Soc. 27 mai 2025 n° 24-12.382
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 27 mai 2025
Cassation partielle
Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 554 F-D
Pourvoi n° E 24-12.382
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 27 MAI 2025
La société Clinique Rech, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 24-12.382 contre l'arrêt rendu le 8 février 2024 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. [P] [K], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
M. [K] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal, invoque, à l'appui de son recours, quatre moyens de cassation.
Le demandeur au pourvoi incident, invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Laplume, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Clinique Rech, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [K], après débats en l'audience publique du 29 avril 2025 où étaient présentes Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Laplume, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 8 février 2024), M. [K] a été engagé en qualité de médecin de garde, classé au coefficient 434 de la grille « médecin généraliste » de la convention collective nationale de l'hospitalisation privée du 18 avril 2002 applicable à la relation de travail, le 28 juin 2005 par la société Clinique Rech.
2. A compter de 2011, il a occupé des mandats de représentant du personnel.
3. Par avenant du 21 mars 2013, le salarié a été affecté au poste de médecin coordonnateur et a été soumis à une convention individuelle de forfait en jours.
4. Le 25 février 2019, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes au titre de l'exécution du contrat de travail.
5. Placé en arrêt de travail pour maladie à compter du 11 mai 2019, il a été déclaré inapte à son poste le 23 septembre 2019 puis licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 27 décembre 2019.
Examen des moyens
Sur les deuxième, troisième et quatrième moyens du pourvoi principal de l'employeur et le moyen du pourvoi incident du salarié
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal
Enoncé du moyen
7. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer la somme de 4 896,45 euros à titre d'indemnité réparant le préjudice résultant d'une rémunération manifestement sans rapport avec les sujétions du forfait annuel en jours, alors « que l'article L. 3121-61 du code du travail dispose que "Lorsqu'un salarié ayant conclu une convention de forfait en jours perçoit une rémunération manifestement sans rapport avec les sujétions qui lui sont imposées, il peut, nonobstant toute clause conventionnelle ou contractuelle contraire, saisir le juge judiciaire afin que lui soit allouée une indemnité calculée en fonction du préjudice subi, eu égard notamment au niveau du salaire pratiqué dans l'entreprise, et correspondant à sa qualification" ; qu'en l'espèce, si la cour d'appel a affirmé qu'elle disposait d'éléments suffisants pour fixer le montant de l'indemnité correspondant au préjudice subi par le salarié en raison d'une rémunération manifestement sans rapport avec les sujétions qui lui sont imposées à la somme de 4 896,45 euros, aucun de ses motifs ne caractérise concrètement une disproportion entre la rémunération et les sujétions du travail, la cour d'appel s'étant exclusivement attachée au contenu de la convention de forfait "qui serait privée d'effet" et à l'insuffisance des éléments de preuve fournis par l'employeur quant au suivi des temps de travail ; qu'il en résulte que la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3121-61 (anciennement L. 3121-47) du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3121-61 du code du travail :
8. Aux termes de ce texte, lorsqu'un salarié ayant conclu une convention de forfait en jours perçoit une rémunération manifestement sans rapport avec les sujétions qui lui sont imposées, il peut, nonobstant toute clause conventionnelle ou contractuelle contraire, saisir le juge judiciaire afin que lui soit allouée une indemnité calculée en fonction du préjudice subi, eu égard notamment au niveau du salaire pratiqué dans l'entreprise, et correspondant à sa qualification.
9. Pour condamner l'employeur à payer au salarié une somme à titre d'indemnité réparant le préjudice résultant d'une rémunération manifestement sans rapport avec les sujétions du forfait annuel en jours, l'arrêt retient que la convention individuelle de forfait en jours, qui ne définit pas précisément le nombre de journées travaillées pour l'ensemble des missions stipulées au contrat et dont les conditions de mise en oeuvre s'accompagnent à la fois d'une absence de mise en place d'élément de contrôle fiable de la durée de travail et d'une absence d'entretien annuel sur la charge de travail ou de tout dispositif permettant de s'assurer que cette charge reste raisonnable, était privée d'effet et que les conditions d'exécution de cette convention caractérisent une utilisation abusive de la convention individuelle de forfait en jours depuis février 2018.
10. Il ajoute que pour autant, et nonobstant l'absence de mise en place par l'employeur d'élément de quantification fiable de la charge de travail du salarié, dont il résulte des pièces qu'il produit qu'elle ne se limitait pas au nombre d'actes médicaux facturés, l'évaluation qu'il fait de son préjudice entre février 2018 et mai 2019 sur la base d'une durée contractuelle de cent quarante-cinq jours de travail, limitée aux seuls soins cliniques, ne permet pas non plus d'en évaluer précisément l'étendue. Il conclut que la cour dispose d'éléments suffisants pour fixer le montant de l'indemnité correspondant au préjudice subi par le salarié en raison d'une rémunération manifestement sans rapport avec les sujétions qui lui sont imposées eu égard notamment au niveau du salaire pratiqué dans l'entreprise, et correspondant à la qualification du salarié, à la somme de 4 896,45 euros.
11. En se déterminant ainsi, sans caractériser en quoi la rémunération que le salarié percevait était manifestement sans rapport avec les sujétions qui lui étaient imposées, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Portée et conséquences de la cassation
12. La cassation prononcée n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.
Soc. 27 mai 2025 n° 24-16.598
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 27 mai 2025
Rejet
Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 556 F-D
Pourvoi n° N 24-16.598
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 27 MAI 2025
La société Emerson Process Management, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° N 24-16.598 contre l'arrêt rendu le 18 avril 2024 par la cour d'appel de Rouen (chambre sociale et des affaires de sécurité sociale), dans le litige l'opposant à M. [Z] [C], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Laplume, conseiller référendaire, les observations écrites de Me Haas, avocat de la société Emerson Process Management, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [C], après débats en l'audience publique du 29 avril 2025 où étaient présentes Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Laplume, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 18 avril 2024), M. [C] a été engagé le 3 février 1997 par la société Fisher Rosemount, devenue la société Emerson Process Management. Il occupait en dernier lieu le poste d'ingénieur commercial.
2. Le salarié a été licencié le 4 mai 2021.
3. Le 2 août 2021, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes relatives à l'exécution et à la rupture du contrat de travail.
Examen des moyens
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur la requête en rectification d'une erreur matérielle affectant l'arrêt
5. L'employeur sollicite qu'il soit procédé, par la voie de la procédure prévue à l'article 462 du code de procédure civile, à la rectification du dispositif de l'arrêt déféré, en ce qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que la cour d'appel de Rouen a déclaré, dans les motifs de sa décision, sans objet la demande de l'employeur tendant à la condamnation du salarié au remboursement des jours de repos dont il avait bénéficié en application de la convention de forfait annuel en jours, sans qu'une mention de cette déclaration figure dans le dispositif de l'arrêt.
6. Cependant, n'a pas à figurer dans le dispositif d'une décision la réponse à ce qui ne constitue qu'un moyen de défense tendant à faire rejeter en tout ou partie la prétention de l'adversaire.
7. La cour d'appel ayant, ainsi qu'il le lui était demandé par l'employeur dans ses conclusions, tenu compte dans son appréciation de l'existence d'heures supplémentaires accomplies par le salarié des jours de RTT dont celui-ci avait bénéficié, a pu en déduire que la demande en remboursement de l'employeur était devenue sans objet sans être tenue d'en faire mention dans le dispositif de sa décision.
8. La requête, qui ne porte pas sur une erreur matérielle, sera rejetée.
Soc. 14 mai 2025 n° 24-14.598
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 14 mai 2025
Cassation
Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 509 F-D
Pourvoi n° P 24-14.598
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 MAI 2025
La société Astek Technology, société par action simplifiée à associé unique, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la Société Intitek For Industry, a formé le pourvoi n° P 24-14.598 contre l'arrêt rendu le 7 mars 2024 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant à M. [Y] [R], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Cavrois, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Astek Technology, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [R], après débats en l'audience publique du 2 avril 2025 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Cavrois, conseiller rapporteur, Mme Deltort, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 7 mars 2024), M. [R] a été engagé en qualité de consultant, statut cadre par la société Intitek ingénierie le 3 février 2015. Le contrat de travail stipulait que le salarié relevait de la modalité 2, prévue à l'article 3 chapitre II de l'accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail annexé à la convention collective nationale du personnel des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseil du 15 décembre 1987, dite Syntec.
2. Le contrat de travail a été transféré à la société Intitek For Industry aux droits de laquelle vient la société Astek Technology.
3. Après avoir demandé à l'employeur de régulariser sa rémunération, en application de la modalité 2 indiquée dans son contrat de travail, le salarié lui a, le 10 septembre 2018, adressé sa démission.
4. Le 10 mai 2019, il a saisi la juridiction prud'homale aux fins de faire juger que sa démission produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'obtenir paiement de rappels de salaire.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer diverses sommes à titre de rappel de salaire et de congés payés afférents, d'ordonner la remise de bulletins de paie rectifiés, de requalifier la démission en prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de le condamner au paiement de dommages-intérêts au titre de l'exécution fautive du contrat de travail et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « qu'aux termes de l'article 3 du chapitre II de l'accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail et annexé à la convention collective nationale Syntec, qui instaure une convention de forfait en heures sur une base hebdomadaire pour les salariés relevant des modalités de réalisation de missions (modalités 2), lesdites modalités s'appliquent aux salariés non concernés par les modalités standard ou les réalisations de missions avec autonomie complète et tous les ingénieurs et cadres sont a priori concernés, à condition que leur rémunération soit au moins égale au plafond de la sécurité sociale ; qu'il en résulte que seuls les cadres qui bénéficient d'une rémunération au moins égale au plafond de la sécurité sociale peuvent conclure une convention de forfait en heures relevant des modalités 2 et que le salarié ayant conclu une telle convention, sans percevoir une rémunération au moins égale au plafond de la sécurité sociale, peut invoquer la nullité ou l'inopposabilité de cette convention et prétendre à l'application des règles de droit commun de décompte et de rémunération du temps de travail ; qu'en revanche, il ne peut se prévaloir de la conclusion d'une convention de forfait en heures relevant des modalités 2 pour réclamer le paiement d'un salaire égal au plafond de la sécurité sociale, l'accord de branche du 22 juin 1999 ne faisant pas obligation à l'employeur d'assurer aux salariés avec lesquels il conclut un convention de forfait en jours un tel niveau de rémunération ; qu'en jugeant au contraire, que "le salarié qui s'est vu soumettre à cette convention, quoique ne remplissant pas une des conditions, a le choix soit de solliciter la nullité ou l'inopposabilité de ladite convention, soit d'obtenir lorsque cela est possible la mise en conformité de celle-ci aux conditions légales et conventionnelles, l'article 1221 du code civil permettant en principe au créancier d'une obligation de réclamer à son cocontractant son exécution en nature", pour en déduire qu' "en présence d'une convention de forfait en heures modalité 2 devant recevoir application et produire tous ses effets, l'employeur étant tenu de respecter l'accord collectif étendu, M. [R] est fondé à obtenir un rappel de salaire correspondant a minima au plafond de la sécurité social", la cour d'appel a violé l'accord collectif précité, ensemble, par fausse application, l'article 1221 du code civil et l'article L. 2254-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 3 chapitre II de l'accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail annexé à la convention collective nationale du personnel des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, dite Syntec :
6. Selon ce texte qui instaure une convention de forfait en heures sur une base hebdomadaire pour les salariés relevant des modalités de réalisation de missions, lesdites modalités s'appliquent aux salariés non concernés par les modalités standard ou les réalisations de missions avec autonomie complète, et tous les ingénieurs et cadres sont a priori concernés, à condition que leur rémunération soit au moins égale au plafond de la sécurité sociale.
7. Pour condamner l'employeur au paiement d'un rappel de salaire et des congés payés afférents, l'arrêt retient, d'abord que le salarié qui s'est vu soumettre à cette convention, quoique ne remplissant pas une des conditions, a le choix soit de solliciter la nullité ou l'inopposabilité de ladite convention, soit d'obtenir lorsque cela est possible la mise en conformité de celle-ci aux conditions légales et conventionnelles, l'article 1221 du code civil permettant en principe au créancier d'une obligation de réclamer à son cocontractant son exécution en nature.
8. Il ajoute que pour s'opposer à la demande de rappel de salaire formulée par le salarié, l'employeur développe des moyens inopérants et contradictoires avec sa demande de voir déclarer valable la convention de forfait en heures figurant au dispositif de ses conclusions en soutenant que le salarié ne pourrait solliciter que des heures supplémentaires au-delà de la durée légale de 35 heures pour lesquelles il ne fournit aucun élément.
9. Il relève encore que les deux parties s'accordent à tout le moins dans le dispositif des conclusions sur la validité de la convention de forfait en heures et que l'employeur n'est pas recevable à se prévaloir d'une nullité de celle-ci non demandée par le salarié.
10. Il en conclut que dans ces circonstances, en présence d'une convention de forfait en heures modalité 2 devant recevoir application et produire tous ses effets, l'employeur est tenu de respecter l'accord collectif étendu et le salarié est fondé à obtenir un rappel de salaire correspondant a minima au plafond de la sécurité sociale.
11. En statuant ainsi, alors que si le salarié qui ne bénéficie pas d'une rémunération au moins égale au plafond de la sécurité sociale ne peut être valablement soumis à une convention de forfait en heures, l'accord de branche du 22 juin 1999 ne fait pas obligation à l'employeur d'assurer à ce salarié un tel niveau de rémunération, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
12. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée entraîne la cassation, par voie de conséquence, des chefs de dispositif requalifiant la démission en prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamnant l'employeur au paiement de sommes au titre de la rupture du contrat, ainsi qu'au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
Soc. 14 mai 2025 n° 24-16.578
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 14 mai 2025
Cassation partielle
Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 510 F-D
Pourvoi n° R 24-16.578
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 MAI 2025
M. [E] [Y], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 24-16.578 contre l'arrêt rendu le 17 avril 2024 par la cour d'appel de Reims (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Petit Bateau, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La société Petit Bateau a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Cavrois, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [Y], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Petit Bateau, après débats en l'audience publique du 2 avril 2025 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Cavrois, conseiller rapporteur, Mme Deltort, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 17 avril 2024), M. [Y], engagé en qualité de directeur strategic supply chain, puis de directeur planning et approvisionnements, depuis le 25 mars 2019 par la société Petit Bateau, a été licencié le 20 janvier 2021.
2. Le 27 mai 2021, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes relatives à l'exécution et la rupture du contrat de travail.
Examen des moyens
Sur les premier, deuxième et troisième moyens du pourvoi incident de l'employeur et sur le premier moyen pourvoi du principal du salarié, pris en sa première branche
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes relatives aux heures supplémentaires et congés payés afférents et, en conséquence, de fixer à 7 032,54 euros son salaire brut mensuel moyen, de le débouter de sa demande relative au reliquat d'indemnité de licenciement, de condamner l'employeur à lui payer diverses sommes au titre du dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires pour 2019 et 2020, et à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de le condamner à rembourser à la société une certaine somme au titre des salaires indûment payés, alors « que si la convention de forfait en jours est nulle, le salarié peut réclamer le paiement des heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale du travail en basant sa demande chiffrée sur son salaire de base réel rappelé sur sa fiche de paie, sans que l'employeur ne soit fondé à demander que la rémunération soit fixée sur la base du salaire minimum conventionnel ; que le versement d'un salaire supérieur au salaire minimum conventionnel ne peut en aucun cas tenir lieu de règlement des heures supplémentaires ; qu'en l'espèce, pour débouter M. [Y] de ses demandes relatives aux heures supplémentaires et congés payés afférents, la cour a relevé d'abord qu'il ne pouvait évaluer son salaire horaire à partir de son salaire de base qui était forfaitaire et comprenait déjà des heures supplémentaires, ensuite que sur la base du salaire minimum conventionnel, il aurait dû percevoir, sur la période litigieuse, en tenant compte de ses heures supplémentaires, une rémunération inférieure à celle qu'il avait perçue au titre des salaires forfaitaire de base incluant les heures supplémentaires, sans qu'il ne soit démontré qu'un salaire supérieur aurait été servi au salarié, qui avait un an d'ancienneté dans la fonction, en cas de rémunération sur une base de 35 heures hebdomadaires ; qu'en se déterminant de la sorte alors qu'elle avait pourtant annulé sa convention de forfait en jours et retenu l'existence de 1 885 heures supplémentaires au vu des décomptes précis qu'il avait produits, sans que l'employeur ne justifie du nombre d'heures de travail accomplies, ce dont il résultait que ce salarié pouvait prétendre à ce que les heures accomplies au-delà de la durée légale du travail soient considérées comme des heures supplémentaires et rémunérées comme telles, avec une majoration, en tenant compte de son salaire de base réel mentionné sur sa fiche de paie, la cour d'appel, qui a refusé de prendre en considération le salaire de base réel du salarié pour fixer la créance salariale au titre des heures supplémentaires accomplies par ce dernier, a violé les articles L. 3121-28 et L. 3171-4 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 3121-28 et L. 3171-4 du code du travail :
5. Aux termes du premier de ces textes, toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent.
6. Selon le second, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
7. Il résulte de ces textes que le salarié, qui a été soumis à tort à un forfait annuel en jours, peut prétendre au paiement d'heures supplémentaires dont le juge doit vérifier l'existence et le nombre conformément aux dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail et que le versement d'un salaire supérieur au minimum conventionnel ne peut tenir lieu de règlement des heures supplémentaires. 8. Pour fixer le salaire brut mensuel moyen à une certaine somme, débouter le salarié de ses demandes au titre des heures supplémentaires outre congés payés afférents et d'un reliquat d'indemnité de licenciement, pour limiter la condamnation de l'employeur à certaines sommes au titre du dépassement du contingent d'heures supplémentaires pour 2019 et 2020, au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour condamner le salarié à rembourser une somme au titre des salaires indûment payés, l'arrêt, après avoir relevé que la convention de forfait en jours était nulle et que le salarié présentait des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétendait avoir accomplies, retient que le salarié ne peut évaluer son salaire horaire à partir de son salaire de base lequel est forfaitaire et comprend déjà les heures supplémentaires comme l'indique l'article 6 de l'annexe IV de la convention collective des industries textiles, relative aux ingénieurs et cadres. Il ajoute que sur la base d'un salaire minimal conventionnel mensuel brut de 3 474 euros, comme stipulé dans l'accord du 29 mars 2018, que l'employeur admet être en réalité de 3 479 euros, le salarié aurait dû percevoir, sur la période litigieuse, un total de 135 206,02 euros y compris les heures supplémentaires (73 681,84 euros de salaire de base + 61 344,18 euros d'heures supplémentaires), alors qu'il a perçu au total la somme de 159 286 euros au titre des salaires forfaitaires de base incluant les heures supplémentaires. Il relève encore qu'il n'est pas démontré qu'un salaire supérieur aurait été servi au salarié, qui avait un an d'ancienneté dans la fonction, en cas de rémunération sur la base de 35 heures hebdomadaire. Il en déduit que la demande en paiement d'heures supplémentaires n'est pas fondée.
9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Soc. 14 mai 2025 n° 24-12.508
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 14 mai 2025
Cassation partielle
Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 515 F-D
Pourvoi n° S 24-12.508
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 MAI 2025
M. [P] [X], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 24-12.508 contre l'arrêt rendu le 2 février 2024 par la cour d'appel de Bourges (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Stokomani, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Le Quellec, conseiller, les observations écrites de la SAS Boucard-Capron-Maman, avocat de M. [X], de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société Stokomani, après débats en l'audience publique du 2 avril 2025 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Le Quellec, conseiller rapporteur, M. Flores, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bourges, 2 février 2024), M. [X] a été engagé en qualité de responsable adjoint de magasin par la société Stokomani, suivant contrat à durée indéterminée du 20 mars 2006.
2. En dernier lieu, le salarié occupait le poste de directeur régional et était soumis à une convention de forfait en jours.
3. Il a saisi la juridiction prud'homale le 28 avril 2022 de demandes tendant à la nullité de la convention de forfait en jours ainsi qu'à la résiliation de son contrat de travail et au paiement de diverses sommes.
4. Par lettre du 27 mai 2022, il a pris acte de la rupture de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes tendant à la condamnation de l'employeur au paiement de diverses sommes à titre de rappel de salaire, de la contrepartie obligatoire en repos et des congés payés afférents, à ce qu'il soit jugé que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, au paiement de diverses sommes à titre d'indemnité de licenciement, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et à lui remettre, sous astreinte, une attestation Pôle emploi conforme, alors :
« 1°/ qu'il résulte des dispositions des articles L. 3171-2, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments et que le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences posées par les dispositions des articles L. 3171-2 et L. 3171-3 du code du travail, qui imposent à l'employeur, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, d'établir les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés, et de tenir à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié ; qu'en conséquence, le juge, s'il a estimé que le salarié a présenté des éléments suffisamment précis quant aux heures de travail non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments, ne peut se fonder, pour débouter le salarié de sa demande ou limiter le montant du rappel de salaires qu'il alloue au salarié, sur l'insuffisance des éléments présentés par le salarié ou sur les incohérences entachant ces éléments et faire ainsi peser la charge de la preuve sur le seul salarié, mais doit caractériser que les éléments de contrôle de la durée du travail du salarié produits par l'employeur apportent la preuve de la durée du travail du salarié ; qu'en énonçant, par conséquent, pour retenir que M. [P] [X] n'avait pas effectué les heures supplémentaires qu'il invoquait, après avoir estimé que M. [P] [X] avait présenté des éléments suffisamment précis à l'appui de sa demande, que la société Stokomani versait aux débats les comptes-rendus des entretiens annuels d'évaluation du salarié pour les années 2019, 2020 et 2021, dans lesquels il était mentionné qu'il estimait avoir réussi à trouver un juste équilibre entre vie privée et professionnelle et reconnaissait, en 2019, qu'il perdait ''du temps sur des choses inutiles'', en 2020, que les moyens qui lui étaient donnés pour gérer son activité quotidienne étaient adaptés à celle-ci, qu'en 2021, il avait indiqué à son manager qu'il devait améliorer son organisation, que ce manager lui avait dit que ''la vie privée est importante, donc tu dois adapter ton temps et être efficace en semaine pour ne pas te faire polluer par des tâches pro le WE (?) ne pas attendre le dernier moment pour faire les tâches'', que ces éléments contredisaient les allégations de M. [P] [X], que l'accord collectif en date du 15 septembre 2016 prévoyait en outre un droit à la déconnexion du salarié en vue de s'assurer de ses temps de repos et de congés, en indiquant qu'il n'était pas tenu de consulter sa boîte mail ou répondre au téléphone après 19 heures 30 et avant 8 heures, que M. [P] [X] n'alléguait, ni a fortiori ne démontrait, que les heures de travail invoquées étaient rendues nécessaires par la nature des tâches qui lui étaient confiées, et, en particulier, pour quelle raison l'employeur lui demandait d'être présent à son poste dès 7 heures, soit bien avant l'ouverture des magasins situés dans sa région, que les messages électroniques produits étaient très brefs, que M. [P] [X], qui avait reconnu qu'il devait mieux s'organiser durant la semaine, n'expliquait pas non plus ce qui imposait qu'il les consulte ou les envoie le week-end et que M. [P] [X] ayant été soumis à une convention de forfait en jours qu'elle pensait valide, il ne pouvait être fait le reproche à la société Stokomani de ne pas avoir contrôlé les heures de travail effectivement réalisées par son salarié, quand elle relevait que la société Stokomani ne fournissait pas d'élément précis lui permettant de justifier les horaires qui, selon elle, auraient réellement été appliqués à M. [P] [X], et, donc, ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail de [M. [V] [Y]], quand, dès lors, les circonstances sur lesquelles elle a fondé sa décision étaient inopérantes et quand, en conséquence, elle a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 3171-2, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail ;
2°/ que l'employeur a l'obligation de mettre en place un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur ; que, par ailleurs, il résulte des dispositions des articles L. 3171-2, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments et que le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences posées par les dispositions des articles L. 3171-2 et L. 3171-3 du code du travail, qui imposent à l'employeur, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, d'établir les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés, et de tenir à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié ; que, dans ces conditions, le juge ne peut, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, après avoir estimé que le salarié avait présenté des éléments suffisamment précis quant aux heures qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments, se fonder, pour rejeter la demande du salarié, que sur des éléments de preuve produits par l'employeur précis quant au temps de travail du salarié pendant la période en cause; qu'en énonçant, par conséquent, pour retenir que M. [P] [X] n'avait pas effectué les heures supplémentaires qu'il invoquait, après avoir estimé que M. [P] [X] avait présenté des éléments suffisamment précis à l'appui de sa demande, que la société Stokomani versait aux débats les comptes-rendus des entretiens annuels d'évaluation du salarié pour les années 2019, 2020 et 2021, dans lesquels il était mentionné qu'il estimait avoir réussi à trouver un juste équilibre entre vie privée et professionnelle et reconnaissait, en 2019, qu'il perdait ''du temps sur des choses inutiles'', en 2020, que les moyens qui lui étaient donnés pour gérer son activité quotidienne étaient adaptés à celle-ci, qu'en 2021, il avait indiqué à son manager qu'il devait améliorer son organisation, que ce manager lui avait dit que ''la vie privée est importante, donc tu dois adapter ton temps et être efficace en semaine pour ne pas te faire polluer par des tâches pro le WE (?) ne pas attendre le dernier moment pour faire les tâches'', que ces éléments contredisaient les allégations de M. [P] [X], que l'accord collectif en date du 15 septembre 2016 prévoyait en outre un droit à la déconnexion du salarié en vue de s'assurer de ses temps de repos et de congés, en indiquant qu'il n'était pas tenu de consulter sa boîte mail ou répondre au téléphone après 19 heures 30 et avant 8 heures, que M. [P] [X] n'alléguait, ni a fortiori ne démontrait, que les heures de travail invoquées étaient rendues nécessaires par la nature des tâches qui lui étaient confiées, [que les heures de travail invoquées étaient rendues nécessaires par la nature des tâches qui lui étaient confiées], et, en particulier, pour quelle raison l'employeur lui demandait d'être présent à son poste dès 7 heures, soit bien avant l'ouverture des magasins situés dans sa région, que les messages électroniques produits étaient très brefs, que M. [P] [X], qui avait reconnu qu'il devait mieux s'organiser durant la semaine, n'expliquait pas non plus ce qui imposait qu'il les consulte ou les envoie le week-end et que M. [P] [X] ayant été soumis à une convention de forfait en jours qu'elle pensait valide, il ne pouvait être fait le reproche à la société Stokomani de ne pas avoir contrôlé les heures de travail effectivement réalisées par son salarié, quand ces éléments étaient imprécis quant au temps de travail de M. [P] [X] et quand elle relevait elle-même que la société Stokomani ne fournissait pas d'élément précis lui permettant de justifier les horaires qui, selon elle, auraient réellement été appliqués à M. [P] [X], la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 3171-2, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :
6. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, l'employeur tient à la disposition de l'agent de contrôle de l'inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
7. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
8. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
9. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, l'arrêt, après avoir jugé que la convention individuelle de forfait en jours était nulle, retient que l'intéressé présente des éléments suffisamment précis à l'appui de sa demande.
10. L'arrêt relève, ensuite, que l'employeur verse aux débats les compte-rendus des entretiens annuels d'évaluation du salarié pour les années 2019, 2020 et 2021, dans lesquels il est mentionné qu'il estime avoir réussi à trouver un juste équilibre entre vie privée et vie professionnelle, et reconnaît en 2019, qu'il perd « du temps sur des choses inutiles » en 2020, que les moyens qui lui sont donnés pour gérer son activité quotidienne sont adaptés à celle-ci, qu'en 2021, il a indiqué à son manager qu'il devait améliorer son organisation, celui-ci lui répondant : « la vie privée est importante donc tu dois adapter ton temps et être efficace en semaine pour ne pas te faire polluer par des tâches pro le WE,(...) Ne pas attendre le dernier moment pour faire les tâches ».
11. L'arrêt retient que ces éléments contredisent les allégations du salarié.
12. L'arrêt constate que l'accord collectif prévoit en outre un droit à la déconnexion du salarié en vue de s'assurer de ses temps de repos et de congés, en indiquant qu'il ne sera pas tenu de consulter sa boîte mail ou répondre au téléphone après 19h30 et avant 8h.
13. L'arrêt relève que le salarié n'allègue pas, ni a fortiori ne démontre, que les heures de travail alléguées étaient rendues nécessaires par la nature des tâches qui lui étaient confiées, en particulier pour quelle raison l'employeur lui demandait d'être présent à son poste dès 7h, soit bien avant l'ouverture des magasins situés dans sa région. Il relève, encore, que les mails produits sont très brefs et que le salarié, qui a reconnu qu'il devait mieux s'organiser durant la semaine, n'explique pas non plus ce qui imposait qu'il les consulte ou les envoie le week-end, que, par ailleurs, les deux témoignages versés aux débats par le salarié sont rédigés en des termes strictement identiques si bien qu'il sont dénués de valeur probante.
14. L'arrêt retient que l'employeur ne fournit certes pas d 'éléments précis lui permettant de justifier les horaires qui, selon lui, auraient réellement été appliqués par le salarié mais que celui-ci ayant été soumis à une convention de forfait en jours qu'il pensait valide, il ne peut lui être fait le reproche de ne pas avoir contrôlé les heures de travail effectivement réalisées par son salarié.
15. L'arrêt en conclut que, au vu des éléments produits de part et d'autre, sans qu'il soit besoin d'une mesure d'instruction, le salarié n'a pas effectué les heures supplémentaires qu'il met en avant.
16. En statuant ainsi, par des motifs inopérants tirés de l'autonomie du salarié dans l'organisation de son emploi du temps, des propos tenus par ce dernier lors des entretiens annuels et de ce que l'employeur pensait que la convention de forfait annuel en jours était valide, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
17. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt se rapportant à la demande en paiement de sommes au titre des heures supplémentaires, des congés payés afférents, entraîne la cassation du chef de dispositif se rapportant à la demande en paiement de l'indemnité pour travail dissimulé qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
Soc. 14 mai 2025 n° 23-23.901
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 14 mai 2025
Cassation partielle
Mme CAPITAINE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 496 F-D
Pourvoi n° E 23-23.901
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 MAI 2025
Mme [K] [G], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 23-23.901 contre l'arrêt rendu le 8 septembre 2023 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-2), dans le litige l'opposant à la société Amcor flexibles capsules France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Leperchey, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de Mme [G], de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de la société Amcor flexibles capsules France, après débats en l'audience publique du 1er avril 2025 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Leperchey, conseiller référendaire rapporteur, Mme Degouys, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 8 septembre 2023), Mme [G] a été engagée en qualité de « sales executive », le 6 septembre 2012, par la société Amcor flexibles capsules France.
2. Après avoir saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, la salariée a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 3 mai 2018.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
3. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, alors « que, dans le cadre de l'obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé physique et mentale et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, dont il doit assurer l'effectivité, l'employeur doit faciliter l'accès des salariés aux services de prévention et de santé au travail ; que parmi les manquements de l'employeur ayant causé une dégradation de son état de santé, la salariée invoquait le refus de celui-ci, malgré une demande de l'inspection du travail, de la rattacher à un médecin du travail proche de son domicile, bien que, en arrêt de travail, elle ne soit pas physiquement en état de parcourir 600 kilomètres pour se rendre au service de médecine du travail de Libourne, et qu'il avait fallu une ordonnance du bureau de conciliation du conseil de prud'hommes, lui enjoignant de donner une réponse motivée à la demande de rattachement auprès d'un médecin de travail de Martigues, pour que l'employeur s'exécute ; que la cour d'appel a, par ailleurs, constaté que, depuis son embauche en septembre 2012, la salariée avait toujours travaillé à son domicile, à Martigues ; qu'en se bornant à relever qu'elle justifiait d'un courrier d'alerte adressé au CHSCT fin octobre 2017 concernant ses conditions de travail alors qu'elle était en arrêt de travail depuis le 3 janvier 2017 pour en déduire qu'il ne pouvait être reproché à l'employeur, à ce stade, de ne pas avoir pris de mesure de nature à préserver la santé physique et mentale, sans examiner la réalité ni la portée du refus de l'employeur de rattacher la salariée, précisément en arrêt de travail depuis plusieurs mois, à un médecin du travail proche du domicile qui était également son lieu de travail, elle a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 4121-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 4121-1 du code du travail :
4. Il résulte de ce texte que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité envers les salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Il ne méconnaît pas cette obligation légale s'il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.
5. Pour rejeter la demande de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, l'arrêt énonce que la salariée dit avoir subi une dégradation de son état de santé en raison de divers manquements de l'employeur liés à des conditions de travail en home office non mises en place, au non-respect, durant plusieurs années, de la réglementation relative au forfait en jours, à une surcharge de travail liée au changement de méthode de management et à une augmentation de sa zone de chalandage, au refus de l'employeur de la rattacher à un service de santé du travail proche de son domicile, au comportement abusif de ses supérieurs hiérarchiques, à l'absence totale de formations et à l'absence d'évaluation pour l'année 2016-2017.
6. L'arrêt relève ensuite que la salariée justifie d'un courrier d'alerte au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail du mois d'octobre 2017, alors même qu'elle était arrêtée depuis le 3 janvier 2017.
7. La cour d'appel en a déduit qu'il ne pouvait être reproché à l'employeur de ne pas avoir pris à ce stade de mesure de nature à préserver la santé mentale et physique de la salariée.
8. En se déterminant ainsi, sans examiner la réalité du refus de l'employeur de rattacher la salariée, en arrêt de travail depuis plusieurs mois, à un service de santé au travail proche de son domicile, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
9. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement discriminatoire, alors « qu'en cas de litige, le salarié concerné présente des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement discriminatoire, qu'il appartient au juge d'apprécier dans leur ensemble la totalité des éléments de fait fondant la demande au titre du harcèlement discriminatoire, et qu'il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ses agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que la salariée invoquait un harcèlement discriminatoire en raison de son genre s'étant manifesté, non seulement par le refus de l'employeur de lui reconnaître le statut de télétravailleur, l'illicéité de la convention de forfait en jours, le défaut de paiement des heures supplémentaires, le non-respect des obligations de formation et d'évaluation, l'absence de contrepartie financière à l'obligation de non-concurrence, le défaut d'évolution salariale et le manquement à l'obligation de sécurité, mais, en outre, par les modifications intervenues dans ses conditions de travail après son retour de congé de maternité, à savoir des remarques injustifiées sur ses compétences ou son travail de la part de ses supérieurs hiérarchiques et une augmentation de sa charge de travail due à l'extension au Mexique et à la Russie de son secteur géographique de chalandise, auparavant limité à l'Europe, à l'exigence nouvelle d'un minimum de quatre visites par semaine et à l'obligation d'utiliser un nouveau logiciel demandant un travail accru de reporting par la saisie de toute action sur un outil centralisé ; qu'en examinant chacun de ces éléments de manière séparée sans rechercher si, pris dans leur ensemble, ils ne laissaient pas supposer l'existence d'un harcèlement moral discriminatoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1, L. 1132-4, L. 1152-1, L. 1152-3 et L. 1154-1 du code du travail, ensemble l'article 1er de la loi du 27 mai 2008. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail :
10. Il résulte de ces textes que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié présente des éléments de fait qui laissent supposer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.
11. Pour rejeter la demande de dommages-intérêts pour harcèlement discriminatoire, l'arrêt constate d'abord que la salariée dénonce des agissements de son employeur résultant du refus de la reconnaissance de son statut de télétravailleur, de conditions de travail discriminatoires, du non-respect de la durée du travail, du non-respect de l'évolution salariale, du non-respect de l'obligation de sécurité, du défaut de formation et d'évaluation et de l'absence de versement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence.
12. L'arrêt relève ensuite que le refus de reconnaissance du statut de télétravailleur de la salariée n'est pas discriminatoire, que la salariée n'établit pas une modification de ses conditions de travail ou des remarques injustifiées en rapport avec son genre et ne justifie pas d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, mais que la réalisation d'heures supplémentaires a été retenue, que l'absence d'entretiens annuels est établie et que l'absence de versement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence n'est pas discutée.
13. L'arrêt retient enfin que la salariée n'établit pas la matérialité de faits précis et concordants qui, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral discriminatoire.
14. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait la matérialité de faits précis et qu'il lui appartenait d'apprécier si ceux-ci, pris dans leur ensemble, permettaient de présumer l'existence d'un harcèlement moral discriminatoire, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
15. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande tendant à ce que son licenciement soit déclaré nul et de ses demandes de dommages-intérêts pour nullité du licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis et de paiement d'une somme au titre de la contrepartie financière de l'obligation de non-concurrence, alors « qu'est entaché de nullité le licenciement prononcé pour inaptitude et impossibilité de reclassement lorsque la dégradation de l'état de santé du salarié est consécutive au harcèlement discriminatoire qu'il a subi ; qu'en l'espèce, faute d'avoir admis l'existence du harcèlement discriminatoire subi par la salariée, la cour d'appel a omis d'examiner l'éventuel lien de causalité entre ce harcèlement et l'inaptitude constatée par le médecin du travail ; que la cassation à intervenir sur la base du deuxième moyen entraîne dès lors l'annulation par voie de conséquence des dispositions de l'arrêt rejetant la demande en nullité du licenciement, en application des articles 624 et 625 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 624 du code de procédure civile :
16. Aux termes de ce texte, la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce. Elle s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.
17. La cassation prononcée sur le deuxième moyen entraîne la cassation des dispositions de l'arrêt rejetant la demande de nullité du licenciement, la demande de dommages-intérêts pour nullité du licenciement et la demande d'indemnité compensatrice de préavis mais n'est pas susceptible d'atteindre la demande de paiement d'une somme au titre de la contrepartie financière de l'obligation de non-concurrence.
Soc. 6 mai 2025 n° 23-21.832
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 6 mai 2025
Cassation partielle
M. BARINCOU, conseiller le plus ancien faisant fonction de président
Arrêt n° 424 F-D
Pourvoi n° F 23-21.832
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 MAI 2025
M. [S] [V], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° F 23-21.832 contre l'arrêt rendu le 27 février 2023 par la cour d'appel de Basse-Terre (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Nestlé France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Barincou, conseiller, les observations écrites de la SCP Françoise Fabiani-François Pinatel, avocat de M. [V], de la SAS Boucard-Capron-Maman, avocat de la société Nestlé France, après débats en l'audience publique du 25 mars 2025 où étaient présents M. Barincou, conseiller le plus ancien faisant fonction de président et rapporteur, Mme Brinet, conseiller, Mme Prieur, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 27 février 2023), M. [V] a été engagé en qualité de responsable de secteur, le 11 octobre 1993, par la société Nestlé France (la société). Au dernier état de la relation de travail, il exerçait les fonctions de responsable régional des ventes Antilles-Guyane.
2. Il a été licencié pour faute grave le 23 juin 2016.
3. Contestant le bien-fondé de son licenciement, le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir le paiement de diverses sommes en lien avec l'exécution et la rupture de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire qu'il était lié à la société Nestlé par un forfait annuel en jours et de le débouter en conséquence de ses demandes de condamnation à lui verser diverses sommes au titre des heures supplémentaires, des congés payés afférents et de l'article 700 du code de procédure civile, alors « qu'aux termes de l'article L. 3121-39, devenu L. 3121-63, du code du travail, l'application à un salarié d'une clause de forfait annuel en jours est subordonnée à l'existence de dispositions conventionnelles l'autorisant ; que ces dispositions nécessairement préalables à la signature de la clause contractuelle doivent respecter les impératifs de protection de la santé, de la sécurité et du droit au repos et permettre notamment d'assurer un suivi réel et régulier de la charge de travail du salarié ; qu'en l'espèce, la société Nestlé avait, par un avenant du 19 avril 2013 adapté et révisé l'accord collectif du 21 décembre 1999 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail au vu des récentes évolutions jurisprudentielles ; qu'en concluant, au regard des dispositions de cet avenant, que la convention de forfait de M. [V] était régulière, quand il ressortait de ses propres constatations que la clause avait été prévue contractuellement avant la signature dudit avenant de sorte que sa régularité ne pouvait être appréciée au regard de dispositions conventionnelles postérieures, la cour d'appel a d'ores et déjà violé l'article susvisé. »
Réponse de la Cour
Vu l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article L. 3121-39 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, interprété à la lumière des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne :
6. Le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles.
7. Il résulte des articles susvisés de la directive de l'Union européenne que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur.
8. Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.
9. A défaut de soumettre au salarié une nouvelle convention de forfait en jours postérieurement à la date de l'entrée en vigueur de l'avenant à un accord collectif, l'employeur ne peut se prévaloir des dispositions de ce texte postérieurement à cette date, en sorte que la convention de forfait en jours du salarié, fondée sur les dispositions conventionnelles antérieures à cet avenant, est nulle.
10. Pour débouter le salarié de ses demandes en paiement d'heures supplémentaires, l'arrêt relève, d'une part, que le salarié était soumis à une convention individuelle de forfait en jours, signée le 20 mars 2013, en sus d'un accord collectif conclu en 1999, d'autre part, que cet accord collectif a été révisé par un avenant du 19 avril 2013 qui respecte toutes les dispositions légales édictées par la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016.
11. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que la convention de forfait en jours invoquée était antérieure à la date de l'accord collectif applicable dans l'entreprise, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Civ.2 30 avril 2025 n° 23-19.730
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
AF1
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 30 avril 2025
Cassation
Mme DURIN-KARSENTY, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 371 F-D
Pourvoi n° W 23-19.730
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 AVRIL 2025
La société TIB company interior, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° W 23-19.730 contre l'arrêt rendu le 2 mai 2023 par la cour d'appel de Rennes (8e chambre prud homale), dans le litige l'opposant à Mme [I] [G], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Techer, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société TIB company interior, de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de Mme [G], et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 mars 2025 où étaient présentes Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Techer, conseiller référendaire rapporteur, Mme Grandemange, conseiller, et Mme Sara, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 2 mai 2023), la société TIB Company Interior (l'employeur) a, par déclaration du 29 septembre 2020, relevé appel du jugement d'un conseil de prud'hommes ayant requalifié la rupture du contrat de travail conclu avec Mme [G] (la salariée) en licenciement nul, jugé la convention de forfait en jours inopposable à la salariée, alloué à cette dernière diverses sommes de natures indemnitaire et salariale, ordonné la remise de documents sociaux et fixé le salaire mensuel moyen de référence.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
2. L'employeur fait grief à l'arrêt de constater l'absence d'effet dévolutif de l'appel et que la cour d'appel n'était saisie d'aucune demande, alors « qu'une déclaration d'appel, à laquelle est jointe une annexe comportant les chefs de dispositif du jugement critiqués, constitue l'acte d'appel conforme aux exigences de l'article 901 du code de procédure civile, dans sa nouvelle rédaction issue du décret du 25 février 2022, même en l'absence d'empêchement technique ; que si l'arrêté du 25 février 2022 ayant modifié celui du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile dispose que Lorsqu'un document doit être joint à un acte, ledit acte renvoie expressément à ce document , cette exigence, non prévue par l'article 901 du code de procédure civile, n'est assortie d'aucune sanction ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que la déclaration d'appel de la société Tib Company Interior du 29 septembre 2020, qui mentionnait uniquement que l'objet de l'appel était un : Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués , comportait une annexe énonçant les chefs de jugement critiqué ; qu'en jugeant que l'absence de renvoi exprès à cette annexe dans la déclaration d'appel privait l'acte d'appel d'effet dévolutif, la cour d'appel a violé les articles 562 et 901 du code de procédure civile, ensemble l'article 4 de l'arrêté du 20 mai 2020 modifié par l'arrêté du 25 février 2022. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 901 du code de procédure civile, dans sa version issue du décret n° 2022-245 du 25 février 2022, les articles 748-1, 748-6, 930-1, alinéas 1 et 5, du code de procédure civile et l'article 4 de l'arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d'appel, modifié par l'article 2 de l'arrêté du 25 février 2022 :
3. Selon le deuxième de ces textes, la déclaration d'appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l'article 54 et par le cinquième alinéa de l'article 57, et à peine de nullité : 1° La constitution de l'avocat de l'appelant ; 2° L'indication de la décision attaquée ; 3° L'indication de la cour devant laquelle l'appel est porté ; 4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible. Elle est signée par l'avocat constitué. Elle est accompagnée d'une copie de la décision. Elle est remise au greffe et vaut demande d'inscription au rôle.
4. Selon le troisième, les envois, remises et notifications des actes de procédure, des pièces, avis, avertissements ou convocations, des rapports, des procès-verbaux ainsi que des copies et expéditions revêtues de la formule exécutoire des décisions juridictionnelles peuvent être effectués par voie électronique dans les conditions et selon les modalités fixées par le titre XXI du livre 1er du code de procédure civile, sans préjudice des dispositions spéciales imposant l'usage de ce mode de communication.
5. Il résulte du quatrième que les procédés techniques utilisés doivent garantir, dans des conditions fixées par arrêté du garde des Sceaux, ministre de la justice, la fiabilité de l'identification des parties à la communication électronique, l'intégrité des documents adressés, la sécurité et la confidentialité des échanges, la conservation des transmissions opérées et permettre d'établir de manière certaine la date d'envoi et, celle de la mise à disposition ou celle de la réception par le destinataire. Vaut signature, pour l'application des dispositions du code de procédure civile aux actes que les parties, le ministère public ou les auxiliaires de justice assistant ou représentant les parties notifient ou remettent à l'occasion des procédures suivies devant les juridictions des premier et second degrés, l'identification réalisée, lors de la transmission par voie électronique, selon les modalités prévues au premier alinéa.
6. En matière de procédure avec représentation obligatoire, selon le cinquième, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique. Un arrêté du garde des Sceaux définit les modalités des échanges par voie électronique.
7. Il résulte du dernier que, lorsqu'un document doit être joint à un acte, ledit acte renvoie expressément à ce document. Ce document est communiqué sous la forme d'un fichier séparé du fichier visé à l'article 3. Ce document est un fichier au format PDF, produit soit au moyen d'un dispositif de numérisation par scanner si le document à communiquer est établi sur support papier, soit par enregistrement direct au format PDF au moyen de l'outil informatique utilisé pour créer et conserver le document original sous forme numérique.
8. Il en découle que, si en application de l'article 4 de l'arrêté précité, lorsqu'un document doit être joint à l'acte, ledit acte renvoie expressément à ce document, une telle prescription est propre aux dispositions relatives aux procédés techniques utilisés en matière de communication électronique et ne constitue pas une formalité substantielle ou d'ordre public, au sens de l'article 114 du code de procédure civile, dont l'inobservation affecterait l'acte en lui-même.
9. Aussi, la circonstance que la déclaration d'appel ne renvoie pas expressément à une annexe comportant les chefs de jugement critiqués ne peut donner lieu à nullité de l'acte en application de l'article 114 précité.
10. Pour constater l'absence d'effet dévolutif de l'appel, l'arrêt relève que la déclaration d'appel du 29 septembre 2020, qui ne contient aucun renvoi à une quelconque annexe ou note jointe, mentionne que l'objet de l'appel est un « Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués ». Il retient que l'annexe jointe à la déclaration, non expressément visée dans la déclaration d'appel, ne saurait prévaloir sur l'acte d'appel qui doit se suffire à lui-même. Il ajoute que le vice de forme affectant les actes d'appel n'ayant pas été rectifié par une nouvelle déclaration d'appel dans le délai imparti à l'employeur pour conclure au fond conformément à l'article 910-4, alinéa 1er, du code de procédure civile et ne pouvant plus être régularisé à ce jour, la cour d'appel n'est saisie d'aucun litige ni d'aucune demande, ni à titre principal ni à titre incident.
11. En statuant ainsi, alors que le document annexé à la déclaration d'appel, qui mentionnait qu'il était fait appel du jugement en ce que celui-ci requalifiait la rupture du contrat de travail en licenciement nul, jugeait la convention de forfait en jours inopposable à la salariée, allouait à cette dernière diverses sommes de natures indemnitaire et salariale, ordonnait la remise de documents sociaux, fixait le salaire mensuel moyen de référence et condamnait l'employeur au paiement d'une indemnité de procédure ainsi qu'aux dépens, précisait les chefs du jugement critiqués, la cour d'appel a violé, par fausse application, les textes susvisés.
Soc. 2 avril 2025 n° 23-23.975
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 2 avril 2025
Cassation partielle
Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 369 F-D
Pourvoi n° K 23-23.975
Aide juridictionnelle totale en demande au profit de M. [Z]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 14 décembre 2023.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 AVRIL 2025
M. [X] [Z], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° K 23-23.975 contre l'arrêt rendu le 13 avril 2023 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-5), dans le litige l'opposant à la société Riviera technic, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SARL Corlay, avocat de M. [Z], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Riviera technic, après débats en l'audience publique du 5 mars 2025 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, Mme Deltort, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 13 avril 2023), M. [Z] a été engagé en qualité de conseiller des ventes par la société Riviera technic à compter du 1er février 2013, avec une reprise d'ancienneté au 1er janvier 2007. Il était soumis à une convention de forfait annuel en jours.
2. La convention collective nationale du commerce et de la réparation de l'automobile, du cycle et du motocycle et des activités connexes, ainsi que du contrôle technique automobile, du 15 janvier 1981 s'appliquait aux relations contractuelles.
3. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale, le 16 juillet 2019, aux fins notamment de faire prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail, de contester la validité de sa convention de forfait en jours et d'obtenir la condamnation de son employeur à lui verser diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.
4. Il a été licencié le 5 mars 2020.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande visant à constater la nullité de la convention de forfait annuel en jours et, en conséquence, de le débouter de sa demande en résiliation judiciaire du contrat de travail et de ses demandes en paiement au titre du manquement à l'obligation de sécurité, des heures supplémentaires, du travail dissimulé, de dommages-intérêts et d'indemnités, alors « que si l'accord collectif permettant le recours au forfait en jours n'est pas conforme aux dispositions de l'article L. 3121-64, l'employeur ne peut se prévaloir du régime dérogatoire ouvert par l'article L. 3121-65 en cas de manquement à l'une des obligations prévues par ce texte ; qu'il en résulte que la convention individuelle de forfait en jours qui ne respecte pas les dispositions supplétives de l'article L. 3121-65 est nulle ; qu'il doit être établi par l'employeur qu'il a instauré un suivi effectif et régulier par la hiérarchie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires lui permettant de remédier, en temps utile, à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable ; qu'en se contentant d'affirmer que la ''Sas Riviera technic a pu valablement se fonder sur l'avenant n° 70 signé le 3 juillet 2014 et respecter les dispositions de l'article L. 3121-65 du code du travail qui prévoient pour les salariés sous convention de forfait en jours : - Une majoration des minima conventionnels applicables ; - L'existence d'un dispositif de suivi du temps de travail des personnels concernés ; - La prise effective des jours de repos au titre du forfait ; - La tenue d'un entretien annuel dont l'objet est de vérifier l'adéquation entre la charge du collaborateur et le quantum de son forfait'', sans constater que l'employeur avait mis en place un dispositif de suivi du temps de travail efficace, permettant, en dehors des propres déclarations du salarié, à l'employeur de vérifier les horaires effectifs du salarié, et lui permettant de remédier, en temps utile, à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, la cour d'appel a manqué de base légale au regard des articles L. 3121-60, L. 3121-64, II et L. 3121-65 du code du travail, interprété à la lumière des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ensemble l'article 4-06 de la convention collective des services de l'automobile telle que modifiée par l'article 2 de l'avenant n° 70 du 3 juillet 2014 relatif aux conventions de forfait en jours. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 3121-60 et L. 3121-65, I, du code du travail et l'article 12 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :
6. Aux termes du premier de ces textes, dont les dispositions sont d'ordre public, l'employeur s'assure régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail.
7. Aux termes du deuxième, à défaut de stipulations conventionnelles prévues aux 1° et 2° du II de l'article L. 3121-64, une convention individuelle peut être valablement conclue sous réserve des dispositions suivantes : 1° L'employeur établit un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées. Sous la responsabilité de l'employeur, ce document peut être renseigné par le salarié ; 2° L'employeur s'assure que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires ; 3° L'employeur organise une fois par an un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail, qui doit être raisonnable, l'organisation de son travail, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération.
8. Aux termes du troisième, l'exécution d'une convention individuelle de forfait en jours conclue sur le fondement d'une convention ou d'un accord de branche ou d'un accord d'entreprise ou d'établissement qui, à la date de la publication de la présente loi, n'est pas conforme aux 1° à 3° du II de l'article L. 3121-64 du code du travail peut être poursuivie, sous réserve que l'employeur respecte l'article L. 3121-65 du même code. Sous ces mêmes réserves, l'accord collectif précité peut également servir de fondement à la conclusion de nouvelles conventions individuelles de forfait.
9. Pour débouter le salarié de sa demande en nullité de la convention de forfait en jours, l'arrêt retient que l'employeur a pu valablement se fonder sur l'avenant n° 70 signé le 3 juillet 2014 et respecter les dispositions de l'article L. 3121-65 du code du travail qui prévoient pour les salariés sous convention de forfait en jours une majoration des minima conventionnels applicables, l'existence d'un dispositif de suivi du temps de travail des personnels concernés, la prise effective des jours de repos au titre du forfait, la tenue d'un entretien annuel dont l'objet est de vérifier l'adéquation entre la charge de travail du collaborateur et le quantum de son forfait.
10. En se déterminant ainsi, sans rechercher si l'employeur avait effectivement exécuté les obligations prévues par l'article L. 3121-65, I, du code du travail, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Portée et conséquences de la cassation
11. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs de dispositif déboutant le salarié de l'ensemble de ses demandes de dommages-intérêts et en paiement d'indemnités emporte cassation, par voie de conséquence, du chef de dispositif de l'arrêt disant que le salarié a été rempli de l'intégralité de ses droits à l'exception de la procédure relative à la mise en place du forfait en jours qui n'entraîne cependant pas de préjudice, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
12. Elle n'entraîne pas, en revanche, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt déboutant le salarié de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour annulation d'un avertissement, qui ne s'y rattache ni par un lien d'indivisibilité ni par un lien de dépendance nécessaire.
Soc. 2 avril 2025 n° 23-22.976
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 2 avril 2025
Cassation partielle
Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 362 F-D
Pourvoi n° Z 23-22.976
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 AVRIL 2025
M. [X] [G], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Z 23-22.976 contre l'arrêt rendu le 29 septembre 2023 par la cour d'appel de Douai (chambre sociale, prud'hommes), dans le litige l'opposant à la société GSE, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Laplume, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [G], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société GSE, après débats en l'audience publique du 5 mars 2025 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Laplume, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 29 septembre 2023), M. [G] a été engagé en qualité de directeur du développement le 22 février 2016 par la société Compagnie des contractants régionaux, aux droits de laquelle vient la société GSE. Il était soumis à une convention de forfait en jours.
2. Il a été licencié le 7 janvier 2020.
Examen des moyens
Sur le second moyen
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes en paiement de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, de congés payés afférents, d'indemnité pour absence de contrepartie obligatoire en repos et d'indemnité pour travail dissimulé, alors « que le juge ne doit pas dénaturer les pièces produites aux débats ; qu'en l'espèce, M. [G] versait régulièrement aux débats des décomptes de ses heures de travail jour par jour pour les années 2017, 2018 et 2019 avec les récapitulatifs des heures supplémentaires ainsi réalisées (pièce n° 6) et visait ces décomptes dans ses conclusions ; qu'en jugeant que M. [G] ne procédait ''qu'à une évaluation annuelle du rappel de salaire qui lui serait dû par son employeur au titre des heures supplémentaires qu'il prétend avoir effectuées'' et ''qu'aucun décompte, même sommaire, des heures qui auraient été accomplies n'est versé aux débats'', quand les décomptes du salarié de ses heures de travail figuraient dans sa pièce n° 6 intitulée ''Tableaux d'heures'' visée dans son bordereau de pièces et dans ses conclusions, la cour d'appel a violé l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause. »
Réponse de la Cour
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :
5. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, l'arrêt retient que dans ses écritures, il ne procédait qu'à une évaluation globale annuelle du rappel de salaire qui lui serait dû par son employeur au titre des heures supplémentaires qu'il prétendait avoir effectuées, qu'aucun décompte, même sommaire, des heures qui auraient été accomplies n'était versé aux débats et que les extraits d'agenda et les courriels produits ne pouvaient suppléer une telle carence et qu'il s'ensuivait que l'intéressé n'étayait pas sa demande.
6. En statuant ainsi, alors que la pièce n° 6 figurant sur le bordereau de communication de pièces du salarié présentait des décomptes de ses heures de travail jour par jour pour les années 2017, 2018 et 2019 avec les récapitulatifs des heures supplémentaires réalisées, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis de ce bordereau, a violé le principe susvisé.
Soc. 2 avril 2025 n° 23-23.614
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 2 avril 2025
Cassation partielle
Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 372 F-D
Pourvoi n° T 23-23.614
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 AVRIL 2025
La société Erganeo, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], anciennement dénommée Satt Ile-de-France innov, a formé le pourvoi n° T 23-23.614 contre l'arrêt rendu le 25 octobre 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 9), dans le litige l'opposant à M. [B] [J], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
M. [J], a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, cinq moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Deltort, conseiller, les observations de la SCP Françoise Fabiani - François Pinatel, avocat de la société Erganeo, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. [J], après débats en l'audience publique du 5 mars 2025 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Deltort, conseiller rapporteur, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, ayant voix délibérative, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L.431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 25 octobre 2023), M. [J] a été engagé en qualité de business developper, statut cadre, par la société Satt Ile-de-France innov désormais dénommée Erganeo, à compter du 1er mars 2012. Suivant avenant du 1er octobre 2012, il a été soumis à une convention de forfait en jours.
2. Le 1er mai 2013, le salarié a été nommé aux fonctions de directeur de la business unit.
3. Ayant pris acte le 3 avril 2018 de la rupture de son contrat de travail, le salarié a, le 13 août 2018, saisi la juridiction prud'homale de demandes au titre de la rupture du contrat de travail et en paiement de diverses sommes au titre de son exécution.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi principal de l'employeur et les deuxième et troisième moyens du pourvoi incident du salarié
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le cinquième moyen du pourvoi incident
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'une démission, alors « que la prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse en cas de manquements de l'employeur suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'employeur ne justifiait pas avoir pris les dispositions nécessaires de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition du travail dans le temps, et donc, de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé de son salarié, ainsi qu'il y était tenu ; qu'elle a relevé que le salarié avait effectué de nombreuses heures supplémentaires qui ne lui avaient pas été payées ; qu'elle a encore constaté que le salarié avait été victime d'une inégalité de traitement en matière de rémunération fixe, et que la société Erganeo ne s'était pas non plus acquittée de toutes les sommes dues au titre de sa rémunération variable ; qu'en jugeant pourtant que la prise d'acte devait produire les effets d'une démission, lorsque les manquements ainsi relevés étaient suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat du travail, la cour d'appel a violé les articles L. 1231-1 et L. 1237-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
6. ll ne ressort ni des énonciations de l'arrêt ni des écritures du salarié que celui-ci ait invoqué devant la cour d'appel la gravité des manquements de l'employeur à ses obligations en matière d'amplitude et de charge de travail, d'égalité de traitement salarial, de paiement d'heures supplémentaires et de paiement de la rémunération variable au soutien de sa demande tendant à faire juger que sa prise d'acte de la rupture de son contrat de travail devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
7. Le moyen, nouveau, mélangé de fait et de droit, est irrecevable.
Sur le premier moyen du pourvoi incident
Enoncé du moyen
8. Le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et tendant à juger que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'une démission, alors :
« 1°/ que méconnaît son obligation de sécurité l'employeur qui n'établit pas de document unique d'évaluation des risques professionnels et n'informe pas les salariés de l'existence d'un tel document ; qu'en l'espèce, aux termes des comptes rendus de réunion du délégué du personnel des 14 novembre 2017, 9 janvier 2018 et 11 avril 2018, l'employeur avait admis qu'il n'existait pas de document unique d'évaluation des risques professionnels au sein de l'entreprise, que sa création avait finalement été confiée à un prestataire et qu'il ne serait accessible à tous que le 16 avril 2018 ; qu'en relevant, pour estimer que l'employeur avait pris toutes les mesures de prévention prévues en matière d'obligation de sécurité, l'existence d'un document unique d'évaluation des risques du 7 février 2018, sans rechercher s'il ne résultait pas des déclarations de l'employeur lui-même que le document litigieux n'existait pas et à tout le moins n'avait pas été porté à la connaissance des salariés avant avril 2018, soit postérieurement à la prise d'acte de M. [J] et aux nombreuses alertes émises par ce dernier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ;
2°/ que les juges du fond sont tenus d'examiner les éléments produits par les parties ; qu'en l'espèce, M. [J] faisait valoir que dès le mois de novembre 2016, l'employeur avait été alerté de la situation et qu'il avait attendu plusieurs mois sans rien faire avant de se saisir de la question ; qu'à ce titre, le salarié se prévalait notamment de l'attestation de Mme [G] laquelle exposait qu' en novembre 2016, j'ai été reçue par [E] [D] alors devenu DGA. Lors de cet entretien, je l'ai alerté des pressions que subissait [B] [J] par les comportements de Mme [A] et de [W] [K]" ; qu'en relevant que l'employeur n'avait été alerté qu'en août 2017 de la situation vécue par M. [J], sans s'expliquer sur cet élément versé aux débats par le salarié, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité envers les salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ; qu'il ne prouve avoir rempli cette obligation légale que s'il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ; qu'en l'espèce, M. [J] faisait valoir qu'il avait alerté son employeur sur la situation qu'il traversait dès novembre 2016 et se prévalait à ce titre d'un courrier du 23 novembre 2016 aux termes duquel il indiquait à sa direction que Je refuse de vivre 2017 comme j'ai vécu 2016" ; que pour considérer que le salarié n'avait alerté l'employeur que par mail des 30 août et 6 novembre 2017 de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, la cour d'appel s'est bornée à relever que le mail de novembre 2016 ne pouvait constituer une alerte car il était rédigé de façon maladroite et car il ne faisait pas expressément référence à la notion juridique de harcèlement moral ; qu'en statuant par de tels motifs inopérants, lorsqu'il résultait du courrier litigieux que M. [J] avait informé son employeur du fait qu'il avait très mal vécu l'année 2016, de sorte que son employeur devait se saisir de la question et mettre en place, dès cette date, des mesure propres à assurer la sécurité et la santé du salarié, la cour d'appel a violé les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ;
4°/ que les juges du fond sont tenus d'examiner les éléments produits par les parties ; qu'en l'espèce, pour prouver que de nombreux départs de l'entreprise étaient dus à l'existence d'une situation de risques psychosociaux non prise en charge par l'employeur, M. [J] se prévalait notamment de l'attestation de M. [R] qui indiquait que les conditions de travail à compter de l'arrivée de Mme [A] l'avaient conduit, sentant poindre en conséquence un début de mal être", à accepter une offre d'embauche à l'extérieur, ainsi que l'attestation de M. [L] relatant que lors de l'annonce de ma décision de quitter la société en août auprès de la présidente Mme [K], j'ai indiqué que la cause de ma démission était l'arrivée de Mme [A], sa toxicité, son incompétence et la désorganisation de l'activité de business developpement de la BU 3S en résultant" ; qu'en jugeant qu'il résultait des comptes rendus de sortie, établis unilatéralement par l'employeur, que les départs des chefs de projet ainsi que le turn over des salariés au cours de la période ne s'expliquaient pas par l'existence d'une situation de risques psychosociaux au sein de la BU 3S mais surtout par d'autres opportunités professionnelles, sans avoir examiné ces pièces versées aux débats par le salarié, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
5°/ que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité envers les salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ; qu'il ne prouve avoir rempli cette obligation légale que s'il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté l'existence de relations conflictuelles entre M. [J] et Mme [A] qui n'ont eu de cesse de se dégrader au cours des années 2016 et 2017, la mésentente et la lutte de pouvoir en résultant, ainsi que les répercussions engendrées sur les membres de leurs équipes respectives, ayant atteint un tel niveau au cours du second semestre de l'année 2017 que les deux salariés avaient respectivement alerté leur hiérarchie de l'existence de faits de harcèlement moral dont ils s'estimaient avoir été victimes ; que pour écarter tout manquement de l'employeur, la cour d'appel s'est bornée à relever que ce dernier avait pris les mesures immédiates propres à faire cesser et/ou à traiter la situation en résultant" ; qu'en statuant de la sorte, sans constater que l'employeur avait pris les mesures de prévention nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 4121-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
9. Sous le couvert de griefs non fondés de manque de base légale et de violation de la loi, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine par la cour d'appel des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, au terme de laquelle elle a retenu que l'employeur n'avait pas manqué à son obligation de sécurité.
Mais sur le quatrième moyen du pourvoi incident
Enoncé du moyen
10. Le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement de dommages-intérêts pour non-respect du repos quotidien de onze heures consécutives, alors « que le seul constat du dépassement de la durée maximale de travail ouvre droit à la réparation ; qu'en l'espèce, M. [J] faisait valoir, en produisant le relevé détaillé des heures supplémentaires qu'il avait été contraint d'accomplir, qu'il avait été privé à de nombreuses reprises de son repos quotidien de onze heures consécutives ; qu'en se bornant, pour débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts, à retenir que ce dernier ne justifiait ni du principe ni du quantum du préjudice invoqué au titre du non-respect du repos quotidien", sans vérifier, ainsi qu'elle y était invitée, si le salarié avait été privé de son droit au repos quotidien, ce qui aurait suffi à justifier son droit à réparation, sans qu'il puisse lui être imposé de rapporter une preuve supplémentaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3131-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3131-1 du code du travail :
11. Selon ce texte, tout salarié doit bénéficier d'un repos quotidien d'une durée minimale de onze heures consécutives.
12. Cette disposition participe de l'objectif de garantir la sécurité et la santé des travailleurs par la prise d'un repos suffisant et le respect effectif des limitations de durées maximales de travail concrétisé par la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail.
13. Pour rejeter la demande en paiement de dommages-intérêts pour violation du temps de repos quotidien, l'arrêt retient, après avoir rappelé que l'existence d'un préjudice et l'évaluation de celui-ci relèvent du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond s'agissant du non-respect des temps de pause ainsi que du non-respect de la durée légale du travail et des repos, que le salarié ne justifie, au vu des seules pièces versées aux débats et mises à part ses propres affirmations, ni du principe ni du quantum du préjudice invoqué au titre du non-respect du repos quotidien.
14. En statuant ainsi, alors que le dépassement de la durée maximale de travail et le non-respect du droit au repos qui en résulte ouvrent, à eux seuls, droit à la réparation, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que l'employeur justifiait avoir respecté la durée hebdomadaire maximale de travail, a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
15. La cassation prononcée n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.
Civ.2 20 mars 2025 n° 23-12.666 B
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 20 mars 2025
Cassation partielle
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 256 F-B
Pourvoi n° T 23-12.666
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 MARS 2025
Le groupement d'intérêt économique [3], dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° T 23-12.666 contre l'arrêt rendu le 4 janvier 2023 par la cour d'appel de Rennes (9e chambre sécurité sociale), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) des Pays de la Loire, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Hénon, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat du groupement d'intérêt économique [3], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF des Pays de la Loire, après débats en l'audience publique du 5 février 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Hénon, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 4 janvier 2023), à la suite d'un contrôle portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014, l'URSSAF des Pays de la Loire (l'URSSAF) a notifié au groupement d'intérêt économique [3] (le cotisant) une lettre d'observations le 3 novembre 2015, puis une mise en demeure le 22 décembre 2015.
2. Contestant ce redressement, le cotisant a saisi une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen des moyens
Sur le second moyen
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. Le cotisant fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demande et de le condamner en conséquence au paiement d'une certain somme, alors « que les salarié
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 241-18, II, du code de la sécurité sociale et les articles L. 3121-44 et L. 3121-45 du code du travail, le premier dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012, les derniers dans leur rédaction issue de la loi n° 2008-789 du 22 août 2008, applicables au litige :
5. Selon le premier de ces textes, dans les entreprises employant moins de vingt salariés, une déduction forfaitaire égale à sept fois le montant fixé par l'article D. 241-24 du code de la sécurité sociale est applicable pour chaque jour de repos auquel renonce un salarié relevant d'une convention de forfait en jours sur l'année, au-delà du plafond de deux cent dix-huit jours mentionné à l'article L. 3121-44 du code du travail, dans les conditions prévues à l'article L. 3121-45 du même code.
6. Aux termes du deuxième de ces textes, le nombre de jours travaillés dans l'année fixé par l'accord collectif prévu à l'article L. 3121-39 ne peut excéder deux cent dix-huit jours.
7. Aux termes du dernier de ces textes, le salarié qui le souhaite peut, en accord avec son employeur, renoncer à une partie de ses jours de repos en contrepartie d'une majoration de son salaire. L'accord entre le salarié et l'employeur est établi par écrit. Le nombre de jours travaillés dans l'année ne peut excéder un nombre maximal fixé par l'accord prévu à l'article L. 3121-39. À défaut d'accord, ce nombre maximal est de deux cent trente-cinq jours. Le nombre maximal annuel de jours travaillés doit être compatible avec les dispositions du titre III relatives au repos quotidien, au repos hebdomadaire et aux jours fériés chômés dans l'entreprise, et du titre IV relatives aux congés payés. Un avenant à la convention de forfait conclue entre le salarié et l'employeur détermine le taux de la majoration applicable à la rémunération de ce temps de travail supplémentaire, sans qu'il puisse être inférieur à 10 %.
8. Il résulte de l'application combinée de ces textes que dans les entreprises employant moins de vingt salariés, une déduction forfaitaire égale à sept fois le montant prévu à l'article D. 241-24 du code de la sécurité sociale est applicable pour chaque jour de repos auquel renonce un salarié relevant d'une convention de forfait en jours sur l'année, au-delà du plafond de deux cent dix-huit jours mentionné à l'article L. 3121-44 du code du travail, dans les conditions prévues à l'article L. 3121-45 du code du travail.
9. Pour rejeter la contestation du cotisant, l'arrêt retient que l'exonération sociale des sommes versées au titre de la monétisation des jours acquis depuis le 1er janvier 2010 dépend de l'existence au 20 août 2008 d'un accord collectif prévoyant les conditions de mise en place de cette « monétisation ». Il ajoute qu'il n'est pas contesté qu'à la date du contrôle, il n'y avait pas eu au sein du groupement de nouvel accord sur les modalités d'organisation du temps de travail depuis le 22 août 2008 et que l'accord collectif sur les modalités d'organisation du temps de travail en vigueur au sein du groupement ne prévoyait pas la monétisation des jours effectués par les salariés en forfait jours au-delà de 218 jours. Il en déduit que le redressement est justifié.
10. En statuant ainsi, alors qu'à compter de l'entrée en vigueur de la loi du loi n° 2012-958 du 16 août 2012, la déduction forfaitaire de cotisations applicable pour chaque jour de repos auquel renonce un salarié relevant d'une convention de forfait en jours sur l'année était subordonnée à la seule condition d'un accord constaté par écrit entre ce dernier et l'employeur, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Soc. 19 mars 2025 n° 23-17.482
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 19 mars 2025
Rejet
Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 291 F-D
Pourvoi n° C 23-17.482
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 19 MARS 2025
M. [B] [L], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° C 23-17.482 contre l'arrêt rendu le 19 avril 2023 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société KPMG, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La société KPMG a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Leperchey, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Spinosi, avocat de M. [L], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société KPMG, après débats en l'audience publique du 12 février 2025 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Leperchey, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 19 avril 2023), M. [L] a été engagé en qualité de chargé de clientèle, le 4 octobre 2004, par la société KPMG. Promu aux fonctions de chargé de clientèle superviseur, il a signé une convention de forfait annuel en jours le 31 décembre 2009.
2. Le 23 décembre 2014, les parties ont conclu une convention de rupture du contrat de travail et un protocole d'accord transactionnel.
3. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes liées à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi principal du salarié
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen du pourvoi incident de l'employeur
Enoncé du moyen
5. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que la convention de forfait stipulée dans le contrat de travail et qui se réfère à l'accord d'entreprise du 22 décembre 1999 est nulle et de le condamner à verser au salarié des sommes à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, au titre des congés payés afférents et à titre d'indemnité compensatrice de contrepartie obligatoire en repos, alors « que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires ; que tel est le cas de l'accord d'aménagement et de réduction du temps de travail KPMG du 22 décembre 1999, qui prévoit que "toute personne autonome (...) détermine elle-même l'amplitude de son temps de travail, notamment dans le cadre de la négociation de ses objectifs en début d'exercice social ; le suivi de son activité est effectué, suivant les cas, sur la base des objectifs quantitatifs et qualitatifs négociés et/ou du volume d'activité défini conjointement avec sa hiérarchie" (article 4.2) ; "l'ensemble du personnel autonome fait l'objet, suivant les cas et les départements : soit d'une procédure de détermination concertée des objectifs annuels et d'appréciation des résultats ; elle se caractérise par un entretien annuel dont l'objet est, notamment, d'apprécier les résultats de l'exercice écoulé au regard des objectifs convenus et de déterminer, de façon concertée entre appréciateur et apprécié, des objectifs quantitatifs et qualitatifs pour l'exercice social à venir ; soit, d'une procédure d'appréciation concertée du volume d'activité annuelle, qui se traduit concrètement par un entretien annuel destiné à déterminer conjointement ce volume d'activité pour l'exercice social à venir (...)" (article 4.3) ; "les directeurs d'entité garantiront qu'aucun personnel autonome ne soit amené en prévision ou a posteriori à effectuer des horaires excédant les dispositions afférentes aux minima journaliers et hebdomadaires de repos stipulées à l'article L. 220-1 du code du travail" (art. 4.4) ; que, pour dire la convention de forfait nulle et condamner la société KPMG au paiement d'heures supplémentaires, la cour d'appel, sans préciser les stipulations conventionnelles sur lesquelles elle se fondait, a retenu que les stipulations ne fixent qu'une limite de 218 jours de travail par an outre une contrepartie de réduction de temps de travail de dix jours ouvrés par an et prévoient seulement une négociation sur les missions confiées dans le cadre des objectifs annuel ou d'une procédure d'appréciation concertée du volume d'activité annuel pour en déduire qu'elles ne sont de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables ; qu'en statuant ainsi, par une lecture incomplète de l'accord collectif d'entreprise, la cour d'appel a violé l'alinéa 11 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article L. 3121-39 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 10 août 2016, interprétés à la lumière de l'article 17, paragraphes 1 et 4 de la directive 1993-104 CE du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17, paragraphe 1, et 19 de la directive 2003-88 CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ensemble l'article 4 de l'accord d'aménagement et de réduction du temps de travail KPMG du 22 décembre 1999. »
Réponse de la Cour
6. Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.
7. Les stipulations de l'accord d'entreprise du 22 décembre 1999, qui se bornent à prévoir que toute personne autonome détermine elle-même l'amplitude de son temps de travail, notamment dans le cadre de la négociation de ses objectifs en début d'exercice social, que le suivi de son activité est effectué, suivant les cas, sur la base des objectifs quantitatifs et qualitatifs négociés et/ou du volume d'activité défini conjointement avec sa hiérarchie et qu'est mise en place soit une procédure de détermination concertée des objectifs annuels et d'appréciation des résultats se caractérisant par un entretien annuel dont l'objet est, notamment, d'apprécier les résultats de l'exercice écoulé au regard des objectifs convenus et de déterminer, de façon concertée entre appréciateur et apprécié, des objectifs quantitatifs et qualitatifs pour l'exercice social à venir, soit une procédure d'appréciation concertée du volume d'activité annuelle se traduisant concrètement par un entretien annuel destiné à déterminer conjointement ce volume d'activité pour l'exercice social à venir, n'instituent pas de suivi effectif et régulier permettant à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, et ne sont donc pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé.
8. La cour d'appel, qui a relevé que les stipulations de l'accord d'entreprise du 22 décembre 1999 ne fixaient qu'une limite de 218 jours de travail par an, outre une contrepartie de réduction de temps de travail de dix jours ouvrés par an, et prévoyaient seulement une négociation sur les missions confiées dans le cadre des objectifs annuels ou d'une procédure d'appréciation concertée du volume d'activité annuel, faisant ainsi ressortir l'absence de suivi effectif et régulier de la charge de travail de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié, en a exactement déduit que la convention de forfait en jours conclue par l'intéressé était nulle.
9. Le moyen n'est donc pas fondé.
Soc. 11 mars 2025 n° 23-19.669 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 11 mars 2025
Rejet
M. SOMMER, président
Arrêt n° 298 FS-B
Pourvoi n° E 23-19.669
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 MARS 2025
Mme [F] [G], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 23-19.669 contre l'arrêt rendu le 17 mai 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 9), dans le litige l'opposant à la société BDO RH, société pluri-professionnelle d'exercice par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la société BDO risques professionnels, défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Leperchey, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme [G], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société BDO RH, et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 12 février 2025 où étaient présents M. Sommer, président, M. Leperchey, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge conseiller doyen, Mme Cavrois, M. Flores, Mmes Deltort, Le Quellec, conseillers, Mmes Thomas-Davost, Laplume, Rodrigues, Segond, conseillers référendaires, M. Halem, avocat général référendaire, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 mai 2023), Mme [G] a été engagée en qualité de chargée d'affaires commerciales, le 18 juillet 2003, par la société Atequacy, aux droits de laquelle est venue la société BDO risques professionnels puis la société BDO RH. Par avenant du 1er janvier 2011, les parties ont conclu une convention de forfait annuel en jours.
2. La relation de travail était soumise à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, dite Syntec.
3. Le 15 juillet 2016, la salariée a été licenciée pour insuffisance professionnelle.
4. Contestant son licenciement, elle a saisi la juridiction prud'homale.
Examen des moyens
Sur les premier et troisième moyens
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
6. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de dommages-intérêts au titre de la nullité de la convention de forfait en jours, alors :
« 1° / que cause un préjudice au salarié au regard de son droit à la santé et au repos le fait d'avoir été soumis pendant des années à une convention de forfait en jours en application d'un accord collectif dont les dispositions n'étaient pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition dans le temps du travail de l'intéressé ; qu'en l'espèce, pour débouter la salariée de sa demande de dommages et intérêts pour nullité de la convention de forfait en jours, la cour d'appel a jugé que la salariée ne justifie pas d'un préjudice qu'elle aurait subi autre que celui déjà réparé par l'octroi d'un rappel au titre de ses heures supplémentaires ; qu'en statuant ainsi quand il ressortait de ses propres constatations que la salariée avait été soumise à une convention de forfait en jours reposant sur des garanties conventionnelles insuffisamment protectrices à la date où elle avait été conclue, ce dont elle aurait dû déduire que la salariée avait bien subi un préjudice au regard de son droit à la santé et au repos, la cour d'appel a violé les articles L. 3121-35 al. 1er et L. 3121-34 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, interprétés à la lumière de l'article 6 b) de la directive n° 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 ;
2° / que le défaut d'exécution par l'employeur des stipulations légales et conventionnelles prévoyant les modalités de suivi de l'organisation du travail du salarié soumis à une convention de forfait annuel en jours, de l'amplitude de ses journées de travail et de sa charge de travail cause un préjudice au salarié ; qu'en l'espèce, pour débouter la salariée de sa demande de dommages et intérêts pour nullité de la convention de forfait en jours, la cour d'appel a jugé que la salariée ne justifie pas d'un préjudice qu'elle aurait subi autre que celui déjà réparé par l'octroi d'un rappel du titre de ses heures supplémentaires ; qu'en statuant ainsi sans rechercher, comme elle y était invitée, si la salariée n'avait pas travaillé plus de cinq ans dans le cadre d'une convention de forfait en jours sans aucun contrôle du nombre de jours travaillés et sans aucun entretien annuel portant sur sa charge de travail, sur l'organisation du travail dans l'entreprise et sur l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale de la salariée ainsi que sur sa rémunération, ce qui avait causé à la salariée un préjudice au titre de son droit à la santé, au repos et à une vie familiale normale excédant le simple rappel de salaires au titre des heures supplémentaires effectuées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3121-35 al. 1er et L. 3121-34 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, interprétés à la lumière de l'article 6 b) de la directive n° 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003. »
Réponse de la Cour
7. Lorsque le salarié a été soumis à une convention de forfait en jours en application d'un accord collectif dont les dispositions n'étaient pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition dans le temps du travail de l'intéressé, la convention de forfait en jours est nulle de sorte que le salarié peut prétendre au paiement d'heures supplémentaires dont le juge doit vérifier l'existence et le nombre. Il en découle qu'un tel manquement n'ouvre pas, à lui seul, droit à réparation et il incombe au salarié de démontrer le préjudice distinct qui en résulterait.
8. C'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel, après avoir retenu que la convention de forfait en jours conclue sur le fondement de l'accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail pris en application de la convention collective nationale Syntec était nulle, a estimé, sans être tenue d'entrer dans le détail de l'argumentation des parties, que la salariée ne justifiait pas d'un préjudice distinct de celui que venait réparer l'octroi d'un rappel d'heures supplémentaires.
9. Le moyen n'est donc pas fondé.
Soc. 11 mars 2025 n° 24-10.452 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 11 mars 2025
Rejet
M. SOMMER, président
Arrêt n° 297 FS-B
Pourvoi n° H 24-10.452
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 MARS 2025
M. [Z] [T], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° H 24-10.452 contre l'arrêt rendu le 15 novembre 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 9), dans le litige l'opposant à la société Intel corporation, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [T], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Intel corporation, et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 12 février 2025 où étaient présents M. Sommer, président, M. Flores, conseiller rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mmes Cavrois, Deltort, Le Quellec, conseillers, Mmes Thomas-Davost, Laplume, Rodrigues, Segond, conseillers référendaires, M. Halem, avocat général référendaire, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 novembre 2023), M. [T] a été engagé par la société Intel corporation en qualité d'ingénieur commercial, à compter du 25 octobre 2001. Le salarié a été soumis à un régime de forfait en jours.
2. Il a été licencié le 21 mai 2019.
3. Le 20 mai 2020, le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement de diverses sommes au titre de la rupture et de l'exécution du contrat de travail.
Examen des moyens
Sur les premier et troisième moyens
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter du surplus de ses demandes, alors « que lorsque l'employeur ne respecte pas les dispositions légales et les stipulations de l'accord collectif relatives au forfait en jours qui ont pour objet d'assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié et de son droit au repos, le salarié subit nécessairement un préjudice ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que la société Intel corporation n'établissait pas avoir respecté les dispositions de l'article 14 de l'accord national du 28 juillet 1998 sur l'organisation de travail dans la métallurgie, ainsi que des articles L. 3121-60, L. 3121-64 et L. 3121-65 du code du travail dans leur version applicable au litige dont il résulte que l'employeur doit s'assurer que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail, d'établir les modalités de son droit à la déconnexion et d'organiser chaque année des entretiens spécifiques portant sur l'exécution de cette convention, la cour d'appel a cependant débouté M. [T] de sa demande de dommages-intérêts pour inobservation des dispositions relatives à l'exécution des conventions de forfait en jour au motif que "M. [T], qui ne prouve, ni même n'allègue, avoir accompli des heures supplémentaires ou encore avoir souffert d'une surcharge de travail ou encore d'une mauvaise répartition de ses horaires de travail, ne rapporte pas la preuve du préjudice que lui auraient causé les manquements de l'employeur" ; qu'en statuant ainsi quand l'absence de respect par l'employeur des dispositions légales et des dispositions de l'accord collectif qui avaient pour objet d'assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié et de son droit au repos, avaient nécessairement causé à ce dernier un préjudice qu'elle devait réparer, la cour d'appel a violé l'article 14 de l'accord national du 28 juillet 1998 sur l'organisation de travail dans la métallurgie, les articles L. 3121-60, L. 3121-64 et L. 3121-65 du code du travail dans leur version applicable au litige interprétés à la lumière des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs. »
Réponse de la Cour
6. Lorsque l'employeur ne respecte pas les dispositions légales et les stipulations de l'accord collectif qui avaient pour objet d'assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié et de son droit au repos, la convention de forfait en jours est privée d'effet de sorte que le salarié peut prétendre au paiement d'heures supplémentaires dont le juge doit vérifier l'existence et le nombre. Il en découle qu'un tel manquement n'ouvre pas, à lui seul, le droit à réparation et il incombe au salarié de démontrer le préjudice distinct qui en résulterait.
7. C'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel, après avoir relevé que l'employeur n'établissait pas avoir respecté les dispositions légales et conventionnelles relatives au suivi de la charge de travail du salarié soumis à une convention individuelle de forfait en jours, a estimé que ce dernier, qui ne prouvait ni même n'alléguait avoir accompli des heures supplémentaires ou encore avoir souffert d'une surcharge de travail ou d'une mauvaise répartition de ses horaires de travail, ne rapportait pas la preuve du préjudice que lui auraient causé les manquements de l'employeur et que sa demande de dommages-intérêts devait être rejetée.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
Soc. 5 mars 2025 n° 23-20.222
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 5 mars 2025
Cassation partielle
Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 243 F-D
Pourvoi n° F 23-20.222
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 5 MARS 2025
M. [L] [H], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° F 23-20.222 contre l'arrêt rendu le 26 juin 2023 par la cour d'appel de Rennes (8e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant à la société Ineo Atlantique, société en nom collectif, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Rodrigues, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [H], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Ineo Atlantique, après débats en l'audience publique du 29 janvier 2025 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Rodrigues, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 26 juin 2023), M. [H] a été engagé en qualité de directeur d'agence, à compter du 2 janvier 2006, par la société Ineo Atlantique.
2. Le contrat de travail a pris fin le 6 juillet 2018.
3. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale, d'une part, de demandes relatives à la rupture de son contrat de travail, d'autre part, de demandes tendant à ce qu'il soit dit que le forfait en jours « visé dans son contrat de travail » était nul et qu'il devait exercer son activité selon un temps de travail fixé à 37 heures par semaine, en ce compris les RTT dont il avait bénéficié, et de demandes en paiement de diverses sommes de nature salariale, au titre d'heures supplémentaires et de repos compensateurs, et indemnitaire, notamment pour exécution déloyale de la convention de forfait en jours.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses troisième et quatrième branches
Enoncé du moyen
4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes tendant à faire juger que le forfait en jours « visé dans le contrat de travail » était nul, qu'il devait exercer son activité selon un temps de travail fixé à 37 heures par semaine, en ce compris les RTT dont il avait bénéficié, et condamner l'employeur au paiement de diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale de la convention de forfait en jours, au titre des heures supplémentaires et repos compensateur et des congés payés afférents et à titre d'indemnité pour travail dissimulé, alors :
« 3°/ que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties ainsi que les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée et la cour d'appel statue sur les prétentions énoncées au dispositif ; que dans le dispositif de ses conclusions, M. [H] demandait à la cour d'appel de confirmer le jugement en ce qu'il avait estimé que le forfait jours visé dans le contrat de travail était nul, d'infirmer le jugement sur le surplus, de juger qu'il devait exercer son activité selon un temps de travail fixé à 37 heures par semaine, en ce compris les RTT dont il avait bénéficié, de condamner la société Ineo Atlantique à lui verser les sommes de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale de la convention en forfait jours, de 321 944,58 euros brut au titre des heures supplémentaires et du repos compensateur, de 32 194,46 euros brut au titre des congés payés sur ladite somme, de 10 000 euros de dommages-intérêts pour non-respect de la durée maximale du travail, de 58 481,10 euros au titre du travail dissimulé, ce dont il résultait que la cour d'appel était saisie d'une demande aux fins de voir prononcer la nullité de la convention de forfait ; qu'en énonçant qu'elle n'avait pas à statuer sur la demande en nullité de la convention de forfait jours dans la mesure où le dispositif du jugement n'avait pas prononcé ladite nullité, la cour d'appel, qui s'est abstenue d'interpréter une demande ambiguë et a fait une application trop formaliste de l'article 954 du code de procédure civile, privant le salarié d'un droit à un procès équitable a violé les articles 4 et 954 du code de procédure civile et 6 § 1 de la convention européenne ;
4°/ que dans le dispositif de ses conclusions, M. [H] demandait à la cour d'appel de confirmer le jugement en ce qu'il avait estimé que le forfait jours visé dans le contrat de travail était nul, d'infirmer le jugement sur le surplus, de juger qu'il devait exercer son activité selon un temps de travail fixé à 37 heures par semaine, en ce compris les RTT dont il avait bénéficié, de condamner la société Ineo Atlantique à lui verser les sommes de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale de la convention en forfait jours, de 321 944,58 euros brut au titre des heures supplémentaires et du repos compensateur, de 32 194,46 euros brut au titre des congés payés sur ladite somme, de 10 000 euros de dommages-intérêts pour non-respect de la durée maximale du travail, de 58 481,10 euros au titre du travail dissimulé, ce dont il résultait que la cour d'appel était saisie, indépendamment de la demande aux fins de voir prononcer la nullité de la convention de forfait, de demandes tendant à voir juger que M. [H] devait exercer son activité selon un temps de travail fixé à 37 heures par semaine, en ce compris les RTT dont il avait bénéficié, à voir condamner la société Ineo Atlantique à lui verser diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale de la convention en forfait jours, d'heures supplémentaires et de repos compensateur, des congés payés, de dommages-intérêts pour non-respect de la durée maximale du travail et au titre du travail dissimulé ; qu'en délaissant une partie des demandes formulées dans le dispositif des conclusions de l'appelant, indépendamment de la nullité de la convention de forfait, la cour d'appel a violé les articles 4, 954 du code de procédure civile et 6 § 1 de la convention européenne. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 4 et 954 du code de procédure civile, ce dernier dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2023-1391 du 29 décembre 2023 : 5. Selon le premier de ces textes, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
6. Selon le second, d'une part, dans les procédures avec représentation obligatoire, les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée, d'autre part, les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif et la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.
7. La contestation de la validité d'une convention de forfait en jours sur laquelle est fondée notamment une demande en paiement d'un rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires constitue un moyen et non une prétention au sens du premier texte. Il en résulte qu'elle n'a pas à figurer dans le dispositif des conclusions.
8. La cour d'appel étant saisie des prétentions énoncées dans le dispositif des conclusions, il lui appartient de statuer sur ces prétentions.
9. Pour rejeter les demandes du salarié, l'arrêt constate que ce dernier a demandé de « confirmer le jugement en ce qu'il a estimé que le forfait jours visé dans le contrat de travail de M. [H] est nul ». Il rappelle les termes du dispositif du jugement entrepris, lequel, hors mentions sur la cause de la rupture du contrat de travail et sur les mesures accessoires, se borne à débouter le salarié de l'ensemble de ses demandes, et que les termes de la déclaration d'appel critiquant le jugement notamment en ce qu'il « l'a débouté de ses demandes portant sur la nullité du forfait en jours ». Il relève que le salarié a confirmé que, malgré la contradiction entre les motifs et le dispositif du jugement, il n'y a pas eu de jugement en rectification d'erreur matérielle ou d'omission de statuer. Il en conclut que la cour d'appel ne peut statuer sur une demande de confirmation de nullité d'une convention de forfait en jours qui n'a pas été prononcée par les premiers juges et que le jugement ne peut alors qu'être confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes relatives à la convention de forfait en jours, aux heures supplémentaires, sur le remboursement des jours de repos, sur la durée maximale hebdomadaire de travail et sur les dommages-intérêts pour travail dissimulé.
10. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui était tenue de statuer sur les prétentions énoncées dans le dispositif des conclusions dont elle était saisie, a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
11. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée entraîne la cassation du chef de dispositif déboutant le salarié de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour non-respect de la durée hebdomadaire maximale de travail qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
Soc. 26 février 2025 n° 23-16.448
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 26 février 2025
Cassation partielle
M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 200 F-D
Pourvoi n° D 23-16.448
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 26 FÉVRIER 2025
1°/ M. [X] [R], domicilié [Adresse 3],
2°/ le syndicat Avenir Sopra Steria, dont le siège est [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° D 23-16.448 contre l'arrêt rendu le 30 mars 2023 par la cour d'appel de Versailles (6e chambre), dans le litige les opposant à la société Sopra Steria Group, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La société Sopra Steria Group a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, six moyens de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Arsac, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [R] et du syndicat Avenir Sopra Steria, de la SAS Boucard-Capron-Maman, avocat de la société Sopra Steria Group, après débats en l'audience publique du 22 janvier 2025 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Arsac, conseiller référendaire rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 30 mars 2023), M. [R] a été engagé en qualité d'ingénieur d'affaires par la société Somepost informatique, selon contrat de travail à durée indéterminée du 5 janvier 2000.
2. Il est titulaire de plusieurs mandats syndicaux depuis l'année 2001.
3. Par arrêt du 20 octobre 2009, devenu irrévocable, la cour d'appel de Paris a condamné la société Steria, venant aux droits de la société Imelios, anciennement dénommée Somepost informatique, à repositionner le salarié dans un poste à temps plein d'ingénieur d'affaires ou équivalent, statut cadre, coefficient 170, filière commerciale, avec un salaire de 87 902,20 euros, ainsi qu'à lui payer des dommages-intérêts pour discrimination et harcèlement.
4. La société Sopra Steria Group (la société), née de la fusion des sociétés Sopra et Steria, est venue aux droits de la société Steria.
5. Par requête du 1er octobre 2013, le salarié a saisi la juridiction prud'homale en paiement de dommages-intérêts au titre d'une discrimination syndicale et d'un harcèlement postérieurs à l'arrêt du 20 octobre 2009 ainsi qu'au titre de salaires correspondant aux jours travaillés au-delà du forfait annuel.
6. Le syndicat Avenir Sopra Steria (le syndicat) est intervenu à l'instance, sollicitant l'indemnisation de différents préjudices résultant de l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession.
Examen des moyens
Sur le troisième moyen du pourvoi principal et sur le moyen du pourvoi incident
7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
8. Le salarié et le syndicat font grief à l'arrêt de débouter le salarié de ses demandes formées au titre d'une discrimination syndicale en repositionnement, sous astreinte, dans un poste à temps plein d'account manager, en paiement de dommages-intérêts, en rappel de salaire et de congés payés afférents et en paiement de dommages-intérêts pour perte de chance de bénéficier d'un étalement d'impôts et d'un taux d'imposition moindre et de débouter le syndicat de sa demande de dommages-intérêts en raison de l'atteinte disproportionnée aux intérêts collectifs de la profession défendue par le syndicat, alors :
« 1°/ que les juges, dans le cadre des litiges relatifs aux discriminations, doivent prendre en considération l'ensemble des éléments qui leur sont soumis par le salarié ; que le salarié soutenait, dans ses écritures d'appel, preuve à l'appui, qu'il pouvait légitimement refuser le poste d'account manager senior dans l'équipe du compte La Poste, qui lui avait été proposé le 25 février 2013, puisqu'il lui retirait d'autorité ses attributions précédentes en lui imposant une modification et en la maintenant malgré le refus du salarié, s'agissant des contrats cadres signés en 2012 et lui faisait perdre également toutes les primes ''staffing boosters'' et autres avantages financiers et évolutions correspondant à l'exercice de sa fonction contractuelle ; qu'en se bornant, pour dire qu'il n'était pas établi que le salarié avait refusé de manière légitime d'exercer les fonctions qui lui avaient été proposées en 2013 et le débouter, en conséquence, de sa demande relative à la discrimination syndicale, à énoncer que ce poste lui permettait d'accomplir une mission compatible avec la disponibilité que lui laissait l'exercice de ses mandats syndicaux et représentatifs cumulés, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le retrait d'autorité par l'employeur des attributions de M. [R] convenues par écrit et réalisées en 2012 pour l'obtention des contrats cadres afin de suivre leur réalisation conformément aux règles contractuelles rappelées par l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 20 octobre 2009, et la perte de rémunération engendrée par le poste proposé, ne constituaient pas une modification imposée et maintenue, en dépit du refus du salarié protégé, de son contrat de travail, constitutive d'un trouble illicite, que ce dernier était en droit de refuser, l'employeur ne pouvant maintenir d'autorité cette modification et devant saisir immédiatement l'inspecteur du travail d'une demande de licenciement du salarié protégé, n'autorisaient pas l'exposant à le refuser légitimement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;
2°/ que le salarié protégé est en droit de refuser un nouveau poste engendrant une modification de son contrat de travail comme une simple modification de ses conditions de travail ; que la cour d'appel qui, bien qu'elle ait constaté que M. [R] n'avait pas accepté le poste d'account manager senior dans l'équipe du compte La Poste, qui lui avait été proposé le 25 février 2013, qu'il ressortait de la fiche de poste que la nouvelle mission recouvrait un suivi plus administratif qu'opérationnel et que dans son procès-verbal n° 116/2015 établi le 26 novembre 2015 à la suite de la demande d'autorisation de licenciement de M. [R] formée par la société Steria en 2013, l'inspecteur du travail avait considéré que le poste constituait une rétrogradation, a néanmoins, pour dire qu'il n'était pas établi que M. [R] avait refusé de manière légitime d'exercer les fonctions qui lui avaient été proposées en 2013 et le débouter, en conséquence, de sa demande relative à la discrimination syndicale, énoncé que ce poste lui permettait d'accomplir une mission compatible avec la disponibilité que lui laissait l'exercice de ses mandats syndicaux et représentatifs cumulés, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait au contraire que l'exposant pouvait légitimement refuser ledit poste, violant ainsi les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;
3°/ que lorsqu'il est saisi d'un litige relatif à une discrimination syndicale, le juge qui retient l'existence de faits laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, ne peut débouter le salarié de ses demandes sans se fonder sur des motifs permettant d'établir que l'employeur justifie ses agissements par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'en s'abstenant d'examiner si l'absence de promotion de M. [R] et la rétention d'indemnité de congés payés, qu'elle avait retenues comme laissant supposer l'existence d'une discrimination syndicale, étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;
4°/ que la cour d'appel qui, après avoir constaté que M. [R], au nombre des faits laissant supposer l'existence d'une discrimination syndicale, établissait n'avoir bénéficié que d'une augmentation de 11,7 % sur les douze exercices écoulés entre l'arrêt rendu en 2009 et janvier 2023, alors que les salariés en moyenne de la population comprenant les non-augmentés avaient eu une moyenne globale d'augmentation de 45 % de janvier 2010 à juillet 2022, s'est ensuite fondée, pour dire que l'employeur justifiait que les décisions prises étaient étrangères à toute discrimination syndicale et débouter, en conséquence, l'exposant de sa demande de régularisation du salaire par application directe de l'article L. 2141-5-1 du code du travail, sur les circonstances inopérantes selon lesquelles il avait connu une augmentation moyenne de rémunération de 13,25 % par an de son embauche à l'année 2021, et l'intégration de sa part variable à son salaire par l'effet de l'arrêt de 2009 le plaçait dans une situation plus favorable que celles de ses collègues qui devaient remplir des objectifs, circonstances qui ne permettaient pas de justifier le fait que l'exposant, depuis 2009, ne s'était vu allouer qu'une augmentation bien inférieure à la moyenne, a violé l'article L. 2141-5-1 du code du travail, ensemble les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 de ce code ;
5°/ que la cour d'appel qui, après avoir constaté que M. [R], au nombre des faits laissant supposer l'existence d'une discrimination syndicale, établissait l'absence de remboursement, à la différence des autres salariés et de représentants du personnel, de ses frais à compter de 2010 et pendant environ dix ans, entravant son action syndicale, s'est ensuite fondée, pour dire que l'employeur justifiait que les décisions prises étaient étrangères à toute discrimination syndicale et débouter, en conséquence, l'exposant de ses demandes, sur la circonstance inopérante que M. [R] ne respectait pas toujours les règles applicables dans la société, remettant ses notes de frais tardivement, ne les déclarant pas dans les outils idoines ou aux interlocuteurs compétents, des incidents étant survenus à cet égard en 2015, 2019 et 2021, circonstance qui ne permettait pas de justifier l'absence de tout remboursement de ses frais au seul exposant depuis 2010, a violé les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;
6°/ qu'en s'abstenant d'examiner si la reconnaissance de la discrimination par le procès-verbal de l'inspection du travail, qu'elle avait retenue comme laissant supposer l'existence d'une discrimination syndicale, était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;
7°/ que la cour d'appel qui, après avoir constaté que M. [R], au nombre des faits laissant supposer l'existence d'une discrimination syndicale, établissait sa privation d'activité professionnelle et le refus de l'employeur de le rétablir dans ses fonctions ainsi que sa mise à l'écart, s'est ensuite fondée, pour dire que l'employeur justifiait que les décisions prises étaient étrangères à toute discrimination syndicale et débouter, en conséquence, l'exposant de ses demandes, sur les circonstances inopérantes selon lesquelles il avait, à plusieurs reprises, en 2010, refusé des propositions de postes, il n'avait pas sollicité la rupture de son contrat de travail pour manquement de son employeur à lui fournir une activité professionnelle, et il consacrait une grande partie de son temps de travail à l'exercice de ses mandats syndicaux, circonstances qui ne permettaient pas de justifier le fait que l'exposant, en 2011, ne s'était pas vu proposer le moindre poste de travail, cependant qu'il n'avait eu de cesse de demander à l'employeur de le rétablir dans ses fonctions conformément à l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 20 octobre 2009, ni même son absence d'affectation à un poste de travail à compter de 2013, cependant qu'il n'avait cessé de réclamer des nouvelles de l'étude de son poste, qu'il avait fait part de son souhait de partager son activité entre 50 % de travail et 50 % d'activités syndicales, et que depuis la fusion Sopra Steria en 2015, il se limitait, selon ses rapports d'activité officiels mensuels, à environ 50 % en moyenne d'imputation en mandats et 50 % en attente d'affectation sans que l'employeur, en l'absence de force majeure, ne lui propose la moindre affectation, a violé les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;
8°/ que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que la cour d'appel en énonçant, pour débouter l'exposant de ses demandes, que l'absence de réunions en 2022 pour évoquer son repositionnement tenait au fait que M. [M] souhaitait recevoir M. [R] seul tandis que le salarié souhaitait être accompagné, menant à une situation de blocage, lorsque l'employeur, dans ses écritures d'appel, reconnaissait qu'une réunion entre M. [R] et le directeur général avait bien eu lieu le 31 août 2022, de sorte qu'aucune situation de blocage ne pouvait être imputée à l'exposant, a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
9. L'arrêt retient que l'employeur avait offert au salarié un poste compatible avec la disponibilité que lui laissait l'exercice de ses mandats syndicaux et représentatifs, que le salarié ne respectait pas les procédures de remboursement de frais, que ses refus de postes n'étaient pas justifiés dès lors qu'il n'était pas établi que les tâches confiées ne correspondaient pas à son contrat de travail, à ses qualifications et aux décisions de justice intervenues, et qu'il avait refusé un bilan de compétences ainsi qu'une formation.
10. Appréciant l'ensemble des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, sans méconnaître les termes du litige, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation et qui a déduit de ses énonciations et constatations que si, parmi les éléments présentés par le salarié, certains laissaient supposer l'existence d'une discrimination, ceux-ci étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, n'encourt pas les griefs du moyen.
Sur le sixième moyen
Enoncé du moyen
11. Le salarié et le syndicat font grief à l'arrêt de débouter le syndicat de sa demande tendant à la condamnation de la société, pour les faits d'entrave en 2019, 2020 et 2021 à l'exercice du droit d'alerte concernant la situation de son secrétaire général, au paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts, alors :
« 1°/ que le juge ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en soulevant d'office, pour débouter le syndicat de sa demande, les moyens tirés de ce que le syndicat, intervenant accessoirement à l'action diligentée par M. [R], ne pouvait invoquer qu'un manquement concernant le droit d'alerte émis par ce dernier et la société ayant répondu à l'alerte émise par ce représentant et fait une proposition, ne s'était pas rendue coupable d'une entrave au mandat de M. [R] en qualité de membre du CSE, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
2°/ qu'en cas d'entrave par l'employeur à l'exercice du droit syndical, le syndicat professionnel est en droit d'obtenir des dommages-intérêts en réparation du préjudice atteignant l'intérêt collectif de la profession qu'il représente ; qu'en se bornant, pour débouter le syndicat de sa demande, à énoncer que le syndicat, intervenant accessoirement à l'action diligentée par M. [R], ne pouvait invoquer qu'un manquement concernant le droit d'alerte émis par ce dernier et la société ayant répondu à l'alerte émise par ce représentant et fait une proposition, ne s'était pas rendue coupable d'une entrave au mandat de M. [R] en qualité de membre du CSE, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si l'entrave au mandat de Mme [J], délégué du personnel ''dont le droit d'alerte concernant la situation de M. [R] en septembre 2019 a été ignoré volontairement par la direction'', l'entrave au mandat de cette dernière de représentant de proximité de [Localité 4] et également membre du CSE, ainsi que l'entrave aux mandats de MM. [R] et [U], membres du CSE ''dont le droit d'alerte concernant la situation de M. [R] en 2020 et 2021 a été ignoré volontairement par la direction'', ne justifiaient pas de faire droit à la demande du syndicat exposant en paiement de dommages-intérêts, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2132-3 et 2312-59 du code du travail. »
Réponse de la Cour
12. Ayant retenu que la société ne s'était pas rendue coupable d'une entrave au mandat du salarié en qualité de membre du comité social et économique, de sorte que la demande de dommages-intérêts présentée par le syndicat au titre du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession devait être rejetée, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à une recherche inopérante et qui n'encourt pas le grief visé à la première branche du moyen, a légalement justifié sa décision.
Mais sur le deuxième moyen, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
13. Le salarié et le syndicat font grief à l'arrêt de débouter le salarié de sa demande en paiement d'une certaine somme au titre des salaires liés au nombre de jours travaillés au-delà du forfait, en deniers ou quittances, et des congés payés afférents, et de débouter le syndicat de sa demande tendant à voir la société condamnée à lui payer une somme à titre de dommages-intérêts pour violation des dispositions légales et conventionnelles relatives à la durée du travail notamment le forfait en jours en raison de l'atteinte disproportionnée aux intérêts collectifs de la profession défendue par le syndicat, alors :
« 1°/ que le juge ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en soulevant d'office, pour débouter M. [R] de sa demande, les moyens tirés, d'une part de ce qu'il ne sollicitait pas le paiement d'heures supplémentaires mais le paiement de jours travaillés au-delà du forfait en jours qu'il estimait pourtant lui être inopposable, et d'autre part, de ce que les dépassements du nombre de jours travaillés prévus au forfait en jours concernaient non pas son activité professionnelle mais le temps consacré à l'exercice de ses mandats syndicaux sans qu'il justifie que le dépassement de ses heures de délégation tenait à des circonstances exceptionnelles, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
2°/ que le juge est lié par l'objet du litige, tel qu'il résulte des conclusions déposées par les parties ; qu'en l'espèce où M. [R] ne demandait pas au juge de constater l'inopposabilité à son endroit de la convention de forfait en jours dont il bénéficiait et le paiement subséquent d'heures supplémentaires, mais le paiement des jours travaillés au-delà de la durée annuelle prévue par la convention de forfait en jours, selon les stipulations explicites de son contrat de travail et de l'accord Syntec de 2004, la cour d'appel, en énonçant que cette convention était inopposable à M. [R] qui pouvait demander le paiement d'heures supplémentaires, ce qu'il ne faisait pas puisqu'il sollicitait le paiement de jours travaillés au-delà du forfait en jours qu'il estimait pourtant lui être inopposable, a modifié l'objet du litige et ainsi violé l'article 4 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 4 et 16 du code de procédure civile :
14. Selon le premier de ces textes, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
15. Selon le second, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
16. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement des jours travaillés au-delà du forfait en jours, l'arrêt retient que, dès lors que la société, qui n'a pas conclu sur cette demande, ne justifie ni de l'existence d'un accord sur le forfait en jours prévoyant des règles de suivi de la charge de travail du salarié ni de la réalisation d'un entretien annuel avec le salarié sur sa charge de travail, la convention de forfait en jours est inopposable au salarié qui peut ainsi demander paiement d'heures supplémentaires, que, toutefois, d'une part, le salarié ne demande pas le paiement d'heures supplémentaires mais celui des jours travaillés au-delà du forfait en jours qu'il estime pourtant lui être inopposable, d'autre part, les dépassements du nombre de jours travaillés prévus au forfait en jours ne concernent pas l'activité professionnelle du salarié, mais le temps consacré à l'exercice de ses mandats syndicaux et que le salarié ne justifie pas que le dépassement de ses heures de délégation tenait à des circonstances exceptionnelles.
17. En statuant ainsi, la cour d'appel qui a, d'une part, modifié les termes du litige, le salarié n'ayant pas demandé que la convention de forfait en jours lui soit inopposable, et, d'autre part, relevé d'office le moyen tiré de ce que les dépassements du nombre de jours travaillés prévus au forfait en jours ne concernaient pas l'activité professionnelle du salarié, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations, a violé les textes susvisés.
Et sur le quatrième moyen
Enoncé du moyen
18. Le salarié et le syndicat font grief à l'arrêt de débouter le syndicat de sa demande en condamnation de la société, pour les faits de harcèlement moral caractérisés postérieurement à l'arrêt du 20 octobre 2009 à ce jour, à payer au syndicat une somme à titre de dommages-intérêts en raison de l'atteinte disproportionnée aux intérêts collectifs de la profession défendue par le syndicat, alors « que le juge ne peut procéder par voie de considérations générales et abstraites et doit préciser l'origine et la nature des renseignements qui ont servi à motiver sa décision ; qu'en se bornant, pour débouter le syndicat Avenir Sopra Steria de sa demande, à affirmer péremptoirement, après avoir reconnu le harcèlement moral subi par M. [R], représentant du personnel élu sur la liste du syndicat Avenir Sopra Steria et représentant syndical de ce syndicat, que le harcèlement moral ne porte pas atteinte à l'intérêt collectif de la profession défendu par le syndicat, qui n'intervient à la procédure qu'à titre accessoire, sans motiver sa décision de ce chef et expliquer les raisons pour lesquelles elle décidait d'écarter l'existence d'un préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession représentée par le syndicat par le harcèlement moral subi par son représentant syndical, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
19. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.
20. Pour débouter le syndicat de sa demande de dommages-intérêts au titre de l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession du fait du harcèlement moral subi par le salarié, la cour d'appel retient que, si le harcèlement moral a été reconnu, ce dernier affecte le salarié à titre personnel et ne porte pas atteinte à l'intérêt collectif de la profession défendu par le syndicat.
21. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions du syndicat et du salarié qui soutenaient que ce dernier subissait une agressivité injustifiée lors des réunions des instances du comité social et économique et lors des négociations auxquelles il participait dans le cadre de l'exercice de ses fonctions représentatives, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
22. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif déboutant le salarié de sa demande en paiement des jours travaillés au-delà du forfait en jours emporte celle du chef de dispositif déboutant le syndicat de sa demande de dommages-intérêts au titre de l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession du fait du non-respect des règles relatives au forfait en jours, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
23. La cassation des chefs de dispositif déboutant le salarié de sa demande en paiement des jours travaillés au-delà du forfait en jours et déboutant le syndicat de ses demandes de dommages-intérêts au titre de l'atteinte portée à l'intérêt collectif du fait du harcèlement moral et du non-respect des règles relatives au forfait en jours n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant la société aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celle-ci.
Soc. 26 février 2025 n° 23-13.160
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 26 février 2025
Cassation
Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 171 F-D
Pourvoi n° E 23-13.160
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 26 FÉVRIER 2025
M. [P] [E], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° E 23-13.160 contre l'arrêt rendu le 10 janvier 2023 par la cour d'appel d'Agen (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société IGC, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Carillon, conseiller référendaire, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [E], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société IGC, après débats en l'audience publique du 21 janvier 2025 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Carillon, conseiller référendaire rapporteur, M. Seguy, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Agen, 10 janvier 2023), M. [E] a été engagé en qualité de chef d'agence le 8 juillet 2004 par la société IGC (la société).
2. Convoqué à un entretien préalable à son licenciement et mis à pied à titre conservatoire, le salarié, licencié le 16 décembre 2019, a saisi la juridiction prud'homale afin de contester son licenciement et obtenir paiement de diverses sommes à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, au titre de la contrepartie obligatoire en repos et à titre d'indemnités pour travail dissimulé.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes au titre des heures supplémentaires et congés payés afférents, de la contrepartie obligatoire en repos et des congés payés afférents, à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la réglementation de la durée du travail et au titre de l'indemnité pour travail dissimulé, alors « que la charge de la preuve des heures supplémentaires ne pèse pas sur le seul salarié ; qu'il lui appartient seulement de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'en l'espèce, il ressort des constatations de l'arrêt que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, à savoir sa lettre de mission, un décompte hebdomadaire et mensuel des heures de travail accomplies de décembre 2016 à novembre 2019 sous forme d'un tableau synthétique intégré dans ses conclusions en pages 13, 14 et 15, un tableau en page 16 de ses conclusions détaillant le calcul des heures supplémentaires majorées à 25 % et 50 % de décembre 2018 à novembre 2019, un décompte des horaires accomplis quotidiennement de décembre 2016 à novembre 2019 ainsi que 56 courriels extraits de son ordinateur professionnel constatés par huissier de justice ; que pour cependant le débouter de sa demande de paiement d'heures supplémentaires, l'arrêt retient ''qu'aucun agenda professionnel n'est produit en appel et que la pièce 20 ne permet pas de vérifier la réalité d'un travail effectif en dehors des heures contractuellement prévues ; que les courriels produits pour leur très grande majorité, concernent des communications à plusieurs collaborateurs parmi lesquels se trouve M. [E] : rappel de réunion, de formation, flashs d'activité, points sur des dossiers? qui n'appellent pas de réponse immédiate et son envoyés à des heures ouvrables ; que ceux envoyés par M. [E] l'ont été pendant des heures de travail de travail, hormis sept courriels adressés en soirée à un collaborateur, sans qu'il soit possible d'en lire la teneur ; qu'un courriel a été émis par le salarié un dimanche, le 22 octobre 2017'' ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :
4. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
5. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
6. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
7. Pour débouter le salarié de sa demande au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents, l'arrêt relève, d'abord, que la qualité de cadre dirigeant ne peut s'appliquer au salarié qui rappelle n'être soumis à aucune convention de forfait ni en jours ni en heures et, ensuite, que les éléments produits par le salarié, et notamment un décompte hebdomadaire et mensuel des heures de travail accomplies de décembre 2016 à novembre 2019, sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre.
8. L'arrêt retient ensuite, qu'aucun agenda professionnel n'est produit en appel et relève que la pièce 20 ne permet pas de vérifier la réalité d'un travail effectif en dehors des heures contractuellement prévues ; que les courriels produits pour leur très grande majorité, concernent des communications à plusieurs collaborateurs parmi lesquels se trouve le salarié qui n'appellent pas de réponse immédiate et sont envoyés à des heures ouvrables ; que ceux envoyés par le salarié l'ont été pendant des heures de travail, hormis sept courriels adressés en soirée à un collaborateur, sans qu'il soit possible d'en lire la teneur et qu'un courriel a été émis par le salarié un dimanche, le 22 octobre 2017.
9. Il en déduit qu'il n'est pas établi que le salarié a effectué des heures supplémentaires.
10. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part, que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, d'autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé.
Et sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
11. Le salarié fait grief à l'arrêt de fixer son salaire de référence à 2 127 euros brut, alors « que les éléments de rémunération dont les modalités de fixation permettent leur rattachement direct à l'activité personnelle du salarié doivent être intégrés dans la base de calcul des majorations pour heures supplémentaires ; qu'en l'espèce, l'arrêt retient qu' ''au dernier état de la relation contractuelle, la partie fixe de sa rémunération était portée à 2 127 euros sur 12 mois par avenant du 1er novembre 2007 à effet au 1er novembre 2007 ; que sa rémunération était composée en outre d'une part variable en fonction du chiffre d'affaire réalisé ; qu'il convient de prendre en compte le montant de 2 127,12 euros comme salaire de référence'' ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si cette part variable sur chiffre d'affaire était directement rattachée à l'activité personnelle du salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3121-22 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 3121-28, L. 3121-33 et L. 3121-36 du code du travail, dans leur rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :
12. Il résulte de ces dispositions que les éléments de rémunération dont les modalités de fixation permettent leur rattachement direct à l'activité personnelle du salarié doivent être intégrés dans la base de calcul des majorations pour heures supplémentaires.
13. Pour prendre en compte le montant de 2 127,12 euros comme salaire de référence, l'arrêt retient que la partie fixe de la rémunération du salarié était portée à 2 127,12 euros sur 12 mois par avenant du 1er novembre 2007 à effet au 1er novembre 2007 et que cette rémunération était composée en outre d'une part variable en fonction du chiffre d'affaires réalisé.
14. En se déterminant ainsi, sans rechercher si la part variable versée en fonction du chiffre d'affaires réalisé était directement rattachée à l'activité personnelle du salarié, de sorte qu'elle devait être incluse dans l'assiette du calcul de la majoration pour heures supplémentaires, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Soc. 18 décembre 2024 n° 23-11.306
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 18 décembre 2024
Cassation partielle
Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 1322 F-D
Pourvoi n° Q 23-11.306
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 DÉCEMBRE 2024
M. [Y] [H], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Q 23-11.306 contre l'arrêt rendu le 30 novembre 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 6), dans le litige l'opposant à la société Euro Disney associés, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La société Euro Disney associés a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de Me Isabelle Galy, avocat de M. [H], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Euro Disney associés, après débats en l'audience publique du 20 novembre 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Flores, conseiller rapporteur, Mme Le Quellec, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 novembre 2022), M. [H] a été engagé en qualité de manager d'exploitation le 1er octobre 2001 par la société Euro Disney associés. Une convention individuelle de forfait en jours a été conclue le 23 avril 2007.
2. Le 16 novembre 2017, les parties sont convenues d'une convention de rupture du contrat de travail prenant effet au 7 janvier 2018.
3. Le salarié a saisi le 7 août 2018 la juridiction prud'homale de demandes en paiement de diverses sommes au titre de l'exécution du contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le troisième moyen du pourvoi principal du salarié
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en nullité de la convention de forfait annuel en jours et de limiter à une certaine somme la condamnation prononcée contre l'employeur au titre du rappel des heures supplémentaires, outre les congés payés afférents, alors « que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires ; qu'en l'espèce, l'avenant n° 6 du 1er décembre 2006 à l'accord d'entreprise du 15 avril 1999 portant sur l'aménagement et la réduction du temps de travail se bornait à prévoir, au titre des modalités de la convention de forfait annuel en jours, qu'un calendrier prévisionnel des jours de repos serait élaboré chaque trimestre par les cadres concernés et transmis au supérieur hiérarchique, que le décompte des journées de travail et des journées de repos se ferait mensuellement au moyen d'un support auto-déclaratif et transmis au supérieur hiérarchique, et que dans l'hypothèse où un salarié cadre autonome estimerait que sa charge de travail est trop importante, il pourra demander la tenue d'une réunion avec son supérieur hiérarchique afin d'en analyser les causes ; qu'en retenant, pour considérer que la convention individuelle de forfait en jours du salarié du 23 avril 2007 était valable, que ces modalités, qui prévoient un contrôle régulier et effectif par le supérieur hiérarchique, présentent des garanties suffisantes pour le salarié, quand les dispositions de l'avenant du 1er décembre 2006 n'instituaient aucun suivi effectif et régulier permettant à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, et n'étaient pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restaient raisonnables et à assurer une répartition dans le temps du travail de l'intéressé, la cour d'appel a violé l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article L. 212-15-3 du code du travail en sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, interprétés à la lumière des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. »
Réponse de la Cour
Vu l'alinéa 11 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article L. 3121-45 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, interprété à la lumière de l'article 17, paragraphes 1 et 4 de la directive 1993/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17, paragraphe 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne :
6. Le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles.
7. Il résulte des articles susvisés des directives de l'Union européenne que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur.
8. Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.
9. Pour débouter le salarié de sa demande en nullité de la convention individuelle de forfait en jours et condamner l'employeur au paiement d'une certaine somme à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, l'arrêt retient que l'avenant n° 6 de l'accord portant sur l'aménagement et la réduction du temps de travail signé le 1er décembre 2006 prévoit la possibilité d'une convention de forfait annuel en jours pour les cadres autonomes, pour un maximum de 211 jours travaillés. Il précise que cet accord prévoit un contrôle régulier et effectif par le supérieur hiérarchique et présente ainsi des garanties suffisantes pour le salarié.
10. En statuant ainsi, alors que l'avenant n° 6 de l'accord portant sur l'aménagement et la réduction du temps de travail signé le 1er décembre 2006, qui se borne à prévoir que les cadres concernés déterminent leur propre durée du travail, qu'ils font varier en fonction de leur charge de travail entre cinq heures et plus, étant précisé que le temps de travail est limité par référence aux dispositions légales relatives au temps de repos quotidien et au repos hebdomadaire, que les directeurs et chefs d'établissement sont en tout état de cause garants de la bonne répartition du travail des cadres autonomes et que si les raisons de ces dépassements répétés sont conjoncturelles, il sera examiné avec le cadre les solutions envisageables pour y remédier dans les plus brefs délais, alors que si les raisons sont structurelles, une réunion avec le vice-président des ressources humaines sera organisée pour trouver les solutions appropriées, sans instituer de suivi effectif et régulier permettant à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, ne sont pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié, ce dont elle aurait dû déduire que la convention de forfait en jours était nulle, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
11. La cassation des chefs de dispositif relatifs à la demande en nullité de la convention de forfait en jours et à la condamnation de l'employeur au paiement d'une somme au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.
Soc. 18 décembre 2024 n° 23-20.340
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CH9
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 18 décembre 2024
Rejet et rectification d'erreur matérielle
Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 1316 F-D
Pourvoi n° J 23-20.340
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 DÉCEMBRE 2024
Mme [D] [N], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° J 23-20.340 contre l'arrêt rendu le 27 juin 2023 par la cour d'appel de Metz (chambre sociale, section 1), dans le litige l'opposant :
1°/ à l'association EM [Localité 5] partenaires, dont le siège est [Adresse 3],
2°/ à France travail, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommé Pôle emploi, et dont la direction régionale Ile-de-France est [Adresse 4],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Cavrois, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de Mme [N], de la SCP Françoise Fabiani - François Pinatel, avocat de l'association EM Strasbourg partenaires, après débats en l'audience publique du 20 novembre 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Cavrois, conseiller rapporteur, Mme Deltort, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 27 juin 2023), rendu sur renvoi après cassation (Soc., 19 mai 2021, pourvoi n° 20-15.385), Mme [N] a été engagée en qualité de chargée de développement par l'association EM [Localité 5] partenaires à compter du 1er mai 2011.
2. Le 20 juillet 2016, elle a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.
3. La salariée a été licenciée le 5 décembre 2016.
Examen des moyens
Sur les deuxième et troisième moyens
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. La salariée fait grief à l'arrêt de prononcer la validité du forfait en jours et de la débouter de ses demandes en paiement d'un rappel de salaire et en résiliation judiciaire du contrat de travail, alors « que la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à une absence de motifs ; qu'après avoir retenu dans ses motifs que la convention de forfait-jours était inopposable à Mme [N] et que le jugement devait être infirmé sur ce point, dans son dispositif, l'arrêt a confirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions, à l'exception de celle ayant déclaré recevable la demande d'heures complémentaires pour la période antérieure au 20 juillet 2013 ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
6. Le vice allégué par le moyen procède d'une erreur matérielle dont la rectification sera ci-après ordonnée en application de l'article 462 du code de procédure civile.
7. Le moyen ne peut donc être accueilli.
Soc. 4 décembre 2024 n° 23-11.575
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 4 décembre 2024
Cassation partielle
Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 1240 F-D
Pourvoi n° H 23-11.575
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 DÉCEMBRE 2024
La société Castorama France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° H 23-11.575 contre l'arrêt rendu le 1er décembre 2022 par la cour d'appel de Caen (chambre sociale, section 1), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [O] [C], domicilié [Adresse 1],
2°/ à France Travail, dont le siège est [Adresse 2], anciennement dénommé Pôle emploi,
défendeurs à la cassation.
M. [O] [C], a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.
Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Cavrois, conseiller, les observations écrites de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Castorama France, de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. [C], après débats en l'audience publique du 6 novembre 2024 où étaient présentes Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Cavrois, conseiller rapporteur, Mme Deltort, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 1er décembre 2022), M. [C] a été engagé en qualité de responsable sécurité maintenance, catégorie agent de maîtrise, par la société Castorama à compter du 20 octobre 2007. Devenu, suivant avenant du 9 septembre 2008, chef de sécurité maintenance, catégorie cadre, il a été soumis à une convention de forfait en jours, au visa de l'accord collectif du 23 novembre 1999.
2. Licencié le 9 octobre 2019, il a saisi la juridiction prud'homale le 19 février 2020 d'une contestation du bien-fondé de son licenciement et de demandes en paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le second moyen du pourvoi principal de l'employeur
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour absence de paiement des astreintes, alors :
« 1°/ qu'aux termes de l'article L. 3121-9 du code du travail, une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, doit être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise ; qu'il en résulte que l'existence d'une astreinte suppose que le salarié ait l'obligation, d'une part, d'être joignable constamment et de répondre aux appels qui lui sont passés et, d'autre part, d'intervenir sur le lieu de travail en cas d'appel ; qu'en outre, une astreinte ne peut résulter que d'instructions de l'employeur obligeant le salarié à rester disponible et joignable, pour intervenir en cas de besoin au service de l'entreprise ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que, pendant les horaires de fermeture, la protection du magasin est assurée par un système d'alarme intrusion, technique ou feu géré par une société de télésurveillance, laquelle doit faire intervenir une société d'intervention en cas de déclenchement d'une alarme intrusion ou technique, contacter la police en cas de détection d'une infraction et appeler les pompiers en cas d'alarme incendie ; que la cour d'appel a en outre constaté que, si cette société doit également prévenir le directeur du magasin ou l'un des deux cadres responsables, en cas d'incident, le "processus de gestion des alarmes magasin" applicable dans l'entreprise précise que "le directeur de magasin ainsi que les deux cadres doivent être alertés mais l'entreprise conçoit qu'ils puissent être dans l'impossibilité de répondre, par ailleurs ils ne sont pas obligés d'intervenir" ; qu'il résulte de ces constatations que le système de gestion des alarmes mis en place par l'employeur ne soumet pas à une astreinte les cadres pouvant être avertis par la société de télésurveillance, ces cadres n'étant pas obligés de rester joignables, de répondre aux appels, ni d'intervenir ; qu'en affirmant néanmoins que M. [C] était soumis à des astreintes, la cour d'appel a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article L. 3121-9 du code du travail ;
2°/ que l'existence d'une astreinte suppose que le salarié ait l'obligation, d'une part, d'être joignable constamment et de répondre aux appels qui lui sont passés et, d'autre part, pour intervenir en cas d'appel ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que, selon le listing des alarmes d'une année, M. [C] a répondu trente-neuf fois aux appels de la société de télésurveillance "en donnant des instructions ou en étant avisé" et qu'il "s'est déplacé trois fois" ; qu'il en résulte que M. [C], qui ne répondait pas systématiquement aux appels de la société de télésurveillance, n'était pas tenu de rester joignable, ni d'intervenir en se déplaçant au magasin, en cas de déclenchement d'une alarme ; qu'en se fondant sur de tels motifs, impropres à caractériser "l'obligation pour le salarié de rester en permanence disponible à l'aide de son téléphone portable pour pouvoir le cas échéant répondre aux appels, donner les instructions nécessaires et si nécessaire se déplacer", la cour d'appel a violé de plus fort l'article L. 3121-9 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3121-9, alinéa 1er, du code du travail :
5. Aux termes de ce texte une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, doit être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise.
6. Pour condamner l'employeur à verser au salarié une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour absence de paiement des astreintes, l'arrêt relève que ce dernier produit un document intitulé « processus de gestion des alarmes magasin » duquel il résulte que la société de surveillance dispose du numéro de téléphone du directeur du magasin et de deux cadres membres du comité de direction, ceux-ci devant être prévenus en cas d'incident. Il ajoute que ce document précise que « le directeur de magasin ainsi que les deux cadres doivent être alertés mais l'entreprise conçoit qu'ils puissent être dans l'impossibilité de répondre, par ailleurs ils ne sont pas obligés d'intervenir ». Il relève encore que ce document mentionne qu'en cas d'alarme intrusion ou technique, la société de télésurveillance fait intervenir la société d'intervention, et en cas de détection d'une effraction, elle contacte la police, contacte le directeur ou les deux cadres et laisse un message, que le directeur du magasin ou les deux cadres se rendent sur place si disponibles et qu'en cas d'alarme incendie, la société de télésurveillance appelle les pompiers, ainsi que le directeur du magasin ou les deux cadres, les consignes étant les mêmes pour ces derniers qu'en cas de détection d'une effraction.
7. L'arrêt retient que le listing du 2 avril 2018 au 27 avril 2019 démontre que le salarié a répondu trente-neuf fois aux appels en donnant des instructions ou en étant avisé, et qu'il s'est déplacé trois fois dont une fois le 20 août 2018 à 14h03 alors qu'il était, selon son bulletin de salaire, en congés payés.
8. Il constate à l'analyse du listing que la société de télésurveillance appelait successivement les salariés désignés jusqu'à ce que l'un d'eux réponde.
9. Il en conclut que s'il n'était pas à la disposition permanente et immédiate de son employeur, le salarié avait l'obligation de rester en permanence disponible à l'aide de son téléphone portable pour pouvoir le cas échéant répondre aux appels, donner les instructions nécessaires et si nécessaire se déplacer et que ces astreintes n'ayant pas été indemnisées, l'intéressé est bien fondé à réclamer une réparation de cette absence de contrepartie financière.
10. En statuant ainsi, après avoir constaté que le salarié n'avait pas l'obligation de répondre aux appels de la société de surveillance et sans caractériser en quoi le salarié était tenu de rester à disposition de l'employeur pour être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'employeur, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Et sur le moyen relevé d'office
11. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.
Vu les articles L. 3121-60 et L. 3121-65 I du code du travail, l'article 12 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :
12. Aux termes du premier de ces textes, dont les dispositions sont d'ordre public, l'employeur s'assure régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail.
13. Aux termes du deuxième, à défaut de stipulations conventionnelles prévues aux 1° et 2° du II de l'article L. 3121-64, une convention individuelle peut être valablement conclue sous réserve des dispositions suivantes : 1° L'employeur établit un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées. Sous la responsabilité de l'employeur, ce document peut être renseigné par le salarié ; 2° L'employeur s'assure que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires ; 3° L'employeur organise une fois par an un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail, qui doit être raisonnable, l'organisation de son travail, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération.
14. Aux termes du troisième, l'exécution d'une convention individuelle de forfait en jours conclue sur le fondement d'une convention ou d'un accord de branche ou d'un accord d'entreprise ou d'établissement qui, à la date de publication de la présente loi, n'est pas conforme aux 1° à 3° du II de l'article L. 3121-64 du code du travail peut être poursuivie, sous réserve que l'employeur respecte l'article L. 3121-65 du même code. Sous ces mêmes réserves, l'accord collectif précité peut également servir de fondement à la conclusion de nouvelles conventions individuelles de forfait.
15. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'une somme au titre des heures supplémentaires de 2016 à 2019, après avoir relevé que l'accord sur lequel était adossée la convention de forfait du salarié ne prévoyait aucun dispositif concret de contrôle et ne décrivait aucune modalité précise, si bien que ses dispositions n'étaient pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restaient raisonnables et à assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, l'arrêt retient qu'il est produit aux débats les relevés annuels d'heures signés par le salarié renseignant l'ensemble des absences du salarié et donc les jours travaillés sur l'année, les relevés annuels de 2010 à 2018 étant contresignés par le responsable du salarié.
16. L'arrêt ajoute qu'il est produit des comptes-rendus d'entretien intitulés « suivi de l'organisation et du temps de travail des cadres » à raison de deux par an pour les années 2016, 2017 et 2018 dans lesquels le salarié était interrogé sur les congés, sur le temps de travail, sur la charge de travail et sur la conciliation vie professionnelle et vie privée, que lors de ces entretiens le solde de congés et RTT était rappelé, que le salarié a répondu par l'affirmative à la question : « Les deux jours de repos hebdomadaires sont-ils pris, le respect de l'amplitude horaire est-il respecté ? », qu'il a indiqué qu'il vivait bien sa charge de travail, que l'organisation était adaptée à sa charge de travail et n'a pas fait part de difficultés ou commentaires à la rubrique « indiquer les éventuelles difficultés rencontrées dans l'organisation du travail et la charge de travail et les mesures pour y remédier ».
17. La cour d'appel en a déduit que l'employeur avait pris les mesures concrètes et effectives prévues par l'article L. 3121-65 I du code du travail lui permettant de garantir que l'amplitude et la charge de travail restaient raisonnables et d'assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail du salarié.
18. En statuant ainsi sans constater que l'employeur avait pris les mesures nécessaires pour instituer un suivi effectif et régulier lui permettant de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, ce dont il se déduisait que la convention de forfait en jours était nulle, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
19. Les cassations prononcées n'emportent pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.
Soc. 20 novembre 2024 n° 23-21.020
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 20 novembre 2024
Cassation partielle
Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 1186 F-D
Pourvoi n° Y 23-21.020
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 20 NOVEMBRE 2024
M. [T] [K], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Y 23-21.020 contre l'arrêt rendu le 22 juin 2023 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale C), dans le litige l'opposant à la société Electro dépôt France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La société Electro dépôt France a formé le pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Deltort, conseiller, les observations de Me Ridoux, avocat de M. [K], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Electro dépôt France, après débats en l'audience publique du 16 octobre 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Deltort, conseiller rapporteur, Mme Rodrigues, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3 alinéa 2 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 22 juin 2023), M. [K] a été engagé en qualité d'équipier par la société Electro dépôt à compter du 2 novembre 2009. Suivant avenant du 1er décembre 2011, le salarié, promu au poste de directeur-adjoint commerce, a été soumis à une convention de forfait en jours.
2. Le 12 février 2019, il a démissionné.
3. Le 8 mars 2019, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant à la contestation de la validité de la convention de forfait en jours et en paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le premier moyen du pourvoi principal du salarié
Enoncé du moyen
4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes tendant à l'inopposabilité de la convention de forfait en jours et en paiement de diverses sommes à titre de rappel d'heures supplémentaires, outre congés payés afférents, de repos compensateurs, d'indemnité pour travail dissimulé, et de dommages-intérêts pour licenciement abusif, alors « que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires ; que l'arrêt attaqué relève que ''l'accord du 15 mars 2016 – seul texte discuté par les parties – prévoit (?) un récapitulatif des jours travaillés, un nombre de jours consécutifs maximal fixé à 6 jours, le respect du repos quotidien et hebdomadaire minimum ainsi qu'un entretien individuel annuel sur ce mode d'organisation du travail'' ; qu'il ressort de ces constatations que l'accord du 15 mars 2016 n'institue aucun suivi effectif et régulier permettant à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, ce dont il résulte que cet accord n'est pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et à assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé ; que dès lors, en déboutant néanmoins le salarié de sa demande en inopposabilité de la convention de forfait en jours, la cour d'appel a violé l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article L. 3121-39 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 interprété à la lumière des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.»
Réponse de la Cour
Vu l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article L. 3121-39 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, interprété à la lumière des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne :
5. Le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles.
6. Il résulte des articles susvisés de la directive de l'Union européenne que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur.
7. Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.
8. Pour dire que la convention de forfait en jours est opposable au salarié, l'arrêt retient que l'accord du 15 mars 2016 relatif à l'organisation du temps de travail au sein de l'entreprise, seul texte discuté par les parties, prévoit expressément un récapitulatif des jours travaillés, un nombre de jours consécutifs maximal fixé à six jours, le respect des repos quotidien et hebdomadaire minima ainsi qu'un entretien individuel annuel sur ce mode d'organisation du travail, que ces stipulations sont suffisantes pour garantir le respect des durées maximales raisonnables de travail ainsi que des repos, journalier et hebdomadaire, et que le salarié ne conteste pas la tenue d'entretiens annuels individuels mais estime que ces entretiens ne s'identifient pas aux entretiens spécifiques exigés par l'article L. 3121-46 du code du travail précité, ce dont l'employeur n'aurait pas justifié. Il ajoute que toutefois, il résulte des comptes-rendus d'entretiens annuels versés aux débats, de même que des propres écritures du salarié, que les entretiens annuels comprenaient une partie intitulée "Equilibre vie privée/vie professionnelle : Le collaborateur fait ses commentaires sur son organisation de travail" et que les items ainsi visés (auxquels le salarié a répondu "RAS" tous les ans) satisfont aux exigences de l'entretien annuel individuel obligatoire prévu par l'article L. 3121-46 précité dans le cadre d'une convention de forfait en jours.
9. En statuant ainsi, alors que l'accord du 15 mars 2016, qui se borne à prévoir un récapitulatif des journées travaillées, un nombre de jours consécutifs de travail maximal fixé à six, le respect des repos quotidien et hebdomadaire maxima et un entretien individuel annuel sur le mode d'organisation du travail, sans instituer un suivi effectif et régulier permettant à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, n'est pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et à assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, ce dont il se déduisait que la convention de forfait en jours était nulle, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Sur le second moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
10. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail doit s'analyser en une démission et de le débouter de toute demande indemnitaire au titre de la rupture du contrat de travail, alors « qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions de la décision cassée ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que la cassation qui sera prononcée sur le premier moyen des chefs de dispositif de l'arrêt déboutant le salarié de sa demande que la convention de forfait en jours lui soit déclarée inopposable et de sa demande en paiement de diverses sommes à titre d'heures supplémentaires, des congés payés y afférents, de repos compensateurs, et d'indemnité pour travail dissimulé, entraînera l'annulation par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, du chef de l'arrêt le déboutant de sa demande en paiement de dommages-intérêts au titre de la rupture du contrat de travail, ces chefs de dispositif étant dans un lien de dépendance nécessaire ainsi que cela ressort des motifs selon lesquels "la cour a précédemment jugé que la convention de forfait en jours était applicable, de sorte que les griefs tirés de ce chef, de la rémunération des heures supplémentaires et de l'obligation d'entretien annuel spécifique, ne sont pas fondés". »
Réponse de la Cour
Vu l'article 624 du code de procédure civile :
11. La cassation prononcée entraîne la cassation par voie de conséquence des chefs de dispositif disant que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail doit s'analyser en une démission et déboutant le salarié de toute demande indemnitaire au titre de la rupture du contrat de travail.
Et sur le moyen du pourvoi incident de l'employeur, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
12. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié une certaine somme à titre de contrepartie des périodes d'astreinte réalisées au cours de l'année 2018, alors « que le salarié demandait non le versement de la contrepartie légale aux périodes d'astreinte mais des dommages et intérêts en réparation de la méconnaissance par l'employeur de son obligation légale de verser une contrepartie ; qu'en condamnant l'employeur à verser la somme de 3 000 euros au titre de la contrepartie financière, au motif ''que dès lors qu'une contrepartie légale est prévue aux périodes d'astreinte, l'employeur est mal fondé à exiger la preuve du préjudice qui en est résulté'', la cour d'appel a modifié l'objet du litige, en violation des dispositions de l'article 4 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 16 du code de procédure civile :
13. Aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
14. Pour condamner l'employeur à verser au salarié une somme au titre de la contrepartie des périodes d'astreinte réalisées en 2018, l'arrêt retient que le salarié allègue avoir été soumis à huit semaines d'astreintes téléphoniques de sécurité au cours de l'année 2018, justifiant selon lui l'octroi de dommages-intérêts à hauteur de deux mois de salaire, que l'employeur réplique que le salarié n'allègue aucun préjudice et ne justifie pas avoir effectué le moindre travail au cours de ces astreintes.
15. Il ajoute qu'au cas particulier, le salarié produit le planning des astreintes entre les mois d'avril 2018 et novembre 2018, dont il ressort qu'il a exécuté sept semaines d'astreintes, hors périodes de congés payés ou d'arrêt maladie, que dès lors qu'une contrepartie légale est prévue aux périodes d'astreintes, l'employeur est mal fondé à exiger la preuve du préjudice qui en résulterait et que de même, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, il importe peu que le salarié soit ou non intervenu au cours de ces astreintes, de telles interventions s'analysant le cas échéant en un temps de travail effectif, distinct de la période d'astreinte elle-même.
16. En statuant ainsi, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur le moyen relevé d'office tiré du droit du salarié à une contrepartie, notamment, sous forme financière en cas de réalisation d'une période d'astreinte, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Soc. 20 novembre 2024 n° 23-17.881
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 20 novembre 2024
Cassation partielle
Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 1190 F-D
Pourvoi n° M 23-17.881
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 20 NOVEMBRE 2024
M. [Y] [K], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° M 23-17.881 contre l'arrêt rendu le 17 mai 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 3), dans le litige l'opposant à la société Videndum média distribution France, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Cavrois, conseiller, les observations de Me Soltner, avocat de M. [K], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Videndum média distribution France, après débats en l'audience publique du 16 octobre 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Cavrois, conseiller rapporteur, Mme Le Quellec, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 mai 2023), M. [K] a été engagé, en qualité de responsable administratif et financier, le 26 mars 2012, par la société Manfrotto distribution, devenue la société Vitec Imaging Distribution, elle-même devenue la société Videndum média distribution France.
2. Licencié le 14 avril 2016, le salarié a saisi, le 9 juin 2016, la juridiction prud'homale de demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement de diverses sommes à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires et d'indemnité compensatrice en repos obligatoire, outre congés payés afférents, alors « que la conclusion d'une convention de forfait, fût-elle ultérieurement déclarée illicite ou privée d'effet, ne permet pas à l'employeur de soutenir que le salarié relevait de la catégorie des cadres dirigeants ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le contrat de travail de M. [K] contenait une convention de forfait ce dont il résultait que la qualification de cadre dirigeant était exclue ; qu'en jugeant pourtant que M. [K] devait recevoir une telle qualification de sorte qu'il n'y avait pas lieu d'examiner les demandes du salarié relatives aux heures supplémentaires, à l'indemnité compensatrice repos obligatoire, outre les congés payés y afférents, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient et a, ce faisant, violé l'article L. 3111-2 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3111-2 du code du travail :
4. Selon ce texte, sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement.
5. Pour rejeter la demande du salarié tendant au paiement d'un rappel de salaire pour heures supplémentaires, l'arrêt, après avoir jugé que la convention de forfait en jours prévue au contrat du salarié était privée d'effet, retient que l'emploi du salarié est décrit comme celui d'un directeur financier de l'entité France de la société, entité qui compte treize personnes, et que l'intéressé avait une large autonomie, un niveau de responsabilité important, ayant été recruté pour redresser la comptabilité et mettre en place de nouvelles procédures visant à suivre au plus près l'évolution des prix, les performances commerciales et le niveau des charges, et un des salaires les plus élevés.
6. Il conclut qu'il n'y a pas lieu d'examiner les demandes du salarié relatives aux heures supplémentaires, à l'indemnité compensatrice de repos obligatoire outre les congés payés afférents.
7. En statuant ainsi, alors que la conclusion d'une convention de forfait annuelle en jours, fût-elle ultérieurement déclarée illicite ou privée d'effet, ne permet pas à l'employeur de soutenir que le salarié relevait de la catégorie des cadres dirigeants, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Soc. 6 novembre 2024 n° 23-13.120
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CH9
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 6 novembre 2024
Rejet
Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 1110 F-D
Pourvoi n° M 23-13.120
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 NOVEMBRE 2024
La société In extenso Secag, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° M 23-13.120 contre l'arrêt rendu le 26 janvier 2023 par la cour d'appel de Caen (1re chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. [G] [J], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
M. [J] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, cinq moyens de cassation.
Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Deltort, conseiller, les observations écrites de la SCP Françoise Fabiani-François Pinatel, avocat de la société In extenso Secag, de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. [J], après débats en l'audience publique du 2 octobre 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Deltort, conseiller rapporteur, M. Flores, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 26 janvier 2023) et les productions, M. [J] a été engagé en qualité d'analyste programmeur par la société In extenso Secag à compter du 27 juillet 1987, puis il a occupé les postes de chargé de clientèle et de responsable informatique régional.
2. Selon avenant des 30 décembre 2005 et 20 janvier 2006, le salarié a été soumis à une convention de forfait en jours.
3. Le 5 novembre 2015, il a été licencié.
4. Le 30 janvier 2016, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes en nullité et en inopposabilité de la convention de forfait en jours et en paiement de diverses sommes au titre de la rupture et de l'exécution du contrat de travail.
Examen des moyens
Sur les premier, troisième, quatrième et cinquième moyens du pourvoi principal de l'employeur et le moyen du pourvoi incident du salarié
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le deuxième moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
6. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié certaines sommes à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, outre congés payés afférents, et de repos compensateur non pris, pour la période de 2011 à 2015, alors :
« 1°/ que lorsqu'une convention de forfait est déclarée inopposable, le décompte et le paiement des heures supplémentaires doivent s'effectuer selon le droit commun, au regard de la durée légale de trente-cinq heures hebdomadaires ou de la durée considérée comme équivalente ; que toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur ; que le paiement entraîne l'extinction de l'obligation ; qu'en retenant, pour accorder à M. [J] des rappels de salaire au titre des heures supplémentaires, l'inopposabilité de la convention de forfait sans vérifier, ainsi qu'elle y était invitée, si la rémunération contractuelle versée par la société In extenso en exécution du forfait irrégulier n'avait pas eu pour effet d'opérer paiement, fût-ce partiellement, des heures de travail accomplies au-delà de la trente-cinquième heure dans le cadre du décompte de droit commun de la durée du travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3121-22 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et L. 3171-4 du même code ;
2°/ que les juges du fond ne peuvent, pour dire que le salarié a droit au paiement d'heures supplémentaires et condamner l'employeur au paiement de sommes à ce titre, retenir que le versement d'un salaire supérieur au minimum conventionnel ne peut tenir lieu de règlement des heures supplémentaires et qu'en conséquence le paiement des heures effectuées par les salariés au-delà des 35 heures ne serait pas établi ; qu'en affirmant que la société In extenso ne pouvait considérer que le versement d'un salaire supérieur au minimum conventionnel tenait lieu de règlement des heures supplémentaires, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à justifier sa décision et l'a privée de base légale au regard des articles L. 3121-22 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et L. 3171-4 du même code. »
Réponse de la Cour
7. Après avoir retenu que la convention de forfait en jours était inopposable au salarié et énoncé à bon droit que le versement d'un salaire supérieur au minimum conventionnel ne peut tenir lieu de règlement des heures supplémentaires, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche inopérante, a souverainement évalué l'importance des heures supplémentaires et fixé les créances salariales s'y rapportant.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
Soc. 23 octobre 2024 n° 22-23.260
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CH9
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 23 octobre 2024
Cassation partielle
Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 1063 F-D
Pourvoi n° N 22-23.260
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 OCTOBRE 2024
M. [Y] [O], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° N 22-23.260 contre l'arrêt rendu le 22 septembre 2022 par la cour d'appel de Versailles (15e chambre, chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société BASF France, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La société BASF France a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, quatre moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Seguy, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [O], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société BASF France, après débats en l'audience publique du 24 septembre 2024 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Seguy, conseiller rapporteur, Mme Panetta, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la société BASF France, défenderesse au pourvoi principal, du désistement de son pourvoi incident en ce qu'il est dirigé contre M. [O].
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 22 septembre 2022), M. [O] a été engagé en qualité d'agent technico-commercial, statut cadre, le 8 décembre 1994 par la société MBT France. Son contrat de travail a été transféré à la société BASF France (la société). En dernier lieu, il exerçait en Algérie et au Maroc les fonctions de « director construction chemicals Algeria and Morocco & Head of UGC Africa » et était soumis à une convention de forfait annuel de 216 jours de travail.
3. Licencié le 2 octobre 2017, il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.
Examen des moyens du pourvoi principal
Sur les deuxième, troisième et quatrième moyens
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, le second étant irrecevable et les deux autres n'étant manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement de rappel de salaire pour heures supplémentaires et de congés payés afférents, alors « qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 3121-45, dans sa version alors applicable, L. 3171-4 et D. 3171-10 du code du travail, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre de jours de travail effectués par le salarié dans le cadre d'une convention de forfait jours, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier des jours effectivement travaillés par le salarié ; qu'au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; qu'ainsi la preuve n'incombe spécialement à aucune des parties, et le juge ne peut, pour rejeter une demande de paiement de jours travaillés, se fonder sur l'insuffisance des preuves apportées par le salarié mais doit examiner les éléments de nature à justifier les jours effectivement travaillés par le salarié et que l'employeur est tenu de lui fournir ; que la cour d'appel qui, bien qu'elle ait constaté que le salarié versait aux débats une liste de mails professionnels lui ayant été adressés ou qu'il avait lui-même envoyés des dimanches ou des jours fériés entre 2014 et 2017, a néanmoins, pour dire les pièces du salarié non probantes et le débouter, en conséquence, de ses demandes, énoncé qu'il ne présentait pas d'élément suffisamment précis quant à des temps de travail ou journées de travail réalisées dépassant le forfait annuel en jours et non rémunérées afin de permettre à l'employeur d'y répondre utilement, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait d'une part que le salarié présentait, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre et, d'autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément sur le nombre de jours effectivement travaillés par ce salarié, faisant peser sur le seul salarié la charge de la preuve des jours travaillés en dépassement des 216 jours fixés par la convention de forfait jours, et a ainsi violé les textes susvisés. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 3121-45, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, L. 3171-4 et D. 3171-10, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2016-1553 du 18 novembre 2016, du code du travail :
6. Il résulte de la combinaison de ces textes qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre de jours de travail effectués par le salarié dans le cadre d'une convention de forfait en jours, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier des jours effectivement travaillés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Ainsi la preuve n'incombe spécialement à aucune des parties, et le juge ne peut, pour rejeter une demande de paiement de jours travaillés, se fonder sur l'insuffisance des preuves apportées par le salarié mais doit examiner les éléments de nature à justifier les jours effectivement travaillés par le salarié et que l'employeur est tenu de lui fournir.
7. Pour débouter le salarié de sa demande de paiement de sommes au titre des jours supplémentaires non rémunérés pour les années 2014 à 2017, l'arrêt retient qu'il produit une liste de courriels professionnels lui ayant été adressés ou qu'il a lui-même envoyés des dimanches ou jours fériés mais que celle-ci ne constitue pas un élément suffisamment précis quant à ses temps de travail ou journées de travail réalisés dépassant le forfait annuel en jours et non rémunérées.
8. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part, que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre et, d'autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément sur le nombre de jours effectivement travaillés par le salarié, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé les textes susvisés.
Soc. 23 octobre 2024 n° 22-23.028
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 23 octobre 2024
Cassation partielle
Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 1071 F-D
Pourvoi n° K 22-23.028
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 OCTOBRE 2024
1°/ La société Gifi, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 8],
2°/ la société Groupe Philippe Ginestet (GPG), société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 7],
ont formé le pourvoi n° K 22-23.028 contre l'arrêt rendu le 16 septembre 2022 par la cour d'appel de Rennes (8e chambre prud'homale), dans le litige les opposant :
1°/ à Mme [J] [R], domiciliée [Adresse 5],
2°/ à la société Mandataires judiciaires associés (MJA), société d'exercice libéral à forme anonyme, dont le siège est [Adresse 1], prise en la personne de M. [O] [G], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Lilnat,
3°/ à M. [X] [H], domicilié [Adresse 4], pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société Lilnat,
4°/ à l'UNEDIC, délégation AGS-CGEA [Localité 6], dont le siège est [Adresse 3],
5°/ à la société Asteren, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], prise en la personne de M. [O] [G], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Lilnat, en remplacement de la société Mandataires judiciaires associés,
défendeurs à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Brinet, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat des sociétés Gifi et Groupe Philippe Ginestet, de la SCP Boucard-Maman, avocat de la société Asteren, de M. [H], ès qualités, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [R], après débats en l'audience publique du 24 septembre 2024 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Brinet, conseiller rapporteur, M. Seguy, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 16 septembre 2022) et les productions, Mme [R] a été engagée en qualité d'employée libre-service auxiliaire par la société Giga Nantes le 4 juillet 2005. Son contrat de travail a été transféré à compter du 1er avril 2012 à la société Lilnat, exploitant un fonds de commerce sous l'enseigne Giga Store. Elle exerçait en dernier lieu les fonctions de directrice de magasin.
2. Le 4 mai 2017, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de la société Lilnat, convertie en liquidation judiciaire par jugement du 20 juillet 2017, la société MJA et M. [H] étant désignés en qualité de co-liquidateurs.
3. Par jugement du 26 juin 2017, le tribunal de commerce a arrêté un plan de cession de la société Lilnat à la société Groupe Philippe Ginestet (GPG) avec faculté de substitution au profit d'une ou plusieurs filiales à constituer, comprenant la cession de plusieurs fonds de commerce sous enseigne Tati, ou Giga Store. Le magasin dirigé par la salariée passait sous l'enseigne Tati.
4. Mise en arrêt maladie à compter du 28 mars 2017, la salariée a été déclarée inapte le 1er mars 2018 par le médecin du travail et licenciée pour inaptitude physique d'origine professionnelle le 19 avril 2018 par la société Tati Mag.
5. Le 10 juillet 2017, la salariée a saisi la juridiction prud'homale pour voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de son ancien employeur, la société Lilnat, lui reprochant des manquements à son obligation de sécurité entre 2013 et 2017 et a appelé à l'instance la « société GPG-Gifi », en sa qualité de repreneur.
6. La société Asteren, désignée le 1er juillet 2023 en remplacement de la société MJA en qualité de liquidateur de la société Lilnat, est intervenue à l'instance.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
7. Les sociétés Gifi et Groupe Philippe Ginestet font grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité des demandes formulées à leur encontre, alors « que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité ; qu'en l'espèce, les sociétés Groupe Philippe Ginestet et Gifi faisaient valoir que les demandes de Mme [R] étaient irrecevables à leur encontre puisqu'avant le plan de cession du 26 juin 2017, l'employeur de Mme [R] était la société Lilnat mise en liquidation le 20 juillet 2017 et que depuis le plan de cession, l'employeur de la salariée était la société Tati Mag, société juridiquement distincte des sociétés Groupe Philippe Ginestet et Gifi ; qu'en se bornant à relever, pour rejeter cette fin de non-recevoir, que le jugement du tribunal de commerce de Bobigny du 26 juin 2017 avait expressément ordonné la cession de la société Lilnat Giga Store, employeur de Mme [R], à la société GPG-GIFI, avec faculté de substitution au profit d'une ou plusieurs filiales à constituer dont GPG qui détiendrait directement ou indirectement la majorité du capital en ayant précisé que ''la société GPG et M. Philippe Ginestet demeurent solidairement responsables des engagements pris'' et qu'il ne pouvait donc être sérieusement soutenu dans ces conditions que la société GPG-GIFI était dépourvue de personnalité juridique, la cour d'appel, en ne recherchant pas à quelle société avait été effectivement transféré le contrat de travail de Mme [R] le 26 juin 2017, a privé sa décision de base légale au regard des articles 32 et 122 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 32 et 122 du code de procédure civile :
8. Il résulte de ces textes qu'est irrecevable toute prétention formée contre une partie n'ayant pas qualité à défendre.
9. Pour débouter les sociétés Groupe Philippe Ginestet et Gifi de leur fin de non-recevoir, l'arrêt retient que le jugement du tribunal de commerce de Bobigny du 26 juin 2017 a ordonné expressément la cession de la société Lilnat, employeur de Mme [R], à la SAS GPG GIFI, représentée par M. Philippe Ginestet, avec faculté de substitution au profit d'une ou plusieurs filiales à constituer dont la société Groupe Philippe Ginestet qui détiendrait directement ou indirectement la majorité du capital, précisant que la société GPG et M. Philippe Ginestet demeuraient solidairement responsables des engagements pris.
10. Il ajoute qu'il ne peut être sérieusement soutenu dans ces conditions que la société GPG GIFI est dépourvue de personnalité juridique et qu'il importe peu que la société Groupe Philippe Ginestet se soit présentée sous le nom commercial de l'un de ses établissements car cette circonstance ne la prive pas de la capacité d'ester en justice sous l'une ou l'autre de ces dénominations.
11. En se déterminant ainsi, sans rechercher comme il lui était demandé, à quelle société avait été effectivement transféré le contrat de travail de la salariée le 26 juin 2017, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Portée et conséquences de la cassation
12. Le premier moyen ne formulant aucune critique contre les motifs de l'arrêt fondant la décision de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de la salarié aux torts exclusifs de l'ancien employeur, la société Lilnat, de dire nulle la convention de forfait jours et de dire que la société Lilnat a manqué à son obligation de sécurité, la cassation ne peut s'étendre à ces dispositions de l'arrêt qui ne sont pas dans un lien de dépendance avec les dispositions de l'arrêt critiquées par ce moyen.
Soc. 16 octobre 2024 n° 23-15.031
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 16 octobre 2024
Cassation partielle
Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 1050 F-D
Pourvoi n° P 23-15.031
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 16 OCTOBRE 2024
M. [U] [T], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 23-15.031 contre l'arrêt rendu le 24 février 2023 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-1), dans le litige l'opposant à la société CMR Group, venant également aux droits de la société Financière Jumbo, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Rodrigues, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [T], de la SCP Françoise Fabiani - François Pinatel, avocat de la société CMR Group, après débats en l'audience publique du 18 septembre 2024 où étaient présentes Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Rodrigues, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 24 février 2023), M. [T] a été engagé en qualité de contrôleur de gestion, le 16 juin 2003, par la société CMR Group.
2. Promu directeur administratif et financier de cette société le 1er avril 2008, il a exercé ces mêmes fonctions, à partir d'avril 2012, au sein de la société Financière Jumbo, aux droits de laquelle vient désormais la société CMR Group.
3. Par deux avenants à son contrat de travail du 1er avril 2016, il a été positionné en qualité de cadre dirigeant de ces deux sociétés.
4. Il a été licencié par les deux sociétés le 1er septembre 2017.
5. Le 7 septembre 2017, il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
6. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande, dirigée contre les sociétés CMR Group et Financière Jumbo, en paiement de rappels de rémunération pour heures supplémentaires, congés payés et repos compensateurs afférents pour les années 2014, 2015 et 2016, alors « qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions des articles L. 3171-2 et L. 3171-4 du code du travail ; qu'en l'espèce, pour débouter M. [T], salarié soumis à une convention de forfait en jours nulle, de sa demande au titre des heures supplémentaires pour les années 2014 à 2016, la cour d'appel a retenu qu'il présentait, outre "des relevés de pointage sur la période du 1er janvier 2014 au 18 octobre 2017, sur lesquels sont mentionnés les jours travaillés au siège de l'entreprise et les heures d'arrivée le matin (uniquement le matin), les jours de déplacement, les jours de repos, RTT, jours fériés et congés payés, dont il ressort que le salarié arrive le plus souvent avant 8 heures (entre 7h30 et 8 heures)", tel que prévu par le règlement intérieur pour les salariés titulaires d'une convention de forfait, "un tableau de décompte des heures supplémentaires sur l'année 2014 (de septembre à décembre 2014), mentionnant le nombre d'heures de travail accomplies par semaine, le nombre d'heures supplémentaires réalisées, le salaire mensuel, le taux horaire, le taux horaire majoré à 25 %, le taux horaire majoré à 50 %, le total du montant majoré à 25 % des heures supplémentaires et le total du montant majoré à 50 % des heures supplémentaires [et] un tableau identique de décompte des heures supplémentaires sur l'année 2015 et un tableau identique de décompte des heures supplémentaires sur l'année 2016" ; qu'elle a cependant considéré que "M. [T], qui ne fournit pas de décompte de ses horaires journaliers de travail et produit des pièces rapportant tout au plus l'heure de sa prise de service et la date et l'heure d'envoi matinal ou d'envoi tardif de courriels (sans aucune précision sur les horaires accomplis entre l'envoi et/ou la réception de courriels le matin et/ou le soir), ne présente pas d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur d'y répondre en produisant ses propres éléments" ; qu'en statuant de la sorte quand il résultait de ses constatations, d'une part, que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, d'autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé les articles L. 3171-2 et L. 3171-4 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :
7. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
8. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
9. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
10. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement de rappels de salaire au titre des heures supplémentaires, congés payés et repos compensateurs afférents pour les années 2014, 2015 et 2016, l'arrêt relève que l'intéressé verse aux débats des relevés de pointage sur diverses périodes, sur lesquels sont mentionnés les jours travaillés et les heures d'arrivée le matin, les jours de déplacement, les jours de repos et de RTT, les jours fériés et les congés payés, ainsi que le règlement intérieur de la société CMR et des tableaux de décompte des heures supplémentaires sur les années 2014, 2015 et 2016, mentionnant le nombre d'heures de travail accomplies par semaine, le nombre d'heures supplémentaires réalisées, le salaire mensuel, le taux horaire et les taux horaires majorés.
11. Il retient que les extraits d'agenda électronique mentionnant les rendez-vous du salarié ne permettent pas, pour deux semaines précises, d'affirmer que le salarié aurait exécuté le temps de travail allégué avec les heures supplémentaires mentionnées sur son tableau de décompte, celui-ci ne précisant pas ses horaires de travail sur la semaine, ni même son amplitude horaire journalière.
12. L'arrêt conclut que le salarié, qui ne fournit pas de décompte de ses horaires journaliers de travail et produit des pièces rapportant tout au plus l'heure de sa prise de service et la date et l'heure d'envoi matinal ou d'envoi tardif de courriels, sans aucune précision sur les horaires accomplis entre l'envoi ou la réception de courriels le matin ou le soir, ne présente pas d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en produisant ses propres éléments.
13. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
14. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée entraîne la cassation, par voie de conséquence, du chef de dispositif déboutant le salarié de sa demande en paiement d'une indemnité pour défaut d'information et d'attribution de repos compensateurs obligatoires, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
15. La cassation n'emporte, en revanche, pas cassation des chefs de dispositif condamnant les deux employeurs aux dépens et au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de ceux-ci et non remises en cause.
Soc. 2 octobre 2024 n° 23-17.421
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 2 octobre 2024
Cassation partielle
Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 975 F-D
Pourvoi n° M 23-17.421
Aide juridictionnelle totale en demande au profit de M. [S]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 20 avril 2023.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 OCTOBRE 2024
M. [O] [S], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° M 23-17.421 contre l'arrêt rendu le 27 octobre 2021 par la cour d'appel de Versailles (19e chambre), dans le litige l'opposant à la société Aldi marché [Adresse 2], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation.
La société Aldi marché [Adresse 2] a formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal, invoque à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident éventuel, invoque à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Le Quellec, conseiller, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [S], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Aldi marché [Adresse 2], après débats en l'audience publique du 4 septembre 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Le Quellec, conseiller rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Thuillier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 27 octobre 2021), M. [S] a été engagé en qualité de responsable de magasin, le 7 janvier 2003, par la société Aldi marché [Adresse 2]. Dans le dernier état de la relation contractuelle, soumise à la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, il occupait les fonctions de responsable logistique.
2. Licencié le 23 juin 2017, le salarié a saisi, le 6 septembre 2017, la juridiction prud'homale de demandes en paiement au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi incident éventuel de l'employeur, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de dire que la relation de travail n'était pas soumise à une convention de forfait en jours pour la période antérieure au 14 décembre 2016
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen du pourvoi principal du salarié, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes en paiement au titre du rappel de salaire sur heures supplémentaires, du travail dissimulé, du repos compensateur et du non-respect des temps de repos, alors « que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties ; qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; que satisfait à cette exigence le salarié qui produit au soutien de sa demande le décompte hebdomadaire de ses heures de travail ; qu'en retenant que le salarié ne produisait pas de décompte suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre, quand il résultait de ses constatations qu'était versé aux débats un décompte mentionnant semaine par semaine un nombre global d'heures de travail réalisées, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et violé l'article L. 3171-4 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :
5. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, l'employeur tient à la disposition des membres compétents de l'inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
6. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
7. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
8. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'un rappel de salaire pour heures supplémentaires, l'arrêt relève que, pour étayer ses dires, ce dernier produit un décompte mentionnant, semaine par semaine, un nombre global d'heures de travail réalisées, qui ne précise pas, au jour le jour, l'amplitude horaire ni les pauses méridiennes, ainsi que l'attestation d'une ancienne collaboratrice, qui indique que l'intéressé effectuait de très grosses journées de travail, qu'il était souvent là avant elle et partait après elle, alors qu'elle effectuait elle-même des journées de plus de dix heures. Il retient que cette attestation est particulièrement vague et imprécise. Il ajoute que le décompte produit par le salarié ne précise pas les heures effectuées au jour le jour, qu'il n'est en conséquence pas suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre utilement et qu'il n'est pas corroboré par une description des tâches expliquant la nécessité de réaliser de tels horaires, ni par aucune autre pièce.
9. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé les textes susvisés.
Et sur le moyen du pourvoi incident éventuel, pris en sa deuxième branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de dire que la relation de travail n'était pas soumise à une convention de forfait en jours pour la période postérieure au 14 décembre 2016
Enoncé du moyen
10. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que la relation de travail n'était pas soumise à une convention de forfait en jours, alors « que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en retenant que ''l'avenant du 14 décembre 2016 n'est pas conforme, car il prévoit un nombre de jours travaillés supérieur à celui autorisé'', sans avoir au préalable invité les parties à s'expliquer sur ce moyen qu'elle relevait d'office, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 16 du code de procédure civile :
11. Aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
12. Pour dire que le salarié n'était pas soumis à une convention de forfait en jours pour la période postérieure au 14 décembre 2016, l'arrêt retient que l'avenant du 14 décembre 2016 n'est pas conforme car il prévoit un nombre de jours travaillés supérieur à celui autorisé.
13. En statuant ainsi, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur le moyen relevé d'office tiré du dépassement du nombre maximal de jours travaillés autorisé, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Soc. 2 octobre 2024 n° 22-16.519 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CH9
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 2 octobre 2024
Cassation partielle
M. SOMMER, président
Arrêt n° 983 FS-B
Pourvoi n° K 22-16.519
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 OCTOBRE 2024
Mme [G] [H], domiciliée chez [Z] [U]-[O], [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 22-16.519 contre l'arrêt rendu le 18 mars 2022 par la cour d'appel de Fort-de-France (chambre sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à l'UNEDIC, délégation AGS CGEA de [Localité 4], dont le siège est [Adresse 5],
2°/ à la société BR associés, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 3], prise en qualité de mandataire liquidateur de la société Socofi,
3°/ à Mme [S] [R], domiciliée [Adresse 2], prise en qualité de mandataire ad hoc de la société Socofi,
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [H], et l'avis de Mme Moulina référendaire, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 septembre 2024 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, M. Flores, Mmes Deltort, Le Quellec, conseillers, Mmes Laplume, Rodrigues, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 18 mars 2022) et les productions, Mme [H] a été engagée en qualité d'assistante des ressources humaines par la société Multigros le 14 octobre 2013. Son contrat de travail a été transféré à la société Socofi (la société) le 4 juillet 2016.
2. Par des avenants à son contrat de travail des 4 juillet 2016 et 1er mars 2017, la salariée a été soumise à une convention de forfait en jours.
3. La relation de travail était régie par la convention collective nationale de commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001.
4. La salariée a été licenciée le 4 janvier 2018.
5. Elle a saisi la juridiction prud'homale le 24 avril 2018 afin de contester le bien-fondé de son licenciement et d'obtenir la condamnation de son employeur à lui verser diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.
6. Par jugement du 17 avril 2020, la société a été déclarée en liquidation judiciaire et la société BR associés a été désignée en qualité de liquidatrice.
7. L'UNEDIC, délégation AGS-CGEA de [Localité 4], est intervenue à l'instance d'appel.
8. Par jugement du 8 février 2022, la liquidation judiciaire de la société a été clôturée pour insuffisance d'actif et Mme [R] a été désignée en qualité de mandataire ad hoc avec pour mission de poursuivre les instances en cours.
Examen des moyens
Sur le deuxième moyen
9. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
10. La salariée fait grief à l'arrêt de disqualifier le licenciement pour faute grave en licenciement pour faute pourvu d'une cause réelle et sérieuse, de la débouter, en conséquence, de sa demande de fixer au passif de la société une somme à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse et de la débouter de sa demande en paiement d'une indemnité en l'application de l'article 700 du code de procédure civile, alors « que tout jugement doit être motivé ; que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; que Mme [H] faisait valoir dans ses écritures d'appel que les faits qui lui étaient reprochés par la lettre de licenciement sont tous prescrits, étant tous connus de la supérieure hiérarchique, Mme [P], plus de deux mois avant l'engagement de la procédure disciplinaire ; qu'en estimant que les faits commis par la salariée relevaient de la simple faute et que la salariée avait fait preuve de désinvolture et commis des actes d'insubordinations pour décider que le licenciement était pourvu d'une cause réelle et sérieuse, et ce, sans répondre à ces conclusions qui avaient une influence sur la solution du litige, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
11. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.
12. Pour disqualifier le licenciement pour faute grave en licenciement pour faute pourvu d'une cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que les faits commis par la salariée relèvent davantage de la simple faute et non pas de la faute grave. Il ajoute que, pour autant, les éléments produits par l'employeur et en particulier tous ceux établissant que, délibérément, la salariée s'est régulièrement affranchie du contrôle de sa supérieure hiérarchique, prouvent que la salariée a effectivement fait preuve de désinvolture dans l'exécution de ses obligations professionnelles et a commis des actes d'insubordination engendrant des conséquences dans le traitement des dossiers qui lui ont été confiés.
13. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la salariée qui soutenait que tous les faits qui lui étaient reprochés dans la lettre de licenciement étaient connus de sa supérieure hiérarchique, plus de deux mois avant l'engagement de la procédure disciplinaire et qu'ils étaient donc prescrits, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
14. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de fixer au passif de la procédure collective de la société des sommes au titre des bonus annuels 2017 et 2018 et des congés payés afférents, et de la débouter de sa demande relative à l'application de l'article 700 du code de procédure civile, alors « que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ; que, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ; que, lorsque les objectifs, permettant l'octroi et le calcul de la rémunération variable contractuellement prévue au profit du salarié, sont définis unilatéralement par l'employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, l'employeur a pour obligation de les fixer et de les porter à la connaissance du salarié en début d'exercice ; qu'il lui appartient dès lors de justifier non seulement d'avoir fixé les objectifs et de les avoir communiqués au salarié mais encore de justifier des éléments permettant de déterminer si ces objectifs avaient été ou non atteints ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'avenant au contrat de travail du 1er mars 2017 prévoit que Mme [G] [H] percevra un bonus individuel dont le montant sera lié à l'atteinte des objectifs qui lui auront été fixés. Pour une réalisation à 100 % de ces objectifs, Mme [G] [H] percevra un bonus annuel de 2 600,00 euros" ; qu'elle a relevé que la salariée réclamait le paiement de cette somme de 2 600 euros mais a considéré qu'elle ne fournissait à la juridiction aucun élément sur les objectifs qui lui ont été fixés pour l'année 2017 et sur la réalisation desdits objectifs, décidant alors que ces demandes au titre du bonus 2017, des congés payés sur la prime sur objectifs 2017, devaient être rejetées ; qu'elle a ajouté que, pour les mêmes motifs, sa demande au titre du bonus 2018 sur la période de préavis était également rejetée ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il appartenait à l'employeur de justifier des objectifs qu'il avait fixés et des éléments permettant de déterminer si ces objectifs avaient été ou non atteints, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1353 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1353 du code civil :
15. Aux termes de ce texte, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
16. Lorsque les objectifs sont définis unilatéralement par l'employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, celui-ci peut les modifier dès lors qu'ils sont réalisables et qu'ils ont été portés à la connaissance du salarié en début d'exercice.
17. Pour débouter la salariée de sa demande en paiement des bonus annuels 2017 et 2018, l'arrêt relève que l'avenant au contrat de travail du 1er mars 2017 prévoit que la salariée percevra un bonus individuel dont le montant sera lié à l'atteinte des objectifs qui lui auront été fixés, que pour la réalisation à 100 % de ces objectifs, la salariée percevra un bonus annuel de 2 600,00 euros. Il constate que si l'intéressée réclame le paiement de cette somme, elle ne fournit à la juridiction aucun élément sur les objectifs qui lui ont été fixés pour les années 2017 et 2018 et sur la réalisation desdits objectifs.
18. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé le texte susvisé.
Et sur le quatrième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
19. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de fixer au passif de la procédure collective de la société des sommes à titre de rappels de salaire pour heures supplémentaires, de pause payée prévue par la convention collective applicable, de pause payée pendant le préavis et de pause payée pendant les heures supplémentaires, outre les congés payés afférents sur ces sommes, à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la convention collective et de la débouter de sa demande relative à l'application de l'article 700 du code de procédure civile, alors « que selon l'article 5.7.2 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, étendue par arrêté du 26 juillet 2002 et modifiée par avenant n° 52 du 17 septembre 2015 relatif au forfait annuel en jours, le forfait en jours s'accompagne d'un suivi du nombre de jours ou demi-journées travaillées et du repos quotidien et hebdomadaire prévu ainsi que de la charge de travail ; que, selon ce texte, au moins une fois par an, le salarié en forfait jours bénéficie à l'initiative de sa hiérarchie d'un entretien portant sur sa charge et son amplitude de travail, sur l'organisation du travail dans l'entreprise ou l'établissement, sur l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle et familiale, ainsi que sur sa rémunération ; qu'il en ressort encore qu'un entretien doit également être proposé par la hiérarchie du salarié lorsque le document mensuel de décompte fait apparaître des anomalies répétées mettant en évidence des difficultés en matière de temps de travail et a pour objet d'examiner les mesures correctives à mettre en oeuvre ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que Mme [H] a signé l'avenant à son contrat de travail du 1er mars 2017 prévoyant spécifiquement que le contrat de travail est établi pour une durée de travail à temps complet. Compte tenu de la large autonomie dans l'organisation de son emploi du temps dont elle dispose, Mme [G] [H] relève pour le calcul de son temps de travail du forfait en jours. A ce titre [elle] est soumise aux dispositions de l'article L. 3121-45 du code du travail et de l'article 5.7.2 de la convention collective nationale de commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire et de son avenant du 17 septembre 2015 relatif au forfait annuel en jours (...)" ; qu'elle en a déduit que la salariée avait adhéré à cette convention de forfait en jours détaillée dans l'avenant au contrat de travail et était donc liée par les dispositions contractuelles ; qu'elle a, par ailleurs, constaté que la salariée avait échoué à démontrer qu'elle ne disposait d'aucune autonomie dans son emploi du temps et que son temps de travail excédait les prescriptions du forfait jours applicable ; qu'elle a, dès lors, rejeté les demandes au titre des heures supplémentaires de la salariée ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la mise en oeuvre de la convention de forfait en jours avait été effectivement accompagnée par un suivi, à travers notamment des entretiens, de la charge et de l'organisation du travail de la salariée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3121-46 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, L. 3121-64, II, 1° et 2°, du même code et 5.7.2 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 3121-46 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, L. 3121-64 II du même code, 5.7.2 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001 modifié par l'avenant n° 52 du 17 septembre 2015 :
20. Selon le premier de ces textes, un entretien annuel individuel est organisé par l'employeur avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année. Il porte sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié.
21. Aux termes du dernier de ces textes, le forfait en jours s'accompagne d'un suivi du nombre de jours ou demi-journées travaillés et du respect du repos quotidien et hebdomadaire prévu par le présent accord, ainsi que de la charge de travail. Ce suivi peut s'effectuer à l'aide d'un document tenu par le salarié sous la responsabilité de l'employeur. Ce document fait apparaître la qualification de chacune des journées ou demi-journées du mois, répartie en quatre catégories au minimum : travail, repos, congé payé, autre absence ; afin d'identifier les éventuelles difficultés en matière d'amplitude des journées de travail, le document indique également, lorsqu'un repos quotidien a été inférieur à douze heures consécutives, quelle en a été la durée. Il doit également comporter la possibilité pour le salarié d'ajouter toute information complémentaire qu'il jugerait utile d'apporter. Signé par le salarié, le document de décompte est remis mensuellement à sa hiérarchie, responsable de son analyse et des suites à donner, ainsi que de sa conservation. Un récapitulatif annuel est remis au salarié, dans les trois mois suivant la fin de la période. Au moins une fois par an, le salarié en forfait jours bénéficie à l'initiative de sa hiérarchie d'un entretien portant sur sa charge et son amplitude de travail, sur l'organisation du travail dans l'entreprise ou l'établissement, sur l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle et familiale, ainsi que sur sa rémunération. Un entretien doit également être proposé par la hiérarchie du salarié lorsque le document mensuel de décompte visé ci-dessus fait apparaître des anomalies répétées mettant en évidence des difficultés en matière de temps de travail. Cet entretien a pour objet d'examiner les mesures correctives à mettre en oeuvre. Un entretien supplémentaire peut en outre avoir lieu à tout moment de l'année à l'initiative du salarié si celui-ci rencontre des difficultés d'organisation de sa charge de travail l'amenant à des durées de travail trop importantes. Cette alerte doit aboutir à des décisions concrètes. Lorsqu'un entretien a été rendu nécessaire en raison de difficultés en matière de temps de travail, un bilan est effectué trois mois plus tard afin de vérifier que la charge de travail présente bien un caractère raisonnable. L'entreprise peut mettre en place d'autres modalités de suivi que le document ci-dessus, à condition de présenter les mêmes garanties.
22. Pour débouter la salariée de sa demande au titre des heures supplémentaires, l'arrêt relève que l'intéressée a signé l'avenant à son contrat de travail du 1er mars 2017 prévoyant spécifiquement que « le contrat de travail est établi pour une durée de travail à temps complet. Compte tenu de la large autonomie dans l'organisation de son emploi du temps dont elle dispose, Mme [H] relève pour le calcul de son temps de travail du forfait en jours. A ce titre [elle] est soumise aux dispositions de l'article L. 3121-45 du code du travail et de l'article 5.7.2 de la convention collective nationale de commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire et de son avenant du 17 septembre 2015 relatif au forfait annuel en jours (...) ». Il retient que la salariée a adhéré à cette convention de forfait en jours détaillée dans l'avenant au contrat de travail et en conclut qu'elle est donc liée par les dispositions contractuelles. Il ajoute qu'elle échoue, par ailleurs, à démontrer qu'elle ne disposait d'aucune autonomie dans son emploi du temps et que son temps de travail excédait les prescriptions du forfait en jours applicable.
23. En se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'il le lui était demandé, si les stipulations de l'accord collectif du 12 juillet 2001, modifié par avenant du 17 septembre 2015, qui sont propres à assurer la garantie du respect de la durée raisonnable de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires, avaient été effectivement mises en oeuvre par l'employeur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Portée et conséquences de la cassation
23. La cassation prononcée n'emporte pas cassation du chef de dispositif condamnant l'employeur au paiement des dépens justifié par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci non remises en cause.
Soc. 2 octobre 2024 n° 23-14.161
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 2 octobre 2024
Cassation partielle sans renvoi
Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 972 F-D
Pourvoi n° T 23-14.161
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 OCTOBRE 2024
La société Laboratoires M&L, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° T 23-14.161 contre l'arrêt rendu le 3 février 2023 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-1), dans le litige l'opposant à Mme [J] [O], domiciliée [Adresse 1], Biélorussie, défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, sept moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Deltort, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Laboratoires M&L, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de Mme [O], après débats en l'audience publique du 4 septembre 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Deltort, conseiller rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Thuillier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 3 février 2023), Mme [O] a été engagée en qualité d'ingénieur qualité meuble, statut cadre, coefficient 350 par la société Laboratoires M&L à compter du 5 novembre 2012 et a été soumise à une convention de forfait en jours depuis 2012.
2. Le 14 septembre 2017, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de demandes en résiliation judiciaire du contrat de travail et en paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture de ce contrat.
3. La salariée a été licenciée le 6 mars 2020 après prononcé d'un avis d'inaptitude.
Examen des moyens
Sur les premier, deuxième, troisième, cinquième, sixième et septième moyens
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le quatrième moyen
Enoncé du moyen
5. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée une certaine somme à titre de congés payés afférents à l'indemnité équivalente à l'indemnité compensatrice de préavis, alors « que l'indemnité prévue à l'article L. 1226-14 du code du travail, au paiement de laquelle l'employeur est tenu en cas de rupture du contrat de travail d'un salarié déclaré par le médecin du travail inapte à son emploi en conséquence d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, et dont le montant est égal à celui de l'indemnité prévue à l'article L. 1234-5 du code du travail, n'a pas la nature d'une indemnité de préavis et n'ouvre pas droit à congés payés ; qu'après avoir énoncé que le licenciement pour inaptitude était en lien avec l'accident du travail reconnu par un arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 16 décembre 2021 et alloué à la salariée l'indemnité spéciale de licenciement, la cour d'appel a accordé à Mme [O] la somme de 10 128,90 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis assortie d'une somme de 1 012,89 euros au titre des congés payés afférents ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 1226-14 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1226-10 et L. 1226-14 du code du travail :
6. Il résulte de ces textes que les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine au moment du licenciement.
7. L'indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue au second de ces textes n'a pas la nature d'une indemnité de préavis et n'ouvre pas droit à congés payés.
8. Ayant retenu que le licenciement était en lien avec l'accident du travail pour condamner l'employeur au paiement d'une indemnité spéciale de licenciement, la cour d'appel a également condamné l'employeur au paiement d'une somme à titre d'indemnité compensatrice de préavis assortie de congés payés.
9. En statuant ainsi, alors qu'elle avait reconnu que l'inaptitude de la salariée était, au moins pour partie, d'origine professionnelle, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
10. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
11. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie que la Cour de cassation statue au fond.
12. La cassation prononcée n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.
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