Soc. 11 mars 2025 n° 23-19.669 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 11 mars 2025
Rejet
M. SOMMER, président
Arrêt n° 298 FS-B
Pourvoi n° E 23-19.669
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 MARS 2025
Mme [F] [G], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 23-19.669 contre l'arrêt rendu le 17 mai 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 9), dans le litige l'opposant à la société BDO RH, société pluri-professionnelle d'exercice par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la société BDO risques professionnels, défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Leperchey, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme [G], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société BDO RH, et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 12 février 2025 où étaient présents M. Sommer, président, M. Leperchey, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge conseiller doyen, Mme Cavrois, M. Flores, Mmes Deltort, Le Quellec, conseillers, Mmes Thomas-Davost, Laplume, Rodrigues, Segond, conseillers référendaires, M. Halem, avocat général référendaire, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 mai 2023), Mme [G] a été engagée en qualité de chargée d'affaires commerciales, le 18 juillet 2003, par la société Atequacy, aux droits de laquelle est venue la société BDO risques professionnels puis la société BDO RH. Par avenant du 1er janvier 2011, les parties ont conclu une convention de forfait annuel en jours.
2. La relation de travail était soumise à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, dite Syntec.
3. Le 15 juillet 2016, la salariée a été licenciée pour insuffisance professionnelle.
4. Contestant son licenciement, elle a saisi la juridiction prud'homale.
Examen des moyens
Sur les premier et troisième moyens
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
6. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de dommages-intérêts au titre de la nullité de la convention de forfait en jours, alors :
« 1° / que cause un préjudice au salarié au regard de son droit à la santé et au repos le fait d'avoir été soumis pendant des années à une convention de forfait en jours en application d'un accord collectif dont les dispositions n'étaient pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition dans le temps du travail de l'intéressé ; qu'en l'espèce, pour débouter la salariée de sa demande de dommages et intérêts pour nullité de la convention de forfait en jours, la cour d'appel a jugé que la salariée ne justifie pas d'un préjudice qu'elle aurait subi autre que celui déjà réparé par l'octroi d'un rappel au titre de ses heures supplémentaires ; qu'en statuant ainsi quand il ressortait de ses propres constatations que la salariée avait été soumise à une convention de forfait en jours reposant sur des garanties conventionnelles insuffisamment protectrices à la date où elle avait été conclue, ce dont elle aurait dû déduire que la salariée avait bien subi un préjudice au regard de son droit à la santé et au repos, la cour d'appel a violé les articles L. 3121-35 al. 1er et L. 3121-34 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, interprétés à la lumière de l'article 6 b) de la directive n° 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 ;
2° / que le défaut d'exécution par l'employeur des stipulations légales et conventionnelles prévoyant les modalités de suivi de l'organisation du travail du salarié soumis à une convention de forfait annuel en jours, de l'amplitude de ses journées de travail et de sa charge de travail cause un préjudice au salarié ; qu'en l'espèce, pour débouter la salariée de sa demande de dommages et intérêts pour nullité de la convention de forfait en jours, la cour d'appel a jugé que la salariée ne justifie pas d'un préjudice qu'elle aurait subi autre que celui déjà réparé par l'octroi d'un rappel du titre de ses heures supplémentaires ; qu'en statuant ainsi sans rechercher, comme elle y était invitée, si la salariée n'avait pas travaillé plus de cinq ans dans le cadre d'une convention de forfait en jours sans aucun contrôle du nombre de jours travaillés et sans aucun entretien annuel portant sur sa charge de travail, sur l'organisation du travail dans l'entreprise et sur l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale de la salariée ainsi que sur sa rémunération, ce qui avait causé à la salariée un préjudice au titre de son droit à la santé, au repos et à une vie familiale normale excédant le simple rappel de salaires au titre des heures supplémentaires effectuées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3121-35 al. 1er et L. 3121-34 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, interprétés à la lumière de l'article 6 b) de la directive n° 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003. »
Réponse de la Cour
7. Lorsque le salarié a été soumis à une convention de forfait en jours en application d'un accord collectif dont les dispositions n'étaient pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition dans le temps du travail de l'intéressé, la convention de forfait en jours est nulle de sorte que le salarié peut prétendre au paiement d'heures supplémentaires dont le juge doit vérifier l'existence et le nombre. Il en découle qu'un tel manquement n'ouvre pas, à lui seul, droit à réparation et il incombe au salarié de démontrer le préjudice distinct qui en résulterait.
8. C'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel, après avoir retenu que la convention de forfait en jours conclue sur le fondement de l'accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail pris en application de la convention collective nationale Syntec était nulle, a estimé, sans être tenue d'entrer dans le détail de l'argumentation des parties, que la salariée ne justifiait pas d'un préjudice distinct de celui que venait réparer l'octroi d'un rappel d'heures supplémentaires.
9. Le moyen n'est donc pas fondé.
Soc. 11 mars 2025 n° 24-10.452 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 11 mars 2025
Rejet
M. SOMMER, président
Arrêt n° 297 FS-B
Pourvoi n° H 24-10.452
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 MARS 2025
M. [Z] [T], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° H 24-10.452 contre l'arrêt rendu le 15 novembre 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 9), dans le litige l'opposant à la société Intel corporation, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [T], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Intel corporation, et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 12 février 2025 où étaient présents M. Sommer, président, M. Flores, conseiller rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mmes Cavrois, Deltort, Le Quellec, conseillers, Mmes Thomas-Davost, Laplume, Rodrigues, Segond, conseillers référendaires, M. Halem, avocat général référendaire, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 novembre 2023), M. [T] a été engagé par la société Intel corporation en qualité d'ingénieur commercial, à compter du 25 octobre 2001. Le salarié a été soumis à un régime de forfait en jours.
2. Il a été licencié le 21 mai 2019.
3. Le 20 mai 2020, le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement de diverses sommes au titre de la rupture et de l'exécution du contrat de travail.
Examen des moyens
Sur les premier et troisième moyens
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter du surplus de ses demandes, alors « que lorsque l'employeur ne respecte pas les dispositions légales et les stipulations de l'accord collectif relatives au forfait en jours qui ont pour objet d'assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié et de son droit au repos, le salarié subit nécessairement un préjudice ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que la société Intel corporation n'établissait pas avoir respecté les dispositions de l'article 14 de l'accord national du 28 juillet 1998 sur l'organisation de travail dans la métallurgie, ainsi que des articles L. 3121-60, L. 3121-64 et L. 3121-65 du code du travail dans leur version applicable au litige dont il résulte que l'employeur doit s'assurer que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail, d'établir les modalités de son droit à la déconnexion et d'organiser chaque année des entretiens spécifiques portant sur l'exécution de cette convention, la cour d'appel a cependant débouté M. [T] de sa demande de dommages-intérêts pour inobservation des dispositions relatives à l'exécution des conventions de forfait en jour au motif que "M. [T], qui ne prouve, ni même n'allègue, avoir accompli des heures supplémentaires ou encore avoir souffert d'une surcharge de travail ou encore d'une mauvaise répartition de ses horaires de travail, ne rapporte pas la preuve du préjudice que lui auraient causé les manquements de l'employeur" ; qu'en statuant ainsi quand l'absence de respect par l'employeur des dispositions légales et des dispositions de l'accord collectif qui avaient pour objet d'assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié et de son droit au repos, avaient nécessairement causé à ce dernier un préjudice qu'elle devait réparer, la cour d'appel a violé l'article 14 de l'accord national du 28 juillet 1998 sur l'organisation de travail dans la métallurgie, les articles L. 3121-60, L. 3121-64 et L. 3121-65 du code du travail dans leur version applicable au litige interprétés à la lumière des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs. »
Réponse de la Cour
6. Lorsque l'employeur ne respecte pas les dispositions légales et les stipulations de l'accord collectif qui avaient pour objet d'assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié et de son droit au repos, la convention de forfait en jours est privée d'effet de sorte que le salarié peut prétendre au paiement d'heures supplémentaires dont le juge doit vérifier l'existence et le nombre. Il en découle qu'un tel manquement n'ouvre pas, à lui seul, le droit à réparation et il incombe au salarié de démontrer le préjudice distinct qui en résulterait.
7. C'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel, après avoir relevé que l'employeur n'établissait pas avoir respecté les dispositions légales et conventionnelles relatives au suivi de la charge de travail du salarié soumis à une convention individuelle de forfait en jours, a estimé que ce dernier, qui ne prouvait ni même n'alléguait avoir accompli des heures supplémentaires ou encore avoir souffert d'une surcharge de travail ou d'une mauvaise répartition de ses horaires de travail, ne rapportait pas la preuve du préjudice que lui auraient causé les manquements de l'employeur et que sa demande de dommages-intérêts devait être rejetée.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
Soc. 5 mars 2025 n° 23-20.222
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 5 mars 2025
Cassation partielle
Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 243 F-D
Pourvoi n° F 23-20.222
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 5 MARS 2025
M. [L] [H], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° F 23-20.222 contre l'arrêt rendu le 26 juin 2023 par la cour d'appel de Rennes (8e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant à la société Ineo Atlantique, société en nom collectif, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Rodrigues, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [H], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Ineo Atlantique, après débats en l'audience publique du 29 janvier 2025 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Rodrigues, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 26 juin 2023), M. [H] a été engagé en qualité de directeur d'agence, à compter du 2 janvier 2006, par la société Ineo Atlantique.
2. Le contrat de travail a pris fin le 6 juillet 2018.
3. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale, d'une part, de demandes relatives à la rupture de son contrat de travail, d'autre part, de demandes tendant à ce qu'il soit dit que le forfait en jours « visé dans son contrat de travail » était nul et qu'il devait exercer son activité selon un temps de travail fixé à 37 heures par semaine, en ce compris les RTT dont il avait bénéficié, et de demandes en paiement de diverses sommes de nature salariale, au titre d'heures supplémentaires et de repos compensateurs, et indemnitaire, notamment pour exécution déloyale de la convention de forfait en jours.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses troisième et quatrième branches
Enoncé du moyen
4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes tendant à faire juger que le forfait en jours « visé dans le contrat de travail » était nul, qu'il devait exercer son activité selon un temps de travail fixé à 37 heures par semaine, en ce compris les RTT dont il avait bénéficié, et condamner l'employeur au paiement de diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale de la convention de forfait en jours, au titre des heures supplémentaires et repos compensateur et des congés payés afférents et à titre d'indemnité pour travail dissimulé, alors :
« 3°/ que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties ainsi que les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée et la cour d'appel statue sur les prétentions énoncées au dispositif ; que dans le dispositif de ses conclusions, M. [H] demandait à la cour d'appel de confirmer le jugement en ce qu'il avait estimé que le forfait jours visé dans le contrat de travail était nul, d'infirmer le jugement sur le surplus, de juger qu'il devait exercer son activité selon un temps de travail fixé à 37 heures par semaine, en ce compris les RTT dont il avait bénéficié, de condamner la société Ineo Atlantique à lui verser les sommes de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale de la convention en forfait jours, de 321 944,58 euros brut au titre des heures supplémentaires et du repos compensateur, de 32 194,46 euros brut au titre des congés payés sur ladite somme, de 10 000 euros de dommages-intérêts pour non-respect de la durée maximale du travail, de 58 481,10 euros au titre du travail dissimulé, ce dont il résultait que la cour d'appel était saisie d'une demande aux fins de voir prononcer la nullité de la convention de forfait ; qu'en énonçant qu'elle n'avait pas à statuer sur la demande en nullité de la convention de forfait jours dans la mesure où le dispositif du jugement n'avait pas prononcé ladite nullité, la cour d'appel, qui s'est abstenue d'interpréter une demande ambiguë et a fait une application trop formaliste de l'article 954 du code de procédure civile, privant le salarié d'un droit à un procès équitable a violé les articles 4 et 954 du code de procédure civile et 6 § 1 de la convention européenne ;
4°/ que dans le dispositif de ses conclusions, M. [H] demandait à la cour d'appel de confirmer le jugement en ce qu'il avait estimé que le forfait jours visé dans le contrat de travail était nul, d'infirmer le jugement sur le surplus, de juger qu'il devait exercer son activité selon un temps de travail fixé à 37 heures par semaine, en ce compris les RTT dont il avait bénéficié, de condamner la société Ineo Atlantique à lui verser les sommes de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale de la convention en forfait jours, de 321 944,58 euros brut au titre des heures supplémentaires et du repos compensateur, de 32 194,46 euros brut au titre des congés payés sur ladite somme, de 10 000 euros de dommages-intérêts pour non-respect de la durée maximale du travail, de 58 481,10 euros au titre du travail dissimulé, ce dont il résultait que la cour d'appel était saisie, indépendamment de la demande aux fins de voir prononcer la nullité de la convention de forfait, de demandes tendant à voir juger que M. [H] devait exercer son activité selon un temps de travail fixé à 37 heures par semaine, en ce compris les RTT dont il avait bénéficié, à voir condamner la société Ineo Atlantique à lui verser diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale de la convention en forfait jours, d'heures supplémentaires et de repos compensateur, des congés payés, de dommages-intérêts pour non-respect de la durée maximale du travail et au titre du travail dissimulé ; qu'en délaissant une partie des demandes formulées dans le dispositif des conclusions de l'appelant, indépendamment de la nullité de la convention de forfait, la cour d'appel a violé les articles 4, 954 du code de procédure civile et 6 § 1 de la convention européenne. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 4 et 954 du code de procédure civile, ce dernier dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2023-1391 du 29 décembre 2023 : 5. Selon le premier de ces textes, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
6. Selon le second, d'une part, dans les procédures avec représentation obligatoire, les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée, d'autre part, les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif et la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.
7. La contestation de la validité d'une convention de forfait en jours sur laquelle est fondée notamment une demande en paiement d'un rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires constitue un moyen et non une prétention au sens du premier texte. Il en résulte qu'elle n'a pas à figurer dans le dispositif des conclusions.
8. La cour d'appel étant saisie des prétentions énoncées dans le dispositif des conclusions, il lui appartient de statuer sur ces prétentions.
9. Pour rejeter les demandes du salarié, l'arrêt constate que ce dernier a demandé de « confirmer le jugement en ce qu'il a estimé que le forfait jours visé dans le contrat de travail de M. [H] est nul ». Il rappelle les termes du dispositif du jugement entrepris, lequel, hors mentions sur la cause de la rupture du contrat de travail et sur les mesures accessoires, se borne à débouter le salarié de l'ensemble de ses demandes, et que les termes de la déclaration d'appel critiquant le jugement notamment en ce qu'il « l'a débouté de ses demandes portant sur la nullité du forfait en jours ». Il relève que le salarié a confirmé que, malgré la contradiction entre les motifs et le dispositif du jugement, il n'y a pas eu de jugement en rectification d'erreur matérielle ou d'omission de statuer. Il en conclut que la cour d'appel ne peut statuer sur une demande de confirmation de nullité d'une convention de forfait en jours qui n'a pas été prononcée par les premiers juges et que le jugement ne peut alors qu'être confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes relatives à la convention de forfait en jours, aux heures supplémentaires, sur le remboursement des jours de repos, sur la durée maximale hebdomadaire de travail et sur les dommages-intérêts pour travail dissimulé.
10. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui était tenue de statuer sur les prétentions énoncées dans le dispositif des conclusions dont elle était saisie, a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
11. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée entraîne la cassation du chef de dispositif déboutant le salarié de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour non-respect de la durée hebdomadaire maximale de travail qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
Soc. 26 février 2025 n° 23-16.448
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 26 février 2025
Cassation partielle
M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 200 F-D
Pourvoi n° D 23-16.448
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 26 FÉVRIER 2025
1°/ M. [X] [R], domicilié [Adresse 3],
2°/ le syndicat Avenir Sopra Steria, dont le siège est [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° D 23-16.448 contre l'arrêt rendu le 30 mars 2023 par la cour d'appel de Versailles (6e chambre), dans le litige les opposant à la société Sopra Steria Group, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La société Sopra Steria Group a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, six moyens de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Arsac, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [R] et du syndicat Avenir Sopra Steria, de la SAS Boucard-Capron-Maman, avocat de la société Sopra Steria Group, après débats en l'audience publique du 22 janvier 2025 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Arsac, conseiller référendaire rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 30 mars 2023), M. [R] a été engagé en qualité d'ingénieur d'affaires par la société Somepost informatique, selon contrat de travail à durée indéterminée du 5 janvier 2000.
2. Il est titulaire de plusieurs mandats syndicaux depuis l'année 2001.
3. Par arrêt du 20 octobre 2009, devenu irrévocable, la cour d'appel de Paris a condamné la société Steria, venant aux droits de la société Imelios, anciennement dénommée Somepost informatique, à repositionner le salarié dans un poste à temps plein d'ingénieur d'affaires ou équivalent, statut cadre, coefficient 170, filière commerciale, avec un salaire de 87 902,20 euros, ainsi qu'à lui payer des dommages-intérêts pour discrimination et harcèlement.
4. La société Sopra Steria Group (la société), née de la fusion des sociétés Sopra et Steria, est venue aux droits de la société Steria.
5. Par requête du 1er octobre 2013, le salarié a saisi la juridiction prud'homale en paiement de dommages-intérêts au titre d'une discrimination syndicale et d'un harcèlement postérieurs à l'arrêt du 20 octobre 2009 ainsi qu'au titre de salaires correspondant aux jours travaillés au-delà du forfait annuel.
6. Le syndicat Avenir Sopra Steria (le syndicat) est intervenu à l'instance, sollicitant l'indemnisation de différents préjudices résultant de l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession.
Examen des moyens
Sur le troisième moyen du pourvoi principal et sur le moyen du pourvoi incident
7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
8. Le salarié et le syndicat font grief à l'arrêt de débouter le salarié de ses demandes formées au titre d'une discrimination syndicale en repositionnement, sous astreinte, dans un poste à temps plein d'account manager, en paiement de dommages-intérêts, en rappel de salaire et de congés payés afférents et en paiement de dommages-intérêts pour perte de chance de bénéficier d'un étalement d'impôts et d'un taux d'imposition moindre et de débouter le syndicat de sa demande de dommages-intérêts en raison de l'atteinte disproportionnée aux intérêts collectifs de la profession défendue par le syndicat, alors :
« 1°/ que les juges, dans le cadre des litiges relatifs aux discriminations, doivent prendre en considération l'ensemble des éléments qui leur sont soumis par le salarié ; que le salarié soutenait, dans ses écritures d'appel, preuve à l'appui, qu'il pouvait légitimement refuser le poste d'account manager senior dans l'équipe du compte La Poste, qui lui avait été proposé le 25 février 2013, puisqu'il lui retirait d'autorité ses attributions précédentes en lui imposant une modification et en la maintenant malgré le refus du salarié, s'agissant des contrats cadres signés en 2012 et lui faisait perdre également toutes les primes ''staffing boosters'' et autres avantages financiers et évolutions correspondant à l'exercice de sa fonction contractuelle ; qu'en se bornant, pour dire qu'il n'était pas établi que le salarié avait refusé de manière légitime d'exercer les fonctions qui lui avaient été proposées en 2013 et le débouter, en conséquence, de sa demande relative à la discrimination syndicale, à énoncer que ce poste lui permettait d'accomplir une mission compatible avec la disponibilité que lui laissait l'exercice de ses mandats syndicaux et représentatifs cumulés, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le retrait d'autorité par l'employeur des attributions de M. [R] convenues par écrit et réalisées en 2012 pour l'obtention des contrats cadres afin de suivre leur réalisation conformément aux règles contractuelles rappelées par l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 20 octobre 2009, et la perte de rémunération engendrée par le poste proposé, ne constituaient pas une modification imposée et maintenue, en dépit du refus du salarié protégé, de son contrat de travail, constitutive d'un trouble illicite, que ce dernier était en droit de refuser, l'employeur ne pouvant maintenir d'autorité cette modification et devant saisir immédiatement l'inspecteur du travail d'une demande de licenciement du salarié protégé, n'autorisaient pas l'exposant à le refuser légitimement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;
2°/ que le salarié protégé est en droit de refuser un nouveau poste engendrant une modification de son contrat de travail comme une simple modification de ses conditions de travail ; que la cour d'appel qui, bien qu'elle ait constaté que M. [R] n'avait pas accepté le poste d'account manager senior dans l'équipe du compte La Poste, qui lui avait été proposé le 25 février 2013, qu'il ressortait de la fiche de poste que la nouvelle mission recouvrait un suivi plus administratif qu'opérationnel et que dans son procès-verbal n° 116/2015 établi le 26 novembre 2015 à la suite de la demande d'autorisation de licenciement de M. [R] formée par la société Steria en 2013, l'inspecteur du travail avait considéré que le poste constituait une rétrogradation, a néanmoins, pour dire qu'il n'était pas établi que M. [R] avait refusé de manière légitime d'exercer les fonctions qui lui avaient été proposées en 2013 et le débouter, en conséquence, de sa demande relative à la discrimination syndicale, énoncé que ce poste lui permettait d'accomplir une mission compatible avec la disponibilité que lui laissait l'exercice de ses mandats syndicaux et représentatifs cumulés, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait au contraire que l'exposant pouvait légitimement refuser ledit poste, violant ainsi les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;
3°/ que lorsqu'il est saisi d'un litige relatif à une discrimination syndicale, le juge qui retient l'existence de faits laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, ne peut débouter le salarié de ses demandes sans se fonder sur des motifs permettant d'établir que l'employeur justifie ses agissements par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'en s'abstenant d'examiner si l'absence de promotion de M. [R] et la rétention d'indemnité de congés payés, qu'elle avait retenues comme laissant supposer l'existence d'une discrimination syndicale, étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;
4°/ que la cour d'appel qui, après avoir constaté que M. [R], au nombre des faits laissant supposer l'existence d'une discrimination syndicale, établissait n'avoir bénéficié que d'une augmentation de 11,7 % sur les douze exercices écoulés entre l'arrêt rendu en 2009 et janvier 2023, alors que les salariés en moyenne de la population comprenant les non-augmentés avaient eu une moyenne globale d'augmentation de 45 % de janvier 2010 à juillet 2022, s'est ensuite fondée, pour dire que l'employeur justifiait que les décisions prises étaient étrangères à toute discrimination syndicale et débouter, en conséquence, l'exposant de sa demande de régularisation du salaire par application directe de l'article L. 2141-5-1 du code du travail, sur les circonstances inopérantes selon lesquelles il avait connu une augmentation moyenne de rémunération de 13,25 % par an de son embauche à l'année 2021, et l'intégration de sa part variable à son salaire par l'effet de l'arrêt de 2009 le plaçait dans une situation plus favorable que celles de ses collègues qui devaient remplir des objectifs, circonstances qui ne permettaient pas de justifier le fait que l'exposant, depuis 2009, ne s'était vu allouer qu'une augmentation bien inférieure à la moyenne, a violé l'article L. 2141-5-1 du code du travail, ensemble les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 de ce code ;
5°/ que la cour d'appel qui, après avoir constaté que M. [R], au nombre des faits laissant supposer l'existence d'une discrimination syndicale, établissait l'absence de remboursement, à la différence des autres salariés et de représentants du personnel, de ses frais à compter de 2010 et pendant environ dix ans, entravant son action syndicale, s'est ensuite fondée, pour dire que l'employeur justifiait que les décisions prises étaient étrangères à toute discrimination syndicale et débouter, en conséquence, l'exposant de ses demandes, sur la circonstance inopérante que M. [R] ne respectait pas toujours les règles applicables dans la société, remettant ses notes de frais tardivement, ne les déclarant pas dans les outils idoines ou aux interlocuteurs compétents, des incidents étant survenus à cet égard en 2015, 2019 et 2021, circonstance qui ne permettait pas de justifier l'absence de tout remboursement de ses frais au seul exposant depuis 2010, a violé les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;
6°/ qu'en s'abstenant d'examiner si la reconnaissance de la discrimination par le procès-verbal de l'inspection du travail, qu'elle avait retenue comme laissant supposer l'existence d'une discrimination syndicale, était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;
7°/ que la cour d'appel qui, après avoir constaté que M. [R], au nombre des faits laissant supposer l'existence d'une discrimination syndicale, établissait sa privation d'activité professionnelle et le refus de l'employeur de le rétablir dans ses fonctions ainsi que sa mise à l'écart, s'est ensuite fondée, pour dire que l'employeur justifiait que les décisions prises étaient étrangères à toute discrimination syndicale et débouter, en conséquence, l'exposant de ses demandes, sur les circonstances inopérantes selon lesquelles il avait, à plusieurs reprises, en 2010, refusé des propositions de postes, il n'avait pas sollicité la rupture de son contrat de travail pour manquement de son employeur à lui fournir une activité professionnelle, et il consacrait une grande partie de son temps de travail à l'exercice de ses mandats syndicaux, circonstances qui ne permettaient pas de justifier le fait que l'exposant, en 2011, ne s'était pas vu proposer le moindre poste de travail, cependant qu'il n'avait eu de cesse de demander à l'employeur de le rétablir dans ses fonctions conformément à l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 20 octobre 2009, ni même son absence d'affectation à un poste de travail à compter de 2013, cependant qu'il n'avait cessé de réclamer des nouvelles de l'étude de son poste, qu'il avait fait part de son souhait de partager son activité entre 50 % de travail et 50 % d'activités syndicales, et que depuis la fusion Sopra Steria en 2015, il se limitait, selon ses rapports d'activité officiels mensuels, à environ 50 % en moyenne d'imputation en mandats et 50 % en attente d'affectation sans que l'employeur, en l'absence de force majeure, ne lui propose la moindre affectation, a violé les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;
8°/ que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que la cour d'appel en énonçant, pour débouter l'exposant de ses demandes, que l'absence de réunions en 2022 pour évoquer son repositionnement tenait au fait que M. [M] souhaitait recevoir M. [R] seul tandis que le salarié souhaitait être accompagné, menant à une situation de blocage, lorsque l'employeur, dans ses écritures d'appel, reconnaissait qu'une réunion entre M. [R] et le directeur général avait bien eu lieu le 31 août 2022, de sorte qu'aucune situation de blocage ne pouvait être imputée à l'exposant, a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
9. L'arrêt retient que l'employeur avait offert au salarié un poste compatible avec la disponibilité que lui laissait l'exercice de ses mandats syndicaux et représentatifs, que le salarié ne respectait pas les procédures de remboursement de frais, que ses refus de postes n'étaient pas justifiés dès lors qu'il n'était pas établi que les tâches confiées ne correspondaient pas à son contrat de travail, à ses qualifications et aux décisions de justice intervenues, et qu'il avait refusé un bilan de compétences ainsi qu'une formation.
10. Appréciant l'ensemble des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, sans méconnaître les termes du litige, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation et qui a déduit de ses énonciations et constatations que si, parmi les éléments présentés par le salarié, certains laissaient supposer l'existence d'une discrimination, ceux-ci étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, n'encourt pas les griefs du moyen.
Sur le sixième moyen
Enoncé du moyen
11. Le salarié et le syndicat font grief à l'arrêt de débouter le syndicat de sa demande tendant à la condamnation de la société, pour les faits d'entrave en 2019, 2020 et 2021 à l'exercice du droit d'alerte concernant la situation de son secrétaire général, au paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts, alors :
« 1°/ que le juge ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en soulevant d'office, pour débouter le syndicat de sa demande, les moyens tirés de ce que le syndicat, intervenant accessoirement à l'action diligentée par M. [R], ne pouvait invoquer qu'un manquement concernant le droit d'alerte émis par ce dernier et la société ayant répondu à l'alerte émise par ce représentant et fait une proposition, ne s'était pas rendue coupable d'une entrave au mandat de M. [R] en qualité de membre du CSE, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
2°/ qu'en cas d'entrave par l'employeur à l'exercice du droit syndical, le syndicat professionnel est en droit d'obtenir des dommages-intérêts en réparation du préjudice atteignant l'intérêt collectif de la profession qu'il représente ; qu'en se bornant, pour débouter le syndicat de sa demande, à énoncer que le syndicat, intervenant accessoirement à l'action diligentée par M. [R], ne pouvait invoquer qu'un manquement concernant le droit d'alerte émis par ce dernier et la société ayant répondu à l'alerte émise par ce représentant et fait une proposition, ne s'était pas rendue coupable d'une entrave au mandat de M. [R] en qualité de membre du CSE, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si l'entrave au mandat de Mme [J], délégué du personnel ''dont le droit d'alerte concernant la situation de M. [R] en septembre 2019 a été ignoré volontairement par la direction'', l'entrave au mandat de cette dernière de représentant de proximité de [Localité 4] et également membre du CSE, ainsi que l'entrave aux mandats de MM. [R] et [U], membres du CSE ''dont le droit d'alerte concernant la situation de M. [R] en 2020 et 2021 a été ignoré volontairement par la direction'', ne justifiaient pas de faire droit à la demande du syndicat exposant en paiement de dommages-intérêts, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2132-3 et 2312-59 du code du travail. »
Réponse de la Cour
12. Ayant retenu que la société ne s'était pas rendue coupable d'une entrave au mandat du salarié en qualité de membre du comité social et économique, de sorte que la demande de dommages-intérêts présentée par le syndicat au titre du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession devait être rejetée, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à une recherche inopérante et qui n'encourt pas le grief visé à la première branche du moyen, a légalement justifié sa décision.
Mais sur le deuxième moyen, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
13. Le salarié et le syndicat font grief à l'arrêt de débouter le salarié de sa demande en paiement d'une certaine somme au titre des salaires liés au nombre de jours travaillés au-delà du forfait, en deniers ou quittances, et des congés payés afférents, et de débouter le syndicat de sa demande tendant à voir la société condamnée à lui payer une somme à titre de dommages-intérêts pour violation des dispositions légales et conventionnelles relatives à la durée du travail notamment le forfait en jours en raison de l'atteinte disproportionnée aux intérêts collectifs de la profession défendue par le syndicat, alors :
« 1°/ que le juge ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en soulevant d'office, pour débouter M. [R] de sa demande, les moyens tirés, d'une part de ce qu'il ne sollicitait pas le paiement d'heures supplémentaires mais le paiement de jours travaillés au-delà du forfait en jours qu'il estimait pourtant lui être inopposable, et d'autre part, de ce que les dépassements du nombre de jours travaillés prévus au forfait en jours concernaient non pas son activité professionnelle mais le temps consacré à l'exercice de ses mandats syndicaux sans qu'il justifie que le dépassement de ses heures de délégation tenait à des circonstances exceptionnelles, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
2°/ que le juge est lié par l'objet du litige, tel qu'il résulte des conclusions déposées par les parties ; qu'en l'espèce où M. [R] ne demandait pas au juge de constater l'inopposabilité à son endroit de la convention de forfait en jours dont il bénéficiait et le paiement subséquent d'heures supplémentaires, mais le paiement des jours travaillés au-delà de la durée annuelle prévue par la convention de forfait en jours, selon les stipulations explicites de son contrat de travail et de l'accord Syntec de 2004, la cour d'appel, en énonçant que cette convention était inopposable à M. [R] qui pouvait demander le paiement d'heures supplémentaires, ce qu'il ne faisait pas puisqu'il sollicitait le paiement de jours travaillés au-delà du forfait en jours qu'il estimait pourtant lui être inopposable, a modifié l'objet du litige et ainsi violé l'article 4 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 4 et 16 du code de procédure civile :
14. Selon le premier de ces textes, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
15. Selon le second, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
16. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement des jours travaillés au-delà du forfait en jours, l'arrêt retient que, dès lors que la société, qui n'a pas conclu sur cette demande, ne justifie ni de l'existence d'un accord sur le forfait en jours prévoyant des règles de suivi de la charge de travail du salarié ni de la réalisation d'un entretien annuel avec le salarié sur sa charge de travail, la convention de forfait en jours est inopposable au salarié qui peut ainsi demander paiement d'heures supplémentaires, que, toutefois, d'une part, le salarié ne demande pas le paiement d'heures supplémentaires mais celui des jours travaillés au-delà du forfait en jours qu'il estime pourtant lui être inopposable, d'autre part, les dépassements du nombre de jours travaillés prévus au forfait en jours ne concernent pas l'activité professionnelle du salarié, mais le temps consacré à l'exercice de ses mandats syndicaux et que le salarié ne justifie pas que le dépassement de ses heures de délégation tenait à des circonstances exceptionnelles.
17. En statuant ainsi, la cour d'appel qui a, d'une part, modifié les termes du litige, le salarié n'ayant pas demandé que la convention de forfait en jours lui soit inopposable, et, d'autre part, relevé d'office le moyen tiré de ce que les dépassements du nombre de jours travaillés prévus au forfait en jours ne concernaient pas l'activité professionnelle du salarié, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations, a violé les textes susvisés.
Et sur le quatrième moyen
Enoncé du moyen
18. Le salarié et le syndicat font grief à l'arrêt de débouter le syndicat de sa demande en condamnation de la société, pour les faits de harcèlement moral caractérisés postérieurement à l'arrêt du 20 octobre 2009 à ce jour, à payer au syndicat une somme à titre de dommages-intérêts en raison de l'atteinte disproportionnée aux intérêts collectifs de la profession défendue par le syndicat, alors « que le juge ne peut procéder par voie de considérations générales et abstraites et doit préciser l'origine et la nature des renseignements qui ont servi à motiver sa décision ; qu'en se bornant, pour débouter le syndicat Avenir Sopra Steria de sa demande, à affirmer péremptoirement, après avoir reconnu le harcèlement moral subi par M. [R], représentant du personnel élu sur la liste du syndicat Avenir Sopra Steria et représentant syndical de ce syndicat, que le harcèlement moral ne porte pas atteinte à l'intérêt collectif de la profession défendu par le syndicat, qui n'intervient à la procédure qu'à titre accessoire, sans motiver sa décision de ce chef et expliquer les raisons pour lesquelles elle décidait d'écarter l'existence d'un préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession représentée par le syndicat par le harcèlement moral subi par son représentant syndical, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
19. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.
20. Pour débouter le syndicat de sa demande de dommages-intérêts au titre de l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession du fait du harcèlement moral subi par le salarié, la cour d'appel retient que, si le harcèlement moral a été reconnu, ce dernier affecte le salarié à titre personnel et ne porte pas atteinte à l'intérêt collectif de la profession défendu par le syndicat.
21. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions du syndicat et du salarié qui soutenaient que ce dernier subissait une agressivité injustifiée lors des réunions des instances du comité social et économique et lors des négociations auxquelles il participait dans le cadre de l'exercice de ses fonctions représentatives, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
22. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif déboutant le salarié de sa demande en paiement des jours travaillés au-delà du forfait en jours emporte celle du chef de dispositif déboutant le syndicat de sa demande de dommages-intérêts au titre de l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession du fait du non-respect des règles relatives au forfait en jours, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
23. La cassation des chefs de dispositif déboutant le salarié de sa demande en paiement des jours travaillés au-delà du forfait en jours et déboutant le syndicat de ses demandes de dommages-intérêts au titre de l'atteinte portée à l'intérêt collectif du fait du harcèlement moral et du non-respect des règles relatives au forfait en jours n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant la société aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celle-ci.
Soc. 26 février 2025 n° 23-13.160
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 26 février 2025
Cassation
Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 171 F-D
Pourvoi n° E 23-13.160
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 26 FÉVRIER 2025
M. [P] [E], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° E 23-13.160 contre l'arrêt rendu le 10 janvier 2023 par la cour d'appel d'Agen (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société IGC, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Carillon, conseiller référendaire, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [E], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société IGC, après débats en l'audience publique du 21 janvier 2025 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Carillon, conseiller référendaire rapporteur, M. Seguy, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Agen, 10 janvier 2023), M. [E] a été engagé en qualité de chef d'agence le 8 juillet 2004 par la société IGC (la société).
2. Convoqué à un entretien préalable à son licenciement et mis à pied à titre conservatoire, le salarié, licencié le 16 décembre 2019, a saisi la juridiction prud'homale afin de contester son licenciement et obtenir paiement de diverses sommes à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, au titre de la contrepartie obligatoire en repos et à titre d'indemnités pour travail dissimulé.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes au titre des heures supplémentaires et congés payés afférents, de la contrepartie obligatoire en repos et des congés payés afférents, à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la réglementation de la durée du travail et au titre de l'indemnité pour travail dissimulé, alors « que la charge de la preuve des heures supplémentaires ne pèse pas sur le seul salarié ; qu'il lui appartient seulement de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'en l'espèce, il ressort des constatations de l'arrêt que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, à savoir sa lettre de mission, un décompte hebdomadaire et mensuel des heures de travail accomplies de décembre 2016 à novembre 2019 sous forme d'un tableau synthétique intégré dans ses conclusions en pages 13, 14 et 15, un tableau en page 16 de ses conclusions détaillant le calcul des heures supplémentaires majorées à 25 % et 50 % de décembre 2018 à novembre 2019, un décompte des horaires accomplis quotidiennement de décembre 2016 à novembre 2019 ainsi que 56 courriels extraits de son ordinateur professionnel constatés par huissier de justice ; que pour cependant le débouter de sa demande de paiement d'heures supplémentaires, l'arrêt retient ''qu'aucun agenda professionnel n'est produit en appel et que la pièce 20 ne permet pas de vérifier la réalité d'un travail effectif en dehors des heures contractuellement prévues ; que les courriels produits pour leur très grande majorité, concernent des communications à plusieurs collaborateurs parmi lesquels se trouve M. [E] : rappel de réunion, de formation, flashs d'activité, points sur des dossiers? qui n'appellent pas de réponse immédiate et son envoyés à des heures ouvrables ; que ceux envoyés par M. [E] l'ont été pendant des heures de travail de travail, hormis sept courriels adressés en soirée à un collaborateur, sans qu'il soit possible d'en lire la teneur ; qu'un courriel a été émis par le salarié un dimanche, le 22 octobre 2017'' ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :
4. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
5. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
6. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
7. Pour débouter le salarié de sa demande au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents, l'arrêt relève, d'abord, que la qualité de cadre dirigeant ne peut s'appliquer au salarié qui rappelle n'être soumis à aucune convention de forfait ni en jours ni en heures et, ensuite, que les éléments produits par le salarié, et notamment un décompte hebdomadaire et mensuel des heures de travail accomplies de décembre 2016 à novembre 2019, sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre.
8. L'arrêt retient ensuite, qu'aucun agenda professionnel n'est produit en appel et relève que la pièce 20 ne permet pas de vérifier la réalité d'un travail effectif en dehors des heures contractuellement prévues ; que les courriels produits pour leur très grande majorité, concernent des communications à plusieurs collaborateurs parmi lesquels se trouve le salarié qui n'appellent pas de réponse immédiate et sont envoyés à des heures ouvrables ; que ceux envoyés par le salarié l'ont été pendant des heures de travail, hormis sept courriels adressés en soirée à un collaborateur, sans qu'il soit possible d'en lire la teneur et qu'un courriel a été émis par le salarié un dimanche, le 22 octobre 2017.
9. Il en déduit qu'il n'est pas établi que le salarié a effectué des heures supplémentaires.
10. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part, que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, d'autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé.
Et sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
11. Le salarié fait grief à l'arrêt de fixer son salaire de référence à 2 127 euros brut, alors « que les éléments de rémunération dont les modalités de fixation permettent leur rattachement direct à l'activité personnelle du salarié doivent être intégrés dans la base de calcul des majorations pour heures supplémentaires ; qu'en l'espèce, l'arrêt retient qu' ''au dernier état de la relation contractuelle, la partie fixe de sa rémunération était portée à 2 127 euros sur 12 mois par avenant du 1er novembre 2007 à effet au 1er novembre 2007 ; que sa rémunération était composée en outre d'une part variable en fonction du chiffre d'affaire réalisé ; qu'il convient de prendre en compte le montant de 2 127,12 euros comme salaire de référence'' ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si cette part variable sur chiffre d'affaire était directement rattachée à l'activité personnelle du salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3121-22 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 3121-28, L. 3121-33 et L. 3121-36 du code du travail, dans leur rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :
12. Il résulte de ces dispositions que les éléments de rémunération dont les modalités de fixation permettent leur rattachement direct à l'activité personnelle du salarié doivent être intégrés dans la base de calcul des majorations pour heures supplémentaires.
13. Pour prendre en compte le montant de 2 127,12 euros comme salaire de référence, l'arrêt retient que la partie fixe de la rémunération du salarié était portée à 2 127,12 euros sur 12 mois par avenant du 1er novembre 2007 à effet au 1er novembre 2007 et que cette rémunération était composée en outre d'une part variable en fonction du chiffre d'affaires réalisé.
14. En se déterminant ainsi, sans rechercher si la part variable versée en fonction du chiffre d'affaires réalisé était directement rattachée à l'activité personnelle du salarié, de sorte qu'elle devait être incluse dans l'assiette du calcul de la majoration pour heures supplémentaires, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Soc. 18 décembre 2024 n° 23-11.306
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 18 décembre 2024
Cassation partielle
Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 1322 F-D
Pourvoi n° Q 23-11.306
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 DÉCEMBRE 2024
M. [Y] [H], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Q 23-11.306 contre l'arrêt rendu le 30 novembre 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 6), dans le litige l'opposant à la société Euro Disney associés, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La société Euro Disney associés a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de Me Isabelle Galy, avocat de M. [H], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Euro Disney associés, après débats en l'audience publique du 20 novembre 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Flores, conseiller rapporteur, Mme Le Quellec, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 novembre 2022), M. [H] a été engagé en qualité de manager d'exploitation le 1er octobre 2001 par la société Euro Disney associés. Une convention individuelle de forfait en jours a été conclue le 23 avril 2007.
2. Le 16 novembre 2017, les parties sont convenues d'une convention de rupture du contrat de travail prenant effet au 7 janvier 2018.
3. Le salarié a saisi le 7 août 2018 la juridiction prud'homale de demandes en paiement de diverses sommes au titre de l'exécution du contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le troisième moyen du pourvoi principal du salarié
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en nullité de la convention de forfait annuel en jours et de limiter à une certaine somme la condamnation prononcée contre l'employeur au titre du rappel des heures supplémentaires, outre les congés payés afférents, alors « que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires ; qu'en l'espèce, l'avenant n° 6 du 1er décembre 2006 à l'accord d'entreprise du 15 avril 1999 portant sur l'aménagement et la réduction du temps de travail se bornait à prévoir, au titre des modalités de la convention de forfait annuel en jours, qu'un calendrier prévisionnel des jours de repos serait élaboré chaque trimestre par les cadres concernés et transmis au supérieur hiérarchique, que le décompte des journées de travail et des journées de repos se ferait mensuellement au moyen d'un support auto-déclaratif et transmis au supérieur hiérarchique, et que dans l'hypothèse où un salarié cadre autonome estimerait que sa charge de travail est trop importante, il pourra demander la tenue d'une réunion avec son supérieur hiérarchique afin d'en analyser les causes ; qu'en retenant, pour considérer que la convention individuelle de forfait en jours du salarié du 23 avril 2007 était valable, que ces modalités, qui prévoient un contrôle régulier et effectif par le supérieur hiérarchique, présentent des garanties suffisantes pour le salarié, quand les dispositions de l'avenant du 1er décembre 2006 n'instituaient aucun suivi effectif et régulier permettant à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, et n'étaient pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restaient raisonnables et à assurer une répartition dans le temps du travail de l'intéressé, la cour d'appel a violé l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article L. 212-15-3 du code du travail en sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, interprétés à la lumière des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. »
Réponse de la Cour
Vu l'alinéa 11 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article L. 3121-45 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, interprété à la lumière de l'article 17, paragraphes 1 et 4 de la directive 1993/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17, paragraphe 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne :
6. Le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles.
7. Il résulte des articles susvisés des directives de l'Union européenne que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur.
8. Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.
9. Pour débouter le salarié de sa demande en nullité de la convention individuelle de forfait en jours et condamner l'employeur au paiement d'une certaine somme à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, l'arrêt retient que l'avenant n° 6 de l'accord portant sur l'aménagement et la réduction du temps de travail signé le 1er décembre 2006 prévoit la possibilité d'une convention de forfait annuel en jours pour les cadres autonomes, pour un maximum de 211 jours travaillés. Il précise que cet accord prévoit un contrôle régulier et effectif par le supérieur hiérarchique et présente ainsi des garanties suffisantes pour le salarié.
10. En statuant ainsi, alors que l'avenant n° 6 de l'accord portant sur l'aménagement et la réduction du temps de travail signé le 1er décembre 2006, qui se borne à prévoir que les cadres concernés déterminent leur propre durée du travail, qu'ils font varier en fonction de leur charge de travail entre cinq heures et plus, étant précisé que le temps de travail est limité par référence aux dispositions légales relatives au temps de repos quotidien et au repos hebdomadaire, que les directeurs et chefs d'établissement sont en tout état de cause garants de la bonne répartition du travail des cadres autonomes et que si les raisons de ces dépassements répétés sont conjoncturelles, il sera examiné avec le cadre les solutions envisageables pour y remédier dans les plus brefs délais, alors que si les raisons sont structurelles, une réunion avec le vice-président des ressources humaines sera organisée pour trouver les solutions appropriées, sans instituer de suivi effectif et régulier permettant à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, ne sont pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié, ce dont elle aurait dû déduire que la convention de forfait en jours était nulle, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
11. La cassation des chefs de dispositif relatifs à la demande en nullité de la convention de forfait en jours et à la condamnation de l'employeur au paiement d'une somme au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.
Soc. 18 décembre 2024 n° 23-20.340
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CH9
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 18 décembre 2024
Rejet et rectification d'erreur matérielle
Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 1316 F-D
Pourvoi n° J 23-20.340
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 DÉCEMBRE 2024
Mme [D] [N], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° J 23-20.340 contre l'arrêt rendu le 27 juin 2023 par la cour d'appel de Metz (chambre sociale, section 1), dans le litige l'opposant :
1°/ à l'association EM [Localité 5] partenaires, dont le siège est [Adresse 3],
2°/ à France travail, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommé Pôle emploi, et dont la direction régionale Ile-de-France est [Adresse 4],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Cavrois, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de Mme [N], de la SCP Françoise Fabiani - François Pinatel, avocat de l'association EM Strasbourg partenaires, après débats en l'audience publique du 20 novembre 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Cavrois, conseiller rapporteur, Mme Deltort, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 27 juin 2023), rendu sur renvoi après cassation (Soc., 19 mai 2021, pourvoi n° 20-15.385), Mme [N] a été engagée en qualité de chargée de développement par l'association EM [Localité 5] partenaires à compter du 1er mai 2011.
2. Le 20 juillet 2016, elle a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.
3. La salariée a été licenciée le 5 décembre 2016.
Examen des moyens
Sur les deuxième et troisième moyens
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. La salariée fait grief à l'arrêt de prononcer la validité du forfait en jours et de la débouter de ses demandes en paiement d'un rappel de salaire et en résiliation judiciaire du contrat de travail, alors « que la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à une absence de motifs ; qu'après avoir retenu dans ses motifs que la convention de forfait-jours était inopposable à Mme [N] et que le jugement devait être infirmé sur ce point, dans son dispositif, l'arrêt a confirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions, à l'exception de celle ayant déclaré recevable la demande d'heures complémentaires pour la période antérieure au 20 juillet 2013 ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
6. Le vice allégué par le moyen procède d'une erreur matérielle dont la rectification sera ci-après ordonnée en application de l'article 462 du code de procédure civile.
7. Le moyen ne peut donc être accueilli.
Soc. 4 décembre 2024 n° 23-11.575
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 4 décembre 2024
Cassation partielle
Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 1240 F-D
Pourvoi n° H 23-11.575
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 DÉCEMBRE 2024
La société Castorama France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° H 23-11.575 contre l'arrêt rendu le 1er décembre 2022 par la cour d'appel de Caen (chambre sociale, section 1), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [O] [C], domicilié [Adresse 1],
2°/ à France Travail, dont le siège est [Adresse 2], anciennement dénommé Pôle emploi,
défendeurs à la cassation.
M. [O] [C], a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.
Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Cavrois, conseiller, les observations écrites de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Castorama France, de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. [C], après débats en l'audience publique du 6 novembre 2024 où étaient présentes Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Cavrois, conseiller rapporteur, Mme Deltort, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 1er décembre 2022), M. [C] a été engagé en qualité de responsable sécurité maintenance, catégorie agent de maîtrise, par la société Castorama à compter du 20 octobre 2007. Devenu, suivant avenant du 9 septembre 2008, chef de sécurité maintenance, catégorie cadre, il a été soumis à une convention de forfait en jours, au visa de l'accord collectif du 23 novembre 1999.
2. Licencié le 9 octobre 2019, il a saisi la juridiction prud'homale le 19 février 2020 d'une contestation du bien-fondé de son licenciement et de demandes en paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le second moyen du pourvoi principal de l'employeur
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour absence de paiement des astreintes, alors :
« 1°/ qu'aux termes de l'article L. 3121-9 du code du travail, une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, doit être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise ; qu'il en résulte que l'existence d'une astreinte suppose que le salarié ait l'obligation, d'une part, d'être joignable constamment et de répondre aux appels qui lui sont passés et, d'autre part, d'intervenir sur le lieu de travail en cas d'appel ; qu'en outre, une astreinte ne peut résulter que d'instructions de l'employeur obligeant le salarié à rester disponible et joignable, pour intervenir en cas de besoin au service de l'entreprise ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que, pendant les horaires de fermeture, la protection du magasin est assurée par un système d'alarme intrusion, technique ou feu géré par une société de télésurveillance, laquelle doit faire intervenir une société d'intervention en cas de déclenchement d'une alarme intrusion ou technique, contacter la police en cas de détection d'une infraction et appeler les pompiers en cas d'alarme incendie ; que la cour d'appel a en outre constaté que, si cette société doit également prévenir le directeur du magasin ou l'un des deux cadres responsables, en cas d'incident, le "processus de gestion des alarmes magasin" applicable dans l'entreprise précise que "le directeur de magasin ainsi que les deux cadres doivent être alertés mais l'entreprise conçoit qu'ils puissent être dans l'impossibilité de répondre, par ailleurs ils ne sont pas obligés d'intervenir" ; qu'il résulte de ces constatations que le système de gestion des alarmes mis en place par l'employeur ne soumet pas à une astreinte les cadres pouvant être avertis par la société de télésurveillance, ces cadres n'étant pas obligés de rester joignables, de répondre aux appels, ni d'intervenir ; qu'en affirmant néanmoins que M. [C] était soumis à des astreintes, la cour d'appel a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article L. 3121-9 du code du travail ;
2°/ que l'existence d'une astreinte suppose que le salarié ait l'obligation, d'une part, d'être joignable constamment et de répondre aux appels qui lui sont passés et, d'autre part, pour intervenir en cas d'appel ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que, selon le listing des alarmes d'une année, M. [C] a répondu trente-neuf fois aux appels de la société de télésurveillance "en donnant des instructions ou en étant avisé" et qu'il "s'est déplacé trois fois" ; qu'il en résulte que M. [C], qui ne répondait pas systématiquement aux appels de la société de télésurveillance, n'était pas tenu de rester joignable, ni d'intervenir en se déplaçant au magasin, en cas de déclenchement d'une alarme ; qu'en se fondant sur de tels motifs, impropres à caractériser "l'obligation pour le salarié de rester en permanence disponible à l'aide de son téléphone portable pour pouvoir le cas échéant répondre aux appels, donner les instructions nécessaires et si nécessaire se déplacer", la cour d'appel a violé de plus fort l'article L. 3121-9 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3121-9, alinéa 1er, du code du travail :
5. Aux termes de ce texte une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, doit être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise.
6. Pour condamner l'employeur à verser au salarié une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour absence de paiement des astreintes, l'arrêt relève que ce dernier produit un document intitulé « processus de gestion des alarmes magasin » duquel il résulte que la société de surveillance dispose du numéro de téléphone du directeur du magasin et de deux cadres membres du comité de direction, ceux-ci devant être prévenus en cas d'incident. Il ajoute que ce document précise que « le directeur de magasin ainsi que les deux cadres doivent être alertés mais l'entreprise conçoit qu'ils puissent être dans l'impossibilité de répondre, par ailleurs ils ne sont pas obligés d'intervenir ». Il relève encore que ce document mentionne qu'en cas d'alarme intrusion ou technique, la société de télésurveillance fait intervenir la société d'intervention, et en cas de détection d'une effraction, elle contacte la police, contacte le directeur ou les deux cadres et laisse un message, que le directeur du magasin ou les deux cadres se rendent sur place si disponibles et qu'en cas d'alarme incendie, la société de télésurveillance appelle les pompiers, ainsi que le directeur du magasin ou les deux cadres, les consignes étant les mêmes pour ces derniers qu'en cas de détection d'une effraction.
7. L'arrêt retient que le listing du 2 avril 2018 au 27 avril 2019 démontre que le salarié a répondu trente-neuf fois aux appels en donnant des instructions ou en étant avisé, et qu'il s'est déplacé trois fois dont une fois le 20 août 2018 à 14h03 alors qu'il était, selon son bulletin de salaire, en congés payés.
8. Il constate à l'analyse du listing que la société de télésurveillance appelait successivement les salariés désignés jusqu'à ce que l'un d'eux réponde.
9. Il en conclut que s'il n'était pas à la disposition permanente et immédiate de son employeur, le salarié avait l'obligation de rester en permanence disponible à l'aide de son téléphone portable pour pouvoir le cas échéant répondre aux appels, donner les instructions nécessaires et si nécessaire se déplacer et que ces astreintes n'ayant pas été indemnisées, l'intéressé est bien fondé à réclamer une réparation de cette absence de contrepartie financière.
10. En statuant ainsi, après avoir constaté que le salarié n'avait pas l'obligation de répondre aux appels de la société de surveillance et sans caractériser en quoi le salarié était tenu de rester à disposition de l'employeur pour être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'employeur, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Et sur le moyen relevé d'office
11. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.
Vu les articles L. 3121-60 et L. 3121-65 I du code du travail, l'article 12 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :
12. Aux termes du premier de ces textes, dont les dispositions sont d'ordre public, l'employeur s'assure régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail.
13. Aux termes du deuxième, à défaut de stipulations conventionnelles prévues aux 1° et 2° du II de l'article L. 3121-64, une convention individuelle peut être valablement conclue sous réserve des dispositions suivantes : 1° L'employeur établit un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées. Sous la responsabilité de l'employeur, ce document peut être renseigné par le salarié ; 2° L'employeur s'assure que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires ; 3° L'employeur organise une fois par an un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail, qui doit être raisonnable, l'organisation de son travail, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération.
14. Aux termes du troisième, l'exécution d'une convention individuelle de forfait en jours conclue sur le fondement d'une convention ou d'un accord de branche ou d'un accord d'entreprise ou d'établissement qui, à la date de publication de la présente loi, n'est pas conforme aux 1° à 3° du II de l'article L. 3121-64 du code du travail peut être poursuivie, sous réserve que l'employeur respecte l'article L. 3121-65 du même code. Sous ces mêmes réserves, l'accord collectif précité peut également servir de fondement à la conclusion de nouvelles conventions individuelles de forfait.
15. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'une somme au titre des heures supplémentaires de 2016 à 2019, après avoir relevé que l'accord sur lequel était adossée la convention de forfait du salarié ne prévoyait aucun dispositif concret de contrôle et ne décrivait aucune modalité précise, si bien que ses dispositions n'étaient pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restaient raisonnables et à assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, l'arrêt retient qu'il est produit aux débats les relevés annuels d'heures signés par le salarié renseignant l'ensemble des absences du salarié et donc les jours travaillés sur l'année, les relevés annuels de 2010 à 2018 étant contresignés par le responsable du salarié.
16. L'arrêt ajoute qu'il est produit des comptes-rendus d'entretien intitulés « suivi de l'organisation et du temps de travail des cadres » à raison de deux par an pour les années 2016, 2017 et 2018 dans lesquels le salarié était interrogé sur les congés, sur le temps de travail, sur la charge de travail et sur la conciliation vie professionnelle et vie privée, que lors de ces entretiens le solde de congés et RTT était rappelé, que le salarié a répondu par l'affirmative à la question : « Les deux jours de repos hebdomadaires sont-ils pris, le respect de l'amplitude horaire est-il respecté ? », qu'il a indiqué qu'il vivait bien sa charge de travail, que l'organisation était adaptée à sa charge de travail et n'a pas fait part de difficultés ou commentaires à la rubrique « indiquer les éventuelles difficultés rencontrées dans l'organisation du travail et la charge de travail et les mesures pour y remédier ».
17. La cour d'appel en a déduit que l'employeur avait pris les mesures concrètes et effectives prévues par l'article L. 3121-65 I du code du travail lui permettant de garantir que l'amplitude et la charge de travail restaient raisonnables et d'assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail du salarié.
18. En statuant ainsi sans constater que l'employeur avait pris les mesures nécessaires pour instituer un suivi effectif et régulier lui permettant de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, ce dont il se déduisait que la convention de forfait en jours était nulle, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
19. Les cassations prononcées n'emportent pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.
Soc. 20 novembre 2024 n° 23-21.020
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 20 novembre 2024
Cassation partielle
Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 1186 F-D
Pourvoi n° Y 23-21.020
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 20 NOVEMBRE 2024
M. [T] [K], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Y 23-21.020 contre l'arrêt rendu le 22 juin 2023 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale C), dans le litige l'opposant à la société Electro dépôt France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La société Electro dépôt France a formé le pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Deltort, conseiller, les observations de Me Ridoux, avocat de M. [K], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Electro dépôt France, après débats en l'audience publique du 16 octobre 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Deltort, conseiller rapporteur, Mme Rodrigues, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3 alinéa 2 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 22 juin 2023), M. [K] a été engagé en qualité d'équipier par la société Electro dépôt à compter du 2 novembre 2009. Suivant avenant du 1er décembre 2011, le salarié, promu au poste de directeur-adjoint commerce, a été soumis à une convention de forfait en jours.
2. Le 12 février 2019, il a démissionné.
3. Le 8 mars 2019, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant à la contestation de la validité de la convention de forfait en jours et en paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le premier moyen du pourvoi principal du salarié
Enoncé du moyen
4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes tendant à l'inopposabilité de la convention de forfait en jours et en paiement de diverses sommes à titre de rappel d'heures supplémentaires, outre congés payés afférents, de repos compensateurs, d'indemnité pour travail dissimulé, et de dommages-intérêts pour licenciement abusif, alors « que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires ; que l'arrêt attaqué relève que ''l'accord du 15 mars 2016 – seul texte discuté par les parties – prévoit (?) un récapitulatif des jours travaillés, un nombre de jours consécutifs maximal fixé à 6 jours, le respect du repos quotidien et hebdomadaire minimum ainsi qu'un entretien individuel annuel sur ce mode d'organisation du travail'' ; qu'il ressort de ces constatations que l'accord du 15 mars 2016 n'institue aucun suivi effectif et régulier permettant à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, ce dont il résulte que cet accord n'est pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et à assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé ; que dès lors, en déboutant néanmoins le salarié de sa demande en inopposabilité de la convention de forfait en jours, la cour d'appel a violé l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article L. 3121-39 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 interprété à la lumière des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.»
Réponse de la Cour
Vu l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article L. 3121-39 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, interprété à la lumière des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne :
5. Le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles.
6. Il résulte des articles susvisés de la directive de l'Union européenne que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur.
7. Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.
8. Pour dire que la convention de forfait en jours est opposable au salarié, l'arrêt retient que l'accord du 15 mars 2016 relatif à l'organisation du temps de travail au sein de l'entreprise, seul texte discuté par les parties, prévoit expressément un récapitulatif des jours travaillés, un nombre de jours consécutifs maximal fixé à six jours, le respect des repos quotidien et hebdomadaire minima ainsi qu'un entretien individuel annuel sur ce mode d'organisation du travail, que ces stipulations sont suffisantes pour garantir le respect des durées maximales raisonnables de travail ainsi que des repos, journalier et hebdomadaire, et que le salarié ne conteste pas la tenue d'entretiens annuels individuels mais estime que ces entretiens ne s'identifient pas aux entretiens spécifiques exigés par l'article L. 3121-46 du code du travail précité, ce dont l'employeur n'aurait pas justifié. Il ajoute que toutefois, il résulte des comptes-rendus d'entretiens annuels versés aux débats, de même que des propres écritures du salarié, que les entretiens annuels comprenaient une partie intitulée "Equilibre vie privée/vie professionnelle : Le collaborateur fait ses commentaires sur son organisation de travail" et que les items ainsi visés (auxquels le salarié a répondu "RAS" tous les ans) satisfont aux exigences de l'entretien annuel individuel obligatoire prévu par l'article L. 3121-46 précité dans le cadre d'une convention de forfait en jours.
9. En statuant ainsi, alors que l'accord du 15 mars 2016, qui se borne à prévoir un récapitulatif des journées travaillées, un nombre de jours consécutifs de travail maximal fixé à six, le respect des repos quotidien et hebdomadaire maxima et un entretien individuel annuel sur le mode d'organisation du travail, sans instituer un suivi effectif et régulier permettant à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, n'est pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et à assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, ce dont il se déduisait que la convention de forfait en jours était nulle, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Sur le second moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
10. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail doit s'analyser en une démission et de le débouter de toute demande indemnitaire au titre de la rupture du contrat de travail, alors « qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions de la décision cassée ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que la cassation qui sera prononcée sur le premier moyen des chefs de dispositif de l'arrêt déboutant le salarié de sa demande que la convention de forfait en jours lui soit déclarée inopposable et de sa demande en paiement de diverses sommes à titre d'heures supplémentaires, des congés payés y afférents, de repos compensateurs, et d'indemnité pour travail dissimulé, entraînera l'annulation par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, du chef de l'arrêt le déboutant de sa demande en paiement de dommages-intérêts au titre de la rupture du contrat de travail, ces chefs de dispositif étant dans un lien de dépendance nécessaire ainsi que cela ressort des motifs selon lesquels "la cour a précédemment jugé que la convention de forfait en jours était applicable, de sorte que les griefs tirés de ce chef, de la rémunération des heures supplémentaires et de l'obligation d'entretien annuel spécifique, ne sont pas fondés". »
Réponse de la Cour
Vu l'article 624 du code de procédure civile :
11. La cassation prononcée entraîne la cassation par voie de conséquence des chefs de dispositif disant que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail doit s'analyser en une démission et déboutant le salarié de toute demande indemnitaire au titre de la rupture du contrat de travail.
Et sur le moyen du pourvoi incident de l'employeur, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
12. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié une certaine somme à titre de contrepartie des périodes d'astreinte réalisées au cours de l'année 2018, alors « que le salarié demandait non le versement de la contrepartie légale aux périodes d'astreinte mais des dommages et intérêts en réparation de la méconnaissance par l'employeur de son obligation légale de verser une contrepartie ; qu'en condamnant l'employeur à verser la somme de 3 000 euros au titre de la contrepartie financière, au motif ''que dès lors qu'une contrepartie légale est prévue aux périodes d'astreinte, l'employeur est mal fondé à exiger la preuve du préjudice qui en est résulté'', la cour d'appel a modifié l'objet du litige, en violation des dispositions de l'article 4 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 16 du code de procédure civile :
13. Aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
14. Pour condamner l'employeur à verser au salarié une somme au titre de la contrepartie des périodes d'astreinte réalisées en 2018, l'arrêt retient que le salarié allègue avoir été soumis à huit semaines d'astreintes téléphoniques de sécurité au cours de l'année 2018, justifiant selon lui l'octroi de dommages-intérêts à hauteur de deux mois de salaire, que l'employeur réplique que le salarié n'allègue aucun préjudice et ne justifie pas avoir effectué le moindre travail au cours de ces astreintes.
15. Il ajoute qu'au cas particulier, le salarié produit le planning des astreintes entre les mois d'avril 2018 et novembre 2018, dont il ressort qu'il a exécuté sept semaines d'astreintes, hors périodes de congés payés ou d'arrêt maladie, que dès lors qu'une contrepartie légale est prévue aux périodes d'astreintes, l'employeur est mal fondé à exiger la preuve du préjudice qui en résulterait et que de même, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, il importe peu que le salarié soit ou non intervenu au cours de ces astreintes, de telles interventions s'analysant le cas échéant en un temps de travail effectif, distinct de la période d'astreinte elle-même.
16. En statuant ainsi, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur le moyen relevé d'office tiré du droit du salarié à une contrepartie, notamment, sous forme financière en cas de réalisation d'une période d'astreinte, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Soc. 20 novembre 2024 n° 23-17.881
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 20 novembre 2024
Cassation partielle
Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 1190 F-D
Pourvoi n° M 23-17.881
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 20 NOVEMBRE 2024
M. [Y] [K], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° M 23-17.881 contre l'arrêt rendu le 17 mai 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 3), dans le litige l'opposant à la société Videndum média distribution France, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Cavrois, conseiller, les observations de Me Soltner, avocat de M. [K], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Videndum média distribution France, après débats en l'audience publique du 16 octobre 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Cavrois, conseiller rapporteur, Mme Le Quellec, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 mai 2023), M. [K] a été engagé, en qualité de responsable administratif et financier, le 26 mars 2012, par la société Manfrotto distribution, devenue la société Vitec Imaging Distribution, elle-même devenue la société Videndum média distribution France.
2. Licencié le 14 avril 2016, le salarié a saisi, le 9 juin 2016, la juridiction prud'homale de demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement de diverses sommes à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires et d'indemnité compensatrice en repos obligatoire, outre congés payés afférents, alors « que la conclusion d'une convention de forfait, fût-elle ultérieurement déclarée illicite ou privée d'effet, ne permet pas à l'employeur de soutenir que le salarié relevait de la catégorie des cadres dirigeants ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le contrat de travail de M. [K] contenait une convention de forfait ce dont il résultait que la qualification de cadre dirigeant était exclue ; qu'en jugeant pourtant que M. [K] devait recevoir une telle qualification de sorte qu'il n'y avait pas lieu d'examiner les demandes du salarié relatives aux heures supplémentaires, à l'indemnité compensatrice repos obligatoire, outre les congés payés y afférents, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient et a, ce faisant, violé l'article L. 3111-2 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3111-2 du code du travail :
4. Selon ce texte, sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement.
5. Pour rejeter la demande du salarié tendant au paiement d'un rappel de salaire pour heures supplémentaires, l'arrêt, après avoir jugé que la convention de forfait en jours prévue au contrat du salarié était privée d'effet, retient que l'emploi du salarié est décrit comme celui d'un directeur financier de l'entité France de la société, entité qui compte treize personnes, et que l'intéressé avait une large autonomie, un niveau de responsabilité important, ayant été recruté pour redresser la comptabilité et mettre en place de nouvelles procédures visant à suivre au plus près l'évolution des prix, les performances commerciales et le niveau des charges, et un des salaires les plus élevés.
6. Il conclut qu'il n'y a pas lieu d'examiner les demandes du salarié relatives aux heures supplémentaires, à l'indemnité compensatrice de repos obligatoire outre les congés payés afférents.
7. En statuant ainsi, alors que la conclusion d'une convention de forfait annuelle en jours, fût-elle ultérieurement déclarée illicite ou privée d'effet, ne permet pas à l'employeur de soutenir que le salarié relevait de la catégorie des cadres dirigeants, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Soc. 6 novembre 2024 n° 23-13.120
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CH9
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 6 novembre 2024
Rejet
Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 1110 F-D
Pourvoi n° M 23-13.120
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 NOVEMBRE 2024
La société In extenso Secag, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° M 23-13.120 contre l'arrêt rendu le 26 janvier 2023 par la cour d'appel de Caen (1re chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. [G] [J], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
M. [J] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, cinq moyens de cassation.
Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Deltort, conseiller, les observations écrites de la SCP Françoise Fabiani-François Pinatel, avocat de la société In extenso Secag, de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. [J], après débats en l'audience publique du 2 octobre 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Deltort, conseiller rapporteur, M. Flores, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 26 janvier 2023) et les productions, M. [J] a été engagé en qualité d'analyste programmeur par la société In extenso Secag à compter du 27 juillet 1987, puis il a occupé les postes de chargé de clientèle et de responsable informatique régional.
2. Selon avenant des 30 décembre 2005 et 20 janvier 2006, le salarié a été soumis à une convention de forfait en jours.
3. Le 5 novembre 2015, il a été licencié.
4. Le 30 janvier 2016, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes en nullité et en inopposabilité de la convention de forfait en jours et en paiement de diverses sommes au titre de la rupture et de l'exécution du contrat de travail.
Examen des moyens
Sur les premier, troisième, quatrième et cinquième moyens du pourvoi principal de l'employeur et le moyen du pourvoi incident du salarié
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le deuxième moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
6. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié certaines sommes à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, outre congés payés afférents, et de repos compensateur non pris, pour la période de 2011 à 2015, alors :
« 1°/ que lorsqu'une convention de forfait est déclarée inopposable, le décompte et le paiement des heures supplémentaires doivent s'effectuer selon le droit commun, au regard de la durée légale de trente-cinq heures hebdomadaires ou de la durée considérée comme équivalente ; que toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur ; que le paiement entraîne l'extinction de l'obligation ; qu'en retenant, pour accorder à M. [J] des rappels de salaire au titre des heures supplémentaires, l'inopposabilité de la convention de forfait sans vérifier, ainsi qu'elle y était invitée, si la rémunération contractuelle versée par la société In extenso en exécution du forfait irrégulier n'avait pas eu pour effet d'opérer paiement, fût-ce partiellement, des heures de travail accomplies au-delà de la trente-cinquième heure dans le cadre du décompte de droit commun de la durée du travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3121-22 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et L. 3171-4 du même code ;
2°/ que les juges du fond ne peuvent, pour dire que le salarié a droit au paiement d'heures supplémentaires et condamner l'employeur au paiement de sommes à ce titre, retenir que le versement d'un salaire supérieur au minimum conventionnel ne peut tenir lieu de règlement des heures supplémentaires et qu'en conséquence le paiement des heures effectuées par les salariés au-delà des 35 heures ne serait pas établi ; qu'en affirmant que la société In extenso ne pouvait considérer que le versement d'un salaire supérieur au minimum conventionnel tenait lieu de règlement des heures supplémentaires, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à justifier sa décision et l'a privée de base légale au regard des articles L. 3121-22 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et L. 3171-4 du même code. »
Réponse de la Cour
7. Après avoir retenu que la convention de forfait en jours était inopposable au salarié et énoncé à bon droit que le versement d'un salaire supérieur au minimum conventionnel ne peut tenir lieu de règlement des heures supplémentaires, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche inopérante, a souverainement évalué l'importance des heures supplémentaires et fixé les créances salariales s'y rapportant.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
Soc. 23 octobre 2024 n° 22-23.260
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CH9
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 23 octobre 2024
Cassation partielle
Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 1063 F-D
Pourvoi n° N 22-23.260
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 OCTOBRE 2024
M. [Y] [O], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° N 22-23.260 contre l'arrêt rendu le 22 septembre 2022 par la cour d'appel de Versailles (15e chambre, chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société BASF France, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La société BASF France a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, quatre moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Seguy, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [O], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société BASF France, après débats en l'audience publique du 24 septembre 2024 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Seguy, conseiller rapporteur, Mme Panetta, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la société BASF France, défenderesse au pourvoi principal, du désistement de son pourvoi incident en ce qu'il est dirigé contre M. [O].
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 22 septembre 2022), M. [O] a été engagé en qualité d'agent technico-commercial, statut cadre, le 8 décembre 1994 par la société MBT France. Son contrat de travail a été transféré à la société BASF France (la société). En dernier lieu, il exerçait en Algérie et au Maroc les fonctions de « director construction chemicals Algeria and Morocco & Head of UGC Africa » et était soumis à une convention de forfait annuel de 216 jours de travail.
3. Licencié le 2 octobre 2017, il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.
Examen des moyens du pourvoi principal
Sur les deuxième, troisième et quatrième moyens
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, le second étant irrecevable et les deux autres n'étant manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement de rappel de salaire pour heures supplémentaires et de congés payés afférents, alors « qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 3121-45, dans sa version alors applicable, L. 3171-4 et D. 3171-10 du code du travail, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre de jours de travail effectués par le salarié dans le cadre d'une convention de forfait jours, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier des jours effectivement travaillés par le salarié ; qu'au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; qu'ainsi la preuve n'incombe spécialement à aucune des parties, et le juge ne peut, pour rejeter une demande de paiement de jours travaillés, se fonder sur l'insuffisance des preuves apportées par le salarié mais doit examiner les éléments de nature à justifier les jours effectivement travaillés par le salarié et que l'employeur est tenu de lui fournir ; que la cour d'appel qui, bien qu'elle ait constaté que le salarié versait aux débats une liste de mails professionnels lui ayant été adressés ou qu'il avait lui-même envoyés des dimanches ou des jours fériés entre 2014 et 2017, a néanmoins, pour dire les pièces du salarié non probantes et le débouter, en conséquence, de ses demandes, énoncé qu'il ne présentait pas d'élément suffisamment précis quant à des temps de travail ou journées de travail réalisées dépassant le forfait annuel en jours et non rémunérées afin de permettre à l'employeur d'y répondre utilement, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait d'une part que le salarié présentait, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre et, d'autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément sur le nombre de jours effectivement travaillés par ce salarié, faisant peser sur le seul salarié la charge de la preuve des jours travaillés en dépassement des 216 jours fixés par la convention de forfait jours, et a ainsi violé les textes susvisés. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 3121-45, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, L. 3171-4 et D. 3171-10, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2016-1553 du 18 novembre 2016, du code du travail :
6. Il résulte de la combinaison de ces textes qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre de jours de travail effectués par le salarié dans le cadre d'une convention de forfait en jours, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier des jours effectivement travaillés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Ainsi la preuve n'incombe spécialement à aucune des parties, et le juge ne peut, pour rejeter une demande de paiement de jours travaillés, se fonder sur l'insuffisance des preuves apportées par le salarié mais doit examiner les éléments de nature à justifier les jours effectivement travaillés par le salarié et que l'employeur est tenu de lui fournir.
7. Pour débouter le salarié de sa demande de paiement de sommes au titre des jours supplémentaires non rémunérés pour les années 2014 à 2017, l'arrêt retient qu'il produit une liste de courriels professionnels lui ayant été adressés ou qu'il a lui-même envoyés des dimanches ou jours fériés mais que celle-ci ne constitue pas un élément suffisamment précis quant à ses temps de travail ou journées de travail réalisés dépassant le forfait annuel en jours et non rémunérées.
8. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part, que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre et, d'autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément sur le nombre de jours effectivement travaillés par le salarié, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé les textes susvisés.
Soc. 23 octobre 2024 n° 22-23.028
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 23 octobre 2024
Cassation partielle
Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 1071 F-D
Pourvoi n° K 22-23.028
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 OCTOBRE 2024
1°/ La société Gifi, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 8],
2°/ la société Groupe Philippe Ginestet (GPG), société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 7],
ont formé le pourvoi n° K 22-23.028 contre l'arrêt rendu le 16 septembre 2022 par la cour d'appel de Rennes (8e chambre prud'homale), dans le litige les opposant :
1°/ à Mme [J] [R], domiciliée [Adresse 5],
2°/ à la société Mandataires judiciaires associés (MJA), société d'exercice libéral à forme anonyme, dont le siège est [Adresse 1], prise en la personne de M. [O] [G], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Lilnat,
3°/ à M. [X] [H], domicilié [Adresse 4], pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société Lilnat,
4°/ à l'UNEDIC, délégation AGS-CGEA [Localité 6], dont le siège est [Adresse 3],
5°/ à la société Asteren, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], prise en la personne de M. [O] [G], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Lilnat, en remplacement de la société Mandataires judiciaires associés,
défendeurs à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Brinet, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat des sociétés Gifi et Groupe Philippe Ginestet, de la SCP Boucard-Maman, avocat de la société Asteren, de M. [H], ès qualités, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [R], après débats en l'audience publique du 24 septembre 2024 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Brinet, conseiller rapporteur, M. Seguy, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 16 septembre 2022) et les productions, Mme [R] a été engagée en qualité d'employée libre-service auxiliaire par la société Giga Nantes le 4 juillet 2005. Son contrat de travail a été transféré à compter du 1er avril 2012 à la société Lilnat, exploitant un fonds de commerce sous l'enseigne Giga Store. Elle exerçait en dernier lieu les fonctions de directrice de magasin.
2. Le 4 mai 2017, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de la société Lilnat, convertie en liquidation judiciaire par jugement du 20 juillet 2017, la société MJA et M. [H] étant désignés en qualité de co-liquidateurs.
3. Par jugement du 26 juin 2017, le tribunal de commerce a arrêté un plan de cession de la société Lilnat à la société Groupe Philippe Ginestet (GPG) avec faculté de substitution au profit d'une ou plusieurs filiales à constituer, comprenant la cession de plusieurs fonds de commerce sous enseigne Tati, ou Giga Store. Le magasin dirigé par la salariée passait sous l'enseigne Tati.
4. Mise en arrêt maladie à compter du 28 mars 2017, la salariée a été déclarée inapte le 1er mars 2018 par le médecin du travail et licenciée pour inaptitude physique d'origine professionnelle le 19 avril 2018 par la société Tati Mag.
5. Le 10 juillet 2017, la salariée a saisi la juridiction prud'homale pour voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de son ancien employeur, la société Lilnat, lui reprochant des manquements à son obligation de sécurité entre 2013 et 2017 et a appelé à l'instance la « société GPG-Gifi », en sa qualité de repreneur.
6. La société Asteren, désignée le 1er juillet 2023 en remplacement de la société MJA en qualité de liquidateur de la société Lilnat, est intervenue à l'instance.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
7. Les sociétés Gifi et Groupe Philippe Ginestet font grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité des demandes formulées à leur encontre, alors « que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité ; qu'en l'espèce, les sociétés Groupe Philippe Ginestet et Gifi faisaient valoir que les demandes de Mme [R] étaient irrecevables à leur encontre puisqu'avant le plan de cession du 26 juin 2017, l'employeur de Mme [R] était la société Lilnat mise en liquidation le 20 juillet 2017 et que depuis le plan de cession, l'employeur de la salariée était la société Tati Mag, société juridiquement distincte des sociétés Groupe Philippe Ginestet et Gifi ; qu'en se bornant à relever, pour rejeter cette fin de non-recevoir, que le jugement du tribunal de commerce de Bobigny du 26 juin 2017 avait expressément ordonné la cession de la société Lilnat Giga Store, employeur de Mme [R], à la société GPG-GIFI, avec faculté de substitution au profit d'une ou plusieurs filiales à constituer dont GPG qui détiendrait directement ou indirectement la majorité du capital en ayant précisé que ''la société GPG et M. Philippe Ginestet demeurent solidairement responsables des engagements pris'' et qu'il ne pouvait donc être sérieusement soutenu dans ces conditions que la société GPG-GIFI était dépourvue de personnalité juridique, la cour d'appel, en ne recherchant pas à quelle société avait été effectivement transféré le contrat de travail de Mme [R] le 26 juin 2017, a privé sa décision de base légale au regard des articles 32 et 122 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 32 et 122 du code de procédure civile :
8. Il résulte de ces textes qu'est irrecevable toute prétention formée contre une partie n'ayant pas qualité à défendre.
9. Pour débouter les sociétés Groupe Philippe Ginestet et Gifi de leur fin de non-recevoir, l'arrêt retient que le jugement du tribunal de commerce de Bobigny du 26 juin 2017 a ordonné expressément la cession de la société Lilnat, employeur de Mme [R], à la SAS GPG GIFI, représentée par M. Philippe Ginestet, avec faculté de substitution au profit d'une ou plusieurs filiales à constituer dont la société Groupe Philippe Ginestet qui détiendrait directement ou indirectement la majorité du capital, précisant que la société GPG et M. Philippe Ginestet demeuraient solidairement responsables des engagements pris.
10. Il ajoute qu'il ne peut être sérieusement soutenu dans ces conditions que la société GPG GIFI est dépourvue de personnalité juridique et qu'il importe peu que la société Groupe Philippe Ginestet se soit présentée sous le nom commercial de l'un de ses établissements car cette circonstance ne la prive pas de la capacité d'ester en justice sous l'une ou l'autre de ces dénominations.
11. En se déterminant ainsi, sans rechercher comme il lui était demandé, à quelle société avait été effectivement transféré le contrat de travail de la salariée le 26 juin 2017, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Portée et conséquences de la cassation
12. Le premier moyen ne formulant aucune critique contre les motifs de l'arrêt fondant la décision de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de la salarié aux torts exclusifs de l'ancien employeur, la société Lilnat, de dire nulle la convention de forfait jours et de dire que la société Lilnat a manqué à son obligation de sécurité, la cassation ne peut s'étendre à ces dispositions de l'arrêt qui ne sont pas dans un lien de dépendance avec les dispositions de l'arrêt critiquées par ce moyen.
Soc. 16 octobre 2024 n° 23-15.031
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 16 octobre 2024
Cassation partielle
Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 1050 F-D
Pourvoi n° P 23-15.031
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 16 OCTOBRE 2024
M. [U] [T], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 23-15.031 contre l'arrêt rendu le 24 février 2023 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-1), dans le litige l'opposant à la société CMR Group, venant également aux droits de la société Financière Jumbo, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Rodrigues, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [T], de la SCP Françoise Fabiani - François Pinatel, avocat de la société CMR Group, après débats en l'audience publique du 18 septembre 2024 où étaient présentes Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Rodrigues, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 24 février 2023), M. [T] a été engagé en qualité de contrôleur de gestion, le 16 juin 2003, par la société CMR Group.
2. Promu directeur administratif et financier de cette société le 1er avril 2008, il a exercé ces mêmes fonctions, à partir d'avril 2012, au sein de la société Financière Jumbo, aux droits de laquelle vient désormais la société CMR Group.
3. Par deux avenants à son contrat de travail du 1er avril 2016, il a été positionné en qualité de cadre dirigeant de ces deux sociétés.
4. Il a été licencié par les deux sociétés le 1er septembre 2017.
5. Le 7 septembre 2017, il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
6. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande, dirigée contre les sociétés CMR Group et Financière Jumbo, en paiement de rappels de rémunération pour heures supplémentaires, congés payés et repos compensateurs afférents pour les années 2014, 2015 et 2016, alors « qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions des articles L. 3171-2 et L. 3171-4 du code du travail ; qu'en l'espèce, pour débouter M. [T], salarié soumis à une convention de forfait en jours nulle, de sa demande au titre des heures supplémentaires pour les années 2014 à 2016, la cour d'appel a retenu qu'il présentait, outre "des relevés de pointage sur la période du 1er janvier 2014 au 18 octobre 2017, sur lesquels sont mentionnés les jours travaillés au siège de l'entreprise et les heures d'arrivée le matin (uniquement le matin), les jours de déplacement, les jours de repos, RTT, jours fériés et congés payés, dont il ressort que le salarié arrive le plus souvent avant 8 heures (entre 7h30 et 8 heures)", tel que prévu par le règlement intérieur pour les salariés titulaires d'une convention de forfait, "un tableau de décompte des heures supplémentaires sur l'année 2014 (de septembre à décembre 2014), mentionnant le nombre d'heures de travail accomplies par semaine, le nombre d'heures supplémentaires réalisées, le salaire mensuel, le taux horaire, le taux horaire majoré à 25 %, le taux horaire majoré à 50 %, le total du montant majoré à 25 % des heures supplémentaires et le total du montant majoré à 50 % des heures supplémentaires [et] un tableau identique de décompte des heures supplémentaires sur l'année 2015 et un tableau identique de décompte des heures supplémentaires sur l'année 2016" ; qu'elle a cependant considéré que "M. [T], qui ne fournit pas de décompte de ses horaires journaliers de travail et produit des pièces rapportant tout au plus l'heure de sa prise de service et la date et l'heure d'envoi matinal ou d'envoi tardif de courriels (sans aucune précision sur les horaires accomplis entre l'envoi et/ou la réception de courriels le matin et/ou le soir), ne présente pas d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur d'y répondre en produisant ses propres éléments" ; qu'en statuant de la sorte quand il résultait de ses constatations, d'une part, que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, d'autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé les articles L. 3171-2 et L. 3171-4 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :
7. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
8. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
9. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
10. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement de rappels de salaire au titre des heures supplémentaires, congés payés et repos compensateurs afférents pour les années 2014, 2015 et 2016, l'arrêt relève que l'intéressé verse aux débats des relevés de pointage sur diverses périodes, sur lesquels sont mentionnés les jours travaillés et les heures d'arrivée le matin, les jours de déplacement, les jours de repos et de RTT, les jours fériés et les congés payés, ainsi que le règlement intérieur de la société CMR et des tableaux de décompte des heures supplémentaires sur les années 2014, 2015 et 2016, mentionnant le nombre d'heures de travail accomplies par semaine, le nombre d'heures supplémentaires réalisées, le salaire mensuel, le taux horaire et les taux horaires majorés.
11. Il retient que les extraits d'agenda électronique mentionnant les rendez-vous du salarié ne permettent pas, pour deux semaines précises, d'affirmer que le salarié aurait exécuté le temps de travail allégué avec les heures supplémentaires mentionnées sur son tableau de décompte, celui-ci ne précisant pas ses horaires de travail sur la semaine, ni même son amplitude horaire journalière.
12. L'arrêt conclut que le salarié, qui ne fournit pas de décompte de ses horaires journaliers de travail et produit des pièces rapportant tout au plus l'heure de sa prise de service et la date et l'heure d'envoi matinal ou d'envoi tardif de courriels, sans aucune précision sur les horaires accomplis entre l'envoi ou la réception de courriels le matin ou le soir, ne présente pas d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en produisant ses propres éléments.
13. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
14. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée entraîne la cassation, par voie de conséquence, du chef de dispositif déboutant le salarié de sa demande en paiement d'une indemnité pour défaut d'information et d'attribution de repos compensateurs obligatoires, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
15. La cassation n'emporte, en revanche, pas cassation des chefs de dispositif condamnant les deux employeurs aux dépens et au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de ceux-ci et non remises en cause.
Soc. 2 octobre 2024 n° 23-17.421
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 2 octobre 2024
Cassation partielle
Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 975 F-D
Pourvoi n° M 23-17.421
Aide juridictionnelle totale en demande au profit de M. [S]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 20 avril 2023.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 OCTOBRE 2024
M. [O] [S], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° M 23-17.421 contre l'arrêt rendu le 27 octobre 2021 par la cour d'appel de Versailles (19e chambre), dans le litige l'opposant à la société Aldi marché [Adresse 2], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation.
La société Aldi marché [Adresse 2] a formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal, invoque à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident éventuel, invoque à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Le Quellec, conseiller, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [S], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Aldi marché [Adresse 2], après débats en l'audience publique du 4 septembre 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Le Quellec, conseiller rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Thuillier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 27 octobre 2021), M. [S] a été engagé en qualité de responsable de magasin, le 7 janvier 2003, par la société Aldi marché [Adresse 2]. Dans le dernier état de la relation contractuelle, soumise à la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, il occupait les fonctions de responsable logistique.
2. Licencié le 23 juin 2017, le salarié a saisi, le 6 septembre 2017, la juridiction prud'homale de demandes en paiement au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi incident éventuel de l'employeur, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de dire que la relation de travail n'était pas soumise à une convention de forfait en jours pour la période antérieure au 14 décembre 2016
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen du pourvoi principal du salarié, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes en paiement au titre du rappel de salaire sur heures supplémentaires, du travail dissimulé, du repos compensateur et du non-respect des temps de repos, alors « que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties ; qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; que satisfait à cette exigence le salarié qui produit au soutien de sa demande le décompte hebdomadaire de ses heures de travail ; qu'en retenant que le salarié ne produisait pas de décompte suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre, quand il résultait de ses constatations qu'était versé aux débats un décompte mentionnant semaine par semaine un nombre global d'heures de travail réalisées, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et violé l'article L. 3171-4 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :
5. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, l'employeur tient à la disposition des membres compétents de l'inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
6. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
7. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
8. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'un rappel de salaire pour heures supplémentaires, l'arrêt relève que, pour étayer ses dires, ce dernier produit un décompte mentionnant, semaine par semaine, un nombre global d'heures de travail réalisées, qui ne précise pas, au jour le jour, l'amplitude horaire ni les pauses méridiennes, ainsi que l'attestation d'une ancienne collaboratrice, qui indique que l'intéressé effectuait de très grosses journées de travail, qu'il était souvent là avant elle et partait après elle, alors qu'elle effectuait elle-même des journées de plus de dix heures. Il retient que cette attestation est particulièrement vague et imprécise. Il ajoute que le décompte produit par le salarié ne précise pas les heures effectuées au jour le jour, qu'il n'est en conséquence pas suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre utilement et qu'il n'est pas corroboré par une description des tâches expliquant la nécessité de réaliser de tels horaires, ni par aucune autre pièce.
9. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé les textes susvisés.
Et sur le moyen du pourvoi incident éventuel, pris en sa deuxième branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de dire que la relation de travail n'était pas soumise à une convention de forfait en jours pour la période postérieure au 14 décembre 2016
Enoncé du moyen
10. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que la relation de travail n'était pas soumise à une convention de forfait en jours, alors « que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en retenant que ''l'avenant du 14 décembre 2016 n'est pas conforme, car il prévoit un nombre de jours travaillés supérieur à celui autorisé'', sans avoir au préalable invité les parties à s'expliquer sur ce moyen qu'elle relevait d'office, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 16 du code de procédure civile :
11. Aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
12. Pour dire que le salarié n'était pas soumis à une convention de forfait en jours pour la période postérieure au 14 décembre 2016, l'arrêt retient que l'avenant du 14 décembre 2016 n'est pas conforme car il prévoit un nombre de jours travaillés supérieur à celui autorisé.
13. En statuant ainsi, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur le moyen relevé d'office tiré du dépassement du nombre maximal de jours travaillés autorisé, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Soc. 2 octobre 2024 n° 22-16.519 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CH9
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 2 octobre 2024
Cassation partielle
M. SOMMER, président
Arrêt n° 983 FS-B
Pourvoi n° K 22-16.519
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 OCTOBRE 2024
Mme [G] [H], domiciliée chez [Z] [U]-[O], [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 22-16.519 contre l'arrêt rendu le 18 mars 2022 par la cour d'appel de Fort-de-France (chambre sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à l'UNEDIC, délégation AGS CGEA de [Localité 4], dont le siège est [Adresse 5],
2°/ à la société BR associés, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 3], prise en qualité de mandataire liquidateur de la société Socofi,
3°/ à Mme [S] [R], domiciliée [Adresse 2], prise en qualité de mandataire ad hoc de la société Socofi,
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [H], et l'avis de Mme Moulina référendaire, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 septembre 2024 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, M. Flores, Mmes Deltort, Le Quellec, conseillers, Mmes Laplume, Rodrigues, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 18 mars 2022) et les productions, Mme [H] a été engagée en qualité d'assistante des ressources humaines par la société Multigros le 14 octobre 2013. Son contrat de travail a été transféré à la société Socofi (la société) le 4 juillet 2016.
2. Par des avenants à son contrat de travail des 4 juillet 2016 et 1er mars 2017, la salariée a été soumise à une convention de forfait en jours.
3. La relation de travail était régie par la convention collective nationale de commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001.
4. La salariée a été licenciée le 4 janvier 2018.
5. Elle a saisi la juridiction prud'homale le 24 avril 2018 afin de contester le bien-fondé de son licenciement et d'obtenir la condamnation de son employeur à lui verser diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.
6. Par jugement du 17 avril 2020, la société a été déclarée en liquidation judiciaire et la société BR associés a été désignée en qualité de liquidatrice.
7. L'UNEDIC, délégation AGS-CGEA de [Localité 4], est intervenue à l'instance d'appel.
8. Par jugement du 8 février 2022, la liquidation judiciaire de la société a été clôturée pour insuffisance d'actif et Mme [R] a été désignée en qualité de mandataire ad hoc avec pour mission de poursuivre les instances en cours.
Examen des moyens
Sur le deuxième moyen
9. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
10. La salariée fait grief à l'arrêt de disqualifier le licenciement pour faute grave en licenciement pour faute pourvu d'une cause réelle et sérieuse, de la débouter, en conséquence, de sa demande de fixer au passif de la société une somme à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse et de la débouter de sa demande en paiement d'une indemnité en l'application de l'article 700 du code de procédure civile, alors « que tout jugement doit être motivé ; que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; que Mme [H] faisait valoir dans ses écritures d'appel que les faits qui lui étaient reprochés par la lettre de licenciement sont tous prescrits, étant tous connus de la supérieure hiérarchique, Mme [P], plus de deux mois avant l'engagement de la procédure disciplinaire ; qu'en estimant que les faits commis par la salariée relevaient de la simple faute et que la salariée avait fait preuve de désinvolture et commis des actes d'insubordinations pour décider que le licenciement était pourvu d'une cause réelle et sérieuse, et ce, sans répondre à ces conclusions qui avaient une influence sur la solution du litige, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
11. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.
12. Pour disqualifier le licenciement pour faute grave en licenciement pour faute pourvu d'une cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que les faits commis par la salariée relèvent davantage de la simple faute et non pas de la faute grave. Il ajoute que, pour autant, les éléments produits par l'employeur et en particulier tous ceux établissant que, délibérément, la salariée s'est régulièrement affranchie du contrôle de sa supérieure hiérarchique, prouvent que la salariée a effectivement fait preuve de désinvolture dans l'exécution de ses obligations professionnelles et a commis des actes d'insubordination engendrant des conséquences dans le traitement des dossiers qui lui ont été confiés.
13. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la salariée qui soutenait que tous les faits qui lui étaient reprochés dans la lettre de licenciement étaient connus de sa supérieure hiérarchique, plus de deux mois avant l'engagement de la procédure disciplinaire et qu'ils étaient donc prescrits, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
14. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de fixer au passif de la procédure collective de la société des sommes au titre des bonus annuels 2017 et 2018 et des congés payés afférents, et de la débouter de sa demande relative à l'application de l'article 700 du code de procédure civile, alors « que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ; que, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ; que, lorsque les objectifs, permettant l'octroi et le calcul de la rémunération variable contractuellement prévue au profit du salarié, sont définis unilatéralement par l'employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, l'employeur a pour obligation de les fixer et de les porter à la connaissance du salarié en début d'exercice ; qu'il lui appartient dès lors de justifier non seulement d'avoir fixé les objectifs et de les avoir communiqués au salarié mais encore de justifier des éléments permettant de déterminer si ces objectifs avaient été ou non atteints ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'avenant au contrat de travail du 1er mars 2017 prévoit que Mme [G] [H] percevra un bonus individuel dont le montant sera lié à l'atteinte des objectifs qui lui auront été fixés. Pour une réalisation à 100 % de ces objectifs, Mme [G] [H] percevra un bonus annuel de 2 600,00 euros" ; qu'elle a relevé que la salariée réclamait le paiement de cette somme de 2 600 euros mais a considéré qu'elle ne fournissait à la juridiction aucun élément sur les objectifs qui lui ont été fixés pour l'année 2017 et sur la réalisation desdits objectifs, décidant alors que ces demandes au titre du bonus 2017, des congés payés sur la prime sur objectifs 2017, devaient être rejetées ; qu'elle a ajouté que, pour les mêmes motifs, sa demande au titre du bonus 2018 sur la période de préavis était également rejetée ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il appartenait à l'employeur de justifier des objectifs qu'il avait fixés et des éléments permettant de déterminer si ces objectifs avaient été ou non atteints, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1353 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1353 du code civil :
15. Aux termes de ce texte, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
16. Lorsque les objectifs sont définis unilatéralement par l'employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, celui-ci peut les modifier dès lors qu'ils sont réalisables et qu'ils ont été portés à la connaissance du salarié en début d'exercice.
17. Pour débouter la salariée de sa demande en paiement des bonus annuels 2017 et 2018, l'arrêt relève que l'avenant au contrat de travail du 1er mars 2017 prévoit que la salariée percevra un bonus individuel dont le montant sera lié à l'atteinte des objectifs qui lui auront été fixés, que pour la réalisation à 100 % de ces objectifs, la salariée percevra un bonus annuel de 2 600,00 euros. Il constate que si l'intéressée réclame le paiement de cette somme, elle ne fournit à la juridiction aucun élément sur les objectifs qui lui ont été fixés pour les années 2017 et 2018 et sur la réalisation desdits objectifs.
18. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé le texte susvisé.
Et sur le quatrième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
19. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de fixer au passif de la procédure collective de la société des sommes à titre de rappels de salaire pour heures supplémentaires, de pause payée prévue par la convention collective applicable, de pause payée pendant le préavis et de pause payée pendant les heures supplémentaires, outre les congés payés afférents sur ces sommes, à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la convention collective et de la débouter de sa demande relative à l'application de l'article 700 du code de procédure civile, alors « que selon l'article 5.7.2 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, étendue par arrêté du 26 juillet 2002 et modifiée par avenant n° 52 du 17 septembre 2015 relatif au forfait annuel en jours, le forfait en jours s'accompagne d'un suivi du nombre de jours ou demi-journées travaillées et du repos quotidien et hebdomadaire prévu ainsi que de la charge de travail ; que, selon ce texte, au moins une fois par an, le salarié en forfait jours bénéficie à l'initiative de sa hiérarchie d'un entretien portant sur sa charge et son amplitude de travail, sur l'organisation du travail dans l'entreprise ou l'établissement, sur l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle et familiale, ainsi que sur sa rémunération ; qu'il en ressort encore qu'un entretien doit également être proposé par la hiérarchie du salarié lorsque le document mensuel de décompte fait apparaître des anomalies répétées mettant en évidence des difficultés en matière de temps de travail et a pour objet d'examiner les mesures correctives à mettre en oeuvre ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que Mme [H] a signé l'avenant à son contrat de travail du 1er mars 2017 prévoyant spécifiquement que le contrat de travail est établi pour une durée de travail à temps complet. Compte tenu de la large autonomie dans l'organisation de son emploi du temps dont elle dispose, Mme [G] [H] relève pour le calcul de son temps de travail du forfait en jours. A ce titre [elle] est soumise aux dispositions de l'article L. 3121-45 du code du travail et de l'article 5.7.2 de la convention collective nationale de commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire et de son avenant du 17 septembre 2015 relatif au forfait annuel en jours (...)" ; qu'elle en a déduit que la salariée avait adhéré à cette convention de forfait en jours détaillée dans l'avenant au contrat de travail et était donc liée par les dispositions contractuelles ; qu'elle a, par ailleurs, constaté que la salariée avait échoué à démontrer qu'elle ne disposait d'aucune autonomie dans son emploi du temps et que son temps de travail excédait les prescriptions du forfait jours applicable ; qu'elle a, dès lors, rejeté les demandes au titre des heures supplémentaires de la salariée ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la mise en oeuvre de la convention de forfait en jours avait été effectivement accompagnée par un suivi, à travers notamment des entretiens, de la charge et de l'organisation du travail de la salariée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3121-46 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, L. 3121-64, II, 1° et 2°, du même code et 5.7.2 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 3121-46 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, L. 3121-64 II du même code, 5.7.2 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001 modifié par l'avenant n° 52 du 17 septembre 2015 :
20. Selon le premier de ces textes, un entretien annuel individuel est organisé par l'employeur avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année. Il porte sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié.
21. Aux termes du dernier de ces textes, le forfait en jours s'accompagne d'un suivi du nombre de jours ou demi-journées travaillés et du respect du repos quotidien et hebdomadaire prévu par le présent accord, ainsi que de la charge de travail. Ce suivi peut s'effectuer à l'aide d'un document tenu par le salarié sous la responsabilité de l'employeur. Ce document fait apparaître la qualification de chacune des journées ou demi-journées du mois, répartie en quatre catégories au minimum : travail, repos, congé payé, autre absence ; afin d'identifier les éventuelles difficultés en matière d'amplitude des journées de travail, le document indique également, lorsqu'un repos quotidien a été inférieur à douze heures consécutives, quelle en a été la durée. Il doit également comporter la possibilité pour le salarié d'ajouter toute information complémentaire qu'il jugerait utile d'apporter. Signé par le salarié, le document de décompte est remis mensuellement à sa hiérarchie, responsable de son analyse et des suites à donner, ainsi que de sa conservation. Un récapitulatif annuel est remis au salarié, dans les trois mois suivant la fin de la période. Au moins une fois par an, le salarié en forfait jours bénéficie à l'initiative de sa hiérarchie d'un entretien portant sur sa charge et son amplitude de travail, sur l'organisation du travail dans l'entreprise ou l'établissement, sur l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle et familiale, ainsi que sur sa rémunération. Un entretien doit également être proposé par la hiérarchie du salarié lorsque le document mensuel de décompte visé ci-dessus fait apparaître des anomalies répétées mettant en évidence des difficultés en matière de temps de travail. Cet entretien a pour objet d'examiner les mesures correctives à mettre en oeuvre. Un entretien supplémentaire peut en outre avoir lieu à tout moment de l'année à l'initiative du salarié si celui-ci rencontre des difficultés d'organisation de sa charge de travail l'amenant à des durées de travail trop importantes. Cette alerte doit aboutir à des décisions concrètes. Lorsqu'un entretien a été rendu nécessaire en raison de difficultés en matière de temps de travail, un bilan est effectué trois mois plus tard afin de vérifier que la charge de travail présente bien un caractère raisonnable. L'entreprise peut mettre en place d'autres modalités de suivi que le document ci-dessus, à condition de présenter les mêmes garanties.
22. Pour débouter la salariée de sa demande au titre des heures supplémentaires, l'arrêt relève que l'intéressée a signé l'avenant à son contrat de travail du 1er mars 2017 prévoyant spécifiquement que « le contrat de travail est établi pour une durée de travail à temps complet. Compte tenu de la large autonomie dans l'organisation de son emploi du temps dont elle dispose, Mme [H] relève pour le calcul de son temps de travail du forfait en jours. A ce titre [elle] est soumise aux dispositions de l'article L. 3121-45 du code du travail et de l'article 5.7.2 de la convention collective nationale de commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire et de son avenant du 17 septembre 2015 relatif au forfait annuel en jours (...) ». Il retient que la salariée a adhéré à cette convention de forfait en jours détaillée dans l'avenant au contrat de travail et en conclut qu'elle est donc liée par les dispositions contractuelles. Il ajoute qu'elle échoue, par ailleurs, à démontrer qu'elle ne disposait d'aucune autonomie dans son emploi du temps et que son temps de travail excédait les prescriptions du forfait en jours applicable.
23. En se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'il le lui était demandé, si les stipulations de l'accord collectif du 12 juillet 2001, modifié par avenant du 17 septembre 2015, qui sont propres à assurer la garantie du respect de la durée raisonnable de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires, avaient été effectivement mises en oeuvre par l'employeur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Portée et conséquences de la cassation
23. La cassation prononcée n'emporte pas cassation du chef de dispositif condamnant l'employeur au paiement des dépens justifié par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci non remises en cause.
Soc. 2 octobre 2024 n° 23-14.161
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 2 octobre 2024
Cassation partielle sans renvoi
Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 972 F-D
Pourvoi n° T 23-14.161
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 OCTOBRE 2024
La société Laboratoires M&L, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° T 23-14.161 contre l'arrêt rendu le 3 février 2023 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-1), dans le litige l'opposant à Mme [J] [O], domiciliée [Adresse 1], Biélorussie, défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, sept moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Deltort, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Laboratoires M&L, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de Mme [O], après débats en l'audience publique du 4 septembre 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Deltort, conseiller rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Thuillier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 3 février 2023), Mme [O] a été engagée en qualité d'ingénieur qualité meuble, statut cadre, coefficient 350 par la société Laboratoires M&L à compter du 5 novembre 2012 et a été soumise à une convention de forfait en jours depuis 2012.
2. Le 14 septembre 2017, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de demandes en résiliation judiciaire du contrat de travail et en paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture de ce contrat.
3. La salariée a été licenciée le 6 mars 2020 après prononcé d'un avis d'inaptitude.
Examen des moyens
Sur les premier, deuxième, troisième, cinquième, sixième et septième moyens
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le quatrième moyen
Enoncé du moyen
5. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée une certaine somme à titre de congés payés afférents à l'indemnité équivalente à l'indemnité compensatrice de préavis, alors « que l'indemnité prévue à l'article L. 1226-14 du code du travail, au paiement de laquelle l'employeur est tenu en cas de rupture du contrat de travail d'un salarié déclaré par le médecin du travail inapte à son emploi en conséquence d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, et dont le montant est égal à celui de l'indemnité prévue à l'article L. 1234-5 du code du travail, n'a pas la nature d'une indemnité de préavis et n'ouvre pas droit à congés payés ; qu'après avoir énoncé que le licenciement pour inaptitude était en lien avec l'accident du travail reconnu par un arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 16 décembre 2021 et alloué à la salariée l'indemnité spéciale de licenciement, la cour d'appel a accordé à Mme [O] la somme de 10 128,90 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis assortie d'une somme de 1 012,89 euros au titre des congés payés afférents ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 1226-14 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1226-10 et L. 1226-14 du code du travail :
6. Il résulte de ces textes que les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine au moment du licenciement.
7. L'indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue au second de ces textes n'a pas la nature d'une indemnité de préavis et n'ouvre pas droit à congés payés.
8. Ayant retenu que le licenciement était en lien avec l'accident du travail pour condamner l'employeur au paiement d'une indemnité spéciale de licenciement, la cour d'appel a également condamné l'employeur au paiement d'une somme à titre d'indemnité compensatrice de préavis assortie de congés payés.
9. En statuant ainsi, alors qu'elle avait reconnu que l'inaptitude de la salariée était, au moins pour partie, d'origine professionnelle, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
10. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
11. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie que la Cour de cassation statue au fond.
12. La cassation prononcée n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.
Soc. 18 septembre 2024 n° 23-14.187
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CL6
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 18 septembre 2024
Cassation partielle
M. FLORES, conseiller le plus ancien faisant fonction de président
Arrêt n° 913 F-D
Pourvoi n° W 23-14.187
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 SEPTEMBRE 2024
M. [L] [W], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° W 23-14.187 contre l'arrêt rendu le 2 février 2023 par la cour d'appel de Caen (1re chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Carrefour administratif France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ala, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. [W], de la SCP Spinosi, avocat de la société Carrefour administratif France, après débats en l'audience publique du 3 juillet 2024 où étaient présents M. Flores, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Ala, conseiller référendaire rapporteur, Mme Techer, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée en application des articles R. 431-7 et L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 2 février 2023), M. [W] a été engagé en qualité de manager métier le 18 décembre 2000 par la société Carrefour France.
2. Le 1er décembre 2001, son contrat de travail a été transféré à la société Carrefour administratif France.
3. Le 1er juin 2002, il est devenu assistant chef de projet senior, catégorie cadres et a été soumis à une convention de forfait en jours. Au dernier état de la relation contractuelle, il occupait les fonctions de manager process sans fonction d'encadrement.
4. La relation de travail est soumise à la convention collective nationale de commerces de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001.
5. Le salarié a été licencié par lettre du 12 novembre 2019.
6. Le 19 septembre 2020, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes se rapportant à l'exécution et à la rupture du contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le second moyen
7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
8. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes au titre des heures supplémentaires, du repos compensateur, du travail dissimulé, du manquement à l'obligation de sécurité et de dommages-intérêts pour exécution déloyale de la convention de forfait en jours, alors « que le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles ; qu'il résulte des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur ; que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires ; qu'il appartient au juge de contrôler, même d'office, si les stipulations de l'accord collectif applicable sont de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié ; que pour débouter le salarié de ses demandes en paiement d'heures supplémentaires pour les années 2017 à 2019, la cour d'appel s'est bornée à énoncer, par motifs adoptés, que les dispositions conventionnelles applicables étaient valables ; qu'en statuant ainsi, alors que les dispositions de l'article 5.7.2 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, qui dans le cas de forfait en jours, se limitent à prévoir, s'agissant du suivi de la charge et de l'amplitude de travail du salarié concerné, un entretien annuel avec le supérieur hiérarchique, ne sont pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié, ce dont elle aurait dû déduire que la convention de forfait en jours conclue en 2002 était nulle, la cour d'appel a violé l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article L. 212-15-3 du code du travail, alors en vigueur, interprété à la lumière de l'article 17, § 1, et 4 de la directive 1993/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
9. La défense conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient qu'il est contraire à la position soutenue devant les juges du fond.
10. Cependant, le salarié formait une demande de rappel au titre des heures supplémentaires en soutenant que les dispositions relatives à la convention de forfait en jours avaient été méconnues.
11. Le moyen, qui n'est ni contraire ni incompatible avec la position soutenue devant les juges du fond, est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article L. 212-15-3 III du code du travail, alors en vigueur, interprété à la lumière de l'article 17, § 1, et 4 de la directive 1993/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993 et des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne :
12. Le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles.
13. Il résulte des articles susvisés des directives de l'Union européenne que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur.
14. Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.
15. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, la cour d'appel a, par motifs adoptés, retenu que les dispositions conventionnelles applicables à la relation contractuelle étaient valables.
16. En statuant ainsi, alors les dispositions de l'article 5.7.2 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire dans leur rédaction antérieure à l'avenant du 10 avril 2003, qui dans le cas de forfait en jours, se limitent à prévoir, s'agissant du suivi de la charge et de l'amplitude de travail du salarié concerné, que l'employeur est tenu d'établir un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées et que le document peut être tenu par le salarié sous la responsabilité de l'employeur, ne sont pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié en sorte qu'il en résultait que la convention de forfait en jours était nulle, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur le premier moyen, pris en sa cinquième branche
Enoncé du moyen
17. Le salarié fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; que le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences découlant des articles L. 3171-2, alinéa 1er, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail ; que pour dire que la demande au titre des heures supplémentaires n'était en tout état de cause pas fondée, la cour d'appel a retenu que le salarié faisait état du témoignage de son supérieur hiérarchique attestant de l'accomplissement de plus de 45 heures par semaine et avait produit un tableau de calcul de sa réclamation (portant sur la période d'octobre 2017 à septembre 2019) sur lequel il avait porté systématiquement pour toutes les semaines des années considérées un total d'heures par semaine de 45, y compris pendant les semaines comportant des absences pour congés payés, maladie, enfant malade, congés d'ancienneté, jours fériés, jours de repos supplémentaire pour RTT qu'il ne contestait pas avoir prises et que l'imprécision du témoignage du supérieur hiérarchique quant aux circonstances qui lui auraient permis de constater le volume d'heures réalisé par le salarié et quant aux horaires, la production d'un tableau sans indication d'horaires et manifestement non conforme à la réalité (puisque comportant non pas des erreurs ponctuelles mais systématiquement des mentions nécessairement mensongères quant aux horaires réalisés les semaines d'absence que le salarié n'avait pas pris soin de rectifier une fois mises en évidence ces incohérences) ne caractérisaient pas, en l'absence d'autres éléments susceptibles de préciser les horaires accomplis et de corroborer concrètement l'allégation énoncée en termes généraux et théoriques, des éléments précis qui permettaient à l'employeur de répondre en produisant ses propres éléments ; qu'en statuant ainsi, alors que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre et sans qu'il résulte de l'arrêt que ce dernier aurait produit le moindre élément de contrôle de la durée du travail, la cour d'appel a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié et, partant, violé l'article L. 3171-4 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :
18. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, l'employeur tient à la disposition de l'agent de contrôle de l'inspection du travail mentionné à l'article L. 8112-1 les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
19. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
20. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d' heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
21. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, l'arrêt retient qu'à l'appui de sa demande ce dernier fait état du témoignage de son supérieur hiérarchique énonçant que ce dernier effectuait plus de quarante-cinq heures par semaine et produit un tableau de calcul de sa réclamation (portant sur la période d'octobre 2017 à septembre 2019) sur lequel il a porté systématiquement pour toutes les semaines des années considérées un total de quarante-cinq heures par semaine, y compris pendant les semaines comportant des absences pour congés payés, maladie, enfant malade, congés d'ancienneté, jours fériés, jours de RTT qu'il ne conteste pas avoir prises.
22. L'arrêt en conclut que l'imprécision du témoignage quant aux circonstances qui lui auraient permis de constater le volume d'heures réalisé par le salarié et quant aux horaires, la production d'un tableau sans indication d'horaires et manifestement non conforme à la réalité (puisque comportant non pas des erreurs ponctuelles mais systématiquement des mentions nécessairement mensongères quant aux horaires réalisés les semaines d'absence que le salarié n'a pas pris soin de rectifier une fois mises en évidence ces incohérences) ne caractérisaient pas, en l'absence d'autres éléments susceptibles de préciser les horaires accomplis et de corroborer concrètement l'allégation énoncée en termes généraux et théoriques, des éléments précis qui permettaient à l'employeur de répondre en produisant ses propres éléments.
23. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part, que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, d'autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
24. La cassation des chefs de dispositif se rapportant au paiement de sommes au titre des heures supplémentaires, des repos compensateurs, de l'indemnité pour travail dissimulé, de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et exécution déloyale de la convention de forfait en jours, n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.
Soc. 4 septembre 2024 n° 23-16.283
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CH9
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 4 septembre 2024
Cassation partielle
Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 829 F-D
Pourvoi n° Z 23-16.283
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 SEPTEMBRE 2024
La société Claranor, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° Z 23-16.283 contre l'arrêt rendu le 31 janvier 2023 par la cour d'appel de Nîmes (5e chambre sociale PH), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [L] [W], domiciliée [Adresse 1],
2°/ à Pôle emploi [Localité 4] Joly Jean, dont le siège est [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Techer, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Claranor, de Me Descorps-Declère, avocat de Mme [W],après débats en l'audience publique du 19 juin 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Techer, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la société Claranor du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Pôle emploi.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 31 janvier 2023), Mme [W] a été engagée en qualité d'ingénieur support et développement, à compter du 22 août 2011, par la société Claranor. Le 6 janvier 2012, les parties ont conclu une convention de forfait en jours.
3. La salariée a saisi la juridiction prud'homale le 19 avril 2017 à l'effet d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail.
4. Le 31 août 2017, elle a été licenciée.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches
Enoncé du moyen
5. L'employeur fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité de la convention de forfait en jours conclue le 6 janvier 2012 et de le condamner à verser à la salariée une somme à titre de rémunération des heures supplémentaires, outre les congés payés afférents, alors :
« 3°/ qu'aux termes de l'article L. 3121-39 du code du travail dans sa rédaction, applicable au litige, antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 : "la conclusion de conventions individuelles de forfait, en heures ou en jours, sur l'année est prévue par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche. Cet accord collectif préalable détermine les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, ainsi que la durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi, et fixe les caractéristiques principales de ces conventions" ; que selon l'article L. 3121-40, "la conclusion d'une convention individuelle de forfait requiert l'accord du salarié. La convention est établie par écrit" ; qu'aucune disposition ne subordonne la validité de cet écrit à la reprise des mentions de l'accord collectif l'instituant ; qu'en retenant, pour annuler la convention de forfait en jours du 6 janvier 2012, que "pour être valable, ce dispositif doit prévoir des modalités de contrôle sur la charge de travail et des moyens d'assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié, notamment sous la forme de la tenue d'un entretien annuel portant précisément sur la charge de travail, l'organisation et l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale ainsi que sur la rémunération du salarié. A défaut de telles précisions dans le contrat de travail ou la convention individuelle de forfait subséquente, le forfait annuel en jours est nul et en conséquence inopposable au salarié." et que "la cour ne peut que constater la nullité de cette convention de forfait qui ne prévoit aucunement les modalités de contrôle sur la charge de travail et les moyens d'assurer la protection de la sécurité et de la santé de la salariée", subordonnant ainsi la validité de la convention individuelle de forfait à la reprise, dans l'écrit la constatant, des mentions exigées par la loi pour la seule validité de l'accord collectif en prévoyant le recours, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé les articles L. 3121-39 et L. 3121-40 du code du travail ;
4°/ qu'en statuant de la sorte quand il ressortait de ses propres constatations que l'accord national du 28 juillet 1998 dans la métallurgie, expressément visé par l'avenant du 6 janvier 2012, comportait en son article 14.2 les mentions et précisions exigées par la loi pour assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié, la cour d'appel a violé derechef les articles L. 3121-39 et L. 3121-40 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 3121-39 et L. 3121-40 du code du travail, dans leur rédaction issue de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, et l'article 14.2 de l'accord national du 28 juillet 1998 sur l'organisation du travail dans la métallurgie, dans sa rédaction issue de l'avenant du 3 mars 2006, étendu par arrêté du 6 juin 2006 :
6. Aux termes du premier de ces textes, la conclusion de conventions individuelles de forfait, en heures ou en jours, sur l'année est prévue par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche. Cet accord collectif préalable détermine les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, ainsi que la durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi, et fixe les caractéristiques principales de ces conventions.
7. Aux termes du deuxième, la conclusion d'une convention individuelle de forfait requiert l'accord du salarié. La convention est établie par écrit.
8. Selon le troisième, le forfait en jours s'accompagne d'un contrôle du nombre de jours travaillés. Afin de décompter le nombre de journées ou de demi-journées travaillées, ainsi que celui des journées ou demi-journées de repos prises, l'employeur est tenu d'établir un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées, ainsi que le positionnement et la qualification des jours de repos en repos hebdomadaires, congés payés, congés conventionnels ou jours de repos au titre de la réduction du temps de travail auxquels le salarié n'a pas renoncé dans le cadre de l'avenant à son contrat de travail visé au 2e alinéa ci-dessus. Ce document peut être tenu par le salarié sous la responsabilité de l'employeur. Le supérieur hiérarchique du salarié ayant conclu une convention de forfait défini en jours assure le suivi régulier de l'organisation du travail de l'intéressé et de sa charge de travail. En outre, le salarié ayant conclu une convention de forfait défini en jours bénéficie, chaque année, d'un entretien avec son supérieur hiérarchique au cours duquel seront évoquées l'organisation et la charge de travail de l'intéressé et l'amplitude de ses journées d'activité. Cette amplitude et cette charge de travail devront rester raisonnables et assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail des intéressés. A cet effet, l'employeur affichera dans l'entreprise le début et la fin de la période quotidienne du temps de repos minimal obligatoire visé à l'alinéa 7 ci-dessus. Un accord d'entreprise ou d'établissement peut prévoir d'autres modalités pour assurer le respect de cette obligation.
9. Pour dire la convention de forfait en jours nulle, l'arrêt énonce d'abord que, pour être valable, le dispositif du forfait en jours doit prévoir des modalités de contrôle sur la charge de travail et des moyens d'assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié, notamment sous la forme de la tenue d'un entretien annuel portant précisément sur la charge de travail, l'organisation et l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale ainsi que sur la rémunération du salarié. Il ajoute qu'à défaut de telles précisions dans le contrat de travail ou la convention individuelle de forfait subséquente, le forfait annuel en jours est nul et en conséquence inopposable au salarié.
10. Il constate ensuite que la salariée a été soumise à une convention de forfait par la voie d'un avenant au contrat de travail en date du 6 janvier 2012 ainsi libellé : « Suivant l'accord national du 28 juillet 1998 sur l'organisation du temps de travail dans la métallurgie, modifié par avenant du 29 janvier 2000, le décompte du temps de travail se fera en jours. Ce nombre est fixé à 218 jours par année civile, donnant droit à un certain nombre de RTT défini chaque année. Pour l'année 2012, ce nombre est fixé à 10 jours. »
11. Il énonce qu'il est de principe que la convention de forfait doit être suffisamment précise pour que le salarié soit mis en mesure de l'accepter de manière éclairée. Il énonce encore que l'article 14.2 de l'accord national du 28 juillet 1998 sur l'organisation du travail dans la métallurgie définit le régime juridique du forfait en jours et détermine les mentions obligatoires de la clause de forfait et les obligations de l'employeur sur le contrôle du temps et de la charge de travail de son salarié. Il précise que ce texte prévoit notamment : « Le contrat de travail définit les caractéristiques de la fonction qui justifient l'autonomie dont dispose le salarié pour l'exécution de cette fonction. Le contrat de travail détermine le nombre de jours sur la base duquel le forfait est défini. Une fois déduits du nombre total des jours de l'année les jours de repos hebdomadaire, les jours de congés légaux et conventionnels auxquels le salarié peut prétendre et les jours de réduction d'horaire, le nombre de jours travaillés sur la base duquel le forfait est défini ne peut excéder, pour une année complète de travail, le plafond visé à l'article L. 212-15-3, III, du code du travail. ».
12. Il retient que la convention de forfait en jours est nulle, en ce qu'elle ne prévoit pas les modalités de contrôle sur la charge de travail et les moyens d'assurer la protection de la sécurité et de la santé de la salariée et en ce que l'avenant ne détermine pas quelles sont les caractéristiques du poste dont la qualification n'est pas précisée et qui justifiaient une autonomie dans l'organisation de son emploi du temps, de sorte que l'employeur n'a pas mis la salariée en mesure d'accepter de manière suffisamment éclairée la clause de forfait jours.
13. En statuant ainsi, alors que l'avenant conclu par les parties le 6 janvier 2012 visait l'accord collectif national sur l'organisation du travail du 28 juillet 1998 conclu dans la branche de la métallurgie dont le respect était de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié soumis au régime du forfait en jours et fixait le nombre de jours travaillés, la cour d'appel, qui a ajouté des conditions, sur la régularité de la convention individuelle de forfait en jours, que la loi ne prévoit pas, a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
14. La cassation prononcée n'emporte pas cassation des chefs de dispositif statuant sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens, qui sont justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de l'employeur et non remises en cause.
Soc. 4 septembre 2024 n° 23-10.710
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CH9
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 4 septembre 2024
Cassation partielle
M. FLORES, conseiller le plus ancien faisant fonction de président.
Arrêt n° 817 F-D
Pourvoi n° S 23-10.710
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 SEPTEMBRE 2024
M. [R] [Y], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 23-10.710 contre l'arrêt rendu le 10 novembre 2022 par la cour d'appel de Nancy (chambre sociale, section 2), dans le litige l'opposant à la société Pharma Lab, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ala, conseiller référendaire, les observations de Me Ridoux, avocat de M. [Y], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Pharma Lab, après débats en l'audience publique du 19 juin 2024 où étaient présents M. Flores, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Ala, conseiller référendaire rapporteur, Mme Deltort, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 10 novembre 2022), M. [Y] a été engagé en qualité de responsable de zone par la société Cerp Lorraine à compter du 1er octobre 1988.
2. Une convention individuelle de forfait en jours a été conclue par avenant du 1er janvier 2001.
3. A compter du 1er septembre 2010, à la suite d'une opération d'absorption, le contrat de travail de M. [Y] a été transféré à la société Pharma Lab.
4. Le salarié a été licencié le 25 janvier 2017.
5. Le 24 janvier 2019, M. [Y] a saisi la juridiction prud'homale de demandes se rapportant à l'exécution et à la rupture du contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. Le salarié fait grief à l'arrêt de déclarer prescrites les demandes relatives aux heures supplémentaires antérieures au 24 janvier 2016, de constater que la rémunération servie a opéré paiement des heures supplémentaires qui lui sont dues, de le débouter de sa demande en paiement d'une certaine somme à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, outre les congés payés afférents, ainsi que d'une certaine somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'impossibilité de prise de repos compensateur, outre les congés payés afférents, alors « qu'aux termes de l'article L. 3245-1 du code du travail, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que la demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat ; qu'il résulte de la combinaison des articles L. 3242-1 et L. 3245-1 du code du travail que le délai de prescription des salaires court à compter de la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible ; que pour les salariés payés au mois, la date d'exigibilité du salaire correspond à la date habituelle du paiement des salaires en vigueur dans l'entreprise et concerne l'intégralité du salaire afférent au mois considéré ; que l'arrêt constate que M. [Y], qui a fait l'objet d'un licenciement par lettre du 25 janvier 2017, a saisi le conseil de prud'hommes le 24 janvier 2019 d'une action en paiement d'un rappel de salaire fondée sur l'invalidité de sa convention de forfait, ce dont il résulte que la saisine du conseil de prud'hommes le 24 janvier 2019, intervenue moins de trois ans à compter de la date d'exigibilité des salaires de janvier 2016 jusqu'au licenciement, a interrompu la prescription et que la demande de rappel de salaire pouvait porter sur la période de janvier 2014 à janvier 2017, correspondant aux trois années précédant la rupture du contrat ; qu'en jugeant l'action prescrite pour les demandes antérieures au 24 janvier 2016, la cour d'appel a violé les textes susvisés. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
7. L'employeur conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que le moyen est nouveau, mélangé de fait et de droit.
8. Cependant le moyen, qui ne repose sur aucun élément de fait qui n'ait été constaté par les juges du fond, est de pur droit.
9. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles L. 3242-1 et L. 3245-1 du code du travail, ce dernier dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 :
10. La durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance invoquée, l'action en paiement d'un rappel de salaire fondée sur l'invalidité d'une convention de forfait en jours est soumise à la prescription triennale prévue par l'article L. 3245-1 du code du travail.
11. Aux termes de l'article L. 3245-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.
12. Il résulte de la combinaison des articles L. 3245-1 et L. 3242-1 du code du travail que le délai de prescription des salaires court à compter de la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible. Pour les salariés payés au mois, la date d'exigibilité du salaire correspond à la date habituelle du paiement des salaires en vigueur dans l'entreprise et concerne l'intégralité du salaire afférent au mois considéré.
13. Pour déclarer prescrite la demande en paiement d'un rappel de salaire relative aux heures supplémentaires antérieures au 24 janvier 2016, l'arrêt, après avoir rappelé que l'employeur soutenait que la prescription, pour les demandes portant sur une période antérieure de trois ans à la saisine du conseil de prud'hommes, en date du 25 janvier 2019, était acquise, retient que la prescription de l'article L. 3245-1du code du travail court à partir du jour où le salarié a connu ou aurait dû connaître le fait qu'il invoque, à savoir l'existence d'heures supplémentaires par l'effet de l'inopposabilité de la convention de forfait en jours, que cette connaissance résulte du constat, à la fin de chaque année, de l'absence d'entretien sur son exécution, et l'accomplissement des heures de travail.
14. L'arrêt ajoute que la prescription a commencé à courir le 1er janvier 2015 pour l'année 2014, le 1er janvier 2016 pour l'année 2015, et le 1er janvier 2017 pour l'année 2016 et que pour 2014, l'action était prescrite le 1er janvier 2017, pour 2015, elle était prescrite le 1er janvier 2018, pour 2016, elle était prescrite le 1er janvier 2019, que le salarié ayant saisi le conseil des prud'hommes le 24 janvier 2019 et qu'aux termes de l'article 2248 du code civil, les juges ne peuvent pas suppléer d'office le moyen résultant de la prescription, la prescription opposée par l'employeur étant moins rigoureuse que celle résultant de l'application de la loi, l'action doit être considérée comme prescrite pour les demandes antérieures au 24 janvier 2016.
15. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le salarié avait été licencié le 25 janvier 2017, qu'il avait saisi la juridiction prud'homale le 24 janvier 2019 de demandes en paiement d'un rappel de salaire pour la période courant du mois de janvier 2014 au mois de janvier 2017, soit au titre des trois années précédant la rupture du contrat, ce dont elle aurait dû déduire que la demande de rappel de salaire pouvait porter sur l'intégralité de cette période, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur le second moyen
Enoncé du moyen
16. Le salarié fait grief à l'arrêt de constater que la rémunération servie a opéré paiement des heures supplémentaires, et de le débouter de sa demande en paiement d'une certaine somme à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, outre les congés payés afférents, ainsi que d'une certaine somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'impossibilité de prise de repos compensateur, outre les congés payés afférents, alors « que le versement d'un salaire supérieur au minimum conventionnel ne peut tenir lieu de règlement des heures supplémentaires ; que l'arrêt constate que le salarié est titulaire d'une créance de 13 617 euros, outre les congés payés y afférents, au titre des heures supplémentaires effectuées à compter du 25 janvier 2016 ; qu'en le déboutant de sa demande en paiement de cette somme, au motif que la rémunération qu'il avait perçue dans le cadre de la convention de forfait en jours était supérieure au salaire minimum conventionnel et avait dès lors emporté paiement des heures supplémentaires, outre les congés payés y afférents, réclamées par le salarié à la suite de l'inopposabilité de ladite convention, la cour d'appel a violé l'article L. 3121-28 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
17. L'employeur conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que le moyen est nouveau, mélangé de fait et de droit.
18. Cependant le moyen, qui ne repose sur aucun élément de fait qui n'ait été constaté par les juges du fond, est de pur droit.
19. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l'article L. 3121-22 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'article L. 3121-36 et l'article L. 3171-4 du même code :
20. Selon le premier de ces textes, les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire fixée par l'article L. 3121-10, ou de la durée considérée comme équivalente, donnent lieu à une majoration de salaire de 25 % pour chacune des huit premières heures supplémentaires. Les heures suivantes donnent lieu à une majoration de 50 %.
21. Selon le deuxième, à défaut d'accord les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire fixée par l'article L. 3121-27, ou de la durée considérée comme équivalente, donnent lieu à une majoration de salaire de 25 % pour chacune des huit premières heures supplémentaires. Les heures suivantes donnent lieu à une majoration de 50 %.
22. Selon le dernier, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
23. Il résulte de ces textes que le salarié, qui a été soumis à tort à un forfait annuel en jours, peut prétendre au paiement d'heures supplémentaires dont le juge doit vérifier l'existence et le nombre conformément aux dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail et que le versement d'un salaire supérieur au minimum conventionnel ne peut tenir lieu de règlement des heures supplémentaires.
24. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'une certaine somme à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, l'arrêt, après avoir constaté que le salarié avait accompli des heures supplémentaires, retient qu'il résulte de l'accord du 14 janvier 2016, rattaché à la convention collective nationale de la fabrication et du commerce des produits à usage pharmaceutique, parapharmaceutique et vétérinaire s'applique au contrat de travail, relatif aux salaires minima pour l'année 2016, que pour le niveau IX, soit le niveau du salarié indiqué sur ses bulletins de salaire, notamment pour 2016, la rémunération annuelle garantie était de 42 455 euros, soit 3 538 euros par mois.
25. L'arrêt ajoute qu'il ressort des bulletins de paie pour l'année 2016 que le salaire mensuel de base était de 5 104,08 euros en sorte que le différentiel est de 1 566,08 euros par mois, soit 18 792,96 euros pour l'année.
26. L'arrêt retient dès lors que la rémunération perçue par le salarié dans le cadre de la convention de forfait en jours a emporté paiement des heures supplémentaires, outre les congés payés afférents.
27. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
28. La cassation des chefs de dispositif se rapportant aux demandes en paiement de sommes à titre de rappels de salaire au titre des heures supplémentaires et au titre des repos compensateurs n'emporte pas celle des chefs de dispositifs condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à son encontre et non remises en cause.
Soc. 10 juillet 2024 n° 22-20.049 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 10 juillet 2024
Cassation partielle
M. SOMMER, président
Arrêt n° 785 FS-B
Pourvoi n° X 22-20.049
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 10 JUILLET 2024
M. [R] [V], domicilié [Adresse 1], [Localité 4], a formé le pourvoi n° X 22-20.049 contre l'arrêt rendu le 15 juin 2022 par la cour d'appel de Limoges (chambre économique et sociale), dans le litige l'opposant à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 3], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Deltort, conseiller, les observations de Me Balat, avocat de M. [V], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou, et l'avis de M. Gambert, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 juin 2024 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Deltort, conseiller rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen, MM. Pietton, Barincou, Seguy, Mmes Douxami, Panetta, Brinet, conseillers, Mme Prieur, M. Carillon, Mme Maitral, M. Redon, conseillers référendaires, M. Gambert, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Limoges, 15 juin 2022), statuant sur renvoi après cassation (Soc., 13 octobre 2021, pourvoi n° 19-20.561), M. [V] a été engagé en qualité d'agent administratif par la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou à compter du 13 mars 1992. Il a signé une convention de forfait en jours le 29 juin 2006.
2. Après avoir démissionné par lettre du 11 avril 2016, il a saisi la juridiction prud'homale le 9 décembre 2016 aux fins, notamment, d'obtenir la requalification de sa démission en prise d'acte aux torts exclusifs de l'employeur produisant les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, avec toutes conséquences de droit, ainsi que le paiement d'une somme au titre des congés payés et le prononcé de la nullité de la convention de forfait en jours.
Examen des moyens
Sur les premier et second moyens, réunis
Enoncé des moyens
3. En son premier moyen, le salarié fait grief à l'arrêt de déclarer prescrite et en conséquence irrecevable sa demande en paiement d'un rappel de salaire, outre congés payés afférents, alors « que si, lorsqu'elle s'inscrit dans le prolongement d'un autre contentieux soumis au juge prud'homal, l'action en rappel de salaire doit être introduite avant l'expiration du délai de trois ans décompté à partir de la date à laquelle les salaires auraient dû être versés et non pas à compter de celle à laquelle le salarié a eu connaissance de l'irrégularité motivant l'engagement de ce contentieux, la prescription de cette action en rappel de salaire est interrompue par la saisine de la juridiction prud'homale appelée à statuer sur ce contentieux ; qu'en considérant que la demande en paiement d'un arriéré de salaires formée par M. [V] au titre des années 2013 à 2016 constituait une demande additionnelle au contentieux principal relatif à la validité de la convention de forfait en jours, qui aurait due être formée à compter du jour où il avait eu connaissance de l'irrégularité motivant l'engagement du contentieux et dont la prescription n'avait pas été interrompue par la saisine de la juridiction prud'homale le 9 décembre 2016, cependant que, dans la mesure où la demande en paiement de salaires s'inscrivait dans le prolongement de la demande visant à ce que soit annulée la convention de forfait en jours signée par les parties le 29 juin 2006, la prescription de cette action en paiement avait nécessairement été interrompue par la saisine de la juridiction prud'homale le 9 décembre 2016, la cour d'appel a violé l'article L. 3245-1 du code du travail. »
4. En son second moyen, le salarié fait grief à l'arrêt de déclarer prescrite et en conséquence irrecevable sa demande en paiement de dommages-intérêts pour travail dissimulé, alors « que la prescription d'une action en paiement de dommages et intérêts pour travail dissimulé qui s'inscrit dans le prolongement d'un autre contentieux qui en établit de bien-fondé est interrompue par la saisine de la juridiction prud'homale appelée à statuer sur ce contentieux ; qu'en considérant que la demande en paiement de dommages et intérêts pour travail dissimulé formée par M. [V] au titre des années 2013 à 2016 constituait une demande additionnelle au contentieux principal relatif à la validité de la convention de forfait en jours, qui aurait due être formée à compter du jour où il avait eu connaissance de l'irrégularité motivant l'engagement du contentieux et dont la prescription n'avait pas été interrompue par la saisine de la juridiction prud'homale le 9 décembre 2016, cependant que, dans la mesure où la demande en paiement de l'indemnité litigieuse s'inscrivait dans le prolongement de la demande visant à ce que soit annulée la convention de forfait en jours signée par les parties le 29 juin 2006, la prescription de cette action avait nécessairement été interrompue par la saisine de la juridiction prud'homale le 9 décembre 2016, la cour d'appel a violé l'article L. 1471-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1471-1 et L. 3245-1 du code du travail dans leur rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 et 2241 du code civil :
5. D'abord, selon le premier de ces textes toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.
6. Selon le deuxième, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, la demande pouvant porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.
7. Ensuite, il résulte du troisième de ces textes que si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque deux actions, bien qu'ayant une cause distincte, tendent à un seul et même but, de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première.
8. Pour déclarer prescrites et en conséquence irrecevables les demandes du salarié, l'arrêt retient, d'abord, concernant la demande de rappel de salaires, outre congés payés afférents, que c'est par ses écritures notifiées le 14 décembre 2021 que le salarié a présenté, pour la première fois, devant la cour d'appel, des demandes au titre de l'exécution de son contrat de travail, s'agissant de la condamnation de la caisse à des rappels de salaire, au titre des années 2013 à 2016, alors que dès le 9 décembre 2016, jour de la saisine du conseil de prud'hommes, il invoquait les conditions de la rupture de son contrat de travail et l'inopposabilité de sa convention de forfait en jours, de sorte qu'il avait donc nécessairement connaissance, à cette date, du fait qu'il pouvait demander le paiement des heures supplémentaires qu'il considérait avoir effectuées au titre des années 2013 à 2016, et le rappel de salaire.
9. Il en déduit que l'interruption de prescription dont bénéficie la demande principale ne s'étend pas à la demande formée après l'expiration du délai de prescription et dont l'objet est différent, ce qui est bien le cas en l'espèce s'agissant de demandes fondées sur l'exécution du contrat de travail et non sur sa rupture.
10. Il énonce ensuite, concernant la demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, qu'il s'agit, comme précédemment, d'une demande relative à l'exécution de son contrat de travail, formée pour la première fois par des conclusions notifiées le 14 décembre 2021, n'ayant pas le même objet que les demandes principales relatives à la rupture de son contrat de travail, de sorte que c'est à bon droit que la caisse invoque la prescription de cette action, laquelle a été exercée par les écritures notifiées plus de deux ans après la connaissance qu'il avait eue de l'existence des faits lui permettant de l'exercer.
11. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que les demandes en paiement de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires outre congés payés afférents et d'indemnité pour travail dissimulé poursuivaient le même but que la demande initiale tendant à la nullité de la convention de forfait en jours, à savoir la sanction du manquement par l'employeur à ses obligations en matière de droit au repos et paiement des heures de travail effectuées, de sorte qu'elles étaient virtuellement comprises dans la demande initiale, ce dont elle aurait dû déduire que la prescription des demandes nouvelles avait été interrompue par la demande initiale, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Soc. 12 juin 2024 n° 23-12.428
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 12 juin 2024
Rejet
Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 604 F-D
Pourvoi n° J 23-12.428
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 JUIN 2024
M. [U] [M], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 23-12.428 contre l'arrêt rendu le 14 décembre 2022 par la cour d'appel de Montpellier (1re chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société KPMG, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La société KPMG, a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [M], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société KPMG, après débats en l'audience publique du 7 mai 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Flores, conseiller rapporteur, M. Rouchayrole, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 14 décembre 2022), M. [M] a été engagé en qualité d'assistant confirmé le 3 décembre 1999, par la société KPMG. Au dernier état de la relation de travail, le salarié, qui était soumis à un forfait en jours, exerçait les fonctions de directeur du bureau de [Localité 3].
2. La relation de travail est soumise à la convention collective nationale des cabinets d'experts-comptables et de commissaires aux comptes du 9 décembre 1974.
3. Licencié le 21 novembre 2014, le salarié a, le 24 septembre 2015, saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses trois dernières branches, et le second moyen du pourvoi principal du salarié
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement est un licenciement pour faute grave, de le débouter de ses demandes indemnitaires au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, et au titre de l'indemnisation de la perte de chance de recevoir des dividendes, alors « que l'article 4.2.1 de la convention collective des experts-comptables dispose que bien qu'administrativement et économiquement en état de dépendance, les relations du professionnel lié à un autre membre de l'ordre ou de la compagnie par un contrat de travail ne sauraient donc être identiques à celles d'un collaborateur, quelle que soit la nature des tâches qui lui sont confiées, en raison des règles déontologiques et professionnelles qui caractérisent un état d'indépendance dans son activité proprement dite et placent les relations disciplinaires sous l'autorité de l'ordre ou de la compagnie parallèlement au pouvoir de l'employeur" ; qu'en l'espèce, M. [M] faisait valoir que l'ordre des experts-comptables n'avait jamais été informé de l'engagement d'une procédure disciplinaire à son encontre, ni des motifs qui lui étaient reprochés, de sorte que la procédure disciplinaire n'avait pas pu intervenir sous son autorité" contrairement à ce qui était prévu par l'article 4.2.1 de la convention collective ; qu'en retenant qu'il ressortait de l'article 4.2.1 de la convention collective que s'il existe un pouvoir disciplinaire parallèle à celui de l'employeur, il ne s'agit pas d'une procédure obligatoire et que le conseil de l'ordre des experts-comptables ou la compagnie des commissaires aux comptes n'ont pas à être préalablement avisés de l'engagement d'une procédure de licenciement", quand une telle interprétation de l'article 4.2.1 de la convention collective conduit à traiter un membre de l'ordre des experts-comptables exactement comme n'importe quel autre collaborateur, ce qui est contraire à la lettre et à l'esprit du texte, la cour d'appel a violé l'article 4.2.1 de la convention collective des experts-comptables. »
Réponse de la Cour
6. Selon l'article 4.2.1 de la convention collective nationale des cabinets d'experts-comptables et de commissaires aux comptes, « Les membres de l'Ordre et de la Compagnie », qui s'intègre dans un article 4 « classification », et un article 4.2 « grille des membres de l'ordre des experts-comptables et de la compagnie des commissaires aux comptes (Annexe B) », quelle que soit sa fonction dans un cabinet, travailleur indépendant, mandataire social ou associé d'une personne reconnue par l'ordre ou la compagnie, personne physique ou personne morale, titulaire d'un contrat de travail conclu avec un autre membre de l'ordre ou de la compagnie, le membre de l'ordre ou de la compagnie exerce sa profession dans le respect de l'ordonnance du 19 septembre 1945 et des textes subséquents l'ayant complétée ou modifiée. L'état de subordination dans lequel il se trouve sur le plan des conditions de travail, et qui caractérise l'existence d'un contrat de travail nonobstant toute qualification contraire, ne saurait, pour autant, l'assimiler à un autre collaborateur du cabinet ; notamment, il engage sa responsabilité personnelle dans les actes professionnels en les signant. Bien qu'administrativement et économiquement en état de dépendance, les relations du professionnel lié à un autre membre de l'ordre ou de la compagnie par un contrat de travail ne sauraient donc être identiques à celles d'un collaborateur, quelle que soit la nature des tâches qui lui sont confiées, en raison des règles déontologiques et professionnelles qui caractérisent un état d'indépendance dans son activité proprement dite et placent les relations disciplinaires sous l'autorité de l'ordre ou de la compagnie parallèlement au pouvoir de l'employeur. La réglementation professionnelle a pour conséquence que certains travaux ne peuvent être effectués que par un membre de l'ordre ou de la compagnie et que la structure des effectifs est conditionnée par le nombre d'experts-comptables inscrits du cabinet. La radiation de la liste ou la suspension de l'inscription, pour motif disciplinaire, met fin au contrat de travail dont la qualification de membre de l'ordre ou de la compagnie est un élément substantiel absolu. Les experts-comptables et/ou commissaires aux comptes salariés inscrits exercent non une fonction mais une profession libérale caractérisée par l'indépendance technique, dont découlent la responsabilité personnelle dans les actes professionnels et la liberté d'organisation de son temps de travail, dans le respect des règles déontologiques soumises au contrôle de l'ordre et/ou de la compagnie.
7. La cour d'appel, qui a retenu que ces dispositions n'instituaient pas au profit du salarié une garantie de fond en cas de licenciement, a fait l'exacte application des dispositions conventionnelles.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le moyen du pourvoi incident de l'employeur
Enoncé du moyen
9. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que la convention de forfait est nulle et de le condamner au paiement d'une somme au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents, alors « que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires ; que tel est le cas de l'accord d'aménagement et de réduction du temps de travail KPMG du 22 décembre 1999, qui prévoit que toute personne autonome (...) détermine elle-même l'amplitude de son temps de travail, notamment dans le cadre de la négociation de ses objectifs en début d'exercice social ; le suivi de son activité est effectué, suivant les cas, sur la base des objectifs quantitatifs et qualitatifs négociés et/ou du volume d'activité défini conjointement avec sa hiérarchie" (article 4.2) ; l'ensemble du personnel autonome fait l'objet, suivant les cas et les départements : soit d'une procédure de détermination concertée des objectifs annuels et d'appréciation des résultats ; elle se caractérise par un entretien annuel dont l'objet est, notamment, d'apprécier les résultats de l'exercice écoulé au regard des objectifs convenus et de déterminer, de façon concertée entre appréciateur et apprécié, des objectifs quantitatifs et qualitatifs pour l'exercice social à venir ; soit, d'une procédure d'appréciation concertée du volume d'activité annuelle, qui se traduit concrètement par un entretien annuel destiné à déterminer conjointement ce volume d'activité pour l'exercice social à venir (...)" (article 4.3) ; les directeurs d'entité garantiront qu'aucun personnel autonome ne soit amené en prévision ou a posteriori à effectuer des horaires excédant les dispositions afférentes aux minima journaliers et hebdomadaires de repos stipulées à l'article L. 220-1 du code du travail" (art.4.4) ; que, pour dire la convention de forfait nulle et condamner l'exposante au paiement d'heures supplémentaires, la cour d'appel, se fondant sur les seules dispositions de l'article 4.4 de cet accord, a retenu qu'il n'était pas suffisamment précis sur les modalités de décompte des journées et demi-journées travaillées, les conditions de contrôle de l'accord ainsi que du suivi de l'organisation et de l'amplitude de travail ; qu'en statuant ainsi, elle a violé l'alinéa 11 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article L. 212-15-3 du code du travail alors applicable, son article L. 3121-39 dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 10 août 2016, interprétés à la lumière de l'article 17, paragraphes 1 et 4 de la directive 1993-104 CE du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17, paragraphe 1, et 19 de la directive 2003-88 CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ensemble l'article 4 de l'accord d'aménagement et de réduction du temps de travail KPMG du 22 décembre 1999. »
Réponse de la Cour
10. Selon l'article 4.4 « aménagements et réduction du temps de travail » de l'accord d'entreprise en date du 22 décembre 1999, les cadres autonomes font l'objet d'une convention annuelle de forfait en jours telle que mentionnée à l'article L. 212-15-3 nouveau. En conséquence ils bénéficient, en sus de leurs congés payés d'un repos d'aménagement et de réduction de temps de travail spécifique de dix jours ouvrés par an. Toutefois le nombre de jours ouvrés par chaque personne ne pourra excéder un maximum de deux cent dix-sept jours ouvrés par an quels que soient les hasards du calendrier. Ces congés supplémentaires pourront être pris sur l'exercice épargné dans un compte-épargne-temps à l'initiative du salarié dans la limite maximale de cinq jours ouvrés par an. Le complément éventuellement nécessaire en fonction du calendrier pour respecter le plafond précité sera attribué en jours de ponts préfixés dans le calendrier de l'exercice social. Les objectifs et budgets d'activités convenus en début d'année tiennent compte des congés payés légaux, des éventuels jours de congés pour ancienneté et de ces congés supplémentaires. Ces jours de repos ARTT font l'objet d'une prise en charge spécifique pour le personnel autonome dont la rémunération est majoritairement variable en fonction de leur facturation personnelle. Les dispositions ainsi convenues excluent la rétribution en repos ou en paiement d'heures supplémentaires. Les directeurs d'entité garantiront qu'aucun personnel autonome ne soit amené en prévision ou a posteriori à effectuer des horaires excédant les dispositions afférentes aux minima journaliers et hebdomadaires de repos stipulés à l'article L. 220-1 du code du travail.
11. La cour d'appel a retenu que les dispositions conventionnelles ne précisaient pas les conditions de contrôle de l'application du forfait en jours ni les modalités du suivi de l'organisation du travail des salariés concernés ainsi que l'amplitude de leur journée de travail comme de la charge de travail qui en résulte. Elle a relevé que l'existence d'entretiens dialogues « My performance development » au cours desquels, selon l'employeur, le salarié avait tout loisir d'évoquer d'éventuelles difficultés, n'étaient pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restaient raisonnables, assuraient une bonne répartition dans le temps du travail de l'intéressé et assuraient ainsi la protection de la sécurité et de la santé du salarié.
12. La cour d'appel en a exactement déduit que l'accord d'entreprise ne répondait pas aux exigences légales et que la convention de forfait en jours était nulle.
13. Le moyen n'est donc pas fondé.
Soc. 12 juin 2024 n° 23-11.858
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 12 juin 2024
Cassation partielle
Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 605 F-D
Pourvoi n° Q 23-11.858
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 JUIN 2024
La Société nouvelle de l'hôtel atlantique, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 23-11.858 contre l'arrêt rendu le 8 décembre 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-5), dans le litige l'opposant à M. [X] [Y], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Techer, conseiller référendaire, les observations de la SCP Françoise Fabiani - François Pinatel , avocat de la Société nouvelle de l'hôtel atlantique, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [Y], après débats en l'audience publique du 7 mai 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Techer, conseiller référendaire rapporteur, M. Rouchayrole, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 8 décembre 2022), M. [Y] a été engagé en qualité de responsable de restauration d'un hôtel, le 1er juin 2018, par la Société nouvelle de l'hôtel atlantique. Les parties ont conclu une convention de forfait en jours.
2. Licencié le 30 mars 2020, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur les deux premiers moyens
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
4. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement nul et de le condamner à payer au salarié des sommes à titre d'indemnité pour licenciement nul, d'indemnité légale de licenciement, d'indemnité de préavis, outre congés payés afférents, et en application de l'article 700 du code de procédure civile, alors « qu'un licenciement ne peut être annulé que s'il a été prononcé en raison de l'exercice par le salarié d'une liberté fondamentale ; qu'en l'espèce, M. [Y] avait été licencié au motif de problèmes d'hygiène dans les cuisines, de problèmes de gestion du personnel, d'absence de développement du service restauration et de son absence au cours du service du soir, sans qu'à aucun moment, la société SNHA lui ait reproché, de manière explicite ou implicite, d'avoir fait valoir son droit à la santé et au repos ; qu'en retenant qu'en lui imposant d'effectuer un nombre important d'heures supplémentaires, la société SNHA aurait porté atteinte à ce droit au repos et à la santé, de sorte que le licenciement intervenu à la suite de cette violation devait être déclaré nul, sans constater qu'il aurait été prononcé en raison de l'exercice par le salarié dudit droit, la cour d'appel a violé de plus fort l'article L. 1235-3-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1235-3-1 du code du travail :
5. Selon ce texte, l'article L. 1235-3 n'est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Les nullités mentionnées au premier alinéa sont celles qui sont afférentes notamment à la violation d'une liberté fondamentale.
6. Pour dire le licenciement nul, l'arrêt relève qu'une clause de forfait a été insérée dans le contrat de travail en prévoyant 270 jours de travail par an, alors que le nombre de jours maximal que peut comprendre un forfait en jours est de 218. Il ajoute que, si une convention de forfait a été conclue le 1er juin 2019, en réduisant le nombre de jours travaillés au plafond légal, cette convention est privée d'effet. Il retient que l'employeur a imposé au salarié d'effectuer un nombre important d'heures supplémentaires et porté atteinte à son droit au repos et à la santé. Il en conclut que le licenciement intervenu à la suite de cette violation d'un droit fondamental doit être déclaré nul.
7. En statuant ainsi, sans caractériser l'existence d'un lien entre le licenciement prononcé et la violation d'une liberté fondamentale, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
8. La cassation prononcée est sans incidence sur les chefs de dispositif condamnant l'employeur aux dépens et au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, qui sont justifiés par d'autres condamnations prononcées à son encontre et non remises en cause.
Soc. 15 mai 2024 n° 23-14.188
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CL6
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 15 mai 2024
Rejet
Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 488 F-D
Pourvoi n° X 23-14.188
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 MAI 2024
M. [K] [P], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 23-14.188 contre l'arrêt rendu le 15 décembre 2022 par la cour d'appel de Rouen (chambre sociale et des affaires de sécurité sociale), dans le litige l'opposant à l'association Agence d'urbanisme de Rouen et des boucles de Seine-Eure, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
L'association Agence d'urbanisme de Rouen et des boucles de Seine-Eure a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'applui de son recours, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Redon, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. [P], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de l'association Agence d'urbanisme de Rouen et des boucles de Seine-Eure, après débats en l'audience publique du 2 avril 2024 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Redon, conseiller référendaire rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 15 décembre 2022), M. [P] a été engagé en qualité de directeur général par l'association Agence d'urbanisme de Rouen et des boucles de Seine-Eure à compter du 1er février 2010.
2. Il a été licencié pour faute grave par lettre du 6 mars 2019.
3. Contestant son licenciement, et sollicitant le paiement d'heures supplémentaires, il a saisi la juridiction prud'homale.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi principal
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen du pourvoi incident
Enoncé du moyen
5. L'employeur fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de restitution de la somme de 13 459,83 euros au titre des jours de réduction du temps de travail (RTT), alors « que celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu ; que l'inopposabilité de la convention de forfait entraîne l'obligation, pour le salarié, de restituer la rémunération perçue en contrepartie des jours de réduction de temps de travail pris en exécution de cette convention ; que pour rejeter la demande de restitution de l'indu de l'employeur, la cour d'appel a retenu que la convention de forfait en jours de M. [P] était privée d'effet, que l'association AURBSE justifiait que ce dernier avait bénéficié de 13 jours de RTT en 2016, 11 en 2017 et 12 en 2018 en exécution de cette convention et qu'il n'avait pas soustrait ses jours de RTT de sa demande d'heures supplémentaires mais s'était contenté de ne pas les valoriser en temps de travail et ainsi de ne pas solliciter d'heures supplémentaires sur les semaines durant lesquelles ces jours ont été posés ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il résultait de ses propres constatations que l'employeur justifiait que le salarié avait bénéficié de 13 jours de RTT en 2016, 11 en 2017 et 12 en 2018, en exécution d'une convention de forfait ultérieurement privée d'effet, ce dont elle aurait dû déduire que le paiement de ces journées de repos accordées en exécution de la convention était devenu indu et devait faire l'objet d'une restitution, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé l'article 1302-1 du code civil, ensemble les articles L. 3121-1 et L. 3121-64 du code du travail. »
Réponse de la Cour
6. La cour d'appel a relevé que le salarié avait bénéficié de 13 jours de RTT en 2016, 11 en 2017 et 12 en 2018, et que contrairement à ce qu'il affirmait, il n'avait pas soustrait ses jours de RTT de sa demande d'heures supplémentaires mais s'était contenté de ne pas les valoriser en temps de travail et ainsi de ne pas solliciter d'heures supplémentaires sur les semaines durant lesquelles ces jours ont été posés.
7. Elle a ensuite constaté l'existence d'heures supplémentaires en 2016, 2017 et 2018, puis, au regard des éléments apportés par chacune des parties, des fonctions qui étaient celles du salarié et de la charge de travail en résultant, également impactée par la baisse des effectifs et enfin des jours de RTT dont il avait bénéficié, en a évalué souverainement l'importance et a fixé en conséquence les créances salariales s'y rapportant.
8. De ces constatations et énonciations, dont il ressort que contrairement à ce que soutient le moyen, la cour d'appel a soustrait la somme versée au titre des jours de RTT accordés en exécution de la convention de forfait en jours, de la somme due au titre des heures supplémentaires, elle a exactement déduit que l'association n'était pas fondée en sa demande de restitution des sommes versées à ce titre qui avaient déjà été prises en compte.
9. Le moyen n'est donc pas fondé.
Soc. 15 mai 2024 n° 22-18.986
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 15 mai 2024
Rejet
M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 498 F-D
Pourvoi n° S 22-18.986
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 MAI 2024
M. [P] [G], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 22-18.986 contre l'arrêt rendu le 19 mai 2022 par la cour d'appel de Versailles (11e chambre), dans le litige l'opposant à la société Gaztransport et Technigaz, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Rinuy, conseiller, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [G], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Gaztransport et Technigaz, après débats en l'audience publique du 3 avril 2024 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rinuy, conseiller rapporteur, Mme Sommé, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 19 mai 2022), M. [G] a été engagé, le 9 janvier 2017, en qualité de responsable développement informatique par la société Gaztransport et Technigaz (la société).
2. La société a, le 12 novembre 2018, convoqué le salarié à un entretien préalable en vue de son licenciement, qui s'est déroulé le 22 novembre 2018, et lui a notifié, le 27 novembre 2018, son licenciement pour cause réelle et sérieuse.
3. Le 2 juillet 2019, le salarié a saisi la juridiction prud'homale.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de juger que la convention de forfait en jours lui était opposable et de rejeter ses demandes de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires pour 2017 et 2018, outre les congés payés afférents, d'indemnité de travail dissimulé et de rappel d'indemnité compensatrice de préavis et d'indemnité conventionnelle de licenciement, alors « que la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut au défaut de motifs ; qu'en l'espèce, après avoir, dans ses motifs, retenu que le salarié ne pouvait pas contester l'application de la clause de forfait à son contrat de travail, l'arrêt a confirmé le jugement ayant, dans son dispositif, jugé que la convention de forfait-jours ne lui était pas opposable ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a entaché sa décision d'une contradiction entre les motifs et le dispositif, a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
6. La contradiction existant entre les motifs et le dispositif procède d'une erreur matérielle qui peut, selon l'article 462 du code de procédure civile, être réparée par la Cour de cassation à laquelle est déférée la décision dont la rectification sera ci-après ordonnée.
7. Le moyen ne peut, dès lors, être accueilli.
Soc. 24 avril 2024 n° 22-22.286 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CH9
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 24 avril 2024
Cassation partielle
Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 405 F-B
Pourvoi n° D 22-22.286
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 24 AVRIL 2024
M. [S] [R], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 22-22.286 contre l'arrêt rendu le 25 août 2022 par la cour d'appel de Dijon (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Aldi Marché 9, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la Société Leader Distribution Chenove défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, cinq moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Techer, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [R], après débats en l'audience publique du 13 mars 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Techer, conseiller référendaire rapporteur, M. Rouchayrole, conseiller, et Mme Thuillier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 25 août 2022), M. [R] a été engagé en qualité d'adjoint chef de magasin, le 1er juillet 2005, par la société Leader Distribution Chenôve, aux droits de laquelle se trouve la société Aldi marché 9. À compter du 13 novembre 2006, une convention de forfait en jours a été conclue.
2. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale le 8 juillet 2015 à l'effet d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail et le paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture dudit contrat.
3. Le 15 septembre 2017, il a été licencié.
Examen des moyens
Sur le deuxième moyen
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes en paiement d'un rappel de salaire à titre d'heures supplémentaires et d'une indemnité pour travail dissimulé, alors « que seule une prétention, définie comme l'avantage économique et social concret attendu de l'exercice de l'action, doit figurer dans le dispositif des conclusions ; qu'en relevant, pour débouter l'exposant de sa demande de paiement d'heures supplémentaires, que M. [R] ne formul[ait] dans le dispositif de ses conclusions aucune demande de nullité de la clause de forfait en jours tel qu'alléguée dans le corps de ses écritures au soutien de sa demande de rappel d'heures supplémentaires et de repos compensateur quand la seule prétention de l'exposant portait sur l'obtention d'un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires qu'il avait effectuées de sorte, la nullité de la convention n'étant qu'un moyen soulevé à l'appui de cette prétention, la cour d'appel a violé l'article 954 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 4 et 954 du code de procédure civile :
6. Selon le second de ces textes, d'une part, dans les procédures avec représentation obligatoire, les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée, d'autre part, les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif et la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.
7. La contestation de la validité d'une convention de forfait en jours sur laquelle est fondée une demande en paiement d'un rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires constitue un moyen et non une prétention au sens du premier texte.
8. Il en résulte qu'elle n'a pas à figurer dans le dispositif des conclusions.
9. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement au titre d'heures supplémentaires, l'arrêt relève que la demande de nullité de la clause de forfait en jours, invoquée dans le corps de ses écritures au soutien de sa demande de rappel d'heures supplémentaires et de repos compensateur, ne figure pas dans le dispositif de ses conclusions. Il ajoute que le salarié concerné par une convention de forfait en jours n'est pas soumis aux durées maximales, quotidiennes et hebdomadaires de travail de l'article L. 3121-48 du code du travail et que ne s'appliquent pas non plus les dispositions relatives aux heures supplémentaires.
10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
11. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif déboutant le salarié de sa demande en paiement au titre d'heures supplémentaires entraîne la cassation des chefs de dispositif le déboutant de ses demandes en paiement de repos compensateur, de compléments d'indemnités de licenciement et de préavis, en résiliation judiciaire produisant les effets d'un licenciement nul et en indemnisation subséquente, en résiliation judiciaire produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et indemnisation subséquente, en contestation du bien-fondé de son licenciement et indemnisation subséquente, en remise de documents de fin de contrat, en paiement d'une indemnité de procédure et le condamnant aux dépens, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
Soc. 24 avril 2024 n° 22-20.539 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 24 avril 2024
Cassation partielle
M. SOMMER, président
Arrêt n° 413 FS-B
Pourvoi n° E 22-20.539
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 24 AVRIL 2024
Mme [W] [R], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° E 22-20.539 contre l'arrêt rendu le 22 juin 2022 par la cour d'appel de Montpellier (1re chambre sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Ernst and Young société d'avocats, société d'exercice libéral par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ au bâtonnier de l'ordre des avocats de Montpellier, dont le siège est [Adresse 4],
3°/ au procureur général près la cour d'appel de Montpellier, dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [R], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Ernst and Young société d'avocats, et l'avis de M. Halem, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 mars 2024 où étaient présents M. Sommer, président, M. Flores, conseiller rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, M. Rouchayrole, Mmes Deltort, Le Quellec, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, Techer, Rodrigues, conseillers référendaires, M. Halem, avocat général référendaire, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 22 juin 2022), Mme [R] a été engagée par la société Ernst and Young (la société) en qualité d'assistante, le 7 octobre 2013, puis en qualité d'avocate suivant contrat de travail du 5 novembre 2013, soumis à la convention collective nationale des cabinets d'avocats (avocats salariés) du 17 février 1995 et comportant une convention de forfait en jours. Elle a été promue au grade de senior 1 en juillet 2015, puis à celui de senior 3 en juillet 2017. Elle a été en congé de maternité, suivi d'un congé parental, du 2 mars au 28 septembre 2018, puis à nouveau du 31 mai 2019 au 15 janvier 2020.
2. La salariée a été licenciée pour cause réelle et sérieuse par lettre du 27 mai 2020.
3. Soutenant avoir subi une discrimination en raison de son sexe et de son état de maternité, la salariée a saisi, le 29 janvier 2021, le bâtonnier de l'ordre des avocats de demandes tendant notamment à ordonner son repositionnement au grade senior manager 1 au 1er juillet 2019, à condamner la société au paiement de rappels de salaires correspondants du 1er juillet 2019 au 11 novembre 2020, de rattrapages d'intéressement et de participation ainsi que de bonus sur cette période, de dommages-intérêts en réparation du préjudice financier lié à la discrimination et de rappel d'heures supplémentaires, à prononcer la nullité de son licenciement, à ordonner sa réintégration et à condamner la société au paiement d'une somme provisionnelle à titre d'indemnité d'éviction à compter du 12 novembre 2020.
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes tendant à ordonner son repositionnement au grade senior manager 1 au 1er juillet 2019, à fixer sa rémunération globale au niveau moyen des salariés situés au grade senior manager 1 au 1er juillet 2019, soit 7 112,50 euros mensuels bruts, à condamner la société au paiement de diverses sommes à titre de rappels de salaires correspondants entre cette date et le 11 novembre 2020, de rattrapages d'intéressement et de participation, de bonus correspondants sur la période et de dommages-intérêts au titre de son préjudice financier lié à la discrimination, et de la débouter de ses demandes tendant à ordonner sa réintégration et à condamner la société au paiement d'une somme provisionnelle au titre de l'indemnité d'éviction à compter du 12 novembre 2020, à parfaire au jour de la décision à intervenir, outre les augmentations moyennes individuelles et générales perçues par les salariés de la même catégorie ainsi que les avantages, primes et salaires de toute nature, alors « que la réparation intégrale d'un dommage oblige à placer celui qui l'a subi dans la situation où il se serait trouvé si le comportement dommageable n'avait pas eu lieu et que les dispositions de l'article L. 1134-5 du code du travail ne font pas obstacle à ce que le juge ordonne le reclassement d'un salarié victime de discrimination ; qu'en conséquence, lorsqu'il apparaît qu'un salarié a été privé d'une possibilité de promotion par suite d'une discrimination, ce dernier peut prétendre, en réparation du préjudice qui en est résulté dans le déroulement de sa carrière, à un reclassement au niveau de classification qu'il aurait atteint en l'absence de discrimination ; qu'il appartient alors au juge de rechercher à quelle classification le salarié serait parvenu en l'absence de discrimination ; qu'en l'espèce, alors que Mme [R] demandait son repositionnement au grade de Senior Manager 1 au 1er juillet 2019, pour débouter la salariée de cette demande, la cour d'appel a relevé qu'il était justifié aux débats que le passage à ce grade nécessitait d'assurer le suivi commercial et technique des missions ainsi que la participation à la vie interne et l'encadrement d'une équipe et qu'aucun élément ne permettait d'affirmer que cette promotion était due à Mme [R] au 1er juillet 2019, date à laquelle elle se trouvait en congé maternité ; qu'en statuant par ces motifs inopérants, sans rechercher à quel grade la salariée serait parvenue en l'absence de discrimination, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1132-1, L. 1142-1 et L. 1134-5 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1132-1, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2020-760 du 22 juin 2020, et L. 1134-5 du code du travail et le principe de la réparation intégrale du préjudice :
5. Selon le principe susvisé, la réparation intégrale d'un dommage oblige à placer celui qui l'a subi dans la situation où il se serait trouvé si le comportement dommageable n'avait pas eu lieu.
6. Il résulte des articles L. 1132-1 et L. 1134-5 du code du travail que le salarié privé d'une possibilité de promotion par suite d'une discrimination peut prétendre, en réparation du préjudice qui en est résulté dans le déroulement de sa carrière, à un reclassement dans le coefficient de rémunération qu'il aurait atteint en l'absence de discrimination et qu'il appartient au juge de rechercher à quel coefficient de rémunération le salarié serait parvenu sans la discrimination constatée.
7. Pour débouter la salariée de sa demande tendant à ordonner son repositionnement au grade senior manager 1 au 1er juillet 2019, l'arrêt retient que le passage à ce grade nécessite d'assurer le suivi commercial et technique des missions ainsi que la participation à la vie interne et l'encadrement d'une équipe et qu'aucun élément ne permet d'affirmer que cette promotion était due à la salariée au 1er juillet 2019, date à laquelle elle se trouvait en congé de maternité.
8. En statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors qu'ayant retenu que la salariée avait subi une discrimination en raison de son état de grossesse à compter du 2 mars 2018, date de son premier congé de maternité, se caractérisant notamment par une modification des modalités de son évaluation et une chute de sa rémunération, il lui incombait de rechercher à quel grade conventionnel la salariée serait parvenue sans la discrimination constatée, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Sur le moyen relevé d'office
9. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.
Vu l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article L. 3121-39 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, interprété à la lumière des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne :
10. Le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles.
11. Il résulte des articles susvisés de la directive de l'Union européenne que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur.
12. Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.
13. Aux termes de l'article 12 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'exécution d'une convention individuelle de forfait en jours conclue sur le fondement d'une convention ou d'un accord de branche ou d'un accord d'entreprise ou d'établissement qui, à la date de publication de la présente loi, n'est pas conforme aux 1° à 3° du II de l'article L. 3121-64 du code du travail peut être poursuivie, sous réserve que l'employeur respecte l'article L. 3121-65 du même code. Sous ces mêmes réserves, l'accord collectif précité peut également servir de fondement à la conclusion de nouvelles conventions individuelles de forfait.
14. Pour débouter la salariée de sa demande en paiement d'une somme au titre des heures supplémentaires, l'arrêt retient que l'employeur soutient que la convention de forfait en jours est autorisée par l'avenant 7 du 7 avril 2000 relatif à la réduction du temps de travail de la convention collective des avocats salariés dans la limite de deux cents dix-sept jours, que l'accord d'entreprise signé le 14 mai 2007 contient l'ensemble des mentions légalement prévues et mettant en place les garanties suffisantes et que l'avenant n° 15 du 25 mai 2012, relatif au forfait annuel en jours de la convention collective des avocats, qui est applicable au sein du cabinet, valide cette convention de forfait.
15. En statuant ainsi, alors que ni les dispositions de l'avenant n° 7 du 7 avril 2000 relatif à la réduction du temps de travail, alors applicable, à la convention collective des avocats salariés (cabinets d'avocats) du 17 février 1995, qui, dans le cas de forfaits en jours, se limitaient à prévoir, en premier lieu, que le nombre de journées ou demi-journées de travail sera comptabilisé sur un document établi à la fin de l'année par l'avocat concerné et précisant le nombre de journées ou de demi-journées de repos pris, en second lieu, qu'il appartient aux salariés concernés de respecter les dispositions impératives ayant trait au repos quotidien et au repos hebdomadaire, le cabinet devant veiller au respect de ces obligations, ni les stipulations de l'accord d'entreprise relatif à l'organisation du temps de travail du 14 mai 2007 qui se bornent à prévoir qu'un suivi du temps de travail sera effectué pour tout collaborateur sur une base annuelle, que toutefois, autant que faire se peut, la direction cherchera à faire un point chaque trimestre et à attirer l'attention des collaborateurs dont le suivi présente un solde créditeur ou débiteur trop important afin qu'ils fassent en sorte de régulariser la situation au cours du trimestre suivant, ni les dispositions de l'avenant n° 15, à la convention collective des avocats salariés (cabinets d'avocats) du 17 février 1995, du 25 mai 2012, relatif au forfait annuel en jours, qui se bornent à prévoir que l'avocat doit organiser son travail pour ne pas dépasser onze heures journalières, sous réserve des contraintes horaires résultant notamment de l'exécution des missions d'intérêt public, que le nombre de journées ou de demi-journées de travail sera comptabilisé sur un document de contrôle établi à échéance régulière par l'avocat salarié concerné selon une procédure établie par l'employeur, que l'avocat salarié bénéficie annuellement d'un entretien avec sa hiérarchie portant sur l'organisation du travail, sa charge de travail, l'amplitude de ses journées d'activité, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale et sa rémunération, que l'employeur ou son représentant doit analyser les informations relatives au suivi des jours travaillés au moins une fois par semestre et que l'avocat salarié pourra alerter sa hiérarchie s'il se trouve confronté à des difficultés auxquelles il estime ne pas arriver à faire face, en ce qu'elles ne permettent pas à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, ne sont pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié, ce dont elle aurait dû déduire que, sous réserve de l'application des dispositions de l'article 12 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, la convention de forfait en jours était nulle, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur le quatrième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
16. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en paiement d'une somme au titre des heures supplémentaires, alors « qu'il appartient à l'employeur qui conclut avec un salarié une convention individuelle de forfait en jours sur l'année de s'assurer régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail ; que l'accord collectif autorisant la conclusion de conventions individuelles de forfait en jours détermine les modalités selon lesquelles l'employeur assure l'évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié ; que l'exécution d'une convention individuelle de forfait en jours conclue sur le fondement d'une convention ou d'un accord de branche ou d'un accord d'entreprise ou d'établissement qui, au 9 août 2016 ne détermine pas ces modalités peut être poursuivie, sous réserve notamment que l'employeur s'assure que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires ; qu'en l'espèce, pour débouter Madame [R] de sa demande tendant à voir prononcer la nullité du forfait jour et de sa demande subséquente en paiement d'heures supplémentaires, la Cour d'appel a relevé que la convention de forfait en jours était autorisée par l'avenant n° 7 du 7 avril 2000 relatif à la réduction du temps de travail de la convention collective des avocats salariés dans la limite de 217 jours par an, que l'accord d'entreprise signé le 14 mai 2007 contenait l'ensemble des mentions légalement prévues et mettait en place les garanties suffisantes, que l'avenant n° 15 du 25 mai 2012 relatif au forfait annuel en jours de la convention collective des avocats salariés applicable au sein du cabinet validait cette convention de forfait et que conformément aux dispositions de la loi travail du 8 août 2016 la société employeur avait complété l'ensemble des dispositions conventionnelles par une charte des bonnes pratiques en matière d'organisation du temps de travail, et en a déduit qu'il était inexact d'affirmer qu'aucun outil de contrôle de la charge de travail n'avait été mis en place par l'employeur pour garantir le bon équilibre de la vie professionnelle des salariés ; qu'en statuant ainsi sans rechercher si la charte des bonnes pratiques dont se prévalait la société employeur prévoyait des modalités d'évaluation et de suivi régulier de la charge de travail du salarié permettant notamment à l'employeur de s'assurer que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires, quand, ni les dispositions de l'avenant n° 7 du 7 avril 2000 relatif à la réduction du temps de travail à la convention collective des avocats salariés du 17 février 1995, ni les stipulations de l'accord d'entreprise relatif à l'organisation du temps de travail du 14 mai 2007 n'étaient de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressée, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles L. 3121-60, L. 3121-64 et L. 3121-65 du Code du travail ensemble de l'article 12 de la loi 6 n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 3121-60 et L. 3121-65 I du code du travail, l'article 12 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :
17. Aux termes du premier de ces textes, dont les dispositions sont d'ordre public, l'employeur s'assure régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail.
18. Aux termes du deuxième, à défaut de stipulations conventionnelles prévues aux 1° et 2° du II de l'article L. 3121-64, une convention individuelle peut être valablement conclue sous réserve des dispositions suivantes : 1° L'employeur établit un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées. Sous la responsabilité de l'employeur, ce document peut être renseigné par le salarié ; 2° L'employeur s'assure que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires ; 3° L'employeur organise une fois par an un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail, qui doit être raisonnable, l'organisation de son travail, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération.
19. Aux termes du troisième, l'exécution d'une convention individuelle de forfait en jours conclue sur le fondement d'une convention ou d'un accord de branche ou d'un accord d'entreprise ou d'établissement qui, à la date de publication de la présente loi, n'est pas conforme aux 1° à 3° du II de l'article L. 3121-64 du code du travail peut être poursuivie, sous réserve que l'employeur respecte l'article L. 3121-65 du même code. Sous ces mêmes réserves, l'accord collectif précité peut également servir de fondement à la conclusion de nouvelles conventions individuelles de forfait.
20. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'une somme au titre des heures supplémentaires, l'arrêt retient que l'employeur a complété l'ensemble des dispositions conventionnelles applicables par une charte des bonnes pratiques en matière d'organisation du temps de travail et qu'il est inexact d'affirmer qu'aucun outil de contrôle de la charge de travail n'a été mis en place par l'employeur pour garantir le bon équilibre de la vie professionnelle et de la vie personnelle des salariés.
21. En statuant ainsi, par des motifs généraux impropres à caractériser que la charte des bonnes pratiques en matière d'organisation du temps de travail était de nature à répondre aux exigences de l'article L. 3121-65 du code du travail et que l'employeur avait effectivement exécuté son obligation de s'assurer régulièrement que la charge de travail de la salariée était raisonnable et permettait une bonne répartition dans le temps de son travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
22. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt déboutant la salariée de ses demandes de repositionnement au grade senior manager 1 au 1er juillet 2019, de ses demandes salariales subséquentes, de ses demandes de dommages-intérêts au titre de son préjudice financier lié à la discrimination, de réintégration et au titre de l'indemnité d'éviction entraîne la cassation du chef de dispositif condamnant la société à payer à la salariée des dommages-intérêts pour licenciement nul qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
23. La cassation des chefs de dispositif déboutant la salariée de ses demandes de repositionnement au grade senior manager 1 au 1er juillet 2019, de ses demandes salariales subséquentes, de ses demandes de dommages-intérêts au titre de son préjudice financier lié à la discrimination, de réintégration et au titre de l'indemnité d'éviction et condamnant la société à payer à la salariée des dommages-intérêts pour licenciement nul et de sa demande en paiement d'une somme au titre des heures supplémentaires effectuées et non payées, n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant la société aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celle-ci non remises en cause.
Soc. 27 mars 2024 n° 22-17.078
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 27 mars 2024
Cassation partielle
Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 367 F-D
Pourvoi n° T 22-17.078
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 27 MARS 2024
M. [D] [H], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° T 22-17.078 contre l'arrêt rendu le 31 mars 2022 par la cour d'appel d'Orléans (chambre sociale A, section 2), dans le litige l'opposant à la société Tenotel, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. [H], après débats en l'audience publique du 28 février 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, M. Flores, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 31 mars 2022), M. [H] a été engagé en qualité de directeur d'hôtels par la société Tenotel à compter du 1er juin 2015, au statut cadre. Son contrat de travail, soumis à la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants du 30 avril 1997, incluait un forfait annuel en jours.
2. Le salarié a saisi le 9 juillet 2018 la juridiction prud'homale d'une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail.
3. Par lettre du 22 novembre 2018, il a notifié à son employeur sa démission, en lui reprochant différents manquements à ses obligations contractuelles. Il a sollicité du conseil de prud'hommes la requalification de cette démission en prise d'acte de la rupture produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et la condamnation de l'employeur à lui payer diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que sa prise d'acte de la rupture de son contrat de travail s'analysait en une démission, de le débouter de sa demande tendant à faire requalifier sa démission en prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que de ses demandes subséquentes, et de le condamner à payer à l'employeur une certaine somme à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents, alors :
« 1°/ qu'en retenant que ''M. [P] indique dans l'email du 8 novembre 2016 que « aucune augmentation de salaire n'a jamais été discutée en CODIR » (comité de direction), et notamment pas celle invoquée par M. [H], de sorte qu'il apparaît que seule une décision de cette instance aurait pu constituer un engagement de la part de l'employeur en ce sens'', quand il ressortait de ce courriel, qu'à l'exception d'un cas dans sa région, aucune augmentation de salaire n'a jamais été discutée au niveau du comité de direction (CODIR), de sorte que cet organe ne décidait pas des augmentations de salaire, la cour d'appel en a, malgré l'interdiction qui lui est faite, dénaturé les termes et la portée ;
2°/ qu'en retenant que seule une décision du comité de direction aurait pu constituer un engagement de la part de l'employeur d'augmenter le salaire, sans préciser le fondement juridique de sa décision, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile ;
3°/ qu'en relevant d'office le moyen pris de ce que seule une décision du comité de direction aurait pu constituer un engagement de la part de l'employeur en vue de l'augmentation des salaires, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
5. Sous le couvert de griefs non fondés de dénaturation d'un courriel et de violations de la loi, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine par la cour d'appel des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, au terme de laquelle elle a retenu que le salarié n'apportait pas la démonstration de l'existence d'un engagement ferme de son employeur quant à une augmentation de son salaire fixe.
Sur les deuxième et troisième moyens réunis, en ce qu'ils font grief à l'arrêt de condamner le salarié à payer à l'employeur une certaine somme à titre de congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis
Énoncé des moyens
6. Par le deuxième moyen, le salarié fait ce grief à l'arrêt, alors :
« 1°/ que l'employeur est tenu d'organiser une fois par an un entretien avec le salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année, portant sur sa charge de travail, l'organisation de son travail, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération ; qu'un entretien d'évaluation et de performance qui a pour seul objet d'évaluer les performances du salarié ne constitue pas un tel entretien ; qu'en retenant que l'employeur a mis en place annuellement des entretiens d'évaluation au cours desquels le rythme de travail ou l'amplitude de ses horaires n'a donné à aucune remarque, après avoir constaté que seul un entretien d'évaluation et de performance avait été organisé, la cour d'appel a violé l'article L. 3121-46 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, les articles L. 3121-60 et L.3121-65 du même code dans leur rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et l'article 2.4 de l'avenant n° 22 bis du 7 octobre 2016 relatif aux cadres autonomes à la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants du 30 avril 1997 ;
2°/ en toute hypothèse qu'en retenant que ''l'employeur a mis en place annuellement des entretiens d'évaluation au cours desquelles le rythme de travail de M. [H] ou l'amplitude de ses horaires n'a donné lieu à aucune remarque particulière de sa part'' et que ''la SAS Tenotel a bien mis en place des entretiens annuels ayant pour objet de faire le bilan de l'année écoulée et d'acter les perspectives de l'année à venir'', quand il ressortait des comptes- rendus d'entretiens produits par l'employeur qu'ils n'avaient eu lieu qu'en 2014 et en 2016 et qu'aucune partie de ceux-ci n'était dédiée à aborder la charge de travail, l'organisation de son travail, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération, la cour d'appel en a, malgré l'interdiction qui lui en est faite, dénaturé les termes. »
7. Par le troisième moyen, le salarié fait ce grief à l'arrêt, alors « que l'indemnité due par le salarié à l'employeur en cas de non-respect de son préavis n'ouvre pas droit à des congés payés au profit de l'employeur ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 1237-1 du code du travail, ensemble l'article 30 de la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants du 30 avril 1997. »
Réponse de la Cour
8. Les moyens, qui critiquent les motifs et non un chef de dispositif de l'arrêt, sont irrecevables.
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de dire que la prise d'acte du salarié s'analyse en une démission et de le débouter en conséquence de sa demande tendant à faire requalifier sa démission en prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de ses demandes subséquentes, et de le condamner à payer à l'employeur une certaine somme à titre d'indemnité compensatrice de préavis
Enoncé du moyen
9. Le salarié fait ce grief à l'arrêt, alors « que l'employeur est tenu d'organiser une fois par an un entretien avec le salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année, portant sur sa charge de travail, l'organisation de son travail, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération ; qu'un entretien d'évaluation et de performance qui a pour seul objet d'évaluer les performances du salarié ne constitue pas un tel entretien ; qu'en retenant que l'employeur a mis en place annuellement des entretiens d'évaluation au cours desquels le rythme de travail ou l'amplitude de ses horaires n'a donné [lieu] à aucune remarque, après avoir constaté que seul un entretien d'évaluation et de performance avait été organisé, la cour d'appel a violé l'article L. 3121-46 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, les articles L. 3121-60 et L. 3121-65 du même code dans leur rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et l'article 2.4 de l'avenant n° 22 bis du 7 octobre 2016 relatif aux cadres autonomes à la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants du 30 avril 1997. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 3121-46 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, L. 3121-64 II du même code, 2.4 de l'avenant n° 22 du 16 décembre 2014 à la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants du 30 avril 1997, relatif aux cadres autonomes, étendu par arrêté du 29 février 2016 et 2.4 de l'avenant n° 22 bis du 7 octobre 2016 à la même convention collective, étendu par arrêté du 9 mars 2018 :
10. Selon le premier de ces textes, un entretien annuel individuel est organisé par l'employeur avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année. Il porte sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié.
11. Selon les deux derniers, chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours devra bénéficier chaque année d'un entretien avec son supérieur hiérarchique au cours duquel seront évoquées la charge de travail du salarié, l'amplitude de ses journées d'activité, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle et familiale ainsi que sa rémunération.
12. Lorsque l'employeur ne respecte pas les dispositions légales et les stipulations de l'accord collectif qui ont pour objet d'assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié et de son droit au repos, la convention de forfait en jours est privée d'effet de sorte que le salarié peut prétendre au paiement d'heures supplémentaires dont le juge doit vérifier l'existence et le nombre.
13. Pour rejeter la demande du salarié tendant à faire juger sa convention de forfait en jours inopposable, l'arrêt retient que l'employeur a mis en place annuellement des entretiens d'évaluation au cours desquels le rythme de travail de l'intéressé ou l'amplitude de ses horaires n'a donné lieu à aucune remarque particulière de sa part, de sorte qu'il ne peut être retenu un défaut de suivi régulier quant à l'amplitude de sa charge de travail.
14. En statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser qu'au cours du déroulement de ces entretiens d'évaluation, avaient été évoquées l'organisation et la charge de travail du salarié ainsi que l'amplitude de ses journées d'activité, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle et familiale et sa rémunération, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
15. La cassation prononcée n'emporte pas cassation du chef de dispositif condamnant l'employeur aux dépens justifié par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.
Soc. 13 mars 2024 n° 22-19.133
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
HP
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 13 mars 2024
Cassation partielle partiellement sans renvoi
Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 297 F-D
Pourvoi n° B 22-19.133
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 13 MARS 2024
La société Epigone, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° B 22-19.133 contre l'arrêt rendu le 18 mai 2022 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre civile), dans le litige l'opposant à M. [K] [D], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
M. [D] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, sept moyens de cassation.
Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Cavrois, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Epigone, de la SARL Corlay, avocat de M. [D], après débats en l'audience publique du 7 février 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Cavrois, conseiller rapporteur, Mme Deltort, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 18 mai 2022), M. [D] a été engagé, en qualité de responsable de site, par la société Epigone, à compter du 1er février 2000 par un contrat à temps partiel puis à temps complet à compter du 1er juin 2000.
2. Le 8 mars 2016, le médecin du travail l'a déclaré inapte en une seule visite.
3. Le licenciement a été notifié au salarié par lettre du 14 avril 2016 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
4. Le salarié a saisi, le 31 août 2017, la juridiction prud'homale de demandes relatives à l'exécution et à la rupture du contrat de travail.
Examen des moyens
Sur les premier à sixième moyens du pourvoi principal de l'employeur et sur le second moyen du pourvoi incident du salarié
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le septième moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
6. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié une certaine somme au titre de l'indemnité équivalente à l'indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents, et de dire que l'employeur devrait dans les deux mois de la signification de l'arrêt délivrer au salarié l'attestation destinée à Pôle emploi, le certificat de travail et le bulletin de paie rectifiés, alors « que l'indemnité prévue à l'article L. 1226-14 du code du travail, au paiement de laquelle l'employeur est tenu en cas de rupture du contrat de travail d'un salarié déclaré par le médecin du travail inapte à son emploi en conséquence d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, et dont le montant est égal à celui de l'indemnité prévue à l'article L. 1234-5 du code du travail, n'a pas la nature d'une indemnité de préavis et que, dès lors, elle n'ouvre pas droit à congés payés ; qu'en l'espèce, en allouant au salarié une somme à titre de congés payés sur l'indemnité compensatrice de préavis versée en application de l'article L. 1226-14 du code du travail, la cour d'appel a violé la disposition susvisée. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1226-14 du code du travail :
7. Il résulte de ce texte que l'indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis n'a pas la nature d'une indemnité de préavis et n'ouvre pas droit à congés payés.
8. La cour d'appel a alloué au salarié une somme correspondant à l'indemnité de préavis et une somme au titre des congés payés afférents.
9. En statuant ainsi, elle a violé le texte susvisé.
Et sur le premier moyen du pourvoi incident
Enoncé du moyen
10. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que les demandes en paiement pour la période antérieure au 1er août 2014 sont irrecevables car prescrites et de limiter en conséquence la condamnation au paiement de l'employeur au titre des heures supplémentaires à la somme de 15 944,40 euros, outre congés payés afférents, alors « que la durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance invoquée, l'action en paiement d'un rappel de salaire fondée sur l'application erronée d'une convention de forfait en jours est soumise à la prescription triennale de l'article L. 3245-1 du code du travail ; que la demande non prescrite peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le contrat de travail a été rompu le 14 avril 2016, M. [D] ayant été licencié à cette date pour inaptitude avec impossibilité de reclassement ; que M. [D] a introduit sa demande le 31 août 2017 ; que la demande de M. [D] portait sur les heures supplémentaires accomplies entre le 26 avril 2013 et le 31 octobre 2015 ; que la demande en paiement des heures supplémentaires, qui ne se trouvait pas prescrite au moment de la saisine du juge, pouvait donc porter sur les trois années antérieures à la rupture du contrat, soit à compter du 14 avril 2013 ; qu'en considérant que M. [D] au titre de la demande en paiement des heures supplémentaires ''(?) est irrecevable en ses demandes pour la période antérieure au 1er août 2014'', soit dans les trois ans précédant la saisine du juge, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé l'article L. 3245-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3245-1 du code du travail :
11. Aux termes de ce texte, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.
12. Pour dire irrecevables les demandes en paiement au titre du rappel d'heures supplémentaires pour la période précédant le 1er août 2014, l'arrêt retient que le salarié dont le contrat de travail a été rompu le 31 août 2016 et qui a saisi la juridiction prud'homale le 31 août 2017, est recevable à agir en paiement d'un rappel de salaire uniquement pour les trois années précédant la rupture soit du 1er août 2014 au 31 août 2017.
13. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que la rupture du contrat de travail du salarié avait été notifiée le 14 avril 2016 et que le salarié sollicitait un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires pour la période du 26 avril 2013 au 31 octobre 2015, soit sur une période comprise pendant les trois années précédant la rupture du contrat, ce dont elle aurait dû déduire que les demandes pouvaient porter sur l'intégralité de cette période, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
14. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
15. La cassation prononcée au titre du septième moyen du pourvoi principal n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond.
16. La cassation du chef de dispositif condamnant l'employeur au paiement d'une indemnité de congés payés au titre de l'indemnité équivalente à l'indemnité compensatrice de préavis n'emporte pas celle du chef de dispositif de l'arrêt disant que l'employeur devra délivrer au salarié l'attestation destinée à Pôle emploi, le certificat de travail et le bulletin de paie rectifiés.
17. La cassation du chef de dispositif disant que les demandes en paiement pour la période antérieure au 1er août 2014 sont irrecevables n'emporte pas cassation des chefs de dispositif condamnant l'employeur au paiement de la somme de 15 944,40 euros au titre des heures supplémentaires, outre congés payés afférents pour la période postérieure à cette date.
18. Les cassations prononcées n'entraînent pas non plus la cassation des chefs de dispositif condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.
Soc. 28 février 2024 n° 22-22.428
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 28 février 2024
Cassation partielle
Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 249 F-D
Pourvois n° C 22-22.423 D 22-22.424 E 22-22.425 H 22-22.427 G 22-22.428 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 FÉVRIER 2024
La société CGI France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé les pourvois n° C 22-22.423, D 22-22.424, E 22-22.425, H 22-22.427, et G 22-22.428 contre cinq arrêts rendus le 15 juin 2022 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section A), dans les litiges l'opposant respectivement :
1°/ à M. [M] [O], domicilié [Adresse 3],
2°/ à Mme [C] [N], domiciliée [Adresse 5],
3°/ à M. [K] [B], domicilié [Adresse 7]
4°/ à M. [H] [I], domicilié [Adresse 4]
5°/ au syndicat CGT CGI, dont le siège est [Adresse 6],
6°/ à M. [S] [F], domicilié [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
MM. [O], [B], [F], [I] et Mme [N], ont formé des pourvois incidents communs contre les mêmes arrêts.
La demanderesse aux pourvois principaux invoque, à l'appui de ses recours, trois moyens communs de cassation.
Les demandeurs aux pourvois incidents invoquent, à l'appui de leur recours, des moyens de cassation.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société CGI France, de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de MM. [O], [B], [I], [F], Mme [N] et du syndicat CGT CGI, après débats en l'audience publique du 24 janvier 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n°C 22-22.423, D 22-22.424, E 22-22.425, H 22-22.427 et G 22-22.428 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon les arrêts attaqués (Bordeaux, 15 juin 2022), M. [O] et quatre autres salariés, engagés en qualité d'ingénieur analyste ou de consultants solutions par la société CGI France ont saisi la juridiction prud'homale le 26 juillet 2016, afin de solliciter la condamnation de leur employeur à leur verser des sommes au titre de l'exécution du contrat de travail.
3. Le syndicat CGT CGI est intervenu volontairement à l'instance afin de solliciter des dommages-intérêts pour atteinte à l'intérêt collectif de la profession et non-respect des dispositions collectives de branche et d'entreprise.
4. Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseil, du 15 décembre 1987 dite Syntec.
Examen des moyens
Sur les premier et deuxième moyens du pourvoi principal de l'employeur et les cinq moyens du pourvoi incident des salariés
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui soit sont irrecevables, soit ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le troisième moyen du pourvoi principal de l'employeur
Enoncé du moyen
6. L'employeur fait grief aux arrêts, après avoir jugé que la convention de forfait hebdomadaire était inopposable aux salariés, de le débouter de ses demandes en répétition du paiement des jours de réduction du temps de travail octroyés en application de ladite convention, alors :
« 1°/ que lorsque la convention de forfait appliquée au salarié est invalidée ou lui est déclarée inopposable, le paiement des jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de la convention devient indu pour la période d'inopposabilité de la convention de forfait ; qu'en déboutant la société CGI France de sa demande en répétition des sommes versées aux salariés au titre des jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de sa convention de forfait hebdomadaire en heures, au motif inopérant que les salariés avaient toujours travaillé au-delà de la durée légale de 35 heures hebdomadaires, quand elle a jugé que la convention de forfait hebdomadaire en heures leur était inopposable, dont il résultait que le paiement des jours de réduction du temps de travail devenaient automatiquement indus, la cour d'appel a violé l'article 1376 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
2°/ qu'en jugeant qu'il n'y avait pas lieu, en dépit de l'inopposabilité aux salariés de leur convention de forfait en heures sur la semaine, de les condamner à restituer à l'employeur les sommes qui leur avaient été versées au titre des jours de réduction du temps de travail, aux motifs que ¿'l'attribution de ces jours de RTT dits Ql, qui ne figure pas dans le contrat initial, n'était pas liée à la convention de forfait en heures mais à la réduction du temps de travail dans l'avenant conclu entre les parties à effet au 1er janvier 2009'¿ quand les conventions de forfait hebdomadaire en heures avaient été rendues possibles par l'application de l'accord collectif de branche Syntec du 22 juin 1999 ¿'sur la durée du travail (application de la loi du 13 juin 1998)'¿, d'une part, et de l'accord collectif d'entreprise Logica du 30 juin 2008 ¿'sur la réduction du temps de travail'¿ d'autre part, la cour d'appel qui a dissocié la convention de forfait hebdomadaire en heures de l'octroi des jours de réduction du temps de travail, a violé les deux accords collectifs précités, les articles L. 1221-1 du code du travail, 1134 et 1376 du code civil dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1376 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
7. Aux termes de ce texte, celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s'oblige à le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu.
8. Pour débouter l'employeur de ses demandes en répétition du paiement des jours de réduction du temps de travail octroyés en application des conventions de forfait en heure, les arrêts retiennent que les salariés ont été rémunérés pour une durée de travail supérieure à la durée légale, 38 h 30 au lieu de 35 heures en sorte que les jours de RTT correspondaient à un dépassement de la durée légale du travail et n'ont pas été indûment payés. Ils ajoutent que l'attribution de ces jours de RTT dits Q1, qui ne figure pas dans les contrats initiaux, n'était pas liée à la convention de forfait en heures mais à la réduction du temps de travail dans l'avenant conclu entre les parties à effet au 1er janvier 2009.
9. En statuant ainsi, alors qu'elle avait retenu que la convention de forfait à laquelle les salariés étaient soumis était privée d'effet, en sorte que, pour la durée de la période de suspension de la convention individuelle de forfait en heures, le paiement des jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de la convention était devenu indu, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
10. La cassation prononcée n'emporte pas celle des chefs de dispositif des arrêts condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.
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