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Crim. 9 juillet 2025 n° 25-83.096 B

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° P 25-83.096 F-B
N° 01090

SB4 9 JUILLET 2025

REJET

Mme LABROUSSE, conseiller le plus ancien, faisant fonction de président,






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 9 JUILLET 2025


M. [M] [Y] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai, en date du 26 mars 2025, qui, dans la procédure suivie contre lui, des chefs de recel et tentative de meurtres, aggravés, association de malfaiteurs et infractions à la législation sur les armes, a ordonné la prolongation exceptionnelle de sa détention provisoire.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Laurent, conseiller, les observations de Me Laurent Goldman, avocat de M. [M] [Y], et les conclusions de M. Fusina, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 juillet 2025 où étaient présents Mme Labrousse, conseiller le plus ancien, faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Laurent, conseiller rapporteur, Mme Leprieur, conseiller de la chambre, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Par arrêt du 28 avril 2000, ordonnant prise de corps, la chambre d'accusation a renvoyé M. [M] [Y] devant la cour d'assises du Nord, sous l'accusation susvisée.
3. Par arrêt de contumace du 19 octobre 2001, cette cour d'assises l'a déclaré coupable et condamné à vingt ans de réclusion criminelle.
4. Les formalités de publicité de cet arrêt ont été achevées le 23 novembre 2001.
5. Un mandat d'arrêt européen, émis le 1er février 2021, a été notifié à M. [Y] le 20 octobre 2023, lors de son arrivée en France, à la suite de son expulsion des Etats-Unis, où il séjournait sous une fausse identité.
6. M. [Y] a été placé en détention provisoire le même jour.
7. Une prolongation de six mois ayant été ordonnée au terme de la première année de détention provisoire, le procureur général a saisi la chambre de l'instruction aux fins de prolongation de cette détention pour une seconde période de six mois.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté les moyens de prescription de M. [Y] et ordonné la prolongation pour six mois de sa détention provisoire, alors « qu'ensuite de l'anéantissement rétroactif de la décision rendue par défaut, survenue par l'effet de l'arrestation de la personne condamnée, la prescription de la peine court à compter de l'ordonnance de prise de corps, qui seule conserve son effet et vaut mandat d'arrêt ; qu'en prenant pour point de départ du délai de prescription de la peine l'arrêt anéanti, rendu par la cour d'assises du Nord le 19 octobre 2001, et ainsi exclure la prescription, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 379-4 du code de procédure pénale et 133-2 du code pénal. »
Réponse de la Cour
9. D'une part, le point de départ de la prescription d'une peine ne saurait être fixé à une date antérieure à son prononcé. L'arrêt de contumace, désormais qualifié d'arrêt rendu par défaut, même non avenu en toutes ses dispositions par suite de la reddition ou de l'arrestation de l'accusé condamné, conformément à l'article 379-4 du code de procédure pénale, a, de plein droit, pour effet de substituer à la prescription de l'action publique celle de la peine, dont le point de départ est fixé au jour même du prononcé de celle-ci.
10. D'autre part, l'émission d'un mandat d'arrêt européen est l'un des actes interrompant la prescription de la peine, en application de l'article 707-1, alinéa 5, du code de procédure pénale, applicable aux prescriptions qui n'étaient pas encore acquises à la date de son entrée en vigueur, le 29 mars 2012.
11. En l'espèce, pour rejeter l'exception de prescription de la peine soulevée par M. [Y], l'arrêt attaqué énonce que celle-ci, qui a commencé à courir le 23 novembre 2001 et aurait dû prendre fin vingt ans plus tard, a été interrompue par l'émission, le 1er février 2021, d'un mandat d'arrêt européen fondé sur l'ordonnance de prise de corps et l'arrêt de contumace.
12. C'est à tort que la chambre de l'instruction a fixé le point de départ de la prescription invoquée à la date d'achèvement des formalités de publicité de l'arrêt de contumace, alors prévues par l'article 634 du code de procédure pénale, alors qu'il aurait dû l'être à la date de cet arrêt.
13. L'arrêt attaqué n'encourt cependant pas la censure, dès lors que moins de vingt ans se sont écoulés entre le prononcé de l'arrêt de contumace, le 19 octobre 2001, et l'émission, le 1er février 2021, d'un mandat d'arrêt européen tendant à l'arrestation de la personne condamnée.
14. Le moyen ne saurait donc être accueilli.
15. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.




Crim. 9 juillet 2025 n° 25-83.736

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° J 25-83.736 F-D
N° 01103



9 JUILLET 2025
SB4




QPC INCIDENTE : IRRECEVABILITÉ






Mme LABROUSSE conseiller le plus ancien faisant fonction de président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 9 JUILLET 2025


M. [I] [X] et Mme [M] [R], parties civiles, ont présenté, par mémoires datés des 4, 7 et 10 avril 2025, reçus les 10 avril et 9 mai 2025, une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion des pourvois formés par eux contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Reims, en date du 3 avril 2025, qui a renvoyé MM. [G] [F] et [Z] [O] devant le tribunal correctionnel sous la prévention d'homicide involontaire.
Sur le rapport de Mme Merloz, conseiller, les observations de la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de l'hôpital clinique [1] et les conclusions de M. Fusina, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 juillet 2025 où étaient présents Mme Labrousse, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Merloz, conseiller rapporteur, Mme Leprieur, conseiller de la chambre, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« Etant donné lorsqu'un individu intègre la Franc-maçonnerie, il s'engage de manière systématique à prêter secours et assistance à ses frères, est-il acceptable pour une bonne marche de la justice d'ignorer l'appartenance des différents intervenants notamment prévenus, témoins assistés et magistrats à une obédience maçonnique ? ».
2. Les mémoires personnels des demandeurs, en date des 4, 7 et 10 avril 2025, sollicitent à la fois la cassation de l'arrêt attaqué et la transmission au Conseil constitutionnel d'une question prioritaire de constitutionnalité.
3. Ces mémoires, qui ne sont pas spéciaux et ne portent pas la mention « question prioritaire de constitutionnalité », sont dès lors irrecevables au regard des dispositions des articles 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et R. 49-31 du code de procédure pénale.
4. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité est elle-même irrecevable.




Crim. 9 juillet 2025 n° 25-83.114 B

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° G 25-83.114 F-B
N° 01093

SB4 9 JUILLET 2025

REJET

Mme LABROUSSE, conseiller le plus ancien faisant fonction de président,






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 9 JUILLET 2025


M. [C] [G] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, en date du 20 mars 2025, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de viol et violences, aggravés, et dégradations, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention le plaçant en détention provisoire.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Hill, conseiller, les observations de Me Guermonprez, avocat de M. [C] [G], et les conclusions de M. Fusina, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 juillet 2025 où étaient présents Mme Labrousse, conseiller le plus ancien, faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Hill, conseiller rapporteur, Mme Leprieur, conseiller de la chambre, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 2 janvier 2025, un mandat de recherche a été émis à l'encontre de M. [C] [G] dans le cadre d'une enquête préliminaire ouverte notamment du chef de viol aggravé.
3. Interpellé et placé en garde à vue le 1er mars 2025, M. [G] a été mis en examen des chefs susvisés et placé en détention provisoire par ordonnance du 3 mars suivant.
4. Il a relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le second moyen
5. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté les moyens de nullité dirigés contre le mandat de recherche en vertu duquel il a été interpellé, alors :
« 1°/ que les dispositions combinées des articles 77-4, 70 et 134 du code de procédure pénale, qui permettent à l'agent de police judiciaire chargé de l'exécution d'un mandat de recherche décerné par le procureur de la République de s'introduire dans le domicile de tout individu sans son accord et sans que soit confié à un juge le soin d'apprécier préalablement la nécessité de cette intrusion, n'étant pas conformes aux droits et libertés garantis par la Constitution, la déclaration d'inconstitutionnalité qui sera prononcée par le Conseil constitutionnel par la voie de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée parallèlement privera l'arrêt attaqué de tout fondement juridique ;
2°/ en tout état de cause, que l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantit à toute personne le droit au respect de son domicile ; que l'article 77-4 du code de procédure pénale permet à l'agent de police judiciaire chargé de l'exécution d'un mandat de recherche décerné par le procureur de la République de s'introduire dans le domicile de tout individu sans son accord, par un renvoi aux deuxième et troisième alinéas de l'article 70 du même code, renvoyant lui-même à l'article 134 du code ; que s'il se dégage de la jurisprudence de la Cour européenne que l'absence d'un mandat judiciaire préalable autorisant l'agent chargé de l'exécution d'un mandat de recherche de s'introduire dans le domicile d'un individu peut être compensée par un contrôle judiciaire ex post factum sur la légalité et la nécessité de cette mesure d'instruction, ce contrôle doit être efficace dans les circonstances particulières de la cause ; qu'en se bornant à apprécier la légalité du mandat de recherche et de ses modalités d'exécution au regard des seules dispositions des articles précités du code de procédure pénale, alors que M. [G] se prévalait d'une non-conformité du cadre législatif prévu par le droit interne aux exigences de l'article 8 de la Convention, la chambre de l'instruction a violé ce texte, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;
3°/ encore, que l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantit à toute personne le droit au respect de son domicile ; qu'il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est fondée sur un besoin social impérieux et, en particulier, proportionnée au but légitime recherché ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'en exécution d'un mandat de recherche décerné par le procureur de la République à l'encontre de M. [G], six agents de police judiciaire, casqués et armés, se sont présentés au domicile de ce dernier sans avertissement préalable, ont défoncé la porte d'entrée de l'appartement dans laquelle il se trouvait avec sa cousine et les deux enfants mineurs de celle-ci, toujours sans sommation préalable, et l'ont interpellé en le visant avec leurs armes et en lui hurlant, alors qu'il se tenait debout immobile, n'opposant aucune résistance, « Au sol, au sol » ; qu'au vu de ces circonstances, et en l'absence de garantie mise en place afin d'assurer la protection effective des droits garantis par l'article 8 de la Convention, la chambre de l'instruction, en jugeant nécessaire et proportionnée l'atteinte portée par la mesure contestée au droit de M. [G] au respect de son domicile, a violé ce texte, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Sur le moyen, pris en sa première branche
7. Le grief est devenu sans objet dès lors que, par arrêt du 17 juin 2025, la Cour de cassation a déclaré irrecevable la question prioritaire de constitutionnalité.
Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
8. Le moyen est inopérant dès lors que, saisie de l'appel d'une ordonnance de placement en détention provisoire, la chambre de l'instruction ne pouvait prononcer sur l'irrégularité des conditions de mise à exécution du mandat de recherche qui n'est pas un titre de détention, é
9. Par ailleurs, l'arrêt est régulier tant en la forme qu'au regard des dispositions des articles 137-3 et 143-1 et suivants du code de procédure pénale.




Crim. 25 juin 2025 n° 24-82.463 B

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° E 24-82.463 F-B
N° 00889

GM 25 JUIN 2025

CASSATION


M. BONNAL président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 25 JUIN 2025


M. [C] [J] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-14, en date du 26 mars 2024, qui, pour détournement d¿objet saisi, l'a condamné à quatre mois d'emprisonnement avec sursis et 100 000 euros d'amende.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Piazza, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. [C] [J], et les conclusions de Mme Viriot-Barrial, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 mai 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Piazza, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Par ordonnance du 3 février 2022, le juge des libertés et de la détention a ordonné la saisie, pour un montant de 698 186,75 euros, du compte bancaire ouvert dans les livres du [2] dont est titulaire la société [3].
3. L'ordonnance a été notifiée le 9 février 2022, notamment, à la société [3] et à M. [C] [J], son gérant.
4. Six virements extérieurs d'un montant total de 310 400 euros ont été enregistrés avant le blocage le 22 février suivant par la banque de la somme résiduelle de 191 378,95 euros.
5. Par jugement en date du 7 septembre 2022, le tribunal correctionnel a déclaré M. [J] coupable du délit susvisé et l'a condamné aux peines susdites.
6. M. [J] et le procureur de la République ont relevé appel du jugement.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [J] coupable des faits de détournement ou destruction par le saisi d'objet saisi et confié à sa garde, faits commis entre le 9 février 2022 et le 22 février 2022 à [Localité 1], [Localité 4], [Localité 6], [Localité 5], alors : « que la loi pénale est d'interprétation stricte ; que le délit de détournement d'objet saisi prévu par l'article 314-6 du code pénal ne vise que le fait, par le saisi, de détruire ou de détourner un objet saisi entre ses mains « en garantie des droits d'un créancier » et confié à sa garde ou à celle d'un tiers ; que par suite, il ne vise pas les saisies pénales spéciales prévues au titre XXIX du livre IV du code pénal et réalisées « afin de garantir l'exécution de la peine complémentaire de confiscation » ; qu'en retenant, pour déclarer le prévenu coupable du délit de détournement d'objet saisi, que l'article 314-6 du code pénal régit également le cas où la saisie constitue une mesure préalable pour l'application d'une peine, la cour d'appel a violé les articles 111-4 et 314-6 du code pénal et 706-141 à 706-158 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 111-4 et 314-6 du code pénal :
8. Aux termes du premier de ces textes, la loi pénale est d'interprétation stricte.
9. Le second incrimine le fait, par le saisi, de détourner ou de détruire un objet saisi entre ses mains en garantie des droits d'un créancier, confié à sa garde ou à celle d'un tiers.
10. Pour déclarer le prévenu coupable de ce délit, l'arrêt attaqué énonce que, depuis 1895, la jurisprudence considère que les dispositions de l'ancien article 400 du code pénal devenu l'article 314-6 susvisé régissent aussi le cas où la saisie constitue une mesure préalable à l'application d'une peine.
11. Les juges ajoutent que l'ordonnance de saisie du juge des libertés et de la détention est motivée par la possibilité de prononcer une peine de confiscation pour des faits de pratique commerciale trompeuse et de violation des règles de démarchage.
12. Ils en déduisent que le délit de détournement de la saisie ainsi ordonnée en vue de prononcer une peine à l'égard de M. [J] entre dans le champ d'application de ce texte.
13. En statuant ainsi, alors que le texte d'incrimination susvisé exclut de son champ d'application les saisies pénales, la cour d'appel, qui a retenu la culpabilité de M. [J] du chef de détournement d'un objet pénalement saisi relevant de l'incrimination prévue par l'article 434-22 du code pénal, a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.
14. La cassation est par conséquent encourue, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres griefs.




Crim. 25 juin 2025 n° 24-80.903 B

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° J 24-80.903 F-B U 21-83.384 N° 00900

GM 25 JUIN 2025

REJET

M. BONNAL président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 25 JUIN 2025

La société [2], anciennement [8], partie civile, a formé des pourvois :
- contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 25 mai 2021, qui, dans l'information suivie, sur sa plainte, contre personne non dénommée des chefs, notamment, d'escroquerie et d'abus de confiance, a prononcé sur des demandes d'annulation de pièces de la procédure (pourvoi n° 21-83.384),
- et, ainsi que M. [H] [E], partie civile, contre l'arrêt de ladite chambre de l'instruction, en date du 18 janvier 2024, qui, dans la même information, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction (pourvoi n° 24-80.903).
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits.

Sur le rapport de M. Michon, conseiller référendaire, les observations de Me Ortscheidt, avocat de la société [2], de M. [H] [E], les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, avocat de M. [L] [Z], de la société [10] et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 mai 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Michon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. La société [8], devenue depuis la société [2], détenue principalement par M. [H] [E], est la société holding d'un groupe exerçant son activité dans le domaine de la production et de la post-production cinématographiques.
3. Elle a eu pour filiale la société [6], laquelle détenait plusieurs sous-filiales.
4. Des accords de coopération ont été signés entre la société [8] et la société [10] (anciennement [12], et désormais dénommée [14]), en 2004, suivis, le 9 mars 2006, de la signature concomitante d'un accord d'investissement prévoyant, notamment, l'acquisition par la société [13], filiale de la société [10], de 17,5 % des titres de la société [6] dans le cadre d'une augmentation de capital, des options réciproques d'achat des titres pour une période allant jusqu'au 31 août 2007, prolongée par la suite jusqu'au 31 mars 2011, la présence au conseil d'administration de la société [6] d'un administrateur désigné par la société [10] avec droit de veto sur certaines décisions, et l'interdiction pour la société [8] de céder ses parts au groupe [3], principal concurrent de la société [10].
5. Parallèlement, une lettre du même jour a autorisé la société [10] à procéder à un audit (« due diligence ») en vue de procéder à l'acquisition des 82,5 % restants du capital de la société [6].



6. Le 22 mars 2011, l'administrateur nommé par la société [10], la société [13], a démissionné de son poste.
7. Par lettre du 12 mai 2011, la société [10] a indiqué ne pas donner suite au rachat en raison de ses difficultés financières.
8. Les sociétés du groupe [6] ont été placées en liquidation judiciaire par des jugements des 1er au 20 décembre 2011.
9. Le 4 janvier 2012, la société [11] du groupe [10] a déposé des offres indissociables de reprise des activités et de certains actifs de sociétés du groupe [6].
10. Par jugements des 20 janvier et 3 février 2012, le tribunal de commerce de Nanterre a fait droit aux offres de reprise présentées par la société [11].
11. Estimant que la société [10] avait mis en place des manoeuvres visant à obtenir, à vil prix, les actifs du groupe [6], la société [8] a, le 5 avril 2012, déposé plainte auprès du procureur de la République.
12. Le 5 juillet 2013, ce dernier a ouvert une information des chefs d'abus de confiance et escroquerie.
13. M. [Z] et la société [10] ont été placés sous le statut de témoin assisté les 6 juin et 21 novembre 2016, respectivement.
14. A la suite notamment du dépôt d'un rapport d'expertise et d'une confrontation, le 12 décembre 2019, le juge d'instruction a adressé l'avis de fin d'information et a procédé à la mise en examen de M. [Z] et de la société [10].
15. Ces derniers ont déposé une requête en annulation de leur mise en examen à laquelle, par arrêt du 25 mai 2021, la chambre de l'instruction a fait droit.
16. C'est l'arrêt attaqué par le pourvoi n° 21-83.384.
17. Le 26 juin 2023, le juge d'instruction a rendu une ordonnance de non-lieu.
18. M. [E] et la société [2] ont relevé appel de cette décision.




Examen des moyens
Sur le premier moyen du pourvoi formé contre l'arrêt du 25 mai 2021
Enoncé du moyen
19. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il prononcé la nullité des actes d'information cotés D 9444 à D 9447, à savoir les mises en examen de la société [10] et de M. [Z] notifiées le 12 décembre 2019, alors :
« 1°/ que la régularité de la mise en examen est seulement subordonnée à l'existence, à l'encontre de la personne mise en cause, d'indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elle ait pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des faits dont est saisi le juge d'instruction ; que toute appropriation par une personne au préjudice d'autrui d'un bien quelconque qui lui a été remis à charge d'en faire un usage déterminé caractérise le détournement constitutif de l'abus de confiance ; que la chambre de l'instruction a en l'espèce annulé les mises en examen aux motifs qu'il n'était « pas démontré d'intention de détournement ni de préjudice pour la société [6] » et que l'infraction d'abus de confiance n'était « pas constituée » ; qu'en statuant ainsi, tout en constatant l'existence d'indices graves et concordants rendant vraisemblable la commission par les mis en examen du délit d'abus de confiance en relevant que les documents remis par la société [7] l'avaient été « en vue d'un usage déterminé, soit les audits pré-acquisitions », et que « s'agissant de l'utilisation des informations obtenues dans le cadre des audits », il ressortait « de la procédure que la société [10] avait présenté une offre d'achat des actifs » de filiales du groupe [6], et non le rachat de la participation de [8] dans [6] comme convenu initialement, la chambre de l'instruction a méconnu l'article 80-1 du code de procédure pénale, l'article 314-1 du code pénal et l'article 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que peut faire l'objet d'un abus de confiance tout bien susceptible d'appropriation, en ce compris les biens incorporels ou immatériels ; qu'en énonçant que les informations obtenues en l'espèce, « par nature immatérielles, ne peuvent être qualifiées de biens incorporels et n'entrent pas en conséquence dans la nature des biens pouvant faire l'objet d'une remise à titre précaire », la chambre de l'instruction a ajouté à la loi et violé les articles 314-1 et 593 du code de procédure pénale ;
3°/ que l'affirmation tant de la mauvaise foi de l'auteur de l'infraction d'abus de confiance, que de l'existence d'un préjudice souffert par la partie civile se trouvent incluses dans la constatation du détournement de la chose appartenant à celle-ci ; qu'après avoir rappelé que les parties civiles soutenaient qu'elles avaient transmis des informations confidentielles à la société [10] dans la seule perspective du rachat par celle-ci de la participation de [8] dans [6], et que ces informations avaient été détournées par [10], par l'intermédiaire de sa filiale [11], afin d'acheter à vil prix l'activité et l'essentiel des actifs de cinq sociétés sur six qui constituaient le groupe [6] ; la chambre de l'instruction a recherché s'il existait une intention de détournement et un préjudice pour la société [6], avant de conclure que ceci n'était « pas démontré » ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si un tel détournement existait, comme elle y était invitée par les parties civiles, la chambre de l'instruction a méconnu l'article 313-1 du code pénal et l'article 593 du code de procédure pénale ;
4°/ que les chambres de l'instruction doivent répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties ; que dans leur mémoire régulièrement déposé devant la chambre de l'instruction, les parties civiles précisaient que la société [15], qui avait repris la société [4], avait disposé de trop peu de temps, comme les autres candidats repreneurs, pour faire des offres pertinentes, contrairement à [10] qui, grâce aux informations économiques et financières transmises pendant plus de cinq ans et détournées, avait pu proposer en un temps record des offres ciblées ; qu'elles ajoutaient que les offres d'achat des actifs déposées par [10] étaient stipulées indissociables les unes des autres, de sorte que le tribunal n'avait d'autre choix que de retenir l'offre de [10], malgré le faible prix de cession, car elle garantissait l'existence d'un repreneur dans les autres procédures et avait ainsi l'avantage de permettre la sauvegarde de l'activité des autres sociétés du groupe [6] ; qu'en se bornant à énoncer, pour conclure qu'il ne serait « pas démontré d'intention de détournement ni de préjudice pour la société [6] », que « s'agissant de l'utilisation des informations obtenues dans le cadre des audits, il ressort de la procédure que si la société [10] a présenté une offre d'achat des actifs, valorisée à 880.000 ¿, notamment de 720.000 euros pour la société [1] avec reprises de douze contrat de travail, la société [5], filiale à 43% de [8], a fait une offre concurrente pour cette même société à 390.000 ¿ avec reprise de huit salariés » et que « le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 16 décembre 2016 indique que « les rachats par [10] de certains actifs du groupe n'ont pas été contestés par les dirigeants et ont donné lieu à des décisions devenues définitives qui se situent après la liquidation judiciaire », sans répondre aux chefs péremptoires susmentionnés des écritures des parties civiles, qui démontraient qu'au moment de la mise en examen de M. [Z] et de la société [10], il existait des indices graves ou concordants à leur encontre d'avoir détourné les informations obtenues dans le cadre notamment des « due diligences », afin d'acheter à vil prix l'activité et l'essentiel des actifs de cinq sociétés sur six qui constituaient le groupe [6], la chambre de l'instruction a méconnu les articles 314-1 du code pénal et 593 du code de procédure pénale. »



Réponse de la Cour
20. Pour annuler la mise en examen de M. [Z] et de la société [10] du chef d'abus de confiance, l'arrêt attaqué énonce notamment que les informations obtenues par les personnes mises en examen dans le cadre des audits de pré-acquisition, immatérielles, ne sont, par nature, pas susceptibles d'une remise précaire et donc de servir de fondement à l'infraction d'abus de confiance.
21. Les juges ajoutent que l'infraction n'est pas constituée dès lors que les informations obtenues ont été utilisées pour le rachat d'actifs qui n'a pas été contesté.
22. C'est à tort que les juges ont estimé que les informations transmises n'étaient pas susceptibles de faire l'objet d'un abus de confiance. En effet, des informations telles que celles transmises lors d'un audit de pré-acquisition (« due diligence ») peuvent constituer un bien immatériel susceptible de détournement.
23. C'est encore à tort qu'ils ont indiqué que l'intention de détournement et le préjudice faisaient défaut, alors que le préjudice se déduit de l'existence du détournement.
24. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure, dès lors qu'il ressort de ces constatations souveraines que les informations litigieuses n'ont pas été utilisées pour un but autre, à savoir une acquisition, que celles pour lesquelles elles ont été remises, de sorte que l'infraction n'était pas susceptible d'être caractérisée.
25. Ainsi, le moyen doit être écarté.
Sur le second moyen du pourvoi formé contre l'arrêt du 25 mai 2021
Enoncé du moyen
26. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a prononcé la nullité des actes d'information cotés D 9444 à D 9447, à savoir les mises en examen de la société [10] et de M. [Z] notifiées le 12 décembre 2019, alors :
« 1°/ que la régularité de la mise en examen est seulement subordonnée à l'existence, à l'encontre de la personne mise en cause, d'indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elle ait pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des faits dont est saisi le juge d'instruction ; qu'en énonçant, s'agissant des mises en examen du chef d'escroquerie, qu'« il n'est pas démontré comment les pourparlers et les audits ont pu constituer des manoeuvres frauduleuses », quand il lui appartenait seulement de vérifier si des indices graves ou concordants rendant vraisemblable la participation des mis en examen existaient, ce que les parties civiles avaient en l'espèce démontré, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 313-1 du code pénal, 80-1 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'en énonçant que' entre 2009 et 2011, le projet d'achat ne portait que sur certains actifs détenus par les filiales de [6] », cependant qu'elle constatait ensuite que « des échanges entre les parties, il ressortait que le prix de l'acquisition demandé en décembre 2010 était de 30 millions d'euros (?) payables en actions de [10] et en cash » et que les parties civiles rappelaient dans leurs écritures qu'il ressortait du procès-verbal de confrontation versé au dossier que le groupe [10] était, en 2011, intéressé par l'acquisition de la totalité du capital de [6], la chambre de l'instruction s'est contredite, a insuffisamment motivé sa décision et a méconnu les articles 313-1 et 593 du code de procédure pénale ;
3°/ que tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'en énonçant qu'il n'était pas démontré de manoeuvres ayant permis aux mis en examen d'acquérir les actifs des sociétés du groupe [6] à vil prix, soit à une valeur fortement dépréciée, cependant qu'elle constatait que le rachat des actifs du groupe « avait été effectué pour environ 890.000 euros », tandis que le prix d'acquisition demandé initialement en décembre 2010 était de « 30 millions d'euros payables en actions de [10] et en cash », la chambre de l'instruction a entaché son arrêt d'une contradiction de motifs et méconnu les articles 313-1 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ;
4°/ que les chambre de l'instruction doivent répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties ; que dans leurs écritures régulièrement déposées, les parties civiles faisaient valoir que [10] avait obtenu frauduleusement certaines informations confidentielles sur les difficultés du groupe [6] et qu'elle s'était désengagée de sa place prépondérante d'administrateur aux pouvoirs exorbitants, afin d'être à même, lors de la liquidation, de se présenter comme un simple actionnaire minoritaire pour racheter les actifs du groupe à vil prix, à la barre du tribunal ; qu'en s'abstenant de répondre à ces chefs péremptoires de conclusions, qui démontraient l'existence de manoeuvres frauduleuses trompeuses constitutives du délit d'escroquerie, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 313-1 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ;
5°/ que les chambre de l'instruction doivent répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties ; que dans leur mémoire, les parties civiles rappelaient que plusieurs éléments versés au dossier de la procédure montraient que [10] avait visé l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre de [6] pour s'approprier à vil prix les actifs de certaines sociétés du groupe [6] ; qu'en s'abstenant de répondre à ces chefs péremptoires des conclusions des parties civiles, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 313-1 et 593 du code de procédure pénale ;
6°/ que les chambre de l'instruction doivent répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'en énonçant que « les parties civiles n'ont pas apporté durant l'instruction ni lors de l'audience devant la cour, de démonstration justifiée ni de preuve que la société [11] devenue [9] a été créée en vue du rachat des actifs de [6] et qui aurait participé à des manoeuvres frauduleuses », quand les écritures déposées au soutien des intérêts des parties civiles rappelaient qu'il ressortait d'un procès-verbal de confrontation versé au dossier de la procédure que l'un des mis en examen avait admis que [10] avait créé une filiale avec le même objet social que certaines entités de la société [6] dont elle venait de se désengager, pour développer la même activité que celle-ci sans toutefois avoir défini de stratégie particulière, ce dont il s'évinçait que la société [11] n'avait en réalité été créée qu'en vue du rachat des actifs de [6], ce qui constituait une manoeuvre frauduleuse constitutive du délit d'escroquerie, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 313-1 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ;
7°/ que les chambre de l'instruction doivent répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties ; que dans leurs écritures, les parties civiles rappelaient « qu'aux termes de la Convention d'investissement, tout rapprochement de [8] avec [3] était expressément prohibé par [10] », de sorte qu'en négociant en secret un partenariat stratégique avec son concurrent direct, le groupe [3], la société [10] avait neutralisé le seul acquéreur potentiel pour le groupe [6], ce qui démontrait l'existence du stratagème visant, pour les mis en examen, à s'approprier à terme et frauduleusement, à vil prix, les actifs des filiales du groupe [7] ; qu'en se bornant à énoncer que « même si l'opération était menée de façon confidentielle, il n'est pas démontré que ce rapprochement a pu priver le groupe [6] d'une solution alternative majeure de reprise », la chambre de l'instruction a insuffisamment motivé sa décision et méconnu les articles 313-1 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ;
8°/ que les chambre de l'instruction doivent répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties ; que l'arrêt attaqué, qui constate que la cour d'appel de Versailles a retenu la responsabilité de [10] dans la procédure en comblement de passif, énonce qu'il n'est pas démontré « qu'un pouvoir réel de direction et de contrôle de la société [10] au sein de [6] et de ses filiales ait pu être caché au tribunal de commerce » ; que dans leur mémoire, les parties civiles soutenaient pourtant qu'il résultait de l'article 8.3 de l'accord d'investissement du 9 mars 2006 que les opérations stratégiques et financières étaient subordonnées au vote positif du représentant de [10], qu'en pratique le vote de [10] était indispensable pour la gestion du Groupe [6] de sorte que [10] avait bien ainsi un rôle de codécideur pour les choix stratégiques du groupe ; qu'en prononçant comme elle l'a fait, sans répondre à ce chef péremptoires des conclusions des parties civiles, la chambre de l'instruction a méconnu l'article 313-1 du code pénal et l'article 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
27. Pour annuler les mises en examen de M. [Z] et de la société [10], l'arrêt attaqué énonce que, si des négociations en vue de l'acquisition du reste du capital de la société [6] avaient été engagées, celles-ci n'avaient pu aboutir, du fait de la dégradation de la situation financière de cette dernière et de ses filiales, imputable à la société [8] et à son actionnaire, les pourparlers et audits ne pouvant constituer des manoeuvres frauduleuses.
28. Les juges ajoutent que la preuve n'est pas rapportée de ce que la société [11] devenue [9] ait été constituée dans le but d'acquérir, à bas prix, les actifs de la société [6], que les négociations avec le groupe [3] n'ont pas privé la société [6] d'un autre repreneur potentiel, et qu'il n'est pas prouvé que la société [10] aurait eu un pouvoir de contrôle réel qui aurait été dissimulé au tribunal de commerce lors de la reprise.
29. En se déterminant ainsi, par des motifs relevant de son appréciation souveraine et de nature à écarter la possibilité que les faits reprochés soient susceptibles de constituer des manoeuvres frauduleuses, la chambre de l'instruction, qui n'avait pas à suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a justifié sa décision.
30. Le moyen doit donc être écarté.
Sur le moyen du pourvoi formé contre l'arrêt du 18 janvier 2024
Enoncé du moyen
31. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de supplément d'information pour mises en examen de M. [Z] et la société [10] des chefs d'escroquerie et d'abus de confiance et a confirmé l'ordonnance entreprise du 26 juin 2023, en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à suivre contre M. [Z] et la société [10] des chefs d'escroquerie et d'abus de confiance, alors :
« 1°/ que la cassation à intervenir sur le pourvoi n° U 21-83.384 dirigé contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles du 25 mai 2021 entraînera la cassation de l'arrêt attaqué ;
2°/ en tout etat de cause, que la décision frappée de pourvoi n'est pas définitive ; que l'arrêt rendu le 25 mai 2021 par la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles a été frappé de pourvoi en cassation, de sorte qu'il n'était pas définitif ; que seul l'examen immédiat de ce pourvoi n'a pas été ordonné par ordonnance du président de la chambre criminelle de la Cour de cassation ; qu'en énonçant, pour justifier sa décision, que « l'arrêt rendu le 25 mai 2021 est définitif » et qu' « il ne peut qu'être constatée l'absence de charges à l'encontre de [L] [Z] et la société [10] (devenue [14]) placés sous le statut de témoin assisté », cependant qu'elle relevait que par ordonnance du 8 novembre 2021, « la Cour de cassation a dit n'y avoir lieu à admettre en l'état le pourvoi de la société [2] », la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision et a méconnu les articles 570, 571 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
32. Pour confirmer l'ordonnance de non-lieu, l'arrêt attaqué énonce que l'arrêt rendu le 25 mai 2021 est devenu définitif, qu'aucun élément nouveau n'est intervenu, et que doit être constatée l'absence de charges à l'encontre de la société [10] et de M. [Z].
33. C'est à tort que les juges indiquent que l'arrêt rendu le 25 mai 2021 était définitif puisque ce dernier avait été frappé de pourvoi.
34. Toutefois, l'arrêt n'encourt pas la censure dès lors que, d'une part, le pourvoi dirigé contre ce même arrêt est rejeté par la présente décision, d'autre part, les juges ont relevé qu'aucun élément nouveau n'était intervenu.
35. Dès lors, le moyen, devenu sans objet dans sa première branche, doit être écarté.
36. Par ailleurs, les arrêts sont réguliers en la forme.




Crim. 25 juin 2025 n° 24-81.440

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° T 24-81.440 F-D
N° 00887

GM 25 JUIN 2025

REJET


M. BONNAL président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 25 JUIN 2025



M. [E] [O] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Rouen, chambre correctionnelle, en date du 29 janvier 2024, qui, pour abus de biens sociaux, banqueroute et travail dissimulé, l'a condamné à un an d'emprisonnement et quinze ans d'interdiction de gérer.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Piazza, conseiller, les observations de la société Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de M. [E] [O], et les conclusions de Mme Viriot-Barrial, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 mai 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Piazza, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,





la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le 15 septembre 2017, le mandataire liquidateur de la société [1] a dénoncé au procureur de la République l'existence d'irrégularités susceptibles de qualifications pénales découvertes dans le fonctionnement de la société.
3. A l'issue de l'enquête pénale, M.[E] [O] a été poursuivi devant le tribunal correctionnel, en qualité de gérant de fait de la société pour abus de biens sociaux, banqueroute et travail dissimulé.
4. Par jugement en date du 26 mai 2022, le tribunal correctionnel l'a déclaré coupable des infractions et condamné à deux ans d'emprisonnement, 12 000 euros d'amende et quinze ans d'interdiction de gérer.
5. M. [O] ainsi que le procureur de la République ont relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
6. Le grief n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le moyen, pris en ses autres branches
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [O] coupable des faits qui lui sont reprochés, des chefs d'abus de biens sociaux et de banqueroute par détournement d'actifs, de banqueroute par absence de comptabilité, et de travail dissimulé, et, statuant sur la peine, l'a condamné à une peine d'emprisonnement délictuel d'une année et à une peine complémentaire d'interdiction de gérer pendant une durée de quinze ans, alors :



« 1°/ que le fait, pour un associé, d'effectuer des actes de direction et d'apparaître vis-à-vis des tiers comme responsable ou dirigeant de la société, ne peut lui conférer la qualité de gérant de fait que s'il agit en toute liberté et indépendance, sans rendre compte de ses actes au gérant de droit ; que, pour qualifier M. [O] de dirigeant de fait, et le déclarer coupable des faits de la pousuite, l'arrêt relève, d'une part, qu'il a effectué des actes de direction, sur le plan des ressources humaines, le plan financier, et dans le cadre des contacts commerciaux et administratifs, d'autre part, que, bénéficiant d'un mandat établi par le gérant, il a pu ouvrir un compte associé à une carte bancaire et procéder à des virements à son profit, établir des contrats de travail pour différents salariés, et qu'il a agi, au vu des tiers, notamment des organismes sociaux dont il était l'interlocuteur, comme « administrateur » de la société ; qu'en statuant ainsi, sans caractériser, concrètement, la liberté et l'indépendance dont le prévenu aurait bénéficié dans le cadre de la gestion quotidienne de la société, pour la réalisation de ces « actes de direction », la cour d'appel n'a pas justifié sa décision et violé les articles L. 241-9 et L. 245-16 du code de commerce, ensemble les articles L. 241-3, L. 654-1 et L. 654-2 du code de commerce, L. 8221-1 à L. 8221-6 et L. 8224-1 du code du travail, ensemble l'article 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que dans ses conclusions visées par le greffier, M. [O] contestait fermement, la gestion de fait qui lui était imputée, et tout particulièrement, l'indépendance dont il aurait bénéficié pour effectuer des actes de direction au sein de la société [1] ; qu'il soutenait, preuves à l'appui, que, chaque semaine, le gérant de droit lui « donnait ses consignes pour la gestion administrative (et) juridique de l'établissement », qu'il « n'était à l'origine d'aucune décision sans l'aval de M. [D] » et qu'il avait « assuré ces tâches en suivant les instructions de [M] [D] » ; qu'en laissant ces conclusions sans réponse, et en entérinant la gestion de fait M. [O] au seul constat de ce qu'il avait fait des actes de direction et qu'il apparaissait, au vu de tiers, comme administrateur de la société, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision et violé l'article 593 du code de procédure pénale ;
4°/ qu'il n'y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre ; que pour tenir M. [O] coupable des faits de travail dissimulé, l'arrêt se borne à constater que certains salariés n'ont pas fait l'objet des déclarations nécessaires auprès des organismes sociaux ou fiscaux, ou fait l'objet de déclarations uniquement pour partie de leur période réelle de travail, ou n'ont pas reçu de bulletins de salaire ; qu'en statuant ainsi, sans constater que M. [O] avait agi en connaissance de cause et sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si le prévenu n'avait pas été trompé par le gérant de droit qui lui avait indiqué, ainsi qu'aux enquêteurs, que les déclarations sociales et fiscales avaient été externalisées à un cabinet d'expert-comptable, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision et a violé les articles L. 8221-1 à L. 8221-6 et L. 8224-1 du code du travail, 121-3 du code pénal, ensemble l'article 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Sur le moyen, pris en ses deux premières branches
8. Pour dire établie la gérance de fait de la société par M. [O] et le déclarer coupable des chefs susvisés, l'arrêt attaqué énonce qu'il résulte des déclarations de différents salariés et des investigations effectuées auprès des organismes sociaux et des banques que M. [O] a accompli des actes de direction de la société dans le domaine des ressources humaines et des finances, ainsi que dans le cadre de contrats commerciaux et administratifs.
9. Les juges précisent qu'il a établi les contrats de travail de certains salariés, qu'il était l'interlocuteur des organismes sociaux et qu'il se présentait aux tiers comme l'administrateur de la société.
10. Ils ajoutent que son rôle de gestion de fait n'est pas incompatible avec les interventions du gérant de droit.
11. En se déterminant ainsi, la cour d'appel qui a caractérisé l'existence d'une activité positive de gestion souveraine et indépendante de la part de M. [O] a justifié sa décision.
12. Ainsi, les griefs doivent être écartés.
Sur le moyen, pris en sa quatrième branche
13. Pour dire établi le délit de travail dissimulé à l'égard de M. [O], l'arrêt attaqué énonce qu'il résulte des investigations, notamment des vérifications auprès des organismes sociaux et des auditions des salariés concernés, que ceux-ci n'ont pas fait l'objet de déclarations auprès des organismes sociaux et fiscaux, ont fait l'objet de déclarations partielles portant seulement sur une partie de leur période réelle de travail ou n'ont pas reçu de bulletins de salaires.
14. Les juges précisent que M. [O] avait pris en charge la gestion des embauches de sorte qu'il avait l'obligation, en sa qualité de gérant de fait de la société, de procéder à ces formalités.
15. En se déterminant ainsi, la cour d'appel, qui a caractérisé le délit de travail dissimulé à partir d'éléments tirés du dossier qu'elle a souverainement appréciés et qui pouvait déduire l'élément intentionnel de l'infraction des éléments matériels ci-dessus rappelés, a justifié sa décision.


16. Ainsi, le moyen doit être écarté.
17. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.




Crim. 25 juin 2025 n° 24-81.671

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° U 24-81.671 F-D
N° 00888

GM 25 JUIN 2025

CASSATION PARTIELLE

M. BONNAL président,






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 25 JUIN 2025

M. [L] [R] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Pau, chambre correctionnelle, en date du 25 janvier 2024, qui, pour abus de biens sociaux, faux et usage, non-soumission des documents comptables à l'assemblée générale d'une société à responsabilité limitée, l'a condamné à vingt-quatre mois d'emprisonnement dont quatorze mois avec sursis probatoire, cinq ans d'interdiction de gérer, une confiscation et a prononcé sur les intérêts civils.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Piazza, conseiller, les observations de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de M. [L] [R], et les conclusions de Mme Viriot-Barrial, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 mai 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Piazza, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Mmes [S] [R], [Z] [K] et M. [P] [K], associés de la société [1] avec M. [L] [R], gérant, ont déposé plainte contre lui à la suite de la découverte d'anomalies financières mises en évidence par la vérification fiscale de la société.
3. A l'issue de l'enquête, M. [R] a été poursuivi devant le tribunal correctionnel pour abus de biens sociaux, faux et usage, non-soumission des documents comptables à l'assemblée générale d'une société à responsabilité limitée et défaut de dépôt des comptes annuels au greffe du tribunal de commerce.
4. Par jugement en date du 5 juillet 2021, le tribunal correctionnel a déclaré M. [R] coupable de ces infractions et l'a condamné à vingt-quatre mois d'emprisonnement dont quatorze mois avec sursis probatoire, 500 euros d'amende, cinq ans d'interdiction de gérer et une mesure de confiscation. Sur l'action civile, le tribunal a notamment reçu la constitution de partie civile de Mmes [S] [R], [Z] [K], M. [P] [K] et condamné M. [R] à payer les sommes de 90 879 et 30 000 euros à Mme [S] [R], 56 393 et 30 000 euros à Mme [Z] [K], 131 158 et 30 000 euros à M. [P] [K], en réparation de leurs préjudices matériel et moral respectifs.
5. M. [R] a relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le deuxième moyen
6. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [R] coupable du délit de non-soumission des documents comptables à l'assemblée générale d'une société à responsabilité limitée et l'a condamné pénalement et civilement, alors « que l'article L. 241-5 du code de commerce, d'interprétation stricte, ne réprime que le fait, pour les gérants, de ne pas avoir soumis à l'approbation de l'assemblée des associés l'inventaire, les comptes annuels et le rapport de gestion établis pour chaque exercice ; qu'en déclarant M. [R] coupable de ce délit parce qu'il n'avait pas soumis à l'assemblée des associés de la Sarl [1] l'inventaire, les comptes annuels et le rapport de gestion pour les exercices 2012, 2013 et 2014 « dans les six mois de la clôture de chacun des exercices concernés », cependant que la soumission tardive de ces documents par rapport au délai prévu par l'article L. 223-6 du code de commerce ne constitue pas une infraction pénale, la cour d'appel a violé l'article L. 241-5 du même code, ensemble l'article 111-4 du code pénal et l'article 7 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 241-5 du code de commerce :
8. Est constitutif du délit prévu par ce texte le fait, pour les gérants de sociétés à responsabilité limitée, de ne pas soumettre à l'approbation de l'assemblée des associés ou de l'associé unique l'inventaire, les comptes annuels et le rapport de gestion établis pour chaque exercice.
9. Pour déclarer M. [R] coupable du délit de non-soumission des documents comptables à l'assemblée générale d'une société à responsabilité limitée, l'arrêt attaqué énonce que l'inventaire, les comptes annuels et le rapport de gestion des exercices 2012, 2013 et 2014 n'ont pas été soumis par le prévenu, gérant de la société, à l'assemblée des associés dans les six mois de leur clôture.
10. Les juges précisent que le prévenu a exposé avoir proposé l'approbation des comptes des exercices 2012 et 2013 à l'assemblée générale des associés du 2 février 2015 et qu'à cette date, la décision a été ajournée en raison de l'incertitude du régime fiscal de la société faisant l'objet d'échanges avec l'administration fiscale et d'une consultation auprès d'un avocat spécialisé.
11. Ils en déduisent que l'infraction est constituée puisqu'il n'est justifié d'aucune impossibilité absolue de présenter les comptes à l'approbation des associés dans le délai de la loi, le contentieux avec l'administration fiscale ne pouvant justifier cette circonstance.
12. En prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé pour les motifs qui suivent.
13. Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 22 mars 2012, qui a modifié l'article L. 241-5 du code de commerce, ne se trouve plus réprimé le fait de ne pas procéder à la réunion de l'assemblée des associés dans les six mois de la clôture de l'exercice ou, en cas de prolongation, dans le délai fixé par décision de justice.
14. Il s'en déduit que le seul retard dans la soumission des documents comptables à l'assemblée des associés ou de l'associé unique d'une société à responsabilité limitée n'est pas constitutif d'infraction pénale.
15. La cassation est par conséquent encourue de ce chef, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre grief.
Et sur le cinquième moyen
Enoncé du moyen
16. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré recevables les constitutions de partie civile de Mme [S] [R], M. et Mme [K] et a condamné M. [R] à leur payer respectivement les sommes de 90 879 euros, 56 393 euros et 131 158 euros en réparation de leur préjudice financier et la somme de 5 000 euros en réparation de leur préjudice moral, alors :
« 1°/ que hors le cas d'exercice de l'action ut singuli, les associés d'une société victime d'un abus de biens sociaux sont irrecevables à se constituer partie civile pour obtenir la réparation d'un préjudice résultant de la perte des gains escomptés, qui ne constitue pas un préjudice propre, distinct du préjudice social, découlant directement de l'infraction ; qu'en déclarant recevables les constitutions de parties civiles de Mme [S] [R], Mme [Z] [K] et M. [P] [K], associés de la Sarl [1] dès lors qu'ils auraient sollicité la réparation d'un « préjudice personnel résultat directement des infractions commises par M. [R] au préjudice de (cette) société, (celui-ci), consistant dans la différence (prétendue) entre les sommes qu'ils auraient dû percevoir en fonction (des) bénéfices (de la société) sur la base desquels ils (avaient été) imposés par l'administration fiscale et les sommes, inférieures, par eux effectivement perçues, du fait des détournements imput(és) à (ce dernier) » et en faisant droit à ces demandes, cependant qu'à la supposer établie, la différence entre les bénéfices qui leur avaient été distribués et ceux qui auraient dû l'être résultant d'une diminution de l'actif social de la société [1] n'était donc pas un préjudice propre des associés, distinct du préjudice social, découlant directement de l'abus de biens sociaux imputé à M. [R], de sorte qu'il appartenait à la cour d'appel de déclarer irrecevables leurs constitutions de partie 51 civile, elle a violé les articles 2 et 3 du code de procédure pénale, ensemble l'article L. 241-3, 4°, du code de commerce ;
2°/ que le préjudice propre des associés d'une société victime d'abus de biens sociaux, distinct du préjudice social, découlant directement de l'infraction doit être réparé sans perte ni profit pour eux ; qu'en condamnant M. [R], pour réparer un préjudice « direct et personnel » subi par Mme [S] [R], Mme [Z] [K] et M. [P] [K], résultant de ce qu'ils auraient été imposés, en partie, sur des bénéfices qui ne leur auraient pas été distribués en raison des « détournements » imputés à M. [R], à leur payer la somme globale de 278 430 euros correspondant à la différence prétendue entre les bénéfices qui leur avaient été distribués et ceux qui auraient dû l'être, tandis que ce préjudice ne pouvait être réparé, sans perte ni profit, que par l'allocation du montant de la fraction d'impôts calculée sur l'assiette de cette différence et non, comme elle l'a fait, une fraction de l'actif social reconstitué, la cour d'appel a violé les articles 2 et 3 du code de procédure pénale, ensemble l'article 1240 du code civil ;
3°/ que le dommage résultant d'une infraction doit être réparé sans perte ni profit pour la victime ; qu'en condamnant M. [R] à payer à Mme [S] [R] et Mme [Z] [K] respectivement les sommes de 90 879 euros, et 56 393 euros correspondant à la différence prétendue entre les bénéfices qui leur avaient été distribués et ceux qui auraient dû l'être, sans répondre au moyen de M. [R], tiré de ce que, les sommes inscrites en débit de leurs comptes-courants d'associé, que l'enquête avait révélées, devaient être déduites du quantum de leurs prétentions indemnitaires car, si les bénéfices sur lesquels elles avaient été imposées leur avaient été effectivement distribués, il n'en reste pas moins que ces sommes n'en auraient pas moins été déduites pour apurer la créance détenue par la société à leur encontre, la cour d'appel a violé les articles 2 et 3 du code de procédure pénale, ensemble l'article 1240 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 593 du code de procédure pénale :
17. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
18. Pour confirmer la condamnation de M. [R] à payer à Mmes [R], [K] et M. [K], les sommes respectives de 90 879, 56 393 et 131 158 euros en réparation de leurs préjudices matériels et de 5 000 euros chacun en réparation de leur préjudice moral, l'arrêt attaqué énonce qu'ils justifient d'un préjudice personnel consistant dans la différence entre les sommes qu'ils auraient dû percevoir en fonction des bénéfices de la société [1] sur la base desquelles ils ont été imposés par l'administration fiscale et les sommes, inférieures, effectivement perçues, du fait des détournements imputables à M. [R].
19. Les juges précisent que la contestation opposée par M. [R] relativement au montant des sommes effectivement perçues par les parties civiles est dépourvue de pertinence, dès lors que le calcul qu'il propose prend en compte des sommes perçues dans le cadre de la succession de [X] [R] et de la vente d'une parcelle qui ne fait pas partie des terrains d'assiette du lotissement.
20. Ils ajoutent que la commission des infractions dans un cadre familial justifie l'existence d'un préjudice moral.
21. En se déterminant ainsi, sans mieux préciser la nature et le montant des chefs de préjudice retenus, l'arrêt attaqué, qui ne met pas la Cour de cassation en mesure de s'assurer que seul a été indemnisé le préjudice direct et personnel de Mmes [R], [K] et de M. [K] résultant des faits objet de la poursuite et qui ne répond pas aux conclusions du prévenu sur la prise en compte du montant de leurs comptes courants créditeurs, n'a pas justifié sa décision.
22. La cassation est par conséquent encore encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
23. La cassation sera limitée à la culpabilité du chef de non-soumission des documents comptables à l'assemblée générale d'une société à responsabilité limitée, aux peines et aux dispositions civiles. Les autres dispositions seront donc maintenues.
24. Il n'y a pas lieu d'examiner les autres moyens de cassation proposés.




Crim. 25 juin 2025 n° 24-80.445

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° M 24-80.445 F-D
N° 00886

GM 25 JUIN 2025

CASSATION SANS RENVOI

M. BONNAL président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 25 JUIN 2025


Le procureur général près la cour d'appel de Lyon ainsi que la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, partie civile, ont formé des pourvois contre l'arrêt de ladite cour d'appel, 7e chambre, en date du 11 janvier 2024, qui a prononcé sur la requête en restitution d'objet confisqué formée par Mme [R] [C].
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Piazza, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, les observations de la société Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [R] [C] et les conclusions de Mme Viriot-Barrial, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 mai 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Piazza, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Par jugement en date du 27 janvier 2019, le tribunal correctionnel, après avoir déclaré M. [O] [M] coupable d'escroquerie, a notamment ordonné la confiscation d'un immeuble.
3. Par requête en date du 25 novembre 2020, Mme [R] [C], divorcée de M. [M], a sollicité, à titre principal, la restitution de l'immeuble et, à titre subsidiaire, le cantonnement de la confiscation à la quote-part des droits détenus sur celui-ci par son ex-mari.
4. Par jugement en date du 10 septembre 2021, le tribunal correctionnel a fait droit à sa demande et a ordonné la restitution de l'immeuble à son profit.
5. Le ministère public, les parties civiles ainsi que Mme [C] ont relevé appel du jugement.
Examen de la recevabilité du pourvoi formé par la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône contesté par les autres parties
6. La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Rhône a un intérêt à contester la restitution de l'immeuble, dont la confiscation conditionne l'application de l'article 706-164 du code de procédure pénale lorsque, comme en l'espèce, le tiers ayant des droits sur le bien confisqué n'ayant pas été appelé à la procédure au moment du jugement, sa demande est formée au stade de l'exécution de la confiscation devenue définitive.
7. Son pourvoi est, en conséquence, recevable.
Examen des moyens
Sur le quatre premiers moyens proposés par le procureur général et les deux premiers moyens proposés pour la caisse primaire d'assurance maladie
8. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.



Sur le troisième moyen, pris en ses première et quatrième branches, proposé pour la caisse primaire d'assurance maladie
Enoncé du moyen
9. Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement ayant ordonné la restitution à Mme [C] de l'immeuble dont la confiscation a été ordonnée à l'encontre de M. [M], par jugement du tribunal correctionnel de Lyon du 17 janvier 2019, alors :
« 1°/ que, saisie en application de l'article 710 du code de procédure pénale d'une requête portant sur une difficulté d'exécution de la mesure de confiscation d'un bien immobilier acquis en commun par deux époux et définitive à l'égard du mari, condamné pénalement, la cour d'appel est tenue de statuer sur la demande de l'épouse, non condamnée, après avoir précisé si celle-ci doit être considérée ou non comme propriétaire de bonne foi de sa part de la communauté ; que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier sa décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que pour ordonner au profit de Mme [C] la restitution du bien immobilier dont la confiscation a été prononcée à l'encontre de son ex-époux, suite à la condamnation définitive de ce dernier du chef d'escroquerie par le jugement du tribunal correctionnel de Lyon du 17 janvier 2019, dont elle était propriétaire en commun avec lui dans le cadre du régime matrimonial de la communauté réduite aux acquêts, la cour d'appel relève qu'il n'est pas contesté que « [R] [C] n'a pas été convoquée devant le tribunal correctionnel de Lyon à l'occasion de la procédure pénale dont a été l'objet son époux » et n'a « donc pas pu faire valoir ses observations et moyens devant la juridiction qui a prononcé la mesure de confiscation » ; qu'elle ajoute qu'il « n'est pas non plus contesté que [R] [C] n'a jamais été mise en cause dans le cadre de la procédure pénale diligentée à l'encontre de son époux, [O] [M], elle n'a notamment été ni entendue, ni mise en examen et encore moins poursuivie pour quelque cause que ce soit et notamment pour des faits de recel ou de blanchiment du produit venant d'un délit » ; qu'en se bornant ainsi à déduire la bonne foi de la requérante de son défaut de mise en cause dans le cadre de la procédure pénale diligentée à l'encontre de son époux et de son absence de convocation devant le tribunal correctionnel de Lyon, sans avoir nullement répondu à l'argumentation précise et détaillée de la CPAM du Rhône développée dans ses conclusions d'appel, démontrant la nécessaire connaissance par Mme [C] des infractions commises par son époux et de l'anormalité du niveau de vie de son ménage, antérieurement et durant la période de prévention, de nature à établir sa mauvaise foi manifeste, exclusive de toute restitution, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale en violation des articles 131-21 du code pénal, 593 et 710 du code de procédure pénale ;



4°/ que en vertu de l'article 1er du protocole n°1 à la Convention européenne des droits de l'homme, les dispositions protectrices du droit de toute personne au respect de ses biens ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes; que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier sa décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que dans ses conclusions régulièrement déposées, la CPAM du Rhône, partie civile, contestait l'interprétation du tribunal relative à l'atteinte portée au droit de propriété de la requérante, déduite de la seule constatation du caractère illusoire de la récompense due par son ex-époux du fait de l'insuffisance d'actifs, en l'absence de toute garantie légale d'effectivité du droit à la récompense ; qu'elle démontrait ainsi que le droit à récompense, défini par la loi préservait son droit de propriété sans qu'aucune disposition ne prévoie qu'il puisse être mis à la charge de l'Etat, ce dernier n'étant en aucun cas tenu de garantir que ce droit soit systématiquement rempli ; qu'elle soutenait alors que « cela reviendrait à créer un mécanisme de garantie au bénéfice d'un tiers supérieur à la garantie accordée aux victimes par le truchement des saisies gérées par l'AGRASC qui elles, ne peuvent être assurées d'être intégralement indemnisées », de sorte que « neutraliser l'efficacité du processus existant dans le seul but de préserver le droit de propriété de l'époux de bonne foi ferait primer ses intérêts sur ceux des victimes, ce qui est manifestement disproportionné » ; que loin de s'expliquer sur ces arguments déterminants de nature à exclure toute atteinte disproportionnée au droit de propriété de la requérante, la cour d'appel se borne, pour confirmer le jugement ayant ordonné la restitution, à relever à son tour, que « eu égard à la clôture pour insuffisance d'actifs de sa liquidation judiciaire de [O] [M] et autres peines, dommages et intérêts et confiscations prononcées par le jugement du 17 janvier 2019, le versement par [O] [M] d'une récompense à la communauté, correspondant à la perte subie du fait de la confiscation de l'immeuble, est illusoire, et en tout état de cause et surtout porte une atteinte disproportionnée au droit de propriété de [R] [C] » ; qu'en conditionnant ainsi la confiscation du bien commun à la certitude pour l'épouse non condamnée pénalement de pouvoir obtenir une récompense effective, sans avoir même recherché, comme elle y était invitée, si la protection ainsi accordée au droit de propriété de l'épouse n'était pas excessive et contraire à l'intérêt général car portant atteinte aux intérêts des victimes, organismes sociaux, en les privant de leur droit à indemnisation au seul profit de cette dernière, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1er du protocole n°1 à la Convention européenne des droits de l'homme, 131-21 du code pénal, 593 et 710 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour
10. Pour retenir la bonne foi de Mme [C] et le caractère disproportionné de la confiscation ordonnée, l'arrêt attaqué énonce que l'immeuble a été acquis le 19 juin 2009 par Mme [C] et M. [M], mariés depuis 2001 sous le régime de la communauté légale, financé par un apport personnel et le recours à un prêt bancaire, et qu'il ne peut constituer le produit direct ou indirect d'une infraction.
11. Les juges précisent que le jugement du tribunal correctionnel du 17 juin 2019 a ordonné la confiscation de l'immeuble à l'égard de M. [M] pour des faits d'escroquerie à la CPAM commis du 1er janvier 2010 au 23 janvier 2015, sans convoquer Mme [C], à l'égard de laquelle aucun fait pénalement répréhensible n'a été établi ni aucune poursuite n'a été engagée.
12. Ils relèvent que la clôture pour insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire prononcée à l'égard de M. [M] ainsi que les condamnations prononcées contre lui rendent illusoire le paiement de la récompense due par M. [M] à la communauté en cas de confiscation de l'immeuble.
13. En se déterminant ainsi par des motifs relevant de son appréciation souveraine, la cour d'appel a justifié sa décision.
Mais sur le cinquième moyen proposé par le procureur général et le troisième moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, proposé pour la caisse primaire d'assurance maladie
Enoncé des moyens
14. Le moyen proposé par le procureur général fait grief à l'arrêt attaqué, au visa des articles 131-21, 313-7, 4°, du code pénal, 1417 du code civil, d'avoir confirmé le jugement ayant ordonné la restitution de l'immeuble, alors que la chambre civile de la Cour de cassation, dans un avis du 5 mars 2020, et la chambre criminelle de la dite Cour, dans ses arrêts des 9 septembre 2020 et 30 mars 2022, ont dit possible la confiscation d'un immeuble appartenant à la communauté des époux, tandis que les droits du conjoint de bonne foi sont préservés par l'antépénultième alinéa de l'article 131-21 du code susvisé lors de la vente de l'immeuble.
15. Le moyen proposé pour la caisse primaire d'assurance maladie fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement ayant ordonné la restitution à Mme [C] de l'immeuble dont la confiscation a été ordonnée à l'encontre de M. [M], par jugement du tribunal correctionnel de Lyon du 17 janvier 2019, alors :
« 2°/ que selon le dernier état de la jurisprudence de la chambre criminelle rendue au visa des articles 1er du Protocole additionnel n°1 à la Convention européenne des droits de l'homme et 131-21 du code pénal, lorsqu'a été confisqué un bien commun en répression d'une infraction commise par l'un des époux, que la requête est présentée par l'époux non condamné pénalement, et que ce dernier est de bonne foi, la juridiction pénale ne peut ordonner la restitution de ses droits à l'époux de bonne foi, la confiscation faisant naître un droit à récompense pour la communauté lors de la dissolution de celle-ci (Crim., 9 septembre 2020, pourvoi n° 18-84.619) ; que dans ce cas, il appartient à la cour d'appel, statuant sur le bienfondé de la requête en restitution d'un bien commun placé sous main de justice, d'abord de s'assurer du caractère confiscable du bien dont la restitution est sollicitée, en application des conditions légales, en précisant la nature et l'origine de ce bien ainsi que le fondement de la mesure (Crim., 27 juin 2018, pourvoi n° 16-87.009, Bull. crim. 2018, n° 128) ; qu'en confirmant le jugement ayant ordonné la restitution au profit de Mme [C] du bien immobilier dont la confiscation avait été prononcée à l'encontre de son époux par le jugement du tribunal correctionnel de Lyon du 17 janvier 2019, et dont elle était propriétaire en commun avec lui dans le cadre du régime matrimonial de la communauté réduite aux acquêts, sans avoir ni recherché ni précisé le fondement de la mesure de confiscation litigieuse, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des textes et principes susvisés et des articles 593 et 710 du code de procédure pénale ;
3°/ que selon le dernier état de la jurisprudence de la chambre criminelle rendue au visa des articles 1er du Protocole additionnel n°1 à la Convention européenne des droits de l'homme et 131-21 du code pénal, lorsqu'a été confisqué un bien commun en répression d'une infraction commise par l'un des époux, que la requête est présentée par l'époux non condamné pénalement, et que ce dernier est de bonne foi, la juridiction pénale ne peut ordonner la restitution de ses droits à l'époux de bonne foi, la confiscation faisant naître un droit à récompense pour la communauté lors de la dissolution de celle-ci (Crim., 9 septembre 2020, pourvoi n° 18-84.619) ; que dans ce cas, il appartient à la cour d'appel, statuant sur le bienfondé de la requête en restitution d'un bien commun placé sous main de justice, de s'assurer d'abord du caractère confiscable du bien dont la restitution est sollicitée, en application des conditions légales, en précisant la nature et l'origine de ce bien ainsi que le fondement de la mesure (Crim., 27 juin 2018, pourvoi n° 16-87.009, Bull. crim. 2018, n° 128) ; qu'il lui appartient ensuite d'apprécier si, nonobstant la reconnaissance d'un droit à récompense pour la communauté, il y a lieu de confirmer la confiscation en tout ou partie, en restituant tout ou partie du bien à la communauté, au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité et de la situation de son auteur, ainsi que de la situation personnelle de l'époux de bonne foi, en s'expliquant, hormis le cas où la confiscation, qu'elle soit en nature ou en valeur, porte sur un bien qui, dans sa totalité, constitue l'objet ou le produit de l'infraction, sur le caractère proportionné de l'atteinte portée au droit de propriété de l'époux de bonne foi lorsqu'une telle garantie est invoquée, ou procéder à cet examen d'office lorsqu'il s'agit d'une confiscation de tout ou partie du patrimoine (Crim., 30 mars 2022, n° 21-82.217) ; qu'en se bornant à confirmer le jugement ayant ordonné au seul profit de Mme [C] la restitution du bien immobilier dont la confiscation avait été prononcée à l'encontre de son époux par le jugement du tribunal correctionnel de Lyon du 17 janvier 2019, et dont elle était propriétaire en commun avec lui dans le cadre du régime matrimonial de la communauté réduite aux acquêts, sans s'être nullement expliquée sur les circonstances de l'infraction, ni sur la personnalité de son auteur, pas plus que sur la situation personnelle de Mme [C], qui, en sa qualité d'infirmière libérale, ne pouvait ignorer que les revenus dégagés par son ex-époux étaient à l'évidence incompatibles avec un exercice régulier de leur profession commune, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des textes et principes susvisés et des articles 593 et 710 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
16. Les moyens sont réunis.
Vu les articles 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention européenne des droits de l'homme, 131-21 du code pénal, 710 du code de procédure pénale et 1417 du code civil :
17. Il résulte des trois premiers de ces textes que doit être examinée au regard des premier et deuxième de ceux-ci la requête de toute personne non condamnée pénalement qui est propriétaire d'un bien confisqué et soulève des incidents contentieux relatifs à l'exécution de la décision pénale ordonnant la confiscation.
18. En application du dernier, la confiscation, qui constitue une pénalité évaluable en argent, est susceptible de faire naître un droit à récompense pour la communauté lors de la dissolution de celle-ci.
19. Il en résulte que lorsque le bien confisqué constitue un bien commun à la personne condamnée et à son conjoint, la confiscation du bien prononcée en répression d'une infraction commise par l'un des époux emporte sa dévolution pour le tout à l'Etat, sans qu'il demeure grevé des droits de l'époux non condamné pénalement, y compris lorsque ce dernier est de bonne foi, mais elle est susceptible de faire naître un droit à récompense pour la communauté.
20. Après condamnation emportant confiscation définitive du bien commun, il appartient à la cour d'appel saisie d'une requête en difficulté d'exécution par l'époux non condamné pénalement d'apprécier sa bonne foi et, si celle-ci est retenue, de se prononcer sur le caractère proportionné de l'atteinte portée à son droit de propriété lorsqu'une telle garantie est invoquée pour décider de la restitution de tout ou partie du bien à la communauté.

21. Pour ordonner la restitution de l'immeuble à Mme [C], l'arrêt attaqué énonce que celle-ci est de bonne foi et retient le caractère disproportionné de la confiscation ordonnée.
22. En statuant ainsi, alors que la restitution de tout ou partie du bien ne pouvait être ordonnée qu'au bénéfice de la communauté, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.
23. La cassation est par conséquent encourue.
Portée et conséquences de la cassation
24. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.




Crim. 25 juin 2025 n° 23-84.452

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° W 23-84.452 F-D
N° 00885

GM 25 JUIN 2025

DECHEANCE CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 25 JUIN 2025

La société [8] et la direction générale des finances publiques, parties civiles, ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 9e chambre, en date du 5 juillet 2023, qui, statuant sur renvoi après cassation (Crim., 20 janvier 2021, pourvoi n° 19-84.982), les a déboutées de leurs demandes après relaxe de M. [V] [H] des chefs de faux et usage, escroquerie.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Clément, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société [8], les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [V] [H], les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur général des finances publiques, agissant pour le directeur départemental des finances publiques des Hauts-de-Seine, et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 28 mai 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Clément, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. L'arrêt attaqué se prononce sur deux procédures, qu'il a jointes.
3. La première a été initiée par la plainte avec constitution de partie civile déposée par la société [8], pour dénoncer des faits de faux et usage, et escroquerie commis à l'occasion de la cession par M. [V] [H] à la plaignante de son groupe [2], constitué de plusieurs sociétés spécialisées dans la réalisation de projets informatiques.
4. La société [8] a déclaré avoir découvert que les résultats du groupe avaient été surévalués en raison de l'émission par plusieurs sociétés de factures ne correspondant à aucune prestation réelle.
5. Etaient notamment concernées vingt-deux factures émises par la société [12] au profit de la société [14], dirigée par M. [J] [U].
6. Il est apparu que ce dernier aurait établi et signé neuf rapports d'activité mensuels à l'entête de [14] faisant état de l'exécution de prestations qui n'avaient jamais été réalisées, faits pour lesquels il a été renvoyé devant le tribunal correctionnel du chef de faux.
7. M. [H] a été renvoyé devant le tribunal correctionnel du chef de faux et usage de faux pour avoir réalisé des fausses factures au nom des sociétés [2], [12], [1], correspondant à des prestations fictives payées, et en avoir usé, ainsi que du chef d'escroquerie pour avoir, par la création de fausses factures et leur paiement, augmenté frauduleusement le résultat d'exploitation du groupe [2] dont il était l'unique actionnaire, afin de déterminer la société [8] à conclure un contrat de cession dont le prix était déterminé sur la base d'éléments faussés, et à verser ainsi à M. [H] des sommes qui ne lui étaient pas dues.
8. Les juges du premier degré ont reconnu les prévenus coupables des faits qui leur étaient reprochés. Sur l'action civile, ils ont déclaré M. [H] entièrement responsable du préjudice subi par la société [8], ordonné une mission d'expertise afin d'évaluer la valeur réelle du groupe [2] au moment de son achat, et renvoyé l'affaire à une audience ultérieure pour statuer sur l'ensemble des demandes.
9. MM. [H] et [U] ainsi que le procureur de la République ont formé appel de cette décision, qui a été confirmée par l'arrêt du 19 juin 2019 ayant fait l'objet de la cassation précitée.
10. La seconde procédure a fait suite aux plaintes déposées par le directeur départemental des finances publiques des Hauts-de-Seine, les 24 juillet 2014 et 16 septembre 2016, pour dénoncer les conditions dans lesquelles les sociétés [1], [12] et [5], appartenant au groupe [2], avaient obtenu un crédit d'impôts recherche pour les années 2009, 2010 et 2011.
11. La société [8] a également déposé plainte le 14 avril 2015 pour escroquerie, complicité d'escroquerie, faux et usage, en dénonçant le fait que M. [H] avait sollicité, juste avant la cession, des crédits d'impôt recherche pour les sociétés [1] et [12], au titre des années 2009, 2010 et 2011, en toute connaissance de leur caractère indu, dans le seul but d'augmenter le montant de la trésorerie nette provisoire. La société [8] a réitéré sa plainte le 15 juillet 2015 en se constituant partie civile.
12. M. [H] a été renvoyé devant le tribunal correctionnel des chefs de faux et usage, escroquerie et fraude fiscale.
13. Par jugement du 27 novembre 2020, il a été relaxé des chefs de faux et usage, mais déclaré coupable d'escroquerie et de fraude fiscale.
14. Sur l'action civile, le tribunal a reçu le directeur général des finances publiques en sa constitution de partie civile, dit que M. [H] serait solidairement tenu avec la société [5] au paiement des impôts fraudés et des pénalités y afférentes, octroyé à la société [8] la somme de 2 856 030,40 euros en réparation de son préjudice financier, et celle de 25 000 euros en réparation de son préjudice de désorganisation et d'atteinte à son image et sa réputation.
15. Le ministère public, M. [H] et la direction générale des finances publiques ont relevé appel de ce jugement.






Déchéance du pourvoi formé par la direction générale des finances publiques
16. La direction générale des finances publiques n'a pas déposé dans le délai légal, personnellement ou par son avocat, un mémoire exposant ses moyens de cassation. Il y a lieu, en conséquence, de la déclarer déchue de son pourvoi par application de l'article 590-1 du code de procédure pénale.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses première et troisième à dixième branches
17. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen, pris en ses onzième, douzième et treizième branches
Enoncé du moyen
18. Le premier moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a infirmé le jugement du tribunal correctionnel de Nanterre du 20 février 2018 en toutes ses dispositions pénales ; a renvoyé M. [H] des fins de la poursuite s'agissant des faits de faux commis courant 2012 et jusqu'au 31 décembre 2012 à [Localité 11] et [Localité 10] ; l'a renvoyé des fins de la poursuite s'agissant des faits d'usage de faux commis courant 2012 et jusqu'au 31 décembre 2012 à [Localité 11] et [Localité 10] ; l'a renvoyé des fins de la poursuite s'agissant des faits d'escroquerie commis courant 2012 et jusqu'au 31 décembre 2012 à [Localité 11] et [Localité 10] au préjudice de la société [8] ; a infirmé en conséquence le jugement du tribunal correctionnel de Nanterre du 20 février 2018 en toutes ses dispositions civiles sauf en ce qu'il a déclaré recevable la constitution de partie civile de la société [8], alors :
« 11°/ que la juridiction de jugement est saisie des infractions de sa compétence par le renvoi ordonné par la juridiction d'instruction ; qu'en l'espèce, par son ordonnance du 16 décembre 2016, le juge d'instruction a renvoyé M. [H] devant le tribunal correctionnel des chefs de faux, usage de faux et escroquerie, pour « avoir réalisé des fausses factures au nom des sociétés [3], [12], [1] [?] pour un montant de 1.413.812,60 euros », pour avoir « fait usage de [ces] fausses factures » et pour avoir augmenté frauduleusement le résultat d'exploitation du groupe [2], afin de déterminer la société [8] à conclure un contrat de cession dont le prix était déterminé sur la base d'éléments faussés, « par la création de [ces] fausses factures et leur paiement », ces faits ayant été commis « courant 2012 et jusqu'au 31 décembre 2012 » ; que le montant de 1 413 812,60 euros correspond exactement à celui des quatre vingt-quatre fausses factures visées dans la plainte avec constitution de partie civile de la société [8] en date du 28 mai 2013 ; que si certaines de ces factures sont datées de l'année 2011 tandis que l'ordonnance vise des faits commis « courant 2012 et jusqu'au 31 décembre 2012 », le juge d'instruction a retenu que les factures étaient « toutes antidatées, faussement numérotées et enregistrées à une place fictive en comptabilité » ; qu'en retenant néanmoins que « toutes les factures datées de 2011 précitées arguées de faux sont exclues du champ de la prévention de sorte que les faits de faux reprochés à [V] [H] concernent les seules factures datées de 2012, soit 7 factures d'un montant total de 184 120 ¿ hors taxes », la cour d'appel a violé les articles 388 et 512 du code de procédure pénale ;
12°/ que la juridiction de jugement est saisie des infractions de sa compétence par le renvoi ordonné par la juridiction d'instruction ; que lorsqu'elle constate que le fait poursuivi n'a pas été commis à la date visée par la prévention, mais à une autre date qu'elle détermine, elle en demeure saisie ; que le fait n'étant alors pas distinct de celui visé par la prévention il n'y a pas lieu de recueillir l'accord de la personne poursuivie pour être jugée sur ce fait commis à une autre date ; qu'en l'espèce, par son ordonnance du 16 décembre 2016, le juge d'instruction a renvoyé M. [H] devant le tribunal correctionnel des chefs de faux, usage de faux et escroquerie, pour « avoir réalisé des fausses factures au nom des sociétés [3], [12], [1] [?] pour un montant de 1 413 812,60 euros », pour avoir « fait usage de [ces] fausses factures » et pour avoir augmenté frauduleusement le résultat d'exploitation du groupe [2], afin de déterminer la société [8] à conclure un contrat de cession dont le prix était déterminé sur la base d'éléments faussés, « par la création de [ces] fausses factures et leur paiement », ces faits ayant été commis « courant 2012 et jusqu'au 31 décembre 2012 » ; que le montant de 1 413 812,60 euros correspond exactement à celui des quatre vingt-quatre fausses factures visées dans la plainte avec constitution de partie civile de la société [8] en date du 28 mai 2013 ; que si certaines de ces factures sont datées de l'année 2011 tandis que l'ordonnance vise des faits commis « courant 2012 et jusqu'au 31 décembre 2012 », le juge d'instruction a retenu que les factures étaient « toutes antidatées, faussement numérotées et enregistrées à une place fictive en comptabilité » ; qu'en retenant, pour relaxer M. [H] des fins de la poursuite, que Mme [T] « n'a jamais soutenu que les factures de 2011 avaient été émises en 2012 » mais que « les factures étaient produites plus tard [et] [?] qu'elle ne se souvenait plus précisément de la date », que « [V] [H] est notamment poursuivi pour des faits de faux commis courant 2012 et jusqu'au 31 décembre 2012 », que « cette prévention exclut du périmètre de saisine de ma cours les faits de faux antérieurs et postérieurs à l'année 2012 », et qu' « ainsi, [?] toutes les factures datées de 2011 précitées arguées de faux sont exclues du champ de la prévention de sorte que les faits de faux reprochés à [V] [H] concernent les seules factures datées de 2012, soit 7 factures d'un montant total de 184 120 ¿ hors taxes », quand le fait que le juge d'instruction ait commis une erreur sur la date à laquelle les factures datées de 2011 avaient été établies ne dispensait pas la cour d'appel de son obligation de rechercher si elles constituaient des faux ou des manoeuvres frauduleuses ayant trompé la société [8] et l'ayant déterminée à remettre à M. [H] des fonds, la cour d'appel a violé les articles 388 et 512 du code de procédure pénale ;
13°/ que la juridiction de jugement est saisie des infractions de sa compétence par le renvoi ordonné par la juridiction d'instruction ; qu'en l'espèce, par son ordonnance du 16 décembre 2016, le juge d'instruction a renvoyé M. [H] devant le tribunal correctionnel des chefs de faux, usage de faux et escroquerie, pour « avoir réalisé des fausses factures au nom des sociétés [3], [12], [1] [?] pour un montant de 1 413 812,60 euros », pour avoir « fait usage de [ces] fausses factures » et pour avoir augmenté frauduleusement le résultat d'exploitation du groupe [2], afin de déterminer la société [8] à conclure un contrat de cession dont le prix était déterminé sur la base d'éléments faussés, « par la création de [ces] fausses factures et leur paiement », ces faits ayant été commis « courant 2012 et jusqu'au 31 décembre 2012 » ; qu'en retenant, pour relaxer M. [H] des fins de la poursuite, que Mme [T] « n'a.jamais soutenu que les factures de 2011 avaient été émises en 2012 » mais que « les factures étaient produites plus tard [et] [?] qu'elle ne se souvenait plus précisément de la date », que « [V] [H] est notamment poursuivi pour des faits de faux commis courant 2012 et jusqu'au 31 décembre 2012 », que « cette prévention exclut du périmètre de saisine de ma cours les faits de faux antérieurs et postérieurs à l'année 2012 », et qu' « ainsi, [?] toutes les factures datées de 2011 précitées arguées de faux sont exclues du champ de la prévention de sorte que les faits de faux reprochés à [V] [H] concernent les seules factures datées de 2012, soit 7 factures d'un montant total de 184 120 ¿ hors taxes », quand l'ordonnance de renvoi ne visait pas seulement la création des factures mais également leur utilisation et leur paiement, dont il n'était pas contesté qu'ils étaient survenus en 2012, la cour d'appel a violé les articles 388 et 512 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
19. L'arrêt mentionne que les factures datées de 2011, produites initialement par la partie civile au magistrat instructeur à l'appui de sa plainte, diffèrent de celles transmises ultérieurement aux enquêteurs par les responsables des services comptables.

20. Les juges relèvent que ces différences de facturation démontrent la capacité de la société [8], qui est la seule à pouvoir accéder à la data room contenant l'ensemble des pièces comptables, à produire des documents qu'elle argue de faux et qui évoluent avec le temps.
21. Ils en déduisent un doute sérieux sur le caractère fallacieux des factures 2011 de nature à exclure toute imputabilité à M. [H], ce d'autant qu'aucun autre élément probant de la procédure n'établit le caractère fictif des prestations concernées.
22. Ils retiennent que les déclarations de Mme [I] [T], ancienne responsable du service comptable de la société [3], floues et contradictoires, ne permettent pas d'établir de façon précise la date d'émission des factures litigieuses datées de 2011.
23. Ils ajoutent que les déclarations de M. [J] [U], co-prévenu, également approximatives et contradictoires, sont démenties par le fait que les vingt-deux factures concernées, adossées à deux contrats qu'il a reconnu avoir personnellement signés, apparaissent dans la comptabilité de la société [12] et ont été payées.
24. Ils constatent qu'en dépit des demandes d'actes de M. [H], son frère [X], dirigeant de la société [13], n'a pas été entendu et n'a pu s'expliquer sur la réalité de la prestation et l'effectivité de son paiement.
25. Ils précisent que la date de prévention retenue par l'ordonnance de renvoi pour les faits de faux reprochés à M. [H] est de courant 2012 jusqu'au 31 décembre 2012, de sorte que sont exclus de la prévention les faits antérieurs ou postérieurs à l'année 2012.
26. Ils concluent qu'indépendamment du fait que le caractère fallacieux des factures datées de 2011 n'est pas établi, celles-ci sont exclues du champ de la prévention de sorte que les faits de faux concernent les seules factures datées de 2012.
27. En l'état de ces énonciations, la cour d'appel a souverainement apprécié l'absence de caractérisation de l'infraction et justifié sa décision sans insuffisance ni contradiction.
28. Ainsi le moyen, partiellement inopérant en ce qu'il critique des motifs surabondants, doit être écarté.



Sur le second moyen, pris en sa deuxième branche
29. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement du tribunal correctionnel de Nanterre du 27 novembre 2020 en ce qu'il a relaxé M. [H] des faits de faux commis courant 2011 et 2012 dans les Hauts-de-Seine ; a confirmé le jugement du tribunal correctionnel de Nanterre du 27 novembre 2020 en ce qu'il a relaxé M. [H] des faits d'usage de faux commis courant 2012 dans les Hauts-de-Seine ; a infirmé le jugement du tribunal correctionnel de Nanterre du 27 novembre 2020 en toutes ses dispositions civiles sauf en ce qu'il a déclaré recevable la constitution de partie civile de la direction générale des finances publiques, alors :
« 2°/ que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que « le caractère faux des dossiers produits à l'appui des demandes de crédits impôts recherche de la société [1] et de la société [12] est établi » ; qu'elle a également constaté que « les parties se sont entendues sur un prix de base composé d'un montant ferme, définitif et irrévocable, non susceptible d'ajustement de 20 000 000 d'euros [?] augmenté de 2 407 634,19 euros correspondants à l'estimation de la trésorerie nette des sociétés du groupe au 11 avril 2012 », que « dans le calcul de la trésorerie nette retenue par les parties figuraient les crédits impôt recherche 2009, 2010, 2011 visés par la prévention » et que la société [8] « a accepté, après avoir été utilement conseillée, de payer les CIR concernés le 16 avril 2012 » ; que pour relaxer néanmoins M. [H] du chef d'escroquerie, la cour d'appel a retenu que « le prix de base de 20 millions d'euros [?] est et demeure irrévocable » et est « pour une très large part totalement indépendant dans son principe de la trésorerie nette », que « le remboursement des crédits impôts recherche éta[it] éventuel », que la société [8] ne l'ignorait pas dans la mesure où c'était précisément « la raison pour laquelle [?]une clause de garantie de passif et des modalités d'indemnisation ont été convenues », où la société [8] est le « leader mondial sur le marché, assistée d'experts éminemment réputés pour leurs compétences lui ayant permis de réaliser un audit juridique, fiscal et financier du.groupe », et où elle était « informée de l'existence des procédures de vérification fiscales pour y avoir participé activement et que les crédits d'impôt recherche 2009, 2010 et 2011 n'étaient pas encore perçus ni même imputés par les sociétés du groupe [2] ; qu'elle a déduit de ces éléments que « les demandes de crédits impôt recherche concernées par les termes de la prévention [?] n'ont pu [?] déterminer [la société [8]], en totalité ou en partie, à consentir à la conclusion».du contrat de cession de sorte que les agissements fiscaux frauduleux commis par [V] [H] ne lui cause strictement aucun préjudice » ; qu'en statuant ainsi, quand il ressortait de ses propres constatations que la société [8] avait versé M. [H] le montant des demandes de crédits d'impôt frauduleuses, si bien que les manoeuvres du second avaient bien . déterminé la première à lui remettre des fonds qu'il savait indus, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 593 du code de procédure pénale et l'article 331-1 du code pénal. »
Réponse de la Cour
30. Pour relaxer M. [H] du délit d'escroquerie par production de faux dossier de demande de remboursement de crédits d'impôt recherche, l'arrêt énonce que les éléments constitutifs du délit d'escroquerie supposent que les agissements de l'auteur aient déterminé la remise effectuée par la victime.
31. Les juges relèvent qu'il ressort des termes de l'acte de cession que les parties se sont entendues sur un prix de base composé d'un montant ferme de 20 000 000 euros, d'un montant susceptible d'ajustement de 690 000 euros, correspondant au résultat d'exploitation du premier trimestre de l'année 2012, et d'une somme de 2 407 634,19 euros représentant l'estimation de la trésorerie nette des sociétés du groupe au 11 avril 2012 et comprenant les montants des crédits impôt recherche.
32. Ils retiennent que la société [8] a accepté de payer ces crédits d'impôt recherche, mais que leur remboursement étant éventuel, il a été conclu une clause de garantie de passif et des modalités d'indemnisation.
33. Ils en déduisent que les demandes de crédits impôt recherche n'ont pu déterminer la société [7] à consentir à la conclusion du contrat de cession, de sorte que les agissements fiscaux frauduleux commis par M. [H] ne causent aucun préjudice à la partie civile.
34. En l'état de ces énonciations, la cour d'appel a souverainement apprécié l'absence de caractérisation de l'infraction et justifié sa décision sans insuffisance ni contradiction.
35. Ainsi, le grief doit être écarté.
Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche, et le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé des moyens
36. Le premier moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a infirmé le jugement du tribunal correctionnel de Nanterre du 20 février 2018 en toutes ses dispositions pénales ; a renvoyé M. [H] des fins de la poursuite s'agissant des faits de faux commis courant 2012 et jusqu'au 31 décembre 2012 à [Localité 11] et [Localité 10] ; l'a renvoyé des fins de la poursuite s'agissant des faits d'usage de faux commis courant 2012 et jusqu'au 31 décembre 2012 à [Localité 11] et [Localité 10] ; l'a renvoyé des fins de la poursuite s'agissant des faits d'escroquerie commis courant 2012 et jusqu'au 31 décembre 2012 à [Localité 11] et [Localité 10] au préjudice de la société [8] ; a infirmé en conséquence le jugement du tribunal correctionnel de Nanterre du 20 février 2018 en toutes ses dispositions civiles sauf en ce qu'il a déclaré recevable la constitution de partie civile de la société [8], alors :
« 2°/ que lorsque les faits poursuivis sont susceptibles de revêtir plusieurs qualifications, la juridiction de jugement saisie de poursuites concomitantes peut déclarer le prévenu coupable de chacune des infractions constituées, même si les faits constitutifs procèdent de manière indissociable d'une action unique caractérisée par une seule intention coupable ; que le cumul de qualifications n'est exclu que si la situation dans laquelle la caractérisation des éléments constitutifs de l'une des infractions exclut nécessairement la caractérisation des éléments constitutifs de l'autre, si l'une des qualifications, telles qu'elles résultent des textes d'incrimination, correspond à un élément constitutif ou une circonstance aggravante de l'autre ou si l'une des qualifications retenues, dite spéciale, incrimine une modalité particulière de l'action répréhensible sanctionnée par l'autre infraction, dite générale ; qu'en ce qui concerne le délit d'escroquerie, d'une part, et les délits de faux et usage de faux, d'autre part, la caractérisation des éléments constitutifs de l'une des infractions n'exclut pas la caractérisation des éléments constitutifs de l'autre, et aucune de ces infractions n'est un élément constitutif ou une circonstance aggravante de l'autre, ni une modalité particulière de l'action répréhensible sanctionnée par l'autre ; qu'en l'espèce, pour infirmer le jugement du 20 février 2018 en tant qu'il avait déclaré M. [H] coupable de faux et d'usage de faux, le relaxer de ces chefs et examiner les faits uniquement au regard de la qualification d'escroquerie, la cour d'appel a retenu qu' « il ressort ainsi des termes des préventions précitées que les faits retenus pour caractériser les manoeuvres frauduleuses de l'escroquerie au préjudice de la société [8] sont également retenues pour caractériser les fausses factures ainsi que leur usage » et qu' « il découle de cette articulation que de tels faits procèdent de manière indissociable d'une action unique caractérisée par une seule intention coupable au préjudice d'une seule victime, la société [7] » ; qu'en statuant ainsi, quand les infractions de faux, usage de faux et escroquerie peuvent faire l'objet de déclarations de culpabilité concomitantes, même dans le cas où les faits qui les constituent procèdent de manière indissociable d'une action unique caractérisée par une seule intention coupable, et quand elle relaxait en toute hypothèse M. [H] du chef d'escroquerie, de sorte que sa condamnation pour faux et usage de faux ne pouvait en aucun cas être à l'origine d'une double déclaration de culpabilité pour les mêmes faits, la cour d'appel a violé les articles 313-1 et 441-1 du code pénal, ensemble le principe ne bis in idem. »
37. Le second moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement du tribunal correctionnel de Nanterre du 27 novembre 2020 en ce qu'il a relaxé M. [H] des faits de faux commis courant 2011 et 2012 dans les Hauts-de-Seine ; a confirmé le jugement du tribunal correctionnel de Nanterre du 27 novembre 2020 en ce qu'il a relaxé M. [H] des faits d'usage de faux commis courant 2012 dans les Hauts-de-Seine ; a infirmé le jugement du tribunal correctionnel de Nanterre du 27 novembre 2020 en toutes ses dispositions civiles sauf en ce qu'il a déclaré recevable la constitution de partie civile de la direction générale des finances publiques, alors :
« 1°/ que lorsque les faits poursuivis sont susceptibles de revêtir plusieurs qualifications, la juridiction de jugement saisie de poursuites concomitantes peut déclarer le prévenu coupable de chacune des infractions constituées, même si les faits constitutifs procèdent de manière indissociable d'une action unique caractérisée par une seule intention coupable ; que le cumul de qualifications n'est exclu que si la situation dans laquelle la caractérisation des éléments constitutifs de l'une des infractions exclut nécessairement la caractérisation des éléments constitutifs de l'autre, si l'une des qualifications, telles qu'elles résultent des textes d'incrimination, correspond à un élément constitutif ou une circonstance aggravante de l'autre ou si l'une des qualifications retenues, dite spéciale, incrimine une modalité particulière de l'action répréhensible sanctionnée par l'autre infraction, dite générale ; qu'en ce qui concerne le délit d'escroquerie, d'une part, et les délits de faux et usage de faux, d'autre part, la caractérisation des éléments constitutifs de l'une des infractions n'exclut pas la caractérisation des éléments constitutifs de l'autre, et aucune de ces infractions n'est un élément constitutif ou une circonstance aggravante de l'autre, ni une modalité particulière de l'action répréhensible sanctionnée par l'autre ; qu'en l'espèce, M. [H] a été renvoyé devant le tribunal pour y être jugé, en premier lieu, du chef de faux pour avoir falsifié des dossiers de demande de remboursement de crédits d'impôt en faveur de la recherche aux noms des sociétés [1] et [12] pour les années 2009 à 2011, et de la société [3] pour l'année 2011, en deuxième lieu, du chef d'usage de faux pour avoir falsifié un demande de remboursement de crédit d'impôt en faveur de la recherche au nom de la société [12] pour l'année 2009, et en troisième lieu du chef d'escroquerie pour avoir conduit la société [9] à lui remettre la somme de 2.09.782,40 euros en produisant de faux dossiers de demandes de remboursement de crédits d'impôts au nom des [1] et [12] pour les années 2009 à 2011, et de la société [3] pour l'année 2011 ; que la cour d'appel a retenu que retenu que « le caractère faux des dossiers produits à l'appui des demandes de crédits impôts recherche de la société [1] et de la société [12] est établi » ; qu'elle a également retenu, pour déclarer M. [H] coupable de fraude fiscale et le condamner à une peine d'emprisonnement délictuel de 18 mois avec sursis, qu'il « savait mieux que quiconque que ses sociétés ne réalisaient pas les travaux de recherche allégués nécessaires à l'octroi des crédits d'impôt recherche » ; qu'elle l'a cependant relaxé du chef d'escroquerie en raison du fait que la production de ces faux n'avait pas déterminé la société [8] à conclure le contrat ; que pour dire qu'il importait peu que « cette falsification soit imputable ou non à [V] [H] », le relaxer également des chefs de faux et usage de faux et examiner les faits uniquement au regard de la qualification d'escroquerie, la cour d'appel a retenu qu' « il ressort ainsi des termes des préventions précitées que les faits retenus pour caractériser les manoeuvres frauduleuses de l'escroquerie au préjudice de la société [8] sont également retenues pour caractériser les fausses factures ainsi que leur usage » et qu' « il découle de cette articulation que de tels faits procèdent de manière indissociable d'une action unique caractérisée par une seule intention coupable au préjudice d'une seule victime, la société [7] » ; qu'en statuant ainsi, quand les infractions de faux, usage de faux et escroquerie peuvent faire l'objet de déclarations de culpabilité concomitantes, même dans le cas où les faits qui les constituent procèdent de manière indissociable d'une action unique caractérisée par une seule intention coupable, et quand elle relaxait en toute hypothèse M. [H] du chef d'escroquerie, de sorte que sa condamnation pour faux et usage de faux ne pouvait en aucun cas être à l'origine d'une double déclaration de culpabilité pour les mêmes faits, la cour d'appel a violé les articles 313-1 et 441-1 du code pénal, ensemble le principe ne bis in idem. »
Réponse de la Cour
38. Les moyens sont réunis.
Vu le principe ne bis in idem :
39. L'interdiction de cumuler les qualifications lors de la déclaration de culpabilité doit être réservée, outre la situation dans laquelle la caractérisation des éléments constitutifs de l'une des infractions exclut nécessairement la caractérisation des éléments constitutifs de l'autre, aux cas où un fait ou des faits identiques sont en cause et où l'on se trouve dans l'une des deux hypothèses suivantes : l'une des qualifications, telles qu'elles résultent des textes d'incrimination, correspond à un élément constitutif ou une circonstance aggravante de l'autre, qui seule doit alors être retenue ; ou bien, l'une des qualifications retenues, dite spéciale, incrimine une modalité particulière de l'action répréhensible sanctionnée par l'autre infraction, dite générale.
40. Pour infirmer le jugement du tribunal correctionnel du 20 février 2018 en ce qu'il a déclaré M. [H] coupable des faits de faux et usage, et confirmer le jugement du tribunal correctionnel du 27 novembre 2020 en ce qu'il a relaxé M. [H] des fins de la poursuite des chefs de faux et usage, l'arrêt énonce que la falsification de factures au nom des sociétés [3], [12] et [1], correspondant à des prestations fictives, est retenue pour caractériser l'infraction de faux, et que la production de ces factures falsifiées est retenue pour caractériser l'infraction d'usage de faux, mais aussi l'infraction d'escroquerie au préjudice de la société [8].
41. Les juges ajoutent que la falsification des dossiers de demande de remboursement de crédit d'impôt en faveur de la recherche aux noms des sociétés [1], [12] et [2], est retenue pour caractériser l'infraction de faux, et que la production de ces dossiers est retenue pour caractériser l'infraction d'usage de faux, mais aussi celle d'escroquerie au préjudice de la société [8].
42. Ils relèvent qu'il ressort ainsi des termes des préventions que les mêmes faits sont retenus pour caractériser les manoeuvres frauduleuses de l'escroquerie et les fausses factures ainsi que leur usage.
43. Ils en déduisent que les faits procèdent de manière indissociable d'une action unique caractérisée par une seule intention coupable au préjudice d'une seule victime.
44. En statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu le principe ci-dessus rappelé pour les motifs qui suivent.
45. En premier lieu, la caractérisation des éléments constitutifs de l'une des infractions n'exclut pas la caractérisation des éléments constitutifs de l'autre.
46. En deuxième lieu, il résulte des articles 313-1 et 441-1 du code pénal qu'aucune de ces infractions n'est un élément constitutif ou une circonstance aggravante de l'une des autres. En effet, l'article 313-1, qui incrimine l'escroquerie, vise les manoeuvres frauduleuses et non spécifiquement le faux ou l'usage de faux comme élément constitutif de ce délit.
47. En dernier lieu, le principe de non-rétroactivité ne s'applique pas à une simple interprétation jurisprudentielle à la condition qu'elle ne soit pas imprévisible.
48. La cassation est par conséquent encourue.
Et sur le second moyen, pris en ses troisième et quatrième branches
49. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement du tribunal correctionnel de Nanterre du 27 novembre 2020 en ce qu'il a relaxé M. [H] des faits de faux commis courant 2011 et 2012 dans les Hauts-de-Seine ; a confirmé le jugement du tribunal correctionnel de Nanterre du 27 novembre 2020 en ce qu'il a relaxé M. [H] des faits d'usage de faux commis courant 2012 dans les Hauts-de-Seine ; a infirmé le jugement du tribunal correctionnel de Nanterre du 27 novembre 2020 en toutes ses dispositions civiles sauf en ce qu'il a déclaré recevable la constitution de partie civile de la direction générale des finances publiques, alors :
« 3°/ que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; qu'en l'espèce, M. [H] soutenait que la constitution de partie civile de la société [8] dans le volet « crédit d'impôts » était irrecevable dans la mesure où « bien antérieurement au dépôt de sa plainte avec constitution de partie civile en date du 15 juillet 2015, la société [7] a saisi le tribunal de commerce de Paris, par des demandes en date du 18 octobre 2012 réitérées par voie de conclusions en date du 15 mai 2014, sollicitant le paiement par M. [V] [H] des sommes afférentes aux crédits impôt recherche » ; qu'il affirmait que l'objet des demandes reconventionnelles de la société [8] devant le tribunal correctionnel était le « paiement de la trésorerie nette qui inclut les CIR 2009, 2010, 2011 et 2012, total demandé : 4.699.079,34 ¿, dont de CIR 2009 à 2011 : 2.517.384,08 ¿, [et] dont de CIR 2012 : 446.135,32 ¿ » ; que M. [H] faisait également valoir que « la société [7] a entrepris d'initier deux autres instances devant le tribunal de commerce, afin de solliciter l'indemnisation par M. [V] [H] du préjudice issu des redressements fiscaux relatifs aux dossiers CIR [[6] et [4] pour les années 2009 à 2011] », que « les prétentions de [7] formulées dans le cadre de ces instances se superposent de nouveau avec les demandes formulées dans le cadre de l'instance pénale, dès lors que ces procédures pendantes devant les juridictions civiles visent à l'indemnisation par M. [V] [H] du préjudice correspondant au règlement des CIR concernant [6] et [4], soit deux filiales du Groupe [2] » et que « le principe una via electa prohibe une telle double saisine des juridictions civiles et pénales lorsque les procédures tendent aux mêmes fins, sont fondées sur les mêmes faits, et opposent les mêmes parties, comme c'est le cas en l'espèce » ; qu'en se bornant à énoncer, pour infirmer le jugement du 27 novembre 2020 en ce qu'il avait reçu la société [8] en sa constitution de partie civile et avait condamné M. [H] à lui payer 2.856.030,40 euros en réparation de son préjudice financier et 25.000 euros en réparation de son préjudice de désorganisation et d'atteinte à son image et à sa réputation, qu' « en application de la règle ¿¿una via electa'' laquelle prohibe une double saisie des juridictions civiles et pénales lorsque les procédures tendent aux mêmes fins, sont fondées sur les mêmes faits et opposent les mêmes parties comme c'est le cas en l'occurrence, la société [8] sera déclarée irrecevable en sa constitution de partie civile et conséquemment déboutée de l'intégralité de ses demandes », sans préciser quelles demandes formées par la société [8] devant le tribunal de commerce de Paris, parmi toutes celles mentionnées par M. [H], tendaient au mêmes fins et étaient fondées sur les mêmes faits que l'action civile, la cour d'appel a violé l'article 593 du code de procédure pénale ;
4°/ que la partie qui a exercé son action devant la juridiction civile compétente ne peut la porter devant la juridiction répressive si la demande a la même cause et le même objet et concerne les mêmes parties ; qu'en l'espèce, M. [H] soutenait que la constitution de partie civile de la société [8] dans le volet « crédit d'impôts » était irrecevable dans la mesure où « bien antérieurement au dépôt de sa plainte avec constitution de partie civile en date du 15 juillet 2015, la société [7] a saisi le tribunal de commerce de Paris, par des demandes en date du 18 octobre 2012 réitérées par voie de conclusions en date du 15 mai 2014, sollicitant le paiement par M. [V] [H] des sommes afférentes aux crédits impôt recherche » ; qu'il affirmait que l'objet des demandes reconventionnelles de la société [8] devant le tribunal correctionnel était le « paiement de la trésorerie nette qui inclut les CIR 2009, 2010, 2011 et 2012, total demandé : 4.699.079,34 ¿, dont de CIR 2009 à 2011 : 2.517.384,08 ¿, [et] dont de CIR 2012 : 446.135,32 ¿ » ; que M. [H] faisait également valoir que « la société [7] a entrepris d'initier deux autres instances devant le tribunal de commerce, afin de solliciter l'indemnisation par M. [V] [H] du préjudice issu des redressements fiscaux relatifs aux dossiers CIR [[6] et [4] pour les années 2009 à 2011] » ; qu'en retenant, pour infirmer le jugement du 27 novembre 2020 en ce qu'il avait reçu la société [8] en sa constitution de partie civile et avait condamné M. [H] à lui payer 2.856.030,40 euros en réparation de son préjudice financier, et 25.000 euros en réparation de son préjudice de désorganisation et d'atteinte à son image et à sa réputation, que les demandes formées devant le tribunal de commerce tendaient aux mêmes fins et étaient fondés sur les mêmes faits que l'action civile, quand il ressort des conclusions de la société [8] devant le tribunal de commerce de Paris et la cour d'appel de Paris, que les demandes dont ceux-ci étaient saisis tendaient, non pas à la réparation du préjudice résultant de la réalisation de demandes de crédits d'impôt recherche dénuées de tout fondement, mais à l'exécution du contrat de cession et au paiement des sommes dues, soit en application de la clause 5.1, relative à la fixation du montant définitif de la trésorerie nette, soit en application de la clause de garantie de passif, et quand, au surplus, les demandes afférentes aux crédits d'impôt sollicités pour les sociétés [6] et [4] étaient manifestement sans lien avec l'action civile, qui poursuit l'indemnisation du préjudice causé par l'émission et la production de demandes de crédits d'impôt frauduleuses pour le compte des sociétés [1], [12] et [3], de sorte que l'action civile était recevable, la cour d'appel a violé l'article 5 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 5 et 593 du code de procédure pénale :
50. Il se déduit du premier de ces textes que si la partie qui a exercé son action devant la juridiction civile compétente ne peut la porter devant la juridiction répressive, la fin de non-recevoir tirée de la règle una via electa ne peut être accueillie qu'après vérification de la triple identité de parties, d'objet et de cause entre les deux actions.
51.Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
52. Pour retenir que la constitution de partie civile de la société [8] était irrecevable, l'arrêt énonce que la règle una via electa prohibe une double saisine des juridictions civiles et pénales lorsque les procédures tendent au même fins, sont fondées sur les mêmes faits et opposent les mêmes parties.
53. Les juges ajoutent que tel est le cas en l'occurrence.
54. En se déterminant ainsi, sans préciser quelles demandes de la société [8] formées devant le tribunal de commerce de Paris tendaient aux mêmes fins et étaient fondées sur les mêmes faits que l'action civile, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure de s'assurer que les conditions d'application de la règle una via electa étaient réunies, et n'a pas justifié sa décision.
55. La cassation est par conséquent à nouveau encourue.




Crim. 24 juin 2025 n° 24-84.885

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° N 24-84.885 F-D
N° 00877

ODVS 24 JUIN 2025

CASSATION

M. BONNAL président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 24 JUIN 2025


Les sociétés [4] et [5] ont formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-8, en date du 25 juin 2024, qui, pour publicité directe ou propagande en faveur du tabac, de ses produits ou ingrédients, a condamné la première à 500 000 euros d'amende et la seconde à 400 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de M. Charmoillaux, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat des sociétés [4] et [5], les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat des associations [1] et [2], et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 27 mai 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Charmoillaux, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Les associations [1] ([1]) et [2] ([2]) ont fait citer les sociétés [4] et [5] devant le tribunal correctionnel du chef de publicité directe ou propagande en faveur du tabac, de ses produits ou ingrédients.
3. Le tribunal correctionnel a déclaré les deux prévenues coupables, les a condamnées à diverses peines et a prononcé sur les intérêts civils.
4. Les sociétés [4], [5], le ministère public, les associations [1] et [2] ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré coupables les sociétés [4] et [5] d'avoir, entre mai 2017 et le 25 juillet 2019, à Paris et sur l'ensemble du territoire national, commis des faits de publicité illicite en faveur du tabac au sens de l'article L. 3512-4 du code de la santé publique, les a condamnées chacune au paiement d'une amende et les a condamnées solidairement à payer la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts au [1] d'une part et à l'association [2] d'autre part, alors :
« 1°/ que le prévenu ou son avocat doivent toujours avoir la parole en dernier ; qu'il ressort des mentions de l'arrêt attaqué (pages 4 et 5), comme des notes d'audience, que lors des débats à l'audience du 30 avril 2024, après les plaidoiries respectives des avocats de chacune des parties, Me Levy, avocat du [1], partie civile, a repris la parole pour renoncer à une demande, puis Me Raynal Cantagrel, avocat de l'association [3], partie civile, a repris la parole pour présenter des observations complémentaires et que Mme Malaterre, avocat général, a indiqué ne pas avoir d'observations, sans que l'avocat des sociétés [4] SAS et [5] S.A., prévenues, n'ait eu la parole en dernier ; qu'en statuant dans ces circonstances, la cour d'appel a violé l'article 513 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour
Vu l'article 513, alinéa 4, du code de procédure pénale :
6. Selon ce texte, le prévenu ou son avocat auront toujours la parole en dernier.
7. Il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que lors des débats, Mme Delphine Raynal Cantangrel, avocate de l'association [2], partie civile, a eu la parole en dernier.
8. En l'état de ces mentions, qui n'établissent pas qu'il a été satisfait aux prescriptions du texte susvisé, la cassation est encourue.




Crim. 24 juin 2025 n° 25-82.861

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° G 25-82.861 F
N° 01067

RB5 24 JUIN 2025

NON-LIEU A STATUER IRRECEVABILITÉ
M. BONNAL président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 24 JUIN 2025


M. [U] [N] a formé des pourvois contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 3 avril 2025, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de tentative de meurtre et violences, aggravés, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant sa détention provisoire.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Sur le rapport de Mme Hairon, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, avocat de M. [U] [N], et les conclusions de M. Dureux, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 24 juin 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Hairon, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée, en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
Examen de la recevabilité du pourvoi formé le 15 avril 2025
1. Le demandeur ayant épuisé, par l'exercice qu'en avait fait son avocat le 7 avril 2025, le droit de se pourvoir contre l'arrêt attaqué, était irrecevable à se pourvoir à nouveau contre la même décision le 15 avril suivant.
2. Seul est recevable le pourvoi formé le 7 avril 2025.
Examen du pourvoi formé le 7 avril 2025
Vu l'article 606 du code de procédure pénale :
3. Par ordonnance du 28 mai 2025, le juge d'instruction a ordonné le renvoi de M. [N] devant le tribunal correctionnel pour violences aggravées, et, par ordonnance distincte du même jour, maintenu l'intéressé en détention provisoire.
4. En application de l'article 179 du code de procédure pénale, l'ordonnance de règlement a rendu caduc le titre de détention sur les effets duquel l'arrêt attaqué s'est prononcé.
5. Le tribunal, par jugement du 16 juin 2025, a, au surplus ordonné le renvoi de l'examen de la procédure et le maintien en détention provisoire.
6. Il s'ensuit que le pourvoi est devenu sans objet.




Civ.2 19 juin 2025 n° 23-22.911 B

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
FD


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 19 juin 2025



Cassation

Mme MARTINEL, président


Arrêt n° 612 F-B
Pourvoi n° D 23-22.911



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 JUIN 2025
M. [Y] [B], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 23-22.911 contre l'arrêt rendu le 28 septembre 2023 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-6), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Protec BTP, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],
2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme, dont le siège est [Adresse 2],
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Riuné, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [B], de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de la société Protec BTP, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 mai 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Riuné, conseiller référendaire rapporteur, Mme Isola, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 28 septembre 2023), le 19 avril 2014, M. [B] a été victime, au guidon de sa motocyclette, d'un accident de la circulation impliquant un véhicule conduit par Mme [L] et assuré par la société Protec BTP (l'assureur).
2. Après une expertise amiable, M. [B] a assigné l'assureur devant un tribunal de grande instance en indemnisation de ses préjudices, en présence de la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants d'Auvergne, aux droits de laquelle vient la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
3. M. [B] fait grief à l'arrêt de dire qu'il a commis une faute exclusive de tout droit à réparation du préjudice corporel subi le 19 avril 2014, alors « que les procès-verbaux des agents ou officiers de police judiciaire constatant une contravention font foi jusqu'à preuve contraire des seuls faits que leur auteur a personnellement constaté ; qu'en l'espèce, le "procès-verbal de transport, des constatations et des mesures prises" rédigé par l'un des agents de police judiciaire s'étant rendu sur les lieux de l'accident indique que l'accident a eu lieu à 16h00 et que les agents sont arrivés à 16h20, ce que reconnaissait la société Protec BTP ; qu'en retenant néanmoins, pour dire que M. [B] avait commis une faute justifiant la suppression totale de son droit à indemnisation, que le procès-verbal indique que "pour une raison indéterminée, il semble que la moto soit venue percuter la voiture", que "le doute exprimé par les services de police porte sur les raisons pour lesquelles M. [B] s'est déporté dans le couleur de circulation opposé, mais nullement sur la réalité objective du changement de couloir intervenu" et que "les services de police ont en effet établi un plan des lieux de l'accident et ont matérialisé le point de choc présumé dans le couleur [sic] de circulation de la Renault Kangoo de Mme [L]" et que "les constatations de police [font] foi jusqu'à preuve du contraire", quand il était constant que les agents n'étaient pas présents au moment de l'accident et n'avaient donc pas pu personnellement voir M. [B] franchir la ligne médiane, la cour d'appel a violé les articles 537 du code de procédure pénale, et 1353 du code civil, ce dernier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 537 du code de procédure pénale :
4. Selon ce texte, les procès-verbaux établis par les officiers et agents de police judiciaire font foi jusqu'à preuve contraire des contraventions qu'ils constatent.
5. Pour retenir une faute de M. [B], exclusive de tout droit à réparation de son préjudice corporel, l'arrêt constate d'abord que Mme [L] affirme avoir été percutée dans sa voie de circulation, version qui est corroborée par celle de son conjoint, passager du véhicule.
6. L'arrêt relève ensuite que les conclusions de l'enquête de police ne font part d'aucun doute sur la réalité objective du changement de voie de circulation intervenu.
7. Après avoir constaté la matérialisation du point de choc présumé dans le couloir de circulation du véhicule conduit par Mme [L] sur le plan établi par les services de police, l'arrêt retient enfin que les constatations de police faisant foi jusqu'à preuve du contraire, il n'y a pas lieu de tirer de conclusions particulières du fait que le rédacteur du plan n'a pas précisé les éléments de fait sur lesquels il s'est fondé pour localiser l'accident sur le plan.
8. En statuant ainsi, alors que l'agent de police judiciaire n'ayant pas été présent lors de l'accident, le procès-verbal qu'il avait rédigé ne faisait pas foi jusqu'à preuve contraire, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Et sur le moyen, pris en sa cinquième branche
Enoncé du moyen
9. M. [B] fait le même grief à l'arrêt, alors « que lorsque plusieurs véhicules sont impliqués dans un accident de la circulation, chaque conducteur a droit à l'indemnisation des dommages qu'il a subis, sauf s'il a commis une faute ayant contribué à la réalisation de son préjudice ; qu'en présence d'une telle faute, il appartient au juge d'apprécier souverainement si celle-ci a, en fonction de sa gravité, pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation des dommages que ce conducteur a subis ; qu'en l'espèce, M. [B] soutenait qu'à supposer qu'il ait effectivement franchi la ligne médiane, ce qu'il contestait, "les raisons qui ont conduit [son] véhicule [...] à se déporter sont indéterminées" ; qu'il faisait également valoir que le plan annexé au procès-verbal de police localisait le "point de choc présumé" à "quelques centimètres de l'axe médian" seulement, qu'il n'avait pas été établi qu'il roulait à une vitesse excessive, qu' "il [avait] été réalisé un dépistage de stupéfiants et un dépistage d'alcoolémie, qui [s'étaient] révélés bien entendu négatifs", et que l' "enquête manifestement incomplète, n'apporte aucun élément d'information sur le positionnement des véhicules avant et après l'accident, la vitesse des véhicules, la distance entre les véhicules avant l'accident, le lieu exact de la chute, la présence ou non de traces de freinage, la présence ou non de débris ou d'obstacles sur la voie, autant d'éléments qui apparaissent essentiels dans la détermination de la faute du conducteur victime" ; qu'en se bornant à affirmer de façon péremptoire, après avoir retenu que M. [B] avait franchi la ligne médiane, que "c'est bien la particulière gravité de la faute de conduite commise par M. [B] qui justifie la suppression totale de son droit à indemnisation du préjudice corporel subi", sans relever aucun élément de fait de nature à justifier cette appréciation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 4 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 :
10. Il résulte de ce texte que lorsque plusieurs véhicules sont impliqués dans un accident de la circulation, chaque conducteur a droit à l'indemnisation des dommages qu'il a subis, sauf s'il a commis une faute ayant contribué à la réalisation de son préjudice.
11. Pour retenir une faute de M. [B], exclusive de tout droit à réparation du préjudice corporel, l'arrêt énonce qu'un arrêt de la deuxième chambre civile du 9 mars 2023 tend uniquement à rappeler que c'est la gravité de la faute qui détermine la suppression du droit à indemnisation et non pas l'existence d'un rapport de causalité entre la faute du conducteur victime et le dommage qu'il a subi.
12. L'arrêt retient que c'est bien la particulière gravité de la faute de conduite commise par M. [B] qui justifie la suppression totale de son droit à indemnisation du préjudice corporel subi.
13. En statuant ainsi, sans caractériser une faute de M. [B] ayant contribué à la réalisation de son préjudice, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
14. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt disant que M. [B] a commis une faute exclusive de tout droit à réparation du préjudice corporel subi le 19 avril 2014 entraîne la cassation des autres chefs de dispositif de l'arrêt, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.




Crim. 18 juin 2025 n° 24-87.317

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° F 24-87.317 F-D
N° 00856

ECF 18 JUIN 2025

CASSATION PARTIELLE

M. BONNAL président,




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 18 JUIN 2025


M. [I] [S] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, en date du 6 décembre 2024, qui, dans l'information suivie contre lui du chef de violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente, aggravées, a prononcé sur une demande d'annulation d'actes de la procédure.
Par ordonnance du 24 février 2025, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.
Des mémoires ampliatif et personnel ont été produits.
Sur le rapport de Mme Diop-Simon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [I] [S], et les conclusions de M. Bougy, avocat général, après débats en l'audience publique du 21 mai 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Diop-Simon, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Pinna, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 6 juin 2023, [M] [O] [S], âgée de 5 mois, a été hospitalisée pour un traumatisme crânien avec trouble de conscience.
3. Le 21 juin 2023, M. [I] [S], son père, a été mis en examen du chef de violences par ascendant sur mineur de quinze ans ayant entraîné une mutilation ou infirmité permanente.
4. Par ordonnance du 24 novembre 2023, le juge d'instruction a commis Mme [D]-[E], neuropédiatre, pour procéder à l'expertise médicale de l'enfant.
5. Le rapport d'expertise qui fait état de ce que l'expert s'est adjoint les services d'un radiologue, M. [U], non désigné par le juge d'instruction, a été notifié le 13 mai 2024.
6. Par requête du 6 août 2024, M. [S] a saisi la chambre de l'instruction afin qu'il soit statué sur la nullité du rapport d'expertise.
Examen des moyens
Enoncé des moyens
7. Le moyen proposé pour M. [S] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a seulement ordonné la cancellation de la cote D 104/16 commençant par « IV Etude de l'imagerie (voir rapport sapiteur Dr [Z] [C] [U] » à D 104/22 : « chute de 50 cm environ », de la cote D 104/29 de la phrase commençant par : « L'imagerie cérébrale mettaient en évidence » à « les lésions constatées présentaient un risque vital », de la cote D 104/30 de la phrase commençant par : « concernant l'origine du traumatisme » à « une chute de 50 cm environ » D 104/31 ; de la cote D 104/32 de la phrase commençant par : « concernant le pronostic en imagerie » à « ces séquelles sont également irréversibles » après qu'il aura été établi une copie certifiée conforme à l'original et classée au greffe de la cour d'appel de Rennes et a ainsi rejeté la demande d'annulation totale du rapport d'expertise coté D 104, alors :
« 1°/ d'une part, que lorsque la Chambre de l'instruction constate la nullité d'un acte de la procédure, doivent être annulés par voie de conséquence tous les actes et pièces qui ont pour support nécessaire l'acte vicié ; qu'au cas d'espèce, le magistrat instructeur a commis le docteur [D]-[E], neuropédiatre, pour procéder à une expertise or, cette dernière s'est adjoint l'expertise d'un médecin-radiologue, le docteur [U] qu'elle s'est fondé sur son rapport d'analyse et en a intégré des extraits au sein du rapport d'expertise ; que la défense a sollicité l'annulation de ce rapport d'expertise au motif que le docteur [U] n'avait pas été désigné par le magistrat instructeur et qu'il n'avait pas prêté serment, en précisant que cette annulation ne saurait être partielle eu égard à l'importance des analyses irrégulières au sein de l'expertise ; qu'après avoir constaté la nullité du rapport d'analyse rédigé par le docteur [U], la Chambre de l'instruction s'est bornée à canceller partiellement le rapport d'expertise du docteur [D]-[E] au motif que « certaines parties dudit rapport font référence directement aux opérations irrégulières du Dr [U]. En revanche d'autres parties sont régulières, en ce qu'elles font référence aux propres analyses de Madame [H] [D] [E] se référant aux documents et pièces du dossier antérieures à l'intervention litigieuse du Dr [U] (cf. lesdits documents énumérés en côte D104/6 et étudiés en côte D104/7 à D104/15), son entretien avec la mère de l'enfant et son examen clinique » ; qu'en statuant ainsi quand les analyses qu'elle avait jugé irrégulières infusaient dans tout le rapport d'expertise de sorte qu'elles constituaient son support nécessaire et que le rapport litigieux devait, en conséquence, être annulé dans son intégralité, la Chambre de l'instruction qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations a violé les articles 160, 162, 174, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
2°/ d'autre part, que doivent être cancellés les actes partiellement annulés, ainsi que toute référence directe et explicite aux actes irréguliers ; qu'au cas d'espèce, le magistrat instructeur a commis le docteur [D]-[E], neuropédiatre, pour procéder à une expertise or, cette dernière s'est adjoint l'expertise d'un médecin-radiologue, le docteur [U], qu'elle s'est fondé sur son rapport d'analyse et en a intégré des extraits au sein du rapport d'expertise ; que la défense a sollicité l'annulation de ce rapport d'expertise au motif que le docteur [U] n'avait pas été désigné par le magistrat instructeur et qu'il n'avait pas prêté serment, en précisant que cette annulation ne saurait être partielle eu égard à l'importance des analyses irrégulières au sein de l'expertise ; qu'après avoir constaté la nullité du rapport d'analyse rédigé par le docteur [U], la Chambre de l'instruction s'est bornée à canceller partiellement le rapport d'expertise du docteur [D]-[E] au motif que « certaines parties dudit rapport font référence directement aux opérations irrégulières du Dr [U]. En revanche d'autres parties sont régulières, en ce qu'elles font référence aux propres analyses de Madame [H] [D] [E] se référant aux documents et pièces du dossier antérieures à l'intervention litigieuse du Dr [U] (cf. lesdits documents énumérés en côte D104/6 et étudiés en côte D104/7 à D104/15), son entretien avec la mère de l'enfant et son examen clinique » ; qu'en omettant de canceller certaines parties du rapport d'expertise qui reprenaient explicitement des extraits du rapport d'analyse qu'elle avait annulé, et notamment l'intégralité de la réponse à la question 8, la Chambre de l'instruction n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 160, 162, 174, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
3°/ de troisième part, que lorsque la Chambre de l'instruction constate la nullité d'un acte de la procédure, doivent être annulés par voie de conséquence tous les actes et pièces qui ont pour support nécessaire l'acte vicié ; qu'au cas d'espèce, le magistrat instructeur a commis le docteur [D]-[E], neuropédiatre, pour procéder à une expertise or, cette dernière s'est adjoint l'expertise d'un médecin-radiologue, le docteur [U] qu'elle s'est fondé sur son rapport d'analyse et en a intégré des extraits au sein du rapport d'expertise ; que la défense a sollicité l'annulation de ce rapport d'expertise au motif que le docteur [U] n'avait pas été désigné par le magistrat instructeur et qu'il n'avait pas prêté serment, en précisant que cette annulation ne saurait être partielle eu égard à l'importance des analyses irrégulières au sein de l'expertise ; qu'après avoir constaté la nullité du rapport d'analyse rédigé par le docteur [U], la Chambre de l'instruction s'est bornée à canceller partiellement le rapport d'expertise du docteur [D]-[E] au motif que « certaines parties dudit rapport font référence directement aux opérations irrégulières du Dr [U]. En revanche d'autres parties sont régulières, en ce qu'elles font référence aux propres analyses de Madame [H] [D] [E] se référant aux documents et pièces du dossier antérieures à l'intervention litigieuse du Dr [U] (cf. lesdits documents énumérés en côte D104/6 et étudiés en côte D104/7 à D104/15), son entretien avec la mère de l'enfant et son examen clinique » ; qu'en statuant ainsi, par voie d'affirmation, quand il ne ressortait nullement du dossier de la procédure que partie des analyses de l'expert désigné avaient été réalisées antérieurement à l'intervention irrégulière du docteur [U], la Chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision et a violé les articles 160, 162, 174, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
4°/ enfin, que l'expert judiciaire ne figurant pas sur les listes de la Cour de cassation ou des cours d'appel ne peut être désigné qu'à titre exceptionnel au terme d'une décision spécialement motivée et à condition qu'il prête serment devant le juge d'instruction ; qu'au cas d'espèce, le magistrat instructeur a commis le docteur [D]-[E], neuropédiatre, pour procéder à une expertise or, cette dernière s'est adjoint l'expertise d'un médecin-radiologue, le docteur [U], qu'elle s'est fondée sur son rapport d'analyse et en a intégré des extraits au sein du rapport d'expertise ; que la défense a sollicité l'annulation de ce rapport d'expertise au motif que le docteur [U] n'avait pas été désigné par le magistrat instructeur et qu'il n'avait pas prêté serment, en précisant que cette annulation ne saurait être partielle, eu égard à l'importance du rapport d'analyse au sein de l'expertise ; qu'en omettant de répondre au moyen d'annulation tiré du fait que le docteur [U] n'avait pas prêté serment, quand cette irrégularité qui avait trait à la bonne administration de la justice aurait pu conduire à l'annulation de l'intégralité du rapport d'expertise litigieux, la Chambre de l'instruction a privé sa décision de motifs en violation des articles 157, 159, 160, 162, 591 et 593 du Code de procédure pénale. »
8. Le moyen proposé par M. [S] est pris de la violation des articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 169, 162, 174, 591 et 593 du code de procédure pénale.
9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a annulé seulement partiellement le rapport d'expertise médicale alors :
1°/ que l'irrégularité affectant le rapport du docteur [U], qui n'avait pas été désigné par le juge d'instruction, entachait d'irrégularité l'intégralité du rapport d'expertise ;
2°/ qu'après avoir déclaré l'expertise du docteur [U] entachée d'irrégularité et prononcé la nullité de son rapport, la chambre de l'instruction n'a pas cancellé toutes les parties du rapport d'expertise médicale faisant explicitement référence à l'acte annulé ;
3°/ qu'en retenant, pour n'annuler que partiellement le rapport d'expertise, que d'autres parties de ce rapport étaient régulières, en ce qu'elles résultaient des propres analyses de Mme [D]-[E] puisqu'elles se référaient aux documents et pièces du dossier antérieures à l'intervention litigieuse du docteur [U], la chambre de l'instruction, qui a prononcé par voie de pure affirmation, n'a pas justifié sa décision ;
4°/ qu'il n'a pas été répondu au moyen faisant valoir que le rapport d'expertise était irrégulier en l'absence de prestation de serment du docteur [U].
Réponse de la Cour
10. Les moyens sont réunis.
Vu l'article 174, alinéa 2, du code de procédure pénale :
11. Selon ce texte, lorsque la chambre de l'instruction constate la nullité d'un acte de la procédure, doivent être annulés par voie de conséquence les actes qui ont pour support nécessaire l'acte vicié.
12. Après avoir constaté l'irrégularité de l'intervention de M. [U], radiologue dont l'expert nommé pour procéder à l'expertise médicale s'est adjoint les services sans l'autorisation du juge d'instruction, et prononcé l'annulation du rapport d'analyse d'imagerie qu'il a réalisé, l'arrêt attaqué a procédé à l'annulation, par voie de conséquence, de certaines parties du rapport d'expertise médicale affectées par cette irrégularité, visées au dispositif.
13. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé, pour les motifs qui suivent.
14. En premier lieu, il résulte des pièces de la procédure, dont la Cour de cassation a le contrôle, que la chambre de l'instruction a omis de canceller des mentions de l'expertise médicale, cotées D 104/30 et D 104/31, reproduisant l'analyse du docteur [U] dans son rapport annulé.
15. En second lieu, elle n'a annulé que certaines parties du rapport d'expertise médicale alors que celui-ci, qui se prononce sur la nature, la cause et l'évolution des lésions constatées sur la victime, trouve son support nécessaire dans le rapport annulé ayant procédé à la description et à l'analyse des lésions observées en imagerie.
16. La cassation est par conséquent encourue.
Portée et conséquences de la cassation
17. La cassation sera limitée aux seules dispositions de l'arrêt ayant refusé d'annuler certaines parties du rapport d'expertise médicale de Mme [D]-[E] et l'ayant partiellement cancellé, toutes autres dispositions étant expressément maintenues.




Crim. 18 juin 2025 n° 24-82.201 B

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° V 24-82.201 FS-B
N° 00841

ECF 18 JUIN 2025

CASSATION

M. BONNAL président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 18 JUIN 2025


M. [Z] [N] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, en date du 27 février 2024, qui a prononcé sur une demande d'exclusion du bulletin n° 1 du casier judiciaire.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Guerrini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [Z] [N], et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 21 mai 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Guerrini, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, Mme Leprieur, MM. Turbeaux, Laurent, Gouton, Brugère, Tessereau, conseillers de la chambre, M. Mallard, Mme Diop-Simon, conseillers référendaires, Mme Chauvelot, avocat général référendaire, et Mme Pinna, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [Z] [N] a été condamné contradictoirement, le 29 janvier 2008, à dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve, et à l'interdiction définitive d'exercer toute profession médicale ou paramédicale.
3. Le 15 juin 2021, il a présenté une requête en effacement de cette condamnation du bulletin n° 1 de son casier judiciaire sur le fondement de l'article 798-1 du code de procédure pénale.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevable la requête de M. [N] tendant à l'effacement du bulletin n° 1 du casier judiciaire de sa condamnation prononcée le 29 janvier 2008, alors « que la réhabilitation efface toute les incapacités et déchéances ; qu'en excluant toute réhabilitation de la condamnation à raison de ce qu'une interdiction d'exercer une profession médicale ou paramédicale avait été prononcée à titre de définitif et ne pouvait de ce fait avoir été exécutée, quand cette réhabilitation était acquise au regard du délai de dix ans expiré sans nouvelle condamnation et qu'aucune limitation aux effets de cette réhabilitation à l'égard des incapacités et déchéances n'était opposable, s'agissant d'une condamnation pour des faits commis avant le 1er janvier 2015, à raison de ce que cette peine complémentaire avait été prononcée à titre définitif, la chambre de l'instruction a violé les articles 133-13 et 133-16 du code pénal. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 798-1 du code de procédure pénale, 133-13 et 133-16, dans sa rédaction issue de la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007, applicable en l'espèce, du code pénal :
5. Selon le premier de ces textes, toute personne dont la condamnation a fait l'objet d'une réhabilitation légale en application des dispositions du code pénal peut demander à la chambre de l'instruction que cette condamnation soit retirée du casier judiciaire et ne soit plus mentionnée au bulletin n° 1.
6. Selon le deuxième, la réhabilitation est acquise de plein droit à la personne physique condamnée à une ou plusieurs peines d'emprisonnement à l'expiration des délais qu'il prévoit à compter, soit de l'exécution de la peine, soit de la prescription accomplie. Lorsqu'il s'agit de condamnations assorties en tout ou partie du sursis, du sursis probatoire ou du sursis avec obligation d'accomplir un travail d'intérêt général, les délais courent, pour chacune de ces condamnations, y compris en cas de condamnations multiples, à compter de la date à laquelle la condamnation est non avenue.
7. Selon le troisième, la réhabilitation efface toutes les incapacités et déchéances qui résultent de la condamnation, à l'exception des condamnations au suivi socio-judiciaire ou à la peine d'interdiction d'exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs, pour lesquelles la réhabilitation ne produit ses effets qu'à la fin de la mesure.
8. L'article 13 de loi n° 2012-409 du 27 mars 2012 a ajouté au second alinéa de l'article 133-16 précité que la réhabilitation ne produit ses effets qu'à l'issue d'un délai de quarante ans lorsqu'a été prononcée, comme peine complémentaire, une interdiction, incapacité ou déchéance à titre définitif, et précise que cette disposition entre en vigueur, pour les condamnations concernant des faits commis après la publication de ladite loi, le 1er janvier 2015.
9. Il ressort des travaux préparatoires de cette loi que le législateur, considérant que la réhabilitation légale efface toutes les incapacités et déchéances qui résultent de la condamnation, a entendu modifier les effets de cette règle, lorsque la juridiction de condamnation a expressément prononcé ces incapacités et déchéances, auxquelles il assimile les interdictions, en fixant pour celles-ci une durée supérieure au délai de réhabilitation.
10. Ces travaux préparatoires ajoutent que la loi du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs avait déjà prévu que la réhabilitation ne produirait ses effets qu'à la fin de la mesure, pour les peines complémentaires de suivi socio-judiciaire ou d'interdiction d'exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs.
11. La loi du 27 mars 2012 a ainsi retenu qu'en cas d'interdiction, incapacité ou déchéance prononcées à titre définitif, la réhabilitation ne produit ses effets, à leur égard, qu'à l'issue d'un délai de quarante ans. Ladite loi a prévu que cette disposition ne s'appliquerait qu'aux condamnations prononcées pour des faits commis après le 1er janvier 2015.
12. Il s'en déduit qu'avant l'entrée en vigueur de cette disposition, la réhabilitation de plein droit de la peine principale d'emprisonnement à l'issue du délai prévu à l'article 133-13 du code pénal à compter de l'exécution de cette peine, ou de la prescription accomplie, produisait effet à l'égard de toutes les peines résultant de la condamnation, dont les interdictions définitives prononcées à titre de peines complémentaires.
13. Pour déclarer irrecevable la demande en effacement de la condamnation du bulletin n° 1 du casier judiciaire, l'arrêt attaqué retient que la réhabilitation légale a été acquise le 8 février 2021, soit dix ans après le caractère non avenu du sursis avec mise à l'épreuve de trois ans auquel M. [N] a été condamné.
14. Les juges, se référant à un arrêt de la Cour de cassation (Crim., 28 février 2018, pourvoi n° 16-84.441, Bull. crim. 2018, n° 40), ajoutent que le requérant, condamné à la peine complémentaire de l'interdiction définitive d'exercer toute profession médicale ou paramédicale, qui n'a pas fini d'être exécutée, ne peut bénéficier des effets de la réhabilitation de plein droit.
15. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.
16. En effet la réhabilitation, acquise du fait de l'écoulement du délai de dix ans à compter de la date à laquelle la peine d'emprisonnement assortie du sursis avec mise à l'épreuve était non avenue, a entraîné l'effacement de la peine complémentaire même prononcée à titre définitif, en répression de faits commis avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2012-409 du 27 mars 2012.
17. Par ailleurs, les dispositions de l'article 786, alinéa 3, du code de procédure pénale, sur le fondement duquel a été rendu l'arrêt du 28 février 2018, sont relatives aux peines prononcées à titre principal dont la réhabilitation judiciaire, et non de plein droit, est sollicitée.
18. La cassation est par conséquent encourue.




Crim. 17 juin 2025 n° 25-90.010

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° D 25-90.010 F-D
N° 01017



17 JUIN 2025
ODVS




QPC PRINCIPALE : IRRECEVABILITÉ











M. BONNAL président,






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 17 JUIN 2025


La chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, par arrêt en date du 20 mars 2025, reçu le 2 avril 2025 à la Cour de cassation, a transmis une question prioritaire de constitutionnalité dans la procédure suivie contre M. [P] [I] des chefs de viol aggravé, violences aggravées en récidive et dégradations.
Sur le rapport de Mme Merloz, conseiller référendaire, et les conclusions de M. Bigey, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 juin 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Merloz, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,


la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« Les articles 77-4, 70 et 134 du code de procédure pénale, pris en combinaison, sont-ils conformes aux droits et libertés garantis par la Constitution en ce qu'ils permettent à l'agent chargé de l'exécution d'un mandat de recherche décerné par le procureur de la République de s'introduire au domicile d'un citoyen sans l'accord de ce dernier et sans l'autorisation d'un juge ? ».
2. La question ne mentionne pas les droits et libertés garantis par la Constitution auxquels les dispositions législatives contestées porteraient atteinte.
3. En conséquence, la question prioritaire de constitutionnalité, posée en ces termes, ne répond pas aux exigences de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel.
4. Elle est donc irrecevable.




Crim. 17 juin 2025 n° 24-82.311

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° Q 24-82.311 F-D
N° 00827

SL2 17 JUIN 2025

REJET

M. BONNAL président,





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 17 JUIN 2025

MM. [K] [E] et [L] [V], parties civiles, ont formé des pourvois contre l'arrêt n° 62 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Cayenne, en date du 28 février 2024, qui, dans la procédure suivie contre Mme [C] [I] du chef de diffamation publique, a constaté l'extinction de l'action publique.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de M. Hill, conseiller, les observations de Me Bouthors, avocat de MM. [K] [E] et [L] [V], les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, avocat de Mme [C] [I], et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 mai 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Hill, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. MM. [L] [V] et [K] [E] ont été les avocats d'une personne interpellée en marge d'une manifestation.
3. Ils ont saisi l'inspection générale de la justice et donné des conférences de presse et des interviews, mettant en cause le traitement de la procédure par les magistrats du ministère public du tribunal judiciaire territorialement compétent.
4. Le 16 novembre 2020, l'Union syndicale des magistrats et le Syndicat de la magistrature ont diffusé le communiqué de presse suivant : « Ainsi, il nous parait essentiel de rappeler quelques éléments de vérité afin de répondre aux déclarations mensongères et tonitruantes de ces deux avocats (...) Les propos honteux tenus sur la partialité d'une magistrate du parquet en charge de ce dossier prétendument « mandatée afin d'effectuer ce qui s'apparente à une chasse à l'homme » sont inacceptables et indignes de la profession d'avocat. Ils n'ont pour autres objectifs que d'intimider et de menacer un magistrat dans l'exercice de ses fonctions ».
5. A la suite de la plainte de MM. [V] et [E] du chef de diffamation publique, une information a été ouverte.
6. Le 28 juillet 2023, Mme [C] [I] a été mise en examen du chef susvisé en sa qualité de représentante de l'Union syndicale des magistrats à la date des faits.
7. Le 16 janvier 2024, le juge d'instruction, constatant la prescription de l'action publique, a rendu une ordonnance de non-lieu.
8. MM. [V] et [E] ont relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance de non-lieu du 16 janvier 2024 par substitution de motifs, a annulé pour excès de pouvoir la commission rogatoire du 1er août 2022 ensemble ses pièces d'exécution, et a en conséquence constaté l'acquisition de la prescription en l'absence d'acte interruptif utile entre le 24 juin et le 26 décembre 2022, alors :
« 1°/ d'une part, qu'en relevant d'office un moyen pris de la nullité pour excès de pouvoir de la commission rogatoire du 1er août 2022 et de ses pièces d'exécution et en déclarant en conséquence acquise la prescription en l'absence d'acte interruptif utile entre le 24 juin 2022 (soit-transmis de la plainte avec constitution de partie civile au parquet) et le 26 décembre 2022, la chambre de l'instruction a méconnu le principe du contradictoire et violé l'article préliminaire du code de procédure pénale, ensemble l'article 6-1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2°/ d'autre part, que si le juge d'instruction ne peut instruire, en vertu de l'article 51-1 de la loi du 29 juillet 1881, sur les preuves éventuelles de la vérité des faits ni sur la bonne foi, il doit en revanche instruire sur la tenue effective des propos poursuivis, leur caractère public, leur imputabilité aux personnes pouvant être poursuivies comme auteurs ou complices ainsi que sur l'identité et l'adresse de ces dernières ; que tel était précisément le strict objet de la commission rogatoire du 1er août 2022 (prod) tenant à l'établissement des propos litigieux, l'identification de leurs supports publics, leur retranscription écrite et leur imputabilité à personne déterminée ; qu'en énonçant que cette commission rogatoire était entachée d'excès de pouvoir comme portant sur la vérité des faits et la bonne foi des déclarants, la chambre de l'instruction s'est mise en contradiction avec les termes précis et limités de ladite commission, en méconnaissance du texte précité, ensemble l'article 6-1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 593 du code de procédure pénale ;
3°/ de troisième part, que la formule stéréotypée de la commission sur « la manifestation de la vérité » ne saurait tomber sous la prohibition de l'article 51-1 dès lors que chacune des rubriques particulières de ladite commission ne révèle aucun excès de pouvoir reprochable au juge mandant ; qu'en accordant à un stéréotype une portée qu'il n'avait pas, la chambre de l'instruction a fait montre d'un formalisme excessif en méconnaissance du texte susvisé, ensemble l'article 6-1 de la Convention de sauvegarde et 593 du code de procédure pénale ;
4°/ en tout état de cause qu'est disproportionnée et relève d'un formalisme excessif l'annulation totale et indifférenciée de la commission rogatoire et du PV de synthèse des services sur les caractères propres des faits relevant de la compétence du juge d'instruction ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait en présence d'actes détachables, la chambre de l'instruction a derechef méconnu les exigences de l'article 51-1 de la loi du 29 juillet 1881, ensemble l'article 6-1 de la Convention de sauvegarde et 593 du code de procédure pénale. »


Réponse de la Cour
Sur le moyen, pris en sa première branche
10. Le grief n'est pas fondé dès lors qu'il résulte des mentions de l'arrêt que, comme le prévoit l'article 197 du code de procédure pénale, le réquisitoire du procureur général a été versé au dossier de la procédure déposé au greffe de la chambre de l'instruction le 20 février 2024 et requérait l'annulation de la commission rogatoire ainsi que le constat de l'acquisition de la prescription, de sorte que la partie civile ne saurait soutenir que le principe du contradictoire a été méconnu.
Sur le moyen, pris en ses autres branches
11. Pour confirmer l'ordonnance de non-lieu, par substitution de motifs, l'arrêt attaqué énonce qu'il ressort des pièces de la commission rogatoire du 1er août 2022 que les enquêteurs ont recherché des éléments concernant la réalité des faits, y compris sur le contexte préexistant à l'infraction, et qu'ils ont émis un avis, notamment dans le rapport de synthèse, sur leur imputabilité.
12. Les juges rappellent que la vérité du fait diffamatoire ne constitue un fait justificatif de la diffamation que dans la mesure où la preuve en est administrée par le prévenu en conformité avec les dispositions légales et que cette preuve ne pouvant résulter que du débat contradictoire auquel il est procédé devant les juges du fond, il n'appartient pas aux juridictions d'instruction de la rechercher, ni de la recevoir.
13. Ils précisent que le rapport de synthèse apprécie point par point les propos qualifiés de diffamatoires par les plaignants au regard des éléments obtenus lors de la commission rogatoire et qu'il en ressort que le juge d'instruction a instruit sur des faits qui n'étaient pas visés dans sa saisine ainsi que sur les preuves de la vérité des faits diffamatoires et de la bonne foi, en violation de l'article 51-1, alinéa 3, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
14. Ils en concluent que la commission rogatoire doit être annulée de même que ses actes d'exécution, et partant, que la prescription est acquise, aucun acte interruptif de prescription n'étant intervenu entre le 24 juin 2022 et le 26 décembre 2022.
15. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application des textes visés au moyen pour les motifs qui suivent.
16. En premier lieu, en donnant mandat aux enquêteurs d'enquêter sur les conférences de presse données par les parties civiles entre le 20 octobre et le 12 novembre 2020, le magistrat instructeur a fait mener des investigations sur le contexte et les propos des parties et a instruit sur une période et des faits pour lesquels il n'était pas saisi, puisque sa saisine était limitée aux propos et faits dénoncés concernant un communiqué de presse syndical diffusé le 16 novembre 2020.
17. En deuxième lieu, la Cour de cassation, qui a le contrôle des pièces de la procédure, est en mesure de vérifier que les enquêteurs ont, en exécution de cette commission rogatoire, analysé et interprété les déclarations litigieuses.
18. En troisième lieu, l'annulation de la commission rogatoire entraîne l'annulation de l'ensemble de ses actes d'exécution.
19. Enfin, il appartient à la partie civile de surveiller le déroulement de la procédure et d'accomplir les diligences utiles pour poursuivre l'action qu'elle a engagée, afin de faire obstacle à l'acquisition de la prescription, cette obligation n'étant pas incompatible avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme quand, comme en l'espèce, il n'existe pour la partie civile aucun obstacle de droit ou de fait la mettant dans l'impossibilité d'agir.
20. Ainsi, le moyen doit être écarté.
21. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.




Crim. 17 juin 2025 n° 24-87.110 B

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° F 24-87.110 FS-B
N° 00690

SL2 17 JUIN 2025

REJET


M. BONNAL président,




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 17 JUIN 2025

M. [L] [O] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 18 novembre 2024, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'importation de stupéfiants en bande organisée, infractions aux législations sur les stupéfiants et sur les armes, associations de malfaiteurs, blanchiment aggravé et blanchiment, en récidive, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure.
Par ordonnance du 24 février 2025, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Thomas, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [L] [O], et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 mai 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Thomas, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, MM. Cavalerie, Maziau, Seys, Hill, conseillers de la chambre, M. Violeau, Mme Merloz, M. Pradel, conseillers référendaires, M. Quintard, avocat général, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Mis en examen des chefs susvisés le 6 juin 2023, M. [L] [O] a, le 6 décembre suivant, déposé une requête en annulation d'actes et de pièces de la procédure.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
3. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête de M. [O] en tous ses moyens, alors :
« 1°/ d'une part, que la pose d'un dispositif de captation de données informatiques en temps réel doit être réalisée sous l'autorité et le contrôle du juge d'instruction ; qu'il s'en déduit que le juge d'instruction doit expressément préciser, au sein de son autorisation, les modalités de pose dudit dispositif dans la mesure où il peut être mis en place physiquement ou via un réseau de communication électronique ; qu'au cas d'espèce, la juge d'instruction en charge de la présente information judiciaire a autorisé le recours à une mesure de captation de données informatiques en temps réel sur le téléphone utilisé par l'exposant sans toutefois préciser les modalités de pose de ce dispositif ; que la défense a constaté que le dispositif litigieux avait été installé via un réseau de communication électronique quand rien n'était dit, en procédure, sur les modalités de pose de sorte qu'il était impossible de contrôler la régularité de sa mise en place ; qu'en retenant, pour rejeter le moyen d'annulation tiré de ce chef, qu' « il résulte expressément de ces actes et procès-verbaux [l'ordonnance autorisant la mesure, la commission rogatoire technique et la réquisition faite au [2]] que le juge d'instruction a ordonné d'une part, dans la première partie de la commission rogatoire technique que le conseil omet de citer, la mise en place d'un dispositif technique de captation des données informatiques du téléphone utilisé par [L] [O], sans le consentement de l'intéressé, et d'autre part que le référence mentionnée à l'article 706-102-5 du code de procédure pénale ne pouvait dès lors que renvoyer à son alinéa 2 visant spécifiquement la « transmission » du dispositif de captation de données par « un réseau de communication électroniques », ce qui permet à la cour de s'assurer que le juge a bien autorisé ce procédé et que c'est sur son autorisation, sous son contrôle et son autorité que les enquêteurs ont procédé à l'installation du dispositif de captation de données informatiques » et que « le moyen pour lequel il n'est de surcroit démontré aucun grief sera en conséquence rejeté » quand ni la mention d'une mise en place « sans le consentement de l'intéressé », ni le visa de l'article 706-102-5 du code de procédure pénale ne permettaient d'identifier le mode de pose autorisé par le juge d'instruction de sorte que Monsieur [O] a bien justifié d'un grief tiré du fait qu'il était impossible de contrôler la régularité de l'installation du dispositif litigieux sur le téléphone que les enquêteurs lui avaient attribué, la chambre de l'instruction a dénaturé les termes de la commission rogatoire, a statué par des motifs inopérants et impropres à justifier sa décision et a violé les articles 706-102-1, 706-702-3, 706-702-5, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ d'autre part, que dans le cadre d'une information judiciaire, la mise en place de toute technique spéciale d'enquête doit être réalisée par un officier de police judiciaire commis à cette fin par le juge d'instruction ; qu'en conséquence, un officier de police ne peut requérir la mise en place ou la prolongation d'une opération de captation de données informatiques en temps réel sans y avoir été préalablement et expressément autorisé par le juge d'instruction ; qu'au cas d'espèce, par réquisition en date du 9 janvier 2023, les enquêteurs ont enjoint le directeur général de la sécurité intérieure de charger le [2] ([2]) de « prolonger la mise en place » du dispositif de captation de données informatiques en temps réel installé sur le téléphone utilisé par l'exposant, or ce n'est que le 11 janvier suivant que le juge d'instruction a délivré l'ordonnance et la commission rogatoire technique autorisant la poursuite de la mesure ; que les officiers de police judiciaire ont donc requis la prolongation du recours à ce dispositif en l'absence de toute autorisation expresse et préalable du juge d'instruction ; qu'en retenant, pour rejeter le moyen d'annulation tiré de chef, qu' « il est exact que par réquisition du 9 janvier 2023 (D5880), les enquêteurs sollicitaient le [2] de prolonger la mise en place du dispositif de captation de données informatiques sur le téléphone portant le n° IMEI [Numéro identifiant 1] de [L] [O], la mise en place initiale datant du 12 septembre 2022, et que par ordonnance postérieure du 11 janvier 2023, la juge d'instruction autorisait ladite prolongation et délivrait le même jour, une commission rogatoire en ce sens (D5779) » mais que « toutefois, alors même que la mesure courait depuis le 12 septembre 2022, qu'un refus du juge d'instruction de la prolonger aurait fait cesser ladite mesure au 12 janvier 2023, date d'échéance, et que le juge d'instruction a sollicité, par ordonnance de soit-communiqué, dès le 9 janvier 2023 (D5869) l'avis du procureur de la République sur cette prolongation, lequel répondait favorablement le 11 janvier 2023, aucun grief ne saurait résulter de cette « anticipation » de la prolongation qui n'a pris effet que postérieurement à l'ordonnance du juge d'instruction l'autorisant » quand, il ressortait de ses propres constatations que les enquêteurs avaient délivré une réquisition à fin de prolonger l'exploitation d'un dispositif de captation de données informatiques en dépit de toute autorisation du juge d'instruction, de sorte que cette réquisition était irrégulière - peu important que l'autorisation initiale n'expirait que le 12 janvier suivant puisque le juge d'instruction ne pouvait la ratifier ou la régulariser a posteriori - et que cette irrégularité a porté atteinte aux intérêts de l'exposant dans la mesure où le dispositif litigieux était installé dans le téléphone qui lui était attribué, la chambre de l'instruction n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et a statué par des motifs inopérants et impropres à justifier sa décision en violation des articles 706-95-12, 706-95-16, 706-95-17, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
3°/ enfin, que le principe de souveraineté des Etats interdit aux officiers de police judiciaire de réaliser, fût-ce sur autorisation d'un juge d'instruction français, des actes d'investigations en dehors du territoire national ; qu'il s'en déduit qu'en l'absence d'autorisation expresse des pays étrangers concernés, les enquêteurs ne peuvent continuer à exploiter un dispositif de captation de données informatiques sur un appareil qui ne se trouve plus sur le territoire français ; qu'au cas d'espèce, il ressort du dossier de la procédure que la captation des données informatiques émises par le téléphone utilisé par l'exposant n'a pas été interrompue lorsqu'il se trouvait à l'étranger et que les enquêteurs ont continué à l'exploiter ; que la défense faisait valoir qu'en l'absence d'autorisation expresse des pays concernés, les enquêteurs ne pouvaient continuer à exploiter ce dispositif ; qu'en retenant, pour rejeter le moyen d'annulation tiré de ce chef, que « s'il est recommandé de recueillir l'autorisation de l'État étranger même a posteriori, en cas de poursuite au-delà des frontières d'une géolocalisation déjà engagée sur le territoire national, aucun texte ni aucune jurisprudence concernant en propre la captation de données informatiques ne subordonne la validité de l'exploitation des données captées par un key logger lorsque le téléphone se trouve à l'étranger, à l'autorisation de l'Etat étranger, dès lors que la mesure n'a pas nécessité l'assistance technique du pays où se trouvait le boitier » et que « tel est bien le cas en l'espèce, s'agissant d'une mesure concernant une ligne de téléphonie française, dont la captation de données informatiques a été ordonnée par le magistrat instructeur français, et qui s'est déroulée sans interruption, y compris lorsque l'utilisateur de la ligne surveillée se trouvait en dehors du territoire national: Dès lors, aucune autorisation expresse n'était requise » quand les principes de territorialité et de souveraineté des Etats excluent que les enquêteurs français soient compétents pour accomplir le moindre acte d'enquête portant atteinte à la vie privée en dehors des frontières nationales, partant ils ne sauraient être compétents pour exploiter un dispositif de captation de données informatiques sur un support se trouvant en dehors du territoire national français sans l'autorisation expresse de l'Etat concerné, la chambre de l'instruction qui a omis de répondre au moyen dont elle était saisie, a statué par des motifs inopérants et impropres à justifier sa décision en violation des articles 18, 57-1, 100 à 100-5, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Sur le moyen, pris en sa première branche
5. Pour rejeter le moyen de nullité pris de l'absence de prescription expresse d'une autorisation de transmettre le dispositif technique par un réseau de communications électroniques, l'arrêt attaqué énonce que le juge d'instruction a autorisé, dans sa commission rogatoire technique, le recours à ce procédé en donnant mission au service commis de requérir une unité ou un organisme en vue de procéder à l'installation, l'entretien et le retrait du dispositif technique dans les formes prévues par les dispositions de l'article 706-102-5 du code de procédure pénale et qu'ainsi, il est établi que c'est sur autorisation du juge et sous son contrôle et son autorité que les enquêteurs ont procédé à l'installation du dispositif technique.
6. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application des textes visés au moyen.
7. En effet, la référence aux formes prévues par les dispositions de l'article 706-102-5 précité, lequel prévoit, en son alinéa 2, la faculté pour le juge d'autoriser le recours à un tel procédé, suffit à en inférer l'autorisation, dénuée d'équivoque, donnée en ce sens par le magistrat au service enquêteur.
8. Le grief doit, dès lors, être écarté.
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
9. Pour rejeter le moyen pris de l'envoi, au service technique national de captation judiciaire, par l'officier de police judiciaire, d'une réquisition de prolongation de la mesure de captation de données informatiques avant que le juge d'instruction n'ait pris une décision d'autorisation en ce sens ainsi qu'une commission rogatoire à cette fin, l'arrêt attaqué énonce qu'aucun grief ne saurait résulter d'une anticipation de la prolongation dès lors que celle-ci n'a pris effet que postérieurement à l'autorisation du juge d'instruction.
10. En l'état de ces énonciations, la chambre de l'instruction a justifié sa décision.
11. En effet, à supposer que la réquisition litigieuse ait été suivie d'une exécution avant l'autorisation de prolongation du juge d'instruction, cette irrégularité n'a pas fait grief à l'intéressé, dès lors que, en toute hypothèse, cette autorisation est intervenue avant l'expiration de la mesure initiale.
12. Le grief doit, dès lors, aussi être écarté.
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
13. Pour rejeter le moyen de nullité pris d'un manquement au principe de souveraineté des Etats à la suite de la captation de données informatiques dans divers Etats étrangers lors du déplacement du téléphone, objet de la mesure, l'arrêt attaqué énonce qu'aucun texte ou principe ne subordonne la régularité de l'exploitation des données informatiques obtenues lors d'une mesure de captation à l'autorisation des Etats tiers dans lesquels le téléphone a pu se trouver, à diverses périodes, dès lors que la mesure n'a pas nécessité l'assistance technique des pays concernés.
14. En l'état de ces seules énonciations, la chambre de l'instruction a justifié sa décision.
15. En effet, la captation des données informatiques, prévue à l'article 706-102-1 du code de procédure pénale qui autorise l'accès, en tous lieux, à celles-ci, s'est effectuée sans l'assistance technique des pays dans lesquels le téléphone, objet de la mesure, a été déplacé, par l'effet du dispositif technique consistant à transmettre les données vers le territoire national, le simple transit de celles-ci par le réseau d'un opérateur de l'Etat étranger ne caractérisant pas une atteinte à la souveraineté de cet Etat, de sorte qu'il n'y avait pas lieu de requérir l'autorisation de ce dernier.
16. Par ailleurs, la directive 2014/41/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014, concernant la décision d'enquête européenne en matière pénale, prévoit en son article 31, paragraphe 1, que, lorsque l'autorité compétente d'un Etat membre a autorisé, aux fins d'enquête, une interception de télécommunications et que l'adresse de communication de la cible de l'interception est utilisée sur le territoire d'un autre Etat membre dont l'assistance technique n'est pas nécessaire pour cette interception, l'Etat membre interceptant notifie cette interception à l'autorité compétente de l'Etat membre concerné.
17. Une mesure liée à l'infiltration d'appareils terminaux visant à extraire des données de communication, de trafic et de localisation, à partir d'un service de communication fondé sur l'internet, s'assimile, selon une interprétation autonome et uniforme propre au droit de l'Union, à une mesure d'interception de télécommunications au sens de l'article 31, paragraphe 1, de la directive précitée (CJUE, arrêt du 30 avril 2024, M. N., C-670/22, § 114).
18. En conséquence, il s'en déduit que la mesure de captation de données informatiques qui s'est exécutée sur le territoire de l'Espagne et de la République tchèque, pays de l'Union européenne, devait donner lieu à notification à ces pays.
19. Ainsi que la Cour de cassation, qui a le contrôle des pièces de la procédure, est en mesure de le constater, une telle notification a eu lieu par l'émission et la transmission à ces Etats, par le juge d'instruction, de deux décisions d'enquête européenne. Bien que non requises en l'absence d'assistance technique de ces Etats, elles ont néanmoins eu pour effet de porter à leur connaissance les captations de données réalisées sur leur territoire respectif, valu notification, et n'ont pas donné lieu à demande d'interdiction ou de restriction d'utilisation desdites données de la part de ces Etats.
20. Le moyen doit, dès lors, être écarté.
21. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.




Crim. 17 juin 2025 n° 24-81.355 B

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° A 24-81.355 F-B
N° 00823

SL2 17 JUIN 2025

REJET

M. BONNAL président,





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 17 JUIN 2025


La société [4] a formé un pourvoi contre l'ordonnance du premier président de la cour d'appel de Versailles, en date du 28 mars 2023, qui a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant le rapporteur général de l'Autorité de la concurrence à effectuer des opérations de visite et de saisie en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles.
Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits.
Sur le rapport de M. Seys, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [4], et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 mai 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Seys, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'ordonnance attaquée et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Par requête du 17 décembre 2021, le rapporteur général de l'Autorité de la concurrence a saisi, sur le fondement de l'article L. 450-4 du code de commerce, le juge des libertés et de la détention d'une demande d'autorisation de visite et saisie dans divers locaux de la société [4] en vue de la recherche de la preuve de pratiques prohibées par les articles 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et L. 420-2 du code de commerce dans le secteur des communications électroniques fixes.
3. Par ordonnance du 7 mars 2022, le juge des libertés et de la détention a autorisé les opérations sollicitées.
4. La société [4] a relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le second moyen
5. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a confirmé l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Nanterre et dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution à la société [4] des documents saisis sous format électronique ou papier dans ses locaux, alors :
« 1°/ que si l'administration est libre de sélectionner les éléments qu'elle souhaite produire au soutien de la requête qu'elle soumet au juge des libertés et de la détention en vue d'être autorisée à pratiquer des visites domiciliaires, elle n'en est pas moins tenue, par une obligation de loyauté, de s'abstenir de toute présentation insincère des faits de nature à tromper le magistrat sur l'objet de l'enquête et les pratiques alléguées ; qu'en l'espèce, la société [4] faisait valoir que la requête présentée par le rapporteur général de l'Autorité évoquait quatre pratiques entièrement distinctes les unes des autres, que ce soit en termes de temporalité, de clientèles, de territoires, de technologies ou de marchés concernés, et affirmait, de façon trompeuse, que ces pratiques avaient eu toute pour objet de restreindre l'accès aux services d'[4] à l'occasion du basculement de la boucle locale cuivre vers les réseaux [3] ; qu'[4] faisait valoir que cette présentation des faits était insincère puisque les pratiques alléguées n'entretenaient aucun lien avec ce processus, postérieur aux faits visés par la requête, ce que les services d'instruction ne pouvaient ignorer, et qu'elle avait permis à l'Autorité de créer l'illusion d'une multiplicité d'indices et de pratiques concourant à un même objectif anticoncurrentiel alors qu'aucun des indices dénoncés, pris ensemble ou isolément, ne concourait à une présomption de pratiques anticoncurrentielles lors de la bascule du cuivre vers le [3], ces indices étant totalement étrangers à cette bascule ; qu'[4] faisait valoir que ce rattachement artificiel opéré avec le basculement de la boucle locale cuivre vers les réseaux FFTH avait en outre pour effet d'étendre indument le champ des opérations à un processus ne faisant l'objet d'aucun soupçon de pratique anticoncurrentielle ; qu'en se bornant, pour rejeter ce moyen, à objecter que les pratiques soupçonnées étaient en lien avec un même secteur, à savoir celui des télécommunications électroniques, sans mieux s'expliquer sur les conclusions d'[4] faisant état d'une présentation déloyale des faits qui a conduit à l'extension artificielle et démesurée du champ des perquisitions, le premier président a violé l'article 593 du code de procédure pénale ;
2°/ de surcroît, que l'obligation de loyauté à laquelle l'administration est tenue lui impose de révéler au juge des libertés et de la détention les éléments à décharge dont elle a connaissance et qui sont de nature à modifier son appréciation ; qu'en particulier, lorsque les infractions de concurrence suspectées se rapportent à des pratiques soumises, dans l'intérêt même du bon fonctionnement de la concurrence, à la supervision d'une autorité administrative de régulation et qu'elles ont donné lieu, de la part de cette dernière, à des investigations, le rapporteur général de l'Autorité doit loyalement informer le juge des libertés et de la détention des conclusions que cette autorité de régulation sectorielle a retiré de son instruction ; qu'en l'espèce, [4] faisait valoir que le rapporteur général de l'Autorité, qui avait allégué dans sa requête que les pratiques suspectées étaient toutes en lien avec le basculement du cuivre vers le [3], s'était abstenu d'informer le juge des libertés et de la détention de ce que ce basculement faisait l'objet d'un plan soumis à une consultation publique dont la mise en oeuvre était supervisée par l'ARCEP et que l'Autorité de la concurrence s'était elle-même félicitée de la perspective de ce plan et des directives émises par le régulateur pour préserver une saine concurrence (conclusions, p.4 et s.) ; qu'[4] rappelait également que si la requête faisait état d'une saisine de la société [2] en lien avec le traitement des suites de la tempête « Irma » de 2017, le rapporteur général de l'Autorité n'avait opportunément annexé à sa requête qu'un seul des trois questionnaires qu'elle avait renseignés dans le cadre de la demande d'information et s'était abstenu de porter à la connaissance du juge ses réponses aux deux autres questionnaires, lesquelles démontraient le caractère opportuniste de la saisine, ainsi que les échanges entre [4] et le rapporteur en charge de l'instruction démontrant que le dossier faisait déjà l'objet d'une instruction de longue date (conclusions, p. 25 et s.) ; qu'[4] évoquait également que la requête faisait état d'une mise en demeure adressée à [4] par l'ARCEP en décembre 2018 concernant des pratiques reprochées à [4] reprises dans la plainte [2], le rapporteur général de l'Autorité s'était abstenu de révéler que les faits en question n'avaient aucun lien avec le [3], avaient donné lieu, après enquête de l'ARCEP, à trois décisions de non-lieu écartant tout grief de discrimination prononcées le 15 avril 2021 et que l'absence de discrimination avait été confirmée par le Conseil d'Etat dans un arrêt du 13 mars 2020 constatant que l'ARCEP n'avait nullement mise en cause une quelconque discrimination à la suite de son investigation ; que, s'agissant des pratiques relatives au raccordement des opérateurs tiers aux points de mutualisation d'[4], la société faisait valoir que le rapporteur général n'avait produit qu'un extrait de l'avis n°220-1146 de l'ARCEP du 15 décembre 2020 tout en occultant ses passages ayant conclu que ce sujet ne soulevait aucune problématique de concurrence et s'était abstenu d'informer le juge de l'existence d'un avis rendu le 27 mai 2021 par l'ARCEP à la demande de l'Autorité au sujet de l'accès aux points de mutualisation, lequel avait salué le travail d'[4] et mis en évidence la responsabilité d'opérateurs tiers (conclusions, p. 20 et s.) ; qu'[4] ajoutait que, sur les problèmes de livraison des liens NRO-PM, également dénoncés par [5]/[6], le rapporteur général de l'Autorité s'était abstenu d'informer le juge du fait que des lignes directrices avaient été fixées par l'ARCEP, ce dont l'Autorité s'était là encore félicitée, et avait dissimulé au juge les passages de l'avis du n° 220-1446 du 15 décembre 2020 révélant les résultats positifs de sa supervision et louant le travail accompli par [4] (conclusions, p.21 et s.) ; qu'[4] faisait encore valoir que le rapporteur général s'était abstenu de mentionner que l'accès au poteaux d'[4] avait également fait l'objet d'une supervision par l'ARCEP, que l'Autorité avait elle-même émis un avis favorable aux recommandations émises par le régulateur sur ce point, et que les difficultés d'accès ponctuelles rencontrées s'expliquaient par des difficultés d'approvisionnement confirmées par l'ARCEP et dont l'Autorité était informée ; que pour écarter ce moyen, le Premier Président s'est borné à affirmer « qu'il ne pouvait être retenu que les décisions de l'ARCEP du 15 avril 2021 et l'arrêt du Conseil d'Etat du 13 mars 2020 seraient de nature à écarter les indices des faits reprochés à [4] », qu'il était indifférent que l'ARCEP n'ait pas saisi l'Autorité d'une pratique anticoncurrentielle et que le rapporteur général de l'Autorité n'ait pas mentionné une décision du Conseil d'Etat évoquée par les conclusions d'[4], ni le rejet d'une plainte de l'[1], et que la critique fondée sur l'absence de mention de l'avis de l'ARCEP rendu le 27 mai 2021 à la demande de l'Autorité sur le sujet des points de mutualisation était inopérante dès lors l'Autorité pouvait en toute hypothèse enquêter sur des pratiques commises dans un secteur régulé ; qu'en se prononçant ainsi, sans mieux s'expliquer sur l'ensemble des éléments invoqués par [4] qui faisaient ressortir que le rapporteur général de l'Autorité s'était délibérément abstenu de révéler au juge des libertés et de la détention des éléments fondamentaux jouant à décharge dont ses services avaient nécessairement eu connaissance, le Premier Président a violé l'article 593 du code de procédure pénale ;
3°/ au surplus que la seule circonstance que l'Autorité de la concurrence ait le pouvoir d'enquêter sur des faits qui auraient été commis dans un secteur soumis à la régulation d'une autre autorité administrative n'exonère pas son rapporteur général de l'obligation de s'abstenir de toute présentation trompeuse ou déloyale des faits allégués à l'appui de la requête qu'il soumet au juge des libertés et de la détention sur le fondement de l'article L. 450-4 du code de commerce ; qu'en l'espèce, [4] faisait valoir que la requête soumise par le rapporteur général de l'Autorité au juge des libertés et de la détention faisait état des doléances de [5] / [6] sur le sujet de l'accès aux points de mutualisation mais s'abstenait de révéler que l'Autorité avait sollicité l'avis de l'ARCEP sur ce point et qu'à l'issue d'une enquête approfondie, cette dernière avait, dans un avis motivé du 27 mai 2021, mis en évidence la responsabilité de la société [5]/[6], partie saisissante, dans les difficultés d'accès alléguées et, par contraste, loué le travail d'[4] (ordonnance, p. 5, § 1) ; qu'en se bornant, pour repousser ce moyen, à relever que l'Autorité pouvait enquêter sur des pratiques commises dans un secteur régulé, le Premier Président s'est prononcé par un motif impropre à justifier la non-révélation, par le rapporteur général de l'Autorité, d'éléments à décharge, dont il avait connaissance, et qui étaient de nature à modifier l'appréciation du juge, et n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 450-4 du code de commerce ;
4°/ de même qu'en relevant (ordonnance, p.5, §1), pour écarter les conclusions d'[4] fondées sur la non-révélation de l'avis du 27 mai 2021, que les échanges intervenus sous l'égide de l'ARCEP et les groupes de travail mis en place sous son contrôle étaient évoqués dans une annexe à la requête, à savoir la plainte de [5]/[6], le Premier Président s'est également fondé sur un motif impropre à écarter la déloyauté invoquée par la société [4], dès lors que ces échanges ne disaient rien des conclusions exprimées par l'ARCEP à l'issue de ces groupes de travail, cependant qu'elles constituaient un élément à décharge, connu de l'Autorité, et de nature à modifier l'appréciation du juge ; qu'en se prononçant par un motif impropre à écarter le grief de déloyauté invoqué par [4], le premier président n'a derechef pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L.450-4 du code de commerce ;
5°/ enfin que la société [4] avait également fait valoir que l'Autorité n'avait annexé à sa requête qu'un seul des trois questionnaires qu'elle avait renseignés, en s'abstenant de communiquer ses réponses aux deux autres questionnaires, qui mettaient notamment l'accent sur le caractère opportuniste et infondées des saisines de ses concurrents ; qu'en se bornant à relever (ordonnance, p. 5, § 2) qu'à le supposer avéré, le caractère opportuniste d'une saisine ne disqualifie pas la pertinence d'une enquête qui en résulte et qui n'est pas à la discrétion des concurrents mais du Rapporteur Général, le Premier Président s'est prononcé par des motifs impropres à écarter la déloyauté alléguée, qui résultait de la dissimulation d'éléments à décharge, connus de l'auteur de la requête, et de nature à modifier l'appréciation du juge ; qu'en se prononçant par de tels motifs, le premier président délégué n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 450-4 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
7. Pour confirmer la décision du premier juge, l'ordonnance attaquée énonce que le grief pris de l'absence de lien entre les pratiques visées, les unes par rapport aux autres, ou, dans leur totalité, avec le basculement du réseau cuivre sur le réseau fibre procède d'une segmentation des différentes observations sur lesquelles repose l'ordonnance afin d'en déduire une incohérence dont elle est pourtant exempte.
8. Le premier président relève que l'ordonnance a défini le secteur concerné, à savoir celui des communications électroniques fixes.
9. Il observe que les agissements énumérés dans l'ordonnance du juge des libertés et de la détention sont des illustrations de la pratique prohibée présumée dans le secteur concerné qui ne sont pas le reflet d'un quelconque éparpillement des sujets traités dans cette décision mais illustrent au contraire le caractère commun audit secteur économique des présomptions de pratiques anticoncurrentielles.
10. Il retient que la seule circonstance que les pratiques susvisées ne revêtiraient aucun caractère secret ou dissimulé, à tel point qu'elles seraient connues de l'Autorité de la concurrence depuis des années, est sans effet.
11. Il ajoute que, s'agissant de la saisine de la société [2], il ne peut être retenu que les décisions de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) des 15 avril 2021 et l'arrêt du Conseil d'État du 13 mars 2020 seraient de nature à écarter les indices retenus, dès lors que les motifs de cet arrêt établissent que la discussion ne portait pas sur un problème de discrimination par la société [4] vis-à-vis de l'ensemble des opérateurs.
12. Évoquant la saisine de l'[1], il précise que, d'une part, il est indifférent que l'Arcep n'ait pas saisi l'Autorité de la concurrence d'une quelconque pratique dénoncée par l'opérateur concerné, d'autre part, deux plaintes ont été déposées par ce même organisme qui n'avaient pas le même objet.
13. Il expose que, pour ce qui concerne la société [5]/[6], d'une part, les annexes à la requête de la série n° 4 permettent de prendre connaissance de l'existence des groupes de travail évoqués par l'appelante, d'autre part, le suivi de la situation du secteur économique par l'Arcep, dans le domaine de compétence qui est le sien, n'empêche en rien l'Autorité de la concurrence d'enquêter sur d'éventuels agissements anticoncurrentiels, dont la connaissance relève de ses attributions.
14. Analysant le grief pris du caractère purement opportuniste de deux des trois saisines de l'Autorité de la concurrence par des concurrents, le premier président répond qu'à la supposer avérée, une telle circonstance ne disqualifie pas la pertinence de l'enquête qui en résulte et qui n'est pas à la discrétion des concurrents, mais du rapporteur général de l'autorité précitée.
15. En se déterminant ainsi, le premier président a, sans insuffisance, justifié sa décision pour les motifs qui suivent.
16. En premier lieu, c'est à bon droit que, pour vérifier la vraisemblance de l'existence des pratiques dont la preuve est recherchée, ce magistrat a examiné les éléments contenus dans la requête de l'Autorité de la concurrence en recourant à la méthode du faisceau d'indices qui repose précisément sur l'étude de cas variés, ayant trait, le cas échéant, à des marchés différents, dès lors qu'ils concernent tous le même secteur d'activité économique.
17. En deuxième lieu, la circonstance que ce secteur soit soumis au contrôle d'une autorité de régulation, qu'elle l'ait ou non exercé, est sans effet sur la compétence de l'Autorité de la concurrence, seule chargée, en application de l'article L. 461-1 du code de commerce, de veiller au libre jeu de la concurrence, et dont la mission ne recoupe pas celle de l'Arcep ni ne se confond, en tout ou partie, avec celle-ci.
18. En troisième lieu, il se déduit de ce qui précède que les conclusions de l'Arcep à l'issue de ses vérifications, quand bien même s'agirait-il de constater l'absence de tout manquement, sont sans effet sur la compétence de l'Autorité de la concurrence et ses choix de modes d'investigation, dont elle n'est pas tenue de rendre compte.
19. Enfin, l'absence d'annexion, à la requête, de deux des trois réponses faites par la société [4] à l'Autorité de la concurrence sur certaines dénonciations, qui établiraient le caractère opportuniste de ces dernières, est sans conséquence sur la régularité de l'ordonnance attaquée, dès lors qu'à ce stade de la procédure, le premier président est tenu d'examiner les faits qui lui sont soumis et excéderait son office en vérifiant le bien-fondé de telles plaintes.
20. Ainsi, le moyen doit être écarté.
21. Par ailleurs, l'ordonnance est régulière en la forme.




Crim. 12 juin 2025 n° 25-82.771

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° K 25-82.771 F-D
N° 00992

SL2 12 JUIN 2025

CASSATION

M. BONNAL président,






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 12 JUIN 2025


Mme [Y] [O] [F] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 8e section, en date du 26 mars 2025, qui, dans l'information suivie contre elle des chefs, notamment, d'importation de stupéfiants en bande organisée, direction d'un groupement ayant pour objet une activité illicite liée aux stupéfiants, blanchiment aggravé et association de malfaiteurs, a rejeté sa demande de mise en liberté.
Un mémoire personnel a été produit.
Sur le rapport de M. Michon, conseiller référendaire, et les conclusions de Mme Viriot-Barrial, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 juin 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Michon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Mme [Y] [O] [F] a été mise en examen des chefs rappelés ci-dessus et placée en détention provisoire le 25 juin 2022.
3. Un avis de fin d'information et une ordonnance de soit-communiqué aux fins de règlement ont été rendus le 9 octobre 2024.
4. Le 10 mars 2025, Mme [O] [F] a formé, en application de l'article 148-4 du code de procédure pénale, une demande de mise en liberté auprès de la chambre de l'instruction.
Examen des moyens
Sur le second moyen
5. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen est pris de la violation des articles 5, § 3, de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 144, 144-1, 591 et 593 du code de procédure pénale.
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de mise en liberté de Mme [O] [F], sans répondre au moyen tiré de la durée excessive de la détention provisoire.
Réponse de la Cour
Vu les articles 5, § 3, de la Convention européenne des droits de l'homme et 593 du code de procédure pénale :
8. Selon le premier de ces textes, la détention provisoire ne peut excéder une durée raisonnable au regard de la gravité des faits reprochés à la personne mise en examen et de la complexité des investigations nécessaires à la manifestation de la vérité.
9. En vertu du second, tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
10. Pour rejeter la demande de mise en liberté, l'arrêt attaqué énonce qu'il existe des indices graves ou concordants de la participation de Mme [O] [F] aux infractions pour lesquelles elle est mise en examen, notamment des investigations menées en matière de téléphonie et des éléments saisis à son domicile.
11. Les juges ajoutent que la détention provisoire est nécessaire compte tenu du risque de réitération de l'infraction, la demanderesse ayant déjà été condamnée à sept ans et six mois d'emprisonnement pour des faits de même nature, ainsi que de la nécessité de garantir son maintien à disposition de la justice, Mme [O] [F] ayant la double nationalité espagnole et colombienne et se rendant fréquemment en Colombie.
12. En se déterminant ainsi, sans répondre aux développements contenus dans la demande de mise en liberté qui critiquaient la durée déraisonnable de la détention provisoire de Mme [O] [F], la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision.
13. La cassation est par conséquent encourue.




Crim. 12 juin 2025 n° 25-82.480

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° U 25-82.480 F-D
N° 00991

SL2 12 JUIN 2025

CASSATION SANS RENVOI

M. BONNAL président,






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 12 JUIN 2025


M. [K] [P] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nîmes, en date du 20 mars 2025, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs, notamment, d'arrestation, enlèvement, séquestration, ou détention arbitraire en bande organisée, torture ou acte de barbarie avec arme, en récidive, association de malfaiteurs, a rejeté sa demande de mise en liberté.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Michon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [K] [P], et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 12 juin 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Michon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. [K] [P] a été mis en examen des chefs rappelés ci-dessus et placé en détention provisoire le 14 septembre 2024.
3. Le 27 février 2025, il a déposé une demande de mise en liberté qui a été enregistrée le même jour au greffe de la chambre de l'instruction.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de mise en liberté de M. [P], alors « que la chambre de l'instruction saisie d'une demande de mise en liberté est tenue de statuer dans les vingt jours de la transcription au greffe de ladite demande faute de quoi la personne est mise d'office en liberté sauf si des vérifications concernant sa demande ont été ordonnées ; qu'en rendant sa décision le 20 mars 2025 soit vingt-et-un jours après la transcription à son greffe le 27 février 2025 de la demande de remise en liberté, là où aucune vérification concernant cette demande n'a été ordonnée, la chambre de l'instruction a statué hors délai et a violé les dispositions de l'article 148-2 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 148-2 et 148-4 du code de procédure pénale :
5. Il résulte du premier de ces textes que lorsqu'une chambre de l'instruction est appelée à statuer, en application du second, sur une demande de mise en liberté, elle doit se prononcer à compter de la réception de celle-ci, dans le délai que fixe le deuxième alinéa dudit article 148-2, à savoir dans les vingt jours de l'enregistrement de la demande au greffe, faute de quoi le demandeur est remis d'office en liberté, sauf si des circonstances imprévisibles et insurmontables, extérieures au service de la justice, mettent obstacle au jugement de l'affaire dans le délai prévu.
6. En statuant le 20 mars 2025 sur une demande de mise en liberté enregistrée le 27 février précédent, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.
7. La cassation est par conséquent encourue.


Portée et conséquences de la cassation
8. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.
9. M. [P] doit être remis en liberté, sauf s'il est détenu pour autre cause.
10. Cependant, les dispositions de l'article 803-7, alinéa 1, du code de procédure pénale permettent à la Cour de cassation de placer sous contrôle judiciaire la personne dont la détention provisoire est irrégulière en raison de la méconnaissances des formalités prévues par ce même code, dès lors qu'elle trouve dans les pièces de la procédure des éléments d'information pertinents et que la mesure apparaît indispensable pour assurer l'un des objectifs énumérés à l'article 144 du même code.
11. En l'espèce, il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable que M. [P] ait pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont le juge d'instruction est saisi.
12. La mesure de contrôle judiciaire est indispensable afin de :
- empêcher une concertation frauduleuse entre la personne mise en examen et ses coauteurs ou complices, en ce que toutes les personnes concernées par l'enquête n'ont pu être interpellées à ce stade ;
- mettre fin à l'infraction ou prévenir son renouvellement, en ce que M. [P] a déjà été condamné à cinq reprises, notamment pour meurtre ;
- empêcher les pressions sur les témoins et les victimes, en ce que le mode opératoire mis en oeuvre (actes de torture et séquestration) par une équipe qui n'a pas été entièrement appréhendée rend plausible la commission d'actes d'intimidation sur la victime et les témoins ;
- assurer la représentation en justice de l'intéressé, en ce que ce dernier est de nationalité algérienne et a été interpellé en Allemagne en exécution d'un mandat d'arrêt européen.
13. Afin d'assurer ces objectifs, M. [P] sera astreint à se soumettre aux obligations précisées au dispositif.
14. Le magistrat chargé de l'information est compétent pour l'application des articles 139 et suivants et 141-2 et suivants du code de procédure pénale.




Crim. 12 juin 2025 n° 24-86.710

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° D 24-81.887 F-D W 24-86.710 N° 00804

RB5 12 JUIN 2025

CASSATION NON-ADMISSION
M. BONNAL président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 12 JUIN 2025


M. [V] [C] a formé des pourvois :
- contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-12, en date du 11 mars 2024, qui, pour abus de biens sociaux, l'a condamné à 10 000 euros d'amende avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils (pourvoi n° 24-81.887) ;
- contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre 2-12, en date du 10 septembre 2024, qui a prononcé sur une requête en rectification d'erreur matérielle (pourvoi n° 24-86.710).
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits.
Sur le rapport de Mme Piazza, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. [V] [C], les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'association [2] et la société [3], et les conclusions de M. Fusina, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 mai 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Piazza, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte des arrêts attaqués et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [V] [C], expert-comptable, a cédé le 26 septembre 2016 au prix de 2 072 726 euros l'intégralité des actions de la société [3], cabinet d'expertise comptable, détentrice de l'intégralité des actions de la société [4], cabinet d'expertise comptable, à l'association de gestion et de comptabilité [2], qui, le 1er octobre 2016, a nommé M. [L] [G] président des sociétés [3] et [4] à sa place.
3. Les 29 décembre 2017 et 30 janvier 2018, M. [G], ayant fait le constat d'écritures comptables suspectes des sociétés, passées en 2015 et 2016, a porté plainte et s'est constitué partie civile contre M. [C] notamment pour abus de biens sociaux, faux et usage.
4. Mis en examen le 7 février 2019 pour abus de biens sociaux et abus de confiance, M. [C] a été renvoyé devant le tribunal correctionnel du premier de ces chefs par ordonnance du juge d'instruction en date du 21 juillet 2020.
5. Par jugement en date du 21 juin 2022, le tribunal correctionnel a relaxé M. [C] de l'un des trois faits d'abus de confiance dont il était poursuivi, l'a déclaré coupable du surplus, l'a condamné à 20 000 euros d'amende, un an d'interdiction de gérer et, sur l'action civile, l'a notamment condamné à payer à la société [3] les sommes de 126 000 euros, 39 804 euros et 20 000 euros.
6. M. [C], le procureur de la République ainsi que la société [3] et l'association [2] ont relevé appel du jugement.
Examen des moyens
Sur les moyens du pourvoi formé contre l'arrêt du 10 septembre 2024 et le premier moyen du pourvoi formé contre l'arrêt du 11 mars 2024
7. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission des pourvois au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
8. Le moyen est pris de la violation des articles L. 242-6, L. 244-1 du code de commerce et 593 du code de procédure pénale.
9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [C] coupable d'abus de biens sociaux, puis prononcé une peine en répression et statué sur les intérêts civils, alors : « 1°/ que premièrement, le fait pour un dirigeant de faire, de mauvaise foi, des biens ou du crédit de la société, un usage qu'il sait contraire à l'intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle il est intéressé directement ou indirectement, constitue un abus de biens sociaux ; qu'en retenant le prévenu dans les liens de la culpabilité, pour avoir mis à la charge de la société [3] le payement d'un loyer correspondant à des locaux, en opposant que le besoin, s'il se présentait chaque année, ne durait que six mois de celle-ci, ce qui suffisait pourtant à caractériser un besoin permanent, quoique cyclique, les juges du fond ont violé les articles L. 242-6 et L. 244-1 du code de commerce ;
2°/ que deuxièmement, le fait pour un dirigeant de faire, de mauvaise foi, des biens ou du crédit de la société, un usage qu'il sait contraire à l'intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle il est intéressé directement ou indirectement, constitue un abus de biens sociaux ; qu'en retenant que la prise à bail de locaux nécessaires pour six mois de l'année constituait une charge excessive pour la société [3], sans mieux s'expliquer sur la possibilité de conclure, pour un besoin se présentant systématiquement chaque année, un contrat intermittent, seule à même de rendre la charge excessive, les juges du fond ont affecté leur décision d'un manque de base légale au regard des articles L. 242-6 et L. 244-1 du code de commerce ;
3°/ que troisièmement, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; l'insuffisance ou la contradiction de motifs équivaut à leur absence ; que faute d'avoir recherché, ainsi que cela leur était pourtant demandé (conclusions de M. [C], premier président. 7 ultime alinéa et p. 8 alinéa 1) si la résiliation du bail antérieurement détenu [Adresse 1], suivie de la souscription simultanée de baux [Adresse 6] et [Adresse 7] n'avait pas pour objet de réaliser une économie, ce qui privait les faits de leur caractère délictueux, les juges du fond ont violé l'article 593 du code de procédure pénale ;
4°/ que quatrièmement, le fait pour un dirigeant de faire, de mauvaise foi, des biens ou du crédit de la société, un usage qu'il sait contraire à l'intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle il est intéressé directement ou indirectement, constitue un abus de biens sociaux ; que faute d'avoir caractérisé l'élément intentionnel à la charge de M [C], quand celui-ci le contestait dans ses conclusions (conclusions de M. [C], p. 12), les juges du fond ont affecté leur décision d'un manque de base légale au regard des articles L. 242-6 et L. 244-1 du code de commerce ;
5°/ que cinquièmement, le fait pour un dirigeant de faire, de mauvaise foi, des biens ou du crédit de la société, un usage qu'il sait contraire à l'intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle il est intéressé directement ou indirectement, constitue un abus de biens sociaux ; qu'en énonçant que le délit d'abus de biens sociaux avait porté sur les sommes de 36 500 euros en 2015 et 36 000 euros en 2016 (arrêt, p. 17 alinéa 3) après avoir constaté que la société [3] avait payé 72 000 euros de loyer en 2015 et 54 000 euros en 2016, dont la moitié au-moins ne procédait pas d'un abus de biens sociaux (arrêt, p. 17 alinéa 2), les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles L. 242-6 et L. 244-1 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 593 du code de procédure pénale :
10. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
11. Pour déclarer le prévenu coupable du délit d'abus de biens sociaux, l'arrêt attaqué énonce que M. [C] a affirmé avoir mis à disposition de la société [3] son appartement sis [Adresse 7] à Paris, qu'il n'occupait pas ou peu, son épouse résidant en Normandie et ses enfants ayant quitté le foyer familial, tandis que la société venait d'emménager dans de nouveaux locaux [Adresse 6] d'une surface diminuée de 150 m² par rapport à son ancienne adresse.
12. Les juges observent que le bail signé le 1er janvier 2014 entre la société [5], propriétaire du logement, et la société [3], toutes deux représentées par M. [C], n'est pas mentionné dans la promesse de cession et d'acquisition d'actions passée le 7 juillet 2016 avec l'association [2], qui ne fait référence qu'au bail de la [Adresse 6].
13. Ils relèvent que, nonobstant le silence du bail sur la superficie et la description des pièces louées, le prévenu a indiqué avoir mis à disposition de la société l'entrée, la salle à manger et le salon pour y recevoir des clients ou tenir des réunions, ainsi que deux chambres pour M. [X] [F], son collaborateur, ce que celui-ci a confirmé, et que la compagnie des commissaires aux comptes a évalué la charge de travail de M. [F] à vingt-huit jours pour l'année 2015 et à onze jours pour l'année 2016.
14. Ils précisent que rien ne vient contredire les affirmations du prévenu quant à la réalité d'une activité professionnelle de la société [3] dans cet appartement, mais que la location ne pouvait se justifier hors de la période d'activité intense, qui se situe, pour un cabinet d'expertise comptable, au moment de la clôture et de la certification des comptes et de la tenue des assemblées générales, soit six mois dans l'année au plus, entre janvier et juin.
15. Ils ajoutent qu'au delà des griefs de forme tenant à l'absence de procès-verbal d'assemblée générale autorisant la prise à bail de l'appartement, l'interdiction de toute activité professionnelle par le règlement de copropriété de l'immeuble, l'absence d'enregistrement du bail et de compte fournisseur de la société [5], propriétaire de l'appartement, dans la comptabilité de la société [3], et malgré le versement des loyers sur le compte courant du prévenu, il n'est pas démontré que celui-ci ait été débiteur avant sa rectification par le nouveau dirigeant de la société et que le loyer mensuel soit excessif au regard des prix pratiqués dans le quartier.
16. Ils retiennent que le prévenu a fait supporter à la société une charge locative excessive au regard des besoins de son activité en ce qu'elle ne concerne que six mois de l'année, soit la période postérieure à celle courant des mois de janvier à juin des deux années 2015 et 2016 et constatent que la société [3] a payé 72 000 euros de loyers en 2015 et 54 000 euros en 2016.
17. Ils en déduisent que le délit est constitué de la seule charge locative excessive que la société [3] a assumée par rapport à ses besoins qui ne portaient que sur la moitié de l'année, et qu'il doit être retenu à hauteur de 36 500 euros pour l'année 2015 et de 36 000 euros pour l'année 2016, soit la somme de 72 500 euros au total.
18. En se déterminant ainsi, par des motifs insuffisants à établir le caractère contraire à l'intérêt social de cet excès de charge locative ainsi que le montant de celui-ci, et sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si cette location avait permis à la société de minorer ses charges locatives, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.
19. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.




Crim. 11 juin 2025 n° 25-90.009

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° C 25-90.009 F-D
N° 00966



11 JUIN 2025
ECF




QPC PRINCIPALE : NON LIEU À RENVOI AU CC











M. BONNAL président,




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 11 JUIN 2025

La cour d'appel de Poitiers, chambre correctionnelle, par arrêt en date du 25 mars 2025, reçu le 31 mars 2025 à la Cour de cassation, a transmis une question prioritaire de constitutionnalité dans la procédure suivie contre M. [P] [V] notamment du chef de dégradation ou déterioration du bien d'autrui par un moyen dangereux ayant entraîné la mort.
Sur le rapport de M. Joly, conseiller référendaire, et les conclusions de M. Desportes, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 11 juin 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Joly, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Pinna, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« L'article 10 alinéa 4 du code de procédure pénale méconnaît-il les droits et libertés constitutionnellement garantis et plus particulièrement le principe de la présomption d'innocence, protégé par l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et le principe du contradictoire, dont la valeur constitutionnelle a été reconnue par le Conseil constitutionnel, en ce qu'il permet à la juridiction pénale de mettre en oeuvre la responsabilité civile délictuelle pour faute d'une personne qui n'a pas été jugée coupable des faits ayant causé le dommage, et en ce qu'il ne prévoit pas la citation de la personne mise en cause à comparaître à l'audience publique se tenant devant la juridiction de jugement pour statuer sur l'action civile ? ».
2. La disposition législative contestée est applicable à la procédure et n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.
3. La question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.
4. La question posée ne présente pas un caractère sérieux, pour les motifs qui suivent.
5. En premier lieu, les dispositions contestées permettent au juge répressif, d'office ou à la demande des parties, de tenir une audience publique pour statuer uniquement sur l'action civile, lorsque l'état mental ou physique d'une personne citée ou renvoyée devant une juridiction de jugement, constaté par une expertise, rend durablement impossible sa comparution personnelle dans des conditions lui permettant d'exercer sa défense et que la prescription de l'action publique se trouve ainsi suspendue.
6. Ces dispositions ont pour objet de garantir à la victime d'une infraction la possibilité de demander la réparation de son préjudice, lorsqu'une personne poursuivie devant une juridiction de jugement pour cette infraction est durablement empêchée d'y comparaître.
7. Le juge répressif, qui se prononce après un débat contradictoire au cours duquel la personne poursuivie est obligatoirement représentée par un avocat, ne peut alors statuer que sur la demande formée au titre de l'action civile, sans déclarer celle-ci coupable des faits ni prononcer une peine. Sa décision n'a pas autorité de la chose jugée sur celle susceptible d'être ultérieurement rendue dans l'instance pénale.
8. En second lieu, l'article 10, alinéa 4, du code de procédure pénale ne déroge pas aux dispositions du même code selon lesquelles les parties comparaissent ou sont citées à comparaître devant la juridiction de jugement.
9. En conséquence, les dispositions contestées ne portent atteinte ni au principe du contradictoire, ni à la présomption d'innocence.
10. Il n'y a pas lieu en conséquence de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.




Crim. 11 juin 2025 n° 24-86.211

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° D 24-86.211 F-D
N° 00779

SB4 11 JUIN 2025

CASSATION

M. BONNAL président,













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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 11 JUIN 2025


L'officier du ministère public près le tribunal de police de Nantes a formé un pourvoi contre le jugement dudit tribunal, en date du 16 septembre 2024, qui, dans la procédure suivie contre M. [O] [B] du chef de contravention au code de la route, a constaté l'extinction de l'action publique.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Charmoillaux, conseiller référendaire, et les conclusions de Mme Gulphe-Berbain, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 mai 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Charmoillaux, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [O] [B] a été cité devant le tribunal de police en qualité de pécuniairement redevable de l'amende encourue pour la contravention d'excès de vitesse mettant en cause un véhicule immatriculé à son nom.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. Le moyen critique le jugement attaqué en ce qu'il a constaté l'extinction de l'action publique en raison de la prescription, alors qu'en retenant qu'aucun acte interruptif n'était intervenu entre les réquisitions du ministère public en date du 4 avril 2023 et le mandement de citation du 15 mai 2024, quand une ordonnance pénale avait été rendue le 24 janvier 2024, le tribunal a méconnu les articles 9, 9-2 et 593 du code de procédure pénale.
Réponse de la Cour
Vu les articles 9 et 9-2 du code de procédure pénale :
4. Aux termes du premier de ces textes, l'action publique des contraventions se prescrit par une année révolue à compter du jour où l'infraction a été commise.
5. Selon le second, le délai de prescription de l'action publique est interrompu, notamment, par tout jugement ou arrêt, même non définitif, s'il n'est pas entaché de nullité.
6. Pour dire l'action publique éteinte par l'effet de la prescription, le jugement attaqué énonce qu'aucun acte interruptif de prescription n'est intervenu entre les réquisitions du ministère public du 4 avril 2023 et le mandement de citation du 15 mai 2024.
7. En statuant ainsi, alors qu'il résulte des pièces de procédure que son président a rendu le 24 janvier 2024, en application de l'article 525, alinéa 3, du code de procédure pénale, une ordonnance pénale renvoyant le dossier au ministère public aux fins de poursuite dans les formes de la procédure ordinaire, le tribunal a méconnu les textes et principes ci-dessus rappelés.
8. La cassation est par conséquent encourue.




Crim. 11 juin 2025 n° 24-86.313 B

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° Q 24-86.313 F-B
N° 00773

SB4 11 JUIN 2025

REJET

M. BONNAL président,












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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 11 JUIN 2025


M. [V] [E] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-9, en date du 26 septembre 2024, qui, pour exercice illégal de la profession de médecin et tromperie aggravée, l'a condamné à un an d'emprisonnement avec sursis, 15 000 euros d'amende et une interdiction professionnelle définitive, a ordonné la publication de la décision, et a prononcé sur les intérêts civils.
Un mémoire personnel et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Charmoillaux, conseiller référendaire, et les conclusions de Mme Gulphe-Berbain, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 mai 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Charmoillaux, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [V] [E], radié du tableau de l'ordre des médecins depuis le 1er mars 2018, a poursuivi après cette date une activité dans le cadre de laquelle il se présentait notamment comme « naturopathe ».
3. Il a été poursuivi des chefs d'exercice illégal de la profession de médecin et tromperie sur une prestation de service entraînant un danger pour la santé de l'homme et de l'animal.
4. Le tribunal correctionnel l'a déclaré coupable de ces chefs, l'a condamné à diverses peines, et a prononcé sur les intérêts civils.
5. M. [E] et le ministère public ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, le deuxième moyen, pris en ses première et deuxième branches, les troisième, quatrième et cinquième moyens
6. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a écarté le moyen de nullité de la perquisition réalisée au cabinet du prévenu, alors :
3°/ qu'en jugeant régulière la présence d'un représentant du conseil de l'ordre lors de la perquisition, sans répondre au prévenu qui faisait valoir qu'en raison de sa radiation définitive du tableau de l'ordre des médecins, il ne relevait plus du régime légal, réglementaire et disciplinaire applicable à cette profession, de sorte que la présence d'un tiers représentant l'un des plaignants portait atteinte aux principes d'impartialité, de neutralité et de secret de l'enquête, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 11, 56-3 du code de procédure pénale et R. 4127-4 du code de la santé publique.
Réponse de la Cour
8. Pour écarter le moyen de nullité de la perquisition des locaux professionnels du prévenu, l'arrêt attaqué énonce que la présence d'un membre du conseil départemental de l'ordre des médecins, imposée par l'article 56-3 du code de procédure pénale, est justifiée tant par la nature des faits reprochés que par l'ancienne qualité de médecin du prévenu.
9. Les juges retiennent que la présence de ce représentant permet de garantir le respect du secret médical des patients ou anciens patients de M. [E].
10. Ils ajoutent que l'intéressé ne démontre l'existence d'aucun grief.
11. C'est à tort que la cour d'appel a, d'une part, retenu que la présence d'un représentant du conseil départemental de l'ordre des médecin était imposée par l'article 56-3 du code de procédure pénale, alors que ce texte ne s'appliquait plus à M. [E], radié du tableau de l'ordre des médecins, d'autre part, fondé sa décision sur l'inexistence d'un grief alors que la présence, lors d'une perquisition, d'un tiers étranger à la procédure est de nature à constituer une violation du secret de l'enquête portant nécessairement atteinte aux intérêts de la personne concernée.
12. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure, dès lors que les juges se sont déterminés par des motifs dont il résulte que la présence d'un représentant du conseil départemental de l'ordre des médecins, requise par le magistrat du ministère public, était au nombre des mesures prises en application de l'article 56, alinéa 3, du code de procédure pénale pour que soit assuré le respect du secret professionnel.
13. Ainsi, le moyen doit être écarté.
14. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.




Crim. 11 juin 2025 n° 24-82.443

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° G 24-82.443 F-D
N° 00778

SB4 11 JUIN 2025

CASSATION

M. BONNAL président,







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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 11 JUIN 2025


M. [O] [V] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 6e section, en date du 26 mars 2024, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs, notamment, d'infractions à la législation sur les stupéfiants et refus d'obtempérer, a confirmé la décision de destruction d'objet saisi rendue par le procureur de la République.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Chafaï, conseiller référendaire, les observations de Me Laurent Goldman, avocat de M. [O] [V], et les conclusions de Mme Gulphe-Berbain, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 mai 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Chafaï, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Au cours d'une enquête de flagrance diligentée à l'encontre de M. [O] [V], différents objets ont été saisis et placés sous scellés.
3. A l'issue de l'enquête, M. [V] a été poursuivi devant le tribunal correctionnel des chefs susvisés.
4. Avant de faire déférer l'intéressé, le procureur de la République a ordonné la destruction de treize des scellés.
5. M. [V] a formé un recours contre cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté le recours de M. [V] portant sur les scellés quatre, six, sept, neuf, dix, onze, douze, treize et « perquise liquide quatre », alors :
« 1°/ qu'en s'abstenant de motiver sa décision s'agissant des scellés perquise stup et fouille liquide, dont la destruction avait été ordonnée par le procureur de la République et qui faisaient également l'objet du recours de M. [V], la chambre de l'instruction a méconnu l'article 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que le procureur de la République peut ordonner la destruction des biens meubles saisis s'il s'agit d'objets qualifiés par la loi de dangereux ou nuisibles, ou dont la détention est illicite ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que les scellés sept, neuf, dix, onze, douze, treize et liquide quatre ne contenait aucun objet dont la détention était illicite, de sorte qu'en retenant, pour rejeter le recours de M. [V] contre la décision du procureur de la République de destruction de ces scellés, que la détention des objets litigieux était illicite, la chambre de l'instruction a méconnu l'article 41-5 du code de procédure pénale ;
3°/ que le procureur de la République peut ordonner la destruction des biens meubles saisis dont la conservation n'est plus nécessaire à la manifestation de la vérité ; qu'en s'abstenant de rechercher en quoi les scellés quatre, six, sept, neuf, dix, onze, douze, treize et perquise liquide quatre, dont la destruction avait été ordonnée, ne seraient plus nécessaires à la manifestation de la vérité, la chambre de l'instruction n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 41-5 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Sur le moyen, pris en sa première branche
Vu l'article 593 du code de procédure pénale :
7. Tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux demandes des parties des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
8. En ne statuant pas sur deux des scellés concernés par le recours, désignés sous les termes « perquise stup » et « fouille liquide », la chambre de l'instruction a omis de prononcer sur une demande dont elle était saisie.
9. La cassation est par conséquent encourue.
Et sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
Vu les articles 41-5, alinéa 4, et 593 du code de procédure pénale :
10. Aux termes du premier de ces textes, au cours de l'enquête ou lorsqu'aucune juridiction n'a été saisie ou que la juridiction saisie a épuisé sa compétence sans avoir statué sur le sort des scellés, le procureur de la République peut ordonner la destruction des biens meubles saisis dont la conservation n'est plus nécessaire à la manifestation de la vérité, s'il s'agit d'objets qualifiés par la loi de dangereux ou nuisibles, ou dont la détention est illicite.
11. Tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
12. Pour infirmer la décision prise par le procureur de la République concernant deux des scellés et la confirmer s'agissant de neuf autres scellés, l'arrêt attaqué énonce que cette décision de destruction porte sur des biens meubles dont la détention est illicite.
13. Les juges ajoutent que les scellés dont la décision de destruction est infirmée, soit « perquise liquide deux » et « perquise liquide trois », portant sur deux fioles contenant chacune 5 millilitres de liquide aux fins d'expertise et d'éventuelle contre-analyse sont de toute évidence, et alors que le jugement a été frappé d'appel, utiles à la manifestation de la vérité.
14. En se déterminant ainsi, sans répondre à l'articulation essentielle du mémoire dont elle était saisie, selon laquelle les neuf scellés dont elle a confirmé la décision de destruction présentaient encore une utilité pour la manifestation de la vérité, dès lors que demandeur contestait en être le propriétaire et souhaitait solliciter la réalisation d'analyses génétiques sur plusieurs d'entre eux, la chambre de l'instruction a insuffisamment justifié sa décision.
15. De surcroît, elle n'a pas expliqué en quoi la détention des biens saisis placés sous scellés sept, neuf, dix, onze, douze, treize et « perquise liquide quatre » était illicite.
16. La cassation est par conséquent de nouveau encourue.
Portée et conséquences de la cassation
17. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions ayant rejeté le recours concernant les scellés quatre, six, sept, neuf, dix, onze, douze, treize et « perquise liquide quatre ». Les autres dispositions seront donc maintenues.




Crim. 11 juin 2025 n° 23-87.258

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° W 23-87.258 F-D
N° 00776

SB4 11 JUIN 2025

CASSATION

M. BONNAL président,







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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 11 JUIN 2025


Le procureur général près la cour d'appel de Metz a formé un pourvoi contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre correctionnelle, en date du 16 novembre 2023, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 22 novembre 2022, pourvoi n° 21-84.575), a relaxé M. [I] [H] du chef d'homicide involontaire et prononcé sur les intérêts civils.
Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Sottet, conseiller, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de M. [I] [H], et les conclusions de Mme Gulphe-Berbain, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 mai 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Sottet, conseiller rapporteur, M. Coirre, conseiller de la chambre, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le 30 avril 2012, M. [I] [H], chef de garde d'un groupement de sapeurs-pompiers, a dirigé une opération de reconnaissance sur un site classé Seveso 2, en raison du déclenchement de l'alarme incendie dans un local où étaient entreposés des produits dangereux et inflammables.
3. Trois sapeurs-pompiers, parmi lesquels [G] [E], ont pénétré dans le bâtiment, dans lequel s'était répandue automatiquement une mousse destinée à étouffer tout départ de feu.
4. A l'issue de l'opération, [G] [E] n'est pas ressortie du local où elle a été ultérieurement retrouvée inanimée. Transportée à l'hôpital, elle y est décédée.
5. M. [H] a été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour avoir involontairement causé la mort de [G] [E], en attachant le système de liaison personnelle de celle-ci au mousqueton du sac contenant la ligne de vie et non au ceinturon du pompier qui la précédait.
6. Les juges du premier degré l'ont déclaré coupable et ont prononcé sur les intérêts civils.
7. Le prévenu, le ministère public et les parties civiles ont relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
8. Le moyen, pris de la violation des articles 121-3, alinéa 4, du code pénal et 593 du code de procédure pénale, critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a relaxé le prévenu par des motifs insuffisants et contradictoires, en énonçant que M. [H] n'a pas eu conscience que son erreur d'accrochage de [G] [E] à la ligne de vie, à l'origine d'une perte de chance pour la victime de sortir avec ses deux coéquipiers d'un environnement hostile, exposait celle-ci au risque d'hypoxie qui a causé son décès, et en concluant que ne peut être retenue à son encontre qu'une faute simple et non une faute caractérisée.

Réponse de la Cour
Vu l'article 121-3, alinéa 4, du code pénal :
9. Selon ce texte, en cas de délit non-intentionnel, les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, sont responsables pénalement s'il est établi qu'elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer.
10. Pour relaxer le prévenu, l'arrêt attaqué énonce que ce dernier a commis une erreur involontaire d'accrochage, à l'origine de la rupture de la liaison physique entre [G] [E] et les deux autres pompiers, et de la désorientation de la victime dans un bâtiment rempli de mousse et encombré de matériels.
11. Les juges ajoutent que M. [H] ne pouvait ignorer ce risque, du fait de son expérience et de ses compétences professionnelles.
12. Ils constatent toutefois que les examens médicaux établissent que le décès de [G] [E] est imputable à un arrêt cardio-respiratoire probablement d'origine hypoxique, soit une privation d'air, alors que les sapeurs-pompiers ont été confrontés à une mousse dense, à l'origine de défauts d'étanchéité de leur masque occasionnant des fuites d'oxygène vers l'extérieur ainsi qu'une surconsommation en air, et donc un stress accru, diminuant d'autant le temps pour effectuer la mission.
13. Ils en déduisent, d'une part, qu'il ne peut être démontré que, par son erreur d'accrochage, M. [H] a eu conscience d'exposer [G] [E] au risque d'hypoxie à l'origine de son décès, d'autre part, que cette erreur est uniquement à l'origine d'une perte de chance pour la défunte de sortir, comme l'ont fait ses deux co-équipiers, du milieu hostile où se déroulait la mission.
14. Ils concluent qu'il ne peut être retenu à l'encontre du prévenu qu'une faute simple, et non une faute caractérisée au sens de l'article 121-3, alinéa 4, du code pénal.
15. En statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé, pour les motifs qui suivent.
16. En premier lieu, la faute dont les juges ont considéré qu'elle avait été à l'origine de la perte d'une chance de survie de la victime a contribué à la réalisation du dommage.
17. En second lieu, les juges, qui ont constaté que l'erreur d'accrochage à l'origine de la désorientation de la victime, qui n'a pu s'extraire d'un environnement hostile, est imputable au professionnel qui dirigeait les opérations et ne pouvait ignorer le risque encouru, du fait de son expérience et de ses compétences, n'ont pas tiré les conséquences de ces constatations en qualifiant ce manquement de faute simple.
18. La cassation est par conséquent encourue.




Crim. 11 juin 2025 n° 23-83.474 B

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° G 23-83.474 FS-B
N° 00689

SL2 11 JUIN 2025

REJET

M. BONNAL président,




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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 11 JUIN 2025

Les sociétés [8], [2], [1] et [7], parties civiles, ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-14, en date du 23 mai 2023, qui les a déboutées de leurs demandes après relaxe de M. [D] [I] et de la société [5] notamment des chefs de contrefaçons.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits.
Sur le rapport de M. Samuel, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat des sociétés [2], [1] et [7], les observations de la SCP Le Guerer, Bouniol-Brochier, Lassalle-Byhet, avocat de la société [8], les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [D] [I] et de la société [5], et les conclusions de M. Desportes, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 29 avril 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Samuel, conseiller rapporteur, MM. Sottet, Coirre, Mme Hairon, M. Busché, Mme Carbonaro, conseillers de la chambre, MM. Joly, Leblanc, Charmoillaux, Rouvière, conseillers référendaires, M. Desportes, premier avocat général, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Une enquête a établi que la société [5] (la société), filiale du groupe espagnol [4] et dont le dirigeant est M. [D] [I], revendait des rétroviseurs fabriqués par ce groupe, lui-même équipementier de première monte des constructeurs français [8], [6] et [3].
3. A l'issue de l'information ouverte sur ces faits, la société et M. [I] ont été renvoyés de divers chefs devant le tribunal correctionnel qui les a déclarés coupables notamment de détention de marchandises présentées sous une marque contrefaisante, importation et vente ou mise en vente de telles marchandises, détention de marchandises contrefaisantes (dessin ou modèle) sans document justificatif régulier constitutive d'un fait réputé importation en contrebande, importation sans déclaration en douane applicable à une marchandise prohibée.
4. Le premier juge a également prononcé sur les intérêts civils en allouant diverses sommes aux sociétés [8], [2], [1] et [7], constituées parties civiles.
5. Les deux prévenus et le ministère public ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le troisième moyen, pris en ses cinquième et sixième branches, proposé pour la société [8] et le premier moyen, pris en ses cinquième et sixième branches, proposé pour les sociétés [2], [1] et [7]
6. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission des pourvois au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen, pris en ses quatre premières branches, proposé pour les sociétés [2], [1] et [7] et le premier moyen et le troisième moyen, pris en ses quatre premières branches, proposés pour la société [8]
Enoncé des moyens
7. Le moyen proposé pour les sociétés [2], [1] et [7] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il les a déboutées de l'intégralité de leurs demandes après avoir renvoyé les prévenus des fins de la poursuite du chef de contrefaçon de dessins et modèles, alors :
« 1°/ que le principe de l'application immédiate de la loi pénale plus douce ne trouve pas à s'appliquer lorsque les poursuites ont été engagées à raison d'un comportement qui reste incriminé et que les sanctions encourues n'ont pas été modifiées dans un sens moins sévère ; que pour infirmer le jugement ayant déclaré les prévenus coupables de contrefaçons de dessins et modèles, pour avoir porté atteinte au droit des sociétés [2], [1] et [7], sciemment, sans leur consentement, par la détention, l'offre à la vente, la mise sur le marché et l'importation de rétroviseurs incorporant le dessin ou le modèle protégé, en violation des droits conférés par l'enregistrement du modèle, la cour d'appel affirme qu'il « est exact que la loi du 22 août 2021 n'a modifié ni les peines encourues, ni la définition de la protection des dessins et modèles, mais elle a en revanche créé un régime exonératoire de responsabilité pénale, dont peut se prévaloir l'équipementier d'origine. [Que] cette modification, qui diminue le champ d'incrimination, est une loi pénale plus douce, puisque favorable au prévenu » ; qu'en prononçant ainsi quand ces dispositions nouvelles du code de la propriété intellectuelle limitant la protection conférée par l'enregistrement d'un dessin ou modèle et précisant les objets susceptibles de bénéficier de cette protection n'étaient pas de nature pénale et ne pouvaient s'appliquer aux infractions commises avant leur entrée en vigueur dès lors que la définition du délit de contrefaçon par les articles L. 513-4 et L. 521-1 du code de la propriété intellectuelle, comme les sanctions pénales prévues par l'article L. 521-10 du même code, demeuraient en vigueur et n'avaient pas été modifiées, la cour d'appel a méconnu les articles 112-1, alinéa 3, du code pénal, L. 513-4, L. 521-1 et L. 521-10 du code de la propriété intellectuelle, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que en vertu des propres énonciations de l'article 32 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021, les dispositions nouvelles du code de la propriété intellectuelle limitant la protection des dessins et modèles n'entreront en vigueur qu'à compter du 1er janvier 2023 ; qu'il en résulte que ces dispositions ne peuvent s'appliquer que pour l'avenir sans pouvoir effacer rétroactivement les atteintes portées aux droits légalement conférés par l'enregistrement de dessins et modèles antérieurement au 1er janvier 2023 ; qu'en décidant néanmoins de l'application rétroactive de ces dispositions, cependant que les titres de propriété intellectuelle dont disposaient les sociétés parties civiles sur les rétroviseurs litigieux s'agissant des dessins et modèles, étaient opposables à la société [5] et à M. [I] à l'époque des faits, sans pouvoir être remis en cause par les dispositions nouvelles applicables aux seuls faits de fabrication et commercialisation postérieurs au 1er janvier 2023, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée de l'article 32 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 et privé sa décision de toute base légale au regard des articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;
3°/ que toute personne a droit à la propriété et nul ne peut être privé arbitrairement de propriété ; qu'il est constant que la protection juridique des droits de propriété intellectuelle ne peut être annulée que par une décision de justice ; qu'en l'absence de toute annulation des droits de propriété intellectuelle dont disposaient les sociétés [2], [1] et [7] sur les rétroviseurs litigieux par une décision de justice, l'entrée en vigueur de la loi du 22 août 2021, dont il est expressément précisé qu'elle ne pouvait intervenir qu'à compter du 1er janvier 2023, ne pouvait disposer que pour l'avenir sans pouvoir remettre en cause rétroactivement des droits dont la validité n'était nullement contestée, sauf à porter une atteinte injustifiée au droit de propriété des titulaires des droits ; que pour appliquer néanmoins rétroactivement la loi du 22 août 2021, la cour d'appel se borne à affirmer que « cette rétroactivité n'éta[i]t pas contraire à la protection du droit de propriété » ; qu'en prononçant ainsi quand l'application rétroactive de la loi en cause revenait à priver arbitrairement le titulaire d'un titre de son droit de propriété, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision, et méconnu les articles 112-1 du code pénal, Ier du premier protocole additionnel de la Convention européenne des droits de l'homme, 17 de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
4°/ que, subsidiairement, même à supposer que les dispositions de l'article L. 513-6 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction issue de la loi n°2021-1104 du 22 août 2021, puissent être considérées comme rétroactivement applicables aux faits de la présente espèce, ces dispositions limitent expressément les droits conférés par l'enregistrement d'un dessin ou modèle aux seuls « actes visant à rendre leur apparence initiale à un véhicule à moteur ou à une remorque, au sens de l'article L. 110-1 du code de la route, et qui », à l'exception des pièces relatives au vitrage, « sont réalisés par l'équipementier ayant fabriqué la pièce d'origine » ; que pour faire néanmoins bénéficier de ces dispositions les prévenus dont il n'était pas contesté qu'ils n'étaient pas un équipementier ayant fabriqué la pièce d'origine, mais un simple distributeur, la cour d'appel affirme, après avoir rappelé que « le législateur a souhaité mettre fin à la protection des pièces contribuant à l'apparence d'un véhicule pour favoriser le consommateur », que « les participants à la chaîne commerciale entre l'équipementier et le consommateur ne peuvent donc être poursuivis » ; qu'en prononçant ainsi par une interprétation extensive et contraire au texte des dispositions litigieuses que rien ne justifiait, s'agissant d'une exception aux droits, se devant au contraire d'être interprétée de manière restrictive, au regard de surcroît des appréhensions ayant entouré les différents projets législatifs allant dans le sens d'une libéralisation, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée de l'article L. 513-6 du code de la propriété intellectuelle et privé sa décision de toute base légale. »
8. Le premier moyen proposé pour la société [8] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déboutée de toutes ses demandes au titre de son action civile exercée contre la société [5] et M. [I], alors « qu'il résulte de l'article L. 513-6 du code de la propriété intellectuelle que seul l'équipementier ayant fabriqué la pièce d'origine peut bénéficier de l'exception aux droits conférés par l'enregistrement d'un dessin ou d'un modèle prévue par ce texte ; qu'en retenant, pour écarter toute faute de la société [5] et de M. [I] et, partant, rejeter les demandes au titre de l'action civile, qu'en application de l'article L. 513-6, 4°, b), du code de la propriété intellectuelle, « les participants à la chaîne commerciale entre l'équipementier et le consommateur ne peuvent [...] être poursuivis » (cf. arrêt, p. 14, in medio), la chambre des appels correctionnelle a méconnu le texte précité. »
9. Le troisième moyen proposé pour la société [8] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déboutée de toutes ses demandes au titre de son action civile exercée contre la société [5] et M. [I], alors :
« 1°/ que le principe de l'application immédiate de la loi pénale plus douce ne trouve pas à s'appliquer lorsque les poursuites ont été engagées à raison d'un comportement qui reste incriminé et que les sanctions encourues n'ont pas été modifiées dans un sens moins sévère ; que pour écarter la contrefaçon de dessins et modèles, la cour d'appel a retenu qu'il « est exact que la loi du 22 août 2021 n'a modifié ni les peines encourues, ni la définition de la protection des dessins et modèles, mais elle a en revanche créé un régime exonératoire de responsabilité pénale, dont peut se prévaloir l'équipementier d'origine. [Que] cette modification, qui diminue le champ d'incrimination, est une loi pénale plus douce, puisque favorable au prévenu » ; qu'en prononçant ainsi, quand ces dispositions nouvelles du code de la propriété intellectuelle limitant la protection conférée par l'enregistrement d'un dessin ou modèle et précisant les objets susceptibles de bénéficier de cette protection n'étaient pas de nature pénale et ne pouvaient s'appliquer aux infractions commises avant leur entrée en vigueur dès lors que la définition du délit de contrefaçon par les articles L. 513-4 et L. 521-1 du code de la propriété intellectuelle, comme les sanctions pénales prévues par l'article L. 521-10 du même code, demeuraient en vigueur et n'avaient pas été modifiées, la cour d'appel a méconnu les articles 112-1 alinéa 3 du code pénal, L. 513-4, L. 521-1 et L. 521-10 du code de la propriété intellectuelle, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ qu'en vertu des propres énonciations de l'article 32 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021, les dispositions nouvelles du code de la propriété intellectuelle limitant la protection des dessins et modèles n'entreront en vigueur qu'à compter du 1er janvier 2023 ; qu'il en résulte que ces dispositions ne peuvent s'appliquer que pour l'avenir sans pouvoir effacer rétroactivement les atteintes portées aux droits légalement conférés par l'enregistrement de dessins et modèles antérieurement au 1er janvier 2023 ; qu'en décidant néanmoins de l'application rétroactive de ces dispositions, cependant que les droits de propriété intellectuelle dont disposait la société [8], partie civile, sur les rétroviseurs litigieux s'agissant des dessins et modèles, étaient opposables à la société [5] et à M. [I] à l'époque des faits, sans pouvoir être remis en cause par les dispositions nouvelles applicables aux seuls faits de fabrication et commercialisation postérieurs au 1er janvier 2023, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée de l'article 32 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 et privé sa décision de toute base légale au regard des articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;
3°/ que toute personne a droit à la propriété et nul ne peut être privé arbitrairement de propriété ; qu'en l'absence de toute annulation des droits de propriété intellectuelle dont disposait la société [8] sur les rétroviseurs litigieux par une décision de justice, l'entrée en vigueur de la loi du 22 août 2021, dont il est expressément précisé qu'elle ne pouvait intervenir qu'à compter du 1er janvier 2023, ne pouvait disposer que pour l'avenir sans pouvoir remettre en cause rétroactivement des droits dont la validité n'était nullement contestée, sauf à porter une atteinte injustifiée au droit de propriété des titulaires des droits ; que pour appliquer néanmoins rétroactivement la loi du 22 août 2021, la cour d'appel se borne à affirmer que « cette rétroactivité n'éta[i]t pas contraire à la protection du droit de propriété » ; qu'en prononçant ainsi, quand l'application rétroactive de la loi en cause revenait à priver arbitrairement le titulaire d'un titre de son droit de propriété, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision, et méconnu les articles 112-1 du code pénal, 1er du premier protocole additionnel de la Convention européenne des droits de l'homme, 17 de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
4°/ subsidiairement, qu'il résulte de l'article L. 513-6 du code de la propriété intellectuelle que seul l'équipementier ayant fabriqué la pièce d'origine peut bénéficier de l'exception aux droits conférés par l'enregistrement d'un dessin ou d'un modèle prévue par ce texte ; qu'en retenant, pour écarter toute faute de la société [5] et de M. [I] et, partant, rejeter les demandes au titre de l'action civile, qu'en application de l'article L. 513-6, 4°, b), du code de la propriété intellectuelle, « les participants à la chaîne commerciale entre l'équipementier et le consommateur ne peuvent [...] être poursuivis » (cf. arrêt, p. 14, in medio), la cour d'appel a méconnu le texte précité. »
Réponse de la Cour
10. Les moyens sont réunis.
11. Pour relaxer les prévenus du chef de contrefaçon par atteinte aux droits des dessins ou modèles, l'arrêt attaqué énonce que les incriminations et pénalités régissant la protection de ces droits sont prévues par les dispositions du chapitre I du titre II du livre V du code de la propriété intellectuelle et que la loi modifiant les textes définissant la répression de la violation de ces droits est une loi pénale lorsqu'elle a pour conséquence de changer les éléments constitutifs de cette infraction.
12. Les juges rappellent que la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets a modifié l'article L. 513-6 de ce code en précisant, au 4°, que les droits conférés par l'enregistrement d'un dessin ou modèle ne s'exercent pas à l'égard d'actes qui visent à rendre leur apparence initiale à un véhicule à moteur et qui sont réalisés par l'équipementier ayant fabriqué la pièce d'origine.
13. Pour appliquer immédiatement aux prévenus ces dispositions entrées en vigueur le 1er janvier 2023, postérieurement aux faits, ils retiennent qu'elles n'ont modifié ni les peines encourues ni la définition de la protection des dessins et modèles, mais qu'elles ont créé un régime exonératoire de responsabilité pénale dont peut se prévaloir l'équipementier d'origine et s'analysent en une loi pénale plus douce.
14. Ils précisent que l'exonération de responsabilité pénale de l'équipementier d'origine concerne les pièces qu'il fabrique et qu'il peut de ce fait librement céder, que les participants à la chaîne commerciale entre ce dernier et le consommateur ne peuvent donc être poursuivis et qu'une lecture contraire de la loi la rendrait inutile si l'équipementier ne pouvait pas céder les pièces qu'il produit licitement.
15. Ils relèvent enfin que l'application immédiate de ces dispositions n'est pas contraire au droit de propriété.
16. En statuant ainsi, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés aux moyens pour les motifs qui suivent.
17. En premier lieu, les dispositions législatives modifiant l'article L. 513-6 du code de la propriété intellectuelle ont redéfini, dans un sens favorable aux prévenus, le champ de l'incrimination pénale tendant à la protection des droits en matière de dessins et modèles.
18. En deuxième lieu, ces dispositions portent auxdits droits une atteinte proportionnée au but légitime poursuivi, les travaux parlementaires établissant qu'elles ont pour objet de favoriser, par l'ouverture à la concurrence du marché des pièces détachées visibles, l'entretien et la réparation des véhicules automobiles afin d'éviter que, en raison du coût excessif par rapport à leur amortissement, des véhicules qui pourraient continuer à rouler ne soient mis au rebut.
19. En troisième et dernier lieu, en interprétant ces dispositions comme étant applicables non seulement à l'équipementier d'origine, mais aussi à la chaîne commerciale existant entre lui et le consommateur, la cour d'appel leur a conféré leur exacte portée sans méconnaître le principe d'interprétation stricte de la loi pénale.
20. Ainsi, les moyens doivent être écartés.
Sur le deuxième moyen proposé pour les sociétés [2], [1] et [7] et le quatrième moyen proposé pour la société [8]
Enoncé des moyens
21. Le moyen proposé pour les sociétés [2], [1] et [7] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il les a déboutées de l'intégralité de leurs demandes après avoir renvoyé les prévenus des fins de la poursuite du chef de contrefaçon de droits d'auteur, alors :
« 1°/ que les dispositions nouvelles du code de la propriété intellectuelle instaurant une nouvelle exception au droit d'auteur, introduite à son article L. 122-5 12°, s'agissant de « la reproduction, l'utilisation et la commercialisation des pièces destinées à rendre leur apparence initiale à un véhicule à moteur ou à une remorque, au sens de l'article L. 110-1 du code de la route » ne s'appliquent pas aux infractions commises avant leur entrée en vigueur, dès lors qu'elles ne sont pas de nature pénale et que le texte législatif support légal de l'incrimination demeure en vigueur ; que pour infirmer le jugement ayant déclaré les prévenus coupables de contrefaçons de droits d'auteur, pour avoir importé des oeuvres contrefaisantes au mépris des lois et réglements relatifs a la propriété de leur auteur, les sociétés [2], [1] et [7], la cour d'appel affirme « que les textes d'incrimination et de pénalité régissant la protection des droits d'auteur sont régis par les dispositions du livre I de la première partie du code de la propriété intellectuelle, qu'il en résulte que la modification de la protection de la propriété des droits d'auteur est une loi pénale lorsqu'elle a pour conséquence de modifier les éléments constitutifs d'une infraction » ; qu'en prononçant ainsi, quand l'exception au droit d'auteur introduite à l'article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle n'est pas un texte de nature pénale et que la définition comme les sanctions du délit de contrefaçon de droits d'auteur par les articles L. 335-2 et L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle n'ont pas été modifiées et demeurent en vigueur, la cour d'appel a méconnu les articles 112-1 alinéa 3 du code pénal, L. 335-2 et L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que en vertu des propres énonciations de l'article 32 de la loi n°2021-1104 du 22 août 2021, les dispositions nouvelles du code de la propriété intellectuelle instaurant une nouvelle exception au droit d'auteur à son article L. 122-5 12° n'entreront en vigueur qu'à compter du 1er janvier 2023 ; qu'il en résulte que ces dispositions ne peuvent s'appliquer que pour l'avenir sans pouvoir effacer rétroactivement les atteintes portées aux droits d'auteur régulièrement protégés antérieurement au 1er janvier 2023 ; qu'en décidant néanmoins de l'application rétroactive de ces dispositions, cependant que les titres de propriété intellectuelle dont disposaient les sociétés parties civiles sur les rétroviseurs litigieux s"agissant des droits d'auteur, étaient opposables à la société [5] et à M. [I] à l'époque des faits, sans pouvoir être remis en cause par les dispositions nouvelles applicables aux seuls faits de commercialisation postérieurs au 1er janvier 2023, la cour d"appel a méconnu le sens et la portée de l'article 32 de la loi n°2021-1104 du 22 août 2021 et privé sa décision de toute base légale au regard des articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;
3°/ que toute personne a droit à la propriété et nul ne peut être privé arbitrairement de propriété ; qu'il n'est pas contesté que les sociétés [2], [1] et [7] bénéficiaient de la protection des droits d'auteur sur les rétroviseurs litigieux antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 22 août 2021, dont il est expressément précisé qu'elle ne pouvait intervenir qu'à compter du 1er janvier 2023 ; que cette loi ne pouvait disposer que pour l'avenir sauf à remettre en cause rétroactivement des droits dont la validité n'était nullement contestée, en violation du droit au respect des biens ; que pour appliquer néanmoins rétroactivement la loi du 22 août 2021, la cour d'appel se borne à affirmer que « cette rétroactivité n 'éta[i]t pas contraire à la protection du droit de propriété » ; qu'en prononçant ainsi quand l'application rétroactive de la loi en cause revenait à priver arbitrairement les sociétés parties civiles des droits de propriété intellectuelle dont elles disposaient sur les rétroviseurs litigieux, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision, en violation des articles 112-1 du code pénal, 1er du premier protocole additionnel de la Convention européenne des droits de l'homme, 17 de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
22. Le moyen proposé pour la société [8] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déboutée de l'intégralité de ses demandes après avoir renvoyé les prévenus des fins de la poursuite du chef de contrefaçon de droits d'auteur, alors :
« 1°/ que les dispositions nouvelles du code de la propriété intellectuelle instaurant une nouvelle exception au droit d'auteur, introduite à son article L. 122-5, 12°, s'agissant de « la reproduction, l'utilisation et la commercialisation des pièces destinées à rendre leur apparence initiale à un véhicule à moteur ou à une remorque, au sens de l'article L. 110-1 du code de la route » ne s'appliquent pas aux infractions commises avant leur entrée en vigueur, dès lors qu'elles ne sont pas de nature pénale et que le texte législatif support légal de l'incrimination demeure en vigueur ; que pour écarter la contrefaçon de droits d'auteur, la cour d'appel a relevé « que les textes d'incrimination et de pénalité régissant la protection des droits d'auteur sont régis par les dispositions du livre I de la première partie du code de la propriété intellectuelle, qu'il en résulte que la modification de la protection de la propriété des droits d'auteur est une loi pénale lorsqu'elle a pour conséquence de modifier les éléments constitutifs d'une infraction » ; qu'en prononçant ainsi, quand l'exception au droit d'auteur introduite à l'article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle n'est pas un texte de nature pénale et que la définition comme les sanctions du délit de contrefaçon de droits d'auteur par les articles L. 335-2 et L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle n'ont pas été modifiées et demeurent en vigueur, la cour d'appel a méconnu les articles 112-1 alinéa 3 du code pénal, L. 335-2 et L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que en vertu des propres énonciations de l'article 32 de la loi n°2021-1104 du 22 août 2021, les dispositions nouvelles du code de la propriété intellectuelle instaurant une nouvelle exception au droit d'auteur, introduite à son article L. 122-5 12° n'entreront en vigueur qu'à compter du 1er janvier 2023 ; qu'il en résulte que ces dispositions ne peuvent s'appliquer que pour l'avenir sans pouvoir effacer rétroactivement les atteintes portées aux droits d'auteur régulièrement protégés antérieurement au 1er janvier 2023 ; qu'en décidant néanmoins de l'application rétroactive de ces dispositions, cependant que les droits d'auteur dont disposait la société [8] sur les rétroviseurs litigieux étaient opposables à la société [5] et à M. [I] à l'époque des faits, sans pouvoir être remis en cause par les dispositions nouvelles applicables aux seuls faits de commercialisation postérieurs au 1er janvier 2023, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée de l'article 32 de la loi n°2021-1104 du 22 août 2021 et privé sa décision de toute base légale au regard des articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;
3°/ que toute personne a droit à la propriété et nul ne peut être privé arbitrairement de propriété ; qu'il n'est pas contesté que la société [8] bénéficiait de la protection des droits d'auteur sur les rétroviseurs litigieux antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 22 août 2021, dont il est expressément précisé qu'elle ne pouvait intervenir qu'à compter du 1er janvier 2023 ; que cette loi ne pouvait disposer que pour l'avenir sauf à remettre en cause rétroactivement des droits dont la validité n'était nullement contestée, en violation du droit au respect des biens ; que pour appliquer néanmoins rétroactivement la loi du 22 août 2021, la cour d'appel se borne à affirmer que « cette rétroactivité n'éta[i]t pas contraire à la protection du droit de propriété » ; qu'en prononçant ainsi, quand l'application rétroactive de la loi en cause revenait à priver arbitrairement la société [8] des droits de propriété intellectuelle dont elle disposait sur les rétroviseurs litigieux, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision en violation des articles 112-1 du code pénal, 1er du premier protocole additionnel de la Convention européenne des droits de l'homme, 17 de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
23. Les moyens sont réunis.
24. Pour relaxer les prévenus du chef de contrefaçon par atteinte aux droits d'auteur, l'arrêt attaqué énonce que les textes d'incrimination et de pénalité régissent la protection de ces droits tels que prévus par les dispositions du livre I de la première partie du code de la propriété intellectuelle et qu'il en résulte que la modification de la protection de leur propriété constitue une loi pénale lorsqu'elle a pour conséquence de modifier les éléments constitutifs de cette infraction.
25. Les juges constatent que l'article L. 122-5, 12°, du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction issue de la loi précitée du 22 août 2021, prévoit que l'auteur ne peut interdire la reproduction, l'utilisation et la commercialisation des pièces destinées à rendre leur apparence initiale à un véhicule à moteur.
26. Ils retiennent que cette modification, qui diminue le champ d'incrimination, est une loi pénale plus douce et qu'elle s'applique immédiatement selon le principe rappelé par l'article 112-1, alinéa 3, du code pénal.
27. Ils précisent que cette rétroactivité n'est pas contraire à la protection du droit de propriété et que les pièces litigieuses, constituées de rétroviseurs, qui s'intègrent à l'esthétique et participent à l'apparence d'un véhicule terrestre à moteur, entrent dans le champ d'application des dispositions nouvelles.
28. En statuant ainsi, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés aux moyens.
29. En premier lieu, les dispositions législatives modifiant l'article L. 122-5, 12°, du code de la propriété intellectuelle ont redéfini, dans un sens favorable aux prévenus, le champ de l'incrimination pénale tendant à la protection des droits d'auteur.
30. En second lieu, il convient de se référer aux motifs figurant au paragraphe 18.
31. Ainsi, les moyens doivent être écartés.
Sur les deuxième et cinquième moyens proposés pour la société [8] et le troisième moyen proposé pour les sociétés [2], [1] et [7]
Enoncé des moyens
32. Le deuxième moyen proposé pour la société [8] critique l'arrêt infirmatif attaqué en ce qu'il l'a déboutée de toutes ses demandes au titre de son action civile exercée contre la société [5] et M. [I], alors :
« 1°/ que pour écarter la contrefaçon de marques, la cour d'appel a retenu que « les rétroviseurs litigieux n'étant pas soumis à la protection au titre des dessins et modèles ni à celle des droits d'auteur, ils ont la qualité de pièce libre de droit » et qu'il en résultait que l'utilisation des noms des modèles de voitures était conforme aux dispositions de l'article L. 713-6 du code de la propriété intellectuelle (arrêt, p. 17) ; que la cassation qui sera prononcée sur le premier moyen entraînera donc, par voie de conséquence, celle de l'arrêt en ce qu'il a rejeté les demandes de la société [8] au titre de son action civile pour contrefaçon de marques ;
2°/ qu'aux termes de l'article L. 716-10 du code de la propriété intellectuelle, est constitutif du délit de contrefaçon de marques le fait de détenir sans motif légitime, d'importer, d'exporter, d'offrir à la vente ou de vendre des marchandises sous une marque contrefaisante, notamment par suppression de la marque ; qu'en l'espèce, tout en relevant qu'il était « exact que les rétroviseurs portaient les références des marques [6] ou [8] ou un logo distinctif, références qui ont été supprimées par grattage », la cour d'appel a simplement retenu, pour écarter la contrefaçon de marque, que ce délit aurait été commis par le fabricant espagnol, non poursuivi et ayant fait l'objet d'une relaxe (arrêt, p. 17) ; qu'en statuant par un tel motif inopérant, cependant qu'indépendamment du point de savoir qui était l'auteur des actes de suppression, le simple fait de détenir sans motif légitime, d'importer, d'exporter, d'offrir à la vente ou de vendre les rétroviseurs litigieux, sur lesquels les références des marques de la société [8] avaient été supprimées, caractérisait une contrefaçon de marques, la cour d'appel a violé l'article L. 716-10 du code de la propriété intellectuelle. »
33. Le cinquième moyen proposé pour la société [8] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déboutée de l'intégralité de ses demandes après avoir renvoyé les prévenus des fins de poursuite du chef de contrefaçon de marques, alors « que la cassation à intervenir sur les troisième et/ou quatrième moyen entraînera, par voie de conséquence, celle de l'arrêt en ce qu'il a rejeté les demandes de la société [8] au titre de son action civile pour contrefaçon de marques. »
34. Le troisième moyen proposé pour les sociétés [2], [1] et [7] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il les a déboutées de l'intégralité de leurs demandes après avoir renvoyé les prévenus des fins de la poursuite du chef de contrefaçon de marques, alors :
« 1°/ que la cassation à intervenir sur l'un comme l'autre des deux premiers moyens privera nécessairement de fondement les dispositions de l'arrêt ayant débouté les parties civiles de leurs demandes ensuite de la relaxe prononcée du chef de contrefaçon de marques ; qu'en effet la cassation des dispositions de l'arrêt ayant conclu à la relaxe tant s'agissant des faits de contrefaçon de dessins et modèles que de contrefaçon de droit d'auteur, dont il résultera que les rétroviseurs litigieux n'étaient pas des pièces libres de droit ne pourra qu'entraîner la cassation des dispositions de l'arrêt relatives à la contrefaçon de marque, dont la relaxe a été justifiée par la cour d'appel, aux motifs que, « contrairement aux arguments de la défense, les rétroviseurs litigieux n'étant pas soumis à la protection au titre des dessins et modèles ni à celle des droits d'auteur, ils ont la qualité de pièce libre de droit ;
2°/ que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'il résulte en l'espèce des propres constatations de l'arrêt attaqué « qu'il est exact que les rétroviseurs portaient les références des marques [6] ou [8] ou un logo distinctif références qui ont été supprimées par grattage, ce délit commis par le fabricant espagnol, non poursuivi, ayant fait l'objet d'une relaxe » ; que le monopole conféré aux sociétés [2], [1] et [7] par le droit de marques qu'elles détiennent les autorisait à s'opposer à toute commercialisation en France de pièces sur lesquelles les marques [6] ou [3] avaient été supprimées ; qu'en justifiant la relaxe des prévenus du chef de contrefaçon de marque de leur seule relaxe du chef de suppression de marque dont la commission était imputée au seul fabricant espagnol, quand la simple détention, offre en vente ou vente de telles pièces était constitutive du délit de contrefaçon, indépendamment des actes délictueux commis par le fabricant lui-même, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 716-10 du code de la propriété intellectuelle et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
35. Les moyens sont réunis.
Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche, et le cinquième moyen proposés pour la société [8], et le troisième moyen, pris en sa première branche, proposé pour les sociétés [2], [1] et [7]
36. Les griefs sont devenus inopérants, par suite du rejet des premier, troisième et quatrième moyens proposés pour la société [8] et des premier et deuxième moyens proposés pour les sociétés [2], [1] et [7].
Sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche, proposé pour la société [8], et le troisième moyen, pris en sa seconde branche, proposé pour les sociétés [2], [1] et [7]
37. Pour relaxer les prévenus du chef de contrefaçon de marques, l'arrêt attaqué énonce, s'agissant de la suppression de la référence des marques ou logos sur les rétroviseurs [6] ou [8], qu'elle a été effectuée par le fabricant espagnol qui n'a pas été poursuivi, de sorte que les prévenus, poursuivis du chef de suppression des marques en violation des droits conférés par leur enregistrement, ont été relaxés et que cette décision est définitive par suite de la limitation de l'appel du parquet.
38. En l'état de ces énonciations, et dès lors que l'article L. 706-10, b), du code de la propriété intellectuelle, dans sa version en vigueur du 22 décembre 2007 au 16 mars 2011 applicable aux faits, n'incrimine ni la détention, ni l'offre à la vente, ni la vente de marchandises sur lesquelles les marques ont été supprimées, mais seulement la vente de marchandises présentées sous une marque contrefaisante, l'arrêt attaqué n'encourt pas les griefs allégués.
39. Dès lors, les moyens doivent être écartés.
40. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.




Civ.2 5 juin 2025 n° 23-12.674

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
AF1


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 5 juin 2025



Cassation

Mme MARTINEL, président


Arrêt n° 567 F-D
Pourvoi n° B 23-12.674
Aide juridictionnelle totale en défense au profit de M. [R]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 4 avril 2023.



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 JUIN 2025
La caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° B 23-12.674 contre le jugement rendu le 23 décembre 2022 par le tribunal judiciaire de Rennes (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [T] [R], domicilié [Adresse 1],
2°/ à M. [U] [P], domicilié [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine, après débats en l'audience publique du 29 avril 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Rennes, 23 décembre 2022), rendu en dernier ressort, M. [R] (le tiers responsable) a été déclaré coupable, par une juridiction pénale, des faits d'outrage à une personne chargée d'une mission de service public et déclaré entièrement responsable des dommages subis par M. [P] (la victime).
2. Le tiers responsable a également été condamné par le juge pénal à indemniser le préjudice moral subi par la victime en raison de l'infraction.
3. La caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine (la caisse) a fait assigner le tiers responsable devant une juridiction civile pour obtenir le remboursement de ses créances au titre des prestations versées à la victime à la suite de l'infraction.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa quatrième branche
Enoncé du moyen
4. La caisse fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « qu'aucun principe ni aucune règle n'impose à la caisse de solliciter auprès du tiers responsable le remboursement des frais qu'elle a exposés au profit de la victime devant le juge pénal, dès lors que cette dernière s'est constituée partie civile ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 4 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale :
5. Il résulte de ce texte que l'organisme social tiers payeur qui n'est pas intervenu à l'instance pénale conserve la faculté de demander directement au tiers responsable, devant la juridiction civile, dans la limite de la part de préjudice soumis à son recours, le remboursement des prestations versées à la victime en relation de causalité avec le dommage.
6. Pour rejeter les demandes de la caisse en remboursement des prestations versées à la victime au titre des dépenses de santé et des pertes de gains professionnels, le jugement relève que la juridiction pénale n'a reconnu aucun préjudice à la victime au titre de ces postes et que la caisse, qui avait été informée de l'instance pénale, n'y est pas intervenue pour faire valoir les débours qu'elle avait engagés dans l'intérêt de la victime. Il retient qu'il appartenait à la caisse de solliciter, dans les conditions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, la nullité du jugement rendu par la juridiction pénale qui ne lui avait pas été déclaré commun.
7. En statuant ainsi, alors qu'il constatait que la caisse n'était pas intervenue à l'instance pénale, de sorte qu'il lui appartenait d'évaluer les préjudices de la victime au titre des postes pris en charge par les prestations servies et de procéder aux imputations correspondantes afin de déterminer les sommes dues à la caisse au titre de son recours subrogatoire, le tribunal a violé le texte susvisé.




Civ.3 5 juin 2025 n° 23-11.500 B

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 5 juin 2025



Cassation

Mme TEILLER, président


Arrêt n° 283 FS-B
Pourvoi n° A 23-11.500



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 JUIN 2025
1°/ Mme [M] [I], domiciliée [Adresse 1],
2°/ l'élevage des Dunes des sages, dont le siège est [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° A 23-11.500 contre l'ordonnance rendue le 17 janvier 2023 par la cour d'appel de Bordeaux (juridiction premier président, recours en matière de visites et saisies domiciliaires), dans le litige les opposant à la direction départementale de la protection des populations de la Gironde, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Brillet, conseiller, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de Mme [I] et de l'élevage des Dunes des sages, et l'avis de Mme Delpey-Corbaux, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 avril 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Brillet, conseiller rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, Mme Abgrall, M. Pety, Mmes Foucher-Gros, Guillaudier, conseillers, M. Zedda, Mmes Vernimmen, Rat, Bironneau, M. Cassou de Saint-Mathurin, conseillers référendaires, Mme Delpey-Corbaux, avocat général, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Bordeaux, 17 janvier 2023), Mme [I] exploite un élevage de chiens sous la dénomination des Dunes des sages.
2. Mme [I] a fait appel de l'ordonnance d'un juge des libertés de la détention ayant, sur la requête du directeur départemental de la protection des populations de la Gironde (la DDPP) visant les articles L. 172-5 du code de l'environnement et les articles L. 206-1 et L. 214-23 du code rural et de la pêche maritime, autorisé certains agents de cette direction à procéder à des perquisitions et saisies à son domicile et au sein de l'élevage.
Recevabilité du pourvoi, en ce qu'il est formé par l'élevage des Dunes des sages, examinée d'office
3. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 16 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 32 de ce code.
4. Aux termes de ce texte, est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.
5. L'élevage des Dunes des sages ne disposant pas de la personnalité juridique, le pourvoi, en tant que formé par celui-ci, est irrecevable.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. Mme [I] fait grief à l'ordonnance de confirmer la décision du juge des libertés et de la détention ayant autorisé les agents de la DDPP à procéder, sans l'assentiment des personnes chez qui ces opérations auront lieu, à des perquisitions et saisies, alors « qu'en matière environnementale, l'autorisation d'effectuer une visite domiciliaire, sans le consentement de la personne concernée, ne peut être demandée au juge des libertés et de la détention, lorsqu'il n'y a pas flagrance, que par le procureur de la République et selon les formes du code de procédure pénale ; qu'en retenant que la DDPP tient de l'article L. 172-5 du code de l'environnement le pouvoir de saisir elle-même le juge des libertés et de la détention par requête pour que ses agents soient autorisés à accéder aux locaux en cas de refus du propriétaire des lieux ou lorsque ceux-ci comprennent des parties à usage d'habitation et que, par conséquent, les griefs faits à l'ordonnance déférée, tenant au non-respect des dispositions de l'article 76 du code de procédure pénale relatives aux perquisitions, visites domiciliaires et saisies effectuées dans le cadre d'une enquête préliminaire, autorisées par le juge des libertés et de la détention sur saisine du ministère public, en ce que la requête n'émane pas de ce dernier et en ce que l'ordonnance ne vise pas la qualification des infractions pénales recherchées sont inopérants même si l'ordonnance vise improprement ces dispositions, lorsque seul l'article 76 précité était applicable, le premier président de la cour d'appel a violé l'article L. 172-5 du code de l'environnement et a commis un excès de pouvoir. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 172-5, dernier alinéa, du code de l'environnement et 76, alinéa 4, du code de procédure pénale :
7. Selon le premier de ces textes, dans leurs missions de recherche et de constat des infractions prévues par le code de l'environnement, les fonctionnaires et agents habilités à cet effet ne peuvent procéder à la visite des domiciles et des locaux comportant des parties à usage d'habitation, à défaut d'assentiment de l'occupant des lieux, qu'en présence d'un officier de police judiciaire agissant conformément aux dispositions du code de procédure pénale relatives aux visites domiciliaires, perquisitions et saisies des pièces à conviction.
8. Si, en matière d'enquête préliminaire, le juge des libertés et de la détention peut, dans les conditions prévues par le second de ces textes, décider que les perquisitions, visites domiciliaires et saisies seront effectuées sans l'assentiment de la personne chez qui elles ont lieu, il ne peut être saisi à cette fin que par le procureur de la République.
9. Il en résulte que le juge des libertés et de la détention ne peut pas être saisi, sur le fondement de ces textes, par les fonctionnaires et agents précités pour être autorisés à procéder à une visite des domiciles et des locaux comportant des parties à usage d'habitation aux fins de recherche et de constat des infractions prévues par ce code.
10. Pour confirmer l'ordonnance ayant autorisé certains agents de la DDPP à procéder, sans son assentiment, à des perquisitions et saisies aux domicile et dépendances de Mme [I] et au sein de l'élevage des Dunes des sages, l'ordonnance constate que le juge des libertés et de la détention a été saisi sur le fondement de divers textes, notamment l'article L. 172-5 du code de l'environnement.
11. Elle retient qu'en application de ces dispositions, la DDPP, dans le cadre de ses pouvoirs de contrôle administratif et de recherche et constatation d'infractions, peut elle-même saisir le juge des libertés et de la détention par requête pour que ses agents soient autorisés à accéder aux locaux en cas de refus opposé par le propriétaire des lieux ou lorsque ceux-ci comprennent des parties à usage d'habitation.
12. Elle ajoute que les contestations tirées des dispositions de l'article 76 du code de procédure pénale relatives aux perquisitions, visites domiciliaires et saisies effectuées dans le cadre d'une enquête préliminaire autorisées par le juge des libertés et de la détention, prévoyant que la requête émane du procureur de la République et que l'ordonnance vise la qualification des infractions pénales recherchées, sont inopérantes, le visa de ce texte, impropre, restant sans effet sur la régularité de la décision.
13. En statuant ainsi, le premier président, qui ne pouvait pas autoriser des perquisitions et des saisies à la demande de la DDPP, a violé les textes susvisés.
Et sur le second moyen
Enoncé du moyen
14. Mme [I] fait le même grief à l'ordonnance, alors « que le juge des libertés et de la détention ne tient de l'article L. 206-1 du code rural et de la pêche maritime que le pouvoir d'autoriser l'accès aux locaux et ne peut autoriser les agents à effectuer des perquisitions et saisies ; qu'en confirmant l'ordonnance du juge des libertés et de la détention ayant autorisé, sur le fondement de l'article L. 206-1 du code rural et de la pêche maritime, les agents appartenant à la DDPP à procéder, sans l'assentiment des personnes chez qui ces opérations auront lieu, à des perquisitions et saisies chez Mme [I] et au sein de l'élevage des Dunes des sages et non à une visite domiciliaire, le premier président de la cour d'appel a violé l'article L. 206-1 du code rural et de la pêche maritime et a excédé ses pouvoirs. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 206-1, I, alinéa 1er, et L. 214-23, I, 5°, du code rural et de la pêche maritime :
15. Selon le second de ces textes, pour l'exercice des inspections, des contrôles et des interventions de toute nature qu'implique l'exécution des mesures de protection des animaux prévues aux articles L. 214-3 à L. 214-18, L. 215-10 et L. 215-11, des règlements communautaires ayant le même objet et des textes pris pour leur application, les fonctionnaires et agents habilités à cet effet peuvent solliciter du juge des libertés et de la détention, dans les formes et conditions prescrites par l'article L. 206-1, l'autorisation d'accéder à des locaux professionnels ou à des locaux comprenant des parties à usage d'habitation, dont l'accès leur a été refusé par l'occupant, pour y procéder à des contrôles.
16. Aux termes du premier, lorsque l'accès aux locaux est refusé aux agents, ou lorsque ceux-ci comprennent des parties à usage d'habitation, cet accès peut être autorisé par ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter.
17. Pour confirmer l'ordonnance ayant autorisé certains agents de la DDPP à procéder, sans son assentiment, à des perquisitions et saisies aux domicile et dépendances de Mme [I] et au sein de l'élevage des Dunes des sages, l'ordonnance constate que le juge des libertés et de la détention a été saisi sur le fondement de divers textes, notamment les articles L. 206-1 et L. 214-23 du code rural et de la pêche maritime.
18. Elle retient qu'en application de ces dispositions, la DDPP, dans le cadre de ses pouvoirs de contrôle administratif et de recherche et constatation d'infractions, peut elle-même saisir le juge des libertés et de la détention par requête pour que ses agents soient autorisés à accéder aux locaux en cas de refus opposé par le propriétaire des lieux ou lorsque ceux-ci comprennent des parties à usage d'habitation.
19. Elle ajoute que les contestations tirées des dispositions de l'article 76 du code de procédure pénale relatives aux perquisitions, visites domiciliaires et saisies effectuées dans le cadre d'une enquête préliminaire autorisées par le juge des libertés et de la détention, prévoyant que la requête émane du procureur de la République et que l'ordonnance vise la qualification des infractions pénales recherchées, sont inopérantes, le visa de ce texte, impropre, restant sans effet sur la régularité de la décision.
20. En statuant ainsi, alors que le juge des libertés et de la détention, saisi sur le fondement de l'article L. 206-1 du code rural et de la pêche maritime, ne peut autoriser les fonctionnaires et agents habilités à procéder à des perquisitions et des saisies, mais peut seulement les autoriser à accéder à certains locaux, le premier président a violé les textes susvisés.




Crim. 4 juin 2025 n° 25-83.267

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° Z 25-83.267 F-D
N° 00941

RB5 4 JUIN 2025

CASSATION

M. BONNAL président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 4 JUIN 2025


M. [J] [K] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Chambéry, en date du 25 avril 2025, qui a autorisé sa remise différée aux autorités judiciaires espagnoles en exécution d'un mandat d'arrêt européen.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Leprieur, conseiller, les observations de Me Bardoul, avocat de M. [J] [K], et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 4 juin 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Leprieur, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Un mandat d'arrêt européen a été émis le 14 mars 2025 à l'encontre de M. [J] [K], de nationalité française, par un juge d'instruction de Valence (Espagne), aux fins de poursuites pour des faits de trafic de stupéfiants en bande organisée.
3. M. [K] a été interpellé le 8 avril 2025. Placé sous écrou extraditionnel le 9 avril 2025, il n'a pas consenti à sa remise ni renoncé au principe de spécialité.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses trois premières branches ainsi qu'en sa cinquième branche
4. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le moyen, pris en sa quatrième branche
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté toutes les demandes de M. [K], constaté que la traduction assermentée du mandat d'arrêt européen est parvenue à la chambre de l'instruction au moment de l'audience, autorisé la remise de l'intéressé aux autorités judiciaires espagnoles et dit que la remise serait différée jusqu'à l'exécution de la peine d'emprisonnement prononcée le 19 décembre 2024 par le tribunal correctionnel de Thonon-les-Bains, alors :
« 4°/ que l'article 695-32 du code de procédure pénale, qui permet de subordonner la remise de la personne recherchée à la garantie qu'elle effectuera en France la peine qui sera éventuellement prononcée par l'autorité judiciaire de l'Etat d'émission pour les faits objet du mandat, est applicable à une personne qui fait l'objet d'un mandat d'arrêt européen aux fins de poursuites ; que par conséquent, lorsque la demande d'application de l'article susmentionné est faite devant la chambre de l'instruction qui doit statuer sur la remise, elle doit être examinée, même si l'intéressé est réclamé aux fins de poursuites pénales et non pour l'exécution d'une peine ; qu'en jugeant dès lors que la question posée est en l'état prématurée dans la mesure où M. [K] n'a à ce jour fait l'objet d'aucune condamnation définitive, qu'il est présumé innocent à ce stade de la procédure, que cette situation pourra être évoquée dès lors que l'intéressé sera éventuellement condamné, la chambre de l'instruction a violé les articles 591 et 695-32 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 695-32 du code de procédure pénale :
6. Aux termes de ce texte, lorsque la personne recherchée est de nationalité française ou réside régulièrement sur le territoire national de façon ininterrompue depuis au moins cinq ans, l'exécution du mandat d'arrêt européen peut être subordonnée à la vérification qu'elle peut être renvoyée en France pour y effectuer la peine qui sera éventuellement prononcée par l'autorité judiciaire de l'Etat d'émission pour les faits faisant l'objet du mandat.
7. Pour écarter le moyen tiré de l'article 695-32 du code de procédure pénale et autoriser la remise de M. [K] aux autorités judiciaires espagnoles, l'arrêt attaqué énonce que la question posée est en l'état prématurée dans la mesure où il n'a à ce jour fait l'objet d'aucune condamnation définitive et est présumé innocent.
8. Les juges ajoutent que cette situation pourra être évoquée dès lors que l'intéressé sera éventuellement condamné.
9. En statuant ainsi, alors que les dispositions de l'article précité sont applicables à la personne recherchée sur le fondement d'un mandat d'arrêt européen délivré aux fins de poursuites, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé.
10. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.




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