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Crim. 30 avril 2025 n° 23-85.184

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° S 23-85.184 F-D
N° 00537

RB5 30 AVRIL 2025

CASSATION PARTIELLE

M. BONNAL président,





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 30 AVRIL 2025


M. [H] [Y] et Mme [I] [R], épouse [Y], ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-14, en date du 4 juillet 2023, qui, pour, notamment, abus de confiance aggravé, escroquerie, abus de biens sociaux, banqueroute, fraude fiscale, blanchiment, faux et usage, les a condamnés chacun, à quatre ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis probatoire, l'interdiction définitive de gérer, une interdiction professionnelle définitive et une confiscation, et a prononcé sur les intérêts civils.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits.
Sur le rapport de M. Michon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [H] [Y] et Mme [I] [R], épouse [Y], les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société [4], les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat du Syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1], les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la direction générale des finances publiques et la direction régionale de finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Michon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. A la suite d'une enquête préliminaire, M. [H] [Y] et Mme [I] [R], épouse [Y], qui exerçaient une activité de syndic de copropriété, ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel des chefs rappelés ci-dessus.
3. Par jugement du 6 décembre 2021, le tribunal correctionnel les a déclarés coupables des faits reprochés, a prononcé à l'encontre de chacun, notamment, une peine de quatre ans d'emprisonnement assortie pour deux ans d'un sursis probatoire, des mesures d'interdiction professionnelle et des confiscations. Il a également prononcé sur les intérêts civils.
4. M. et Mme [Y] ont interjeté appel de ce jugement.
Examen des moyens
Sur les premier à quinzième moyens
5. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur les seizième et dix-septième moyens
Enoncé des moyens
6. Le seizième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [Y] et Mme [R] in solidum à payer au Syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] à [Localité 5] la somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral, alors « que seul le préjudice personnel peut être indemnisé ; qu'en indemnisant le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] à [Localité 5] « au titre du préjudice moral supporté par les copropriétaires particuliers privés de la possibilité de disposer de fonds suffisants pour entretenir leur immeuble du fait des détournements opérés » par les prévenus, la cour d'appel a violé les articles 2 et 3 du code de procédure pénale et 1240 du code civil. »
7. Le dix-septième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [Y] et Mme [R] in solidum à payer au Syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] à [Localité 5] la somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral, alors « que seul le préjudice personnel peut être indemnisé ; qu'en indemnisant le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] à [Localité 5] « au titre du préjudice moral supporté par les copropriétaires particuliers privés de la possibilité de disposer de fonds suffisants pour entretenir leur immeuble du fait des détournements opérés » par les prévenus, la cour d'appel a violé les articles 2 et 3 du code de procédure pénale et 1240 du code civil. »
Réponse de la Cour
8. Les moyens sont réunis.
9. Pour allouer diverses sommes aux syndicats des copropriétaires visés ci-dessus, l'arrêt attaqué énonce, par des motifs propres et adoptés, que les propriétaires ont été, du fait des détournements, privés des fonds suffisants pour entretenir leur immeuble.
10. En statuant ainsi, et dès lors que, aux termes de l'article 14 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, la collectivité des copropriétaires est constituée en un syndicat qui a la personnalité civile, et que les fonds de ce dernier sont utilisés pour des travaux affectant les parties communes de l'immeuble, de sorte que le syndicat des copropriétaires subit un préjudice du fait du défaut d'entretien de ce dernier, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.
11. Ainsi, les moyens doivent être écartés.
Mais sur le dix-huitième moyen
Enoncé du moyen
12. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [Y] et Mme [R] in solidum à payer au Syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] à [Localité 5] la somme de 9 700 euros au titre des frais d'expertise judiciaire, alors « que bien qu'entrant dans les prévisions de l'article 475-1 du code de procédure pénale, ne sont pas la conséquence directe de l'infraction, les frais d'expertise engagés par une partie civile pour chiffrer le montant de son préjudice ; qu'en retenant, au titre du préjudice matériel subi par le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] à [Localité 5], les frais d'expertise qu'il a engagés pour chiffrer le montant de son préjudice, la cour d'appel a violé les articles 2 et 475-1 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 2 du code de procédure pénale :
13. Il résulte de ce texte que l'action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention n'est recevable que si le dommage a été causé directement par l'infraction.
14. Pour allouer au Syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] à [Localité 5] la somme de 9 700 euros, l'arrêt attaqué énonce que ledit syndicat justifie avoir été contraint d'exposer des frais d'expertise judiciaire pour chiffrer le montant de son préjudice.
15. En se déterminant ainsi, alors que les frais retenus, s'ils entrent dans les prévisions de l'article 475-1 du code de procédure pénale, ne sont pas la conséquence directe de l'infraction poursuivie, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.
16. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
17. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives à la condamnation de M. [Y] et Mme [R] à verser au Syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] à [Localité 5] la somme de 9 700 euros au titre des frais d'expertise judiciaire. Les autres dispositions seront donc maintenues.
Examen des demandes fondée sur l'article 618-1 du code de procédure pénale
18. Les dispositions de ce texte sont applicables en cas de rejet du pourvoi, qu'il soit total ou partiel. La déclaration de culpabilité de M. [Y] et Mme [R] étant devenue définitive par suite de la non-admission des autres moyens, il y a lieu de faire partiellement droit à la demande.




Crim. 30 avril 2025 n° 23-83.051

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° Y 23-83.051 F-D
N° 00531

RB5 30 AVRIL 2025

CASSATION PARTIELLE REJET NON-ADMISSION
Mme DE LA LANCE conseiller doyen faisant fonction de président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 30 AVRIL 2025


M. [G] [M] et Mme [X] [P], ainsi que la société [3], l'Etat du Cameroun, les sociétés [2] et [3], parties civiles, ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Lyon, 7e chambre, en date du 26 avril 2023, qui, pour escroquerie, faux et usage, a condamné le premier à quatre ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis probatoire, 300 000 euros d'amende, une interdiction professionnelle définitive, l'interdiction définitive de gérer et une confiscation, la deuxième à trois ans d'emprisonnement avec sursis, 150 000 euros d'amende, cinq ans d'interdiction de gérer, et a prononcé sur les intérêts civils.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits.
Sur le rapport de M. Samuel, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, avocat de M. [G] [M], les observations de Me Bardoul, avocat de Mme [X] [P], les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de la société [3], les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de l'Etat du Cameroun, des sociétés [2] et [3], et les conclusions de M. Micolet, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 mars 2025 où étaient présents Mme de la Lance, conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Samuel, conseiller rapporteur, M. Wyon, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. A la suite des difficultés rencontrées par le groupe de droit camerounais [U] et la société [2] (la [2]) lors de la délivrance des agréments préalables à l'implantation d'une filiale en Guinée Equatoriale, par l'intermédiaire de la société [3] dite aussi [3] (la [3]), il a été recouru à une procédure d'arbitrage opposant cette société à la République de Guinée Equatoriale.
3. Une convention d'assistance juridique a été signée le 13 août 2008 aux termes de laquelle la [3], représentée par son vice-président, M. [A] [U], a chargé notamment Mme [X] [P], présentée comme consultante issue d'un cabinet d'avocats exerçant à [Localité 4] (Cameroun), de la gestion et du suivi de la procédure d'arbitrage.
4. La sentence arbitrale rendue le 24 mai 2009 a mis à la charge de la République de Guinée Equatoriale le versement d'une somme de 69 739 435 euros à la [3] et a reçu caractère exécutoire en France. Le 21 septembre 2012, M. [C], avocat mandaté par la [3], a chargé M. [G] [M], huissier de justice, de son exécution.
5. Les voies d'exécution ont été diligentées par cet huissier entre le 26 septembre et le 11 décembre 2012.
6. Dans le même temps, des négociations entreprises entre les parties ont abouti à la signature, le 17 décembre 2012, d'un premier protocole transactionnel aux termes duquel la République de Guinée Equatoriale s'engageait, en échange de l'abandon de toutes les saisies pratiquées, à payer à la [3] une somme ramenée à 30 445 140 euros.
7. En dépit d'un premier versement intervenu en décembre 2012, les voies d'exécution se sont poursuivies.
8. Un nouveau protocole d'accord a été signé entre la [3] et la République de Guinée Equatoriale, le 20 août 2013, en présence de M. [M], aux termes duquel cet Etat reconnaissait ne rester devoir à la [3], en contrepartie de la levée des saisies en cours, qu'une somme de 7 500 000 euros qui devait être versée avant le 10 septembre suivant sur le compte de la société [5] à la [1].
9. Un troisième protocole conclu entre les mêmes parties le 12 septembre 2013 a changé le compte destinataire des fonds, désormais ouvert à la [8].
10. Une somme de 7 500 000 euros a été versée le 12 septembre 2013 par l'ambassade de la République de Guinée Equatoriale sur ce compte. Une saisie a été pratiquée sur ces fonds à hauteur de 4 000 000 euros. Le solde d'un montant de 3 165 509 euros, déduction faite des frais dus à M. [M], a été versé le 16 décembre 2013 sur un compte personnel de Mme [P].
11. Le 24 janvier 2014, M. [R] [U] a porté plainte au nom de la [3] notamment contre M. [M] et Mme [P] des chefs d'escroqueries en bande organisée, faux et usage de faux, pour avoir détourné ces sommes.
12. A l'issue de l'information ouverte sur ces faits, le juge d'instruction a renvoyé M. [M] et Mme [P] devant le tribunal correctionnel sous les qualifications de faux, usage de faux et escroquerie.
13. Le tribunal correctionnel a relaxé M. [M] et Mme [P] des faits d'escroquerie portant sur la période du 1er août au 11 décembre 2012 et les a déclarés coupables pour le surplus.
14. Il a reçu en leurs constitutions de partie civile la République de Guinée Equatoriale et la [3], a débouté la première de ses demandes et la seconde de ses demandes de dommages-intérêts, ordonné en la faveur de cette dernière la restitution de la somme de 4 334 490,37 euros, et déclaré irrecevable la constitution de partie civile du mandataire liquidateur de la [3].
15. Les prévenus, le ministère public, la République de Guinée Equatoriale et la [3] ont relevé appel de cette décision.
16. Sont intervenus devant la cour d'appel, la [2], l'Etat du Cameroun et la [3] prise en la personne de ses représentants légaux.
Examen de la recevabilité du pourvoi formée par la [3] prise en la personne de M. [R] [U], contestée en défense
17. La déclaration de pourvoi a été déposée au nom de la demanderesse par un avocat n'exerçant pas près de la juridiction qui a statué, mais qui justifie d'un pouvoir spécial exigé par l'article 576 du code de procédure pénale.
18. Dès lors, le pourvoi est recevable.
Examen des moyens
Sur les premier et second moyens proposés pour M. [M], les premier et deuxième moyens et le troisième moyen, pris en ses première, deuxième, troisième, quatrième et sixième branches, proposés pour Mme [P], les premier et second moyens proposés pour la [3] prise en la personne de M. [R] [U]
19. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission des pourvois au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le troisième moyen, pris en ses cinquième, septième, huitième et neuvième branches proposé pour Mme [P]
Enoncé du moyen
20. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a requalifié les faits d'usage de faux (protocoles d'accord des 20 août 2013 et 12 septembre 2013) en manoeuvres frauduleuses du délit d'escroquerie, l'a déclarée coupable de ces faits d'escroquerie ainsi requalifiés, l'a déclaré coupable des faits d'escroqueries commises du 12 décembre 2012 au 3 février 2014 à [Localité 6], [Localité 7], et en tous cas sur le territoire national français, par dépositaire de l'autorité publique dans l'exercice de ses fonctions, au préjudice de la [3] et de la République de Guinée Équatoriale, alors :
« 5°/ que l'escroquerie est le fait, soit par l'usage d'un faux nom ou d'une fausse qualité, soit par l'abus d'une qualité vraie, soit par l'emploi de manoeuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d'un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge ; que le délit d'escroquerie n'est établi que si le prévenu a participé à des manoeuvres frauduleuses déterminantes de la remise et antérieures à celle-ci ; que le délit ne peut être constitué si le destinataire des manoeuvres n'a pas été trompé par ces dernières à les supposer caractérisées ; qu'en retenant que Mme [V] avait commis des faits d'escroquerie par manoeuvres frauduleuses destinées à récupérer sur son compte monégasque une partie de la créance à hauteur de 3 165 509¿ en trompant ainsi la société [3] et la RGE sans caractériser en quoi les mensonges ou manoeuvres imputés à Mme [V] avaient trompé la RGE quand la cour relevait que la RGE avait été informé par M. [U], dirigeant prétendu de la [3], qu'il s'opposait à toute mesure d'exécution forcée et contestait que M. [M] et Mme [V] aient eu pouvoir pour agir, la cour d'appel a violé l'article 313-1 du code pénal, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;
7°/ que le délit d'escroquerie n'est établi que si le prévenu a participé à des manoeuvres frauduleuses déterminantes d'une remise, de la fourniture d'un service ou du consentement à un acte opérant obligation ou décharge et antérieures à ceux-ci ; que l'escroquerie ne peut résulter que d'un acte positif et non d'une simple omission ; qu'un mensonge, même produit par écrit, ne peut constituer une manoeuvre frauduleuse, au sens de l'article précité, s'il ne s'y joint aucun fait extérieur ou acte matériel, aucune mise en scène ou intervention d'un tiers destinés à donner force et crédit à l'allégation mensongère du prévenu ; qu'en déclarant coupable des faits d'escroquerie par manoeuvres frauduleuses destinées à récupérer sur son compte monégasque une partie de la créance à hauteur de 3 165 509¿ en trompant ainsi la société [3] et la RGE en ne s'opposant pas au versement intervenu en novembre 2013 sur le compte CARPA de Me [B] de la somme initialement versée par l'ambassade de Guinée Équatoriale, en autorisant par message du 13 novembre 2013 [G] [M] à prélever, avant ce dit versement sur le compte de Me [B], la somme de 212 501¿ au titre de ses frais et en lui promettant le versement d'honoraires, en intervenant auprès de l'étude d'[G] [M] pour que Me [B] puisse justifier de l'encaissement des sommes sur le compte Carpa, en encaissant le 16 décembre 2013 dans une banque monégasque la somme de 3.165.509,63¿ sur un compte qu'elle avait précédemment ouvert, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'existence d'actes positifs constitutifs de manoeuvres frauduleuses antérieures et déterminantes d'actes et remises consentis par les personnes indiquées dans l'arrêt comme ayant été trompées et qui s'est référée à des faits postérieurs à la signature des accords d'août et septembre 2013 et au paiement effectué par la RGE par suite desdits accords, a violé l'article 313-1 du code pénal, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;
8°/ que l'escroquerie est le fait, soit par l'usage d'un faux nom ou d'une fausse qualité, soit par l'abus d'une qualité vraie, soit par l'emploi de manoeuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d'un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge ; que le délit d'escroquerie n'est établi que si le prévenu a participé à des manoeuvres frauduleuses déterminantes d'une remise, de la fourniture d'un service ou du consentement à un acte opérant obligation ou décharge et antérieures à ceux-ci ; qu'en requalifiant les faits d'usage de faux en manoeuvres frauduleuses du délit d'escroquerie s'agissant des protocoles des 12 septembre 2013 et 20 août 2013 et en déclarant coupable de ces faits ainsi requalifiés en manoeuvres constitutives du délit d'escroquerie sans caractériser en quoi l'usage des protocoles des 12 septembre 2013 et 20 août 2013 était caractérisé et constituait des manoeuvres frauduleuses antérieures et déterminants d'actes et remises quand l'arrêt retenait que le versement effectué par la RGE était intervenu par suite d'un ordre de virement daté du 12 septembre 2013, soit le jour même de la signature du deuxième accord, la cour d'appel a violé l'article 313-1 du code pénal, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;
9°/ que l'escroquerie est le fait, soit par l'usage d'un faux nom ou d'une fausse qualité, soit par l'abus d'une qualité vraie, soit par l'emploi de manoeuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d'un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge ; qu'un mensonge, même produit par écrit, ne peut constituer une manoeuvre frauduleuse, au sens de l'article précité, s'il ne s'y joint aucun fait extérieur ou acte matériel, aucune mise en scène ou intervention d'un tiers destinés à donner force et crédit à l'allégation mensongère du prévenu ; que le délit d'escroquerie n'est établi que si le prévenu a participé à des manoeuvres frauduleuses déterminantes d'une remise, de la fourniture d'un service ou du consentement à un acte opérant obligation ou décharge et antérieures à ceux-ci ; qu'est auteur de l'infraction la personne qui commet les faits incriminés, qu'en retenant pour déclarer coupable d'escroquerie Mme [V] que les protocoles des 20 août et 12 septembre 2013 constituaient des manoeuvres au motif qu'ils auraient contenu des mentions inexactes sans caractériser l'existence d'actes destinés à donner force et crédit auxdites mentions ni qu'elles aient été déterminantes d'une remise ou du consentement à un acte, ni que Mme [V], qui n'avait ni signé ni rédigé le protocole, en ait été l'auteur, la cour d'appel a violé les 121-4 et 313-1 du code pénal, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale ».
Réponse de la Cour
21. Pour requalifier en escroquerie les faits pour lesquels le tribunal avait déclaré Mme [P] coupable d'usage de faux commis entre le 20 août 2013 et le 3 février 2014, l'arrêt attaqué énonce que la prévenue était présente à l'ambassade de la République de Guinée Equatoriale lors des négociations des accords des 20 août et 12 septembre 2013, qu'elle a suivi ces négociations en étant renseignée en temps réel par M. [M] qui y participait et qu'elle savait que ces actes, destinés à assurer sa rétribution, la désignaient faussement comme représentante de la [3].
22. Les juges précisent que ces accords ont été négociés et signés à l'ambassade de la République de Guinée Equatoriale notamment par le ministre délégué à la justice représentant cet Etat et qu'ils sont intervenus et ont été utilisés après que M. [M] a vainement tenté d'obtenir du procureur général de Malabo le virement du solde de la créance due à la [3] et après que M. [A] [U] a multiplié ses interventions pour signaler que Mme [P] et M. [M] n'avaient aucun mandat et qu'il leur avait été demandé de cesser toute intervention, notamment par courriers adressés l'un au président de la République de Guinée Equatoriale et l'autre à l'avocat mandaté par la [3].
23. Ils relèvent que la somme de 7 500 000 euros a été versée par la République de Guinée Equatoriale le 12 septembre 2013 et que les protocoles des 20 août et 12 septembre 2013 ont constitué des manoeuvres frauduleuses destinées à en obtenir le versement pour ensuite la détourner.
24. Ils retiennent que Mme [P] s'en est approprié une partie, notamment une somme de 3 165 509,63 euros qu'elle a encaissée le 16 décembre 2013 sur un compte qu'elle avait précédemment ouvert dans une banque monégasque, alors qu'elle avait été destinataire en copie de la lettre du 16 septembre 2013 adressée par M. [A] [U] à M. [M] et l'enjoignant de s'abstenir de toute action dans le dossier.
25. En l'état de ces énonciations relevant de son appréciation souveraine, dont il résulte que les actes des 20 août et 12 septembre 2013, à l'établissement desquels elle a été associée, ont permis, par les énonciations fausses qu'ils contenaient, de faire accroire, au moment où la République de Guinée Equatoriale était alertée sur l'absence de pouvoir de Mme [P], qu'elle disposait toujours de cette qualité, et ont déterminé la République de Guinée Equatoriale à verser la somme de 7 500 000 euros sur un compte ouvert à cette fin par M. [M], la cour d'appel, qui s'est référée à des actes antérieurs au paiement et par eux-mêmes constitutifs de manoeuvres frauduleuses, a justifié sa décision.
26. Dès lors, le moyen doit être écarté.
Mais sur les premier et second moyens proposés pour l'Etat du Cameroun, la [2] et la [3], prise en la personne de ses représentants légaux
Enoncé des moyens
27. Le premier moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevables leurs interventions volontaires et a confirmé la décision de première instance qui a ordonné à l'encontre de M. [M] la confiscation de la somme de 4 334 490,37 euros remise à l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) par ordonnance du juge d'instruction du 18 avril 2014, alors :
« 1°/ que le juge doit, sous peine de déni de justice, trancher les contestations qui lui sont soumises conformément aux règles de droit qui leur sont applicables ; que, dans leurs conclusions d'appel, l'Etat du Cameroun, la [2], et la [3], représentée par son représentant légal en exercice, avaient exposé les raisons pour lesquelles les demandes de restitution formées par la [3] prétendument représentée par Monsieur [R] [U], et par Maître [Y] [K], se présentant comme le liquidateur de la société [3], étaient irrecevables, en faisant valoir que Monsieur [R] [U] s'étant présenté frauduleusement comme le dirigeant de la [3], ce qu'il n'était pas, et que Maître [K] avait été désignée de façon irrégulière et occulte par la République de Guinée Equatoriale, sans que sa nomination ne fasse l'objet d'une quelconque notification, ainsi que l'avaient retenu les premiers juges ; qu'en s'en remettant sur ce point à l'appréciation de la cour, l'Etat du Cameroun, la [2], et la [3], représentée par son représentant légal en exercice, justifiaient également des motifs pour lesquels ils pouvaient alternativement être déclarés recevables à revendiquer la restitution de la somme de 4.334.490,37 euros faisant l'objet d'une saisie pénale, en faisant valoir que la sentence arbitrale du 24 mai 2009, ayant condamné la République de Guinée Equatoriale à verser une somme de 69.943.788,42 euros à la [3], demeurait inexécutée et que la somme de 4.334.490,37 euros correspondait précisément au paiement partiel de cette somme ; qu'ils ajoutaient que la [2] était recevable en sa demande de restitution, soit au titre d'une action de type ut singuli qu'elle était recevable à exercer pour le compte de la [3] en sa qualité d'actionnaire unique soit, en toute hypothèse, au titre d'une action oblique, en sa qualité de créancier de la [3] ; qu'ils faisaient également valoir que l'Etat du Cameroun pouvait, en s'en remettant également sur ce point à l'appréciation de la cour, être alternativement déclaré recevable en sa demande de restitution dès lors que la somme susvisée pouvait entrer dans la champ d'une cession de droits litigieux conclue entre cet Etat et la [2] ; qu'en déclarant irrecevable l'intervention volontaire de l'Etat du Cameroun, de la [2], et de la [3], représentée par son représentant légal en exercice, au motif que leur intervention n'était pas « conforme aux dispositions des articles 329 alinéa 2 et 122 du code de procédure civile » en ce que « la multiplicité des demandeurs qui se présent[aient] le cas échéant de façon alternative avec des revendications alternatives au titre, pourtant, du même préjudice, illustr[aient] le flou quant au droit d'agir et à la qualité », quand la présentation de demandes alternatives ne dispensait pas le juge de son obligation de rechercher si les demandes de restitution et les interventions subséquentes de l'Etat du Cameroun, de la [3], représentée par son représentant légal, ou de la [2], ne devaient pas être accueillies sur l'un ou l'autre des fondements proposés, la cour d'appel a violé l'article 4 du code civil et entaché sa décision d'un déni de justice ;

2°/ qu'en s'abstenant de rechercher spécifiquement, comme elle y était invitée (conclusions, p.10, p.23), si la société [2] n'était pas recevable en son intervention volontaire et en sa propre demande de restitution, soit en exerçant l'action ut singuli pour le compte de la [3] dont elle était l'actionnaire unique, soit en exerçant une action oblique en sa qualité de créancière de la [3], la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 479 du code de procédure pénale et 131-21 du Code pénal ;
3°/ qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée (conclusions, p.9), si la créance dont pouvait se prévaloir la [2] n'entrait pas dans le champ de la cession de droits litigieux conclue entre la [2] et l'Etat du Cameroun, et si l'Etat du Cameroun n'était pas recevable à intervenir à ce titre aux fins de revendiquer la somme saisie, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 479 du code de procédure pénale et 131-21 du Code pénal ;
4°/ qu' en jugeant supposément que la demande de restitution formée par l'Etat du Cameroun et/ou par la [3], représentée par son représentant légal en exercice, et/ou par la [2] devait être rejetée sur le fond, au motif que par une décision du 22 février 2022, la cour d'appel de Paris avait annulé le point 9 d'une sentence du 6 février 2019 ayant enjoint à la République de Guinée Equatoriale de payer le solde de créance mentionné « dans le protocole du 17 décembre 2012 lequel était visé dans l'accord du 20 aout 2013 réalisé par l'accord du 12 septembre 2013 » et que l'existence de cette décision rendait incertaine la créance de la [3], sans inviter l'Etat du Cameroun, la [2], et la [3], représentée par son représentant légal en exercice, à s'expliquer sur la circonstance que cette décision d¿annulation rendait incertaine leur propre créance et était de nature à faire échec à leur propre demande de restitution, ce qui n'était soutenu par aucune partie, la cour d'appel a méconnu le principe du contradictoire tel que consacré par l'article préliminaire du code de procédure pénale ;
5°/ en toute hypothèse qu'en statuant par ces mêmes motifs, sans rechercher si la décision du 22 février 2022 et les protocoles susmentionnés étaient opposables à l'Etat du Cameroun, à la [3], représentée par son représentant légal en exercice, et à son actionnaire unique, la [2], qui n'y étaient pourtant pas partie - la décision du 22 février 2022 ayant été rendue hors la présence de ces derniers et les protocoles ayant été conclus par des tiers s'étant frauduleusement fait passer pour des dirigeants de la [3] - ni rechercher si l'Etat du Cameroun, la [3], représentée par son représentant légal en exercice, et son actionnaire unique, la [2], ne justifiaient pas d'un droit sur la somme saisie, nonobstant l'annulation prononcée le 22 février 2022, pour cette seule raison que la République de Guinée Equatoriale ne s'était toujours pas acquittée des sommes mises à sa charge par la sentence arbitrale du 24 mai 2009, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 479 du code de procédure pénale et 131-21 du Code pénal. »
28. Le second moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevables leurs interventions volontaires, a confirmé la décision de première instance qui a ordonné à l'encontre de M. [M] la confiscation de la somme de 4 334 490,37 euros remise à l'AGRASC par ordonnance du juge d'instruction du 18 avril 2014, a déclaré recevable la demande de restitution formée par la [3] « représentée par Monsieur [U] », a déclaré recevable la demande de restitution formée par M. [I] [Y] [K] ès qualités de mandataire liquidateur de la [3] tendant à lui verser la somme de 4 334 490,37 euros saisie dans le cadre de l'enquête pénale, à titre de restitution, et a déclaré recevable la constitution de partie civile de la [3] « représentée par Monsieur [U] » et de M. [Y] [K] ès qualités de mandataire liquidateur de la [3], alors :
« 1°/ que le juge doit, sous peine de déni de justice, trancher les contestations qui lui sont soumises conformément aux règles de droit qui leur sont applicables ; que, dans leurs conclusions d'appel, l'Etat du Cameroun, la [2], et la [3], représentée par son représentant légal en exercice, avaient exposé les raisons pour lesquelles les demandes de restitution formées par la [3] prétendument représentée par Monsieur [R] [U], et par Maître [Y] [K], se présentant comme le liquidateur de la société [3], étaient irrecevables, en faisant valoir que Monsieur [R] [U] s'étant présenté frauduleusement comme le dirigeant de la [3], ce qu'il n'était pas, et que Maître [K] avait été désignée de façon irrégulière et occulte par la République de Guinée Equatoriale, sans que sa nomination ne fasse l'objet d'une quelconque notification, ainsi que l'avaient retenu les premiers juges ; qu'en s'en remettant sur ce point à l'appréciation de la cour, l'Etat du Cameroun, la [2], et la [3], représentée par son représentant légal en exercice, justifiaient également des motifs pour lesquels ils pouvaient alternativement être déclarés recevables à revendiquer la restitution de la somme de 4.334.490,37 euros faisant l'objet d'une saisie pénale, en faisant valoir que la sentence arbitrale du 24 mai 2009, ayant condamné la République de Guinée Equatoriale à verser une somme de 69.943.788,42 euros à la [3], demeurait inexécutée et que la somme de 4.334.490,37 euros correspondait précisément au paiement partiel de cette somme ; qu'ils ajoutaient que la [2] était recevable en sa demande de restitution, soit au titre d'une action de type ut singuli qu'elle était recevable à exercer pour le compte de la [3] en sa qualité d'actionnaire unique soit, en toute hypothèse, au titre d'une action oblique, en sa qualité de créancier de la [3] ; qu'ils faisaient également valoir que l'Etat du Cameroun pouvait, en s'en remettant également sur ce point à l'appréciation de la cour, être alternativement déclaré recevable en sa demande de restitution dès lors que la somme susvisée pouvait entrer dans la champ d'une cession de droits litigieux conclue entre cet Etat et la [2] ; qu'en déclarant irrecevable l'intervention volontaire de l'Etat du Cameroun, de la [2], et de la [3], représentée par son représentant légal en exercice, au motif que leur intervention n'était pas « conforme aux dispositions des articles 329 alinéa 2 et 122 du code de procédure civile » en ce que « la multiplicité des demandeurs qui se présent[aient] le cas échéant de façon alternative avec des revendications alternatives au titre, pourtant, du même préjudice, illustr[aient] le flou quant au droit d'agir et à la qualité», quand la présentation de demandes alternatives ne dispensait pas le juge de son obligation de rechercher si les demandes de restitution et les interventions subséquentes de l'Etat du Cameroun, de la [3], représentée par son représentant légal, ou de la [2], ne devaient pas être accueillies sur l'un ou l'autre des fondements proposés, la cour d'appel a violé l'article 4 du code civil et entaché sa décision d'un déni de justice ;
2°/ qu'en s'abstenant de rechercher spécifiquement, comme elle y était invitée (conclusions, p.10, p.23), si la société [2] n'était pas recevable en son intervention volontaire et en sa propre demande de restitution, soit en exerçant l'action ut singuli pour le compte de la [3] dont elle était l'actionnaire unique, soit en exerçant une action oblique en sa qualité de créancière de la [3], la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 479 du code de procédure pénale et 131-21 du code pénal ;
3°/ qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée (conclusions, p.9), si la créance dont pouvait se prévaloir la [2] n'entrait pas dans le champ de la cession de droits litigieux conclue entre la [2] et l'Etat du Cameroun, et si l'Etat du Cameroun n'était pas recevable à intervenir à ce titre aux fins de revendiquer la somme saisie, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 479 du code de procédure pénale et 131-21 du Code pénal ;
6°/ qu'en jugeant supposément que la demande de restitution formée par l'Etat du Cameroun et/ou par la [3], représentée par son représentant légal en exercice, et/ou par la [2] devait être rejetée sur le fond, au motif que par une décision du 22 février 2022, la cour d'appel de Paris avait annulé le point 9 d'une sentence du 6 février 2019 ayant enjoint à la République de Guinée Equatoriale de payer le solde de créance mentionné « dans le protocole du 17 décembre 2012 lequel était visé dans l'accord du 20 aout 2013 réalisé par l'accord du 12 septembre 2013 » et que l'existence de cette décision rendait incertaine la créance de la [3], sans inviter l'Etat du Cameroun, la [2], et la [3], représentée par son représentant légal en exercice, à s'expliquer sur la circonstance que cette décision d¿annulation rendait incertaine leur propre créance et était de nature à faire échec à leur propre demande de restitution, ce qui n'était soutenu par aucune partie, la cour d'appel a méconnu le principe du contradictoire tel que consacré par l'article préliminaire du code de procédure pénale ;
7°/ en toute hypothèse qu'en statuant par ces mêmes motifs, sans rechercher si la décision du 22 février 2022 et les protocoles susmentionnés étaient opposables à l'Etat du Cameroun, à la [3], représentée par son représentant légal en exercice, et à son actionnaire unique, la [2], qui n'y étaient pourtant pas partie - la décision du 22 février 2022 ayant été rendue hors la présence de ces derniers et les protocoles ayant été conclus par des tiers s'étant frauduleusement fait passer pour des dirigeants de la [3] - ni rechercher si l'Etat du Cameroun, la [3], représentée par son représentant légal en exercice, et son actionnaire unique, la [2], ne justifiaient pas d'un droit sur la somme saisie, nonobstant l'annulation prononcée le 22 février 2022, pour cette seule raison que la République de Guinée Equatoriale ne s'était toujours pas acquittée des sommes mises à sa charge par la sentence arbitrale du 24 mai 2009, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 479 du code de procédure pénale et 131-21 du Code pénal. »
Réponse de la Cour
29. Les moyens sont réunis.
Vu les articles 479, 484 et 593 du code de procédure pénale :
30. Il résulte des deux premiers de ces textes que toute personne qui prétend avoir un droit sur les objets placés sous main de justice peut en demander la restitution à la cour d'appel saisie de la poursuite qui statue par une décision séparée sauf lorsque la demande émane conjointement du prévenu et de tiers.
31.Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
32. Pour déclarer irrecevables les interventions de l'Etat du Cameroun, de la [2] et de la [3] prise en la personne de ses représentants légaux, l'arrêt attaqué, après avoir constaté que les conclusions ont été déposées par ceux-ci en qualité de requérants « et/ou » d'intervenants volontaires « et/ou » de parties civiles, énonce que les interventions ne sont pas conformes aux dispositions des articles 329, alinéa 2, et 122 du code de procédure civile.
33. Les juges soulignent le flou quant au droit d'agir et à la qualité de chacun des demandeurs qui se présentent de façon alternative avec des revendications alternatives au titre du même préjudice.
34. En statuant ainsi, sans répondre aux demandes des parties intervenant à titre principal en qualité de tiers ayant des droits sur la somme saisie au cours de l'information, ces parties étant par ailleurs, en l'état, irrecevables à se constituer partie civile devant elle, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus énoncés.
35. La cassation est par conséquent encourue de ce chef, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres griefs.
Portée et conséquence de la cassation
36. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives aux demandes de l'Etat du Cameroun, de la [2] et de la [3] prise en la personne de ses représentants légaux. Les autres dispositions seront donc maintenues.
Examen de la demande fondée sur l'article 618-1 du code de procédure pénale
37. Les dispositions de ce texte sont applicables en cas de rejet du pourvoi, qu'il soit total ou partiel. La déclaration de culpabilité de M. [M] et de Mme [P] étant devenue définitive par suite de la non-admission du pourvoi de M. [M] et du rejet du pourvoi de Mme [P], il y a lieu de faire partiellement droit à la demande de l'Etat du Cameroun, de la [2] et de la [3] prise en la personne de ses représentants légaux.




Crim. 29 avril 2025 n° 24-84.167

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° H 24-84.167 F-D
N° 00524

SB4 29 AVRIL 2025

REJET

M. BONNAL président,










R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 29 AVRIL 2025


M. [F] [O] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-13, en date du 29 mai 2024, qui, pour fraude aux prestations sociales, l'a condamné à trois ans d'interdiction de gérer.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Rouvière, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [F] [O], et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Rouvière, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [F] [O] et la société [1], qu'il dirige, ont été poursuivis, notamment, du chef de fraude pour l'obtention d'allocation compensant une menace ou une atteinte à l'emploi entre le 1er mars et le 30 juin 2020.
3. Le tribunal correctionnel a relaxé les prévenus pour la période comprise entre le 1er et le 31 mars 2020, les a déclarés coupables pour le surplus et condamnés, M. [O], à trois ans d'interdiction de gérer, avec exécution provisoire, la société, à 20 000 euros d'amende dont 10 000 euros avec sursis.
4. M. [O] et le procureur de la République ont relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [O] coupable de fraude pour l'obtention d'allocation de maintien ou sauvegarde de l'emploi, alors :
« 1°/ que le délit de fraude ou de fausse déclaration pour obtenir des allocations n'est caractérisé que si celles-ci ne sont pas dues ; qu'il résulte de l'accord du 10 septembre 2020 relatif au dispositif spécifique d'activité partielle que l'interdiction de placer des salariés en attente de mission en chômage partiel a été suspendue pendant la période du 17 mars 2020 au 17 novembre 2020 ; qu'en relevant, pour déclarer M. [O] coupable de fraude au dispositif de chômage partiel du 1er mars au 30 juin 2020, qu'il a indûment bénéficié du dispositif du chômage partiel pour des salariés à qui il ne fournissait aucune activité immédiate, lorsque cette interdiction était suspendue pour les salariés en attente de mission pendant la période de prévention, la cour d'appel a méconnu les articles L 5124-1 du code du travail, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que le délit de fraude ou de fausse déclaration pour obtenir des allocations suppose une intention frauduleuse ; qu'il résulte de l'accord du 10 septembre 2020 relatif au dispositif spécifique d'activité partielle que l'interdiction de placer des salariés en attente de mission en chômage partiel a été suspendue pendant la période du 17 mars 2020 au 17 novembre 2020 ; qu'en relevant, pour déclarer le prévenu coupable du délit de fraude ou de fausse déclaration pour obtenir des allocations, que l'embauche des salariés ne répondait pas à un besoin immédiat de l'entreprise, sans répondre aux conclusions qui faisaient valoir que l'exposant recrutait ses salariés sur profil, dans l'attente de missions, pour se tenir prêt pour la reprise de l'activité post-confinement, en ayant des salariés disponibles bénéficiant du dispositif de chômage partiel, ce qui était autorisée par l'accord du 10 septembre 2020, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'intention requise pour établir le délit, n'a pas légalement justifié sa décision et méconnu les articles L 5124-1 du code du travail, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
3°/ que, en relevant, pour juger que M. [O] a, en connaissance de cause, bénéficié frauduleusement des allocations pour activité partielle, qu'à la question de savoir pourquoi il a fait porter le poids des aides à l'Etat, il a répondu avoir laissé, entre l'URSSAF, la TVA et les charges plus de trois millions à l'Etat et qu'il génère de l'argent pour l'Etat français, lorsque cette déclaration, quel que soit le jugement que l'on puisse y porter, ne peut établir aucune volonté de fraude, la cour d'appel, qui s'est prononcé par des motifs inopérants à établir l'élément moral de l'infraction dont elle a déclaré le prévenu coupable, n'a pas légalement justifié sa décision et méconnu les articles L 5124-1 du code du travail, 121-3 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
4°/ que, en relevant que les déclarations préalables à l'embauche ont été faites postérieurement à la date alléguée d'embauche et à celle de début du confinement, ce qui induit déjà l'éventualité d'une fraude, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs hypothétiques, en méconnaissance des articles 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
6. Pour confirmer le jugement et déclarer M. [O] coupable de fraude pour l'obtention d'allocation compensant une menace ou atteinte à l'emploi, l'arrêt attaqué énonce que la société [1], gérée par le prévenu, a embauché, pendant la période de prévention, quatorze salariés supplémentaires, portant son effectif à un niveau jamais atteint auparavant, alors que tous ses employés présents étaient déjà en activité partielle et que son activité était à l'arrêt.
7. Les juges ajoutent que ces salariés nouvellement embauchés ont aussitôt été placés en activité partielle et qu'une demande d'indemnisation de cette activité a été effectuée par le prévenu.
8. Ils concluent que ce dernier a, en connaissance de cause, mis en oeuvre un montage frauduleux pour s'attacher les services de salariés auxquels il n'allait fournir aucune activité immédiate, sans avoir à les rémunérer pendant la période de confinement, en les plaçant en activité partielle indemnisée par des allocations indues.
9. En l'état de ces énonciations, la cour d'appel, qui a caractérisé le délit en ses éléments matériel et intentionnel, a justifié sa décision.
10. En effet, l'accord du 10 septembre 2020 dont se prévalait M. [O] concerne les salariés qui ont été en attente de mission dans les douze mois précédant leur placement en activité partielle, et ne s'applique donc pas à ceux qui, venant d'être recrutés par la société [1], ne travaillaient pas au sein de cette entreprise avant de bénéficier de ce dispositif.
11. Ainsi, le moyen, inopérant en ses deux dernières branches en ce qu'il critique des motifs surabondants de l'arrêt attaqué, ne saurait être accueilli.
12. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.




Crim. 29 avril 2025 n° 24-84.842

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° R 24-84.842 F-D
N° 00518

SB4 29 AVRIL 2025

CASSATION PARTIELLE

M. BONNAL président,










R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 29 AVRIL 2025


M. [G] [J] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 8e section, en date du 21 juin 2024, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants, association de malfaiteurs et blanchiment, a prononcé sur sa demande en annulation de pièces de la procédure.
Par ordonnance du 9 décembre 2024, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Leblanc, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [G] [J], et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Leblanc, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. [G] [J] a été mis en examen des chefs susvisés.
3. Il a saisi la chambre de l'instruction d'une requête en annulation d'actes et pièces de la procédure.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
4. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le moyen, pris en ses autres branches
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure, constaté la régularité de la procédure pour le surplus jusqu'à la cote D1721 incluse, dit n'y avoir lieu de remettre M. [J] en liberté, dit qu'il sera fait ensuite retour du dossier au juge d'instruction saisi pour poursuite de l'information et ordonné que le présent arrêt sera exécuté à la diligence de la procureure générale, alors :
« 1°/ d'une part, que devant les juges du fond, l'exposant, qui avait initialement soulevé un moyen tiré du défaut d'ordonnance et de commission rogatoire technique autorisant la mise en place de dispositifs de surveillance avant de l'abandonner à la suite du versement de ces pièces à la procédure, a soulevé un nouveau moyen portant sur la régularité des mesures de captation d'image réalisées sur le fondement de ces autorisations ; que ce moyen était parfaitement recevable puisque les pièces ayant révélé l'existence de ces irrégularités avaient été versées à la procédure ultérieurement à l'interrogatoire de première comparution ; qu'en omettant de répondre à ce moyen recevable, péremptoire et dont elle était régulièrement saisie et en se bornant à statuer sur le moyen qui avait été abandonné en relevant que la commission rogatoire figurait au dossier, la Chambre de l'instruction a privé sa décision de motifs en violation des articles 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
4°/ enfin, que le défaut d'accès de la défense à certains actes ou pièces du dossier de la procédure, en vue de l'interrogatoire de première comparution, constitue une atteinte au droit à un procès équitable et aux droits de la défense, peu important que le magistrat instructeur ne se soit pas déterminé en fonction des actes ou pièces manquants ; qu'au cas d'espèce, l'exposant faisait valoir que le juge d'instruction avait eu connaissance, lors de l'interrogatoire de première comparution, des retours de deux commissions rogatoires techniques qui n'ont été cotés et portés à la connaissance de l'exposant qu'après ledit interrogatoire et sa mise en examen ; qu'en retenant, pour rejeter le moyen d'annulation tiré de ce chef, que les retours de commission rogatoire litigieux avaient été cotés postérieurement à l'interrogatoire de première comparution, qu'ils n'avaient été pris en considération qu'au moment de leur cotation et qu'il n'était pas établi que le juge d'instruction ait utilisé ces actes, lors de la mise en examen, ou alors très surabondamment et qu'en tout état de cause d'autres éléments cotés au dossier lors de l'interrogatoire justifiaient cette décision, quand, en statuant ainsi, par des motifs inopérants et impropres à justifier sa décision, la Chambre de l'instruction qui n'a pas recherché, comme il lui était demandé, si les actes litigieux figuraient au dossier de la procédure lors de l'interrogatoire de première comparution - peu important qu'ils aient été « retrouvés » et cotés ultérieurement et qu'ils n'aient pas été expressément pris en compte par le juge d'instruction dans le prononcé de la mise en examen, n'a pas justifié sa décision au regard des articles 6 § 3 de la Convention européenne des droits de l'Homme, préliminaire, 114, 116, 591 et 593 du Code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Sur le moyen, pris en sa quatrième branche
6. Pour rejeter le grief tiré de l'incomplétude du dossier mis à la disposition de la défense avant l'interrogatoire de première comparution, l'arrêt attaqué énonce qu'une note du greffier postérieure à cet acte mentionne que deux pochettes contenant des retours de plusieurs commissions rogatoires technique, non cotées, ont été découvertes dans le dossier.
7. Les juges ajoutent que le fait que ces pièces aient été cotées postérieurement à l'interrogatoire de première comparution n'induit pas que le juge d'instruction en ait eu connaissance quand il a procédé à cet acte, alors qu'en tout état de cause il s'est fondé sur d'autres éléments qui figuraient au dossier pour apprécier le rôle joué par la personne mise en examen dans le trafic de stupéfiants dont il était saisi.
8. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision pour les motifs qui suivent.
9. En premier lieu, la circonstance que, contrairement aux prescriptions du deuxième alinéa de l'article 81 du code de procédure pénale, les pièces du dossier n'aient pas été cotées au fur et à mesure de leur rédaction ou de leur réception par le juge d'instruction n'est pas, en soi, une cause de nullité de la procédure.
10. En second lieu, il ne peut être déduit de la seule note du greffier, susmentionnée, que les pièces litigieuses figuraient au dossier le jour de l'interrogatoire de première comparution.



11. Le grief doit ainsi être écarté.
Mais sur le moyen, pris en sa première branche
Vu l'article 593 du code de procédure pénale :
12. Tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
13. Pour écarter la nullité du moyen portant sur la régularité des mesures de captation d'images sur la voie publique, l'arrêt attaqué indique que l'ordonnance autorisant ces mesures et la commission rogatoire prévoyant leur mise en oeuvre figurent au dossier de la procédure en cotes D1699 et suivantes.
14. En se déterminant ainsi, sans répondre au nouveau moyen soulevé par le requérant, suite au versement en procédure des actes dont l'absence était initialement critiquée, par mémoire déposé selon les prescriptions de l'article 199 du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision.
15. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
16. La cassation sera limitée aux seules dispositions ayant rejeté l'annulation des mesures de captation d'images des 7 et 9 février 2023 et de deux dispositifs de vidéosurveillance du 3 mars 2023. Les autres dispositions seront donc maintenues.




Crim. 29 avril 2025 n° 24-84.702

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° P 24-84.702 F-D
N° 00525

SB4 29 AVRIL 2025

REJET

M. BONNAL président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 29 AVRIL 2025


M. [T] [L] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, chambre correctionnelle, en date du 30 mai 2024, qui, pour infractions aux codes de l'urbanisme et de l'environnement, l'a condamné à 3 000 euros d'amende avec sursis et a ordonné la remise en état des lieux sous astreinte.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Rouvière, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [T] [L], et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Rouvière, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [T] [L] a acquis un terrain situé en zone agricole du plan local d'urbanisme et en zone d'aléa faible à moyen pour les mouvements de terrain et aléa fort de crue et inondation du plan de prévention des risques naturels, sur lequel il a fait édifier une maison à usage d'habitation.
3. Il a été poursuivi des chefs d'exécution de travaux sans permis de construire, infraction aux dispositions du plan local d'urbanisme et construction en zone interdite d'un plan de prévention des risques naturels.
4. Le tribunal correctionnel l'a déclaré coupable, condamné à 5 000 euros d'amende et a ordonné la remise en état des lieux sous astreinte.
5. M. [L] et le procureur de la République ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité soulevée par M. [L], alors « qu'une personne ne peut être valablement poursuivie pour une infraction au code de l'urbanisme sur le fondement d'un procès-verbal constatant une telle infraction qu'à la condition d'avoir été mise en cause par l'agent verbalisateur au moment de la rédaction dudit procès-verbal ; qu'en retenant, pour rejeter l'exception de nullité soulevée par M. [L], tirée de ce que son nom avait été mentionné sur le procès-verbal de constat d'infraction servant de fondement aux poursuites, daté du 13 mars 2019, six mois après son établissement, après que les services de l'urbanisme avaient découvert qu'il était devenu le nouveau propriétaire des lieux depuis 2015, que « rien ne permet de dire » que le nom de M. [L] avait été « vraisemblablement » rajouté sur ce procès-verbal, tout en constatant qu'au moment de sa rédaction, « le nom de [T] [O] [L] était inconnu des services de l'urbanisme » et que ce n'était que postérieurement qu'il avait été identifié, à la suite de recherches par les services de la DEAL, la cour d'appel, qui a ainsi admis que M. [L] n'était pas identifié comme étant la personne mise en cause au moment de la rédaction du procès-verbal, qui ne pouvait, dès lors, valablement servir de fondement aux poursuites dirigées à son encontre, a méconnu les articles L. 480-1 et L. 480-4 du code de l'urbanisme, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
7. Pour écarter le moyen de nullité du procès-verbal de constatation d'infraction, l'arrêt attaqué énonce que celui-ci porte en priorité sur une construction illégale, les propriétaires, bénéficiaires ou responsables des travaux pouvant être ultérieurement identifiés.
8. En l'état de ces seules énonciations et dès lors que ni l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme ni aucun autre texte ne subordonne la régularité d'un procès-verbal de constatation d'infraction à la mention de l'identité de la personne susceptible d'avoir commis les faits constatés, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.
9. Ainsi, le moyen ne saurait être accueilli.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
10. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [L] coupable de construction en zone interdite par un plan de prévention des risques naturels, alors « que le délit de construction en zone interdite par un plan de prévention des risques naturels est une infraction intentionnelle ; que la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'en déclarant M. [L] coupable de construction dans une zone interdite par un plan de prévention des risques naturels, tout en constatant qu'« il ne pouvait pas savoir que la zone était à risque », la cour d'appel s'est prononcée par des motifs contradictoires et a ainsi méconnu les articles 121-3 du code pénal, L. 562-5 du code de l'environnement, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
11. Pour déclarer le prévenu coupable, l'arrêt attaqué énonce que M. [L] , qui s'était rendu au service de l'urbanisme de la mairie, où il lui avait été dit qu'il ne pouvait pas construire, a exécuté les travaux lui-même.
12. Les juges ajoutent qu'il savait que la parcelle était en zone agricole, et qu'il ne pouvait pas savoir que la zone était à risques, pour ne pas s'être renseigné avant de bâtir son habitation.
13. Dès lors, d'une part, que le demandeur n'a pas pris soin, comme il lui appartenait de le faire, de se renseigner auprès de l'autorité administrative pour connaître la réglementation applicable en matière de prévention des risques naturels, d'autre part, que la seule constatation de la violation en connaissance de cause d'une prescription légale ou réglementaire implique de la part de son auteur l'intention coupable exigée par l'article 121-3, alinéa 1er, du code pénal, la cour d'appel a justifié sa décision.
14. Ainsi, le moyen doit être écarté.
15. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.




Crim. 9 avril 2025 n° 24-84.269

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° T 24-84.269 F-D
N° 00486

GM 9 AVRIL 2025

CASSATION PARTIELLE

M. BONNAL président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 9 AVRIL 2025


M. [M] [T] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel d'Orléans, chambre correctionnelle, en date du 10 mai 2023, qui, pour vol aggravé et destruction par un moyen dangereux, l'a condamné à un an d'emprisonnement et une confiscation.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Mallard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [M] [T], et les conclusions de Mme Viriot-Barrial, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Mallard, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Par ordonnance du 14 mars 2019, un juge d'instruction a renvoyé M. [M] [T] devant le tribunal correctionnel des chefs de vol par effraction, dans un local d'habitation, en réunion, et destruction du bien d'autrui par une substance explosive.
3. Par jugement du 6 novembre 2019, ce tribunal l'a déclaré coupable, l'a condamné à dix-huit mois d'emprisonnement, une confiscation, et a prononcé sur les intérêts civils.
4. Le prévenu et le ministère public ont relevé appel de ce jugement.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de renvoi formulée par le conseil du demandeur au pourvoi, M. [T], confirmé le jugement entrepris sur la déclaration de culpabilité de celui-ci et sur la peine d'un an d'emprisonnement, aménagée ab initio, alors « que le prévenu ou son avocat doivent toujours avoir la parole en dernier sur la demande de renvoi de l'affaire qu'ils ont formée, dès lors que cet incident n'est pas joint au fond ; qu'il ressort des mentions de l'arrêt attaqué, comme des notes d'audience, que le conseil du demandeur au pourvoi, prévenu, a sollicité le renvoi de l'affaire, que le ministère public s'est déclaré opposé au renvoi sollicité et que la cour d'appel, après s'être retirée pour délibérer sur cette demande de renvoi, a retenu l'affaire ; qu'en statuant ainsi quand, l'incident n'ayant pas été joint au fond, l'avocat du demandeur au pourvoi devait avoir la parole en dernier sur la demande de renvoi qu'il avait formée, la cour d'appel a violé l'article 513, alinéa 4, du code de procédure pénale, ainsi que l'article 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 513, alinéa 4, du code de procédure pénale :
6. Selon ce texte, le prévenu ou son avocat auront toujours la parole les derniers. Cette règle s'applique à tout incident dès lors qu'il n'est pas joint au fond.




7. Il résulte des mentions de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'il a été statué, au cours des débats, sur la demande de renvoi présentée par l'avocat de M. [T], lequel était absent, pour la rejeter, sans que cet avocat ait eu la parole en dernier.
8. En prononçant ainsi, alors que l'incident n'avait pas été joint au fond, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.
9. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
10. La cassation sera limitée aux dispositions concernant M. [T], dès lors que celles concernant le second prévenu, M. [C] [S], n'encourent pas la censure.




Crim. 9 avril 2025 n° 24-83.109

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° H 24-83.109 F-D
N° 00493

GM 9 AVRIL 2025

CASSATION PARTIELLE

M. BONNAL président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 9 AVRIL 2025

Mme [D] [F], en sa qualité de tutrice de M. [U] [Z], a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble, chambre correctionnelle, en date du 7 mars 2024, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 6 octobre 2021, pourvois n° 20-81.067 et n° 20-86.888), dans la procédure suivie contre ce dernier du chef d'agressions sexuelles aggravées, a prononcé sur la prescription de l'action publique et sur les intérêts civils.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de M. Tessereau, conseiller, les observations de la société Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [U] [Z], les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mmes [V] et [X] [F], et les conclusions de Mme Viriot-Barrial, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Tessereau, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,


la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [U] [Z] a été renvoyé devant le tribunal correctionnel du chef d'agressions sexuelles aggravées, commises sur deux nièces de son épouse, Mmes [X] [R] et [V] [F].
3. Par jugement du 4 novembre 2014, M. [Z] a été placé sous tutelle, Mme [D] [F], son épouse, ayant été désignée en qualité de tutrice.
4. Par jugement contradictoire à signifier du 11 septembre 2015, le tribunal correctionnel a déclaré le prévenu coupable, l'a condamné à deux ans d'emprisonnement avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils.
5. M. [Z] ayant formé opposition à cette décision, le tribunal correctionnel, par jugement du 4 juin 2018, a déclaré l'opposition irrecevable.
6. Le prévenu et le ministère public ont formé appel des deux jugements précités.
7. Par arrêt du 12 juin 2019, la cour d'appel a annulé le jugement du 11 septembre 2015 et, évoquant, a renvoyé le ministère public à saisir le magistrat instructeur en vue de la signification de l'ordonnance de renvoi à la tutrice de M. [Z]. Elle a ordonné le renvoi de l'affaire.
8. Puis, par arrêt du 18 novembre 2020, la cour d'appel a confirmé le jugement en toutes ses dispositions.
9. Par arrêt du 6 octobre 2021, la Cour de cassation a cassé et annulé, en toutes leurs dispositions, les arrêts du 12 juin 2019 et 18 novembre 2020, et renvoyé l'affaire devant la même cour d'appel autrement composée.
10. Le 9 novembre 2022, la cour d'appel de renvoi a ordonné une expertise afin d'apprécier si M. [Z] était en état de comparaître devant une juridiction pénale. L'expert a estimé que l'intéressé n'était pas en mesure de comparaître.




Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
11. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a, statuant sur renvoi après cassation, condamné le prévenu, M. [Z] à payer à chacune des parties civiles, Mme [R] et Mme [F], la somme de 10 000 euros, retenant ainsi que la cour d'appel pouvait statuer sur l'action civile en application de l'article 10 du code de procédure pénale, alors « que, dans le cas où un arrêt est annulé par la Cour de cassation, la juridiction de renvoi se trouve saisie de la cause dans l'état où elle se trouvait quand elle a été soumise aux juges dont la décision a été cassée, en ce qui concerne toutes les dispositions qui ont été annulées par l'arrêt de cassation ; que, par l'arrêt du 6 octobre 2021, la Cour de cassation a censuré l'arrêt du 12 juin 2019 par lequel la cour de Grenoble avait annulé le jugement du 11 septembre 2015 avant d'évoquer et de renvoyer l'affaire à une audience ultérieure ; que, pour écarter le moyen tiré de la nullité des jugements du 11 septembre 2015 et du 4 juin 2018 en ce qu'ils avaient été rendus sans que la tutrice du prévenu n'eût été avisée des poursuites contre ce dernier, l'arrêt attaqué retient que, « par arrêt en date du 20 décembre 2018, la cour d'appel Grenoble [avait] fait droit aux demandes de l'avocat de M. [Z] en ordonnant la mise en cause de sa tutrice », que, « par arrêt du 12 juin 2019, la même cour [avait] également fait droit aux demandes de l'avocat de M. [Z] en annulant le jugement du tribunal correctionnel de Grenoble et en renvoyant le ministère public à saisir le magistrat instructeur en vue de la signification de l'ordonnance de renvoi à la tutrice de M. [Z] », que « ces diligences (ayant) été accomplies, « il est possible de » statuer sur l'action civile en application de l'article 10 du code de procédure pénale » ; qu'en se prononçant ainsi, la cour de renvoi a méconnu l'étendue de la cassation prononcée et a violé les articles 593 et 609 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
12. La demanderesse ne saurait se faire un grief de ce que la cour d'appel, saisie sur renvoi après cassation, n'a pas statué sur la régularité et le bien fondé des décisions rendues en première instance le 11 septembre 2015 et le 4 juin 2018, dès lors qu'au vu de ses constatations relatives à l'état de santé du prévenu, elle devait évoquer et statuer, comme elle l'a fait, dans les limites de l'application de l'article 10, alinéa 4, du code de procédure pénale, en déclarant suspendue l'action publique et en prononçant sur les intérêts civils.
13. Le moyen ne saurait, dès lors, être accueilli.

Mais sur le second moyen
Enoncé du moyen
14. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a, statuant sur renvoi après cassation, condamné M. [Z] à payer à chacune des parties civiles, Mme [R] et Mme [F], la somme de 10 000 euros, alors :
« 1°/ que saisis par l'appel du prévenu, les juges du second degré ne peuvent augmenter les sommes accordées par le tribunal à une partie civile en l'absence de recours formé par celle-ci ; qu'en condamnant l'exposant à payer aux parties civiles, non appelantes, une somme de 10 000 ¿ chacune à titre de dommages et intérêts quand les premiers juges l'avaient condamné à leur verser une somme de 8 000 ¿ chacune, la cour de renvoi a violé les articles 515 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que le report du point de départ du délai de prescription au jour de la majorité lorsque la victime est mineure s'applique uniquement lorsque le délit a été commis par un ascendant légitime, naturel ou adoptif, ou par une personne ayant autorité sur elle ; qu'en se bornant, pour retenir que le prévenu avait la qualité de personne ayant autorité sur les victimes, à relever le très jeune âge de ces dernières au moment des faits, le lien de parenté les unissant au prévenu et le contexte de commission des faits, quand la qualité d'oncle ne pouvait suffire à lui conférer la qualification de personne ayant autorité, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
Vu les articles 7 et 593 du code de procédure pénale :
15. Il résulte du premier de ces textes, dans sa rédaction issue de la loi n° 89-487 du 10 juillet 1989, que le point de départ du délai de prescription des délits commis sur les mineurs par un ascendant ou une personne ayant autorité est fixé à la majorité de la victime.
16. Selon le second, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties. L'insuffisance ou la contradiction de motifs équivaut à leur absence.
17. Pour écarter la prescription et condamner M. [Z] à indemniser les parties civiles pour avoir, d'une part, courant 1986 et 1987, et, d'autre part, courant 1989 à 1995, commis des fautes civiles résultant d'atteintes sexuelles sur mineures de quinze ans par une personne ayant autorité sur elles, l'arrêt retient que le point de départ du délai de prescription a été reporté à l'âge de la majorité des parties civiles, en application de la loi n° 89-487 du 10 juillet 1989 ayant modifié l'article 7 du code de procédure pénale, et que le délai de prescription a été porté à dix ans par l'effet de la loi n° 98-468 du 17 juin 1998, puis à vingt ans par l'effet de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004.
18. En se bornant à retenir le très jeune âge des victimes au moment des faits, le lien de parenté entre le prévenu et les victimes, et le contexte de commission des faits, sans mieux s'expliquer sur l'existence d'un rapport d'autorité sur la totalité de la période de prévention, alors que la constatation d'un rapport d'autorité conditionnait l'application de la loi du 10 juillet 1989, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.
19. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Sur le moyen, pris en sa première branche
Vu l'article 515 du code de procédure pénale :
20. La cour d'appel ne peut, sur le seul appel du prévenu, aggraver son sort.
21. Il résulte de l'arrêt attaqué que, alors que le prévenu était seul appelant des dispositions civiles du jugement, la cour d'appel l'a condamné à verser aux parties civiles des sommes supérieures à celles qui avaient été accordées par la juridiction du premier degré.
22. En prononçant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
23. La cassation est, par conséquent, également encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
24. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions civiles de l'arrêt attaqué relatives à la fixation du préjudice de Mme [R] et Mme [V] [F]. Les autres dispositions seront donc maintenues.




Crim. 9 avril 2025 n° 24-80.592

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° W 24-80.592 F-D
N° 00498

GM 9 AVRIL 2025

REJET

M. BONNAL président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 9 AVRIL 2025


M. [H] [D] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Pau, en date du 19 décembre 2023, qui a prononcé sur un aménagement de peine.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Guerrini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [H] [D], et les conclusions de Mme Viriot-Barrial, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Guerrini, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [H] [D] a été condamné, le 30 septembre 2022, par le tribunal correctionnel, notamment, à quatre ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis probatoire, pour des faits d'escroquerie en bande organisée et d'association de malfaiteurs, commis entre le 9 février 2017 et le 23 mai 2020.
3. Par jugement du 18 août 2023, le juge de l'application des peines, sur le fondement de l'article 723-15 du code de procédure pénale, a déclaré irrecevable sa demande d'aménagement de peine.
4. M. [D] a relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé en toutes ses dispositions le jugement par lequel le juge de l'application des peines a déclaré irrecevable la demande d'aménagement de peine présentée par l'exposant, alors « que les lois relatives au régime d'exécution et d'application des peines, lorsqu'elles ont pour résultat de rendre plus sévères les peines prononcées par la décision de condamnation, ne sont applicables qu'aux condamnations prononcées pour des faits commis postérieurement à leur entrée en vigueur ; que tel est le cas de l'article 74 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 qui a modifié l'article 723-15 du code de procédure pénale en ramenant de deux ans à un an la durée du reliquat de peine d'emprisonnement ferme susceptible de faire l'objet d'une demande d'aménagement ; que le principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère primant sur celui de l'applicabilité immédiate des lois de procédure nouvelles, la demande d'aménagement d'une peine prononcée à raison de faits multiples commis tout à la fois antérieurement et postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi nouvelle plus sévère doit être examinée selon les règles issues de la loi antérieure plus douce ; qu'au cas d'espèce, il résulte de la procédure et des propres constatations de l'arrêt que M. [D] a été déclaré coupable des chefs d'escroqueries en bande organisées et de participation à une association de malfaiteurs, faits commis entre le 9 février 2017 et le 23 mai 2020, et condamné notamment à la peine de quatre ans d'emprisonnement dont deux ans assortis du sursis probatoire pendant deux ans ; que s'agissant d'une peine prononcée à raison de faits commis notamment sous l'empire de la loi ancienne plus douce, M. [D] était recevable à solliciter l'aménagement du reliquat de deux ans de sa peine d'emprisonnement ferme ; qu'en affirmant à l'inverse que le principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère « concerne exclusivement le cas de figure où une condamnation est intervenue postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi pour des faits entièrement commis sous l'empire de l'ancienne loi » et que « dès lors qu'au moins un des faits délictueux à l'origine de la ou des condamnations dont l'aménagement est sollicité a été commis après le 23 mars 2020, les nouvelles dispositions issues de la loi du 23 mars 2019 ont vocation à l'appliquer », la chambre de l'application des peines a violé les articles 112-2, 3°, du code pénal, 723-15 ancien et 723-15 nouveau du code de procédure pénale et 74 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019. »
Réponse de la Cour
6. Le demandeur, dès lors qu'il a été condamné pour des faits commis, pour certains d'entre eux, après le 24 mars 2020, date de l'entrée en vigueur de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, qui a modifié le régime de l'aménagement des peines fermes d'emprisonnement, ne peut soutenir qu'il devrait bénéficier du régime antérieur, en invoquant que sa condamnation réprime aussi certains faits commis auparavant.
7. Le moyen ne peut donc être admis.
8. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.




Crim. 8 avril 2025 n° 23-86.938

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° Y 23-86.938 F-D
N° 00471

ODVS 8 AVRIL 2025

CASSATION PARTIELLE

M. BONNAL président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 8 AVRIL 2025


Mme [R] [S], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Grenoble, en date du 7 novembre 2023, qui, dans la procédure suivie, sur sa plainte, contre personne non dénommée, des chefs de discrimination, harcèlement moral et violation du secret professionnel, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Thomas, conseiller, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de Mme [R] [S], et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Thomas, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Mme [R] [S], agent de l'administration des impôts, a porté plainte et s'est constituée partie civile en dénonçant des faits de discrimination, harcèlement moral et violation du secret professionnel commis à son encontre par divers membres de son administration entre le 17 août 2012 et le 7 septembre 2018, lors de ses affectations dans le Haut-Rhin, puis dans la Drôme.
3. À l'issue de l'information, le juge d'instruction a rendu une ordonnance de non-lieu.
4. Mme [S] a relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur les deuxième et troisième moyens
5. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance rendue par le juge d'instruction de Valence le 30 décembre 2022 ayant prononcé le non-lieu à suivre en raison de l'insuffisance des charges contre quiconque d'avoir commis les faits de discrimination, alors « que les juridictions d'instruction sont tenues d'examiner les faits objets de la plainte sous toutes les qualifications possibles et de répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties ; qu'en se bornant à retenir qu'aucune discrimination n'a été établi à l'égard de Mme [S] « en raison de son sexe » alors qu'au sein tant de sa plainte avec constitution de partie civile que de son mémoire régulièrement déposé devant la chambre de l'instruction, la partie civile dénonçait également des faits de discrimination en raison de son état de santé, la chambre de l'instruction, qui n'a pas examiné les faits dénoncés par Mme [S] sur ce point, a violé les articles 81, 85, 176, 211 et 212 du code de procédure pénale, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale. »



Réponse de la Cour
Vu les articles 85, 86 et 593 du code de procédure pénale :
7. Selon les deux premiers de ces textes, la juridiction d'instruction régulièrement saisie d'une plainte avec constitution de partie civile a le devoir d'instruire, quelles que soient les réquisitions du ministère public. Cette obligation ne cesse, suivant les dispositions de l'alinéa 4 de l'article 86 du code de procédure pénale, que si, pour des causes affectant l'action publique elle-même, les faits ne peuvent comporter légalement une poursuite ou si, à supposer les faits démontrés, ils ne peuvent admettre aucune qualification pénale.
8. Tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
9. Pour dire n'y avoir lieu à suivre du chef de discrimination, l'arrêt attaqué énonce, après avoir rappelé les dispositions des articles L. 1142-1, 3°, et L. 1146-1 du code du travail relatifs à la répression de mesures prises dans le cadre du travail en considération du sexe ou de la grossesse, qu'aucune discrimination n'a été établie à l'égard de la plaignante en raison de son sexe.
10. En se déterminant ainsi, alors qu'il lui appartenait, d'une part, d'examiner les faits, objet de la plainte, sous toutes les qualifications possibles, notamment celles de discrimination en raison de l'état de santé résultant des articles 225-1 et suivants et 432-7 du code pénal, d'autre part, de répondre au mémoire régulièrement déposé devant elle qui faisait valoir que le juge d'instruction avait omis d'informer sur des faits de discrimination en raison de l'état de santé dénoncés dans la plainte, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision.
11. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.




Crim. 8 avril 2025 n° 23-87.173

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° D 23-87.173 F-D
N° 00468

ODVS 8 AVRIL 2025

REJET

M. BONNAL président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 8 AVRIL 2025


M. [W] [Y], Mme [U] [V] et la société [2], parties civiles, ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble, chambre correctionnelle, en date du 7 novembre 2023, qui, dans la procédure suivie contre M. [J] [M] du chef de diffamation publique envers un particulier, a prononcé sur les intérêts civils.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires, en demande et en défense, et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Dary, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [W] [Y], Mme [U] [V] et la société [2], les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, avocat de M. [J] [M], et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Dary, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 15 juin 2021, la société [2], M. [W] [Y], fondateur et dirigeant de la société [3], et Mme [U] [V], son épouse, ont porté plainte et se sont constitués partie civile du chef susvisé à la suite de la publication sur le profil d'établissement [1] [2]-laboratoire [3] des propos suivants : 1. « je trouve les avis d'une naïveté déconcertante. Les clients sont prêts à avaler n'importe quoi. Il suffit pour cela d'un bel emballage doré et d'un langage pseudo-scientifique » ; 2. « les mauvais avis sont réels et ce ne sont pas eux qui posent problème mais les produits vendus par [3]. Savez-vous que M. [Y] [W] (fondateur et dirigeant de [3]) et Mme [Y] [U] (son épouse) ne sont ni médecins et encore moins pharmaciens ? Quant à leur formation scientifique, elle est... pour le moins basique. Et vous leur faites confiance pour gérer votre santé ? Quelles légitimité ont-ils ? Libre à vous de dépenser 20-30 ¿ pour des produits absolument inefficaces ».
3. Par ordonnance du 7 octobre 2022, M. [J] [M] a été renvoyé en qualité d'auteur des propos poursuivis devant le tribunal correctionnel.
4. Par jugement du 28 février 2023, le tribunal l'a relaxé.
5. Les parties civiles ont relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a débouté la société [2] et les époux [Y] de leurs demandes, alors :
« 1°/ que lorsqu'une personne est visée par des propos diffamatoires, il importe peu qu'elle n'ait pas été nommément ou expressément désignée, dès lors que son identification est possible ; que la diffamation visant une personne peut rejaillir sur une autre si les imputations diffamatoires lui sont étendues, fût-ce de manière déguisée ou dubitative ou par voie d'insinuation ; qu'en retenant que l'avis émis par M. [M] selon lequel « Je trouve les avis d'une naïveté déconcertante. Les clients sont prêts à avaler n'importe quoi. II suffit pour cela d'un bel emballage doré et d'un langage pseudo-scientifique » « ne désigne, ni n'identifie précisément ni [2], ni M. et Mme [Y] » et critique « en réalité la naïveté de certains clients » quand ces propos, hébergés, selon ses propres constatations, sur le profil d'établissement [1] de la société [2], s'ils visent au premier chef les clients de cette société, rejaillissent néanmoins sur celle-ci, leur auteur insinuant qu'elle abuse de la crédulité de ces derniers pour leur faire « avaler n'importe quoi » en utilisant un « langage pseudo-scientifique » et en conditionnant ses produits dans un « bel emballage doré », la cour d'appel a méconnu les articles 29 de la loi du 29 juillet 1881, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que toute expression qui contient l'imputation d'un fait précis et déterminé de nature à porter atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne visée constitue une diffamation, même si elle est présentée sous une forme déguisée ou dubitative ou par voie d'insinuation ; qu'en retenant que l'avis émis par M. [M] sur le profil d'établissement [1] de la société [2] selon lequel « Je trouve les avis d'une naïveté déconcertante. Les clients sont prêts à avaler n'importe quoi. II suffit pour cela d'un bel emballage doré et d'un langage pseudo-scientifique » « n'impute aux parties civiles aucun fait matériel précis », quand cet avis insinue que la société [2] abuse de la naïveté de ses clients en utilisant un « langage pseudo-scientifique » et en conditionnant ses produits dans un « bel emballage doré » afin de leur vendre des compléments alimentaires inefficaces et lui impute ainsi un manque de probité commerciale, fait précis et déterminé portant atteinte à sa considération professionnelle, la cour d'appel a méconnu les articles 29 de la loi du 29 juillet 1881, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
3°/ qu'il appartient aux juges du fond, avant de rechercher si les propos poursuivis dépassent ou non les limites admissibles de la liberté d'expression, ce qui suppose qu'ils s'inscrivent dans un débat d'intérêt général et reposent sur une base factuelle suffisante, de déterminer s'ils constituent une articulation précise de faits portant atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne à laquelle le fait est imputé de nature à être, sans difficulté, l'objet d'une preuve et d'un débat contradictoire ; qu'en retenant, pour dire que les propos selon lesquels « Les mauvais avis sont réels et ce ne sont pas eux qui posent problème mais les produits vendus par [3]. Savez-vous que M. [Y] [W] (fondateur et dirigeant de [3]) et Mme [Y] [U] (son épouse) ne sont ni médecins, et encore moins pharmaciens ? Quant à Ieur formation scientifique, elle est... pour le moins basique. Et vous leur faites confiance pour gérer votre santé ? Quelle Iégitimité ont-ils ? Libre à vous de dépenser 20-30 ¿ pour des produits totalement inefficaces » ne caractérisent pas « suffisamment » le délit de diffamation, « qu'ils ne dépassent pas les limites admissibles de la liberté d'expression dans le cadre de débats sur un site d'informations à propos de produits vendus par une société commerciale soumise aux critiques du marché inhérentes au monde des affaires », la cour d'appel, qui a ainsi déduit l'absence de diffamation de la bonne foi du prévenu, a méconnu les articles 10 de la convention européenne des droits de l'homme, 29 de la loi du 29 juillet 1881, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
4°/ en tout état de cause que dépassent le libre droit de critique concernant les produits les attaques personnelles portant atteinte à la considération professionnelle du fabricant ; qu'en retenant, pour dire que les propos selon lesquels « Les mauvais avis sont réels et ce ne sont pas eux qui posent problème mais les produits vendus par [3]. Savez-vous que M. [Y] [W] (fondateur et dirigeant de [3]) et Mme [Y] [U] (son épouse) ne sont ni médecins, et encore moins pharmaciens ? Quant à Ieur formation scientifique, elle est... pour le moins basique. Et vous leur faites confiance pour gérer votre santé ? Quelle Iégitimité ont-ils ? Libre à vous de dépenser 20-30 ¿ pour des produits totalement inefficaces » sont « insuffisamment constitutifs d'une atteinte à l'honneur ou à la considération des parties civiles », que le prévenu s'est contenté de rappeler que « les compléments alimentaires commercialisés par la société [2] n'étant pas des médicaments, ne pouvaient avoir d'effet thérapeutique sur les pathologies décrites par les internautes », quand ces propos laissent en réalité entendre que M. et Mme [Y] tromperaient leurs clients en leur faisant croire que les compléments alimentaires qu'ils vendent auraient des effets thérapeutiques et constituent ainsi des attaques personnelles portant atteinte à leur considération professionnelle, la cour d'appel a méconnu les articles 29 de la loi du 29 juillet 1881, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
5°/ que la bonne foi du diffamateur suppose qu'il ait poursuivi un but légitime d'information ; qu'en retenant, pour dire que les propos selon lesquels « Les mauvais avis sont réels et ce ne sont pas eux qui posent problème mais les produits vendus par [3]. Savez-vous que M. [Y] [W] (fondateur et dirigeant de [3]) et Mme [Y] [U] (son épouse) ne sont ni médecins, et encore moins pharmaciens ? Quant à Ieur formation scientifique, elle est... pour le moins basique. Et vous leur faites confiance pour gérer votre santé ? Quelle Iégitimité ont-ils ? Libre à vous de dépenser 20-30 ¿ pour des produits totalement inefficaces » « ne dépassent pas les limites admissibles de la liberté d'expression », qu'ils s'inscrivent « dans le cadre de débats sur un site d'informations à propos de produits vendus par une société commerciale », tout en constatant qu'ils avaient été tenus par un simple internaute sur le profil d'établissement [1] « [2] ¿ Laboratoire [3] », ce dont il résultait qu'ils ne poursuivaient pas un but légitime d'information des consommateurs, la cour d'appel s'est contredite et a ainsi méconnu les articles 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, 29 de la loi du 29 juillet 1881, 591 et 593 du code de procédure pénale. »



Réponse de la Cour
Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches
7. Pour rejeter l'existence d'une faute civile à raison des premiers propos publiés par M. [M], l'arrêt attaqué énonce qu'ils n'imputent aucun fait précis portant atteinte à l'honneur ou à la considération des parties civiles.
8. Les juges relèvent que, en effet, ces propos ne désignent, ni n'identifient précisément aucune des parties civiles et ne leur imputent aucun fait matériel précis, critiquant en réalité la naïveté de certains clients.
9. Ils ajoutent que les parties civiles, visées très indirectement en raison de l'hébergement de l'avis litigieux sur leur site professionnel, ne sont dès lors atteintes ni dans leur honneur ni dans leur considération par les propos très généraux et imprécis du prévenu.
10. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision.
11. En effet, les expressions « Les clients sont prêts à avaler n'importe quoi. Il suffit pour cela d'un bel emballage doré et d'un langage pseudo-scientifique » n'imputent aux parties civiles aucun fait précis portant atteinte à leur honneur ou à leur considération, les propos de M. [M] se limitant à un jugement de valeur sur la démarche scientifique de la société et de ses dirigeants, opinion exclusive de tout débat sur la preuve.
12. Ainsi, les griefs doivent être écartés.
Sur le moyen, pris en ses troisième, quatrième et cinquième branches
13. Pour rejeter l'existence d'une faute civile à raison des seconds propos publiés par M. [M], l'arrêt attaqué énonce notamment qu'ils imputent aux parties civiles la vente de produits inefficaces en termes de santé par des personnes aux compétences incertaines, faits précis de nature à faire l'objet d'un débat contradictoire sur leur véracité.
14. Les juges observent que, cependant, ils ne portent pas atteinte à la l'honneur ou à la considération des parties civiles, le prévenu affirmant, dans le contexte où les propos ont été tenus, que les compléments alimentaires commercialisés par la société [2], n'étant pas des médicaments, ne pouvaient avoir d'effet thérapeutique sur les pathologies décrites par les internautes.
15. En l'état de ces seuls motifs, exempts de contradiction, la cour d'appel, qui a exactement apprécié, en considération des éléments extrinsèques qu'elle a analysés souverainement, que les propos poursuivis ne portaient pas atteinte à l'honneur ou la considération des parties civiles, a justifié sa décision.
16. Dès lors, le moyen doit être écarté.
17. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.




Crim. 8 avril 2025 n° 24-81.656

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° C 24-81.656 F-D
N° 00466

ODVS 8 AVRIL 2025

REJET

M. BONNAL président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 8 AVRIL 2025


MM. [C] [T] et [W] [K] et la société [2] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Colmar, chambre correctionnelle, en date du 1er décembre 2023, qui, le premier, pour travail dissimulé et exercice de l'activité de transporteur public routier de marchandises sans inscription au registre, les deuxième et troisième, pour complicité de ces délits, les a condamnés, les premier et deuxième, à huit mois d'emprisonnement avec sursis et vingt-quatre amendes de 500 euros dont douze avec sursis et, la troisième, à vingt-quatre amendes de 1 000 euros.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de M. Maziau, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, avocat de M. [W] [K], les observations de la SAS Boucard-Capron-Maman, avocat de la société [2] et M. [C] [T], et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Maziau, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Un contrôle a été effectué le 23 mars 2017 dans les locaux de la société [2], qui exerce une activité de commissionnaire de transport, par des agents du service régional des transports routiers.
3. M. [C] [T], dirigeant de la société [1], a été cité à comparaître devant le tribunal correctionnel des chefs de travail dissimulé et exercice de l'activité de transporteur public routier de marchandises sans inscription au registre.
4. La société [2] et M. [W] [K], son représentant légal entre 2015 et juillet 2017, ont été cités devant le tribunal correctionnel des chefs de complicité d'exercice de l'activité de transporteur public routier de marchandises sans inscription au registre, et complicité de travail dissimulé par dissimulation d'activité et d'emplois salariés.
5. Par jugement du 8 avril 2021, le tribunal correctionnel a relaxé les trois prévenus.
6. Le procureur de la République a interjeté appel de ce jugement.
Examen des moyens
Sur les deuxième et troisième moyens proposés pour M. [K] et la société [2]
7. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission des pourvois au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le moyen proposé pour M. [T] et sur le premier moyen proposé pour M. [K] et la société [2]
Enoncé des moyens
8. Le moyen proposé pour M. [T] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclaré coupable d'exercice de l'activité de transporteur public routier de marchandises sans inscription au registre, exécution d'un travail dissimulé par dissimulation d'activité et d'exécution d'un travail dissimulé par dissimulation de salariés, faits commis entre le 1er janvier 2016 et le 31 décembre 2017, alors :
« 1°/ que des opérations de cabotage sont conformes à la réglementation européenne et ne sont pas assujetties à une obligation d'établissement dans l'Etat membre d'accueil si elles sont consécutives à un transport international, réalisées dans un délai de sept jours à compter du dernier déchargement de marchandises ayant fait l'objet du transport international et limitées au nombre de trois ; qu'une opération de cabotage réalisée dans un Etat membre qui n'est pas la destination finale du transport international est également régulière et n'est pas assujettie à une obligation d'établissement si elle est unique et réalisée dans un délai de trois jours à compter de l'entrée à vide sur le territoire de cet Etat ; que ces restrictions permettent d'assurer l'effet utile des règles strictes encadrant les transports de cabotage en ce qu'elles évitent que ces transports soient effectués de manière à créer une activité permanente ou continue au sein de l'État membre d'accueil et garantissent le caractère temporaire du cabotage ; qu'en considérant que c'était à tort que les premiers juges avaient estimé que l'activité de transport intérieur de la société [1] ne pouvait être assujettie à une obligation d'établissement et que l'infraction reprochée à M. [T] d'exercice de l'activité de transporteur public routier de marchandises sans inscription au registre était établie, après avoir constaté que M. [T] respectait pour chaque opération de cabotage les exigences précitées, prévues par la réglementation européenne, la cour d'appel a violé I'article 8 §§ 1 et 2 du règlement CE n° 1072/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 établissant des règles communes pour l'accès au marché du transport international de marchandises par route, ensemble l'article L. 3452-6 1) du code des transport et l'article 591 du code de procédure pénale ;
2°/ que les dispositions de l'article L 3421-8 du code des transports, qui font obstacle à ce qu'un transporteur établi dans un autre Etat membre invoque la règlementation du cabotage telle qu'elle résulte du règlement n°1072/2009, en particulier l'article 8 de ce règlement, s'il exerce en France une activité de transport intérieur de façon habituelle, continue ou régulière, ne sont ni nécessaires ni proportionnées aux objectifs du règlement en matière de cabotage, qui sont de limiter les parcours à vide et d'assurer que les opérations de cabotage ne soient pas effectuées de manière à créer dans l'Etat d'accueil une activité permanente et continue ; qu'en considérant, pour juger que l'infraction d'exercice de l'activité de transporteur public routier de marchandises sans inscription au registre était établie, que l'article L. 3421-8 du code des transports ajoute, aux conditions du cabotage posées par l'article 8 du règlement n° 1072/2009, une précision en prévoyant qu'un transporteur non résident ne peut se prévaloir des dispositions du règlement lorsqu'il exerce sur le territoire national une activité de transport intérieur de façon habituelle, continue ou régulière et que cette précision tend à éviter que sous couvert de cabotages multiples mais conformes aux conditions temporelles et quantitatives définies par le règlement, un transporteur établi dans un autre Etat membre exerce habituellement son activité en France tout en échappant aux obligations incombant aux entreprises nationales, la cour d'appel a violé l'article 8 §§ 1 et 2 du règlement CE n° 1072/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 établissant des règles communes pour l'accès au marché du transport international de marchandises par route, ensemble l'article L. 3452-6 1) du code des transports et l'article 591 du code de procédure pénale ;
3°/ qu'il n'y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre ; qu'en se bornant à constater que M. [K], dirigeant de la société [2] était en lien constant avec M. [T] et connaissait la règlementation en vigueur, et que M. [T] avait déclaré lors de son audition qu'il n'était pas en mesure d'ouvrir un établissement en France du fait de la fiscalité et du coût d'un local, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'élément intentionnel de l'infraction en la personne de M. [T], et a insuffisamment justifié sa décision au regard des articles L. 3452-6 1° du code des transport, 121-3 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ;
4°/ que si nul n'est censé ignorer la loi, n'est pas responsable pénalement la personne qui justifie avoir cru, par une erreur sur le droit qu'elle n'était pas en mesure d'éviter, pouvoir légitimement accomplir l'acte ; que pour condamner M. [T], de nationalité lituanienne, la cour d'appel a retenu que, même s'il avait exercé son activité de cabotage dans le respect des conditions prévues par l'article 8 du règlement n°1072/2009, il ne pouvait cependant se prévaloir de ces dispositions dès lors qu'il avait accompli cette activité de manière habituelle, continuelle ou régulière ce que prohibait l'article L. 3421-8 (devenu L. 3421-8-1) du code des transports français ; qu'en se déterminant ainsi, cependant que cette disposition, qui ajoute une condition audit règlement pour la légalité des opérations de cabotage, n'a jamais été publiée au journal officiel de l'Union européenne, de sorte que le prévenu pouvait légitimement l'ignorer, n'ayant au surplus jamais été mis en demeure par les autorités françaises de s'y conformer, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles L. 3421-8 du code des transports, de l'article 8 du règlement n°1072/2009 et de l'article 122-3 du code pénal. »
9. Le moyen proposé pour M. [K] et la société [2] critique l'arrêt attaqué de les avoir déclarés coupables des infractions de complicité d'exercice de l'activité de transporteur public routier de marchandises sans inscription au registre, et de complicité d'exécution d'un travail dissimulé par dissimulation d'activité et par dissimulation de salarié, pour la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017, alors « que le juge national a l'obligation de laisser inappliquée toute disposition de droit interne contraire à une disposition du droit de l'Union qui est d'effet direct dans le litige dont il est saisi, et notamment une mesure d'application nationale qui entrave l'applicabilité directe d'un règlement ; que la Cour de justice de l'Union européenne a jugé que le fait de soumettre l'ensemble des transports de cabotage aux conditions prévues à l'article 8, paragraphes 2 à 4, du règlement (CE) n° 1072/2009 garantit par lui-même le caractère temporaire du cabotage (CJUE, 8 juillet 2021, aff. C-937/19, § 51) ; que les dispositions de l'article L. 3421-8 du code des transports, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2021-1308 du 8 octobre 2021, selon lesquelles un transporteur non résident ne peut se prévaloir des dispositions du règlement (CE) n° 1072/2009 lorsqu'il exerce sur le territoire national une activité de transport intérieur de façon habituelle, continuelle ou régulière, ont précisément pour objet d'exclure l'applicabilité directe du règlement (CE) n° 1072/2009 à un transporteur non résident qui respecterait les conditions prévues par l'article 8 de ce règlement et dont l'activité aurait en conséquence un caractère temporaire ; qu'en faisant application de ce texte, qui donne du caractère temporaire de l'activité de cabotage une définition plus restrictive que le règlement et qui en entrave l'applicabilité directe, la cour d'appel a violé l'article 8 du règlement (CE) n° 1072/2009, ensemble l'article 288 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et le principe de primauté du droit de l'Union européenne. »
Réponse de la Cour
10. Les moyens sont réunis.
11. La Cour de justice de l'Union européenne déduit des dispositions de l'article 8 du règlement n° 1072/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 que le fait de soumettre l'ensemble des transports de cabotage, y compris ceux consécutifs à un transport international pour compte propre, au sens de l'article 1er, paragraphe 5, sous d), dudit règlement, aux conditions prévues à l'article 8 précité, paragraphes 2 à 4, de ce texte, permet d'assurer l'effet utile des règles strictes encadrant les transports de cabotage en ce que cela évite que ces transports soient effectués de manière à créer une activité permanente ou continue au sein de l'État membre d'accueil et garantit dès lors le caractère temporaire du cabotage, qui, conformément aux considérants 13 et 15 de ce règlement, constitue l'un des objectifs poursuivis par ce texte (CJUE, 8 juillet 2021, Amtsgericht Köln, C-937/19, § 51).
12. La Cour de cassation juge en conséquence (Crim., 11 janvier 2022, pourvoi n° 21-82.075, publié au Bulletin) que le délit d'exercice de l'activité de transporteur public routier de marchandises sans inscription au registre est constitué indépendamment du caractère éventuellement régulier de chacun des actes de cabotage participant de l'activité de l'entreprise, pris individuellement. En outre, elle considère que l'article L. 3421-8 du code des transports, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010, devenu l'article L. 3421-8-1 du même code, loin de limiter la portée du règlement (CE) n° 1072/2009, tend à garantir son application en conformité avec l'objectif que lui assignent les considérants précités dudit règlement. Enfin, elle énonce que ni l'article L. 3452-6, 1°, du code des transports, qui incrimine le fait d'exercer une activité de transporteur public routier sans l'autorisation prévue à cet article, ni l'article L. 3421-8, devenu l'article L. 3421-8-1 du même code, n'exigent que l'entreprise en cause exerce cette activité de manière exclusive sur le territoire national.
13. En l'espèce, pour déclarer M. [T] coupable d'exercice de l'activité de transporteur public routier de marchandises sans inscription au registre, l'arrêt attaqué énonce, notamment, qu'il lui est reproché de ne pas s'être inscrit au registre national des transporteurs et, plus précisément, un abus de cabotage international routier régi par le règlement européen n° 1072/2009 dont les dispositions sont reprises en droit interne par les articles L. 3241-3 à L. 3421-7 du code des transports alors qu'il exerce une partie de son activité sur le territoire français.
14. Ils exposent qu'en l'espèce, il ressort du contrôle effectué par la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) que M. [T], en sa qualité de dirigeant de l'entreprise individuelle de transport [1], a effectué de très nombreuses opérations de cabotage et qu'au regard des déclarations européennes de service effectuées auprès de la brigade compétente de contrôle et de recherche des services fiscaux, l'activité sur le territoire français de Dariaus automobiliai en lien avec la société [2] n'a cessé de progresser depuis 2014.
15. Ils constatent que si l'on considère que, d'une part, le chiffre d'affaires réalisé par [1] sur le marché français a été en constante augmentation de 2014 à fin 2017, d'autre part, la société [2] constitue son donneur d'ordre unique pour le marché français, [1] apparaît être intervenue de manière habituelle, voire quotidienne, sur le territoire français.
16. Ils précisent qu'il ressort également du contrôle effectué par la DREAL que la part de 34 % réalisée par [1] sur le segment des activités intérieures de la société [2] en 2016 témoigne de la place occupée par cette société au sein de cette dernière, renforcée encore par le fait qu'elle est le sous-traitant privilégié à l'international avec 85 % des opérations réalisées.
17. Ils en déduisent qu'en dépit d'une installation régulière en Lituanie, pays dans lequel elle dispose des moyens humains et matériels nécessaires à son activité, la société [1] a exercé en France, sur la période examinée, une activité de transport intérieur de façon habituelle, continuelle ou régulière et ce, exclusivement ou presque pour le compte de la société [2].
18. Ils relèvent qu'en raison de la taille de son entreprise et de la place que la France a prise dans son activité, M. [T] n'a pu ignorer que s'il respectait, pour chaque opération de cabotage, les exigences de la réglementation européenne précitée, son activité de transport intérieur sur le territoire français n'était pas occasionnelle mais bien habituelle, continuelle ou régulière, de sorte que se posait la question d'un établissement en France avec toutes les déclarations afférentes.
19. Ils ajoutent que le prévenu pouvait d'autant moins ignorer ce fait qu'en raison d'un partenariat continu et régulier avec la société [2], M. [K], son dirigeant de fait et de droit sur la période examinée et en lien constant avec M. [T], disposait d'une parfaite connaissance de la réglementation en vigueur suite aux précédents contrôles effectués au sein de [2] au cours desquels il avait été averti du caractère illégal de la pratique consistant à confier de manière pérenne des opérations de transport national à des sous-traitants étrangers.
20. Ils précisent que si M. [K] prétend le contraire, il n'en reste pas moins que le volume d'activité de la société [1] était tel qu'il avait parfaitement conscience, après les différents avertissements qui lui avaient été adressés par la DREAL, que la pratique installée était devenue illégale.
21. Ils soulignent que tant M. [T] que la société [2] ont retiré un bénéfice certain de ce partenariat, le premier, en minimisant ses charges dès lors qu'il restait installé en Lituanie tout en s'implantant sur le marché français, la seconde, en bénéficiant de coûts de transport inférieurs à ceux pratiqués par les entreprises françaises du secteur, la DREAL ayant observé que cette pratique était répétée, depuis des années, dans d'autres entreprises gérées par M. [K], les changements de sous-traitants s'opérant au rythme de ses contrôles, verbalisations ou avertissements.
22. Pour retenir la culpabilité de M. [K] et de la société [2], les juges exposent, notamment, qu'en recourant de manière constante et habituelle aux services de l'entreprise [1] et en faisant en sorte qu'elle puisse développer d'année en année, entre 2014 et 2017, son implantation sur le marché français, la société [2] s'est rendue complice de l'infraction d'exercice de l'activité de transporteur public routier de marchandises sans inscription au registre.
23. Ils retiennent qu'elle ne peut se retrancher derrière une absence de renvoi entre les articles L. 3452-6, 1°, et L. 3421-8 du code des transports pour prétendre que l'infraction principale n'est pas constituée et dégager ainsi sa responsabilité dans la mesure où l'article L. 3421-8 renvoie aux articles L. 3113-1 et L. 3211-1 dudit code, ces mêmes articles étant visés par l'article L. 3452-6, 1°, qui constitue le texte de répression.
24. Ils ajoutent que cette société ne peut valablement soutenir que ce ne serait qu'à compter de l'arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 11 janvier 2022 (pourvoi n° 21-82.075) que le principe même de la répression pénale en France de l'activité prétendument habituelle, continuelle et régulière des transports de cabotage, pourtant réalisés conformément au règlement n° 1072/2009, devient prévisible, dès lors que le texte même de l'article L. 3421-8 du code des transports, particulièrement clair, comportait déjà des précisions suffisantes rendant la perspective de poursuites suffisamment prévisibles.
25. En se déterminant ainsi, la cour d'appel, qui a fait une exacte application de l'article L. 3421-8 du code des transports, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2021-1308 du 8 octobre 2021, dont les dispositions se bornent, sans y ajouter, à garantir le plein respect du règlement n° 1072/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 en conditionnant la régularité du cabotage de marchandises par un transporteur non résident à l'accomplissement sur le territoire national d'une activité qui ne soit pas permanente ou continue, a caractérisé sans insuffisance ni contradiction, dans leurs éléments matériels comme intentionnel, les délits reprochés.
26. En conséquence, les conditions d'application du droit de l'Union européenne et, en particulier, du principe général de sécurité juridique, ainsi que des principes de clarté et de prévisibilité de la loi pénale apparaissant suffisamment claires et précises pour ne laisser place à aucun doute raisonnable sur la manière de résoudre le problème soulevé, la Cour de cassation n'est pas tenue de poser à la Cour de justice de l'Union européenne les questions préjudicielles proposées par les prévenus.
27. Les moyens, la quatrième branche du moyen unique proposé pour M. [T] étant inopérante dès lors que le journal officiel de l'Union européenne n'est nullement compétent pour publier les actes officiels de la République française et, au surplus, nouvelle, mélangée de fait et de droit, et comme telle irrecevable devant la Cour de cassation, doivent être écartés.
28. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.




Crim. 2 avril 2025 n° 23-86.785

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° H 23-86.785 F-D
N° 00441

SL2 2 AVRIL 2025

REJET

M. BONNAL président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 2 AVRIL 2025


La direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-12, en date du 27 septembre 2023, qui a relaxé M. [L] [V] du chef d'importation sans déclaration de marchandises prohibées.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Wyon, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la direction générale des douanes et droits indirects et de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières, et les conclusions de M. Crocq, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Wyon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le 4 novembre 2019, à l'occasion d'un contrôle de bagages non acheminés à l'aéroport de [Localité 4], les agents des douanes ont découvert un sac isolé arrivé par le vol [Localité 1]-[Localité 3] du 1er novembre précédent, dont l'étiquette portait le nom et le numéro de passager de M. [L] [V], ainsi que la mention d'un trajet [Localité 2]-[Localité 1]-[Localité 3].
3. À l'intérieur de ce sac, les douaniers ont découvert 32,5 kilogrammes de tabac à narguilé.
4. L'administration des douanes a relevé à l'encontre de M. [V] l'infraction d'importation sans déclaration préalable en douane de tabac manufacturé, et celui-ci a refusé la proposition de transaction qui lui a été adressée, affirmant que ce bagage lui était étranger.
5. Poursuivi du chef susmentionné devant le tribunal correctionnel, M. [V] a été relaxé.
6. L'administration des douanes a relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
7. Le grief n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le moyen, pris en ses autres branches
Énoncé du moyen
8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement rendu par le tribunal correctionnel de Bobigny le 21 avril 2022 en ce qu'il avait relaxé M. [V] des faits d'importation sans déclaration de produits du tabac manufacturé qui lui étaient reprochés, alors :
« 2°/ qu'en relevant, pour relaxer Monsieur [V] des faits pour lesquels il était poursuivi, qu'il ne pouvait être considéré comme le « destinataire réel » du tabac à narguilé retrouvé dans un bagage portant son nom, dès lors qu'il n'aurait pas été établi qu'il avait eu connaissance de l'existence de ce bagage, quand la notion de « destinataire réel » de marchandises de fraude est une notion objective, caractérisée par des éléments démontrant matériellement qu'une personne a été le destinataire de telles marchandises, sans qu'il soit requis qu'elle ait eu connaissance de leur existence, la cour d'appel a derechef violé l'article 392 §1 du code des douanes ;
3°/ qu'en toute hypothèse, en relevant, pour relaxer Monsieur [V] des faits pour lesquels il était poursuivi, qu'il n'aurait pas été établi qu'il avait eu connaissance de l'existence du bagage dans lequel avait été retrouvé du tabac à narguilé, quand il résultait des pièces du dossier que ce bagage portait une étiquette ou « TAG » mentionnant le nom de Monsieur [V] et dont le numéro correspondait à celui que la compagnie aérienne lui avait attribué, qu'il indiquait également un numéro de « PNR » (« Passenger Record Name ») renvoyant à des données liées à une réservation effectuée par Monsieur [V] et qu'il avait été acheminé à l'occasion du même vol que celui que Monsieur [V] avait emprunté le 1er novembre 2019 en provenance d'[Localité 1] et à destination de Paris, ce dont il résultait que Monsieur [V] avait eu nécessairement connaissance de l'existence de ce bagage, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs en méconnaissance des dispositions de l'article 593 du code de procédure pénale ;
4°/ qu'en relevant, pour relaxer Monsieur [V] des faits pour lesquels il était poursuivi, qu'il était étonnant qu'il n'ait pas récupéré le bagage portant son nom sur le tapis roulant de l'aéroport le 1er novembre 2019 au matin, sauf à supposer l'existence d'un contrôle des douanes à l'arrivée du vol, évidemment dissuasif, ce qui ne résultait pas des éléments du dossier, sans ordonner une mesure d'instruction dont elle reconnaissait ainsi implicitement la nécessité, aux fins de déterminer si les agents des douanes n'avaient pas procédé, le 1er novembre 2019 au matin au terminal 2A de l'aéroport [5], à un contrôle des passagers à l'arrivée du vol en provenance d'[Localité 1] que Monsieur [V] avait emprunté, ce qui aurait expliqué qu'il n'ait pas cherché à récupérer le bagage portant son nom qui contenait du tabac à narguilé, la cour d'appel a violé les articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;
5°/ qu'en relevant, pour relaxer Monsieur [V] des faits pour lesquels il était poursuivi, qu'il ne pouvait être considéré comme « détenteur » du tabac à narguilé retrouvé dans un bagage portant son nom, dès lors qu'il n'était pas établi qu'il aurait été le détenteur physique et matériel, l'expéditeur ou le destinataire réel de ce bagage, sans rechercher s'il ne pouvait pas être regardé comme la personne qui avait procédé à l'importation du bagage en cause et ne devait pas, en conséquence, être qualifié de « détenteur » du tabac à narguilé contenu dans ce bagage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 392 §1 du code des douanes. »
Réponse de la Cour
9. Pour confirmer le jugement qui a relaxé le prévenu, l'arrêt attaqué énonce que, s'il est constant que 32,5 kilogrammes de tabac à narguilé ont été découverts dans un bagage provenant de [Localité 2] portant les références correspondant au voyage effectué par M. [V], et que l'étiquette de ce bagage porte son nom ainsi que le numéro de passager qui lui a été attribué par la compagnie aérienne, M. [V] n'a pas été contrôlé en sa possession ou s'apprêtant à en prendre possession, et en tout état de cause, ne détenait pas matériellement ou physiquement le bagage.
10. Les juges ajoutent que si le sac a été acheminé avec les références du voyage de M. [V], cet élément est toutefois insuffisant pour caractériser sa qualité d'expéditeur ou de destinataire réel, dans la mesure où il n'est pas établi qu'il avait eu connaissance de l'existence de ce bagage.
11. Ils relèvent que le prévenu n'a pas récupéré ou tenté de récupérer le bagage, lui-même ou par l'intermédiaire d'un tiers, et qu'il ne ressort pas de la procédure qu'il en ait eu l'intention.
12. Ils retiennent qu'il est étonnant qu'il ne l'ait pas récupéré sur le tapis roulant le 1er novembre 2019 au matin.
13. Ils observent encore que le bagage a été retrouvé trois jours plus tard, le 4 novembre 2019 dans l'après-midi, abandonné, et que pendant cet intervalle et jusqu'au courrier de l'administration des douanes d'août 2020, M. [V] n'a manifesté en aucune manière une volonté de récupérer ce bagage.
14. Ils considèrent que, si le bagage a été acheminé sous les données de vol de M. [V], cet acheminement n'est pas de nature à établir qu'il en ait été le détenteur, l'expéditeur ou le destinataire réel à un quelconque moment, puisqu'il ne résulte pas de la procédure le moindre élément permettant d'établir que celui-ci, qui justifie par le ticket figurant sur sa carte d'embarquement avoir voyagé avec un seul bagage de 23 kilogrammes, et n'a pas eu de surtaxe à payer, avait connaissance de l'utilisation de ses données et de l'existence de ce bagage.
15. Les juges en concluent que la présomption de fraude n'a pas vocation à s'appliquer, et qu'il n'est pas nécessaire d'examiner si M. [V] démontre sa bonne foi.
16. En se déterminant ainsi, par des motifs qui relèvent de son appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause, au terme desquels les juges ont conclu qu'il n'est pas établi que M. [V] a eu la qualité de détenteur des marchandises de fraude, la cour d'appel a justifié sa décision.
17. Ainsi, le moyen, inopérant en sa quatrième branche qui critique un motif surabondant, ne peut être accueilli.
18. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.




Crim. 2 avril 2025 n° 23-86.683

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° W 23-86.683 F-D
N° 00445

SL2 2 AVRIL 2025

CASSATION PARTIELLE

M. BONNAL président,





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 2 AVRIL 2025


M. [D] [N] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Nancy, chambre correctionnelle, en date du 17 octobre 2023, qui, pour transfert de capitaux sans déclaration, l'a condamné à une amende douanière et des confiscations.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de M. Gillis, conseiller référendaire, les observations de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de M. [D] [N], les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de l'administration des douanes et droits indirects et de la direction régionale des douanes et droits indirects de Lorraine, et les conclusions de M. Crocq, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Gillis, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [D] [N] a été contrôlé par les agents des douanes alors qu'il était porteur de 32 790 euros et 4 430 zlotys, sommes qu'il n'avait pas déclarées.
3. Par jugement du 11 octobre 2022, il a été condamné pour transfert de capitaux sans déclaration à une amende de 3 000 euros avec sursis et à la confiscation de la somme de 22 760 euros.
4. L'intéressé et le ministère public ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
5. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le second moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a infirmé le jugement et a condamné M. [N] à une amende douanière de 17 145 euros, ordonné la confiscation du scellé douanier contenant la somme de 4 430 zlotys et la confiscation de la somme de 32 790 euros, alors :
« 1°/ qu'eu égard à l'ampleur et à la gravité de l'infraction commise, ainsi qu'à la personnalité de son auteur, le tribunal peut réduire le montant de l'amende fiscale prononcée à l'encontre de l'auteur d'une infraction douanière jusqu'à un montant inférieur à son montant minimal ; qu'en matière douanière, toute peine d'amende doit être motivée de sorte que le juge qui prononce une amende en application de l'article L. 152-4 du code monétaire et financier en répression des infractions aux obligations déclaratives en matière de transfert de capitaux, en fonction du montant de l'argent liquide sur lequel a porté l'infraction, doit également motiver sa décision au regard de l'ampleur et de la gravité de l'infraction commise ainsi que de la personnalité de son auteur, quel que soit le montant de l'amende qu'il retient ; que pour infirmer le jugement qui a condamné M. [N] à une amende de 3 000 euros, l'arrêt attaqué énonce que, conformément à l'article L. 152-4 du code monétaire et financier, M. [N] sera condamné à une amende douanière de 17 145 euros, correspondant à 50% des sommes saisies ; qu'en se prononçant par des motifs dont il se déduit que la cour d'appel s'est considérée comme tenue de prononcer l'amende minimale encourue sans s'expliquer sur l'ampleur et la gravité de l'infraction commise, ni sur la personnalité du prévenu qu'elle devait prendre en considération pour fonder sa décision, la cour d'appel a violé les articles 365, 369 du code des douanes, 485, 512 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que tout arrêt ou jugement doit comporter les motifs propres à justifier sa décision ; qu'en se bornant à ordonner la confiscation du scellé douanier SIE-022 contenant la somme de 4 430 zlotys et la confiscation de la somme de 32 790 euros (SIE-001) sans vérifier que les conditions de la confiscation posées par l'article L. 152-4 II du code monétaire et financier sont remplies, la cour d'appel a statué par voie de pure affirmation et privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 152-4 II du code monétaire et financier. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 365 et 369 du code des douanes, L. 152-4 du code monétaire et financier, 485, 512 et 593 du code de procédure pénale :
7. Aux termes du deuxième de ces textes, eu égard à l'ampleur et à la gravité de l'infraction commise, ainsi qu'à la personnalité de son auteur, le tribunal peut réduire le montant de l'amende fiscale prononcée à l'encontre de l'auteur d'une infraction douanière jusqu'à un montant inférieur à son montant minimal.
8. Il résulte du premier et des trois derniers qu'en matière douanière, toute peine d'amende doit être motivée.
9. Il résulte du I du troisième de ces textes que la méconnaissance des obligations déclaratives énoncées à l'article L. 152-1 du code monétaire et financier est punie d'une amende égale à 50 % de la somme sur laquelle a porté l'infraction ou la tentative d'infraction.
10. Il se déduit de l'ensemble de ces textes que le juge qui prononce une amende en application de l'article L. 152-4, I, du code monétaire et financier en répression du délit de transfert non déclaré de capitaux, en fonction du montant de l'argent liquide sur lequel a porté l'infraction, doit également motiver sa décision au regard de l'ampleur et de la gravité de l'infraction commise ainsi que de la personnalité de son auteur, quel que soit le montant de l'amende qu'il retient.
11. Par ailleurs, en vertu du II du troisième de ces textes, en cas de constatation de l'infraction de transfert de capitaux en méconnaissance des obligations déclaratives énoncées à l'article L. 152-1 précité par les agents des douanes, ceux-ci consignent la totalité de la somme sur laquelle a porté l'infraction. La somme consignée est saisie et sa confiscation peut être prononcée par la juridiction compétente si, pendant la durée de la consignation, il est établi que l'auteur de l'infraction est ou a été en possession d'objets laissant présumer qu'il est ou a été l'auteur d'une ou plusieurs infractions prévues et réprimées par le code des douanes ou qu'il participe ou a participé à la commission de telles infractions ou s'il y a des raisons plausibles de penser que l'auteur de l'infraction a commis une infraction ou plusieurs infractions prévues et réprimées par le code des douanes ou qu'il a participé à la commission de telles infractions.
12. Pour condamner le prévenu à une amende douanière de 17 145 euros, et ordonner la confiscation des sommes de 32 790 euros et 4 430 zlotys, l'arrêt attaqué, après avoir rappelé les termes de l'article L. 152-4 du code monétaire et financier, indique que la somme de 17 145 euros correspond à 50 % des sommes saisies.
13. En statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé pour les motifs qui suivent.
14. En premier lieu, la cour d'appel ne s'est pas expliquée sur l'ampleur et la gravité de l'infraction commise ni sur la personnalité du prévenu, qu'elle devait prendre en considération pour fonder sa décision.
15. En second lieu, la cour d'appel n'a pas établi que le prévenu est ou a été en possession d'objets laissant présumer qu'il est ou a été l'auteur d'une ou plusieurs infractions prévues et réprimées par le code des douanes ou qu'il participe ou a participé à la commission de telles infractions ou qu'il y a des raisons plausibles de penser qu'il a commis une infraction ou plusieurs infractions prévues et réprimées par le code des douanes ou qu'il a participé à la commission de telles infractions.
16. La cassation est par conséquent encourue, sans qu'il y ait lieu d'examiner l'autre grief.
Portée et conséquences de la cassation
17. La cassation sera limitée aux peines, dès lors que la déclaration de culpabilité n'encourt pas la censure.




Crim. 2 avril 2025 n° 25-80.747

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° K 25-80.747 F-D
N° 00608

GM 2 AVRIL 2025

REJET

M. BONNAL président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 2 AVRIL 2025


M. [E] [M] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Colmar, en date du 12 décembre 2024, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs, notamment, d'association de malfaiteurs, arrestation, enlèvement ou séquestration arbitraire, extorsion et vol, aggravés, a rejeté ses demandes de mise en liberté.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Michon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [E] [M], et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 2 avril 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Michon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. A la suite d'une information, M. [E] [M] a été mis en accusation des chefs rappelés ci-dessus par ordonnance du 26 août 2024 devenue définitive, et maintenu en détention.
3. Le 21 octobre suivant, M. [M] a formé une demande de mise en liberté auprès du greffe de l'établissement pénitentiaire, en utilisant un formulaire intitulé « Demande de mise en liberté en cas de renvoi devant la juridiction de jugement - art. 148-1 et 148-2 du CPP », cochant la case « chambre des appels correctionnels », le mot correctionnel ayant été rayé et remplacé par « audiencement ». La case « chambre de l'instruction » n'était pas cochée. La lettre jointe était adressée à « Mr [R] et chambre de l'instruction ».
4. La demande a été reçue le 25 octobre 2024 au service de l'audiencement de la cour d'appel.
5. Par arrêt du 4 décembre 2024, la chambre correctionnelle de la cour d'appel a constaté son incompétence pour en connaître.
6. La veille, la demande de mise en liberté a été transcrite au greffe de la chambre de l'instruction.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit que le délai de vingt jours prescrit à l'article 148-2 du code de procédure pénale a été respecté, rejeté la demande de mise en liberté immédiate de M. [M] et rejeté la demande de mise en liberté présentée par celui-ci le 21 octobre 2024, alors :
« 1°/ qu'il appartient à la chambre de l'instruction, saisie d'une demande de mise en liberté formée par la personne renvoyée devant la cour d'assises, de statuer sur cette demande dans un délai de vingt jours, à peine de remise en liberté d'office ; que si le point de départ de ce délai doit en principe être fixé au lendemain du jour de sa transcription par le greffe de la juridiction qui a rendu la décision attaquée, il en va autrement lorsque, hors le cas de circonstances imprévisibles et insurmontables extérieures au service de la justice, il s'est écoulé, entre la formalisation de la demande et la transcription de celle-ci dans le registre de la juridiction, un délai excessif ayant fait obstacle à ce qu'il soit statué sur la détention provisoire dans le bref délai exigé par l'article 5, § 4, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que tel est le cas lorsqu'en l'absence de manoeuvre ou d'ambiguïté imputable à la personne détenue, sa demande de mise en liberté a fait l'objet d'une erreur d'orientation par les services de la justice ; qu'au cas d'espèce, il résulte de la procédure que la demande de mise en liberté formée par M. [M] le 21 octobre 2024, adressée par le greffe pénitentiaire au service de l'audiencement de la cour d'appel de Colmar et accompagnée d'un courrier explicitement destiné à la chambre de l'instruction de cette même juridiction, n'a été traitée par la juridiction compétente que le 12 décembre suivant, soit bien au-delà du délai de vingt jours de l'article 148-2 du code de procédure pénale et du « bref délai » de l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme ; qu'aucune ambiguïté n'affectait cette demande, manifestement destinée à la chambre de l'instruction, dès lors que le service « audiencement » de la cour d'appel n'est pas une juridiction, que l'exposant n'était détenu dans aucune autre procédure l'intéressant pendante devant la cour d'appel, que le courrier annexé à la demande de mise en liberté était adressé expressément à la chambre de l'instruction, à l'exclusion de toute autre juridiction d'appel et que l'indication des faits spécifiques de « vol en bande organisée avec armes » objet de l'affaire dans laquelle cette demande était formée empêchait toute confusion avec une quelconque autre procédure ; que c'est donc en dehors de toute circonstance imprévisible et insurmontable extérieure au service de la justice, et en l'absence de manoeuvre ou d'ambiguïté imputable à l'exposant, que cette demande a été enregistrée et audiencée par erreur devant la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Colmar, retardant ainsi son examen par la chambre de l'instruction ; qu'en retenant néanmoins, pour dire n'y avoir lieu à remise en liberté de M. [M], qu' « en statuant le 12 décembre 2024, la chambre de l'instruction ne méconnaît pas le délai de vingt jours prescrit par l'article 148-2 du code de procédure pénale, dès lors qu'elle n'a été saisie que le 4 décembre 2024 d'une demande de mise en liberté entachée de mentions erronées ou ambiguës, de nature à rendre incertaine la désignation de la juridiction compétente », que « la mention chambre des appels correctionnels n'est pas rayée. seul étant biffé le mot correctionnel », que « c'est bien la case correspondant à la chambre des appels correctionnels qui a été cochée, alors que celle correspondant à la chambre de l'instruction. pourtant située juste au-dessous, ne l'a pas été » et qu' « est de surcroît inopérant l'argument selon lequel la lettre manuscrite accompagnant la demande formelle de mise en liberté, était explicitement adressée à la chambre de l'instruction, dès lors que la formule d'appel de cette lettre « M. [R], et chambre d'instruction », ne fait qu'entretenir l'équivoque, M. [R] étant juge de la liberté et de la détention au tribunal de Mulhouse et non membre de la chambre de l'instruction et la lettre étant manifestement adressée à M. [R] », quand ces motifs sont insuffisants, inopérants et impropres à établir l'existence d'une ambiguïté imputable à M. [M] et ayant justifié le retard pris dans l'orientation de la demande de mise en liberté litigieuse devant la juridiction compétente, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 5, § 3, de la Convention européenne des droits de l'homme, 148-2, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ qu'il appartient à la chambre des appels correctionnels, saisie par erreur d'une demande de mise en liberté formée par la personne renvoyée devant la cour d'assises, de statuer sur cette demande dans un délai de vingt jours, fût-ce pour se déclarer incompétente, à peine de remise en liberté d'office ; qu'au cas d'espèce, il résulte de la procédure que la demande de mise en liberté formée par M. [M] le 21 octobre 2024, enregistrée par erreur devant la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Colmar n'a été traitée que le 4 décembre suivant, soit bien au-delà du délai de vingt jours de l'article 148-2 du code de procédure pénale et du « bref délai » de l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme ; qu'en retenant, pour dire n'y avoir lieu à remise en liberté de M. [M], qu' « en examinant la demande de mise en liberté le 4 décembre 2024, la chambre des appels correctionnels a statué dans le délai de deux mois qui lui était imparti par l'article 148-2 du code de procédure pénale », quand la chambre des appels correctionnels disposait d'un délai de vingt jours, et non de deux mois, pour statuer et se déclarer incompétente, la chambre de l'instruction a violé les articles 5, § 3, de la Convention européenne des droits de l'homme, 148-2, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
8. Pour rejeter la demande de mise en liberté immédiate présentée par M. [M], fondée sur le dépassement du délai imparti pour statuer sur sa demande de mise en liberté, l'arrêt attaqué énonce notamment que M. [M] a coché, sur le formulaire approprié, la case correspondant à la chambre des appels correctionnels, et non à la chambre de l'instruction, seule compétente.
9. Les juges ajoutent que la lettre manuscrite, adressée à M. [R], juge des libertés et de la détention, ainsi qu'à la chambre de l'instruction, ne pouvait valoir saisine de cette dernière.
10. Ils précisent que le demandeur a connaissance de la compétence de la chambre de l'instruction puisqu'il a, par le passé, présenté des demandes de mise en liberté auprès de cette dernière.
11. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application des textes visés au moyen pour les motifs qui suivent.
12. En premier lieu, la demande de mise en liberté comportait la mention d'une juridiction incompétente et des mentions équivoques, de sorte que c'est pour des raisons imputables au demandeur que la demande de mise en liberté a été transmise tardivement à la juridiction compétente, en l'espèce la chambre de l'instruction.

13. En deuxième lieu, la cour d'appel, saisie à tort, a statué dans le délai de deux mois prévu à l'article 148-2 du code de procédure pénale.
14. En troisième lieu, la chambre de l'instruction a statué le 8 décembre 2024, soit dans le délai de vingt jours prévu par ce même texte, qui n'a commencé à courir qu'à compter de la transcription au greffe de la demande de mise en liberté le 3 décembre précédent.
15. Ainsi, le moyen doit être écarté.
16. Par ailleurs, l'arrêt est régulier tant en la forme qu'en application des articles 143-1 et suivants du code de procédure pénale.




Crim. 1 avril 2025 n° 24-82.460

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° B 24-82.460 F-D
N° 00418

SB4 1ER AVRIL 2025

REJET

M. BONNAL président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 1ER AVRIL 2025


M. [K] [L] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre 5-1, en date du 11 mars 2024, qui, pour usurpation de titre, l'a condamné à dix ans d'interdiction professionnelle et a prononcé sur les intérêts civils.
Des mémoires, ampliatif, personnel et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Samuel, conseiller, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de M. [K] [L], les observations de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat des ordres des avocats des barreaux des Alpes de Haute-Provence, d'Aix-en-Provence, de Draguignan, de Nice, de Toulon et les conclusions de M. Bigey, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Samuel, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. L'ordre des avocats du barreau de Nice a cité directement M. [K] [L] devant le tribunal correctionnel notamment pour usurpation du titre de conseil juridique, lui reprochant d'avoir, en tant qu'élève-avocat, exploité un site internet de conseil juridique.
3. Le tribunal l'a relaxé de ce chef et a débouté de leurs demandes les ordres des avocats de quatre barreaux, reçus en leur constitution de partie civile.
4. Le ministère public et les parties civiles ont relevé appel de ce jugement.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, le deuxième moyen, pris en ses deuxième et quatrième à septième branches, et le quatrième moyen du mémoire ampliatif, et le premier moyen, pris en sa seconde branche, le deuxième moyen, pris en ses deuxième à quatrième branches, le troisième moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, le quatrième et le cinquième moyens du mémoire personnel
5. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen du mémoire personnel, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [L] coupable d'usurpation de titre et l'a condamné à titre de peine principale à une interdiction d'exercer la profession d'avocat pendant une durée de dix ans ainsi qu'au paiement d'une somme totale de 1 500 euros sur le fondement de l'article 475-1 du code de procédure pénale, alors :
1°/ que, selon l'article 513 du code de procédure pénale, l'appel est jugé à l'audience sur le rapport oral d'un conseiller et que cette formalité est préalable à tout débat ; qu'en statuant en ayant présenté le rapport de l'affaire après avoir interrogé le prévenu sur sa situation personnelle, faisant nécessairement grief aux intérêts de ce dernier, la cour d'appel a violé les articles préliminaire, 513 et 591 du code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.
Réponse de la Cour
7. Les énonciations de l'arrêt mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la formalité du rapport a précédé le débat au fond, conformément aux prescriptions de l'article 513, alinéa 1er, du code de procédure pénale. Il n'importe que ce rapport ait été accompli après que le prévenu a été interrogé sur sa situation personnelle.
8. Ainsi, le moyen doit être écarté.
Sur le deuxième moyen, pris en ses première et troisième branches, du mémoire ampliatif, et le deuxième moyen, pris en sa première branche, du mémoire personnel
Enoncé des moyens
9. Le deuxième moyen du mémoire ampliatif critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [L] coupable des faits d'usurpation de titre et, en conséquence, l'a condamné, à titre de peine principale, à une interdiction d'exercer la profession d'avocat pendant une durée de dix ans et a prononcé sur les intérêts civils, alors :
« 1°/ que la loi pénale est d'interprétation stricte ; que l'infraction d'usurpation de titre attaché à une profession règlementée par l'autorité publique, suppose qu'à la date des faits poursuivis, ce titre corresponde à une profession réglementée en tant que telle ; que le titre et la profession de conseil juridique ont l'un et l'autre disparu dans le cadre de la substitution de la profession d'avocat à celle de conseil juridique ; qu'en déclarant M. [L] d'avoir usurpé un titre qui n'existe plus, attaché à une profession qui n'existe plus, la cour d'appel a violé les articles 433-17 du code pénal et 74 de la loi du 31 décembre 1971 ;
3°/ que la loi pénale est d'interprétation stricte ; que l'élément matériel de l'infraction d'usurpation d'un « titre » est limité à l'utilisation du titre et ne s'étend pas ni à l'utilisation des attributs d'une profession, ni au fait de se prétendre en capacité d'exercer toute ou partie des activités professionnelles réservées au titulaire du titre ; qu'en se bornant, sans constater que M. [L] ou toute autre personne susceptible délivrer une prestation via le site se prétendait « conseil juridique », à relever qu'y figuraient les mentions « conseil et défense juridique pour problème » (p. 8) et « des références expresses aux missions d'un avocat (défense, représentation, photographie de robe d'avocat) de nature à apporter de la confusion dans l'esprit du public" (p. 8), ainsi que « des photos de colonnes de tribunal, de robe d'avocat, de dossiers, de jurisclasseurs et de balance » (p. 8 § 3), la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'élément matériel du délit d'usurpation de titre, a violé l'article 433-17 du code pénal et l'article 74 de la loi du 31 décembre 1971, ainsi que le principe susvisé. »
10. Le deuxième moyen du mémoire personnel fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré M. [L] coupable d'usurpation de titre, alors :
1°/ que le titre de conseil juridique résulte du décret n° 72-670 du 13 juillet 1972, abrogé par l'article 282 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 qui n'a pas prolongé l'existence du titre de conseil juridique ; que l'article 1er de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 a substitué une profession dont les membres portent le titre d'avocat à la profession de conseil juridique ; que le titre de conseil juridique n'existe plus en tant que tel ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles préliminaire et 591 du code de procédure pénale, 111-3, 111-4 et 433-17 du code pénal, 54,55 et 74 de la loi du 31 décembre 1971, 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme.
Réponse de la Cour
11. Les moyens sont réunis.
Sur les moyens, pris en leur première branche
12. Pour retenir que le délit d'usurpation du titre de conseil juridique est toujours en vigueur, l'arrêt attaqué énonce que la lecture même de l'article 74 de la loi du 31 décembre 1971 permet de constater que ce titre n'a pas disparu avec la fusion des professions de conseil juridique et d'avocat en 1992 puisqu'il est expressément visé et protégé par cet article.
13. En statuant ainsi, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés aux moyens.
14. En effet, l'article 74 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, dans sa version modifiée par l'ordonnance n° 2016-1809 du 22 décembre 2016, en vigueur depuis le 24 décembre 2016, punit des peines encourues pour le délit d'usurpation de titre prévu par l'article 433-17 du code pénal quiconque aura fait usage du titre de conseil juridique ou d'un titre équivalent pouvant prêter à confusion, sous réserve des dispositions, non applicables en l'espèce, du quatrième et du cinquième alinéas du paragraphe I de l'article 1er et du troisième alinéa de l'article 95 de ladite loi.
15. Dès lors, les moyens doivent être écartés.
Sur le moyen du mémoire ampliatif pris en sa troisième branche
16. Pour caractériser l'élément matériel du délit, l'arrêt attaqué énonce que M. [L] a créé un site internet sur lequel figurent, en première page, les mentions « conseil et défense juridique pour tout problème » et des photos de colonnes de tribunal, de robe d'avocat, de dossiers, de jurisclasseurs et de balance, puis, dans le corps du site, les termes « conseil et défense juridique » traduits en plusieurs langues.
17. Les juges ajoutent qu'un texte décrit les services proposés, tels que solutions juridiques, conseil et représentation pour des clients particuliers ou professionnels, français ou internationaux, qu'un formulaire de contact avec une adresse et deux numéros de téléphone est accessible pour une demande de devis gratuit et que des références d'intervention et des articles de presse tendent à accréditer l'expérience du professionnel et la qualité des services qu'il propose.
18. Ils en concluent que le prévenu a utilisé, sur son site public, le titre de conseil juridique, associé à des missions liées à la profession réglementée d'avocat, ce qui est de nature à créer, dans l'esprit du public, la confusion entre ce titre et cette profession réglementée.
19. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a constaté l'utilisation conjointe de termes de nature à entraîner, dans l'esprit du public, la confusion avec le titre de conseil juridique, n'a méconnu aucun des textes visés aux moyens.
20. Dès lors, les moyens doivent être écartés.
Sur le troisième moyen du mémoire ampliatif et le troisième moyen du mémoire personnel, pris en sa première branche
21. Le troisième moyen du mémoire ampliatif critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [L], à titre de peine principale, à une interdiction d'exercer la profession d'avocat pendant une durée de dix ans, alors « que la loi pénale est d'interprétation stricte ; que l'article 433-22 du code pénal prévoit une peine d'interdiction d'exercer l'activité professionnelle « dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle » l'infraction a été commise ; que l'application de cette peine suppose que l'activité professionnelle ait été effectivement exercée ; que l'arrêt ne constate pas que M. [L] exerçait, que ce soit par l'intermédiaire du site internet ou par ailleurs, la profession d'avocat qui s'est substituée à celle de conseil juridique ; qu'en lui infligeant la peine d'interdiction d'exercer la profession d'avocat pendant une durée de 10 ans, la cour d'appel a violé l'article 433-22 du code pénal. »
22. Le troisième moyen du mémoire personnel reproche à l'arrêt attaqué de l'avoir condamné à titre de peine principale à une interdiction d'exercer la profession d'avocat pendant dix ans, alors :
1°/ qu'il ressort de l'arrêt attaqué que M. [L] n'exerçait pas au moment des faits la profession d'avocat ; qu'il n'a donc pu commettre l'infraction dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice d'une profession qu'il n'exerçait pas ; que le non-exercice de cette profession constituait précisément la condition préalable ayant permis de commettre et caractériser l'infraction ; que par ailleurs la profession d'avocat n'est pas une fonction publique ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a entaché ses motifs de contradiction et violé les articles préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale, 111-3, 111-4 et 433-22 du code pénal, 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme.
Réponse de la Cour
23. Les moyens sont réunis.
24. Pour condamner le prévenu à dix ans d'interdiction d'exercer la profession d'avocat à titre de peine principale, l'arrêt attaqué énonce notamment que la gravité des faits commis au préjudice d'une profession réglementée, la personnalité de l'intéressé qui admet avoir glissé des mentions erronées dans son curriculum vitae pour faire « plus vendeur » mais peine à remettre en cause son comportement, et le risque important de renouvellement de l'infraction justifient le prononcé de cette peine.
25. En statuant ainsi, la cour d'appel a fait l'exacte application de l'article 433-22 du code pénal et n'a méconnu aucun des autres textes visés aux moyens.
26. En effet, ce texte dispose que l'interdiction d'exercer l'activité professionnelle dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise est encourue par les personnes physiques coupables de l'infraction d'usurpation de fonctions prévue à l'article 433-17 du code pénal. Cette peine complémentaire s'applique donc à la profession dont le titre a été usurpé.
27. Ainsi, les moyens doivent être écartés.
28. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.




Crim. 1 avril 2025 n° 25-80.585

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° J 25-80.585 F-D
N° 00586

ODVS 1ER AVRIL 2025

CASSATION

M. BONNAL président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 1ER AVRIL 2025


M. [X] [E] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 30 décembre 2024, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs de viols, atteintes sexuelles, en récidive, et d'atteintes à l'intimité de la vie privée d'autrui, a rejeté sa demande de mise en liberté.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Coirre, conseiller, les observations de la SAS Zribi et Texier, avocat de M. [X] [E], et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 1er avril 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Coirre, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Détenu depuis le 29 octobre 2021, M. [X] [E] a été mis en accusation le 16 mai 2024 des chefs susvisés et renvoyé devant la cour d'assises.
3. Il a saisi la chambre de l'instruction d'une demande de mise en liberté sur le fondement de l'article 148-1 du code de procédure pénale.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de mise en liberté de M. [E], alors « que devant la chambre de l'instruction, la personne mise en examen, lorsqu'elle comparaît, ou son avocat doivent avoir la parole en dernier ; qu'il résulte des mentions de l'arrêt que seuls ont été entendus M. Pascal Faucher, conseiller, en son rapport, et M. Martin Viver-Darviot, substitut général, en ses réquisitions ; qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que M. [E], qui comparaissait par visioconférence, n'a pas eu la parole en dernier, la chambre de l'instruction a violé les articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme et 199 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et 199 du code de procédure pénale :
5. Il se déduit de ces textes que, devant la chambre de l'instruction, la personne mise en examen ou son avocat doivent avoir la parole les derniers.
6. L'arrêt attaqué énonce qu'à l'audience ont été entendus un conseiller de la chambre, en son rapport, puis l'avocat général en ses réquisitions, puis qu'à l'issue des débats, la décision a été mise en délibéré, sans préciser que M. [E] a eu la parole en dernier.
7. Ces mentions ne permettent pas à la Cour de cassation de s'assurer que le principe ci-dessus rappelé a été respecté.
8. Dès lors, la cassation est encourue de ce chef.






Crim. 1 avril 2025 n° 24-80.484 B

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° D 24-80.484 F-B
N° 00422

SB4 1ER AVRIL 2025

REJET

M. BONNAL président,









R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 1ER AVRIL 2025


MM. [Y] [N], [G] [U], [T] [M] et Mmes [A] [B], [L] [D], [R] [W] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier, chambre correctionnelle, en date du 8 décembre 2023, qui, pour infractions au code de l'urbanisme, a condamné, le premier, à 700 euros d'amende, les deuxième et troisième, à 500 euros d'amende, a ordonné la remise en état des lieux sous astreinte, et a prononcé sur les intérêts civils.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de M. Rouvière, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de Mme [R] [W], et de la SCP Spinosi, avocat de MM. [G] [U], [Y] [N], [T] [M] et Mmes [A] [B], [L] [D], les observations de la SARL Gury & Maitre, avocat de la commune de [Localité 2], et les conclusions de M. Bigey, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Rouvière, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [K] [X] a conclu avec plusieurs personnes des contrats leur permettant de s'installer sur différentes parcelles de terres agricoles lui appartenant, situées sur le territoire de la commune de [Localité 2].
3. Des poursuites ont été engagées du chef d'infractions au code de l'urbanisme à l'encontre de M. [X] et de différents occupants, parmi lesquels MM. [T] [M], [Y] [N], [G] [U] et Mmes [R] [W], [L] [D] et [A] [B].
4. Le tribunal correctionnel a relaxé M. [X], déclaré MM. [M], [N], [U] et Mmes [W], [D] et [B] coupables, les a condamnés à des peines d'amende, a ordonné la remise en état des lieux à l'encontre de MM. [M], [N] et [U] et de Mme [D] et a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de la commune.
5. MM. [M], [N] et [U], le procureur de la République et la commune, partie civile, ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur les premier et deuxième moyens, le troisième moyen, pris en sa première branche, proposés pour Mme [W], les deuxième et troisième moyens et le quatrième moyen, pris en ses première et deuxième branches, proposés pour MM. [M], [N], [U] et Mmes [D] et [B]
6. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen proposé pour MM. [M], [N], [U] et Mmes [D] et [B]
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté l'exception de prescription de l'action publique qui lui était soumise, alors :
« 1°/ que de première part, il résulte des articles 7 et 8 du code de procédure pénale, tels qu'interprétés par la Cour de cassation, que le délai de prescription des délits de construction sans permis ou de construction non conforme court à compter du jour où l'ouvrage est en état d'être affecté à l'usage auquel il est destiné ; que les infractions commencent à se prescrire au jour de l'achèvement de chacune des opérations ; que lorsqu'est en jeu différentes infractions, comme ici concernant des prévenus distincts, chacun de ces délits se prescrit, indépendamment des autres, selon cette même règle ; qu'en déduisant, par des motifs au demeurant totalement péremptoires, pour écarter l'exception de prescription, que le prétendu effet interruptif de prescription constaté à l'égard de Monsieur [X] aurait un effet erga omnes à l'égard de tous les prévenus, en ce qu'ils seraient auteurs de délits connexes ou identiques, sans jamais le démontrer, pour en conclure par le biais d'un exemple unique que « le délit reproché à M. [X], dont il a été dit qu'il n'était pas couvert par la prescription de l'action publique, étant le même que celui reproché à Monsieur [N], ce dernier ne peut valablement opposer l'exception de prescription de l'action publique. Il en est de même pour tous les prévenus » (arrêt, pp. 28 et 29), la cour d'appel s'est prononcée par des motifs erronés et inopérants, en violation des règles d'ordre public de la prescription, ensemble les articles 7, 8, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que de deuxième part, le délai de prescription des infractions au code de l'urbanisme court à compter du jour où l'ouvrage est en état d'être affecté à l'usage auquel il est destiné ; que si, en cas de travaux successifs, la chambre criminelle considère que le point de départ du délai de prescription de l'ensemble des travaux peut être fixé au jour de l'achèvement des derniers d'entre eux, ce report est subordonné à la condition que les travaux successifs relèvent d'une entreprise unique et indivisible, ce qui suppose qu'ils soient destinés à un usage commun et soit constatée aux termes d'une motivation exempte d'insuffisance comme de contradiction ; qu'en décidant péremptoirement que la totalité des travaux reprochés à chacun des prévenus relèverait d'une entreprise unique indivisible, en sorte qu'aucun des travaux reprochés n'était prescrit, tout en constatant qu'avaient été réalisés de façon distincte, par des personnes différentes et à des périodes distinctes et sans démontrer en quoi les constructions litigieuses étaient indivisibles les unes des autres, la cour d'appel a de plus fort méconnu les règles d'ordre public de la prescription, ensemble les articles 7, 8, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
3°/ que de troisième part, le délai de prescription des infractions au code de l'urbanisme court à compter du jour où l'ouvrage est en état d'être affecté à l'usage auquel il est destiné ; que si, en cas de travaux successifs, la chambre criminelle considère que le point de départ du délai de prescription de l'ensemble des travaux peut ê
4°/ que de quatrième part et en tout état de cause, la notion d'indivisibilité entre des infractions de nature différente, utilisée de manière prétorienne pour étendre la compétence territoriale de la loi française, est sans effet sur le terrain de la prescription ; qu'elle suppose de toute façon d'analyser les rapports qu'entretiennent des infractions précises, et non deux séries d'infractions considérées comme un tout ; qu'en outre, cette indivisibilité suppose qu'il existe entre les différentes infractions un lien tellement intime que l'existence des uns ne se comprendrait pas sans celle des autres ; que s'est de nouveau prononcée par des motifs erronés et inopérants, et en tout état de cause insuffisants, en violation des textes précités, la cour d'appel qui a retenu un prétendu lien d'indivisibilité opéré entre différentes séries d'infractions, non démontré en l'espèce, et étant au demeurant sans conséquence juridique. »
Réponse de la Cour
8. Pour écarter l'exception de prescription de l'action publique, l'arrêt attaqué énonce que les faits ont été commis dans le même périmètre et que les parcelles sont matériellement raccordées les unes aux autres et, en bout de réseau, à M. [X], puisque ce dernier distribue l'électricité à chacun de ses locataires depuis un compteur unique.
9. Les juges ajoutent que l'activité consistant pour M. [X] à mettre à disposition des parcelles sur lesquelles il laisse s'édifier des constructions illégales se situe en un même lieu et se répète selon les mêmes modalités avec chaque locataire, dans le cadre d'une opération patrimoniale et économique unique.
10. Ils relèvent que M. [N] est installé depuis le 4 avril 2013, date qu'ils retiennent comme celle d'achèvement des travaux le concernant, soit moins de trois ans avant le procès-verbal d'infraction dressé le 13 mars 2015.
11. Les juges précisent que différents actes interruptifs de prescription sont ensuite intervenus, jusqu'à ce que la cour d'appel statue.
12. En l'état de ces seules énonciations, dont il ressort que les infractions reprochées tant à chacun des occupants des lieux qu'à M. [X], en sa qualité de bénéficiaire des travaux, entretenaient des rapports étroits analogues à ceux que la loi a spécialement prévus en matière de connexité, de sorte que les actes interruptifs de prescription accomplis à compter du 13 mars 2015, moins de trois ans après la date d'achèvement des derniers travaux, en avril 2013, ont produit effet à l'égard de tous les délits considérés et de tous leurs auteurs, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs formulés au moyen.
13. Dès lors, le moyen doit être écarté.
Sur le troisième moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, proposé pour Mme [W], et sur le quatrième moyen, pris en ses troisième et quatrième branches, proposé pour MM. [M], [N], [U] et Mmes [D] et [B],
Enoncé des moyens
14. Le moyen proposé pour Mme [W] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a condamné à la remise en état des lieux par la démolition et l'enlèvement des ouvrages, véhicules, résidences, déchets et matériaux, et leurs accessoires de la parcelle A [Cadastre 1] de la commune de [Localité 2], dans un délai de huit mois à compter de la date à laquelle l'arrêt rendu serait devenu définitif et sous astreinte de 200 euros par jour de retard, alors :
« 2°/ que la réparation doit être fixée dans les limites des conclusions des parties ; qu'en assortissant l'ordre de remise en état d'une astreinte de 200 € par jour de retard, d'un montant supérieur à celui sollicité par la partie civile, au motif que le juge n'est pas lié par les conclusions des parties en matière d'astreinte, la cour d'appel qui s'est fondée implicitement sur l'article L. 131-1 du code des procédures civiles d'exécution qui ne s'applique pas devant les juridictions répressives appelées à se prononcer sur l'action civile, a méconnu le principe sus-énoncé et les articles 10 et 464 du code de procédure pénale ;
3°/ qu'en tout état de cause, en fixant une astreinte à 200 € par jour de retard, sans tenir compte des ressources de Mme [W], qui a indiqué ne pas avoir les moyens financiers d'exécuter l'ordre de remise en état et du risque de la placer dans une situation financière irrémédiable en cas de liquidation de l'astreinte, compte tenu du délai fixé pour la remise en état, la cour d'appel a encore méconnu l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. »
15. Le moyen proposé pour MM. [M], [N], [U] et Mmes [D] et [B] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il les a déclarés solidairement responsables du préjudice subi par la commune de [Localité 2] et les a condamnés, à titre de réparation civile, chacun solidairement avec M. [X], à la remise en état des lieux par la démolition sous astreinte de 150 ou 200 euros par jour de retard, alors :
« 3°/ que de troisième part et en tout état de cause, la réparation doit être fixée dans les limites des conclusions des parties ; qu'en assortissant l'ordre de remise en état d'une astreinte de 150 ou 200 € par jour de retard, d'un montant supérieur à celui sollicité par la partie civile, au motif que le juge n'est pas lié par les conclusions des parties en matière d'astreinte, la cour d'appel qui s'est fondée implicitement sur l'article L. 131-1 du code des procédures civiles d'exécution qui ne s'applique pas devant les juridictions répressives appelées à se prononcer sur l'action civile, a méconnu le principe sus- énoncé et les articles 10 et 464 du code de procédure pénale ;
4°/ que de quatrième part et en tout état de cause, en fixant une astreinte à 150 ou 200 € par jour de retard, sans tenir compte des ressources de chacun des prévenus, qui avaient indiqué ne pas avoir les moyens financiers d'exécuter l'ordre de remise en état et du risque de la placer dans une situation financière irrémédiable en cas de liquidation de l'astreinte, compte tenu du délai fixé pour la remise en état, la cour d'appel a encore méconnu l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
16. Les moyens sont réunis.
17. Pour fixer à 200 euros par jour de retard le montant de l'astreinte assortissant la remise en état des lieux ordonnée à titre de réparation du préjudice subi par la commune, l'arrêt attaqué énonce que le juge fixe librement le montant de l'astreinte ordonnée pour assurer l'exécution de sa décision et peut donc le fixer à un taux supérieur à celui sollicité.
18. En statuant ainsi, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés aux moyens.
19. En effet, l'astreinte assortissant une mesure de remise en état des lieux ordonnée au titre de l'action civile ne constitue pas une réparation du dommage causé mais une mesure comminatoire, qui a pour objet de contraindre son débiteur à exécuter une décision juridictionnelle.
20. Il s'en déduit que le juge en fixe librement le montant sans être limité par les demandes des parties ni tenu de motiver sa décision au regard des ressources du débiteur.
21. Ainsi, les moyens ne peuvent qu'être écartés.
22. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.




Crim. 1 avril 2025 n° 24-83.957

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° D 24-83.957 F-D
N° 00417

SB4 1ER AVRIL 2025

CASSATION PARTIELLE

M. BONNAL président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 1ER AVRIL 2025



M. [W] [Z] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nîmes, en date du 11 juin 2024, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'infractions à la législation sur les armes et association de malfaiteurs, en récidive, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure.
Par ordonnance du 18 novembre 2024, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Charmoillaux, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [W] [Z], et les conclusions de M. Bigey, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Charmoillaux, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Mis en examen des chefs susvisés, M. [W] [Z] a déposé une requête en annulation de pièces de la procédure.
Examen des moyens
Sur le second moyen
3. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en nullité de M. [Z], alors « que la Chambre de l'instruction, saisie d'une demande d'annulation visant l'absence d'habilitation spéciale et individuelle des enquêteurs ayant consulté un logiciel de rapprochement judiciaire, est tenue de s'assurer, au besoin en ordonnant un supplément d'information, de la réalité de cette habilitation, sans pouvoir se satisfaire de la seule affirmation générale et préalable selon laquelle les enquêteurs qui procéderont à l'utilisation du logiciel seront habilités ; qu'au cas d'espèce, la défense faisait valoir que des enquêteurs avaient exploité le logiciel de rapprochement judiciaire dit « A.T.R.T », sans que la mention de l'habilitation spéciale et individuelle de ces derniers ne figure en procédure ; qu'en retenant, pour refuser d'annuler les actes relatant cette consultation, que « si le procès-verbal d'investigations rédigé le 5 mai 2022, durant l'enquête préliminaire, fait état de la simple autorisation par le magistrat du parquet d'utiliser l'ATRT, sans mentionner d'habilitation, il convient cependant de relever que l'enquêteur le rédigeant est le Marchal des logis-chef [I] [H], Officier de Police Judiciaire en résidence à [Localité 1], qui ultérieurement en tant que chef d'enquête certifiera l'habilitation des militaires devant se servir de ce logiciel », quand cette seule affirmation ne permet pas de contrôler que les enquêteurs qui ont effectivement utilisé le logiciel litigieux étaient bien habilités à cette fin, la Chambre de l'instruction a violé les articles 15-5, 230-20, 230-22 et 230-25, R. 40-39 du Code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
5. Vu les articles 15-5 et 593 du code de procédure pénale :
6. Il se déduit du premier de ces textes, immédiatement applicable à la procédure conformément à l'article 112-2, 2°, du code pénal, que si l'absence de mention de l'habilitation spéciale et individuelle permettant à un personnel de procéder à la consultation de traitements au cours d'une enquête ou d'une instruction n'emporte pas, par elle-même, la nullité de la procédure, il appartient à la juridiction saisie d'un grief tiré de cette absence de vérifier la réalité d'une telle habilitation en ordonnant, le cas échéant, un supplément d'information.
7. Tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
8. Pour écarter le moyen de nullité tiré du défaut d'habilitation de l'officier de police judiciaire ayant fait usage d'un logiciel de rapprochement judiciaire, l'arrêt attaqué énonce qu'il résulte du procès-verbal de saisine et direction d'enquête dressé le 20 juillet 2022 par M. [I] [H], officier de police judiciaire, consécutif à la réception de la commission rogatoire du magistrat instructeur, que, d'une part, « toutes les consultations des différents fichiers automatisés le seront par des agents expressément habilités », d'autre part, les enquêteurs sont « autorisés par le magistrat mandant à l'utilisation de tous les logiciels de rapprochement conformément aux dispositions des articles 230-22 du code de procédure pénale ».
9. Les juges en déduisent que la production de l'habilitation ne saurait être exigée en original, son existence étant établie et non contestable.
10. Ils ajoutent que si le procès-verbal d'investigations rédigé par M. [H] le 5 mai 2022, pendant l'enquête préliminaire, fait état de l'autorisation du magistrat du parquet sans mentionner d'habilitation, cet officier de police judiciaire a ultérieurement, en tant que chef d'enquête, certifié l'habilitation des militaires devant se servir de ce logiciel.
11. En se déterminant ainsi, par des motifs qui ne mettent pas la Cour de cassation en mesure de s'assurer que M. [H] était expressément et personnellement habilité à la consultation d'un logiciel de rapprochement quand il a rédigé le procès-verbal du 5 mai 2022, la chambre de l'instruction, à qui il appartenait le cas échéant d'ordonner un supplément d'information aux fins de vérifier la réalité de cette habilitation, n'a pas justifié sa décision.
12. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
13. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions ayant rejeté la demande d'annulation des pièces relatives à l'usage du logiciel de rapprochement judiciaire ATRT. Les autres dispositions seront donc maintenues.




Crim. 26 mars 2025 n° 25-80.415

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° Z 25-80.415 F-D
N° 00559

SL2 26 MARS 2025

CASSATION PARTIELLE

M. BONNAL président,






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 26 MARS 2025


M. [X] [G] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 11 décembre 2024, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'extorsion en bande organisée aggravée et associations de malfaiteurs, en récidive, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention le plaçant en détention provisoire et à l'isolement.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Brugère, conseiller, les observations de Me Descorps-Declère, avocat de M. [X] [G], et les conclusions de M. Micolet, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Brugère, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 21 novembre 2024, M. [X] [G] a été mis en examen des chefs susvisés.
3. Le même jour, le juge des libertés et de la détention a ordonné son placement en détention provisoire et l'a soumis à une mesure d'isolement.
4. M. [G] a relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
5. Le grief n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance ayant placé M. [G] en détention provisoire et sous mandat de dépôt, sous le régime de l'isolement, alors :
« 2°/ en second lieu que, subsidiairement, en ordonnant le placement de Monsieur [G] en détention sous le régime de l'isolement sans justifier ce dernier, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 5 et 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et 145-4-1 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 593 du code de procédure pénale :
7. Tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
8. Pour confirmer l'ordonnance entreprise, la chambre de l'instruction a relevé que la détention provisoire était l'unique moyen de parvenir aux objectifs qu'elle a énoncés et prévus par l'article 144 du code de procédure pénale qui ne sauraient être atteints par une mesure de contrôle judiciaire ou d'assignation à résidence avec surveillance électronique.
9. En statuant ainsi, sans motiver sa décision confirmant le placement à l'isolement de M. [G], la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision.
10. La cassation est par conséquent encourue.
Portée et conséquences de la cassation
11. La cassation à intervenir ne concernera que les dispositions relatives à la mesure d'isolement de M. [G]. Les autres dispositions seront donc maintenues.




Crim. 26 mars 2025 n° 24-82.918

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° Z 24-82.918 F-D
N° 00402

RB5 26 MARS 2025

REJET

M. BONNAL président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 26 MARS 2025


M. [F] [J] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 16 avril 2024, qui l'a déclaré pénalement irresponsable des faits de tentative de meurtre aggravé et apologie de crimes terroristes, a prononcé sur une admission en soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète ainsi que sur des mesures de sûreté, et a prononcé sur les intérêts civils.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Turbeaux, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [F] [J], et les conclusions de M. Fusina, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 février 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Turbeaux, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 6 novembre 2023, le juge d'instruction a saisi la chambre de l'instruction en application de l'article 706-120 du code de procédure pénale, afin qu'elle statue sur l'irresponsabilité pénale de M. [F] [J], mis en examen des chefs de tentative de meurtre aggravé et apologie de crimes terroristes.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
3. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné à M. [J], comme mesure de sûreté, l'interdiction de paraître dans le département des Alpes-Maritimes pendant une durée de vingt ans, alors :
« 1°/ que tout arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; que lorsque la chambre de l'instruction prononce un arrêt de déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, elle peut ordonner à l'encontre de la personne, à titre de mesure de sûreté, l'interdiction de paraître en tout lieu spécialement désigné s'il apparaît, au moment où la décision est rendue, et au vu des éléments du dossier, et notamment de l'expertise de l'intéressé, qu'elle est nécessaire pour prévenir le renouvellement des actes commis par la personne déclarée pénalement irresponsable, pour protéger cette personne, pour protéger la victime ou la famille de la victime, ou pour mettre fin au trouble à l'ordre public résultant de la commission de ces actes ; qu'en se bornant, pour ordonner une mesure d'interdiction de paraître sur le département des Alpes-Maritimes pendant 20 ans à l'encontre de M. [J], à affirmer de façon péremptoire que cette mesure apparaît nécessaire pour prévenir tout réitération de faits de même nature, sans motiver outre mesure sa décision quant aux éléments du dossier, ni par référence aux objectifs de la mesure tels que prévus par l'article D. 47-29-6 du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction n'a pas justifié légalement sa décision au regard des articles 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 706-136, D. 47-29-6 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ qu'en toute hypothèse, le juge qui prononce une mesure de sûreté d'interdiction de paraître pour le mis en examen jugé pénalement irresponsable dans le département où vit toute sa famille, doit apprécier le caractère proportionné de l'atteinte portée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; qu'en omettant de rechercher si le prononcé d'une interdiction de paraître sur le département des Alpes-Maritimes à l'encontre de M. [J], département dans lequel il vit et où se trouve toute sa famille, parents et fratrie, pendant une durée de vingt ans, au titre de mesure de sûreté, n'entraînait pas une atteinte excessive à son droit au respect de la vie privée et familiale, la chambre de l'instruction n'a pas justifié légalement sa décision au regard des articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, 9 du code civil et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
5. Pour prononcer à l'encontre de M. [J], à titre de mesure de sûreté, vingt ans d'interdiction de paraître dans le département des Alpes-Maritimes, l'arrêt attaqué énonce que, compte tenu des conclusions expertales faisant état d'une dangerosité psychiatrique manifeste de l'intéressé et de la nécessité de garantir la prise de son traitement médicamenteux, notamment sous la forme d'une injection retard, de nature à contrecarrer les risques d'un arrêt volontaire de traitement, une mesure d'hospitalisation complète dans un établissement mentionné à l'article L.3222-1 du code de la santé publique apparaît nécessaire, outre le prononcé de mesures de sûreté énumérées dans le dispositif pendant une durée de vingt ans, afin de prévenir toute réitération de faits de même nature.
6. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.
7. En effet, d'une part, elle s'est déterminée conformément aux dispositions de l'article D. 47-29-6 du code de procédure pénale selon lesquelles peuvent être prononcées les mesures prévues par l'article 706-136 du même code s'il apparaît, notamment, qu'elles sont nécessaires pour prévenir le renouvellement des actes commis par la personne déclarée pénalement irresponsable.
8. D'autre part, le contrôle, en application de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, du caractère proportionné de l'atteinte portée au respect de la vie privée et familiale, découlant d'une mesure de sûreté, ne s'impose au juge qu'au cas où cette garantie est invoquée.
9. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.




Crim. 25 mars 2025 n° 25-80.309

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° J 25-80.309 F-D
N° 00543

ECF 25 MARS 2025

REJET

M. BONNAL président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 25 MARS 2025


M. [Z] [J] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 11e section, en date du 3 janvier 2025, qui, dans l'information suivie contre lui du chef d'escroquerie aggravée, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant sa détention provisoire.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Cavalerie, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [Z] [J], et les conclusions de Mme Djemni-Wagner, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Cavalerie, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Pinna, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. [Z] [J] a été mis en examen le 15 décembre 2023 du chef d'escroquerie en bande organisée et placé en détention provisoire à cette date.
3. Le 12 décembre 2024, le juge des libertés et de la détention a rendu une ordonnance de prolongation de la détention provisoire.
4. La personne mise en examen a interjeté appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation présentée par la défense, déclaré l'appel mal fondé et confirmé l'ordonnance en date du 12 décembre 2024 par laquelle le juge des libertés et de la détention avait ordonné la prolongation de la détention provisoire de M. [J], alors :
« 1°/ d'une part que le dessaisissement d'un juge d'instruction, ni empêché, ni en congé, ni nommé à un autre poste, au profit d'un autre juge d'instruction du même siège, qui ne saurait s'analyser en un simple remplacement, doit être précédé d'une requête motivée du procureur de la République ; que cette requête est nulle si elle ne satisfait pas en la forme aux conditions essentielles de son existence légale ; que tel est le cas lorsque, pour toute « requête », le parquet se borne à viser une ordonnance de soit-communiqué du juge d'instruction qui envisage son dessaisissement, ce visa ne valant pas réquisition ; que cette irrégularité vicie nécessairement le dessaisissement opéré sur le fondement de cette requête, et tous les actes qui en sont la conséquence ; qu'il s'ensuit qu'est nulle l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention saisi aux fins de prolongation de la détention provisoire par un juge d'instruction lui-même irrégulièrement saisi au terme d'une procédure de dessaisissement fondée sur une prétendue « requête » du parquet qui, se bornant au simple visa d'une ordonnance de soit-communiqué, sans autre mention, ne satisfait pas en la forme aux conditions essentielles de son existence légale ; qu'au cas d'espèce, la défense relevait que Monsieur [M] [O], qui n'avait été ni empêché, ni en congé, et nommé à un autre poste, n'avait pas été « remplacé » au sens de l'article 84, alinéas 3, 4 et 5 du Code de procédure pénale, mais s'était vu dessaisi de la présente affaire au profit d'un autre juge d'instruction du même siège, à savoir Madame [E] [F], en application des dispositions des alinéas 1 et 2 du même texte ; qu'elle soulignait que ce dessaisissement était toutefois fondé sur une prétendue « requête » qui ne satisfaisait pas en la forme aux conditions essentielles de son existence légale, s'agissant en réalité d'un simple visa manuscrit de l'ordonnance de soit-communiqué du juge dessaisi par la mention « vu le 4/09/2024 » ; qu'elle en déduisait que cette prétendue « requête » était irrégulière, ensemble le dessaisissement fondé sur celle-ci, la saisine par le magistrat irrégulièrement saisi du juge des libertés et de la détention et la délivrance par ce juge, lui-même irrégulièrement saisi, d'une ordonnance de prolongation de la détention provisoire de Monsieur [J], de sorte enfin que l'intéressé devait être remis en liberté ; qu'en retenant, pour confirmer l'ordonnance de prolongation litigieuse, que la décision de dessaisissement de Monsieur [M] [O] au profit de Madame [E] [F] constituait un simple remplacement pour lequel aucune requête du parquet n'était nécessaire, de sorte que la saisine de cette magistrate était valide, et avec elle la saisine du juge des libertés et de la détention et l'ordonnance de prolongation prise par ce dernier, la Chambre de l'instruction a dénaturé les éléments de la procédure en sa possession et violé les articles 84, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
2°/ d'autre part que le dessaisissement d'un juge d'instruction, ni empêché, ni en congé, ni nommé à un autre poste, au profit d'un autre juge d'instruction du même siège, qui ne saurait s'analyser en un simple remplacement, doit être précédé d'une requête motivée du procureur de la République ; que cette requête est nulle si elle ne satisfait pas en la forme aux conditions essentielles de son existence légale ; que tel est le cas lorsque, pour toute « requête », le parquet se borne à viser une ordonnance de soit-communiqué du juge d'instruction qui envisage son dessaisissement, ce visa ne valant pas réquisitions ; que cette irrégularité vicie nécessairement le dessaisissement opéré sur le fondement de cette requête, et tous les actes qui en sont la conséquence ; qu'il s'ensuit qu'est nulle l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention saisi aux fins de prolongation de la détention provisoire par un juge d'instruction lui-même irrégulièrement saisi au terme d'une procédure de dessaisissement fondée sur une prétendue « requête » du parquet qui, se bornant au simple visa d'une ordonnance de soit-communiqué, sans autre mention, ne satisfait pas en la forme aux conditions essentielles de son existence légale ; qu'au cas d'espèce, la défense relevait que Monsieur [M] [O], qui n'avait été ni empêché, ni en congé, et nommé à un autre poste, n'avait pas été « remplacé » au sens de l'article 84, alinéas 3, 4 et 5 du Code de procédure pénale, mais s'était vu dessaisi de la présente affaire au profit d'un autre juge d'instruction du même siège, à savoir Madame [E] [F], en application des dispositions des alinéas 1 et 2 du même texte ; qu'elle soulignait que ce dessaisissement était toutefois fondé sur une prétendue « requête » qui ne satisfaisait pas en la forme aux conditions essentielles de son existence légale, s'agissant en réalité d'un simple visa manuscrit de l'ordonnance de soit-communiqué du juge dessaisi par la mention « vu le 4/09/2024 » ; qu'elle en déduisait que cette prétendue « requête » était irrégulière, ensemble le dessaisissement fondé sur celle-ci, la saisine par le magistrat irrégulièrement saisi du juge des libertés et de la détention et la délivrance par ce juge, lui-même irrégulièrement saisi, d'une ordonnance de prolongation de la détention provisoire de Monsieur [J], de sorte enfin que l'intéressé devait être remis en liberté ; qu'en retenant, pour confirmer l'ordonnance de prolongation litigieuse, que la simple mention « vu le 4/09/2024 » apposée par le parquet sur l'ordonnance de soit-communiqué prise par le juge d'instruction en vue de son éventuel dessaisissement valait « requête » au sens de l'article 84 du Code de procédure pénale, de sorte que la saisine de Madame [E] [F] était valide, et avec elle la saisine du juge des libertés et de la détention et l'ordonnance de prolongation prise par ce dernier, la Chambre de l'instruction a dénaturé les éléments de la procédure en sa possession et violé les articles 84, 591 et 593 du Code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
6. Pour rejeter le moyen de nullité pris de l'irrégularité de la désignation du magistrat instructeur qui a succédé à M. [O] et du dessaisissement de ce dernier au profit de Mme [F], nommée et installée en date du 2 septembre 2024, l'arrêt attaqué énonce notamment que la désignation du magistrat instructeur relève des articles 83 et 84 du code de procédure pénale ainsi que des articles D. 27 à D. 29 dudit code, l'acte contesté s'analysant en une mesure d'administration judiciaire insusceptible de recours.
7. Les juges précisent que les dispositions des articles D. 28 et D. 29 du code de procédure pénale, qui relèvent de l'organisation des services du tribunal par son président, ont vocation à s'appliquer en dehors de tout cas d'empêchement, tel que visé à l'article 83 du même code.
8. Ils ajoutent que l'attribution à Mme [F], nouvellement nommée, de dossiers précédemment suivis par M. [O] a été effectuée sur le fondement de l'article 84, alinéa 3, du code de procédure pénale et qu'il s'agit d'un remplacement prévu par ce texte et non pas d'un dessaisissement.
9. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application des textes visés au moyen.
10. En effet, le mode de désignation du juge d'instruction chargé d'une affaire déterminée, lorsqu'il existe dans un tribunal plusieurs juges d'instruction, prévu à l'article 83 du code de procédure pénale, constitue un acte d'administration judiciaire non susceptible de recours qui n'intéresse pas les droits des parties, lesquelles ne sauraient en discuter ni la régularité ni même l'existence, sauf dans les cas où, à travers cette contestation, serait mise en cause l'impartialité du juge d'instruction chargé de l'information.
11. En l'espèce, aucun grief de partialité du juge en charge de l'information n'a été démontré ni même allégué par le demandeur.
12. Dès lors, le moyen ne saurait être accueilli.
13. Par ailleurs, l'arrêt est régulier tant en la forme qu'au regard des articles 137-3 et 143-1 et suivants du code de procédure pénale.




Crim. 25 mars 2025 n° 24-86.208

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° A 24-86.208 F-D
N° 00385

ODVS 25 MARS 2025

CASSATION

M. BONNAL président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 25 MARS 2025


M. [O] [T] a formé un pourvoi contre le jugement du tribunal de police de Paris, en date du 12 mars 2024, qui, pour contravention au code de la route, l'a condamné à 135 euros d'amende.
Un mémoire personnel a été produit.
Sur le rapport de M. Maziau, conseiller, et les conclusions de Mme Gulphe-Berbain, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 février 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Maziau, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure
1. Il résulte du jugement attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Sur son opposition à ordonnance pénale, M. [O] [T] a été cité devant le tribunal de police.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. Le moyen reproche au jugement attaqué d'avoir déclaré M. [T] coupable des faits reprochés alors que, dans ses conclusions déposées in limine litis, le prévenu faisait valoir que l'action publique était prescrite, plus d'un an s'étant écoulé entre l'opposition à l'ordonnance pénale formée par l'intéressé le 23 septembre 2022 et la citation à comparaître en date du 8 janvier 2024, sans qu'aucun acte de poursuite ne vienne interrompre la prescription de l'action publique.
Réponse de la Cour
Vu l'article 593 du code de procédure pénale :
4. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
5. Le jugement attaqué se borne à énoncer qu'il y a lieu de rejeter les conclusions et qu'il résulte des débats de l'audience et des pièces versées à la procédure que le prévenu a bien commis les faits qui lui sont reprochés.
6. En se prononçant ainsi, sans préciser les motifs pour lesquels il a rejeté l'exception péremptoire de prescription de l'action publique soulevée régulièrement devant lui, le tribunal n'a pas justifié sa décision.
7. La cassation est, par conséquent, encourue de ce chef.




Crim. 25 mars 2025 n° 24-81.884

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° A 24-81.884 F-D
N° 00379

ODVS 25 MARS 2025

REJET

M. BONNAL président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 25 MARS 2025


M. [X] [K] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 6 mars 2024, qui, dans la procédure d'extradition suivie contre lui à la demande du gouvernement moldave, a émis un avis favorable.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Thomas, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [X] [K], et les conclusions de Mme Gulphe-Berbain, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 février 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Thomas, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le gouvernement moldave a formé une demande d'extradition de M. [X] [K], ressortissant moldave et roumain, pour l'exécution d'une peine de sept ans et trois mois d'emprisonnement prononcée le 13 janvier 2023 par la cour de Chisinau en répression des infractions d'aliénation de bien dans les cas non permis par la loi et fraude.
3. M. [K] n'a pas consenti à sa remise.
4. Par arrêts des 12 juillet et 25 octobre 2023, la chambre de l'instruction a ordonné des suppléments d'information.
Examen des moyens
Sur les premier et troisième moyens
5. Il ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a donné un avis favorable à la demande d'extradition du gouvernement de la République de Moldavie aux fins d'exécution d'une peine de sept ans et trois mois d'emprisonnement, alors « que l'extradition n'est pas accordée lorsque la personne réclamée a la nationalité française, cette dernière étant appréciée à l'époque de l'infraction pour laquelle l'extradition est requise ; qu'en présence d'une demande d'extradition formée par un pays tiers, d'un citoyen de l'Union européenne ayant exercé son droit de libre circulation, l'État membre requis, dont le droit national interdit l'extradition de ses propres ressortissants hors de l'Union européenne aux fins de l'exécution d'une peine et prévoit la possibilité qu'une telle peine prononcée à l'étranger soit purgée sur son territoire, est tenu d'assurer à ce citoyen de l'Union européenne, dès lors qu'il réside de manière permanente sur son territoire un traitement identique à celui qu'il réserve à ses propres ressortissants en matière d'extradition ; que le caractère permanent de l'installation d'une personne sur un territoire donné s'apprécie en fonction d'un faisceau d'indices et peut donc résulter, indépendamment du temps qu'elle y a déjà passé, des engagements personnels et professionnels qui l'y attachent ; que la chambre de l'instruction devait rechercher si, indépendamment de la date de son arrivée en France, la circonstance selon laquelle M. [K] y avait fondé une entreprise et donné naissance à un enfant qu'il y élevait, en attendait un autre avec sa compagne ne suffisait pas à caractériser une installation permanente en France ; qu'en omettant cette recherche, elle a méconnu les articles 6 de la Convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 et la Déclaration faite par la France, consignée dans l'instrument de ratification, déposé le 10 février 1986, ainsi que les articles 696-4, 696-15, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
7. Pour rejeter la demande tendant à voir constater que le demandeur réside de manière permanente sur le territoire national depuis 2018, l'arrêt attaqué énonce que les documents les plus anciens concernant la présence permanente de l'intéressé sur le sol français remontent à juin 2022, qu'aucun justificatif d'une activité professionnelle à compter de 2018 n'est produit et que l'attestation de sa compagne fait état d'une vie commune depuis l'année 2021.
8. Les juges ajoutent que l'attestation d'hébergement datée de 2018, produite à l'occasion de la dernière audience, est très succincte et n'indique pas pendant combien de temps son rédacteur aurait hébergé le demandeur.
9. Ils relèvent que l'intéressé est réclamé pour des faits commis en 2018 et 2019 en Moldavie, ce qui exclut toute résidence permanente et stable en France depuis 2018.
10. En se déterminant ainsi, par des motifs relevant de son appréciation souveraine, répondant aux articulations essentielles du mémoire régulièrement produit par le demandeur et dénués d'insuffisance comme de contradiction, la chambre de l'instruction a justifié sa décision.
11. Le moyen doit, dès lors, être écarté.
12. Il s'ensuit que l'arrêt répond, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale.
13. Par ailleurs, il a été rendu par une chambre de l'instruction compétente et composée conformément à la loi, et la procédure est régulière.




Crim. 25 mars 2025 n° 25-80.290 B

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° P 25-80.290 F-B
N° 00544

ECF 25 MARS 2025

CASSATION

M. BONNAL président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 25 MARS 2025


M. [N] [S] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 5e section, en date du 2 janvier 2025, qui, dans la procédure d'extradition suivie contre lui à la demande du gouvernement de la Fédération de Russie, a rejeté sa demande de mise en liberté.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Merloz, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [N] [S], et les conclusions de Mme Djemni-Wagner, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Merloz, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Pinna, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 6 septembre 2018, M. [N] [S], de nationalité russe, a été placé sous écrou extraditionnel en exécution d'une demande d'arrestation provisoire délivrée par les autorités russes, aux fins de poursuites, sur le fondement d'un mandat d'arrêt du 25 novembre 2015, pour des faits qualifiés de participation aux activités d'une organisation terroriste en ayant suivi un entraînement en vue d'activités terroristes, punis d'une peine de réclusion criminelle à perpétuité.
3. M. [S] n'a pas consenti à son extradition.
4. Le 23 septembre 2020, la chambre de l'instruction a émis un avis favorable à la demande d'extradition.
5. Le 17 juin 2022, le Premier ministre a pris un décret d'extradition, le recours contre ce décret ayant été rejeté par le Conseil d'Etat le 17 février 2023.
6. Par déclaration au greffe de la chambre de l'instruction du 16 décembre 2024, M. [S] a formé une demande de mise en liberté.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de mise en liberté de M. [S], alors :
« 1°/ que de première part, les décisions autorisant l'extradition de l'exposant ayant été rendues antérieurement à la dégradation de la situation des droits de l'homme en Russie intervenu en 2022, il appartenait à la chambre de l'instruction, saisie d'un moyen en ce sens, de tenir compte de ce changement de circonstances, lequel faisait obstacle à l'exécution de l'extradition en raison d'un risque d'atteinte aux droits fondamentaux et d'en tirer les conséquences en suspendant les effets de la décision devenue, en l'état, inexécutable et, partant, en ordonnant sa remise en liberté d'office ; qu'en jugeant « inopérant » le moyen tiré du changement de circonstances intervenu depuis les dernières décisions judiciaires aux motifs que « les développements présentés par la défense de [N] [S] sur la dégradation de la situation des droits de l'Homme en Russie, notamment dans le système carcéral, ont pour objet de remettre en cause des décisions judiciaires définitives et un décret d'extradition lui-même définitif et ne se rapportent pas à la situation carcérale actuelle de [N] [S] », la chambre de l'instruction a méconnu les articles 2, 3 et 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
3°/ que de troisième part, le caractère indéterminé du délai de reprise de la procédure d'extradition en raison d'une situation géopolitique conflictuelle « inchangée à ce jour » constitue une privation de liberté injustifiée ; que pour rejeter la demande de mise en liberté formée par l'intéressé, qui invoquait le manque de diligence dans la procédure d'extradition ainsi que la durée excessive de sa privation de liberté, sans rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée, s'il n'était pas dépourvu de perspectives concrètes de parvenir, dans un délai à la fois précis et raisonnable, au terme de la procédure d'extradition, la chambre de l'instruction a de plus fort méconnu les articles 5 § 1 f) de la Convention, 696-18, 696-19, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
4°/ que de quatrième part, une situation géopolitique conflictuelle et la gravité des faits reprochés à la personne placée sous écrou extraditionnel ne peuvent être pris en compte pour justifier la passivité des autorités dans la conduite de la procédure d'extradition ; qu'en rejetant la demande de mise en liberté formée par l'intéressé, qui invoquait la durée excessive de sa privation de liberté et arguait de la carence des autorités, aux motifs que « la durée de la privation de liberté doit s'apprécier à l'aune de cette situation diplomatique et des faits reprochés à la personne dont l'extradition a été accordée » et qu'eu égard à la situation géopolitique actuellement inchangée à ce jour entre la France et la Russie et à la gravité des faits reprochés, « la durée de son écrou extraditionnel n'est pas déraisonnable », critères inopérants, la chambre de l'instruction a, une fois encore, méconnu les articles 5 § 1 f) de la Convention, 696-18, 696-19, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Sur le moyen, pris en sa première branche
8. Le demandeur ne saurait se faire un grief de ce que l'arrêt attaqué a jugé inopérants les développements qu'il a présentés au soutien de sa demande de mise en liberté, relatifs à la dégradation de la situation des droits de l'homme en Russie, notamment dans le système carcéral.
9. En effet, la chambre de l'instruction statuant sur une demande de mise en liberté formée en application de l'article 696-19 du code de procédure pénale ne saurait, sans excéder son office, prendre en compte un changement de circonstances intervenu dans l'Etat requérant, susceptible d'exposer la personne recherchée à une violation de ses droits fondamentaux, dès lors qu'il a été définitivement statué sur la demande d'extradition et que, de surcroît, le décret d'extradition est exécutoire, la décision d'un éventuel retrait dudit décret relevant de la seule compétence du gouvernement.
Mais sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches
Vu les articles 5, § 1, f) de la Convention européenne des droits de l'homme et 593 du code de procédure pénale :
10. Il résulte du premier de ces textes que, si le déroulement d'une procédure d'extradition justifie une privation de liberté, c'est à la condition que cette procédure soit menée avec la diligence requise.
11. Selon le second, tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
12. Pour rejeter la demande de mise en liberté présentée par le demandeur, l'arrêt attaqué énonce qu'il appartient à l'administration centrale de mettre à exécution le décret d'extradition, exécutoire depuis le 17 février 2023, et relève que les relations diplomatiques de la France avec la Fédération de Russie sont, depuis cette date, fortement affectées par la guerre en Ukraine, cette situation géopolitique étant constitutive d'un cas de force majeure au sens de l'article 696-18 du code de procédure pénale.
13. Les juges ajoutent que cette situation de force majeure ne peut cependant être tenue pour définitive et qu'il leur appartient de rechercher si, au regard de la durée de l'écrou extraditionnel, d'une part, et des garanties de représentation et du risque de fuite, d'autre part, M. [S] doit être maintenu en détention.
14. Ils énoncent en substance, concernant la durée de l'écrou extraditionnel, que la procédure a été menée avec la diligence requise jusqu'au 23 février 2023, date à laquelle le Conseil d'Etat a rejeté le recours formé par M. [S] contre le décret d'extradition, la remise effective de l'intéressé se heurtant à la situation géopolitique, inchangée à ce jour.
15. Ils en déduisent que le caractère déraisonnable et non proportionné de la durée de la privation de liberté doit s'apprécier à l'aune de cette situation diplomatique et des faits reprochés à la personne dont l'extradition a été accordée.
16. Ils observent à cet égard que l'intéressé est recherché pour des faits d'une particulière gravité, relatifs à son adhésion à une organisation reconnue comme terroriste et à sa formation aux fins de la commission d'actes terroristes, qui, s'ils sont contestés, lui font néanmoins encourir une peine de réclusion criminelle à perpétuité.
17. Ils ajoutent que M. [S] ne présente pas de garanties de représentation en ce qu'il refuse son extradition, qu'il n'a communiqué aucune information quant à la situation de sa famille, le domicile de son épouse et de ses enfants, ni même le pays dans lequel ils résideraient actuellement, qu'il est en situation irrégulière en France et n'y justifie d'aucune adresse et n'a aucune ressource ni soutien familial ou amical, offrant uniquement de se domicilier chez son avocat et un possible hébergement dans un hôtel pendant quatre jours.
18. Ils en concluent que, au regard de l'ensemble de ces éléments, la durée de l'écrou extraditionnel n'est pas déraisonnable.
19. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision pour les motifs qui suivent.
20. En premier lieu, la chambre de l'instruction ne pouvait énoncer que la remise effective de l'intéressé se heurtait à un cas de force majeure inchangé au jour où elle statuait, étant précisé que ledit cas est prévu à l'article 18, § 5, de la Convention européenne d'extradition, seul applicable, sans rechercher s'il existait des perspectives concrètes de parvenir, dans un futur quantifiable et un délai raisonnable, au terme de la procédure d'extradition, alors que l'intéressé était placé sous écrou extraditionnel depuis plus de six ans et que plus de deux ans se sont écoulés depuis le décret d'extradition.
21. En second lieu, la chambre de l'instruction ne pouvait justifier la durée du placement sous écrou extraditionnel au regard de la gravité des faits, alors que l'intéressé est recherché aux fins de poursuites et non d'exécution de peine, qu'il bénéficie de la présomption d'innocence et que les autorités nationales doivent en conséquence faire preuve d'une diligence particulière afin de protéger les droits de l'intéressé.
22. Par conséquent, la cassation est encourue de ces chefs, sans qu'il y ait lieu d'examiner l'autre grief.
Portée et conséquences de la cassation
23. La cassation ainsi prononcée pour insuffisance de motivation n'emportant pas remise en cause du titre de détention, elle n'entraînera pas la mise en liberté de l'intéressé.




Crim. 18 mars 2025 n° 24-84.909

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° P 24-84.909 F-D
N° 00328

SL2 18 MARS 2025

CASSATION

M. BONNAL président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 18 MARS 2025


L'officier du ministère public près le tribunal de police de Draguignan a formé un pourvoi contre le jugement dudit tribunal, en date du 16 février 2024, qui a relaxé Mme [Z] [S] du chef de contravention au code de la route.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Busché, conseiller, et les conclusions de M. Tarabeux, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 février 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Busché, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.



Faits et procédure
1. Il résulte du jugement attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Mme [Z] [S] a été poursuivie devant le tribunal de police du chef de conduite sans port de la ceinture de sécurité d'un véhicule à moteur réceptionné avec cet équipement.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. Le moyen est pris de la violation de l'article 537 du code de procédure pénale.
4. Le moyen critique le jugement attaqué en ce qu'il a relaxé la prévenue, sans constater que la preuve contraire a été rapportée, par écrit ou par témoins, aux énonciations du procès-verbal par lequel l'agent de police municipale a constaté que Mme [S] conduisait un véhicule sans porter correctement la ceinture de sécurité.
Réponse de la Cour
Vu l'article 537 du code de procédure pénale :
5. Selon ce texte, les procès-verbaux établis par les officiers et agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints font foi jusqu'à preuve du contraire des contraventions qu'ils constatent. Cette preuve ne peut être rapportée que par écrit ou par témoins.
6. Pour relaxer Mme [S] du chef de conduite, sans port de la ceinture de sécurité, d'un véhicule à moteur réceptionné avec cet équipement, le jugement attaqué énonce qu'il ne résulte pas des débats de l'audience et des pièces versées à la procédure que les faits lui soient imputables, qu'ils constituent une infraction à la loi pénale, ou qu'ils soient établis conformément à l'article 541 du code de procédure pénale.
7. En statuant ainsi, sans constater que la preuve contraire aux énonciations du procès-verbal a été rapportée dans les conditions prévues par la loi, le tribunal de police a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.
8. La cassation est par conséquent encourue.






Crim. 18 mars 2025 n° 24-86.050

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° D 24-86.050 F-D
N° 00330

SL2 18 MARS 2025

CASSATION

M. BONNAL président,





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 18 MARS 2025


M. [U] [I] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 1er juillet 2024, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'infractions à la législation sur les armes et association de malfaiteurs, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure.
Par ordonnance du 16 décembre 2024, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Coirre, conseiller, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [U] [I], et les conclusions de M. Tarabeux, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 février 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Coirre, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Mis en examen le 26 mai 2023 des chefs susvisés, M. [U] [I] a formé, le 22 novembre suivant, une requête en annulation de pièces de la procédure auprès du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
3. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevable le moyen de nullité tiré de l'exploitation des données informatiques issues de la procédure 320/12 et issues de la présente procédure, a dit n'y avoir lieu pour le surplus à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure et a déclaré la procédure régulière jusqu'à la cote D 12100 incluse, alors « que devant la chambre de l'instruction, la personne mise en examen ou son avocat doivent avoir la parole les derniers ; qu'il résulte des mentions de l'arrêt qu'après que maître Pagani, substituant maître Cervetti, conseil du mis en examen, s'en est rapporté à la décision de la cour, n'ont été entendus que la présidente en son rapport et l'avocat général en ses réquisitions sans qu'il ne soit fait mention que l'avocat de la personne mise en examen ait été invité à prendre la parole en dernier ; qu'en statuant dans ces conditions, la chambre de l'instruction a violé les articles 6 de la Convention des droits de l'homme, 199 du code de procédure pénale et les principes généraux du droit. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et 199 du code de procédure pénale :
4. Il se déduit de ces textes que, devant la chambre de l'instruction, la personne mise en examen ou son avocat doivent avoir la parole les derniers.
5. L'arrêt attaqué mentionne qu'ont été entendus à l'audience le président en son rapport, l'avocat général en ses réquisitions, puis que la décision a été mise en délibéré à l'issue des débats sans préciser que l'avocat de la personne mise en examen a eu la parole en dernier.
6. Ces mentions ne permettent pas à la Cour de cassation de s'assurer que les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ont été respectés.
7. Dès lors, la cassation est encourue de ce chef.




Crim. 18 mars 2025 n° 23-85.181

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° P 23-85.181 F-D
N° 00338

SL2 18 MARS 2025

CASSATION PARTIELLE

M. BONNAL président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 18 MARS 2025


M. [I] [P] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier, chambre correctionnelle, en date du 22 août 2023, qui, pour infractions au code de l'urbanisme, l'a condamné à 2 000 euros d'amende dont 1 000 euros avec sursis, a ordonné la remise en état des lieux sous astreinte et a prononcé sur les intérêts civils.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Leblanc, conseiller référendaire, les observations de Me Carbonnier, avocat de M. [I] [P], et les conclusions de M. Tarabeux, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 février 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Leblanc, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [I] [P] a été poursuivi, notamment, pour avoir construit deux abris de jardin sans autorisation préalable.
3. Les juges du premier degré l'ont déclaré coupable, condamné à 2 000 euros d'amende avec sursis, ont ordonné la remise en état des lieux et prononcé sur les intérêts civils.
4. M. [P] et le ministère public ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur les premier et deuxième moyens et sur le troisième moyen, pris en sa première branche
5. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [P] coupable d'utilisation du sol en méconnaissance du plan local d'urbanisme et du plan de prévention des risques et d'exécution irrégulière de travaux soumis à déclaration préalable, alors :
« 2°/ subsidiairement, que sont dispensées de toute formalité, en raison de leur nature ou de leur très faible importance, les constructions nouvelles ayant une hauteur au-dessus du sol inférieure ou égale à douze mètres, une emprise au sol inférieure ou égale à cinq mètres carrés et une surface de plancher inférieure ou égale à cinq mètres carrés ; Qu'aux termes de la prévention, il était reproché à M. [P] d'avoir construit, sans autorisation administrative préalable, deux abris de jardin d'une superficie approximative de 5m² chacun, et que la cour d'appel est entrée en voie de condamnation dès lors que les abris ont une « surface cumulée de 10 m² » (arrêt, p. 8, § 8) ; Qu'en statuant de la sorte sans expliquer en quoi les abris formeraient un ensemble indissociable dont la superficie devrait être cumulée, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles R. 421-2, L. 421-4, et L. 480-4 du code de l'urbanisme. »


Réponse de la Cour
Vu l'article 593 du code de procédure pénale :
7. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
8. Pour déclarer M. [P] coupable d'exécution irrégulière de travaux soumis à déclaration préalable, l'arrêt attaqué énonce que les deux abris de jardin concernés, dont la surface cumulée est de dix mètres carrés, sont soumis à déclaration conformément aux articles R. 421-9 à R. 421-12 du code de l'urbanisme.
9. En se déterminant ainsi, sans constater que ces bâtiments, d'une surface de cinq mètres carrés chacun, forment un ensemble indissociable, alors que l'article R. 421-2 du code de l'urbanisme dispense de toute formalité les constructions dont la surface est inférieure ou égale à cinq mètres carrés, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.
10. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
11. La cassation ne concerne que les dispositions relatives à la culpabilité du chef d'exécution irrégulière de travaux soumis à déclaration préalable, aux peines, à la remise en état des lieux et à l'action civile. Les autres dispositions seront donc maintenues.




Crim. 18 mars 2025 n° 24-87.352

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° U 24-87.352 F-D
N° 00508

SB4 18 MARS 2025

REJET

M. BONNAL président,










R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 18 MARS 2025



M. [D] [S] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Fort-de-France, en date du 3 décembre 2024, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 19 novembre 2024, pourvoi n° 24-85.142), dans la procédure suivie contre lui des chefs de tentative de meurtre en récidive et infractions à la législation sur les armes, a ordonné la prolongation exceptionnelle de sa détention provisoire.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Rouvière, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, avocat de M. [D] [S], et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Rouvière, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. [D] [S], placé en détention provisoire le18 novembre 2021, a été mis en accusation des chefs susvisés et renvoyé devant la cour d'assises, par ordonnance du 8 septembre 2023, devenue définitive le 21 septembre 2023.
3. Le procureur général a saisi la chambre de l'instruction aux fins de prolongation de la détention provisoire de M. [S], en application de l'article 181, alinéa 9, du code de procédure pénale.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa cinquième branche
4. Le grief n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le moyen, pris en ses quatre premières branches
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a prolongé la détention provisoire de M. [S] à titre exceptionnel pour une durée de six mois à compter du 21 septembre 2024 à 00 heures, alors :
« 1°/ que toute personne détenue a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable ou libérée pendant la procédure ; selon l'article 181 du code de procédure pénale, au terme du délai d'un an à compter de la date à laquelle la décision de mise en accusation est devenue définitive, la chambre de l'instruction ne peut prolonger à titre exceptionnel la détention provisoire pour une nouvelle durée de 6 mois que par une décision rendue conformément à l'article 144 et mentionnant les raisons de fait ou de droit faisant obstacle au jugement de l'affaire ; en l'espèce, pour caractériser de telles raisons faisant obstacle au jugement de l'affaire et prolonger à titre exceptionnel la détention provisoire de M. [S] pour une nouvelle durée de 6 mois, l'arrêt se fonde sur une grève des avocats de janvier-février 2020 ayant conduit à de nombreux renvoi d'affaires criminelles ainsi que l'épidémie de la Covid-19 en 2020 et 2021 avec deux confinements stricts et deux période de couvre-feu ayant allongé la durée des débats ; en se bornant à exposer ces éléments anciens survenus 4 et 3 ans plus tôt sans établir concrètement en quoi ils auraient encore à ce jour un impact sur l'audiencement des sessions d'assises, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision au regard des articles 181 du code de procédure pénale et 5 de la Convention européenne des droits de l'homme et a violé l'article 593 du code de procédure pénale ;
2°/ qu'en se fondant par ailleurs sur le risque d'intempéries cycloniques en Martinique pouvant contraindre la cour d'assises à une suspension des débats quand elle concédait elle-même que ce risque était récurrent et prévisible, la Martinique étant « comme tout l'arc antillais, [?] de façon récurrente soumise à une saison cyclonique qui va du 1er juin au 30 novembre de chaque année», ainsi que sur les conséquences de l'insularité, de l'éloignement géographique et du décalage horaire dans l'organisation des débats et la programmation de certaines auditions par visio-conférence, la chambre de l'instruction, qui a qualifié ces éléments de « difficultés récurrentes », n'a pas relevé de circonstances exceptionnelles et insurmontables faisant obstacle au jugement de l'affaire et derechef privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 181 du code de procédure pénale et 5 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
3°/ que l'instauration de la Cour criminelle départementale et la nécessité de mutualiser la seule salle d'audience compatible avec un procès d'assises ne sont pas des circonstances extérieures au service public de la justice ; la chambre de l'instruction a violé les articles 181 du code de procédure pénale et 5 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
4°/ que la défense a fait valoir que rien n'a été mis en oeuvre pour faire en sorte que la procédure impliquant Monsieur [S] bénéficie d'un caractère prioritaire au niveau de l'audiencement ; en faisant état d'initiatives accomplies de manière générale pour remédier à l'encombrement de la cour d'assises, via une augmentation de la durée des sessions d'assises et la nomination récente d'une conseillère en surnombre, dans un contexte d'absence d'augmentation des moyens du ministère public et du greffe, sans mieux caractériser les diligences particulières entreprises pour le jugement de M. [S] et qu'appelait nécessairement une détention provisoire qualifiée de « particulièrement longue » (arrêt, p. 23 §2), la chambre de l'instruction n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article 181 du code de procédure pénale et 5 de la Convention européenne des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
6. Pour prolonger, à titre exceptionnel, la détention provisoire de M. [S], l'arrêt attaqué énonce que la grève des avocats en janvier et février 2020 a conduit à de nombreux renvois et que l'épidémie de covid a entraîné des périodes de confinement ou de couvre-feu, allongeant la durée des débats.
7. Les juges décrivent les contraintes d'audiencement propres à l'insularité de la juridiction, à son éloignement de la métropole, au décalage horaire et à la saison cyclonique, récurrente chaque année du 1er juin au 30 novembre.
8. Ils soulignent que ces difficultés endémiques ont été aggravées par la mise en place de la cour criminelle départementale, devant laquelle les délais de comparution sont plus courts, impliquant de donner la priorité aux affaires dévolues à celle-ci sur celles relevant de la cour d'assises.
9. Ils relèvent que la cour d'assises de Martinique, dont ils précisent qu'elle est particulièrement affectée par les faits de meurtre ou de tentative de meurtre, siège, de manière discontinue, compte tenu de l'absence de salle d'audience dédiée et de la nécessité de partager l'unique salle appropriée avec le jugement des procès correctionnels relevant de la juridiction interrégionale spécialisée.
10. Les juges exposent enfin les efforts accomplis pour accroître le nombre d'affaires examinées par la cour d'assises, et ainsi réduire son stock et les délais d'audiencement.
11. Ils précisent qu'alors que, jusqu'au mois d'août 2023, la cour d'assises siégeait à raison de dix sessions par an, de deux semaines chacune, sous la présidence d'un unique président de chambre, la durée des sessions a été augmentée, d'abord d'une demi-semaine supplémentaire par session à compter de septembre 2023, puis d'une semaine complète à compter de mai 2024, soit une hausse de 50 % de la durée des sessions en l'espace de neuf mois, et qu'à partir de septembre 2024, une conseillère a été nommée en surnombre pour présider des procès criminels.
12. En l'état de ces énonciations, abstraction faite des motifs relatifs, d'une part, à la situation géographique de la Martinique, d'autre part, à la grève des avocats et à la crise sanitaire, dont il n'est pas précisé en quoi, plusieurs années après, elles continueraient d'avoir une incidence sur le jugement des affaires criminelles, la chambre de l'instruction, qui a caractérisé les diligences particulières en matière d'organisation de l'audiencement mises en oeuvre pour faire face à la situation difficile de celui-ci, a justifié sa décision.
13. Ainsi, le moyen doit être écarté.
14. Par ailleurs, l'arrêt est régulier, tant en la forme qu'au regard des dispositions des articles 143-1 et suivants du code de procédure pénale.




Crim. 12 mars 2025 n° 23-86.798

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° W 23-86.798 F-D
N° 00311

LR 12 MARS 2025

REJET

M. BONNAL président,





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 12 MARS 2025


MM. [B] [H] et [J] [D] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers, chambre correctionnelle, en date du 18 octobre 2023, qui a prononcé sur une demande d'annulation de pièces de la procédure et les a condamnés, le premier, pour infractions à la législation sur les stupéfiants en récidive et infraction à la législation sur les armes, à six ans d'emprisonnement, une interdiction de séjour et une confiscation, le second, pour infractions à la législation sur les stupéfiants et usage illicite de stupéfiants, à trois ans d'emprisonnement et une confiscation.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires ont été produits.
Sur le rapport de M. Gouton, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [B] [H], les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [J] [D], et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 5 février 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Gouton, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Le Roch, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. MM. [B] [H] et [J] [D] ont été poursuivis devant le tribunal correctionnel des chefs précités.
3. Par jugement du 7 juin 2023, le tribunal correctionnel a rejeté les exceptions de nullité de la procédure et la demande de supplément d'information qui lui ont été présentées, a déclaré les prévenus coupables et les a respectivement condamnés à quatre et trois ans d'emprisonnement, ainsi qu'à des confiscations.
4. Les prévenus ont relevé appel de cette décision et le ministère public a formé appel incident à leur encontre.
Examen des moyens
Sur les premier, deuxième et cinquième moyens proposés pour M. [H] et les deuxième, troisième et quatrième moyens proposés pour M. [D]
5. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le troisième moyen proposé pour M. [H]
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [H] irrecevable à soulever le moyen de nullité tirée de l'irrégularité de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 24 avril 2023 autorisant la perquisition sans assentiment du véhicule Mercedes immatriculé [Immatriculation 1] et, partant, a confirmé le jugement entrepris, alors :
« 1°/ que d'une part, toute personne mise en cause doit se voir offrir la possibilité de remettre en question l'authenticité des éléments de preuve fondant sa mise en cause et de s'opposer à leur utilisation ; qu'ainsi la méconnaissance des formalités substantielles régissant une perquisition peut être invoquée à l'appui d'une demande d'annulation d'actes ou de pièces de la procédure par la partie qui est directement concernée par l'opération de perquisition ; qu'en déclarant le prévenu irrecevable en sa demande d'annulation de l'ordonnance du 24 avril 2023 autorisant la perquisition sans assentiment du véhicule Mercedes immatriculé [Immatriculation 1] aux motifs que « le simple fait d'être nommément visé par les motifs de l'ordonnance critiquée n'implique nullement une atteinte à la vie privée du prévenu, seul droit protégé par les dispositions visées au moyen » (arrêt, p.20), tandis qu'il était nommément visé par l'ordonnance, la cour d'appel a méconnu les droits de la défense du prévenu, ensemble les articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, préliminaire, 171 et 802, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que d'autre part, il appartient aux juges du fond de rechercher si, nonobstant les dénégations ou le silence du prévenu, il résultait objectivement de la procédure qu'il puisse avoir un droit sur la chose, celui-ci pouvant résulter d'éléments ténus et informels en l'absence de tout droit officiel ; qu'en l'espèce, en se bornant à affirmer que « la Mercedes immatriculée [Immatriculation 1] perquisitionnée le 24 avril 2023 sur autorisation du juge des libertés et de la détention du même jour n'appartient pas à [B] [H] qui ne revendique pas non plus en avoir été l'utilisateur régulier » (arrêt, p. 20) pour justifier l'irrecevabilité de la demande en nullité formulée par le prévenu, la cour d'appel a de plus fort méconnu les articles précités ;
3°/ qu'enfin, toute personne a le droit de se taire et de ne pas contribuer à sa propre incrimination ; qu'en subordonnant la recevabilité du prévenu à soulever la nullité de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 24 avril 2023 autorisant la perquisition sans assentiment du véhicule Mercedes immatriculé [Immatriculation 1] à sa reconnaissance d'en être l'utilisateur régulier, la cour d'appel a violé le droit du prévenu de garder le silence et de ne pas contribuer à sa propre incrimination, ensemble les articles 9 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 7 de la directive 2016/343/UE du 9 mars 2016, 63-1, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
4°/ qu'en tout état de cause, à peine de nullité, la décision du juge des libertés et de la détention ordonnant la perquisition sans l'assentiment exprès de la personne concernée doit être motivée par référence aux éléments de fait et de droit justifiant que cette opération est nécessaire et doit permettre au justiciable de connaître les raisons précises pour lesquelles ces opérations ont été autorisées ; qu'en l'espèce, l'ordonnance ayant autorisé la perquisition sans assentiment du véhicule Mercedes immatriculé [Immatriculation 1] ne comportait pas d'énoncé précis des raisons qui justifiaient la réalisation d'une perquisition sans l'assentiment du prévenu, la motivation étant générique et imprécise, aucune raison factuelle n'étant avancée pour justifier de l'existence d'un lien entre ce véhicule et le prévenu, de sorte qu'en refusant d'en prononcer la nullité, la cour d'appel a méconnu les articles préliminaire, 76, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
7. La cour d'appel énonce que M. [H] n'a pas qualité pour soulever l'irrégularité de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention ayant autorisé la perquisition, sans assentiment, d'un véhicule automobile.
8. C'est à tort que les juges ont relevé cette irrecevabilité. En effet, l'arrêt constate que l'ordonnance contestée mentionne que le demandeur était susceptible de faire usage de ce véhicule. Par ailleurs, l'utilisation de ce véhicule, dans lequel des stupéfiants ont été découverts, a été opposée à M. [H] par les enquêteurs, et a été prise en considération par les juges pour le déclarer coupable.
9. L'arrêt attaqué n'encourt pas cependant la censure dès lors que la Cour de cassation est en mesure de s'assurer que l'ordonnance critiquée, en énonçant que M. [H] était susceptible d'utiliser le véhicule en question pour y dissimuler des stupéfiants, a justifié la nécessité de procéder à sa perquisition sans assentiment préalable, au regard des exigences de l'article 76, alinéa 4, du code de procédure pénale.
10. Dès lors, le moyen doit être écarté.
Sur le quatrième moyen proposé pour M. [H] et le premier moyen proposé pour M. [D]
Enoncé des moyens
11. Le moyen proposé pour M. [H] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement entrepris rejetant l'exception de nullité tirée de l'irrégularité de l'enquête de flagrance, alors « que, à la suite de la constatation d'un crime ou d'un délit flagrant, l'enquête peut se poursuivre sans discontinuer pendant une durée de huit jours à compter de cette constatation, sauf prolongation autorisée par le procureur de la République, pour une durée maximale de huit jours ; qu'en conséquence, à l'issue de ce délai maximal, il n'est pas possible d'ouvrir à nouveau une enquête de flagrance dans le cadre d'une unique procédure et ce, même en cas de découverte postérieure de nouveaux éléments délictuels ; qu'en écartant le moyen de nullité tiré de l'irrégularité de l'enquête de flagrance à compter du 24 avril 2023 en retenant que la jonction des deux enquêtes, alors suivies en la forme préliminaire, et la co-saisine des deux services enquêteurs le 31 janvier 2023 n'a pas eu pour effet de modifier le régime de l'enquête préliminaire confiée le 3 janvier 2023 par le procureur de la République à la brigade de recherches de [Localité 2], qui s'est poursuivie dans ce cadre jusqu'au 24 avril 2023, et que « le 24 avril 2023, la perquisition de la Mercedes immatriculée [Immatriculation 1] réalisée dans le cadre des dispositions des articles 73 et suivants du code de procédure pénale a permis la découverte de 3 kg d'héroïne, infraction flagrante par excellence, justifiant le basculement de la procédure en cours du régime de l'enquête préliminaire au régime de la flagrance conférant aux enquêteurs les pouvoirs coercitifs prévus par les articles 53 et suivants du code de procédure pénale » (arrêt, p. 21), lorsque la découverte de ces produits stupéfiants ne constituait pas un fait nouveau mais, dès l'origine, l'objet même de l'enquête pour trafic de stupéfiants qui ne pouvait se poursuivre régulièrement que selon les règles de l'enquête préliminaire; qu'en validant le passage en flagrance en l'absence de fait nouveau et en l'absence d'ouverture d'une procédure incidente, la cour d'appel a méconnu les 53, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
12. Le moyen proposé pour M. [D] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté les moyens de nullité soulevés par M. [D], autres que celui tiré de la violation de la vie privée formé au soutien de la demande de nullité de la vidéosurveillance de son domicile et des actes subséquents, alors «
Réponse de la Cour
13. Les moyens sont réunis.
14. Pour rejeter l'exception de nullité tirée de l'irrégularité de la procédure, au motif qu'elle a été conduite selon les règles applicables en matière de flagrant délit, à compter du 24 avril 2023, l'arrêt attaqué énonce que les policiers et les gendarmes, depuis la jonction de leurs enquêtes et leur saisine conjointe par le procureur de la République, le 31 janvier 2023, ont opéré en enquête préliminaire.
15. Ils ajoutent que, dans le cadre de cette enquête, une perquisition a, le 24 avril 2023, conduit à la découverte de trois kilogrammes d'héroïne dans un véhicule, ce qui a caractérisé l'existence d'une infraction flagrante, ayant permis, à cette date, aux enquêteurs, de continuer leurs investigations selon les règles applicables en matière de flagrant délit.
16. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision.
17. En effet, l'état de flagrance, au sens de l'article 53 du code de procédure pénale, est caractérisé dès lors qu'il résulte des constatations des juges du fond que les officiers de police judiciaire ont relevé des indices apparents d'un comportement délictueux révélant l'existence d'infractions se commettant actuellement ou venant d'être commises.
18. En l'espèce, il résulte de la procédure que les enquêteurs, saisis de deux enquêtes préliminaires jointes, dont une ayant débuté en flagrant délit, relatives à un trafic de cocaïne et de cannabis, ont régulièrement découvert de l'héroïne, cette découverte constituant l'indice de la commission actuelle d'une infraction autre que celle objet de l'enquête initiale.
19. Dès lors, les moyens doivent être rejetés.
20. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.




Crim. 11 mars 2025 n° 24-87.167 B

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° T 24-87.167 F-B
N° 00457

ODVS 11 MARS 2025

REJET

M. BONNAL président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 11 MARS 2025


M. [K] [Y] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bourges, en date du 19 novembre 2024, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 23 oct. 2024, pourvoi n° 24-84.741), dans l'information suivie contre lui du chef d'infractions à la législation sur les stupéfiants, a rejeté sa demande de mise en liberté.
Un mémoire personnel a été produit.
Sur le rapport de M. Hill, conseiller, et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Hill, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 30 novembre 2023, M. [K] [Y] a été mis en examen des chefs susvisés et placé en détention provisoire.
3. Le 8 juillet 2024, il a formé une demande de mise en liberté devant la chambre de l'instruction.
4. Le président de la chambre de l'instruction a rendu une ordonnance d'irrecevabilité le 18 juillet suivant.
5. Suite au pourvoi formé par l'intéressé contre cette décision, la Cour de cassation, par arrêt du 23 octobre 2024, a annulé en toutes ses dispositions l'ordonnance du 18 juillet 2024 et ordonné le retour du dossier à la chambre de l'instruction, autrement présidée.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de remise en liberté formée par M. [Y], alors que, lorsque la durée de la détention provisoire excède huit mois en matière délictuelle, les décisions rejetant les demandes de mise en liberté doivent comporter les indications particulières qui justifient en l'espèce la poursuite de l'information et le délai prévisible d'achèvement de la procédure ; qu'en statuant sans ces indications, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 145-3 du code de procédure pénale.
Réponse de la Cour
7. Le moyen n'est pas fondé pour les motifs qui suivent.
8. Lorsqu'un arrêt est annulé par la Cour de cassation, la juridiction de renvoi se trouve saisie de la cause dans l'état qui était le sien quand elle a été soumise aux juges dont la décision a été cassée.
9. Dès lors, la chambre de l'instruction, saisie sur renvoi après cassation d'une demande de mise en liberté faite en application de l'article 148-4 du code de procédure pénale, n'est pas soumise à l'obligation de motivation spéciale prévue par l'article 145-3 dudit code lorsque la décision annulée a été rendue à une date à laquelle la durée de la détention n'excédait pas encore huit mois.
10. Par ailleurs, l'arrêt est régulier tant en la forme qu'au regard des dispositions des articles 137-3, 143-1 et suivants du code de procédure pénale.




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