Crim. 16 septembre 2025 n° 24-85.661 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° F 24-85.661 F-B
N° 01024
ODVS 16 SEPTEMBRE 2025
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 16 SEPTEMBRE 2025
M. [J] [Z] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, chambre d'appel de Mamoudzou, en date du 4 juillet 2024, qui, pour radiation indue et frauduleuse d'électeurs sur une liste électorale, l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis, cinq ans de privation des droits civiques et cinq ans d'inéligibilité.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Maziau, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [J] [Z], et les conclusions de M. Bigey, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 juin 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Maziau, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. A la suite d'une plainte d'un électeur de la commune de [Localité 1] qui a donné lieu à une enquête préliminaire, M. [J] [Z], maire de ladite commune, a été cité devant le tribunal correctionnel du chef de radiation indue et frauduleuse d'électeurs sur une liste électorale.
3. Par jugement du 6 juin 2023, le tribunal correctionnel a, notamment, déclaré le prévenu coupable du chef reproché et l'a condamné à un an d'emprisonnement, cinq ans de privation de ses droits civiques et cinq ans d'inéligibilité, et a prononcé sur les intérêts civils.
4. M. [Z] a relevé appel de cette décision. Le ministère public a interjeté appel incident.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches, et le second moyen
5. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen, pris en ses troisième à cinquième branches
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [Z] coupable de radiation indue et frauduleuse d'électeurs sur une liste électorale et l'a condamné pénalement et civilement, alors :
« 3°/ qu'en tout état de cause, le délit réprimé par l'article L.113 dernier alinéa du code électoral suppose qu'il soit établi que les radiations ont été effectuées indument et frauduleusement ; qu'en n'expliquant pas quelles personnes, outre celles ayant fait l'objet d'une ordonnance de réinscription, avaient été indument radiées, tout en condamnant le prévenu pour les radiations visées dans deux listes dont l'une porte sur un scellé, qui apparaît dès lors n'avoir fait l'objet d'aucune enquête, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard l'article L.113 du code électoral et 593 du code de procédure pénale ;
4°/ que pour que le délit de l'article L.113 dernier alinéa du code électoral soit constitué, les juges doivent constater que les radiations étaient frauduleuses, ayant été réalisées en vue de tromper et ainsi de fausser le scrutin ; qu'en relevant que « dans un nombre important des jugements rendus, il est précisé que la mesure de radiation n'a pas été régulièrement notifiée aux personnes concernées, ce que Mme [L] [U] est venue confirmer, évoquant un manque de temps », sans avoir recherché si ce fait que les juges ne contestent pas, n'était pas de nature à établir que la plupart des électeurs radiés avaient été informé de cette mesure et ainsi l'absence d'intention de tromper les électeurs radiés et de fausser le scrutin, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard de l'article L.113 du code électoral ;
5°/ qu'enfin et à tout le moins, le délit suppose qu'il soit établi que les radiations ont été effectuées indument et frauduleusement, soit en vue de tromper et ainsi de fausser le scrutin ; que pour retenir la culpabilité du prévenu, la cour d'appel a relevé, outre l'absence de notification des radiations, qu' « il est établi par la procédure qu'à deux exceptions près les radiations reprochées présentaient un caractère indu en ce sens que les personnes concernées remplissaient les conditions pour figurer sur la liste électorale de la commune de [Localité 1]' », que « Mme [L] [U] explique que les radiations ont majoritairement concerné des personnes inscrites dans les bureaux de [Localité 2] et [Localité 3], deux villages qui avaient voté aux dernières élections municipales en faveur de l'ancienne majorité », que « M. [B] [Y] déclare que le but était de radier les personnes que la municipalité précédente avait inscrites », le tribunal ayant rappelé qu'il avait précisé que les opérations de radiation avaient concerné deux « fiefs » de l'opposition, pour en déduire que les radiations ont été déterminées par des considérations électoralistes ; qu'en l'état de tels constats qui ne suffisent pas à caractériser le fait que le maire avait agi dans l'intention de fausser les élections, les témoins faisant seulement état d'une mise à jour, compte tenu de la suspicion qu'avaient suscitées les inscriptions réalisées par la précédente majorité municipale, la commission de contrôle n'ayant elle-même formulé aucune observation sur le « nettoyage » de la liste électorale, la cour d'appel qui n'a pas caractérisé la volonté de procéder à des radiations que le prévenu savait indues et moins encore des radiations destinées à tromper et à fausser le scrutin, n'a pas justifié sa décision au regard de l'article L.113 du code électoral. »
Réponse de la Cour
7. Pour déclarer le prévenu coupable du délit reproché, l'arrêt attaqué, après avoir rappelé les termes de l'article L. 18 du code électoral, énonce que deux cent trente-neuf électeurs ont été radiés de la liste électorale de la commune de [Localité 1] avant les élections cantonales de 2021 et que si soixante-treize d'entre eux ont fait l'objet d'une réinscription suite à une décision judiciaire, ces radiations n'ont pas été régulièrement notifiées aux personnes intéressées et ont été effectuées sur instructions du prévenu, alors maire de la commune, sans être motivées, sans contrôle des services administratifs de celle-ci et de la commission de contrôle qui s'est bornée à les avaliser.
8. Les juges retiennent qu'à l'exception de deux d'entre elles qui étaient justifiées, les radiations ont été décidées de manière indue, dès lors que les électeurs remplissaient bien les conditions pour être inscrits, et en fraude de leurs droits, faute de se voir notifier la décision de radiation pour être en mesure d'exercer leur droit de recours.
9. Ils précisent que, selon plusieurs témoignages, notamment de la responsable de l'état civil de la commune, les radiations ont été décidées selon un choix électoraliste, sur la base de critères préalablement définis tenant au lieu de vote des électeurs et à une inscription sur les listes électorales au temps de la précédente municipalité.
10. Ils concluent que M. [Z] s'est livré de manière délibérée à un dévoiement de la procédure de radiation tant dans son mode opératoire qu'au regard de sa finalité, de sorte que la fraude à la loi est établie.
11. En se déterminant ainsi, par une motivation exempte d'insuffisance comme de contradiction procédant de son appréciation souveraine des faits et des circonstances de la cause, la cour d'appel, qui n'avait pas à préciser les noms des personnes indûment radiées des listes, a caractérisé, en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit de radiation indue et frauduleuse d'électeurs sur une liste électorale dont elle a déclaré le prévenu coupable.
12. Le moyen doit, dès lors, être écarté.
13. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
Crim. 16 septembre 2025 n° 24-81.249 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° K 24-81.249 F-B
N° 01023
ODVS 16 SEPTEMBRE 2025
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 16 SEPTEMBRE 2025
La société [4] et M. [W] [N] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, 10e chambre, en date du 5 février 2024, qui, pour dépassement de la durée légale du temps de travail du personnel navigant, les a condamnés, la première, à cent soixante-cinq amendes de 1 500 euros, et le second, à cent soixante-cinq amendes de 400 euros, dont 350 euros avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Maziau, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [4], les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, avocat de M. [W] [N], les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat du [2], et les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat du [1] et du [3], et les conclusions de M. Bigey, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 juin 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Maziau, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le 26 février 2019, le procureur de la République a ouvert une enquête préliminaire à l'encontre de la société [4], compagnie aérienne de droit espagnol, du chef de dépassement de la durée légale du temps de travail du personnel navigant.
3. Les 23 juin et 9 août 2021, la société [4] et M. [W] [N], son directeur des ressources humaines, ont été cités devant le tribunal de police des chefs précités.
4. Par jugement du 7 juin 2022, le tribunal de police a déclaré les prévenus coupables des chefs de la prévention, et a prononcé sur les peines et les intérêts civils.
5. La société [4] et M. [N] ont interjeté appel. Le ministère public a interjeté appel incident.
Examen des moyens
Sur le troisième moyen proposé pour M. [N]
6. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen proposé pour la société [4] et les premier et deuxième moyens proposés pour M. [N]
Enoncé des moyens
7. Le moyen proposé pour la société [4] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevable l'exception d'illégalité des articles R. 427-1, D. 422-4-1 et D. 422-5 du code de l'aviation civile, a constaté que les articles D. 422-4-1 et D. 422-5 du Code de l'aviation civile, fondements des poursuites par renvoi textuel de l'article R. 427-1 du code de l'aviation civile, ne sont pas entachés d'illégalité, a rejeté en conséquence l'exception préjudicielle soulevée d'office tirée de l'illégalité invoquée des textes fondement de la poursuite et a confirmé le jugement sur la culpabilité et sur la peine la concernant, alors :
« 1°/ qu'est illégal et ne peut servir de base à la déclaration de culpabilité l'acte règlementaire dont l'adoption a été réalisée en violation de la procédure prévue par la loi pour l'application de laquelle il a été pris ; qu'il résulte de l'article R. 427-1 du Code de l'aviation civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-1551 du 18 novembre 2016, qu'est puni de l'amende prévue pour les contraventions de cinquième classe tout employeur qui, en ce qui concerne le personnel navigant, aura contrevenu aux dispositions des articles L. 3121-18 et L. 3121-27 du Code du travail et des décrets mentionnés aux articles L. 3121-67 et L. 3121-68 du même code ; qu'aux termes de l'article L. 3121-67 du Code du travail, la répartition et l'aménagement des horaires de travail et les périodes de repos de certaines professions, dont le personnel navigant, sont déterminés par décret en Conseil d'Etat ; qu'en l'espèce, pour écarter l'illégalité des articles D. 422-4-1 et D. 422-5 du Code de l'aviation civile, la cour d'appel a retenu que ces dispositions ont été adoptées en conseil des ministres, conformément aux conditions de forme édictées par l'article L. 212-2, en vigueur à l'époque de leur adoption, auquel renvoyait l'article R. 427-1 du code de l'aviation civile dans sa version en vigueur du 1er mars 1994 au 1er janvier 2017, que ces dispositions n'ont pas été abrogées et constituaient le droit positif en ce qui concerne les temps de vol maximums et les temps d'arrêt minimums lors de la commission des faits reprochés à M. [N] et à la société [4], que le fait que l'article R. 427-1 du Code de l'aviation civile ne vise plus depuis 2016 les décrets mentionnés à l'article L. 212-2 du Code du travail mais les décrets mentionnés notamment à l'article L. 3121-67 du même code n'était pas de nature à rendre illégales les dispositions litigieuses ; qu'en statuant ainsi, quand il ressortait de ses propres constatations que, à compter de l'entrée en vigueur du décret n° 2016-1551 du 18 novembre 2016, la répartition et l'aménagement des horaires de travail et les périodes de repos du personnel navigant devaient être déterminés par décret en Conseil d'Etat, en sorte que les dispositions litigieuses étaient entachées d'illégalité et ne pouvaient servir de base à la déclaration de culpabilité prononcée, la cour d'appel a violé l'article R. 427-1 du Code de l'aviation civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-1551 du 18 novembre 2016, ensemble l'article L. 3121-67 du Code du travail ;
2°/ en toute hypothèse, qu'à la date des faits incriminés l'article R. 427-1 du Code de l'aviation civile ne pouvait sanctionner que la méconnaissance d'obligations imposées par un décret en Conseil d'Etat ; qu'en jugeant cependant que l'article R. 427-1 du Code de l'aviation civile autorisait à sanctionner la violation des articles D. 422-4-1 et D. 422-5 du même code cependant que ces dispositions, qui n'avaient pas été
3°/ que nul ne peut être puni pour une contravention dont les éléments ne sont pas définis de manière précise par le règlement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a estimé que les motifs visés par la première branche permettaient de rejeter le moyen de la société [4] tiré de la méconnaissance du principe de la légalité des délits et des peines et du principe de l'interprétation stricte de la loi pénale en retenant comme textes applicables aux faits les dispositions combinées des articles R. 427-1, D. 422-4-1 et D. 422-5 du Code de l'aviation civile, le détour par les articles L. 6525-1 et L. 6525-3 du Code des transports étant très accessoire dans les motifs décisoires du jugement de première instance ; qu'en statuant ainsi, quand il ressortait pourtant de ses propres constatations que l'article R. 427-1 du Code de l'aviation civile renvoyait aux décrets mentionnés aux articles L. 3121-67 et L. 3121-68 du Code du travail, lesquels se bornaient à énoncer que la répartition et l'aménagement des horaires de travail et les périodes de repos du personnel devaient être déterminés par décret en Conseil d'Etat, en sorte que la multiplication des renvois à des codes différents rendait la connaissance de l'infraction totalement inaccessible, la cour d'appel a violé les articles L. 111-3 du Code pénal, ensemble les articles 7 et 8 de la Déclaration européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 49 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. »
8. Le premier moyen proposé pour M. [N] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a constaté que les articles D. 422-4-1 et D. 422-5 du code de l'aviation civile, fondements des poursuites par renvoi textuel de l'article R. 427-1 du code de l'aviation civile, ne sont pas entachés d'illégalité, a rejeté en conséquence l'exception préjudicielle soulevée d'office tirée de l'illégalité invoquée des textes fondement de la poursuite et, en conséquence, a confirmé le jugement sur la culpabilité de M. [N] et l'a condamné au paiement de cent soixante-cinq amendes d'un montant unitaire de 400 euros dont 350 euros assortis d'un sursis, ainsi qu'aux intérêts civils, alors « qu'est illégal et ne peut fonder une condamnation l'acte administratif dont la procédure d'adoption prévue par la loi a été méconnue ; tel est le cas notamment du décret qui, bien que devant être pris en Conseil d'Etat, n'a pas été soumis à la consultation de la juridiction administrative ; il résulte de l'article R. 427-1 du code de l'aviation civile, dans sa rédaction issue du décret n°2016-1551 du 18 novembre 2016, que constitue une contravention de la cinquième classe le fait pour tout employeur de contrevenir aux dispositions de l'article L. 3121-67 du code du travail applicables au personnel navigant ; selon ce dernier article, la répartition et l'aménagement des horaires de travail, et les périodes de repos, sont déterminées par décrets en Conseil d'Etat ; cependant, les articles D. 422-4-1 et D. 422-5 du code de l'aviation civile, qui fixent respectivement la durée maximale du temps de vol et temps d'arrêt minimal entre différentes périodes de vol, sont issus d'un décret simple non pris en Conseil d'Etat ; pour néanmoins rejeter le moyen relevé d'office tiré de l'illégalité de ces dispositions réglementaires, l'arrêt retient qu'au jour de leur entrée en vigueur, l'article L. 212-2 du code du travail, auquel renvoyait l'article R. 427-1 du code de l'aviation civile dans sa rédaction antérieure applicable du 1er mars 1994 au 1er janvier 2017, ne prescrivait la détermination des modalités de travail contestées que par décrets en conseil des ministres, de sorte que la nouvelle exigence d'une consultation du Conseil d'Etat « ne peut avoir pour objet, ni pour effet, de rendre illégaux les articles D. 422-4-1 et D. 422-5 du code de l'aviation civile, qui ont été régulièrement pris en leur temps, qui n'ont pas été abrogés et qui constituaient dont le droit positif applicable en matière de temps de vol et de temps d'arrêt au moment des faits » (p. 14, §3) ; en statuant de la sorte, quand il résultait de ses propres constatations qu'à compter du 1er janvier 2017, date d'entrée en vigueur de la nouvelle rédaction de l'article R. 427-1 du code de l'aviation civile seule applicable aux faits, la répartition et l'aménagement des horaires de travail et les périodes de repos du personnel navigant devaient être déterminées par décret en Conseil d'Etat, de sorte que les dispositions discutées étaient devenues illégales et ne pouvaient ainsi fonder une condamnation, la cour d'appel a violé l'article R. 427-1 du code de l'aviation civile, ensemble l'article L. 3121-67 du code du travail .»
9. Le deuxième moyen proposé pour M. [N] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclaré coupable des infractions reprochées à la réglementation sur le temps de vol et d'arrêt du personnel navigant et, en conséquence, l'a condamné au paiement de 165 amendes d'un montant unitaire de 400 euros dont 350 euros assortis d'un sursis, ainsi qu'aux intérêts civils, alors « qu'en vertu du principe de légalité criminelle, nul ne peut être puni pour une contravention dont les éléments ne sont pas définis par le règlement ; en l'espèce, si l'article R. 427-1 du code de l'aviation civile, qui fonde les poursuites contre M. [N], renvoie aux articles L. 3121-18 et L. 3121-27 du code du travail pour définir le comportement infractionnel qu'il sanctionne d'une contravention de la cinquième classe, aucune de ces deux dispositions ne décrit le manquement reproché à M. [N] et ayant consisté à dépasser les seuils imposés en matière de temps de vol et d'arrêt du personnel navigant ; de la même manière, l'article L. 3121-67 du code du travail, auquel renvoie également l'article R. 427-1 du code de l'aviation civile, ne se réfère lui-même expressément à aucun décret fixant ces seuils ; il ne renvoie pas non plus aux articles D. 422-4-1 et D. 422-5 du code de l'aviation civile visés à la prévention, qui n'ont dès lors aucune valeur pénale ; en retenant toutefois la culpabilité de M. [N] sur le fondement de ces dispositions combinées, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision et a violé les principes de légalité criminelle et d'interprétation stricte de la loi pénale, garantis par les articles 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, 7 de la Convention européenne des droits de l'Homme, et 111-3 et 111-4 du code pénal. » Réponse de la Cour
10. Les moyens sont réunis.
11. Le Conseil d'Etat juge, de manière constante, que la légalité d'un acte administratif doit être appréciée à la date où il a été pris (CE, 22 juillet 1949, n° 85735 et 86680, publié au Recueil Lebon).
12. Se prononçant en application de l'article 111-5 du code pénal, la Cour de cassation juge dans le même sens (Crim., 26 mars 1996, pourvoi n° 95-81.890, Bull. crim. 1996, n° 133).
13. Pour rejeter l'exception d'illégalité des articles D. 422-4-1 et D. 422-5 du code de l'aviation civile, l'arrêt attaqué énonce que, dans sa version en vigueur du 1er mars 1994 au 1er janvier 2017, l'article R. 427-1 du code de l'aviation civile renvoie aux dispositions de l'article L. 212-1 du code du travail et des décrets mentionnés à l'article L. 212-2 du même code dans sa version applicable entre le 21 décembre 1993 et le 1er mai 2008.
14. Le juge expose qu'ont été adoptés, sur le fondement de ce dernier texte, les articles D. 422-4-1 et D. 422-5 du code de l'aviation civile, sur lesquels, par renvois, reposent les poursuites, respectivement créés par les décrets n° 2000-1030 du 18 octobre 2000 et n° 97-999 du 29 octobre 1997, adoptés en conseil des ministres, conformément aux conditions de forme édictées par l'article L. 212-2 en vigueur à l'époque de leur adoption.
15. Il observe que l'article D. 422-4-1 susvisé dispose ainsi, notamment, que la durée maximale du temps de vol effectué ne peut dépasser quatre-vingt dix heures par mois tandis que l'article D. 422-5 dispose notamment que la durée d'une période de vol ne peut excéder dix heures dans une amplitude de quatorze heures.
16. Il précise que ces dispositions n'étaient pas été abrogées et constituaient le droit positif en ce qui concerne les temps de vol maximums et les temps d'arrêt minimums lors de la commission des faits reprochés à M. [N] et à la société [4].
17. Il retient que si la rédaction de l'article R. 427-1 du code de l'aviation civile, fondement principal des poursuites, a, par la suite, été modifiée par le décret n° 2016-1551 du 18 novembre 2016,qui renvoie désormais non plus aux décrets mentionnés à l'article L. 212-2 du code du travail, mais aux décrets mentionnés notamment à l'article L. 3121-67 du même code, le fait que ce dernier texte dispose que la répartition et l'aménagement des horaires de travail (1°) et les périodes de repos (4°) de certaines professions, dont le personnel naviguant, devront être pris par des décrets en Conseil d'Etat, ne peut avoir pour objet ni pour effet de rendre illégaux les articles D. 422-4-1 et D. 422-5 précités, lesquels ont été régulièrement pris en leur temps, n'ont pas été abrogés et constituaient le droit positif applicable en matière de temps de vol et de temps d'arrêt au moment des faits.
19. En statuant ainsi, la cour d'appel a fait une exacte application des textes visés au moyen.
20. En effet, les dispositions critiquées, légalement prises par l'autorité compétente, revêtent un caractère de permanence qui les fait survivre aux dispositions législatives dont elles procèdent tant qu'elles n'ont pas été rapportées ou tant qu'elles ne sont pas devenues inconciliables avec les règles fixées par la législation postérieure.
21. Tel est le cas s'agissant de l'article L. 3121-67 du code du travail, dont les dispositions qui succèdent à celles de l'article L. 212-2 précité se bornent à prévoir une procédure différente d'adoption des mesures réglementaires d'application, en prescrivant, en l'espèce, l'adoption de décrets en Conseil d'Etat, sans modifier le cadre légal applicable réglementant le temps de travail des personnels navigants.
22. Il en résulte que le troisième grief du moyen proposé pour la société [4] et le deuxième moyen proposé pour M. [N] sont inopérants dès lors que l'article R. 427-1 du code de l'aviation civile incriminant pénalement le dépassement de la durée légale du temps de travail du personnel navigant, et les renvois successifs qu'il opère, ne méconnaissent pas le principe de légalité des délits et des peines.
23. Les moyens ne peuvent, dès lors, qu'être écartés.
Sur le second moyen proposé pour la société [4]
Enoncé du moyen
24. Le moyen l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevable l'exception d'illégalité des articles R. 427-1, D. 422-4-1 et D. 422-5 du code de l'aviation civile, a constaté que les articles D. 422-4-1 et D. 422-5 du code de l'aviation civile, fondements des poursuites par renvoi textuel de l'article R. 427-1 du code de l'aviation civile, ne sont pas entachés d'illégalité, a rejeté l'exception d'incompatibilité du droit national avec le droit communautaire, et a confirmé le jugement sur la culpabilité et sur la peine la concernant, alors :
« 1°/ que le juge national chargé d'appliquer, dans le cadre de sa compétence, les dispositions du droit de l'Union a l'obligation d'assurer le plein effet de celles-ci en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire de la législation nationale ; qu'il résulte de l'article 288 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne que le règlement est obligatoire dans tous ses éléments et qu'il est directement applicable dans tous les États membres ; qu'aux termes de l'article 8 du règlement (UE) n° 965/2012 du 5 octobre 2012 déterminant les exigences techniques et les procédures administratives applicables aux opérations aériennes, dans sa version modifiée par le règlement (UE) n° 83-2014 du 29 janvier 2014, le total des temps de vol pour les étapes assignées à un membre d'équipage en service ne dépasse pas 100 heures par période de 28 jours consécutifs ; qu'en application de l'article D. 422-4-1 du Code de l'aviation civile, la durée maximale du temps de vol effectué ne peut dépasser 90 heures par mois ; qu'en écartant toutefois le moyen de la société [4] tiré de l'incompatibilité de l'article D. 422-4-1 au règlement européen précité, motifs pris que la norme interne étant plus favorable, elle devait primer les règles européennes, la cour d'appel a violé l'article 8 du règlement (UE) n° 965/2012 du 5 octobre 2012, dans sa version applicable en la cause, ensemble le principe de primauté du droit de l'Union et l'article 288 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
2°/ que le juge national chargé d'appliquer, dans le cadre de sa compétence, les dispositions du droit de l'Union a l'obligation d'assurer le plein effet de celles-ci en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire de la législation nationale ; qu'il résulte de l'article 288 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne que le règlement est obligatoire dans tous ses éléments et qu'il est directement applicable dans tous les États membres ; qu'aux termes de l'article 8 du règlement (UE) n° 965/2012 du 5 octobre 2012 déterminant les exigences techniques et les procédures administratives applicables aux opérations aériennes, dans sa version modifiée par le règlement (UE) n° 83-2014 du 29 janvier 2014, le temps de repos s'apprécie par référence à la « période de service » précédente, quand il s'apprécie par référence à la « période de vol » précédente en application de l'article D. 422-5 du Code de l'aviation ; qu'en écartant toutefois le moyen de la société [4] tiré de l'incompatibilité de l'article D. 422-5 au règlement européen précité, motifs pris que la norme interne étant plus favorable, elle devait primer les règles européennes, la cour d'appel a violé l'article 8 du règlement (UE) n° 965/2012 du 5 octobre 2012, dans sa version applicable en la cause, ensemble le principe de primauté du droit de l'Union et l'article 288 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. »
Réponse de la Cour
25. Le règlement (UE) n° 83/2014 de la Commission du 29 janvier 2014 modifiant le règlement (UE) n° 965/2012 déterminant les exigences techniques et les procédures administratives applicables aux opérations aériennes conformément au règlement (CE) n° 216/2008 du Parlement européen et du Conseil énonce, en son considérant 4, que, d'une part, ledit règlement est sans préjudice des limitations et des normes minimales déjà fixées par la directive n° 2000/79/CE du Conseil, et notamment des dispositions sur le temps de travail et les jours libres de tout service, qu'il convient de respecter à tout moment pour le personnel mobile dans l'aviation civile, d'autre part, ses dispositions et les autres dispositions approuvées en vertu de celui-ci ne sont pas destinées à justifier une réduction quelconque des niveaux existants de protection pour ce personnel mobile, enfin, il ne fait pas obstacle à des dispositions plus protectrices en matière de conditions de travail et de santé et de sécurité au travail prévues par la législation sociale nationale ou les conventions collectives de travail, et est sans préjudice de telles dispositions.
26. Pour rejeter l'exception de non-conformité des articles D. 422-4-1 et D. 422-5 du code de l'aviation civile avec le droit de l'Union européenne, l'arrêt attaqué, après s'être référé au principe de primauté du droit communautaire sur le droit national, aux articles 4 et 5, § 3, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et 100 du Traité sur l'Union européenne, et avoir rappelé l'argumentation de la société [4], énonce que ledit règlement crée une protection minimale du personnel de l'aviation civile, notamment par les « Flight Time Limitations » (FTL) qui sont des règles techniques encadrant la sécurité aérienne.
27. Se fondant sur les dispositions du considérant 4 du règlement (UE) n° 83/2014 de la Commission du 29 janvier 2014, le juge retient que la législation nationale relative aux conditions et temps de travail, plus favorable, doit trouver à s'appliquer, en vertu du principe de subsidiarité.
28. Il expose que si la société [4] conteste le caractère social des dispositions internes, soutenant que ces règles, qui ne renvoient pas au code du travail, ont pour objet d'encadrer la sécurité du personnel navigant, il apparaît cependant que tant le décret n° 97-999 du 29 octobre 1997, créant l'article D. 422-5 du code de l'aviation civile, que celui n° 2000-1030 du 18 octobre 2000, créant l'article D. 422-4-1 du même code, ont été pris au visa du code du travail et après consultation des organisations patronales et de salariés, de sorte que ces dispositions ont bien un caractère social.
29. Il ajoute que le caractère plus favorable des normes sociales internes par rapport aux normes sécuritaires communautaires résulte très clairement de la comparaison de la durée maximale de vol, les normes sociales nationales la fixant à quatre-vingt dix heures par mois selon l'article D. 422-4-1 précité tandis que le droit communautaire la fixe à cent heures de vol par période de vingt-huit jours consécutifs, selon les dispositions du FTL.
30. Relevant que, d'une part, la réglementation sociale nationale de l'article D. 422-4-1 du code de l'aviation civile est plus favorable aux salariés que les règles européennes, d'autre part, le règlement (UE) n° 83/2014 précité prévoit dans ce cas que la réglementation la plus favorable doit s'appliquer, il en déduit que l'incompatibilité des dispositions internes, plus protectrices, avec celles d'origine communautaire, doit se résoudre par la primauté des normes internes qui étaient bien applicables à la date des faits.
31. En se déterminant ainsi, la cour d'appel, qui a exactement retenu que les dispositions de l'article 8 du règlement (UE) n° 965/2012 du 5 octobre 2012, déterminant les exigences techniques et les procédures administratives applicables aux opérations aériennes, dans sa version modifiée par le règlement (UE) n° 83-2014 du 29 janvier 2014, interprétées à la lumière du considérant 4 de ce règlement, n'étaient pas exclusives de l'application des dispositions plus favorables pour les droits des salariés des articles D. 422-4-1 et D. 422-5 du code de l'aviation civile, a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions européennes invoquées aux moyens.
32. Le moyen doit, dès lors, être écarté.
33. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
Crim. 10 septembre 2025 n° 24-87.068
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° K 24-87.068 FS-D
N° 00883
GM 10 SEPTEMBRE 2025
CASSATION DECHEANCE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 10 SEPTEMBRE 2025
M. [O] [I] et M. [B] ([Y]) [X] ont formé des pourvois contre l'arrêt n° 5 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 2e section, en date du 26 novembre 2024, qui, dans l'information suivie contre le premier du chef de complicité de prise illégale d'intérêts et contre le second du chef de prise illégale d'intérêts, a confirmé l'ordonnance de rejet de la demande de constatation de prescription de l'action publique.
Par ordonnance du 4 février 2025, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi de M. [O] [I].
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits.
Sur le rapport de M. Samuel, conseiller, les observations de la SCP Bénabent, avocat de M. [O] [I], les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de l'association [1], et les conclusions de M. Fusina, avocat général, les avocats ayant eu la parole en dernier, après débats en l'audience publique du 28 mai 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Samuel, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, M. Wyon, Mme Piazza, M. de Lamy, Mmes Jaillon, Clément, conseillers de la chambre, Mme Fouquet, M. Gillis, Mme Chafaï, M. Michon, Mme Bloch, conseillers référendaires, M. Fusina, avocat général, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. [Y] [X] entretient d'étroits liens de famille avec M. [E] [N], dirigeant de la société [4] ([5]).
3. En tant que chef de bureau puis de sous-directeur de l'Agence des participations de l'Etat (APE) entre le mois de février 2009 et celui de juin 2012, il a exercé des fonctions, d'une part, d'administrateur de la société [7] France (société [7]), constructeur naval à [Localité 6] dont le principal client est la société [5], d'autre part, de membre du conseil de surveillance du grand port maritime [Localité 2] ([3]), dont la société [5] est également un acteur économique majeur.
4. Du 1er juillet 2012 au 1er avril 2014, il a exercé les fonctions de directeur adjoint puis directeur du cabinet de M. [D], ministre de l'économie, des finances et du commerce extérieur, puis du 30 août 2014 au 30 août 2016, celles de directeur du cabinet de M. [G], ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique.
5. Il a connu, dans les unes et les autres de ces fonctions, de questions relatives à la société [5].
6. Pendant le temps où M. [X] était affecté à l'APE, M. [P] [Z] puis M. [O] [I] en ont exercé successivement la présidence. Il a par ailleurs été envisagé que le Fonds stratégique d'investissement (FSI) remplace l'APE au conseil d'administration de la société [7].
7. M. [X] a sollicité à deux reprises, en 2014 et 2016, une mise en disponibilité, aux fins de rejoindre le groupe [5] comme directeur financier, ce que la commission de déontologie de la fonction publique (CDFP) a accepté, en 2016, après avoir opposé un refus en 2014. 8. A la suite de la publication d'articles de presse portant sur les liens entre M. [X] et la société [5], le procureur national financier a ouvert, le 4 juin 2018, une enquête préliminaire qu'il a classée sans suite au motif que l'infraction était insuffisamment caractérisée.
9. Le 30 janvier 2020, l'association contre la corruption et pour l'éthique en politique ([1]) a porté plainte et s'est constituée partie civile des chefs de prise illégale d'intérêts et de trafic d'influence.
10. Dans le cadre de l'information ouverte sur ces faits, M. [I] a été mis en examen du chef de complicité, entre septembre 2010 et mai 2012, des faits de prise illégale d'intérêts commis par M. [X] officiant en qualité, d'une part, de chef de bureau puis de sous-directeur de l'APE, d'autre part, d'administrateur du conseil d'administration de la société [7] et du [3], en lui donnant pour instruction, bien qu'ayant connaissance de l'intérêt moral résultant du lien familial entretenu avec la famille [N], d'être consulté sur des sujets afférents aux relations commerciales entre la société [7] et la société [5] et de participer aux délibérations du conseil d'administration de la société [7] et du conseil de surveillance du [3] concernant la société [5], en dissimulant volontairement la prise illégale d'intérêts aux interlocuteurs institutionnels de l'APE.
11. M. [I] a formé une demande de constatation de la prescription de l'action publique pour la période antérieure au 1er juin 2012.
12. Les juges d'instruction l'ont rejetée.
13. M. [I] a relevé appel de cette décision.
Examen de la recevabilité du pourvoi de M. [X]
14. M. [X] n'a pas déposé dans le délai légal, personnellement ou par son avocat, un mémoire exposant ses moyens de cassation. Il y a lieu, en conséquence, de le déclarer déchu de son pourvoi par application de l'article 590-1 du code de procédure pénale.
Examen des moyens de M. [I]
Sur le premier moyen, pris en sa huitième branche
15. Le grief n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen, pris en ses autres branches, et le second moyen
Enoncé des moyens
16. Le premier moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance du 17 mai 2023 des juges d'instruction qui avait rejeté sa demande de constatation de prescription de l'action publique, alors :
« 3°/ que le délai de prescription de l'action publique de l'infraction occulte ou dissimulée court à compter du jour où l'infraction est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant la mise en mouvement ou l'exercice de l'action publique ; qu'est dissimulée l'infraction dont l'auteur accomplit délibérément toute manoeuvre caractérisée tendant à en empêcher la découverte ; qu'en jugeant, par motifs adoptés, que la recherche d'un écrit était cruciale pour apprécier l'existence ou non d'une dissimulation de l'infraction éventuelle empêchant la mise en mouvement de l'action publique et en écartant toute prescription au motif notamment que ledit écrit n'était ni signé, ni versé au dossier administratif du mis en cause ni retrouvé aux archives de l'APE, la chambre de l'instruction s'est fondée sur des motifs inopérants, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 9-1, alinéa 4, du code de procédure pénale ;
4°/ que le délai de prescription de l'action publique de l'infraction occulte ou dissimulée court à compter du jour où l'infraction est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant la mise en mouvement ou l'exercice de l'action publique ; qu'est dissimulée l'infraction dont l'auteur accomplit délibérément toute manoeuvre caractérisée tendant à en empêcher la découverte ; qu'en écartant toute prescription de l'infraction poursuivie au motif qu'elle aurait été dissimulée, la chambre de l'instruction, qui s'est bornée à relever que « les membres d'APE ont sciemment fait le choix de taire cette situation d'intérêt », n'a pas caractérisé l'élément moral de la dissimulation de la part de l'auteur de l'infraction et a ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article 9-1, alinéa 4, du code de procédure pénale. »
17. Le second moyen critique l'arrêt en ce qu'il a confirmé l'ordonnance du 17 mai 2023 des juges d'instruction qui avait rejeté sa demande de constatation de prescription de l'action publique, alors :
« 1°/ que la circonstance que la révélation du lien litigieux n'aurait pas été confirmée par écrit, ni qu'aucun écrit ne soit venu formaliser les conséquences que devait éventuellement en tirer la hiérarchie de M. [X], ne caractérise de la part de ce dernier aucune manoeuvre particulière au sens de l'article 9-1, alinéa 4, du code de procédure pénale ; en imputant à M. [X] une telle absence d'écrit - dont elle relève par ailleurs qu'aucun texte ni qu'aucune règle ne l'exigeait - pour en déduire le report du point de départ de la prescription, la chambre de l'instruction a violé le principe de la présomption d'innocence, renversé la charge de la preuve et violé l'article 9-1, alinéa 4, du code de procédure pénale ;
2°/ que ne caractérise pas une manoeuvre de nature à dissimuler l'infraction la circonstance que le FSI - Fonds Stratégique d'Investissement - n'aurait pas été destinataire de l'information en cause, dès lors qu'il résulte de l'arrêt attaqué lui-même que s'il a été envisagé à un moment au sein de la direction du Trésor, et donc de l'État, que ce fonds recueille les actions détenues par l'État dans la société [7] France, cette opération n'a jamais eu lieu ; en voyant, dans cette absence de communication au FSI, une manoeuvre de dissimulation au mépris de ses propres constatations, la chambre de l'instruction a statué par contradiction de motifs, en violation de l'article 593 du code de procédure pénale et a violé l'article 9-1, alinéa 4, du code de procédure pénale ;
3°/ que s'agissant de la société [7] France, qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que l'entier comportement de M. [X] a consisté à oeuvrer pour que le directeur de cette société soit informé du lien d'intérêt en cause ; il a ainsi adressé à son supérieur hiérarchique différentes propositions de rédaction d'un courrier que ce supérieur envisageait d'adresser au directeur ; et à supposer que M. [X] ait effectivement agi dans le choix de M. [H] comme nouveau directeur de la société [7] France, en remplacement de M. [M], M. [X] aurait ainsi prôné la candidature d'une personne dont l'arrêt constate qu'elle était « dans la confidence », et connaissait parfaitement l'existence du lien d'intérêt critiqué ; qu'un tel comportement, tout entier tourné vers la révélation de ce lien, est insusceptible de caractériser une manoeuvre ayant pour objet d'empêcher la révélation de l'infraction ; qu'en statuant ainsi, la chambre de l'instruction a encore violé les articles 593 et 9-1, alinéa 4, du code de procédure pénale ;
4°/ que la victime éventuelle du délit de prise illégale d'intérêts est en principe l'autorité publique dont l'intéressé était dépositaire au moment de l'acte critiqué ; que le tiers contractant n'est pas nécessairement victime de cette prise d'intérêts et n'a donc aucune vocation naturelle à se consister partie civile ; que l'absence d'information éventuelle de la société [7] France n'était pas de nature à caractériser une dissimulation empêchant la découverte d'une infraction, dont la société [7] France pouvait d'autant moins se plaindre, que l'arrêt constate expressément qu'elle était directement bénéficiaire, dès lors que l'État était « très présent » à l'occasion des contrats de commandes de paquebots entre [7] France et [5], « suivant de près les négociations et s'impliquant pour que [7] France obtienne des commandes de paquebots », que l'État « intervenait également en participant au financement de la construction d'un paquebot par le mécanisme des soutiens financiers à l'innovation et par la contre-garantie des prêts bancaires accordés par les banques ou chantiers navals à [7] France » en mobilisant de surcroît le crédit à l'exportation, le juge d'instruction ayant relevé pour sa part que les commandes conditionnaient « la survie de la société [7] France » ; que l'ensemble de ces constatations exclut que la société [7] France ait pu, à un titre quelconque, envisager de mettre en mouvement l'action publique, et par conséquent qu'il ait été nécessaire de l'informer d'un éventuel conflit de l'intérêt lui restant totalement étranger ; qu'en statuant ainsi, la chambre de l'instruction a violé les articles 593 et 9-1, alinéa 4, du code de procédure pénale, ainsi que l'article 432-12 du code pénal. »
Réponse de la Cour
18. Les moyens sont réunis.
Vu les articles 9-1 et 593 du code de procédure pénale :
19. Selon le premier de ces textes, l'infraction dont l'auteur a accompli délibérément toute manoeuvre caractérisée tendant à en empêcher la découverte constitue une infraction dissimulée dont le délai de prescription de l'action publique court à compter du jour où l'infraction est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant la mise en mouvement ou l'exercice de l'action publique.
20. Tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
21. Pour confirmer l'ordonnance ayant rejeté la demande de constatation de prescription de l'action publique antérieurement au 1er mars 2014, l'arrêt attaqué énonce, par motifs propres et adoptés, que M. [X] a fait connaître à sa hiérarchie son lien de parenté avec la famille [N], tant à l'APE entre 2009 et 2012 qu'au sein des cabinets ministériels entre 2012 et 2016, mais que cette publicité, dont le périmètre était restreint, n'est pas exclusive d'actes de dissimulation de la prise illégale d'intérêts.
22. Les juges ajoutent que la recherche de la preuve d'un écrit informant sa hiérarchie d'un potentiel conflit d'intérêts est cruciale pour apprécier l'existence ou non d'une dissimulation de l'infraction éventuelle empêchant que celle-ci soit constatée dans des conditions permettant la mise en mouvement de l'action publique, même si un tel écrit n'était pas exigé par la loi à l'époque des faits.
23. Ils observent que le seul écrit de ce type serait un courrier adressé, le 5 novembre 2010, par M. [X] à M. [I], mais qu'aucune trace n'en a été trouvée à l'exception d'une version non signée, et qu'au demeurant le respect de l'obligation déontologique d'information de sa hiérarchie directe ne constitue pas un fait justificatif de l'infraction pénale de prise illégale d'intérêts en cas d'inaction de ladite hiérarchie à faire cesser la situation de prise d'intérêt.
24. Ils retiennent, concernant les partenaires institutionnels de l'APE, que si, sur proposition de M. [X] en juin 2009, il a été envisagé d'adresser une lettre à M. [M], directeur général de la société [7], les différentes versions des projets soumises à M. [Z] sont restées lettres mortes, ce dernier déclarant toutefois qu'il avait été convenu avec M. [X] qu'il devait faire part de ce conflit d'intérêts à ses interlocuteurs. Ils observent encore que les échanges de courriels entre notamment MM. [X] et [Z] relatifs à ce projet avorté de lettre illustrent la conscience, tant de M. [X] que de sa hiérarchie, d'un conflit d'intérêts et leur embarras à le divulguer, ce qui caractérise l'existence d'un pacte de silence.
25. Ils relèvent également que ni le président du FSI ni l'administrateur de [7] pour le FSI, visés en copie du projet de courrier destiné à M. [M], ni les membres du conseil d'administration de la société [7] n'ont été informés par MM. [X], [Z] ou [I] de l'existence d'un potentiel conflit d'intérêts résultant d'un lien de famille qui n'était pas de notoriété publique.
26. Ils en déduisent que la révélation parcellaire par M. [X] du lien de parenté à certains initiés et notamment à sa hiérarchie directe, tant au sein de l'APE que des cabinets ministériels, non suivie de la mise en place d'un dispositif écrit clair et précis définissant le périmètre de son déport afin de permettre à toute personne concernée de constater la possible prise illégale d'intérêts, la non-révélation délibérée de ce lien tant aux interlocuteurs majeurs qu'étaient le directeur général de la société [7] ou le FSI, qu'au ministère de l'économie dans les demandes de remplacement dans son mandat d'administrateur de la société [7] formées par MM. [Z] et [I], ainsi qu'aux autorités en charge de la transparence des fonctionnaires caractérisent des actes positifs de dissimulation, justifiant le report du point de départ du délai de prescription au jour où l'infraction est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant l'exercice de poursuites, à savoir sa révélation dans la presse en mai 2018.
27. Par motifs propres, la chambre de l'instruction relève que la hiérarchie de M. [X], notamment MM. [Z] et [I], informée par lui du lien de parenté litigieux, n'en a pas informé M. [M] qui, comme les membres coréens du conseil d'administration, a ignoré cet intérêt.
28. Les juges ajoutent que M. [X] n'a pas davantage avisé lui-même M. [M] ou le FSI de ce lien et qu'il ressort des courriels qu'ils analysent relatifs au projet avorté de lettre que les membres de l'APE ont sciemment fait le choix de taire cette situation d'intérêts à M. [M] qui disposait de la capacité à mettre en mouvement l'action publique.
29. Ils précisent que M. [X] en a informé M. [H], directeur du [3], mais que ce dernier n'a pas estimé nécessaire d'en donner connaissance aux autres membres du conseil de surveillance de cet établissement public.
30. Ils relèvent que M. [H] a été nommé directeur de la société [7] à compter du 30 juin 2012, mais que le fait que M. [X] ait joué un rôle actif dans son recrutement, alors qu'il n'était pas le candidat le mieux placé, ne le mettait pas dans une position propice à la dénonciation de la situation d'intérêts au ministère public. Ils en déduisent que la date à laquelle il a eu connaissance de l'infraction ne peut constituer le point de départ du délai de prescription de l'action publique, dès lors que s'il avait qualité pour se constituer partie civile, il n'y avait pas intérêt.
31. Les juges observent enfin que si la commission de déontologie, et notamment son rapporteur, ont eu connaissance des liens personnels de M. [X] avec la famille [N], elle ne les a pas dénoncés au procureur de la République en application de l'article 40 du code de procédure pénale, de sorte que le point de départ de la prescription ne peut pas être fixé à la date de la connaissance des faits par les membres de cette commission.
32. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision pour les motifs qui suivent.
33. En premier lieu, le silence gardé par M. [X], au surplus à l'égard de seulement certains des dirigeants des entités au conseil d'administration desquelles il siégeait, n'est pas à lui seul de nature à caractériser un acte positif constitutif d'une manoeuvre caractérisée de dissimulation au sens de l'article 9-1 du code de procédure pénale.
34. En deuxième lieu, si la chambre de l'instruction a relevé le silence gardé par ses supérieurs hiérarchiques, informés de sa situation, vis-à-vis d'interlocuteurs institutionnels qui auraient pu mettre en oeuvre des mesures destinées à prévenir tout conflit d'intérêts, et leur embarras à divulguer cette situation, pour en déduire l'existence d'un pacte de silence, elle n'a pas caractérisé de concert frauduleux destiné à empêcher la découverte de l'infraction et susceptible de constituer une telle manoeuvre.
35. En troisième lieu, l'absence d'information écrite ou de mise en place d'un dispositif précis de déport à une époque où la loi ne le prévoyait pas n'est pas de nature à établir une manoeuvre de dissimulation, a fortiori lorsque les juges constatent que les supérieurs hiérarchiques de M. [X] avaient été eux-mêmes informés oralement de sa situation.
36. En quatrième et dernier lieu, les constatations relatives à l'impossibilité de mettre en oeuvre l'action publique faute de connaissance des faits, d'intérêt à agir ou de dénonciation au ministère public, nécessaires pour établir la date à laquelle peut être retardé le point de départ du délai de prescription lorsqu'est caractérisée une dissimulation au sens de l'article 9-1 précité, sont inopérantes en l'absence d'une telle caractérisation.
37. La cassation est par conséquent encourue, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres griefs.
Crim. 10 septembre 2025 n° 24-87.146
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° V 24-87.146 FS-D
N° 00882
GM 10 SEPTEMBRE 2025
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 10 SEPTEMBRE 2025
M. [Y] ([F]) [A] a formé un pourvoi contre l'arrêt n° 3 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 2e section, en date du 26 novembre 2024, qui, dans l'information suivie contre lui du chef de prise illégale d'intérêts, a confirmé l'ordonnance de rejet de sa demande de constatation de prescription de l'action publique.
Par ordonnance du 4 février 2025, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.
Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits.
Sur le rapport de M. Samuel, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, avocat de M. [A], les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de l'association [1], et les conclusions de M. Fusina, avocat général, les avocats ayant eu la parole en dernier, après débats en l'audience publique du 28 mai 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Samuel, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, M. Wyon, Mme Piazza, M. de Lamy, Mmes Jaillon, Clément, conseillers de la chambre, Mme Fouquet, M. Gillis, Mme Chafaï, M. Michon, Mme Bloch, conseillers référendaires, M. Fusina, avocat général, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. [F] [A] entretient d'étroits liens de famille avec M. [I] [M], dirigeant de la société [3] ([3]).
3. En tant que chef de bureau puis de sous-directeur de l'agence des participations de l'Etat (APE) entre le mois de février 2009 et celui de juin 2012, il a exercé des fonctions, d'une part, d'administrateur de la société [5] (société [5]), constructeur naval à [Localité 4] dont le principal client est la société [3], d'autre part, de membre du conseil de surveillance du [2] ([2]), dont la société [3] est également un acteur économique majeur.
4. Du 1er juillet 2012 au 1er avril 2014, il a exercé les fonctions de directeur adjoint puis directeur du cabinet de M. [Z], ministre de l'économie, des finances et du commerce extérieur, puis du 30 août 2014 au 30 août 2016, celles de directeur du cabinet de M. [K], ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique.
5. Il a connu, dans les unes et les autres de ces fonctions, de questions relatives à la société [3].
6. Pendant le temps où M. [A] était affecté à l'APE, M. [W] [H] puis M. [V] [P] en ont exercé successivement la présidence. Il a par ailleurs été envisagé que le Fonds stratégique d'investissement (FSI) remplace l'APE au conseil d'administration de la société [5].
7. M. [A] a sollicité à deux reprises, en 2014 et 2016, une mise en disponibilité, aux fins de rejoindre le groupe [3] comme directeur financier, ce que la commission de déontologie de la fonction publique (CDFP) a accepté, en 2016, après avoir opposé un refus en 2014. 8. A la suite de la publication d'articles de presse portant sur les liens entre M. [A] et la société [3], le procureur national financier a ouvert, le 4 juin 2018, une enquête préliminaire qu'il a classée sans suite au motif que l'infraction était insuffisamment caractérisée.
9. Le 30 janvier 2020, l'association contre la corruption et pour l'éthique en politique ([1]) a porté plainte et s'est constituée partie civile des chefs de prise illégale d'intérêts et de trafic d'influence.
10. Dans le cadre de l'information ouverte sur ces faits, M. [A] a été mis en examen pour avoir pris, reçu ou conservé directement ou indirectement un intérêt de nature à compromettre son impartialité, son indépendance ou son objectivité dans une entreprise ou une opération dont il avait la charge d'assurer même partiellement l'administration ou la surveillance, d'une part, pour la période comprise entre février 2009 et juin 2012, en raison notamment de sa participation aux délibérations du conseil d'administration de la société [5] et du conseil de surveillance du [2], en lien avec la société [3], d'autre part, pour les périodes comprises entre le 1er juillet 2012 et le 1er avril 2014 puis entre le 1er septembre 2014 et le mois d'août 2016, pour avoir reçu des informations et émis des orientations stratégiques ou des avis relatifs à des projets en lien avec la société [3].
11. M. [A] a formé une demande de constatation de la prescription de l'action publique pour la période antérieure au 1er mars 2014.
12. Les juges d'instruction l'ont rejetée.
13. M. [A] a relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur les premier et second moyens
Enoncé des moyens
14. Le premier moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de constatation de la prescription de l'action publique formée par M. [A], alors :
« 1°/ que si le point de départ du délai de la prescription de l'action publique engagée à propos d'un délit de prise illégale d'intérêts - délit non occulte par nature - peut être reporté en cas de manoeuvre caractérisée tendant à en empêcher la découverte, c'est à la condition que l'existence de telles manoeuvres soit caractérisée par les juges du fond ; en l'espèce, il résulte expressément de l'arrêt attaqué qu'il est constant que M. [A] a informé son entourage professionnel direct du lien familial potentiellement source de conflit d'intérêts, tant au sein de l'APE (Agence des Participations de l'État) entre 2009 et 2012, qu'au sein des deux cabinets ministériels entre 2012 et 2016, à un certain nombre de personnes énumérées par l'arrêt, dont M. [Z], ministre de l'Économie entre 2012 et 2014 ; en l'absence de toute manoeuvre tendant à empêcher la découverte de ce lien et de l'infraction, la chambre de l'instruction qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations a violé l'article 9-1, paragraphe 4 du code de procédure pénale ;
2°/ que la circonstance que cette révélation n'aurait pas été confirmée par écrit, ni qu'aucun écrit ne soit venu formaliser les conséquences que devait éventuellement en tirer la hiérarchie de M. [A], ne caractérise de la part de ce dernier aucune manoeuvre particulière au sens de l'article 9-1 paragraphe 4 du code de procédure pénale ; en imputant à M. [A] une telle absence d'écrit - dont elle relève par ailleurs qu'aucun texte, ni règle ne l'exigeait - pour en déduire le report du point de départ de la prescription, la chambre de l'instruction a violé le principe de la présomption d'innocence, renversé la charge de la preuve et violé l'article 9-1, paragraphe 4 du code de procédure pénale précité ;
3°/ que la seule circonstance que la révélation du lien d'intérêt litigieux n'ait pas été faite à certaines personnes prétendument « concernées », constitutive d'un simple silence que n'a accompagné aucune manoeuvre, ni aucun procédé visant à une dissimulation active de ce lien, ne caractérise pas la manoeuvre au sens de l'article 9-1, paragraphe 4 du code de procédure pénale précité qui a encore été violé ;
4°/ que ne caractérise pas une telle manoeuvre la circonstance que le FSI - Fonds Stratégique d'Investissement - n'aurait pas été destinataire de l'information en cause, dès lors qu'il résulte de l'arrêt attaqué lui-même que s'il a été envisagé à un moment au sein de la direction du Trésor et donc de l'État, que ce fonds recueille les actions détenues par l'État dans la société [5], cette opération n'a jamais eu lieu, le Fonds s'étant désengagé de l'opération ; en voyant, dans cette absence de communication au FSI, une manoeuvre de dissimulation au mépris de ses propres constatations, la chambre de l'instruction a statué par contradiction de motifs, en violation de l'article 593 du code de procédure pénale et a violé l'article 9-1 du code de procédure pénale ;
5°/ que la manoeuvre, à la supposer exister, ne peut être opposée au mis en examen qui revendique le jeu de la prescription que si elle émane personnellement et directement de lui ; elle n'est pas caractérisée si d'éventuelles rétentions d'informations sur le lien d'intérêt en jeu sont exclusivement le fait de tiers ; l'arrêt attaqué constate expressément que si M. [S], directeur de la société [5] entre 2009 et janvier 2012, n'a pas été prévenu du lien d'intérêt en cause, c'est la hiérarchie de M. [A], notamment MM. [H] et [P] pour l'APE, qui ne l'ont pas averti, et que ce sont les « membres de l'APE » qui ont « sciemment » fait le choix de taire cette situation à M. [S], M. [H] n'ayant en définitive pas adressé le courrier qu'il avait envisagé de transmettre sous sa signature à ce dernier ; en retenant cette prétendue absence d'information comme étant de nature à reporter le point de départ de la prescription à l'égard de M. [A], qui n'en est pas l'auteur et qui était tenu par le principe hiérarchique, la chambre de l'instruction a violé les articles 593 et 9-1 du code de procédure pénale ;
6°/ que s'agissant de la société [5], qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que l'entier comportement de M. [A] a consisté à oeuvrer pour que le directeur de cette société soit informé du lien d'intérêt en cause : il a ainsi adressé à son supérieur hiérarchique différentes propositions de rédaction d'un courrier que ce supérieur envisageait d'adresser au directeur ; et à supposer que M. [A] ait effectivement agi dans le choix de M. [R] comme nouveau directeur de la société [5], en remplacement de M. [S], M. [A] aurait ainsi prôné la candidature d'une personne dont l'arrêt constate expressément qu'elle était « dans la confidence », et connaissait parfaitement l'existence du lien d'intérêt critiqué ; un tel comportement, tout entier tourné vers la révélation de ce lien, est insusceptible de caractériser une manoeuvre ayant pour objet d'empêcher la révélation de l'infraction ; la chambre de l'instruction a encore violé les articles 593 et 9-1 du code de procédure pénale ;
9°/ que s'agissant précisément de la période 2012-2014, quand M. [A] était au cabinet du ministre de l'Économie, période pour laquelle la prescription était également invoquée, l'arrêt attaqué ne constate strictement aucun acte susceptible de caractériser la moindre manoeuvre de M. [A] de nature à cacher les éventuelles prises d'intérêts qui auraient été commises durant cette période ; l'arrêt est en conséquence sur ce point totalement privé de motifs, en violation des articles 593 du code de procédure pénale et des articles 9-1 et 432-12 du code pénal. »
15. Le second moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de constatation de la prescription de l'action pénale formée par M. [A], alors :
« 1°/ qu'en écartant toute prescription de l'infraction poursuivie au motif qu'elle aurait été dissimulée, la chambre de l'instruction, qui s'est bornée à relever que « les membres d'APE ont sciemment fait le choix de taire cette situation d'intérêt » n'a pas caractérisé l'élément moral de la dissimulation de la part de l'auteur de l'infraction et a ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article 9-1, alinéa 4, du code de procédure pénale ;
5°/ que les manoeuvres de dissimulation s'apprécient au regard du comportement de la personne poursuivie et ne dépendent pas de l'attitude de la personne destinataire de cette information ; que la chambre de l'instruction a constaté que l'information était connue de M. [R], directeur de [5] à compter de janvier 2012, qui était en mesure de mettre en mouvement l'action publique, ayant « qualité pour se constituer partie civile » ; que la chambre de l'instruction a cependant reporté le point de départ de la prescription en énonçant que M. [R] s'était abstenu de mettre en mouvement l'action publique ; qu'en se fondant non pas sur la dissimulation de l'infraction mais sur l'inaction d'une personne ayant qualité pour agir pour reporter le point de départ du délai de prescription, la chambre de l'instruction a méconnu les dispositions susvisées ;
6°/ que de même, la chambre de l'instruction a énoncé que si « la commission et notamment M. [X] ont su que M. [A] avait des liens personnels avec la famille [M] (...), il n'a pas été décidé de mettre en oeuvre une dénonciation au titre de l'article 40 au procureur de la République » ; la chambre de l'instruction a de nouveau reporté le point de départ du délai de prescription en se fondant sur l'inaction des personnes qui étaient à même d'agir, et non pas sur la dissimulation de l'infraction en méconnaissance des dispositions susvisées. »
Réponse de la Cour
16. Les moyens sont réunis.
Vu les articles 9-1 et 593 du code de procédure pénale :
17. Selon le premier de ces textes, l'infraction dont l'auteur a accompli délibérément toute manoeuvre caractérisée tendant à en empêcher la découverte constitue une infraction dissimulée dont le délai de prescription de l'action publique court à compter du jour où l'infraction est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant la mise en mouvement ou l'exercice de l'action publique.
18. Tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
19. Pour confirmer l'ordonnance ayant rejeté la demande de constatation de prescription de l'action publique antérieurement au 1er mars 2014, l'arrêt attaqué énonce, par motifs propres et adoptés, que M. [A] a fait connaître à sa hiérarchie son lien de parenté avec la famille [M], tant à l'APE entre 2009 et 2012 qu'au sein des cabinets ministériels entre 2012 et 2016, mais que cette publicité, dont le périmètre était restreint, n'est pas exclusive d'actes de dissimulation de la prise illégale d'intérêts.
20. Les juges ajoutent que la recherche de la preuve d'un écrit informant sa hiérarchie d'un potentiel conflit d'intérêts est cruciale pour apprécier l'existence ou non d'une dissimulation de l'infraction éventuelle empêchant que celle-ci soit constatée dans des conditions permettant la mise en mouvement de l'action publique, même si un tel écrit n'était pas exigé par la loi à l'époque des faits.
21. Ils observent que le seul écrit de ce type serait un courrier adressé, le 5 novembre 2010, par M. [A] à M. [P], mais qu'aucune trace n'en a été trouvée à l'exception d'une version non signée, et qu'au demeurant le respect de l'obligation déontologique d'information de sa hiérarchie directe ne constitue pas un fait justificatif de l'infraction pénale de prise illégale d'intérêts en cas d'inaction de ladite hiérarchie à faire cesser la situation de prise d'intérêt.
22. Ils retiennent, concernant les partenaires institutionnels de l'APE, que si, sur proposition de M. [A] en juin 2009, il a été envisagé d'adresser une lettre à M. [S], directeur général de la société [5], les différentes versions des projets soumises à M. [H] sont restées lettres mortes, ce dernier déclarant toutefois qu'il avait été convenu avec M. [A] qu'il devait faire part de ce conflit d'intérêts à ses interlocuteurs. Ils observent encore que les échanges de courriels entre notamment MM. [A] et [H] relatifs à ce projet avorté de lettre illustrent la conscience, tant de M. [A] que de sa hiérarchie, d'un conflit d'intérêts et leur embarras à le divulguer, ce qui caractérise l'existence d'un pacte de silence.
23. Ils relèvent également que ni le président du FSI ni l'administrateur de [5] pour le FSI, visés en copie du projet de courrier destiné à M. [S], ni les membres du conseil d'administration de la société [5] n'ont été informés par MM. [A], [H] ou [P] de l'existence d'un potentiel conflit d'intérêts résultant d'un lien de famille qui n'était pas de notoriété publique.
24. Ils en déduisent que la révélation parcellaire par M. [A] du lien de parenté à certains initiés et notamment à sa hiérarchie directe, tant au sein de l'APE que des cabinets ministériels, non suivie de la mise en place d'un dispositif écrit clair et précis définissant le périmètre de son déport afin de permettre à toute personne concernée de constater la possible prise illégale d'intérêts, la non-révélation délibérée de ce lien tant aux interlocuteurs majeurs qu'étaient le directeur général de la société [5] ou le FSI, qu'au ministère de l'économie dans les demandes de remplacement dans son mandat d'administrateur de la société [5] formées par MM. [H] et [P], ainsi qu'aux autorités en charge de la transparence des fonctionnaires caractérisent des actes positifs de dissimulation, justifiant le report du point de départ du délai de prescription au jour où l'infraction est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant l'exercice de poursuites, à savoir sa révélation dans la presse en mai 2018.
25. Par motifs propres, la chambre de l'instruction relève que la hiérarchie de M. [A], notamment MM. [H] et [P], informée par lui du lien de parenté litigieux, n'en a pas informé M. [S] qui, comme les membres coréens du conseil d'administration, a ignoré cet intérêt.
26. Les juges ajoutent que M. [A] n'a pas davantage avisé lui-même M. [S] ou le FSI de ce lien et qu'il ressort des courriels qu'ils analysent relatifs au projet avorté de lettre que les membres de l'APE ont sciemment fait le choix de taire cette situation d'intérêts à M. [S] qui disposait de la capacité à mettre en mouvement l'action publique.
27. Ils précisent que M. [A] en a informé M. [R], directeur du [2], mais que ce dernier n'a pas estimé nécessaire d'en donner connaissance aux autres membres du conseil de surveillance de cet établissement public.
28. Ils relèvent que M. [R] a été nommé directeur de la société [5] à compter du 30 juin 2012, mais que le fait que M. [A] ait joué un rôle actif dans son recrutement, alors qu'il n'était pas le candidat le mieux placé, ne le mettait pas dans une position propice à la dénonciation de la situation d'intérêts au ministère public. Ils en déduisent que la date à laquelle il a eu connaissance de l'infraction ne peut constituer le point de départ du délai de prescription de l'action publique, dès lors que s'il avait qualité pour se constituer partie civile, il n'y avait pas intérêt.
29. Les juges observent enfin que si la commission de déontologie, et notamment son rapporteur, ont eu connaissance des liens personnels de M. [A] avec la famille [M], elle ne les a pas dénoncés au procureur de la République en application de l'article 40 du code de procédure pénale, de sorte que le point de départ de la prescription ne peut pas être fixé à la date de la connaissance des faits par les membres de cette commission.
30. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision pour les motifs qui suivent.
31. En premier lieu, le silence gardé par M. [A], au surplus à l'égard de seulement certains des dirigeants des entités au conseil d'administration desquelles il siégeait, n'est pas à lui seul de nature à caractériser un acte positif constitutif d'une manoeuvre caractérisée de dissimulation au sens de l'article 9-1 du code de procédure pénale.
32. En deuxième lieu, si la chambre de l'instruction a relevé le silence gardé par ses supérieurs hiérarchiques, informés de sa situation, vis à vis d'interlocuteurs institutionnels qui auraient pu mettre en oeuvre des mesures destinées à prévenir tout conflit d'intérêts, et leur embarras à divulguer cette situation, pour en déduire l'existence d'un pacte de silence, elle n'a pas caractérisé de concert frauduleux destiné à empêcher la découverte de l'infraction et susceptible de constituer une telle manoeuvre.
33. En troisième lieu, l'absence d'information écrite ou de mise en place d'un dispositif précis de déport à une époque où la loi ne le prévoyait pas n'est pas de nature à établir une manoeuvre de dissimulation, a fortiori lorsque les juges constatent que les supérieurs hiérarchiques de M. [A] avaient été eux-mêmes informés oralement de sa situation.
34. En quatrième et dernier lieu, les constatations relatives à l'impossibilité de mettre en oeuvre l'action publique faute de connaissance des faits, d'intérêt à agir ou de dénonciation au ministère public, nécessaires pour établir la date à laquelle peut être retardé le point de départ du délai de prescription lorsqu'est caractérisée une dissimulation au sens de l'article 9-1 précité, sont inopérantes en l'absence d'une telle caractérisation.
35. La cassation est par conséquent encourue, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres griefs.
Crim. 10 septembre 2025 n° 24-82.385
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° V 24-82.385 F-D
N° 01008
SL2 10 SEPTEMBRE 2025
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 10 SEPTEMBRE 2025
Mme [S] [U] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, 12e chambre, en date du 22 mars 2024, qui a confirmé le jugement ayant rejeté sa requête en restitution de bien saisi.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Chafaï, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de Mme [S] [U], et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 12 juin 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Chafaï, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Dans le cadre d'une information ouverte des chefs d'escroqueries aggravées, blanchiment aggravé, abus de biens sociaux et banqueroute, la somme de 3 220 euros en numéraire et des bijoux ont été saisis.
3. L'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel a été rendue par le juge d'instruction le 23 décembre 2020.
4. Mme [S] [U], divorcée [M], a saisi le tribunal correctionnel d'une demande de restitution de ces biens.
5. Par jugement du 7 septembre 2023, le tribunal correctionnel a rejeté sa demande.
6. Mme [U] a relevé appel de la décision.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de restitution présentée par Mme [M], alors :
« 1°/ d'une part que par mémoire distinct et motivé, l'exposante sollicite le renvoi au Conseil constitutionnel d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les dispositions des articles 131-21 du Code pénale, 41-4, alinéa 1 et 99 du Code de procédure pénale, interprétées par une jurisprudence constante de la Cour de cassation en ce qu'elles ne permettent pas au tiers propriétaire d'un bien saisi dans le cadre d'une procédure pénale d'accéder à un juge pour en réclamer la restitution, postérieurement à l'ordonnance de renvoi délivrée par un juge d'instruction, mais antérieurement à la fixation et à la tenue d'une audience devant la juridiction de jugement, dont elle soutient qu'elles méconnaissent, ainsi interprétées, le droit à un recours juridictionnel effectif protégé par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ainsi que le droit de propriété, protégé par les articles 2 et 17 de la même Déclaration, et traduisent l'incompétence négative du législateur affectant ces mêmes droits, en violation de l'article 34 de la Constitution ; que la déclaration d'inconstitutionnalité ou la réserve d'interprétation qui sera prononcée par le Conseil constitutionnel privera de fondement l'arrêt attaqué. »
Réponse de la Cour
8. La Cour de cassation ayant, par arrêt du 4 décembre 2024, dit n'y avoir lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité, le grief est devenu sans objet.
Mais sur le moyen, pris en sa seconde branche, et sur le moyen relevé d'office et mis dans le débat
9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de restitution présentée par Mme [M], alors :
« 2°/ d'autre part que méconnaît le droit à un recours juridictionnel effectif, garanti par les articles 6 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le droit au respect des biens, protégé par l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention, la Cour d'appel qui dénie au tiers propriétaire de biens saisis en 2009 dans le cadre d'une procédure pénale, tout droit d'accéder à un juge pour en réclamer la restitution, entre l'ordonnance de renvoi délivrée par un juge d'instruction le 23 janvier 2020 et la fixation et la tenue d'une audience devant la juridiction de jugement, alors même qu'aucun délai impératif d'audiencement n'existe et que l'intervalle pendant lequel le tiers ne peut saisir de juge afin de restitution de ses biens est dès lors illimité ; qu'en affirmant, au cas d'espèce, pour rejeter la demande de restitution de Madame [U], que celle-ci ne pourrait être présentée que devant la juridiction de jugement, la Cour d'appel a violé les textes susvisés. »
10. Le moyen relevé d'office est pris de la violation des articles 479 et 481, alinéa 1er, du code de procédure pénale.
Réponse de la Cour
11. Les moyens sont réunis.
Vu les articles 6, § 1, et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1er du premier Protocole additionnel à ladite Convention, 479 et 481, alinéa 1er, du code de procédure pénale :
12. Il résulte des quatre premiers de ces textes que toute personne qui prétend avoir des droits sur un bien placé sous la main de la justice peut en réclamer la restitution au tribunal saisi de la poursuite.
13. Aux termes du dernier, si le tribunal correctionnel estime que les objets placés sous la main de la justice sont utiles à la manifestation de la vérité ou susceptibles de confiscation, il sursoit à statuer jusqu'à sa décision sur le fond.
14. Pour rejeter la demande en restitution de biens saisis, l'arrêt attaqué énonce qu'un bien n'est confiscable que lorsque le prévenu a été déclaré coupable.
15. Les juges en déduisent que le tribunal correctionnel ne pouvait se prononcer sur la demande en restitution présentée par un tiers alors qu'il n'avait pas encore statué au fond à l'égard des mis en examen renvoyés devant lui.
16. Ils concluent qu'il appartiendra à Mme [U] d'intervenir volontairement lors de l'évocation du dossier correctionnel pour faire valoir ses moyens et prétentions.
17. En statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait d'apprécier si les biens dont la restitution est réclamée étaient utiles à la manifestation de la vérité ou s'ils étaient confiscables au regard des dispositions de l'article 131-21 du code pénal et, dans la négative, de restituer les biens, dans l'affirmative, de surseoir à statuer jusqu'à sa décision sur le fond, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.
18. La cassation est par conséquent encourue.
Crim. 10 septembre 2025 n° 23-82.847
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° B 23-82.847 F-D
N° 01001
SL2 10 SEPTEMBRE 2025
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 10 SEPTEMBRE 2025
M. [C] [D] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Bastia, chambre correctionnelle, en date du 22 mars 2023, qui, pour trafic d'influence passif, corruption active et abus de biens sociaux, l'a condamné à deux ans d'emprisonnement dont six mois avec sursis, 250 000 euros d'amende et cinq ans d'interdiction de gérer.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. de Lamy, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, avocat de M. [C] [D], et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 12 juin 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. de Lamy, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Une enquête relative au financement de la construction, par la société [3], de la maison de M. [W] [H], qui a occupé les fonctions de maire, de président du conseil général puis de sénateur, a été ouverte à la suite de la réception d'un renseignement par les services de police.
3. L'exploitation du compte bancaire de la société [3] a permis de constater la réalisation de paiements par M. [H] ainsi que l'existence de liens économiques avec les sociétés du [2] [D] appartenant à M. [C] [D].
4. Les investigations ont mis à jour que la construction de cette maison a empiété sur des parcelles appartenant à une société du [2] [D] sans que celle-ci ne demande un dédommagement et ont conduit les enquêteurs à s'interroger sur la prise en charge d'une partie du financement de cette construction par des sociétés appartenant au [2] [D] qui auraient bénéficié en contrepartie de l'attribution de marchés publics et qui auraient pu régler la société [3] au moyen de contrats de sous-traitance.
5. Renvoyé devant le tribunal correctionnel, M. [D] a été déclaré coupable des chefs d'abus de biens sociaux, corruption active et trafic d'influence actif.
6. M. [D] et le ministère public ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche, et le troisième moyen, pris en ses deuxième à cinquième branches
7. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen et le deuxième moyen, pris en sa première branche
Enoncé des moyens
8. Le premier moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [D] coupable des chefs d'abus de biens sociaux, de corruption active et de trafic d'influence actif, alors « que nul n'est responsable pénalement que de son propre fait ; qu'après avoir retenu, s'agissant des sociétés [4] (pp. 19-21) et [1] (pp. 21-22), que les factures payées par celles-ci à la société [3] seraient des factures fictives dont l'acquittement aurait permis le financement des travaux de construction de la villa de M. [H], la cour d'appel en déduit péremptoirement que M. [D] souhaitait s'attirer les faveurs d'un homme politique susceptible de lui octroyer des marchés publics et qu'en commettant en toute connaissance de cause ces abus de biens sociaux, il a favorisé son intérêt personnel et non l'intérêt de sa société (p. 22) ; qu'en statuant par ces seuls motifs, dont il ne ressort pas que le paiement des factures litigieuses serait le fait de M. [D], la cour d'appel n'a pas caractérisé la participation personnelle du prévenu à l'infraction, ni légalement justifié sa décision au regard des articles 121-1 du code pénal, L.241-3 et L.244-1 du code de commerce, et 593 du code de procédure pénale. »
9. Le deuxième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [D] coupable du chef d'abus de biens sociaux, alors :
« 1°/ que l'auteur du délit de biens sociaux ne peut être que le dirigeant de droit ou de fait de la société ; que pour déclarer M. [D] coupable de ce chef, la cour d'appel se borne à constater que les sociétés [4] et [1] sont détenues en majorité par la holding [2] [D], holding dont les parts sociales sont détenues à 99% par M. [D] (p. 19, § 1) ; qu'en statuant de la sorte, par des motifs qui ne permettent pas de caractériser la qualité de dirigeant de droit ou de fait de M. [D] des sociétés [4] et [1], la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 241-3, L. 241-9, L. 244-1 et L. 244-4 du code de commerce, et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
10. Les moyens sont réunis.
11. Pour dire le prévenu coupable de faits constitutifs d'abus de biens sociaux, l'arrêt attaqué énonce que les sociétés [4] et [1] sont détenues en majorité par la holding [2] [D], dont 99% des parts appartiennent à M. [D].
12. Les juges retiennent qu'il ressort de documents trouvés lors des investigations l'existence de plusieurs fausses factures ayant pour finalité de financer une partie des travaux de la villa de M. [H].
13. Ils relèvent que ces fausses factures, contraires à l'intérêt social des sociétés du [2] [D], ont été réalisées à des fins personnelles, M. [D] ayant souhaité ainsi s'attirer les faveurs de M. [H], homme politique susceptible de faire bénéficier ses sociétés de marchés publics.
14. Les juges soulignent qu'il est acquis que, quel que soit l'avantage à court terme qu'elle peut procurer, l'utilisation des fonds sociaux, ayant pour seul objet de commettre le délit de corruption, est contraire à l'intérêt social en ce qu'elle expose la personne morale à un risque anormal de sanctions pénales ou fiscales contre elle-même ainsi que ses dirigeants et porte atteinte à son crédit et à sa réputation.
15. Les juges ajoutent qu'en commettant en toute connaissance de cause ces abus de biens sociaux, M. [D] a ainsi favorisé son intérêt personnel et non l'intérêt de sa société.
16. En se déterminant ainsi, dès lors que les juges ont caractérisé, dans l'exercice de leur souverain pouvoir d'appréciation, la réalisation par M. [D], en tant que dirigeant social au sens des articles L. 241-3, 4°, et L. 244-1 du code de commerce, d'actions constitutives d'abus de biens sociaux, la cour d'appel a justifié sa décision.
17. Ainsi les moyens doivent être écartés.
Sur le deuxième moyen, pris en ses troisième et quatrième branches
Enoncé du moyen
18. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [D] coupable du chef d'abus de biens sociaux, alors :
« 3°/ que M. [D] faisait valoir dans ses conclusions aux fins de relaxe (pp. 4-5), visées par le président et le greffier, que le principe ne bis in idem faisait obstacle au cumul des qualifications d'abus de biens sociaux, d'une part, et de corruption et trafic d'influence, d'autre part ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen péremptoire dont elle était régulièrement saisie, la cour d'appel a violé l'article 593 du code de procédure pénale ;
4°/ en tout état de cause, que le principe ne bis in idem fait obstacle au cumul de qualifications lorsque l'une de celles retenues incrimine une modalité particulière de l'action répréhensible sanctionnée par l'autre infraction ; qu'après avoir déclaré M. [D] coupable du chef d'abus de biens sociaux, la cour d'appel le retient dans les liens de la prévention des chefs de corruption et trafic d'influence, en caractérisant les dons visés à l'article 433-1 du code pénal par ces mêmes abus de biens sociaux ; qu'en cumulant ainsi les qualifications d'abus de biens sociaux, de corruption et de trafic d'influence, quand ces deux dernières incriminent une modalité particulière de la commission d'un abus de biens sociaux, la cour d'appel a violé le principe ne bis in idem. »
Réponse de la Cour
19. M. [D] a été déclaré coupable, d'une part, d'abus de biens sociaux pour avoir, sans contrepartie pour les sociétés qu'il dirige, laissé s'implanter sur un terrain appartenant au [2] [D] la villa de M. [H] dont les frais de construction et d'aménagement ont été pris en partie en charge par des sociétés du groupe, d'autre part, de corruption et de trafic d'influence pour avoir offert des dons et présents sous forme de paiement de travaux de sa villa à M. [H], titulaire de mandats électifs, en échange de marchés publics et de l'exercice de son influence.
20. Le demandeur ne saurait se faire un grief de ce que l'arrêt attaqué n'a pas répondu au moyen tiré d'une méconnaissance du principe ne bis in idem et l'a condamné des chefs des délits précités dès lors que, les faits constitutifs de ces différents délits n'étant pas identiques, ce principe ne s'applique pas en l'espèce.
21. Ainsi, les griefs sont inopérants.
Sur le troisième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
22. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [D] des chefs de corruption et trafic d'influence passifs et corruption et trafic d'influence actifs, concernant le [2] [D] alors :
« 1°/ que les juges ne peuvent statuer que sur les faits dont ils sont saisis à moins que le prévenu n'accepte expressément d'être jugé sur des faits distincts de ceux visés à la prévention ; que MM. [H] et [D] ont été renvoyés devant la juridiction correctionnelle pour des faits de corruption et de trafic d'influence commis entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2012 ; que la cour d'appel se fonde sur la circonstance que M. [D] et M. [H] ont chacun acquis des parcelles des époux [U] durant l'année 2004 à des dates concordantes, et qu'un plan topographique en date du 18 novembre 2004 fait apparaître un empiètement de M. [H] sur le terrain limitrophe propriété du [2] [D], pour en déduire que le début du pacte de corruption peut être daté au mois d'octobre 2004 (p. 23) ; qu'en se fondant ainsi sur des faits antérieurs au 1er janvier 2009, sans qu'il résulte des mentions de l'arrêt ou des pièces de la procédure que MM. [H] et [D] auraient accepté d'être jugés pour des faits distincts de ceux visés à la prévention, la cour d'appel a excédé les limites de sa saisine en violation de l'article 388 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
23. Pour déclarer M. [D] coupable des délits de corruption active pour la période du 1er janvier 2009 au 8 novembre 2010 et de trafic d'influence passif pour la période du 9 novembre 2010 au 31 décembre 2012, l'arrêt attaqué énonce notamment que le pacte constitutif de ces infractions ne peut se comprendre que par la connaissance des relations anciennes et solides existant entre MM. [H] et [D].
24. Les juges relèvent qu'une concordance de dates entre l'achat de terrains par M. [D], grâce à la connaissance à qui le vendeur a été présenté par M. [H], et la signature d'une promesse de vente avec une société gérée par la femme de ce dernier, permet de dater le début du pacte de corruption entre les deux hommes au mois d'octobre 2004.
25. Ils ajoutent qu'il ressort des pièces produites aux débats que dans le dossier de permis de construire de la maison de M. [H] figure un plan topographique daté du 18 novembre 2004 sur lequel l'édification de la maison de ce dernier est en partie sur un terrain qui est la propriété du [2] [D].
26. En prononçant ainsi, et dès lors que le prévenu n'a été déclaré coupable que pour des actes réalisés durant la période allant du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2012 visée à la prévention et que les faits de 2004 n'ont été pris en compte que pour l'administration de la preuve des seuls faits poursuivis, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.
27. Ainsi, le moyen doit être écarté.
28. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
Crim. 10 septembre 2025 n° 24-87.071
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° P 24-87.071 FS-D
N° 00884
GM 10 SEPTEMBRE 2025
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 10 SEPTEMBRE 2025
M. [F] [R] a formé un pourvoi contre l'arrêt n° 2 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 2e section, en date du 26 novembre 2024, qui, dans l'information suivie contre lui du chef de complicité de prise illégale d'intérêts a confirmé l'ordonnance de rejet de sa demande de constatation de prescription de l'action publique.
Par ordonnance du 4 février 2025, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.
Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits.
Sur le rapport de M. Samuel, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [F] [R], les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de l'association [1], et les conclusions de M. Fusina, avocat général, les avocats ayant eu la parole en dernier, après débats en l'audience publique du 28 mai 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Samuel, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, M. Wyon, Mme Piazza, M. de Lamy, Mmes Jaillon, Clément, conseillers de la chambre, Mme Fouquet, M. Gillis, Mme Chafaï, M. Michon, Mme Bloch, conseillers référendaires, M. Fusina, avocat général, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. [D] [S] entretient d'étroits liens de famille avec M. [M] [V], dirigeant de la société [3] ([3]).
3. En tant que chef de bureau puis de sous-directeur de l'Agence des participations de l'Etat (APE) entre le mois de février 2009 et celui de juin 2012, il a exercé des fonctions, d'une part, d'administrateur de la société [5] (société [5]), constructeur naval à [Localité 4] dont le principal client est la société [3], d'autre part, de membre du conseil de surveillance du [2] ([2]), dont la société [3] est également un acteur économique majeur.
4. Du 1er juillet 2012 au 1er avril 2014, il a exercé les fonctions de directeur adjoint puis directeur du cabinet de M. [T], ministre de l'économie, des finances et du commerce extérieur, puis du 30 août 2014 au 30 août 2016, celles de directeur du cabinet de M. [G], ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique.
5. Il a connu, dans les unes et les autres de ces fonctions, de questions relatives à la société [3].
6. Pendant le temps où M. [S] était affecté à l'APE, M. [F] [R] puis M. [W] [O] en ont exercé successivement la présidence. Il a par ailleurs été envisagé que le Fonds stratégique d'investissement (FSI) remplace l'APE au conseil d'administration de la société [5].
7. M. [S] a sollicité à deux reprises, en 2014 et 2016, une mise en disponibilité, aux fins de rejoindre le groupe [3] comme directeur financier, ce que la commission de déontologie de la fonction publique (CDFP) a accepté, en 2016, après avoir opposé un refus en 2014. 8. A la suite de la publication d'articles de presse portant sur les liens entre M. [S] et la société [3], le procureur national financier a ouvert, le 4 juin 2018, une enquête préliminaire qu'il a classée sans suite au motif que l'infraction était insuffisamment caractérisée.
9. Le 30 janvier 2020, l'association [1] ([1]) a porté plainte et s'est constituée partie civile des chefs de prise illégale d'intérêts et de trafic d'influence.
10. Dans le cadre de l'information ouverte sur ces faits, M. [R] a été mis en examen du chef de complicité, entre 2009 et septembre 2010, des faits de prise illégale d'intérêt commis par M. [S] officiant en qualité, d'une part, de chef de bureau puis de sous-directeur de l'APE, d'autre part, d'administrateur du conseil d'administration de la société [5] et du [2], en lui donnant pour instruction, bien qu'ayant connaissance de l'intérêt moral résultant du lien familial entretenu avec la famille [V], d'être consulté sur des sujets afférents aux relations commerciales entre la société [5] et la société [3] et de participer aux délibérations du conseil d'administration de la société [5] et du conseil de surveillance du [2] concernant la société [3], en dissimulant volontairement la prise illégale d'intérêts aux interlocuteurs institutionnels de l'APE.
11. M. [R] a formé une demande de constatation de la prescription de l'action publique portant sur les faits de prise illégale d'intérêts et de complicité de prise illégale d'intérêts commis entre février 2009 et juin 2010.
12. Les juges d'instruction l'ont rejetée.
13. M. [R] a relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
14. Le grief n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le moyen, pris en ses autres branches
Enoncé du moyen
15. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit que les infractions de prise illégale d'intérêts et de complicité de cette infraction n'étaient pas prescrites, alors :
« 1°/ que la prescription de l'action publique du chef de prise illégale d'intérêts court à compter du dernier acte administratif accompli par l'agent public par lequel il prend ou reçoit un intérêt ; que le point de départ est reporté à la date où l'infraction est apparue en cas de dissimulation de celle-ci par son auteur ; que la chambre de l'instruction a retenu la dissimulation de l'infraction alléguée en ce que M. [A], directeur de [5] jusqu'en janvier 2012, ignorait le lien familial de M. [S] ; qu'elle a cependant tout à la fois constaté que l'information de ce lien familial avait été largement diffusée à la hiérarchie directe de M. [S], à l'ensemble de son entourage professionnel tant au sein de l'Agence des participations de l'Etat qu'au sein des deux cabinets ministériels , au directeur du [2] ainsi qu'à M. [C], directeur de [5] à compter de janvier 2012, ce qui exclut tout acte de dissimulation ; que cette information a également été diffusée aux personnes de la direction générale du Trésor en charge de l'instruction du soutien public aux commandes ; que dès lors la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision et a méconnu les articles 111-4 et 432-12 du code pénal, 8, 9-1, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
3°/ que les manoeuvres de dissimulation s'apprécient au regard du comportement de la personne poursuivie et ne dépendent pas de l'attitude de la personne destinataire de cette information ; que la chambre de l'instruction a constaté que l'information était connue de M. [C], directeur de [5] à compter de janvier 2012, qui était en mesure de mettre en mouvement l'action publique, ayant « qualité pour se constituer partie civile » ; que la chambre de l'instruction a cependant reporté le point de départ de la prescription en énonçant que M. [C] s'était abstenu de mettre en mouvement l'action publique ; qu'en se fondant non pas sur la dissimulation de l'infraction mais sur l'inaction d'une personne ayant qualité pour agir pour reporter le point de départ du délai de prescription, la chambre de l'instruction a méconnu les dispositions susvisées ;
4°/ que de même, la chambre de l'instruction a énoncé que « la commission et notamment M. [Z] ont su que M. [S] avait des liens personnels avec la famille [V] (?), il n'a pas été décidé de mettre en oeuvre une dénonciation au titre de l'article 40 au procureur de la République » ; que la chambre de l'instruction a de nouveau reporté le point de départ du délai de prescription en se fondant sur l'inaction des personnes qui étaient à même d'agir, et non pas sur la dissimulation de l'infraction en méconnaissance des dispositions susvisées ;
6°/ que la révélation du lien d'intérêt litigieux à des personnes susceptibles d'agir suffit ; qu'il importe peu que cette révélation n'aurait pas été faite à d'autres personnes « concernées » ; qu'en énonçant, pour reporter le point de départ du délai de prescription, que M. [A] et le FSI n'auraient pas été informés de ce lien tandis que d'autres personnes susceptibles d'agir en avaient été informées, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision et a méconnu les dispositions susvisées ;
7°/ que les manoeuvres de dissimulation de la personne poursuivie impliquent des actes positifs de dissimuler l'infraction ; que la circonstance que la révélation du lien d'intérêt n'avait pas été confirmée par écrit, n'établit pas des actes positifs de dissimulation ; que la chambre de l'instruction a de nouveau méconnu les dispositions susvisées. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 9-1 et 593 du code de procédure pénale :
16. Selon le premier de ces textes, l'infraction dont l'auteur a accompli délibérément toute manoeuvre caractérisée tendant à en empêcher la découverte constitue une infraction dissimulée dont le délai de prescription de l'action publique court à compter du jour où l'infraction est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant la mise en mouvement ou l'exercice de l'action publique.
17. Tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
18. Pour confirmer l'ordonnance ayant rejeté la demande de constatation de prescription de l'action publique antérieurement au 1er mars 2014, l'arrêt attaqué énonce, par motifs propres et adoptés, que M. [S] a fait connaître à sa hiérarchie son lien de parenté avec la famille [V], tant à l'APE entre 2009 et 2012 qu'au sein des cabinets ministériels entre 2012 et 2016, mais que cette publicité, dont le périmètre était restreint, n'est pas exclusive d'actes de dissimulation de la prise illégale d'intérêts.
19. Les juges ajoutent que la recherche de la preuve d'un écrit informant sa hiérarchie d'un potentiel conflit d'intérêts est cruciale pour apprécier l'existence ou non d'une dissimulation de l'infraction éventuelle empêchant que celle-ci soit constatée dans des conditions permettant la mise en mouvement de l'action publique, même si un tel écrit n'était pas exigé par la loi à l'époque des faits.
20. Ils observent que le seul écrit de ce type serait un courrier adressé, le 5 novembre 2010, par M. [S] à M. [O], mais qu'aucune trace n'en a été trouvée à l'exception d'une version non signée, et qu'au demeurant le respect de l'obligation déontologique d'information de sa hiérarchie directe ne constitue pas un fait justificatif de l'infraction pénale de prise illégale d'intérêts en cas d'inaction de ladite hiérarchie à faire cesser la situation de prise d'intérêt.
21. Ils retiennent, concernant les partenaires institutionnels de l'APE, que si, sur proposition de M. [S] en juin 2009, il a été envisagé d'adresser une lettre à M. [A], directeur général de la société [5], les différentes versions des projets soumises à M. [R] sont restées lettres mortes, ce dernier déclarant toutefois qu'il avait été convenu avec M. [S] qu'il devait faire part de ce conflit d'intérêts à ses interlocuteurs. Ils observent encore que les échanges de courriels entre notamment MM. [S] et [R] relatifs à ce projet avorté de lettre illustrent la conscience, tant de M. [S] que de sa hiérarchie, d'un conflit d'intérêts et leur embarras à le divulguer, ce qui caractérise l'existence d'un pacte de silence.
22. Ils relèvent également que ni le président du FSI ni l'administrateur de [5] pour le FSI, visés en copie du projet de courrier destiné à M. [A], ni les membres du conseil d'administration de la société [5] n'ont été informés par MM. [S], [R] ou [O] de l'existence d'un potentiel conflit d'intérêts résultant d'un lien de famille qui n'était pas de notoriété publique.
23. Ils en déduisent que la révélation parcellaire par M. [S] du lien de parenté à certains initiés et notamment à sa hiérarchie directe, tant au sein de l'APE que des cabinets ministériels, non suivie de la mise en place d'un dispositif écrit clair et précis définissant le périmètre de son déport afin de permettre à toute personne concernée de constater la possible prise illégale d'intérêts, la non-révélation délibérée de ce lien tant aux interlocuteurs majeurs qu'étaient le directeur général de la société [5] ou le FSI, qu'au ministère de l'économie dans les demandes de remplacement dans son mandat d'administrateur de la société [5] formées par MM. [R] et [O], ainsi qu'aux autorités en charge de la transparence des fonctionnaires caractérisent des actes positifs de dissimulation, justifiant le report du point de départ du délai de prescription au jour où l'infraction est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant l'exercice de poursuites, à savoir sa révélation dans la presse en mai 2018.
24. Par motifs propres, la chambre de l'instruction relève que la hiérarchie de M. [S], notamment MM. [R] et [O], informée par lui du lien de parenté litigieux, n'en a pas informé M. [A] qui, comme les membres coréens du conseil d'administration, a ignoré cet intérêt.
25. Les juges ajoutent que M. [S] n'a pas davantage avisé lui-même M. [A] ou le FSI de ce lien et qu'il ressort des courriels qu'ils analysent relatifs au projet avorté de lettre que les membres de l'APE ont sciemment fait le choix de taire cette situation d'intérêts à M. [A] qui disposait de la capacité à mettre en mouvement l'action publique.
26. Ils précisent que M. [S] en a informé M. [C], directeur du [2], mais que ce dernier n'a pas estimé nécessaire d'en donner connaissance aux autres membres du conseil de surveillance de cet établissement public.
27. Ils relèvent que M. [C] a été nommé directeur de la société [5] à compter du 30 juin 2012, mais que le fait que M. [S] ait joué un rôle actif dans son recrutement, alors qu'il n'était pas le candidat le mieux placé, ne le mettait pas dans une position propice à la dénonciation de la situation d'intérêts au ministère public. Ils en déduisent que la date à laquelle il a eu connaissance de l'infraction ne peut constituer le point de départ du délai de prescription de l'action publique, dès lors que s'il avait qualité pour se constituer partie civile, il n'y avait pas intérêt.
28. Les juges observent enfin que si la commission de déontologie, et notamment son rapporteur, ont eu connaissance des liens personnels de M. [S] avec la famille [V], elle ne les a pas dénoncés au procureur de la République en application de l'article 40 du code de procédure pénale, de sorte que le point de départ de la prescription ne peut pas être fixé à la date de la connaissance des faits par les membres de cette commission.
29. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision pour les motifs qui suivent.
30. En premier lieu, le silence gardé par M. [S], au surplus à l'égard de seulement certains des dirigeants des entités au conseil d'administration desquelles il siégeait, n'est pas à lui seul de nature à caractériser un acte positif constitutif d'une manoeuvre caractérisée de dissimulation au sens de l'article 9-1 du code de procédure pénale.
31. En deuxième lieu, si la chambre de l'instruction a relevé le silence gardé par ses supérieurs hiérarchiques, informés de sa situation, vis-à-vis d'interlocuteurs institutionnels qui auraient pu mettre en oeuvre des mesures destinées à prévenir tout conflit d'intérêts, et leur embarras à divulguer cette situation, pour en déduire l'existence d'un pacte de silence, elle n'a pas caractérisé de concert frauduleux destiné à empêcher la découverte de l'infraction et susceptible de constituer une telle manoeuvre.
32. En troisième lieu, l'absence d'information écrite ou de mise en place d'un dispositif précis de déport à une époque où la loi ne le prévoyait pas n'est pas de nature à établir une manoeuvre de dissimulation, a fortiori lorsque les juges constatent que les supérieurs hiérarchiques de M. [S] avaient été eux-mêmes informés oralement de sa situation.
33. En quatrième et dernier lieu, les constatations relatives à l'impossibilité de mettre en oeuvre l'action publique faute de connaissance des faits, d'intérêt à agir ou de dénonciation au ministère public, nécessaires pour établir la date à laquelle peut être retardé le point de départ du délai de prescription lorsqu'est caractérisée une dissimulation au sens de l'article 9-1 précité, sont inopérantes en l'absence d'une telle caractérisation.
34. La cassation est par conséquent encourue, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres griefs.
Crim. 9 septembre 2025 n° 25-82.076
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° E 25-82.076 F-D
N° 00972
ECF 9 SEPTEMBRE 2025
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 9 SEPTEMBRE 2025
Mme [W] [T] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 5 février 2025, qui, dans l'information suivie contre elle du chef d'abus de faiblesse, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure.
Par ordonnance du 5 mai 2025, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Charmoillaux, conseiller référendaire, les observations de la SCP Le Guerer, Bouniol-Brochier, Lassalle-Byhet, avocat de Mme [W] [T], et les conclusions de M. Croizier, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 juin 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Charmoillaux, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Pinna, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Mme [W] [T], mise en examen du chef susvisé, a présenté une requête en annulation de pièces de la procédure.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
3. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête de Mme [T] en nullité et a dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure jusqu'à la côte D 101 incluse, alors « que, devant la chambre de l'instruction, la personne mise en examen ou son avocat doivent avoir la parole les derniers ; qu'en l'espèce, il ressort des mentions de l'arrêt attaqué qu'à l'audience en chambre du conseil du 4 décembre 2024, après rejet d'une demande de renvoi présentée par la défense, ont été entendus, sur la demande d'annulation d'actes de la procédure, M. Lacord en son rapport, Me Benech substituant Me Ory, avocat de Mme [W] [T], et Mme Grillon, avocat général, en ses réquisitions, puis l'affaire a été mise en délibéré, de sorte que l'avocat de Mme [T] n'a pas eu la parole en dernier sur la demande d'annulation, peu important qu'il ait précédemment indiqué ne pas avoir d'observations à formuler sur le fond dès lors qu'il devait être mis en mesure de répondre aux réquisitions de l'avocat général ; qu'en statuant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 199 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et 199 du code de procédure pénale :
4. Il se déduit de ces textes que la personne comparaissant devant la chambre de l'instruction, ou son avocat, doivent avoir la parole les derniers.
5. Il résulte des mentions de l'arrêt attaqué qu'après le rejet de la demande de renvoi présentée par la défense, ont été entendus, sur la demande d'annulation de pièces, le président en son rapport, l'avocat de la requérante et l'avocat général en ses réquisitions, puis que la décision a été mise en délibéré.
6. Ces mentions ne permettent pas à la Cour de cassation de s'assurer que le principe ci-dessus rappelé a été respecté.
7. La cassation est par conséquent encourue.
Civ.2 4 septembre 2025 n° 23-12.121
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
AF1
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 4 septembre 2025
Cassation partielle
Mme MARTINEL, présidente
Arrêt n° 776 F-D
Pourvoi n° A 23-12.121
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 SEPTEMBRE 2025
La société [4], dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° A 23-12.121 contre l'arrêt rendu le 8 décembre 2022 par la cour d'appel d'Amiens (2e protection sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [Y] [X], domicilié [Adresse 3],
2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois, dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Le Fischer, conseillère, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société [4], de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois, et l'avis de Mme Pieri-Gauthier, avocate générale, après débats en l'audience publique du 11 juin 2025 où étaient présentes Mme Martinel, présidente, Mme Le Fischer, conseillère rapporteure, Mme Renault-Malignac, conseillère doyenne, et Mme Gratian, greffière de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée de la présidente et conseillères précitées, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 8 décembre 2022) et les productions, salarié de la société [4] (l'employeur), M. [X] (la victime) a, le 2 août 2013, été victime d'un accident du travail alors qu'affecté sur le site de la société [5], il effectuait des travaux sur une toiture.
2. Par jugement définitif d'un tribunal correctionnel, l'employeur et la société [5] ont été déclarés coupables du délit d'exécution de travaux par une entreprise extérieure sans plan de prévention des risques préalables conforme, mais relaxés des autres chefs de prévention, notamment, du chef de blessures involontaires.
3. La victime a saisi une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale d'une demande en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. L'employeur fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande, alors :
« 1° / que si l'article 4-1 du code de procédure pénale permet au juge civil, en l'absence de faute pénale non intentionnelle, de retenir une faute inexcusable en application de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil reste attachée à ce qui a été définitivement décidé par le juge pénal sur l'existence du fait qui forme la base commune de l'action civile et de l'action pénale, sur sa qualification ainsi que sur la culpabilité ou l'innocence de celui à qui le fait est imputé ; que pour dire la faute inexcusable établie, la cour d'appel a retenu que l'employeur ne s'était pas livré à une analyse suffisamment précise des risques pouvant survenir lors de son intervention, qui aurait permis d'identifier la présence de matériaux fragiles en toiture, et qu'il n'avait pas mis en place l'ensemble des mesures de protection nécessaires, notamment un plan de prévention des risques conforme, alors qu'il ne pouvait ignorer les risques inhérents aux travaux en hauteur pour le salarié et que ce manquement avait été une cause nécessaire de l'accident ; qu'en statuant ainsi, cependant que, d'une part, pour prononcer la relaxe de l'employeur des poursuites du chef d'emploi de salariés sur une toiture sans respect des règles de sécurité, par des motifs qui étaient le soutien nécessaire de sa décision, la juridiction pénale a retenu qu'il n'était prévu aucuns travaux de toiture et que l'employeur avait pris des mesures adaptées eu égard au travail en hauteur de ses employés en prescrivant le port des équipements de protection individuelle et d'un harnais -, d'autre part, pour prononcer la relaxe de l'employeur des poursuites du chef pour blessures involontaires, par des motifs qui étaient le soutien nécessaire de sa décision, la juridiction pénale a retenu, en outre, que la mission du salarié ne prévoyait aucun travaux de toiture, que le chantier était achevé, que le salarié était présent sur le site en vue de la réalisation d'un nouveau chantier et qu'il n'était plus prévu d'intervention sur le premier chantier, qu'il n'appartenait pas à l'employeur de prévoir des dispositifs de protection spécifiques aux travaux en toiture, que les circonstances de l'accident n'étaient pas suffisamment établies et que si la réalisation d'une inspection préalable commune et d'un plan de prévention conforme aurait pu permettre d'identifier les dangers relatifs aux matériaux fragiles présents sur le toit, il n'était pas établi avec certitude qu'elle aurait permis d'empêcher le salarié de monter sur la toiture, ni que cela aurait conduit à mettre à disposition les équipements de protection nécessaires aux travaux sur toit permettant ainsi d'éviter une chute, dans la mesure ou aucun travaux en ce sens n'était envisagé, ce dont il résultait qu'il n'était pas suffisamment établi que l'employeur ait pu créer la situation ayant permis la réalisation du dommage par la seule absence d'un plan de prévention préalable des risques, la cour d'appel a violé le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil, et les articles 4-1 du code de procédure pénale et L. 452-1 du code de la sécurité sociale.
2°/ que la faute inexcusable ne peut être retenue que pour autant que soit caractérisé un lien de causalité entre les manquements susceptibles d'être imputés à l'employeur et la survenance de l'accident ; que pour dire la faute inexcusable établie, après avoir retenu qu'il ressortait de l'avis de l'inspecteur du travail en date du 7 décembre 2017 que l'employeur ne s'était pas livré à une analyse suffisamment précise des risques pouvant survenir lors de son intervention, analyse qui aurait permis d'identifier la présence de matériaux fragiles en toiture, et qu'il n'avait pas mis en place l'ensemble des mesures de protection nécessaires, notamment un plan de prévention des risques conforme, alors qu'il ne pouvait ignorer les risques inhérents aux travaux en hauteur pour le salarié, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que ce manquement avait été une cause nécessaire de l'accident ; qu'en statuant ainsi, sans caractériser en quoi la chute du salarié depuis la toiture aurait été la conséquence du manquement qu'elle a retenu à l'encontre de l'employeur cependant qu'aucuns travaux en toiture n'était prévu et que des mesures adaptées au travail en hauteur des employés avaient été prescrites, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ».
Réponse de la Cour
Vu le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil, et les articles 4-1 du code de procédure pénale et L. 452-1 du code de la sécurité sociale :
5. L'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil reste attachée à ce qui a été définitivement décidé par le juge pénal sur l'existence du fait qui forme la base commune de l'action civile et de l'action pénale, sur sa qualification ainsi que sur la culpabilité ou l'innocence de celui à qui le fait est imputé.
6. Pour accueillir le recours de la victime, l'arrêt retient qu'il ressort de l'avis de l'inspection du travail, non utilement remis en cause par l'employeur, que celui-ci ne s'est pas livré à une analyse suffisamment précise des risques pouvant survenir lors de son intervention, analyse qui aurait permis d'identifier la présence de matériaux fragiles en toiture, et qu'il n'a pas mis en place l'ensemble des mesures de protection nécessaires, notamment un plan de prévention des risques conforme, alors qu'il ne pouvait ignorer les risques inhérents aux travaux en hauteur pour la victime. Il ajoute que ce manquement a été une cause nécessaire de l'accident et caractérise une faute inexcusable imputable à l'employeur.
7. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui incombait, si la relaxe dont avait bénéficié l'employeur sur plusieurs chefs de prévention, et notamment du chef de blessures involontaires, n'était pas fondée sur des constatations de fait du juge pénal qui s'imposaient à elle, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Crim. 3 septembre 2025 n° 24-86.695
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° E 24-86.695 F-D
N° 00951
RB5 3 SEPTEMBRE 2025
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 3 SEPTEMBRE 2025
L'association [1], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Grenoble, en date du 10 septembre 2024, qui, dans l'information suivie contre MM. [S] [P], [TR] [B], [U] [E], [L] [I], [D] [O], [Y] [Z], [V] [PE], [A] [K], [H] [F], [J] [R], [T] [X], [W] [N], [C] [M] et [G] [N], notamment, des chefs de meurtre et tentatives, en bande organisée, et violences aggravées, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction déclarant irrecevable sa constitution de partie civile.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Turbeaux, conseiller, les observations de la SCP Le Griel, avocat de l'association [1], et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 4 juin 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Turbeaux, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Une information a été ouverte des chefs de meurtre et tentatives de meurtre en bande organisée, violences volontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à huit jours, violences volontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit jours, en réunion et avec arme, et violation d'une interdiction de détention ou port d'arme soumise à autorisation.
3. L'association [1] ([1]) s'est constituée partie civile auprès du juge d'instruction, sur le fondement de l'article 2-1 du code de procédure pénale.
4. Par ordonnance du 21 février 2024, le juge d'instruction a déclaré cette constitution irrecevable.
5. L'[1] a relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction du tribunal judiciaire de Valence ayant déclaré irrecevable la constitution de partie civile de l'[1], alors :
« 1°/ qu'en fondant cette irrecevabilité sur l'absence d'accord des victimes, de leurs représentants légaux ou de leurs ayants droit, cause prétendue d'irrecevabilité qui n'avait été invoquée ni par les prévenus ni par le ministère public et dont il n'avait pas été débattu, la chambre de l'instruction a relevé d'office un moyen, sans avoir invité au préalable les parties à formuler leurs observations, et que, ce faisant, elle a excédé ses pouvoirs, violant le principe du contradictoire et les articles 194 et suivants du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire et 87 du code de procédure pénale :
7. Il résulte de ces textes que la chambre de l'instruction, saisie de l'appel d'une ordonnance d'irrecevabilité d'une constitution de partie civile, ne peut, pour confirmer cette décision, relever d'office un moyen sans avoir invité au préalable les parties à présenter leurs observations.
8. Pour confirmer l'ordonnance du juge d'instruction ayant déclaré irrecevable la constitution de partie civile de l'[1] au motif que l'information ne retenait pas de qualifications relatives à une discrimination raciale, la chambre de l'instruction énonce qu'en l'absence d'accord des victimes, des représentants légaux des victimes mineures ou des ayants droit de la victime décédée, la constitution de partie civile de l'[1] est irrecevable.
9. En statuant ainsi, alors que le ministère public n'avait pas, dans ses réquisitions, mis ce moyen dans le débat, et qu'il ne résulte pas de l'arrêt que l'appelante ait été invitée à présenter ses observations à ce propos, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.
10. La cassation est par conséquent encourue de ce chef, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres griefs.
Crim. 3 septembre 2025 n° 24-83.464
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° T 24-83.464 F-D
N° 00952
RB5 3 SEPTEMBRE 2025
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 3 SEPTEMBRE 2025
M. [X] [G] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai, 4e chambre, en date du 29 mai 2024, qui, pour vols aggravés, usage de faux et refus d'obtempérer en récidive, l'a condamné à cinq ans d'emprisonnement, 20 000 euros d'amende, une confiscation et a prononcé sur les intérêts civils.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Brugère, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [X] [G], et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 4 juin 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Brugère, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [X] [G] a été convoqué devant le tribunal correctionnel, selon la procédure de comparution immédiate, pour vols aggravés, escroquerie et refus d'obtempérer.
3. Le 1er février 2024, le tribunal, après avoir rejeté le moyen de nullité tiré de l'utilisation par les enquêteurs du système de traitement algorithmique des images de vidéoprotection dénommé Briefcam, a condamné le prévenu à cinq ans d'emprisonnement, 20 000 euros d'amende, cinq ans d'inéligibilité, trois ans d'interdiction de séjour et une confiscation. Le tribunal a, en outre, prononcé sur les intérêts civils.
4. M. [G] a relevé appel de cette décision et le ministère public a formé appel incident.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, le deuxième moyen, pris en sa première branche, et le troisième moyen
5. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le deuxième moyen, pris en ses trois dernières branches
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement entrepris sur le rejet de l'exception de nullité, alors :
« 2°/ d'autre part, que toute ingérence d'une autorité publique dans le droit d'une personne au respect de sa vie privée doit être prévue par la Loi ; qu'aucun texte légal ou réglementaire de droit français n'autorise les enquêteurs à avoir recours à des systèmes de traitement algorithmique sur des images de vidéoprotection dans le cadre d'enquêtes pénales ; qu'en conséquence, l'usage de tels systèmes dans le cadre de la poursuite d'infractions pénales constitue un détournement de procédure et une ingérence disproportionnée au regard du droit au respect de la vie privée ; qu'au cas d'espèce, l'exposant faisait valoir que les réquisitions par lesquelles les enquêteurs avaient sollicité de Centres de Supervision Urbain qu'ils vérifient sur le système de traitement algorithmique ¿Briefcam' si son véhicule avait été détecté par les caméras de vidéoprotection, étaient dépourvues de base légale et avaient été réalisées sans le contrôle d'un juge ; qu'en retenant, pour rejeter le moyen d'annulation tiré du recours à ce système, que «Si l'utilisation d'un système de vidéoprotection, du fait notamment de l'enregistrement systématique des données sur la voie publique, peut constituer une ingérence dans la vie privée, cette dernière est prévue par la loi par les articles L. 251-1 du code de la sécurité intérieure, réalisée dans le respect des conditions ainsi prévues, notamment suite à l'avis de la commission de vidéoprotection, et constitue une mesure de nécessaire à la prévention des infractions pénales, ce qui n'est pas en soi contesté » et que « Selon l'avis de la CNIL du 19 juillet 2022, les « dispositifs de captation et d'analyse automatisée des images (qu'ils soient ad hoc ou ajoutés à un système de vidéoprotection préexistant et quelle que soit leur finalité) ne doivent pas être considérés comme étant par principe illicites » (p. 11) » pour en déduire que « toute éventuelle violation de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales s'apprécie in concreto. Or la recherche de plaque d'immatriculation sur les images de vidéo protection est une opération réalisable manuellement par l'opérateur, sans analyse particulière, ni ingérence supplémentaire apportée par l'éventuelle utilisation du système Briefcam, dont l'éventuel recours se limite alors à en faciliter l'exécution, mais surtout ne porte pas sur la personne elle-même puisque uniquement sur son véhicule » quand l'utilisation de systèmes de traitement algorithmique sur des images de vidéoprotection dans le cadre d'une enquête pénale constitue une mesure d'ingérence qui, dans la mesure ou elle n'est pas prévue et autorisée par la loi française, porte nécessairement une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée, peu important qu'elle vise une personne ou son véhicule, la Cour d'appel a violé l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, les articles 31, 36, 87 et 89 de la loi informatique et sécurité, l'article L. 251-2 du code de la sécurité intérieure et des articles préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
3°/ de troisième part, que toute ingérence d'une autorité publique dans le droit d'une personne au respect de sa vie privée doit être prévue par la Loi ; qu'aucun texte légal ou réglementaire de droit français n'autorise les enquêteurs à avoir recours à des systèmes de traitement algorithmique dans le cadre d'enquêtes pénales ; qu'en conséquence, l'usage de tels systèmes dans le cadre de la poursuite d'infractions pénales constitue un détournement de procédure et une ingérence disproportionnée au regard du droit au respect de la vie privée ; qu'au cas d'espèce, l'exposant faisait valoir que les réquisitions par lesquelles les enquêteurs avaient sollicité de Centres de Supervision Urbain qu'ils vérifient sur le système de traitement algorithmique ¿Briefcam' si son véhicule avait été détecté par les caméras de vidéoprotection, étaient dépourvues de base légale et avaient été réalisées sans le contrôle d'un juge ; qu'en retenant, pour rejeter le moyen d'annulation tiré du recours à ce système, qu'« il convient de constater que tout système de vidéoprotection comporte des images ou apparaissent des personnes pouvant être considérées, dans certains cas, comme identifiables au sens de la directive (UE) 2016/680 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 et de la Loi du 6 janvier 1978 adoptée pour sa transposition. Or ce type d'image est autorisé par le code de sécurité intérieure précité. Dès lors le recueil d'image de plaques d'immatriculation de véhicule, qui ne porte donc pas sur des personnes, n'a pas à être regardé, en l'espèce, comme une exploitation de données personnelles d'autant qu'il n'est pas mis en relation automatisée avec d'autres systèmes de traitement de données à caractère personnel » quand l'exploitation de données personnelles est précisément caractérisée par l'utilisation de systèmes de traitement algorithmique sur des images de vidéoprotection déjà recueillies et que le recours à de tels systèmes, en dehors de toute base légale, constitue une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée, peu important qu'elle vise une personne ou son véhicule, la Cour a violé l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, les articles 31, 36, 87 et 89 de la loi informatique et sécurité, l'article L. 251-2 du Code de la sécurité intérieure et les articles préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
4°/ de quatrième part, que toute ingérence d'une autorité publique dans le droit d'une personne au respect de sa vie privée doit être prévue par la Loi ; qu'aucun texte légal ou réglementaire de droit français n'autorise les enquêteurs à avoir recours à des systèmes de traitement algorithmique dans le cadre d'enquêtes pénales ; qu'en conséquence, l'usage de tels systèmes dans le cadre de la poursuite d'infractions pénales constitue un détournement de procédure et une ingérence disproportionnée au regard du droit au respect de la vie privée ; qu'au cas d'espèce, l'exposant faisait valoir que les réquisitions par lesquelles les enquêteurs avaient sollicité de Centres de Supervision Urbain qu'ils vérifient sur le système de traitement algorithmique ¿Briefcam' si son véhicule avait été détecté par les caméras de vidéoprotection, étaient dépourvues de base légale et avaient été réalisées sans le contrôle d'un juge, en conséquence, il sollicitait l'annulation de l'ensemble des procès-verbaux relatifs à l'utilisation de ce logiciel et à l'exploitation de ses résultats ; qu'en retenant, pour rejeter le moyen d'annulation tiré du recours à ce système, que « si une expérimentation a été permise par la loi du 19 mai 2023 en son article 10, il ne peut être déduit que l'utilisation d'un logiciel type Briefcam aux fins de lecture de plaques d'immatriculation doive être autorisé spécifiquement. L'expérimentation ne porte, que dans un temps limité, sur un domaine particulier portant grandement atteinte aux libertés individuelles en ce qu'elle implique le traitement, l'exploitation et l'analyse de données à caractère personnel par des outils algorithmiques ¿ayant pour unique objet de détecter, en temps réel, des événements prédéterminés susceptibles de présenter ou de révéler ces risques (d'actes de terrorisme ou d'atteintes graves à la sécurité des personnes)' ce qui n'a rien à voir avec la présente espèce » quand le traitement algorithmique d'images constitue une exploitation de données personnelles qui, dans le cadre de poursuites d'infractions pénales doit être spécialement prévu par la loi, peu important du caractère liberticide de l'usage qui en est fait la Cour d'appel a violé l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, les articles 31, 36, 87 et 89 de la loi informatique et sécurité, l'article L. 251-2 du code de la sécurité intérieure et des articles préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
7. Pour écarter le moyen de nullité tiré de l'utilisation du logiciel Briefcam, l'arrêt attaqué énonce que, si l'utilisation d'un système de vidéoprotection peut constituer une ingérence dans la vie privée, cette dernière est prévue par la loi aux articles L. 251-1 et suivants du code de la sécurité intérieure et constitue une mesure nécessaire à la prévention des infractions pénales.
8. Les juges relèvent que la recherche d'une plaque d'immatriculation sur les images d'une vidéosurveillance est une opération réalisable manuellement, sans analyse particulière ni ingérence supplémentaire résultant de l'utilisation du système Briefcam.
9. Ils constatent que tout système de vidéoprotection comporte des images où apparaissent des personnes pouvant être considérées, dans certains cas, comme identifiables au sens de la directive (UE) 2016/680 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 et de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, et que ce type de système est autorisé par le code de la sécurité intérieure.
10. C'est à tort que les juges ont considéré que le recueil d'images de plaques d'immatriculation de véhicules, ne constituait pas une exploitation de données personnelles.
11. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure pour les motifs qui suivent.
12. En effet, un officier de police judiciaire a adressé une réquisition régulière, au visa des articles 75 et suivants du code de procédure pénale, à un service de police municipale, pour accéder à des images qui avaient été préalablement captées et enregistrées, dans le cadre de la mise en oeuvre d'une vidéosurveillance, dans les conditions prévues par le code de la sécurité intérieure.
13. La consultation en différé d'images ainsi recueillies, dans le cadre d'une enquête judiciaire, est autorisée, sur réquisition délivrée conformément aux dispositions du code de procédure pénale.
14. L'utilisation, à l'occasion d'une telle consultation, d'un système de caméras dites « augmentées », couplées à des logiciels de traitement automatisé analysant les images afin d'en extraire certaines informations et données personnelles, opérations réalisées par le système Briefcam, pouvait intervenir sans l'autorisation législative ou réglementaire prévue par l'article 89 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, dès lors que ce système n'a pas été mis en oeuvre pour le compte de l'Etat ni par ses agents, mais par les agents d'une collectivité territoriale, laquelle détenait cette application informatique.
15. Dès lors, le moyen doit être écarté.
16. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
Crim. 3 septembre 2025 n° 24-86.707
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° T 24-86.707 F-D
N° 00957
RB5 3 SEPTEMBRE 2025
CASSATION SANS RENVOI
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 3 SEPTEMBRE 2025
M. [D] [J] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, 12e chambre, en date du 18 octobre 2024, qui, pour agressions sexuelles aggravées, l'a condamné à quatre ans d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Gouton, conseiller, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [D] [J], et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 4 juin 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Gouton, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [D] [J] a été poursuivi devant le tribunal correctionnel sous la prévention, d'une part, d'agressions sexuelles incestueuses sur mineur de quinze ans, ces faits ayant été commis du 21 mai 1987 au 20 mai 1997, d'autre part, d'agressions sexuelles incestueuses par ascendant majeur sur un mineur âgé de plus de quinze ans, ces faits ayant été commis du 21 mai 1997 au 20 mai 1999.
3. Par jugement du 12 janvier 2023, le tribunal correctionnel a constaté que les faits commis à compter du 21 mai 1997 étaient couverts par la prescription de l'action publique, a déclaré M. [D] [J] coupable des faits commis avant cette date et a prononcé une peine. Il a également statué sur les intérêts civils.
4. M. [D] [J], le ministère public et la partie civile ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de M. [J] tendant au constat de la prescription de l'action publique, alors :
« 1°/ que les lois nouvelles relatives à la réouverture du délai de prescription ne sont applicables qu'aux infractions non encore prescrites lors de leur entrée en vigueur ; qu'en incriminant le délit d'agression sexuelle sur mineur de quinze ans à l'article 222-29-1 du code pénal auquel ne renvoie ni l'article 222-30 du code pénal ni l'article 8 du code de procédure pénale, la loi n° 2023-711 du 5 août 2013 a ramené le délai de prescription de cette infraction à dix ans à compter de la majorité de la victime ; que la loi n° 2014-873 du 4 août 2014, qui a porté à vingt ans le délai de la prescription de l'action publique pour les délits prévus par l'article 222-29-1 du code pénale n'est applicable qu'aux infractions non encore prescrites au jour de son entrée en vigueur ; qu'en retenant, pour dire que les faits n'étaient pas prescrit au jour du dépôt de plainte de M. [K] [J], que la loi du 9 mars 2004 avait pour effet de prolonger le délai de prescription au 23 mai 2020 et que l'oubli du législateur de la loi du 5 août 2013 de modifier l'article 8 du code de procédure pénale parallèlement à l'ajout de l'article 222-29-1 du code pénal était « assimilable à un erreur matérielle [?] sans conséquence juridique » dans la mesure où la loi du 4 août 2014 est venue corriger cet oubli en modifiant l'article 8 du code de procédure pénale, cependant que cet oubli a eu pour effet de ramener le délai de prescription de l'infraction visée à la prévention à dix ans à compter de la majorité de la victime, soit au 23 mai 2010, de sorte qu'au jour de l'entrée en vigueur de la loi du 4 août 2014 les faits étaient déjà prescrits, ce dont il s'infère que la loi du 4 août 214 ne pouvait recevoir application, la cour d'appel a violé les articles 112-2, 222-29 dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-171 du 5 août 2013, 222-30 du code pénal et 8 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 112-2, 222-29, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-171 du 5 août 2013, 222-30 du code pénal et 8 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 :
6. Selon le premier de ces textes, les lois nouvelles relatives à la réouverture du délai de prescription sont applicables aux infractions non encore prescrites lors de leur entrée en vigueur.
7. Il résulte des trois derniers, dans leur rédaction applicable en la cause, que le délit d'agression sexuelle commis par une personne ayant autorité sur la victime, que cette dernière soit âgée de moins ou de plus de quinze ans, se prescrit par un délai de dix ans à compter de la majorité de la victime.
8. Pour écarter l'exception tirée de la prescription de l'action publique et déclarer le prévenu coupable, l'arrêt attaqué énonce que, par l'effet successif de la loi du 10 juillet 1989, qui a reporté le point de départ de la prescription à l'âge de la majorité de la victime, de celle du 17 juin 1998, qui a étendu le délai de prescription à dix ans à compter de cette majorité, et de celle du 9 mars 2004 qui a étendu celui-ci à vingt ans, les agressions sexuelles qu'il est reproché à M. [J] d'avoir commises entre le 21 mai 1987 et le 20 mai 1997 n'étaient pas couvertes par la prescription de l'action publique à la date du premier acte susceptible de l'interrompre, le 2 décembre 2019.
9. Les juges ajoutent que, si la loi du 5 août 2013, qui a créé l'article 222-29-1 du code pénal afin d'unifier la répression des agressions sexuelles sur mineur de quinze ans, n'a pas modifié l'article 8 du code de procédure pénale en conséquence, cette omission, assimilable à une erreur ou une omission matérielle et réparée par la loi du 4 août 2014, est sans incidence juridique sur le délai de prescription.
10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.
11. En effet, l'article 8 du code de procédure pénale, dans sa rédaction précitée, a fixé à dix ans, à compter de la majorité de la victime, le délai de prescription de l'action publique pour les délits mentionnés à l'article 706-47 du même code, ce dernier texte étant applicable aux agressions sexuelles commises sur des mineurs, et à vingt ans, à compter de la majorité de la victime, pour les délits prévus par l'article 222-30 du code pénal, ce texte aggravant, lorsqu'elles sont commises par une personne ayant autorité sur la victime, la répression des infractions définies par l'article 222-29 du même code, soient, notamment, les agressions sexuelles commises sur un mineur de quinze ans.
12. L'article 222-29 précité a été modifié par la loi n° 2013-711 du 5 août 2013, en ce qu'il ne prévoit plus le délit d'agression sexuelle sur mineur de quinze ans, désormais incriminé par un nouvel article 222-29-1 du code pénal, auquel ne renvoie pas l'article 222-30, ce dont il résulte que le délai de prescription de l'action publique pour cette infraction, même lorsqu'elle a été commise par une personne ayant autorité sur la victime, a été ramené à dix ans.
13. Par conséquent, lorsque la partie civile, née le [Date naissance 1] 1982, a porté plainte et qu'un premier acte d'enquête est intervenu, le 2 décembre 2019, la prescription de l'action publique pour les délits qu'elle a dénoncés était acquise depuis le 21 mai 2010.
14. La loi n° 2014-873 du 4 août 2014, qui a porté à vingt ans le délai de la prescription de l'action publique pour les délits prévus par l'article 222-29-1 du code pénal étant postérieure, ne peut donc être applicable aux présents délits.
15. La cassation est par conséquent encourue, sans qu'il y ait lieu d'examiner l'autre grief.
Portée et conséquences de la cassation
16. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.
17. n'y a pas lieu d'examiner l'autre moyen de cassation proposé.
Crim. 2 septembre 2025 n° 25-84.044 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° U 25-84.044 F-B
N° 01171
ODVS 2 SEPTEMBRE 2025
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 2 SEPTEMBRE 2025
M. [X] [W] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 8e section, en date du 23 mai 2025, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'importation de stupéfiants et blanchiment, en bande organisée, infractions à la législation sur les stupéfiants et association de malfaiteurs en récidive, a déclaré irrecevable sa demande de mise en liberté.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Seys, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, avocat de M. [X] [W], et les conclusions de M. Tarabeux, avocat général, après débats en l'audience publique du 2 septembre 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Seys, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces soumises à l'examen de la Cour de cassation ce qui suit.
2. M. [X] [W], qui a été mis en examen des chefs susvisés, a été placé en détention provisoire le 29 décembre 2023.
3. L'avocat de l'intéressé a formulé le 11 avril 2025 une requête dénonçant notamment l'indignité de ses conditions de détention, qu'il a adressée par lettre recommandée avec avis de réception au greffe de la cour d'appel, où elle a été enregistrée le 18 avril 2025.
4. Le même jour, ce greffe a transmis cette requête au juge d'instruction qui a aussitôt saisi le juge des libertés et de la détention par un document intitulé « Transmission d'une requête portant sur les conditions indignes de détention d'une personne en détention provisoire ou sous écrou extraditionnel (art. 803-8 du code de procédure pénale) ».
5. Par ordonnance du 24 avril 2025, le magistrat saisi a déclaré la requête irrecevable en raison de son absence de conformité aux exigences de l'article R. 249-19 du code de procédure pénale.
6. Le 16 mai 2025, l'avocat de M. [W] a adressé au greffe de la chambre de l'instruction un courriel dénonçant la situation de détention arbitraire de l'intéressé, au motif que la requête du 11 avril précédent était une demande de mise en liberté par saisine directe de la chambre de l'instruction qui n'avait pas été traitée dans le délai légal.
7. Le même jour, ce greffe a enregistré ce courriel comme une demande de mise en liberté.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevable la requête de M. [W] et a dit qu'il restera provisoirement détenu, alors :
« 1°/ que la Chambre de l'instruction a été saisie d'une demande directe de mise en liberté par requête du 11 avril 2025, régulièrement adressée au greffe par lettre recommandée reçue le 15 avril 2025 ; le message du 16 mai 2025 se bornait à tirer des conséquences de l'absence de décision de la Chambre de l'instruction dans le délai légal, et â constater que désormais M. [W] était illégalement retenu et ne constituait pas une requête ; en affirmant que sa saisine résultait seulement de ce message fait par RPVA, modalité de saisine non prévue par les articles 148-4 à 148-8 du code de procédure pénale, et qu'en conséquence elle serait irrecevable, et en ignorant la requête déposée devant elle le 11 avril 2025, la Chambre de l'instruction a dénaturé les pièces de la procédure, méconnu l'étendue de sa saisine et violé les articles 144, 148-4 et suivants du code de procédure pénale, outre les droits de la défense ;
2°/ que la circonstance que la requête du 11 avril 2025 a fait, de la seule initiative du greffe, l'objet d'une transmission au juge des libertés et de la détention, sans aucune demande de la défense en ce sens, est sans incidence sur la saisine de la Chambre de l'instruction, et sur la nécessité pour elle de vider sa propre saisine et de statuer sur la demande de mise en liberté qui lui avait été directement adressée ; la Chambre de l'instruction a encore violé les principes et textes susvisés ;
3°/ que la circonstance que, au vu de la requête du 11 avril 2025, qui lui avait été transmise par erreur, le juge des libertés et de la détention a rendu une ordonnance le 24 avril 2025, est sans incidence sur l'obligation pour la Chambre de l'instruction de statuer sur la requête qui lui était directement adressée, et dont elle était saisie ; l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 24 avril 2025, rendue au demeurant par un juge incompétent, puisqu'insusceptible de statuer sur une demande directe de mise en liberté adressée à la Chambre de l'instruction, n'avait aucune autorité de chose jugée, dès lors qu'elle se bornait à déclarer irrecevable la requête au motif qu'il ne s'agissait pas d'une requête concernant les conditions de détention, et que la requête initiale constituait bien une saisine directe de ia Chambre de l'instruction d'une demande de mise en liberté ; en accordant une autorité de chose jugée à cette décision en ce qui concerne la demande de mise en liberté, la chambre de l'instruction a violé, outre les principes et textes susvisés, les principes relatifs à l'autorité de la chose jugée. »
Réponse de la Cour
9. Pour déclarer irrecevable la demande de mise en liberté de M. [W], l'arrêt attaqué énonce que la requête initiale évoquée par l'avocat de l'intéressé a été transmise au magistrat compétent qui a statué par ordonnance du 24 avril 2025, ladite requête contenant exclusivement des griefs relatifs à l'indignité des conditions de détention de l'intéressé, au-delà du visa de certains articles.
10. En l'état de ces seuls motifs, la chambre de l'instruction a justifié sa décision.
11. En effet, et dès lors que, pour être recevable, une demande de mise en liberté doit être dépourvue d'ambiguïté, le seul visa des articles 144 et 148-4 du code de procédure pénale en première et en dernière page de ladite requête, qui en comporte plus de quatre-vingts développant des motifs relatifs aux conditions indignes de détention, ne peut s'analyser comme une demande de mise en liberté satisfaisant aux exigences de l'article 148-6 du code de procédure pénale.
12. Ainsi, le moyen, qui n'est pas fondé en sa première branche et est, en conséquence, inopérant en sa deuxième branche, la chambre de l'instruction n'ayant pas été saisie d'une demande de mise en liberté, et, en sa troisième branche, en ce qu'elle critique des motifs surabondants, doit être rejeté.
13. Par ailleurs, l'arrêt est régulier, tant en la forme qu'au regard des dispositions des articles 137-3, 143-1 et suivants du code de procédure pénale.
Crim. 2 septembre 2025 n° 24-84.535
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° H 24-84.535 F-D
N° 00935
SB4 2 SEPTEMBRE 2025
IRRECEVABILITE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 2 SEPTEMBRE 2025
M. [D] [E] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Basse-Terre, chambre correctionnelle, en date du 28 mai 2024, qui, pour travail dissimulé et exercice de l'activité de transporteur sans inscription au registre, l'a condamné à trois mois d'emprisonnement avec sursis, 9 000 euros d'amende, l'affichage de la décision, cinq ans d'inéligibilité, et a prononcé sur les intérêts civils.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Pradel, conseiller référendaire, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de M. [D] [E], et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 3 juin 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Pradel, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Poursuivi des chefs susvisés, M. [D] [E] a été condamné par le tribunal correctionnel le 8 janvier 2021.
3. Le 14 janvier 2021, il a relevé appel de cette décision, ainsi que le ministère public à titre incident.
Examen de la recevabilité du pourvoi
4. Selon l'article 503-1 du code de procédure pénale, le prévenu doit signaler auprès du procureur de la République, jusqu'au jugement définitif de l'affaire, tout changement de l'adresse déclarée au moment de l'appel, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Toute citation, notification ou signification faite à la dernière adresse déclarée est réputée faite à sa personne.
5. L'arrêt attaqué, justement qualifié de contradictoire à signifier à son égard, a été signifié à M. [E] le 13 juin 2024, à l'adresse qu'il avait déclarée au moment où il a formé appel et dont il n'avait pas signalé de changement.
6. Il résulte des mentions de l'acte, dont la Cour de cassation a le contrôle, que le commissaire de justice a accompli la diligence prévue à l'alinéa 2 de l'article 558 du code de procédure pénale, dans le délai imparti, conformément à la loi.
7. Dès lors, en l'absence de condamnation à une peine d'emprisonnement ferme, cette signification est réputée faite à sa personne.
8. Il s'ensuit que, le délai de pourvoi en cassation étant à la date de l'exercice de ce recours, de cinq jours francs, le pourvoi formé par M. [E] le 21 juin 2024, sans qu'il soit justifié d'aucun événement de force majeure ni d'obstacle insurmontable ayant placé l'intéressé dans l'incapacité absolue d'exercer son recours en temps utile, est irrecevable comme tardif.
Crim. 2 septembre 2025 n° 24-85.973
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° V 24-85.973 F-D
N° 00931
SB4 2 SEPTEMBRE 2025
CASSATION
M. BONNAL président,
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 2 SEPTEMBRE 2025
M. [E] [G] a formé un pourvoi contre le jugement du tribunal de police de Paris, en date du 5 décembre 2023, qui, pour contravention au code de la route, l'a condamné à 135 euros d'amende.
Un mémoire personnel a été produit.
Sur le rapport de M. Hill, conseiller, et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 3 juin 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Hill, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte du jugement attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le 6 février 2020, M. [E] [G] a été verbalisé pour contravention au code de la route.
3. Le 9 juillet 2021, il a formé opposition à une ordonnance pénale.
4. Par jugement du 2 décembre 2022, rendu par défaut, le tribunal l'a condamné à 135 euros d'amende.
5. M. [G] a formé opposition à ce jugement.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen est pris de la violation des articles 494 du code de procédure pénale et 4 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971.
7. Le moyen critique le jugement attaqué en ce qu'il a déclaré l'opposition non avenue, alors :
1°/ que le prévenu était représenté valablement à l'audience par un avocat, serait-il même dépourvu de pouvoir, de sorte que le tribunal ne pouvait déclarer non avenue son opposition.
Réponse de la Cour
Vu les articles 494 et 544 du code de procédure pénale :
8. Il se déduit de ces articles que le tribunal de police ne peut déclarer l'opposition non avenue lorsque l'opposant poursuivi pour une contravention qui n'est passible que d'une peine d'amende est représenté par un avocat, celui-ci serait-il même dépourvu d'un pouvoir spécial.
9. Pour déclarer l'opposition non avenue, le jugement rendu sur itératif défaut mentionne que le prévenu, régulièrement cité à personne, est non comparant et représenté par un avocat dépourvu de mandat.
10. En statuant ainsi, le juge a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé.
11. D'où il suit que la cassation est encourue, sans qu'il y ait lieu d'examiner l'autre grief.
Crim. 2 septembre 2025 n° 24-83.911
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° D 24-83.911 F-D
N° 00930
SB4 2 SEPTEMBRE 2025
CASSATION
M. BONNAL président,
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 2 SEPTEMBRE 2025
M. [F] [V] a formé un pourvoi contre le jugement du tribunal de police de Paris, en date du 2 mai 2024, qui, pour contravention au code de la route, l'a condamné à 150 euros d'amende.
Un mémoire et des observations ont été produits.
Sur le rapport de M. Hill, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [F] [V], et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 3 juin 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Hill, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure
1. Il résulte du jugement attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [F] [V] a été cité devant le tribunal de police du chef de contravention au code de la route.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. Le moyen critique le jugement attaqué en ce qu'il a déclaré M. [V] coupable des faits pour lesquels il était poursuivi après avoir déclaré irrégulières et écarté des débats les conclusions déposées dans l'intérêt de l'exposant et a condamné M. [V] à une amende contraventionnelle de150 euros, alors :
« 1°/ d'une part que doit être regardé comme l'unique auteur de conclusions l'avocat qui en est le signataire ; qu'au cas d'espèce, il résulte des conclusions déposées pour le compte de Monsieur [V] que celles-ci ont été signées, pour son propre compte, par « [W] [S], avocat à la Cour » ; qu'en affirmant, pour dire ces conclusions irrecevables, qu'elles avaient été déposées « au nom » ou « pour le compte » de la Selarl [U] & [J], le Tribunal de police a dénaturé ces conclusions en violation du principe selon lequel il est interdit aux juges du fond de dénaturer les actes qui leur sont soumis ;
2°/ d'autre part et en tout état de cause que la suspension provisoire d'exercer touchant l'ensemble des associés d'une société d'avocat n'emporte pas l'interdiction d'exercer pour le compte de cette structure dans la mesure où elle continue à fonctionner tant dans la poursuite des dossiers anciens que dans le traitement d'affaires nouvelles sous l'administration provisoire d'un tiers ; qu'au cas d'espèce, Maître [S] a rédigé des conclusions de nullité dans l'intérêt de l'exposant et au nom de la Selarl [U] & [J], dont la gestion a été confiée à un tiers administrateur, suite au prononcé de mesures de suspension provisoire de l'exercice de la profession d'avocat à l'endroit de ses associés ; qu'en déclarant ces conclusions irrecevables au motif que « à l'audience, Maitre [S] dépose des conclusions dans l'intérêt de Monsieur [F] [V]. Ces conclusions sont rédigées pour le compte de la Selarl [U] & [J]. Or, ces deux avocats qui constituent le cabinet sont sous le coup d'une interdiction d'exercer prononcée par un juge d'instruction du tribunal judiciaire de Paris. Dès lors, ce cabinet qui n'est constitué que de ces deux avocats n'a plus la capacité juridique pour représenter ses clients. Il sera rappelé en outre les termes de l'article 183 du Décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat qui énonce que "l'avocat interdit temporairement doit, dès le moment où la décision est passée en force de chose jugée, s'abstenir de tout acte professionnel. Il ne peut en aucune circonstance faire état de sa qualité d'avocat. Il ne peut participer à l'activité des organismes professionnels auquel il appartient" Dès lors les conclusions déposées au nom du cabinet de ces deux avocats sont déclarées irrégulières et écartées des débats » quand la mesure de suspension temporaire qui touchait personnellement les associés de la Selarl [U] & [J] n'emportait pas une interdiction d'exercer pour le compte de cette société, le tribunal de police a violé les articles 24 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971, 29 du décret n°93-492 du 25 mars 1993, 186 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 ainsi que les articles 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
3°/ de troisième part, que déclarant Monsieur [V] coupable des faits qui lui étaient reprochés, sans répondre au moyen des écritures, à tort déclarées irrégulières et écartées des débats, par lequel il était soutenu que le procès-verbal de constatation ayant fondé les poursuites ne respectait pas les exigences posées par l'article 429 du Code de procédure pénale, de sorte qu'il devait être déclaré irrégulier et dénué de force probante, le Tribunal de police n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles R. 414-6 du Code de la route, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
4°/ enfin, seul le Conseil de l'ordre du barreau de Paris siégeant comme conseil de discipline est compétent pour connaitre des fautes commises par les avocats qui y sont inscrits ; qu'en déclarant Monsieur [V] coupable des faits qui lui étaient reprochés, après avoir écarté des débats les écritures prises dans son intérêt au motif que son conseil, Maître [S], avocat au barreau de Paris, aurait violé les dispositions de l'article 186 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 selon lesquelles l'avocat interdit temporairement d'exercer doit, dès le moment ou la décision est passée en force de chose jugée, s'abstenir de tout acte professionnel, en déposant des conclusions pour le compte d'une société d'avocat dont les associés étaient provisoirement suspendus, le Tribunal de police de Paris qui a sanctionné ce qui s'analysait comme une faute disciplinaire, relevant de la compétence exclusive du Conseil de l'ordre du barreau de Paris, a excédé ses pouvoirs en violation des articles 22 de la Loi n°71-1130 du 31 décembre 1971, 591 et 593 du Code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 29 et 31 du décret n° 93-492 du 25 mars 1993 pris pour l'application à la profession d'avocat de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, applicable à la date du jugement attaqué :
4. Selon ces textes, la décision qui prononce l'interdiction ou la suspension provisoire de tous les associés exerçant leurs fonctions au sein d'une société d'exercice libéral d'avocats commet un ou plusieurs administrateurs provisoires pour accomplir tous actes professionnels relevant des fonctions de la société et des associés interdits.
5. Il s'en déduit que la décision qui prononce l'interdiction de tous les associés exerçant leurs fonctions au sein d'une société d'exercice libéral d'avocats n'emporte pas interdiction de réaliser des actes pour le compte de ladite société.
6. Pour déclarer irrégulières les conclusions de nullité déposées par M. [S] dans l'intérêt de M. [V] et les écarter des débats, le jugement attaqué énonce que ces conclusions sont rédigées pour le compte de la société [U] et [J].
7. Le juge précise que ces deux avocats, seuls associés de ladite société, font l'objet d'une interdiction d'exercer prononcée par un juge d'instruction. 8. Il en conclut que ce cabinet, qui n'est constitué que de ces deux seuls avocats, n'a plus la capacité juridique pour représenter des clients.
9. En statuant ainsi, le tribunal a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé pour les motifs qui suivent.
10. D'une part, la mesure de suspension temporaire dont étaient l'objet MM. [U] et [J] à la date du jugement n'empêchait pas la société d'avocats de fonctionner tant dans la poursuite de dossiers anciens que dans le traitement d'affaires nouvelles sous l'administration provisoire d'un de leurs confrères.
11. D'autre part, il ressort des notes d'audience que les conclusions litigieuses ont été établies et signées par M. [S], avocat, qui s'est présenté à l'audience comme agissant pour le compte de la personne morale.
12. La cassation est par conséquent encourue de ce chef, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres griefs.
Crim. 2 septembre 2025 n° 24-82.392
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° C 24-82.392 F-D
N° 00915
SB4 2 SEPTEMBRE 2025
CASSATION
M. BONNAL président,
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 2 SEPTEMBRE 2025
M. [T] [V] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, chambre correctionnelle, en date du 19 mars 2024, qui, pour rébellion, outrages, violences aggravées, vol et dégradation, l'a condamné à douze mois d'emprisonnement avec sursis probatoire et a prononcé sur les intérêts civils.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Chaline-Bellamy, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [T] [V], et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 3 juin 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Chaline-Bellamy, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le 4 avril 2019, M. [T] [V] a été convoqué à l'audience du 18 novembre suivant par un officier ou agent de police judiciaire, sur instructions du procureur de la République, des chefs de rébellion, outrage et violences aggravées, commis le 3 avril 2019 (procédure n° 19120000008).
3. A l'audience du 18 novembre 2019, une expertise psychiatrique de l'intéressé a été ordonnée et le dossier a été renvoyé au 16 septembre 2020.
4. Le 9 décembre 2019, M. [V] a été convoqué à l'audience du 12 février 2020 par un officier ou agent de police judiciaire, sur instructions du procureur de la République, des chefs de vol et violences aggravées, commis le 8 décembre 2019 ( procédure n° 200220008037). Le dossier a également été renvoyé au 16 septembre 2020.
5. Le 3 mars 2020, M. [V] a été déféré devant le procureur de la République qui lui a notifié par procès-verbal une convocation à l'audience du 16 septembre suivant, du chef de dégradation volontaire, commis le 2 mars 2020 au préjudice de l'Union départementale des associations familiales (UDAF) des Côtes d'Armor (procédure n° 20063000101).
6. Le 15 mai 2020, l'intéressé a été convoqué à l'audience du 16 septembre suivant par un officier ou agent de police judiciaire, sur instructions du procureur de la République, du chef d'outrage, commis le 15 mai 2020 (procédure n° 20183000040).
7. Par jugement du 16 septembre 2020, en l'absence du prévenu, le tribunal a joint les procédures. Il a prononcé la relaxe partielle de M. [V] du chef de violence commise le 3 avril 2019, a requalifié les violences sur personne chargée d'une mission de service public ayant entraîné une incapacité supérieure à huit jours, du 8 décembre 2019, en violences ayant entraîné une incapacité supérieure à huit jours, a déclaré l'intéressé coupable de ce délit et des autres délits poursuivis, l'a condamné à douze mois d'emprisonnement et a prononcé sur les intérêts civils.
8. M. [V] et le ministère public ont relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté les exceptions de nullités, a déclaré le prévenu coupable de l'ensemble des chefs de poursuites, l'a condamné à douze mois d'emprisonnement avec sursis probatoire et a statué sur l'action civile, alors :
« 1°/ que selon l'article 706-113 du code de procédure pénale, le procureur de la République ou le juge d'instruction doit aviser le curateur et le juge des tutelles lorsque la personne placée sous curatelle fait l'objet de poursuites ; que cet article vise à assurer aux personnes bénéficiant d'une mesure de protection la plénitude des droits de la défense ; que l'absence d'avertissement des poursuites engagées contre un majeur protégé à son curateur et au juge des tutelles, en méconnaissance de l'article 706-113 du code de procédure pénale, porte nécessairement atteinte aux intérêts de la personne bénéficiant d'une mesure de protection qui n'a pu bénéficier de l'assistance requise par son état ; qu'en l'espèce, il résulte de la procédure que ni le curateur de M. [V], ni le juge des tutelles, n'ont été informés des poursuites engagées contre l'intéressé, pourtant majeur placé sous curatelle renforcée, dans les quatre procédures dont il a fait l'objet (affaires 19120000008 ; 20022000037 ; 200630000101 ; 201830000040) ; qu'en retenant, pour rejeter l'exception de nullité soulevée, que M. [V] ne démontre pas avoir subi un grief résultant de la méconnaissance de l'article 706-113, et que par ailleurs, il ne résulte pas de grief de cette méconnaissance dans la mesure où, finalement devant la cour d'appel, le prévenu a comparu assisté d'un conseil faisant valoir sa défense au fond, cependant que cette méconnaissance porte nécessairement atteinte à ses intérêts et qu'il n'avait donc pas à apporter la preuve d'un grief en résultant, la cour d'appel a violé le sens et la portée l'article 706-113 du code de procédure pénale, ensemble les droits de la défense ;
2°/ que lorsque les éléments recueillis au cours de la garde à vue d'une personne font apparaître que celle-ci fait l'objet d'une mesure de protection juridique, son tuteur ou curateur doit être avisé du placement en garde à vue de l'intéressé, que si la personne n'est pas assistée d'un avocat ou n'a pas fait l'objet d'un examen médical, le curateur ou le tuteur peut désigner un avocat ou demander qu'un avocat soit désigné par le bâtonnier, et demander que la personne soit examinée par un médecin ; qu'ils doivent être avisés de ces droits ; que sauf en cas de circonstance insurmontable, qui doit être mentionnée au procès-verbal, ces diligences incombant aux enquêteurs, doivent intervenir au plus tard dans un délai de six heures à compter du moment où est apparue l'existence d'une mesure de protection juridique ; que cet article vise à assurer aux personnes bénéficiant d'une mesure de protection la plénitude des droits de la défense ; que l'information tardive et incomplète du curateur d'une personne protégée, en méconnaissance des articles 706-112-1 et D. 47-14 du code de procédure pénale, porte nécessairement atteinte aux intérêts de la personne bénéficiant d'une mesure de protection qui n'a pu bénéficier de l'assistance requise par son état ; qu'en l'espèce, il ressort de la procédure que la curatrice de M. [V] a été informée de la mesure de garde à vue de l'intéressé le 9 décembre 2019 à 9h58, tandis que M. [V] a été placé en garde à vue le 8 décembre 2019 à 16h30, qu'aucune circonstance insurmontable n'a été mentionnée dans un procès-verbal, et qu'aucune mention ne permet de démontrer que la curatrice de M. [V] a été informée de ce qu'elle pouvait désigner un avocat dans le temps de la garde à vue ou demander qu'un avocat soit désigné par le bâtonnier ; qu'en retenant, pour rejeter l'exception de nullité soulevée, que M. [V] ne démontre pas avoir subi un grief de la méconnaissance de ces dispositions, et que par ailleurs, il ne résulte pas de grief de cette méconnaissance dans la mesure où, les fonctionnaires de police n'ont réalisé aucune audition du suspect avant que la curatrice de M. [V] ait été informée de la mesure de garde à vue en cours, cependant que cette méconnaissance porte nécessairement atteinte à ses intérêts et qu'il n'avait donc pas à apporter la preuve d'un grief en résultant, la cour d'appel a violé les articles 706-112-1 et D. 47-14 du code de procédure pénale, ensemble les droits de la défense,
3°/ que s'il existe des raisons plausibles de présumer que le curateur ou le tuteur du suspect est victime de l'infraction, et faute de subrogé curateur ou de subrogé tuteur, le procureur de la République ou le juge d'instruction doit demander au juge des tutelles la désignation d'un curateur ou tuteur ad hoc ; que ces dispositions de l'article 706-114 du code de procédure pénale visent à assurer aux personnes bénéficiant d'une mesure de protection la plénitude des droits de la défense ; que l'absence de désignation d'un curateur ad hoc dans le cas où le curateur de la personne protégée est la victime de l'infraction qui lui est reprochée porte nécessairement atteinte aux intérêts de la personne bénéficiant d'une mesure de protection qui n'a pu bénéficier de l'assistance requise par son état ; qu'en l'espèce, il résulte de la procédure que M. [V] a été placé en garde à vue le 3 mars 2020, pour avoir, la veille, détruit un bien au préjudice de l'UDAF 22, organisme chargée de sa curatelle renforcée ; que, faute d'un subrogé curateur, le procureur de la République aurait donc dû demander au juge des tutelles la désignation d'un curateur ad hoc ; qu'en retenant, pour rejeter l'exception de nullité soulevée, que M. [V] ne démontre pas qu'une atteinte à ses intérêts résulte de ce manquement, cependant que cette méconnaissance porte nécessairement atteinte à ses intérêts et qu'il n'avait pas à apporter la preuve d'un grief en résultant, la cour d'appel a violé les articles 706-112-1, 706-114 et D. 47-14 du code de procédure pénale, ensemble les droits de la défense,
4°/ qu'en toute hypothèse l'insuffisance de motifs équivaut à un défaut de motifs ; que tout jugement ou arrêt doit répondre aux conclusions régulièrement déposées devant eux par les parties ; qu'en omettant de répondre au moyen péremptoire des conclusions de M. [V] selon lequel aucune convocation à une audience, par officier de police judiciaire ou par procès-verbal, n'apparaît dans le dossier de procédure pour les faits commis le 2 mars 2020 (affaire 200630000101), et qu'en conséquence, à défaut d'acte de saisine de la juridiction répressive, celle-ci devra se déclarer non-saisie, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard des articles 388, 459 et 593 du code de procédure pénale,
5°/ que lorsque les éléments recueillis au cours d'une procédure concernant un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement font apparaître qu'une personne entendue librement en application de l'article 61-1 du code de procédure pénale fait l'objet d'une mesure de protection juridique, l'officier ou l'agent de police judiciaire en avise par tout moyen son curateur ou son tuteur, qui peut désigner un avocat ou demander qu'un avocat soit désigné par le bâtonnier pour assister la personne lors de son audition ; qu'il doit être avisé de ces droits ; que ces dispositions de l'article 706-112-2 du code de procédure pénale visent à assurer aux personnes bénéficiant d'une mesure de protection la plénitude des droits de la défense ; que l'article 61-1 n'est pas applicable si la personne a été conduite, sous contrainte, par la force publique devant l'officie de police judiciaire ; que la personne entendue librement doit être informée de la qualification, de la date et du lieu présumés de l'infraction qu'elle est soupçonnée d'avoir commise ; que la méconnaissance de ces principes et dispositions porte nécessairement atteinte aux intérêts de la personne bénéficiant d'une mesure de protection qui n'a pu bénéficier de l'assistance requise par son état ; qu'en l'espèce, il résulte de la procédure que M. [V] a été entendu sous le régime de l'audition libre le 15 mai 2020, après avoir été plaqué contre un mur le temps que la police arrive, puis menotté pendant son transport jusqu'au commissariat de police, que le procès-verbal d'audition libre n'est pas rempli s'agissant de la qualification, de la date et du lieu présumés de l'infraction qui lui est reprochée, que l'avis à curateur n'est intervenu qu'à 14h55, une fois l'audition libre achevée à 14h ; qu'en retenant, pour rejeter l'exception de nullité soulevée, que M. [V] ne démontre pas qu'une atteinte à ses intérêts résulte de ces nombreux manquements, cependant que la méconnaissance de ces dispositions porte nécessairement atteinte à ses intérêts et qu'il n'avait donc pas à démontrer l'existence d'un grief en résultant, la cour d'appel a violé les articles 61-1, 706-112-2, et D. 47-14 du code de procédure pénale, ensemble les droits de la défense. »
Réponse de la Cour
Sur le moyen, pris en ses première et troisième branches
Vu les articles 706-113, dans sa rédaction en vigueur à la date des poursuites, et 706-114 du code de procédure pénale :
10. Selon le premier de ces textes, le curateur ou le tuteur d'une personne majeure protégée et le juge des tutelles doivent être avisés des poursuites dont elle fait l'objet. En outre, le curateur ou le tuteur doit être avisé de la date d'audience ainsi que des décisions de condamnation concernant cette personne.
11. Aux termes du second, si le tuteur ou le curateur est victime de l'infraction, le procureur ou le juge d'instruction demande au juge des tutelles la désignation d'un tuteur ou curateur ad hoc.
12. Pour écarter le moyen, pris de la nullité des actes de poursuites dans les procédures suivies sous les numéros 19120000008, 20022000037, 200630000101 et 201830000040, en l'absence d'avis à la curatrice ainsi qu'au juge des tutelles et de désignation d'un curateur ad hoc dans la procédure n° 200630000101, le curateur désigné étant la victime de l'infraction, l'arrêt attaqué énonce que la violation des dispositions des articles 706-112 et suivants du code de procédure pénale, en ce que celles-ci visent à protéger les droits du prévenu, ne peut entraîner la nullité des actes concernés que si le demandeur établit l'existence d'un grief au sens de l'article 802 du même code.
13. Les juges relèvent à cet égard que le prévenu ne présente aucun élément sur une éventuelle atteinte à ses intérêts et ce d'autant qu'il ne peut justifier d'aucun grief dès lors qu'il a comparu devant la cour d'appel assisté d'un avocat faisant valoir sa défense au fond.
14. En statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.
15. En effet, la violation des dispositions des textes précités, qui ont pour objet d'assurer l'assistance effective du majeur protégé dans l'exercice de la défense ou la préservation de ses droits, fait nécessairement grief à l'intéressé.
16. La cassation est par conséquent encourue de ces chefs.
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Vu l'article 706-112-1 code de procédure pénale :
17. Il résulte de ce texte que, lorsque les éléments recueillis au cours de la garde à vue d'une personne font apparaître que celle-ci fait l'objet d'une mesure de protection juridique, l'officier ou l'agent de police judiciaire en avise le curateur ou le tuteur. Si la personne n'est pas assistée d'un avocat ou n'a pas fait l'objet d'un examen médical, le curateur ou le tuteur peuvent désigner un avocat ou demander qu'un avocat soit désigné par le bâtonnier, et ils peuvent demander que la personne soit examinée par un médecin, ces diligences, sauf en cas de circonstance insurmontable qui doit être mentionnée au procès-verbal, devant intervenir au plus tard dans un délai de six heures à compter du moment où est apparue l'existence d'une mesure de protection juridique.
18. Pour écarter le moyen pris de la nullité de la mesure de garde à vue dans la procédure n° 20022000037, pour défaut d'avis à la curatrice dans le délai de six heures à compter du moment où est apparue l'existence d'une mesure de protection juridique, l'arrêt attaqué, selon le raisonnement exposé au paragraphe 12, retient que le prévenu ne présente pas de justification sur une éventuelle atteinte à ses intérêts, dès lors que les fonctionnaires de police n'ont réalisé aucune audition du suspect avant l'avis donné à sa curatrice, de sorte qu'il n'en est finalement résulté aucun grief.
19. En statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et les principes ci-dessus rappelés.
20. En effet, la violation des dispositions susvisées, qui ont pour objet d'assurer l'assistance effective du majeur protégé dans l'exercice de la défense ou de la préservation de ses droits, fait nécessairement grief à l'intéressé, qui a d'ailleurs été entendu, ainsi que la Cour de cassation est en mesure de s'en assurer, avant l'avis donné à sa curatrice.
21. La cassation est également encourue de ce chef.
Sur le moyen, pris en sa quatrième branche
Vu l'article 593 du code de procédure pénale :
22.Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
23. Pour déclarer M. [V] coupable du délit de dégradation volontaire d'un bien appartenant à l'UDAF, l'arrêt attaqué, après avoir énoncé que le 3 mars 2020, celui-ci a été déféré devant le procureur de la République qui lui a notifié par procès-verbal qu'il devait comparaître à l'audience du 16 septembre suivant, retient qu'il reconnaît les faits.
24. En se déterminant ainsi, sans répondre aux chefs péremptoires des conclusions du prévenu, régulièrement déposées le 30 mai 2023, qui sollicitaient, en l'absence en procédure d'acte de poursuite saisissant la juridiction de jugement, que la cour d'appel se déclare non saisie, et alors que la seule mention de la délivrance d'une convocation par procès-verbal dans le rappel des faits ne supplée pas ce défaut de réponse, celle-ci n'a pas justifié sa décision.
25. La cassation est, à nouveau, encourue de ce chef.
Sur le moyen, pris en sa cinquième branche
Vu les articles 706-112-2 et 61-1 du code de procédure pénale :
26. Aux termes du premier de ces textes, lorsque les éléments recueillis au cours d'une procédure concernant un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement font apparaître qu'une personne devant être entendue librement en application du second fait l'objet d'une mesure de protection juridique, l'officier ou l'agent de police judiciaire en avise par tout moyen le curateur ou le tuteur, qui peut désigner un avocat ou demander qu'un avocat soit désigné par le bâtonnier pour assister la personne lors de son audition. Si le tuteur ou le curateur n'a pu être avisé et si la personne entendue n'a pas été assistée par un avocat, les déclarations de cette personne ne peuvent servir de seul fondement à sa condamnation.
27. Selon le second, les dispositions qu'il prévoit ne sont pas applicables si la personne a été conduite, sous contrainte, par la force publique devant l'officier de police judiciaire.
28. Pour écarter le moyen pris de la nullité de l'audition libre de M. [V] dans la procédure n° 201830000040 aux motifs que l'intéressé a fait l'objet de contrainte, ne s'est pas vu notifier la qualification reprochée et que sa curatrice n'a pas été avisée de la mesure, l'arrêt attaqué, selon le raisonnement exposé au paragraphe 12, retient que le prévenu, sans justifier d'atteinte à ses intérêts, se borne à indiquer, sans l'expliciter, que les irrégularités lui ont nécessairement fait grief.
29. En statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés pour les motifs qui suivent.
30. En premier lieu, M. [V], majeur protégé placé sous curatelle, qui encourait pour le délit dont il était soupçonné une peine d'emprisonnement, a été conduit sous contrainte, ainsi que cela résulte des pièces utiles de la procédure dont la Cour de cassation a le contrôle, devant l'agent de police judiciaire qui a procédé à son audition, sans lui notifier ni la qualification ni la date ni le lieu présumé des faits et sans qu'il puisse être assisté d'un avocat, son curateur n'ayant été avisé de cet acte que postérieurement à celui-ci.
31. En second lieu, la méconnaissance des dispositions susvisées a nécessairement causé un grief à l'intéressé.
32. La cassation est, encore, encourue de ce chef.
Crim. 20 août 2025 n° 25-83.953
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° V 25-83.953 F-D
N° 01154
ECF 20 AOÛT 2025
REJET
M. DE LAROSIÈRE DE CHAMPFEU conseiller le plus ancien faisant fonction de président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 20 AOÛT 2025
M. [E] [L] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bourges, en date du 27 mai 2025, qui, dans l'information suivie contre lui du chef d'arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire avec torture ou acte de barbarie, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention le plaçant en détention provisoire.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Samuel, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [E] [L], et les conclusions de M. Dureux, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 20 août 2025 où étaient présents M. de Larosière de Champfeu, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Samuel, conseiller rapporteur, Mme Piazza, conseiller de la chambre, et Mme Pinna, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces soumises à l'examen de la Cour de cassation ce qui suit.
2. M. [E] [L], interpellé le 19 avril 2025 en Espagne en exécution d'un mandat d'arrêt européen, a été remis aux autorités françaises et mis en examen, le 14 mai 2025, du chef susvisé.
3. Il a été placé le même jour en détention provisoire par le juge des libertés et de la détention.
4. Il a relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur les premier et deuxième moyens
5. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté les exceptions soutenues par la défense et confirmé l'ordonnance du 14 mai 2025 par laquelle le juge des libertés et de la détention avait placé M. [L] en détention provisoire, alors « qu'est irrégulier le débat contradictoire préalable à l'éventuel placement en détention provisoire du mis en examen au cours duquel l'interprète requis pour traduire des documents figurant au dossier en langue étrangère a comparu par téléphone, a fortiori s'il n'est pas mentionné au procès-verbal de débat qu'il était impossible pour cet interprète d'être présent physiquement au débat ; que cette irrégularité entraîne l'annulation du débat si elle a porté atteinte aux intérêts du mis en examen ; que tel est le cas lorsque l'intéressé ou son conseil conteste la traduction réalisée par l'interprète ; qu'au cas d'espèce, il résulte de la procédure que le débat contradictoire préalable au placement en détention provisoire de Monsieur [L] a été tenu avec l'assistance d'un interprète en langue espagnole, requis pour traduire oralement les éléments du dossier relatifs à la remise de l'exposant depuis l'Espagne ; que cet interprète a toutefois doublement comparu de manière irrégulière, par téléphone et sans qu'aucune mention de l'impossibilité pour lui d'être présent au débat ne figure en procédure ; que la défense a contesté cette traduction, conduisant le juge des libertés et de la détention à admettre dans sa décision de placement en détention provisoire que « la traduction orale effectuée en urgence peut apparaître partiellement inexacte » ; qu'il s'ensuit que le débat contradictoire préalable au placement en détention provisoire de Monsieur [L] était affecté de deux irrégularités causant un grief à l'exposant, de sorte qu'il devait être annulé ; qu'en retenant, pour refuser de prononcer cette annulation, qu' « il a été recouru aux soins d'un interprète en langue espagnole non inscrite sur la liste des interprètes de la cour d'appel de Bourges mais qui a prêté serment » et que « cette traduction ainsi réalisée a été soumise au principe du contradictoire », quand ces motifs sont inopérants et impropres à écarter l'irrégularité du débat contradictoire et le grief subi par l'exposant, la Chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 6, § 3, a) et e), de la Convention européenne des droits de l'Homme, préliminaire, 803-5, D. 594-4, 706-71, 145-2, 591 et 593 du Code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
7. Pour écarter le moyen pris de l'irrégularité des conditions d'intervention d'un interprète lors du débat contradictoire en vue du placement en détention de la personne mise en examen, l'arrêt attaqué énonce que les dispositions de l'article 706-71 du code de procédure pénale permettaient au juge des libertés et de la détention d'avoir recours à un interprète par l'intermédiaire d'un moyen de télécommunication pour le débat sur le placement en détention provisoire et que, dans ce cadre, une interprète en langue espagnole non inscrite sur une liste mais qui a prêté serment, a traduit la procédure espagnole en langue française de 18 heures 58 à 20 heures 14, que cette traduction a été soumise au principe du contradictoire et que l'avocat de M. [L] en a lui-même tiré la conséquence que le principe de la spécialité aurait été évoqué dans le cadre de la procédure suivie en Espagne.
8. Les juges ajoutent que tous les documents espagnols traduits en langue française figurent dans la procédure.
9. C'est à tort que la chambre de l'instruction a considéré que l'assistance d'un interprète par l'intermédiaire d'un téléphone pour le débat contradictoire en vue du placement en détention provisoire était régulier, dès lors que les dispositions de l'avant-dernier alinéa de l'article 706-71 précité ne le prévoient, lorsque l'interprète est dans l'impossibilité de se déplacer, que pour une audition, un interrogatoire ou une confrontation.
10. Cependant l'arrêt attaqué n'encourt pas la censure pour les motifs qui suivent.
11. La nullité du débat contradictoire ne peut être prononcée que si la personne concernée démontre l'existence d'un grief.
12. Or, si le procès-verbal de débat contradictoire mentionne que l'avocat de la personne mise en examen a élevé une contestation contre la traduction de la décision de remise faite oralement par l'interprète, la chambre de l'instruction a constaté, comme l'avait fait le juge des libertés et de la détention, que la contestation n'était pas fondée, de sorte que les droits de la personne concernée n'ont pas été irrémédiablement compromis.
13. Dès lors, le moyen doit être écarté.
14. Par ailleurs, l'arrêt est régulier tant en la forme qu'au regard des dispositions des articles 137-3 et 143-1 et suivants du code de procédure pénale.
Crim. 6 août 2025 n° 25-83.592
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° C 25-83.592 F-D
N° 01122
ODVS 6 AOÛT 2025
REJET
M. SOTTET conseiller le plus ancien faisant fonction de président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 6 AOÛT 2025
M. [U] [L] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, en date du 6 mars 2025, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs de vol, destruction du bien d'autrui, arrestation, enlèvement ou séquestration, aggravés, et association de malfaiteurs, a ordonné la prolongation exceptionnelle de sa détention provisoire.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Cavalerie, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [U] [L], et les conclusions de Mme Gulphe-Berbain, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 août 2025 où étaient présents M. Sottet, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Cavalerie, conseiller rapporteur, M. Maziau, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces soumises à l'examen de la Cour de cassation ce qui suit.
2. Mis en examen des chefs susvisés, M. [U] [L] a été placé en détention provisoire le 28 mai 2017.
3. Mis en accusation des mêmes chefs le 17 février 2020, il a été mis en liberté et placé sous contrôle judiciaire le 10 décembre 2021.
4. Le 26 janvier 2024, la cour d'assises, statuant par défaut à son égard, l'a déclaré coupable des chefs poursuivis et a décerné mandat d'arrêt à son encontre.
5. Le 19 avril suivant, M. [L] s'est constitué prisonnier et a été réincarcéré en vue du réexamen de son affaire par la cour d'assises.
6. Le 7 janvier 2025, le procureur général a saisi la chambre de l'instruction d'une demande de prolongation exceptionnelle de la détention provisoire de l'intéressé pour une durée de six mois à compter du 19 avril 2025.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné la prolongation de la détention provisoire de M. [L] pour une durée de six mois à compter du 19 avril 2025, alors « que si l'audience sur le fond devant la Cour d'assises ne peut se tenir avant l'expiration d'un délai d'un an à compter du placement en détention de l'accusé en exécution du mandat d'arrêt par la juridiction criminelle statuant par défaut à son égard et qui n'a pas acquiescé à l'arrêt de la juridiction, la Chambre de l'instruction peut, à titre exceptionnel, par une décision caractérisant les diligences particulières mises en oeuvre pour permettre l'examen du dossier par la Cour d'assises dans le délai légal ou les circonstances insurmontables qui ont empêché d'y parvenir, ordonner la prolongation de la détention pour une nouvelle durée de six mois ; qu'au cas d'espèce, le procureur général a requis la prolongation de la détention provisoire de Monsieur [L], placé en détention en exécution d'un mandat d'arrêt délivré par la juridiction criminelle statuant par défaut à son égard ; qu'en retenant, pour ordonner cette prolongation, que « malgré les efforts déployés, au regard du nombre d'affaires devant être audiencées et des créneaux déjà réservés pour permettre à la cour d'assises de juger d'autres affaires et la création d'une troisième double session en cours d'année 2024 et de deux doubles sessions en 2025 ainsi que d'un report exceptionnel de l'ensemble des dossiers fixés pour la quatrième session 2024 de la cour d'assises du Rhône à la suite d'un empêchement majeur du président de la cour d'assises il n'a pas été possible de faire effectivement comparaître [U] [L] devant la cour d'assises dans le délai d'une année tel que prévu par l'article 181 alinéa 8 du code de procédure pénale » et qu' « il a cependant été apportée une diligence particulière dans la mesure où cette affaire a pu être fixée du 9 au 14 octobre 2025, étant rappelé que [U] [L] a fui dès qu'il a été placé sous contrôle judiciaire le 10 décembre 2021 et ne s'est pas présenté à la date prévue pour son interrogatoire sur le fondement de l'article 272 du code de procédure pénale en vue de l'audience de la cour d'assises du Rhône en janvier 2024 », quand l'invocation abstraite et non circonstanciée de prétendus « efforts déployés », la référence générale à la « création d'une troisième double session en cours d'année 2024 et de deux doubles sessions en 2025 » et l'indication de l'organisation d'une date d'audience plus de six mois après l'expiration du délai légal ne sauraient caractériser des diligences particulières mises en oeuvre pour permettre l'examen du dossier spécifique de Monsieur [L] par la Cour d'assises dans ce délai, et quand l'empêchement d'un unique magistrat, fût-il président désigné de la Cour d'assises, ou le seul renvoi aux « nombre d'affaires devant être audiencées et des créneaux déjà réservés », ne sauraient constituer une circonstance imprévisible et insurmontable justifiant la prolongation de la détention provisoire, la Chambre de l'instruction, qui a statué par une série de motifs inopérants et impropres à établir l'existence de diligences particulières mises en oeuvre pour permettre l'examen du dossier spécifique de Monsieur [L] par la Cour d'assises dans le délai légal, ou de circonstances insurmontables qui ont empêché d'y parvenir, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 181, 379-4, 591 et 593 du Code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
8. Pour prolonger la détention provisoire, l'arrêt attaqué énonce que, si les efforts déployés, au regard du nombre d'affaires devant être audiencées, illustrés par la création d'une troisième double session en cours d'année 2024 et de deux doubles sessions en 2025, n'ont pas permis, en raison, notamment, du report exceptionnel de l'ensemble des dossiers fixés pour la quatrième session 2024 de la cour d'assises du Rhône à la suite d'un empêchement majeur de son président, de faire effectivement comparaître M. [L] devant cette juridiction dans le délai d'une année tel que prévu par l'article 181, alinéa 8, du code de procédure pénale, il a été apporté une diligence particulière à l'audiencement de cette affaire, qui a pu être fixé du 9 au 14 octobre 2025.
9. Les juges ajoutent que l'intéressé a fui dès qu'il a été placé sous contrôle judiciaire le 10 décembre 2021 et ne s'est pas présenté à la date prévue pour l'interrogatoire préalable à l'audience de la cour d'assises de janvier 2024.
10. Ils précisent que le délai de comparution devant la cour d'assises est raisonnable au sens de la Convention européenne des droits de l'homme, au regard des éléments ci-dessus rappelés, de la gravité des faits poursuivis, des longues investigations nécessaires dans ce dossier criminel et du comportement de l'accusé.
11. Ils concluent que l'affaire sera jugée dans les premiers jours du mois d'octobre 2025, de sorte que la durée de la détention provisoire n'est pas déraisonnable.
12. En l'état de ces énonciations, la chambre de l'instruction, qui a caractérisé les diligences particulières et les circonstances insurmontables expliquant la durée de la détention provisoire dans l'attente de la comparution de l'accusé devant la cour d'assises, a justifié sa décision.
13. Dès lors, le moyen doit être écarté.
14. Par ailleurs, l'arrêt est régulier tant en la forme qu'au regard des articles 143-1 et suivants du code de procédure pénale.
Crim. 9 juillet 2025 n° 25-83.096 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° P 25-83.096 F-B
N° 01090
SB4 9 JUILLET 2025
REJET
Mme LABROUSSE, conseiller le plus ancien, faisant fonction de président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 9 JUILLET 2025
M. [M] [Y] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai, en date du 26 mars 2025, qui, dans la procédure suivie contre lui, des chefs de recel et tentative de meurtres, aggravés, association de malfaiteurs et infractions à la législation sur les armes, a ordonné la prolongation exceptionnelle de sa détention provisoire.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Laurent, conseiller, les observations de Me Laurent Goldman, avocat de M. [M] [Y], et les conclusions de M. Fusina, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 juillet 2025 où étaient présents Mme Labrousse, conseiller le plus ancien, faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Laurent, conseiller rapporteur, Mme Leprieur, conseiller de la chambre, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Par arrêt du 28 avril 2000, ordonnant prise de corps, la chambre d'accusation a renvoyé M. [M] [Y] devant la cour d'assises du Nord, sous l'accusation susvisée.
3. Par arrêt de contumace du 19 octobre 2001, cette cour d'assises l'a déclaré coupable et condamné à vingt ans de réclusion criminelle.
4. Les formalités de publicité de cet arrêt ont été achevées le 23 novembre 2001.
5. Un mandat d'arrêt européen, émis le 1er février 2021, a été notifié à M. [Y] le 20 octobre 2023, lors de son arrivée en France, à la suite de son expulsion des Etats-Unis, où il séjournait sous une fausse identité.
6. M. [Y] a été placé en détention provisoire le même jour.
7. Une prolongation de six mois ayant été ordonnée au terme de la première année de détention provisoire, le procureur général a saisi la chambre de l'instruction aux fins de prolongation de cette détention pour une seconde période de six mois.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté les moyens de prescription de M. [Y] et ordonné la prolongation pour six mois de sa détention provisoire, alors « qu'ensuite de l'anéantissement rétroactif de la décision rendue par défaut, survenue par l'effet de l'arrestation de la personne condamnée, la prescription de la peine court à compter de l'ordonnance de prise de corps, qui seule conserve son effet et vaut mandat d'arrêt ; qu'en prenant pour point de départ du délai de prescription de la peine l'arrêt anéanti, rendu par la cour d'assises du Nord le 19 octobre 2001, et ainsi exclure la prescription, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 379-4 du code de procédure pénale et 133-2 du code pénal. »
Réponse de la Cour
9. D'une part, le point de départ de la prescription d'une peine ne saurait être fixé à une date antérieure à son prononcé. L'arrêt de contumace, désormais qualifié d'arrêt rendu par défaut, même non avenu en toutes ses dispositions par suite de la reddition ou de l'arrestation de l'accusé condamné, conformément à l'article 379-4 du code de procédure pénale, a, de plein droit, pour effet de substituer à la prescription de l'action publique celle de la peine, dont le point de départ est fixé au jour même du prononcé de celle-ci.
10. D'autre part, l'émission d'un mandat d'arrêt européen est l'un des actes interrompant la prescription de la peine, en application de l'article 707-1, alinéa 5, du code de procédure pénale, applicable aux prescriptions qui n'étaient pas encore acquises à la date de son entrée en vigueur, le 29 mars 2012.
11. En l'espèce, pour rejeter l'exception de prescription de la peine soulevée par M. [Y], l'arrêt attaqué énonce que celle-ci, qui a commencé à courir le 23 novembre 2001 et aurait dû prendre fin vingt ans plus tard, a été interrompue par l'émission, le 1er février 2021, d'un mandat d'arrêt européen fondé sur l'ordonnance de prise de corps et l'arrêt de contumace.
12. C'est à tort que la chambre de l'instruction a fixé le point de départ de la prescription invoquée à la date d'achèvement des formalités de publicité de l'arrêt de contumace, alors prévues par l'article 634 du code de procédure pénale, alors qu'il aurait dû l'être à la date de cet arrêt.
13. L'arrêt attaqué n'encourt cependant pas la censure, dès lors que moins de vingt ans se sont écoulés entre le prononcé de l'arrêt de contumace, le 19 octobre 2001, et l'émission, le 1er février 2021, d'un mandat d'arrêt européen tendant à l'arrestation de la personne condamnée.
14. Le moyen ne saurait donc être accueilli.
15. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
Crim. 9 juillet 2025 n° 25-83.736
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° J 25-83.736 F-D
N° 01103
9 JUILLET 2025
SB4
QPC INCIDENTE : IRRECEVABILITÉ
Mme LABROUSSE conseiller le plus ancien faisant fonction de président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 9 JUILLET 2025
M. [I] [X] et Mme [M] [R], parties civiles, ont présenté, par mémoires datés des 4, 7 et 10 avril 2025, reçus les 10 avril et 9 mai 2025, une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion des pourvois formés par eux contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Reims, en date du 3 avril 2025, qui a renvoyé MM. [G] [F] et [Z] [O] devant le tribunal correctionnel sous la prévention d'homicide involontaire.
Sur le rapport de Mme Merloz, conseiller, les observations de la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de l'hôpital clinique [1] et les conclusions de M. Fusina, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 juillet 2025 où étaient présents Mme Labrousse, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Merloz, conseiller rapporteur, Mme Leprieur, conseiller de la chambre, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« Etant donné lorsqu'un individu intègre la Franc-maçonnerie, il s'engage de manière systématique à prêter secours et assistance à ses frères, est-il acceptable pour une bonne marche de la justice d'ignorer l'appartenance des différents intervenants notamment prévenus, témoins assistés et magistrats à une obédience maçonnique ? ».
2. Les mémoires personnels des demandeurs, en date des 4, 7 et 10 avril 2025, sollicitent à la fois la cassation de l'arrêt attaqué et la transmission au Conseil constitutionnel d'une question prioritaire de constitutionnalité.
3. Ces mémoires, qui ne sont pas spéciaux et ne portent pas la mention « question prioritaire de constitutionnalité », sont dès lors irrecevables au regard des dispositions des articles 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et R. 49-31 du code de procédure pénale.
4. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité est elle-même irrecevable.
Crim. 9 juillet 2025 n° 25-83.114 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° G 25-83.114 F-B
N° 01093
SB4 9 JUILLET 2025
REJET
Mme LABROUSSE, conseiller le plus ancien faisant fonction de président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 9 JUILLET 2025
M. [C] [G] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, en date du 20 mars 2025, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de viol et violences, aggravés, et dégradations, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention le plaçant en détention provisoire.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Hill, conseiller, les observations de Me Guermonprez, avocat de M. [C] [G], et les conclusions de M. Fusina, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 juillet 2025 où étaient présents Mme Labrousse, conseiller le plus ancien, faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Hill, conseiller rapporteur, Mme Leprieur, conseiller de la chambre, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 2 janvier 2025, un mandat de recherche a été émis à l'encontre de M. [C] [G] dans le cadre d'une enquête préliminaire ouverte notamment du chef de viol aggravé.
3. Interpellé et placé en garde à vue le 1er mars 2025, M. [G] a été mis en examen des chefs susvisés et placé en détention provisoire par ordonnance du 3 mars suivant.
4. Il a relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le second moyen
5. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté les moyens de nullité dirigés contre le mandat de recherche en vertu duquel il a été interpellé, alors :
« 1°/ que les dispositions combinées des articles 77-4, 70 et 134 du code de procédure pénale, qui permettent à l'agent de police judiciaire chargé de l'exécution d'un mandat de recherche décerné par le procureur de la République de s'introduire dans le domicile de tout individu sans son accord et sans que soit confié à un juge le soin d'apprécier préalablement la nécessité de cette intrusion, n'étant pas conformes aux droits et libertés garantis par la Constitution, la déclaration d'inconstitutionnalité qui sera prononcée par le Conseil constitutionnel par la voie de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée parallèlement privera l'arrêt attaqué de tout fondement juridique ;
2°/ en tout état de cause, que l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantit à toute personne le droit au respect de son domicile ; que l'article 77-4 du code de procédure pénale permet à l'agent de police judiciaire chargé de l'exécution d'un mandat de recherche décerné par le procureur de la République de s'introduire dans le domicile de tout individu sans son accord, par un renvoi aux deuxième et troisième alinéas de l'article 70 du même code, renvoyant lui-même à l'article 134 du code ; que s'il se dégage de la jurisprudence de la Cour européenne que l'absence d'un mandat judiciaire préalable autorisant l'agent chargé de l'exécution d'un mandat de recherche de s'introduire dans le domicile d'un individu peut être compensée par un contrôle judiciaire ex post factum sur la légalité et la nécessité de cette mesure d'instruction, ce contrôle doit être efficace dans les circonstances particulières de la cause ; qu'en se bornant à apprécier la légalité du mandat de recherche et de ses modalités d'exécution au regard des seules dispositions des articles précités du code de procédure pénale, alors que M. [G] se prévalait d'une non-conformité du cadre législatif prévu par le droit interne aux exigences de l'article 8 de la Convention, la chambre de l'instruction a violé ce texte, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;
3°/ encore, que l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantit à toute personne le droit au respect de son domicile ; qu'il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est fondée sur un besoin social impérieux et, en particulier, proportionnée au but légitime recherché ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'en exécution d'un mandat de recherche décerné par le procureur de la République à l'encontre de M. [G], six agents de police judiciaire, casqués et armés, se sont présentés au domicile de ce dernier sans avertissement préalable, ont défoncé la porte d'entrée de l'appartement dans laquelle il se trouvait avec sa cousine et les deux enfants mineurs de celle-ci, toujours sans sommation préalable, et l'ont interpellé en le visant avec leurs armes et en lui hurlant, alors qu'il se tenait debout immobile, n'opposant aucune résistance, « Au sol, au sol » ; qu'au vu de ces circonstances, et en l'absence de garantie mise en place afin d'assurer la protection effective des droits garantis par l'article 8 de la Convention, la chambre de l'instruction, en jugeant nécessaire et proportionnée l'atteinte portée par la mesure contestée au droit de M. [G] au respect de son domicile, a violé ce texte, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Sur le moyen, pris en sa première branche
7. Le grief est devenu sans objet dès lors que, par arrêt du 17 juin 2025, la Cour de cassation a déclaré irrecevable la question prioritaire de constitutionnalité.
Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
8. Le moyen est inopérant dès lors que, saisie de l'appel d'une ordonnance de placement en détention provisoire, la chambre de l'instruction ne pouvait prononcer sur l'irrégularité des conditions de mise à exécution du mandat de recherche qui n'est pas un titre de détention, é
9. Par ailleurs, l'arrêt est régulier tant en la forme qu'au regard des dispositions des articles 137-3 et 143-1 et suivants du code de procédure pénale.
Crim. 25 juin 2025 n° 24-82.463 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° E 24-82.463 F-B
N° 00889
GM 25 JUIN 2025
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 25 JUIN 2025
M. [C] [J] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-14, en date du 26 mars 2024, qui, pour détournement d¿objet saisi, l'a condamné à quatre mois d'emprisonnement avec sursis et 100 000 euros d'amende.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Piazza, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. [C] [J], et les conclusions de Mme Viriot-Barrial, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 mai 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Piazza, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Par ordonnance du 3 février 2022, le juge des libertés et de la détention a ordonné la saisie, pour un montant de 698 186,75 euros, du compte bancaire ouvert dans les livres du [2] dont est titulaire la société [3].
3. L'ordonnance a été notifiée le 9 février 2022, notamment, à la société [3] et à M. [C] [J], son gérant.
4. Six virements extérieurs d'un montant total de 310 400 euros ont été enregistrés avant le blocage le 22 février suivant par la banque de la somme résiduelle de 191 378,95 euros.
5. Par jugement en date du 7 septembre 2022, le tribunal correctionnel a déclaré M. [J] coupable du délit susvisé et l'a condamné aux peines susdites.
6. M. [J] et le procureur de la République ont relevé appel du jugement.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [J] coupable des faits de détournement ou destruction par le saisi d'objet saisi et confié à sa garde, faits commis entre le 9 février 2022 et le 22 février 2022 à [Localité 1], [Localité 4], [Localité 6], [Localité 5], alors : « que la loi pénale est d'interprétation stricte ; que le délit de détournement d'objet saisi prévu par l'article 314-6 du code pénal ne vise que le fait, par le saisi, de détruire ou de détourner un objet saisi entre ses mains « en garantie des droits d'un créancier » et confié à sa garde ou à celle d'un tiers ; que par suite, il ne vise pas les saisies pénales spéciales prévues au titre XXIX du livre IV du code pénal et réalisées « afin de garantir l'exécution de la peine complémentaire de confiscation » ; qu'en retenant, pour déclarer le prévenu coupable du délit de détournement d'objet saisi, que l'article 314-6 du code pénal régit également le cas où la saisie constitue une mesure préalable pour l'application d'une peine, la cour d'appel a violé les articles 111-4 et 314-6 du code pénal et 706-141 à 706-158 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 111-4 et 314-6 du code pénal :
8. Aux termes du premier de ces textes, la loi pénale est d'interprétation stricte.
9. Le second incrimine le fait, par le saisi, de détourner ou de détruire un objet saisi entre ses mains en garantie des droits d'un créancier, confié à sa garde ou à celle d'un tiers.
10. Pour déclarer le prévenu coupable de ce délit, l'arrêt attaqué énonce que, depuis 1895, la jurisprudence considère que les dispositions de l'ancien article 400 du code pénal devenu l'article 314-6 susvisé régissent aussi le cas où la saisie constitue une mesure préalable à l'application d'une peine.
11. Les juges ajoutent que l'ordonnance de saisie du juge des libertés et de la détention est motivée par la possibilité de prononcer une peine de confiscation pour des faits de pratique commerciale trompeuse et de violation des règles de démarchage.
12. Ils en déduisent que le délit de détournement de la saisie ainsi ordonnée en vue de prononcer une peine à l'égard de M. [J] entre dans le champ d'application de ce texte.
13. En statuant ainsi, alors que le texte d'incrimination susvisé exclut de son champ d'application les saisies pénales, la cour d'appel, qui a retenu la culpabilité de M. [J] du chef de détournement d'un objet pénalement saisi relevant de l'incrimination prévue par l'article 434-22 du code pénal, a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.
14. La cassation est par conséquent encourue, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres griefs.
Crim. 25 juin 2025 n° 24-80.903 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° J 24-80.903 F-B U 21-83.384 N° 00900
GM 25 JUIN 2025
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 25 JUIN 2025
La société [2], anciennement [8], partie civile, a formé des pourvois :
- contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 25 mai 2021, qui, dans l'information suivie, sur sa plainte, contre personne non dénommée des chefs, notamment, d'escroquerie et d'abus de confiance, a prononcé sur des demandes d'annulation de pièces de la procédure (pourvoi n° 21-83.384),
- et, ainsi que M. [H] [E], partie civile, contre l'arrêt de ladite chambre de l'instruction, en date du 18 janvier 2024, qui, dans la même information, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction (pourvoi n° 24-80.903).
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Michon, conseiller référendaire, les observations de Me Ortscheidt, avocat de la société [2], de M. [H] [E], les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, avocat de M. [L] [Z], de la société [10] et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 mai 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Michon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. La société [8], devenue depuis la société [2], détenue principalement par M. [H] [E], est la société holding d'un groupe exerçant son activité dans le domaine de la production et de la post-production cinématographiques.
3. Elle a eu pour filiale la société [6], laquelle détenait plusieurs sous-filiales.
4. Des accords de coopération ont été signés entre la société [8] et la société [10] (anciennement [12], et désormais dénommée [14]), en 2004, suivis, le 9 mars 2006, de la signature concomitante d'un accord d'investissement prévoyant, notamment, l'acquisition par la société [13], filiale de la société [10], de 17,5 % des titres de la société [6] dans le cadre d'une augmentation de capital, des options réciproques d'achat des titres pour une période allant jusqu'au 31 août 2007, prolongée par la suite jusqu'au 31 mars 2011, la présence au conseil d'administration de la société [6] d'un administrateur désigné par la société [10] avec droit de veto sur certaines décisions, et l'interdiction pour la société [8] de céder ses parts au groupe [3], principal concurrent de la société [10].
5. Parallèlement, une lettre du même jour a autorisé la société [10] à procéder à un audit (« due diligence ») en vue de procéder à l'acquisition des 82,5 % restants du capital de la société [6].
6. Le 22 mars 2011, l'administrateur nommé par la société [10], la société [13], a démissionné de son poste.
7. Par lettre du 12 mai 2011, la société [10] a indiqué ne pas donner suite au rachat en raison de ses difficultés financières.
8. Les sociétés du groupe [6] ont été placées en liquidation judiciaire par des jugements des 1er au 20 décembre 2011.
9. Le 4 janvier 2012, la société [11] du groupe [10] a déposé des offres indissociables de reprise des activités et de certains actifs de sociétés du groupe [6].
10. Par jugements des 20 janvier et 3 février 2012, le tribunal de commerce de Nanterre a fait droit aux offres de reprise présentées par la société [11].
11. Estimant que la société [10] avait mis en place des manoeuvres visant à obtenir, à vil prix, les actifs du groupe [6], la société [8] a, le 5 avril 2012, déposé plainte auprès du procureur de la République.
12. Le 5 juillet 2013, ce dernier a ouvert une information des chefs d'abus de confiance et escroquerie.
13. M. [Z] et la société [10] ont été placés sous le statut de témoin assisté les 6 juin et 21 novembre 2016, respectivement.
14. A la suite notamment du dépôt d'un rapport d'expertise et d'une confrontation, le 12 décembre 2019, le juge d'instruction a adressé l'avis de fin d'information et a procédé à la mise en examen de M. [Z] et de la société [10].
15. Ces derniers ont déposé une requête en annulation de leur mise en examen à laquelle, par arrêt du 25 mai 2021, la chambre de l'instruction a fait droit.
16. C'est l'arrêt attaqué par le pourvoi n° 21-83.384.
17. Le 26 juin 2023, le juge d'instruction a rendu une ordonnance de non-lieu.
18. M. [E] et la société [2] ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le premier moyen du pourvoi formé contre l'arrêt du 25 mai 2021
Enoncé du moyen
19. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il prononcé la nullité des actes d'information cotés D 9444 à D 9447, à savoir les mises en examen de la société [10] et de M. [Z] notifiées le 12 décembre 2019, alors :
« 1°/ que la régularité de la mise en examen est seulement subordonnée à l'existence, à l'encontre de la personne mise en cause, d'indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elle ait pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des faits dont est saisi le juge d'instruction ; que toute appropriation par une personne au préjudice d'autrui d'un bien quelconque qui lui a été remis à charge d'en faire un usage déterminé caractérise le détournement constitutif de l'abus de confiance ; que la chambre de l'instruction a en l'espèce annulé les mises en examen aux motifs qu'il n'était « pas démontré d'intention de détournement ni de préjudice pour la société [6] » et que l'infraction d'abus de confiance n'était « pas constituée » ; qu'en statuant ainsi, tout en constatant l'existence d'indices graves et concordants rendant vraisemblable la commission par les mis en examen du délit d'abus de confiance en relevant que les documents remis par la société [7] l'avaient été « en vue d'un usage déterminé, soit les audits pré-acquisitions », et que « s'agissant de l'utilisation des informations obtenues dans le cadre des audits », il ressortait « de la procédure que la société [10] avait présenté une offre d'achat des actifs » de filiales du groupe [6], et non le rachat de la participation de [8] dans [6] comme convenu initialement, la chambre de l'instruction a méconnu l'article 80-1 du code de procédure pénale, l'article 314-1 du code pénal et l'article 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que peut faire l'objet d'un abus de confiance tout bien susceptible d'appropriation, en ce compris les biens incorporels ou immatériels ; qu'en énonçant que les informations obtenues en l'espèce, « par nature immatérielles, ne peuvent être qualifiées de biens incorporels et n'entrent pas en conséquence dans la nature des biens pouvant faire l'objet d'une remise à titre précaire », la chambre de l'instruction a ajouté à la loi et violé les articles 314-1 et 593 du code de procédure pénale ;
3°/ que l'affirmation tant de la mauvaise foi de l'auteur de l'infraction d'abus de confiance, que de l'existence d'un préjudice souffert par la partie civile se trouvent incluses dans la constatation du détournement de la chose appartenant à celle-ci ; qu'après avoir rappelé que les parties civiles soutenaient qu'elles avaient transmis des informations confidentielles à la société [10] dans la seule perspective du rachat par celle-ci de la participation de [8] dans [6], et que ces informations avaient été détournées par [10], par l'intermédiaire de sa filiale [11], afin d'acheter à vil prix l'activité et l'essentiel des actifs de cinq sociétés sur six qui constituaient le groupe [6] ; la chambre de l'instruction a recherché s'il existait une intention de détournement et un préjudice pour la société [6], avant de conclure que ceci n'était « pas démontré » ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si un tel détournement existait, comme elle y était invitée par les parties civiles, la chambre de l'instruction a méconnu l'article 313-1 du code pénal et l'article 593 du code de procédure pénale ;
4°/ que les chambres de l'instruction doivent répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties ; que dans leur mémoire régulièrement déposé devant la chambre de l'instruction, les parties civiles précisaient que la société [15], qui avait repris la société [4], avait disposé de trop peu de temps, comme les autres candidats repreneurs, pour faire des offres pertinentes, contrairement à [10] qui, grâce aux informations économiques et financières transmises pendant plus de cinq ans et détournées, avait pu proposer en un temps record des offres ciblées ; qu'elles ajoutaient que les offres d'achat des actifs déposées par [10] étaient stipulées indissociables les unes des autres, de sorte que le tribunal n'avait d'autre choix que de retenir l'offre de [10], malgré le faible prix de cession, car elle garantissait l'existence d'un repreneur dans les autres procédures et avait ainsi l'avantage de permettre la sauvegarde de l'activité des autres sociétés du groupe [6] ; qu'en se bornant à énoncer, pour conclure qu'il ne serait « pas démontré d'intention de détournement ni de préjudice pour la société [6] », que « s'agissant de l'utilisation des informations obtenues dans le cadre des audits, il ressort de la procédure que si la société [10] a présenté une offre d'achat des actifs, valorisée à 880.000 ¿, notamment de 720.000 euros pour la société [1] avec reprises de douze contrat de travail, la société [5], filiale à 43% de [8], a fait une offre concurrente pour cette même société à 390.000 ¿ avec reprise de huit salariés » et que « le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 16 décembre 2016 indique que « les rachats par [10] de certains actifs du groupe n'ont pas été contestés par les dirigeants et ont donné lieu à des décisions devenues définitives qui se situent après la liquidation judiciaire », sans répondre aux chefs péremptoires susmentionnés des écritures des parties civiles, qui démontraient qu'au moment de la mise en examen de M. [Z] et de la société [10], il existait des indices graves ou concordants à leur encontre d'avoir détourné les informations obtenues dans le cadre notamment des « due diligences », afin d'acheter à vil prix l'activité et l'essentiel des actifs de cinq sociétés sur six qui constituaient le groupe [6], la chambre de l'instruction a méconnu les articles 314-1 du code pénal et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
20. Pour annuler la mise en examen de M. [Z] et de la société [10] du chef d'abus de confiance, l'arrêt attaqué énonce notamment que les informations obtenues par les personnes mises en examen dans le cadre des audits de pré-acquisition, immatérielles, ne sont, par nature, pas susceptibles d'une remise précaire et donc de servir de fondement à l'infraction d'abus de confiance.
21. Les juges ajoutent que l'infraction n'est pas constituée dès lors que les informations obtenues ont été utilisées pour le rachat d'actifs qui n'a pas été contesté.
22. C'est à tort que les juges ont estimé que les informations transmises n'étaient pas susceptibles de faire l'objet d'un abus de confiance. En effet, des informations telles que celles transmises lors d'un audit de pré-acquisition (« due diligence ») peuvent constituer un bien immatériel susceptible de détournement.
23. C'est encore à tort qu'ils ont indiqué que l'intention de détournement et le préjudice faisaient défaut, alors que le préjudice se déduit de l'existence du détournement.
24. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure, dès lors qu'il ressort de ces constatations souveraines que les informations litigieuses n'ont pas été utilisées pour un but autre, à savoir une acquisition, que celles pour lesquelles elles ont été remises, de sorte que l'infraction n'était pas susceptible d'être caractérisée.
25. Ainsi, le moyen doit être écarté.
Sur le second moyen du pourvoi formé contre l'arrêt du 25 mai 2021
Enoncé du moyen
26. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a prononcé la nullité des actes d'information cotés D 9444 à D 9447, à savoir les mises en examen de la société [10] et de M. [Z] notifiées le 12 décembre 2019, alors :
« 1°/ que la régularité de la mise en examen est seulement subordonnée à l'existence, à l'encontre de la personne mise en cause, d'indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elle ait pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des faits dont est saisi le juge d'instruction ; qu'en énonçant, s'agissant des mises en examen du chef d'escroquerie, qu'« il n'est pas démontré comment les pourparlers et les audits ont pu constituer des manoeuvres frauduleuses », quand il lui appartenait seulement de vérifier si des indices graves ou concordants rendant vraisemblable la participation des mis en examen existaient, ce que les parties civiles avaient en l'espèce démontré, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 313-1 du code pénal, 80-1 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'en énonçant que' entre 2009 et 2011, le projet d'achat ne portait que sur certains actifs détenus par les filiales de [6] », cependant qu'elle constatait ensuite que « des échanges entre les parties, il ressortait que le prix de l'acquisition demandé en décembre 2010 était de 30 millions d'euros (?) payables en actions de [10] et en cash » et que les parties civiles rappelaient dans leurs écritures qu'il ressortait du procès-verbal de confrontation versé au dossier que le groupe [10] était, en 2011, intéressé par l'acquisition de la totalité du capital de [6], la chambre de l'instruction s'est contredite, a insuffisamment motivé sa décision et a méconnu les articles 313-1 et 593 du code de procédure pénale ;
3°/ que tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'en énonçant qu'il n'était pas démontré de manoeuvres ayant permis aux mis en examen d'acquérir les actifs des sociétés du groupe [6] à vil prix, soit à une valeur fortement dépréciée, cependant qu'elle constatait que le rachat des actifs du groupe « avait été effectué pour environ 890.000 euros », tandis que le prix d'acquisition demandé initialement en décembre 2010 était de « 30 millions d'euros payables en actions de [10] et en cash », la chambre de l'instruction a entaché son arrêt d'une contradiction de motifs et méconnu les articles 313-1 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ;
4°/ que les chambre de l'instruction doivent répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties ; que dans leurs écritures régulièrement déposées, les parties civiles faisaient valoir que [10] avait obtenu frauduleusement certaines informations confidentielles sur les difficultés du groupe [6] et qu'elle s'était désengagée de sa place prépondérante d'administrateur aux pouvoirs exorbitants, afin d'être à même, lors de la liquidation, de se présenter comme un simple actionnaire minoritaire pour racheter les actifs du groupe à vil prix, à la barre du tribunal ; qu'en s'abstenant de répondre à ces chefs péremptoires de conclusions, qui démontraient l'existence de manoeuvres frauduleuses trompeuses constitutives du délit d'escroquerie, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 313-1 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ;
5°/ que les chambre de l'instruction doivent répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties ; que dans leur mémoire, les parties civiles rappelaient que plusieurs éléments versés au dossier de la procédure montraient que [10] avait visé l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre de [6] pour s'approprier à vil prix les actifs de certaines sociétés du groupe [6] ; qu'en s'abstenant de répondre à ces chefs péremptoires des conclusions des parties civiles, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 313-1 et 593 du code de procédure pénale ;
6°/ que les chambre de l'instruction doivent répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'en énonçant que « les parties civiles n'ont pas apporté durant l'instruction ni lors de l'audience devant la cour, de démonstration justifiée ni de preuve que la société [11] devenue [9] a été créée en vue du rachat des actifs de [6] et qui aurait participé à des manoeuvres frauduleuses », quand les écritures déposées au soutien des intérêts des parties civiles rappelaient qu'il ressortait d'un procès-verbal de confrontation versé au dossier de la procédure que l'un des mis en examen avait admis que [10] avait créé une filiale avec le même objet social que certaines entités de la société [6] dont elle venait de se désengager, pour développer la même activité que celle-ci sans toutefois avoir défini de stratégie particulière, ce dont il s'évinçait que la société [11] n'avait en réalité été créée qu'en vue du rachat des actifs de [6], ce qui constituait une manoeuvre frauduleuse constitutive du délit d'escroquerie, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 313-1 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ;
7°/ que les chambre de l'instruction doivent répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties ; que dans leurs écritures, les parties civiles rappelaient « qu'aux termes de la Convention d'investissement, tout rapprochement de [8] avec [3] était expressément prohibé par [10] », de sorte qu'en négociant en secret un partenariat stratégique avec son concurrent direct, le groupe [3], la société [10] avait neutralisé le seul acquéreur potentiel pour le groupe [6], ce qui démontrait l'existence du stratagème visant, pour les mis en examen, à s'approprier à terme et frauduleusement, à vil prix, les actifs des filiales du groupe [7] ; qu'en se bornant à énoncer que « même si l'opération était menée de façon confidentielle, il n'est pas démontré que ce rapprochement a pu priver le groupe [6] d'une solution alternative majeure de reprise », la chambre de l'instruction a insuffisamment motivé sa décision et méconnu les articles 313-1 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ;
8°/ que les chambre de l'instruction doivent répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties ; que l'arrêt attaqué, qui constate que la cour d'appel de Versailles a retenu la responsabilité de [10] dans la procédure en comblement de passif, énonce qu'il n'est pas démontré « qu'un pouvoir réel de direction et de contrôle de la société [10] au sein de [6] et de ses filiales ait pu être caché au tribunal de commerce » ; que dans leur mémoire, les parties civiles soutenaient pourtant qu'il résultait de l'article 8.3 de l'accord d'investissement du 9 mars 2006 que les opérations stratégiques et financières étaient subordonnées au vote positif du représentant de [10], qu'en pratique le vote de [10] était indispensable pour la gestion du Groupe [6] de sorte que [10] avait bien ainsi un rôle de codécideur pour les choix stratégiques du groupe ; qu'en prononçant comme elle l'a fait, sans répondre à ce chef péremptoires des conclusions des parties civiles, la chambre de l'instruction a méconnu l'article 313-1 du code pénal et l'article 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
27. Pour annuler les mises en examen de M. [Z] et de la société [10], l'arrêt attaqué énonce que, si des négociations en vue de l'acquisition du reste du capital de la société [6] avaient été engagées, celles-ci n'avaient pu aboutir, du fait de la dégradation de la situation financière de cette dernière et de ses filiales, imputable à la société [8] et à son actionnaire, les pourparlers et audits ne pouvant constituer des manoeuvres frauduleuses.
28. Les juges ajoutent que la preuve n'est pas rapportée de ce que la société [11] devenue [9] ait été constituée dans le but d'acquérir, à bas prix, les actifs de la société [6], que les négociations avec le groupe [3] n'ont pas privé la société [6] d'un autre repreneur potentiel, et qu'il n'est pas prouvé que la société [10] aurait eu un pouvoir de contrôle réel qui aurait été dissimulé au tribunal de commerce lors de la reprise.
29. En se déterminant ainsi, par des motifs relevant de son appréciation souveraine et de nature à écarter la possibilité que les faits reprochés soient susceptibles de constituer des manoeuvres frauduleuses, la chambre de l'instruction, qui n'avait pas à suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a justifié sa décision.
30. Le moyen doit donc être écarté.
Sur le moyen du pourvoi formé contre l'arrêt du 18 janvier 2024
Enoncé du moyen
31. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de supplément d'information pour mises en examen de M. [Z] et la société [10] des chefs d'escroquerie et d'abus de confiance et a confirmé l'ordonnance entreprise du 26 juin 2023, en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à suivre contre M. [Z] et la société [10] des chefs d'escroquerie et d'abus de confiance, alors :
« 1°/ que la cassation à intervenir sur le pourvoi n° U 21-83.384 dirigé contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles du 25 mai 2021 entraînera la cassation de l'arrêt attaqué ;
2°/ en tout etat de cause, que la décision frappée de pourvoi n'est pas définitive ; que l'arrêt rendu le 25 mai 2021 par la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles a été frappé de pourvoi en cassation, de sorte qu'il n'était pas définitif ; que seul l'examen immédiat de ce pourvoi n'a pas été ordonné par ordonnance du président de la chambre criminelle de la Cour de cassation ; qu'en énonçant, pour justifier sa décision, que « l'arrêt rendu le 25 mai 2021 est définitif » et qu' « il ne peut qu'être constatée l'absence de charges à l'encontre de [L] [Z] et la société [10] (devenue [14]) placés sous le statut de témoin assisté », cependant qu'elle relevait que par ordonnance du 8 novembre 2021, « la Cour de cassation a dit n'y avoir lieu à admettre en l'état le pourvoi de la société [2] », la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision et a méconnu les articles 570, 571 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
32. Pour confirmer l'ordonnance de non-lieu, l'arrêt attaqué énonce que l'arrêt rendu le 25 mai 2021 est devenu définitif, qu'aucun élément nouveau n'est intervenu, et que doit être constatée l'absence de charges à l'encontre de la société [10] et de M. [Z].
33. C'est à tort que les juges indiquent que l'arrêt rendu le 25 mai 2021 était définitif puisque ce dernier avait été frappé de pourvoi.
34. Toutefois, l'arrêt n'encourt pas la censure dès lors que, d'une part, le pourvoi dirigé contre ce même arrêt est rejeté par la présente décision, d'autre part, les juges ont relevé qu'aucun élément nouveau n'était intervenu.
35. Dès lors, le moyen, devenu sans objet dans sa première branche, doit être écarté.
36. Par ailleurs, les arrêts sont réguliers en la forme.
Crim. 25 juin 2025 n° 24-81.440
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° T 24-81.440 F-D
N° 00887
GM 25 JUIN 2025
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 25 JUIN 2025
M. [E] [O] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Rouen, chambre correctionnelle, en date du 29 janvier 2024, qui, pour abus de biens sociaux, banqueroute et travail dissimulé, l'a condamné à un an d'emprisonnement et quinze ans d'interdiction de gérer.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Piazza, conseiller, les observations de la société Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de M. [E] [O], et les conclusions de Mme Viriot-Barrial, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 mai 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Piazza, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le 15 septembre 2017, le mandataire liquidateur de la société [1] a dénoncé au procureur de la République l'existence d'irrégularités susceptibles de qualifications pénales découvertes dans le fonctionnement de la société.
3. A l'issue de l'enquête pénale, M.[E] [O] a été poursuivi devant le tribunal correctionnel, en qualité de gérant de fait de la société pour abus de biens sociaux, banqueroute et travail dissimulé.
4. Par jugement en date du 26 mai 2022, le tribunal correctionnel l'a déclaré coupable des infractions et condamné à deux ans d'emprisonnement, 12 000 euros d'amende et quinze ans d'interdiction de gérer.
5. M. [O] ainsi que le procureur de la République ont relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
6. Le grief n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le moyen, pris en ses autres branches
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [O] coupable des faits qui lui sont reprochés, des chefs d'abus de biens sociaux et de banqueroute par détournement d'actifs, de banqueroute par absence de comptabilité, et de travail dissimulé, et, statuant sur la peine, l'a condamné à une peine d'emprisonnement délictuel d'une année et à une peine complémentaire d'interdiction de gérer pendant une durée de quinze ans, alors :
« 1°/ que le fait, pour un associé, d'effectuer des actes de direction et d'apparaître vis-à-vis des tiers comme responsable ou dirigeant de la société, ne peut lui conférer la qualité de gérant de fait que s'il agit en toute liberté et indépendance, sans rendre compte de ses actes au gérant de droit ; que, pour qualifier M. [O] de dirigeant de fait, et le déclarer coupable des faits de la pousuite, l'arrêt relève, d'une part, qu'il a effectué des actes de direction, sur le plan des ressources humaines, le plan financier, et dans le cadre des contacts commerciaux et administratifs, d'autre part, que, bénéficiant d'un mandat établi par le gérant, il a pu ouvrir un compte associé à une carte bancaire et procéder à des virements à son profit, établir des contrats de travail pour différents salariés, et qu'il a agi, au vu des tiers, notamment des organismes sociaux dont il était l'interlocuteur, comme « administrateur » de la société ; qu'en statuant ainsi, sans caractériser, concrètement, la liberté et l'indépendance dont le prévenu aurait bénéficié dans le cadre de la gestion quotidienne de la société, pour la réalisation de ces « actes de direction », la cour d'appel n'a pas justifié sa décision et violé les articles L. 241-9 et L. 245-16 du code de commerce, ensemble les articles L. 241-3, L. 654-1 et L. 654-2 du code de commerce, L. 8221-1 à L. 8221-6 et L. 8224-1 du code du travail, ensemble l'article 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que dans ses conclusions visées par le greffier, M. [O] contestait fermement, la gestion de fait qui lui était imputée, et tout particulièrement, l'indépendance dont il aurait bénéficié pour effectuer des actes de direction au sein de la société [1] ; qu'il soutenait, preuves à l'appui, que, chaque semaine, le gérant de droit lui « donnait ses consignes pour la gestion administrative (et) juridique de l'établissement », qu'il « n'était à l'origine d'aucune décision sans l'aval de M. [D] » et qu'il avait « assuré ces tâches en suivant les instructions de [M] [D] » ; qu'en laissant ces conclusions sans réponse, et en entérinant la gestion de fait M. [O] au seul constat de ce qu'il avait fait des actes de direction et qu'il apparaissait, au vu de tiers, comme administrateur de la société, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision et violé l'article 593 du code de procédure pénale ;
4°/ qu'il n'y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre ; que pour tenir M. [O] coupable des faits de travail dissimulé, l'arrêt se borne à constater que certains salariés n'ont pas fait l'objet des déclarations nécessaires auprès des organismes sociaux ou fiscaux, ou fait l'objet de déclarations uniquement pour partie de leur période réelle de travail, ou n'ont pas reçu de bulletins de salaire ; qu'en statuant ainsi, sans constater que M. [O] avait agi en connaissance de cause et sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si le prévenu n'avait pas été trompé par le gérant de droit qui lui avait indiqué, ainsi qu'aux enquêteurs, que les déclarations sociales et fiscales avaient été externalisées à un cabinet d'expert-comptable, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision et a violé les articles L. 8221-1 à L. 8221-6 et L. 8224-1 du code du travail, 121-3 du code pénal, ensemble l'article 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Sur le moyen, pris en ses deux premières branches
8. Pour dire établie la gérance de fait de la société par M. [O] et le déclarer coupable des chefs susvisés, l'arrêt attaqué énonce qu'il résulte des déclarations de différents salariés et des investigations effectuées auprès des organismes sociaux et des banques que M. [O] a accompli des actes de direction de la société dans le domaine des ressources humaines et des finances, ainsi que dans le cadre de contrats commerciaux et administratifs.
9. Les juges précisent qu'il a établi les contrats de travail de certains salariés, qu'il était l'interlocuteur des organismes sociaux et qu'il se présentait aux tiers comme l'administrateur de la société.
10. Ils ajoutent que son rôle de gestion de fait n'est pas incompatible avec les interventions du gérant de droit.
11. En se déterminant ainsi, la cour d'appel qui a caractérisé l'existence d'une activité positive de gestion souveraine et indépendante de la part de M. [O] a justifié sa décision.
12. Ainsi, les griefs doivent être écartés.
Sur le moyen, pris en sa quatrième branche
13. Pour dire établi le délit de travail dissimulé à l'égard de M. [O], l'arrêt attaqué énonce qu'il résulte des investigations, notamment des vérifications auprès des organismes sociaux et des auditions des salariés concernés, que ceux-ci n'ont pas fait l'objet de déclarations auprès des organismes sociaux et fiscaux, ont fait l'objet de déclarations partielles portant seulement sur une partie de leur période réelle de travail ou n'ont pas reçu de bulletins de salaires.
14. Les juges précisent que M. [O] avait pris en charge la gestion des embauches de sorte qu'il avait l'obligation, en sa qualité de gérant de fait de la société, de procéder à ces formalités.
15. En se déterminant ainsi, la cour d'appel, qui a caractérisé le délit de travail dissimulé à partir d'éléments tirés du dossier qu'elle a souverainement appréciés et qui pouvait déduire l'élément intentionnel de l'infraction des éléments matériels ci-dessus rappelés, a justifié sa décision.
16. Ainsi, le moyen doit être écarté.
17. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
Crim. 25 juin 2025 n° 24-81.671
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° U 24-81.671 F-D
N° 00888
GM 25 JUIN 2025
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 25 JUIN 2025
M. [L] [R] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Pau, chambre correctionnelle, en date du 25 janvier 2024, qui, pour abus de biens sociaux, faux et usage, non-soumission des documents comptables à l'assemblée générale d'une société à responsabilité limitée, l'a condamné à vingt-quatre mois d'emprisonnement dont quatorze mois avec sursis probatoire, cinq ans d'interdiction de gérer, une confiscation et a prononcé sur les intérêts civils.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Piazza, conseiller, les observations de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de M. [L] [R], et les conclusions de Mme Viriot-Barrial, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 mai 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Piazza, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Mmes [S] [R], [Z] [K] et M. [P] [K], associés de la société [1] avec M. [L] [R], gérant, ont déposé plainte contre lui à la suite de la découverte d'anomalies financières mises en évidence par la vérification fiscale de la société.
3. A l'issue de l'enquête, M. [R] a été poursuivi devant le tribunal correctionnel pour abus de biens sociaux, faux et usage, non-soumission des documents comptables à l'assemblée générale d'une société à responsabilité limitée et défaut de dépôt des comptes annuels au greffe du tribunal de commerce.
4. Par jugement en date du 5 juillet 2021, le tribunal correctionnel a déclaré M. [R] coupable de ces infractions et l'a condamné à vingt-quatre mois d'emprisonnement dont quatorze mois avec sursis probatoire, 500 euros d'amende, cinq ans d'interdiction de gérer et une mesure de confiscation. Sur l'action civile, le tribunal a notamment reçu la constitution de partie civile de Mmes [S] [R], [Z] [K], M. [P] [K] et condamné M. [R] à payer les sommes de 90 879 et 30 000 euros à Mme [S] [R], 56 393 et 30 000 euros à Mme [Z] [K], 131 158 et 30 000 euros à M. [P] [K], en réparation de leurs préjudices matériel et moral respectifs.
5. M. [R] a relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le deuxième moyen
6. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [R] coupable du délit de non-soumission des documents comptables à l'assemblée générale d'une société à responsabilité limitée et l'a condamné pénalement et civilement, alors « que l'article L. 241-5 du code de commerce, d'interprétation stricte, ne réprime que le fait, pour les gérants, de ne pas avoir soumis à l'approbation de l'assemblée des associés l'inventaire, les comptes annuels et le rapport de gestion établis pour chaque exercice ; qu'en déclarant M. [R] coupable de ce délit parce qu'il n'avait pas soumis à l'assemblée des associés de la Sarl [1] l'inventaire, les comptes annuels et le rapport de gestion pour les exercices 2012, 2013 et 2014 « dans les six mois de la clôture de chacun des exercices concernés », cependant que la soumission tardive de ces documents par rapport au délai prévu par l'article L. 223-6 du code de commerce ne constitue pas une infraction pénale, la cour d'appel a violé l'article L. 241-5 du même code, ensemble l'article 111-4 du code pénal et l'article 7 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 241-5 du code de commerce :
8. Est constitutif du délit prévu par ce texte le fait, pour les gérants de sociétés à responsabilité limitée, de ne pas soumettre à l'approbation de l'assemblée des associés ou de l'associé unique l'inventaire, les comptes annuels et le rapport de gestion établis pour chaque exercice.
9. Pour déclarer M. [R] coupable du délit de non-soumission des documents comptables à l'assemblée générale d'une société à responsabilité limitée, l'arrêt attaqué énonce que l'inventaire, les comptes annuels et le rapport de gestion des exercices 2012, 2013 et 2014 n'ont pas été soumis par le prévenu, gérant de la société, à l'assemblée des associés dans les six mois de leur clôture.
10. Les juges précisent que le prévenu a exposé avoir proposé l'approbation des comptes des exercices 2012 et 2013 à l'assemblée générale des associés du 2 février 2015 et qu'à cette date, la décision a été ajournée en raison de l'incertitude du régime fiscal de la société faisant l'objet d'échanges avec l'administration fiscale et d'une consultation auprès d'un avocat spécialisé.
11. Ils en déduisent que l'infraction est constituée puisqu'il n'est justifié d'aucune impossibilité absolue de présenter les comptes à l'approbation des associés dans le délai de la loi, le contentieux avec l'administration fiscale ne pouvant justifier cette circonstance.
12. En prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé pour les motifs qui suivent.
13. Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 22 mars 2012, qui a modifié l'article L. 241-5 du code de commerce, ne se trouve plus réprimé le fait de ne pas procéder à la réunion de l'assemblée des associés dans les six mois de la clôture de l'exercice ou, en cas de prolongation, dans le délai fixé par décision de justice.
14. Il s'en déduit que le seul retard dans la soumission des documents comptables à l'assemblée des associés ou de l'associé unique d'une société à responsabilité limitée n'est pas constitutif d'infraction pénale.
15. La cassation est par conséquent encourue de ce chef, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre grief.
Et sur le cinquième moyen
Enoncé du moyen
16. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré recevables les constitutions de partie civile de Mme [S] [R], M. et Mme [K] et a condamné M. [R] à leur payer respectivement les sommes de 90 879 euros, 56 393 euros et 131 158 euros en réparation de leur préjudice financier et la somme de 5 000 euros en réparation de leur préjudice moral, alors :
« 1°/ que hors le cas d'exercice de l'action ut singuli, les associés d'une société victime d'un abus de biens sociaux sont irrecevables à se constituer partie civile pour obtenir la réparation d'un préjudice résultant de la perte des gains escomptés, qui ne constitue pas un préjudice propre, distinct du préjudice social, découlant directement de l'infraction ; qu'en déclarant recevables les constitutions de parties civiles de Mme [S] [R], Mme [Z] [K] et M. [P] [K], associés de la Sarl [1] dès lors qu'ils auraient sollicité la réparation d'un « préjudice personnel résultat directement des infractions commises par M. [R] au préjudice de (cette) société, (celui-ci), consistant dans la différence (prétendue) entre les sommes qu'ils auraient dû percevoir en fonction (des) bénéfices (de la société) sur la base desquels ils (avaient été) imposés par l'administration fiscale et les sommes, inférieures, par eux effectivement perçues, du fait des détournements imput(és) à (ce dernier) » et en faisant droit à ces demandes, cependant qu'à la supposer établie, la différence entre les bénéfices qui leur avaient été distribués et ceux qui auraient dû l'être résultant d'une diminution de l'actif social de la société [1] n'était donc pas un préjudice propre des associés, distinct du préjudice social, découlant directement de l'abus de biens sociaux imputé à M. [R], de sorte qu'il appartenait à la cour d'appel de déclarer irrecevables leurs constitutions de partie 51 civile, elle a violé les articles 2 et 3 du code de procédure pénale, ensemble l'article L. 241-3, 4°, du code de commerce ;
2°/ que le préjudice propre des associés d'une société victime d'abus de biens sociaux, distinct du préjudice social, découlant directement de l'infraction doit être réparé sans perte ni profit pour eux ; qu'en condamnant M. [R], pour réparer un préjudice « direct et personnel » subi par Mme [S] [R], Mme [Z] [K] et M. [P] [K], résultant de ce qu'ils auraient été imposés, en partie, sur des bénéfices qui ne leur auraient pas été distribués en raison des « détournements » imputés à M. [R], à leur payer la somme globale de 278 430 euros correspondant à la différence prétendue entre les bénéfices qui leur avaient été distribués et ceux qui auraient dû l'être, tandis que ce préjudice ne pouvait être réparé, sans perte ni profit, que par l'allocation du montant de la fraction d'impôts calculée sur l'assiette de cette différence et non, comme elle l'a fait, une fraction de l'actif social reconstitué, la cour d'appel a violé les articles 2 et 3 du code de procédure pénale, ensemble l'article 1240 du code civil ;
3°/ que le dommage résultant d'une infraction doit être réparé sans perte ni profit pour la victime ; qu'en condamnant M. [R] à payer à Mme [S] [R] et Mme [Z] [K] respectivement les sommes de 90 879 euros, et 56 393 euros correspondant à la différence prétendue entre les bénéfices qui leur avaient été distribués et ceux qui auraient dû l'être, sans répondre au moyen de M. [R], tiré de ce que, les sommes inscrites en débit de leurs comptes-courants d'associé, que l'enquête avait révélées, devaient être déduites du quantum de leurs prétentions indemnitaires car, si les bénéfices sur lesquels elles avaient été imposées leur avaient été effectivement distribués, il n'en reste pas moins que ces sommes n'en auraient pas moins été déduites pour apurer la créance détenue par la société à leur encontre, la cour d'appel a violé les articles 2 et 3 du code de procédure pénale, ensemble l'article 1240 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 593 du code de procédure pénale :
17. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
18. Pour confirmer la condamnation de M. [R] à payer à Mmes [R], [K] et M. [K], les sommes respectives de 90 879, 56 393 et 131 158 euros en réparation de leurs préjudices matériels et de 5 000 euros chacun en réparation de leur préjudice moral, l'arrêt attaqué énonce qu'ils justifient d'un préjudice personnel consistant dans la différence entre les sommes qu'ils auraient dû percevoir en fonction des bénéfices de la société [1] sur la base desquelles ils ont été imposés par l'administration fiscale et les sommes, inférieures, effectivement perçues, du fait des détournements imputables à M. [R].
19. Les juges précisent que la contestation opposée par M. [R] relativement au montant des sommes effectivement perçues par les parties civiles est dépourvue de pertinence, dès lors que le calcul qu'il propose prend en compte des sommes perçues dans le cadre de la succession de [X] [R] et de la vente d'une parcelle qui ne fait pas partie des terrains d'assiette du lotissement.
20. Ils ajoutent que la commission des infractions dans un cadre familial justifie l'existence d'un préjudice moral.
21. En se déterminant ainsi, sans mieux préciser la nature et le montant des chefs de préjudice retenus, l'arrêt attaqué, qui ne met pas la Cour de cassation en mesure de s'assurer que seul a été indemnisé le préjudice direct et personnel de Mmes [R], [K] et de M. [K] résultant des faits objet de la poursuite et qui ne répond pas aux conclusions du prévenu sur la prise en compte du montant de leurs comptes courants créditeurs, n'a pas justifié sa décision.
22. La cassation est par conséquent encore encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
23. La cassation sera limitée à la culpabilité du chef de non-soumission des documents comptables à l'assemblée générale d'une société à responsabilité limitée, aux peines et aux dispositions civiles. Les autres dispositions seront donc maintenues.
24. Il n'y a pas lieu d'examiner les autres moyens de cassation proposés.
Crim. 25 juin 2025 n° 24-80.445
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° M 24-80.445 F-D
N° 00886
GM 25 JUIN 2025
CASSATION SANS RENVOI
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 25 JUIN 2025
Le procureur général près la cour d'appel de Lyon ainsi que la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, partie civile, ont formé des pourvois contre l'arrêt de ladite cour d'appel, 7e chambre, en date du 11 janvier 2024, qui a prononcé sur la requête en restitution d'objet confisqué formée par Mme [R] [C].
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Piazza, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, les observations de la société Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [R] [C] et les conclusions de Mme Viriot-Barrial, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 mai 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Piazza, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Par jugement en date du 27 janvier 2019, le tribunal correctionnel, après avoir déclaré M. [O] [M] coupable d'escroquerie, a notamment ordonné la confiscation d'un immeuble.
3. Par requête en date du 25 novembre 2020, Mme [R] [C], divorcée de M. [M], a sollicité, à titre principal, la restitution de l'immeuble et, à titre subsidiaire, le cantonnement de la confiscation à la quote-part des droits détenus sur celui-ci par son ex-mari.
4. Par jugement en date du 10 septembre 2021, le tribunal correctionnel a fait droit à sa demande et a ordonné la restitution de l'immeuble à son profit.
5. Le ministère public, les parties civiles ainsi que Mme [C] ont relevé appel du jugement.
Examen de la recevabilité du pourvoi formé par la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône contesté par les autres parties
6. La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Rhône a un intérêt à contester la restitution de l'immeuble, dont la confiscation conditionne l'application de l'article 706-164 du code de procédure pénale lorsque, comme en l'espèce, le tiers ayant des droits sur le bien confisqué n'ayant pas été appelé à la procédure au moment du jugement, sa demande est formée au stade de l'exécution de la confiscation devenue définitive.
7. Son pourvoi est, en conséquence, recevable.
Examen des moyens
Sur le quatre premiers moyens proposés par le procureur général et les deux premiers moyens proposés pour la caisse primaire d'assurance maladie
8. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le troisième moyen, pris en ses première et quatrième branches, proposé pour la caisse primaire d'assurance maladie
Enoncé du moyen
9. Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement ayant ordonné la restitution à Mme [C] de l'immeuble dont la confiscation a été ordonnée à l'encontre de M. [M], par jugement du tribunal correctionnel de Lyon du 17 janvier 2019, alors :
« 1°/ que, saisie en application de l'article 710 du code de procédure pénale d'une requête portant sur une difficulté d'exécution de la mesure de confiscation d'un bien immobilier acquis en commun par deux époux et définitive à l'égard du mari, condamné pénalement, la cour d'appel est tenue de statuer sur la demande de l'épouse, non condamnée, après avoir précisé si celle-ci doit être considérée ou non comme propriétaire de bonne foi de sa part de la communauté ; que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier sa décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que pour ordonner au profit de Mme [C] la restitution du bien immobilier dont la confiscation a été prononcée à l'encontre de son ex-époux, suite à la condamnation définitive de ce dernier du chef d'escroquerie par le jugement du tribunal correctionnel de Lyon du 17 janvier 2019, dont elle était propriétaire en commun avec lui dans le cadre du régime matrimonial de la communauté réduite aux acquêts, la cour d'appel relève qu'il n'est pas contesté que « [R] [C] n'a pas été convoquée devant le tribunal correctionnel de Lyon à l'occasion de la procédure pénale dont a été l'objet son époux » et n'a « donc pas pu faire valoir ses observations et moyens devant la juridiction qui a prononcé la mesure de confiscation » ; qu'elle ajoute qu'il « n'est pas non plus contesté que [R] [C] n'a jamais été mise en cause dans le cadre de la procédure pénale diligentée à l'encontre de son époux, [O] [M], elle n'a notamment été ni entendue, ni mise en examen et encore moins poursuivie pour quelque cause que ce soit et notamment pour des faits de recel ou de blanchiment du produit venant d'un délit » ; qu'en se bornant ainsi à déduire la bonne foi de la requérante de son défaut de mise en cause dans le cadre de la procédure pénale diligentée à l'encontre de son époux et de son absence de convocation devant le tribunal correctionnel de Lyon, sans avoir nullement répondu à l'argumentation précise et détaillée de la CPAM du Rhône développée dans ses conclusions d'appel, démontrant la nécessaire connaissance par Mme [C] des infractions commises par son époux et de l'anormalité du niveau de vie de son ménage, antérieurement et durant la période de prévention, de nature à établir sa mauvaise foi manifeste, exclusive de toute restitution, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale en violation des articles 131-21 du code pénal, 593 et 710 du code de procédure pénale ;
4°/ que en vertu de l'article 1er du protocole n°1 à la Convention européenne des droits de l'homme, les dispositions protectrices du droit de toute personne au respect de ses biens ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes; que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier sa décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que dans ses conclusions régulièrement déposées, la CPAM du Rhône, partie civile, contestait l'interprétation du tribunal relative à l'atteinte portée au droit de propriété de la requérante, déduite de la seule constatation du caractère illusoire de la récompense due par son ex-époux du fait de l'insuffisance d'actifs, en l'absence de toute garantie légale d'effectivité du droit à la récompense ; qu'elle démontrait ainsi que le droit à récompense, défini par la loi préservait son droit de propriété sans qu'aucune disposition ne prévoie qu'il puisse être mis à la charge de l'Etat, ce dernier n'étant en aucun cas tenu de garantir que ce droit soit systématiquement rempli ; qu'elle soutenait alors que « cela reviendrait à créer un mécanisme de garantie au bénéfice d'un tiers supérieur à la garantie accordée aux victimes par le truchement des saisies gérées par l'AGRASC qui elles, ne peuvent être assurées d'être intégralement indemnisées », de sorte que « neutraliser l'efficacité du processus existant dans le seul but de préserver le droit de propriété de l'époux de bonne foi ferait primer ses intérêts sur ceux des victimes, ce qui est manifestement disproportionné » ; que loin de s'expliquer sur ces arguments déterminants de nature à exclure toute atteinte disproportionnée au droit de propriété de la requérante, la cour d'appel se borne, pour confirmer le jugement ayant ordonné la restitution, à relever à son tour, que « eu égard à la clôture pour insuffisance d'actifs de sa liquidation judiciaire de [O] [M] et autres peines, dommages et intérêts et confiscations prononcées par le jugement du 17 janvier 2019, le versement par [O] [M] d'une récompense à la communauté, correspondant à la perte subie du fait de la confiscation de l'immeuble, est illusoire, et en tout état de cause et surtout porte une atteinte disproportionnée au droit de propriété de [R] [C] » ; qu'en conditionnant ainsi la confiscation du bien commun à la certitude pour l'épouse non condamnée pénalement de pouvoir obtenir une récompense effective, sans avoir même recherché, comme elle y était invitée, si la protection ainsi accordée au droit de propriété de l'épouse n'était pas excessive et contraire à l'intérêt général car portant atteinte aux intérêts des victimes, organismes sociaux, en les privant de leur droit à indemnisation au seul profit de cette dernière, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1er du protocole n°1 à la Convention européenne des droits de l'homme, 131-21 du code pénal, 593 et 710 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
10. Pour retenir la bonne foi de Mme [C] et le caractère disproportionné de la confiscation ordonnée, l'arrêt attaqué énonce que l'immeuble a été acquis le 19 juin 2009 par Mme [C] et M. [M], mariés depuis 2001 sous le régime de la communauté légale, financé par un apport personnel et le recours à un prêt bancaire, et qu'il ne peut constituer le produit direct ou indirect d'une infraction.
11. Les juges précisent que le jugement du tribunal correctionnel du 17 juin 2019 a ordonné la confiscation de l'immeuble à l'égard de M. [M] pour des faits d'escroquerie à la CPAM commis du 1er janvier 2010 au 23 janvier 2015, sans convoquer Mme [C], à l'égard de laquelle aucun fait pénalement répréhensible n'a été établi ni aucune poursuite n'a été engagée.
12. Ils relèvent que la clôture pour insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire prononcée à l'égard de M. [M] ainsi que les condamnations prononcées contre lui rendent illusoire le paiement de la récompense due par M. [M] à la communauté en cas de confiscation de l'immeuble.
13. En se déterminant ainsi par des motifs relevant de son appréciation souveraine, la cour d'appel a justifié sa décision.
Mais sur le cinquième moyen proposé par le procureur général et le troisième moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, proposé pour la caisse primaire d'assurance maladie
Enoncé des moyens
14. Le moyen proposé par le procureur général fait grief à l'arrêt attaqué, au visa des articles 131-21, 313-7, 4°, du code pénal, 1417 du code civil, d'avoir confirmé le jugement ayant ordonné la restitution de l'immeuble, alors que la chambre civile de la Cour de cassation, dans un avis du 5 mars 2020, et la chambre criminelle de la dite Cour, dans ses arrêts des 9 septembre 2020 et 30 mars 2022, ont dit possible la confiscation d'un immeuble appartenant à la communauté des époux, tandis que les droits du conjoint de bonne foi sont préservés par l'antépénultième alinéa de l'article 131-21 du code susvisé lors de la vente de l'immeuble.
15. Le moyen proposé pour la caisse primaire d'assurance maladie fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement ayant ordonné la restitution à Mme [C] de l'immeuble dont la confiscation a été ordonnée à l'encontre de M. [M], par jugement du tribunal correctionnel de Lyon du 17 janvier 2019, alors :
« 2°/ que selon le dernier état de la jurisprudence de la chambre criminelle rendue au visa des articles 1er du Protocole additionnel n°1 à la Convention européenne des droits de l'homme et 131-21 du code pénal, lorsqu'a été confisqué un bien commun en répression d'une infraction commise par l'un des époux, que la requête est présentée par l'époux non condamné pénalement, et que ce dernier est de bonne foi, la juridiction pénale ne peut ordonner la restitution de ses droits à l'époux de bonne foi, la confiscation faisant naître un droit à récompense pour la communauté lors de la dissolution de celle-ci (Crim., 9 septembre 2020, pourvoi n° 18-84.619) ; que dans ce cas, il appartient à la cour d'appel, statuant sur le bienfondé de la requête en restitution d'un bien commun placé sous main de justice, d'abord de s'assurer du caractère confiscable du bien dont la restitution est sollicitée, en application des conditions légales, en précisant la nature et l'origine de ce bien ainsi que le fondement de la mesure (Crim., 27 juin 2018, pourvoi n° 16-87.009, Bull. crim. 2018, n° 128) ; qu'en confirmant le jugement ayant ordonné la restitution au profit de Mme [C] du bien immobilier dont la confiscation avait été prononcée à l'encontre de son époux par le jugement du tribunal correctionnel de Lyon du 17 janvier 2019, et dont elle était propriétaire en commun avec lui dans le cadre du régime matrimonial de la communauté réduite aux acquêts, sans avoir ni recherché ni précisé le fondement de la mesure de confiscation litigieuse, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des textes et principes susvisés et des articles 593 et 710 du code de procédure pénale ;
3°/ que selon le dernier état de la jurisprudence de la chambre criminelle rendue au visa des articles 1er du Protocole additionnel n°1 à la Convention européenne des droits de l'homme et 131-21 du code pénal, lorsqu'a été confisqué un bien commun en répression d'une infraction commise par l'un des époux, que la requête est présentée par l'époux non condamné pénalement, et que ce dernier est de bonne foi, la juridiction pénale ne peut ordonner la restitution de ses droits à l'époux de bonne foi, la confiscation faisant naître un droit à récompense pour la communauté lors de la dissolution de celle-ci (Crim., 9 septembre 2020, pourvoi n° 18-84.619) ; que dans ce cas, il appartient à la cour d'appel, statuant sur le bienfondé de la requête en restitution d'un bien commun placé sous main de justice, de s'assurer d'abord du caractère confiscable du bien dont la restitution est sollicitée, en application des conditions légales, en précisant la nature et l'origine de ce bien ainsi que le fondement de la mesure (Crim., 27 juin 2018, pourvoi n° 16-87.009, Bull. crim. 2018, n° 128) ; qu'il lui appartient ensuite d'apprécier si, nonobstant la reconnaissance d'un droit à récompense pour la communauté, il y a lieu de confirmer la confiscation en tout ou partie, en restituant tout ou partie du bien à la communauté, au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité et de la situation de son auteur, ainsi que de la situation personnelle de l'époux de bonne foi, en s'expliquant, hormis le cas où la confiscation, qu'elle soit en nature ou en valeur, porte sur un bien qui, dans sa totalité, constitue l'objet ou le produit de l'infraction, sur le caractère proportionné de l'atteinte portée au droit de propriété de l'époux de bonne foi lorsqu'une telle garantie est invoquée, ou procéder à cet examen d'office lorsqu'il s'agit d'une confiscation de tout ou partie du patrimoine (Crim., 30 mars 2022, n° 21-82.217) ; qu'en se bornant à confirmer le jugement ayant ordonné au seul profit de Mme [C] la restitution du bien immobilier dont la confiscation avait été prononcée à l'encontre de son époux par le jugement du tribunal correctionnel de Lyon du 17 janvier 2019, et dont elle était propriétaire en commun avec lui dans le cadre du régime matrimonial de la communauté réduite aux acquêts, sans s'être nullement expliquée sur les circonstances de l'infraction, ni sur la personnalité de son auteur, pas plus que sur la situation personnelle de Mme [C], qui, en sa qualité d'infirmière libérale, ne pouvait ignorer que les revenus dégagés par son ex-époux étaient à l'évidence incompatibles avec un exercice régulier de leur profession commune, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des textes et principes susvisés et des articles 593 et 710 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
16. Les moyens sont réunis.
Vu les articles 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention européenne des droits de l'homme, 131-21 du code pénal, 710 du code de procédure pénale et 1417 du code civil :
17. Il résulte des trois premiers de ces textes que doit être examinée au regard des premier et deuxième de ceux-ci la requête de toute personne non condamnée pénalement qui est propriétaire d'un bien confisqué et soulève des incidents contentieux relatifs à l'exécution de la décision pénale ordonnant la confiscation.
18. En application du dernier, la confiscation, qui constitue une pénalité évaluable en argent, est susceptible de faire naître un droit à récompense pour la communauté lors de la dissolution de celle-ci.
19. Il en résulte que lorsque le bien confisqué constitue un bien commun à la personne condamnée et à son conjoint, la confiscation du bien prononcée en répression d'une infraction commise par l'un des époux emporte sa dévolution pour le tout à l'Etat, sans qu'il demeure grevé des droits de l'époux non condamné pénalement, y compris lorsque ce dernier est de bonne foi, mais elle est susceptible de faire naître un droit à récompense pour la communauté.
20. Après condamnation emportant confiscation définitive du bien commun, il appartient à la cour d'appel saisie d'une requête en difficulté d'exécution par l'époux non condamné pénalement d'apprécier sa bonne foi et, si celle-ci est retenue, de se prononcer sur le caractère proportionné de l'atteinte portée à son droit de propriété lorsqu'une telle garantie est invoquée pour décider de la restitution de tout ou partie du bien à la communauté.
21. Pour ordonner la restitution de l'immeuble à Mme [C], l'arrêt attaqué énonce que celle-ci est de bonne foi et retient le caractère disproportionné de la confiscation ordonnée.
22. En statuant ainsi, alors que la restitution de tout ou partie du bien ne pouvait être ordonnée qu'au bénéfice de la communauté, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.
23. La cassation est par conséquent encourue.
Portée et conséquences de la cassation
24. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.
Crim. 25 juin 2025 n° 23-84.452
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° W 23-84.452 F-D
N° 00885
GM 25 JUIN 2025
DECHEANCE CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 25 JUIN 2025
La société [8] et la direction générale des finances publiques, parties civiles, ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 9e chambre, en date du 5 juillet 2023, qui, statuant sur renvoi après cassation (Crim., 20 janvier 2021, pourvoi n° 19-84.982), les a déboutées de leurs demandes après relaxe de M. [V] [H] des chefs de faux et usage, escroquerie.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Clément, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société [8], les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [V] [H], les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur général des finances publiques, agissant pour le directeur départemental des finances publiques des Hauts-de-Seine, et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 28 mai 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Clément, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. L'arrêt attaqué se prononce sur deux procédures, qu'il a jointes.
3. La première a été initiée par la plainte avec constitution de partie civile déposée par la société [8], pour dénoncer des faits de faux et usage, et escroquerie commis à l'occasion de la cession par M. [V] [H] à la plaignante de son groupe [2], constitué de plusieurs sociétés spécialisées dans la réalisation de projets informatiques.
4. La société [8] a déclaré avoir découvert que les résultats du groupe avaient été surévalués en raison de l'émission par plusieurs sociétés de factures ne correspondant à aucune prestation réelle.
5. Etaient notamment concernées vingt-deux factures émises par la société [12] au profit de la société [14], dirigée par M. [J] [U].
6. Il est apparu que ce dernier aurait établi et signé neuf rapports d'activité mensuels à l'entête de [14] faisant état de l'exécution de prestations qui n'avaient jamais été réalisées, faits pour lesquels il a été renvoyé devant le tribunal correctionnel du chef de faux.
7. M. [H] a été renvoyé devant le tribunal correctionnel du chef de faux et usage de faux pour avoir réalisé des fausses factures au nom des sociétés [2], [12], [1], correspondant à des prestations fictives payées, et en avoir usé, ainsi que du chef d'escroquerie pour avoir, par la création de fausses factures et leur paiement, augmenté frauduleusement le résultat d'exploitation du groupe [2] dont il était l'unique actionnaire, afin de déterminer la société [8] à conclure un contrat de cession dont le prix était déterminé sur la base d'éléments faussés, et à verser ainsi à M. [H] des sommes qui ne lui étaient pas dues.
8. Les juges du premier degré ont reconnu les prévenus coupables des faits qui leur étaient reprochés. Sur l'action civile, ils ont déclaré M. [H] entièrement responsable du préjudice subi par la société [8], ordonné une mission d'expertise afin d'évaluer la valeur réelle du groupe [2] au moment de son achat, et renvoyé l'affaire à une audience ultérieure pour statuer sur l'ensemble des demandes.
9. MM. [H] et [U] ainsi que le procureur de la République ont formé appel de cette décision, qui a été confirmée par l'arrêt du 19 juin 2019 ayant fait l'objet de la cassation précitée.
10. La seconde procédure a fait suite aux plaintes déposées par le directeur départemental des finances publiques des Hauts-de-Seine, les 24 juillet 2014 et 16 septembre 2016, pour dénoncer les conditions dans lesquelles les sociétés [1], [12] et [5], appartenant au groupe [2], avaient obtenu un crédit d'impôts recherche pour les années 2009, 2010 et 2011.
11. La société [8] a également déposé plainte le 14 avril 2015 pour escroquerie, complicité d'escroquerie, faux et usage, en dénonçant le fait que M. [H] avait sollicité, juste avant la cession, des crédits d'impôt recherche pour les sociétés [1] et [12], au titre des années 2009, 2010 et 2011, en toute connaissance de leur caractère indu, dans le seul but d'augmenter le montant de la trésorerie nette provisoire. La société [8] a réitéré sa plainte le 15 juillet 2015 en se constituant partie civile.
12. M. [H] a été renvoyé devant le tribunal correctionnel des chefs de faux et usage, escroquerie et fraude fiscale.
13. Par jugement du 27 novembre 2020, il a été relaxé des chefs de faux et usage, mais déclaré coupable d'escroquerie et de fraude fiscale.
14. Sur l'action civile, le tribunal a reçu le directeur général des finances publiques en sa constitution de partie civile, dit que M. [H] serait solidairement tenu avec la société [5] au paiement des impôts fraudés et des pénalités y afférentes, octroyé à la société [8] la somme de 2 856 030,40 euros en réparation de son préjudice financier, et celle de 25 000 euros en réparation de son préjudice de désorganisation et d'atteinte à son image et sa réputation.
15. Le ministère public, M. [H] et la direction générale des finances publiques ont relevé appel de ce jugement.
Déchéance du pourvoi formé par la direction générale des finances publiques
16. La direction générale des finances publiques n'a pas déposé dans le délai légal, personnellement ou par son avocat, un mémoire exposant ses moyens de cassation. Il y a lieu, en conséquence, de la déclarer déchue de son pourvoi par application de l'article 590-1 du code de procédure pénale.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses première et troisième à dixième branches
17. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen, pris en ses onzième, douzième et treizième branches
Enoncé du moyen
18. Le premier moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a infirmé le jugement du tribunal correctionnel de Nanterre du 20 février 2018 en toutes ses dispositions pénales ; a renvoyé M. [H] des fins de la poursuite s'agissant des faits de faux commis courant 2012 et jusqu'au 31 décembre 2012 à [Localité 11] et [Localité 10] ; l'a renvoyé des fins de la poursuite s'agissant des faits d'usage de faux commis courant 2012 et jusqu'au 31 décembre 2012 à [Localité 11] et [Localité 10] ; l'a renvoyé des fins de la poursuite s'agissant des faits d'escroquerie commis courant 2012 et jusqu'au 31 décembre 2012 à [Localité 11] et [Localité 10] au préjudice de la société [8] ; a infirmé en conséquence le jugement du tribunal correctionnel de Nanterre du 20 février 2018 en toutes ses dispositions civiles sauf en ce qu'il a déclaré recevable la constitution de partie civile de la société [8], alors :
« 11°/ que la juridiction de jugement est saisie des infractions de sa compétence par le renvoi ordonné par la juridiction d'instruction ; qu'en l'espèce, par son ordonnance du 16 décembre 2016, le juge d'instruction a renvoyé M. [H] devant le tribunal correctionnel des chefs de faux, usage de faux et escroquerie, pour « avoir réalisé des fausses factures au nom des sociétés [3], [12], [1] [?] pour un montant de 1.413.812,60 euros », pour avoir « fait usage de [ces] fausses factures » et pour avoir augmenté frauduleusement le résultat d'exploitation du groupe [2], afin de déterminer la société [8] à conclure un contrat de cession dont le prix était déterminé sur la base d'éléments faussés, « par la création de [ces] fausses factures et leur paiement », ces faits ayant été commis « courant 2012 et jusqu'au 31 décembre 2012 » ; que le montant de 1 413 812,60 euros correspond exactement à celui des quatre vingt-quatre fausses factures visées dans la plainte avec constitution de partie civile de la société [8] en date du 28 mai 2013 ; que si certaines de ces factures sont datées de l'année 2011 tandis que l'ordonnance vise des faits commis « courant 2012 et jusqu'au 31 décembre 2012 », le juge d'instruction a retenu que les factures étaient « toutes antidatées, faussement numérotées et enregistrées à une place fictive en comptabilité » ; qu'en retenant néanmoins que « toutes les factures datées de 2011 précitées arguées de faux sont exclues du champ de la prévention de sorte que les faits de faux reprochés à [V] [H] concernent les seules factures datées de 2012, soit 7 factures d'un montant total de 184 120 ¿ hors taxes », la cour d'appel a violé les articles 388 et 512 du code de procédure pénale ;
12°/ que la juridiction de jugement est saisie des infractions de sa compétence par le renvoi ordonné par la juridiction d'instruction ; que lorsqu'elle constate que le fait poursuivi n'a pas été commis à la date visée par la prévention, mais à une autre date qu'elle détermine, elle en demeure saisie ; que le fait n'étant alors pas distinct de celui visé par la prévention il n'y a pas lieu de recueillir l'accord de la personne poursuivie pour être jugée sur ce fait commis à une autre date ; qu'en l'espèce, par son ordonnance du 16 décembre 2016, le juge d'instruction a renvoyé M. [H] devant le tribunal correctionnel des chefs de faux, usage de faux et escroquerie, pour « avoir réalisé des fausses factures au nom des sociétés [3], [12], [1] [?] pour un montant de 1 413 812,60 euros », pour avoir « fait usage de [ces] fausses factures » et pour avoir augmenté frauduleusement le résultat d'exploitation du groupe [2], afin de déterminer la société [8] à conclure un contrat de cession dont le prix était déterminé sur la base d'éléments faussés, « par la création de [ces] fausses factures et leur paiement », ces faits ayant été commis « courant 2012 et jusqu'au 31 décembre 2012 » ; que le montant de 1 413 812,60 euros correspond exactement à celui des quatre vingt-quatre fausses factures visées dans la plainte avec constitution de partie civile de la société [8] en date du 28 mai 2013 ; que si certaines de ces factures sont datées de l'année 2011 tandis que l'ordonnance vise des faits commis « courant 2012 et jusqu'au 31 décembre 2012 », le juge d'instruction a retenu que les factures étaient « toutes antidatées, faussement numérotées et enregistrées à une place fictive en comptabilité » ; qu'en retenant, pour relaxer M. [H] des fins de la poursuite, que Mme [T] « n'a jamais soutenu que les factures de 2011 avaient été émises en 2012 » mais que « les factures étaient produites plus tard [et] [?] qu'elle ne se souvenait plus précisément de la date », que « [V] [H] est notamment poursuivi pour des faits de faux commis courant 2012 et jusqu'au 31 décembre 2012 », que « cette prévention exclut du périmètre de saisine de ma cours les faits de faux antérieurs et postérieurs à l'année 2012 », et qu' « ainsi, [?] toutes les factures datées de 2011 précitées arguées de faux sont exclues du champ de la prévention de sorte que les faits de faux reprochés à [V] [H] concernent les seules factures datées de 2012, soit 7 factures d'un montant total de 184 120 ¿ hors taxes », quand le fait que le juge d'instruction ait commis une erreur sur la date à laquelle les factures datées de 2011 avaient été établies ne dispensait pas la cour d'appel de son obligation de rechercher si elles constituaient des faux ou des manoeuvres frauduleuses ayant trompé la société [8] et l'ayant déterminée à remettre à M. [H] des fonds, la cour d'appel a violé les articles 388 et 512 du code de procédure pénale ;
13°/ que la juridiction de jugement est saisie des infractions de sa compétence par le renvoi ordonné par la juridiction d'instruction ; qu'en l'espèce, par son ordonnance du 16 décembre 2016, le juge d'instruction a renvoyé M. [H] devant le tribunal correctionnel des chefs de faux, usage de faux et escroquerie, pour « avoir réalisé des fausses factures au nom des sociétés [3], [12], [1] [?] pour un montant de 1 413 812,60 euros », pour avoir « fait usage de [ces] fausses factures » et pour avoir augmenté frauduleusement le résultat d'exploitation du groupe [2], afin de déterminer la société [8] à conclure un contrat de cession dont le prix était déterminé sur la base d'éléments faussés, « par la création de [ces] fausses factures et leur paiement », ces faits ayant été commis « courant 2012 et jusqu'au 31 décembre 2012 » ; qu'en retenant, pour relaxer M. [H] des fins de la poursuite, que Mme [T] « n'a.jamais soutenu que les factures de 2011 avaient été émises en 2012 » mais que « les factures étaient produites plus tard [et] [?] qu'elle ne se souvenait plus précisément de la date », que « [V] [H] est notamment poursuivi pour des faits de faux commis courant 2012 et jusqu'au 31 décembre 2012 », que « cette prévention exclut du périmètre de saisine de ma cours les faits de faux antérieurs et postérieurs à l'année 2012 », et qu' « ainsi, [?] toutes les factures datées de 2011 précitées arguées de faux sont exclues du champ de la prévention de sorte que les faits de faux reprochés à [V] [H] concernent les seules factures datées de 2012, soit 7 factures d'un montant total de 184 120 ¿ hors taxes », quand l'ordonnance de renvoi ne visait pas seulement la création des factures mais également leur utilisation et leur paiement, dont il n'était pas contesté qu'ils étaient survenus en 2012, la cour d'appel a violé les articles 388 et 512 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
19. L'arrêt mentionne que les factures datées de 2011, produites initialement par la partie civile au magistrat instructeur à l'appui de sa plainte, diffèrent de celles transmises ultérieurement aux enquêteurs par les responsables des services comptables.
20. Les juges relèvent que ces différences de facturation démontrent la capacité de la société [8], qui est la seule à pouvoir accéder à la data room contenant l'ensemble des pièces comptables, à produire des documents qu'elle argue de faux et qui évoluent avec le temps.
21. Ils en déduisent un doute sérieux sur le caractère fallacieux des factures 2011 de nature à exclure toute imputabilité à M. [H], ce d'autant qu'aucun autre élément probant de la procédure n'établit le caractère fictif des prestations concernées.
22. Ils retiennent que les déclarations de Mme [I] [T], ancienne responsable du service comptable de la société [3], floues et contradictoires, ne permettent pas d'établir de façon précise la date d'émission des factures litigieuses datées de 2011.
23. Ils ajoutent que les déclarations de M. [J] [U], co-prévenu, également approximatives et contradictoires, sont démenties par le fait que les vingt-deux factures concernées, adossées à deux contrats qu'il a reconnu avoir personnellement signés, apparaissent dans la comptabilité de la société [12] et ont été payées.
24. Ils constatent qu'en dépit des demandes d'actes de M. [H], son frère [X], dirigeant de la société [13], n'a pas été entendu et n'a pu s'expliquer sur la réalité de la prestation et l'effectivité de son paiement.
25. Ils précisent que la date de prévention retenue par l'ordonnance de renvoi pour les faits de faux reprochés à M. [H] est de courant 2012 jusqu'au 31 décembre 2012, de sorte que sont exclus de la prévention les faits antérieurs ou postérieurs à l'année 2012.
26. Ils concluent qu'indépendamment du fait que le caractère fallacieux des factures datées de 2011 n'est pas établi, celles-ci sont exclues du champ de la prévention de sorte que les faits de faux concernent les seules factures datées de 2012.
27. En l'état de ces énonciations, la cour d'appel a souverainement apprécié l'absence de caractérisation de l'infraction et justifié sa décision sans insuffisance ni contradiction.
28. Ainsi le moyen, partiellement inopérant en ce qu'il critique des motifs surabondants, doit être écarté.
Sur le second moyen, pris en sa deuxième branche
29. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement du tribunal correctionnel de Nanterre du 27 novembre 2020 en ce qu'il a relaxé M. [H] des faits de faux commis courant 2011 et 2012 dans les Hauts-de-Seine ; a confirmé le jugement du tribunal correctionnel de Nanterre du 27 novembre 2020 en ce qu'il a relaxé M. [H] des faits d'usage de faux commis courant 2012 dans les Hauts-de-Seine ; a infirmé le jugement du tribunal correctionnel de Nanterre du 27 novembre 2020 en toutes ses dispositions civiles sauf en ce qu'il a déclaré recevable la constitution de partie civile de la direction générale des finances publiques, alors :
« 2°/ que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que « le caractère faux des dossiers produits à l'appui des demandes de crédits impôts recherche de la société [1] et de la société [12] est établi » ; qu'elle a également constaté que « les parties se sont entendues sur un prix de base composé d'un montant ferme, définitif et irrévocable, non susceptible d'ajustement de 20 000 000 d'euros [?] augmenté de 2 407 634,19 euros correspondants à l'estimation de la trésorerie nette des sociétés du groupe au 11 avril 2012 », que « dans le calcul de la trésorerie nette retenue par les parties figuraient les crédits impôt recherche 2009, 2010, 2011 visés par la prévention » et que la société [8] « a accepté, après avoir été utilement conseillée, de payer les CIR concernés le 16 avril 2012 » ; que pour relaxer néanmoins M. [H] du chef d'escroquerie, la cour d'appel a retenu que « le prix de base de 20 millions d'euros [?] est et demeure irrévocable » et est « pour une très large part totalement indépendant dans son principe de la trésorerie nette », que « le remboursement des crédits impôts recherche éta[it] éventuel », que la société [8] ne l'ignorait pas dans la mesure où c'était précisément « la raison pour laquelle [?]une clause de garantie de passif et des modalités d'indemnisation ont été convenues », où la société [8] est le « leader mondial sur le marché, assistée d'experts éminemment réputés pour leurs compétences lui ayant permis de réaliser un audit juridique, fiscal et financier du.groupe », et où elle était « informée de l'existence des procédures de vérification fiscales pour y avoir participé activement et que les crédits d'impôt recherche 2009, 2010 et 2011 n'étaient pas encore perçus ni même imputés par les sociétés du groupe [2] ; qu'elle a déduit de ces éléments que « les demandes de crédits impôt recherche concernées par les termes de la prévention [?] n'ont pu [?] déterminer [la société [8]], en totalité ou en partie, à consentir à la conclusion».du contrat de cession de sorte que les agissements fiscaux frauduleux commis par [V] [H] ne lui cause strictement aucun préjudice » ; qu'en statuant ainsi, quand il ressortait de ses propres constatations que la société [8] avait versé M. [H] le montant des demandes de crédits d'impôt frauduleuses, si bien que les manoeuvres du second avaient bien . déterminé la première à lui remettre des fonds qu'il savait indus, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 593 du code de procédure pénale et l'article 331-1 du code pénal. »
Réponse de la Cour
30. Pour relaxer M. [H] du délit d'escroquerie par production de faux dossier de demande de remboursement de crédits d'impôt recherche, l'arrêt énonce que les éléments constitutifs du délit d'escroquerie supposent que les agissements de l'auteur aient déterminé la remise effectuée par la victime.
31. Les juges relèvent qu'il ressort des termes de l'acte de cession que les parties se sont entendues sur un prix de base composé d'un montant ferme de 20 000 000 euros, d'un montant susceptible d'ajustement de 690 000 euros, correspondant au résultat d'exploitation du premier trimestre de l'année 2012, et d'une somme de 2 407 634,19 euros représentant l'estimation de la trésorerie nette des sociétés du groupe au 11 avril 2012 et comprenant les montants des crédits impôt recherche.
32. Ils retiennent que la société [8] a accepté de payer ces crédits d'impôt recherche, mais que leur remboursement étant éventuel, il a été conclu une clause de garantie de passif et des modalités d'indemnisation.
33. Ils en déduisent que les demandes de crédits impôt recherche n'ont pu déterminer la société [7] à consentir à la conclusion du contrat de cession, de sorte que les agissements fiscaux frauduleux commis par M. [H] ne causent aucun préjudice à la partie civile.
34. En l'état de ces énonciations, la cour d'appel a souverainement apprécié l'absence de caractérisation de l'infraction et justifié sa décision sans insuffisance ni contradiction.
35. Ainsi, le grief doit être écarté.
Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche, et le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé des moyens
36. Le premier moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a infirmé le jugement du tribunal correctionnel de Nanterre du 20 février 2018 en toutes ses dispositions pénales ; a renvoyé M. [H] des fins de la poursuite s'agissant des faits de faux commis courant 2012 et jusqu'au 31 décembre 2012 à [Localité 11] et [Localité 10] ; l'a renvoyé des fins de la poursuite s'agissant des faits d'usage de faux commis courant 2012 et jusqu'au 31 décembre 2012 à [Localité 11] et [Localité 10] ; l'a renvoyé des fins de la poursuite s'agissant des faits d'escroquerie commis courant 2012 et jusqu'au 31 décembre 2012 à [Localité 11] et [Localité 10] au préjudice de la société [8] ; a infirmé en conséquence le jugement du tribunal correctionnel de Nanterre du 20 février 2018 en toutes ses dispositions civiles sauf en ce qu'il a déclaré recevable la constitution de partie civile de la société [8], alors :
« 2°/ que lorsque les faits poursuivis sont susceptibles de revêtir plusieurs qualifications, la juridiction de jugement saisie de poursuites concomitantes peut déclarer le prévenu coupable de chacune des infractions constituées, même si les faits constitutifs procèdent de manière indissociable d'une action unique caractérisée par une seule intention coupable ; que le cumul de qualifications n'est exclu que si la situation dans laquelle la caractérisation des éléments constitutifs de l'une des infractions exclut nécessairement la caractérisation des éléments constitutifs de l'autre, si l'une des qualifications, telles qu'elles résultent des textes d'incrimination, correspond à un élément constitutif ou une circonstance aggravante de l'autre ou si l'une des qualifications retenues, dite spéciale, incrimine une modalité particulière de l'action répréhensible sanctionnée par l'autre infraction, dite générale ; qu'en ce qui concerne le délit d'escroquerie, d'une part, et les délits de faux et usage de faux, d'autre part, la caractérisation des éléments constitutifs de l'une des infractions n'exclut pas la caractérisation des éléments constitutifs de l'autre, et aucune de ces infractions n'est un élément constitutif ou une circonstance aggravante de l'autre, ni une modalité particulière de l'action répréhensible sanctionnée par l'autre ; qu'en l'espèce, pour infirmer le jugement du 20 février 2018 en tant qu'il avait déclaré M. [H] coupable de faux et d'usage de faux, le relaxer de ces chefs et examiner les faits uniquement au regard de la qualification d'escroquerie, la cour d'appel a retenu qu' « il ressort ainsi des termes des préventions précitées que les faits retenus pour caractériser les manoeuvres frauduleuses de l'escroquerie au préjudice de la société [8] sont également retenues pour caractériser les fausses factures ainsi que leur usage » et qu' « il découle de cette articulation que de tels faits procèdent de manière indissociable d'une action unique caractérisée par une seule intention coupable au préjudice d'une seule victime, la société [7] » ; qu'en statuant ainsi, quand les infractions de faux, usage de faux et escroquerie peuvent faire l'objet de déclarations de culpabilité concomitantes, même dans le cas où les faits qui les constituent procèdent de manière indissociable d'une action unique caractérisée par une seule intention coupable, et quand elle relaxait en toute hypothèse M. [H] du chef d'escroquerie, de sorte que sa condamnation pour faux et usage de faux ne pouvait en aucun cas être à l'origine d'une double déclaration de culpabilité pour les mêmes faits, la cour d'appel a violé les articles 313-1 et 441-1 du code pénal, ensemble le principe ne bis in idem. »
37. Le second moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement du tribunal correctionnel de Nanterre du 27 novembre 2020 en ce qu'il a relaxé M. [H] des faits de faux commis courant 2011 et 2012 dans les Hauts-de-Seine ; a confirmé le jugement du tribunal correctionnel de Nanterre du 27 novembre 2020 en ce qu'il a relaxé M. [H] des faits d'usage de faux commis courant 2012 dans les Hauts-de-Seine ; a infirmé le jugement du tribunal correctionnel de Nanterre du 27 novembre 2020 en toutes ses dispositions civiles sauf en ce qu'il a déclaré recevable la constitution de partie civile de la direction générale des finances publiques, alors :
« 1°/ que lorsque les faits poursuivis sont susceptibles de revêtir plusieurs qualifications, la juridiction de jugement saisie de poursuites concomitantes peut déclarer le prévenu coupable de chacune des infractions constituées, même si les faits constitutifs procèdent de manière indissociable d'une action unique caractérisée par une seule intention coupable ; que le cumul de qualifications n'est exclu que si la situation dans laquelle la caractérisation des éléments constitutifs de l'une des infractions exclut nécessairement la caractérisation des éléments constitutifs de l'autre, si l'une des qualifications, telles qu'elles résultent des textes d'incrimination, correspond à un élément constitutif ou une circonstance aggravante de l'autre ou si l'une des qualifications retenues, dite spéciale, incrimine une modalité particulière de l'action répréhensible sanctionnée par l'autre infraction, dite générale ; qu'en ce qui concerne le délit d'escroquerie, d'une part, et les délits de faux et usage de faux, d'autre part, la caractérisation des éléments constitutifs de l'une des infractions n'exclut pas la caractérisation des éléments constitutifs de l'autre, et aucune de ces infractions n'est un élément constitutif ou une circonstance aggravante de l'autre, ni une modalité particulière de l'action répréhensible sanctionnée par l'autre ; qu'en l'espèce, M. [H] a été renvoyé devant le tribunal pour y être jugé, en premier lieu, du chef de faux pour avoir falsifié des dossiers de demande de remboursement de crédits d'impôt en faveur de la recherche aux noms des sociétés [1] et [12] pour les années 2009 à 2011, et de la société [3] pour l'année 2011, en deuxième lieu, du chef d'usage de faux pour avoir falsifié un demande de remboursement de crédit d'impôt en faveur de la recherche au nom de la société [12] pour l'année 2009, et en troisième lieu du chef d'escroquerie pour avoir conduit la société [9] à lui remettre la somme de 2.09.782,40 euros en produisant de faux dossiers de demandes de remboursement de crédits d'impôts au nom des [1] et [12] pour les années 2009 à 2011, et de la société [3] pour l'année 2011 ; que la cour d'appel a retenu que retenu que « le caractère faux des dossiers produits à l'appui des demandes de crédits impôts recherche de la société [1] et de la société [12] est établi » ; qu'elle a également retenu, pour déclarer M. [H] coupable de fraude fiscale et le condamner à une peine d'emprisonnement délictuel de 18 mois avec sursis, qu'il « savait mieux que quiconque que ses sociétés ne réalisaient pas les travaux de recherche allégués nécessaires à l'octroi des crédits d'impôt recherche » ; qu'elle l'a cependant relaxé du chef d'escroquerie en raison du fait que la production de ces faux n'avait pas déterminé la société [8] à conclure le contrat ; que pour dire qu'il importait peu que « cette falsification soit imputable ou non à [V] [H] », le relaxer également des chefs de faux et usage de faux et examiner les faits uniquement au regard de la qualification d'escroquerie, la cour d'appel a retenu qu' « il ressort ainsi des termes des préventions précitées que les faits retenus pour caractériser les manoeuvres frauduleuses de l'escroquerie au préjudice de la société [8] sont également retenues pour caractériser les fausses factures ainsi que leur usage » et qu' « il découle de cette articulation que de tels faits procèdent de manière indissociable d'une action unique caractérisée par une seule intention coupable au préjudice d'une seule victime, la société [7] » ; qu'en statuant ainsi, quand les infractions de faux, usage de faux et escroquerie peuvent faire l'objet de déclarations de culpabilité concomitantes, même dans le cas où les faits qui les constituent procèdent de manière indissociable d'une action unique caractérisée par une seule intention coupable, et quand elle relaxait en toute hypothèse M. [H] du chef d'escroquerie, de sorte que sa condamnation pour faux et usage de faux ne pouvait en aucun cas être à l'origine d'une double déclaration de culpabilité pour les mêmes faits, la cour d'appel a violé les articles 313-1 et 441-1 du code pénal, ensemble le principe ne bis in idem. »
Réponse de la Cour
38. Les moyens sont réunis.
Vu le principe ne bis in idem :
39. L'interdiction de cumuler les qualifications lors de la déclaration de culpabilité doit être réservée, outre la situation dans laquelle la caractérisation des éléments constitutifs de l'une des infractions exclut nécessairement la caractérisation des éléments constitutifs de l'autre, aux cas où un fait ou des faits identiques sont en cause et où l'on se trouve dans l'une des deux hypothèses suivantes : l'une des qualifications, telles qu'elles résultent des textes d'incrimination, correspond à un élément constitutif ou une circonstance aggravante de l'autre, qui seule doit alors être retenue ; ou bien, l'une des qualifications retenues, dite spéciale, incrimine une modalité particulière de l'action répréhensible sanctionnée par l'autre infraction, dite générale.
40. Pour infirmer le jugement du tribunal correctionnel du 20 février 2018 en ce qu'il a déclaré M. [H] coupable des faits de faux et usage, et confirmer le jugement du tribunal correctionnel du 27 novembre 2020 en ce qu'il a relaxé M. [H] des fins de la poursuite des chefs de faux et usage, l'arrêt énonce que la falsification de factures au nom des sociétés [3], [12] et [1], correspondant à des prestations fictives, est retenue pour caractériser l'infraction de faux, et que la production de ces factures falsifiées est retenue pour caractériser l'infraction d'usage de faux, mais aussi l'infraction d'escroquerie au préjudice de la société [8].
41. Les juges ajoutent que la falsification des dossiers de demande de remboursement de crédit d'impôt en faveur de la recherche aux noms des sociétés [1], [12] et [2], est retenue pour caractériser l'infraction de faux, et que la production de ces dossiers est retenue pour caractériser l'infraction d'usage de faux, mais aussi celle d'escroquerie au préjudice de la société [8].
42. Ils relèvent qu'il ressort ainsi des termes des préventions que les mêmes faits sont retenus pour caractériser les manoeuvres frauduleuses de l'escroquerie et les fausses factures ainsi que leur usage.
43. Ils en déduisent que les faits procèdent de manière indissociable d'une action unique caractérisée par une seule intention coupable au préjudice d'une seule victime.
44. En statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu le principe ci-dessus rappelé pour les motifs qui suivent.
45. En premier lieu, la caractérisation des éléments constitutifs de l'une des infractions n'exclut pas la caractérisation des éléments constitutifs de l'autre.
46. En deuxième lieu, il résulte des articles 313-1 et 441-1 du code pénal qu'aucune de ces infractions n'est un élément constitutif ou une circonstance aggravante de l'une des autres. En effet, l'article 313-1, qui incrimine l'escroquerie, vise les manoeuvres frauduleuses et non spécifiquement le faux ou l'usage de faux comme élément constitutif de ce délit.
47. En dernier lieu, le principe de non-rétroactivité ne s'applique pas à une simple interprétation jurisprudentielle à la condition qu'elle ne soit pas imprévisible.
48. La cassation est par conséquent encourue.
Et sur le second moyen, pris en ses troisième et quatrième branches
49. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement du tribunal correctionnel de Nanterre du 27 novembre 2020 en ce qu'il a relaxé M. [H] des faits de faux commis courant 2011 et 2012 dans les Hauts-de-Seine ; a confirmé le jugement du tribunal correctionnel de Nanterre du 27 novembre 2020 en ce qu'il a relaxé M. [H] des faits d'usage de faux commis courant 2012 dans les Hauts-de-Seine ; a infirmé le jugement du tribunal correctionnel de Nanterre du 27 novembre 2020 en toutes ses dispositions civiles sauf en ce qu'il a déclaré recevable la constitution de partie civile de la direction générale des finances publiques, alors :
« 3°/ que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; qu'en l'espèce, M. [H] soutenait que la constitution de partie civile de la société [8] dans le volet « crédit d'impôts » était irrecevable dans la mesure où « bien antérieurement au dépôt de sa plainte avec constitution de partie civile en date du 15 juillet 2015, la société [7] a saisi le tribunal de commerce de Paris, par des demandes en date du 18 octobre 2012 réitérées par voie de conclusions en date du 15 mai 2014, sollicitant le paiement par M. [V] [H] des sommes afférentes aux crédits impôt recherche » ; qu'il affirmait que l'objet des demandes reconventionnelles de la société [8] devant le tribunal correctionnel était le « paiement de la trésorerie nette qui inclut les CIR 2009, 2010, 2011 et 2012, total demandé : 4.699.079,34 ¿, dont de CIR 2009 à 2011 : 2.517.384,08 ¿, [et] dont de CIR 2012 : 446.135,32 ¿ » ; que M. [H] faisait également valoir que « la société [7] a entrepris d'initier deux autres instances devant le tribunal de commerce, afin de solliciter l'indemnisation par M. [V] [H] du préjudice issu des redressements fiscaux relatifs aux dossiers CIR [[6] et [4] pour les années 2009 à 2011] », que « les prétentions de [7] formulées dans le cadre de ces instances se superposent de nouveau avec les demandes formulées dans le cadre de l'instance pénale, dès lors que ces procédures pendantes devant les juridictions civiles visent à l'indemnisation par M. [V] [H] du préjudice correspondant au règlement des CIR concernant [6] et [4], soit deux filiales du Groupe [2] » et que « le principe una via electa prohibe une telle double saisine des juridictions civiles et pénales lorsque les procédures tendent aux mêmes fins, sont fondées sur les mêmes faits, et opposent les mêmes parties, comme c'est le cas en l'espèce » ; qu'en se bornant à énoncer, pour infirmer le jugement du 27 novembre 2020 en ce qu'il avait reçu la société [8] en sa constitution de partie civile et avait condamné M. [H] à lui payer 2.856.030,40 euros en réparation de son préjudice financier et 25.000 euros en réparation de son préjudice de désorganisation et d'atteinte à son image et à sa réputation, qu' « en application de la règle ¿¿una via electa'' laquelle prohibe une double saisie des juridictions civiles et pénales lorsque les procédures tendent aux mêmes fins, sont fondées sur les mêmes faits et opposent les mêmes parties comme c'est le cas en l'occurrence, la société [8] sera déclarée irrecevable en sa constitution de partie civile et conséquemment déboutée de l'intégralité de ses demandes », sans préciser quelles demandes formées par la société [8] devant le tribunal de commerce de Paris, parmi toutes celles mentionnées par M. [H], tendaient au mêmes fins et étaient fondées sur les mêmes faits que l'action civile, la cour d'appel a violé l'article 593 du code de procédure pénale ;
4°/ que la partie qui a exercé son action devant la juridiction civile compétente ne peut la porter devant la juridiction répressive si la demande a la même cause et le même objet et concerne les mêmes parties ; qu'en l'espèce, M. [H] soutenait que la constitution de partie civile de la société [8] dans le volet « crédit d'impôts » était irrecevable dans la mesure où « bien antérieurement au dépôt de sa plainte avec constitution de partie civile en date du 15 juillet 2015, la société [7] a saisi le tribunal de commerce de Paris, par des demandes en date du 18 octobre 2012 réitérées par voie de conclusions en date du 15 mai 2014, sollicitant le paiement par M. [V] [H] des sommes afférentes aux crédits impôt recherche » ; qu'il affirmait que l'objet des demandes reconventionnelles de la société [8] devant le tribunal correctionnel était le « paiement de la trésorerie nette qui inclut les CIR 2009, 2010, 2011 et 2012, total demandé : 4.699.079,34 ¿, dont de CIR 2009 à 2011 : 2.517.384,08 ¿, [et] dont de CIR 2012 : 446.135,32 ¿ » ; que M. [H] faisait également valoir que « la société [7] a entrepris d'initier deux autres instances devant le tribunal de commerce, afin de solliciter l'indemnisation par M. [V] [H] du préjudice issu des redressements fiscaux relatifs aux dossiers CIR [[6] et [4] pour les années 2009 à 2011] » ; qu'en retenant, pour infirmer le jugement du 27 novembre 2020 en ce qu'il avait reçu la société [8] en sa constitution de partie civile et avait condamné M. [H] à lui payer 2.856.030,40 euros en réparation de son préjudice financier, et 25.000 euros en réparation de son préjudice de désorganisation et d'atteinte à son image et à sa réputation, que les demandes formées devant le tribunal de commerce tendaient aux mêmes fins et étaient fondés sur les mêmes faits que l'action civile, quand il ressort des conclusions de la société [8] devant le tribunal de commerce de Paris et la cour d'appel de Paris, que les demandes dont ceux-ci étaient saisis tendaient, non pas à la réparation du préjudice résultant de la réalisation de demandes de crédits d'impôt recherche dénuées de tout fondement, mais à l'exécution du contrat de cession et au paiement des sommes dues, soit en application de la clause 5.1, relative à la fixation du montant définitif de la trésorerie nette, soit en application de la clause de garantie de passif, et quand, au surplus, les demandes afférentes aux crédits d'impôt sollicités pour les sociétés [6] et [4] étaient manifestement sans lien avec l'action civile, qui poursuit l'indemnisation du préjudice causé par l'émission et la production de demandes de crédits d'impôt frauduleuses pour le compte des sociétés [1], [12] et [3], de sorte que l'action civile était recevable, la cour d'appel a violé l'article 5 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 5 et 593 du code de procédure pénale :
50. Il se déduit du premier de ces textes que si la partie qui a exercé son action devant la juridiction civile compétente ne peut la porter devant la juridiction répressive, la fin de non-recevoir tirée de la règle una via electa ne peut être accueillie qu'après vérification de la triple identité de parties, d'objet et de cause entre les deux actions.
51.Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
52. Pour retenir que la constitution de partie civile de la société [8] était irrecevable, l'arrêt énonce que la règle una via electa prohibe une double saisine des juridictions civiles et pénales lorsque les procédures tendent au même fins, sont fondées sur les mêmes faits et opposent les mêmes parties.
53. Les juges ajoutent que tel est le cas en l'occurrence.
54. En se déterminant ainsi, sans préciser quelles demandes de la société [8] formées devant le tribunal de commerce de Paris tendaient aux mêmes fins et étaient fondées sur les mêmes faits que l'action civile, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure de s'assurer que les conditions d'application de la règle una via electa étaient réunies, et n'a pas justifié sa décision.
55. La cassation est par conséquent à nouveau encourue.
Crim. 24 juin 2025 n° 24-84.885
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° N 24-84.885 F-D
N° 00877
ODVS 24 JUIN 2025
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 24 JUIN 2025
Les sociétés [4] et [5] ont formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-8, en date du 25 juin 2024, qui, pour publicité directe ou propagande en faveur du tabac, de ses produits ou ingrédients, a condamné la première à 500 000 euros d'amende et la seconde à 400 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de M. Charmoillaux, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat des sociétés [4] et [5], les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat des associations [1] et [2], et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 27 mai 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Charmoillaux, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Les associations [1] ([1]) et [2] ([2]) ont fait citer les sociétés [4] et [5] devant le tribunal correctionnel du chef de publicité directe ou propagande en faveur du tabac, de ses produits ou ingrédients.
3. Le tribunal correctionnel a déclaré les deux prévenues coupables, les a condamnées à diverses peines et a prononcé sur les intérêts civils.
4. Les sociétés [4], [5], le ministère public, les associations [1] et [2] ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré coupables les sociétés [4] et [5] d'avoir, entre mai 2017 et le 25 juillet 2019, à Paris et sur l'ensemble du territoire national, commis des faits de publicité illicite en faveur du tabac au sens de l'article L. 3512-4 du code de la santé publique, les a condamnées chacune au paiement d'une amende et les a condamnées solidairement à payer la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts au [1] d'une part et à l'association [2] d'autre part, alors :
« 1°/ que le prévenu ou son avocat doivent toujours avoir la parole en dernier ; qu'il ressort des mentions de l'arrêt attaqué (pages 4 et 5), comme des notes d'audience, que lors des débats à l'audience du 30 avril 2024, après les plaidoiries respectives des avocats de chacune des parties, Me Levy, avocat du [1], partie civile, a repris la parole pour renoncer à une demande, puis Me Raynal Cantagrel, avocat de l'association [3], partie civile, a repris la parole pour présenter des observations complémentaires et que Mme Malaterre, avocat général, a indiqué ne pas avoir d'observations, sans que l'avocat des sociétés [4] SAS et [5] S.A., prévenues, n'ait eu la parole en dernier ; qu'en statuant dans ces circonstances, la cour d'appel a violé l'article 513 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour
Vu l'article 513, alinéa 4, du code de procédure pénale :
6. Selon ce texte, le prévenu ou son avocat auront toujours la parole en dernier.
7. Il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que lors des débats, Mme Delphine Raynal Cantangrel, avocate de l'association [2], partie civile, a eu la parole en dernier.
8. En l'état de ces mentions, qui n'établissent pas qu'il a été satisfait aux prescriptions du texte susvisé, la cassation est encourue.
Crim. 24 juin 2025 n° 25-82.861
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° G 25-82.861 F
N° 01067
RB5 24 JUIN 2025
NON-LIEU A STATUER IRRECEVABILITÉ
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 24 JUIN 2025
M. [U] [N] a formé des pourvois contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 3 avril 2025, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de tentative de meurtre et violences, aggravés, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant sa détention provisoire.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Sur le rapport de Mme Hairon, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, avocat de M. [U] [N], et les conclusions de M. Dureux, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 24 juin 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Hairon, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée, en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
Examen de la recevabilité du pourvoi formé le 15 avril 2025
1. Le demandeur ayant épuisé, par l'exercice qu'en avait fait son avocat le 7 avril 2025, le droit de se pourvoir contre l'arrêt attaqué, était irrecevable à se pourvoir à nouveau contre la même décision le 15 avril suivant.
2. Seul est recevable le pourvoi formé le 7 avril 2025.
Examen du pourvoi formé le 7 avril 2025
Vu l'article 606 du code de procédure pénale :
3. Par ordonnance du 28 mai 2025, le juge d'instruction a ordonné le renvoi de M. [N] devant le tribunal correctionnel pour violences aggravées, et, par ordonnance distincte du même jour, maintenu l'intéressé en détention provisoire.
4. En application de l'article 179 du code de procédure pénale, l'ordonnance de règlement a rendu caduc le titre de détention sur les effets duquel l'arrêt attaqué s'est prononcé.
5. Le tribunal, par jugement du 16 juin 2025, a, au surplus ordonné le renvoi de l'examen de la procédure et le maintien en détention provisoire.
6. Il s'ensuit que le pourvoi est devenu sans objet.
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