée par le médecin du travail définitivement inapte à son emploi statutaire le 25 août 2016.
7. La salariée a assigné la caisse de coordination aux assurances sociales de la RATP devant le tribunal de sécurité sociale afin d'obtenir la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident. Par arrêt du 19 juin 2020, la cour d'appel a reconnu le caractère professionnel de cet accident. 8. Elle a été mise à la retraite le 14 octobre 2016, selon la procédure de réforme prévue par les dispositions statutaires du personnel de la RATP.
9. Invoquant le harcèlement sexuel qu'elle affirmait avoir subi, le non-respect par son employeur de son obligation de sécurité et la nullité de la rupture du contrat de travail intervenue durant la suspension dudit contrat, la salariée a saisi la juridiction prud'homale notamment aux fins d'obtenir l'indemnisation de ses préjudices, une indemnité compensatrice de congés payés ainsi qu'à titre principal, l'annulation de sa mise à la retraite, sa réintégration et diverses sommes subséquentes et à titre subsidiaire que la rupture du contrat du travail résultant du manquement de la RATP à son obligation de sécurité soit jugée comme étant sans cause réelle et sérieuse.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
10. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
11. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande tendant à ce que soit déclarée nulle sa mise à la retraite, et à titre principal, en cas de réintégration, de sa demande de provision au titre de l'indemnité d'éviction correspondant aux salaires qu'elle aurait dû percevoir depuis sa mise à la retraite d'office, et au bénéfice des augmentations moyennes individuelles et générales perçues par les salariés de la même catégorie, des avantages, primes et salaires de toutes natures et, à titre subsidiaire, en l'absence de réintégration, de sa demande de dommages-intérêts en réparation de la nullité de sa mise à la retraite d'office, alors « que la salariée faisait valoir que l'employeur ayant nécessairement eu connaissance de l'origine potentiellement professionnelle" de l'accident survenu le 15 novembre 2013, seule une faute grave ou lourde [?] aurait pu justifier qu'il soit mis fin à son contrat pendant son arrêt de travail, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce" et en concluait que sa mise à la retraite étant intervenue pendant une période de suspension de son contrat de travail, elle devra donc être jugée nulle" en application des dispositions des articles L. 1226-9 et L. 1226-13 du code du travail ; qu'en délaissant ce moyen, la cour d'appel a privé sa décision de motifs en méconnaissance des exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
12. Ayant constaté que la réforme avait été régulièrement mise en oeuvre par la RATP à la suite de la demande formée par la salariée le 4 août 2016 conformément au statut et de la réunion de la commission médicale le 6 octobre 2016, après l'avis d'inaptitude définitive établi par le médecin du travail le 25 août 2016, ce dont il résulte que la mise à la retraite de la salariée n'était pas intervenue, en violation de l'article L. 1226-9 du code du travail, pendant une période de suspension de son contrat de travail, la cour d'appel n'était pas tenue de répondre à un moyen inopérant.
Mais sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
13. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « qu'elle faisait valoir que sa mise à la retraite d'office consécutive à son inaptitude définitive était sans cause réelle et sérieuse dès lors qu'elle avait été causée par le manquement de la RATP à son obligation de sécurité" ; qu'en délaissant ce moyen, la cour d'appel a privé sa décision de motifs en méconnaissance des exigences de l'article 455 du code de procédure. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018, et les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, le premier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017, le second dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, applicable au litige :
14. Il résulte de ces textes que la rupture du contrat de travail pour inaptitude est dépourvue de cause réelle et sérieuse lorsqu'il est démontré que l'inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée.
15. Pour rejeter les demandes relatives à la rupture du contrat de travail, l'arrêt énonce que, faute de harcèlement sexuel établi, la demande de nullité fondée sur ce chef sera rejetée, la nullité pour licenciement fondé sur la violation de l'obligation de sécurité n'étant pas soutenue par la salariée et que, par ailleurs, la réforme prévue par l'article 98 du statut du personnel de la RATP a été régulièrement mise en oeuvre à la suite de la demande formée par la salariée le 4 août 2016.
16. En se déterminant ainsi, alors qu'il lui appartenait de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si l'inaptitude à l'origine de la mise à la retraite de la salariée était consécutive à un manquement préalable de l'employeur à son obligation de sécurité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Portée et conséquences de la cassation
17. La cassation des chefs de dispositif rejetant la demande tendant à ce que la rupture du contrat de travail soit jugée comme étant sans cause réelle et sérieuse et la demande de dommages-intérêts n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant la RATP aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, dispositions de l'arrêt non remises en cause.
Soc. 18 septembre 2024 n° 23-14.652
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CL6
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 18 septembre 2024
Rejet
Mme CAPITAINE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 895 F-D
Pourvoi n° B 23-14.652
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 SEPTEMBRE 2024
La société Canon France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° B 23-14.652 contre l'arrêt rendu le 16 février 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 10), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [N] [S], domiciliée [Adresse 3],
2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 1], devenu France travail,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Leperchey, conseiller référendaire, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de la société Canon France, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [S], après débats en l'audience publique du 2 juillet 2024 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Leperchey, conseiller référendaire rapporteur, Mme Lacquemant, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 février 2023), Mme [S] a été engagée en qualité d'analyste en information par la société Canon France. Elle exerçait en dernier lieu les fonctions de responsable de département « système d'information ressources humaines ».
2. Le 28 mai 2018, elle a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
3. Contestant son licenciement, elle a saisi la juridiction prud'homale de demandes relatives à l'exécution et à la rupture du contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
5. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement de la salariée dépourvu de cause réelle et sérieuse et de le condamner à lui payer des sommes à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité, d'indemnité de préavis et au titre des congés payés afférents, alors :
« 1° / qu'est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude lorsqu'il est démontré que l'inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l'employeur, qui l'a provoqué ; qu'un tel lien de causalité ne peut être valablement déduit que d'éléments, non seulement réels et sérieux, mais aussi proportionnés à l'atteinte physique ou psychique que le salarié dit subir du fait de son employeur ; que la cour d'appel, pour retenir l'origine professionnelle de l'état de burn-out dont s'était plainte la salariée, a imputé à l'employeur un manquement à l'obligation de sécurité tenant à ce que ce dernier n'aurait rien entrepris pour aider la salariée à faire face à des horaires de travail journaliers supposés dépasser 11 heures ; qu'une telle affirmation était pourtant sans lien raisonnable de proportionnalité avec les constatations préalables de l'arrêt, par lesquelles il avait été relevé, d'une part, que les pièces produites par la salariée au soutien de son allégation d'amplitudes horaires de travail quotidiennes de 11 heures consistaient en cinq courriels, étalés sur une période de six mois, envoyés par l'intéressée avant 9 heures ou après 18 heures, et en une attestation d'une collègue de travail, Mme [M], déclarant que depuis mi 2016, Mme [S] arrivait de plus en plus tôt au bureau", d'autre part, que la prétention de la salariée d'obtenir paiement d'heures supplémentaires, chiffrée par celle-ci à 77 491,20 euros, outre congés payés afférents, ne devait être accueillie qu'à hauteur de 4 678,22 euros, outre congés payés afférents ; qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a violé les articles L. 1226-2, L. 1226-2-1 et L. 4121-1 du code du travail ;
2° / en tout état de cause que l'employeur avait fait valoir, d'une manière précise, que les pièces produites par la salariée au soutien de son allégation d'amplitudes horaires de travail quotidiennes de 11 heures étaient particulièrement peu nombreuses au regard de l'importance du niveau des heures supplémentaires prétendument accomplies, puisqu'il s'agissait pour l'essentiel de cinq courriels envoyés par la salariée avant 9 heures ou après 18 heures, et que ces pièces étaient du reste peu probantes, puisqu'elles se bornaient à remercier des collègues de travail ou à confirmer des informations ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y avait ainsi été invitée, s'il n'existait pas une nette disproportion entre le volume des éléments supposés prouver le manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité, et l'affirmation d'une imputabilité à l'employeur de l'inaptitude de la salariée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1226-2, L. 1226-2-1 et L. 4121-1 du code du travail ;
3° / en tout état de cause, que l'inaptitude du salarié à tout poste dans l'entreprise, avec impossibilité de reclassement, contraint l'employeur de décider un licenciement, lequel ne peut dès lors être déclaré dénué de cause réelle et sérieuse ; qu'il en va ainsi, même si l'inaptitude est en lien avec un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, un tel manquement, à le supposer avéré, étant tout au plus de nature à justifier une condamnation de l'employeur à dommages et intérêts sur ce fondement juridique ; qu'en se fondant néanmoins, pour en déduire la prétendue absence de cause réelle et sérieuse du licenciement de la salariée pour inaptitude avec impossibilité de reclassement, sur le fait que l'employeur aurait manqué à son obligation de sécurité en ne prenant aucune mesure destinée à alléger la charge de travail de la salariée", la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, l'article L. 1226-2-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
6. Le licenciement pour inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse lorsqu'il est démontré que l'inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée.
7. La cour d'appel a relevé d'abord que l'employeur avait manqué à son obligation de sécurité en ne prenant aucune mesure destinée à alléger la charge de travail de la salariée, alors qu'à l'occasion de l'entretien individuel relatif au forfait jours réalisé le 22 novembre 2016 la salariée avait fait part à la directrice développement ressources humaines, représentant l'employeur, de l'importance de sa charge de travail.
8. Elle a retenu ensuite qu'une psychologue, en charge du suivi de la salariée dès le début de son arrêt de travail avait conclu que le premier arrêt en avril 2017 faisait état de troubles anxio dépressifs, à nouveau décrits par un psychiatre en mars 2018, et qu'ainsi les conditions de travail avaient porté atteinte à l'intégrité physique de la salariée et entraîné une dégradation de son état de santé en lien direct avec sa déclaration d'inaptitude.
9. La cour d'appel en a exactement déduit, sans être tenue de procéder à la recherche invoquée par la deuxième branche du moyen, que le licenciement pour inaptitude se trouvait dépourvu de cause réelle et sérieuse.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
Soc. 24 avril 2024 n° 22-19.401 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CH9
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 24 avril 2024
Cassation partielle
M. SOMMER, président
Arrêt n° 401 FS-B
Pourvoi n° T 22-19.401
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 24 AVRIL 2024
Mme [C] [V], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° T 22-19.401 contre l'arrêt rendu le 6 mai 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-7), dans le litige l'opposant à la société Pierre Fabre dermo cosmétique, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Leperchey, conseiller référendaire, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [V], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Pierre Fabre dermo cosmétique, et l'avis de M. Juan, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 mars 2024 où étaient présents M. Sommer, président, M. Leperchey, conseiller référendaire rapporteur, Mme Capitaine, conseiller doyen, Mmes Lacquemant, Nirdé-Dorail, Palle, conseillers, Mmes Valéry, Pecqueur, Laplume, M. Chiron, conseillers référendaires, M. Juan, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 6 mai 2022), Mme [V] a été engagée en qualité de « merchandiser » le 22 août 2011 par la société Pierre Fabre dermo cosmétique.
2. En arrêt de travail à compter du 20 février 2013, la salariée a été déclarée inapte à son poste à l'issue de deux visites de reprise des 18 septembre et 5 octobre 2015.
3. Elle a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 23 décembre 2015 et a saisi la juridiction prud'homale de demandes liées à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail le 18 mai 2016.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable la demande de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de sécurité
Enoncé du moyen
4. La salariée fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables comme prescrites ses demandes au titre des manquements de son employeur à son obligation de sécurité, alors « qu'il résulte de l'article L. 1471-1 du code du travail dans sa version issue de la loi du 14 juin 2013 applicable aux faits que toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit ; que le point de départ du délai de prescription de l'action par laquelle un salarié déclaré inapte à son poste sollicite la réparation des manquements à l'obligation de sécurité est la date à laquelle le salarié a eu connaissance des incidences sur sa santé des agissements de l'employeur ; que ce point de départ ne peut pas être antérieur à la date de la déclaration d'inaptitude ; qu'en retenant que la salariée avait nécessairement connaissance des manquements à l'obligation de sécurité à la date de son arrêt de travail, le 20 février 2013, pour en déduire que les faits dont elle se prévaut au soutien de ses demandes sont prescrits depuis le 20 février 2015, la cour d'appel a violé l'article L. 1471-1 du code du travail dans sa version issue de la loi du 14 juin 2013 applicable aux faits. »
Réponse de la Cour
5. Ayant constaté que la salariée avait été placée en arrêt de travail à compter du 20 février 2013, la cour d'appel a estimé, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, que celle-ci avait eu connaissance à cette date des manquements à l'obligation de sécurité de l'employeur qu'elle invoquait.
6. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le second moyen, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable la demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Enoncé du moyen
7. La salariée fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables comme prescrites ses demandes au titre des manquements de son employeur à son obligation de sécurité et de la débouter de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que le délai de prescription de l'action en contestation d'un licenciement court à compter de la notification de celui-ci ; qu'en l'espèce la salariée soutenait que son licenciement pour inaptitude résultait directement du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ; qu'en retenant qu'elle avait nécessairement connaissance des manquements à l'obligation de sécurité à la date de son arrêt de travail, le 20 février 2013, pour en déduire que les faits dont elle se prévaut au soutien de sa demande sont prescrits depuis le 20 février 2015, alors que la salariée a été licenciée par lettre du 23 décembre 2015 et a saisi le conseil de prud'hommes le 18 mai 2016, ce dont il résultait que l'action en contestation de son licenciement n'était pas prescrite, la cour d'appel a violé l'article L. 1471-1 du code du travail dans sa version issue de la loi du 14 juin 2013 applicable aux faits. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
8. L'employeur conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que celui-ci est incompatible avec la position soutenue par la salariée devant le juge du fond et, subsidiairement, qu'il est nouveau.
9. Cependant, la salariée faisait valoir dans ses écritures qu'elle avait agi dans le délai de deux ans requis pour contester son licenciement.
10. Le moyen n'est donc pas contraire aux conclusions d'appel de la salariée.
11. Le moyen qui, pour le surplus, est de pur droit, est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l'article L. 1471-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi du 14 juin 2013, applicable au litige :
12. Aux termes de ce texte, toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.
13. Le point de départ du délai de prescription de l'action en contestation du licenciement pour inaptitude d'un salarié est la date de notification de ce licenciement.
14. La Cour de cassation juge par ailleurs qu'est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude lorsqu'il est démontré que l'inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée (Soc., 3 mai 2018, pourvoi n° 16-26.850, Bull. 2018, V, n° 72).
15. Il s'ensuit que lorsqu'un salarié conteste, dans le délai imparti, son licenciement pour inaptitude, il est recevable à invoquer le moyen selon lequel l'inaptitude est la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.
16. Pour déclarer irrecevables comme prescrites les demandes de la salariée au titre des manquements de l'employeur à son obligation de sécurité et dire que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que les faits dont la salariée se prévaut au soutien de sa demande sont prescrits depuis le 20 février 2015.
17. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
18. La cassation ne peut s'étendre au chef de dispositif déclarant irrecevable la demande de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, que la critique formulée par le second moyen n'est pas susceptible d'atteindre.
19. La cassation des chefs de dispositif disant le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et déboutant la salariée de sa demande en paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.
Soc. 28 février 2024 n° 22-18.662
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 28 février 2024
Cassation partielle
Mme CAPITAINE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 226 F-D
Pourvoi n° Q 22-18.662
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 FÉVRIER 2024
La société Vente achat machines outils (Vamo), société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 22-18.662 contre deux arrêts rendus les 18 novembre 202 et 28 avril 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-5), dans le litige l'opposant à M. [S] [P], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lacquemant, conseiller, les observations de la SCP Gatineau,Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Vamo, de la SCP Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de M. [P], après débats en l'audience publique du 23 janvier 2024 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lacquemant, conseiller rapporteur, Mme Palle, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Déchéance partielle du pourvoi en tant qu'il est dirigé contre l'arrêt du 18 novembre 2021, examinée d'office
1. En application de l'article 1015 du code de procédure civile, avis a été donné aux parties.
Vu l'article 978 du code de procédure civile :
2. Le mémoire ampliatif ne contenant aucun moyen à l'encontre de l'arrêt du 18 novembre 2021, il y a lieu de constater la déchéance du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre cette décision.
Faits et procédure
3. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 28 avril 2022), M. [P] a été engagé en qualité d'électromécanicien par la société Vamo le 3 juillet 2000.
4. Victime le 13 juin 2014 d'un accident de trajet, le salarié a été placé en arrêt de travail du 11 juillet au 23 août 2014 et a repris le travail le 1er septembre 2014.
5. Il a de nouveau été placé en arrêt de travail du 12 décembre 2014 au 21 octobre 2015 et, à l'issue de deux examens médicaux des 9 novembre et 1er décembre 2015, il a été déclaré inapte à son poste.
6. Licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 22 janvier 2016, le salarié a saisi la juridiction prud'homale.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
7. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire qu'il a manqué à son obligation de sécurité à l'origine de l'inaptitude du salarié, que le licenciement de ce dernier est sans cause réelle et sérieuse et de le condamner à lui payer diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'indemnité de préavis, alors :
« 1°/ que le licenciement pour inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse lorsqu'il est démontré que l'inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée ; que s'il résulte des constatations de l'arrêt qu'après avoir été placé en arrêt de travail du 11 juillet au 23 août 2014, M. [P] avait repris son poste le 1er septembre 2014 sans bénéficier d'une visite de reprise, la cour d'appel a également constaté qu'il avait été déclaré apte à son poste le 7 octobre 2014 par le médecin du travail à l'occasion d'une visite périodique, soit un mois plus tard ; que dès lors en affirmant que le fait d'avoir laissé M. [P] reprendre le travail sans que le médecin du travail n'ait vérifié son aptitude à reprendre son poste était à l'origine de l'inaptitude de M. [P] constatée un an et demi plus tard par le médecin du travail le 1er décembre 2015 à l'issue d'un nouvel arrêt de travail, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations desquelles il résultait que M. [P] ayant été déclaré apte à son poste de travail le 7 octobre 2014, l'absence d'organisation d'une visite de reprise avant cette date était nécessairement sans lien avec son inaptitude constatée postérieurement, a violé les articles L. 1235-3 et L. 4121-1 et s. du code du travail ;
2°/ qu'en n'expliquant pas comment l'omission d'une visite de reprise avait pu provoquer l'inaptitude du salarié qui, après la reprise et bien avant la constatation de l'inaptitude, avait été déclaré apte à son poste par le médecin du travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1235-5 et L. 4121-1 et s. du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1235-5 et L. 4121-1 du code du travail, le premier dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, le second dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017 :
8. Le licenciement pour inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse lorsqu'il est démontré que l'inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée.
9. Pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que l'inaptitude du salarié, constatée le 1er décembre 2015 à l'issue d'un nouvel arrêt de travail du 12 décembre 2014 au 21 octobre 2015, trouve son origine dans le manquement de l'employeur qui l'a directement provoquée en laissant le salarié reprendre le travail le 1er septembre 2014 sans que le médecin du travail n'ait vérifié son aptitude à reprendre son poste.
10. En se déterminant ainsi, par des motifs insuffisants à caractériser l'existence d'un lien de causalité entre l'absence de visite de reprise lors de la reprise du travail par le salarié le 1er septembre 2014 et la déclaration d'inaptitude le 1er décembre 2015 alors qu'elle constatait que lors de la visite périodique du 7 octobre 2014, le salarié avait été déclaré apte à son poste par le médecin du travail, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
11. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié une somme à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité, alors « que pour condamner la société Vamo à verser à M. [P] la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité, la cour d'appel a jugé que le défaut d'organisation d'une visite de reprise était à l'origine de l'inaptitude du salarié cause de son licenciement ; que dès lors la cassation à intervenir sur le premier moyen (première branche) entraînera la cassation de ce chef de dispositif par application de l'article 624 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 624 du code de procédure civile :
12. La cassation sur le premier moyen entraîne la cassation par voie de conséquence du chef de dispositif condamnant l'employeur à payer des dommages-intérêts au titre de son manquement à l'obligation de sécurité au motif que l'inaptitude trouve son origine dans ce manquement qui l'a directement provoquée, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
Soc. 28 février 2024 n° 22-21.910
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
FP6
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 28 février 2024
Cassation partielle
Mme CAPITAINE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 217 F-D
Pourvois n° X 22-21.406 V 22-21.910 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 FÉVRIER 2024
I - M. [Y] [D], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° X 22-21.406,
II - la société Garage [Adresse 3] dépannage, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 22-21.910,
contre l'arrêt rendu le 15 juin 2022 par la cour d'appel d'Amiens (5e chambre prud'homale), dans le litige les opposant.
Le demandeur au pourvoi n° X 22-21.406 invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
Le demandeur au pourvoi n° V 22-21.910 invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de Mme Valéry, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. [D], de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de la société Garage [Adresse 3] dépannage, après débats en l'audience publique du 23 janvier 2024 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Valéry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Salomon, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° X 22-21.406 et V 22-21.910 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 15 juin 2022), M. [D] a été engagé par la société Garage [Adresse 3] dépannage le 16 février 2004, et exerçait en dernier lieu les fonctions de dépanneur.
3. Il a été victime d'un accident du travail le 21 octobre 2016.
4. Il a été déclaré inapte à son poste par le médecin du travail le 2 mars 2017 et licencié pour inaptitude d'origine professionnelle et impossibilité de reclassement le 28 mars 2017.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi n° V 22-21.910, pris en sa seconde branche
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen du pourvoi n° V 22-21.910, pris en sa première branche
6. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif, alors « que le licenciement pour inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse lorsqu'il est démontré que l'inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée ; qu'il appartient au salarié, qui invoque le caractère sans cause réelle et sérieuse du licenciement, de rapporter la preuve de ce que le manquement de l'employeur était à l'origine de son accident ayant conduit à son inaptitude ; que le fait que la visite de reprise du salarié fasse suite à un accident du travail est indifférent, la qualification d'accident du travail étant retenue dès lors qu'un accident est survenu sur le temps et lieu de travail du salarié indépendamment de l'existence d'un quelconque manquement de l'employeur ; qu'aucune présomption relative à l'existence d'un lien entre un manquement de l'employeur et une inaptitude n'existe même lorsque l'inaptitude a pour origine un accident du travail ; qu'en l'espèce, après avoir elle-même énoncé que le salarié n'a pas été soumis à une cadence de travail excessive, la cour d'appel ne pouvait juger sans cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude au motif qu' ''il n'a pas bénéficié d'un repos au moins égal à 11 heures entre la veille et le jour de l'accident. La visite de reprise à l'occasion de laquelle le salarié a été définitivement déclaré inapte à la reprise du travail fait suite à un accident de travail, il incombe donc à l'employeur de rapporter la preuve que cet accident a une cause totalement étrangère au manquement qui lui est à juste titre reproché. Dès lors qu'elle ne rapporte pas cette preuve, le licenciement doit être considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse'' car en statuant ainsi, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a violé les articles L. 1235-3, L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige. »
Réponse de la Cour
7. La cour d'appel, qui a constaté que le salarié avait été victime d'un accident de la route alors qu'il circulait avec son véhicule d'intervention, et qu'il n'avait pas bénéficié de la durée minimale de repos quotidien à plusieurs reprises et en dernier lieu la veille de l'accident, exposant ainsi le salarié à une fatigue accrue, a fait ressortir l'existence d'un lien de causalité entre l'accident du travail et le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.
8. Le moyen est inopérant.
Mais sur le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi n° X 22-21.406
Enoncé du moyen
9. Le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes au titre des heures supplémentaires, du repos compensateur, du travail dissimulé, du rappel de salaire au titre de la retenue sur solde de tout compte et des congés payés afférents, alors « que selon l'article L. 3121-1 du code du travail, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ; que selon l'article L. 3121-5, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, constitue au contraire une astreinte la période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, doit être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'entreprise, la durée de cette intervention étant considérée comme un temps de travail effectif ; que la Cour de justice de l'Union européenne juge que relève de la notion de ''temps de travail effectif'', au sens de la directive 2003/88, l'intégralité des périodes de garde, y compris celles sous régime d'astreinte, au cours desquelles les contraintes imposées au travailleur sont d'une nature telle qu'elles affectent objectivement et très significativement la faculté, pour ce dernier, de gérer librement, au cours de ces périodes, le temps pendant lequel ses services professionnels ne sont pas sollicités et de consacrer ce temps à ses propres intérêts ; qu'inversement, lorsque les contraintes imposées au travailleur au cours d'une période de garde déterminée n'atteignent pas un tel degré d'intensité et lui permettent de gérer son temps et de se consacrer à ses propres intérêts sans contraintes majeures, seul le temps lié à la prestation de travail qui est, le cas échéant, effectivement réalisée au cours d'une telle période constitue du temps de travail, aux fins de l'application de la directive 2003/88 (CJUE 9 mars 2021, C-344/19, D.J. c/ Radiotelevizija Slovenija, points 37 et 38) ; que pour débouter le salarié de ses demandes, l'arrêt a retenu qu'il devait pendant ses périodes de ''permanence'' répondre à l'appel du ''dispatcheur'' pour se trouver sur les lieux de l'intervention désignée en 30 minutes, qu'il avait à sa disposition un téléphone portable, un véhicule d'intervention, qu'il pouvait entre les interventions vaquer à ses occupations sans se tenir en permanence à la disposition de l'employeur ; qu'il était ainsi soumis au régime de l'astreinte ; qu'en se déterminant ainsi, alors que le salarié invoquait le court délai d'intervention imparti pour se rendre sur place après l'appel, sans vérifier si le salarié avait été soumis, au cours des périodes d'astreinte, à des contraintes d'une intensité telle qu'elles avaient affecté, objectivement et très significativement, sa faculté de gérer librement, au cours de ces périodes, le temps pendant lequel ses services professionnels n'étaient pas sollicités et de vaquer à des occupations personnelles, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3121-1 et L. 3121-5 du code du travail, ensemble l'article L. 3171-4 du même code. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 3121-1 et L. 3121-5 du code du travail, ce dernier dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :
10. Aux termes du premier de ces textes, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.
11. Selon le second, constitue au contraire une astreinte la période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, doit être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'entreprise, la durée de cette intervention étant considérée comme un temps de travail effectif.
12. La Cour de justice de l'Union européenne juge que relève de la notion de temps de travail effectif, au sens de la directive 2003/88, l'intégralité des périodes de garde, y compris celles sous régime d'astreinte, au cours desquelles les contraintes imposées au travailleur sont d'une nature telle qu'elles affectent objectivement et très significativement la faculté, pour ce dernier, de gérer librement, au cours de ces périodes, le temps pendant lequel ses services professionnels ne sont pas sollicités et de consacrer ce temps à ses propres intérêts. Inversement, lorsque les contraintes imposées au travailleur au cours d'une période de garde déterminée n'atteignent pas un tel degré d'intensité et lui permettent de gérer son temps et de se consacrer à ses propres intérêts sans contraintes majeures, seul le temps lié à la prestation de travail qui est, le cas échéant, effectivement réalisée au cours d'une telle période constitue du "temps de travail", aux fins de l'application de la directive 2003/88 (CJUE 9 mars 2021, C-344/19, D.J. c/ Radiotelevizija Slovenija, points 37 et 38).
13. Pour débouter le salarié de ses demandes, l'arrêt retient que l'intéressé, sans être assigné dans ou à proximité de locaux désignés par l'employeur, devait pendant ses périodes de permanence, se tenir prêt à répondre à l'appel du dispatcheur de manière à se trouver sur les lieux de l'intervention qui lui était désigné, dans un délai de 30 minutes, qu'il avait à sa disposition un téléphone portable et son véhicule d'intervention qu'il pouvait utiliser à des fins privées, qu'il n'avait ainsi d'autre sujétion que celle de répondre immédiatement aux appels et pouvait donc, entre les interventions, vaquer librement à ses occupations personnelles de sorte qu'il ne peut être soutenu qu'il était tenu de se maintenir de manière permanente et immédiate à la disposition de l'employeur.
14. En se déterminant ainsi, alors que le salarié invoquait le court délai d'intervention qui lui était imparti pour se rendre sur place après l'appel de l'usager, sans vérifier si le salarié avait été soumis, au cours de ses périodes d'astreinte, à des contraintes d'une intensité telle qu'elles avaient affecté, objectivement et très significativement, sa faculté de gérer librement, au cours de ces périodes, le temps pendant lequel ses services professionnels n'étaient pas sollicités et de vaquer à des occupations personnelles, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Portée et conséquences de la cassation
15. La cassation des chefs de dispositif visés par le moyen n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci.
Soc. 14 décembre 2022 n° 21-19.112
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
BD4
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 14 décembre 2022
Cassation partielle
Mme CAPITAINE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 1341 F-D
Pourvoi n° G 21-19.112
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 DÉCEMBRE 2022
Mme [N] [L], épouse [X], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 21-19.112 contre l'arrêt rendu le 16 octobre 2020 par la cour d'appel de Rennes (8e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant à l'Association intercommunale de maisons de retraite, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lacquemant, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de Mme [L], épouse [X], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'Association intercommunale de maisons de retraite, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présentes Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lacquemant, conseiller rapporteur, Mme Salomon, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 16 octobre 2020), Mme [L] a été engagée en qualité d'aide-soignante le 1er avril 2006 par l'Association intercommunale de maisons de retraite.
2. La salariée, placée en arrêt de travail à plusieurs reprises à compter du 6 novembre 2008, a été licenciée le 3 juin 2015, le médecin du travail l'ayant déclarée inapte à son poste le 17 avril 2015, lors de la visite de reprise.
3. Contestant son licenciement, la salariée a saisi la juridiction prud'homale.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, ci-après annexé
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes au titre de son licenciement, alors « que si le moyen tiré du défaut de motivation de la lettre de licenciement n'a pas été relevé par le salarié devant les juges du fond, il est nécessairement dans le débat ; qu'il appartient donc aux juges de rechercher, au besoin d'office, en respectant le principe du contradictoire, si la lettre de licenciement énonce le ou les motifs du licenciement ; que ne constitue pas l'énoncé d'un motif précis de licenciement l'indication de l'inaptitude physique du salarié, sans mention de l'impossibilité de reclassement ; que la lettre de licenciement du 3 juin 2015 ayant mis fin à la relation contractuelle de la salariée ''déclarée inapte de manière définitive à tous les postes de l'entreprise'' mentionne une recherche de reclassement sans indiquer que le reclassement était impossible ; qu'en jugeant que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-6 et L. 1235-3 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
6. Le moyen tiré du défaut de motivation de la lettre de licenciement est nécessairement dans le débat.
7. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l'article L. 1226-2 du code du travail, dans sa version antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et l'article L. 1232-6 du même code, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 :
8. Il résulte de ces textes qu'il appartient aux juges du fond de rechercher, au besoin d'office, en respectant le principe de la contradiction, si la lettre de licenciement énonce le ou les motifs du licenciement et que ne constitue pas l'énoncé d'un motif précis de licenciement l'inaptitude physique du salarié, sans mention de l'impossibilité de reclassement.
9. L'arrêt déboute la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
10. En se déterminant ainsi, sans rechercher si la lettre de licenciement énonçait l'impossibilité de reclasser la salariée déclarée inapte, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Soc. 6 juillet 2022 n° 21-13.387
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CH9
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 6 juillet 2022
Cassation partielle
M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 879 F-D
Pourvoi n° K 21-13.387
Aide juridictionnelle totale en demande au profit de M. [O]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 14 janvier 2021.
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 JUILLET 2022
M. [V] [O], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 21-13.387 contre l'arrêt rendu le 30 octobre 2019 par la cour d'appel de Versailles (15e chambre), dans le litige l'opposant à la société Métro France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], anciennement dénommée Cash & Carry France défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ott, conseiller, les observations de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de M. [O], de la SCP Célice, Texidor et Périer, avocat de la société Métro France, après débats en l'audience publique du 1er juin 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ott, conseiller rapporteur, Mme Agostini, conseiller et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 30 octobre 2019), M. [O], engagé le 29 janvier 2007 selon contrat à durée indéterminée par la société Métro Cash & Carry France, devenue la société Métro France (la société), en qualité de vendeur qualifié, après des arrêts de travail pour accident du travail ou maladie et suite à un avis d'inaptitude définitive à son poste de travail par le médecin du travail, a été licencié le 7 décembre 2009 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
2. Le 11 mai 2012, il a saisi la juridiction prud'homale pour contester son licenciement en invoquant un harcèlement moral ainsi qu'un manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen
Enoncé du moyen
4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande subsidiaire tendant à juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse et à la condamnation de son employeur à lui payer diverses sommes à ce titre, alors « que l'inaptitude causée par un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat prive le licenciement fondé sur cette inaptitude de cause réelle et sérieuse ; qu'ayant expressément reconnu qu'en l'espèce, l'absence totale de réaction de l'employeur à la dénonciation de ce que le salarié percevait être du harcèlement moral, caractérisant un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, ''a nécessairement impacté le salarié dont l'état de santé était déjà fragilisé'' la cour d'appel qui affirme que le moyen tiré de ce que le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité à l'origine de l'inaptitude du salarié ne saurait constituer une cause de requalification du licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse, ''la réalité de l'inaptitude n'étant pas contestée'' a violé les articles L. 1232-1 et L. 1235-1 ensemble les articles L. 4121-1 et L. 1222-1 dudit code. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1235-3 du code du travail et les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du même code, en leur rédaction applicable en la cause :
5. Le licenciement pour inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse lorsqu'il est démontré que l'inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée.
6. Pour débouter le salarié de ses demandes en paiement de dommages-intérêts au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que le salarié sollicite la requalification de son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse au motif que son harcèlement moral résulte d'un manquement à l'obligation de sécurité de l'employeur, qui est donc la cause de l'inaptitude, qu'or ce moyen ne saurait constituer une cause de requalification du licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse, la réalité de l'inaptitude n'étant pas contestée, que le harcèlement moral n'étant pas caractérisé, l'argument est donc inopérant.
7. En se déterminant ainsi, alors d'une part qu'elle avait constaté que le salarié demandait à titre principal la nullité de son licenciement pour inaptitude en raison d'un harcèlement moral subi et à titre subsidiaire de déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse en conséquence d'un manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité et que d'autre part elle avait retenu l'existence d'un manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité, justifiant la condamnation de ce dernier au paiement à ce titre de dommages-intérêts, la cour d'appel qui n'a pas recherché, comme elle y était invitée, si l'inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l'employeur à son obligation de sécurité, a privé sa décision de base légale.
Soc. 13 avril 2022 n° 20-21.946
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CA3
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 13 avril 2022
Cassation partielle
Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 467 F-D
Pourvoi n° T 20-21.946
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 13 AVRIL 2022
La société Modelage et techniques dérivées, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° T 20-21.946 contre l'arrêt rendu le 25 septembre 2020 par la cour d'appel de Douai (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. [L] [T], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pion, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Modelage et techniques dérivées, de Me Balat, avocat de M. [T], après débats en l'audience publique du 1er mars 2022 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pion, conseiller rapporteur, Mme Capitaine, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 25 septembre 2020), M. [T], engagé le 4 janvier 1991 en qualité de modeleur par la société Modelage et Techniques Dérivées, a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 25 août 2016.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches, ci-après annexé
2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
3. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que l'inaptitude, d'origine professionnelle, est imputable au moins partiellement aux manquements de l'employeur à son obligation de sécurité, de déclarer en conséquence le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, et de le condamner à payer au salarié les sommes de 15 266,27 euros à titre d'indemnité spéciale de licenciement, 6 574,29 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 657,42 euros à titre de congés payés y afférents et 28 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que les règles protectrices des victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent lorsque l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a au moins partiellement pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement ; que ces deux conditions sont cumulatives ; qu'en l'espèce, pour retenir que l'inaptitude de M. [T] était professionnelle, la cour d'appel s'est bornée à relever qu'en dépit des préconisations constantes du médecin du travail, M. [T] a continué d'être affecté, plusieurs années durant, à un poste impliquant la manutention de charges lourdes, que les outils inadaptés mis à sa disposition ont contribué à la détérioration de son état de santé et que l'inaptitude trouve sa cause, au moins partiellement, dans les manquements de l'employeur à son obligation de sécurité et de prévention ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher ni caractériser la connaissance par la société MTD de cette origine professionnelle au moment du licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1226-10, L. 1226-14 et L. 1226-15 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1226-10 et L. 1226-14 du code du travail, le premier dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 applicable au litige :
4. Il résulte de ces textes que les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine au moment du licenciement.
5. Pour allouer au salarié des sommes en application de l'article L. 1226-14 du code du travail, l'arrêt retient qu'en dépit des préconisations constantes du médecin du travail de non-port de charges lourdes, le salarié avait continué de manipuler occasionnellement de telles charges, que l'employeur n'avait fait procéder à aucune étude d'aménagement du poste de travail et que la mise à disposition du salarié d'outils de levage inadaptés n'avait pu pallier ses carences dans l'organisation du travail et la protection de la santé du salarié, ces manquements ayant entraîné une aggravation de l'état de santé de ce dernier au cours des années et qu'il s'en déduisait que l'inaptitude trouvait sa cause, au moins partiellement, dans les manquements de l'employeur à son obligation de sécurité et de prévention.
6. En se déterminant ainsi, sans rechercher si l'inaptitude avait pour origine un accident du travail ou une maladie professionnelle, et si l'employeur avait connaissance de cette origine à la date du licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Portée et conséquences de la cassation
7. La cassation prononcée n'atteint pas les chefs de dispositif disant le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamnant l'employeur au paiement de dommages-intérêts à ce titre, que la critique articulée par la troisième branche du moyen n'est pas susceptible d'atteindre.
8. Elle n'emporte pas par ailleurs la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.
Soc. 9 février 2022 n° 20-18.529
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
LG
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 9 février 2022
Cassation partielle
M. SCHAMBER, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 198 F-D
Pourvoi n° D 20-18.529
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 FÉVRIER 2022
M. [L] [E], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 20-18.529 contre l'arrêt rendu le 17 juin 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 8), dans le litige l'opposant à la société Sam outillage, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lecaplain-Morel, conseiller, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de M. [E], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Sam outillage, après débats en l'audience publique du 15 décembre 2021 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lecaplain-Morel, conseiller rapporteur, M. Rouchayrole, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 juin 2020), suivant contrat de travail du 29 juillet 2011, M. [E] a été engagé par la société P.T.S. outillage en qualité de directeur des ventes. A compter du 1er juillet 2012, son contrat de travail a été transféré à la société Sam outillage au sein de laquelle il exerçait les fonctions de directeur des ventes grands comptes.
2. Le 28 juillet 2015, le salarié a été licencié pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement.
3. Le 16 décembre 2015, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes en paiement d'un rappel de salaire pour heures supplémentaires et de dommages-intérêts pour non-respect de la contrepartie en repos au-delà du contingent annuel d'heures supplémentaires, alors « qu'en cas de litige relatif à l'existence et au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; que pour débouter le salarié de sa demande au titre des heures supplémentaires et du repos compensateur, la cour d'appel a retenu qu'il ne produit ni tableau ni suffisamment d'éléments pour déterminer jour par jour l'heure de début et de fin du travail, que les agendas versés aux débats permettent d'établir les dates des jours de travail mais non un horaire quotidien de début et de fin de service, et que les mails produits aux débats ne permettent pas d'établir que le salarié avait travaillé avant ou après leur envoi, de sorte qu'il ne produisait pas d'éléments suffisamment précis pour étayer sa demande et permettre à l'employeur de fournir ses propres éléments ; qu'en statuant ainsi quand il résultait de ses constatations, d'une part, que le salarié fournissait des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétendait avoir accomplies, d'autre part, que l'employeur ne produisait aucun élément de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :
5. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
6. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
7. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
8. Pour débouter le salarié de ses demandes au titre des heures supplémentaires, des congés payés afférents et de l'indemnisation des repos compensateurs subséquents, l'arrêt relève tout d'abord qu'il ne produit ni tableau ni suffisamment d'éléments pour déterminer, jour par jour, même approximativement, l'heure à laquelle il a débuté et celle à laquelle il a terminé le travail et qu'aucune attestation ne vient y suppléer. Il énonce ensuite que les agendas versés aux débats permettent d'établir les dates des jours de travail, mais non les horaires quotidiens de début et de fin de service puisqu'ils ne font que mentionner les obligations et rendez-vous du salarié en cours de journée. Il ajoute que les mails produits ne concernent qu'une petite partie des journées en litige et qu'il est impossible d'en déduire que le salarié a travaillé avant ou après leur envoi.
9. Il retient qu'en définitive, l'appelant ne produit pas d'éléments assez précis pour étayer sa demande et permettre à l'employeur de fournir ses propres éléments.
10. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé.
Et, sur le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
11. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et de le débouter de ses demandes à ce titre, alors « que le licenciement pour inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse lorsque l'inaptitude est consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée ; que pour dire le licenciement justifié, la cour d'appel a énoncé qu'il n'est établi ni une surcharge de travail permanente ni une amplitude excessive des journées de travail du salarié, dès lors que l'accomplissement par celui-ci d'heures supplémentaires n'a pas été retenu ; que la cassation à intervenir sur le premier moyen relatif aux heures supplémentaires entraînera la cassation par voie de conséquence et par application de l'article 624 du code de procédure civile du chef de dispositif relatif au licenciement. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 624 du code de procédure civile :
12. La cassation à intervenir sur le premier moyen entraîne la cassation, par voie de conséquence, des chefs de dispositif ayant dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et débouté le salarié de ses demandes formées à ce titre, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
Soc. 12 janvier 2022 n° 20-22.573
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CDS
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 12 janvier 2022
Cassation partielle
Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 46 F-D
Pourvoi n° Z 20-22.573
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 JANVIER 2022
M. [P] [O] [Y], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Z 20-22.573 contre l'arrêt rendu le 10 septembre 2020 par la cour d'appel de Versailles (11e chambre), dans le litige l'opposant à la société Transports bâtiments travaux publics, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Gilibert, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [Y], de Me Haas, avocat de la société Transports bâtiments travaux publics, après débats en l'audience publique du 16 novembre 2021 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Gilibert, conseiller rapporteur, M. Pion, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 10 septembre 2020), M. [Y] a été engagé le 18 mars 2013 par la société Transports bâtiments travaux publics (la société), en qualité de conducteur d'engins.
2. Le 20 novembre 2013, M. [Y] a été victime d'un accident du travail.
3. A l'issue de deux examens du médecin du travail des 1er avril et 19 avril 2016, il a été déclaré inapte à son poste de conducteur d'engins.
4. Licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 21 mai 2016, il a saisi la juridiction prud'homale.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement était justifié par une cause réelle et sérieuse et de le débouter de l'ensemble de ses demandes à ce titre, alors « qu'est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude lorsqu'il est démontré que l'inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée ; qu'en ne répondant pas au moyen des conclusions d'appel de M. [Y] qui faisait valoir que son inaptitude trouvant sa cause dans une violation par l'employeur de l'obligation de sécurité de résultat, son licenciement était sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
6. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.
7. Pour rejeter la demande du salarié tendant à voir dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse et le débouter de ses demandes à ce titre, l'arrêt retient que l'employeur justifie avoir satisfait de manière loyale et sérieuse à son obligation de reclassement.
8. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions du salarié qui soutenait que son inaptitude avait pour origine le manquement préalable de l'employeur à son obligation de sécurité, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
Soc. 15 décembre 2021 n° 20-19.198
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
LG
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 15 décembre 2021
Cassation partielle
Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 1417 F-D
Pourvoi n° F 20-19.198
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 DÉCEMBRE 2021
M. [M] [H], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° F 20-19.198 contre l'arrêt rendu le 12 décembre 2019 par la cour d'appel de Caen (chambre sociale, section 1), dans le litige l'opposant à la société Rénovation MBC, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pion, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [H], après débats en l'audience publique du 3 novembre 2021 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pion, conseiller rapporteur, Mme Gilibert, conseiller, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Lavigne, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué, (Caen, 12 décembre 2019), M. [H], engagé en qualité de maçon le 12 mai 2014 par la société Rénovation MBC, a été victime d'un accident du travail le 10 mai 2016.
2. Il a saisi le 25 avril 2017 la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail.
3. Déclaré inapte à son poste par le médecin du travail à l'issue de deux examens médicaux les 24 octobre et 27 novembre 2018, le salarié a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 21 décembre 2018.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et de ses demandes subséquentes, alors « qu'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail est justifiée lorsque l'employeur a commis des manquements suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail ; que tel est le cas du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité dont il est résulté une inaptitude du salarié ; qu'en déboutant en l'espèce le salarié de sa demande aux motifs que celui-ci ne soutient pas que les manquements de l'employeur à son obligation de sécurité sont suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail, quand elle a constaté que l'employeur avait manqué à son obligation de sécurité, peu important que ces manquements ne soient pas à l'origine de l'accident du travail dont a été victime le salarié, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, et partant a violé l'article 1184 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, et les articles 1134 et 1184 du code civil :
5. Selon le premier de ces textes, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent : 1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ; 2° Des actions d'information et de formation ; 3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.
6. Le deuxième de ces textes prévoit que l'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants : 1° Eviter les risques ; 2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ; 3° Combattre les risques à la source ; 4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé (...).
7. Selon le dernier de ces textes, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement.
8. Pour débouter le salarié de sa demande en résiliation judiciaire du contrat de travail, l'arrêt retient que le salarié identifie trois manquements de l'employeur relevés par l'inspection du travail et constitués d'un défaut d'utilisation d'un équipement de travail approprié, d'une absence de formation à la sécurité et d'une absence d'évaluation des risques, que l'absence sur le chantier de matériel approprié pour la découpe d'une poutre ne constitue pas un manquement dès lors que la découpe de la poutre était prévue pour le lendemain, que le salarié n'a reçu aucune formation à la sécurité et aucune formation particulière à l'utilisation d'une meuleuse, mais que ce matériel, utilisé depuis plusieurs années dans l'entreprise, est courant et habituel pour un maçon, que la modification de cet outil par le client imposait d'utiliser l'outil sans son carter de protection et qu'un collègue avait tenté de dissuader le salarié de l'utiliser ainsi modifié en sorte que le défaut de formation est sans lien démontré avec l'accident et que si un document d'évaluation de risques avait été établi et avait listé le risque lié à l'utilisation d'une meuleuse, il n'aurait probablement pas mentionné un risque lié à une utilisation non conforme du matériel.
9. L'arrêt en déduit que ces manquements ne sont pas à l'origine de l'accident du travail, et que le salarié ne soutenant pas que ces manquements seraient, pour une raison autre, suffisamment graves pour empêcher le contrat de travail de se poursuivre, il sera débouté de sa demande de résiliation du contrat de travail.
10 En se déterminant ainsi, alors que le salarié faisait valoir que les manquements de l'employeur à son obligation de sécurité rendaient impossible la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel, qui n'a pas recherché, ainsi qu'elle y était invitée, si les manquements qu'elle avait constatés étaient d'une gravité suffisante pour rendre impossible la poursuite des relations contractuelles, a privé sa décision de base légale.
Portée et conséquence de la cassation
11. La cassation prononcée atteint, par voie de conséquence, le rejet des demandes présentées au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse qui se trouvent dans la dépendance des chefs cassés. Elle n'atteint pas les chefs de dispositif condamnant l'employeur aux dépens et au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations.
Soc. 1 décembre 2021 n° 19-25.107
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 1er décembre 2021
Rejet
Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 1356 F-D
Pourvoi n° G 19-25.107
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 1ER DÉCEMBRE 2021
L'association Travail et culture, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° G 19-25.107 contre l'arrêt rendu le 27 septembre 2019 par la cour d'appel de Douai (chambre sociale), dans le litige l'opposant à Mme [S] [P], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pion, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de l'association Travail et culture, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [P], après débats en l'audience publique du 12 octobre 2021 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pion, conseiller rapporteur, M. Ricour, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 27 septembre 2019 ), Mme [P], engagée en qualité de secrétaire comptable le 10 juin 1990 par l'association Travail et culture, a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 8 janvier 2015.
Examen des moyens
Sur le premier moyen et le second moyen, pris en sa première branche, ci-après annexés
2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le second moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
3. L'employeur fait grief à l'arrêt dire que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et de le condamner à payer à la salariée diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, alors « que le licenciement prononcé pour inaptitude n'est dépourvu de cause réelle et sérieuse qu'a la condition qu'il soit démontré que l'inaptitude est consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée ; qu'en décidant que l'employeur aurait été à l'origine de la dégradation de l'état de santé de Madame [P] ayant conduit à l'avis d'inaptitude du médecin du travail quand elle avait exclusivement relevé que le manquement de l'employeur résultait d'un défaut d'élaboration du document unique de prévention des risques, la cour d'appel a violé l'article L. 1226-2 du code du travail. »
Réponse de la Cour
4. La cour d'appel, qui a retenu que la dégradation de l'état de santé de l'intéressée ayant conduit à l'avis d'inaptitude du médecin du travail était, au moins pour partie, la conséquence de la souffrance au travail dont elle avait été victime, et que l'employeur, qui avait connaissance du conflit l'opposant à d'autres salariées, n'avait pas pris toutes les mesures de prévention nécessaires, ni les mesures propres à le faire cesser, a légalement justifié sa décision.
5. Le moyen n'est donc pas fondé.
Soc. 17 novembre 2021 n° 20-14.072
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
LG
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 17 novembre 2021
Cassation partielle
Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 1270 F-D
Pourvoi n° J 20-14.072
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 17 NOVEMBRE 2021
Mme [N] [P], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° J 20-14.072 contre l'arrêt rendu le 15 novembre 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-7), dans le litige l'opposant à la société Avis location de voitures, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pion, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de Mme [P], après débats en l'audience publique du 28 septembre 2021 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pion, conseiller rapporteur, M. Ricour, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 15 novembre 2019), Mme [P], engagée en qualité d'assistante commerciale et opérationnelle à compter du 3 avril 2000 par la société Avis location de voitures, a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 29 mars 2017.
2. Contestant son licenciement, la salariée a saisi la juridiction prud'homale.
Examen de la requête en rectification d'erreur matérielle
Vu l'article 462 du code de procédure civile :
4. Une erreur matérielle a été commise dans la rédaction de l'arrêt n° RG 18/12281 du 15 novembre 2019 en ce que les conclusions ont été notifiées par Mme [N] [P] le 27 septembre 2019 et non le 21 juillet 2017.
5. Il y a lieu de réparer cette erreur.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première, deuxième, troisième et huitième branches, ci-après annexé
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en sa neuvième branche
Enoncé du moyen
7. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dommages-intérêts pour défaut de notification par écrit des motifs s'opposant au reclassement, d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, et de reliquat d'indemnité spéciale, à défaut, légale, de licenciement, alors « que le salaire de référence à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité légale de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié, celui des douze ou des trois derniers mois précédant l'arrêt de travail pour maladie ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait débouter Mme [P] de ses demandes au titre de son licenciement, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la société Avis location de voitures lui était redevable d'une indemnité légale de licenciement de 10 652,27 euros, au regard de sa rémunération moyenne mensuelle des douze mois précédant son arrêt de travail de 2 458,22 euros, de sorte que lui restait dû un reliquat d'indemnité légale de licenciement égal à un montant de 1 134,65 euros ; la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1226-2, L. 1234-9 et R. 1234-4 du code du travail, dans leur rédaction alors en vigueur. »
Réponse de la Cour
8. En dépit de la formule du dispositif ‘‘déboute Madame [N] [P] et la société Avis location de voitures de leurs autres demandes'', l'arrêt ne statue pas sur le chef de demande relatif à un reliquat au titre de l'indemnité légale de licenciement, dès lors qu'il ne résulte pas des motifs de la décision que la cour d'appel l'ait examiné.
9. L'omission de statuer pouvant être réparée par la procédure prévue à l'article 463 du code de procédure civile, le moyen n'est pas recevable.
Mais sur le moyen, pris en sa quatrième branche
Enoncé du moyen
10. La salariée fait les mêmes griefs à l'arrêt, alors « que le licenciement pour inaptitude d'un salarié est dépourvu de cause réelle et sérieuse lorsque cette inaptitude est consécutive à un manquement préalable de l'employeur à son obligation de sécurité ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui relevait elle-même que l'employeur avait manqué à son obligation de sécurité en ne réagissant pas à l'entretien du 15 octobre 2015, au cours duquel la salariée s'était plainte de ses conditions de travail ressenties comme extrêmement oppressantes, et que la salariée avait ensuite été déclarée inapte par le médecin du travail qui mentionnait qu'elle ‘‘pourrait occuper un poste sans contact clientèle direct, dans un autre site, sans horaires décalés, avec faible contrainte d'objectifs et de résultats'', ne pouvait ensuite débouter Mme [P] de ses demandes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse car, en statuant comme elle l'a fait, elle n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations dont il résultait que l'inaptitude de la salariée était consécutive au manquement préalable de l'employeur à son obligation de sécurité, la cour d'appel a violé les articles L. 1235-3, L. 1421-1 et L. 1421-2 du code du travail, dans leur rédaction alors applicable. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, et les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, le premier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017, le second dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, applicable au litige :
11. Il résulte de ces textes que le licenciement pour inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse lorsqu'il est démontré que l'inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée.
12. Pour débouter la salariée de sa demande en dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que la nature non professionnelle de l'inaptitude est dûment établie et que l'employeur a licencié la salariée dans le respect de ses obligations légales quant au reclassement.
13. En se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si l'inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l'employeur à son obligation de sécurité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Portée et conséquences de la cassation
14. La cassation prononcée sur le moyen pris en sa quatrième branche n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt rejetant les demandes d'indemnité spéciale de licenciement et de dommages-intérêts pour défaut de notification des motifs s'opposant au reclassement.
15. Elle n'emporte pas cassation du chef de dispositif condamnant l'employeur au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifié par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en causes, mais entraîne, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt disant que chaque partie conservera la charge de ses dépens.
Soc. 13 octobre 2021 n° 19-21.164
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
LG
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 13 octobre 2021
Cassation partielle
M. SCHAMBER, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 1137 F-D
Pourvoi n° X 19-21.164
Aide juridictionnelle totale en demande au profit de Mme [Y]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 10 décembre 2020.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 13 OCTOBRE 2021
Mme [Z] [Y], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° X 19-21.164 contre l'arrêt rendu le 13 juin 2019 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant à la société HB Dom, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Prieur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de Mme [Y], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société HB Dom, après débats en l'audience publique du 1er septembre 2021 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Prieur, conseiller référendaire rapporteur, M. Sornay, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 13 juin 2019), Mme [Y] a été engagée le 17 mai 2013 par la société HB Dom, en qualité d'aide à domicile à temps partiel pour une durée contractuelle du travail de 82,33 heures par mois.
2. Contestant son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement notifié le 31 octobre 2014, elle a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur les deuxième et troisième moyens, ci-après annexés
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes en requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein et en paiement du rappel de salaire correspondant outre les congés payés afférents et, en conséquence, de sa demande au titre du travail dissimulé, alors « qu'en retenant que "Mme [Y] soutient que le quantum des heures de travail qu'elle aurait été contrainte d'accomplir au service de l'employeur aurait atteint à plusieurs reprises l'équivalent d'un temps plein et elle sollicite la requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein pour ce seul motif", quand la salariée demandait, en outre, la requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein, faute pour l'employeur de lui avoir remis chaque mois un planning de travail et, en cas de modification de ses horaires de travail en cours de mois, d'avoir respecté un délai de prévenance de sept jours, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code de procédure civile :
5. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
6. Pour débouter la salariée de ses demandes en requalification de son contrat de travail à temps partiel en temps plein et en paiement du rappel de salaire correspondant, l'arrêt retient que la salariée soutient que le quantum des heures de travail qu'elle aurait été contrainte d'accomplir au service de l'employeur aurait atteint à plusieurs reprises l'équivalent d'un temps plein et elle sollicite la requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein pour ce seul motif.
7. En statuant ainsi, alors que, dans ses conclusions d'appel, la salariée soutenait aussi que l'employeur n'avait pas respecté l'article 4, alinéa 2, du contrat de travail dans lequel était stipulé qu'un planning de travail devait être communiqué tous les mois par remise en main propre ou courrier et que toute modification de ce planning devait faire l'objet d'un délai de prévenance de sept jours, et que le non-respect de cette disposition du contrat de travail suffisait déjà à justifier la requalification du contrat en temps plein, la cour d'appel, qui a méconnu les termes du litige, a violé le texte susvisé.
Et sur le quatrième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
8. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'une indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, alors « que la cassation qui interviendra du chef de l'un ou l'autre des trois premiers moyens de cassation, relatifs à un remboursement de frais professionnels, à la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein et au paiement des déplacements entre les lieux de travail de Mme [Y] entraînera, par voie de conséquence et en application de l'article 624 du code de procédure civile, la censure de l'arrêt attaqué en ce qu'il a débouté la salariée de ses demandes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et du préavis, outre les congés payés y afférents. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 624 du code de procédure civile :
9. La cassation à intervenir sur le premier moyen entraîne la cassation, par voie de conséquence, des chefs de dispositif relatifs au rejet des demandes en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'une indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
Soc. 21 octobre 2020 n° 19-15.376
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
IK
COUR DE CASSATION______________________
Audience publique du 21 octobre 2020
Cassation
Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyenfaisant fonction de président
Arrêt n° 928 F-D
Pourvoi n° F 19-15.376
Aide juridictionnelle totale en demandeau profit de M. H....Admission du bureau d'aide juridictionnelleprès la Cour de cassationen date du 14 février 2019.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 21 OCTOBRE 2020
M. P... H..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° F 19-15.376 contre l'arrêt rendu le 15 février 2018 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant à la société PBM, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , anciennement dénommée société Prefa 26, défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Ricour, conseiller, les observations de Me Haas, avocat de M. H..., après débats en l'audience publique du 8 septembre 2020 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Ricour, conseiller rapporteur, Mme Van Ruymbeke, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 15 février 2018), M. H... a été engagé par la société PMB, anciennement dénommée Préfa 26, le 13 février 2006, en qualité d'agent de préfabrication d'éléments d'escalier en ciment.
2. Le 9 mars 2011, il a été victime d'un accident du travail. Le 2 juin 2014, à la suite de deux examens médicaux, il a été déclaré inapte à tous les postes de l'entreprise du site de Saint-Just de Claix.
3. Le 24 juillet 2014, il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes de condamnation de la société Préfa 26 à lui payer des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « qu'est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude physique lorsqu'il est démontré que l'inaptitude est consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée ; qu'en retenant que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse après avoir relevé qu'il avait été prononcé à raison d'une inaptitude physique consécutive à un accident du travail dont il avait été définitivement jugé qu'il était dû à la faute inexcusable de l'employeur, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 1226-12 et L. 1232-1 du code du travail, ensemble les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du même code, en leur rédaction applicable en la cause. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1235-3 du code du travail et les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du même code, en leur rédaction applicable en la cause :
5. Le licenciement pour inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse lorsqu'il est démontré que l'inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée.
6. Pour débouter le salarié de ses demandes de condamnation de la société Préfa 26 à lui payer des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse l'arrêt retient que le licenciement pour inaptitude physique suite à un accident du travail n'est pas, du seul fait de l'existence d'une faute inexcusable de l'employeur, dépourvu de cause réelle et sérieuse.
7. En se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si l'inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l'employeur à son obligation de sécurité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Soc. 8 juillet 2020 n° 19-12.578
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
FB
COUR DE CASSATION______________________
Audience publique du 8 juillet 2020
Cassation partielle
Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyenfaisant fonction de président
Arrêt n° 570 F-D
Pourvoi n° Q 19-12.578
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 JUILLET 2020
Mme G... J..., épouse R..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° Q 19-12.578 contre l'arrêt rendu le 19 décembre 2018 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant à la société Blaye distribution, société par actions simplifiée, dont le siège est lieu-dit [...], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Duval, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme R..., de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Blaye distribution, après débats en l'audience publique du 26 mai 2020 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Duval, conseiller référendaire rapporteur, Mme Gilibert, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 19 décembre 2018), Mme R..., engagée à compter du 5 novembre 1980 par la société Blaye distribution, a été déclarée inapte à son poste par le médecin du travail à l'issue de deux examens des 5 et 25 juin 2014, puis licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 31 juillet 2014.
2. Contestant cette mesure, la salariée a saisi la juridiction prud'homale.
Examen des moyens
Sur les deuxième, troisième et quatrième moyens, ci-après annexés
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. La salariée fait grief à l'arrêt de dire que l'employeur a satisfait à son obligation de reclassement, que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et de la débouter de ses demandes à titre de dommages-intérêts et d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents alors :
« 1°/ que le licenciement du salarié déclaré inapte ne peut revêtir de cause réelle et sérieuse qu'à la condition que soit établie l'impossibilité de reclasser le salarié ; que la recherche d'une possibilité de reclassement du salarié déclaré inapte doit être effectuée dans l'entreprise et le cas échéant, à l'intérieur du groupe auquel appartient l'employeur parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation lui permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ; qu'en l'espèce, pour dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a retenu que les magasins M... étaient des entités juridiques autonomes, que chaque magasin était la propriété de l'exploitant, qu'aucun lien entre ces entités ne permettait une permutation du personnel et qu'en conséquence, le périmètre des recherches de reclassement devait être limité au groupe composé de la société Blaye distribution qui exploite un hypermarché sous l'enseigne M... et à la société La Détente qui exploite une cafétéria ; qu'en statuant ainsi, en excluant par principe la possibilité de permutation du personnel avec les autres entités du groupe M... au seul motif, inopérant, qu'il s'agit d'entités juridiques autonomes, la cour d'appel a violé l'article L. 1226-2 du code du travail ;
2°/ que la recherche d'une possibilité de reclassement du salarié déclaré inapte doit être effectuée dans l'entreprise et le cas échéant, à l'intérieur du groupe auquel appartient l'employeur parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation lui permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que le périmètre des recherches de reclassement était limité au groupe constitué de la société Blaye distribution exploitant un hypermarché sous l'enseigne M... et de la société La Détente exploitant une cafétéria ; qu'en se déterminant ainsi, sans caractériser les raisons pour lesquelles la permutation de tout ou partie du personnel se limitait au groupe constitué des seules sociétés Blaye distribution et La Détente ni préciser les liens unissant ces deux sociétés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1226-2 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1226-2 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la modification issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :
5. Selon ce texte, lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail. La recherche de reclassement doit s'apprécier au sein de l'entreprise et, le cas échéant, à l'intérieur du groupe auquel appartient l'employeur concerné, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.
6. Pour dire que l'employeur a respecté son obligation de reclassement, que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse et débouter la salariée de ses demandes indemnitaires au titre de la rupture, l'arrêt retient que l'employeur exploite un hypermarché sous l'enseigne M... et appartient à un groupe constitué également de la société La détente exploitant une cafétéria et qu'au sein de ce groupe, une permutation du personnel est envisageable, notamment en raison des relations qui existent entre elles (gestion de la paie centralisée, dirigeants identiques). L'arrêt ajoute que l'appartenance à un groupe et à un réseau d'approvisionnement auprès de centrales d'achats n'est pas suffisant pour caractériser un périmètre de reclassement et qu'en l'espèce, les magasins M... sont des entités juridiques autonomes, chaque magasin étant la propriété de l'exploitant, aucun lien entre ces entités ne permettant une permutation du personnel. L'arrêt en déduit que le périmètre des recherches de reclassement était constitué des sociétés Blaye distribution et La détente.
7. En statuant ainsi, en excluant la possibilité de permutation en raison de l'absence de lien entre des entités juridiques autonomes, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Soc. 12 février 2020 n° 18-24.119
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JT
COUR DE CASSATION______________________
Audience publique du 12 février 2020
Cassation partielle
Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyenfaisant fonction de président
Arrêt n° 182 F-D
Pourvoi n° P 18-24.119
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 FÉVRIER 2020
M. T... U..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° P 18-24.119 contre l'arrêt rendu le 12 septembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 4), dans le litige l'opposant à la société [...], société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Gilibert, conseiller, les observations de Me Isabelle Galy, avocat de M. U..., de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société [...], après débats en l'audience publique du 14 janvier 2020 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Gilibert, conseiller rapporteur, Mme Capitaine, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 septembre 2018), M. U... a été engagé à compter du 1er août 2005, en qualité de caissier par la société [...] , aux droits de laquelle se trouve la société [...].
2. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et en paiement d'indemnités liées à ce contrat et pour harcèlement moral.
3. Déclaré inapte à son poste à l'issue de deux examens du médecin du travail des 21 novembre et 9 décembre 2014, il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 26 janvier 2015.
Examen des moyens
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes au titre du harcèlement moral, alors :
« 1° / que lorsque le salarié présente des éléments permettant de présumer l'existence d'un harcèlement, il appartient à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des agissements objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en l'espèce la cour d'appel a retenu que les faits invoqués par le salarié laissaient supposer l'existence d'un harcèlement moral, notamment le fait que la société [...] ait tenté d'imposer à M. U... une modification de la durée de travail et de ses horaires ; qu'en retenant néanmoins que l'employeur justifiait par des faits objectifs qu'il avait été tenu compte de la contestation du salarié et qu'un nouveau planning avait été établi, quand la renonciation de l'employeur, après protestation du salarié, à modifier le contrat de travail de ce dernier ne constituait pas la preuve que la décision prise initialement d'imposer ces modifications au salarié était justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs inopérants et a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
2° / que M. U... invoquait en outre, au titre du harcèlement moral, la réduction autoritaire de son salaire pratiquée par la société [...] à compter du 3 juillet 2013, ainsi qu'une retenue injustifiée de 51 euros sur son salaire de juillet 2013, faits dont la cour d'appel a constaté qu'ils étaient matériellement établis ; qu'en relevant, pour écarter tout harcèlement, que l'agression du 7 août 2013 constituait un fait unique ne pouvant constituer un harcèlement moral, sans rechercher si la réduction autoritaire du salaire de M. U... à compter du 3 juillet 2013 et la retenue sur salaire pratiqués irrégulièrement par la société [...] étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :
5. Aux termes du premier texte visé, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
6. Il résulte du second de ces textes, que lorsque survient un litige, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
7. Pour rejeter les demandes, l'arrêt, après avoir constaté que la société a cherché à imposer au salarié la signature d'un nouvel avenant comprenant une modification de la durée du travail qui passait de 35 à 20 heures, qu'elle a réduit de manière autoritaire son salaire horaire, et que le salarié a été victime d'une agression de son employeur, puis décidé que ces faits étaient de nature à laisser supposer l'existence d'un harcèlement moral, retient que l'employeur justifie par des faits objectifs que si le salarié a contesté son nouvel emploi du temps, il en a été tenu compte, et que la réalité de l'agression est bien démontrée, ainsi que la dégradation des conditions de travail ayant eu des conséquences sur la santé du salarié, mais qu'il s'agit d'un fait unique qui ne peut pas constituer un harcèlement moral.
8. En statuant ainsi, par des motifs impropres à établir que l'ensemble des agissements de l'employeur étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
Vu l'article 624 du code de procédure civile,
9. La cassation à intervenir sur le troisième moyen entraîne, par voie de conséquence, la cassation des chefs de dispositif critiqués par les premier et deuxième moyens se rapportant à la résiliation judiciaire et au bien fondé du licenciement.
Soc. 4 septembre 2019 n° 18-15.490
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 1411-1 du code du travail, ensemble les articles L. 451-1 et L. 142-1 du code de la sécurité sociale ;
Attendu, d'une part, que si l'indemnisation des dommages résultant d'un accident du travail, qu'il soit ou non la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, relève de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale, la juridiction prud'homale est seule compétente pour statuer sur le bien-fondé de la rupture du contrat de travail et pour allouer, le cas échéant, une indemnisation au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu, d'autre part, qu'est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude lorsqu'il est démontré que l'inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme B..., engagée en mars 1979 par l'Association régionale les amis des ateliers protégés (l'ARAAP) en qualité de monitrice-éducatrice, exerçant en dernier lieu les fonctions de directrice, a été victime d'un accident du travail le 28 novembre 2008 ; qu'elle a été licenciée le 6 novembre 2009 pour inaptitude et impossibilité de reclassement ; que contestant cette mesure, elle a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que pour dire irrecevable la demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse formée par la salariée, l'arrêt retient que, sous couvert d'une telle demande, la salariée sollicite en réalité l'indemnisation des conséquences matérielles et morales de son accident du travail du 28 novembre 2008 ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la salariée formait une demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, au motif que l'inaptitude trouvait son origine dans un manquement de l'employeur qui l'avait provoquée, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Soc. 6 février 2019 n° 17-20.160
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 1411-1 du code du travail, ensemble les articles L. 451-1 et L. 142-1 du code de la sécurité sociale ;
Attendu d'une part, que si l'indemnisation des dommages résultant d'un accident du travail, qu'il soit ou non la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, relève de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale, la juridiction prud'homale est seule compétente pour statuer sur le bien-fondé de la rupture du contrat de travail et pour allouer, le cas échéant, une indemnisation au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu d'autre part, qu'est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude lorsqu'il est démontré que l'inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé par la société Amara le 1er juillet 2002 en qualité de peintre , a été déclaré, le 27 août 2014, inapte à son poste , en une seule visite en raison d'un danger immédiat ; qu'il a été licencié le 26 septembre 2014, pour inaptitude et impossibilité de reclassement et a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que la cour d'appel dit le conseil de prud'hommes incompétent pour statuer sur les demandes du salarié visant à obtenir des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison d'une violation par l'employeur de son obligation de sécurité ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le salarié demandait la réparation du préjudice consécutif à la rupture du contrat de travail et faisait valoir que son licenciement pour inaptitude était dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison de la violation par l'employeur de son obligation de sécurité, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;
Soc. 6 février 2019 n° 17-22.301
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué que M. X..., engagé le 1er novembre 2001 en qualité de maçon, a été victime, le 16 juin 2005 d'un accident du travail ; que la juridiction de sécurité sociale a dit que cet accident était dû à la faute inexcusable de l'employeur et a fixé les préjudices subis par le salarié ; qu'ayant été licencié, le 1er septembre 2009 pour inaptitude et impossibilité de reclassement, ce dernier a saisi la juridiction prud'homale notamment d'une demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en raison du manquement par l'employeur à son obligation de sécurité ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le premier moyen :
Vu l'article L. 1411-1 du code du travail, ensemble les articles L. 451-1 et L. 142-1 du code de la sécurité sociale ;
Attendu, d'une part, que si l'indemnisation des dommages résultant d'un accident du travail, qu'il soit ou non la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, relève de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale, la juridiction prud'homale est seule compétente pour statuer sur le bien-fondé de la rupture du contrat de travail et pour allouer, le cas échéant, une indemnisation au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu, d'autre part, qu'est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude lorsqu'il est démontré que l'inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient qu'ayant déjà obtenu, après la reconnaissance d'une faute inexcusable de l'employeur, une indemnisation par la juridiction de sécurité sociale de l'ensemble des préjudices consécutifs à l'accident du travail, le salarié ne peut, parallèlement et en plus, demander des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse devant la juridiction prud'homale qui ne peut utilement en connaître ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Soc. 6 février 2019 n° 17-20.625
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que M. M... , engagé le 3 juillet 2006 par la société C... en qualité d'ingénieur matériaux, a été victime d'un accident du travail le 22 octobre 2012 ; qu'après avoir été déclaré inapte à son poste le 14 novembre 2012 à l'issue d'un seul examen, le salarié a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 26 mars 2013 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de demandes relatives tant à l'exécution qu'à la rupture de son contrat de travail ; que par jugement du 26 septembre 2016 dont la société a interjeté appel, un tribunal des affaires de sécurité sociale lui a déclaré opposable la décision prise par la caisse primaire d'assurance maladie du Var de reconnaissance au titre de la législation professionnelle de l'accident du 22 février 2012 ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral alors, selon le moyen :
1°/ que le salarié n'est tenu que d'apporter des éléments qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral, et que la charge de la preuve du harcèlement moral ne pèse pas sur le salarié ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté la production par le salarié de plusieurs certificats médicaux, notamment du médecin du travail, faisant état d'un harcèlement, la déclaration d'accident du travail, un organigramme où il ne figure plus, d'une attestation de salariés de l'entreprise (notamment M. Z...) attestant de la volonté de son employeur de se débarrasser de l'intéressé, la lettre de démission d'un collègue, M. A..., en raison des pressions subies, les conclusions du rapport d'expertise diligentée par le tribunal des affaires de sécurité sociale concluant au lien entre l'inaptitude et l'accident de travail, des offres d'emploi diffusées avant son licenciement ; qu'en jugeant néanmoins qu'au-delà des difficultés relationnelles importantes existant au sein de l'entreprise, les pièces produites par le salarié n'étaient pas de nature à établir l'existence d'agissements de harcèlement commis à son encontre, la cour d'appel, qui a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations, et en réalité fait peser la charge de la preuve du harcèlement moral sur le salarié, violant ainsi les articles L. 1152-1- et L. 1154-1 du code du travail ;
2°/ que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; qu'en l'espèce, il ressort de l'arrêt attaqué que la cour d'appel a examiné isolément les différents éléments produits par le salarié au soutien de sa demande au titre du harcèlement moral ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si les éléments invoqués par le salarié, pris dans leur ensemble, ne permettaient pas de présumer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1- et L. 1154-1 du code du travail ;
Mais attendu que, sous le couvert de griefs non fondés de violation de loi et de manque de base légale, le moyen ne tend qu'à contester l'appréciation souveraine par la cour d'appel des éléments de fait et de preuve dont elle a, sans méconnaître les règles spécifiques de preuve et exerçant les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1154-1 du code du travail, déduit tant l'absence de matérialité de certains des faits allégués par le salarié que la justification par l'employeur, pour l'ensemble des autres faits, d'éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;
Sur le quatrième moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen ci-après annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le premier moyen :
Vu l'article L. 1411-1 du code du travail, ensemble les articles L. 451-1 et L. 142-1 du code de la sécurité sociale ;
Attendu, d'une part, que si l'indemnisation des dommages résultant d'un accident du travail, qu'il soit ou non la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, relève de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale, la juridiction prud'homale est seule compétente pour statuer sur le bien-fondé de la rupture du contrat de travail et pour allouer, le cas échéant, une indemnisation au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu, d'autre part, qu'est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude lorsqu'il est démontré que l'inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée ;
Attendu que pour dire la formation incompétente pour connaître de la demande en paiement de dommages-intérêts reposant sur le caractère infondé du licenciement, l'arrêt retient que sous couvert d'une action contre l'employeur pour licenciement infondé, le salarié demande en réalité la réparation d'un préjudice né de l'accident du travail dont il a été victime, caractérisé par le jugement précité du tribunal des affaires de sécurité sociale, accident du travail dont découle son inaptitude reconnue par le médecin du travail, inaptitude ayant elle-même fondé le licenciement, qu'or, il appartient à la juridiction sociale de se prononcer sur la réparation de l'entier préjudice né de l'accident du travail, dont ne se distingue pas le préjudice invoqué du fait du licenciement, qu'il s'ensuit que la demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est irrecevable devant la juridiction prud'homale ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le salarié demandait la réparation du préjudice consécutif à la rupture du contrat de travail et faisait valoir que son licenciement pour inaptitude était dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison de la violation par l'employeur de son obligation de sécurité, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Soc. 3 mai 2018 n° 16-26.850 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 1411-1 du code du travail, ensemble les articles L. 451-1 et L. 142-1 du code de la sécurité sociale ;
Attendu, d'une part, que si l'indemnisation des dommages résultant d'un accident du travail, qu'il soit ou non la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, relève de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale, la juridiction prud'homale est seule compétente pour statuer sur le bien-fondé de la rupture du contrat de travail et pour allouer, le cas échéant, une indemnisation au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu, d'autre part, qu'est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude lorsqu'il est démontré que l'inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 18 février 2001 en qualité de couvreur par M. Y..., a été victime, le 8 avril 2005, d'un accident du travail ; que la juridiction de sécurité sociale a dit que cet accident était dû à la faute inexcusable de l'employeur et a fixé les préjudices subis par le salarié ; qu'ayant été licencié, le 23 octobre 2013, pour inaptitude et impossibilité de reclassement, M. X... a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que pour rejeter la demande en paiement d'une indemnité réparant le préjudice subi du fait de la rupture du contrat de travail, l'arrêt retient que le salarié demande à la juridiction du travail de dire que son licenciement a pour cause la violation de l'obligation de sécurité de résultat incombant à son employeur et qu'en conséquence, il est sans cause réelle et sérieuse, et, à titre subsidiaire, qu'il a pour cause la faute inexcusable de son employeur, de sorte que cette nouvelle demande relève de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale comme étant une demande de réparation d'un préjudice né de l'accident du travail, qu'il lui appartient de présenter cette demande devant la juridiction de sécurité sociale seule compétente puisqu'elle constitue une demande d'indemnisation de la perte de son emploi consécutive à l'accident du travail et à la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur commise à son égard ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le salarié demandait la réparation du préjudice consécutif à la rupture du contrat de travail et faisait valoir que son licenciement pour inaptitude était dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison de la violation par l'employeur de son obligation de sécurité, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;
Soc. 3 mai 2018 n° 17-10.306 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à M. Xavier Y..., en sa qualité d'héritier de Annie X..., de sa reprise d'instance ;
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Agen, 8 novembre 2016), que Annie X... a été engagée le 13 novembre 2000 en qualité d'agent de maîtrise par la société Grimen, exerçant sous l'enseigne Leclerc ; que la salariée ayant été victime d'un accident du travail survenu le 4 août 2010, le médecin du travail l'a déclarée inapte à son poste avec mention d'un danger immédiat à l'issue d'un unique examen du 10 mai 2011 ; que licenciée, le 6 juin suivant, pour inaptitude et impossibilité de reclassement, elle a saisi la juridiction prud'homale ; que par un arrêt du 14 avril 2014, la juridiction de sécurité sociale a rejeté sa demande tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de rejeter son exception d'incompétence, alors, selon le moyen :
1°/ que, dans ses écritures, Mme Y... se bornait à faire valoir que son accident du travail et le licenciement pour inaptitude qui s'en était suivi résultait du manquement par son employeur à son obligation de sécurité en sorte qu'il devait être condamné à lui verser des dommages et intérêts correspondant aux salaires qu'elle aurait perçus jusqu'à sa mise à la retraite, sans jamais faire valoir que ce manquement justifiait que son licenciement soit considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse ; qu'en affirmant, pour rejeter l'exception d'incompétence de la juridiction prud'homale, que la salariée ne réclamait pas des dommages et intérêts en réparation d'un préjudice résultant de son accident du travail ou du manquement de son employeur à son obligation de sécurité mais des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes du litige, a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
2°/ qu'il résulte de l'article L. 451-1 du code de la sécurité sociale que l'action en réparation des accidents et maladies mentionnés par le Livre IV ne peut donner lieu à aucune autre action que celles prévues par les articles L. 452-1 à L. 452-5, L. 454-1, L. 455-1, L. 455-1-1 et L. 455-2 du code de la sécurité sociale ; que la demande de dommages-intérêts tendant à la réparation des préjudices subis par le salarié en raison de son licenciement prononcé pour inaptitude et impossibilité de reclassement, au motif que cette inaptitude serait due à un accident de travail correspond à une demande de réparation d'un préjudice né d'un accident mentionné par le Livre IV du code de la sécurité sociale qui ne peut être donc être exercée que sur le fondement des dispositions de ce code devant la juridiction de sécurité sociale ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que l'accident du travail dont a été victime Mme Y... a été pris en charge comme tel par la CPAM de Corrèze par courrier du 11 août 2010 ce dont il résultait que la demande de dommages-intérêts consécutive au licenciement pour inaptitude du salarié et fondée sur un prétendu manquement de l'employeur à l'origine de l'accident ayant entraîné l'inaptitude ne pouvait être formulée sur le fondement des dispositions du code du travail devant la juridiction prud'homale ; qu'en retenant néanmoins qu'elle était compétente pour se prononcer sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse résultant de l'inaptitude causée par l'accident du travail dont Mme Y... a été victime, la cour d'appel a violé l'article L. 451-1 du code de la sécurité sociale et, par fausse application, l'article L. 1235-3 du code du travail et l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction alors en vigueur ;
Mais attendu que si l'indemnisation des dommages résultant d'un accident du travail, qu'il soit ou non la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, relève de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale, la juridiction prud'homale est seule compétente pour statuer sur le bien-fondé de la rupture du contrat de travail et pour allouer, le cas échéant, une indemnisation au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu, d'autre part, qu'est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude lorsqu'il est démontré que l'inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée ;
Et attendu, qu'ayant constaté, sans méconnaître l'objet du litige, que la salariée ne réclamait pas des dommages-intérêts en réparation d'un préjudice résultant de son accident du travail ou du manquement de son employeur à son obligation de sécurité mais des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au motif que par son manquement à l'obligation de sécurité, l'employeur était à l'origine de son licenciement pour inaptitude, la cour d'appel en a exactement déduit qu'elle était compétente pour statuer sur cette demande ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les deuxième et troisième moyens annexés qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
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