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Soc. 13 novembre 2025 n° 23-23.535

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
HE1


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 13 novembre 2025



Cassation partielle

Mme MONGE, conseillère doyenne faisant fonction de présidente


Arrêt n° 1041 F-D
Pourvoi n° H 23-23.535



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 13 NOVEMBRE 2025
M. [J] [S], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° H 23-23.535 contre l'arrêt rendu le 20 octobre 2023 par la cour d'appel de Bourges (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Auxitrol, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La société Auxitrol a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Rodrigues, conseillère référendaire, les observations écrites de la SAS Boucard - Capron - Maman, avocat de M. [S], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Auxitrol, après débats en l'audience publique du 8 octobre 2025 où étaient présentes Mme Monge, conseillère doyenne faisant fonction de présidente, Mme Rodrigues, conseillère référendaire rapporteure, Mme Deltort, conseillère, et Mme Aubac, greffière de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée de la présidente et des conseillères précitées, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bourges, 20 octobre 2023), M. [S] a été engagé en qualité d'assistant micro-informatique, à compter du 23 décembre 1996, par la société Auxitrol, suivant contrat à durée déterminée à temps complet puis, à compter du 6 janvier 1997, suivant contrat à durée indéterminée à temps complet.
2. Le salarié a été promu au poste d'administrateur réseau à compter du 1er janvier 2000 par un avenant à son contrat de travail du 15 décembre 1999 comportant la clause suivante : « la rémunération fixée au présent contrat de travail a été convenue compte tenu de la nature des fonctions et des responsabilités qui vous sont confiées et restera indépendante du temps que vous consacrerez de fait à l'exercice de ces fonctions ».
3. Le salarié a démissionné le 19 avril 2021.
4. Il a saisi la juridiction prud'homale le 11 octobre 2021 afin que soit prononcée la nullité de la convention de forfait en jours appliquée par l'employeur ou à tout le moins qu'elle soit privée d'effet, que sa démission soit requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse, et que l'employeur soit condamné au paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur les premier et troisième moyens du pourvoi principal du salarié et les deux moyens du pourvoi incident de l'employeur
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Mais sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi principal
Enoncé du moyen
6. Le salarié fait grief à l'arrêt de juger que sa démission était claire et non équivoque et qu'elle ne saurait être requalifiée et, par conséquent, de le débouter de sa demande en requalification de sa démission en une prise d'acte de la rupture de son contrat de travail, de sa demande tendant à ce qu'il soit jugé que cette prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de ses demandes en paiement de l'indemnité de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou de manquements imputables à son employeur et lorsqu'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, le juge doit l'analyser en une prise d'acte qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou, dans le cas contraire, d'une démission ; qu'en énonçant, pour retenir que la démission de M. [S] était claire et non équivoque et ne saurait être requalifiée et débouter M. [S] de ses demandes subséquentes, que la chronologie des candidatures à un départ volontaire formulées par M. [S] dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi mis en place dans la société Auxitrol et de son entretien d'évaluation annuelle permettait d'affirmer que la surcharge de travail invoquée, qui existait depuis de nombreuses années, ne constituait pas une circonstance contemporaine et déterminante de la démission, rendant impossible la poursuite du contrat de travail, quand il résultait de ses propres constatations que la charge excessive de travail qui était imposée à M. [S] par son employeur avait perduré jusqu'à l'époque de la démission de M. [S] et, donc, était contemporaine de celle-ci, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres appréciations et constatations et a violé les dispositions des articles L. 1231-1, L. 1237-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du code du travail :
7. Il résulte de ces textes que la démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail. Lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission, qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou, dans le cas contraire, d'une démission.
8. Pour dire la démission du salarié claire et non équivoque et rejeter sa demande en requalification, l'arrêt retient que le salarié supportait une pression en lien avec les responsabilités qui lui avaient été confiées, et une charge excessive de travail établie notamment par l'ampleur des heures supplémentaires retenues, mais que le manquement fautif de l'employeur qui pensait son salarié soumis à une convention de forfait régulière n'est pas démontré alors que de nombreuses journées de RTT ont été accordées au salarié et que la chronologie des candidatures de celui-ci à un départ volontaire dans le cadre du PSE et au cours de son entretien d'évaluation annuelle permet d'affirmer que la surcharge de travail invoquée, qui existait depuis de nombreuses années, ne constituait pas une circonstance contemporaine et déterminante de la démission, rendant impossible la poursuite du contrat de travail.
9. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le salarié avait, préalablement à la démission, fait état de l'importance de sa charge de travail lors des examens médicaux réalisés pour le contrôle de la santé au travail, alerté sa hiérarchie par un courriel du 10 octobre 2019 sur sa situation critique du fait de cette charge de travail devenue insupportable, sollicité une visite du médecin du travail le 24 octobre 2019 en signalant un contexte de surcharge de travail, et exposé, lors de l'entretien individuel d'évaluation annuelle ayant eu lieu le 2 février 2021 et dans ses commentaires annexés du 22 mars 2021, que l'équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle n'existait pas, que son périmètre d'intervention, trop vaste, sur différents fuseaux horaires et sans « backup », entraînait une charge mentale très élevée et permanente, mal vécue personnellement, ce dont elle aurait dû déduire l'existence d'un différend rendant la démission équivoque, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
10. La cassation prononcée n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.




Soc. 5 novembre 2025 n° 24-12.702

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
HE1


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 5 novembre 2025



Cassation partielle

Mme SOMMÉ, conseillère la plus ancienne faisant fonction de présidente


Arrêt n° 1020 F-D
Pourvoi n° C 24-12.702



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 5 NOVEMBRE 2025
M. [F] [E], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° C 24-12.702 contre l'arrêt rendu le 11 janvier 2024 par la cour d'appel de Caen (1re chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Esnée Besneville, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bérard, conseillère, les observations de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de M. [E], de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Esnée Besneville, après débats en l'audience publique du 1er octobre 2025 où étaient présentes Mme Sommé, conseillère la plus ancienne faisant fonction de présidente, Mme Bérard, conseillère rapporteure, Mme Bouvier, conseillère, et Mme Jouanneau, greffière de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée de la présidente et des conseillères précitées, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 11 janvier 2024), M. [E] a été engagé à effet du 17 septembre 2002 en qualité de responsable technique de sécurité et maintenance multisites par la société hôtelière Boston Quality hôtel aux fins d'exercer sa mission dans divers établissements hôteliers du groupe.
2. Par avenant en date du 1er mars 2008, la durée de travail du salarié a été fixée dans le cadre d'une convention de forfait annuel en jours.
3. Suivant accord tripartite de transfert du 1er septembre 2011, il a été convenu que le salarié poursuivrait son activité professionnelle au sein de la société Esnée Besneville (la société), avec maintien de son ancienneté.
4. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale, le 30 avril 2013, de demandes en paiement de rappel de salaire à titre d'heures supplémentaires, de repos compensateurs et de congés payés afférents ainsi que de dommages-intérêts pour harcèlement moral.
5. A la suite de son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement prononcé le 17 juin 2019, il a également demandé que ce licenciement soit jugé nul ou sans cause réelle et sérieuse et a présenté une demande d'indemnité au titre du travail dissimulé.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen
Enoncé du moyen
7. Le salarié fait grief à l'arrêt de l'inviter à procéder au calcul de la somme due au titre des heures supplémentaires pour la période du 1er septembre 2011 au 8 janvier 2013 et des repos compensateurs correspondants, outre les congés payés afférents, sur les bases suivantes : les heures supplémentaires retenues sont celles figurant dans le décompte du salarié fourni en pièce 32 bis (à l'exception des horaires des journées du 15 septembre 2011 et du 20 novembre 2012 qui seront retenus à hauteur de 9h et 7h), les majorations applicables sont les suivantes : 10% de la 36e à la 39e heure, 20% de la 40e à la 43e heure, 50% à partir de la 44e heure et d'avoir autorisé les parties à saisir la cour par voie de simple requête en cas de difficultés, alors « que le juge ne peut refuser de statuer, en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties ; qu'en invitant dès lors M. [E]-après avoir condamné la société Esnée Besneville à lui payer un rappel de salaire pour heures supplémentaires pour la période du 1er septembre 2011 au 8 janvier 2013 et un rappel de repos compensateur correspondant, outre les congés payés afférents-à procéder au calcul de la somme due sur des bases qu'elle énonçait et en autorisant les parties à saisir la cour par requête en cas de difficultés, cependant qu'il lui incombait de procéder à l'évaluation de la créance salariale dont elle avait reconnu le principe au besoin en ordonnant une mesure d'instruction ou en faisant application des règles régissant la charge et la production des preuves, la cour d'appel a méconnu son office et violé les articles 4 du code civil et 12 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 4 du code civil et 12 du code de procédure civile :
8. Selon le premier de ces textes, le juge ne peut refuser de statuer sur le litige qui lui est soumis.
9. Selon le second, le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables.
10. Après avoir condamné la société à lui payer « dans la limite de la demande recevable à hauteur de la seule somme de 29 272,80 euros un rappel de salaire pour heures supplémentaires pour la période du 1er septembre 2011 au 8 janvier 2013 et un rappel de repos compensateur correspondant, outre les congés payés afférents », l'arrêt « invite M. [E] à procéder au calcul de la somme due sur les bases suivantes : les heures supplémentaires retenues sont celles figurant dans le décompte du salarié fourni en pièce 32 bis (à l'exception des horaires des journées du 15 septembre 2011 et du 20 novembre 2012 qui seront retenus à hauteur de 9h et 7h), les majorations applicables sont les suivantes : 10% de la 36e à la 39e heure, 20% de la 40e à la 43e heure, 50% à partir de la 44e heure » et « autorise les parties à saisir la cour par voie de simple requête en cas de difficultés. ».
11. En statuant ainsi, alors qu'il lui incombait de procéder à l'évaluation de la créance salariale dont elle avait reconnu le principe, au besoin en ordonnant une mesure d'instruction ou en faisant application des règles régissant la charge et la production des preuves, la cour d'appel a méconnu son office et violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
12. La cassation prononcée n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.




Soc. 22 octobre 2025 n° 24-15.279

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 22 octobre 2025



Cassation partielle

Mme MONGE, conseillère doyenne faisant fonction de présidente


Arrêt n° 987 F-D
Pourvoi n° D 24-15.279



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 22 OCTOBRE 2025
Mme [S] [D], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 24-15.279 contre l'arrêt rendu le 14 mars 2024 par la cour d'appel de Caen (1re chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Téréva, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseillère référendaire, les observations de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de Mme [D], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Téréva, après débats en l'audience publique du 24 septembre 2025 où étaient présentes Mme Monge, conseillère doyenne faisant fonction de présidente, Mme Thomas-Davost, conseillère référendaire rapporteure, Mme Cavrois, conseillère, et Mme Dumont, greffière de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée de la présidente et des conseillères précitées, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 14 mars 2024), Mme [D] a été engagée en qualité de responsable service marketing, statut cadre, par la société Anjac -filiale du groupe Téréva - le 12 janvier 2015. Le contrat de travail prévoyait que la salariée était soumise à une convention de forfait annuel en jours.
2. Son contrat de travail a été transféré à la société Téréva le 1er janvier 2019 et la salariée a signé un nouveau contrat prévoyant une convention de forfait annuel en jours à compter de cette date.
3. La convention collective nationale de commerces de gros du 23 juin 1970 était applicable à la relation contractuelle.
4. La salariée a été licenciée le 21 janvier 2020.
5. Elle a saisi la juridiction prud'homale le 22 janvier 2021 afin de contester la rupture de son contrat de travail et solliciter la condamnation de l'employeur à lui verser diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de débouter la salariée de ses demandes en paiement d'heures supplémentaires, de congés payés afférents, de repos compensateurs et d'indemnité pour travail dissimulé, pour la période postérieure au mois d'avril 2019
Enoncé du moyen
6. La salariée fait ce grief à l'arrêt, alors :
« 1°/ que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires ; que cet accord doit, notamment, fixer le nombre de jours travaillés et prévoir les catégories de cadres intéressés au regard de leur autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps, les modalités de décompte des journées et des demi-journées travaillées et de prise des journées ou demi-journées de repos, les conditions de contrôle de son application, des modalités de suivi de l'organisation du travail des concernés, de l'amplitude de leurs journées d'activité et de la charge de travail qui en résulte ; que, pour dire le forfait inopposable à Mme [D] pour la seule période de juin 2018 à avril 2019, l'arrêt retient que l'accord d'entreprise litigieux prévoit ''les modalités d'organisation du temps de travail pour les cadres autonomes, soit ceux disposant d'une totale autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et sont soumis à un décompte forfaitaire de leur temps de travail fixé à 218 jours'' et qu'il prévoit ''un décompte des jours travaillés (jours et demi-journées) ainsi que les jours non travaillés (repos hebdomadaire, congés payés, congés conventionnels, JRTT) document signé par la direction et le salarié, et un suivi de l'organisation et de la charge de travail par le hiérarchique du salarié, et en parallèle que soit abordé lors de l'entretien annuel individuel « la charge de travail, l'organisation du travail dans l'entreprise ainsi que l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle et familiale » '' ; qu'en statuant ainsi, cependant que l'article 8 de l'accord collectif du 29 mai 2013 relatif à l'organisation et l'aménagement du temps de travail - qui se borne à fixer le nombre de jours travaillés sur l'année, désigner les cadres bénéficiant d'une totale autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps, rappeler les ''durées maximales de travail'' et les ''repos journaliers et quotidiens'' et ''la responsabilité du supérieur hiérarchique d'assurer le suivi régulier de l'organisation de travail du salarié en forfait jours, ainsi que sa charge de travail'', préciser que le décompte du nombre de jours travaillés par le salarié fait l'objet d'un document de contrôle individuel et mensuel qui '' peut être établi par le collaborateur en forfait jours sous la responsabilité de l'employeur'' et énonce qu'''il sera de la responsabilité du supérieur hiérarchique d'assurer le suivi régulier de l'organisation de travail du salarié en forfait jours, ainsi que de l'amplitude de ses journées de travail et de sa charge de travail'', tout en soulignant que, ''lors de l'entretien annuel individuel organisé chaque année par l'employeur, il sera précisément abordé avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait, sa charge de travail, l'organisation du travail dans l'entreprise, ainsi que l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle et familiale'', et ce, sans instituer de modalités concrètes de décompte des journées et des demi-journées travaillées et de prise des journées ou demi-journées de repos, de conditions de contrôle de son application, de modalités de suivi de l'organisation du travail des salariés concernés et de la charge de travail qui en résulte autre qu'une simple surveillance du supérieur hiérarchique, ni de suivi effectif et régulier permettant à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable - n'est pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et à assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail des salariés soumis au régime du forfait en jours sur l'année, ce dont il se déduisait que la convention de forfait en jours de Mme [D] n'était pas prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées raisonnables maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires et, ainsi, était nulle, la cour d'appel a violé l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article L. 3121-39 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi no 2008-789 du code du travail, interprété à la lumière de l'article 17, paragraphe 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
2°/ que, pour dire le forfait inopposable à Mme [D] pour la seule période de juin 2018 à avril 2019, l'arrêt rappelle les termes de l'entretien du 2 août 2019 - lors duquel la salariée avait exposé, concernant la charge de travail et la possibilité de prendre effectivement ses jours de repos, que ''c'est compliqué en début d'année'' et, s'agissant de l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, qu'il y avait ''un déséquilibre avéré entre septembre et février'' - et retient que ''Le compte rendu mentionne effectivement dans la rubrique « thèmes abordés » les mentions suivantes : possibilité de respecter les repos quotidiens (11 heures) et hebdomadaires (35 heures) obligatoires et une amplitude raisonnable de travail (13 heures)'', mais que ''ces seules mentions sont un rappel des règles applicables en matière de repos'' et que ''la référence à une durée d'amplitude ne saurait s'analyser en une incitation ou une instruction de l'employeur à s'y soumettre, alors même que ce dernier a pris en compte certaines demandes de la salariée pour améliorer de son travail notamment une réduction des déplacements et une possibilité de télétravail une journée par semaine'' ; qu'en se déterminant ainsi, sans constater que l'employeur avait apporté une réponse concrète aux observations de la salariée relative à sa charge de travail et à la difficulté de l'articuler avec sa vie privée, autre que de « déléguer » des tâches à d'autres salariés, sans quoi la convention de forfait en jours de la salariée devait être privée d'effet, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article L. 3121-39 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi no 2008-789 du code du travail, interprété à la lumière de l'article 17, paragraphe 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. »
Réponse de la Cour
7. La cour d'appel n'ayant pas statué, dans le dispositif de l'arrêt, sur les chefs de demande en paiement d'heures supplémentaires, de congés payés afférents, de repos compensateurs et d'indemnité pour travail dissimulé pour la période postérieure au mois d'avril 2019, le moyen dénonce en réalité des omissions de statuer, qui pouvant être réparées par la procédure prévue à l'article 463 du code de procédure civile, ne donnent pas ouverture à cassation.
8. Le moyen n'est donc pas recevable.
Sur le premier moyen, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de dire le forfait inopposable à la salariée seulement pour la période de juin 2018 à avril 2019
Enoncé du moyen
9. La salariée fait ce grief à l'arrêt, alors :
« 1°/ que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires ; que cet accord doit, notamment, fixer le nombre de jours travaillés et prévoir les catégories de cadres intéressés au regard de leur autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps, les modalités de décompte des journées et des demi-journées travaillées et de prise des journées ou demi-journées de repos, les conditions de contrôle de son application, des modalités de suivi de l'organisation du travail des concernés, de l'amplitude de leurs journées d'activité et de la charge de travail qui en résulte ; que, pour dire le forfait inopposable à Mme [D] pour la seule période de juin 2018 à avril 2019, l'arrêt retient que l'accord d'entreprise litigieux prévoit ''les modalités d'organisation du temps de travail pour les cadres autonomes, soit ceux disposant d'une totale autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et sont soumis à un décompte forfaitaire de leur temps de travail fixé à 218 jours'' et qu'il prévoit ''un décompte des jours travaillés (jours et demi-journées) ainsi que les jours non travaillés (repos hebdomadaire, congés payés, congés conventionnels, JRTT) document signé par la direction et le salarié, et un suivi de l'organisation et de la charge de travail par le hiérarchique du salarié, et en parallèle que soit abordé lors de l'entretien annuel individuel « la charge de travail, l'organisation du travail dans l'entreprise ainsi que l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle et familiale »'' ; qu'en statuant ainsi, cependant que l'article 8 de l'accord collectif du 29 mai 2013 relatif à l'organisation et l'aménagement du temps de travail - qui se borne à fixer le nombre de jours travaillés sur l'année, désigner les cadres bénéficiant d'une totale autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps, rappeler les ''durées maximales de travail''et les ''repos journaliers et quotidiens'' et ''la responsabilité du supérieur hiérarchique d'assurer le suivi régulier de l'organisation de travail du salarié en forfait jours, ainsi que sa charge de travail'', préciser que le décompte du nombre de jours travaillés par le salarié fait l'objet d'un document de contrôle individuel et mensuel qui ''peut être établi par le collaborateur en forfait jours sous la responsabilité de l'employeur'' et énonce qu''' il sera de la responsabilité du supérieur hiérarchique d'assurer le suivi régulier de l'organisation de travail du salarié en forfait jours, ainsi que de l'amplitude de ses journées de travail et de sa charge de travail'', tout en soulignant que, ''lors de l'entretien annuel individuel organisé chaque année par l'employeur, il sera précisément abordé avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait, sa charge de travail, l'organisation du travail dans l'entreprise, ainsi que l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle et familiale'', et ce, sans instituer de modalités concrètes de décompte des journées et des demi-journées travaillées et de prise des journées ou demi-journées de repos, de conditions de contrôle de son application, de modalités de suivi de l'organisation du travail des salariés concernés et de la charge de travail qui en résulte autre qu'une simple surveillance du supérieur hiérarchique, ni de suivi effectif et régulier permettant à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable - n'est pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et à assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail des salariés soumis au régime du forfait en jours sur l'année, ce dont il se déduisait que la convention de forfait en jours de Mme [D] n'était pas prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées raisonnables maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires et, ainsi, était nulle, la cour d'appel a violé l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article L. 3121-39 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-789 du code du travail, interprété à la lumière de l'article 17, paragraphe 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
2°/ que, pour dire le forfait inopposable à Mme [D] pour la seule période de juin 2018 à avril 2019, l'arrêt rappelle les termes de l'entretien du 2 août 2019 - lors duquel la salariée avait exposé, concernant la charge de travail et la possibilité de prendre effectivement ses jours de repos, que ''c'est compliqué en début d'année'' et, s'agissant de l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, qu'il y avait « un déséquilibre avéré entre septembre et février'' - et retient que ''Le compte rendu mentionne effectivement dans la rubrique « thèmes abordés »les mentions suivantes : possibilité de respecter les repos quotidiens (11 heures) et hebdomadaires (35 heures) obligatoires et une amplitude raisonnable de travail (13 heures)'', mais que ''ces seules mentions sont un rappel des règles applicables en matière de repos'' et que ''la référence à une durée d'amplitude ne saurait s'analyser en une incitation ou une instruction de l'employeur à s'y soumettre, alors même que ce dernier a pris en compte certaines demandes de la salariée pour améliorer de son travail notamment une réduction des déplacements et une possibilité de télétravail une journée par semaine'' ; qu'en se déterminant ainsi, sans constater que l'employeur avait apporté une réponse concrète aux observations de la salariée relative à sa charge de travail et à la difficulté de l'articuler avec sa vie privée, autre que de ''déléguer'' des tâches à d'autres salariés, sans quoi la convention de forfait en jours de la salariée devait être privée d'effet, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article L. 3121-39 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi no 2008-789 du code du travail, interprété à la lumière de l'article 17, paragraphe 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. »
Réponse de la Cour
10. Le moyen, pris en ses deux branches, n'articule aucune critique des motifs de l'arrêt ayant dit le forfait inopposable à la salariée seulement pour la période de juin 2018 à avril 2019.
11. Le moyen ne peut, dès lors, être accueilli.
Mais sur le second moyen
Enoncé du moyen
12. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter, pour la période de juin 2018 à avril 2019, de ses demandes en paiement de rappels de salaire pour heures supplémentaires, congés payés afférents, repos compensateurs et d'indemnité pour travail dissimulé, alors « qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; que, pour débouter Mme [D] de sa demande de rappel d'heures supplémentaires, la cour d'appel a retenu que les éléments produits par la salariée, qui ne précisent pour la période considérée ni les jours de travail ni l'heure d'arrivée ou de départ, ne sont pas suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre en produisant ses propres éléments ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'elle constatait que Mme [D] versait aux débats ¿'un décompte du 4 juin 2018 jusqu'au 2020 (S 4) mentionnant le nombre d'heures réalisées par semaine et le calcul des heures supplémentaires en découlant'¿ et ¿' des plannings pour cette même période, décrivant pour chaque semaine les dossiers abordés, la personne chargée du dossier, la société concernée, la date demandée et la date de remise'¿, ce qui constituait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre en fournissant ses propres éléments de nature à justifier des heures de travail réalisées par l'intéressée au cours de la période litigieuse, la cour d'appel a fait peser sur la seule salariée la charge de la preuve et violé l'article L. 3171-4 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L.3171-4 du code du travail :
13. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er , du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, l'employeur tient à la disposition des membres compétents de l'inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
14. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
15. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d' heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
16. Pour débouter la salariée de ses demandes en paiement d'heures supplémentaires outre congés payés afférents pour la période de juin 2018 à avril 2019, l'arrêt constate que la salariée verse aux débats un décompte du 4 juin 2018 jusqu'en 2020 mentionnant le nombre d'heures réalisées par semaine et le calcul des heures supplémentaires en découlant mais qui ne distingue aucune journée dans la semaine, ne précise pas le nombre d'heures par jour et surtout ne mentionne aucun horaire d'arrivée et de départ. Il relève qu'elle produit également des plannings pour cette même période, décrivant pour chaque semaine les dossiers abordés, la personne chargée du dossier, la société concernée, la date demandée et la date de remise, ces plannings ne mentionnant toutefois aucun jour précis ni horaire ni même le nombre d'heures pour chacun des dossiers. L'arrêt conclut que ces éléments, qui ne précisent, pour la période considérée, ni les jours de travail ni l'heure d'arrivée ou de départ, ne sont pas suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre en produisant ses propres éléments.
17. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la salariée présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur la seule salariée, a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
18. La cassation prononcée n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant la société Téréva aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celle-ci et non remises en cause.




Soc. 15 octobre 2025 n° 24-15.284

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 15 octobre 2025



Cassation partielle

Mme MARIETTE, conseillère doyenne faisant fonction de présidente


Arrêt n° 947 F-D
Pourvoi n° J 24-15.284



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 OCTOBRE 2025
La société Holding AMPI, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 24-15.284 contre l'arrêt rendu le 10 avril 2024 par la cour d'appel de Reims (chambre sociale), dans le litige l'opposant à Mme [N] [U], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Redon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Holding AMPI, de la SCP Foussard et Froger, avocat de Mme [U], après débats en l'audience publique du 16 septembre 2025 où étaient présents Mme Mariette, conseillère doyenne faisant fonction de présidente, M. Redon, conseiller référendaire rapporteur, Mme Douxami, conseillère, et Mme Dumont, greffière de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée de la présidente et des conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 10 avril 2024), Mme [U] a été engagée en qualité de responsable d'agence à compter du 2 novembre 2020 par la société AMPI, puis par la société Holding AMPI. Elle occupait en dernier lieu l'emploi de directrice commerciale.
2. Licenciée pour faute grave par lettre du 16 août 2021, elle a saisi la juridiction prud'homale en contestation de cette rupture.
Examen des moyens
Sur le deuxième moyen
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. L'employeur fait grief à l'arrêt d'écarter des débats ses conclusions n° 5 et ses pièces n° 78 à 82, de dire que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, de le condamner en conséquence à verser à la salariée des sommes à titre de rémunération de la mise à pied, d'indemnité de congés payés, d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés sur préavis, de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dire la convention de forfait jours nulle et de le condamner à payer à la salariée des sommes au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents, alors :
« 1°/ que les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense ; qu'en écartant en l'espèce des débats les conclusions n° 5 et les pièces n° 78 à 82 notifiées le 19 janvier 2024 à 18h09 par l'employeur à la salariée, sans rechercher si ces conclusions et pièces ne tendaient pas elles-mêmes à répliquer aux conclusions adverses déposées tardivement par la salariée le même jour, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'atteinte portée aux droits de la défense, a privé sa décision de base légale au regard des articles 15 et 16 du code de procédure civile ;
2°/ qu'en jugeant, pour écarter en l'espèce des débats les conclusions n° 5 et les pièces n° 78 à 82 notifiées le 19 janvier 2024 à 18h09 par l'employeur à la salariée, que la société « disposait des écritures de la salariée, en réponse à ses propres écritures en date du 9 janvier 2024, depuis le 15 janvier 2024, puisque les nouvelles écritures communiquées par la salariée le 19 janvier 2024 à 12h05 n'étaient que la modification de la numérotation de ses écritures et pièces communiquées le 15 janvier 2024 », quand les conclusions du 19 janvier 2024 régularisées par la salariée étaient accompagnées de trois nouvelles pièces, la cour d'appel a violé les articles 15, 16 et 135 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
5. D'abord, la cour d'appel, après avoir refusé, en l'absence de cause grave, d'ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture sollicitée par la salariée, a constaté que la société avait communiqué ses nouvelles écritures le vendredi 19 janvier 2024 à 18 h 09 accompagnées de cinq nouvelles pièces, de sorte que la salariée n'avait pu en prendre connaissance que le lundi 22 janvier suivant, soit le jour de l'ordonnance de clôture, la privant de la possibilité d'y répondre et d'obtenir le cas échéant des attestations en réponse à celles produites par l'appelante, ce qui caractérisait ainsi une atteinte au principe de la contradiction et ce d'autant plus qu'elle disposait des écritures de la salariée, en réponse à ses propres écritures du 9 janvier 2024, depuis le 15 janvier 2024, puisque les nouvelles écritures communiquées par la salariée le 19 janvier 2024 à 12 h 05 n'étaient que la modification de la numérotation de ses écritures et pièces communiquées le 15 janvier 2024. 6. Ensuite, la société qui n'a élevé, devant la cour d'appel, aucune contestation sur la recevabilité des conclusions et pièces déposées par la salariée le 19 janvier 2024, ni demandé le report ou la révocation de l'ordonnance de clôture, ne saurait, sous le couvert du défaut d'une recherche à laquelle la cour d'appel n'était pas tenue de procéder, invoquer pour la première fois devant la Cour de cassation le caractère tardif de telles conclusions et la violation du principe de la contradiction. 7. Le moyen n'est donc pas fondé.



Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
8. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et de le condamner en conséquence à lui verser des sommes à titre de rémunération de la mise à pied, d'indemnité de congés payés, d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés sur préavis et de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que le licenciement verbal ne peut résulter que d'un acte de l'employeur par lequel il manifeste au salarié sa volonté claire et non équivoque de mettre fin au contrat de travail ; que ne constitue pas un licenciement verbal la prétendue annonce du licenciement du salarié par l'employeur à un tiers extérieur à l'entreprise, en l'absence de manifestation au salarié de sa volonté irrévocable de rompre le contrat ; que pour retenir en l'espèce que la salariée avait fait l'objet d'un licenciement verbal, la cour d'appel s'est fondée sur un courriel adressé par M. [X] à la salariée le 30 août 2021, dans lequel ce dernier indiquait à la salariée que M. [T], PDG de la société Holding Ampi, l'aurait informé le 2 août qu'elle ne faisait plus partie des effectifs de la société et avait été licenciée ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser le licenciement verbal et tenant à l'information transmise à un tiers extérieur à l'entreprise, quand il ne résultait pas de ses constatations que la l'employeur aurait manifesté à la salariée sa volonté irrévocable de mettre fin à son contrat de travail antérieurement à l'envoi de la lettre de licenciement du 16 août 2021, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-6, L. 1235-3, L. 1234-5 et L. 1235-9 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1232-6 du code du travail :
9. Il résulte de ce texte que la rupture du contrat de travail, en l'absence de lettre de licenciement, ne peut résulter que d'un acte de l'employeur par lequel il manifeste au salarié sa volonté de mettre fin au contrat de travail.
10. Pour juger le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, l'arrêt relève que la salariée a été destinataire, le 30 août 2021, d'un courriel provenant d'un candidat à un emploi dans l'entreprise, qui lui exposait que le président-directeur général lui avait indiqué, lors d'un entretien du 2 août 2021, qu'elle ne faisait plus partie des effectifs de l'entreprise parce qu'elle avait été licenciée.
11. Il ajoute qu'il ressort des propos tenus par le président-directeur général de l'entreprise que celui-ci avait à cette date pris la décision irrévocable de licencier la salariée avant même la notification du licenciement, le 16 août 2021.
12. Il en déduit que cette dernière a fait l'objet d'un licenciement verbal.
13. En statuant ainsi, alors, d'une part, que la salariée n'avait eu connaissance des propos du président-directeur général que postérieurement à son licenciement, et d'autre part, que ceux-ci n'avaient pas été exprimés publiquement ni en présence de la salariée, mais avaient seulement été portés à la connaissance d'un tiers lors d'un entretien individuel, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquence de la cassation
La cassation prononcée n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci, dispositions de l'arrêt non remises en cause.




Soc. 8 octobre 2025 n° 24-17.425

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
HE1


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 8 octobre 2025



Rejet

M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 937 FS-D
Pourvoi n° M 24-17.425



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 OCTOBRE 2025
L'Etablissement français du sang, établissement public national à caractère administratif, dont le siège est [Adresse 1], pris en son établissement EFS Provence-Alpes-Côte d'Azur-Corse dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° M 24-17.425 contre l'arrêt rendu le 19 avril 2024 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-1), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Select TT, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], exerçant sous l'enseigne commerciale Expectra,
2°/ à Mme [S] [Y], domiciliée [Adresse 4],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Deltort, conseillère, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de l'Etablissement français du sang, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Select TT, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [Y], et l'avis de Mme Molina, avocate générale référendaire, après débats en l'audience publique du 10 septembre 2025 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Deltort, conseillère rapporteure, Mme Monge, conseillère doyenne, Mme Cavrois, M. Flores, Mme Le Quellec, conseillers, Mmes Thomas-Davost, Laplume, Rodrigues, Segond, conseillères référendaires, Mme Molina, avocate générale référendaire, et Mme Jouanneau, greffière de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, du président et des conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 19 avril 2024), Mme [Y] a été engagée par la société Select TT (entreprise de travail temporaire) selon contrat de travail temporaire et mise à la disposition de l'Etablissement français du sang (entreprise utilisatrice) en qualité de cadre chargée de mission ressources humaines pour un motif tiré d'un accroissement temporaire d'activité pour la période du 5 décembre 2018 au 17 janvier 2020.
2. Un forfait annuel en jours sur la base de l'accord collectif relatif à l'aménagement du travail en vigueur au sein de l'entreprise utilisatrice a été appliqué à la salariée.
3. Le 9 juin 2020, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de demandes à l'encontre des deux entreprises en requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée, en nullité de la convention de forfait en jours et en paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le troisième moyen
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. L'entreprise utilisatrice fait grief à l'arrêt de requalifier le contrat de mission conclu entre la salariée et l'entreprise de travail temporaire en contrat à durée indéterminée à son égard, de dire privée d'effet la convention de forfait en jours et de la déclarer inopposable à la salariée, de mettre hors de cause l'entreprise de travail temporaire et de la condamner à payer à la salariée certaines sommes au titre des heures supplémentaires, outre congés payés afférents, d'indemnités pour travail dissimulé et requalification du contrat de travail, de rappel de salaire, outre congés payés afférents, du salaire de la journée du 1er janvier 2020, de dommages-intérêts pour licenciement abusif, d'indemnité de licenciement, d'indemnité de préavis, outre congés payés afférents et de frais irrépétibles, outre la remise de documents sociaux, alors :
« 1°/ qu'en matière prud'homale, la preuve est libre ; qu'une modification temporaire des tâches initialement prévues dans un contrat de travail peut être établie par tout moyen ; que la demande de prime annuelle relative à l'exécution des tâches temporaires réalisées permet d'établir l'accord des parties sur l'exécution temporaire de ces attributions ; que la cour d'appel a relevé que Mme [Y] soutenait avoir occupé le poste de DRH adjoint en remplacement de Mme [W] absente, et non celui de chargé de mission, prétendant s'être vu confier la totalité de la gestion RH au quotidien des salariés des sociétés de travail temporaire pour le compte de l'EFS ; que la cour d'appel a également constaté que Mme [K] avait effectué une demande de prime annuelle pour la période 2019-2020 en remplissant un formulaire sur lequel était mentionné "en absence de DRH adjoint, a secondé la DRH dans de nombreux dossiers RH (élections, GPEC, campagne EI, budget, continuité du service" ; qu'en considérant que le recrutement de Mme [Y] avait eu pour objet d'assurer la continuité du service durant la période d'absence de la DRH adjointe, du 5 octobre 2018 au mois de février 2020, au motif que l'EFS ne justifiait pas qu'une autre salariée aurait rempli ces tâches relevant de la gestion permanente du service RH et qu'elle ne produisait pas d'avenant au contrat de travail de Mme [K], d'organigramme ou d'éléments de communication interne permettant de démontrer que cette dernière avait assumé l'intérim du poste de DRH adjointe, quand il s'évinçait de la demande de prime annuelle de Mme [K], pour la période 2019-2020, qu'elle avait occupé le poste de DRH adjointe, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations et violé l'article L. 1221-1 du code du travail ;
2°/ que, subsidiairement, l'accroissement temporaire d'activité permettant le recours à un contrat de mission peut avoir pour objet de permettre à l'entreprise utilisatrice de faire face à la réalisation de tâches circonscrites, ponctuelles et inhabituelles et/ou de réaliser des tâches liées à l'activité normale et permanente de l'entreprise qui relèvent d'une augmentation inhabituelle et temporaire de son activité, sans traduire un besoin structurel de main d'oeuvre ; que la cour d'appel a relevé que l'EFS reconnaît que Mme [Y] a dû suppléer au surcroît de travail généré par la réorganisation du poste de Mme [G], gestionnaire de paie, qui, au 1er janvier 2019, s'est vu confier une mission nationale 50% de son temps, et qu'elle s'est vu confier des opérations de paie en assurant notamment le suivi des forfait jours des cadres autonomes, des primes de transport, des jours fériés garantis ; qu'en écartant néanmoins la régularité de l'existence d'un contrat de mission au motif que les tâches précitées relèveraient des missions permanentes du service RH de l'entreprise utilisatrice, la cour d'appel a statué par une motivation inopérante et violé les articles L. 1251-5, L. 1251-6 et L. 1250-40 du code du travail ;
3°/ que, subsidiairement, l'accroissement temporaire d'activité permettant le recours à un contrat de mission peut avoir pour objet de permettre à l'entreprise utilisatrice de faire face à la réalisation de tâches circonscrites, ponctuelles et inhabituelles et/ou de réaliser des tâches liées à l'activité normale et permanente de l'entreprise qui relèvent d'une augmentation inhabituelle et temporaire de son activité, sans traduire un besoin structurel de main d'oeuvre ; que la circonstance que le déploiement d'un accord relatif au temps de travail impose de décliner des directives établies au niveau national, ne permet pas d'exclure l'existence d'un accroissement temporaire d'activité justifiant le recours à un contrat de mission ; que la cour d'appel a constaté que Mme [Y] avait donné son avis sur certains points relatifs à l'accord sur le temps de travail ; qu'en excluant cependant la régularité de l'existence d'un contrat de mission au motif que Mme [Y] n'avait pas rédigé les notes d'application des accords sur le temps de travail, la cour d'appel a statué par une motivation inopérante et violé les articles L. 1251-5, L. 1251-6 et L. 1250-40 du code du travail. »
Réponse de la Cour
6. Ayant dit, à bon droit, qu'en cas de litige sur le motif de recours au travail temporaire, il appartient à l'entreprise utilisatrice de prouver sa réalité, la cour d'appel qui, a relevé que la salariée avait été engagée, du 5 décembre 2018 au 1er janvier 2020, en vue de faire face à un accroissement temporaire d'activité lié à la réorganisation du service des ressources humaines et retenu, appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis sans être tenue de s'expliquer sur ceux qu'elle décidait d'écarter, que le recrutement de la salariée avait eu pour objet d'assurer la continuité du service en l'absence de directrice des ressources humaines adjointe d'octobre 2018 à février 2020 et donc pour effet de pourvoir durablement à un emploi lié à l'activité permanente de l'entreprise utilisatrice, a pu, en l'absence d'invocation devant elle d'autres causes d'accroissement temporaire d'activité en rapport avec l'engagement et les fonctions confiées à la salariée, en déduire que le contrat à durée déterminée devait être requalifié en contrat à durée indéterminée.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
8. L'entreprise utilisatrice fait le même grief à l'arrêt, alors « que le salarié travaillant dans le cadre d'une convention de forfait jours bénéficie d'un entretien annuel avec son employeur pour évoquer sa charge de travail, qui doit être raisonnable, l'organisation de son travail, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération ; que pendant la durée de la mission de travail temporaire, l'entreprise utilisatrice est responsable des conditions d'exécution du travail, telles qu'elles sont déterminées par les dispositions légales et conventionnelles applicables au lieu de travail et notamment pour ce qui a trait à la durée du travail ; que la requalification du contrat de mission en contrat de travail à durée indéterminée à l'égard de l'entreprise utilisatrice ne peut rendre inopposable à cette dernière la convention de forfait au motif que l'entretien annuel prévu par l'article L. 3121-65 du code du travail n'aurait pas été réalisé ; que seul l'employeur effectif à la date à laquelle l'entretien aurait dû se tenir et qui n'a pas satisfait à son obligation, peut se voir opposer les conséquences de l'inopposabilité de la convention de forfait jours tirée d'un tel motif ; qu'en retenant que la convention de forfait jours de Mme [Y] lui était inopposable et lui permettait de condamner l'EFS au paiement d'heures supplémentaires, la cour d'appel a violé les articles L. 1251-21, L. 3121-65 et L. 3171-4 du code du travail. »
Réponse de la Cour
9. La requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée à l'encontre de l'entreprise utilisatrice, qui a été prononcée au regard du caractère permanent de l'emploi, a pris effet au premier jour de la relation de travail.
10. Le moyen, inopérant en ce qu'il invoque l'absence de qualité d'employeur effectif au moment où l'entretien annuel aurait dû être réalisé, ne peut être accueilli.







Soc. 1 octobre 2025 n° 24-12.054

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 1er octobre 2025



Rejet

M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 903 FS-D
Pourvoi n° Y 24-12.054



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 1ER OCTOBRE 2025
M. [S] [Z], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Y 24-12.054 contre l'arrêt rendu le 22 décembre 2023 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Forvis Mazars [Localité 4], anciennement dénommée société Mazars [Localité 4], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],
2°/ à la société Forvis Mazars, anciennement dénommée société Mazars, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1],
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Panetta, conseillère, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [Z], de la SARL Gury & Maitre, avocat des sociétés Forvis Mazars Haguenau et Forvis Mazars, et l'avis de M. Gambert, avocat général, après débats en l'audience publique du 2 septembre 2025 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Panetta, conseillère rapporteure, Mme Mariette, conseillère doyenne, Mme Bouvier, MM. Barincou, Seguy, Mme Douxami, conseillers, Mme Maitral, M. Redon, conseillers référendaires, M. Gambert, avocat général, et Mme Pontonnier, greffière de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, du président et des conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 22 décembre 2023), M. [Z] a été engagé en qualité d'expert-comptable, à compter du 18 avril 2016, par la société Mazars Fiduco.
2. Licencié pour faute lourde, le 31 octobre 2017, il a saisi, le 5 décembre 2017, la juridiction prud'homale pour contester cette rupture.
Examen des moyens
Sur les premier et deuxième moyens
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur les troisième et quatrième moyens, réunis
Enoncé des moyens
4. Par son troisième moyen, le salarié fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme prescrite sa demande formée au titre de la convention de forfait jours, alors « que si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions, au cours d'une même instance, concernent l'exécution du même contrat de travail ; que pour déclarer prescrite la demande d'indemnisation au titre de la convention de forfait jours, l'arrêt retient qu'il a été licencié par courrier en date du 31 octobre 2017 et a formulé pour la première fois sa demande de dommages-intérêts au titre de la convention de forfait jours dans ses conclusions du 28 juin 2020, reçues au greffe du conseil de prud'hommes le 30 juin 2020, soit après l'expiration des délais de prescription prévues par l'article L. 1471-1 du code du travail ; qu'en statuant ainsi, alors que la prescription de la demande litigieuse, qui était afférente à l'exécution du même contrat de travail, avait été interrompue par la saisine du conseil de prud'hommes le 5 décembre 2017, quand bien même cette demande avait été présentée en cours d'instance, la cour d'appel a violé les articles 2241 du code civil et L. 1471-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige. »
5. Par son quatrième moyen, le salarié fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme prescrite sa demande formée à l'encontre de l'employeur au titre du défaut de mise en oeuvre de la visite médicale d'embauche, alors « que si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions, au cours d'une même instance, concernent l'exécution du même contrat de travail ; que pour déclarer prescrite la demande d'indemnisation au titre du défaut d'organisation d'une visite médicale d'embauche, l'arrêt retient qu'il a été licencié par courrier en date du 31 octobre 2017 et a formulé pour la première fois sa demande de dommages-intérêts pour défaut de mise en oeuvre de la visite médicale d'embauche dans ses conclusions du 28 juin 2020, reçues au greffe du conseil de prud'hommes le 30 juin 2020, soit après l'expiration des délais de prescription prévues par l'article L. 1471-1 du code du travail ; qu'en statuant ainsi, alors que la prescription de la demande litigieuse, qui était afférente à l'exécution du même contrat de travail, avait été interrompue par la saisine du conseil de prud'hommes le 5 décembre 2017, quand bien même cette demande avait été présentée en cours d'instance, la cour d'appel a violé les articles 2241 du code civil et L. 1471-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige. »
Réponse de la Cour
6. En principe, l'effet interruptif de la prescription attaché à une action judiciaire ne s'étend pas à une nouvelle action formée au cours de la même instance, sauf l'hypothèse d'une demande qui, bien qu'ayant une cause distincte, tend au même but que la demande initiale de sorte qu'elle est virtuellement comprise dans celle-ci.
7. La Cour de cassation retenait cependant que si, en principe, l'interruption de la prescription ne pouvait s'étendre d'une action à une autre, il en était autrement lorsque les deux actions, au cours d'une même instance, concernaient l'exécution du même contrat de travail (Soc., 8 avril 2010, pourvoi n° 08-42.307, Bull. civ., V, n° 91 ; Soc., 25 novembre 2020, pourvoi n° 19-21.470).
8. Cette exception résultait de la règle de l'unicité de l'instance prud'homale prévue par l'ancien article R. 1452-6 du code du travail abrogé par l'article 8 du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016, et qui n'est demeurée applicable, en application de l'article 45 de ce décret, qu'aux instances introduites devant les conseils de prud'hommes antérieurement au 1er août 2016.
9. Les moyens, qui énoncent un principe de droit qui n'est plus applicable, dès lors que l'instance a été introduite devant le conseil de prud'hommes le 5 décembre 2017, ne sont donc pas fondés.




Soc. 24 septembre 2025 n° 24-14.577

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
HE1


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 24 septembre 2025



Rejet

Mme MONGE, conseillère doyenne faisant fonction de présidente


Arrêt n° 893 F-D
Pourvoi n° R 24-14.577



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 24 SEPTEMBRE 2025
La société Sewan, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 24-14.577 contre l'arrêt rendu le 28 février 2024 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 6), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [M] [D], domicilié [Adresse 3],
2°/ à France travail, anciennement dénommé Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Segond, conseillère référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Sewan, de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de M. [D], après débats en l'audience publique du 9 juillet 2025 où étaient présentes Mme Monge, conseillère doyenne faisant fonction de présidente, Mme Segond, conseillère référendaire rapporteure, Mme Deltort, conseillère, et Mme Pontonnier, greffière de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des présidente et conseillères précitées, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 février 2024), M. [D] a été engagé en qualité de responsable régional des ventes indirectes, statut cadre, groupe E de la convention collective nationale des télécommunications du 26 avril 2000, à compter du 15 septembre 2014. Par avenant du 21 octobre 2016, le salarié a été soumis à une convention individuelle de forfait en jours, applicable à compter du 1er septembre 2016.
2. Le 1er mars 2018, le salarié a été promu au poste de directeur régional des ventes indirectes, statut cadre, groupe F.
3. Les parties ont conclu une convention de rupture datée du 27 février 2019.
4. Le 10 mars 2020, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes liées à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur les deuxième, troisième et quatrième moyens
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. L'employeur fait grief à l'arrêt d'annuler la convention individuelle de forfait annuel en jours signée le 21 octobre 2016 et de le condamner à payer au salarié des sommes à titre de rappel d'heures supplémentaires, outre congés payés afférents, de contrepartie obligatoire en repos non prise, d'indemnités compensatrice de préavis, outre congés payés afférents, de licenciement, et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que répond aux exigences légales ainsi qu'aux exigences relatives au droit à la santé et au repos, la convention de forfait en jours prévue par un accord collectif dont les dispositions assurent la garantie du respect des repos journaliers et hebdomadaires ainsi que des durées maximales raisonnables de travail en prévoyant un dispositif de contrôle des jours travaillés et non travaillés, la comptabilisation individualisée des horaires de travail par le biais d'un système déclaratif du temps de travail, le décompte en nombre de jours par an du temps de travail des cadres autonomes ainsi qu'un plafond de jours travaillés annuel, l'amplitude journalière maximale de travail et un dispositif d'alerte auprès du supérieur hiérarchique du salarié ; qu'en jugeant illicite le dispositif prévu par cet accord sur le temps de travail de l'UES Sewan, en date du 1er septembre 2016, alors que celui-ci prévoyait la comptabilisation individualisée du temps de travail par un document déclaratif mensuel soumis à validation du manager, le respect des durées maximales de travail, un plafond en nombre de jours annuels, un récapitulatif biannuel du nombre de jours travaillés et chômés par le service des Ressources humaines, un bilan annuel afin de vérifier le respect de l'amplitude, de la charge de travail et de la bonne répartition du temps de travail du salarié par le service des ressources humaines ainsi qu'un dispositif d'alerte, la cour d'appel a violé les dispositions de l'accord collectif d'entreprise sur le temps de travail de l'UES Sewan du 1er septembre 2016, ensemble les articles L. 3121-63 et L. 3121-64 du code du travail dans leur rédaction applicable au présent litige et interprétées à la lumière de l'article 17 § 1 et § 4 de la directive 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17 § 1 et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. »
Réponse de la Cour
7. Le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles.
8. Aux termes de l'article L. 3121-60 du code du travail, l'employeur s'assure régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail.
9. Selon l'article L. 3121-64, II, du même code, l'accord autorisant la conclusion de conventions individuelles de forfait en jours détermine : 1° Les modalités selon lesquelles l'employeur assure l'évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié ; 2° Les modalités selon lesquelles l'employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail du salarié, sur l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération ainsi que sur l'organisation du travail dans l'entreprise.
10. Il résulte de ces textes que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.
11. La cour d'appel a, d'abord, reproduit le contenu de l'article 4 de l'accord sur le temps de travail UES Sewan du 1er septembre 2016 mettant en oeuvre l'accord du 4 juin 1999 relatif à la réduction et aménagement du temps de travail constituant l'annexe III de la convention collective nationale des télécommunications du 26 avril 2000, qui prévoit les modalités de contrôle et de suivi de la charge de travail des cadres autonomes soumis à une convention de forfait en jours.
12. Elle a, ensuite, relevé, d'une part, que le contrôle du temps de travail reposait sur un suivi par le manager dont les modalités n'étaient pas précisées, d'autre part, que si l'article 4 mentionne successivement le manager puis le service des ressources humaines, la phrase suivante relative à un bilan annuel ne donne aucune précision sur le cadre dans lequel celui-ci serait mené et a conclu que cela lui enlevait toute effectivité. Elle a encore constaté qu'aucun dispositif n'était prévu pour permettre au salarié de saisir l'employeur de difficultés éventuelles, ni pour permettre qu'il soit remédié utilement à toute situation mettant la santé du salarié en danger.
13. La cour d'appel en a exactement déduit que ces dispositions ne présentaient pas de garantie suffisante permettant d'assurer un suivi réel et effectif de la charge de travail et de vérifier qu'elle était raisonnable et que la convention de forfait en jours conclue par l'intéressé était nulle.
14. Le moyen n'est donc pas fondé.




Soc. 10 septembre 2025 n° 23-22.358

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 10 septembre 2025



Cassation partielle

Mme MONGE, conseillère doyenne faisant fonction de présidente


Arrêt n° 802 F-D
Pourvoi n° C 23-22.358




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 10 SEPTEMBRE 2025
M. [E] [G], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° C 23-22.358 contre l'arrêt rendu le 14 septembre 2023 par la cour d'appel de Versailles (15e chambre), dans le litige l'opposant à la société Eurisk, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [G], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Eurisk, après débats en l'audience publique du 25 juin 2025 où étaient présents Mme Monge, conseillère doyenne faisant fonction de présidente, M. Flores, conseiller rapporteur, Mme Deltort, conseillère, et Mme Aubac, greffière de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des présidente et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 14 septembre 2023), M. [G] a été engagé en qualité d'expert, statut cadre, le 14 mai 2012 par la société Eurisk.
2. Le 12 avril 2017, le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail et en paiement de diverses sommes.
3. Le salarié a démissionné le 29 juillet 2019.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche et le second moyen
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes en paiement au titre d'heures supplémentaires, outre congés payés afférents, des contreparties obligatoires en repos et de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, alors « que le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles ; que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires ; que cet accord doit, notamment, fixer le nombre de jours travaillés et prévoir les catégories de cadres intéressés au regard de leur autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps, les modalités de décompte des journées et des demi journées travaillées et de prise des journées ou demi-journées de repos, les conditions de contrôle de son application, des modalités de suivi de l'organisation du travail des salariés concernés, de l'amplitude de leurs journées d'activité et de la charge de travail qui en résulte ; que, pour débouter M. [G] de ses demandes, la cour d'appel a retenu que "l'accord d'entreprise Eurisk 35 heures, conclu le 13 novembre 2002 dans le cadre des dispositions de la loi Aubry II du 19 janvier 2000, prévoit la conclusion de conventions de forfait en jours. Conformément aux dispositions de l'article L. 212-15-3, III, du code du travail alors applicables, il fixe le nombre de jours travaillés, soit 217 jours travaillés par an (ce qui correspond à 218 jours après l'instauration, par la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004, de la journée de solidarité), définit, au regard de leur autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps, les catégories de cadres concernés, parmi lesquels les cadres non administratifs exerçant en agence en qualité d'expert, précise les modalités de décompte des journées et des demi-journées travaillées et de prise des journées ou demi-journées de repos et prévoit des modalités de suivi de l'organisation du travail des salariés concernés, de l'amplitude de leurs journées d'activité et de la charge de travail qui en résulte" ; qu'en statuant ainsi, cependant que l'accord d'entreprise conclu le 13 novembre 2002- qui se borne à fixer le nombre de jours travaillés sur l'année, désigner les cadres autonomes non soumis à un horaire collectif et dont l'autonomie d'organisation est grande, prévoir la conclusion d'un avenant individuel au contrat de travail pour chaque collaborateur soumis au régime du forfait jours, ainsi qu'une amplitude maximale de la journée de travail de 7h00 à 20h00 pour les cadres autonomes, afin de garantir le respect du repos journalier de 11 heures, et ce, sans instituer de modalités de décompte des journées et des demi-journées travaillées et de prise des journées ou demi-journées de repos, de conditions de contrôle de son application, de modalités de suivi de l'organisation du travail des salariés concernés et de la charge de travail qui en résulte, ni de suivi effectif et régulier permettant à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable- n'est pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et à assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail des salariés soumis au régime du forfait en jours sur l'année, ce dont il se déduisait que la convention de forfait en jours conclue par M. [G] n'était pas prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées raisonnables maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires et, dès lors, était nulle, la cour d'appel a violé l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article L. 212 15-3, devenu L. 3121-40 et L. 3121-45 du code du travail, interprétés à la lumière de l'article 17, paragraphes 1 et 4 de la directive 1993/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17, paragraphe 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article L. 212-15-3, devenu L. 3121-40 et L. 3121-45 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à la loi n 2008-789 du 20 août 2008, interprétés à la lumière de l'article 17, paragraphes 1 et 4, de la directive 1993/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17, paragraphe 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne :
6. Le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles.
7. Il résulte des articles susvisés des directives de l'Union européenne que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur.
8. Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.
9. Pour débouter le salarié de ses demandes au titre des heures supplémentaires et des repos compensateurs l'arrêt retient que l'accord d'entreprise Eurisk 35 heures précise les modalités de décompte des journées et des demi-journées travaillées et de prise des journées ou demi-journées de repos et prévoit des modalités de suivi de l'organisation du travail des salariés concernés, de l'amplitude de leurs journées d'activité et de la charge de travail qui en résulte.
10. En statuant ainsi, alors que l'accord d'entreprise Eurisk 35 heures se borne à prévoir que l'amplitude maximale de la journée de travail sera de 7h00 à 20h00 afin de garantir le respect du repos journalier de onze heures et que les collaborateurs seront soumis à un système auto-déclaratif indiquant les jours de travail ou de repos, en ce qu'elles ne permettent pas à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, ne sont pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié, ce dont elle aurait dû déduire que la convention de forfait en jours était nulle, la cour d'appel a violé les textes susvisés.




Soc. 3 septembre 2025 n° 23-18.275

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 3 septembre 2025



Cassation partielle

Mme SOMMÉ, conseillère la plus ancienne faisant fonction de présidente


Arrêt n° 780 F-D
Pourvoi n° Q 23-18.275





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 3 SEPTEMBRE 2025
M. [Y] [V] [D], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° Q 23-18.275 contre l'arrêt rendu le 22 mars 2023 par la cour d'appel de Versailles (19e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Onepoint, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à France travail, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommé Pôle emploi,
défendeurs à la cassation.
La société Onepoint a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, quatre moyens de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ollivier, conseillère référendaire, les observations de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de M. [D], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Onepoint, après débats en l'audience publique du 18 juin 2025 où étaient présentes Mme Sommé, conseillère la plus ancienne faisant fonction de présidente, Mme Ollivier, conseillère référendaire rapporteure, Mme Bouvier, conseillère, et Mme Aubac, greffière de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des présidente et conseillères précitées, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 22 mars 2023), M. [D] a été engagé par la société Optium groupe suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 12 novembre 2009 en qualité d'ingénieur consultant, coefficient 150, position 2.3, avec le statut de cadre.
2. A la suite d'opérations de fusions de sociétés, le contrat de travail du salarié a été transféré le 1er avril 2018 à la société Onepoint, avec reprise d'ancienneté au 12 novembre 2009.
3. Par un arrêté préfectoral publié le 6 avril 2018, le salarié a été désigné défenseur syndical de l'Union départementale CFE-CGC du Val d'Oise. Ce mandat a pris fin le 31 juillet 2020.
4. Par un arrêté préfectoral publié le 3 août 2020, il a, de nouveau, été inscrit sur la liste des défenseurs syndicaux.
5. La relation de travail était régie par la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs conseils, sociétés de conseil, dite Syntec.
6. Par lettre datée du 4 août 2020, le salarié a pris acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur.
7. Le 9 septembre 2020, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant à faire produire à la prise d'acte de la rupture du contrat de travail les effets d'un licenciement nul, subsidiairement sans cause réelle et sérieuse, et obtenir la condamnation de la société Onepoint au paiement de dommages-intérêts pour licenciement nul, subsidiairement sans cause réelle et sérieuse, pour violation du statut protecteur, pour discrimination, ainsi que de diverses indemnités et sommes liées à l'exécution et à la rupture du contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le deuxième moyen du pourvoi principal
8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
9. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et non pas nul et de le débouter de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement nul et pour violation du statut protecteur, alors :
« 1°/ que lorsqu'un salarié titulaire d'un mandat extérieur à l'entreprise prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit, lorsque les faits invoqués par le salarié la justifiaient, les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur, peu important que l'employeur n'ait pas été informé de l'existence du mandat ; que le représentant du personnel licencié sans autorisation administrative a droit à une indemnité forfaitaire pour violation du statut protecteur égale à la rémunération qu'il aurait dû percevoir depuis la date de la rupture jusqu'à l'expiration de la période de protection en cours ; qu'en retenant, pour infirmer le jugement et débouter M. [D] de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement nul et d'indemnité pour violation du statut protecteur, que ''le salarié ne démontre pas avoir informé l'employeur de son mandat de défenseur syndical, extérieur à l'entreprise, au plus tard au moment de la notification de la prise d'acte'', la cour d'appel a violé les articles L. 1453-9, L. 2411-1, 19° et L. 2411-24 du code du travail ;
2°/ subsidiairement, que le défenseur syndical dont le mandat, en cours au jour de la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail, lui confère le statut de salarié protégé, peut se prévaloir de cette protection si, au plus tard avant la notification de l'acte de rupture, l'employeur a été informé de l'existence de ce mandat ; que la date de la notification est, à l'égard de l'employeur auquel elle est faite, celle de la réception de la lettre de prise d'acte ; que pour infirmer le jugement et débouter M. [D] de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement nul et d'indemnité pour violation du statut protecteur, la cour d'appel, ayant constaté que ''par arrêté publié le 3 août 2020, le salarié a bénéficié d'un nouveau mandat'', qu'il ''a pris acte de la rupture du contrat de travail par lettre recommandée avec avis de réception du 4 août 2020", réceptionnée par l'employeur le 17 août suivant, tandis que ce dernier reconnaissait ''avoir eu connaissance du renouvellement du mandat syndical de M. [D] le 11 août 2020 par lettre de la Direccte'', a retenu que le salarié ne justifiait pas qu'à la date du 4 août 2020, l'employeur était informé de son mandat ; qu'en se fondant ainsi, pour dire que le salarié n'était pas fondé à se prévaloir du statut protecteur attaché à son mandat, sur la date de la prise d'acte et non sur celle de sa notification à l'employeur, qui s'entendait comme celle de la réception du courrier, la cour d'appel a violé les articles L. 1453-9, L. 2411-1, 19° et L. 2411-24 du code du travail, ensemble l'article 668 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
10. Pour se prévaloir de la protection attachée à son mandat de défenseur syndical mentionné par l'article L. 2411-24 du code du travail, le salarié doit, au plus tard lors de l'entretien préalable au licenciement, ou, s'il s'agit d'une rupture ne nécessitant pas un entretien préalable, au plus tard avant la notification de l'acte de la rupture, avoir informé l'employeur de l'existence de ce mandat ou rapporter la preuve que l'employeur en avait alors connaissance.
11. La prise d'acte de la rupture par le salarié en raison de faits qu'il reproche à son employeur entraîne la cessation immédiate du contrat de travail.
12. L'arrêt retient que le salarié a bénéficié d'un mandat de défenseur syndical par arrêté préfectoral du 30 mars 2018, publié le 6 avril 2018, qui a pris fin le 31 juillet 2020, que, par arrêté publié le 3 août 2020, le salarié a bénéficié d'un nouveau mandat de défenseur syndical, qu'il a pris acte de la rupture du contrat de travail par lettre du 4 août 2020 et que l'employeur reconnaît avoir eu connaissance du renouvellement du mandat syndical du salarié le 11 août 2020 par lettre du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi.
13. La cour d'appel en a exactement déduit que le salarié qui ne démontrait pas avoir informé l'employeur de son mandat de défenseur syndical, extérieur à l'entreprise, au plus tard au moment de la notification de la prise d'acte, le 4 août 2020, date de la rupture du contrat de travail, n'était pas fondé à se prévaloir du statut protecteur de son mandat.
14. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
Sur le moyen du pourvoi incident de l'employeur en ce qu'il fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié certaines sommes à titre d'indemnité de congés payés et de congés conventionnels d'ancienneté
15. Le moyen, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de condamner l'employeur à payer au salarié certaines sommes à titre d'indemnité de congés payés et de congés conventionnels d'ancienneté, est inopérant dès lors que la critique articulée par le moyen n'est pas susceptible d'atteindre ces chefs de dispositif.
Mais sur le troisième moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
16. Le salarié fait grief à l'arrêt de limiter la condamnation de l'employeur au titre des congés conventionnels d'ancienneté à la somme de 194,18 euros, alors « que la mention, sur les bulletins de paie, des jours acquis et pris au titre des congés payés n'a qu'une valeur informative, la charge de la preuve que le salarié a bénéficié du nombre de jours de congés payés auquel il avait droit incombant, en cas de contestation, à l'employeur ; qu'en retenant, pour limiter à 194,18 euros la somme due par l'employeur au titre d'un rappel de congés conventionnels d'ancienneté sollicité par M. [D], que le bulletin de paie établissait un solde d'un jour dû au titre de l'exercice en cours et que le salarié ne rapportait pas la preuve qu'un jour supplémentaire lui était dû, la cour d'appel, qui a fait peser sur le salarié la charge de la preuve qu'il avait été rempli de ses droits au regard du nombre de jours de congés auquel il pouvait prétendre, a violé l'article 1315, devenu 1353 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1353 du code civil :
17. Aux termes de ce texte, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
18. Pour limiter la condamnation de l'employeur à payer au salarié la somme de 194,18 euros au titre des congés conventionnels d'ancienneté, l'arrêt retient que le salarié justifie qu'un solde d'un jour lui était dû au titre de l'exercice en cours au vu du bulletin de paie d'août 2020, mais que la preuve qu'un jour supplémentaire lui est dû, comme réclamé, n'est pas rapportée.
19. En statuant ainsi, alors qu'il appartient à l'employeur, débiteur de l'obligation du paiement de l'intégralité de l'indemnité due au titre des jours de congés payés, qui en conteste le nombre acquis, d'établir qu'il a exécuté son obligation, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé le texte susvisé.
Sur le quatrième moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
20. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande au titre de l'indemnité des RTT, alors « que la mention sur les bulletins de paie, des jours pris au titre de la réduction du temps de travail n'a qu'une valeur informative, la charge de la preuve de leur octroi effectif incombant, en cas de contestation, à l'employeur ; qu'en retenant, pour débouter M. [D] de sa demande au titre d'un reliquat de 9 jours au titre des jours de réduction du temps de travail, que, au vu des bulletins de paie, M. [D] ''justifie d'un droit à RTT acquis de 42,85 jours, 40 jours ayant été pris'' et que ''l'employeur démontre avoir réglé 2,85 jours de RTT dus au vu du bulletin de paie d'août 2020'', de sorte qu'il ''n'est pas justifié d'un solde de RTT restant dû par l'employeur'', la cour d'appel, qui a fait peser sur le salarié la charge de la preuve qu'il avait été rempli de ses droits en matière de jours de réduction du temps de travail, a violé l'article 1315, devenu 1353 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1353 du code civil et l'article L. 3243-3 du code du travail :
21. Aux termes du premier de ces textes, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
22. Aux termes du second, l'acceptation sans protestation ni réserve d'un bulletin de paie par le travailleur ne peut valoir de sa part renonciation au paiement de tout ou partie du salaire et des indemnités ou accessoires de salaire qui lui sont dus en application de la loi, du règlement, d'une convention ou d'un accord collectif de travail ou d'un contrat. Cette acceptation ne peut valoir non plus compte arrêté et réglé au sens de l'article 1269 du code de procédure civile.
23. Il en résulte que la mention sur les bulletins de paie des jours pris au titre de la réduction du temps de travail n'a qu'une valeur informative, la charge de la preuve de leur octroi effectif incombant, en cas de contestation, à l'employeur.
24. Pour débouter le salarié de sa demande au titre de l'indemnité de réduction du temps de travail, l'arrêt retient que le salarié justifie d'un droit à RTT acquis de 42,85 jours, 40 jours ayant été pris, que l'employeur démontre avoir réglé 2,85 jours de RTT dus au vu du bulletin de paie d'août 2020 et qu'il s'en déduit qu'il n'est pas justifié d'un solde de RTT restant dû par l'employeur.
25. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés.
Et sur le moyen du pourvoi incident de l'employeur, pris en sa première branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié diverses sommes au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, de l'indemnité de préavis, des congés payés afférents, des majorations légales des heures supplémentaires et des congés payés afférents, de dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, de le condamner à payer au salarié diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'ordonner le remboursement par l'employeur à l'organisme Pôle emploi concerné des indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de six mois d'indemnités
Enoncé du moyen
26. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié diverses sommes au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, de l'indemnité de préavis, des congés payés afférents, des majorations légales des heures supplémentaires et des congés payés afférents, de dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, de le condamner à payer au salarié diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'ordonner le remboursement par l'employeur à l'organisme Pôle emploi concerné des indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de six mois d'indemnités, alors « qu'en application des articles L. 3121-53 et suivants du code du travail, peuvent conclure une convention individuelle de forfait en heures sur la semaine et/ou en jours sur l'année, les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui leur sont confiées ; qu'aucune disposition légale ou conventionnelle n'interdit aux parties de conclure une convention de double forfait combinant un nombre d'heures travaillées par semaine et un nombre de jours travaillés par année dès lors que le salarié conserve une autonomie dans la gestion et l'organisation de son temps de travail ; qu'il en résulte que le seul fait que le temps de travail du salarié soit enserré dans une limite hebdomadaire forfaitaire ne suffit pas à faire obstacle à la conclusion d'un forfait en jours sur l'année, dès lors qu'il n'est pas contesté qu'à l'intérieur de cette limite hebdomadaire, le salarié organise librement son activité, ses tâches et ses présences et horaires journaliers, de sorte qu'il bénéficie bien d'une réelle autonomie dans l'organisation de son temps de travail ; qu'au cas présent, pour déclarer nulle la clause prévoyant ''un forfait à la fois en heures de travail et un forfait annuel en jours travaillés'', la cour d'appel s'est bornée à affirmer que ''la convention collective applicable prévoit notamment en son article 4.8.1 que les salariés en forfait annuel en jours, gèrent librement le temps à consacrer à l'accomplissement de leur mission, en concertation avec leur employeur, ce qui n'est pas compatible avec un forfait horaire, correspondant aux conditions réelles de travail et englobant notamment des heures supplémentaires occasionnelle[s]'' ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à exclure l'autonomie réelle du salarié dans l'organisation de son emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui lui étaient confiées, cependant que M. [D] organisait librement, dans la limite d'une durée hebdomadaire forfaitaire, son activité, ses tâches et ses absences et horaires journaliers, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3121-53, L. 3121 54, L. 3121-55, L. 3121-56 et L. 3121-58 du code du travail, ensemble l'article 4.8.1. de l'accord modifié du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail attaché à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, dans sa rédaction applicable au litige. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1103 du code civil, l'article 3 de l'accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, dite Syntec, et l'article 4 du même accord dans sa version antérieure à l'avenant du 1er avril 2014 :
27. Selon l'article 3 de l'accord du 22 juin 1999 intitulé réalisation de missions, ces modalités s'appliquent aux salariés non concernés par les modalités standard ou les réalisations de missions avec autonomie complète. Tous les ingénieurs et cadres sont a priori concernés, à condition que leur rémunération soit au moins égale au plafond de la sécurité sociale. Compte tenu de la nature des tâches accomplies (responsabilités particulières d'expertise technique ou de gestion qui ne peuvent s'arrêter à heure fixe, utilisation d'outils de haute technologie mis en commun, coordination de travaux effectués par des collaborateurs travaillant aux mêmes tâches...), le personnel concerné, tout en disposant d'une autonomie moindre par rapport aux collaborateurs définis à l'article 3, ne peut suivre strictement un horaire pré-défini. La comptabilisation du temps de travail des personnels concernés dans le respect des dispositions légales se fera également en jours, avec un contrôle du temps de travail opéré annuellement. Les appointements de ces salariés englobent les variations horaires éventuellement accomplies dans une limite dont la valeur est au maximum de 10 % pour un horaire hebdomadaire de 35 heures. Le personnel ainsi autorisé à dépasser l'horaire habituel dans la limite de 10 % doit bénéficier d'une rémunération annuelle au moins égale à 115 % du minimum conventionnel de sa catégorie.
28. Selon l'article 4 de ce même accord intitulé réalisation de missions avec autonomie complète, les personnels exerçant des responsabilités de management élargi ou des missions commerciales, de consultant ou accomplissant des tâches de conception ou de création, de conduite et de supervision de travaux, disposant d'une grande autonomie, libres et indépendants dans l'organisation et la gestion de leur temps de travail pour remplir les missions qui leur ont été confiées doivent bénéficier de dispositions adaptées en matière de durée du travail : les salariés ainsi concernés sont autorisés, en raison de l'autonomie dont ils disposent, à dépasser - ou à réduire - l'horaire habituel, dans le cadre du respect de la législation en vigueur. La comptabilisation du temps de travail du collaborateur se fait en jours, avec un maximum fixé à 219 jours, compte non tenu des éventuels jours d'ancienneté conventionnels. Pour pouvoir relever de ces modalités, les collaborateurs concernés doivent obligatoirement disposer de la plus large autonomie d'initiative et assumer la responsabilité pleine et entière du temps qu'ils consacrent à l'accomplissement de leur mission, le bon accomplissement de cette mission caractérisant la mesure réelle de leur contribution à l'entreprise. Ils doivent donc disposer d'une grande latitude dans leur organisation du travail et la gestion de leur temps et doivent également bénéficier de la position 3 de la convention collective (en général les positions 3.2 et 3.3, et dans certains cas 3.1) ou avoir une rémunération annuelle supérieure à deux fois le plafond annuel de la sécurité sociale, ou être mandataire social.
29. Pour dire que la convention de forfait prévue au contrat de travail du salarié est nulle, condamner l'employeur au paiement de sommes à titre de majorations légales d'heures supplémentaires, dire que la prise d'acte de la rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur au paiement de diverses sommes à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, d'indemnité de préavis et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que le contrat de travail du salarié prévoit qu'il est soumis à un horaire hebdomadaire de 38,5 heures sur un nombre de jours travaillés maximum de 220 jours par an, soit un forfait à la fois en heures de travail et un forfait annuel en jours travaillés, que la convention collective applicable prévoit notamment en son article 4.8.1 que les salariés en forfait annuel en jours gèrent librement le temps à consacrer à l'accomplissement de leur mission, en concertation avec leur employeur, ce qui n'est pas compatible avec un forfait horaire, correspondant aux conditions réelles de travail et englobant notamment des heures supplémentaires occasionnelles comme prévu à l'article 32 de la même convention. L'arrêt retient également que les manquements de l'employeur, parmi lesquels celui de ne pas avoir respecté ses obligations en matière de durée du travail, dès lors que la clause de double forfait horaire et jours travaillés n'a pas de base légale, sont suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail, en sorte que la prise d'acte du salarié produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
30. En statuant ainsi alors qu'elle avait constaté que le contrat de travail stipulait que le nombre de jours travaillés par le salarié ne pourra être supérieur à 220 jours pour 38,5 heures par semaine, ce dont il résultait que la convention conclue devait s'analyser en un forfait en heures assorti de la garantie d'un nombre maximal annuel de jours de travail et non en une convention de forfait en jours et que la condition d'éligibilité liée à l'autonomie du salarié s'analysait au regard des dispositions de l'article 3 de l'accord du 22 juin 1999, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
31. La cassation des chefs de dispositif condamnant l'employeur au paiement de majorations légales au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents, disant que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamnant l'employeur au paiement d'une indemnité conventionnelle de licenciement, d'une indemnité de préavis et des congés payés afférents et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, limitant la condamnation de l'employeur au titre des congés conventionnels d'ancienneté à une certaine somme, déboutant le salarié de sa demande au titre de l'indemnité des RTT et ordonnant le remboursement par l'employeur à l'organisme Pôle emploi concerné des indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de six mois n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.




Soc. 9 juillet 2025 n° 24-15.961

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 9 juillet 2025



Cassation partielle

Mme MONGE, conseillère doyenne faisant fonction de présidente


Arrêt n° 749 F-D
Pourvoi n° V 24-15.961

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 JUILLET 2025
M. [H] [X], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 24-15.961 contre l'arrêt rendu le 3 avril 2024 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale A), dans le litige l'opposant à la société PWC société d'avocats, société d'exercice libéral par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La société PWC société d'avocats a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, huit moyens de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Cavrois, conseillère, les observations de Me Haas, avocat de M. [X], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société PWC société d'avocats, après débats en l'audience publique du 11 juin 2025 où étaient présentes Mme Monge, conseillère doyenne faisant fonction de présidente, Mme Cavrois, conseillère rapporteure, Mme Deltort, conseillère, et Mme Pontonnier, greffière de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des présidente et conseillères précitées, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 3 avril 2024), M. [X] a été engagé en qualité de collaborateur fiscal, coefficient 385, statut cadre, au grade de junior, à compter du 10 septembre 2014 par la société Landwell & associés, société d'avocats inter-barreaux aux droits de laquelle vient la société PWC société d'avocats (la société PWC).
2. Un an après son engagement, le salarié a été promu au grade de collaborateur expérimenté, coefficient 410, puis en juin 2016 au grade de collaborateur expérimenté 2. En juin 2017, il a été promu au grade de manager.
3. Le 2 mai 2018, le salarié a notifié la rupture de son contrat de travail à l'employeur.
4. Les 28 août et 3 décembre 2018, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes portant sur l'exécution et la rupture du contrat de travail.
Examen des moyens
Sur les deux moyens du pourvoi incident de l'employeur
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen du pourvoi principal du salarié
Enoncé du moyen
6. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de repositionnement dans la classification conventionnelle et de ses demandes salariales subséquentes, alors « que le cadre expérimenté, 2e échelon coefficient 410, doit avoir, en plus de sa formation initiale ''une expérience professionnelle minimale ou en entreprise de deux ans'' ; qu'en considérant que cette condition n'était pas remplie au motif que le salarié n'avait pas acquis un expérience de « juriste fiscaliste » en cabinet ou en entreprise, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne prévoit pas, a violé l'avenant n° 50 du 14 février 1997 relatif à la classification à la convention collective nationale des avocats et de leur personnel du 20 février 1979. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 2 de l'avenant n° 50 du 14 février 1997 relatif à la classification à la convention collective nationale des avocats et de leur personnel du 20 février 1979 :
7. Selon ce texte, est positionné au niveau cadre débutant 1er échelon, coefficient 385 le personnel disposant d'une technicité lui permettant d'exercer ses fonctions avec autonomie. Il rend compte de l'état d'avancement des travaux selon les modalités définies par l'employeur. Il définit et réalise ou fait réaliser un programme de travail dans le respect des orientations données ; il peut animer et coordonner l'activité d'un ou plusieurs salariés. Et l'exigence est formation initiale : bac + 3 ou au moins équivalent, sans expérience professionnelle.
8. Selon ce même texte est positionné au niveau cadre expérimenté 2e échelon, coefficient 410 le personnel disposant d'une expérience professionnelle et d'une technicité lui permettant d'exercer ses fonctions avec autonomie. Il rend compte de l'état d'avancement des travaux selon les modalités définies par l'employeur. Il définit et réalise ou fait réaliser un programme de travail dans le respect des orientations données ; il peut animer et coordonner l'activité d'un ou plusieurs salariés. Et l'exigence est formation initiale : bac + 3 ou équivalent, expérience dans la vie professionnelle : en plus de la formation initiale, le salarié doit avoir une expérience professionnelle minimale en cabinet ou en entreprise de deux ans. Sans cette formation initiale, il doit avoir une expérience professionnelle minimale en cabinet ou en entreprise dans des fonctions justifiant un classement en niveau 3 : - de trois ans en ayant suivi une action de formation professionnelle continue en rapport avec les fonctions du poste ; - de cinq ans dans le cas contraire.
9. Une convention collective, si elle manque de clarté, doit être interprétée comme la loi, c'est-à-dire d'abord en respectant la lettre du texte, ensuite en tenant compte d'un éventuel texte législatif ayant le même objet et, en dernier recours, en utilisant la méthode téléologique consistant à rechercher l'objectif social du texte.
10. Pour rejeter la demande de repositionnement du salarié au niveau 410 dès son engagement, l'arrêt retient que l'expérience acquise au sein de la société Wolters Kluwer TAA Ltd, l'a été dans le cadre d'un contrat pour services dont l'objet était des services d'édition, traduction et de recherche selon un planning mensuel et dans les délais requis, qui n'autorise nullement le salarié à se prévaloir d'une expérience de juriste fiscaliste en cabinet ou en entreprise, ni à prétendre à la classification d'un cadre expérimenté. Il en conclut que son évolution au sein de la société PWC est en adéquation avec une expérience professionnelle limitée, acquise au sein de la société Wolters Kluwer parallèlement à ses études et cantonnée à quelques travaux de traduction et de rédaction de textes.
11. En statuant ainsi alors que le texte de la convention collective requiert seulement une expérience professionnelle préalable, notamment au sein d'une entreprise, sans spécifier qu'il devait s'agir d'une expérience de juriste fiscaliste, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Sur le troisième moyen du pourvoi principal, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
12. Le salarié fait grief à l'arrêt de le condamner à rembourser à la société PWC diverses sommes au titre des jours de RTT, rémunérés dans le cadre de la convention de forfait privée d'effet, et au titre du solde de tout compte, alors « que dans ses conclusions d'appel, il faisait valoir que la demande de remboursement formulée par l'employeur au titre des jours de RTT était infondée en l'absence de tout indu dès lors, d'une part, que l'employeur n'avait pas respecté le délai de prévenance prévu par l'avenant n° 57 du 25 juin 1999 sur le temps de travail, d'autre part, que les jours de RTT avaient été pris, le plus souvent, au cours de semaines où le salarié avait déjà travaillé plus qu'à temps complet et, enfin, que le salarié avait en réalité travaillé au cours des jours où il était censé être en RTT ; qu'en laissant sans réponse ce moyen déterminant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
13. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé, à peine de nullité. Le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs.
14. Pour condamner le salarié à rembourser à l'employeur des sommes au titre de trente jours de RTT octroyés de septembre 2015 à avril 2018, l'arrêt, après avoir jugé la convention de forfait inopposable au salarié et lui avoir accordé des sommes au titre des heures supplémentaires sur cette même période, en déduit que l'employeur est fondé à demander la restitution par le salarié de ces sommes.
15. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions du salarié qui faisait valoir que l'employeur n'avait pas respecté le délai de prévenance prévu par l'avenant n° 57 du 25 juin 1999 sur le temps de travail, que les jours de RTT avaient été pris le plus souvent au cours de semaines où le salarié avait travaillé plus qu'à temps complet et que le salarié avait travaillé au cours des jours où il était censé être en RTT, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
Sur le cinquième moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
16. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes en paiement de rappels de salaire de base, d'heures supplémentaires, de complément d'indemnité compensatrice de contrepartie obligatoire en repos et de rappel de treizième mois formulées au titre de l'atteinte au principe d'égalité de traitement, alors « que l'ancienneté des salariés ne peut justifier, à elle seule, une différence de traitement lorsqu'elle est prise en compte par une prime d'ancienneté distincte du salaire de base ; qu'en considérant que la différence de rémunération entre M. [X] et M. [L] était justifiée par la plus grande ancienneté de ce dernier, sans rechercher si l'ancienneté n'était pas déjà prise en compte par une prime conventionnelle, la cour d'appel, qui s'est déterminée par des motifs impropres à écarter une inégalité de traitement, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du principe d'égalité de traitement. »
Réponse de la Cour
Vu le principe d'égalité de traitement :
17. Il résulte de ce principe que l'ancienneté des salariés peut justifier une différence de traitement lorsqu'elle n'est pas prise en compte par une prime d'ancienneté distincte du salaire de base.
18. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'un rappel de salaire au titre de l'égalité de traitement, l'arrêt constate que l'intéressé et le salarié auquel il se compare ont débuté à des niveaux de salaire analogues et que l'évolution de leurs salaires respectifs a été similaire. Il ajoute que le niveau de salaire revendiqué par le premier au terme de sa comparaison avec le second est celui acquis par ce dernier au terme de neuf années au sein de la société. Il conclut que cette ancienneté est sans commune mesure avec celle de l'intéressé.
19. En statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si l'ancienneté des salariés était prise en compte par le versement d'une prime distincte du salaire de base, la cour d'appel a violé le principe susvisé.
Sur le septième moyen du pourvoi principal
20. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que la demande de congés payés pour la période antérieure au 30 juin 2015 est prescrite, alors « qu'en matière de congés payés, le point de départ du délai de prescription doit être fixé à l'expiration de la période au cours de laquelle les congés auraient pu être pris ; qu'en considérant que la demande d'indemnité de congés payés afférente à la période de janvier à juin 2015, période antérieure aux trois années couvertes par la prescription triennale, est prescrite, cependant que la période à laquelle ces congés pouvaient être pris n'expirait pas avant le 30 juin 2015 et que le contrat de travail avait été rompu le 30 juin 2018, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 3245-1, L. 3242-2 et L. 3141-22 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 3245-1, L. 3141-13 et L. 3141-22 du code du travail :
21. Aux termes du premier de ces textes, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.
22. Aux termes du second, les congés payés sont pris dans une période qui comprend dans tous les cas la période du 1er mai au 30 octobre de chaque année.
23. Selon le troisième, les reports de congés peuvent être effectués jusqu'au 31 décembre de l'année suivant celle pendant laquelle la période de prise de ces congés a débuté.
24. Il résulte des textes susvisés que lorsque l'employeur oppose la fin de non-recevoir tirée de la prescription, le point de départ du délai de prescription de l'indemnité de congés payés doit être fixé à l'expiration de la période légale ou conventionnelle au cours de laquelle les congés payés auraient pu être pris dès lors que l'employeur justifie avoir accompli les diligences qui lui incombent légalement afin d'assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé.
25. Pour rejeter la demande du salarié, l'arrêt retient que le point de départ de la prescription de l'action en paiement de l'indemnité de congés débute à l'expiration de la période légale ou conventionnelle au cours de laquelle les congés auraient pu être pris, de sorte que la demande d'indemnité de congés payés afférente à la période de janvier à juin 2015, période antérieure aux trois années couvertes par la prescription triennale, est prescrite.
26. En se déterminant ainsi, sans rechercher la date à laquelle les créances étaient exigibles, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Et sur le huitième moyen du pourvoi principal
27. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que les intérêts au taux légal sur les créances de nature salariale courent à compter de la demande, soit à compter de la notification à la société PWC de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes le 31 août 2018, alors « que, selon l'article 20 de la convention collective nationale des avocats et de leur personnel du 20 février 1979, faute pour l'employeur d'effectuer immédiatement le paiement de ces indemnités de même que tous salaires arriérés, il devra de plein droit les intérêts au taux légal sur les sommes dues à compter du départ de l'étude ou cabinet ; que, dès lors, en faisant courir les intérêts sur les condamnations de nature salariale à compter de la saisine de la juridiction prud'homale et non de la rupture du contrat de travail, la cour d'appel a violé le texte susvisé. »
Réponse de la Cour
Vu le dernier alinéa de l'article 20 de la convention collective nationale des avocats et de leur personnel du 20 février 1979, étendue par arrêté du 13 novembre 1979, dans sa rédaction en vigueur du 19 juin 1998 au 1er mars 2020 :
28. Aux termes de ce texte, faute pour l'employeur d'effectuer immédiatement le paiement de ces indemnités de même que tous salaires arriérés, il devra de plein droit les intérêts au taux légal sur les sommes dues à compter du départ de l'étude ou cabinet.
29. Pour rejeter la demande du salarié en fixation du point de départ de l'intérêt de retard sur les créances de nature salariale à compter de la rupture du contrat de travail, l'arrêt retient que les intérêts au taux légal portant sur les créances de nature salariale courent à compter de la notification à l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation, soit le 31 août 2018.
30. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
31. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif relatif au positionnement du salarié entraîne cassation, par voie de conséquence, des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur au paiement de rappels de salaire au titre des heures supplémentaires, des rappels de rémunération variable, de la contrepartie obligatoire en repos, des rappels de salaire de treizième mois et des dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
32. En revanche, les cassations prononcées n'emportent pas la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.




Civ.2 26 juin 2025 n° 23-13.516

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
FD


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 26 juin 2025



Cassation partielle

Mme MARTINEL, président


Arrêt n° 674 F-D
Pourvoi n° S 23-13.516



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 JUIN 2025
La société [3], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommée société [4], a formé le pourvoi n° S 23-13.516 contre l'arrêt rendu le 1er mars 2023 par la cour d'appel de Rennes (9e chambre sécurité sociale), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) des Pays de la Loire, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Le Fischer, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [3], anciennement dénommée société [4], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF des Pays de la Loire, et l'avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 21 mai 2025 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Le Fischer, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 1er mars 2023), à la suite d'un contrôle portant sur les années 2012 à 2014, l'URSSAF des Pays de la Loire (l'URSSAF) a, le 3 novembre 2015, notifié à la société [4], devenue la société [3] (la société), une lettre d'observations mentionnant plusieurs chefs de redressement, suivie, le 23 décembre 2015, d'une mise en demeure.
2. La société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen du moyen
Sur le second moyen
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. La société fait grief à l'arrêt de rejeter son recours en ce qu'il porte sur le chef de redressement n° 2 intitulé « rachat des jours - salariés avec convention de forfait jour » , alors « que les salariés au forfait en jours annuel ont la faculté de renoncer à une partie de leurs jours de réduction du temps de travail, au titre des jours de travail effectués au-delà de 218 jours par an, en contrepartie d'une majoration de leur salaire, mécanisme dit de monétisation ou de rachat de jours faisant l'objet d'une déduction forfaitaire de cotisations sociales en vertu de l'article L. 241-18 du code de la sécurité sociale dans les entreprises de moins de 20 salariés ; que si la conclusion d'un forfait annuel en jours est subordonnée à l'existence d'un accord collectif ou d'entreprise, tel n'est pas le cas en revanche du mécanisme de rachat de jours par les salariés au forfait qui est uniquement conditionné à l'accord individuel du salarié comme le prévoit l'article L. 3121-45 du code du travail ; qu'en l'espèce, dès lors qu'il ressort des constatations de l'arrêt que la société était couverte par un accord d'entreprise antérieur au 22 août 2008 autorisant l'instauration de forfait en jours annuel, le rachat de jours au-delà de 218 jours de travail par an pouvait donner lieu à la déduction patronale de l'article L. 241-18 sans que la mise en oeuvre de ce rachat n'ait à être encadrée par un accord collectif ou d'entreprise ; qu'en décidant au contraire qu'il résultait de l'application combinée de l'article 23 de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 et des articles 81 quater du CGI et L. 3121-46 du code du travail dans leur version antérieure au 20 août 2008 que, pour les entreprises n'ayant pas conclu de nouvel accord sur les modalités d'organisation du temps de travail postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 20 août 2008, l'application du mécanisme de déduction forfaitaire patronale au rachat de jours serait conditionnée à l'existence au 20 août 2018 d'un accord collectif prévoyant les conditions de mise en place de cette monétisation, la cour d'appel a violé L. 241-18 du code de la sécurité sociale dans sa version en vigueur du 18 août 2012 au 22 décembre 2014, ensemble l'article 23 de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, l'article 81 quater du CGI dans sa version antérieure à la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 et les articles L. 3121-39, L. 3121-45 et L. 3121-46 du code du travail dans leur version applicable au litige postérieure à la loi n° 2008-789 du 20 août 2008. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 241-18, II, du code de la sécurité sociale et les articles L. 3121-44 et L. 3121-45 du code du travail, le premier dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012, les derniers dans leur rédaction issue de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, applicables au litige :
5. Selon le premier de ces textes, dans les entreprises employant moins de vingt salariés, une déduction forfaitaire égale à sept fois le montant fixé par l'article D. 241-24 du code de la sécurité sociale est applicable pour chaque jour de repos auquel renonce un salarié relevant d'une convention de forfait en jours sur l'année, au-delà du plafond de deux cent dix-huit jours mentionné à l'article L. 3121-44 du code du travail, dans les conditions prévues à l'article L. 3121-45 du même code.
6. Aux termes du deuxième de ces textes, le nombre de jours travaillés dans l'année fixé par l'accord collectif prévu à l'article L. 3121-39 ne peut excéder deux cent dix-huit jours.
7. Aux termes du troisième de ces textes, le salarié qui le souhaite peut, en accord avec son employeur, renoncer à une partie de ses jours de repos en contrepartie d'une majoration de son salaire. L'accord entre le salarié et l'employeur est établi par écrit. Le nombre de jours travaillés dans l'année ne peut excéder un nombre maximal fixé par l'accord prévu à l'article L. 3121-39. À défaut d'accord, ce nombre maximal est de deux cent trente-cinq jours. Le nombre maximal annuel de jours travaillés doit être compatible avec les dispositions du titre III relatives au repos quotidien, au repos hebdomadaire et aux jours fériés chômés dans l'entreprise, et du titre IV relatives aux congés payés. Un avenant à la convention de forfait conclue entre le salarié et l'employeur détermine le taux de la majoration applicable à la rémunération de ce temps de travail supplémentaire, sans qu'il puisse être inférieur à 10 %.
8. Il résulte de l'application combinée de ces textes que dans les entreprises employant moins de vingt salariés, une déduction forfaitaire égale à sept fois le montant prévu à l'article D. 241-24 du code de la sécurité sociale est applicable pour chaque jour de repos auquel renonce un salarié relevant d'une convention de forfait en jours sur l'année, au-delà du plafond de deux cent dix-huit jours mentionné à l'article L. 3121-44 du code du travail, dans les conditions prévues à l'article L. 3121-45 du code du travail.
9. Pour valider le chef de redressement litigieux, l'arrêt relève que l'exonération sociale des sommes versées dans le cadre du rachat des jours dépend de l'existence d'un accord collectif prévoyant les conditions de mise en place de la monétisation, et que la réduction salariale et la déduction patronale ne sont applicables aux jours acquis depuis le 1er janvier 2010 qu'à la condition qu'existe, au 20 août 2008, un accord collectif prévoyant les conditions de monétisation des jours effectués pour les salariés en forfait-jours au-delà de deux cent dix-huit jours. L'arrêt ajoute qu'il n'est pas contesté qu'à la date du contrôle, il n'y avait pas, au sein de la société, de nouvel accord sur ce point et que l'accord collectif en vigueur ne prévoit pas la monétisation des jours effectués par les salariés en forfait-jours au-delà de deux cent dix-huit jours.
10. En statuant ainsi, alors qu'à compter de l'entrée en vigueur de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012, la déduction forfaitaire de cotisations applicable pour chaque jour de repos auquel renonce un salarié relevant d'une convention de forfait en jours sur l'année était subordonnée à la seule condition d'un accord constaté par écrit entre ce dernier et l'employeur, la cour d'appel a violé les textes susvisés.




Soc. 25 juin 2025 n° 23-19.887 B

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 25 juin 2025



Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 700 FS-B
Pourvoi n° S 23-19.887



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 JUIN 2025
M. [J] [X], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 23-19.887 contre l'arrêt rendu le 16 mai 2023 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant à la société Lidl, société en nom collectif, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [X], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Lidl, et l'avis de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 27 mai 2025 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, M. Flores, Mmes Deltort, Le Quellec, conseillers, Mmes Laplume, Rodrigues, Segond, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 16 mai 2023), M. [X] a été engagé en qualité de responsable du service expédition, qualification cadre, par la société Lidl le 22 septembre 2010. Il a été soumis à une convention de forfait en jours par avenant du 25 mars 2013.
2. Le salarié a fait l'objet d'une mise à pied à titre disciplinaire de deux jours le 3 juin 2013 et a été licencié le 18 novembre 2013.
3. Il a saisi la juridiction prud'homale le 18 février 2016 afin de contester la mise à pied à titre disciplinaire dont il avait fait l'objet ainsi que son licenciement et de solliciter la condamnation de son employeur à lui verser diverses sommes au titre de l'exécution du contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable l'action aux fins d'indemnisation pour défaut de respect du droit au repos compensateur obligatoire, alors :
« 1°/ que le salarié dont le contrat de travail prend fin avant qu'il ait pu bénéficier de la contrepartie obligatoire en repos à laquelle il a droit ou avant qu'il ait acquis des droits suffisants pour pouvoir prendre ce repos reçoit une indemnité en espèces dont le montant correspond à ses droits acquis ; que cette indemnité a le caractère de salaire ; que pour déclarer irrecevable l'action aux fins d'indemnisation pour défaut de respect du droit au repos compensateur obligatoire, l'arrêt retient que le délai pour agir a "expiré le 17 février 2016 (date de fin du contrat + 3 ans)" ; qu'en statuant ainsi, quand elle constatait que la relation contractuelle avait pris fin le 17 février 2014, ce dont il résultait que le délai de prescription ne pouvait expirer avant le 17 février 2017 (17 février 2014 + 3 ans), la cour d'appel a violé les articles L. 3245-1 et D. 3121-14 du code du travail ;
2°/ qu'en admettant même que la relation contractuelle ait pris fin le 18 novembre 2013, date de prononcé du licenciement, le délai ne pouvait expirer avant le 18 novembre 2016 (18 novembre 2013 + 3 ans) ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles L. 3245-1 et D. 3121-14 du code du travail.
3°/ que la cassation à intervenir sur le fondement du deuxième moyen s'étendra au chef de dispositif ici querellé, par application de l'article 624 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
6. La durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance invoquée, l'action en paiement d'une indemnité pour la contrepartie obligatoire en repos non prise en raison d'un manquement de l'employeur à son obligation d'information du salarié sur le nombre d'heures de repos compensateur portées à son crédit, qui a la nature de dommages-intérêts et porte sur l'exécution du contrat de travail, relève de la prescription biennale prévue à l'article L. 1471-1 du code du travail. Elle a pour point de départ le jour où le salarié a eu connaissance de ses droits et, au plus tard, celui de la rupture du contrat de travail.
7. La cour d'appel a relevé que le salarié sollicitait le paiement de rappels de salaire pour des heures supplémentaires fondés sur la nullité de la convention de forfait en jours ainsi qu'une indemnité pour non-respect par l'employeur des droits au repos compensateur obligatoire. Elle a constaté que le salarié avait été licencié le 18 novembre 2013 et que ce dernier avait saisi la juridiction prud'homale le 18 février 2016.
8. Il en résulte que la demande du salarié en paiement d'une indemnité pour non-respect des droits au repos compensateur obligatoire, qui s'analyse en une demande d'indemnité pour la contrepartie obligatoire en repos non prise en raison du manquement de l'employeur à son obligation d'information, formée plus de deux ans après le 18 novembre 2013, était prescrite.
9. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision déférée se trouve sur ce chef de demande, légalement justifiée.
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
10. Le salarié fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable l'action en contestation de la convention de forfait en jours et en paiement d'heures supplémentaires outre les congés payés afférents, alors « que la saisine du conseil de prud'hommes interrompt la prescription à l'égard de toutes les demandes du salarié relatives au même contrat de travail ; qu'en l'espèce, l'arrêt retient que "l'action en contestation de la convention de forfait en jours et aux fins de paiement d'heures supplémentaires est prescrite pour toutes les périodes invoquées (2010 à 2013 inclus), la période de préavis, après licenciement, ayant expirée mi-février 2014, le salaire étant exigible en fins de mois, et la demande de rappel de salaire, au titre des heures supplémentaires, ayant été formée, pour la première fois, par écritures déposées (et nécessairement notifiées à l'employeur postérieurement), le 29 janvier 2018" ; qu'en statuant ainsi, quand la prescription avait été interrompue par la saisine du conseil de prud'hommes le 18 février 2016, même si la demande de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires avait été présentée ultérieurement, la cour d'appel a violé l'article L. 3245-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 2241 du code civil, R. 1452-6 du code du travail, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2016-660 du 20 mai 2016, L. 3245-1 du code du travail et 21 V de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 :
11. Selon le premier de ces textes, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.
12. Aux termes du deuxième, toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties font, qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, l'objet d'une seule instance. Cette règle n'est pas applicable lorsque le fondement des prétentions est né ou révélé postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes.
13. Il en résulte que si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions, au cours d'une même instance, concernent l'exécution du même contrat de travail.
14. Aux termes du troisième, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.
15. Selon le dernier, les dispositions du nouvel article L. 3245-1 du code du travail s'appliquent aux prescriptions en cours à compter du 16 juin 2013, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, soit cinq ans.
16. Pour déclarer irrecevable l'action en contestation de la convention de forfait en jours et en paiement d'heures supplémentaires, l'arrêt retient que cette action est prescrite, pour toutes les périodes invoquées de 2010 à 2013 inclus, la période de préavis, après licenciement, ayant expiré mi-février 2014, le salaire étant exigible en fin de mois, et la demande de rappel de salaire, au titre des heures supplémentaires, ayant été formée, pour la première fois, par écritures déposées le 29 janvier 2018 et nécessairement notifiées à l'employeur postérieurement.
17. En statuant ainsi, alors, d'une part, que la prescription avait été interrompue par la saisine du conseil de prud'hommes le 18 février 2016, même si la demande de rappels de salaire au titre des heures supplémentaires avait été formée en cours d'instance, d'autre part, qu'à cette date, la prescription de trois ans issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 était applicable aux créances salariales non prescrites à la date de promulgation de la loi, sans que la durée totale de la prescription ne puisse excéder cinq ans, de sorte que les demandes en paiement des créances salariales exigibles postérieurement au 18 février 2011 n'étaient pas prescrites, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur le quatrième moyen
Enoncé du moyen
18. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande d'indemnité pour violation du droit au repos, à la santé et à une vie familiale normale, alors « que la cassation à intervenir sur le fondement du deuxième moyen s'étendra au chef de dispositif ici querellé, par application de l'article 624 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 624 du code de procédure civile :
19. La cassation prononcée sur le deuxième moyen emporte la cassation par voie de conséquence du chef de dispositif déboutant le salarié de sa demande d'indemnité pour violation du droit au repos, à la santé et à une vie familiale normale, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
Portée et conséquences de la cassation
20. La cassation prononcée sur le deuxième moyen n'emporte pas la cassation du chef de dispositif de l'arrêt déclarant irrecevable l'action aux fins d'indemnisation pour défaut de respect du droit au repos compensateur obligatoire, qui ne s'y rattache pas par un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire en raison de la prescription de cette action.




Soc. 18 juin 2025 n° 24-11.767

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 18 juin 2025



Rejet

Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 662 F-D
Pourvoi n° M 24-11.767



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 JUIN 2025
La société Comptoir général de robinetterie, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° M 24-11.767 contre l'arrêt rendu le 29 novembre 2023 par la cour d'appel de Reims (chambre sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [E] [T], domicilié [Adresse 2],
2°/ à France travail, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommé Pôle emploi,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.




Sur le rapport de M. Redon, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Comptoir général de robinetterie, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. [T], après débats en l'audience publique du 20 mai 2025 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Redon, conseiller référendaire rapporteur, M. Barincou, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 29 novembre 2023) M. [T] a été engagé, en qualité de directeur commercial, à compter du 4 septembre 2017 par la société Comptoir général de robinetterie (la société).
2. Licencié par lettre du 3 décembre 2020, il a saisi la juridiction prud'homale notamment aux fins de contestation de cette rupture et de rappels d'heures supplémentaires.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche, et le second moyen
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
4. La société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer au salarié une somme à titre d'indemnité pour travail dissimulé, alors « qu'en condamnant l'employeur à verser une indemnité pour travail dissimulé au seul motif que les bulletins de paye mentionnaient 217 jours de forfait en l'absence de convention de forfait signée par le salarié, sans s'expliquer, comme elle y était invitée, sur le point de savoir si cette mention, qui ne figurait que sur certains bulletins de paye, ne constituait pas une erreur matérielle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 8221-5, 2° du code du travail. »

Réponse de la Cour
5. La dissimulation d'emploi salarié prévue par l'article L. 8221-5, 2° du code du travail n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué. Les juges du fond apprécient souverainement l'existence d'une telle intention.
6. La cour d'appel a retenu qu'il était établi que la société s'était sciemment abstenue de mentionner les heures de travail supplémentaires effectuées par le salarié puisqu'il ressort des bulletins de paie établis à compter du mois d'octobre 2018 et jusqu'au dernier produit aux débats, celui d'octobre 2020, qu'il mentionne un salaire de base avec une référence à un forfait de deux cent dix-sept jours, en l'absence de toute convention de forfait signée par le salarié, étant observé que les parties s'accordaient sur l'inexistence d'une convention de forfait.
7. Elle a, par ces seuls motifs, sans avoir à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, légalement justifié sa décision.




Soc. 4 juin 2025 n° 23-17.945

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 4 juin 2025



Cassation partielle sans renvoi

M. BARINCOU, conseiller le plus ancien faisant fonction de président


Arrêt n° 566 F-D
Pourvoi n° F 23-17.945

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 JUIN 2025
La société Nautitech catamarans, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° F 23-17.945 contre l'arrêt rendu le 1er juin 2023 par la cour d'appel de Poitiers (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. [N] [Y], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, cinq moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Maitral, conseiller référendaire, les observations de la SCP Richard, avocat de la société Nautitech catamarans, de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de M. [Y], après débats en l'audience publique du 5 mai 2025 où étaient présents M. Barincou, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Maitral, conseiller référendaire rapporteur, Mme Douxami, conseiller, et Mme Thuillier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 1er juin 2023), M. [Y], engagé en qualité de contrôleur de gestion par la société Nautitech catamarans le 20 octobre 2014, a été nommé directeur administratif et financier, statut cadre, le 15 septembre 2015 et soumis à une convention de forfait en heures sur l'année. Il occupait, en dernier lieu, les fonctions de directeur administratif et financier et ressources humaines, statut cadre, et était soumis à une convention de forfait en jours depuis le 1er août 2019.
2. Licencié pour faute grave le 1er juillet 2020, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur les premier et quatrième moyens
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire, alors « que l'indemnisation d'un préjudice pour licenciement vexatoire, distinct de celui résultant du licenciement lui-même, est subordonnée à l'existence de procédés vexatoires entourant la mise en oeuvre ou les circonstances du licenciement ; qu'en décidant néanmoins que le licenciement de Monsieur [Y] présentait un caractère vexatoire, motif pris que la société Nautitech catamarans l'avait accusé de déloyauté et d'incompétence professionnelle fautive, ce qui l'avait mis sous pression et humilié, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé de procédés vexatoires exercés par l'employeur entourant la mise en oeuvre ou les circonstances du licenciement, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1217 et 1231-1 du code civil, ensemble l'article L. 1235-3 du code du travail. »


Réponse de la Cour
5. La cour d'appel a constaté le caractère vexatoire de la rupture, la société ayant mis en oeuvre une procédure de licenciement reposant sur un motif fallacieux en accusant le salarié de déloyauté et d'incompétence professionnelle fautive ce qui l'avait mis sous pression et l'avait humilié et avait ainsi généré un préjudice spécifique, distinct de celui résultant de la perte de l'emploi.
6. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le cinquième moyen
Enoncé du moyen
7. La société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer au salarié pour la période d'octobre 2017 à juillet 2020, des sommes à titre d'heures supplémentaires, outre les congés payés, et à titre de repos compensateurs, alors :
« 1°/ que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut, à ce titre, relever un moyen d'office, sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen ; qu'en relevant néanmoins d'office le moyen tiré de ce, dans le cadre de la convention de forfait en heures, à laquelle le salarié était soumis entre le 15 septembre 2015 et le 1er août 2019, elle avait manqué à ses obligations découlant des dispositions de l'article L. 3121-60 du code du travail lui imposant de s'assurer régulièrement que sa charge de travail était raisonnable et permettait une bonne répartition dans le temps de son travail, pour en déduire que ladite convention de forfait était privée d'effet, sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
2°/ que l'article L. 3121-60 du code du travail, inséré au sein des dispositions relatives aux clauses de forfait en jours, qui impose à l'employeur de s'assurer régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail, n'est pas applicable aux clauses de forfait en heures, régies quant à elles par les articles L. 3121-56 et L. 3121-57 du code du travail ; qu'en décidant néanmoins que la convention de forfait en heures, à laquelle le salarié était soumis entre le 15 septembre 2015 et le 1er août 2019, était privée d'effet, motif pris qu'elle ne justifiait pas s'être assurée régulièrement que sa charge de travail était raisonnable et permettait une bonne répartition dans le temps de son travail, manquant ainsi aux dispositions de l'article L. 3121-60 du code du travail, pour en déduire que le salarié était fondé à solliciter le paiement du temps de travail effectif sur cette période, bien que ces dispositions ne soient pas applicables aux conventions de forfait en heures, la cour d'appel a violé l'article L. 3121-60 du code du travail. »
Réponse de la Cour
8. Il résulte des articles L. 3121-55 et L. 3121-64 du code du travail que la convention individuelle fait l'objet d'un écrit qui doit fixer le nombre d'heures compris dans le forfait. A défaut, le salarié retrouve le bénéfice des règles de droit commun de la durée du travail et du décompte des heures supplémentaires dans le cadre de la semaine et du contingent annuel d'heures supplémentaires.
9. L'arrêt constate que la convention de forfait en heures adossée au contrat à durée indéterminée du 15 septembre 2015 a visé les responsabilités confiées au salarié et la disponibilité exigée pour exécuter les fonctions de directeur administratif et financier de même que l'autonomie nécessaire du salarié pour l'exercice de ses responsabilités, de ses missions et de l'organisation de son travail, le tout empêchant de pré-déterminer sa durée de travail.
10. Il en résulte que, la convention de forfait annuelle en heures ne fixant pas le nombre d'heures compris dans le forfait, le salarié était bien fondé à solliciter le paiement des heures supplémentaires sur le fondement des règles de droit commun de la durée du travail.
11. Par ce motif de pur droit substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée.
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
12. L'employeur fait grief à l'arrêt de décider que le licenciement pour faute grave du salarié est nul et de le condamner en conséquence à lui payer certaines sommes à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, outre les congés payés afférents, d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, d'indemnité légale de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement nul, alors « que le licenciement prononcé pour motif personnel, et dont la cause réelle est un motif économique, n'est pas nul, mais dépourvu de cause réelle et sérieuse ; qu'en décidant que le licenciement était nul, motif pris qu'il avait été prononcé à tort pour faute grave, en fraude des règles relatives à la procédure de licenciement économique, bien qu'à supposer que la cause réelle du licenciement, prononcé pour faute grave, ait été un motif économique, il n'était pas pour autant nul, mais dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-1, L. 1235-3, L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1232-1 et L. 1232-6 du code du travail :
13. Pour juger le licenciement nul, l'arrêt retient que le salarié soutient exactement avoir été licencié pour faute grave alors même que la suppression de son poste de directeur administratif et financier pour motif économique était envisagée dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi et que sa convocation à l'entretien préalable a suivi de quelques jours l'information du comité social et économique sur le plan de sauvegarde de l'emploi à venir.
14. Il souligne que si la réalité des difficultés économiques n'empêche pas un employeur de licencier un salarié pour faute grave sous réserve d'établir la réalité des griefs articulés contre lui, il apparaît qu'en l'absence de pièces communiquées par la société, la cour n'est pas en mesure de vérifier le rapport d'audit du 13 mai 2020 ni de comparer entre elles les situations comptables présentées successivement par le salarié, ni d'apprécier ses choix de gestion et leur impact sur la sécurité de l'entreprise tel qu'énoncé dans la lettre de licenciement, de sorte qu'en l'état de cette carence de la société qui supporte la charge de la preuve il ne peut être retenu que l'employeur pouvait licencier pour faute grave l'intéressé nonobstant le plan de sauvegarde de l'emploi envisagé.
15. Il en déduit qu'en licenciant à tort le salarié pour faute grave alors que l'élaboration de la version définitive du plan de sauvegarde de l'emploi était en cours, la société a contourné frauduleusement les obligations légales.
16. En statuant ainsi, quand il ne ressortait pas de ces constatations que l'employeur avait détourné les règles lui imposant d'établir un plan de sauvegarde de l'emploi, ce dont elle aurait dû déduire que, le motif invoqué étant inexact, le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
17. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
18. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
19. Compte tenu des effectifs de l'entreprise (plus de onze salariés), de l'ancienneté de l'intéressé (5 ans et 9 mois) et de sa rémunération brute mensuelle (9 144,63 euros), il convient, en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, de fixer à la somme de 52 000 euros le montant dû par l'employeur au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.




Soc. 4 juin 2025 n° 24-10.286

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 4 juin 2025



Rejet

M. BARINCOU, conseiller le plus ancien faisant fonction de président


Arrêt n° 592 F-D
Pourvoi n° B 24-10.286



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 JUIN 2025
M. [B] [V], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° B 24-10.286 contre l'arrêt rendu le 13 octobre 2023 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre, section 2), dans le litige l'opposant à la société Fibre excellence, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La société Fibre excellence a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
Le demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Brinet, conseiller, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [V], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Fibre excellence, et après débats en l'audience publique du 5 mai 2025 où étaient présents M. Barincou, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Brinet, conseiller rapporteur, Mme Prieur, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 13 octobre 2023) et les productions, M. [V], engagé en qualité de directeur des ressources humaines à compter du 17 mai 2010 par la société Tembec, aux droits de laquelle est venue la société Fibre excellence (la société), exerçait en dernier lieu les fonctions de directeur système IRH/sécurité.
2. Le salarié ayant accepté un contrat de sécurisation professionnelle, son contrat de travail a pris fin le 3 juillet 2020.
3. Il a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir le paiement de diverses sommes liées à l'exécution et la rupture du contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi principal
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen du pourvoi incident
Enoncé du moyen
5. La société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer au salarié des sommes à titre de rappel de salaires et d'indemnité de congés payés pour la période d'avenant à temps partiel, alors « que les cadres dirigeants ne sont pas soumis aux dispositions des titres II et III du livre 1er de la troisième partie du code du travail, régissant la durée du travail, la répartition et l'aménagement des horaires, et les repos et jours fériés ; qu'il était constant en l'espèce que jusqu'à la conclusion de l'avenant du 23 août 2019 emportant soumission du salarié à une convention de forfait en jours et renonciation au statut de cadre dirigeant, ce dernier avait la qualité de cadre dirigeant ; que dès lors, en faisant application des dispositions de l'article L. 3123-6 du code du travail relatives au contrat de travail à temps partiel pour juger que le salarié pouvait prétendre à un rappel de salaire pour la période de novembre 2018 à août 2019, après avoir relevé que l'avenant du 31 octobre 2018 ne comportait pas la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou du mois, la cour d'appel a violé l'article L. 3111-2 du code du travail par refus d'application et l'article L. 3123-6 du code du travail par fausse application. »
Réponse de la Cour
6. Ayant relevé que les parties avaient conclu pour la période de novembre 2018 à août 2019, au titre de laquelle le salarié formulait une demande en paiement d'un rappel de salaires, un avenant du 31 octobre 2018, qui avait pour objet la diminution de la durée de travail du salarié et non une simple modification de son organisation et convenait expressément d'une date de passage à temps partiel au 1er novembre 2018 et d'une réduction de la rémunération au prorata de la durée du travail, l'arrêt constate que cet avenant ne comprend pas les énonciations prévues par l'article L. 3123-6 du code du travail, en particulier sur la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou du mois, et en déduit qu'il est présumé être à temps complet.
7. L'arrêt écarte ainsi, implicitement mais nécessairement, les dispositions de l'article L. 3111-2 du code du travail, conformément à la demande du salarié, qui soutenait dans ses conclusions que, d'une part, depuis le transfert de son contrat à la société Fibre excellence, ses fonctions n'avaient jamais permis de retenir la qualité de cadre dirigeant et d'autre part, que la signature de l'avenant du 31 octobre 2018 lui avait fait perdre la qualité de cadre dirigeant qu'il avait eue auparavant.
8. Le moyen, qui manque par le fait qui lui sert de base dès lors que la qualité de cadre dirigeant du salarié était discutée par les parties, n'est donc pas fondé.




Soc. 27 mai 2025 n° 24-12.382

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 27 mai 2025



Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 554 F-D
Pourvoi n° E 24-12.382

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 27 MAI 2025
La société Clinique Rech, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 24-12.382 contre l'arrêt rendu le 8 février 2024 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. [P] [K], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
M. [K] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal, invoque, à l'appui de son recours, quatre moyens de cassation.
Le demandeur au pourvoi incident, invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Laplume, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Clinique Rech, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [K], après débats en l'audience publique du 29 avril 2025 où étaient présentes Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Laplume, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 8 février 2024), M. [K] a été engagé en qualité de médecin de garde, classé au coefficient 434 de la grille « médecin généraliste » de la convention collective nationale de l'hospitalisation privée du 18 avril 2002 applicable à la relation de travail, le 28 juin 2005 par la société Clinique Rech.
2. A compter de 2011, il a occupé des mandats de représentant du personnel.
3. Par avenant du 21 mars 2013, le salarié a été affecté au poste de médecin coordonnateur et a été soumis à une convention individuelle de forfait en jours.
4. Le 25 février 2019, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes au titre de l'exécution du contrat de travail.
5. Placé en arrêt de travail pour maladie à compter du 11 mai 2019, il a été déclaré inapte à son poste le 23 septembre 2019 puis licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 27 décembre 2019.
Examen des moyens
Sur les deuxième, troisième et quatrième moyens du pourvoi principal de l'employeur et le moyen du pourvoi incident du salarié
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal
Enoncé du moyen
7. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer la somme de 4 896,45 euros à titre d'indemnité réparant le préjudice résultant d'une rémunération manifestement sans rapport avec les sujétions du forfait annuel en jours, alors « que l'article L. 3121-61 du code du travail dispose que "Lorsqu'un salarié ayant conclu une convention de forfait en jours perçoit une rémunération manifestement sans rapport avec les sujétions qui lui sont imposées, il peut, nonobstant toute clause conventionnelle ou contractuelle contraire, saisir le juge judiciaire afin que lui soit allouée une indemnité calculée en fonction du préjudice subi, eu égard notamment au niveau du salaire pratiqué dans l'entreprise, et correspondant à sa qualification" ; qu'en l'espèce, si la cour d'appel a affirmé qu'elle disposait d'éléments suffisants pour fixer le montant de l'indemnité correspondant au préjudice subi par le salarié en raison d'une rémunération manifestement sans rapport avec les sujétions qui lui sont imposées à la somme de 4 896,45 euros, aucun de ses motifs ne caractérise concrètement une disproportion entre la rémunération et les sujétions du travail, la cour d'appel s'étant exclusivement attachée au contenu de la convention de forfait "qui serait privée d'effet" et à l'insuffisance des éléments de preuve fournis par l'employeur quant au suivi des temps de travail ; qu'il en résulte que la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3121-61 (anciennement L. 3121-47) du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3121-61 du code du travail :
8. Aux termes de ce texte, lorsqu'un salarié ayant conclu une convention de forfait en jours perçoit une rémunération manifestement sans rapport avec les sujétions qui lui sont imposées, il peut, nonobstant toute clause conventionnelle ou contractuelle contraire, saisir le juge judiciaire afin que lui soit allouée une indemnité calculée en fonction du préjudice subi, eu égard notamment au niveau du salaire pratiqué dans l'entreprise, et correspondant à sa qualification.
9. Pour condamner l'employeur à payer au salarié une somme à titre d'indemnité réparant le préjudice résultant d'une rémunération manifestement sans rapport avec les sujétions du forfait annuel en jours, l'arrêt retient que la convention individuelle de forfait en jours, qui ne définit pas précisément le nombre de journées travaillées pour l'ensemble des missions stipulées au contrat et dont les conditions de mise en oeuvre s'accompagnent à la fois d'une absence de mise en place d'élément de contrôle fiable de la durée de travail et d'une absence d'entretien annuel sur la charge de travail ou de tout dispositif permettant de s'assurer que cette charge reste raisonnable, était privée d'effet et que les conditions d'exécution de cette convention caractérisent une utilisation abusive de la convention individuelle de forfait en jours depuis février 2018.
10. Il ajoute que pour autant, et nonobstant l'absence de mise en place par l'employeur d'élément de quantification fiable de la charge de travail du salarié, dont il résulte des pièces qu'il produit qu'elle ne se limitait pas au nombre d'actes médicaux facturés, l'évaluation qu'il fait de son préjudice entre février 2018 et mai 2019 sur la base d'une durée contractuelle de cent quarante-cinq jours de travail, limitée aux seuls soins cliniques, ne permet pas non plus d'en évaluer précisément l'étendue. Il conclut que la cour dispose d'éléments suffisants pour fixer le montant de l'indemnité correspondant au préjudice subi par le salarié en raison d'une rémunération manifestement sans rapport avec les sujétions qui lui sont imposées eu égard notamment au niveau du salaire pratiqué dans l'entreprise, et correspondant à la qualification du salarié, à la somme de 4 896,45 euros.
11. En se déterminant ainsi, sans caractériser en quoi la rémunération que le salarié percevait était manifestement sans rapport avec les sujétions qui lui étaient imposées, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Portée et conséquences de la cassation
12. La cassation prononcée n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.




Soc. 27 mai 2025 n° 24-16.598

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 27 mai 2025



Rejet

Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 556 F-D
Pourvoi n° N 24-16.598



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 27 MAI 2025
La société Emerson Process Management, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° N 24-16.598 contre l'arrêt rendu le 18 avril 2024 par la cour d'appel de Rouen (chambre sociale et des affaires de sécurité sociale), dans le litige l'opposant à M. [Z] [C], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Laplume, conseiller référendaire, les observations écrites de Me Haas, avocat de la société Emerson Process Management, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [C], après débats en l'audience publique du 29 avril 2025 où étaient présentes Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Laplume, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 18 avril 2024), M. [C] a été engagé le 3 février 1997 par la société Fisher Rosemount, devenue la société Emerson Process Management. Il occupait en dernier lieu le poste d'ingénieur commercial.
2. Le salarié a été licencié le 4 mai 2021.
3. Le 2 août 2021, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes relatives à l'exécution et à la rupture du contrat de travail.
Examen des moyens
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur la requête en rectification d'une erreur matérielle affectant l'arrêt
5. L'employeur sollicite qu'il soit procédé, par la voie de la procédure prévue à l'article 462 du code de procédure civile, à la rectification du dispositif de l'arrêt déféré, en ce qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que la cour d'appel de Rouen a déclaré, dans les motifs de sa décision, sans objet la demande de l'employeur tendant à la condamnation du salarié au remboursement des jours de repos dont il avait bénéficié en application de la convention de forfait annuel en jours, sans qu'une mention de cette déclaration figure dans le dispositif de l'arrêt.
6. Cependant, n'a pas à figurer dans le dispositif d'une décision la réponse à ce qui ne constitue qu'un moyen de défense tendant à faire rejeter en tout ou partie la prétention de l'adversaire.
7. La cour d'appel ayant, ainsi qu'il le lui était demandé par l'employeur dans ses conclusions, tenu compte dans son appréciation de l'existence d'heures supplémentaires accomplies par le salarié des jours de RTT dont celui-ci avait bénéficié, a pu en déduire que la demande en remboursement de l'employeur était devenue sans objet sans être tenue d'en faire mention dans le dispositif de sa décision.
8. La requête, qui ne porte pas sur une erreur matérielle, sera rejetée.




Soc. 14 mai 2025 n° 24-14.598

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 14 mai 2025



Cassation

Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 509 F-D
Pourvoi n° P 24-14.598

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 MAI 2025
La société Astek Technology, société par action simplifiée à associé unique, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la Société Intitek For Industry, a formé le pourvoi n° P 24-14.598 contre l'arrêt rendu le 7 mars 2024 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant à M. [Y] [R], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Cavrois, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Astek Technology, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [R], après débats en l'audience publique du 2 avril 2025 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Cavrois, conseiller rapporteur, Mme Deltort, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 7 mars 2024), M. [R] a été engagé en qualité de consultant, statut cadre par la société Intitek ingénierie le 3 février 2015. Le contrat de travail stipulait que le salarié relevait de la modalité 2, prévue à l'article 3 chapitre II de l'accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail annexé à la convention collective nationale du personnel des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseil du 15 décembre 1987, dite Syntec.
2. Le contrat de travail a été transféré à la société Intitek For Industry aux droits de laquelle vient la société Astek Technology.
3. Après avoir demandé à l'employeur de régulariser sa rémunération, en application de la modalité 2 indiquée dans son contrat de travail, le salarié lui a, le 10 septembre 2018, adressé sa démission.
4. Le 10 mai 2019, il a saisi la juridiction prud'homale aux fins de faire juger que sa démission produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'obtenir paiement de rappels de salaire.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer diverses sommes à titre de rappel de salaire et de congés payés afférents, d'ordonner la remise de bulletins de paie rectifiés, de requalifier la démission en prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de le condamner au paiement de dommages-intérêts au titre de l'exécution fautive du contrat de travail et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « qu'aux termes de l'article 3 du chapitre II de l'accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail et annexé à la convention collective nationale Syntec, qui instaure une convention de forfait en heures sur une base hebdomadaire pour les salariés relevant des modalités de réalisation de missions (modalités 2), lesdites modalités s'appliquent aux salariés non concernés par les modalités standard ou les réalisations de missions avec autonomie complète et tous les ingénieurs et cadres sont a priori concernés, à condition que leur rémunération soit au moins égale au plafond de la sécurité sociale ; qu'il en résulte que seuls les cadres qui bénéficient d'une rémunération au moins égale au plafond de la sécurité sociale peuvent conclure une convention de forfait en heures relevant des modalités 2 et que le salarié ayant conclu une telle convention, sans percevoir une rémunération au moins égale au plafond de la sécurité sociale, peut invoquer la nullité ou l'inopposabilité de cette convention et prétendre à l'application des règles de droit commun de décompte et de rémunération du temps de travail ; qu'en revanche, il ne peut se prévaloir de la conclusion d'une convention de forfait en heures relevant des modalités 2 pour réclamer le paiement d'un salaire égal au plafond de la sécurité sociale, l'accord de branche du 22 juin 1999 ne faisant pas obligation à l'employeur d'assurer aux salariés avec lesquels il conclut un convention de forfait en jours un tel niveau de rémunération ; qu'en jugeant au contraire, que "le salarié qui s'est vu soumettre à cette convention, quoique ne remplissant pas une des conditions, a le choix soit de solliciter la nullité ou l'inopposabilité de ladite convention, soit d'obtenir lorsque cela est possible la mise en conformité de celle-ci aux conditions légales et conventionnelles, l'article 1221 du code civil permettant en principe au créancier d'une obligation de réclamer à son cocontractant son exécution en nature", pour en déduire qu' "en présence d'une convention de forfait en heures modalité 2 devant recevoir application et produire tous ses effets, l'employeur étant tenu de respecter l'accord collectif étendu, M. [R] est fondé à obtenir un rappel de salaire correspondant a minima au plafond de la sécurité social", la cour d'appel a violé l'accord collectif précité, ensemble, par fausse application, l'article 1221 du code civil et l'article L. 2254-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 3 chapitre II de l'accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail annexé à la convention collective nationale du personnel des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, dite Syntec :
6. Selon ce texte qui instaure une convention de forfait en heures sur une base hebdomadaire pour les salariés relevant des modalités de réalisation de missions, lesdites modalités s'appliquent aux salariés non concernés par les modalités standard ou les réalisations de missions avec autonomie complète, et tous les ingénieurs et cadres sont a priori concernés, à condition que leur rémunération soit au moins égale au plafond de la sécurité sociale.
7. Pour condamner l'employeur au paiement d'un rappel de salaire et des congés payés afférents, l'arrêt retient, d'abord que le salarié qui s'est vu soumettre à cette convention, quoique ne remplissant pas une des conditions, a le choix soit de solliciter la nullité ou l'inopposabilité de ladite convention, soit d'obtenir lorsque cela est possible la mise en conformité de celle-ci aux conditions légales et conventionnelles, l'article 1221 du code civil permettant en principe au créancier d'une obligation de réclamer à son cocontractant son exécution en nature.
8. Il ajoute que pour s'opposer à la demande de rappel de salaire formulée par le salarié, l'employeur développe des moyens inopérants et contradictoires avec sa demande de voir déclarer valable la convention de forfait en heures figurant au dispositif de ses conclusions en soutenant que le salarié ne pourrait solliciter que des heures supplémentaires au-delà de la durée légale de 35 heures pour lesquelles il ne fournit aucun élément.
9. Il relève encore que les deux parties s'accordent à tout le moins dans le dispositif des conclusions sur la validité de la convention de forfait en heures et que l'employeur n'est pas recevable à se prévaloir d'une nullité de celle-ci non demandée par le salarié.
10. Il en conclut que dans ces circonstances, en présence d'une convention de forfait en heures modalité 2 devant recevoir application et produire tous ses effets, l'employeur est tenu de respecter l'accord collectif étendu et le salarié est fondé à obtenir un rappel de salaire correspondant a minima au plafond de la sécurité sociale.
11. En statuant ainsi, alors que si le salarié qui ne bénéficie pas d'une rémunération au moins égale au plafond de la sécurité sociale ne peut être valablement soumis à une convention de forfait en heures, l'accord de branche du 22 juin 1999 ne fait pas obligation à l'employeur d'assurer à ce salarié un tel niveau de rémunération, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
12. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée entraîne la cassation, par voie de conséquence, des chefs de dispositif requalifiant la démission en prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamnant l'employeur au paiement de sommes au titre de la rupture du contrat, ainsi qu'au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.




Soc. 14 mai 2025 n° 24-16.578

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 14 mai 2025



Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 510 F-D
Pourvoi n° R 24-16.578



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 MAI 2025
M. [E] [Y], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 24-16.578 contre l'arrêt rendu le 17 avril 2024 par la cour d'appel de Reims (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Petit Bateau, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La société Petit Bateau a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Cavrois, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [Y], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Petit Bateau, après débats en l'audience publique du 2 avril 2025 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Cavrois, conseiller rapporteur, Mme Deltort, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 17 avril 2024), M. [Y], engagé en qualité de directeur strategic supply chain, puis de directeur planning et approvisionnements, depuis le 25 mars 2019 par la société Petit Bateau, a été licencié le 20 janvier 2021.
2. Le 27 mai 2021, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes relatives à l'exécution et la rupture du contrat de travail.
Examen des moyens
Sur les premier, deuxième et troisième moyens du pourvoi incident de l'employeur et sur le premier moyen pourvoi du principal du salarié, pris en sa première branche
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes relatives aux heures supplémentaires et congés payés afférents et, en conséquence, de fixer à 7 032,54 euros son salaire brut mensuel moyen, de le débouter de sa demande relative au reliquat d'indemnité de licenciement, de condamner l'employeur à lui payer diverses sommes au titre du dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires pour 2019 et 2020, et à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de le condamner à rembourser à la société une certaine somme au titre des salaires indûment payés, alors « que si la convention de forfait en jours est nulle, le salarié peut réclamer le paiement des heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale du travail en basant sa demande chiffrée sur son salaire de base réel rappelé sur sa fiche de paie, sans que l'employeur ne soit fondé à demander que la rémunération soit fixée sur la base du salaire minimum conventionnel ; que le versement d'un salaire supérieur au salaire minimum conventionnel ne peut en aucun cas tenir lieu de règlement des heures supplémentaires ; qu'en l'espèce, pour débouter M. [Y] de ses demandes relatives aux heures supplémentaires et congés payés afférents, la cour a relevé d'abord qu'il ne pouvait évaluer son salaire horaire à partir de son salaire de base qui était forfaitaire et comprenait déjà des heures supplémentaires, ensuite que sur la base du salaire minimum conventionnel, il aurait dû percevoir, sur la période litigieuse, en tenant compte de ses heures supplémentaires, une rémunération inférieure à celle qu'il avait perçue au titre des salaires forfaitaire de base incluant les heures supplémentaires, sans qu'il ne soit démontré qu'un salaire supérieur aurait été servi au salarié, qui avait un an d'ancienneté dans la fonction, en cas de rémunération sur une base de 35 heures hebdomadaires ; qu'en se déterminant de la sorte alors qu'elle avait pourtant annulé sa convention de forfait en jours et retenu l'existence de 1 885 heures supplémentaires au vu des décomptes précis qu'il avait produits, sans que l'employeur ne justifie du nombre d'heures de travail accomplies, ce dont il résultait que ce salarié pouvait prétendre à ce que les heures accomplies au-delà de la durée légale du travail soient considérées comme des heures supplémentaires et rémunérées comme telles, avec une majoration, en tenant compte de son salaire de base réel mentionné sur sa fiche de paie, la cour d'appel, qui a refusé de prendre en considération le salaire de base réel du salarié pour fixer la créance salariale au titre des heures supplémentaires accomplies par ce dernier, a violé les articles L. 3121-28 et L. 3171-4 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 3121-28 et L. 3171-4 du code du travail :
5. Aux termes du premier de ces textes, toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent.
6. Selon le second, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
7. Il résulte de ces textes que le salarié, qui a été soumis à tort à un forfait annuel en jours, peut prétendre au paiement d'heures supplémentaires dont le juge doit vérifier l'existence et le nombre conformément aux dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail et que le versement d'un salaire supérieur au minimum conventionnel ne peut tenir lieu de règlement des heures supplémentaires. 8. Pour fixer le salaire brut mensuel moyen à une certaine somme, débouter le salarié de ses demandes au titre des heures supplémentaires outre congés payés afférents et d'un reliquat d'indemnité de licenciement, pour limiter la condamnation de l'employeur à certaines sommes au titre du dépassement du contingent d'heures supplémentaires pour 2019 et 2020, au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour condamner le salarié à rembourser une somme au titre des salaires indûment payés, l'arrêt, après avoir relevé que la convention de forfait en jours était nulle et que le salarié présentait des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétendait avoir accomplies, retient que le salarié ne peut évaluer son salaire horaire à partir de son salaire de base lequel est forfaitaire et comprend déjà les heures supplémentaires comme l'indique l'article 6 de l'annexe IV de la convention collective des industries textiles, relative aux ingénieurs et cadres. Il ajoute que sur la base d'un salaire minimal conventionnel mensuel brut de 3 474 euros, comme stipulé dans l'accord du 29 mars 2018, que l'employeur admet être en réalité de 3 479 euros, le salarié aurait dû percevoir, sur la période litigieuse, un total de 135 206,02 euros y compris les heures supplémentaires (73 681,84 euros de salaire de base + 61 344,18 euros d'heures supplémentaires), alors qu'il a perçu au total la somme de 159 286 euros au titre des salaires forfaitaires de base incluant les heures supplémentaires. Il relève encore qu'il n'est pas démontré qu'un salaire supérieur aurait été servi au salarié, qui avait un an d'ancienneté dans la fonction, en cas de rémunération sur la base de 35 heures hebdomadaire. Il en déduit que la demande en paiement d'heures supplémentaires n'est pas fondée.
9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.




Soc. 14 mai 2025 n° 24-12.508

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 14 mai 2025



Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 515 F-D
Pourvoi n° S 24-12.508

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 MAI 2025
M. [P] [X], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 24-12.508 contre l'arrêt rendu le 2 février 2024 par la cour d'appel de Bourges (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Stokomani, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Le Quellec, conseiller, les observations écrites de la SAS Boucard-Capron-Maman, avocat de M. [X], de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société Stokomani, après débats en l'audience publique du 2 avril 2025 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Le Quellec, conseiller rapporteur, M. Flores, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bourges, 2 février 2024), M. [X] a été engagé en qualité de responsable adjoint de magasin par la société Stokomani, suivant contrat à durée indéterminée du 20 mars 2006.
2. En dernier lieu, le salarié occupait le poste de directeur régional et était soumis à une convention de forfait en jours.
3. Il a saisi la juridiction prud'homale le 28 avril 2022 de demandes tendant à la nullité de la convention de forfait en jours ainsi qu'à la résiliation de son contrat de travail et au paiement de diverses sommes.
4. Par lettre du 27 mai 2022, il a pris acte de la rupture de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes tendant à la condamnation de l'employeur au paiement de diverses sommes à titre de rappel de salaire, de la contrepartie obligatoire en repos et des congés payés afférents, à ce qu'il soit jugé que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, au paiement de diverses sommes à titre d'indemnité de licenciement, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et à lui remettre, sous astreinte, une attestation Pôle emploi conforme, alors :
« 1°/ qu'il résulte des dispositions des articles L. 3171-2, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments et que le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences posées par les dispositions des articles L. 3171-2 et L. 3171-3 du code du travail, qui imposent à l'employeur, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, d'établir les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés, et de tenir à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié ; qu'en conséquence, le juge, s'il a estimé que le salarié a présenté des éléments suffisamment précis quant aux heures de travail non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments, ne peut se fonder, pour débouter le salarié de sa demande ou limiter le montant du rappel de salaires qu'il alloue au salarié, sur l'insuffisance des éléments présentés par le salarié ou sur les incohérences entachant ces éléments et faire ainsi peser la charge de la preuve sur le seul salarié, mais doit caractériser que les éléments de contrôle de la durée du travail du salarié produits par l'employeur apportent la preuve de la durée du travail du salarié ; qu'en énonçant, par conséquent, pour retenir que M. [P] [X] n'avait pas effectué les heures supplémentaires qu'il invoquait, après avoir estimé que M. [P] [X] avait présenté des éléments suffisamment précis à l'appui de sa demande, que la société Stokomani versait aux débats les comptes-rendus des entretiens annuels d'évaluation du salarié pour les années 2019, 2020 et 2021, dans lesquels il était mentionné qu'il estimait avoir réussi à trouver un juste équilibre entre vie privée et professionnelle et reconnaissait, en 2019, qu'il perdait ''du temps sur des choses inutiles'', en 2020, que les moyens qui lui étaient donnés pour gérer son activité quotidienne étaient adaptés à celle-ci, qu'en 2021, il avait indiqué à son manager qu'il devait améliorer son organisation, que ce manager lui avait dit que ''la vie privée est importante, donc tu dois adapter ton temps et être efficace en semaine pour ne pas te faire polluer par des tâches pro le WE (?) ne pas attendre le dernier moment pour faire les tâches'', que ces éléments contredisaient les allégations de M. [P] [X], que l'accord collectif en date du 15 septembre 2016 prévoyait en outre un droit à la déconnexion du salarié en vue de s'assurer de ses temps de repos et de congés, en indiquant qu'il n'était pas tenu de consulter sa boîte mail ou répondre au téléphone après 19 heures 30 et avant 8 heures, que M. [P] [X] n'alléguait, ni a fortiori ne démontrait, que les heures de travail invoquées étaient rendues nécessaires par la nature des tâches qui lui étaient confiées, et, en particulier, pour quelle raison l'employeur lui demandait d'être présent à son poste dès 7 heures, soit bien avant l'ouverture des magasins situés dans sa région, que les messages électroniques produits étaient très brefs, que M. [P] [X], qui avait reconnu qu'il devait mieux s'organiser durant la semaine, n'expliquait pas non plus ce qui imposait qu'il les consulte ou les envoie le week-end et que M. [P] [X] ayant été soumis à une convention de forfait en jours qu'elle pensait valide, il ne pouvait être fait le reproche à la société Stokomani de ne pas avoir contrôlé les heures de travail effectivement réalisées par son salarié, quand elle relevait que la société Stokomani ne fournissait pas d'élément précis lui permettant de justifier les horaires qui, selon elle, auraient réellement été appliqués à M. [P] [X], et, donc, ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail de [M. [V] [Y]], quand, dès lors, les circonstances sur lesquelles elle a fondé sa décision étaient inopérantes et quand, en conséquence, elle a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 3171-2, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail ;
2°/ que l'employeur a l'obligation de mettre en place un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur ; que, par ailleurs, il résulte des dispositions des articles L. 3171-2, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments et que le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences posées par les dispositions des articles L. 3171-2 et L. 3171-3 du code du travail, qui imposent à l'employeur, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, d'établir les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés, et de tenir à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié ; que, dans ces conditions, le juge ne peut, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, après avoir estimé que le salarié avait présenté des éléments suffisamment précis quant aux heures qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments, se fonder, pour rejeter la demande du salarié, que sur des éléments de preuve produits par l'employeur précis quant au temps de travail du salarié pendant la période en cause; qu'en énonçant, par conséquent, pour retenir que M. [P] [X] n'avait pas effectué les heures supplémentaires qu'il invoquait, après avoir estimé que M. [P] [X] avait présenté des éléments suffisamment précis à l'appui de sa demande, que la société Stokomani versait aux débats les comptes-rendus des entretiens annuels d'évaluation du salarié pour les années 2019, 2020 et 2021, dans lesquels il était mentionné qu'il estimait avoir réussi à trouver un juste équilibre entre vie privée et professionnelle et reconnaissait, en 2019, qu'il perdait ''du temps sur des choses inutiles'', en 2020, que les moyens qui lui étaient donnés pour gérer son activité quotidienne étaient adaptés à celle-ci, qu'en 2021, il avait indiqué à son manager qu'il devait améliorer son organisation, que ce manager lui avait dit que ''la vie privée est importante, donc tu dois adapter ton temps et être efficace en semaine pour ne pas te faire polluer par des tâches pro le WE (?) ne pas attendre le dernier moment pour faire les tâches'', que ces éléments contredisaient les allégations de M. [P] [X], que l'accord collectif en date du 15 septembre 2016 prévoyait en outre un droit à la déconnexion du salarié en vue de s'assurer de ses temps de repos et de congés, en indiquant qu'il n'était pas tenu de consulter sa boîte mail ou répondre au téléphone après 19 heures 30 et avant 8 heures, que M. [P] [X] n'alléguait, ni a fortiori ne démontrait, que les heures de travail invoquées étaient rendues nécessaires par la nature des tâches qui lui étaient confiées, [que les heures de travail invoquées étaient rendues nécessaires par la nature des tâches qui lui étaient confiées], et, en particulier, pour quelle raison l'employeur lui demandait d'être présent à son poste dès 7 heures, soit bien avant l'ouverture des magasins situés dans sa région, que les messages électroniques produits étaient très brefs, que M. [P] [X], qui avait reconnu qu'il devait mieux s'organiser durant la semaine, n'expliquait pas non plus ce qui imposait qu'il les consulte ou les envoie le week-end et que M. [P] [X] ayant été soumis à une convention de forfait en jours qu'elle pensait valide, il ne pouvait être fait le reproche à la société Stokomani de ne pas avoir contrôlé les heures de travail effectivement réalisées par son salarié, quand ces éléments étaient imprécis quant au temps de travail de M. [P] [X] et quand elle relevait elle-même que la société Stokomani ne fournissait pas d'élément précis lui permettant de justifier les horaires qui, selon elle, auraient réellement été appliqués à M. [P] [X], la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 3171-2, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :
6. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, l'employeur tient à la disposition de l'agent de contrôle de l'inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
7. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
8. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
9. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, l'arrêt, après avoir jugé que la convention individuelle de forfait en jours était nulle, retient que l'intéressé présente des éléments suffisamment précis à l'appui de sa demande.
10. L'arrêt relève, ensuite, que l'employeur verse aux débats les compte-rendus des entretiens annuels d'évaluation du salarié pour les années 2019, 2020 et 2021, dans lesquels il est mentionné qu'il estime avoir réussi à trouver un juste équilibre entre vie privée et vie professionnelle, et reconnaît en 2019, qu'il perd « du temps sur des choses inutiles » en 2020, que les moyens qui lui sont donnés pour gérer son activité quotidienne sont adaptés à celle-ci, qu'en 2021, il a indiqué à son manager qu'il devait améliorer son organisation, celui-ci lui répondant : « la vie privée est importante donc tu dois adapter ton temps et être efficace en semaine pour ne pas te faire polluer par des tâches pro le WE,(...) Ne pas attendre le dernier moment pour faire les tâches ».
11. L'arrêt retient que ces éléments contredisent les allégations du salarié.
12. L'arrêt constate que l'accord collectif prévoit en outre un droit à la déconnexion du salarié en vue de s'assurer de ses temps de repos et de congés, en indiquant qu'il ne sera pas tenu de consulter sa boîte mail ou répondre au téléphone après 19h30 et avant 8h.
13. L'arrêt relève que le salarié n'allègue pas, ni a fortiori ne démontre, que les heures de travail alléguées étaient rendues nécessaires par la nature des tâches qui lui étaient confiées, en particulier pour quelle raison l'employeur lui demandait d'être présent à son poste dès 7h, soit bien avant l'ouverture des magasins situés dans sa région. Il relève, encore, que les mails produits sont très brefs et que le salarié, qui a reconnu qu'il devait mieux s'organiser durant la semaine, n'explique pas non plus ce qui imposait qu'il les consulte ou les envoie le week-end, que, par ailleurs, les deux témoignages versés aux débats par le salarié sont rédigés en des termes strictement identiques si bien qu'il sont dénués de valeur probante.
14. L'arrêt retient que l'employeur ne fournit certes pas d 'éléments précis lui permettant de justifier les horaires qui, selon lui, auraient réellement été appliqués par le salarié mais que celui-ci ayant été soumis à une convention de forfait en jours qu'il pensait valide, il ne peut lui être fait le reproche de ne pas avoir contrôlé les heures de travail effectivement réalisées par son salarié.
15. L'arrêt en conclut que, au vu des éléments produits de part et d'autre, sans qu'il soit besoin d'une mesure d'instruction, le salarié n'a pas effectué les heures supplémentaires qu'il met en avant.
16. En statuant ainsi, par des motifs inopérants tirés de l'autonomie du salarié dans l'organisation de son emploi du temps, des propos tenus par ce dernier lors des entretiens annuels et de ce que l'employeur pensait que la convention de forfait annuel en jours était valide, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
17. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt se rapportant à la demande en paiement de sommes au titre des heures supplémentaires, des congés payés afférents, entraîne la cassation du chef de dispositif se rapportant à la demande en paiement de l'indemnité pour travail dissimulé qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.




Soc. 14 mai 2025 n° 23-23.901

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 14 mai 2025



Cassation partielle

Mme CAPITAINE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 496 F-D
Pourvoi n° E 23-23.901

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 MAI 2025
Mme [K] [G], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 23-23.901 contre l'arrêt rendu le 8 septembre 2023 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-2), dans le litige l'opposant à la société Amcor flexibles capsules France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Leperchey, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de Mme [G], de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de la société Amcor flexibles capsules France, après débats en l'audience publique du 1er avril 2025 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Leperchey, conseiller référendaire rapporteur, Mme Degouys, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 8 septembre 2023), Mme [G] a été engagée en qualité de « sales executive », le 6 septembre 2012, par la société Amcor flexibles capsules France.
2. Après avoir saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, la salariée a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 3 mai 2018.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
3. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, alors « que, dans le cadre de l'obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé physique et mentale et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, dont il doit assurer l'effectivité, l'employeur doit faciliter l'accès des salariés aux services de prévention et de santé au travail ; que parmi les manquements de l'employeur ayant causé une dégradation de son état de santé, la salariée invoquait le refus de celui-ci, malgré une demande de l'inspection du travail, de la rattacher à un médecin du travail proche de son domicile, bien que, en arrêt de travail, elle ne soit pas physiquement en état de parcourir 600 kilomètres pour se rendre au service de médecine du travail de Libourne, et qu'il avait fallu une ordonnance du bureau de conciliation du conseil de prud'hommes, lui enjoignant de donner une réponse motivée à la demande de rattachement auprès d'un médecin de travail de Martigues, pour que l'employeur s'exécute ; que la cour d'appel a, par ailleurs, constaté que, depuis son embauche en septembre 2012, la salariée avait toujours travaillé à son domicile, à Martigues ; qu'en se bornant à relever qu'elle justifiait d'un courrier d'alerte adressé au CHSCT fin octobre 2017 concernant ses conditions de travail alors qu'elle était en arrêt de travail depuis le 3 janvier 2017 pour en déduire qu'il ne pouvait être reproché à l'employeur, à ce stade, de ne pas avoir pris de mesure de nature à préserver la santé physique et mentale, sans examiner la réalité ni la portée du refus de l'employeur de rattacher la salariée, précisément en arrêt de travail depuis plusieurs mois, à un médecin du travail proche du domicile qui était également son lieu de travail, elle a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 4121-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 4121-1 du code du travail :
4. Il résulte de ce texte que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité envers les salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Il ne méconnaît pas cette obligation légale s'il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.
5. Pour rejeter la demande de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, l'arrêt énonce que la salariée dit avoir subi une dégradation de son état de santé en raison de divers manquements de l'employeur liés à des conditions de travail en home office non mises en place, au non-respect, durant plusieurs années, de la réglementation relative au forfait en jours, à une surcharge de travail liée au changement de méthode de management et à une augmentation de sa zone de chalandage, au refus de l'employeur de la rattacher à un service de santé du travail proche de son domicile, au comportement abusif de ses supérieurs hiérarchiques, à l'absence totale de formations et à l'absence d'évaluation pour l'année 2016-2017.
6. L'arrêt relève ensuite que la salariée justifie d'un courrier d'alerte au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail du mois d'octobre 2017, alors même qu'elle était arrêtée depuis le 3 janvier 2017.
7. La cour d'appel en a déduit qu'il ne pouvait être reproché à l'employeur de ne pas avoir pris à ce stade de mesure de nature à préserver la santé mentale et physique de la salariée.
8. En se déterminant ainsi, sans examiner la réalité du refus de l'employeur de rattacher la salariée, en arrêt de travail depuis plusieurs mois, à un service de santé au travail proche de son domicile, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
9. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement discriminatoire, alors « qu'en cas de litige, le salarié concerné présente des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement discriminatoire, qu'il appartient au juge d'apprécier dans leur ensemble la totalité des éléments de fait fondant la demande au titre du harcèlement discriminatoire, et qu'il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ses agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que la salariée invoquait un harcèlement discriminatoire en raison de son genre s'étant manifesté, non seulement par le refus de l'employeur de lui reconnaître le statut de télétravailleur, l'illicéité de la convention de forfait en jours, le défaut de paiement des heures supplémentaires, le non-respect des obligations de formation et d'évaluation, l'absence de contrepartie financière à l'obligation de non-concurrence, le défaut d'évolution salariale et le manquement à l'obligation de sécurité, mais, en outre, par les modifications intervenues dans ses conditions de travail après son retour de congé de maternité, à savoir des remarques injustifiées sur ses compétences ou son travail de la part de ses supérieurs hiérarchiques et une augmentation de sa charge de travail due à l'extension au Mexique et à la Russie de son secteur géographique de chalandise, auparavant limité à l'Europe, à l'exigence nouvelle d'un minimum de quatre visites par semaine et à l'obligation d'utiliser un nouveau logiciel demandant un travail accru de reporting par la saisie de toute action sur un outil centralisé ; qu'en examinant chacun de ces éléments de manière séparée sans rechercher si, pris dans leur ensemble, ils ne laissaient pas supposer l'existence d'un harcèlement moral discriminatoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1, L. 1132-4, L. 1152-1, L. 1152-3 et L. 1154-1 du code du travail, ensemble l'article 1er de la loi du 27 mai 2008. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail :
10. Il résulte de ces textes que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié présente des éléments de fait qui laissent supposer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.
11. Pour rejeter la demande de dommages-intérêts pour harcèlement discriminatoire, l'arrêt constate d'abord que la salariée dénonce des agissements de son employeur résultant du refus de la reconnaissance de son statut de télétravailleur, de conditions de travail discriminatoires, du non-respect de la durée du travail, du non-respect de l'évolution salariale, du non-respect de l'obligation de sécurité, du défaut de formation et d'évaluation et de l'absence de versement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence.
12. L'arrêt relève ensuite que le refus de reconnaissance du statut de télétravailleur de la salariée n'est pas discriminatoire, que la salariée n'établit pas une modification de ses conditions de travail ou des remarques injustifiées en rapport avec son genre et ne justifie pas d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, mais que la réalisation d'heures supplémentaires a été retenue, que l'absence d'entretiens annuels est établie et que l'absence de versement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence n'est pas discutée.
13. L'arrêt retient enfin que la salariée n'établit pas la matérialité de faits précis et concordants qui, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral discriminatoire.
14. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait la matérialité de faits précis et qu'il lui appartenait d'apprécier si ceux-ci, pris dans leur ensemble, permettaient de présumer l'existence d'un harcèlement moral discriminatoire, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
15. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande tendant à ce que son licenciement soit déclaré nul et de ses demandes de dommages-intérêts pour nullité du licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis et de paiement d'une somme au titre de la contrepartie financière de l'obligation de non-concurrence, alors « qu'est entaché de nullité le licenciement prononcé pour inaptitude et impossibilité de reclassement lorsque la dégradation de l'état de santé du salarié est consécutive au harcèlement discriminatoire qu'il a subi ; qu'en l'espèce, faute d'avoir admis l'existence du harcèlement discriminatoire subi par la salariée, la cour d'appel a omis d'examiner l'éventuel lien de causalité entre ce harcèlement et l'inaptitude constatée par le médecin du travail ; que la cassation à intervenir sur la base du deuxième moyen entraîne dès lors l'annulation par voie de conséquence des dispositions de l'arrêt rejetant la demande en nullité du licenciement, en application des articles 624 et 625 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 624 du code de procédure civile :
16. Aux termes de ce texte, la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce. Elle s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.
17. La cassation prononcée sur le deuxième moyen entraîne la cassation des dispositions de l'arrêt rejetant la demande de nullité du licenciement, la demande de dommages-intérêts pour nullité du licenciement et la demande d'indemnité compensatrice de préavis mais n'est pas susceptible d'atteindre la demande de paiement d'une somme au titre de la contrepartie financière de l'obligation de non-concurrence.




Soc. 6 mai 2025 n° 23-21.832

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 6 mai 2025



Cassation partielle

M. BARINCOU, conseiller le plus ancien faisant fonction de président


Arrêt n° 424 F-D
Pourvoi n° F 23-21.832



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 MAI 2025
M. [S] [V], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° F 23-21.832 contre l'arrêt rendu le 27 février 2023 par la cour d'appel de Basse-Terre (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Nestlé France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Barincou, conseiller, les observations écrites de la SCP Françoise Fabiani-François Pinatel, avocat de M. [V], de la SAS Boucard-Capron-Maman, avocat de la société Nestlé France, après débats en l'audience publique du 25 mars 2025 où étaient présents M. Barincou, conseiller le plus ancien faisant fonction de président et rapporteur, Mme Brinet, conseiller, Mme Prieur, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 27 février 2023), M. [V] a été engagé en qualité de responsable de secteur, le 11 octobre 1993, par la société Nestlé France (la société). Au dernier état de la relation de travail, il exerçait les fonctions de responsable régional des ventes Antilles-Guyane.
2. Il a été licencié pour faute grave le 23 juin 2016.
3. Contestant le bien-fondé de son licenciement, le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir le paiement de diverses sommes en lien avec l'exécution et la rupture de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire qu'il était lié à la société Nestlé par un forfait annuel en jours et de le débouter en conséquence de ses demandes de condamnation à lui verser diverses sommes au titre des heures supplémentaires, des congés payés afférents et de l'article 700 du code de procédure civile, alors « qu'aux termes de l'article L. 3121-39, devenu L. 3121-63, du code du travail, l'application à un salarié d'une clause de forfait annuel en jours est subordonnée à l'existence de dispositions conventionnelles l'autorisant ; que ces dispositions nécessairement préalables à la signature de la clause contractuelle doivent respecter les impératifs de protection de la santé, de la sécurité et du droit au repos et permettre notamment d'assurer un suivi réel et régulier de la charge de travail du salarié ; qu'en l'espèce, la société Nestlé avait, par un avenant du 19 avril 2013 adapté et révisé l'accord collectif du 21 décembre 1999 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail au vu des récentes évolutions jurisprudentielles ; qu'en concluant, au regard des dispositions de cet avenant, que la convention de forfait de M. [V] était régulière, quand il ressortait de ses propres constatations que la clause avait été prévue contractuellement avant la signature dudit avenant de sorte que sa régularité ne pouvait être appréciée au regard de dispositions conventionnelles postérieures, la cour d'appel a d'ores et déjà violé l'article susvisé. »
Réponse de la Cour
Vu l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article L. 3121-39 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, interprété à la lumière des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne :
6. Le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles.
7. Il résulte des articles susvisés de la directive de l'Union européenne que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur.
8. Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.
9. A défaut de soumettre au salarié une nouvelle convention de forfait en jours postérieurement à la date de l'entrée en vigueur de l'avenant à un accord collectif, l'employeur ne peut se prévaloir des dispositions de ce texte postérieurement à cette date, en sorte que la convention de forfait en jours du salarié, fondée sur les dispositions conventionnelles antérieures à cet avenant, est nulle.
10. Pour débouter le salarié de ses demandes en paiement d'heures supplémentaires, l'arrêt relève, d'une part, que le salarié était soumis à une convention individuelle de forfait en jours, signée le 20 mars 2013, en sus d'un accord collectif conclu en 1999, d'autre part, que cet accord collectif a été révisé par un avenant du 19 avril 2013 qui respecte toutes les dispositions légales édictées par la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016.
11. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que la convention de forfait en jours invoquée était antérieure à la date de l'accord collectif applicable dans l'entreprise, la cour d'appel a violé les textes susvisés.




Civ.2 30 avril 2025 n° 23-19.730

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
AF1


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 30 avril 2025



Cassation

Mme DURIN-KARSENTY, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 371 F-D
Pourvoi n° W 23-19.730



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 AVRIL 2025
La société TIB company interior, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° W 23-19.730 contre l'arrêt rendu le 2 mai 2023 par la cour d'appel de Rennes (8e chambre prud homale), dans le litige l'opposant à Mme [I] [G], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Techer, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société TIB company interior, de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de Mme [G], et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 mars 2025 où étaient présentes Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Techer, conseiller référendaire rapporteur, Mme Grandemange, conseiller, et Mme Sara, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 2 mai 2023), la société TIB Company Interior (l'employeur) a, par déclaration du 29 septembre 2020, relevé appel du jugement d'un conseil de prud'hommes ayant requalifié la rupture du contrat de travail conclu avec Mme [G] (la salariée) en licenciement nul, jugé la convention de forfait en jours inopposable à la salariée, alloué à cette dernière diverses sommes de natures indemnitaire et salariale, ordonné la remise de documents sociaux et fixé le salaire mensuel moyen de référence.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
2. L'employeur fait grief à l'arrêt de constater l'absence d'effet dévolutif de l'appel et que la cour d'appel n'était saisie d'aucune demande, alors « qu'une déclaration d'appel, à laquelle est jointe une annexe comportant les chefs de dispositif du jugement critiqués, constitue l'acte d'appel conforme aux exigences de l'article 901 du code de procédure civile, dans sa nouvelle rédaction issue du décret du 25 février 2022, même en l'absence d'empêchement technique ; que si l'arrêté du 25 février 2022 ayant modifié celui du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile dispose que Lorsqu'un document doit être joint à un acte, ledit acte renvoie expressément à ce document , cette exigence, non prévue par l'article 901 du code de procédure civile, n'est assortie d'aucune sanction ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que la déclaration d'appel de la société Tib Company Interior du 29 septembre 2020, qui mentionnait uniquement que l'objet de l'appel était un : Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués , comportait une annexe énonçant les chefs de jugement critiqué ; qu'en jugeant que l'absence de renvoi exprès à cette annexe dans la déclaration d'appel privait l'acte d'appel d'effet dévolutif, la cour d'appel a violé les articles 562 et 901 du code de procédure civile, ensemble l'article 4 de l'arrêté du 20 mai 2020 modifié par l'arrêté du 25 février 2022. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 901 du code de procédure civile, dans sa version issue du décret n° 2022-245 du 25 février 2022, les articles 748-1, 748-6, 930-1, alinéas 1 et 5, du code de procédure civile et l'article 4 de l'arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d'appel, modifié par l'article 2 de l'arrêté du 25 février 2022 :
3. Selon le deuxième de ces textes, la déclaration d'appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l'article 54 et par le cinquième alinéa de l'article 57, et à peine de nullité : 1° La constitution de l'avocat de l'appelant ; 2° L'indication de la décision attaquée ; 3° L'indication de la cour devant laquelle l'appel est porté ; 4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible. Elle est signée par l'avocat constitué. Elle est accompagnée d'une copie de la décision. Elle est remise au greffe et vaut demande d'inscription au rôle.
4. Selon le troisième, les envois, remises et notifications des actes de procédure, des pièces, avis, avertissements ou convocations, des rapports, des procès-verbaux ainsi que des copies et expéditions revêtues de la formule exécutoire des décisions juridictionnelles peuvent être effectués par voie électronique dans les conditions et selon les modalités fixées par le titre XXI du livre 1er du code de procédure civile, sans préjudice des dispositions spéciales imposant l'usage de ce mode de communication.
5. Il résulte du quatrième que les procédés techniques utilisés doivent garantir, dans des conditions fixées par arrêté du garde des Sceaux, ministre de la justice, la fiabilité de l'identification des parties à la communication électronique, l'intégrité des documents adressés, la sécurité et la confidentialité des échanges, la conservation des transmissions opérées et permettre d'établir de manière certaine la date d'envoi et, celle de la mise à disposition ou celle de la réception par le destinataire. Vaut signature, pour l'application des dispositions du code de procédure civile aux actes que les parties, le ministère public ou les auxiliaires de justice assistant ou représentant les parties notifient ou remettent à l'occasion des procédures suivies devant les juridictions des premier et second degrés, l'identification réalisée, lors de la transmission par voie électronique, selon les modalités prévues au premier alinéa.
6. En matière de procédure avec représentation obligatoire, selon le cinquième, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique. Un arrêté du garde des Sceaux définit les modalités des échanges par voie électronique.
7. Il résulte du dernier que, lorsqu'un document doit être joint à un acte, ledit acte renvoie expressément à ce document. Ce document est communiqué sous la forme d'un fichier séparé du fichier visé à l'article 3. Ce document est un fichier au format PDF, produit soit au moyen d'un dispositif de numérisation par scanner si le document à communiquer est établi sur support papier, soit par enregistrement direct au format PDF au moyen de l'outil informatique utilisé pour créer et conserver le document original sous forme numérique.
8. Il en découle que, si en application de l'article 4 de l'arrêté précité, lorsqu'un document doit être joint à l'acte, ledit acte renvoie expressément à ce document, une telle prescription est propre aux dispositions relatives aux procédés techniques utilisés en matière de communication électronique et ne constitue pas une formalité substantielle ou d'ordre public, au sens de l'article 114 du code de procédure civile, dont l'inobservation affecterait l'acte en lui-même.
9. Aussi, la circonstance que la déclaration d'appel ne renvoie pas expressément à une annexe comportant les chefs de jugement critiqués ne peut donner lieu à nullité de l'acte en application de l'article 114 précité.
10. Pour constater l'absence d'effet dévolutif de l'appel, l'arrêt relève que la déclaration d'appel du 29 septembre 2020, qui ne contient aucun renvoi à une quelconque annexe ou note jointe, mentionne que l'objet de l'appel est un « Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués ». Il retient que l'annexe jointe à la déclaration, non expressément visée dans la déclaration d'appel, ne saurait prévaloir sur l'acte d'appel qui doit se suffire à lui-même. Il ajoute que le vice de forme affectant les actes d'appel n'ayant pas été rectifié par une nouvelle déclaration d'appel dans le délai imparti à l'employeur pour conclure au fond conformément à l'article 910-4, alinéa 1er, du code de procédure civile et ne pouvant plus être régularisé à ce jour, la cour d'appel n'est saisie d'aucun litige ni d'aucune demande, ni à titre principal ni à titre incident.
11. En statuant ainsi, alors que le document annexé à la déclaration d'appel, qui mentionnait qu'il était fait appel du jugement en ce que celui-ci requalifiait la rupture du contrat de travail en licenciement nul, jugeait la convention de forfait en jours inopposable à la salariée, allouait à cette dernière diverses sommes de natures indemnitaire et salariale, ordonnait la remise de documents sociaux, fixait le salaire mensuel moyen de référence et condamnait l'employeur au paiement d'une indemnité de procédure ainsi qu'aux dépens, précisait les chefs du jugement critiqués, la cour d'appel a violé, par fausse application, les textes susvisés.




Soc. 2 avril 2025 n° 23-23.975

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 2 avril 2025



Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 369 F-D
Pourvoi n° K 23-23.975
Aide juridictionnelle totale en demande au profit de M. [Z]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 14 décembre 2023.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 AVRIL 2025
M. [X] [Z], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° K 23-23.975 contre l'arrêt rendu le 13 avril 2023 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-5), dans le litige l'opposant à la société Riviera technic, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SARL Corlay, avocat de M. [Z], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Riviera technic, après débats en l'audience publique du 5 mars 2025 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, Mme Deltort, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 13 avril 2023), M. [Z] a été engagé en qualité de conseiller des ventes par la société Riviera technic à compter du 1er février 2013, avec une reprise d'ancienneté au 1er janvier 2007. Il était soumis à une convention de forfait annuel en jours.
2. La convention collective nationale du commerce et de la réparation de l'automobile, du cycle et du motocycle et des activités connexes, ainsi que du contrôle technique automobile, du 15 janvier 1981 s'appliquait aux relations contractuelles.
3. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale, le 16 juillet 2019, aux fins notamment de faire prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail, de contester la validité de sa convention de forfait en jours et d'obtenir la condamnation de son employeur à lui verser diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.
4. Il a été licencié le 5 mars 2020.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande visant à constater la nullité de la convention de forfait annuel en jours et, en conséquence, de le débouter de sa demande en résiliation judiciaire du contrat de travail et de ses demandes en paiement au titre du manquement à l'obligation de sécurité, des heures supplémentaires, du travail dissimulé, de dommages-intérêts et d'indemnités, alors « que si l'accord collectif permettant le recours au forfait en jours n'est pas conforme aux dispositions de l'article L. 3121-64, l'employeur ne peut se prévaloir du régime dérogatoire ouvert par l'article L. 3121-65 en cas de manquement à l'une des obligations prévues par ce texte ; qu'il en résulte que la convention individuelle de forfait en jours qui ne respecte pas les dispositions supplétives de l'article L. 3121-65 est nulle ; qu'il doit être établi par l'employeur qu'il a instauré un suivi effectif et régulier par la hiérarchie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires lui permettant de remédier, en temps utile, à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable ; qu'en se contentant d'affirmer que la ''Sas Riviera technic a pu valablement se fonder sur l'avenant n° 70 signé le 3 juillet 2014 et respecter les dispositions de l'article L. 3121-65 du code du travail qui prévoient pour les salariés sous convention de forfait en jours : - Une majoration des minima conventionnels applicables ; - L'existence d'un dispositif de suivi du temps de travail des personnels concernés ; - La prise effective des jours de repos au titre du forfait ; - La tenue d'un entretien annuel dont l'objet est de vérifier l'adéquation entre la charge du collaborateur et le quantum de son forfait'', sans constater que l'employeur avait mis en place un dispositif de suivi du temps de travail efficace, permettant, en dehors des propres déclarations du salarié, à l'employeur de vérifier les horaires effectifs du salarié, et lui permettant de remédier, en temps utile, à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, la cour d'appel a manqué de base légale au regard des articles L. 3121-60, L. 3121-64, II et L. 3121-65 du code du travail, interprété à la lumière des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ensemble l'article 4-06 de la convention collective des services de l'automobile telle que modifiée par l'article 2 de l'avenant n° 70 du 3 juillet 2014 relatif aux conventions de forfait en jours. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 3121-60 et L. 3121-65, I, du code du travail et l'article 12 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :
6. Aux termes du premier de ces textes, dont les dispositions sont d'ordre public, l'employeur s'assure régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail.
7. Aux termes du deuxième, à défaut de stipulations conventionnelles prévues aux 1° et 2° du II de l'article L. 3121-64, une convention individuelle peut être valablement conclue sous réserve des dispositions suivantes : 1° L'employeur établit un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées. Sous la responsabilité de l'employeur, ce document peut être renseigné par le salarié ; 2° L'employeur s'assure que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires ; 3° L'employeur organise une fois par an un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail, qui doit être raisonnable, l'organisation de son travail, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération.
8. Aux termes du troisième, l'exécution d'une convention individuelle de forfait en jours conclue sur le fondement d'une convention ou d'un accord de branche ou d'un accord d'entreprise ou d'établissement qui, à la date de la publication de la présente loi, n'est pas conforme aux 1° à 3° du II de l'article L. 3121-64 du code du travail peut être poursuivie, sous réserve que l'employeur respecte l'article L. 3121-65 du même code. Sous ces mêmes réserves, l'accord collectif précité peut également servir de fondement à la conclusion de nouvelles conventions individuelles de forfait.
9. Pour débouter le salarié de sa demande en nullité de la convention de forfait en jours, l'arrêt retient que l'employeur a pu valablement se fonder sur l'avenant n° 70 signé le 3 juillet 2014 et respecter les dispositions de l'article L. 3121-65 du code du travail qui prévoient pour les salariés sous convention de forfait en jours une majoration des minima conventionnels applicables, l'existence d'un dispositif de suivi du temps de travail des personnels concernés, la prise effective des jours de repos au titre du forfait, la tenue d'un entretien annuel dont l'objet est de vérifier l'adéquation entre la charge de travail du collaborateur et le quantum de son forfait.
10. En se déterminant ainsi, sans rechercher si l'employeur avait effectivement exécuté les obligations prévues par l'article L. 3121-65, I, du code du travail, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Portée et conséquences de la cassation
11. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs de dispositif déboutant le salarié de l'ensemble de ses demandes de dommages-intérêts et en paiement d'indemnités emporte cassation, par voie de conséquence, du chef de dispositif de l'arrêt disant que le salarié a été rempli de l'intégralité de ses droits à l'exception de la procédure relative à la mise en place du forfait en jours qui n'entraîne cependant pas de préjudice, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
12. Elle n'entraîne pas, en revanche, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt déboutant le salarié de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour annulation d'un avertissement, qui ne s'y rattache ni par un lien d'indivisibilité ni par un lien de dépendance nécessaire.




Soc. 2 avril 2025 n° 23-22.976

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 2 avril 2025



Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 362 F-D
Pourvoi n° Z 23-22.976

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 AVRIL 2025
M. [X] [G], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Z 23-22.976 contre l'arrêt rendu le 29 septembre 2023 par la cour d'appel de Douai (chambre sociale, prud'hommes), dans le litige l'opposant à la société GSE, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Laplume, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [G], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société GSE, après débats en l'audience publique du 5 mars 2025 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Laplume, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 29 septembre 2023), M. [G] a été engagé en qualité de directeur du développement le 22 février 2016 par la société Compagnie des contractants régionaux, aux droits de laquelle vient la société GSE. Il était soumis à une convention de forfait en jours.
2. Il a été licencié le 7 janvier 2020.
Examen des moyens
Sur le second moyen
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes en paiement de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, de congés payés afférents, d'indemnité pour absence de contrepartie obligatoire en repos et d'indemnité pour travail dissimulé, alors « que le juge ne doit pas dénaturer les pièces produites aux débats ; qu'en l'espèce, M. [G] versait régulièrement aux débats des décomptes de ses heures de travail jour par jour pour les années 2017, 2018 et 2019 avec les récapitulatifs des heures supplémentaires ainsi réalisées (pièce n° 6) et visait ces décomptes dans ses conclusions ; qu'en jugeant que M. [G] ne procédait ''qu'à une évaluation annuelle du rappel de salaire qui lui serait dû par son employeur au titre des heures supplémentaires qu'il prétend avoir effectuées'' et ''qu'aucun décompte, même sommaire, des heures qui auraient été accomplies n'est versé aux débats'', quand les décomptes du salarié de ses heures de travail figuraient dans sa pièce n° 6 intitulée ''Tableaux d'heures'' visée dans son bordereau de pièces et dans ses conclusions, la cour d'appel a violé l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause. »
Réponse de la Cour
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :
5. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, l'arrêt retient que dans ses écritures, il ne procédait qu'à une évaluation globale annuelle du rappel de salaire qui lui serait dû par son employeur au titre des heures supplémentaires qu'il prétendait avoir effectuées, qu'aucun décompte, même sommaire, des heures qui auraient été accomplies n'était versé aux débats et que les extraits d'agenda et les courriels produits ne pouvaient suppléer une telle carence et qu'il s'ensuivait que l'intéressé n'étayait pas sa demande.
6. En statuant ainsi, alors que la pièce n° 6 figurant sur le bordereau de communication de pièces du salarié présentait des décomptes de ses heures de travail jour par jour pour les années 2017, 2018 et 2019 avec les récapitulatifs des heures supplémentaires réalisées, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis de ce bordereau, a violé le principe susvisé.




Soc. 2 avril 2025 n° 23-23.614

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 2 avril 2025



Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 372 F-D
Pourvoi n° T 23-23.614



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 AVRIL 2025
La société Erganeo, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], anciennement dénommée Satt Ile-de-France innov, a formé le pourvoi n° T 23-23.614 contre l'arrêt rendu le 25 octobre 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 9), dans le litige l'opposant à M. [B] [J], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
M. [J], a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, cinq moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Deltort, conseiller, les observations de la SCP Françoise Fabiani - François Pinatel, avocat de la société Erganeo, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. [J], après débats en l'audience publique du 5 mars 2025 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Deltort, conseiller rapporteur, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, ayant voix délibérative, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L.431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 25 octobre 2023), M. [J] a été engagé en qualité de business developper, statut cadre, par la société Satt Ile-de-France innov désormais dénommée Erganeo, à compter du 1er mars 2012. Suivant avenant du 1er octobre 2012, il a été soumis à une convention de forfait en jours.
2. Le 1er mai 2013, le salarié a été nommé aux fonctions de directeur de la business unit.
3. Ayant pris acte le 3 avril 2018 de la rupture de son contrat de travail, le salarié a, le 13 août 2018, saisi la juridiction prud'homale de demandes au titre de la rupture du contrat de travail et en paiement de diverses sommes au titre de son exécution.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi principal de l'employeur et les deuxième et troisième moyens du pourvoi incident du salarié
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le cinquième moyen du pourvoi incident
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'une démission, alors « que la prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse en cas de manquements de l'employeur suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'employeur ne justifiait pas avoir pris les dispositions nécessaires de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition du travail dans le temps, et donc, de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé de son salarié, ainsi qu'il y était tenu ; qu'elle a relevé que le salarié avait effectué de nombreuses heures supplémentaires qui ne lui avaient pas été payées ; qu'elle a encore constaté que le salarié avait été victime d'une inégalité de traitement en matière de rémunération fixe, et que la société Erganeo ne s'était pas non plus acquittée de toutes les sommes dues au titre de sa rémunération variable ; qu'en jugeant pourtant que la prise d'acte devait produire les effets d'une démission, lorsque les manquements ainsi relevés étaient suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat du travail, la cour d'appel a violé les articles L. 1231-1 et L. 1237-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
6. ll ne ressort ni des énonciations de l'arrêt ni des écritures du salarié que celui-ci ait invoqué devant la cour d'appel la gravité des manquements de l'employeur à ses obligations en matière d'amplitude et de charge de travail, d'égalité de traitement salarial, de paiement d'heures supplémentaires et de paiement de la rémunération variable au soutien de sa demande tendant à faire juger que sa prise d'acte de la rupture de son contrat de travail devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
7. Le moyen, nouveau, mélangé de fait et de droit, est irrecevable.
Sur le premier moyen du pourvoi incident
Enoncé du moyen
8. Le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et tendant à juger que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'une démission, alors :
« 1°/ que méconnaît son obligation de sécurité l'employeur qui n'établit pas de document unique d'évaluation des risques professionnels et n'informe pas les salariés de l'existence d'un tel document ; qu'en l'espèce, aux termes des comptes rendus de réunion du délégué du personnel des 14 novembre 2017, 9 janvier 2018 et 11 avril 2018, l'employeur avait admis qu'il n'existait pas de document unique d'évaluation des risques professionnels au sein de l'entreprise, que sa création avait finalement été confiée à un prestataire et qu'il ne serait accessible à tous que le 16 avril 2018 ; qu'en relevant, pour estimer que l'employeur avait pris toutes les mesures de prévention prévues en matière d'obligation de sécurité, l'existence d'un document unique d'évaluation des risques du 7 février 2018, sans rechercher s'il ne résultait pas des déclarations de l'employeur lui-même que le document litigieux n'existait pas et à tout le moins n'avait pas été porté à la connaissance des salariés avant avril 2018, soit postérieurement à la prise d'acte de M. [J] et aux nombreuses alertes émises par ce dernier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ;
2°/ que les juges du fond sont tenus d'examiner les éléments produits par les parties ; qu'en l'espèce, M. [J] faisait valoir que dès le mois de novembre 2016, l'employeur avait été alerté de la situation et qu'il avait attendu plusieurs mois sans rien faire avant de se saisir de la question ; qu'à ce titre, le salarié se prévalait notamment de l'attestation de Mme [G] laquelle exposait qu' en novembre 2016, j'ai été reçue par [E] [D] alors devenu DGA. Lors de cet entretien, je l'ai alerté des pressions que subissait [B] [J] par les comportements de Mme [A] et de [W] [K]" ; qu'en relevant que l'employeur n'avait été alerté qu'en août 2017 de la situation vécue par M. [J], sans s'expliquer sur cet élément versé aux débats par le salarié, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité envers les salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ; qu'il ne prouve avoir rempli cette obligation légale que s'il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ; qu'en l'espèce, M. [J] faisait valoir qu'il avait alerté son employeur sur la situation qu'il traversait dès novembre 2016 et se prévalait à ce titre d'un courrier du 23 novembre 2016 aux termes duquel il indiquait à sa direction que Je refuse de vivre 2017 comme j'ai vécu 2016" ; que pour considérer que le salarié n'avait alerté l'employeur que par mail des 30 août et 6 novembre 2017 de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, la cour d'appel s'est bornée à relever que le mail de novembre 2016 ne pouvait constituer une alerte car il était rédigé de façon maladroite et car il ne faisait pas expressément référence à la notion juridique de harcèlement moral ; qu'en statuant par de tels motifs inopérants, lorsqu'il résultait du courrier litigieux que M. [J] avait informé son employeur du fait qu'il avait très mal vécu l'année 2016, de sorte que son employeur devait se saisir de la question et mettre en place, dès cette date, des mesure propres à assurer la sécurité et la santé du salarié, la cour d'appel a violé les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ;
4°/ que les juges du fond sont tenus d'examiner les éléments produits par les parties ; qu'en l'espèce, pour prouver que de nombreux départs de l'entreprise étaient dus à l'existence d'une situation de risques psychosociaux non prise en charge par l'employeur, M. [J] se prévalait notamment de l'attestation de M. [R] qui indiquait que les conditions de travail à compter de l'arrivée de Mme [A] l'avaient conduit, sentant poindre en conséquence un début de mal être", à accepter une offre d'embauche à l'extérieur, ainsi que l'attestation de M. [L] relatant que lors de l'annonce de ma décision de quitter la société en août auprès de la présidente Mme [K], j'ai indiqué que la cause de ma démission était l'arrivée de Mme [A], sa toxicité, son incompétence et la désorganisation de l'activité de business developpement de la BU 3S en résultant" ; qu'en jugeant qu'il résultait des comptes rendus de sortie, établis unilatéralement par l'employeur, que les départs des chefs de projet ainsi que le turn over des salariés au cours de la période ne s'expliquaient pas par l'existence d'une situation de risques psychosociaux au sein de la BU 3S mais surtout par d'autres opportunités professionnelles, sans avoir examiné ces pièces versées aux débats par le salarié, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
5°/ que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité envers les salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ; qu'il ne prouve avoir rempli cette obligation légale que s'il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté l'existence de relations conflictuelles entre M. [J] et Mme [A] qui n'ont eu de cesse de se dégrader au cours des années 2016 et 2017, la mésentente et la lutte de pouvoir en résultant, ainsi que les répercussions engendrées sur les membres de leurs équipes respectives, ayant atteint un tel niveau au cours du second semestre de l'année 2017 que les deux salariés avaient respectivement alerté leur hiérarchie de l'existence de faits de harcèlement moral dont ils s'estimaient avoir été victimes ; que pour écarter tout manquement de l'employeur, la cour d'appel s'est bornée à relever que ce dernier avait pris les mesures immédiates propres à faire cesser et/ou à traiter la situation en résultant" ; qu'en statuant de la sorte, sans constater que l'employeur avait pris les mesures de prévention nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 4121-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
9. Sous le couvert de griefs non fondés de manque de base légale et de violation de la loi, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine par la cour d'appel des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, au terme de laquelle elle a retenu que l'employeur n'avait pas manqué à son obligation de sécurité.




Mais sur le quatrième moyen du pourvoi incident
Enoncé du moyen
10. Le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement de dommages-intérêts pour non-respect du repos quotidien de onze heures consécutives, alors « que le seul constat du dépassement de la durée maximale de travail ouvre droit à la réparation ; qu'en l'espèce, M. [J] faisait valoir, en produisant le relevé détaillé des heures supplémentaires qu'il avait été contraint d'accomplir, qu'il avait été privé à de nombreuses reprises de son repos quotidien de onze heures consécutives ; qu'en se bornant, pour débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts, à retenir que ce dernier ne justifiait ni du principe ni du quantum du préjudice invoqué au titre du non-respect du repos quotidien", sans vérifier, ainsi qu'elle y était invitée, si le salarié avait été privé de son droit au repos quotidien, ce qui aurait suffi à justifier son droit à réparation, sans qu'il puisse lui être imposé de rapporter une preuve supplémentaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3131-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3131-1 du code du travail :
11. Selon ce texte, tout salarié doit bénéficier d'un repos quotidien d'une durée minimale de onze heures consécutives.
12. Cette disposition participe de l'objectif de garantir la sécurité et la santé des travailleurs par la prise d'un repos suffisant et le respect effectif des limitations de durées maximales de travail concrétisé par la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail.
13. Pour rejeter la demande en paiement de dommages-intérêts pour violation du temps de repos quotidien, l'arrêt retient, après avoir rappelé que l'existence d'un préjudice et l'évaluation de celui-ci relèvent du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond s'agissant du non-respect des temps de pause ainsi que du non-respect de la durée légale du travail et des repos, que le salarié ne justifie, au vu des seules pièces versées aux débats et mises à part ses propres affirmations, ni du principe ni du quantum du préjudice invoqué au titre du non-respect du repos quotidien.
14. En statuant ainsi, alors que le dépassement de la durée maximale de travail et le non-respect du droit au repos qui en résulte ouvrent, à eux seuls, droit à la réparation, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que l'employeur justifiait avoir respecté la durée hebdomadaire maximale de travail, a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
15. La cassation prononcée n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.




Civ.2 20 mars 2025 n° 23-12.666 B

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 20 mars 2025



Cassation partielle

Mme MARTINEL, président


Arrêt n° 256 F-B
Pourvoi n° T 23-12.666



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 MARS 2025

Le groupement d'intérêt économique [3], dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° T 23-12.666 contre l'arrêt rendu le 4 janvier 2023 par la cour d'appel de Rennes (9e chambre sécurité sociale), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) des Pays de la Loire, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Hénon, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat du groupement d'intérêt économique [3], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF des Pays de la Loire, après débats en l'audience publique du 5 février 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Hénon, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 4 janvier 2023), à la suite d'un contrôle portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014, l'URSSAF des Pays de la Loire (l'URSSAF) a notifié au groupement d'intérêt économique [3] (le cotisant) une lettre d'observations le 3 novembre 2015, puis une mise en demeure le 22 décembre 2015.
2. Contestant ce redressement, le cotisant a saisi une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen des moyens
Sur le second moyen
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. Le cotisant fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demande et de le condamner en conséquence au paiement d'une certain somme, alors « que les salarié
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 241-18, II, du code de la sécurité sociale et les articles L. 3121-44 et L. 3121-45 du code du travail, le premier dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012, les derniers dans leur rédaction issue de la loi n° 2008-789 du 22 août 2008, applicables au litige :
5. Selon le premier de ces textes, dans les entreprises employant moins de vingt salariés, une déduction forfaitaire égale à sept fois le montant fixé par l'article D. 241-24 du code de la sécurité sociale est applicable pour chaque jour de repos auquel renonce un salarié relevant d'une convention de forfait en jours sur l'année, au-delà du plafond de deux cent dix-huit jours mentionné à l'article L. 3121-44 du code du travail, dans les conditions prévues à l'article L. 3121-45 du même code.
6. Aux termes du deuxième de ces textes, le nombre de jours travaillés dans l'année fixé par l'accord collectif prévu à l'article L. 3121-39 ne peut excéder deux cent dix-huit jours.
7. Aux termes du dernier de ces textes, le salarié qui le souhaite peut, en accord avec son employeur, renoncer à une partie de ses jours de repos en contrepartie d'une majoration de son salaire. L'accord entre le salarié et l'employeur est établi par écrit. Le nombre de jours travaillés dans l'année ne peut excéder un nombre maximal fixé par l'accord prévu à l'article L. 3121-39. À défaut d'accord, ce nombre maximal est de deux cent trente-cinq jours. Le nombre maximal annuel de jours travaillés doit être compatible avec les dispositions du titre III relatives au repos quotidien, au repos hebdomadaire et aux jours fériés chômés dans l'entreprise, et du titre IV relatives aux congés payés. Un avenant à la convention de forfait conclue entre le salarié et l'employeur détermine le taux de la majoration applicable à la rémunération de ce temps de travail supplémentaire, sans qu'il puisse être inférieur à 10 %.
8. Il résulte de l'application combinée de ces textes que dans les entreprises employant moins de vingt salariés, une déduction forfaitaire égale à sept fois le montant prévu à l'article D. 241-24 du code de la sécurité sociale est applicable pour chaque jour de repos auquel renonce un salarié relevant d'une convention de forfait en jours sur l'année, au-delà du plafond de deux cent dix-huit jours mentionné à l'article L. 3121-44 du code du travail, dans les conditions prévues à l'article L. 3121-45 du code du travail.
9. Pour rejeter la contestation du cotisant, l'arrêt retient que l'exonération sociale des sommes versées au titre de la monétisation des jours acquis depuis le 1er janvier 2010 dépend de l'existence au 20 août 2008 d'un accord collectif prévoyant les conditions de mise en place de cette « monétisation ». Il ajoute qu'il n'est pas contesté qu'à la date du contrôle, il n'y avait pas eu au sein du groupement de nouvel accord sur les modalités d'organisation du temps de travail depuis le 22 août 2008 et que l'accord collectif sur les modalités d'organisation du temps de travail en vigueur au sein du groupement ne prévoyait pas la monétisation des jours effectués par les salariés en forfait jours au-delà de 218 jours. Il en déduit que le redressement est justifié.
10. En statuant ainsi, alors qu'à compter de l'entrée en vigueur de la loi du loi n° 2012-958 du 16 août 2012, la déduction forfaitaire de cotisations applicable pour chaque jour de repos auquel renonce un salarié relevant d'une convention de forfait en jours sur l'année était subordonnée à la seule condition d'un accord constaté par écrit entre ce dernier et l'employeur, la cour d'appel a violé les textes susvisés.




Soc. 19 mars 2025 n° 23-17.482

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 19 mars 2025



Rejet

Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 291 F-D
Pourvoi n° C 23-17.482


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 19 MARS 2025
M. [B] [L], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° C 23-17.482 contre l'arrêt rendu le 19 avril 2023 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société KPMG, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La société KPMG a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Leperchey, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Spinosi, avocat de M. [L], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société KPMG, après débats en l'audience publique du 12 février 2025 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Leperchey, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 19 avril 2023), M. [L] a été engagé en qualité de chargé de clientèle, le 4 octobre 2004, par la société KPMG. Promu aux fonctions de chargé de clientèle superviseur, il a signé une convention de forfait annuel en jours le 31 décembre 2009.
2. Le 23 décembre 2014, les parties ont conclu une convention de rupture du contrat de travail et un protocole d'accord transactionnel.
3. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes liées à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi principal du salarié
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen du pourvoi incident de l'employeur
Enoncé du moyen
5. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que la convention de forfait stipulée dans le contrat de travail et qui se réfère à l'accord d'entreprise du 22 décembre 1999 est nulle et de le condamner à verser au salarié des sommes à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, au titre des congés payés afférents et à titre d'indemnité compensatrice de contrepartie obligatoire en repos, alors « que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires ; que tel est le cas de l'accord d'aménagement et de réduction du temps de travail KPMG du 22 décembre 1999, qui prévoit que "toute personne autonome (...) détermine elle-même l'amplitude de son temps de travail, notamment dans le cadre de la négociation de ses objectifs en début d'exercice social ; le suivi de son activité est effectué, suivant les cas, sur la base des objectifs quantitatifs et qualitatifs négociés et/ou du volume d'activité défini conjointement avec sa hiérarchie" (article 4.2) ; "l'ensemble du personnel autonome fait l'objet, suivant les cas et les départements : soit d'une procédure de détermination concertée des objectifs annuels et d'appréciation des résultats ; elle se caractérise par un entretien annuel dont l'objet est, notamment, d'apprécier les résultats de l'exercice écoulé au regard des objectifs convenus et de déterminer, de façon concertée entre appréciateur et apprécié, des objectifs quantitatifs et qualitatifs pour l'exercice social à venir ; soit, d'une procédure d'appréciation concertée du volume d'activité annuelle, qui se traduit concrètement par un entretien annuel destiné à déterminer conjointement ce volume d'activité pour l'exercice social à venir (...)" (article 4.3) ; "les directeurs d'entité garantiront qu'aucun personnel autonome ne soit amené en prévision ou a posteriori à effectuer des horaires excédant les dispositions afférentes aux minima journaliers et hebdomadaires de repos stipulées à l'article L. 220-1 du code du travail" (art. 4.4) ; que, pour dire la convention de forfait nulle et condamner la société KPMG au paiement d'heures supplémentaires, la cour d'appel, sans préciser les stipulations conventionnelles sur lesquelles elle se fondait, a retenu que les stipulations ne fixent qu'une limite de 218 jours de travail par an outre une contrepartie de réduction de temps de travail de dix jours ouvrés par an et prévoient seulement une négociation sur les missions confiées dans le cadre des objectifs annuel ou d'une procédure d'appréciation concertée du volume d'activité annuel pour en déduire qu'elles ne sont de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables ; qu'en statuant ainsi, par une lecture incomplète de l'accord collectif d'entreprise, la cour d'appel a violé l'alinéa 11 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article L. 3121-39 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 10 août 2016, interprétés à la lumière de l'article 17, paragraphes 1 et 4 de la directive 1993-104 CE du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17, paragraphe 1, et 19 de la directive 2003-88 CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ensemble l'article 4 de l'accord d'aménagement et de réduction du temps de travail KPMG du 22 décembre 1999. »
Réponse de la Cour
6. Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.
7. Les stipulations de l'accord d'entreprise du 22 décembre 1999, qui se bornent à prévoir que toute personne autonome détermine elle-même l'amplitude de son temps de travail, notamment dans le cadre de la négociation de ses objectifs en début d'exercice social, que le suivi de son activité est effectué, suivant les cas, sur la base des objectifs quantitatifs et qualitatifs négociés et/ou du volume d'activité défini conjointement avec sa hiérarchie et qu'est mise en place soit une procédure de détermination concertée des objectifs annuels et d'appréciation des résultats se caractérisant par un entretien annuel dont l'objet est, notamment, d'apprécier les résultats de l'exercice écoulé au regard des objectifs convenus et de déterminer, de façon concertée entre appréciateur et apprécié, des objectifs quantitatifs et qualitatifs pour l'exercice social à venir, soit une procédure d'appréciation concertée du volume d'activité annuelle se traduisant concrètement par un entretien annuel destiné à déterminer conjointement ce volume d'activité pour l'exercice social à venir, n'instituent pas de suivi effectif et régulier permettant à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, et ne sont donc pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé.
8. La cour d'appel, qui a relevé que les stipulations de l'accord d'entreprise du 22 décembre 1999 ne fixaient qu'une limite de 218 jours de travail par an, outre une contrepartie de réduction de temps de travail de dix jours ouvrés par an, et prévoyaient seulement une négociation sur les missions confiées dans le cadre des objectifs annuels ou d'une procédure d'appréciation concertée du volume d'activité annuel, faisant ainsi ressortir l'absence de suivi effectif et régulier de la charge de travail de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié, en a exactement déduit que la convention de forfait en jours conclue par l'intéressé était nulle.
9. Le moyen n'est donc pas fondé.




Soc. 11 mars 2025 n° 23-19.669 B

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 11 mars 2025



Rejet

M. SOMMER, président


Arrêt n° 298 FS-B
Pourvoi n° E 23-19.669



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 MARS 2025
Mme [F] [G], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 23-19.669 contre l'arrêt rendu le 17 mai 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 9), dans le litige l'opposant à la société BDO RH, société pluri-professionnelle d'exercice par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la société BDO risques professionnels, défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Leperchey, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme [G], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société BDO RH, et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 12 février 2025 où étaient présents M. Sommer, président, M. Leperchey, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge conseiller doyen, Mme Cavrois, M. Flores, Mmes Deltort, Le Quellec, conseillers, Mmes Thomas-Davost, Laplume, Rodrigues, Segond, conseillers référendaires, M. Halem, avocat général référendaire, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 mai 2023), Mme [G] a été engagée en qualité de chargée d'affaires commerciales, le 18 juillet 2003, par la société Atequacy, aux droits de laquelle est venue la société BDO risques professionnels puis la société BDO RH. Par avenant du 1er janvier 2011, les parties ont conclu une convention de forfait annuel en jours.
2. La relation de travail était soumise à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, dite Syntec.
3. Le 15 juillet 2016, la salariée a été licenciée pour insuffisance professionnelle.
4. Contestant son licenciement, elle a saisi la juridiction prud'homale.
Examen des moyens
Sur les premier et troisième moyens
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
6. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de dommages-intérêts au titre de la nullité de la convention de forfait en jours, alors :
« 1° / que cause un préjudice au salarié au regard de son droit à la santé et au repos le fait d'avoir été soumis pendant des années à une convention de forfait en jours en application d'un accord collectif dont les dispositions n'étaient pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition dans le temps du travail de l'intéressé ; qu'en l'espèce, pour débouter la salariée de sa demande de dommages et intérêts pour nullité de la convention de forfait en jours, la cour d'appel a jugé que la salariée ne justifie pas d'un préjudice qu'elle aurait subi autre que celui déjà réparé par l'octroi d'un rappel au titre de ses heures supplémentaires ; qu'en statuant ainsi quand il ressortait de ses propres constatations que la salariée avait été soumise à une convention de forfait en jours reposant sur des garanties conventionnelles insuffisamment protectrices à la date où elle avait été conclue, ce dont elle aurait dû déduire que la salariée avait bien subi un préjudice au regard de son droit à la santé et au repos, la cour d'appel a violé les articles L. 3121-35 al. 1er et L. 3121-34 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, interprétés à la lumière de l'article 6 b) de la directive n° 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 ;
2° / que le défaut d'exécution par l'employeur des stipulations légales et conventionnelles prévoyant les modalités de suivi de l'organisation du travail du salarié soumis à une convention de forfait annuel en jours, de l'amplitude de ses journées de travail et de sa charge de travail cause un préjudice au salarié ; qu'en l'espèce, pour débouter la salariée de sa demande de dommages et intérêts pour nullité de la convention de forfait en jours, la cour d'appel a jugé que la salariée ne justifie pas d'un préjudice qu'elle aurait subi autre que celui déjà réparé par l'octroi d'un rappel du titre de ses heures supplémentaires ; qu'en statuant ainsi sans rechercher, comme elle y était invitée, si la salariée n'avait pas travaillé plus de cinq ans dans le cadre d'une convention de forfait en jours sans aucun contrôle du nombre de jours travaillés et sans aucun entretien annuel portant sur sa charge de travail, sur l'organisation du travail dans l'entreprise et sur l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale de la salariée ainsi que sur sa rémunération, ce qui avait causé à la salariée un préjudice au titre de son droit à la santé, au repos et à une vie familiale normale excédant le simple rappel de salaires au titre des heures supplémentaires effectuées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3121-35 al. 1er et L. 3121-34 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, interprétés à la lumière de l'article 6 b) de la directive n° 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003. »
Réponse de la Cour
7. Lorsque le salarié a été soumis à une convention de forfait en jours en application d'un accord collectif dont les dispositions n'étaient pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition dans le temps du travail de l'intéressé, la convention de forfait en jours est nulle de sorte que le salarié peut prétendre au paiement d'heures supplémentaires dont le juge doit vérifier l'existence et le nombre. Il en découle qu'un tel manquement n'ouvre pas, à lui seul, droit à réparation et il incombe au salarié de démontrer le préjudice distinct qui en résulterait.
8. C'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel, après avoir retenu que la convention de forfait en jours conclue sur le fondement de l'accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail pris en application de la convention collective nationale Syntec était nulle, a estimé, sans être tenue d'entrer dans le détail de l'argumentation des parties, que la salariée ne justifiait pas d'un préjudice distinct de celui que venait réparer l'octroi d'un rappel d'heures supplémentaires.
9. Le moyen n'est donc pas fondé.




Soc. 11 mars 2025 n° 24-10.452 B

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 11 mars 2025



Rejet

M. SOMMER, président


Arrêt n° 297 FS-B
Pourvoi n° H 24-10.452


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 MARS 2025
M. [Z] [T], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° H 24-10.452 contre l'arrêt rendu le 15 novembre 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 9), dans le litige l'opposant à la société Intel corporation, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [T], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Intel corporation, et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 12 février 2025 où étaient présents M. Sommer, président, M. Flores, conseiller rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mmes Cavrois, Deltort, Le Quellec, conseillers, Mmes Thomas-Davost, Laplume, Rodrigues, Segond, conseillers référendaires, M. Halem, avocat général référendaire, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 novembre 2023), M. [T] a été engagé par la société Intel corporation en qualité d'ingénieur commercial, à compter du 25 octobre 2001. Le salarié a été soumis à un régime de forfait en jours.
2. Il a été licencié le 21 mai 2019.
3. Le 20 mai 2020, le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement de diverses sommes au titre de la rupture et de l'exécution du contrat de travail.
Examen des moyens
Sur les premier et troisième moyens
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter du surplus de ses demandes, alors « que lorsque l'employeur ne respecte pas les dispositions légales et les stipulations de l'accord collectif relatives au forfait en jours qui ont pour objet d'assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié et de son droit au repos, le salarié subit nécessairement un préjudice ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que la société Intel corporation n'établissait pas avoir respecté les dispositions de l'article 14 de l'accord national du 28 juillet 1998 sur l'organisation de travail dans la métallurgie, ainsi que des articles L. 3121-60, L. 3121-64 et L. 3121-65 du code du travail dans leur version applicable au litige dont il résulte que l'employeur doit s'assurer que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail, d'établir les modalités de son droit à la déconnexion et d'organiser chaque année des entretiens spécifiques portant sur l'exécution de cette convention, la cour d'appel a cependant débouté M. [T] de sa demande de dommages-intérêts pour inobservation des dispositions relatives à l'exécution des conventions de forfait en jour au motif que "M. [T], qui ne prouve, ni même n'allègue, avoir accompli des heures supplémentaires ou encore avoir souffert d'une surcharge de travail ou encore d'une mauvaise répartition de ses horaires de travail, ne rapporte pas la preuve du préjudice que lui auraient causé les manquements de l'employeur" ; qu'en statuant ainsi quand l'absence de respect par l'employeur des dispositions légales et des dispositions de l'accord collectif qui avaient pour objet d'assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié et de son droit au repos, avaient nécessairement causé à ce dernier un préjudice qu'elle devait réparer, la cour d'appel a violé l'article 14 de l'accord national du 28 juillet 1998 sur l'organisation de travail dans la métallurgie, les articles L. 3121-60, L. 3121-64 et L. 3121-65 du code du travail dans leur version applicable au litige interprétés à la lumière des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs. »
Réponse de la Cour
6. Lorsque l'employeur ne respecte pas les dispositions légales et les stipulations de l'accord collectif qui avaient pour objet d'assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié et de son droit au repos, la convention de forfait en jours est privée d'effet de sorte que le salarié peut prétendre au paiement d'heures supplémentaires dont le juge doit vérifier l'existence et le nombre. Il en découle qu'un tel manquement n'ouvre pas, à lui seul, le droit à réparation et il incombe au salarié de démontrer le préjudice distinct qui en résulterait.
7. C'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel, après avoir relevé que l'employeur n'établissait pas avoir respecté les dispositions légales et conventionnelles relatives au suivi de la charge de travail du salarié soumis à une convention individuelle de forfait en jours, a estimé que ce dernier, qui ne prouvait ni même n'alléguait avoir accompli des heures supplémentaires ou encore avoir souffert d'une surcharge de travail ou d'une mauvaise répartition de ses horaires de travail, ne rapportait pas la preuve du préjudice que lui auraient causé les manquements de l'employeur et que sa demande de dommages-intérêts devait être rejetée.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.




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