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Soc. 10 juillet 2024 n° 22-20.049 B

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 10 juillet 2024



Cassation partielle

M. SOMMER, président


Arrêt n° 785 FS-B
Pourvoi n° X 22-20.049



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 10 JUILLET 2024
M. [R] [V], domicilié [Adresse 1], [Localité 4], a formé le pourvoi n° X 22-20.049 contre l'arrêt rendu le 15 juin 2022 par la cour d'appel de Limoges (chambre économique et sociale), dans le litige l'opposant à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 3], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Deltort, conseiller, les observations de Me Balat, avocat de M. [V], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou, et l'avis de M. Gambert, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 juin 2024 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Deltort, conseiller rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen, MM. Pietton, Barincou, Seguy, Mmes Douxami, Panetta, Brinet, conseillers, Mme Prieur, M. Carillon, Mme Maitral, M. Redon, conseillers référendaires, M. Gambert, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Limoges, 15 juin 2022), statuant sur renvoi après cassation (Soc., 13 octobre 2021, pourvoi n° 19-20.561), M. [V] a été engagé en qualité d'agent administratif par la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou à compter du 13 mars 1992. Il a signé une convention de forfait en jours le 29 juin 2006.
2. Après avoir démissionné par lettre du 11 avril 2016, il a saisi la juridiction prud'homale le 9 décembre 2016 aux fins, notamment, d'obtenir la requalification de sa démission en prise d'acte aux torts exclusifs de l'employeur produisant les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, avec toutes conséquences de droit, ainsi que le paiement d'une somme au titre des congés payés et le prononcé de la nullité de la convention de forfait en jours.
Examen des moyens
Sur les premier et second moyens, réunis
Enoncé des moyens
3. En son premier moyen, le salarié fait grief à l'arrêt de déclarer prescrite et en conséquence irrecevable sa demande en paiement d'un rappel de salaire, outre congés payés afférents, alors « que si, lorsqu'elle s'inscrit dans le prolongement d'un autre contentieux soumis au juge prud'homal, l'action en rappel de salaire doit être introduite avant l'expiration du délai de trois ans décompté à partir de la date à laquelle les salaires auraient dû être versés et non pas à compter de celle à laquelle le salarié a eu connaissance de l'irrégularité motivant l'engagement de ce contentieux, la prescription de cette action en rappel de salaire est interrompue par la saisine de la juridiction prud'homale appelée à statuer sur ce contentieux ; qu'en considérant que la demande en paiement d'un arriéré de salaires formée par M. [V] au titre des années 2013 à 2016 constituait une demande additionnelle au contentieux principal relatif à la validité de la convention de forfait en jours, qui aurait due être formée à compter du jour où il avait eu connaissance de l'irrégularité motivant l'engagement du contentieux et dont la prescription n'avait pas été interrompue par la saisine de la juridiction prud'homale le 9 décembre 2016, cependant que, dans la mesure où la demande en paiement de salaires s'inscrivait dans le prolongement de la demande visant à ce que soit annulée la convention de forfait en jours signée par les parties le 29 juin 2006, la prescription de cette action en paiement avait nécessairement été interrompue par la saisine de la juridiction prud'homale le 9 décembre 2016, la cour d'appel a violé l'article L. 3245-1 du code du travail. »
4. En son second moyen, le salarié fait grief à l'arrêt de déclarer prescrite et en conséquence irrecevable sa demande en paiement de dommages-intérêts pour travail dissimulé, alors « que la prescription d'une action en paiement de dommages et intérêts pour travail dissimulé qui s'inscrit dans le prolongement d'un autre contentieux qui en établit de bien-fondé est interrompue par la saisine de la juridiction prud'homale appelée à statuer sur ce contentieux ; qu'en considérant que la demande en paiement de dommages et intérêts pour travail dissimulé formée par M. [V] au titre des années 2013 à 2016 constituait une demande additionnelle au contentieux principal relatif à la validité de la convention de forfait en jours, qui aurait due être formée à compter du jour où il avait eu connaissance de l'irrégularité motivant l'engagement du contentieux et dont la prescription n'avait pas été interrompue par la saisine de la juridiction prud'homale le 9 décembre 2016, cependant que, dans la mesure où la demande en paiement de l'indemnité litigieuse s'inscrivait dans le prolongement de la demande visant à ce que soit annulée la convention de forfait en jours signée par les parties le 29 juin 2006, la prescription de cette action avait nécessairement été interrompue par la saisine de la juridiction prud'homale le 9 décembre 2016, la cour d'appel a violé l'article L. 1471-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1471-1 et L. 3245-1 du code du travail dans leur rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 et 2241 du code civil :
5. D'abord, selon le premier de ces textes toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.
6. Selon le deuxième, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, la demande pouvant porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.
7. Ensuite, il résulte du troisième de ces textes que si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque deux actions, bien qu'ayant une cause distincte, tendent à un seul et même but, de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première.
8. Pour déclarer prescrites et en conséquence irrecevables les demandes du salarié, l'arrêt retient, d'abord, concernant la demande de rappel de salaires, outre congés payés afférents, que c'est par ses écritures notifiées le 14 décembre 2021 que le salarié a présenté, pour la première fois, devant la cour d'appel, des demandes au titre de l'exécution de son contrat de travail, s'agissant de la condamnation de la caisse à des rappels de salaire, au titre des années 2013 à 2016, alors que dès le 9 décembre 2016, jour de la saisine du conseil de prud'hommes, il invoquait les conditions de la rupture de son contrat de travail et l'inopposabilité de sa convention de forfait en jours, de sorte qu'il avait donc nécessairement connaissance, à cette date, du fait qu'il pouvait demander le paiement des heures supplémentaires qu'il considérait avoir effectuées au titre des années 2013 à 2016, et le rappel de salaire.
9. Il en déduit que l'interruption de prescription dont bénéficie la demande principale ne s'étend pas à la demande formée après l'expiration du délai de prescription et dont l'objet est différent, ce qui est bien le cas en l'espèce s'agissant de demandes fondées sur l'exécution du contrat de travail et non sur sa rupture.
10. Il énonce ensuite, concernant la demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, qu'il s'agit, comme précédemment, d'une demande relative à l'exécution de son contrat de travail, formée pour la première fois par des conclusions notifiées le 14 décembre 2021, n'ayant pas le même objet que les demandes principales relatives à la rupture de son contrat de travail, de sorte que c'est à bon droit que la caisse invoque la prescription de cette action, laquelle a été exercée par les écritures notifiées plus de deux ans après la connaissance qu'il avait eue de l'existence des faits lui permettant de l'exercer.
11. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que les demandes en paiement de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires outre congés payés afférents et d'indemnité pour travail dissimulé poursuivaient le même but que la demande initiale tendant à la nullité de la convention de forfait en jours, à savoir la sanction du manquement par l'employeur à ses obligations en matière de droit au repos et paiement des heures de travail effectuées, de sorte qu'elles étaient virtuellement comprises dans la demande initiale, ce dont elle aurait dû déduire que la prescription des demandes nouvelles avait été interrompue par la demande initiale, la cour d'appel a violé les textes susvisés.




Soc. 12 juin 2024 n° 23-12.428

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 12 juin 2024



Rejet

Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 604 F-D
Pourvoi n° J 23-12.428



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 JUIN 2024
M. [U] [M], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 23-12.428 contre l'arrêt rendu le 14 décembre 2022 par la cour d'appel de Montpellier (1re chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société KPMG, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La société KPMG, a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [M], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société KPMG, après débats en l'audience publique du 7 mai 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Flores, conseiller rapporteur, M. Rouchayrole, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 14 décembre 2022), M. [M] a été engagé en qualité d'assistant confirmé le 3 décembre 1999, par la société KPMG. Au dernier état de la relation de travail, le salarié, qui était soumis à un forfait en jours, exerçait les fonctions de directeur du bureau de [Localité 3].
2. La relation de travail est soumise à la convention collective nationale des cabinets d'experts-comptables et de commissaires aux comptes du 9 décembre 1974.
3. Licencié le 21 novembre 2014, le salarié a, le 24 septembre 2015, saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses trois dernières branches, et le second moyen du pourvoi principal du salarié
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement est un licenciement pour faute grave, de le débouter de ses demandes indemnitaires au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, et au titre de l'indemnisation de la perte de chance de recevoir des dividendes, alors « que l'article 4.2.1 de la convention collective des experts-comptables dispose que bien qu'administrativement et économiquement en état de dépendance, les relations du professionnel lié à un autre membre de l'ordre ou de la compagnie par un contrat de travail ne sauraient donc être identiques à celles d'un collaborateur, quelle que soit la nature des tâches qui lui sont confiées, en raison des règles déontologiques et professionnelles qui caractérisent un état d'indépendance dans son activité proprement dite et placent les relations disciplinaires sous l'autorité de l'ordre ou de la compagnie parallèlement au pouvoir de l'employeur" ; qu'en l'espèce, M. [M] faisait valoir que l'ordre des experts-comptables n'avait jamais été informé de l'engagement d'une procédure disciplinaire à son encontre, ni des motifs qui lui étaient reprochés, de sorte que la procédure disciplinaire n'avait pas pu intervenir sous son autorité" contrairement à ce qui était prévu par l'article 4.2.1 de la convention collective ; qu'en retenant qu'il ressortait de l'article 4.2.1 de la convention collective que s'il existe un pouvoir disciplinaire parallèle à celui de l'employeur, il ne s'agit pas d'une procédure obligatoire et que le conseil de l'ordre des experts-comptables ou la compagnie des commissaires aux comptes n'ont pas à être préalablement avisés de l'engagement d'une procédure de licenciement", quand une telle interprétation de l'article 4.2.1 de la convention collective conduit à traiter un membre de l'ordre des experts-comptables exactement comme n'importe quel autre collaborateur, ce qui est contraire à la lettre et à l'esprit du texte, la cour d'appel a violé l'article 4.2.1 de la convention collective des experts-comptables. »
Réponse de la Cour
6. Selon l'article 4.2.1 de la convention collective nationale des cabinets d'experts-comptables et de commissaires aux comptes, « Les membres de l'Ordre et de la Compagnie », qui s'intègre dans un article 4 « classification », et un article 4.2 « grille des membres de l'ordre des experts-comptables et de la compagnie des commissaires aux comptes (Annexe B) », quelle que soit sa fonction dans un cabinet, travailleur indépendant, mandataire social ou associé d'une personne reconnue par l'ordre ou la compagnie, personne physique ou personne morale, titulaire d'un contrat de travail conclu avec un autre membre de l'ordre ou de la compagnie, le membre de l'ordre ou de la compagnie exerce sa profession dans le respect de l'ordonnance du 19 septembre 1945 et des textes subséquents l'ayant complétée ou modifiée. L'état de subordination dans lequel il se trouve sur le plan des conditions de travail, et qui caractérise l'existence d'un contrat de travail nonobstant toute qualification contraire, ne saurait, pour autant, l'assimiler à un autre collaborateur du cabinet ; notamment, il engage sa responsabilité personnelle dans les actes professionnels en les signant. Bien qu'administrativement et économiquement en état de dépendance, les relations du professionnel lié à un autre membre de l'ordre ou de la compagnie par un contrat de travail ne sauraient donc être identiques à celles d'un collaborateur, quelle que soit la nature des tâches qui lui sont confiées, en raison des règles déontologiques et professionnelles qui caractérisent un état d'indépendance dans son activité proprement dite et placent les relations disciplinaires sous l'autorité de l'ordre ou de la compagnie parallèlement au pouvoir de l'employeur. La réglementation professionnelle a pour conséquence que certains travaux ne peuvent être effectués que par un membre de l'ordre ou de la compagnie et que la structure des effectifs est conditionnée par le nombre d'experts-comptables inscrits du cabinet. La radiation de la liste ou la suspension de l'inscription, pour motif disciplinaire, met fin au contrat de travail dont la qualification de membre de l'ordre ou de la compagnie est un élément substantiel absolu. Les experts-comptables et/ou commissaires aux comptes salariés inscrits exercent non une fonction mais une profession libérale caractérisée par l'indépendance technique, dont découlent la responsabilité personnelle dans les actes professionnels et la liberté d'organisation de son temps de travail, dans le respect des règles déontologiques soumises au contrôle de l'ordre et/ou de la compagnie.
7. La cour d'appel, qui a retenu que ces dispositions n'instituaient pas au profit du salarié une garantie de fond en cas de licenciement, a fait l'exacte application des dispositions conventionnelles.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le moyen du pourvoi incident de l'employeur
Enoncé du moyen
9. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que la convention de forfait est nulle et de le condamner au paiement d'une somme au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents, alors « que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires ; que tel est le cas de l'accord d'aménagement et de réduction du temps de travail KPMG du 22 décembre 1999, qui prévoit que toute personne autonome (...) détermine elle-même l'amplitude de son temps de travail, notamment dans le cadre de la négociation de ses objectifs en début d'exercice social ; le suivi de son activité est effectué, suivant les cas, sur la base des objectifs quantitatifs et qualitatifs négociés et/ou du volume d'activité défini conjointement avec sa hiérarchie" (article 4.2) ; l'ensemble du personnel autonome fait l'objet, suivant les cas et les départements : soit d'une procédure de détermination concertée des objectifs annuels et d'appréciation des résultats ; elle se caractérise par un entretien annuel dont l'objet est, notamment, d'apprécier les résultats de l'exercice écoulé au regard des objectifs convenus et de déterminer, de façon concertée entre appréciateur et apprécié, des objectifs quantitatifs et qualitatifs pour l'exercice social à venir ; soit, d'une procédure d'appréciation concertée du volume d'activité annuelle, qui se traduit concrètement par un entretien annuel destiné à déterminer conjointement ce volume d'activité pour l'exercice social à venir (...)" (article 4.3) ; les directeurs d'entité garantiront qu'aucun personnel autonome ne soit amené en prévision ou a posteriori à effectuer des horaires excédant les dispositions afférentes aux minima journaliers et hebdomadaires de repos stipulées à l'article L. 220-1 du code du travail" (art.4.4) ; que, pour dire la convention de forfait nulle et condamner l'exposante au paiement d'heures supplémentaires, la cour d'appel, se fondant sur les seules dispositions de l'article 4.4 de cet accord, a retenu qu'il n'était pas suffisamment précis sur les modalités de décompte des journées et demi-journées travaillées, les conditions de contrôle de l'accord ainsi que du suivi de l'organisation et de l'amplitude de travail ; qu'en statuant ainsi, elle a violé l'alinéa 11 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article L. 212-15-3 du code du travail alors applicable, son article L. 3121-39 dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 10 août 2016, interprétés à la lumière de l'article 17, paragraphes 1 et 4 de la directive 1993-104 CE du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17, paragraphe 1, et 19 de la directive 2003-88 CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ensemble l'article 4 de l'accord d'aménagement et de réduction du temps de travail KPMG du 22 décembre 1999. »
Réponse de la Cour
10. Selon l'article 4.4 « aménagements et réduction du temps de travail » de l'accord d'entreprise en date du 22 décembre 1999, les cadres autonomes font l'objet d'une convention annuelle de forfait en jours telle que mentionnée à l'article L. 212-15-3 nouveau. En conséquence ils bénéficient, en sus de leurs congés payés d'un repos d'aménagement et de réduction de temps de travail spécifique de dix jours ouvrés par an. Toutefois le nombre de jours ouvrés par chaque personne ne pourra excéder un maximum de deux cent dix-sept jours ouvrés par an quels que soient les hasards du calendrier. Ces congés supplémentaires pourront être pris sur l'exercice épargné dans un compte-épargne-temps à l'initiative du salarié dans la limite maximale de cinq jours ouvrés par an. Le complément éventuellement nécessaire en fonction du calendrier pour respecter le plafond précité sera attribué en jours de ponts préfixés dans le calendrier de l'exercice social. Les objectifs et budgets d'activités convenus en début d'année tiennent compte des congés payés légaux, des éventuels jours de congés pour ancienneté et de ces congés supplémentaires. Ces jours de repos ARTT font l'objet d'une prise en charge spécifique pour le personnel autonome dont la rémunération est majoritairement variable en fonction de leur facturation personnelle. Les dispositions ainsi convenues excluent la rétribution en repos ou en paiement d'heures supplémentaires. Les directeurs d'entité garantiront qu'aucun personnel autonome ne soit amené en prévision ou a posteriori à effectuer des horaires excédant les dispositions afférentes aux minima journaliers et hebdomadaires de repos stipulés à l'article L. 220-1 du code du travail.
11. La cour d'appel a retenu que les dispositions conventionnelles ne précisaient pas les conditions de contrôle de l'application du forfait en jours ni les modalités du suivi de l'organisation du travail des salariés concernés ainsi que l'amplitude de leur journée de travail comme de la charge de travail qui en résulte. Elle a relevé que l'existence d'entretiens dialogues « My performance development » au cours desquels, selon l'employeur, le salarié avait tout loisir d'évoquer d'éventuelles difficultés, n'étaient pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restaient raisonnables, assuraient une bonne répartition dans le temps du travail de l'intéressé et assuraient ainsi la protection de la sécurité et de la santé du salarié.
12. La cour d'appel en a exactement déduit que l'accord d'entreprise ne répondait pas aux exigences légales et que la convention de forfait en jours était nulle.
13. Le moyen n'est donc pas fondé.




Soc. 12 juin 2024 n° 23-11.858

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 12 juin 2024



Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 605 F-D
Pourvoi n° Q 23-11.858





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 JUIN 2024
La Société nouvelle de l'hôtel atlantique, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 23-11.858 contre l'arrêt rendu le 8 décembre 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-5), dans le litige l'opposant à M. [X] [Y], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Techer, conseiller référendaire, les observations de la SCP Françoise Fabiani - François Pinatel , avocat de la Société nouvelle de l'hôtel atlantique, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [Y], après débats en l'audience publique du 7 mai 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Techer, conseiller référendaire rapporteur, M. Rouchayrole, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 8 décembre 2022), M. [Y] a été engagé en qualité de responsable de restauration d'un hôtel, le 1er juin 2018, par la Société nouvelle de l'hôtel atlantique. Les parties ont conclu une convention de forfait en jours.
2. Licencié le 30 mars 2020, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur les deux premiers moyens
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
4. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement nul et de le condamner à payer au salarié des sommes à titre d'indemnité pour licenciement nul, d'indemnité légale de licenciement, d'indemnité de préavis, outre congés payés afférents, et en application de l'article 700 du code de procédure civile, alors « qu'un licenciement ne peut être annulé que s'il a été prononcé en raison de l'exercice par le salarié d'une liberté fondamentale ; qu'en l'espèce, M. [Y] avait été licencié au motif de problèmes d'hygiène dans les cuisines, de problèmes de gestion du personnel, d'absence de développement du service restauration et de son absence au cours du service du soir, sans qu'à aucun moment, la société SNHA lui ait reproché, de manière explicite ou implicite, d'avoir fait valoir son droit à la santé et au repos ; qu'en retenant qu'en lui imposant d'effectuer un nombre important d'heures supplémentaires, la société SNHA aurait porté atteinte à ce droit au repos et à la santé, de sorte que le licenciement intervenu à la suite de cette violation devait être déclaré nul, sans constater qu'il aurait été prononcé en raison de l'exercice par le salarié dudit droit, la cour d'appel a violé de plus fort l'article L. 1235-3-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1235-3-1 du code du travail :
5. Selon ce texte, l'article L. 1235-3 n'est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Les nullités mentionnées au premier alinéa sont celles qui sont afférentes notamment à la violation d'une liberté fondamentale.
6. Pour dire le licenciement nul, l'arrêt relève qu'une clause de forfait a été insérée dans le contrat de travail en prévoyant 270 jours de travail par an, alors que le nombre de jours maximal que peut comprendre un forfait en jours est de 218. Il ajoute que, si une convention de forfait a été conclue le 1er juin 2019, en réduisant le nombre de jours travaillés au plafond légal, cette convention est privée d'effet. Il retient que l'employeur a imposé au salarié d'effectuer un nombre important d'heures supplémentaires et porté atteinte à son droit au repos et à la santé. Il en conclut que le licenciement intervenu à la suite de cette violation d'un droit fondamental doit être déclaré nul.
7. En statuant ainsi, sans caractériser l'existence d'un lien entre le licenciement prononcé et la violation d'une liberté fondamentale, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
8. La cassation prononcée est sans incidence sur les chefs de dispositif condamnant l'employeur aux dépens et au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, qui sont justifiés par d'autres condamnations prononcées à son encontre et non remises en cause.




Soc. 15 mai 2024 n° 23-14.188

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CL6


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 15 mai 2024



Rejet

Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 488 F-D
Pourvoi n° X 23-14.188



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 MAI 2024
M. [K] [P], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 23-14.188 contre l'arrêt rendu le 15 décembre 2022 par la cour d'appel de Rouen (chambre sociale et des affaires de sécurité sociale), dans le litige l'opposant à l'association Agence d'urbanisme de Rouen et des boucles de Seine-Eure, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
L'association Agence d'urbanisme de Rouen et des boucles de Seine-Eure a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'applui de son recours, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Redon, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. [P], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de l'association Agence d'urbanisme de Rouen et des boucles de Seine-Eure, après débats en l'audience publique du 2 avril 2024 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Redon, conseiller référendaire rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 15 décembre 2022), M. [P] a été engagé en qualité de directeur général par l'association Agence d'urbanisme de Rouen et des boucles de Seine-Eure à compter du 1er février 2010.
2. Il a été licencié pour faute grave par lettre du 6 mars 2019.
3. Contestant son licenciement, et sollicitant le paiement d'heures supplémentaires, il a saisi la juridiction prud'homale.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi principal
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen du pourvoi incident
Enoncé du moyen
5. L'employeur fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de restitution de la somme de 13 459,83 euros au titre des jours de réduction du temps de travail (RTT), alors « que celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu ; que l'inopposabilité de la convention de forfait entraîne l'obligation, pour le salarié, de restituer la rémunération perçue en contrepartie des jours de réduction de temps de travail pris en exécution de cette convention ; que pour rejeter la demande de restitution de l'indu de l'employeur, la cour d'appel a retenu que la convention de forfait en jours de M. [P] était privée d'effet, que l'association AURBSE justifiait que ce dernier avait bénéficié de 13 jours de RTT en 2016, 11 en 2017 et 12 en 2018 en exécution de cette convention et qu'il n'avait pas soustrait ses jours de RTT de sa demande d'heures supplémentaires mais s'était contenté de ne pas les valoriser en temps de travail et ainsi de ne pas solliciter d'heures supplémentaires sur les semaines durant lesquelles ces jours ont été posés ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il résultait de ses propres constatations que l'employeur justifiait que le salarié avait bénéficié de 13 jours de RTT en 2016, 11 en 2017 et 12 en 2018, en exécution d'une convention de forfait ultérieurement privée d'effet, ce dont elle aurait dû déduire que le paiement de ces journées de repos accordées en exécution de la convention était devenu indu et devait faire l'objet d'une restitution, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé l'article 1302-1 du code civil, ensemble les articles L. 3121-1 et L. 3121-64 du code du travail. »
Réponse de la Cour
6. La cour d'appel a relevé que le salarié avait bénéficié de 13 jours de RTT en 2016, 11 en 2017 et 12 en 2018, et que contrairement à ce qu'il affirmait, il n'avait pas soustrait ses jours de RTT de sa demande d'heures supplémentaires mais s'était contenté de ne pas les valoriser en temps de travail et ainsi de ne pas solliciter d'heures supplémentaires sur les semaines durant lesquelles ces jours ont été posés.
7. Elle a ensuite constaté l'existence d'heures supplémentaires en 2016, 2017 et 2018, puis, au regard des éléments apportés par chacune des parties, des fonctions qui étaient celles du salarié et de la charge de travail en résultant, également impactée par la baisse des effectifs et enfin des jours de RTT dont il avait bénéficié, en a évalué souverainement l'importance et a fixé en conséquence les créances salariales s'y rapportant.
8. De ces constatations et énonciations, dont il ressort que contrairement à ce que soutient le moyen, la cour d'appel a soustrait la somme versée au titre des jours de RTT accordés en exécution de la convention de forfait en jours, de la somme due au titre des heures supplémentaires, elle a exactement déduit que l'association n'était pas fondée en sa demande de restitution des sommes versées à ce titre qui avaient déjà été prises en compte.
9. Le moyen n'est donc pas fondé.




Soc. 15 mai 2024 n° 22-18.986

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 15 mai 2024



Rejet

M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 498 F-D
Pourvoi n° S 22-18.986



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 MAI 2024
M. [P] [G], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 22-18.986 contre l'arrêt rendu le 19 mai 2022 par la cour d'appel de Versailles (11e chambre), dans le litige l'opposant à la société Gaztransport et Technigaz, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Rinuy, conseiller, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [G], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Gaztransport et Technigaz, après débats en l'audience publique du 3 avril 2024 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rinuy, conseiller rapporteur, Mme Sommé, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 19 mai 2022), M. [G] a été engagé, le 9 janvier 2017, en qualité de responsable développement informatique par la société Gaztransport et Technigaz (la société).
2. La société a, le 12 novembre 2018, convoqué le salarié à un entretien préalable en vue de son licenciement, qui s'est déroulé le 22 novembre 2018, et lui a notifié, le 27 novembre 2018, son licenciement pour cause réelle et sérieuse.
3. Le 2 juillet 2019, le salarié a saisi la juridiction prud'homale.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de juger que la convention de forfait en jours lui était opposable et de rejeter ses demandes de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires pour 2017 et 2018, outre les congés payés afférents, d'indemnité de travail dissimulé et de rappel d'indemnité compensatrice de préavis et d'indemnité conventionnelle de licenciement, alors « que la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut au défaut de motifs ; qu'en l'espèce, après avoir, dans ses motifs, retenu que le salarié ne pouvait pas contester l'application de la clause de forfait à son contrat de travail, l'arrêt a confirmé le jugement ayant, dans son dispositif, jugé que la convention de forfait-jours ne lui était pas opposable ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a entaché sa décision d'une contradiction entre les motifs et le dispositif, a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
6. La contradiction existant entre les motifs et le dispositif procède d'une erreur matérielle qui peut, selon l'article 462 du code de procédure civile, être réparée par la Cour de cassation à laquelle est déférée la décision dont la rectification sera ci-après ordonnée.
7. Le moyen ne peut, dès lors, être accueilli.




Soc. 24 avril 2024 n° 22-22.286 B

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CH9


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 24 avril 2024



Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 405 F-B
Pourvoi n° D 22-22.286



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 24 AVRIL 2024
M. [S] [R], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 22-22.286 contre l'arrêt rendu le 25 août 2022 par la cour d'appel de Dijon (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Aldi Marché 9, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la Société Leader Distribution Chenove défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, cinq moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Techer, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [R], après débats en l'audience publique du 13 mars 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Techer, conseiller référendaire rapporteur, M. Rouchayrole, conseiller, et Mme Thuillier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 25 août 2022), M. [R] a été engagé en qualité d'adjoint chef de magasin, le 1er juillet 2005, par la société Leader Distribution Chenôve, aux droits de laquelle se trouve la société Aldi marché 9. À compter du 13 novembre 2006, une convention de forfait en jours a été conclue.
2. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale le 8 juillet 2015 à l'effet d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail et le paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture dudit contrat.
3. Le 15 septembre 2017, il a été licencié.
Examen des moyens
Sur le deuxième moyen
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes en paiement d'un rappel de salaire à titre d'heures supplémentaires et d'une indemnité pour travail dissimulé, alors « que seule une prétention, définie comme l'avantage économique et social concret attendu de l'exercice de l'action, doit figurer dans le dispositif des conclusions ; qu'en relevant, pour débouter l'exposant de sa demande de paiement d'heures supplémentaires, que M. [R] ne formul[ait] dans le dispositif de ses conclusions aucune demande de nullité de la clause de forfait en jours tel qu'alléguée dans le corps de ses écritures au soutien de sa demande de rappel d'heures supplémentaires et de repos compensateur quand la seule prétention de l'exposant portait sur l'obtention d'un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires qu'il avait effectuées de sorte, la nullité de la convention n'étant qu'un moyen soulevé à l'appui de cette prétention, la cour d'appel a violé l'article 954 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 4 et 954 du code de procédure civile :
6. Selon le second de ces textes, d'une part, dans les procédures avec représentation obligatoire, les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée, d'autre part, les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif et la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.
7. La contestation de la validité d'une convention de forfait en jours sur laquelle est fondée une demande en paiement d'un rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires constitue un moyen et non une prétention au sens du premier texte.
8. Il en résulte qu'elle n'a pas à figurer dans le dispositif des conclusions.
9. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement au titre d'heures supplémentaires, l'arrêt relève que la demande de nullité de la clause de forfait en jours, invoquée dans le corps de ses écritures au soutien de sa demande de rappel d'heures supplémentaires et de repos compensateur, ne figure pas dans le dispositif de ses conclusions. Il ajoute que le salarié concerné par une convention de forfait en jours n'est pas soumis aux durées maximales, quotidiennes et hebdomadaires de travail de l'article L. 3121-48 du code du travail et que ne s'appliquent pas non plus les dispositions relatives aux heures supplémentaires.
10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
11. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif déboutant le salarié de sa demande en paiement au titre d'heures supplémentaires entraîne la cassation des chefs de dispositif le déboutant de ses demandes en paiement de repos compensateur, de compléments d'indemnités de licenciement et de préavis, en résiliation judiciaire produisant les effets d'un licenciement nul et en indemnisation subséquente, en résiliation judiciaire produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et indemnisation subséquente, en contestation du bien-fondé de son licenciement et indemnisation subséquente, en remise de documents de fin de contrat, en paiement d'une indemnité de procédure et le condamnant aux dépens, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.




Soc. 24 avril 2024 n° 22-20.539 B

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 24 avril 2024



Cassation partielle

M. SOMMER, président


Arrêt n° 413 FS-B
Pourvoi n° E 22-20.539


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 24 AVRIL 2024

Mme [W] [R], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° E 22-20.539 contre l'arrêt rendu le 22 juin 2022 par la cour d'appel de Montpellier (1re chambre sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Ernst and Young société d'avocats, société d'exercice libéral par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ au bâtonnier de l'ordre des avocats de Montpellier, dont le siège est [Adresse 4],
3°/ au procureur général près la cour d'appel de Montpellier, dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [R], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Ernst and Young société d'avocats, et l'avis de M. Halem, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 mars 2024 où étaient présents M. Sommer, président, M. Flores, conseiller rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, M. Rouchayrole, Mmes Deltort, Le Quellec, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, Techer, Rodrigues, conseillers référendaires, M. Halem, avocat général référendaire, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 22 juin 2022), Mme [R] a été engagée par la société Ernst and Young (la société) en qualité d'assistante, le 7 octobre 2013, puis en qualité d'avocate suivant contrat de travail du 5 novembre 2013, soumis à la convention collective nationale des cabinets d'avocats (avocats salariés) du 17 février 1995 et comportant une convention de forfait en jours. Elle a été promue au grade de senior 1 en juillet 2015, puis à celui de senior 3 en juillet 2017. Elle a été en congé de maternité, suivi d'un congé parental, du 2 mars au 28 septembre 2018, puis à nouveau du 31 mai 2019 au 15 janvier 2020.
2. La salariée a été licenciée pour cause réelle et sérieuse par lettre du 27 mai 2020.
3. Soutenant avoir subi une discrimination en raison de son sexe et de son état de maternité, la salariée a saisi, le 29 janvier 2021, le bâtonnier de l'ordre des avocats de demandes tendant notamment à ordonner son repositionnement au grade senior manager 1 au 1er juillet 2019, à condamner la société au paiement de rappels de salaires correspondants du 1er juillet 2019 au 11 novembre 2020, de rattrapages d'intéressement et de participation ainsi que de bonus sur cette période, de dommages-intérêts en réparation du préjudice financier lié à la discrimination et de rappel d'heures supplémentaires, à prononcer la nullité de son licenciement, à ordonner sa réintégration et à condamner la société au paiement d'une somme provisionnelle à titre d'indemnité d'éviction à compter du 12 novembre 2020.
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes tendant à ordonner son repositionnement au grade senior manager 1 au 1er juillet 2019, à fixer sa rémunération globale au niveau moyen des salariés situés au grade senior manager 1 au 1er juillet 2019, soit 7 112,50 euros mensuels bruts, à condamner la société au paiement de diverses sommes à titre de rappels de salaires correspondants entre cette date et le 11 novembre 2020, de rattrapages d'intéressement et de participation, de bonus correspondants sur la période et de dommages-intérêts au titre de son préjudice financier lié à la discrimination, et de la débouter de ses demandes tendant à ordonner sa réintégration et à condamner la société au paiement d'une somme provisionnelle au titre de l'indemnité d'éviction à compter du 12 novembre 2020, à parfaire au jour de la décision à intervenir, outre les augmentations moyennes individuelles et générales perçues par les salariés de la même catégorie ainsi que les avantages, primes et salaires de toute nature, alors « que la réparation intégrale d'un dommage oblige à placer celui qui l'a subi dans la situation où il se serait trouvé si le comportement dommageable n'avait pas eu lieu et que les dispositions de l'article L. 1134-5 du code du travail ne font pas obstacle à ce que le juge ordonne le reclassement d'un salarié victime de discrimination ; qu'en conséquence, lorsqu'il apparaît qu'un salarié a été privé d'une possibilité de promotion par suite d'une discrimination, ce dernier peut prétendre, en réparation du préjudice qui en est résulté dans le déroulement de sa carrière, à un reclassement au niveau de classification qu'il aurait atteint en l'absence de discrimination ; qu'il appartient alors au juge de rechercher à quelle classification le salarié serait parvenu en l'absence de discrimination ; qu'en l'espèce, alors que Mme [R] demandait son repositionnement au grade de Senior Manager 1 au 1er juillet 2019, pour débouter la salariée de cette demande, la cour d'appel a relevé qu'il était justifié aux débats que le passage à ce grade nécessitait d'assurer le suivi commercial et technique des missions ainsi que la participation à la vie interne et l'encadrement d'une équipe et qu'aucun élément ne permettait d'affirmer que cette promotion était due à Mme [R] au 1er juillet 2019, date à laquelle elle se trouvait en congé maternité ; qu'en statuant par ces motifs inopérants, sans rechercher à quel grade la salariée serait parvenue en l'absence de discrimination, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1132-1, L. 1142-1 et L. 1134-5 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1132-1, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2020-760 du 22 juin 2020, et L. 1134-5 du code du travail et le principe de la réparation intégrale du préjudice :
5. Selon le principe susvisé, la réparation intégrale d'un dommage oblige à placer celui qui l'a subi dans la situation où il se serait trouvé si le comportement dommageable n'avait pas eu lieu.
6. Il résulte des articles L. 1132-1 et L. 1134-5 du code du travail que le salarié privé d'une possibilité de promotion par suite d'une discrimination peut prétendre, en réparation du préjudice qui en est résulté dans le déroulement de sa carrière, à un reclassement dans le coefficient de rémunération qu'il aurait atteint en l'absence de discrimination et qu'il appartient au juge de rechercher à quel coefficient de rémunération le salarié serait parvenu sans la discrimination constatée.
7. Pour débouter la salariée de sa demande tendant à ordonner son repositionnement au grade senior manager 1 au 1er juillet 2019, l'arrêt retient que le passage à ce grade nécessite d'assurer le suivi commercial et technique des missions ainsi que la participation à la vie interne et l'encadrement d'une équipe et qu'aucun élément ne permet d'affirmer que cette promotion était due à la salariée au 1er juillet 2019, date à laquelle elle se trouvait en congé de maternité.
8. En statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors qu'ayant retenu que la salariée avait subi une discrimination en raison de son état de grossesse à compter du 2 mars 2018, date de son premier congé de maternité, se caractérisant notamment par une modification des modalités de son évaluation et une chute de sa rémunération, il lui incombait de rechercher à quel grade conventionnel la salariée serait parvenue sans la discrimination constatée, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Sur le moyen relevé d'office
9. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.
Vu l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article L. 3121-39 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, interprété à la lumière des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne :
10. Le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles.
11. Il résulte des articles susvisés de la directive de l'Union européenne que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur.
12. Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.
13. Aux termes de l'article 12 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'exécution d'une convention individuelle de forfait en jours conclue sur le fondement d'une convention ou d'un accord de branche ou d'un accord d'entreprise ou d'établissement qui, à la date de publication de la présente loi, n'est pas conforme aux 1° à 3° du II de l'article L. 3121-64 du code du travail peut être poursuivie, sous réserve que l'employeur respecte l'article L. 3121-65 du même code. Sous ces mêmes réserves, l'accord collectif précité peut également servir de fondement à la conclusion de nouvelles conventions individuelles de forfait.
14. Pour débouter la salariée de sa demande en paiement d'une somme au titre des heures supplémentaires, l'arrêt retient que l'employeur soutient que la convention de forfait en jours est autorisée par l'avenant 7 du 7 avril 2000 relatif à la réduction du temps de travail de la convention collective des avocats salariés dans la limite de deux cents dix-sept jours, que l'accord d'entreprise signé le 14 mai 2007 contient l'ensemble des mentions légalement prévues et mettant en place les garanties suffisantes et que l'avenant n° 15 du 25 mai 2012, relatif au forfait annuel en jours de la convention collective des avocats, qui est applicable au sein du cabinet, valide cette convention de forfait.
15. En statuant ainsi, alors que ni les dispositions de l'avenant n° 7 du 7 avril 2000 relatif à la réduction du temps de travail, alors applicable, à la convention collective des avocats salariés (cabinets d'avocats) du 17 février 1995, qui, dans le cas de forfaits en jours, se limitaient à prévoir, en premier lieu, que le nombre de journées ou demi-journées de travail sera comptabilisé sur un document établi à la fin de l'année par l'avocat concerné et précisant le nombre de journées ou de demi-journées de repos pris, en second lieu, qu'il appartient aux salariés concernés de respecter les dispositions impératives ayant trait au repos quotidien et au repos hebdomadaire, le cabinet devant veiller au respect de ces obligations, ni les stipulations de l'accord d'entreprise relatif à l'organisation du temps de travail du 14 mai 2007 qui se bornent à prévoir qu'un suivi du temps de travail sera effectué pour tout collaborateur sur une base annuelle, que toutefois, autant que faire se peut, la direction cherchera à faire un point chaque trimestre et à attirer l'attention des collaborateurs dont le suivi présente un solde créditeur ou débiteur trop important afin qu'ils fassent en sorte de régulariser la situation au cours du trimestre suivant, ni les dispositions de l'avenant n° 15, à la convention collective des avocats salariés (cabinets d'avocats) du 17 février 1995, du 25 mai 2012, relatif au forfait annuel en jours, qui se bornent à prévoir que l'avocat doit organiser son travail pour ne pas dépasser onze heures journalières, sous réserve des contraintes horaires résultant notamment de l'exécution des missions d'intérêt public, que le nombre de journées ou de demi-journées de travail sera comptabilisé sur un document de contrôle établi à échéance régulière par l'avocat salarié concerné selon une procédure établie par l'employeur, que l'avocat salarié bénéficie annuellement d'un entretien avec sa hiérarchie portant sur l'organisation du travail, sa charge de travail, l'amplitude de ses journées d'activité, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale et sa rémunération, que l'employeur ou son représentant doit analyser les informations relatives au suivi des jours travaillés au moins une fois par semestre et que l'avocat salarié pourra alerter sa hiérarchie s'il se trouve confronté à des difficultés auxquelles il estime ne pas arriver à faire face, en ce qu'elles ne permettent pas à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, ne sont pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié, ce dont elle aurait dû déduire que, sous réserve de l'application des dispositions de l'article 12 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, la convention de forfait en jours était nulle, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur le quatrième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
16. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en paiement d'une somme au titre des heures supplémentaires, alors « qu'il appartient à l'employeur qui conclut avec un salarié une convention individuelle de forfait en jours sur l'année de s'assurer régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail ; que l'accord collectif autorisant la conclusion de conventions individuelles de forfait en jours détermine les modalités selon lesquelles l'employeur assure l'évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié ; que l'exécution d'une convention individuelle de forfait en jours conclue sur le fondement d'une convention ou d'un accord de branche ou d'un accord d'entreprise ou d'établissement qui, au 9 août 2016 ne détermine pas ces modalités peut être poursuivie, sous réserve notamment que l'employeur s'assure que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires ; qu'en l'espèce, pour débouter Madame [R] de sa demande tendant à voir prononcer la nullité du forfait jour et de sa demande subséquente en paiement d'heures supplémentaires, la Cour d'appel a relevé que la convention de forfait en jours était autorisée par l'avenant n° 7 du 7 avril 2000 relatif à la réduction du temps de travail de la convention collective des avocats salariés dans la limite de 217 jours par an, que l'accord d'entreprise signé le 14 mai 2007 contenait l'ensemble des mentions légalement prévues et mettait en place les garanties suffisantes, que l'avenant n° 15 du 25 mai 2012 relatif au forfait annuel en jours de la convention collective des avocats salariés applicable au sein du cabinet validait cette convention de forfait et que conformément aux dispositions de la loi travail du 8 août 2016 la société employeur avait complété l'ensemble des dispositions conventionnelles par une charte des bonnes pratiques en matière d'organisation du temps de travail, et en a déduit qu'il était inexact d'affirmer qu'aucun outil de contrôle de la charge de travail n'avait été mis en place par l'employeur pour garantir le bon équilibre de la vie professionnelle des salariés ; qu'en statuant ainsi sans rechercher si la charte des bonnes pratiques dont se prévalait la société employeur prévoyait des modalités d'évaluation et de suivi régulier de la charge de travail du salarié permettant notamment à l'employeur de s'assurer que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires, quand, ni les dispositions de l'avenant n° 7 du 7 avril 2000 relatif à la réduction du temps de travail à la convention collective des avocats salariés du 17 février 1995, ni les stipulations de l'accord d'entreprise relatif à l'organisation du temps de travail du 14 mai 2007 n'étaient de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressée, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles L. 3121-60, L. 3121-64 et L. 3121-65 du Code du travail ensemble de l'article 12 de la loi 6 n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 3121-60 et L. 3121-65 I du code du travail, l'article 12 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :
17. Aux termes du premier de ces textes, dont les dispositions sont d'ordre public, l'employeur s'assure régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail.
18. Aux termes du deuxième, à défaut de stipulations conventionnelles prévues aux 1° et 2° du II de l'article L. 3121-64, une convention individuelle peut être valablement conclue sous réserve des dispositions suivantes : 1° L'employeur établit un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées. Sous la responsabilité de l'employeur, ce document peut être renseigné par le salarié ; 2° L'employeur s'assure que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires ; 3° L'employeur organise une fois par an un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail, qui doit être raisonnable, l'organisation de son travail, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération.
19. Aux termes du troisième, l'exécution d'une convention individuelle de forfait en jours conclue sur le fondement d'une convention ou d'un accord de branche ou d'un accord d'entreprise ou d'établissement qui, à la date de publication de la présente loi, n'est pas conforme aux 1° à 3° du II de l'article L. 3121-64 du code du travail peut être poursuivie, sous réserve que l'employeur respecte l'article L. 3121-65 du même code. Sous ces mêmes réserves, l'accord collectif précité peut également servir de fondement à la conclusion de nouvelles conventions individuelles de forfait.
20. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'une somme au titre des heures supplémentaires, l'arrêt retient que l'employeur a complété l'ensemble des dispositions conventionnelles applicables par une charte des bonnes pratiques en matière d'organisation du temps de travail et qu'il est inexact d'affirmer qu'aucun outil de contrôle de la charge de travail n'a été mis en place par l'employeur pour garantir le bon équilibre de la vie professionnelle et de la vie personnelle des salariés.
21. En statuant ainsi, par des motifs généraux impropres à caractériser que la charte des bonnes pratiques en matière d'organisation du temps de travail était de nature à répondre aux exigences de l'article L. 3121-65 du code du travail et que l'employeur avait effectivement exécuté son obligation de s'assurer régulièrement que la charge de travail de la salariée était raisonnable et permettait une bonne répartition dans le temps de son travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
22. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt déboutant la salariée de ses demandes de repositionnement au grade senior manager 1 au 1er juillet 2019, de ses demandes salariales subséquentes, de ses demandes de dommages-intérêts au titre de son préjudice financier lié à la discrimination, de réintégration et au titre de l'indemnité d'éviction entraîne la cassation du chef de dispositif condamnant la société à payer à la salariée des dommages-intérêts pour licenciement nul qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
23. La cassation des chefs de dispositif déboutant la salariée de ses demandes de repositionnement au grade senior manager 1 au 1er juillet 2019, de ses demandes salariales subséquentes, de ses demandes de dommages-intérêts au titre de son préjudice financier lié à la discrimination, de réintégration et au titre de l'indemnité d'éviction et condamnant la société à payer à la salariée des dommages-intérêts pour licenciement nul et de sa demande en paiement d'une somme au titre des heures supplémentaires effectuées et non payées, n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant la société aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celle-ci non remises en cause.




Soc. 27 mars 2024 n° 22-17.078

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 27 mars 2024



Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 367 F-D
Pourvoi n° T 22-17.078



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 27 MARS 2024
M. [D] [H], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° T 22-17.078 contre l'arrêt rendu le 31 mars 2022 par la cour d'appel d'Orléans (chambre sociale A, section 2), dans le litige l'opposant à la société Tenotel, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. [H], après débats en l'audience publique du 28 février 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, M. Flores, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 31 mars 2022), M. [H] a été engagé en qualité de directeur d'hôtels par la société Tenotel à compter du 1er juin 2015, au statut cadre. Son contrat de travail, soumis à la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants du 30 avril 1997, incluait un forfait annuel en jours.
2. Le salarié a saisi le 9 juillet 2018 la juridiction prud'homale d'une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail.
3. Par lettre du 22 novembre 2018, il a notifié à son employeur sa démission, en lui reprochant différents manquements à ses obligations contractuelles. Il a sollicité du conseil de prud'hommes la requalification de cette démission en prise d'acte de la rupture produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et la condamnation de l'employeur à lui payer diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que sa prise d'acte de la rupture de son contrat de travail s'analysait en une démission, de le débouter de sa demande tendant à faire requalifier sa démission en prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que de ses demandes subséquentes, et de le condamner à payer à l'employeur une certaine somme à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents, alors :
« 1°/ qu'en retenant que ''M. [P] indique dans l'email du 8 novembre 2016 que « aucune augmentation de salaire n'a jamais été discutée en CODIR » (comité de direction), et notamment pas celle invoquée par M. [H], de sorte qu'il apparaît que seule une décision de cette instance aurait pu constituer un engagement de la part de l'employeur en ce sens'', quand il ressortait de ce courriel, qu'à l'exception d'un cas dans sa région, aucune augmentation de salaire n'a jamais été discutée au niveau du comité de direction (CODIR), de sorte que cet organe ne décidait pas des augmentations de salaire, la cour d'appel en a, malgré l'interdiction qui lui est faite, dénaturé les termes et la portée ;
2°/ qu'en retenant que seule une décision du comité de direction aurait pu constituer un engagement de la part de l'employeur d'augmenter le salaire, sans préciser le fondement juridique de sa décision, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile ;
3°/ qu'en relevant d'office le moyen pris de ce que seule une décision du comité de direction aurait pu constituer un engagement de la part de l'employeur en vue de l'augmentation des salaires, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
5. Sous le couvert de griefs non fondés de dénaturation d'un courriel et de violations de la loi, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine par la cour d'appel des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, au terme de laquelle elle a retenu que le salarié n'apportait pas la démonstration de l'existence d'un engagement ferme de son employeur quant à une augmentation de son salaire fixe.
Sur les deuxième et troisième moyens réunis, en ce qu'ils font grief à l'arrêt de condamner le salarié à payer à l'employeur une certaine somme à titre de congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis
Énoncé des moyens
6. Par le deuxième moyen, le salarié fait ce grief à l'arrêt, alors :
« 1°/ que l'employeur est tenu d'organiser une fois par an un entretien avec le salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année, portant sur sa charge de travail, l'organisation de son travail, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération ; qu'un entretien d'évaluation et de performance qui a pour seul objet d'évaluer les performances du salarié ne constitue pas un tel entretien ; qu'en retenant que l'employeur a mis en place annuellement des entretiens d'évaluation au cours desquels le rythme de travail ou l'amplitude de ses horaires n'a donné à aucune remarque, après avoir constaté que seul un entretien d'évaluation et de performance avait été organisé, la cour d'appel a violé l'article L. 3121-46 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, les articles L. 3121-60 et L.3121-65 du même code dans leur rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et l'article 2.4 de l'avenant n° 22 bis du 7 octobre 2016 relatif aux cadres autonomes à la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants du 30 avril 1997 ;
2°/ en toute hypothèse qu'en retenant que ''l'employeur a mis en place annuellement des entretiens d'évaluation au cours desquelles le rythme de travail de M. [H] ou l'amplitude de ses horaires n'a donné lieu à aucune remarque particulière de sa part'' et que ''la SAS Tenotel a bien mis en place des entretiens annuels ayant pour objet de faire le bilan de l'année écoulée et d'acter les perspectives de l'année à venir'', quand il ressortait des comptes- rendus d'entretiens produits par l'employeur qu'ils n'avaient eu lieu qu'en 2014 et en 2016 et qu'aucune partie de ceux-ci n'était dédiée à aborder la charge de travail, l'organisation de son travail, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération, la cour d'appel en a, malgré l'interdiction qui lui en est faite, dénaturé les termes. »
7. Par le troisième moyen, le salarié fait ce grief à l'arrêt, alors « que l'indemnité due par le salarié à l'employeur en cas de non-respect de son préavis n'ouvre pas droit à des congés payés au profit de l'employeur ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 1237-1 du code du travail, ensemble l'article 30 de la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants du 30 avril 1997. »
Réponse de la Cour
8. Les moyens, qui critiquent les motifs et non un chef de dispositif de l'arrêt, sont irrecevables.
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de dire que la prise d'acte du salarié s'analyse en une démission et de le débouter en conséquence de sa demande tendant à faire requalifier sa démission en prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de ses demandes subséquentes, et de le condamner à payer à l'employeur une certaine somme à titre d'indemnité compensatrice de préavis
Enoncé du moyen
9. Le salarié fait ce grief à l'arrêt, alors « que l'employeur est tenu d'organiser une fois par an un entretien avec le salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année, portant sur sa charge de travail, l'organisation de son travail, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération ; qu'un entretien d'évaluation et de performance qui a pour seul objet d'évaluer les performances du salarié ne constitue pas un tel entretien ; qu'en retenant que l'employeur a mis en place annuellement des entretiens d'évaluation au cours desquels le rythme de travail ou l'amplitude de ses horaires n'a donné [lieu] à aucune remarque, après avoir constaté que seul un entretien d'évaluation et de performance avait été organisé, la cour d'appel a violé l'article L. 3121-46 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, les articles L. 3121-60 et L. 3121-65 du même code dans leur rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et l'article 2.4 de l'avenant n° 22 bis du 7 octobre 2016 relatif aux cadres autonomes à la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants du 30 avril 1997. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 3121-46 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, L. 3121-64 II du même code, 2.4 de l'avenant n° 22 du 16 décembre 2014 à la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants du 30 avril 1997, relatif aux cadres autonomes, étendu par arrêté du 29 février 2016 et 2.4 de l'avenant n° 22 bis du 7 octobre 2016 à la même convention collective, étendu par arrêté du 9 mars 2018 :
10. Selon le premier de ces textes, un entretien annuel individuel est organisé par l'employeur avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année. Il porte sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié.
11. Selon les deux derniers, chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours devra bénéficier chaque année d'un entretien avec son supérieur hiérarchique au cours duquel seront évoquées la charge de travail du salarié, l'amplitude de ses journées d'activité, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle et familiale ainsi que sa rémunération.
12. Lorsque l'employeur ne respecte pas les dispositions légales et les stipulations de l'accord collectif qui ont pour objet d'assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié et de son droit au repos, la convention de forfait en jours est privée d'effet de sorte que le salarié peut prétendre au paiement d'heures supplémentaires dont le juge doit vérifier l'existence et le nombre.
13. Pour rejeter la demande du salarié tendant à faire juger sa convention de forfait en jours inopposable, l'arrêt retient que l'employeur a mis en place annuellement des entretiens d'évaluation au cours desquels le rythme de travail de l'intéressé ou l'amplitude de ses horaires n'a donné lieu à aucune remarque particulière de sa part, de sorte qu'il ne peut être retenu un défaut de suivi régulier quant à l'amplitude de sa charge de travail.
14. En statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser qu'au cours du déroulement de ces entretiens d'évaluation, avaient été évoquées l'organisation et la charge de travail du salarié ainsi que l'amplitude de ses journées d'activité, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle et familiale et sa rémunération, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
15. La cassation prononcée n'emporte pas cassation du chef de dispositif condamnant l'employeur aux dépens justifié par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.




Soc. 13 mars 2024 n° 22-19.133

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
HP


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 13 mars 2024



Cassation partielle partiellement sans renvoi

Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 297 F-D
Pourvoi n° B 22-19.133



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 13 MARS 2024
La société Epigone, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° B 22-19.133 contre l'arrêt rendu le 18 mai 2022 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre civile), dans le litige l'opposant à M. [K] [D], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
M. [D] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, sept moyens de cassation.
Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Cavrois, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Epigone, de la SARL Corlay, avocat de M. [D], après débats en l'audience publique du 7 février 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Cavrois, conseiller rapporteur, Mme Deltort, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 18 mai 2022), M. [D] a été engagé, en qualité de responsable de site, par la société Epigone, à compter du 1er février 2000 par un contrat à temps partiel puis à temps complet à compter du 1er juin 2000.
2. Le 8 mars 2016, le médecin du travail l'a déclaré inapte en une seule visite.
3. Le licenciement a été notifié au salarié par lettre du 14 avril 2016 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
4. Le salarié a saisi, le 31 août 2017, la juridiction prud'homale de demandes relatives à l'exécution et à la rupture du contrat de travail.
Examen des moyens
Sur les premier à sixième moyens du pourvoi principal de l'employeur et sur le second moyen du pourvoi incident du salarié
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le septième moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
6. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié une certaine somme au titre de l'indemnité équivalente à l'indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents, et de dire que l'employeur devrait dans les deux mois de la signification de l'arrêt délivrer au salarié l'attestation destinée à Pôle emploi, le certificat de travail et le bulletin de paie rectifiés, alors « que l'indemnité prévue à l'article L. 1226-14 du code du travail, au paiement de laquelle l'employeur est tenu en cas de rupture du contrat de travail d'un salarié déclaré par le médecin du travail inapte à son emploi en conséquence d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, et dont le montant est égal à celui de l'indemnité prévue à l'article L. 1234-5 du code du travail, n'a pas la nature d'une indemnité de préavis et que, dès lors, elle n'ouvre pas droit à congés payés ; qu'en l'espèce, en allouant au salarié une somme à titre de congés payés sur l'indemnité compensatrice de préavis versée en application de l'article L. 1226-14 du code du travail, la cour d'appel a violé la disposition susvisée. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1226-14 du code du travail :
7. Il résulte de ce texte que l'indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis n'a pas la nature d'une indemnité de préavis et n'ouvre pas droit à congés payés.
8. La cour d'appel a alloué au salarié une somme correspondant à l'indemnité de préavis et une somme au titre des congés payés afférents.
9. En statuant ainsi, elle a violé le texte susvisé.
Et sur le premier moyen du pourvoi incident
Enoncé du moyen
10. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que les demandes en paiement pour la période antérieure au 1er août 2014 sont irrecevables car prescrites et de limiter en conséquence la condamnation au paiement de l'employeur au titre des heures supplémentaires à la somme de 15 944,40 euros, outre congés payés afférents, alors « que la durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance invoquée, l'action en paiement d'un rappel de salaire fondée sur l'application erronée d'une convention de forfait en jours est soumise à la prescription triennale de l'article L. 3245-1 du code du travail ; que la demande non prescrite peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le contrat de travail a été rompu le 14 avril 2016, M. [D] ayant été licencié à cette date pour inaptitude avec impossibilité de reclassement ; que M. [D] a introduit sa demande le 31 août 2017 ; que la demande de M. [D] portait sur les heures supplémentaires accomplies entre le 26 avril 2013 et le 31 octobre 2015 ; que la demande en paiement des heures supplémentaires, qui ne se trouvait pas prescrite au moment de la saisine du juge, pouvait donc porter sur les trois années antérieures à la rupture du contrat, soit à compter du 14 avril 2013 ; qu'en considérant que M. [D] au titre de la demande en paiement des heures supplémentaires ''(?) est irrecevable en ses demandes pour la période antérieure au 1er août 2014'', soit dans les trois ans précédant la saisine du juge, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé l'article L. 3245-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3245-1 du code du travail :
11. Aux termes de ce texte, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.
12. Pour dire irrecevables les demandes en paiement au titre du rappel d'heures supplémentaires pour la période précédant le 1er août 2014, l'arrêt retient que le salarié dont le contrat de travail a été rompu le 31 août 2016 et qui a saisi la juridiction prud'homale le 31 août 2017, est recevable à agir en paiement d'un rappel de salaire uniquement pour les trois années précédant la rupture soit du 1er août 2014 au 31 août 2017.
13. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que la rupture du contrat de travail du salarié avait été notifiée le 14 avril 2016 et que le salarié sollicitait un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires pour la période du 26 avril 2013 au 31 octobre 2015, soit sur une période comprise pendant les trois années précédant la rupture du contrat, ce dont elle aurait dû déduire que les demandes pouvaient porter sur l'intégralité de cette période, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
14. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
15. La cassation prononcée au titre du septième moyen du pourvoi principal n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond.
16. La cassation du chef de dispositif condamnant l'employeur au paiement d'une indemnité de congés payés au titre de l'indemnité équivalente à l'indemnité compensatrice de préavis n'emporte pas celle du chef de dispositif de l'arrêt disant que l'employeur devra délivrer au salarié l'attestation destinée à Pôle emploi, le certificat de travail et le bulletin de paie rectifiés.
17. La cassation du chef de dispositif disant que les demandes en paiement pour la période antérieure au 1er août 2014 sont irrecevables n'emporte pas cassation des chefs de dispositif condamnant l'employeur au paiement de la somme de 15 944,40 euros au titre des heures supplémentaires, outre congés payés afférents pour la période postérieure à cette date.
18. Les cassations prononcées n'entraînent pas non plus la cassation des chefs de dispositif condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.




Soc. 28 février 2024 n° 22-22.428

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 28 février 2024



Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 249 F-D

Pourvois n° C 22-22.423 D 22-22.424 E 22-22.425 H 22-22.427 G 22-22.428 JONCTION



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 FÉVRIER 2024
La société CGI France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé les pourvois n° C 22-22.423, D 22-22.424, E 22-22.425, H 22-22.427, et G 22-22.428 contre cinq arrêts rendus le 15 juin 2022 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section A), dans les litiges l'opposant respectivement :
1°/ à M. [M] [O], domicilié [Adresse 3],
2°/ à Mme [C] [N], domiciliée [Adresse 5],
3°/ à M. [K] [B], domicilié [Adresse 7]
4°/ à M. [H] [I], domicilié [Adresse 4]
5°/ au syndicat CGT CGI, dont le siège est [Adresse 6],
6°/ à M. [S] [F], domicilié [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
MM. [O], [B], [F], [I] et Mme [N], ont formé des pourvois incidents communs contre les mêmes arrêts.
La demanderesse aux pourvois principaux invoque, à l'appui de ses recours, trois moyens communs de cassation.
Les demandeurs aux pourvois incidents invoquent, à l'appui de leur recours, des moyens de cassation.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société CGI France, de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de MM. [O], [B], [I], [F], Mme [N] et du syndicat CGT CGI, après débats en l'audience publique du 24 janvier 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n°C 22-22.423, D 22-22.424, E 22-22.425, H 22-22.427 et G 22-22.428 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon les arrêts attaqués (Bordeaux, 15 juin 2022), M. [O] et quatre autres salariés, engagés en qualité d'ingénieur analyste ou de consultants solutions par la société CGI France ont saisi la juridiction prud'homale le 26 juillet 2016, afin de solliciter la condamnation de leur employeur à leur verser des sommes au titre de l'exécution du contrat de travail.
3. Le syndicat CGT CGI est intervenu volontairement à l'instance afin de solliciter des dommages-intérêts pour atteinte à l'intérêt collectif de la profession et non-respect des dispositions collectives de branche et d'entreprise.
4. Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseil, du 15 décembre 1987 dite Syntec.
Examen des moyens
Sur les premier et deuxième moyens du pourvoi principal de l'employeur et les cinq moyens du pourvoi incident des salariés
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui soit sont irrecevables, soit ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le troisième moyen du pourvoi principal de l'employeur
Enoncé du moyen
6. L'employeur fait grief aux arrêts, après avoir jugé que la convention de forfait hebdomadaire était inopposable aux salariés, de le débouter de ses demandes en répétition du paiement des jours de réduction du temps de travail octroyés en application de ladite convention, alors :
« 1°/ que lorsque la convention de forfait appliquée au salarié est invalidée ou lui est déclarée inopposable, le paiement des jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de la convention devient indu pour la période d'inopposabilité de la convention de forfait ; qu'en déboutant la société CGI France de sa demande en répétition des sommes versées aux salariés au titre des jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de sa convention de forfait hebdomadaire en heures, au motif inopérant que les salariés avaient toujours travaillé au-delà de la durée légale de 35 heures hebdomadaires, quand elle a jugé que la convention de forfait hebdomadaire en heures leur était inopposable, dont il résultait que le paiement des jours de réduction du temps de travail devenaient automatiquement indus, la cour d'appel a violé l'article 1376 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
2°/ qu'en jugeant qu'il n'y avait pas lieu, en dépit de l'inopposabilité aux salariés de leur convention de forfait en heures sur la semaine, de les condamner à restituer à l'employeur les sommes qui leur avaient été versées au titre des jours de réduction du temps de travail, aux motifs que ¿'l'attribution de ces jours de RTT dits Ql, qui ne figure pas dans le contrat initial, n'était pas liée à la convention de forfait en heures mais à la réduction du temps de travail dans l'avenant conclu entre les parties à effet au 1er janvier 2009'¿ quand les conventions de forfait hebdomadaire en heures avaient été rendues possibles par l'application de l'accord collectif de branche Syntec du 22 juin 1999 ¿'sur la durée du travail (application de la loi du 13 juin 1998)'¿, d'une part, et de l'accord collectif d'entreprise Logica du 30 juin 2008 ¿'sur la réduction du temps de travail'¿ d'autre part, la cour d'appel qui a dissocié la convention de forfait hebdomadaire en heures de l'octroi des jours de réduction du temps de travail, a violé les deux accords collectifs précités, les articles L. 1221-1 du code du travail, 1134 et 1376 du code civil dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1376 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
7. Aux termes de ce texte, celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s'oblige à le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu.
8. Pour débouter l'employeur de ses demandes en répétition du paiement des jours de réduction du temps de travail octroyés en application des conventions de forfait en heure, les arrêts retiennent que les salariés ont été rémunérés pour une durée de travail supérieure à la durée légale, 38 h 30 au lieu de 35 heures en sorte que les jours de RTT correspondaient à un dépassement de la durée légale du travail et n'ont pas été indûment payés. Ils ajoutent que l'attribution de ces jours de RTT dits Q1, qui ne figure pas dans les contrats initiaux, n'était pas liée à la convention de forfait en heures mais à la réduction du temps de travail dans l'avenant conclu entre les parties à effet au 1er janvier 2009.
9. En statuant ainsi, alors qu'elle avait retenu que la convention de forfait à laquelle les salariés étaient soumis était privée d'effet, en sorte que, pour la durée de la période de suspension de la convention individuelle de forfait en heures, le paiement des jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de la convention était devenu indu, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
10. La cassation prononcée n'emporte pas celle des chefs de dispositif des arrêts condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.




Soc. 28 février 2024 n° 21-25.600

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 28 février 2024



Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 247 F-D
Pourvoi n° K 21-25.600




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 FÉVRIER 2024
1°/ M. [G] [X], domicilié [Adresse 3],
2°/ le syndicat CGT CGI, dont le siège est [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° K 21-25.600 contre l'arrêt rendu le 22 septembre 2021 par la cour d'appel de Versailles ( 19e chambre ), dans le litige les opposant à la société CGI France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La société CGI France a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, deux moyens de cassations.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours deux moyens de cassations. Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de M. [X] et du syndicat CGT CGI, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société CGI France, après débats en l'audience publique du 24 janvier 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 22 septembre 2021), M. [X] a été engagé en qualité d'ingénieur en technologie de l'information, à compter du 30 août 2004, par la société Unilog IT services, aux droits de laquelle est venue en dernier lieu la société CGI France. Une convention individuelle de forfait en heures à hauteur de 38 heures 30 a été prévue entre les parties par avenant à effet du 1er septembre 2010.
2. Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseil, du 15 décembre 1987 dite Syntec.
3. Le 28 juillet 2016, le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour demander notamment la condamnation de son employeur à lui verser diverses sommes au titre de l'exécution du contrat de travail.
4.Le salarié a pris acte de la rupture du contrat de travail aux torts de son employeur le 8 juin 2018.
5. Le syndicat CGT CGI (le syndicat) est intervenu volontairement à l'instance d'appel afin de solliciter des dommages-intérêts pour atteinte à l'intérêt collectif de la profession et non-respect des dispositions collectives de branche et d'entreprise.
Examen des moyens
Sur le premier moyen du pourvoi principal du salarié et du syndicat, et le premier moyen du pourvoi incident de l'employeur
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui soit sont irrecevables, soit ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen du pourvoi principal, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
7. Le syndicat fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour atteinte à l'intérêt collectif de la profession, alors « que la conclusion de conventions de forfait avec des salariés n'y étant pas éligible porte une atteinte à l'intérêt collectif de la profession que le syndicat représente ; qu'en s'abstenant dès lors de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le refus de l'employeur de respecter les conditions d'application de la modalité II, et notamment le principe d'une rémunération au moins égale au plafond annuel de la sécurité sociale, n'avait pas causé à l'intérêt collectif de la profession un préjudice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2132-3 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 2132-3, alinéa 2 du code du travail :
8. Selon ce texte, les syndicats peuvent exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.
9. Pour débouter le syndicat de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour atteinte à l'intérêt collectif de la profession, l'arrêt retient que l'absence de paiement d'heures supplémentaires et complémentaires, reprochée par le syndicat pour justifier sa demande, n'est pas établie.
10. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté une irrégularité commise par l'employeur au regard des dispositions conventionnelles portant sur les conditions d'éligibilité des salariés aux conventions de forfait en heures et qu'une telle irrégularité cause un préjudice à l'intérêt collectif de la profession, la cour d'appel, à qui il appartenait d'évaluer ce préjudice, a violé le texte susvisé.
Et sur le second moyen du pourvoi incident
Enoncé du moyen
11. L'employeur fait grief à l'arrêt, après avoir jugé que la convention de forfait hebdomadaire était inopposable au salarié, de le débouter de sa demande en répétition du paiement des jours de réduction du temps de travail octroyés en application de ladite convention, alors « que lorsque la convention de forfait appliquée au salarié est invalidée ou lui est déclarée inopposable, le paiement des jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de la convention devient indu pour la période d'inopposabilité de la convention de forfait ; qu'en déboutant la société CGI France de sa demande en répétition des sommes versés au salarié à titre de 10 jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de sa convention de forfait hebdomadaire en heures, au motif inopérant qu'elle avait débouté le salarié de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, quand elle avait jugé que sa convention de forfait hebdomadaire en heures lui était inopposable, la cour d'appel a violé l'article 1376 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1376 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
12. Aux termes de ce texte, celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s'oblige à le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu.
13. Pour débouter l'employeur de sa demande, l'arrêt retient qu'en l'absence de condamnation de l'employeur en paiement d'un rappel de salaire pour heures supplémentaires, il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande de remboursement de jours de réduction du temps de travail.
14. En statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors qu'elle avait retenu que la convention de forfait à laquelle le salarié était soumis était privée d'effet, en sorte que, pour la durée de la période de suspension de la convention individuelle de forfait en heures, le paiement des jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de la convention était devenu indu, la cour d'appel a violé le texte susvisé.




Soc. 28 février 2024 n° 21-25.596

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 28 février 2024



Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 244 F-D
Pourvoi n° F 21-25.596



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 FÉVRIER 2024
1°/ Mme [G] [F], domiciliée [Adresse 3],
2°/ le syndicat CGT CGI, dont le siège est [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° F 21-25.596 contre l'arrêt rendu le 22 septembre 2021 par la cour d'appel de Versailles (19e chambre), dans le litige les opposant à la société CGI France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La société CGI France a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, deux moyens de cassations.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours deux moyens de cassations.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de Mme [F] et du syndicat CGT CGI, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société CGI France, après débats en l'audience publique du 24 janvier 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 22 septembre 2021), Mme [F] a été engagée en qualité d'ingénieur en technologie de l'information le 30 août 2004 par la société Unilog IT services, aux droits de laquelle est venue en dernier lieu la société CGI France. Le contrat de travail de la salariée avait prévu une convention individuelle de forfait hebdomadaire en heures de 38h30.
2. Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseil, du 15 décembre 1987 dite Syntec.
3. Le 28 juillet 2016, la salariée a saisi la juridiction prud'homale pour demander notamment la condamnation de son employeur à lui verser diverses sommes au titre de l'exécution du contrat de travail.
4. Le syndicat CGT CGI (le syndicat) est intervenu volontairement à l'instance d'appel afin de solliciter des dommages-intérêts pour atteinte à l'intérêt collectif de la profession et non-respect des dispositions collectives de branche et d'entreprise.
Examen des moyens
Sur le premier moyen du pourvoi principal de la salariée et du syndicat, et le premier moyen du pourvoi incident de l'employeur
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui soit sont irrecevables, soit ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen du pourvoi principal, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
6. Le syndicat fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour atteinte à l'intérêt collectif de la profession, alors « que la conclusion de conventions de forfait avec des salariés n'y étant pas éligible porte une atteinte à l'intérêt collectif de la profession que le syndicat représente ; qu'en s'abstenant dès lors de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le refus de l'employeur de respecter les conditions d'application de la modalité II, et notamment le principe d'une rémunération au moins égale au plafond annuel de la sécurité sociale, n'avait pas causé à l'intérêt collectif de la profession un préjudice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2132-3 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 2132-3, alinéa 2 du code du travail :
7. Selon ce texte, les syndicats peuvent exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.
8. Pour débouter le syndicat de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour atteinte à l'intérêt collectif de la profession, l'arrêt retient que l'absence de paiement d'heures supplémentaires et complémentaires, reprochée par le syndicat pour justifier sa demande, n'est pas établie.
9. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté une irrégularité commise par l'employeur au regard des dispositions conventionnelles portant sur les conditions d'éligibilité des salariés aux conventions de forfait en heures et qu'une telle irrégularité cause un préjudice à l'intérêt collectif de la profession, la cour d'appel, à qui il appartenait d'évaluer ce préjudice, a violé le texte susvisé.
Et sur le second moyen du pourvoi incident
Enoncé du moyen
10. L'employeur fait grief à l'arrêt, après avoir jugé que la convention de forfait hebdomadaire était inopposable à la salariée, de le débouter de sa demande en répétition du paiement des jours de réduction du temps de travail octroyés en application de ladite convention, alors « que lorsque la convention de forfait appliquée au salarié est invalidée ou lui est déclarée inopposable, le paiement des jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de la convention devient indu pour la période d'inopposabilité de la convention de forfait ; qu'en déboutant la société CGI France de sa demande en répétition des sommes versés au salarié à titre de 10 jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de sa convention de forfait hebdomadaire en heures, au motif inopérant qu'elle avait débouté le salarié de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, quand elle avait jugé que sa convention de forfait hebdomadaire en heures lui était inopposable, la cour d'appel a violé l'article 1376 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1376 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
11. Aux termes de ce texte, celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s'oblige à le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu.
12. Pour débouter l'employeur de sa demande, l'arrêt retient qu'en l'absence de condamnation de l'employeur en paiement d'un rappel de salaire pour heures supplémentaires, il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande de remboursement de jours de réduction du temps de travail.
13. En statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors qu'elle avait retenu que la convention de forfait à laquelle la salariée était soumise était privée d'effet, en sorte que, pour la durée de la période de suspension de la convention individuelle de forfait en heures, le paiement des jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de la convention était devenu indu, la cour d'appel a violé le texte susvisé.




Soc. 28 février 2024 n° 21-25.598

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 28 février 2024



Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 245 F-D
Pourvoi n° G 21-25.598



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 FÉVRIER 2024
1°/ M. [D] [W], domicilié [Adresse 3],
2°/ le syndicat CGT CGI, dont le siège est [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° G 21-25.598 contre l'arrêt rendu le 22 septembre 2021 par la cour d'appel de Versailles (19e chambre), dans le litige les opposant à la société CGI France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La société CGI France a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, deux moyens de cassations.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours deux moyens de cassations
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de M. [W] et du syndicat CGT CGI, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société CGI France, après débats en l'audience publique du 24 janvier 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 22 septembre 2021), M. [W] a été engagé en qualité d'ingénieur analyste, le 1er mars 2007, par la société Unilog IT services France, aux droits de laquelle est venue en dernier lieu la société CGI France. Une convention individuelle de forfait en heures à hauteur de 38 heures 30 était prévue au contrat de travail.
2.Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseil, du 15 décembre 1987 dite Syntec.
3.Le 28 juillet 2016, le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour demander notamment la condamnation de son employeur à lui verser diverses sommes au titre de l'exécution du contrat de travail.
4.Le salarié a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 6 octobre 2020.
5. Le syndicat CGT CGI (le syndicat) est intervenu volontairement à l'instance d'appel afin de solliciter des dommages-intérêts pour atteinte à l'intérêt collectif de la profession et non-respect des dispositions collectives de branche et d'entreprise.
Examen des moyens
Sur les trois premiers moyens du pourvoi principal de la salariée et du syndicat, et le premier moyen du pourvoi incident de l'employeur
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui soit sont irrecevables, soit ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le quatrième moyen du pourvoi principal, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
6. Le syndicat fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour atteinte à l'intérêt collectif de la profession, alors « que la conclusion de conventions de forfait avec des salariés n'y étant pas éligible porte une atteinte à l'intérêt collectif de la profession que le syndicat représente ; qu'en s'abstenant dès lors de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le refus de l'employeur de respecter les conditions d'application de la modalité II, et notamment le principe d'une rémunération au moins égale au plafond annuel de la sécurité sociale, n'avait pas causé à l'intérêt collectif de la profession un préjudice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2132-3 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 2132-3, alinéa 2 du code du travail :
7. Selon ce texte, les syndicats peuvent exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.
8. Pour débouter le syndicat de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour atteinte à l'intérêt collectif de la profession, l'arrêt retient que l'absence de paiement d'heures supplémentaires et complémentaires, reprochée par le syndicat pour justifier sa demande, n'est pas établie.
9. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté une irrégularité commise par l'employeur au regard des dispositions conventionnelles portant sur les conditions d'éligibilité des salariés aux conventions de forfait en heures et qu'une telle irrégularité cause un préjudice à l'intérêt collectif de la profession, la cour d'appel, à qui il appartenait d'évaluer ce préjudice, a violé le texte susvisé.
Et sur le second moyen du pourvoi incident
Enoncé du moyen
10. L'employeur fait grief à l'arrêt, après avoir jugé que la convention de forfait hebdomadaire était inopposable au salarié, de le débouter de sa demande en répétition du paiement des jours de réduction du temps de travail octroyés en application de ladite convention, alors « que lorsque la convention de forfait appliquée au salarié est invalidée ou lui est déclarée inopposable, le paiement des jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de la convention devient indu pour la période d'inopposabilité de la convention de forfait ; qu'en déboutant la société CGI France de sa demande en répétition des sommes versés au salarié à titre de 10 jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de sa convention de forfait hebdomadaire en heures, au motif inopérant qu'elle avait débouté le salarié de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, quand elle avait jugé que sa convention de forfait hebdomadaire en heures lui était inopposable, la cour d'appel a violé l'article 1376 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1376 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
11. Aux termes de ce texte, celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s'oblige à le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu.
12. Pour débouter l'employeur de sa demande, l'arrêt retient qu'en l'absence de condamnation de l'employeur en paiement d'un rappel de salaire pour heures supplémentaires, il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande de remboursement de jours de réduction du temps de travail.
13. En statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors qu'elle avait retenu que la convention de forfait à laquelle le salarié était soumis était privée d'effet, en sorte que, pour la durée de la période de suspension de la convention individuelle de forfait en heures, le paiement des jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de la convention était devenu indu, la cour d'appel a violé le texte susvisé.




Soc. 28 février 2024 n° 21-25.599

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 28 février 2024



Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 246 F-D
Pourvoi n° J 21-25.599



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 FÉVRIER 2024
1°/ Mme [R] [Y], domiciliée [Adresse 3],
2°/ le syndicat CGT CGI, dont le siège est [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° J 21-25.598 contre l'arrêt rendu le 22 septembre 2021 par la cour d'appel de Versailles (19e chambre), dans le litige les opposant à la société CGI France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La société CGI France a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, deux moyens de cassations.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours deux moyens de cassations

Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de Mme [Y] et du syndicat CGT CGI, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société CGI France, après débats en l'audience publique du 24 janvier 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 22 septembre 2021), Mme [Y] a été engagée en qualité d'ingénieur études et développement, le 1er décembre 2000, par la société Unilog ingénierie aux droits de laquelle est venue la société CGI France. Une convention individuelle de forfait hebdomadaire en heures à hauteur de 38 heures 30 a été prévue au contrat de travail.
2. Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseil, du 15 décembre 1987 dite Syntec.
3. Le 28 juillet 2016, la salariée a saisi la juridiction prud'homale pour demander notamment la condamnation de son employeur à lui verser diverses sommes au titre de l'exécution du contrat de travail.
4. Le syndicat CGT CGI (le syndicat) est intervenu volontairement à l'instance d'appel afin de solliciter des dommages-intérêts pour atteinte à l'intérêt collectif de la profession et non-respect des dispositions collectives de branche et d'entreprise.
Examen des moyens
Sur le premier moyen du pourvoi principal de la salariée et du syndicat et le premier moyen du pourvoi incident de l'employeur
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui soit sont irrecevables, soit ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen du pourvoi principal, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
6. Le syndicat fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour atteinte à l'intérêt collectif de la profession, alors « que la conclusion de conventions de forfait avec des salariés n'y étant pas éligible porte une atteinte à l'intérêt collectif de la profession que le syndicat représente ; qu'en s'abstenant dès lors de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le refus de l'employeur de respecter les conditions d'application de la modalité II, et notamment le principe d'une rémunération au moins égale au plafond annuel de la sécurité sociale, n'avait pas causé à l'intérêt collectif de la profession un préjudice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2132-3 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 2132-3, alinéa 2 du code du travail :
7. Selon ce texte, les syndicats peuvent exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.
8. Pour débouter le syndicat de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour atteinte à l'intérêt collectif de la profession, l'arrêt retient que l'absence de paiement d'heures supplémentaires et complémentaires, reprochée par le syndicat pour justifier sa demande, n'est pas établie.
9. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté une irrégularité commise par l'employeur au regard des dispositions conventionnelles portant sur les conditions d'éligibilité des salariés aux conventions de forfait en heures et qu'une telle irrégularité cause un préjudice à l'intérêt collectif de la profession, la cour d'appel, à qui il appartenait d'évaluer ce préjudice, a violé le texte susvisé.
Et sur le second moyen du pourvoi incident
Enoncé du moyen
10. L'employeur fait grief à l'arrêt, après avoir jugé que la convention de forfait hebdomadaire était inopposable à la salariée, de le débouter de sa demande en répétition du paiement des jours de réduction du temps de travail octroyés en application de ladite convention, alors « que lorsque la convention de forfait appliquée au salarié est invalidée ou lui est déclarée inopposable, le paiement des jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de la convention devient indu pour la période d'inopposabilité de la convention de forfait ; qu'en déboutant la société CGI France de sa demande en répétition des sommes versés au salarié à titre de 10 jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de sa convention de forfait hebdomadaire en heures, au motif inopérant qu'elle avait débouté la salariée de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, quand elle avait jugé que sa convention de forfait hebdomadaire en heures lui était inopposable, la cour d'appel a violé l'article 1376 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1376 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
11. Aux termes de ce texte, celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s'oblige à le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu.
12. Pour débouter l'employeur de sa demande, l'arrêt retient qu'en l'absence de condamnation de l'employeur en paiement d'un rappel de salaire pour heures supplémentaires, il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande de remboursement de jours de réduction du temps de travail.
13. En statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors qu'elle avait retenu que la convention de forfait à laquelle la salariée était soumis était privée d'effet, en sorte que, pour la durée de la période de suspension de la convention individuelle de forfait en heures, le paiement des jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de la convention était devenu indu, la cour d'appel a violé le texte susvisé.




Soc. 28 février 2024 n° 21-25.601

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 28 février 2024



Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 248 F-D
Pourvoi n° M 21-25.601



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 FÉVRIER 2024
1°/ M. [W] [R], domicilié [Adresse 2],
2°/ le syndicat CGT CGI, dont le siège est [Adresse 3],
ont formé le pourvoi n° M 21-25.601 contre l'arrêt rendu le 22 septembre 2021 par la cour d'appel de Versailles ( 19e chambre ), dans le litige les opposant à la société CGI France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La société CGI France a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, deux moyens de cassations.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours deux moyens de cassations.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de M. [R] et du syndicat CGT CGI, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société CGI France, après débats en l'audience publique du 24 janvier 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, Mme Dumont , greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 22 septembre 2021), M. [R] a été engagé en qualité d'ingénieur en technologie de l'information, à compter du 30 août 2004, par la société Unilog IT services, aux droits de laquelle est venue en dernier lieu la société CGI France. Une convention individuelle de forfait en heures à hauteur de 38 heures 30 a été prévue entre les parties par avenant à effet du 1er septembre 2010.
2. Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseil, du 15 décembre 1987 dite Syntec.
3. Le 28 juillet 2016, le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour demander notamment la condamnation de son employeur à lui verser diverses sommes au titre de l'exécution du contrat de travail.
4. Le syndicat CGT CGI (le syndicat) est intervenu volontairement à l'instance d'appel afin de solliciter des dommages-intérêts pour atteinte à l'intérêt collectif de la profession et non-respect des dispositions collectives de branche et d'entreprise.
Examen des moyens
Sur le premier moyen du pourvoi principal du salarié et du syndicat, et le premier moyen du pourvoi incident de l'employeur
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui soit sont irrecevables, soit ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen du pourvoi principal, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen
6. Le syndicat fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour atteinte à l'intérêt collectif de la profession, alors « que la conclusion de conventions de forfait avec des salariés n'y étant pas éligible porte une atteinte à l'intérêt collectif de la profession que le syndicat représente ; qu'en s'abstenant dès lors de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le refus de l'employeur de respecter les conditions d'application de la modalité II, et notamment le principe d'une rémunération au moins égale au plafond annuel de la sécurité sociale, n'avait pas causé à l'intérêt collectif de la profession un préjudice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2132-3 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 2132-3, alinéa 2 du code du travail :
7. Selon ce texte, les syndicats peuvent exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.
8. Pour débouter le syndicat de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour atteinte à l'intérêt collectif de la profession, l'arrêt retient que l'absence de paiement d'heures supplémentaires et complémentaires, reprochée par le syndicat pour justifier sa demande, n'est pas établie.
9. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté une irrégularité commise par l'employeur au regard des dispositions conventionnelles portant sur les conditions d'éligibilité des salariés aux conventions de forfait en heures et qu'une telle irrégularité cause un préjudice à l'intérêt collectif de la profession, la cour d'appel, à qui il appartenait d'évaluer ce préjudice, a violé le texte susvisé.
Et sur le second moyen du pourvoi incident
Enoncé du moyen
10. L'employeur fait grief à l'arrêt, après avoir jugé que la convention de forfait hebdomadaire était inopposable au salarié, de le débouter de sa demande en répétition du paiement des jours de réduction du temps de travail octroyés en application de ladite convention, alors « que lorsque la convention de forfait appliquée au salarié est invalidée ou lui est déclarée inopposable, le paiement des jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de la convention devient indu pour la période d'inopposabilité de la convention de forfait ; qu'en déboutant la société CGI France de sa demande en répétition des sommes versés au salarié à titre de 10 jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de sa convention de forfait hebdomadaire en heures, au motif inopérant qu'elle avait débouté le salarié de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, quand elle avait jugé que sa convention de forfait hebdomadaire en heures lui était inopposable, la cour d'appel a violé l'article 1376 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1376 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
11. Aux termes de ce texte, celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s'oblige à le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu.
12. Pour débouter l'employeur de sa demande, l'arrêt retient qu'en l'absence de condamnation de l'employeur en paiement d'un rappel de salaire pour heures supplémentaires, il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande de remboursement de jours de réduction du temps de travail.
13. En statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors qu'elle avait retenu que la convention de forfait à laquelle le salarié était soumis était privée d'effet, en sorte que, pour la durée de la période de suspension de la convention individuelle de forfait en heures, le paiement des jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de la convention était devenu indu, la cour d'appel a violé le texte susvisé.




Soc. 28 février 2024 n° 22-13.613

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 28 février 2024



Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 258 F-D
Pourvoi n° B 22-13.613



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 FÉVRIER 2024
Mme [F] [G], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° B 22-13.613 contre l'arrêt rendu le 13 janvier 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 7), dans le litige l'opposant :
1°/ à l'association Choose [Localité 4] région, dont le siège est [Adresse 2], anciennement dénommée [Localité 4] région entreprises,
2°/ au Pôle emploi d'Ermont, dont le siège est [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de Mme [G], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'association Choose [Localité 4] région, et après débats en l'audience publique du 24 janvier 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Flores, conseiller rapporteur, M. Rouchayrole, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 janvier 2022), Mme [G] a été engagée en qualité de conseiller entreprise par le Centre francilien de l'innovation, aux droits duquel vient l'association Choose [Localité 4] région, le 3 février 2010. Une convention individuelle de forfait en jours a été conclue entre les parties.
2. Une convention de rupture a été signée le 18 février 2015.
3. Le 10 février 2016, la salariée a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande tendant à juger que la convention de forfait en jours lui était inopposable et en paiement d'une somme au titre des heures supplémentaires, alors « que la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires d'un salarié soumis à une convention de forfait en jours doit être effective ; que la seule mise en place d'entretiens réguliers portant sur la charge de travail et l'amplitude des journées de travail ne constitue une garantie effective du respect des durées maximales de travail et du droit repos que dans la mesure où l'employeur prend les mesures nécessaires pour remédier aux alertes formulées par le salarié quant au caractère excessif de son temps de travail à l'occasion de ces entretiens ; qu'en retenant que la convention de forfait était opposable à Mme [G] dès lors que l'employeur justifiait de l'organisation d'entretiens trimestriels portant sur la charge de travail, sans rechercher si l'employeur avait mis en oeuvre la moindre mesure pour remédier à la surcharge de travail dénoncée systématiquement lors de ces entretiens trimestriels par Mme [G] (en mars 2013, en août 2013, en octobre 2013, en janvier 2014, en mars 2014, en juin 2014), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 11 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, de l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, article L. 3121-39 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, interprété à la lumière de l'article 17, paragraphes 1 et 4 de la Directive 1993-104 CE du Conseil du 23 novembre 1993, les articles 17, paragraphe 1, et 19 de la Directive 2003-88 CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. »
Réponse de la Cour
Vu l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article L. 3121-39, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-789 du code du travail, interprété à la lumière de l'article 17, paragraphe 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne :
6. Le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles.
7. Il résulte des articles susvisés des directives de l'Union européenne que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur.
8. Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.
9. Pour débouter la salariée de sa demande tendant à la nullité ou subsidiairement à la privation d'effet de la convention individuelle de forfait en jours, l'arrêt retient que l'employeur justifie avoir organisé des mesures de contrôle destinées à s'assurer du respect des règles protectrices de la salariée et que sont versés aux débats les points trimestriels effectués par la salariée avec son supérieur hiérarchique portant sur la charge de travail, l'amplitude des journées de travail, l'articulation vie professionnelle et vie privée et le respect du forfait en jours. Il ajoute que si la salariée a précisé à certains moments que la charge de travail était trop importante, elle a toujours mentionné que le forfait en jours était respecté.
10. L'arrêt précise que l'avenant à l'accord d'entreprise du 20 septembre 2013 a institué un droit d'alerte du salarié qui a le droit de solliciter auprès de son responsable hiérarchique direct un entretien supplémentaire afin de s'entretenir sur sa charge de travail, celui-ci s'engageant alors à le recevoir dans un délai de dix jours ouvrables afin le cas échéant d'ajuster la charge de travail et de définir avec lui une nouvelle organisation du travail. Il ajoute que la salariée, qui avait connaissance de cette possibilité, pour avoir versé aux débats l'avenant à l'accord d'entreprise, n'a pas exercé ce droit d'alerte.
11. En se déterminant ainsi, alors qu'elle avait constaté que lors des entretiens trimestriels de 2013 et de 2014, la salariée avait fait état de difficultés de surcharge de travail et d'articulation entre sa vie professionnelle et sa vie privée, sans préciser si l'employeur avait institué un suivi effectif et régulier de la charge de travail, notamment au regard de l'obligation, prévue par l'article 3.1 de l'accord d'entreprise du 20 septembre 2013, de validation par le supérieur hiérarchique, du suivi journalier qui doit faire apparaître, pour chaque jour travaillé le nombre d'heures de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.




Soc. 7 février 2024 n° 22-15.256

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 7 février 2024



Cassation

Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 142 F-D
Pourvoi n° N 22-15.256



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 7 FÉVRIER 2024
M. [W] [L], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° N 22-15.256 contre l'arrêt rendu le 18 novembre 2021 par la cour d'appel de Caen (chambre sociale, section 1), dans le litige l'opposant à la société Solocal, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la société Pages jaunes, défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. [L], la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Solocal, après débats en l'audience publique du 10 janvier 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Flores, conseiller rapporteur, Mme Deltort, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 18 novembre 2021), M. [L] a été engagé en qualité de responsable des ventes terrain à compter du 1er septembre 2014 par la société Pages jaunes aux droits de laquelle vient la société Solocal. Le salarié était soumis à une convention individuelle de forfait en jours.
2. Les parties ont conclu une convention de rupture du contrat de travail à effet du 19 juillet 2018.
3. Le 31 octobre 2018, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes relatives à l'exécution de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes tendant à ce que la convention de forfait en jours lui soit déclarée inopposable et au paiement de sommes au titre des heures supplémentaires, des congés payés afférents, des repos de récupération, de dommages-intérêts pour non-respect des repos journalier et hebdomadaire et d'une indemnité pour travail dissimulé, alors « qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'au soutien de ses demandes au titre des heures supplémentaires, le salarié justifiait avoir envoyé et reçu des courriels tôt le matin (avant 8h) ou tard le soir (après 20h et même après 23h), parfois sans que ne soit respectée une durée minimale de 11h entre la dernière connexion le soir et la première connexion le lendemain matin, et s'être connecté, avant 8h et après 19h (entre 19h19 et 00h30), via son poste de travail, de manière intentionnelle et non simplement automatique, notamment au logiciel San Marco, ces éléments établissant qu'il avait travaillé, au moins ponctuellement, aux heures indiquées ; que pour débouter néanmoins le salarié de ses demandes, la cour d'appel a relevé, d'une part, que ses calculs, qui auraient dû être réalisés d'après les horaires allégués, sur la base de 52,5h par semaine, l'avaient été, pour une raison inexpliquée, sur la base de 52h, d'autre part, que les éléments produits par le salarié, qui n'était pas soumis à des horaires collectifs, ne venaient pas valider son postulat de principe" selon lequel il aurait travaillé chaque jour de 8h à 12h30 et de 14h à 19h, en l'absence de tout élément sur le temps effectivement travaillé au cours de la journée, pas plus qu'ils ne permettaient de contrôle de la part de l'employeur à défaut de précision sur les semaines travaillées, l'arrêt relevant enfin que le nombre revendiqué de quarante-sept semaines de travail par an était exclu compte tenu des jours de RTT dont le salarié avait bénéficiés ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve des heures de travail accomplies sur le seul salarié, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :
5. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, l'employeur tient à la disposition des membres compétents de l'inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
6. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
7. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
8. Pour le débouter de sa demande au titre des heures supplémentaires, l'arrêt retient que le salarié indique dans ses écritures retenir « comme postulat de principe une journée de travail se fixant comme suit : 8h à 12h30 et 14h à 19h » (soit 47,5 heures) et y ajoute une heure par jour au titre des connexions en soirée, le week-end et jours fériés (soit 5 heures) ce qui devrait le conduire à retenir un temps de travail hebdomadaire de 52,5 heures. L'arrêt précise que le salarié effectue toutefois, pour une raison inexpliquée, ses calculs ultérieurs sur la base de 52 heures (et non 52,5 heures) et multiplie ce nombre d'heures par le nombre de semaines pendant lesquelles il estime avoir travaillé (soit quarante-sept semaines par année entière). L'arrêt ajoute que le salarié, qui n'était pas soumis à des horaires collectifs, ne fournit aucun élément validant son « postulat de principe » selon lequel il aurait travaillé chaque jour de 8h à 12h30 et de 14h à 19h.
9. L'arrêt précise qu'en l'absence de tout élément sur le temps effectivement travaillé au cours de la journée, le fait que le salarié ait parfois travaillé tard ou tôt ne démontre pas, pour autant, qu'il a effectué plus de 7 heures de travail journalier ni, a fortiori, plus de 35 heures hebdomadaires et que le salarié ne précise pas les semaines travaillées, ce qui ne permet aucun contrôle de la part de l'employeur, alors qu'il est exclu, compte tenu des jours de RTT dont il a bénéficié qu'il ait travaillé quarante-sept semaines par an.
10. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé.




Soc. 7 février 2024 n° 22-15.255

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 7 février 2024



Cassation

Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 141 F-D
Pourvoi n° M 22-15.255



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 7 FÉVRIER 2024
Mme [N] [E], domiciliée [Adresse 3], [Localité 1], a formé le pourvoi n° M 22-15.255 contre l'arrêt rendu le 18 novembre 2021 par la cour d'appel de Caen (chambre sociale, section 1), dans le litige l'opposant à la société Solocal, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 4], venant aux droits de la société Pages jaunes, défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de Mme [E], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Solocal, après débats en l'audience publique du 10 janvier 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Flores, conseiller rapporteur, Mme Deltort, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 18 novembre 2021), Mme [E] a été engagée en qualité de conseiller communication digitale spécialiste, à compter du 5 septembre 2016, par la société Pages jaunes aux droits de laquelle vient la société Solocal.
2. Le 31 octobre 2018, la salariée a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en résiliation du contrat de travail et en paiement de diverses sommes.
3. La salariée a été licenciée le 8 mars 2019.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
4. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes tendant à ce que la convention de forfait en jours soit déclarée inopposable, à obtenir des sommes au titre des heures supplémentaires, des congés payés afférents, des repos de récupération et des congés payés afférents audit repos, de sa demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail, de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'une demande d'indemnité pour travail dissimulé, de condamner l'employeur à lui verser une somme à titre de dommages-intérêts pour non-respect des temps de repos journaliers et de la débouter de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour non-respect des temps de repos hebdomadaire, alors « qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'au soutien de ses demandes au titre des heures supplémentaires, la salariée produisait, d'une part, de multiples courriels adressées et/ou reçus tôt le matin (entre 4h25 et 7h38) ou tard le soir (entre 19h01 et 22h17), parfois sans que ne soit respectée une durée minimale de 11h entre la dernière connexion le soir et la première connexion le lendemain matin, d'autre part, des copies d'agenda électronique mentionnant des tâches, dont certaines avant 9h et d'autres après 17h, l'intéressée établissant enfin s'être connectée, à plusieurs reprises, au logiciel Salesforce après 20h et donc avoir travaillé à ce moment-là ; que pour la débouter néanmoins de ses demandes, la cour d'appel a relevé que les éléments produits par la salariée, qui n'était pas soumise à des horaires collectifs, ne venaient pas valider son postulat de principe" selon lequel elle aurait travaillé chaque jour de 8h30 à 12h30 et de 14h à 18h, pas plus qu'ils ne permettaient de contrôle de la part de l'employeur en l'absence de précision sur les semaines travaillées, l'arrêt relevant en outre que le nombre revendiqué de quarante-sept semaines de travail par an était exclu compte tenu des jours de RTT dont la salariée avait bénéficiés ; qu'en statuant ainsi, ce d'autant qu'elle relevait par ailleurs que l'employeur ne justifiait pas avoir mis en place des instruments (notamment une charte) pour réguler les outils numériques et permettre d'assurer aux salariés un droit à la déconnexion, ni avoir assuré, chaque année, un suivi de la charge de travail de la salariée, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve des heures de travail accomplies sur la seule salariée, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :
5. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, l'employeur tient à la disposition de l'agent de contrôle de l'inspection du travail mentionné à l'article L. 8112-1 les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
6. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
7. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
8. Pour la débouter de sa demande au titre des heures supplémentaires, l'arrêt retient que la salariée qui n'était pas soumise à des horaires collectifs, ne fournit aucun élément validant son « postulat de principe » selon lequel elle aurait travaillé chaque jour de 8h30 à 12h30 et de 14h à 18h. Il souligne que les copies d'agenda électronique qu'elle produit pour la période du 25 janvier au 3 juillet 2018 ne mentionnent que quelques tâches pour chaque journée (au demeurant rarement avant 9h après 16h30 ou 17h) ce qui ne permet pas de corroborer les horaires avancés. L'arrêt ajoute que la salariée ne précise pas les semaines travaillées, ce qui ne permet aucun contrôle de la part de l'employeur, alors qu'il est exclu, compte tenu des jours de RTT dont elle a bénéficié qu'elle ait travaillé quarante-sept semaines par an.
9. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur la seule salariée, a violé les textes susvisés.




Soc. 24 janvier 2024 n° 22-16.858

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
HP


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 24 janvier 2024



Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 108 F-D
Pourvoi n° D 22-16.858





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 24 JANVIER 2024
M. [Z] [D], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 22-16.858 contre l'arrêt rendu le 2 février 2022 par la cour d'appel de Metz (chambre sociale, section 1), dans le litige l'opposant à la société Keos Metz Marly by Autosphere, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommée société Auto Losange, défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Le Quellec, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [D], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Keos Metz Marly by Autosphere, après débats en l'audience publique du 13 décembre 2023 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Le Quellec, conseiller rapporteur, Mme Deltort, conseiller, et Mme Thuillier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 2 février 2022) M. [D] a été engagé en qualité de chef d'atelier, par la société Garage Chevalier à compter du 4 janvier 1993, puis par la société Auto Losange, devenue Keos Metz Marly by Autosphere, à compter du 1er février 2011, avec reprise d'ancienneté.
2. Ayant pris acte de la rupture de son contrat de travail le 29 décembre 2016, il a saisi la juridiction prud'homale le 21 septembre 2018 de demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches
Enoncé du moyen
3. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement de rappel d'heures supplémentaires et des congés payés afférents, alors :
« 1°/ d'une part, qu'aux termes de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable ; que le salarié qui a été soumis à tort à une convention de forfait annuel en jours ou dont la convention de forfait en jours est déclarée nulle, privée d'effet ou inopposable peut prétendre au paiement d'heures supplémentaires dont le juge doit vérifier l'existence et le nombre conformément aux dispositions de l'article susvisé ; que pour rejeter la demande en paiement d'un rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires, la cour d'appel, ayant dit que la convention de forfait était privée d'effet, ouvrant ainsi au salarié le droit au paiement des heures supplémentaires effectuées, a retenu que M. [D] "indique qu'il travaillait 62 heures par semaine, à raison de 11,5 heure par jour du lundi au vendredi (7h30-19h30 avec 30 minutes de pause pour déjeuner) et 4,5 heure le samedi (7h30–12h), soit 8 heures supplémentaires à 25 % et 19 heures supplémentaires à 50 % par semaine" et que "à l'appui de sa demande, M. [D] produit seulement une attestation de M. [R] [I], commercial, datée du 2 avril 2019. Il atteste "avoir eu les fonctions de vendeur sociétés au sein des sociétés Renault Marly et Metz Autolosange" et que "M. [Z] [D], dans sa fonction de chef d'atelier de ces deux établissements [?] avait bien en charge l'ouverture et la fermeture de l'entreprise de 7h30 à 19h00", pour décider "que les affirmations de M. [D] et l'attestation produite ne sont pas de nature à appuyer sérieusement sa demande, notamment sur l'existence des heures revendiquées. Ainsi, le salarié n'apporte pas un seul élément propre à justifier de son temps de travail et n'explique ni les raisons de l'étendue des horaires qu'il affirme avoir effectué systématiquement, ni son affirmation selon laquelle il travaillait le samedi, alors que son employeur justifie des jours et des horaires d'ouverture de l'établissement au public et qu'il n'est pas contesté qu'il bénéficiait d'une liberté d'organisation de son temps de travail" ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a fait peser la charge de la preuve exclusivement sur le salarié et a violé les articles L. 3171-1, L. 3171-2 et L. 3171-4 du code du travail ;
3°/ en outre, qu'aux termes de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable ; que le salarié qui a été soumis à tort à une convention de forfait annuel en jours ou dont la convention de forfait en jours est déclarée nulle, privée d'effet ou inopposable peut prétendre au paiement d'heures supplémentaires dont le juge doit vérifier l'existence et le nombre conformément aux dispositions de l'article susvisé ; que pour débouter M. [D] de sa demande en paiement d'heures supplémentaires et de sa demande en paiement de congés payés subséquente, la cour d'appel a retenu que "bien qu'il soit effectivement regrettable que la SAS Auto Losange n'ait pas procédé au suivi du temps de travail de son salarié au forfait-jours, M. [D] (?) échoue à présenter des éléments suffisamment sérieux et précis à l'appui de sa demande" ; qu'en statuant ainsi, quand il résultait de ses constatations, d'une part, que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, d'autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé les articles L. 3171-1, L. 3171-2 et L. 3171-4 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :
4. Aux termes de l'article L. 3171- 2, alinéa 1, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
5. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
6. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
7. Pour débouter le salarié de sa demande au titre des heures supplémentaires, l'arrêt retient que le salarié indique qu'il travaillait 62 heures par semaine, à raison de 11,5 heures par jour du lundi au vendredi (7h30-19h30 avec 30 minutes de pause pour déjeuner) et 4,5 heures le samedi (7h30-12h) soit 8 heures supplémentaires à 25 % et 19 heures supplémentaires à 50 % par semaine, qu'à l'appui de sa demande le salarié produit seulement une attestation dont l'employeur conteste la teneur, que l'employeur produit une photographie des horaires affichés au sein de l'entreprise et des attestations.
8. L'arrêt retient également que les affirmations du salarié et l'attestation produite ne sont pas de nature à appuyer sérieusement sa demande, sur l'existence des heures revendiquées, que le salarié n'apporte pas un seul élément propre à justifier de son temps de travail et n'explique ni les raisons de l'étendue des horaires qu'il affirme avoir effectué systématiquement, ni son affirmation selon laquelle il travaillait le samedi, alors que son employeur justifie des jours et des horaires d'ouverture de l'établissement au public et qu'il n'est pas contesté qu'il bénéficiait d'une liberté d'organisation de son temps de travail.
9. L'arrêt en conclut que bien qu'il soit regrettable que l'employeur n'ait pas procédé au suivi du temps de travail de son salarié au forfait-jours, ce dernier, à qui il incombe de rapporter des éléments au soutien de ses prétentions, échoue à présenter des éléments suffisamment sérieux et précis à l'appui de sa demande.
10. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part, que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, d'autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé.
Et sur les deuxième et troisième moyens, pris en leur première branche, réunis
Enoncé des moyens
11. Par son deuxième moyen, le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé, alors « qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir sur le premier moyen entraînera, par voie de conséquence, la cassation des chefs de dispositif ayant débouté le salarié de sa demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé ; que selon l'article L. 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur, notamment, de mentionner intentionnellement sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieure à celui réellement accompli. »
12. Par son troisième moyen, le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement de sommes au titre des indemnités conventionnelle de licenciement, compensatrice de préavis, des congés payés afférents et de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, alors « qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir sur le premier moyen entraînera, par voie de conséquence, la cassation des chefs de dispositif ayant débouté le salarié de sa demande en paiement de diverses indemnités et de dommages et intérêts au motif que "M. [D] n'établit pas les faits qu'il reproche à son employeur ; en conséquence, la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produira les effets d'une démission" ; que, pour rejeter cette demande, la cour d'appel s'est en effet fondée sur le fait que "il a été retenu que le salarié ne justifie pas des heures supplémentaires qu'il affirme avoir effectué". »
Réponse de la Cour
Vu l'article 624 du code de procédure civile :
13. La cassation prononcée sur le premier moyen emporte la cassation, par voie de conséquence, des chefs de dispositif rejetant les demandes en paiement de dommages-intérêts pour travail dissimulé, des indemnités conventionnelle de licenciement, compensatrice de préavis, de congés payés afférents ainsi que de dommages-intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
Portée et conséquences de la cassation
14. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée sur les premier et troisième moyens entraîne la cassation, par voie de conséquence, des chefs de dispositif de l'arrêt requalifiant la prise d'acte de la rupture du contrat de travail en démission, rejetant les demandes du salarié tendant à ce qu'il soit jugé que la prise d'acte de la rupture de son contrat produit les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et à obtenir, sous astreinte, la délivrance d'un bulletin de paie et d'une attestation pour Pôle emploi, et condamnant le salarié à payer à l'employeur une indemnité compensatrice de préavis, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.




Soc. 24 janvier 2024 n° 22-19.890

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
HP


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 24 janvier 2024



Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 105 F-D
Pourvoi n° Z 22-19.890



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 24 JANVIER 2024
La société Egis bâtiments Sud, dont le siège est [Adresse 3], anciennement Egis bâtiments Sud-Ouest, a formé le pourvoi n° Z 22-19.890 contre l'arrêt rendu le 30 mai 2022 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre civile, section 1), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [N] [S], domicilié [Adresse 2],
2°/ à Pôle emploi Occitanie, dont le siège est direction régionale Occitanie [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, cinq moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Deltort, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Egis bâtiments Sud, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [S], après débats en l'audience publique du 13 décembre 2023 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Deltort, conseiller rapporteur, Mme Le Quellec, conseiller, et Mme Thuillier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 30 mai 2022), M. [S] a été engagé en qualité d'ingénieur, statut cadre, par la société Egis bâtiments Sud-Ouest, aujourd'hui dénommée Egis bâtiment Sud, le 3 janvier 2000 avec une ancienneté reprise au 16 novembre 1995.
2. Le 12 septembre 2018, le salarié a démissionné.
3. Le 11 janvier 2019, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes en requalification de sa démission en prise d'acte de la rupture de son contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et en paiement de diverses sommes au titre de l'exécution de ce dernier.
Examen des moyens
Sur les premier, deuxième et quatrième moyens
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
5. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement d'une certaine somme au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents, alors « que le salarié ne peut pas prétendre au paiement de l'indemnité compensatrice préavis lorsqu'il a exécuté son préavis et que celui-ci lui a été rémunéré ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir, preuve à l'appui, que le salarié avait exécuté une partie de son préavis du 12 septembre au 5 octobre 2018 et avait été rémunéré pendant cette période de sorte qu'il ne pouvait pas prétendre à la somme de 15 925 euros correspondant à une indemnité compensatrice de trois mois ; que la cour d'appel a relevé que le salarié avait pris acte de la rupture de son contrat de travail le 12 septembre 2018 et que l'employeur avait accepté son départ anticipé à compter du 5 octobre suivant ; qu'en affirmant que le salarié avait droit au paiement de l'indemnité de préavis équivalente à trois mois de salaire brut, soit la somme de 15 925 euros outre les congés payés afférents, sans à aucun moment tenir compte de la période de préavis exécutée et rémunérée, la cour d'appel a violé l'article L. 1234-5 du code du travail. »
Réponse de la cour
Vu l'article L. 1234-5 du code du travail :
6. Aux termes de cet article, lorsque le salarié n'exécute pas son préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice.
7. Pour condamner l'employeur à payer une indemnité compensatrice de préavis correspondant à trois mois de salaire, l'arrêt retient que le salarié a droit au paiement d'une indemnité de préavis équivalente à trois mois de salaire brut, outre congés payés afférents.
8. En se déterminant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le départ du salarié de l'entreprise, celui-ci ayant démissionné le 12 septembre 2018, était survenu le 5 octobre 2018, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si pour partie la période de préavis avait été travaillée et rémunérée, n'a pas donné de base légale à sa décision.
Et sur le cinquième moyen
Enoncé du moyen
9. L'employeur fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme nouvelle sa demande formée à titre subsidiaire en remboursement des jours de RTT au titre des années 2016, 2017 et 2018 et de le condamner à payer au salarié certaines sommes à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires réalisées, outre congés payés afférents, et la contrepartie obligatoire en repos, outre congés payés afférents, alors « que la recevabilité d'une demande reconventionnelle formée pour la première fois en cause d'appel doit être appréciée par le juge au regard du lien la rattachant à la prétention originaire du demandeur ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir que sa demande reconventionnelle formée pour la première fois en cause d'appel, tendant au remboursement de la somme perçue par le salarié au titre des RTT, dont il avait bénéficié de 2016 à 2018, était rattachée par un lien suffisant à la prétention de M. [S] tendant au paiement d'un rappel d'heures supplémentaires suite à la remise en cause de sa convention de forfait en jours ; qu'en déclarant irrecevable la demande de remboursement des sommes perçues de 2016 à 2018 par le salarié au titre des RTT formée par l'employeur comme nouvelle en cause d'appel, sans rechercher s'il n'existait pas un lien suffisant la rattachant aux prétentions originaires de M. [S], la cour d'appel a violé les articles 64, 70 et 567 du code du procédure civile. »
Réponse de la cour
Recevabilité du moyen
10. Le salarié conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que le moyen est nouveau, mélangé de fait et de droit, dès lors que l'employeur n'a jamais soutenu que la demande en remboursement de jours de RTT se rattachait par un lien suffisant aux demandes originaires formées par lui-même, seul l'article 567 du code de procédure civile ayant été visé.
11. Cependant, le moyen, qui est de pur droit, est recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles 567 et 70 du code de procédure civile :
12. Selon le premier de ces textes, les demandes reconventionnelles sont recevables en appel.
13. Aux termes du second, les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.
14. Pour dire irrecevable la demande formée en appel par l'employeur en remboursement des jours de RTT au titre des années 2016, 2017 et 2018, l'arrêt retient que cette demande est nouvelle en cause d'appel.
15. En statuant ainsi, alors que la demande, qui revêtait un caractère reconventionnel comme émanant du défendeur en première instance, se rattachait par un lien suffisant aux prétentions originaires du salarié qui poursuivait la nullité de sa convention de forfait en jours et, subsidiairement, la privation d'effet de celle-ci, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
16. En application de l'article 624 du code de procédure civile, les cassations prononcées n'emportent pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur à payer au salarié certaines sommes au titre d'un rappel de salaire pour des heures supplémentaires, outre congés payés afférents, et de la contrepartie obligatoire en repos, outre congés payés, qui ne s'y rattachent par un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.
17. En application de l'article 624 du code de procédure civile, les cassations prononcées n'emportent pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.




Soc. 10 janvier 2024 n° 22-13.200 B

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
HP


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 10 janvier 2024



Cassation

M. SOMMER, président


Arrêt n° 22 FS-B
Pourvoi n° C 22-13.200



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 10 JANVIER 2024
M. [E] [D], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 22-13.200 contre l'arrêt rendu le 12 janvier 2022 par la cour d'appel de Limoges (chambre économique et sociale), dans le litige l'opposant à la société Hôtel [2], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de la SCP Poupet et Kacenelenbogen, avocat de M. [D], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Hôtel [2], et l'avis de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 29 novembre 2023 où étaient présents M. Sommer, président, M. Flores, conseiller rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, M. Rouchayrole, Mmes Deltort, Le Quellec, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, Techer, Rodrigues, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Limoges, 12 janvier 2022), M. [D] a été engagé en qualité de directeur de l'hôtel [4] d'[Localité 5] (19) le 1er septembre 2016. Le contrat prévoyait un forfait annuel de deux cent dix-sept jours.
2. Le forfait annuel ayant été dépassé de vingt-cinq jours en 2016, puis de vingt-six jours en 2017, la direction a limité à cent soixante-six jours le forfait en 2018, lequel a été dépassé de trente jours.
3. Par lettre du 28 janvier 2019, le salarié a démissionné à effet du 31 mars 2019.
4. Le 6 mai 2019, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes relatives à l'exécution et à la rupture du contrat de travail.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de l'ensemble de ses demandes, alors :
« 2°/ qu'aux termes de l'article L. 3121-60 du code du travail, l'employeur s'assure régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail ; qu'en application de l'article 2.4 de l'avenant n° 22 du 16 décembre 2014 de la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants, relatif au suivi du temps de travail, chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours devra bénéficier chaque année d'un entretien avec son supérieur hiérarchique au cours duquel seront évoquées la charge de travail du salarié, l'amplitude de ses journées d'activité, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle et familiale, ainsi que sa rémunération ; que la méconnaissance par l'employeur de son obligation d'organiser un entretien annuel individuel avec le salarié ayant conclu une convention de forfait jours, mesure destinée à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié, prive d'effet la convention de forfait jours ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'un entretien annuel avait eu lieu le 13 décembre 2017, le compte-rendu de cet entretien indiquant que la charge de travail de M. [D] "avait un impact sérieux d'un niveau 4/5", le forfait de M. [D] ayant été dépassé (244 jours au lieu de 218) ce qui avait un impact notable sur la situation du salarié ; que la cour d'appel a encore constaté "qu'aucun entretien annuel n'a eu lieu en 2018" ; qu'il en résultait que la convention de forfait jours signée par M. [D] était privée d'effet, faute pour l'employeur d'avoir respecté son obligation d'organiser un entretien annuel individuel ; qu'en énonçant néanmoins, pour débouter M. [D] de ses demandes, que celui-ci n'était "pas fondé à invoquer l'absence de l'entretien annuel en 2018, prévu par l'article 2.4 de l'avenant n° 22 bis du 7 octobre 2016, pour voir privée d'effet la convention de forfait jours le concernant", la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant l'article L. 3121-60 du code du travail et l'article 2.4 de l'avenant n° 22 du 16 décembre 2014 de la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants ;
3°/ qu'aux termes de l'article L. 3121-60 du code du travail, l'employeur s'assure régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail ; qu'en application de l'article 2.4 de l'avenant n° 22 du 16 décembre 2014 de la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants, relatif au suivi du temps de travail, chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours devra bénéficier chaque année d'un entretien avec son supérieur hiérarchique au cours duquel seront évoquées la charge de travail du salarié, l'amplitude de ses journées d'activité, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle et familiale, ainsi que sa rémunération ; que la méconnaissance par l'employeur de son obligation d'organiser un entretien annuel individuel avec le salarié ayant conclu une convention de forfait jours, mesure destinée à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié, prive d'effet la convention de forfait jours ; qu'en déboutant M. [D] de ses demandes, aux motifs inopérants que la société [2] justifiait qu'en raison de la démission de son directeur général, M. [L], le 31 décembre 2018, et de la prise de poste très récente au 21 janvier 2019 du nouveau directeur des opérations, M. [K], les directeurs des différents hôtels avaient été convoqués à l'entretien individuel de suivi du forfait cadre au titre de l'année 2018 en mars 2019, que dans ce cadre, M. [D] avait été convoqué le 6 mars 2019 mais avait refusé cet entretien par mail en faisant valoir que la période concernée était dépassée et que son contrat se terminant le 31 mars 2019, le recul de la date de l'entretien de M. [D] était "admissible et légitime" de la part de l'employeur et que si le salarié était resté en poste, l'entretien de 2018 se serait déroulé en mars 2019 et celui relatif à l'année 2019 fin 2019, les dispositions conventionnelles étant respectées, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs impropres à justifier légalement sa décision, en violation de l'article L. 3121-60 du code du travail et de l'article 2.4 de l'avenant n° 22 du 16 décembre 2014 de la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
6. L'employeur conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que l'avenant n° 22 bis du 7 octobre 2016 était bien applicable à la convention de forfait en jours, au plus tard à compter du 1er avril 2018, et que pour la période antérieure, l'avenant n° 22 du 16 décembre 2014, entré en vigueur le 1er avril 2016, n'était applicable que sous réserve du respect de mesures complémentaires de l'employeur, de sorte que le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, tirées de la violation du seul avenant n° 22 du 16 décembre 2014, le cas échéant conjugué avec l'article L.3121-60 du code du travail, est imprécis.
7. Cependant, le moyen, qui précise le cas d'ouverture invoqué, la partie critiquée de la décision et ce en quoi elle encourt le reproche allégué, n'est pas imprécis.
8. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles L. 3121-60, L. 3121-64, II, du code du travail, 2.4 de l'avenant n° 22 du 16 décembre 2014 à la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants (HCR) du 30 avril 1997, relatif aux cadres autonomes, étendu par arrêté du 29 février 2016 et 2.4 de l'avenant n° 22 bis du 7 octobre 2016, relatif aux cadres autonomes, étendu par arrêté du 9 mars 2018 :
9. Aux termes du premier de ces textes, dont les dispositions sont d'ordre public, l'employeur s'assure régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail.
10. Selon le deuxième, l'accord collectif autorisant la conclusion de conventions individuelles de forfait en jours détermine les modalités selon lesquelles l'employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail du salarié, sur l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération, ainsi que sur l'organisation du travail dans l'entreprise.
11. Selon les deux derniers, chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours devra bénéficier chaque année d'un entretien avec son supérieur hiérarchique au cours duquel seront évoquées la charge de travail du salarié, l'amplitude de ses journées d'activité, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle et familiale ainsi que sa rémunération.
12. Pour débouter le salarié de ses demandes au titre de la convention individuelle de forfait en jours, l'arrêt, après avoir constaté qu'aucun entretien annuel n'avait eu lieu en 2018, retient que l'employeur justifie qu'en raison de la démission de son directeur général, le 31 décembre 2018, et de la prise de fonction le 21 janvier 2019 du nouveau directeur des opérations, les directeurs des différents hôtels ont été convoqués à l'entretien individuel de suivi du forfait cadre au titre de l'année 2018, en mars 2019. Il ajoute qu'eu égard à la nécessité de décaler l'ensemble des entretiens des directeurs du fait des contraintes de la société, le recul de la date d'entretien du salarié au 6 mars 2019 était admissible et légitime.
13. En statuant ainsi, par des motifs inopérants tirés de contraintes internes à l'entreprise, alors qu'elle avait constaté que, lors de l'entretien réalisé en 2017, le salarié avait signalé l'impact sérieux de sa charge de travail et le non-respect ponctuel du repos hebdomadaire, que le repos hebdomadaire n'avait pas été respecté à plusieurs reprises en 2018 et que les convocations pour l'entretien pour 2018 n'avaient été adressées qu'en mars 2019, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur le moyen, pris en sa cinquième branche
Enoncé du moyen
14. Le salarié fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'aux termes de l'article L. 3121-60 du code du travail, l'employeur s'assure régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail ; qu'en application de l'article 2.4 de l'avenant n° 22 du 16 décembre 2014 de la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants, relatif au suivi du temps de travail, "l'employeur tient un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées travaillées, le positionnement et la qualification des jours de repos (repos hebdomadaire, congés payés, jours fériés (...) ; que ce document sera tenu à la disposition de l'inspection du travail et permettra au supérieur hiérarchique (...) d'assurer un suivi de l'organisation du travail du salarié, afin de veiller à ce que l'amplitude et la charge de travail soient raisonnables (...) ; ces cadres doivent bénéficier des dispositions relatives au repos quotidien minimal prévu à l'article 21.4 de la convention collective nationale des HCR et au repos hebdomadaire prévu à l'article 21.3 de ladite convention" ; que des solutions à la surcharge de travail d'un salarié doivent être recherchées et trouvées et que les garanties mises en place par l'accord collectif doivent avoir été effectives ; que la méconnaissance, par l'employeur, de son obligation de veiller à ce que l'amplitude et la charge de travail du salarié restent raisonnables et de vérifier le respect du repos quotidien et hebdomadaire par le salarié, mesures destinées à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié, prive d'effet la convention de forfait jours ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté, d'abord, que M. [D] avait, lors de l'entretien annuel du 13 décembre 2017, indiqué que sa charge de travail avait un impact sérieux et qu'il avait dépassé son forfait annuel ; qu'elle a relevé, ensuite, que M. [D] avait effectivement alerté le service des ressources humaines sur sa fatigue et sur la surcharge de travail, par mails des 26 juin 2018, 6 juillet 2018 et 20 août 2018 et que le salarié avait dépassé son forfait de 25 jours en 2016, de 16 jours en 2017 et de 30 jours en 2018 ; qu'elle a ajouté que M. [D] avait parfois travaillé "plus de six jours de suite (en 2016, janvier, mars, octobre, novembre 2017, janvier, juin, août 2018)" ; qu'il ressortait de ces constatations que l'employeur avait méconnu son obligation d'assurer un suivi de l'organisation du travail de M. [D] afin de veiller à ce que son amplitude et sa charge de travail restent raisonnables ; qu'il s'en déduit que l'employeur n'avait pas recherché ni trouvé de solutions à la surcharge de travail du salarié et n'avait pas vérifié le respect des règles relatives au repos quotidien et hebdomadaire par M. [D], de sorte que les garanties mises en place par l'accord collectif n'avaient pas été effectives ; que, dès lors, en déboutant M. [D] de ses demandes, la cour d'appel n'a donc pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, violant les articles L. 3121-60 du code du travail et 2.4 de l'avenant n° 22 du 16 décembre 2014 de la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
15. L'employeur conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que l'avenant n° 22 bis du 7 octobre 2016 était bien applicable à la convention de forfait en jours, au plus tard à compter du 1er avril 2018, et que pour la période antérieure, l'avenant n° 22 du 16 décembre 2014, entré en vigueur le 1er avril 2016, n'était applicable que sous réserve du respect de mesures complémentaires de l'employeur, de sorte que le moyen, pris en sa cinquième branche, tiré de la violation du seul avenant n° 22 du 16 décembre 2014, le cas échéant conjugué avec l'article L. 3121-60 du code du travail, est imprécis.
16. Cependant, le moyen, qui précise le cas d'ouverture invoqué, la partie critiquée de la décision et ce en quoi elle encourt le reproche allégué, n'est pas imprécis.
17. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles L. 3121-60, L. 3121-64 et L. 4121-1 du code du travail :
18. Aux termes du premier de ces textes, dont les dispositions sont d'ordre public, l'employeur s'assure régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail.
19. Il résulte du troisième que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité envers les salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Il ne méconnaît pas cette obligation légale s'il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.
20. Pour débouter le salarié de ses demandes au titre du forfait en jours l'arrêt, après avoir relevé que le salarié avait parfois travaillé plus de six jours de suite en 2016, 2017 et 2018, retient qu'à compter de 2018 les tableaux mentionnent une alerte de l'employeur (115 repos hebdomadaires à prendre au lieu de 104) et que le salarié a bénéficié de jours de récupération.
21. L'arrêt ajoute que le forfait ayant été dépassé de vingt-cinq jours en 2016 et de vingt-six jours en 2017, l'employeur a imposé au salarié un forfait annuel de cent soixante-six jours en 2018 pour compenser la différence de cinquante et un jours travaillés, montrant ainsi son souci que le temps de travail du salarié ne dépasse pas deux cent dix-sept jours par an afin de préserver sa santé et sa sécurité. L'arrêt précise que le salarié ayant encore dépassé de trente jours le forfait en 2018, l'employeur a payé ce dépassement.
22. L'arrêt relève enfin que la responsable des ressources humaines s'est déplacée du 17 au 19 mai 2017, pour expliquer au salarié le fonctionnement du fichier forfait cadre, et du 18 au 20 juillet 2017, et a invité à cette occasion le salarié à poser ses congés, que la note de service relative au report des congés a été signée en décembre 2017, que la fiche relative à la durée du temps de travail a été remise le 14 décembre 2017 et que des informations sur le forfait en jours ont été données aux directeurs d'hôtels en mars et août 2018. L'arrêt en conclut que le salarié ne peut pas dire que son employeur ne portait pas un regard attentif sur le nombre de jours travaillés.
23. En statuant ainsi, par des motifs inopérants tirés de la récupération ou du paiement des jours de dépassement du forfait et des alertes mentionnées sur les tableaux tenus par l'employeur, alors qu'elle avait constaté, d'une part, que le repos hebdomadaire n'avait pas été respecté à plusieurs reprises en 2016, 2017 et 2018, d'autre part, que le forfait annuel avait été dépassé de vingt-cinq jours en 2016, vingt-six jours en 2017 et trente jours en 2018, ce dont il résultait que l'employeur qui s'était abstenu de mettre en place des mesures de nature à remédier en temps utile à la charge de travail incompatible avec une durée raisonnable de travail dont il avait été informé, avait manqué à ses obligations légales et conventionnelles, a violé les textes susvisés.




Soc. 10 janvier 2024 n° 22-15.782 B

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
HP


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 10 janvier 2024



Rejet

M. SOMMER, président


Arrêt n° 23 FS-B+R
Pourvoi n° J 22-15.782



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 10 JANVIER 2024
La société Eurac, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° J 22-15.782 contre l'arrêt rendu le 10 février 2022 par la cour d'appel d'Angers (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. [T] [L], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
M. [L] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation.
Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société Eurac, de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de M. [L], et l'avis de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 29 novembre 2023 où étaient présents M. Sommer, président, M. Flores, conseiller rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, M. Rouchayrole, Mmes Deltort, Le Quellec, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, Techer, Rodrigues, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 10 février 2022), M. [L] a été engagé en qualité de coordinateur salons professionnels à l'international le 1er octobre 2016. Le contrat contenait une convention de forfait en jours.
2. Par lettre du 4 juillet 2018, le salarié a été licencié pour insuffisance professionnelle.
3. Le 29 janvier 2019, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.
Examen des moyens
Sur les deuxième et troisième moyens du pourvoi principal de l'employeur et le moyen du pourvoi incident du salarié
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
5. L'employeur fait grief à l'arrêt d'annuler la convention individuelle de forfait en jours, alors :
« 1°/ qu'applique valablement la convention de forfait en jours l'employeur qui a mis en place un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées et demi-journées travaillées lorsque le salarié a validé les documents de suivi mensuel ; qu'en ne tirant pas les conséquences légales de ses constatations selon lesquelles, s'agissant du respect des conditions posées à l'article L. 3121-65 du code du travail, l'employeur avait bien mis en place un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées et que M. [L] reconnaissait avoir validé chaque suivi mensuel d'activité présenté par l'employeur, la cour d'appel a violé l'article L. 3121-65 du code du travail ;
2°/ qu'en s'étant bornée à rappeler que le salarié alléguait "qu'il lui a été interdit de procéder à toute modification du document adressé par le service en charge des ressources humaines", sans avoir vérifié la réalité de cette allégation contestée par l'employeur, et en s'étant bornée à relever que le tableau de suivi ne reflète pas la réalité des jours travaillés de M. [L] et n'est pas renseigné correctement, sans avoir caractérisé en quoi les erreurs n'étaient pas imputables au salarié qui avait validé chaque suivi mensuel d'activité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3121-65 du code du travail ;
3°/ que l'absence de preuve par l'employeur de l'exécution de l'obligation d'organiser un entretien portant sur la charge de travail du salarié, n'entraîne pas la nullité de la convention de forfait ; qu'en relevant que le document produit par l'employeur pour justifier de la tenue d'un entretien annuel n'avait pas de force probante, la cour d'appel a violé l'article L. 3121-65 du code du travail. »
Réponse de la Cour
6. Aux termes de l'article L. 3121-65, I, du code du travail, à défaut de stipulations conventionnelles prévues aux 1° et 2° du II de l'article L. 3121-64, une convention individuelle peut être valablement conclue sous réserve des dispositions suivantes : 1° L'employeur établit un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées. Sous la responsabilité de l'employeur, ce document peut être renseigné par le salarié ; 2° L'employeur s'assure que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires ; 3° L'employeur organise une fois par an un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail, qui doit être raisonnable, l'organisation de son travail, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération.
7. En cas de manquement à l'une de ces obligations, l'employeur ne peut se prévaloir du régime dérogatoire ouvert par l'article L. 3121-65 du code du travail. Il en résulte que la convention individuelle de forfait en jours conclue, alors que l'accord collectif ouvrant le recours au forfait en jours ne répond pas aux exigences de l'article L.3121-64, II, 1° et 2°, du même code, est nulle.
8. Après avoir retenu à bon droit que l'accord collectif du 5 septembre 2003, qui permettait le recours au forfait en jours, n'était pas conforme aux dispositions de l'article L. 3121-64 du code du travail, la cour d'appel a vérifié que les dispositions de l'article L. 3121-65 du même code avaient été respectées. Elle a, d'abord, constaté que les tableaux de suivi ne reflétaient pas la réalité des jours travaillés par le salarié, peu important qu'ils aient pu être renseignés par l'intéressé dès lors que ceux-ci doivent être établis sous la responsabilité de l'employeur et a estimé que, dans ces conditions, il apparaissait impossible à l'employeur de s'assurer que la charge de travail était compatible avec le respect des temps de repos quotidien et hebdomadaire. La cour d'appel a, ensuite, constaté que l'employeur n'avait pas satisfait à son obligation d'organiser avec le salarié un entretien annuel pour évoquer sa charge de travail.
9. La cour d'appel en a exactement déduit que la convention individuelle de forfait en jours était nulle.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.




Soc. 10 janvier 2024 n° 22-20.116

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 10 janvier 2024



Cassation partielle

M. FLORES, conseiller le plus ancien faisant fonction de président


Arrêt n° 7 F-D
Pourvoi n° V 22-20.116


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 10 JANVIER 2024
La société Clear Channel France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 22-20.116 contre l'arrêt rendu le 17 juin 2022 par la cour d'appel de Rennes (8e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant à M. [L] [V], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Clear Channel France, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [V], après débats en l'audience publique du 29 novembre 2023 où étaient présents M. Flores, conseiller le plus ancien faisant fonction de président et rapporteur, Mme Deltort, conseiller, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, ayant voix délibérative, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 17 juin 2022), le 21 juin 1993, M. [V] a été engagé, en qualité d'attaché technico-commercial, par la société Clear Channel France. Dans le dernier état de la relation de travail, il exerçait les fonctions de directeur technique et relevait d'un forfait en jours.
2. Licencié le 8 septembre 2016, le salarié a, le 22 novembre 2016, saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche, et le second moyen
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, pris en sa première branche, qui est irrecevable, et le second moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement d'une certaine somme à titre d'indemnité pour travail dissimulé, alors « que l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé est, aux termes de l'article L. 8223-1 du code du travail, égale à six mois de salaire ; qu'en l'espèce, pour calculer l'indemnité sollicitée à ce titre, le salarié s'était fondé sur un salaire de référence fixé à 8 178,65 euros bruts, tenant compte du montant moyen mensuel d'heures supplémentaires dont il réclamait le paiement ; que la cour d'appel n'a que partiellement fait droit à la demande d'heures supplémentaires présentées ; qu'en allouant au salarié une indemnité de 52 311 euros, sans préciser le salaire de référence sur lequel elle se fondait, lequel était contesté par l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 8223-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 8223-1 du code du travail :
5. Selon ce texte, en cas de travail dissimulé, le salarié dont le contrat de travail est rompu peut prétendre à une indemnité forfaitaire d'un montant égal à six mois de salaire.
6. Pour condamner l'employeur au paiement d'une certaine somme à titre d'indemnité pour travail dissimulé, l'arrêt retient que le non paiement des nombreuses heures supplémentaires dues au salarié auquel a été appliqué une convention de forfait en jours par année dépourvue d'effet en raison du non respect des termes conventionnels est suffisant pour caractériser l'intention de l'employeur de dissimuler une partie du temps de travail effectué par le salarié et justifie le bien-fondé d'une demande indemnitaire. Il ajoute qu'il convient de faire droit à la demande du salarié à ce titre.
7. En se déterminant ainsi, en adoptant les modalités de calcul du salarié établies sur la base de l'intégralité des heures supplémentaires réclamées par ce dernier, sans vérifier l'assiette de calcul de l'indemnité pour travail dissimulé résultant de sa décision d'admission partielle de la demande au titre des heures supplémentaires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Portée et conséquences de la cassation
8. La cassation du chef de la condamnation au paiement d'une indemnité au titre du travail dissimulé n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause.




Soc. 6 décembre 2023 n° 22-19.014

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
PH


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 6 décembre 2023



Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 2158 F-D
Pourvoi n° X 22-19.014

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 DÉCEMBRE 2023
M. [Z] [X], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° X 22-19.014 contre l'arrêt rendu le 23 mars 2022 par la cour d'appel de Versailles (15e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Marsh, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lanoue, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [X], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Marsh, après débats en l'audience publique du 8 novembre 2023 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lanoue, conseiller référendaire rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 23 mars 2022), M. [X] a été engagé en qualité de gestionnaire technico-commercial à compter du 1er mars 1994 par la société Faugère et Sutheau, désormais dénommée Marsh (la société). Il exerçait en dernier lieu les fonctions de chargé de clientèle, statut cadre.
2. Il a pris acte de la rupture de son contrat de travail par lettre recommandée avec accusé réception du 22 août 2017.
3. Il a saisi la juridiction prud'homale le 3 août 2018 afin d'obtenir la requalification de sa prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse et le versement de diverses sommes.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes tendant à juger qu'il avait été victime d'un harcèlement moral, juger que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail produisait les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, condamner la société à lui verser diverses sommes à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral, dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et indemnités de rupture, alors :
« 1°/ qu'aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; que, dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en l'espèce, pour débouter M. [X] de sa demande tendant à voir juger qu'il avait fait l'objet d'un harcèlement moral et de ses demandes consécutives, la cour d'appel a successivement examiné, puis écarté au vu des explications de l'employeur les griefs pris de ce qu'il avait reçu au titre de l'année 2016 la plus mauvaise note d'évaluation depuis le début de sa carrière, qu'une rupture conventionnelle lui avait été proposée en 2012, à laquelle l'employeur avait renoncé au dernier moment, qu'il n'avait jamais bénéficié d'évaluations de sa charge de travail nonobstant la convention de forfait en jours à laquelle il était soumis ; qu'en se déterminant de la sorte au lieu d'examiner si, pris dans leur ensemble, ces éléments ne permettaient pas de présumer un harcèlement moral qu'il aurait appartenu à l'employeur de justifier par des éléments objectifs, la cour d'appel a violé l'article L. 1154-1 du code du travail ;
2°/ qu'aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que si les agissements de harcèlement moral doivent être répétés, aucune disposition légale n'impose qu'ils soient de nature différente ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que M. [X] a été soumis à compter de 2004 à une convention de forfait en jours et n'a jamais fait l'objet d'un entretien annuel d'évaluation de sa charge de travail ; qu'en retenant cependant pour le débouter de sa demande tendant à voir juger qu'il avait fait l'objet d'un harcèlement moral, que "L'absence de tenue d'un entretien annuel portant sur la charge de travail rend la convention de forfait jours inopposable au salarié, mais ce seul manquement de l'employeur n'est pas en soi constitutif d'un harcèlement lequel implique des agissements répétés" la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 1152-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
5. Le moyen ne tend qu'à contester l'appréciation souveraine par la cour d'appel des éléments de preuve et de faits dont elle a, sans méconnaître les règles spécifiques de preuve et exerçant les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1154-1 du code du travail, fait ressortir que certains des faits invoqués par le salarié ne laissaient pas supposer l'existence d'un harcèlement et, s'agissant des autres faits, que l'employeur démontrait que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement de rappels de salaire pour heures supplémentaires et congés payés afférents, d'indemnité pour repos compensateurs non pris et pour travail dissimulé, de dire que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail produira les effets d'une démission, alors « qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; que constitue un élément suffisamment précis un décompte établi par le salarié récapitulant les heures de travail qu'il prétend avoir effectuées ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'à l'appui de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, M. [X] avait produit devant elle « un décompte d'heures supplémentaires qu'il qualifie de "forfaitaire", de 9 heures et 12 minutes par semaine, soit 40 heures par mois et 1 300 heures sur les trois années concernées » ainsi que "des copies d'écran semaine après semaine de ses agendas qui ne fournissent pas d'éléments précis sur l'amplitude de sa journée de travail" ; qu'elle l'a débouté de sa demande aux motifs que "Les heures supplémentaires réclamées par le salarié ne peuvent aucunement constituer un forfait comme indiqué dans le décompte forfaitaire produit par le salarié à raison de 40 heures par mois et 1 300 heures sur 36 mois et des copies d'écran d'agendas produits ne constituent pas des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies de manière forfaitaire afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments" ; qu'en statuant de la sorte la cour d'appel, qui a fait peser sur le salarié exclusivement la charge de la preuve des heures supplémentaires accomplies, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail interprété à la lumière des articles 3, 5 et 6 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail et l'article 31, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :
7. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
8. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
9. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
10. Pour débouter le salarié de ses demandes, l'arrêt constate que celui-ci produit un décompte d'heures supplémentaires qu'il qualifie de « forfaitaires » de 9 heures et 12 minutes par semaine et des copies d'écrans semaine après semaine de ses agendas qui ne fournissent pas d'éléments précis sur l'amplitude de sa journée de travail.
11. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, d'autre part que ce dernier ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
12. La cassation des chefs de dispositif relatifs au rejet de la demande en paiement de rappels de salaire pour heures supplémentaires et congés payés afférents, d'indemnité pour repos compensateur non pris, et disant que la prise d'acte produira les effets d'une démission n'emporte pas celle du chef de dispositif de l'arrêt déboutant le salarié de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé, à l'encontre de laquelle aucun grief n'est énoncé dans le second moyen et qui ne se rattache pas aux chefs de dispositif précités par un lien de dépendance nécessaire.




Soc. 29 novembre 2023 n° 22-17.323

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 29 novembre 2023



Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 2120 F-D
Pourvoi n° J 22-17.323



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 NOVEMBRE 2023
M. [Y] [F], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° J 22-17.323 contre l'arrêt rendu le 7 avril 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 6,chambre 7), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société BPCE Expertises immobilières, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droit de la société Serexim,
2°/ à la société Serexim, dont le siège est [Adresse 1],
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SCP Guérin-Gougeon, avocat de M. [F], de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de la société BPCE Expertises immobilières, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2023 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 avril 2022), M. [F] a été engagé en qualité de chargé de mission le 27 août 2007 par la société Serexim, aux droits de laquelle vient la société BPCE Expertises immobilières, suivant un contrat à temps partiel transformé en contrat à temps plein à compter du 1er février 2012. Par avenant du 10 septembre 2012, le salarié a été promu au statut de cadre et a signé une convention de forfait annuel de 218 jours.
2. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale, le 7 février 2018, afin de solliciter la résiliation judiciaire de son contrat de travail et d'obtenir la condamnation de son employeur à lui payer diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.
Examen des moyens
Sur les premier et troisième moyens
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le quatrième moyen
Enoncé du moyen
4. Le salarié fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande d'indemnisation afférente au travail à temps complet sans rémunération qu'il avait accompli jusqu'en 2012, alors :
« 1°/ que les juges du fond doivent motiver leur décision ; qu'en déboutant M. [F] de sa demande d'indemnisation du préjudice de perte de droits à la retraite qu'il avait subi en travaillant à temps plein jusqu'en 2012, tout en étant rémunéré pour un travail à temps partiel, sans assortir sa décision d'aucun motif, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ qu'en jugeant, par motifs adoptés, que la transaction conclue le 29 mars 2012 faisait obstacle à ce que M. [F] réclame le versement de dommages et intérêt en réparation du préjudice subi pour les années 2009 à 2012, sans répondre aux conclusions qui soutenaient que cette transaction, d'une part, n'abordait pas la question de la perte de chance du salarié de prétendre à des droits retraites correspondant à un travail à temps plein et, d'autre part, avait seulement eu pour objet de mettre fin à un litige portant sur le paiement d'un 13e mois et d'heures supplémentaires, de sorte qu'elle ne faisait pas obstacle à l'examen de ce chef de demande, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
5. La cour d'appel n'ayant pas statué sur ce chef de demande, le moyen dénonce en réalité une omission de statuer qui, pouvant être réparée par la procédure prévue à l'article 463 du code de procédure civile, ne donne pas ouverture à cassation.
6. En conséquence, le moyen n'est pas recevable.
Mais sur le deuxième moyen, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
7. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en annulation de la convention en forfait en jours qui le liait à l'employeur et de ses demandes en paiement de rappels de salaire pour les heures supplémentaires réalisées au cours des années 2015 à 2018, outre les congés payés afférents et d'une indemnité forfaire pour travail dissimulé, alors :
« 1°/ que la mise en place d'une convention de forfait jours implique l'instauration, par l'employeur, d'un système de contrôle régulier de la charge de travail du salarié, permettant à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable ; qu'en jugeant que la tenue d'un entretien annuel était suffisante pour contrôler l'adéquation de la charge de travail de M. [F], la cour d'appel, qui ne pouvait davantage se fonder sur la circonstance inopérante que M. [F] n'avait fait aucune réserve à l'occasion de ces entretiens, a violé l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article L. 212-15-3 ancien du code du travail, dans sa rédaction applicable, interprété à la lumière des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
2°/ que la mise en place d'une convention de forfait jours implique l'instauration, par l'employeur, d'un système de contrôle régulier de la charge de travail du salarié, permettant à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable ; qu'en jugeant, à la suite des premiers juges, que la société Serexim remplissait ses obligations à cet égard, en l'état de la mise en place ''d'un outil de gestion du temps'' sans autre précision, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article L. 212-15-3 ancien du code du travail, dans sa rédaction applicable, interprété à la lumière des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. »
Réponse de la Cour
Vu l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article L. 3121-39 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, interprété à la lumière des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne :
8. Le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles.
9. Il résulte des articles susvisés de la directive de l'Union européenne que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur.
10. Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.
11. Pour débouter le salarié de ses demandes tendant au prononcé de la nullité de la convention de forfait annuel en jours, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que l'accord relatif à l'aménagement du temps de travail conclu dans l'entreprise le 26 mars 2014 prévoit des dispositions relatives aux conventions individuelles de forfait annuel en jours et détermine les conditions dans lesquelles celles-ci s'appliquent aux chargés de mission. Il constate que cet accord précise également les modalités de contrôle et de suivi de la charge de travail qui sont réalisées à l'occasion des entretiens annuels d'appréciation et par un outil de gestion des temps.
12. L'arrêt relève, par motifs propres, que l'employeur verse aux débats les entretiens annuels d'évaluation qui comportent effectivement un emplacement réservé à l'évaluation de la charge de travail et à sa compatibilité avec la vie familiale et personnelle du salarié. Il constate que le salarié a déclaré, dans ces documents, que sa charge de travail était en adéquation avec l'amplitude horaire de ses journées de travail et n'affectait pas le temps consacré à sa vie privée. Il en conclut que la demande tendant à la nullité de la convention de forfait en jours doit être rejetée.
13. En statuant ainsi, alors, que les dispositions de l'article 19.9 de la convention collective nationale de l'immobilier, administrateurs de biens, sociétés immobilières, agents immobiliers, etc. (anciennement cabinets d'administrateurs de biens et des sociétés immobilières), du 9 septembre 1988, dans sa rédaction antérieure à l'avenant n° 73 du 5 décembre 2017, qui se limitent à prévoir, s'agissant de la charge et de l'amplitude de travail du salarié concerné que l'employeur et l'intéressé définissent en début d'année, ou deux fois par an si nécessaire, le calendrier prévisionnel de l'aménagement du temps de travail et de la prise des jours de repos sur l'année et établissent une fois par an un bilan de la charge de travail de l'année écoulée, et celles de l'accord relatif à l'aménagement du temps de travail signé le 30 juillet 2012, entre la société Serexim et les délégués du personnel, qui prévoient seulement que le nombre de jours travaillés est enregistré par le salarié au moyen d'un dispositif autodéclaratif, que ce relevé mensuel sera remis, en fin de mois, au responsable hiérarchique qui en accusera réception et transmis aux ressources humaines, que le salarié indiquera sur ce formulaire s'il n'a pas été en mesure de respecter les temps de repos minimal quotidien et hebdomadaires et que dans ce cas, un entretien individuel sera organisé dans les quinze jours avec son supérieur hiérarchique afin d'apprécier la charge de travail et de discuter de l'organisation du travail, sans instituer de suivi effectif et régulier permettant à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, ne sont pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et à assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, ce dont il se déduisait que la convention de forfait en jours signé le 10 septembre 2012 était nulle, la cour d'appel a violé les textes susvisés.




Soc. 29 novembre 2023 n° 22-19.424

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CH9


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 29 novembre 2023



Cassation partielle

M. FLORES, conseiller le plus ancien faisant fonction de président


Arrêt n° 2108 F-D
Pourvoi n° T 22-19.424



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 NOVEMBRE 2023
M. [C] [M], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 22-19.424 contre l'arrêt rendu le 2 juin 2022 par la cour d'appel de Versailles (11e chambre), dans le litige l'opposant à la société Effilab, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Deltort, conseiller, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de M. [M], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Effilab, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2023 où étaient présents M. Flores, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Deltort, conseiller rapporteur, Mme Techer, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 2 juin 2022), M. [M] a été engagé en qualité de « digital trader » par la société Effilab le 1er février 2016 puis promu en avril 2018 au poste de directeur des opérations, la relation de travail étant régie par la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils dite Syntec.
2. Le 8 février 2019, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes au titre de la rupture et de l'exécution du contrat de travail.
3. Le 4 avril 2019, il a été licencié.
Examen des moyens
Sur les premier et deuxième moyens
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de sécurité, alors « que l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l'employeur doit justifier avoir pris toutes les mesures nécessaires à cet effet ; qu'en l'espèce, pour déclarer la convention de forfait jours privée d'effet, la Cour d'appel a retenu que la société Effilab ne justifiait pas "d'un suivi précis et conforme portant notamment sur la charge de travail, l'organisation du travail, et l'articulation entre activité professionnelle et vie personnelle et familiale", ni d'avoir "organisé l'entretien spécifique annuel portant sur ce suivi", et "consulté les IRP sur le recours aux forfaits jours ni sur les modalités de suivi de la charge de travail" ; qu'il résultait de ces constatations que la société Effilab n'avait pas pris les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés ; qu'en déboutant néanmoins M. [M] de sa demande tendant à voir condamner la société Effilab pour manquement à son obligation de sécurité, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 4121-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 4121-1 du code du travail :
6. Il résulte de ce texte que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité envers les salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Il ne méconnaît pas cette obligation légale s'il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.
7. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement de dommages-intérêts au titre du non-respect de l'obligation de sécurité, l'arrêt, après avoir décidé que la convention de forfait en jours était privée d'effet en raison du manquement de l'employeur à ses obligations, retient que les arrêts de travail délivrés par le médecin généraliste et les justificatifs de traitement médicamenteux demeurent très insuffisants pour établir un lien avec les conditions de travail du salarié et la connaissance par l'employeur, en l'absence de toute alerte, d'une situation qui aurait justifié des mesures spécifiques dans le cadre de son obligation de sécurité.
8. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que, lors de l'exécution de la convention individuelle de forfait en jours, l'employeur ne justifiait pas d'un suivi précis et conforme portant notamment sur la charge de travail, l'organisation du travail et l'articulation entre activité professionnelle et vie personnelle et familiale et donc de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié, de sorte que l'employeur avait manqué à son obligation de sécurité, la cour d'appel, à qui il appartenait de vérifier si un préjudice en avait résulté, a violé le texte susvisé.
Portée et conséquence de la cassation
9. La cassation prononcée n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.




Soc. 15 novembre 2023 n° 22-12.909

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
HP


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 15 novembre 2023



Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 2072 F-D
Pourvoi n° M 22-12.909



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 NOVEMBRE 2023
M. [N] [F], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° M 22-12.909 contre l'arrêt rendu le 4 janvier 2022 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant à la société Cheddite France, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Rouchayrole, conseiller, les observations de la SCP Boullez, avocat de M. [F], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Cheddite France, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2023 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rouchayrole, conseiller rapporteur, Mme Techer, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 4 janvier 2022), M. [F] a été engagé en qualité de responsable maintenance et méthodes le 2 mai 2016 par la société Cheddite France, le contrat de travail prévoyant une convention de forfait en jours.
2. Licencié le 22 novembre 2016 et contestant le bien-fondé de ce licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale le 21 août 2017 de demandes relatives à l'exécution et à la rupture du contrat de travail.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. Le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement de rappels de salaires au titre des heures supplémentaires, alors « qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'ainsi, la preuve des heures supplémentaires n'incombe pas au salarié ; qu'en écartant le relevé d'heures supplémentaires pour la raison qu'il était fondé sur des mails envoyés en début et en fin de journée qui ne suffisaient pas à témoigner d'une durée effective de travail effectif sur le reste de la journée et démontrer en conséquence l'amplitude de travail et l'accomplissement d'heures supplémentaires, la cour d'appel qui s'est fondée sur l'insuffisance des documents de preuve produits par le salarié, a fait supporter à ce dernier la charge de la preuve des heures supplémentaires, en violation de l'article L. 3171-4 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :
4. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, l'employeur tient à la disposition des membres compétents de l'inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
5. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
6. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
7. Pour débouter le salarié de sa demande au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents, l'arrêt relève que le salarié a versé au soutien de sa demande de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires une synthèse réalisée par ses soins de ses heures de travail du 2 mai 2016 au 5 novembre 2016, précisant une pause d'une heure déduite pour chaque repas ainsi que des « mails » envoyés par ses soins en dehors des heures de travail (8 heures - 18 heures).
8. Il retient ensuite que si le fait pour un salarié d'adresser un « mail » à un collaborateur, un client ou un supérieur hiérarchique peut attester de la présence du salarié à un moment défini devant son ordinateur ou son smartphone, il ne peut suffire à témoigner d'une durée effective de travail effectif sur le reste de la journée et démontrer en conséquence l'amplitude de travail et l'accomplissement d'heures supplémentaires.
9. Enfin l'arrêt constate que le salarié ne démontre pas que son employeur lui demandait des réponses à des messages électroniques en dehors de ses heures de travail et qu'en conséquence, le seul autre document versé était le récapitulatif des heures supplémentaires basées sur les premier et dernier « mails » de la journée. Il retient que les pièces ainsi produites ne constituaient pas des éléments suffisamment précis de nature à étayer l'allégation du salarié et à permettre à l'employeur d'y répondre.
10. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part, que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, d'autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé.




Soc. 25 octobre 2023 n° 20-22.800 B

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
HP


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 25 octobre 2023



Rejet

M. SOMMER, président


Arrêt n° 2001 FS-B
Pourvoi n° W 20-22.800


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 OCTOBRE 2023
M. [F] [W], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° W 20-22.800 contre l'arrêt rendu le 14 octobre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 6), dans le litige l'opposant à la société Auxiliaire de contrôle "Auxicontrol", société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Techer, conseiller référendaire, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [W], de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la société Auxiliaire de contrôle "Auxicontrol", et l'avis de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 27 septembre 2023 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Techer, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge conseiller doyen, Mme Cavrois, MM. Sornay, Rouchayrole, Flores, Mme Deltort, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 octobre 2020), M. [W] a été engagé en qualité d'assistant de délégation, emploi ultérieurement intitulé inspecteur régional, à compter du 20 septembre 1999, par la société Auxiga. Le 25 avril 2001, les parties ont conclu une convention de forfait en jours. Le contrat de travail a été transféré à la société Auxiliaire de contrôle à compter du 1er janvier 2009.
2. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale le 1er août 2017 à l'effet d'obtenir l'annulation de sa convention de forfait en jours et le paiement de diverses sommes au titre de l'exécution de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
3. Le salarié fait grief à l'arrêt de fixer à une certaine somme son salaire moyen mensuel pour l'année 2019, de limiter à une certaine somme celle allouée au titre des heures supplémentaires, congés payés afférents compris, et de confirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de ses demandes en paiement de rappel de salaire au titre de la contrepartie obligatoire en repos et de dommages-intérêts au titre de l'entrave à la vie privée et d'un manquement à l'obligation de sécurité, alors :
« 1°/ que le temps de trajet pour se rendre d'un lieu de travail à un autre lieu de travail constitue un temps de travail effectif ; que pour limiter le rappel de salaire pour heures supplémentaires et rejeter les demandes subséquentes, après avoir rappelé que le salarié faisait valoir que le volume des heures de travail administratives accomplies à domicile avait une incidence sur la qualification des premiers et derniers trajets en travail effectif, en ce que ce volume conférait à son domicile un usage de bureau, transformant dès lors en trajet d'un lieu de travail vers un autre, le trajet depuis ce lieu ou vers celui-ci, la cour d'appel a retenu que pour autant, le salarié ne caractérisait nullement l'importance effective des tâches administratives accomplies à domicile, en alléguant dans ses dernières écritures qu'elles seraient de dix heures par semaine, alors même qu'il les évaluait à deux heures trente en moyenne dans ses pièces et que cette activité, en sa qualité de travailleur itinérant, ne conférait pas la qualité de lieu de travail à son domicile, quand bien même son usage ponctuel justifiait que l'employeur lui allouait une indemnité mensuelle à ce titre ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ces constatations que les parties étaient convenues que le salarié effectuerait, aux frais de l'employeur, un travail administratif à son domicile, ce dont elle devait déduire que le temps de trajet entre le domicile du salarié, lieu où ce dernier devait exercer une partie de ses fonctions, et les locaux des clients de l'employeur constituait un temps de travail effectif et devait être rémunéré comme tel, la cour d'appel a violé l'article L. 3121-1 du code du travail dans sa rédaction alors applicable ;
2°/ que les juges sont tenus de ne pas dénaturer les conclusions qui les saisissent ; que pour dire que le salarié ne caractérisait nullement l'importance effective des tâches administratives accomplies à domicile, l'arrêt a retenu que le salarié alléguait dans ses dernières écritures que les tâches administratives accomplies à domicile seraient de "dix heures par semaine", alors même qu'il les évaluait à deux heures trente en moyenne dans ses pièces ; qu'en statuant ainsi, alors que dans ses écritures, corroborées par ses pièces, le salarié soutenait que toutes les tâches administratives effectuées au domicile, avant de partir ou en rentrant, représentaient plus de "dix heures de travail par mois", la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis des conclusions du salarié, a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
3°/ que la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ; qu'après avoir relevé que le véhicule de service du salarié disposait d'un dispositif de géolocalisation, que le salarié recevait un planning mensuel, qu'il devait impérativement soumettre à l'accord de son supérieur la réalisation d'heures supplémentaires, tout décalage, anticipation ou annulation d'un contrôle, qu'il recevait également un planning hebdomadaire indiquant les contrôles à effectuer et les dates des contrôles et que si l'employeur soutenait que le salarié jouissait d'une liberté d'organisation de ses journées dès lors qu'il déterminait le choix de son itinéraire, l'ordre et l'heure de ses interventions, cette liberté était en réalité limitée puisque l'employeur pouvait pointer des anomalies, la cour d'appel a retenu que pour autant, ce contrôle quant au respect des plannings, à l'optimisation des temps de trajets et au respect de la note de service relative aux soirées étapes ne suffisaient pas à établir que le salarié se tenait à la disposition de l'employeur durant ses premiers et derniers trajets de la journée, dès lors qu'il prenait l'initiative de son circuit quotidien, les contrôles de l'employeur n'étant que rétrospectifs et se justifiant pleinement dès lors que ce dernier avait mis en place un dispositif d'indemnisation des trajets anormaux ouvrant droit à indemnisation au delà de quarante-cinq minutes, qu'en outre, en tant que travailleur itinérant le salarié restait libre de vaquer à ses obligations personnelles avant son premier rendez-vous et après le dernier et il ne saurait davantage arguer de l'existence de soirées étapes imposées par l'employeur au delà d'une certaine distance, dès lors qu'il pouvait les choisir et que cette prescription n'avait nullement pour objet ni pour conséquence de le maintenir à disposition de l'employeur mais d'éviter de trop longs trajets et qu'enfin, un interrupteur "vie privée" sur le véhicule de service lui permettait de désactiver la géolocalisation ; qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que le salarié devait utiliser, pour faire le trajet entre les locaux des clients de son employeur et son domicile, un véhicule de service doté d'un dispositif de géolocalisation, ce dont elle devait déduire que le temps de trajet pour se rendre aux locaux des clients constituait un temps effectif devant être rémunéré comme tel, la cour d'appel a violé l'article L. 3121-1 du code du travail dans sa rédaction alors applicable, interprété à la lumière de l'article 2 de la directive n° 2003/88/CE du 4 novembre 2003. »
Réponse de la Cour
4. Il résulte des articles L. 3121-1 et L. 3121-4, ce dernier dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, interprétés à la lumière de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, que lorsque les temps de déplacements accomplis par un salarié itinérant entre son domicile et les sites des premier et dernier clients répondent à la définition du temps de travail effectif telle qu'elle est fixée par l'article L. 3121-1 du code du travail, ces temps ne relèvent pas du champ d'application de l'article L. 3121-4 du même code.
5. En premier lieu, après avoir relevé que le nombre des heures supplémentaires que le salarié estimait avoir accomplies résultait de la prise en considération dans son temps de travail effectif des temps de trajet entre le domicile et les sites des premier et dernier clients, la cour d'appel a d'abord constaté que le véhicule de service utilisé par l'intéressé disposait d'un dispositif de géolocalisation, qu'il recevait un planning mensuel, qu'il devait impérativement soumettre à l'accord de son supérieur la réalisation d'heures supplémentaires, tout décalage, anticipation ou annulation d'un contrôle, et qu'il recevait également un planning hebdomadaire indiquant les contrôles à effectuer et les dates de ces derniers.
6. Elle a retenu ensuite que le contrôle quant au respect des plannings, à l'optimisation des temps de trajets et au respect de la note de service relative aux soirées étapes ne suffisait pas à établir que le salarié se tenait à la disposition de l'employeur durant ses premiers et derniers trajets de la journée, dès lors qu'il prenait l'initiative de son circuit quotidien, les contrôles de l'employeur n'étant que rétrospectifs et se justifiant pleinement dès lors que l'employeur avait mis en place un dispositif d'indemnisation des trajets anormaux ouvrant droit à indemnisation au-delà de quarante-cinq minutes.
7. Elle a ajouté qu'en tant que travailleur itinérant, le salarié restait libre de vaquer à des occupations personnelles avant son premier rendez-vous et après le dernier et qu'il ne saurait davantage arguer de l'existence de soirées étapes imposées par l'employeur au-delà d'une certaine distance, dès lors qu'il pouvait les choisir et que cette prescription n'avait nullement pour objet ni pour conséquence de le maintenir à disposition de l'employeur mais d'éviter de trop longs trajets.
8. Elle a en outre relevé qu'un interrupteur « vie privée » sur le véhicule de service lui permettait de désactiver la géolocalisation.
9. En second lieu, ayant souverainement retenu que le salarié ne caractérisait pas l'importance effective des tâches administratives accomplies à domicile, elle a pu en déduire que l'accomplissement de ces tâches ne conférait pas audit domicile la qualité de lieu de travail, quand bien même son usage ponctuel justifiait que l'employeur lui allouât une indemnité mensuelle.
10. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a déduit à bon droit que les temps de trajet entre le domicile du salarié et les sites des premier et dernier clients ne constituaient pas du temps de travail effectif.
11. Le moyen, qui, pris en sa deuxième branche, est inopérant, n'est donc pas fondé.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
12. Le salarié fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande en paiement d'un complément d'indemnité au titre des temps de trajets anormaux, alors « qu'il résulte des articles L. 3121-4, L. 3121-7 et L. 3121-8 du code du travail, dans leur rédaction résultant de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, que le temps de trajet pour se rendre du domicile au lieu de travail n'est pas un temps de travail effectif ; que lorsqu'il excède le temps nécessaire à un travailleur pour se rendre de son domicile à son lieu de travail habituel, il doit faire l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit sous forme financière ; qu'à défaut d'accord collectif, la contrepartie est déterminée par l'employeur après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s'ils existent ; que pour débouter le salarié de sa demande d'un complément d'indemnité au titre des temps de trajets anormaux, la cour d'appel a retenu que si le salarié était fondé à revendiquer un seuil d'anormalité de ses trajets au delà de trente minutes et, partant, une contrepartie pour quatre cent trente-et-une heures de temps anormal de trajet accomplies entre 2016 et 2019, en revanche il n'était pas fondé à se référer à la compensation fixée par l'employeur dans
sa note de service 001-16 du 7 janvier 2016, soit un taux horaire normal, pour évaluer le montant de sa compensation et que le juge ne pouvait, sans violer les dispositions de l'article L. 3121-4 du code du travail, fixer de compensation à un niveau équivalent à une rémunération normale dès lors que "le temps de trajet pour se rendre du domicile au lieu de travail n'est pas un temps de travail effectif" ; qu'en statuant ainsi, après avoir relevé que l'employeur avait décidé le 7 janvier 2016, par voie d'engagement unilatéral, d'appliquer au temps anormal de trajet la rémunération du temps de travail effectif, la cour d'appel a violé les articles susvisés, ensemble l'article 1134 ancien, devenu 1104 du code civil et les règles relatives à la dénonciation des engagements unilatéraux. »
Réponse de la Cour
13. Lorsque le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il appartient au juge, en l'absence d'accord collectif ou d'engagement unilatéral pris conformément aux textes qui le prévoient, de déterminer la contrepartie due au salarié. Il ne peut pour ce faire assimiler le temps de trajet entre le domicile et le lieu de travail à un temps de travail effectif.
14. Après avoir retenu, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, que l'engagement unilatéral de l'employeur en date du 7 janvier 2016 n'avait pas été pris après consultation des délégués du personnel et qu'il n'était dès lors pas conforme aux prescriptions légales le prévoyant, la cour d'appel a, à bon droit, déterminé la contrepartie due au salarié sans assimiler le taux horaire à celui du temps de travail effectif.
15. Le moyen, qui est inopérant pour la période antérieure au 7 janvier 2016, n'est donc pas fondé.




Soc. 4 octobre 2023 n° 22-17.822

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
HP


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 4 octobre 2023



Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 982 F-D
Pourvoi n° B 22-17.822



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 OCTOBRE 2023
M. [Z] [L], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° B 22-17.822 contre l'arrêt rendu le 23 février 2022 par la cour d'appel de Reims (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Bolzoni, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ollivier, conseiller référendaire, les observations de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de M. [L], de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société Bolzoni, après débats en l'audience publique du 6 septembre 2023 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ollivier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Ott, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 23 février 2022), M. [L] a été engagé en qualité d'ingénieur commercial, statut cadre, le 21 février 2011, par une société aux droits de laquelle vient la société Bolzoni.
2. Par un avenant du 1er juillet 2013, il a conclu avec celle-ci une convention de forfait stipulant 218 jours de travail dans l'année. Par un avenant du 1er janvier 2016, il a été promu au poste de product manager avec des fonctions itinérantes.
3. A la suite d'un malaise survenu son lieu de travail le 24 novembre 2017, le salarié a été placé en arrêt de travail jusqu'au 4 décembre 2018, date de la visite de reprise à l'issue de laquelle il a été déclaré inapte à tout emploi dans l'entreprise.
4. Par lettre du 21 décembre 2018, il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
5. La caisse primaire d'assurance maladie a refusé de reconnaître que le salarié avait été victime d'un accident du travail et que sa maladie devait être prise en charge au titre d'une maladie professionnelle.
6. Le 2 octobre 2019, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant notamment à dire le licenciement nul et à la condamnation de l'employeur à lui payer des dommages-intérêts pour harcèlement moral et licenciement nul.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première et troisième branches
Enoncé du moyen
7. Le salarié fait grief à l'arrêt de juger que son inaptitude est imputable à l'employeur hors tout harcèlement moral et en conséquence, de le débouter de ses demandes de dommages-intérêts pour harcèlement moral et pour licenciement nul, alors :
« 1°/ que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux produits, d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, de rechercher si l'employeur prouve que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que la cour d'appel n'a pas examiné l'absence du droit à déconnexion et l'absence de reconnaissance en termes de rémunération invoquées par le salarié à l'appui de sa demande formulée au titre du harcèlement moral subi aux motifs que sous couvert d'une action au titre du harcèlement moral, M. [L] entendait en réalité se plaindre de sa charge de travail et de la violation par l'employeur de son obligation de sécurité sous le prisme notamment du non-respect des obligations imposées par la conclusion d'une convention de forfait en jours ; qu'en statuant par ces motifs inopérants alors que les deux actions ne sont pas exclusives l'une de l'autre et qu'il lui appartenait de prendre en considération ces deux faits invoqués par le salarié au titre du harcèlement moral subi et de déterminer si pris dans leur ensemble, ils permettaient de présumer l'existence d'un harcèlement moral et dans l'affirmative, de rechercher si l'employeur justifiait que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral, alors qu'elle constatait la dégradation de l'état de santé du salarié démontrée par des certificats médicaux révélant une dépression nerveuse due à une pression au travail à l'origine d'une inaptitude professionnelle et que la société Bolzoni n'a pas veillé à la charge de travail du salarié et à son incidence sur sa vie privée, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L.1154-1 du code du travail ;
3°/ que la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions de la décision cassée ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que la cassation à intervenir du chef du dispositif de l'arrêt qui a jugé que M. [L] n'a pas été victime de harcèlement moral, entraînera par voie de conséquence, la cassation des chefs du dispositif de l'arrêt qui l'ont débouté de sa demande de dommages et intérêts pour le harcèlement moral subi et pour licenciement nul en application de l'article 624 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail :
8. Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. 9. Pour débouter le salarié de ses demandes au titre d'un harcèlement moral, l'arrêt retient d'abord, par motifs propres, que le salarié qui invoque sa surcharge de travail, l'imprécision de ses missions, l'accroissement de ses tâches, l'absence de droit à la déconnexion, son dénigrement, l'attitude injurieuse de la hiérarchie, le refus qui lui a été opposé d'accéder à une formation individuelle en informatique, l'absence de reconnaissance en termes de rémunération et son état de santé, entend, sous le couvert d'une action au titre du harcèlement moral, se plaindre de sa charge de travail et de la violation par l'employeur de son obligation de sécurité sous le prisme du non-respect des obligations imposées par la conclusion de la convention de forfait, ce qui ne saurait, dans ce contexte, relever d'un harcèlement moral, et qu'il n'y avait, par ailleurs, pas de moqueries mais une ambiance de travail propre aux plaisanteries, auxquelles le salarié a participé.
10. Ensuite, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que le salarié n'établit pas la matérialité de la surcharge de travail alléguée, que s'il établit une liste de tâches potentielles, il n'apporte pas d'éléments relatifs à leur récurrence respective, ni d'éléments permettant d'établir la charge d'une semaine de travail standard donc ne permettant pas de démontrer une surcharge de travail effective de manière régulière, que la mise à l'écart et la dévalorisation caractérisées par le fait qu'il se serait vu imposer des déplacements volontairement inutiles ou des reproches systématiques ne sont corroborées par aucun élément matériel récent, à l'exception d'une attestation insuffisante à démontrer la réalité de la situation décrite et que le refus isolé d'octroyer une formation, qui n'a pas été accordée à d'autres salariés de l'entreprise, à la suite d'une première demande et pour des raisons budgétaires, ne saurait constituer un acte de harcèlement.
11. En se déterminant ainsi, sans prendre en compte, comme l'y invitait le salarié, l'absence de droit à la déconnexion, l'absence de reconnaissance en termes de rémunération et la dégradation de son état de santé, alors qu'il lui appartenait de dire si, pris dans leur ensemble, les éléments matériellement établis laissaient supposer l'existence d'un harcèlement moral, et dans l'affirmative, d'apprécier les éléments de preuve fournis par l'employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Portée et conséquences de la cassation
12. La cassation des chefs de dispositif ayant débouté le salarié de ses demandes de dire le licenciement nul et de dommages-intérêts pour harcèlement moral et licenciement nul n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.




Soc. 4 octobre 2023 n° 22-16.586

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CH9


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 4 octobre 2023



Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 991 F-D
Pourvoi n° G 22-16.586



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 OCTOBRE 2023
M. [R] [V], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° G 22-16.586 contre l'arrêt rendu le 23 février 2022 par la cour d'appel de Reims (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société UPL France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lanoue, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de M. [V], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société UPL France, après débats en l'audience publique du 6 septembre 2023 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lanoue, conseiller référendaire rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 23 février 2022), M. [V] a été engagé en qualité de délégué régional de la région Midi-Pyrénées à compter du 15 juillet 1996 par la société ELF Atochem, devenue Cerexagri puis UPL France. En dernier lieu, il occupait les fonctions d'ingénieur commercial et marketing et était rémunéré sur la base d'une convention de forfait-jours.
2. Par requête du 11 janvier 2019, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes, tendant notamment à la résiliation de son contrat de travail aux torts de l'employeur, avec les effets d'un licenciement nul comme fondé sur des faits de harcèlement moral et à ce que soit prononcée la nullité de la convention de forfait-jours, avec condamnation de l'employeur au paiement d'une certaine somme à titre de rappel d'heures supplémentaires.
3. Le salarié a été licencié pour inaptitude le 12 mai 2020.
4. Dans le dernier état de ses écritures devant la cour d'appel, il a notamment sollicité à titre subsidiaire que son licenciement soit déclaré nul au motif que son inaptitude résulterait des faits de harcèlement moral.
Examen des moyens
Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche et le troisième moyen
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
6. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail et, en conséquence, de le débouter de ses demandes indemnitaires subséquentes, alors que « la cassation qui sera prononcée sur le premier moyen de cassation entraînera, par voie de conséquence et en application de l' article 624 du code de procédure civile, la censure de l' arrêt en ce qu il dit qu 'il n'y a pas lieu de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail et déboute M. [V] de ses demandes indemnitaires subséquentes. »
Réponse de la Cour
7. Les chefs de dispositif de l'arrêt critiqués par le deuxième moyen relatifs au rejet de la demande de résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur pour harcèlement moral et aux demandes subséquentes ne se rattachent pas par un lien de dépendance nécessaire avec le chef de dispositif visé par le premier moyen relatif au rejet de la demande en paiement d'une somme à titre de solde d'heures supplémentaires dès lors que le non-paiement des heures supplémentaires n'est pas au nombre des faits invoqués à l'appui du harcèlement moral.
8. Le moyen est, dès lors, inopérant.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
9. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement d'une certaine somme à titre de rappel d'heures supplémentaires, alors « qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d' heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'en l'espèce, la cour d appel a constaté que M. [V] versait aux débats, d'une part, des mails pour la période courant du 2 avril 2016 au 31 mars 2018 envoyés tôt le matin avant 8h et le soir après 19h , le vendredi dans la nuit et le samedi matin", d' autre part, un tableau excel récapitulant, sur la même période, le nombre d'heures supplémentaires effectuées par semaine" que, pour débouter M. [V] de sa demande de rappel d' heures supplémentaires , la cour d appel a retenu qu'il ne produit pas de décomptes des horaires réalisés jour par jour avec la précision de l'heure d'arrivée et celle de départ", que les suppléments allégués proviennent uniquement d'un calcul d'amplitude horaire entre l'heure de rédaction du premier et du dernier courriel du jour", qu' à défaut d'élément complémentaire, les périodes interstitielles entre deux envois ne sauraient être considérées nécessairement comme du temps de travail" et que l'activité professionnelle de M. [V] n'est manifestée que par une réponse ou un envoi de message électronique à une heure précise, sans que l'on puisse savoir s'il était sur son lieu de travail ou apportait une réponse brève par une messagerie électronique avant de vaquer à des occupations personnelles ni si son arrivée au travail n'a pas été elle même décalée ou si son temps de pause n'a pas été compensé", étant encore relevé que la lecture des e-mails ne conduit pas non plus à imputer à l'employeur la responsabilité de ce dépassement horaire puisqu'aucun mail transmis ne justifie une réponse urgente" qu'estimant, que la base a minima de 15 heures supplémentaires par semaine invoquée par M. [V] ne serait davantage être retenue" et qu' en l'absence éléments complémentaires, le calcul apparaît forfaitaire et au surplus inexact, puisque l'examen attentif du tableau proposé révèle que le salarié effectuait, certaines semaines, un nombre d'heures supplémentaires inférieur à ce minimum" la cour d' appel en a déduit que ces éléments n'apparaissent donc pas suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre utilement en fournissant ses propres éléments" qu' en statuant ainsi, quand il résultait de ses constatations que M. [V] fournissait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre la cour d'appel a fait peser la charge de la preuve sur le salarié en violation de l article L. 3171-4 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :
10. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er , du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, l'employeur tient à la disposition de l'agent de contrôle de l'inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
11. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
12. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
13. Pour débouter le salarié de sa demande au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents, l'arrêt retient que le salarié produit des courriels pour la période courant du 2 avril 2016 au 31 mars 2018 envoyés tôt le matin avant 8h et le soir après 19h, le vendredi dans la nuit et le samedi matin, qu'il présente également un tableau excel récapitulant, sur la même période, le nombre d'heures supplémentaires effectuées par semaine, sans précision des horaires journaliers qui auraient été effectués, qu'en revanche, il ne produit pas de décomptes des horaires réalisés jour par jour avec la précision de l'heure d'arrivée et de celle de départ, qu'il explique que son calcul d'heures supplémentaires est effectué sur la base d'un temps de travail effectif calculé entre 8h et 19h avec prise en compte d'une pause déjeuner d'une heure soit a minima 15 heures supplémentaires par semaine tout en indiquant dans le même temps que le tableau est rempli sur la base des heures d'envoi des courriels professionnels, qu'il résulte de ces explications et de la lecture attentive du tableau que les suppléments allégués proviennent uniquement d'un calcul d'amplitude horaire entre l'heure de rédaction du premier et du dernier courriel du jour.
14. Il ajoute qu'à défaut d'élément complémentaire, les périodes intersticielles entre deux envois ne sauraient être considérées nécessairement comme du temps de travail, qu'en effet, l'activité professionnelle du salarié n'est manifestée que par une réponse ou un envoi de message électronique à une heure précise, sans que l'on puisse savoir s'il était sur son lieu de travail ou apportait une réponse brève par une messagerie électronique avant de vaquer à des occupations personnelles ni si son arrivée au travail n'a pas été elle-même décalée ou si son temps de pause n'a pas été compensé, que la lecture des courriels ne conduit pas non plus à imputer à l'employeur la responsabilité de ce dépassement horaire puisqu'aucun courriel transmis ne justifie une réponse urgente.
15. Il retient enfin que la base a minima de 15 heures supplémentaires par semaine invoquée par le salarié ne saurait davantage être retenue, qu'en effet, en l'absence éléments complémentaires, le calcul apparaît forfaitaire et au surplus inexact, puisque l'examen attentif du tableau proposé révèle que le salarié effectuait, certaines semaines, un nombre d'heures supplémentaires inférieur à ce minimum et que les éléments produits n'apparaissent donc pas suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre utilement en fournissant ses propres éléments.
16. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, d'autre part que ce dernier ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé.




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