Crim. 21 octobre 2015 n° 14-87.306
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Guy X...,
contre le jugement de la juridiction de proximité de PARIS, en date du 22 septembre 2014, qui, pour circulation d'un véhicule muni d'une plaque d'immatriculation illisible, l'a condamné à 135 euros d'amende ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 9 septembre 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Drai, conseiller rapporteur, M. Castel, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de Mme le conseiller DRAI, les observations de la société civile professionnelle CÉLICE, BLANCPAIN, SOLTNER et TEXIDOR, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LACAN ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 121-1, L. 121-2 et L. 121-3 du code de la route, des articles 111-3 et 111-4 du code pénal, des articles 591 et 593 du code de procédure pénale, du principe de légalité des délits et des peines, manque de base légale, insuffisance de motivation et contradiction de motifs ;
" en ce que le jugement attaqué a reconnu M. X... coupable de : « circulation d'un véhicule à moteur avec une plaque d'immatriculation illisible », et l'a condamné à une amende contraventionnelle de 135 euros à titre principal ;
" aux motifs que M. X... est poursuivi pour avoir à Paris 16e (97 rue du ranelagh), en tout cas sur le territoire national, le 28 novembre 2013, et depuis temps non prescrit, commis l'infraction de circulation d'un véhicule à moteur avec une plaque d'immatriculation illisible plaque avant avec le véhicule immatriculé 891RMS75, faits prévus et réprimés par l'article R. 317-8, § 111, 4 du code de la route, article R. 317-8, § 6, du code de la route ; que l'avocat de la défense dépose des conclusions faisant état d'une « verbalisation à la volée » ; que le prévenu ne pourrait être poursuivi au titre de l'article L. 121-2 ou L. 121-3 du code de la route, l'infraction poursuivie n'entrant pas dans la liste limitative prévue par ces articles ; que l'article L. 121-1 nécessite une identification du conducteur ; que pour répondre aux chefs péremptoires des conclusions de la défense, la juridiction de proximité constate que le prévenu n'est nullement poursuivi au titre des articles L. 121-2 ou L. 121-3 du code de la route ; qu'une infraction concernant l'entretien d'un véhicule et plus particulièrement le mauvais état d'une plaque peut être relevée à l'encontre du titulaire du certificat d'immatriculation d'un véhicule en stationnement sans nécessiter la présence d'un conducteur, l'article L. 121-1 ne peut s'appliquer en l'espèce ; que les faits ne sauraient constituer une « verbalisation à la volée », le véhicule étant en stationnement comme il a été établi lors des débats ; que tout véhicule à moteur doit être muni de deux plaques d'immatriculation portant le numéro assigné au véhicule et fixées en évidence d'une manière amovible à l'avant et à l'arrière du véhicule ; que chaque plaque doit être maintenue dans un état d'entretien permettant la lecture des inscriptions qu'elle comporte ; que le fait de faire circuler un véhicule à moteur muni d'une plaque mal entretenue est réprimé par le code de la route ; qu'un véhicule en stationnement est un véhicule en circulation ; que les pièces figurant dans la procédure et les débats de l'audience établissent que le prévenu reconnaît le mauvais entretien de la plaque avant ; qu'il résulte des débats de l'audience que le véhicule immatriculé ...était stationné au numéro 97, rue du Ranelagh à Paris 16e, à proximité du domicile du prévenu ; que le titulaire du certificat d'immatriculation d'un véhicule mis en circulation a l'obligation de maintenir en bon état les plaques d'immatriculation afin de permettre le cas échéant son identification même en stationnement ; que la juridiction de proximité considère que l'infraction ne nécessite pas l'identification d'un conducteur et lorsqu'elle est constatée sur un véhicule en stationnement, doit être imputable à son propriétaire ; que la juridiction de proximité rejette en conséquence l'argumentation d'illégalité du procès-verbal soulevée par la défense ; que la juridiction, appréciant souverainement et selon son intime conviction les éléments de preuve contradictoirement débattus considère les arguments présentés par le prévenu comme des allégations inopérantes non corroborées par un élément de preuve convainquant ; qu'elle constate que le prévenu n'apporte pas la preuve contraire au procès-verbal dans les formes requises par l'article 537 du code de procédure pénale ; que la matérialité de l'infraction est prouvée par le procès-verbal dont les constatations établissent la réalité des faits et circonstances caractérisant les éléments constitutifs de l'infraction définie et réprimée par l'article visé dans l'acte de poursuite et induisent raisonnablement la certitude d'imputabilité de l'infraction au prévenu ; qu'il résulte des débats de l'audience et des pièces versées à la procédure que M. X... a bien commis les faits qui lui sont reprochés en violation de la loi ; qu'il convient de l'en déclarer coupable et d'entrer en voie de condamnation à son encontre et, eu égard à la gravité et des circonstances de l'infraction, de la personnalité du prévenu et de ses explication, de le condamner à une amende d'un montant de 135 euros ;
" 1°) alors que l'article L. 121-1 du code de la route pose le principe général de verbalisation du conducteur seulement en cas d'identification formelle de celui-ci ; que par exception à ce principe, les articles L. 121-2 et L. 121-3 du code de la route prévoient une liste limitative des infractions pour lesquelles il est fait exception à ce principe et qui, par conséquent, peuvent êtres verbalisées sans identification du conducteur ; qu'en l'espèce, M. X... a fait l'objet d'une verbalisation sans identification du conducteur pour « circulation d'un véhicule à moteur avec une plaque d'immatriculation illisible » sur les fondements des articles R. 317-8, § 3, et R. 317-8, § 6, du code de la route ; que ces infractions relatives à l'entretien des plaques d'immatriculation ne sont pas visées par la liste limitative des articles L. 121-2 et L. 121-3 du code de la route ; qu'en conséquence, en condamnant le prévenu aux motifs « que le prévenu n'est nullement poursuivi au titre de articles L. 121-2 et L. 121-3 du code de la route » et que « l'infraction ne nécessite pas l'identification du conducteur », dès lors que le véhicule de M. X... se trouvait en stationnement au moment de la verbalisation, quand les articles L. 121-1 à L121-5 du code de la route, relatifs à la responsabilité pénale, sont applicables à l'ensemble des infractions du code de la route, le juge de proximité a violé les articles L. 121-1, L. 121-2 et L. 121-3 du code de la route, ensemble les textes et principes visés au moyen ;
" 2°) alors que l'imputabilité de l'infraction doit être établie avec certitude, hormis les cas où la loi prévoit l'imputabilité de l'infraction au titulaire du certificat d'immatriculation du véhicule dans les cas limitativement énumérés par les articles L. 121-2 et L. 121-3 du code de la route ; qu'en condamnant le prévenu aux motifs contradictoires de « circonstances (¿) induisant raisonnablement la certitude d'imputabilité de l'infraction au prévenu », le juge de proximité a violé les articles L. 121-1, L. 121-2 et L. 121-3 du code de la route, ensemble les textes et principes visés au moyen " ;
Attendu qu'il résulte du jugement attaqué et des pièces de procédure que M. X..., dont le véhicule était en stationnement dans une rue de Paris, a fait l'objet d'un procès-verbal pour circulation d'un véhicule muni d'une plaque d'immatriculation illisible ; que, cité devant la juridiction de proximité pour infraction à l'article R. 317-8 du code de la route, il a contesté sa culpabilité en faisant valoir qu'il ne conduisait pas son véhicule au moment du contrôle et ne se trouvait d'ailleurs pas à bord ;
Attendu que, pour déclarer M. X... coupable, le jugement retient que cette infraction, qui concerne l'équipement du véhicule et non sa conduite, peut être relevée même si le véhicule n'est pas en mouvement et s'il n'y a pas de conducteur, que le véhicule était mis en circulation au sens du code de la route, dès lors qu'il se trouvait sur la voie publique, que le prévenu est le titulaire du certificat d'immatriculation et qu'il n'apporte pas la preuve contraire aux constatations de l'agent verbalisateur conformément aux prescriptions de l'article 537 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'en cet état, le juge de proximité a justifié sa décision sans encourir les griefs visés au moyen ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Et attendu que le jugement est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt et un octobre deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.
Crim. 20 octobre 2015 n° 14-82.433
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Eric X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7e chambre, en date du 25 février 2014, qui, pour travail dissimulé, l'a condamné à 1 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 8 septembre 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Buisson, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Guichard ;
Sur le rapport de M. le conseiller BUISSON, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIÉ, de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. le premier avocat général CORDIER ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 8221-1, L. 8221-5 du code du travail, article préliminaire, 4, 427 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable d'exécution d'un travail dissimulé, l'a condamné au paiement d'une amende 1 000 euros et a prononcé sur les intérêts civils ;
"aux motifs que M. Steeve Y... a exposé dans sa citation qu'il a été embauché le 26 avril 2010 en qualité d'ouvrier formateur par M. X... au sein de la société Atlantis et que se déplaçant dans les entreprises clientes, les faits professionnels étaient réglés à l'aide d'une carte bancaire dont l'employeur était le titulaire ; qu'il a précisé que les bulletins de paye qui lui étaient délivrés ne faisaient pas apparaître les salaires qui lui étaient versés et qu'ainsi, pour la période de mai 2010 à mai 2012, M. X... lui a versé 64 905,90 euros alors que les bulletins de paye qui lui étaient délivrés font apparaître un salaire net à payer de 26 812,58 euros ; que désirant contracter un prêt immobilier, il a pris conscience du caractère illicite de sa situation ; qu'entendu par les services de gendarmerie, M. X... a déclaré avoir prêté à M. Y... entre 25 000 et 35 000 euros pour régler des dommages et intérêts suite à un délit de fuite en scooter ou en moto ; que par conclusions déposées à l'audience, M. Y... demande à la cour de confirmer la décision du tribunal sur la déclaration de culpabilité et sur l'action civile de condamner M. X... à lui payer la somme de 40 000 euros, outre celle de 1 000 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale ; que par conclusions déposées à l'audience, M. X... demande à la cour de surseoir à statuer jusqu'à ce que la plainte au pénal de M. X... soit instruite et subsidiairement de renvoyer l'affaire à une date ultérieure ; que les appels sont recevables en la forme ; qu'aucun élément n'autorise de surseoir à statuer jusqu'à la plainte déposé par M. X... pour vol à l'encontre de M. Y..., dès lors que le prévenu ne démontre pas que cette plainte ait une quelconque incidence sur la présente procédure ;
"alors que la procédure pénale doit être équitable et contradictoire et préserver l'équilibre des droits des parties ; que le juge ne peut fonder sa décision que sur des preuves qui lui sont apportées au cours des débats et contradictoirement discutées devant lui ; que M. X... faisait valoir devant la cour d'appel qu'au soutien de sa plainte pour travail dissimulé, M. Y... avait communiqué des documents originaux, qui avaient été soustraits à l'entreprise et dont il n'avait pu vérifier l'authenticité, de sorte qu'il sollicitait un sursis à statuer dans l'attente de connaître les suites de la plainte pour vol qu'il avait déposée contre M. Y... ; qu'en se bornant à affirmer qu'aucun élément n'autorisait de surseoir à statuer jusqu'à l'instruction de la plainte déposée par M. X... pour vol à l'encontre de M. Y..., dès lors que cette plainte n'avait selon la cour d'appel aucune incidence sur la présente procédure, sans rechercher si les pièces versées aux débats par M. Y... avaient effectivement été communiquées à M. X... et contradictoirement débattues et si le principe d'égalité des armes avait été respecté, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés" ;
Attendu que le moyen, inopérant en ce qu'il conteste le rejet d'une demande de sursis à statuer, mesure d'administration judiciaire dont les juges apprécient l'opportunité, ne peut qu'être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 8221-1, L. 8221-5 du code du travail, 1348 du code civil, article préliminaire et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable d'exécution d'un travail dissimulé, l'a condamné au paiement d'une amende 1 000 euros et a prononcé sur les intérêts civils ;
"aux motifs qu'il est constant que M. Y... a perçu de son employeur des sommes ne correspondant pas à ses bulletins de salaire sur une période de deux ans ; que les explications de M. X... sur ce point sont très imprécises, le prévenu arguant d'un prêt se situant entre 25 000 euros et 35 000 euros, qui n'est étayé par aucune pièce ; que notamment le prêteur supposé n'a pas cru devoir établir, pour une somme conséquente au bénéfice de l'un de ses employés, une reconnaissance de dette ;
"1°) alors que tout prévenu est présumé innocent, la charge de la preuve de sa culpabilité incombe à la partie poursuivante ; qu'en affirmant, pour déclarer M. X... coupable de travail dissimulé, que les explications de ce dernier selon lesquelles il avait accordé à M. Y... un prêt de l'ordre de 25 000 euros à 35 000 euros étaient très imprécises et n'étaient étayées par aucune pièce, notamment une reconnaissance de dette, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a méconnu les textes susvisés ;
"2°) alors que si la mention sur un bulletin de paie d'un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli constitue une irrégularité susceptible d'être pénalement qualifiée, tel n'est pas le cas lorsque les sommes que le salarié a perçues de son employeur, qui ne correspondent pas à celles mentionnées sur ses bulletins de salaires, sont, en réalité, un prêt accordé par l'employeur au salarié ; que M. X... soutenait en cause d'appel qu'il avait entretenu des relations d'amitié avec le père de M. Y... depuis de nombreuses années et qu'il avait consenti à celui-ci un prêt pour lui permettre de verser des dommages-intérêts à la victime d'un délit de fuite dont il s'était rendu coupable ; qu'en se bornant à affirmer que les explications de M. X... étaient imprécises et n'étaient étayées par aucune pièce notamment une reconnaissance de dette, sans rechercher si, compte tenu des relations de M. X... avec la famille de M. Y..., il s'était trouvé dans l'impossibilité morale de faire signer à ce dernier une reconnaissance de dette, la cour d'appel a privé sa décision de base légale" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions régulièrement déposées devant elle et caractérisé en tous ses éléments, tant matériel qu'intentionnel, le délit de travail dissimulé dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;
D'où il suit que le moyen, qui revient à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt octobre deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.
Civ.3 15 octobre 2015 n° 14-21.144
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le troisième moyen, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 13 mars 2014), que la société civile immobilière Guymar (SCI Guymar), propriétaire d'un bien immobilier comprenant vingt logements, représentée par M. Z..., a signé une promesse synallagmatique de vente de ce bien avec la société civile immobilière Rodilhan 13 (SCI Rodilhan 13), représentée par Mme A...et M. X...; que la vente n'a pas été réitérée ; que la société Phebus et M. X...ont assigné M. Z...aux fins de restitution des chèques de garantie tirés sur leurs comptes respectifs ; que la SCI Guymar et la SCI Rodilhan 13 sont intervenues volontairement à l'instance ; que celle-ci a assigné M. B..., notaire, aux fins de condamnation avec la SCI Guymar à lui payer le montant de la clause pénale contractuelle, ainsi que des dommages-intérêts en réparation de son préjudice matériel ;
Attendu qu'ayant constaté que la vente n'avait pu être réitérée en raison de la non-exécution de la condition suspensive prévue dans la promesse synallagmatique de vente, relative au renoncement au droit de préemption par les locataires, et relevé que l'exécution des formalités, issues des dispositions légales afférentes à ce droit, étaient à la charge du bailleur, qui avait reconnu ne pas les avoir accomplies, et non à celle du notaire, la cour d'appel, qui a souverainement retenu que la preuve n'était pas rapportée d'un manquement fautif du notaire de nature à engager sa responsabilité professionnelle, a légalement justifié sa décision ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les premier et deuxième moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Crim. 14 octobre 2015 n° 15-84.420
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- M. Innocent X...,- Le procureur général près la cour d'appel de Poitiers,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de ladite cour d'appel, en date du 30 juin 2015, qui, dans la procédure d'extradition suivie contre le premier à la demande du gouvernement de la République du Rwanda, a émis un avis partiellement favorable ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 30 septembre 2015 où étaient présents : M. Guérin, président, Mme Planchon, conseiller rapporteur, MM. Soulard, Steinmann, Mmes de la Lance, Chaubon, MM. Germain, Sadot, Mme Zerbib, conseillers de la chambre, Mmes Chauchis, Pichon, conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Gauthier ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de Mme le conseiller PLANCHON, les observations de la société civile professionnelle SEVAUX et MATHONNET, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GAUTHIER ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires et les observations complémentaires produits ;
I - Sur le pourvoi formé par M. X... :
Attendu que le pourvoi a été formé le 2 juillet 2015, par déclaration au greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Poitiers, par Me Plat, avocat au barreau de Paris, substituant Me Vercken, également avocat au barreau de Paris, représentant le prévenu ;
Attendu que, formé par un avocat qui n'exerce pas près la juridiction qui a statué et qui n'était pas muni d'un pouvoir spécial à cette fin, le pourvoi doit être déclaré irrecevable en application de l'article 576, alinéa 2, du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi du 25 janvier 2011 portant réforme de la représentation devant les cours d'appel ;
II - Sur le pourvoi formé par le procureur général près la cour d'appel de Poitiers :
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 111-3, 112-1 du code pénal, 696-3, 696-4, 696-15 du code de procédure pénale ;
Vu les articles 696-3, 696-4, 696-15 du code de procédure pénale, 111-3 et 112-1 du code pénal, 7 et 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 15, § 1, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 7, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme et le principe de légalité des délits et des peines ;
Attendu qu'est privé de l'une des conditions essentielles de son existence légale l'arrêt d'une chambre de l'instruction qui a donné un avis favorable à une demande d'extradition concernant des faits qualifiés de génocide et de crime contre l'humanité qui n'étaient pas incriminés par l'Etat requérant à l'époque où ils ont été commis ;
Attendu que, pour émettre un avis favorable à l'extradition de M. X... demandée par la République du Rwanda, s'agissant des faits de génocide et de crimes contre l'humanité qu'il aurait commis courant avril 1994, l'arrêt attaqué retient qu'à défaut de texte dans le droit rwandais réprimant ces catégories d'infractions avant la loi organique du 30 août 1996, l'application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948, ratifiée par l'Etat rwandais en 1975, permet de considérer que les faits poursuivis sous la qualification de génocide et de complicité de ce crime étaient incriminés à l'époque de leur commission et que l'intéressé était en mesure de connaître les sanctions auxquelles il s'exposait ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que, les infractions de génocide et de crimes contre l'humanité auraient-elles été visées par des instruments internationaux, en l'espèce la Convention sur le génocide du 9 décembre 1948, et celle sur l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité du 26 novembre 1968, applicables à la date de la commission des faits, en l'absence, à cette date, d'une définition précise et accessible de leurs éléments constitutifs ainsi que de la prévision d'une peine par la loi rwandaise, le principe de légalité criminelle, consacré par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ainsi que par la Convention européenne des droits de l'homme et ayant valeur constitutionnelle en droit français, fait obstacle à ce que lesdits faits soient considérés comme punis par la loi de l'Etat requérant, au sens de l'article 696-3, 1°, du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé ;
Qu'ainsi, l'arrêt ne satisfaisant pas aux conditions essentielles de son existence légale, la cassation est encourue ; qu'elle aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit appropriée et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L.411-3 du code de l'organisation judiciaire ;
Par ces motifs :
I - Sur le pourvoi de M. X... :
Le DECLARE irrecevable ;
II - Sur l'autre pourvoi :
CASSE et ANNULE, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Poitiers, en date du 30 juin 2015, mais en ses seules dispositions ayant émis un avis favorable à l'extradition de M. X..., toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
DONNE un avis défavorable à l'extradition de M. X... ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Poitiers et sa mention à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatorze octobre deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.
Crim. 14 octobre 2015 n° 14-86.501
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Benoît X..., - La société Martin, parties civiles,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de ROUEN, en date du 3 juillet 2014, qui, dans l'information suivie, sur leur plainte, contre personne non dénommée des chefs de faux en écriture publique et usage, escroquerie et violation du secret de l'instruction, a déclaré irrecevable l'appel du premier de l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction et, sur l'appel de la seconde, a confirmé ladite ordonnance ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 2 septembre 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Planchon, conseiller rapporteur, M. Soulard, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de Mme le conseiller PLANCHON et les conclusions de M. l'avocat général SASSOUST ;
Vu le mémoire personnel produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 186 du code de procédure pénale et des articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que M. X... et la société Martin, dont il est le gérant, ont porté plainte et se sont constitués partie civile, des chefs de faux en écriture publique et usage, escroquerie et violation du secret de l'instruction ; qu'à l'issue de l'information, le juge d'instruction saisi a rendu, le 9 avril 2014, une ordonnance de non-lieu qui a été notifiée aux parties civiles le 10 avril 2014 ; que la société Martin et M. X... ont relevé appel de cette décision respectivement les 18 et 28 avril 2014 ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable l'appel, relevé par M. X... le 28 avril 2014, de l'ordonnance de non-lieu du juge d'instruction rendue le 9 avril 2014, l'arrêt retient que cet appel a été formé après l'expiration du délai de dix jours suivant la notification faite aux parties civiles par lettres recommandées envoyées le 10 avril 2014 ;
Attendu qu'en cet état, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application de l'article 186, alinéa 4, du code de procédure pénale, dès lors que ce texte ne porte pas atteinte aux dispositions conventionnelles invoquées, le délai légalement fixé pouvant être prorogé dans le cas où un obstacle insurmontable a mis la partie concernée dans l'impossibilité d'agir en temps utile ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatorze octobre deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.
Crim. 14 octobre 2015 n° 15-84.426
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. John X... se disant John Y...,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de CAEN, en date du 8 juillet 2015, qui, dans la procédure d'extradition suivie contre lui à la demande du gouvernement des Etats-Unis d'Amérique, a émis un avis favorable ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 30 septembre 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Pichon, conseiller rapporteur, M. Soulard, conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. Gauthier ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire PICHON, les observations de la société civile professionnelle BOUZIDI et BOUHANNA, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GAUTHIER ;
Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;
Sur le premier moyen, pris de la violation des articles 2 et 9 du décret n° 2002-117 du 29 janvier 2002 portant publication du traité d'extradition entre la France et les Etats-Unis d'Amérique signé à Paris le 23 avril 1996, 696 à 696-15 du code de procédure pénale, 591, 593, dudit code, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande de complément d'information du demandeur et donné un avis favorable à la demande d'extradition de celui-ci formée par le gouvernement américain ;
"aux motifs qu'il est mentionné dans les pièces produites, que les faits ne sont pas prescrits au regard de la loi américaine, dès lors que la mise en accusation en date du 13 mai 2014 contient des infractions pénales ayant commencé en septembre 2010 et s'étant poursuivies jusqu'à janvier 2011 au moins ; qu'il est fait référence à un délai de prescription de l'action publique de cinq ans, prévue au paragraphe 3282 du titre 18 du code des Etats-Unis, qui dispose que « sauf disposition expresse de la loi, personne ne sera poursuivi, jugé ou puni pour une infraction qui n'est pas passible de la peine capitale, à moins que la culpabilité soit déclarée ou les poursuites soient lancées dans les cinq ans à partir de la commission de telle infraction » ; que l'article 9 du décret du 29 janvier 2002 relatif à la prescription prévoit que « l'extradition est refusée si l'action publique ou la peine sont prescrites selon la législation de l'Etat requis » et que « les actes effectués dans l'Etat requérant qui ont pour effet d'interrompre ou de suspendre la prescription sont pris en compte par l'Etat requis, dans la mesure où sa législation le permet » ; qu'en matière délictuelle, les délits se prescrivent par trois ans en droit interne français ; que si un plus de trois ans séparent les derniers faits de la prévention, datés de janvier 2011, de la mise en accusation intervenue le 13 mai 2014, il ressort des pièces versées, notamment de l'enquête effectuée par le service de la pêche et de la faune des Etats-Unis - US Fish and Wildlife Service - que de nombreux témoins ont été entendus - notamment le 1er mai 2011 ( M. Bill Z...), le 19 novembre 2012 (M. Christopher A...), et le 30 septembre 2013 (M. Mike B...) ; que de larges investigations notamment financières ainsi que des surveillances ont été effectuées, et que M. X... a été arrêté en septembre 2013, autant d'actes intervenus entre janvier 2011 et mai 2014 qui ont interrompu le délai de prescription de l'action publique, au regard de la loi française ; qu'il est donc établi que la prescription n'était pas acquise antérieurement à la demande d'extradition, sans qu'il soit besoin d'ordonner un complément d'information ;
"alors qu'aux termes de l'article 9 du décret n° 2002-117 du 29 janvier 2002 portant publication du traité d'extradition entre la France et les Etats-Unis d'Amérique signé à Paris le 23 avril 1996, l'extradition est refusée si l'action publique ou la peine sont prescrites selon la législation de l'État requis, tandis que les actes effectués dans l'État requérant qui ont pour effet d'interrompre ou de suspendre la prescription ne sont pris en compte par l'État requis que dans la mesure où sa législation le permet ; qu'en droit pénal français, et en application de l'article 113-6 du code pénal, les actes de poursuites accomplis à l'étranger n'ont un effet interruptif de prescription de l'action publique qu'à l'égard des infractions poursuivies et jugées en France, tandis qu'à l'égard des autres infractions, la prescription ne peut être interrompue, en vertu de l'article 9 susvisé, qu'en l'état d'une dénonciation des faits par les autorités de l'Etat requérant ; qu'en l'espèce, il résulte des propres énonciations de l'arrêt attaqué que les derniers faits reprochés au demandeur datent du mois de janvier 2011, tandis que la mise en accusation émanant des autorités américaines et transmise aux autorités françaises date du 13 mai 2014, soit plus de trois ans après la commission des derniers faits poursuivis ; que, dès lors, en estimant, pour considérer que la prescription de l'action publique n'était pas acquise avant la demande d'extradition de M. X... dit Y..., que les investigations effectuées aux Etats-Unis, par les autorités américaines, entre 2011 et 2013, avaient valablement interrompu le délai de prescription, quand il est constant que la présente procédure n'a pas pour objet de poursuivre en France les infractions litigieuses, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés" ;
Attendu que, pour déclarer les faits reprochés par les autorités américaines à la personne réclamée, non prescrits selon la loi de l'Etat français requis, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, et dès lors qu'en application de l'article 9 du traité bilatéral d'extradition du 23 avril 1996, le caractère interruptif de prescription des actes effectués dans l'Etat américain requérant s'apprécie au regard des articles 7 et 8 du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction a justifié sa décision, sans contrevenir aux dispositions légales et conventionnelles invoquées ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Mais sur le second moyen, pris de la violation des articles 2 et 9 du décret n° 2002-117 du 29 janvier 2002 portant publication du traité d'extradition entre la France et les Etats-Unis d'Amérique signé à Paris le 23 avril 1996, L 415-6 du code de l'environnement, 696 à 696-15 du code de procédure pénale, 111-2, 111-3, 111-4, 112-1 du code pénal, le principe de légalité des délits et des peines et de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère, 591, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande de complément d'information de l'exposant et donné un avis favorable à la demande d'extradition de celui-ci formée par le gouvernement américain ;
"aux motifs que sur les conditions légales de l'extradition, il ressort des pièces transmises dans le délai, traduites en français, que M. X... se disant Y... est l'objet de poursuites devant la Cour Fédérale du District ouest du Texas pour y être jugé pour différents délits concernant un trafic d'espèces sauvages protégées, en l'occurrence le rhinocéros noir, dont la vente d'un Etat à un autre est illégale aux Etats-Unis ; que les faits qui lui sont reprochés constituent des infractions pénalement sanctionnées par la loi américaine et également par la loi française, ces faits entrant dans l'incrimination de trafic d'espèces animales protégées en bande organisée, réprimé par le code de l'environnement, article L 415-6, et la Convention de Washington adoptée le 3 mars 1973 ; que les faits objet de la demande, dont la qualification n'est pas discutée, entrent, s'agissant des infractions et de la peine correctionnelle maximale encourue de cinq ans d'emprisonnement, dans les prévisions de l'article 2 du décret précité ; qu'une copie de ces textes de loi applicables aux faits incriminés à été jointe ; que M. X... se disant Y... est un citoyen irlandais domicilié en Irlande et qu'il n'a ni la nationalité française, ni le statut de réfugié politique ; qu'âgé de 26 ans, il n'invoque pas une situation d'une gravité particulière liée à son état de santé ; qu'il n'existe par ailleurs en l'espèce aucune cause faisant obstacle à ce que l'extradition soit accordée, ainsi que le prévoit l'article 696-4 du code de procédure pénale ; qu'il s'ensuit que les conditions légales de l'extradition sont réunies ; qu'il convient, dès lors de donner un avis favorable à la présente demande ;
"1°) alors qu'aux termes de l'article 2 du décret n° 2002-117 du 29 janvier 2002 portant publication du traité d'extradition entre la France et les Etats-Unis d'Amérique signé à Paris le 23 avril 1996, seules donnent lieu à extradition les infractions punies selon les lois des deux états, d'une peine privative de liberté d'un maximum d'au moins un an ou d'une peine plus sévère ; que, dès lors, en se bornant, pour donner un avis favorable à l'extradition de l'exposant, à relever que les faits de « trafic d'espèces animales protégées » qui lui sont reprochés sont pénalement réprimés aux Etats-Unis d'une peine de cinq ans d'emprisonnement et, comme tels, entrent dans les prévisions de l'article 2 susvisé, sans rechercher si, à la date des faits incriminés, la peine prévue par la législation française était elle-même au moins égale à un an d'emprisonnement, la décision entreprise ne satisfait pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale ;
"2°) alors, subsidiairement, qu'à supposer que pour décider que les faits ayant motivé la demande d'extradition étaient en France punis d'une peine au moins égale à un an d'emprisonnement, la chambre de l'instruction se soit implicitement référée aux dispositions de l'article L 415-6 du code de l'environnement comme réprimant de sept années d'emprisonnement le « trafic d'espèces animales protégées en bande organisée », la décision attaquée ne pourrait satisfaire aux conditions essentielles de son existence légale, dès lors, d'une part qu'il n'est pas reproché au demandeur d'avoir commis les faits litigieux en bande organisée, d'autre part que le texte susvisé a été créé par la loi n° 2013-619 du 16 juillet 2013 et, partant, n'était pas entré en vigueur à la date des faits incriminés dont les plus récents remontent au mois de janvier 2011 ;
"3°) alors, et en tout état de cause, qu'aux termes de l'article 2 du décret n° 2002-117 du 29 janvier 2002 portant publication du traité d'extradition entre la France et les Etats-Unis d'Amérique signé à Paris le 23 avril 1996, seules donnent lieu à extradition les infractions punies selon les lois des deux états, d'une peine privative de liberté d'un maximum d'au moins un an ou d'une peine plus sévère ; que ne satisfait pas aux conditions essentielles de son existence légale, la décision portant avis favorable à une demande d'extradition, qui ne précise pas en quoi, conformément au principe de la légalité des délits et des peines, les faits visés au soutien de cette demande constituaient effectivement, au jour de leur commission, une infraction pénale en droit français ; qu'en se bornant, pour donner un avis favorable à la demande d'extradition du demandeur, à affirmer péremptoirement que les faits reprochés au demandeur constituent des infractions pénalement sanctionnées par la loi française comme entrant dans l'incrimination de « trafic d'espèces animales protégés en bande organisée, réprimé par le code de l'environnement article L 415-6 », sans nullement rechercher ni indiquer, au-delà de cette seule dénomination générale ne ressortant d'aucun texte pénal d'incrimination, la nature précise de l'infraction dont auraient relevé en droit français, au jour de leur commission, les faits reprochés au demandeur ainsi que leur texte précis d'incrimination rendant accessible notamment la définition de ses éléments constitutifs ainsi que de la peine encourue, la chambre de l'instruction a privé sa décision, en la forme, des conditions essentielles de son existence légale" ;
Vu les articles 593 et 696-15 du code de procédure pénale ;
Attendu que, d'une part, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que, d'autre part, l'arrêt d'une chambre de l'instruction, statuant en matière d'extradition, doit répondre, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que le gouvernement des Etats-Unis d'Amérique a demandé l'extradition de M. X... aux fins de poursuites pénales pour trafic d'espèces protégées commis en 2010 et 2011 ;
Attendu que, pour émettre un avis favorable à la demande d'extradition, la chambre de l'instruction énonce notamment que les faits reprochés à la personne réclamée sont prévus et réprimés par la loi française à l'article L.415-6 du code de l'environnement, et entrent dans les prévisions de l'article 2 du traité bilatéral ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, sans vérifier si les faits justifiant l'extradition étaient punis par la loi française à la date à laquelle ils auraient été commis, alors que l'infraction de trafic d'espèces animales ou végétales protégées commis en bande organisée, prévue et réprimée par l'article L.415-6 du code de l'environnement, a été créée par la loi n° 2013-619 du 16 juillet 2013, la chambre de l'instruction n'a pas donné de base légale à sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Caen, en date du 8 juillet 2015, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Caen et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatorze octobre deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.
Crim. 14 octobre 2015 n° 14-83.301
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- La société Kärcher,
contre l'ordonnance n° 07197 du premier président de la cour d'appel de BORDEAUX, en date du 8 avril 2014, qui a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant la direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes à effectuer des opérations de visite et saisie en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 2 septembre 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Soulard, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de M. le conseiller SOULARD, les observations de la société civile professionnelle CÉLICE, BLANCPAIN, SOLTNER et TEXIDOR, de Me RICARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général SASSOUST ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, 8, § 1, et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 1349, 1353 et 1315 du code civil, des articles L. 450-4 du code de commerce, 593 du code de procédure pénale, 493 du code de procédure civile, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'ordonnance attaquée RG 12/07197 du 8 avril 2014 a rejeté le recours de la société Kärcher et a refusé d'annuler l'ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant à procéder à des visites domiciliaires dans les locaux de ladite société, ainsi que chez certains distributeurs ;
"aux motifs que la DIRECCTE soupçonnant l'existence de la part d'un certain nombre de sociétés, dont la société Kärcher, de pratiques anticoncurrentielles et estimant que les pouvoirs d'investigation que lui confèrent les dispositions de l'article L. 450-3 du code de commerce étaient insuffisants pour mettre en évidence ces pratiques a décidé de solliciter du juge des libertés de Bordeaux l'autorisation de visite et de saisies de l'article L. 450-4 du code de commerce ; qu'il est de jurisprudence constante que le juge, par sa signature au bas du document, s'est approprié les motifs et le dispositif de l'ordonnance qui a été rédigée pour lui par l'administration qui lui a présenté requête ;
"alors que le fait que le juge des libertés, en apposant « sa signature au bas du document s'est approprié les motifs et le dispositif de l'ordonnance qui a été rédigée pour lui par l'administration » n'est pas de nature à établir, au contraire, qu'il a effectivement vérifié, comme l'exige l'article L. 450-4 du code de commerce, que la demande d'autorisation est fondée ; qu'en se bornant à faire jouer la présomption prétorienne selon laquelle les motifs et le dispositif d'une décision judiciaire sont réputés avoir été établis par le juge qui l'a signée, sans tenir compte des « contradictions, approximations et inexactitudes évidentes » qui affectaient la demande de la DIRECCTE Aquitaine et que le JLD aurait dû relever dans le cadre de la vérification normale d'une requête unilatéralement présentée, le premier président a violé par refus d'application les textes susvisés" ;
Attendu que, par application de l'article 561 du code de procédure civile, le premier président qui annule l'ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant des opérations de visite et saisie doit se prononcer lui-même sur le bien-fondé de la requête de l'administration ;
Qu'il s'ensuit que le moyen, qui fait grief à l'ordonnance attaquée de ne pas avoir annulé la décision du premier juge, alors qu'au surplus la reproduction, dans cette décision, de la requête de l'administration, est sans effet sur sa validité, est inopérant ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 420-1 et L. 450-4 du code de commerce, 8 et 13 de la CESDH ainsi que 56 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'ordonnance attaquée a rejeté le recours de la société Kärcher et a validé l'autorisation de perquisition sollicitée par la DIRECCTE ;
"aux motifs que sur la proportionnalité de la mesure ordonnée, pour autoriser, comme il l'a fait, visites et saisies concernant les produits de la gamme grand public de la marque Kärcher, sans exclusive ou sans limitation aux seuls nettoyeurs haute pression, le juge des libertés de Bordeaux a suffisamment motivé sa décision en reprenant les termes de l'audition de M. X... qui, expliquant la politique tarifaire de la société Kärcher, ne distingue pas entre les nettoyeurs haute pression et les autres produits de la marque pour parler de "l'outillage" ou "du matériel" et après avoir visé le tarif grand public 2011 annexe 27 dont l'examen, même sommaire, ne pouvait que le conduire à constater que la société Kärcher commercialise, à côté des nettoyeurs haute pression éponymes, de l'outillage et des matériels divers d'arrosage et de piscine ; que, par voie de conséquence, même si les exemples choisis par l'administration pour étayer sa requête sont relatifs à des nettoyeurs haute pression, produit phare de la marque, le juge des libertés pouvait, sans atteinte au principe de proportionnalité, autoriser l'administration à s'intéresser à l'ensemble des matériels grand public mis dans le commerce par la société Kärcher ; que, par ailleurs, il n'était pas interdit à la DIRECCTE d'utiliser à l'appui de sa requête, comme en l'espèce, des procès-verbaux recueillis dans le cadre d'enquêtes fondées sur les dispositions de l'article L. 450-3 du code de commerce, ni au juge de les utiliser dans son ordonnance, dès lors que ces documents, identifiés comme tels (annexes 2 et 7) sont en apparence parfaitement réguliers ; que les déclarations litigieuses entrent bien dans le champ de l'enquête puisque la CGO et la société Comai commercialisent les produits Kärcher non seulement auprès de professionnels, mais vendent également aux particuliers (.../...nous avons une activité de vente à destinations des professionnels et des particuliers de plus en plus nombreux , CGO - ¿/¿ la clientèle de la société est constituée à 50% d'agriculteurs et à 50% de particuliers, écrit Mme Y... rapportant les propos de M. Gérard Z..., responsable de la SA Cornai) ;
"1°) alors qu'en vertu de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et de l'article 56 du code de procédure pénale, la protection due à la vie privée et au domicile impose que les visites domiciliaires soient limitées à ce qui est strictement nécessaire à la manifestation de la vérité ; que l'article L. 450-4 du code de commerce impose au juge de vérifier que la demande d'autorisation est « fondée sur les éléments d'information de nature à justifier la visite » ; que le premier président, qui délivre une autorisation concernant l'ensemble des produits de la gamme grand public Kärcher, conformément à la demande formulée par la DIRECCTE tout en reconnaissant que « les exemples choisis par l'administration pour étayer sa requête sont relatifs à des nettoyeurs haute pression, produit phare de la marque », ne justifie pas légalement une autorisation générale débordant manifestement le champ des « éléments d'information » produits par la DIRECCTE et a donc méconnu le principe de l'inviolabilité du domicile, en violation de l'ensemble des textes susvisés ;
"2°) alors qu'en se référant à des déclarations recueillies dans le cadre d'une autre enquête (M. X... - p. 5 al. 3, et p. 5 al. 4, la société Comai) pour justifier la délivrance de l'autorisation relative à l'ensemble des produits de la gamme grand public de la marque, sans s'expliquer, comme il y était invité, sur la circonstance que les déclarations collectées dans cette ancienne enquête intéressaient les revendeurs du secteur des matériels professionnels soucieux de justifier leurs propres pratiques dans ce secteur, et ne pouvaient objectivement constituer des « indices pertinents » dans le cadre d'une autorisation visant exclusivement les produits grand public, le premier président a privé sa décision de toute base légale au regard des textes susvisés" ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 450-3 et L. 450-4 du code de commerce, 6, 8 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme ainsi que 56 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'ordonnance attaquée a rejeté le recours de la société Kärcher et a validé l'autorisation de perquisition sollicitée par la DIRECCTE ;
"aux motifs que la société Kärcher estime que le juge n'a pas pu trouver dans les pièces annexées à la requête des documents suffisamment probants pour caractériser les différents indices au sens des dispositions de l'article L. 540-4 du code de commerce ; que le prix de vente au détail souhaité par le fournisseur et connu du distributeur ; que l'existence de prix indicatifs ou conseillés n'est pas sérieusement contestée ce que le juge a pu vérifier par la production des dits tarifs ; que leur diffusion auprès des fournisseurs n'est pas contestée et par ailleurs confirmée par les responsables de la CGO ; que si cette pratique est licite et ne constitue pas une "présomption" elle est suffisante pour caractériser un premier "indice" ; que le juge devait le constater ; que, sur l'application significative par le distributeur du prix conseillé, la société Kärcher explique que le tarif 2011 est inopérant car il ne serait pas le sien mais un document interne à la société Cofaq ; que, ce document était bien celui diffusé aux distributeurs (cf. Audition responsables CGO - les tarifs d'achats, taux de remise et conditions générales de vente des fournisseurs Cofaq sont disponibles en ligne sur le site de la Cofaq.../...) et la société Kärcher ne démontre pas que son tarif était différent de celui exploité par l'administration ; que, par conséquent, son argument manque en fait ; que, quant au différentiel entre le prix conseillé et le prix relevé par l'administration, cette dernière prétend qu'il s'explique par la réintégration de la TVA ; que la société Kärcher semble affirmer, sans toutefois le démontrer, que l'administration aurait ajouté de la TVA sur des prix TTC ! ? ) ; que le juge recherche des indices et non des preuves, la discussion de la société Kärcher sur les lacunes dans les tarifs concernant certaines références ne sont pas de nature, à ce stade de la procédure, à remettre en cause l'intérêt des rapprochements effectués par l'administration ; que, de la même façon, la discussion sur le fait de savoir s'il était ou non pertinent d'intégrer dans le prix de vente par internet le coût de livraison, pour le comparer à des prix de vente magasin sans livraison, est peut-être une question qui sera débattue au fond mais, au stade de l'autorisation, s'agissant de matériels grand public qui entrent dans le coffre d'une voiture, cette comparaison apparaît suffisamment raisonnable et censée pour emporter la conviction d'un juge de la liberté normalement vigilant ; qu'après vérification par simples sondages de la méthodologie de travail de l'administration, en se référant, pages 5, 7 et 8 de son ordonnance, aux tableaux de synthèses établis par la DIRECCTE partir des tarifs 2010 et 2011(Cofaq), des catalogues fournisseurs et des relevés de prix effectués, le juge a mis en évidence un taux de suivi moyen de 97,94 % caractérisant ainsi le deuxième indice ; que, sur la police ou la surveillance des prix, il est possible, et il s'agira peut-être un jour d'un débat de fond, que le fait pour la société Kärcher de conserver la maîtrise de sa politique promotionnelle et d'exiger du consommateur désirant bénéficier de ces offres de retourner leur ticket de caisse soit dénué de la moindre intention de contrôler les prix pratiqués par le distributeur, mais il n'en reste pas moins qu'aux yeux du juge de la liberté, cette façon de procéder peut parfaitement constituer un indice de surveillance des prix effectivement pratiqués ; que le fait que la gestion de ces offres promotionnelles soit confiée à une société tierce ne prive pas la société tierce ne prive pas la société mandante de la possibilité d'exercer un contrôle à cet égard ; que l'existence d'un troisième indice est bien établie ;
"1°) alors que la cour d'appel ne statue pas sur le chef péremptoire des conclusions de la société Kärcher dénonçant l'utilisation irrégulière par la DIRECCTE du tarif 2011 diffusé par la société Cofaq, centrale d'achat opérant dans son propre réseau, ledit tarif étant sans valeur dans les rapports de l'entreprise et de ses clients directs ; que le premier président, qui se réfère cependant à ce document pour caractériser et la soi-disant diffusion de prix conseillé et la prétendue homogénéité des prix par rapport à ce tarif et la pertinence des synthèses élaborées dans les tableaux comparatifs de la DIRECCTE, a, dès lors, violé de façon flagrante l'article 593 du code de procédure pénale ;
"2°) alors qu'en vertu de l'article L. 450-4 du code de commerce, de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et du principe de la présomption d'innocence, il appartient à la partie poursuivante, avec tous les éléments d'information en sa possession, de « justifier la visite sollicitée » et qu'intervertit totalement la charge de la preuve le premier président qui, en violation des textes et du principe susvisés, accorde l'autorisation litigieuse parce que « Kärcher ne démontre pas que son tarif était différent de celui exploité par l'administration » (Cofaq) et parce qu'elle ne démontre pas non plus que les prix exploités par l'administration intègrent nécessairement une part de TVA ;
"3°) alors qu'il appartient à la DIRECCTE, débitrice en vertu de l'article L. 450-4 du code de commerce de tous les éléments d'information de nature à justifier la visite, de préciser devant le juge de l'autorisation si les prix qu'elle compare dans ses tableaux de synthèse intègrent, ou non, les frais de livraison qui influent nécessairement sur la facturation au consommateur, de sorte qu'en refusant de vider le débat sur ce point et en le renvoyant aux juges du fond, le premier président n'a pas contrôlé la réalité même de l'indice qui lui était soumis et a, de plus fort, méconnu son office au regard du texte susvisé ;
"4°) alors que la société Kärcher avait fait valoir que l'administration était d'autant moins fondée à déduire de la simple homogénéité des prix retenus dans ses tableaux une présomption de pratiques anticoncurrentielles imputables au fabricant que la DIRECCTE avait, elle-même, signalé que les distributeurs en cause continuaient à pratiquer un prix donné même lorsque Kärcher avait conseillé des prix inférieurs ; que la similitude des prix dans la commercialisation du nettoyeur haute pression, produit emblématique et « incontournable » de la marque pouvant ainsi résulter normalement d'un simple parallélisme des comportements, il appartenait au premier président de rechercher, comme il y était invité, si cette donnée commerciale élémentaire n'était pas de nature à retirer tout objet aux présomptions alléguées par le service d'enquête ; qu'en statuant comme il l'a fait, le premier président a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
"5°) alors que ne constitue pas, à elle seule, une mesure occulte et illicite de « police des prix », le fait pour un fabricant d'offrir, officiellement et à titre promotionnel, à tous les acheteurs de ses produits un remboursement partiel du prix acquitté sur production de la facture d'achat, laquelle est juridiquement indispensable pour établir la cause même dudit remboursement ; qu'en se contentant d'énoncer que ces opérations promotionnelles classiques, entièrement traitées par des sociétés de services tierces, laissaient à la société KÄRCHER une éventuelle possibilité de surveiller les prix, sans constater l'existence du moindre indice de pression ou de répression sur les distributeurs venant corroborer la mise en place d'une « police» quelconque, le premier président, qui renvoie les parties à en débattre au fond, après exécution de la visite dommageable, n'a pas légalement justifié, en l'état, les besoins pour l'enquête en cours de recourir à une visite domiciliaire et a, par méconnaissance de son office propre, violé l'article L. 450-4 du code de commerce et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'ordonnance attaquée mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que le premier président de la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont il était saisi et caractérisé, s'étant référé, en les analysant, aux éléments d'information fournis par l'administration, l'existence de présomptions de pratiques anticoncurrentielles justifiant la mesure autorisée ;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Et attendu que l'ordonnance est régulière en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatorze octobre deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.
Crim. 14 octobre 2015 n° 14-83.300
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- La société Kärcher,
contre l'ordonnance n° 07272 du premier président de la cour d'appel de BORDEAUX, en date du 8 avril 2014, qui a prononcé sur la régularité des opérations de visite et de saisie de documents effectuées par l'administration de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 2 septembre 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Soulard, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de M. le conseiller SOULARD, les observations de la société civile professionnelle CÉLICE, BLANCPAIN, SOLTNER et TEXIDOR, de Me RICARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général SASSOUST ;
Vu les mémoires en demande, en défense et les observations complémentaires produits ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 450-4, R. 450-1 et R. 450-2 du code de commerce, 545 du code civil, des articles 56, 97, 99, 136, alinéa 2, 170, 171 et 593 du code de procédure pénale, et des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
"en ce que l'ordonnance attaquée a intégralement débouté la société Kärcher SAS de son recours ;
"aux motifs que "la saisie" des documents non consignés à l'inventaire, il ressort du procès-verbal de saisie, ce que nul ne discute, que l'administration a demandé et obtenu du responsable informatique de la société Kärcher la mise à sa disposition, sur un disque dur externe, qu'elle avait apporté à cet effet et qui a été spécialement formaté, des archives de messagerie, sous forme de fichiers .pst, ainsi que la copie des zones usagers stockés sur les serveurs de la société de cinq des agents de la société Kärcher, MM. X... et Y..., Mme A... et MM. B... et C... ; qu'une fois la copie faite, le disque dur externe a été exploré par le logiciel de l'administration à l'aide de différents mots-clés ; que les fichiers et documents sélectionnés ont été gravés sur DVD vierges, non réinscriptibles, et l'administration ainsi que la société visitée ont gardé chacune un exemplaire des DVD contenant les saisies numériques ; qu'il est constant que huit mille trois cent trente-cinq documents ont été copiés sur le disque dur externe, que les DVD contiennent cinq mille cinq cent vingt-trois documents sélectionnés et que l'administration a quitté les lieux emportant avec elle son disque dur externe qui contenait les huit mille trois cent trente-cinq documents dont les deux mille huit cent qui n'ont pas été saisis ; qu'il aurait sans doute été souhaitable qu'une fois les opérations de saisie effectuées, les parties nettoient le disque dur externe, mais elles n'y ont manifestement pas pensé ; que ce fait qui est constitutif d'une maladresse, commune aux parties, n'est toutefois pas de nature à affecter les opérations autorisées par l'ordonnance du 7 décembre 2012, puisqu'aussi bien les documents saisis dans le cadre de cette procédure sont ceux, et uniquement ceux, listés au procès-verbal et dans le DVD dont chacune des parties a gardé un exemplaire ;
"1°) alors que des documents informatiques appréhendés et conservés sur un disque dur par les enquêteurs à l'occasion d'une perquisition autorisée par un juge sont nécessairement objets d'une saisie, de sorte que le premier président, qui a constaté que l'administration avait "quitté les lieux emportant avec elle son disque dur externe qui contenait les huit mille trois cent trente-cinq documents dont deux mille huit cent qui n'ont pas été saisis" et qui refuse d'admettre l'irrégularité au prétexte que les deux mille huit cent documents ainsi emportés « n'ont pas été saisis », viole les textes susvisés ;
"2°) alors qu'à défaut d'avoir fait l'objet d'un inventaire, d'un scellé ou d'une copie remise à la partie visitée, cette dernière se trouve dans l'impossibilité de savoir si les deux mille huit cent fichiers non identifiés figurant sur le disque dur de l'administration entrent dans le champ de l'autorisation limitée délivrée par le juge des libertés et de la détention et s'ils ne comportent pas des données protégées au titre du secret des correspondances ou de la protection due à la vie privée et justifiant leur annulation de sorte que, en statuant comme il l'a fait, le premier président ¿ qui ne remet pas la partie visitée en possession des données indument emportées ¿ a privé la société Kärcher de l'exercice normal des droits de la défense et de la possibilité de faire contrôler par le juge de l'opération, en violation flagrante de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
"3°) alors que s'étant mis dans l'impossibilité d'ordonner à l'administration la restitution d'objets réputés "non saisis", le premier président qui ne prévoit aucune mesure réparatrice appropriée à la détention, sans titre, par le service d'enquête, des données informatiques, propriété de la société, valide une véritable voie de fait, en méconnaissance flagrante de son office et en violation spécialement de l'article 545 du code civil ;
"4°) alors que le premier président ayant relevé que l'administration avait « obtenu du responsable informatique la mise à sa disposition sur un disque dur, qu'elle avait apporté à cet effet » des archives des messageries de cinq agents de l'entreprise, ne pouvait, sans priver sa décision de base légale, notamment au regard de l'article L. 450-4 du code de commerce imputer l'irrégularité des opérations à une prétendue faute commune des parties et éluder ainsi les conséquences de la nullité de la saisie des deux mille huit cent documents" ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, 8 et 13 de la Convention européenne des droit de l'homme, des articles 56, 97, 170, 171 et 593 du code de procédure pénale, et de l'article L. 450-4 du code de commerce ;
"en ce que l'ordonnance attaquée a rejeté le recours de la société Kärcher demandant l'annulation des opérations de saisie pratiquées le 20 décembre 2012 et a prononcé seulement « l'annulation par destruction » de seize fichiers informatiques protégés par le secret des correspondances entre un client et son avocat ;
"aux motifs que sur la saisie des documents protégés par le secret de la correspondance entre une personne et son avocat, il est constant que parmi les correspondances saisies certaines sont protégées par le secret de la correspondance entre un avocat et son client ; que la société Kärcher voudrait, semble-t-il, que cette circonstance affecte d'illégalité l'ensemble des saisies effectuées ; que l'administration s'offre de restituer la totalité de ces correspondances protégées ; que l'existence de ces documents particuliers parmi les saisies opérées n'est pas de nature à affecter l'intégralité des opérations effectuées en exécution de l'ordonnance du 7 décembre 2012 et leur restitution constitue un mode de réparation suffisant ;
"1°) alors que toute annulation d'un acte juridique emporte nécessairement un effet rétroactif et que le premier président ne peut, sans contradiction, prononcer l'annulation et décider cependant que l'administration pourra se contenter de « restituer par destruction » les fichiers comportant la correspondance entre les avocats, mesure qui ne vaut que pour l'avenir et rend sans effet ladite annulation du fait de la connaissance acquise par l'administration des courriers d'avocats ; qu'en statuant de la sorte, le premier président a violé les textes susvisés et le principe selon lequel toute personne qui subit une atteinte à la liberté individuelle et à son domicile doit bénéficier d'un recours effectif ;
"2°) alors que le redressement d'une saisie irrégulière ne peut valablement être opéré par voie de simple restitution que si la partie poursuivante avait régulièrement placé sous main de justice, en application de l'article 56 du code de procédure pénale les pièces litigieuses, ce qui garantit la préservation du secret ; que n'étant pas contesté que, faute de respecter cette procédure, l'administration a détenu les correspondances avec les avocats pendant toute la période séparant la saisie et la date de l'ordonnance et qu'elle a même pu en dresser copie, l'irrégularité commise au regard du texte susvisé était irrémédiable, sauf à annuler l'ensemble de la procédure déclenchée par le service d'enquête ; qu'en statuant comme il l'a fait, le premier président a méconnu à la fois le principe de l'inviolabilité du domicile et celui du caractère strictement confidentiel des correspondances avec les avocats ;
"3°) alors que, faute d'avoir analysé les correspondances entre les avocats qui restent couvertes par le secret, et d'avoir ainsi pu déterminer si elles étaient susceptibles d'orienter éventuellement le traitement des autres pièces collectées par le service d'enquête, le premier président ne pouvait se contenter d'affirmer, dans un motif incontrôlable, que lesdites correspondances n'étaient pas de nature à affecter l'intégralité des saisies ; qu'en statuant de la sorte, il a violé l'ensemble des textes susvisés et plus particulièrement l'article 56 du code de procédure pénale" ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 450-4 du code de commerce, 56 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'ordonnance attaquée a rejeté le recours dirigé par la société Kärcher contre le déroulement des opérations de visite domiciliaire et de saisie opérées par l'administration le 20 décembre 2012 ;
"aux motifs que, sur la violation du principe de la proportionnalité et la saisie massive et indifférenciées de documents, la société Kärcher ne peut en considération du seul nombre de documents saisis reprocher à l'administration une saisie massive de documents alors que, comme le souligne l'administration, les saisies sont ciblées pour ne concerner que les ordinateurs de cinq de ses collaborateurs sur un site qui en comporte plusieurs centaines ; que la société Kärcher prétend que l'administration ne serait pas obligée de saisir l'intégralité des messageries au motif qu'elle seraient insécables puisqu'il existerait des logiciels performants qui permettraient de pallier cette difficulté ; que, comme l'explique la DIRECCTE, la Cour de cassation a eu l'occasion de rappeler dans ses arrêts du 11 janvier 2012 (pourvois 10-88194 et 10-88197) qu'il n'appartient pas au juge de prononcer sur les modalités de saisies informatiques mais bien seulement de vérifier la régularité des opérations ; que, par ailleurs, en raison de son caractère insécable, la Cour de cassation reconnaît à l'administration la possibilité de saisir l'intégralité d'une messagerie ; qu'au cas d'espèce, les saisies portent sur les documents inventoriés dans le procès-verbal signé par les parties le 20 décembre 2012 qui énumère l'ensemble des documents saisis et l'identification des fichiers concernés (nom, empreinte numérique, chemin d'accès et taille) ; que, dès lors, la société Kärcher ne conteste pas que les messageries litigieuses contiennent, au moins pour partie, des courriels et documents qui entrent dans le champ de l'enquête, les saisies opérées par la direccte sont proportionnés¿; que la Cour de cassation a eu l'occasion de valider le refus opposé par l'administration à la communication des critères de sélection des documents finalement saisis ; qu'au cas d'espèce, la société Kärcher ne peut se contenter d'une pétition de principe ; qu'elle a une connaissance exhaustive des documents saisis et le double des fichiers informatiques ; qu'elle est donc en capacité de démontrer que les documents hors champ sont aussi nombreux qu'elle le prétend, ce qu'elle ne fait pas ; que la connaissance des mots de passe choisis ne lui serait à cet égard d'aucun secours ; qu'enfin, toujours parce qu'elle a une exacte connaissance des documents saisis, les droits de la défense de la société Kärcher sont justement préservés¿ ; qu'il est constant que parmi les correspondances saisies certaines sont protégées par le secret de la correspondance entre un avocat et son client ; que la société Kärcher voudrait, semble-t-il, que cette circonstance affecte d'illégalité l'ensemble des saisies effectuées ; que l'administration s'offre de restituer la totalité de ces correspondances protégées ; que l'existence de ces documents particuliers parmi les saisies opérées n'est pas de nature à affecter l'intégralité des opérations effectuées en exécution de l'ordonnance du 7 décembre 2012 et leur restitution constitue un mode de réparation suffisant ; que la saisie des documents hors champ de l'enquête¿; que, là encore, la DIRECCTE accepte de restituer les cent six documents réclamés par la société Kärcher dont elle convient qu'ils ne font pas partie du champ de l'enquête définie comme les pratiques susceptibles d'être relevées dans le réseau de distribution de la marque Kärcher pour les produits de la gamme grand public ;
"1°) alors qu'il résulte des constatations mêmes du premier président et du dispositif de son ordonnance qu'en procédant comme elle l'a fait, l'administration a saisi, outre deux mille huit cent fichiers non identifiés, seize fichiers comportant des correspondances avec les avocats, cent six fichiers entièrement étrangers au champ de l'enquête ; qu'en se contentant d'ordonner la restitution de certaines de ces saisies sans rechercher si elles n'auraient pas dû être évitées par le simple respect de la procédure imposée par l'article 56 du code de procédure pénale qui limite le pouvoir des enquêteurs à la seule saisie des données informatiques apparaissant « nécessaires à la manifestation de la vérité », et qui prévoit, à cet égard, que les supports et les copies soient placés « sous main de justice » pour ne maintenir que ce qui est utile à l'enquête, le premier président n'a pas légalement justifié son refus d'admettre le caractère massif et indifférencié des saisies opérées dans de telles conditions ;
"2°) alors que la société Kärcher avait fait valoir que la saisie massive de plus de vingt mille emails, sans aucune possibilité d'obtenir la suspension d'une telle mesure, constituait une atteinte disproportionnée aux droits au respect de la vie privée et au respect du domicile et violait de façon flagrante l'article 8 de la Convention européenne des droit de l'homme et l'article 56 du code de procédure pénale ; qu'en se bornant à justifier l'exagération de cette mesure intrusive par la considération inopérante que la partie visitée pourrait en prendre toute la dimension à la lecture des copies qui lui avaient été remises et que l'administration ne s'opposait pas à certaines restitutions, le premier président n'assure nullement le respect des intérêts en cause qui doivent faire l'objet des précautions préalables imposées au service des enquêtes par les textes susvisés et ne sont pas réparées, a posteriori, par les mesures illusoires telles que décidées en l'espèce ;
"3°) alors que sans se faire juge des méthodes employées par l'administration sur la manière de surmonter « l'insécabilité » alléguée des données informatiques, il appartient cependant à l'autorité judiciaire de se prononcer sur les résultats desdites méthodes lorsqu'ils lui sont soumis dans le cadre du recours prévu par l'article L. 450-4, de sorte qu'en se référant de façon inopérante à la position de la Cour de cassation sur la notion d'insécabilité des supports informatiques et en refusant de rechercher concrètement si, au cas présent, l'ampleur et le caractère indifférencié des saisies, quelle qu'en soit la cause, ne caractérisaient pas en soi une atteinte excessive au principe de l'inviolabilité du domicile et aux droits de la défense, le premier président a privé sa décision de toute base légale au regard des textes susvisés" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour rejeter le recours formé contre les opérations de visite, l'ordonnance prononce par les motifs repris aux moyens ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations et dès lors que, d'une part, la confection de scellés provisoires est une faculté laissée à l'appréciation des enquêteurs, agissant sous le contrôle du juge, d'autre part, la saisie irrégulière de certains fichiers ou documents est sans effet sur la validité des opérations de visite et des autres saisies, le premier président, qui n'avait pas à apprécier la possibilité pour les enquêteurs de procéder autrement qu'ils ne l'ont fait au partage des fichiers informatiques, qui a estimé à bon droit que les fichiers qui ne figuraient pas sur le procès-verbal n'avaient pas été saisis et qui a annulé la saisie des fichiers protégés par le secret des correspondances entre un client et son avocat, a justifié sa décision ;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Et attendu que l'ordonnance est régulière en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatorze octobre deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.
Crim. 14 octobre 2015 n° 15-81.765 B n° 837
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- M. Bouzidi X...,- M. Pierre Y...,- M. Rayan Z...,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 7e section, en date du 5 mars 2015, qui, dans l'information suivie contre eux notamment des chefs de détention d'armes et de munitions, importation de produits stupéfiants en bande organisée, infractions à la législation sur les stupéfiants et association de malfaiteurs, a prononcé sur leurs demandes d'annulation de pièces de la procédure ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 9 septembre 2015 où étaient présents : M. Guérin, président, M. Moreau, conseiller rapporteur, MM. Castel, Raybaud, Mmes Caron, Drai, conseillers de la chambre, M. Laurent, Mme Carbonaro, M. Beghin, conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Lacan ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de M. le conseiller MOREAU, les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LACAN ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 1er juin 2015, joignant les pourvois et prescrivant leur examen immédiat ;
Vu le mémoire commun aux demandeurs et les observations complémentaires produits ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, lors de l'exécution de l'expulsion hors de leur domicile de M. F...et Mme G..., ont été découverts des produits stupéfiants, des armes, des espèces et divers objets ; que le parquet a aussitôt désigné un service de police qui a procédé à une perquisition et à des saisies en l'absence des occupants ; que cette mesure a permis de découvrir et saisir des documents au nom de Damien H..., identifié ultérieurement comme étant M Pierre Y... ; que les personnes expulsées ayant été mises hors de cause, les soupçons se sont portés sur M. Y... ; qu'au cours de l'enquête, de nouvelles investigations ont été effectuées dans un box pour voiture loué par M. Y... sous une fausse identité, et dans les parties communes du parking souterrain d'une résidence privée ; que MM. Y..., X... et Z...ont été interpellés alors qu'ils transportaient des produits stupéfiants ; qu'ils ont été mis en examen dans une information ouverte au tribunal de grande instance de Meaux ; que, par ordonnance du 7 avril 2014, le juge d'instruction de Meaux s'est dessaisi au profit de la juridiction interrégionale spécialisée de Paris ; que les personnes mises en examen ont saisi la chambre de l'instruction de demandes d'annulation de pièces de la procédure qui ont été écartées par l'arrêt attaqué ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 56, 56-1, 57, 59, 66, 171, 802, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la chambre de l'instruction a dit n'y avoir lieu à annulation de la perquisition et des saisies réalisées au 17 avenue Ampère à Champs-Sur-Marne ;
" aux motifs que, outre la demande d'enquête préalable à l'expulsion locative de l'appartement ...sis au 17 ...à Champs-sur-Marne adressée le 11 janvier 2013 par le sous-préfet de Torcy au DDSP de Melun et le rapport initial d'enquête du 25 janvier 2011 retourné le 4 février 2013 au sous-préfet, il a été versé au dossier une copie du jugement du 21 mai 2012 ordonnant cette expulsion et de la décision préfectorale du 14 juin 2013 accordant le concours de la force publique pour procéder à cette expulsion ; que l'intervention des services de police à l'occasion de la mise en oeuvre de cette expulsion le 10 juillet 201 3 repose donc sur une base parfaitement légale ; qu'ainsi qu'ils le relatent dans leur procès-verbal du 10 juillet 2013, les policiers procédant à l'expulsion notaient que les vitres de l'appartement étaient fermées et que les deux verrous de la porte d'entrée étaient verrouillés : qu'ils faisaient dès lors régulièrement appel à un serrurier de la société ATH située à Bailly Romainvilliers pour ouvrir la porte : que lors de l'état des lieux dans l'appartement avec Maître I.... huissier de justice, ces policiers constataient la présence d'une masse informe recouverte d'une couverture marron ; qu'ils devaient donc soulever la dite couverture de s'assurer de l'absence de toute personne en dessous de celle-ci ; qu'ils constataient alors la présence de nombreux pains de couleur brunâtre ressemblant à de la résine de cannabis, le monticule faisant environ 80 centimètres sur 80 centimètres ; que dans le même temps, M. J..., déménageur de la société BK Transports, requis pour déménager les lieux, avisait ces policiers intervenant au concours de l'expulsion de la découverte d'une forte somme d'argent dans la cuisine ; que ceux-ci, se transportant immédiatement dans cette pièce, constataient. sous la planche du meuble sous évier, la présence de nombreuses liasses de billets de banque, dont certains de cinquante ou cent euros ; qu'ils constataient également la présence d'un cahier supportant des écritures, M. J...leur précisant que c'est en enlevant des produits ménagers, qu'il avait constaté que la planche du meuble bougeait, qu'il avait alors soulevé cette dernière et avait constaté la présence de billets de banque ; que dès lors, vu la présence de cette forte somme d'argent et la présence de nombreux pains de couleur brunâtre semblant être de la résine de cannabis, une enquête en flagrant délit était diligentée pour les faits de trafic de stupéfiants en vertu des articles 53 et suivants du code de procédure pénale ; que l'officier de police judiciaire M. K..., saisi de l'enquête par le procureur de la République de Meaux, se transportait sur les lieux assisté de plusieurs collègues de l'antenne de police judiciaire de Meaux et des fonctionnaires du service local de l'identité judiciaire ; que c'est dans ces conditions qu'a été opérée la perquisition au 17 ...à Champs-sur-Marne ayant constaté la présence d'environ 130 kg de résine de cannabis, de la somme de 211 500 euros, de nombreuses armes de poing et d'épaule et leurs munitions, de documents de comptabilité dans la gestion de la revente de la résine de cannabis, de nombreux documents d'identité volés et enfin d'un grand nombre de téléphones portables et de puces téléphoniques ; qu'en application des dispositions de l'article 57 du code de procédure pénale, la perquisition ne pouvant être effectuée en présence de la personne au domicile de laquelle elle avait lieu ou de son représentant, deux témoins étaient requis et assistaient à cette perquisition : M. L...Ibrahim demeurant 12 ...à Champs sur Marne ainsi que M. M...José demeurant 3 boulevard Copernic à Champs-sur-Marne ; que le fait que l'exemplaire du procès-verbal de ladite perquisition soit signé du seul officier de police judiciaire M. K...résulte de ce que cet exemplaire est la retranscription dactylographique de l'original de ce procès-verbal établi sur place de façon manuscrite, cette retranscription ayant été faite par souci de clarté ; que la signature de cet original par les témoins présents cités est attestée par le rapport d'information adressé par l'antenne de police judiciaire de Meaux le 5 décembre 2014, ce rapport précisant également que les recherches faites au sein du service pour retrouver cet original sont restées vaines ; qu'en l'état des arguments avancés par les requérants, il n'est fourni aucun élément de nature à apporter la preuve contraire des indications portées au procès-verbal relativement à la présence des témoins mentionnés et des précisions fournies par les services de police quant à la signature de l'original du procès-verbal par ces témoins ; qu'il n'y a donc pas lieu à annulation au titre de la perquisition effectuée à l'appartement ...sis au 17 ...à Champs-sur-Marne ;
" alors qu'aux termes de l'article 57 du code de procédure pénale, les témoins qui sont requis par les officiers de police judiciaire pour assister à la perquisition doivent signer le procès-verbal des opérations ; que ces dispositions, prescrites à peine de nullité, sont violées dès lors que cette signature n'apparaît pas à la procédure ; que les mentions d'un rapport d'information selon lesquelles un procès-verbal aurait bien été signé mais a été perdu ne saurait pallier cette carence ; qu'en l'espèce, encourt la censure l'arrêt qui écarte la nullité de la perquisition d'un appartement en affirmant que « la signature de cet original par les témoins présentés cités est attestée par le rapport d'information ¿ précisant que les recherches faites au sein du service pour retrouver cet original sont restées vaines », et qu'« il n'est fourni aucun élément de nature à apporter la preuve contraire des indications portées au procès-verbal », dès lors, en outre, que M. Y... était absent lors de cette perquisition et a contesté tout lien avec l'appartement et les biens qui ont pu y être trouvés " ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 56, 56-1, 57, 59, 66, 171, 802, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la chambre de l'instruction a dit n'y avoir lieu à annulation de la saisie et du placement sous scellé des liasses de billets au 17 avenue Ampère à Champs-sur-Marne ;
" aux motifs que la constatation de la découverte de 43 liasses de billets dans l'appartement situé au 17 ...à Champs-sur-Marne a été faite dans les conditions de perquisition examinées ci-dessus ; que selon le procès-verbal établi par le commandant de police Q...le 10 juillet 2013, le scellé provisoire contenant ces 43 liasses de billets a été brisé aux fins d'exploitation et chaque liasse a été inventoriée, le tout représentant un total de 211 500 euros, par lui-même assisté du lieutenant de police M. Romain Lobet, du brigadier-chef de police Mme Anne-Marie T...et du brigadier de police M. Patrick O..., du service de l'antenne de police judiciaire de Meaux, tous ayant signé le procès-verbal ; qu'il ne résulte d'aucune disposition que cette opération de comptable n'avait à être effectuée sur les lieux en présence des témoins requis pour la perquisition ; qu'il n'y a ainsi pas lieu à annulation du chef de ces opérations.
" alors qu'aux termes de l'article 56, alinéa 4, du code de procédure pénale, tous objets et documents saisis à l'occasion d'une perquisition sont immédiatement inventoriés et placés sous scellés ; que cependant, si leur inventaire sur place présente des difficultés, ils font l'objet de scellés fermés provisoires jusqu'au moment de leur inventaire et de leur mise sous scellés définitifs et ce, en présence des personnes qui ont assisté à la perquisition ; qu'en niant l'obligation pour les policiers, qui avaient placé sous scellés provisoires des liasses de billets, de les briser en présence des témoins pour les compter et les placer sous scellés définitifs, la chambre de l'instruction a manifestement violé la loi " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les moyens, qui invoquent la nullité de la perquisition et des saisies effectuées au domicile de M. F...et Mme G..., aux motifs, d'une part, de l'absence de signature du procès-verbal de perquisition par les témoins requis, d'autre part, de l'irrégularité de l'inventaire de l'argent saisi, sont irrecevables en ce qu'ils visent des opérations effectuées dans un local sur lequel les demandeurs ne peuvent se prévaloir d'aucun droit ;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 56, 56-1, 57, 59, 66, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la chambre de l'instruction a dit n'y avoir lieu à annulation de la perquisition réalisée le 17 février 2014 dans la résidence située 9 rue Aristide Briand à Gretz-Armainvilliers ;
" aux motifs que la pénétration des services de police le 17 février 2014 dans la résidence sise 9 rue Aristide Briand à Gretz-Armainvilliers trouve son fondement dans les termes du procès-verbal de l'assemblée générale du 5 novembre 2013 des copropriétaires de cette résidence actant la décision de ces copropriétaires autorisant les services de police et de gendarmerie à pénétrer de manière permanente dans les parties communes de la résidence ; que dès lors, les constatations et opérations diligentées à partir de cette pénétration ne sauraient être contestées sur la base d'une mise en cause de ladite pénétration ;
" alors que, la décision prise par les copropriétaires d'accorder l'autorisation permanente à la police ou à la gendarmerie nationale de pénétrer dans les parties communes ne saurait faire échec aux dispositions d'ordre public posées par l'article 59 du code de procédure pénale, selon lequel les visites domiciliaires et perquisitions ne peuvent être réalisées qu'entre 6 heures et 21 heures, ; que la chambre de l'instruction ne pouvait, pour justifier l'introduction par les policiers dans le parking sous-terrain d'un immeuble à 4 heures 38 sans aucune autorisation du juge d'instruction, se référer à une résolution de l'assemblée générale des copropriétaires autorisant les services de police à pénétrer dans les parties communes « pour toute intervention touchant à la sécurité des biens, des personnes, ou à l'exercice d'un droit individuel de jouissance » ; "
Attendu que, pour rejeter l'exception de nullité des investigations effectuées par la police, au milieu de la nuit, dans le parking souterrain d'une résidence privée, prise notamment de la violation de l'article 59 du code de procédure pénale, l'arrêt énonce que les policiers étaient autorisés, de manière permanente, par une décision de l'assemblée générale des co-propriétaires, à pénétrer en ce lieu ;
Attendu qu'en cet état, et dès lors qu'il résulte des pièces de la procédure que les policiers n'ont effectué, à l'intérieur du parking souterrain, que de simples constatations visuelles, qui échappent aux règles relatives aux perquisitions, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Mais, sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 56, 56-1, 57, 59, 66, 171, 802, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la chambre de l'instruction a dit n'y avoir lieu à annulation de la perquisition réalisée opérée dans le box situé au 19 ...à Pontault-Combault ;
" aux motifs que, s'agissant de la perquisition opérée le 10 juillet 2013 dans le box no ... situé au 19 ...à Pontault Combault, qu'il résulte de la procédure, ainsi que le reprend dans ses écritures le parquet général, que lors de la perquisition de l'appartement ...sis au 17
...
à Champs-sur-Marne, il était découvert, à même le sol, un sac plastique contenant divers papiers au nom de H...Damien demeurant 55 ...à Pontault-Combault et ayant trait à la location de deux box, l'un situé au 61-63 ..., à Pontault Combault, et l'autre au 19 ..., ......
, à Pontault Combault ; que dès lors, le 10 juillet 2013 à 17 heures 20, poursuivant l'enquête de flagrance, les policiers se transportaient au 19 ...à Pontault-Combault ; qu'ils constataient dans le parking souterrain que le box ... était fermé à clé ; qu'ayant requis la société Acces Reparation à cette fin, ils faisaient ouvrir le box par un serrurier et, en présence de deux témoins, procédaient à la perquisition de ce box ; que le procès-verbal de cette perquisition établi le 10 juillet 2013 à 17 heures 20 par l'officier de police judiciaire M. K..., ce dernier précisant être assisté du lieutenant Mme P...Laure, des brigadiers chefs M. N...Emmanuel et du brigadier M. R...Joseph Emmanuel, mentionne la présence de Mme S...Maria née le 8 juillet 1959, demeurant 21 ...à Pontault-Combault et de M. U...Romain né le 29 août 1980, demeurant 21 ...à Pontault-Combault, témoins ; qu'il est fait état d'une attache prise avec la salle de commandement à propos du véhicule trouvé dans le box pour en vérifier la situation administrative ; qu'il est ensuite indiqué, le constat étant fait à partir de cette vérification qu'il s'agit vraisemblablement d'un véhicule faussement immatriculé, que c'est avec l'accord de Mme Goudouneche, procureur de la République près le tribunal de grande instance de Meaux, qu'il va être procédé, pour préserver les traces et indices, à l'enlèvement et au remisage dans les locaux de la société requise à cet effet du véhicule découvert qui ne peut être fouillé sur place ; que, dès lors, vu les conditions dans lesquelles se sont déroulées les opérations selon les mentions portées audit procès-verbal de perquisition, rien n'établit qu'il ait été ainsi porté atteinte aux droits de la défense du fait de la seule signature de ce procès-verbal par l'officier de police judiciaire M. K..., aucun élément n'étant en outre produit de nature à apporter la preuve contraire des indications portées au procès-verbal relativement à la présence des témoins mentionnés ; qu'il n'y a donc pas lieu à annulation au titre de la perquisition effectuée le l0 juillet 2013 dans le box ... situé au 19 ..., à Pontault-Combault ;
" alors que, aux termes de l'article 57 du code de procédure pénale, les témoins qui sont requis par les officiers de police judiciaire pour assister à la perquisition doivent signer le procès-verbal des opérations ; que ces dispositions, prescrites à peine de nullité, sont violées dès lors que cette signature n'apparaît pas à la procédure ; qu'en l'espèce, il est acquis que seul un officier de police judiciaire a signé le procès-verbal de la perquisition effectuée dans le box situé à Pontault-Combault et ayant conduit à la saisie d'un véhicule ; qu'en considérant que, faute pour la défense d'apporter des éléments de preuve contraires aux mentions du procès-verbal relatives à la présence des témoins, l'absence de signature de ces derniers ne fait pas grief, la chambre de l'instruction a méconnu les règles précitées " ;
Vu l'article 57 du code de procédure pénale ;
Attendu que, selon ce texte, lorsqu'une perquisition est effectuée en présence de deux témoins, ceux-ci doivent signer le procès-verbal des opérations ;
Attendu que M. Y... a soulevé une exception de nullité de la perquisition effectuée, en son absence, à l'intérieur du box pour voiture dont il était locataire, en faisant valoir que les témoins requis n'avaient pas signé le procès-verbal des opérations ; que pour écarter ce grief, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors qu'en l'absence de signature des témoins requis, M. Y..., titulaire de droits sur le local, n'a pas été en mesure de s'assurer de la régularité des opérations, la chambre de l'instruction a méconnu le texte précité et le principe ci-dessus ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Et sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 706-75, 706-77, 706-78, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la chambre de l'instruction a rejeté le moyen tiré de la nullité des actes pris par la JIRS en violation des règles de compétence ;
" aux motifs que, s'agissant de la saisine de la JIRS de Paris, qu'il y a lieu de constater relativement à la compétence à l'instar du parquet général dans ses écritures, que la loi n° 203-2004 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité a prévu que la compétence des juridictions interrégionales spécialisées en matière de criminalité organisée, à la différence des règles de compétence en matière de terrorisme par exemple, est exercée concurremment avec celle des juridictions de droit commun ; que, quant à la saisine de la JIRS de Paris dans le présent dossier, qu'il est effectif que la juge d'instruction de Meaux saisie a été destinataire, le 14 mars 2014, de réquisitions afin qu'elle se dessaisisse au profit de la JIRS de Paris ; qu'elle a notifié cette demande de dessaisissement aux mis en examen et à leurs conseils le 17 mars 2014 en les invitant à lui faire connaître leurs observations dans les plus brefs délais ; que c'est seulement le 7 avril 2014, les mis en examen n'ayant fait aucune observation pendant cette période, que la juge d'instruction de Meaux a rendu son ordonnance de dessaisissement au profit de la JIRS de Paris ; qu'aux termes de l'article 706-78 du code de procédure pénale : « L'ordonnance rendue en application de l'article 706-77 peut, à l'exclusion de toute autre voie de recours, être déférée dans les cinq jours de sa notification, à la requête du ministère public ou des parties, soit à la chambre de l'instruction si la juridiction spécialisée au profit de laquelle le dessaisissement a été ordonné ou refusé se trouve dans le ressort de la cour d'appel dans lequel se situe la juridiction saisie, soit, dans le cas contraire, à la chambre criminelle de la cour de cassation " ; qu'ainsi, les parties disposaient d'un recours à l'encontre de la décision de dessaisissement et avaient jusqu'au 12 avril pour l'exercer ; qu'elles n'ont nullement usé de cette faculté ; que cet article 706-78 du code de procédure pénale précise expressément que ce recours est prévu à l'exclusion de toute autre voie de recours ; qu'il résulte également de l'article 173 du code de procédure pénale que la voie de la requête en nullité n'est pas ouverte à l'égard des actes de procédure qui peuvent faire l'objet d'un appel de la part des parties ; qu'ainsi, la mise en cause de l'ordonnance de dessaisissement prise par la juge d'instruction le 7 avril 2014 au profit de la JIRS de Paris ne saurait constituer le fondement des nullités demandées dans le cadre des présentes requêtes par rapport aux actes qui lui sont postérieurs ; qu'en effet, la seule justification avancée au soutien de la contestation de la régularité des décisions ultérieures à cette ordonnance de dessaisissement est le non-respect par la juge d'instruction de Meaux du délai de cinq jours prévu à l'article 706-77, aucun autre argument n'étant soulevé à l'encontre de ces décisions ultérieures ; qu'il convient d'ailleurs de relever incidemment, s'agissant des réquisitions supplétives prises par le parquet JIRS le 8 avril 2014 que ces réquisitions supplétives ont été notifiées le 15 mai 2014 à M. Z...et à M. Y... et le 16 mai 2014 à M. X... sans provoquer d'observations de la part des parties et de leurs avocats ; que, dès lors, il n'y a pas lieu à annulation d'actes postérieurs à l'ordonnance de dessaisissement prise par la juge d'instruction le 7 avril 2014 au profit de la JIRS de Paris au titre des présentes requêtes ; qu'il résulte de ce qui précède qu'il n'y a donc pas lieu à nullité d'un acte ou d'une pièce de la présente procédure examinée jusqu'à la cote D 1672 ;
" alors que, l'ordonnance de dessaisissement du juge d'instruction au profit de la juridiction interrégionale spécialisée ne prend effet, aux termes de l'alinéa 2, de l'article 706-77, du code de procédure pénale, qu'à compter d'un délai de cinq jours courant à compter de sa notification, de sorte qu'avant l'écoulement de ce délai, cette dernière n'est pas compétente ; qu'en l'espèce, une ordonnance de dessaisissement a été rendue le 7 avril 2014, et notifiée aux mis en examen le lendemain ; qu'en conséquence, c'est en violation manifeste des règles de compétence que le procureur de la République du tribunal de grande instance de Paris a, dès le 8 avril, requis la désignation de deux magistrats instructeurs, délivré un réquisitoire supplétif conduisant à la criminalisation des faits, et qu'un juge d'instruction a été désigné le 9 avril ; que la chambre de l'instruction ne pouvait, pour refuser d'annuler ces actes délivrés par des juges non légalement saisis, se réfugier derrière l'existence d'un droit d'appel de l'ordonnance dont l'exercice n'était pas susceptible de remédier au grief invoqué " ;
Vu l'article 706-77 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que l'ordonnance de dessaisissement du juge d'instruction au profit de la juridiction interrégionale spécialisée ne prend effet, en l'absence de recours des parties, qu'à l'expiration d'un délai de cinq jours suivant la notification qui leur est faite ;
Attendu que l'ordonnance par laquelle le juge d'instruction de Meaux s'est dessaisi au profit de la juridiction interrégionale spécialisée de Paris, en date du 7 avril 2015, a été notifiée le même jour aux parties ; que le 8 avril 2015, le procureur de la République de Paris a, d'une part, requis la désignation de juges d'instruction relevant de la juridiction interrégionale spécialisée, d'autre part, pris des réquisitions supplétives du chef, notamment, d'importation de produits stupéfiants en bande organisée ; que les magistrats instructeurs ont été désignés par ordonnance du 9 avril 2015 ;
Attendu que, pour rejeter l'exception de nullité de la procédure subséquente à l'ordonnance de dessaisissement, tirée du non-respect du délai de cinq jours à compter de la notification de celle-ci, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors qu'en application des dispositions d'ordre public de l'article 706-77 du code de procédure pénale, l'ordonnance de dessaisissement rendue par le juge d'instruction du tribunal de grande instance de Meaux ne pouvait prendre effet qu'à l'expiration d'un délai de cinq jours à compter de sa notification aux parties et que, dans l'intervalle, ce magistrat demeurait seul légalement saisi de l'information, la chambre de l'instruction a méconnu le sens et la portée du texte susvisé ;
D'où il suit que la cassation est également encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 5 mars 2015, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatorze octobre deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.
Crim. 14 octobre 2015 n° 14-81.533
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
-Mme Arlette X..., -La société La Guardiola, -M. Ali Y..., -M. John Y...,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 2e section, en date du 17 février 2014, qui, dans l'information suivie contre la première, des chefs de fraude fiscale, blanchiment, organisation frauduleuse d'insolvabilité et non-justification de ressources, contre la seconde, des chefs de complicité d'organisation frauduleuse d'insolvabilité et de blanchiment, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction prescrivant une saisie pénale immobilière ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 2 septembre 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Chaubon, conseiller rapporteur, M. Soulard, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de Mme le conseiller CHAUBON, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, de la société civile professionnelle FOUSSARD et FROGER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général SASSOUST ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de Cassation, pris de la violation de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, 6 et 8 de ladite convention, 131-21 et 131-39 du code pénal, préliminaire, 705-141 et suivants, 206 et 593 du code de procédure pénale, ensemble la présomption d'innocence, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance entreprise ayant ordonné la saisie pénale de l'immeuble situé aux lieux dits Cervi et Pentaniella, propriété de la société civile immobilière La Guardiola ;
"aux motifs qu'il ne peut pas être soutenu que la saisie pénale critiquée a été mise en oeuvre pour contrer la suppression du cautionnement décidée par la chambre de l'instruction dans un arrêt du 30 juin 2011, étant rappelé que le cautionnement qui est une mesure du contrôle judiciaire répond aux nécessités de l'information et à titre de mesure de sûreté, ce qui ne correspond pas à l'objet de la saisie pénale critiquée comme cela résulte de tout ce qui précède; que de la même manière il découle des analyses ci-dessus développées, qu'il ne peut pas être retenu que la création de la société civile immobilière La Guardiola a été réalisée dans un intérêt purement patrimonial et successoral, que Mme X... ignorait au jour de la création de cette société civile et du transfert de propriété réalisé à son profit, la liste dite Falciani, qu'elle n'a en aucune manière de ce fait organisé son insolvabilité, qu'il n'a été procédé à aucune diminution de son patrimoine sur le territoire français et que la saisie des parts sociales de la société civile immobilière serait largement suffisante ; que le bien immobilier propriété de la société civile immobilière La Guardiola apparaît conformément aux dispositions des articles 131-21 et 131-29 du code pénal comme l'objet des infractions d'organisation d'insolvabilité, de fraude et de blanchiment qui sont reprochées, sur les années 2009 et 2010, ledit bien ayant été utilisé pour permettre de vider le patrimoine immobilier de Mme X... avec la participation de la société civile immobilière qui en devenait propriétaire, celle-ci s'endettant lourdement ce qui réduisait fortement la valeur de ses parts sociales, en permettant le transfert de son prix de vente en Suisse, pour placer le montant correspondant à l'extérieur du territoire national et pour réduire les possibilités de saisie de l'administration fiscale du fait de l'inscription d'hypothèque réalisée ; que de surcroît, selon l'article 131-21 du code pénal, la peine complémentaire de confiscation est encourue dans les cas prévus par le loi ou le règlement, et que lorsque la loi qui réprime le crime ou le délit le prévoit, la confiscation peut aussi porter sur tout ou partie des biens appartenant au condamné quelle qu'en soit la nature ; que l'article 324-1 du code pénal prévoit que le blanchiment est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 375 000 euros d'amende; que l'article 324-2 du code pénal prévoit que le blanchiment est puni de dix ans d'emprisonnement et de 750 000 euros d'amende : - lorsqu'il est commis de façon habituelle ou en utilisant les facilités que procure l'exercice d'une activité professionnelle ; - lorsqu'il est commis en bande organisée ; que de plus, que l'article 324-7 du code pénal prévoit que : - les personnes physiques coupables des infractions définies aux articles 324-1 et 324-2 encourent également les peines complémentaires suivantes : - la confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit, à l'exception des objets susceptibles de restitution ; - la confiscation de tout ou partie des biens du condamné ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition, quelle qu'en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis ; que ces sanctions sont étendues aux personnes morales conformément aux dispositions de l'article 324-9 du code pénal ; qu'en conséquence, en cas de condamnation particulièrement du chef de blanchiment, il est encouru pour les mis en examen la peine complémentaire de la confiscation du bien immobilier en cause, qu'il ne peut pas être fait état d'une mesure injustifiée ou disproportionnée, ou encore attentatoire à la propriété privée par MM. Y... qui ne sont associés qu'à hauteur de 2% du capital social de la société civile immobilière La Guardiola, en ce que cette confiscation à ce jour n'est pas définitive, qu'elle est réalisée à titre provisoire, et qu'il appartiendra à la juridiction de jugement, à laquelle il convient de préserver cette possibilité, ensuite d'un débat contradictoire de se prononcer tant sur la qualification pénale que sur les peines à appliquer ;
"et aux motifs adoptés que le bien constitue le produit de la fraude fiscale et l'objet de l'infraction d'organisation frauduleuse d'insolvabilité et encourt donc la confiscation, conformément aux articles 131-21, alinéa 3, et 131-39 du code pénal ; (¿) que Mme X... et la société civile immobilière La Guardiola encourent la confiscation de ce bien en tant qu'objet de l'infraction de blanchiment, conformément aux articles 131-21, alinéa 3, et 131-39 du code pénal ; qu'en l'absence de saisie pénale, une dissipation de la valeur de ce bien aurait pour effet de priver la juridiction de jugement de toute perspective de confiscation ; qu'il y a donc lieu de procéder à la saisie pénale de ce bien immeuble afin de garantir la peine de confiscation ;
"1°) alors qu'une saisie pénale spéciale ne peut être prononcée que pour garantir l'exécution de la peine complémentaire de confiscation susceptible d'être prononcée selon les conditions définies par l'article 131-21 ; qu'elle ne saurait être un moyen détourné de garantir la créance de l'administration fiscale; que Mme X... a fait valoir que la saisie pénale considérée n'avait eu d'autre objet que de contourner la décision de la chambre de l'instruction ayant réformé la décision de placement sous contrôle judiciaire assorti d'un cautionnement très important destiné à garantir le paiement des sanctions financières au profit de l'administration fiscale; qu'en se bornant à retenir que le cautionnement et la confiscation sont des mesures ayant deux objets différents, la chambre de l'instruction n'a nullement justifié en quoi, en l'espèce, la saisie pénale critiquée n'avait pas été détournée de son objet, et n'a pas suffisamment motivé sa décision ;
"2°) alors qu'aux termes de l'article préliminaire III du code de procédure pénale, les mesures de contrainte doivent être strictement limitées aux nécessités de la procédure et proportionnées à la gravité de l'infraction ; qu'une saisie pénale spéciale ne peut être prononcée que si elle est nécessaire pour garantir l'exécution de la peine complémentaire de confiscation susceptible d'être prononcée selon les conditions définies par l'article 131-21 ; que Mme X... a fait valoir que son insolvabilité n'est pas établie, que les cessions réalisées en juillet 2010, pour un prix conforme au prix du marché n'avaient aucunement diminué l'actif de son patrimoine, que la saisie de son patrimoine et des parts de la société civile immobilière La Guardiola était possible, que le risque de dissipation de l'immeuble était inexistant et que, dans le cadre du contentieux du contrôle judiciaire, la chambre de l'instruction avait relevé que l'étendue de son patrimoine garantissait les éventuelles sanctions financières ; qu'en s'abstenant de caractériser un quelconque risque de dissipation de l'immeuble saisi et de rechercher si Mme X... ne possédait pas un patrimoine tel que la saisie pénale du bien en cause n'était pas nécessaire pour garantir l'exécution de la peine complémentaire de confiscation susceptible d'être prononcée par un juge du fond, la chambre de l'instruction a privé sa décision de toute base légale ;
"3°) alors qu'en ne répondant pas aux écritures de Mme X... et de la société civile immobilière La Guardiola qui faisaient valoir que l'absence de toute quantification du prétendu impôt éludé interdisait toute vérification de la proportionnalité de la saisie ordonnée et en s'abstenant de tout contrôle de la proportionnalité de la mesure, la chambre de l'instruction a violé l'article 593 du code de procédure pénale ;
"4°) alors que la saisie doit réserver les droits des tiers propriétaires de bonne foi ; que le bien saisi est un actif de la société civile immobilière La Guardiola, dont les parts se répartissent entre Mme Arlette X... d'une part et ses fils, MM. John et Ali Y..., d'autre part, lesquels sont tiers à la procédure et dont la mauvaise foi n'est nulle part constatée ; qu'en ordonnant la saisie du bien immobilier dont MM. John et Ali Y... sont indirectement propriétaires en tant qu'associés dans la société civile immobilière, cependant qu'elle pouvait et devait limiter les effets préjudiciables de la mesure aux seules personnes mises en examen, en limitant la saisie aux parts sociales détenues par Mme X..., suffisante pour garantir l'exécution de la peine complémentaire de confiscation susceptible d'être prononcée, la chambre de l'instruction a violé l'article 131-21 du code pénal" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Mme X..., qui était titulaire de comptes à la banque HSBC Private Banque à Genève sur lesquels figuraient des sommes acquises à la succession de son père et non déclarées au titre de l'impôt sur la fortune et l'impôt sur le revenu pour les années 2007 à 2009, a vendu, le 15 juillet 2010, un bien immobilier, sis sur la commune de Pianattoli-Caldarello en Corse du sud, à la société civile immobilière La Guardiola, qu'elle avait créée en décembre 2009, dont elle était la gérante et détenait 98% des parts, les 2% restant appartenant à ses fils MM. Ali et John Y... ; que cette vente est intervenue au prix de 2,5 millions d'euros versés sur un compte détenu dans la banque BNP Paribas Genève par Mme X... et réglé grâce à un prêt de ladite banque, une hypothèque conventionnelle ayant été prise sur la totalité du bien par l'organisme prêteur ; que le remboursement des intérêts du prêt a été effectué grâce aux sommes provenant de placements réalisés par Mme X... et versés sur le compte de la société civile immobilière ; que le bien immobilier était occupé par Mme X... et les membres de sa famille ; que la société civile immobilière ne disposait d'aucune ressource et ne percevait aucun loyer ; que Mme X... a été mise en examen, notamment, des chefs de fraude fiscale, blanchiment et organisation frauduleuse de son insolvabilité et la société La Guardiola des chefs de complicité d'organisation frauduleuse d'insolvabilité et de blanchiment de fraude fiscale ; que Mme X... a été placée sous contrôle judiciaire, par ordonnance du juge d'instruction, ladite ordonnance ayant été infirmée par la chambre de l'instruction ; que, par ordonnance du 28 février 2013, le juge d'instruction a, conformément aux réquisitions du procureur de la République, prononcé la saisie de l'immeuble sis à Pianattoli-Caldarello ; que Mme X..., la société La Guardiola, MM. Ali Y... et John Y... ont relevé appel de cette ordonnance ;
Attendu que, pour confirmer la saisie du bien immobilier, la chambre de l'instruction relève, notamment, que ce bien appartenant à société La Guardiola constituait l'objet des infractions qui lui étaient reprochées et que l'achat par ladite société de l'immeuble appartenant à Mme X... avait entraîné la disparition du patrimoine immobilier de celle-ci en France ainsi que le transfert du prix de vente en Suisse, l'inscription d'une hypothèque réalisée au profit de l'organisme bancaire prêteur réduisant les possibilités de saisie de l'administration fiscale ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, dépourvues d'insuffisance comme de contradiction, d'où il résulte que l'immeuble en cause, qui est la propriété la société civile immobilière, encourt la confiscation sur le fondement des articles 324-7 et 324-9 du code pénal, et dès lors que la saisie pénale est destinée à garantir l'éventuelle confiscation encourue, la chambre de l'instruction a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions légales et conventionnelles invoquées ;
D'où il suit que le moyen sera écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatorze octobre deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.
Crim. 14 octobre 2015 n° 14-82.926
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- M. Alain X...,- M. Philippe Y...,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'ORLEANS, chambre correctionnelle, en date du 31 mars 2014, qui, pour escroquerie aggravée, les a condamnés, chacun, à 20 000 euros d'amende dont 10 000 euros avec sursis, a ordonné une mesure de confiscation, et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 2 septembre 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Soulard, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de M. le conseiller SOULARD, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, de la société civile professionnelle FOUSSARD et FROGER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général SASSOUST ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire commun aux demandeurs et le mémoire en défense produits ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, 132-24 du code pénal, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué, après avoir déclaré MM. X...et Y...coupables d'escroquerie en bande organisée, les a condamnés à une peine d'amende de 20 000 euros assortie d'un sursis partiel à hauteur de 10 000 euros ;
" aux motifs qu'il est incontestable que l'information n'a pas été conduite, en l'espèce, dans un délai raisonnable ;
" alors que tout accusé doit être jugé dans un délai raisonnable et bénéficier d'un procès équitable ; que le droit à un procès équitable s'oppose à ce que MM. X...et Y...puissent, après une instruction de onze ans dont la durée n'était justifiée ni par la complexité de l'affaire ou ni par leur attitude, et quinze ans après les faits, être condamnés à une quelconque peine " ;
Attendu qu'à la supposer établie, la méconnaissance du droit à être jugé dans un délai raisonnable est sans incidence sur la validité de la procédure ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3, 132-71, 313-1 et 313-2 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré MM. X...et Y...coupables d'escroquerie en bande organisée ;
" aux motifs propres que les sociétés Tek Fax et Bla Teknik ont émis des factures de complaisance destinées à permettre à la société Photocom d'imputer ou se faire rembourser la TVA facturée mais non reversée au Trésor public ; que l'intention délictuelle est totalement indépendante de la bonne ou de la mauvaise foi ; que la bonne foi ne peut être prise en compte qu'au titre des circonstances atténuantes ; que MM. X...et Y...ont incontestablement eu conscience de commettre l'acte constituant l'élément matériel du délit d'escroquerie ; que, professionnels qualifiés, ils n'ont pas agi par imprudence mais intentionnellement, la preuve de cette intention découlant des moyens et procédés utilisés, exclusifs de la bonne foi ; que M. Y...a reconnu qu'il avait eu la possibilité de comparer les prix proposés par Sony France à ceux des fournisseurs dont les noms lui étaient indiqués par M. Z... et avoir constaté que les premiers étaient supérieurs d'au moins 10 % par rapport aux seconds ; qu'il n'a pas cherché à savoir comment il était possible à la société Tek Fax, qui n'était qu'un intermédiaire, de proposer des prix inférieurs à ceux du marché ; que MM. X...et Y...ne peuvent soutenir avec pertinence qu'il était normal que la société High Distribution soit en mesure d'acheter à la société Photocom des marchandises qui avaient été fournies à cette dernière par la société Tek Fax ou la société Bla Teknyk mais était incapable de se les procurer directement auprès des sociétés Tek Fax ou Bla Teknyk voire même auprès des fournisseurs luxembourgeois de ces deux sociétés, alors que le prix versé par la société High Distribution à la société Photocom était supérieur au prix d'achat par la société Photocom à la société Tek Fax et à la société Bla Teknyk, et ce d'autant plus que M. Z... n'a pas, comme il I'a affirmé en garde à vue, connu en mars ou avril 1999, seulement, au moyen d'une indiscrétion dans les locaux de la société Aracus, l'existence de la société Discount Trading et alors décidé de traiter directement avec elle ; qu'ont en effet été saisies :- des factures établies par la société Discount Trading les 4 décembre, 17 décembre et 23 décembre 1998 relatives à la vente par elle respectivement de trois cent quatre vingt-dix téléphones Ericsson GF 768 à la société High Distribution, de trois cent quatre-vingt téléphones Ericsson CF 768 à la société ICM Telecom et de deux cent vingt-cinq téléphones Nokia 8810 à la société High Distribution (D 1027) ;- une facture datée du 18 novembre 1998 adressée par la société High Distribution à la société Photocom comportant la mention « Livraison pour client Discount Trading à Luxembourg » (D 1027) ; que la circonstance de bande organisée est enfin caractérisée, en ce sens que les prévenus étaient résolus à agir ensemble et dans le cadre d'une certaine organisation, après répartition des rôles et préparation matérielle (création de sociétés taxis, à l'existence éphémère) ;
" et aux motifs adoptés que l'enquête a permis d'établir que les dirigeants des trois sociétés High Distribution, New World Center et Photocom avaient connaissance du schéma de fraude mis en place et en particulier l'implication de M. Z... et de M. Joël C...; que, bien qu'ils s'en soient défendus à la barre, MM. X...et Y...-respectivement président directeur général et directeur financier de Photocom-ont clairement reconnu au cours de l'instruction qu'ils avaient intégré le circuit de facturation mis en place par M. Z... en achetant des téléphones portables à un fournisseur désigné par ce dernier et qu'ils ne connaissaient pas (M. Z... fixant lui-même les quantités et les prix d'achat) avant de les revendre immédiatement sans même que la marchandise ne transite par leurs locaux, ce que M. Z... n'a jamais contesté ; qu'ainsi, en mêlant habilement à un réseau de fraude à la TVA intracommunautaire une société a priori insoupçonnable de par son ancienneté, son activité et sa notoriété, M. Z... savait qu'il apportait au circuit une crédibilité certaine, tout en étant l'un des premiers à en bénéficier ; qu'en effet, soit les marchandises vendues par Tek Fax à Photocom étaient ensuite cédées par Photocom à High Distribution et cette dernière bénéficiait alors d'un crédit de TVA déductible, soit ces marchandises étaient cédées par Photocom à une autre société telles que Discount Trading, Car Acoustique ou 2 Motion et Bigh Distribution se faisait verser par Photocom une commission au titre d'un apport de clientèle ; que le rôle des dirigeants de Photocom est incontestablement primordial dans la pérennité du circuit de la fraude ; qu'à un certain niveau d'expérience et de responsabilité dans une entreprise commerciale, il n'est pas possible d'envisager sereinement que la multiplication des intervenants dans un processus de vente puisse, à son terme, aboutir à un prix de vente concurrentiel ; que MM. X...et Y...ne pouvaient sérieusement ignorer le nombre élevé des participants ; qu'en amont, ils connaissaient l'existence de Tek Fax et ne pouvaient que conclure qu'il existait nécessairement d'autres fournisseurs agréés par les fabricants ; qu'en aval, agissant sur les ordres de M. Z... et compte tenu des quantités vendues, ils savaient vendre à des grossistes ou semi-grossistes et donc ne pas traiter avec le distributeur final ; que, compte tenu de la multiplicité des intervenants, ils ne pouvaient que se douter qu'un artifice ait été nécessaire pour que tout le monde y trouve son compte, ce d'autant que ces mêmes dirigeants ont reconnu au cours de l'enquête qu'ils n'avaient jamais vu la marchandise, que leur banque s'était interrogée sur cette pratique et leur avait demandé des explications et qu'ils s'étaient rendus compte que les prix pratiqués étaient inférieur à 10 à 20 % par rapport au prix du marché ; que M. Y...précisait au magistrat instructeur que sur l'exercice 1997/ 1998 cette activité avait générée 11 millions de francs de chiffre d'affaire avec une marge brute de 200 000 francs et 2, 2 millions de TVA récupérée ;
" 1°) alors que la bonne foi est exclusive de toute intention délictuelle ; qu'en retenant que l'intention délictuelle est totalement indépendante de la bonne ou de la mauvaise foi et que la bonne foi ne peut être prise en compte qu'au titre des circonstances atténuantes, la cour a violé la loi ;
" 2°) alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction de motifs équivaut à leur absence ; qu'en affirmant « que MM. X...et Y...ont incontestablement eu conscience de commettre l'acte constituant l'élément matériel du délit d'escroquerie », que, « professionnels qualifiés, ils n'ont pas agi par imprudence mais intentionnellement, la preuve de cette intention découlant des moyens et procédés utilisés, exclusifs de la bonne foi » et qu'ils « avaient connaissance du schéma de fraude mis en place », sans jamais constater ni justifier de la connaissance que MM. X...et Y...auraient eu ou pu avoir du fait que leur fournisseur, importateur des marchandises, ne reversait pas au Trésor public la TVA que lui payait, sur facture, la société Photocom, la cour, qui a procédé par voie de pure affirmation, a privé sa décision de motifs ;
" 3°) alors que MM. X...et Y...faisaient valoir qu'ils avaient une confiance aveugle en M. Z... qui les avaient instrumentalisés, que des liens particuliers noués avec M. Z... et la réalité de son commerce de téléphonie expliquaient la confiance dont ils avaient fait preuve, que des stratagèmes avaient été adoptés à l'encontre de la société Photocom à l'aide de documents destinés à crédibiliser les opérations, que les enquêteurs avaient eux-mêmes retenu que « la société Photocom n'a jamais agi de sa propre initiative, toutes les opérations étant élaborées par M. Z... », lequel l'avait confirmé, qu'ils n'avaient été en contact qu'avec M. Z... ou son entourage proche, que si M. Y...avait pu identifier M. C...sur planche photographique lors de sa garde à vue, c'était uniquement en tant que représentant de M. Z..., que compte tenu du chiffre d'affaire considérable de la société Photocom (150 000 000 de francs annuel pour la seule maison mère), du caractère résiduel de l'activité en cause pour la société et des salaires qu'ils percevaient, ils n'avaient aucun intérêt à la fraude et que leur bonne foi avait été reconnue par l'administration dans le cadre de la procédure fiscale qui avait été versée aux débats par la défense ; que la cour, qui ne s'est pas expliquée sur ces écritures, assorties d'offre de preuve, de nature à modifier la solution du litige, a violé l'article 593 du code de procédure pénale ;
" 4°) alors que constitue une bande organisée au sens de la loi tout groupement formé ou toute entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'une ou de plusieurs infractions ; que l'arrêt constate que le système frauduleux en cause a été mis en place entre MM. Joël C...et Z... et perpétué avec la création des sociétés Tek Fax et Bla Teknik, constituées à l'initiative de M. Joël C...; que MM. Joël C...et Z... ne pouvaient, à eux seuls, constituer une bande organisée au sens de l'article 132-71 du code pénal, à laquelle il pourrait être reprochés à MM. X...et Y...de s'être joints ; que par suite, en l'absence de toute participation matérielle dûment constatée de MM. X...et Y...eux-mêmes aux actes préparatoires du circuit de fraude mis en place entre MM. Joël C...et Z..., la circonstance aggravante de bande organisée ne pouvait être légalement retenue à leur encontre " ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions régulièrement déposées devant elle et caractérisé, en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré les prévenus coupables ;
D'où il suit que le moyen, qui revient à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
FIXE à 2 000 euros la somme que M. X...et M. Y...devront payer à l'Etat français en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatorze octobre deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.
Crim. 14 octobre 2015 n° 14-84.489
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Vital X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de LYON, 7e chambre, en date du 5 juin 2014, qui, pour abus de confiance, l'a condamné à deux ans d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve, et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 2 septembre 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Planchon, conseiller rapporteur, M. Soulard, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de Mme le conseiller PLANCHON, les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général SASSOUST ;
Vu le mémoire produit ;
Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué que Mme Y... a, à partir de 1986, confié à M. X... le soin de gérer son patrimoine et lui a remis des fonds notamment en vue de placements ; que M. X... a, par ailleurs, été nommé gérant de la société civile immobilière Lorsib, dont il était associé avec Mme Y..., Mme Z... et sa propre épouse ; qu'il est apparu en mai 2004, suite à la démission de ses fonctions, que M. X..., qui n'avait jamais rendu compte de sa gestion et était l'unique destinataire des relevés bancaires, se serait, depuis juin 1992, rendu coupable de détournements, au préjudice de Mme Y... et de la société Lorsib ; que celles-ci ont porté plainte et se sont constituées partie civile le 24 novembre 2005 ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-3, 111-4 et 314-1 du code pénal, 6, 7, 8, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que la cour d'appel a rejeté l'exception de prescription présentée par le demandeur ;
"aux motifs qu'il est établi qu'à la suite du décès de son époux, Mme Y..., mère de quatre enfants qui n'avait jamais géré aucun budget, a confié en 1988 la somme de 3,3 millions de francs à M. X... aux fins de placements et d'entretien des enfants installés en France avec l'aînée, Mme Nathalie Y..., alors que Mme Sabine Y... demeurant à Madagascar étant précisé que contrairement à ce que soutient Mme Sabine Y... il n'y a pas lieu de retenir une remise de somme initiale à hauteur de 3 600 050 francs en l'absence de tout élément écrit de preuve extrinsèque à l'écriture de M. X... contredite postérieurement par les deux parties au contrat devant le magistrat instructeur ; qu'il est également démontré que M. X... n'a tenu aucune comptabilité, a fait adresser tous les relevés de comptes relatifs à l'évolution du capital confié par Mme Y... à son domicile et a persisté dans son habitude de ne pas rendre compte relativement au fonctionnement et aux comptes de la société civile immobilière Lorsib après la mise en demeure adressée le 25 janvier 2004, préférant démissionner de ses fonctions et contraignant ainsi les associés de la société civile immobilière Lorsib à solliciter en référé la désignation d'un mandataire spécial ; qu'en conséquence, il ne peut être retenu que l'information voire la mise en garde faites à Mmes Nathalie et Sabine Y... par les fonctionnaires de police chargés d'une enquête pénale à l'encontre de M. X... en 1996 et la connaissance par celles-ci de l'apport de l'appartement des époux X... à la société civile immobilière Lorsib étaient de nature à leur permettre de constater les détournements dénoncés par la plainte du 24 novembre 2005 ; qu'au contraire, la connaissance admise lors de la confrontation devant le magistrat instructeur de l'apport de l'immeuble des époux X... en l'absence de toute comptabilité et de tout relevé bancaire consultable était de nature à regagner en 1997 une confiance effritée par les mises en garde des enquêteurs dans le dossier Gaddarkan en 1996 ; que, par suite, les faits dénoncés le 24 novembre 2005 n'ont pu être constatés, en l'absence de toute comptabilité, dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique qu'après la démission de M. X... le 5 avril 2004, la désignation du mandataire spécial autorisée en référé et la tenue de l'assemblée générale le 24 janvier 2005 désignant M. Z... en qualité de gérant non associé, tous actes intervenus moins de trois ans avant le dépôt de la plainte avec constitution de partie civile, premier acte interruptif ; qu'il convient, dès lors, de confirmer le premier jugement entrepris qui a retenu que l'action publique n'était pas prescrite ;
"1°) alors que, si, en matière d'abus de confiance, le point de départ de la prescription peut être reporté au jour de la découverte de l'infraction, c'est à la condition qu'il n'ait pu être décelé avant cette date dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique ; que la seule négligence de la partie civile ne saurait autoriser le juge pénal à reporter le point de départ du délai de prescription ; qu'en l'espèce, aucun des faits reprochés à M. X... n'est survenu postérieurement à 1998 ; qu'en fixant le point de départ du délai de prescription au 5 avril 2004, jour de la démission de M. X... de ses fonctions de direction de la société civile immobilière Lorsib qui gérait des fonds appartenant à Mme Y..., après avoir relevé que d'une part, les policiers chargés d'une autre enquête à l'encontre du demandeur l'avait mise en garde en 1996, et d'autre part, « la connaissance admise lors de la confrontation devant le magistrat instructeur de l'apport de l'immeuble des époux X... » à la société civile immobilière, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations ;
"2°) alors que, pour apprécier l'existence de la dissimulation de l'infraction, la cour d'appel s'est abstenue de tenir compte d'une articulation essentielle du mémoire qui faisait valoir qu'en 1995, Mme Y..., ayant constaté qu'il n'y avait plus d'argent sur les comptes, avait sollicité de M. X... une avance de trésorerie, ce qui démontrait qu'elle avait dès ce moment connaissance des faits pourtant dénoncés dix années plus tard ; que dans ces conditions elle n'a pas justifié sa décision" ;
Attendu qu'en l'état des motifs repris au moyen, d'où il se déduit que M. X..., qui bénéficiait de la confiance totale des parties civiles, a volontairement soustrait à la connaissance de celles-ci toute information de nature à leur permettre de constater l'existence des détournements commis par lui, et dès lors que la prescription de l'abus de confiance ne commence à courir qu'à compter de la date à laquelle le détournement a pu être constaté dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-3, 111-4, 314-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que la cour d'appel a déclaré le demandeur coupable du chef d'abus de confiance ;
"aux motifs que sur les faits d'abus de confiance, Mme Sabine Y... a confié en 1998 la somme de 3,3 millions de francs à M. X... aux fins de placement et d'entretien de ses enfants et d'elle-même ; que l'information a démontré que M. X... disposait d'une procuration sur les comptes de Mme Sabine Y..., gérait seul la société civile immobilière Lorsib constituée en 1992, était le seul à recevoir les relevés bancaires, n'a jamais établi aucune comptabilité ni conservé de justificatifs des achats faits pour l'entretien des enfants Y... ; que les investigations pendant l'information ont établi que M. X..., titulaire de quatre comptes bancaires personnels auprès de quatre banques différentes avait crédité son compte courant conjoint avec celui de son épouse de la somme de 72 700 francs entre le 31 décembre 1996 et le 30 janvier 1998 provenant du compte de la société civile immobilière Lorsib et il n'est justifié d'aucune rétrocession de cette somme à Mme Y... d'une quelconque manière ;qu'il a également été prouvé que M. X... avait utilisé le compte de la société civile immobilière Lorsib pour créer d'autres sociétés sans lien avec la famille Y... ou l'un de ses intérêts, payer des salariés ne dépendant pas de la société civile immobilière Lorsib et que l'argent de la société civile immobilière Lorsib chargée de la gestion de l'immeuble situé rue Bara acquis à titre de placement et donné en location avait été utilisé pour créer un activité économique en Cote d'Ivoire sans autorisation des associés de la société civile immobilière Lorsib et sans aucun remboursement ; que la société civile immobilière Lorsib avait été utilisée pour tenter d'organiser l'insolvabilité de M. X... débiteur ensuite d'une condamnation pénale, qu'ainsi l'acquisition par la société civile immobilière Lorsib de l'immeuble dont il était propriétaire avec son épouse avait eu pour but d'extraire le bien de son patrimoine objet de voies d'exécution et de rassurer la famille Y... sur les qualités de sa gestion ; que cet immeuble était ressorti du patrimoine de la société civile immobilière Lorsib en suite de l'action paulienne intentée et gagnée par le créancier de M. X..., que toutefois, l'emprunt contracté par la société civile immobilière Lorsib pour l'acquisition de cet immeuble, soit la somme de 1 300 000 francs n'avait jamais été remboursée à la société civile immobilière Lorsib ; qu'en conséquence, il ne fait aucun doute que M. X... a sciemment abusé de la confiance de Mme Y... et a détourné à son détriment et au détriment de la société civile immobilière Lorsib les sommes confiées par Mme Y... puis les sommes provenant de la gestion de l'immeuble de la rue Bara à Lyon ; que, par suite, les faits d'abus de confiance poursuivis sont établis et le jugement entrepris doit être également confirmé de ce chef ;
"alors que l'abus de confiance est le fait par une personne de détourner, au préjudice d'autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu'elle a acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d'en faire un usage déterminé ; que les juges du fond doivent donc caractériser la condition préalable tenant au caractère précaire de la remise, exclusif de tout transfert de propriété ; qu'en l'espèce, la cour d'appel se contente d'affirmer que Mme Y... a confié en 1988 à M. X... la somme de 3,3 millions de francs aux fins de placement et d'entretien de ses enfants et d'elle-même ; que ce faisant, la cour d'appel ne s'est pas suffisamment expliquée sur la nature de la remise et a privé sa décision de base légale" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt et du jugement qu'il confirme, mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé, en tous ses éléments, tant matériel qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que le moyen, qui revient à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être accueilli ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du code civil, 314-1 du code pénal, 2, 3, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que la cour d'appel a condamné le demandeur à indemniser Mme Y... à hauteur de 35 000 euros et la société civile immobilière Lorsib à hauteur de 366 095,45 euros ;
"aux motifs que Mme Sabine Y... a confié en 1998 la somme de 3,3 millions de francs à M. X... aux fins de placement et d'entretien de ses enfants et d'elle-même ; que l'information a démontré que M. X... disposait d'une procuration sur les comptes de Mme Sabine Y..., gérait seul la société civile immobilière Lorsib constituée en 1992, était le seul à recevoir les relevés bancaires, n'a jamais établi aucune comptabilité ni conservé de justificatifs des achats faits pour l'entretien des enfants Y... ; que les investigations pendant l'information ont établi que M. X..., titulaire de quatre comptes bancaires personnels auprès de quatre banques différentes avait crédité son compte courant conjoint avec celui de son épouse de la somme de 72 700 francs entre le 31 décembre 1996 et le 30 janvier 1998 provenant du compte de la société civile immobilière Lorsib et il n'est justifié d'aucune rétrocession de cette somme à Mme Y... d'une quelconque manière ; qu'il a également été prouvé que M. X... avait utilisé le compte de la société civile immobilière Lorsib pour créer d'autres sociétés sans lien avec la famille Y... ou l'un de ses intérêts, payer des salariés ne dépendant pas de la société civile immobilière Lorsib et que l'argent de la société civile immobilière Lorsib chargée de la gestion de l'immeuble situé rue Bara acquis à titre de placement et donné en location avait été utilisé pour créer un activité économique en Cote d'Ivoire sans autorisation des associés de la société civile immobilière Lorsib et sans aucun remboursement ; que la société civile immobilière Lorsib avait été utilisée pour tenter d'organiser l'insolvabilité de M. X... débiteur ensuite d'une condamnation pénale, qu'ainsi l'acquisition par la société civile immobilière Lorsib de l'immeuble dont il était propriétaire avec son épouse avait eu pour but d'extraire le bien de son patrimoine objet de voies d'exécution et de rassurer la famille Y... sur les qualités de sa gestion ; que cet immeuble était ressorti du patrimoine de la société civile immobilière Lorsib ensuite de l'action paulienne intentée et gagnée par le créancier de M. X..., que toutefois, l'emprunt contracté par la société civile immobilière Lorsib pour l'acquisition de cet immeuble, soit la somme de 1 300 000 francs n'avait jamais été remboursée à la société civile immobilière Lorsib ; qu'en conséquence, il ne fait aucun doute que M. X... a sciemment abusé de la confiance de Mme Y... et a détourné à son détriment et au détriment de la société civile immobilière Lorsib les sommes confiées par Mme Y... puis les sommes provenant de la gestion de l'immeuble de la rue Bara à Lyon ; que, par la suite, les faits d'abus de confiance poursuivis sont établis et le jugement entrepris doit être également confirmé de ce chef ; (...)que sur l'action civile, sur les demandes de Mme Sabine B..., veuve Y..., que, l'information a établi que M. X... avait détourné au détriment de Mme Sabine Y... la somme de 72 700 francs entre 1996 et 1998 soit la somme équivalent à 14 371, 13 euros à ce jour ; qu'il a été établi qu'il avait acquis deux immeubles au bénéfice de la famille Y... l'un dans lequel vit encore actuellement Mme Nathalie Y... avec la famille qu'elle a fondée et celui de la rue Bara géré par la société civile immobilière Lorsib ; que le préjudice découlant directement de l'infraction dont a personnellement souffert Mme Sabine Y..., partie civile recevable en ses demandes, comprend ce détournement de la somme de 72 700 francs, la perte de chance de rapport de cette somme par un placement lucratif et le préjudice moral constitué par l'angoisse générée par l'absence de toute reddition de comptes puis par la découverte des détournements ; que le préjudice découlant des détournements faits au détriment de la société civile immobilière Lorsib sera réparé par les sommes allouées à cette société et les comptes entre ses associés dont Mme Sabine Y... seront ensuite effectués ; que le surplus des détournements allégués par Mme Sabine Y... n'est pas démontré dès lors qu'il est établi que M. X... a pourvu à l'entretien de Mme Y... et de ses enfants pendant près de treize ans au point que Mme Nathalie Y... le considérait comme un tuteur et que Mme Sabine Y... n'avait pas cru utile de lui demander une reddition de comptes avant la mise en demeure intervenue en 2004 ; qu'en conséquence, les détournements opérés entre 1996 et 1998 ainsi que la perte de chance et le préjudice moral seront réparés par le paiement de la somme de 35 000 euros de dommages-intérêts toutes causes de préjudices réunies et le jugement entrepris sera infirmé en ses dispositions civiles concernant les dommages-intérêts alloués à Mme Sabine Y... ; (...) ; que sur les demandes de la société civile immobilière Lorsib, il résulte des pièces du dossier que la société civile immobilière Lorsib a personnellement et directement souffert des détournements suivants :- 198 183, 72 euros correspondant au paiement de 1 300 000 francs par deux virements pour le paiement de l'immeuble appartenant aux époux X... repris par son créancier ensuite de l'action paulienne ;- 125 254, 53 euros au titre des frais financiers subséquents de 2000 à 2002 suivant les relevés de comptes produits se rattachant directement au détournement de la somme de 198 183,72 euros ;- 6 591 euros au titre des paiements de salaires et charges concernant des salariés d'autres sociétés sans lien avec la société civile immobilière Lorsib ;- 27 475,2 euros au titre des sommes frauduleusement utilisées pour financer les dépenses de la société civile immobilière Marina ;- 8 591 euros au titre d'un chèque établi au trésor public correspondant à des taxes sans lien avec l'objet de la société civile immobilière Lorsib s'agissant de taxes dues par M. X... ;qu'en conséquence, au total, c'est la somme de 366 095,45 euros que M. X... doit à la société civile immobilière Lorsib à titre de dommages-intérêts, le surplus des demandes ne découlant pas directement de l'infraction commise à l'égard de cette société civile immobilière, dès lors qu'il concerne pour partie une somme détournée au seul détriment de Mme Nathalie Y... et pour partie des sommes retirées du compte distribuées à la famille conformément à la volonté des associés composant la société civile immobilière ; que, par suite, le jugement entrepris doit être réformé de ce chef et M. X... condamné à payer à la société civile immobilière Lorsib la somme de 366 095,45 euros ;
"alors que ne peut être indemnisé que le préjudice découlant directement de l'infraction et personnellement subi par la partie civile ; que la cour d'appel ne pouvait, dès lors, après avoir constaté que la somme de 72 700 francs détournée entre le 31 décembre 1996 et le 30 janvier 1998 provenait du compte de la société civile immobilière Lorsib, allouer à Mme Y... une somme au titre de la réparation du préjudice lié à ce détournement" ;
Attendu qu'en évaluant, comme elle l'a fait, la réparation du préjudice résultant pour Mme Y... de l'infraction, la cour d'appel n'a fait qu'user de son pouvoir d'apprécier souverainement, dans la limite des conclusions des parties, l'indemnité propre à réparer le dommage né de l'infraction ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatorze octobre deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.
Crim. 14 octobre 2015 n° 14-83.302
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- La société Leroy Merlin,
contre l'ordonnance n° 07271 du premier président de la cour d'appel de BORDEAUX, en date du 8 avril 2014, qui a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant la direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes à effectuer des opérations de visite et saisie en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles et a prononcé sur la régularité desdites opérations ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 2 septembre 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Soulard, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de M. le conseiller SOULARD, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIÉ, et de Me RICARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général SASSOUST ;
Vu les mémoires en demande, en défense, en réplique, et les observations complémentaires produits ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 450-4 du code de commerce, 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, 591 et 593 du code de procédure pénale, excès de pouvoir, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que le délégué du premier président de la cour d'appel de Bordeaux a statué par une même décision sur les deux procédures relatives, d'une part, à l'appel de l'ordonnance d'autorisation et, d'autre part, au recours contre le déroulement des opérations et a confirmé l'autorisation de pratiquer des visites et des saisies et rejeté le recours contre le déroulement des opérations ainsi autorisées ;
"alors que l'examen par la même formation, dans une même décision, du bien-fondé de l'autorisation de pratiquer des visites et des saisies, et du recours formé contre le déroulement des opérations ainsi autorisées, est de nature à faire naître un doute raisonnable sur l'impartialité de la juridiction" ;
Attendu qu'en prévoyant que le recours intenté contre les opérations de visite est porté devant le même juge que l'appel contre l'ordonnance autorisant la visite, l'article L. 450-4 du code de commerce ne porte pas atteinte au principe du procès équitable ;
D'ou il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 450-4 du code de commerce, 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, 591 et 593 du code de procédure pénale, excès de pouvoir, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que le premier président a confirmé l'ordonnance ayant validé l'autorisation de pratiquer des visites et des saisies dans les locaux appartenant à l'entreprise ;
"aux motifs que la société Leroy Merlin en convient, en signant l'ordonnance pré-rédigée, le juge s'en approprie les motifs et le dispositif ; que, par ailleurs, les simples supputations de la société Leroy Merlin sur l'impossibilité dans laquelle le juge se serait trouvé, pressé par le temps et ses lourdes charges habituelles, d'examiner la pertinence de la requête, sont inopérantes ; que la société Leroy Merlin voudrait pour preuve de l'absence de contrôle par le juge des documents soumis à son examen une erreur matérielle qu'elle aurait décelée dans la requête et qui aurait été reprise dans l'ordonnance ; que l'administration explique qu'il ne s'agit pas d'une erreur mais seulement d'une lecture erronée par la société Leroy Merlin du tableau de synthèse qui figure à la page 7 de sa requête ; que le taux de suivi de 0 % pour la référence NHP K 2300 + T50 signifie qu'en raison des écarts considérables entre le prix conseillé et les prix de vente relevés, le prix conseillé n'est pas suivi ; qu'aussi, la société Leroy Merlin succombe-t-elle sur ce premier moyen ;
"alors que le délégué du premier président, qui a constaté que le juge s'était borné à apposer sa signature sur une ordonnance rédigée par l'administration, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard des textes susvisés en refusant d'annuler l'ordonnance" ;
Attendu que, par application de l'article 561 du code de procédure civile, le premier président qui annule l'ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant des opérations de visite et saisie doit se prononcer lui-même sur le bien-fondé de la requête de l'administration ;
Qu'il s'ensuit que le moyen, qui fait grief à l'ordonnance attaquée de ne pas avoir annulé la décision du premier juge, alors qu'au surplus la reproduction, dans cette décision, de la requête de l'administration, est sans effet sur sa validité, est inopérant ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme L. 450-4, L. 420-1, L. 420-2, L. 442-5 du code de commerce, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que le premier président a confirmé l'ordonnance ayant validé l'autorisation de pratiquer des visites et des saisies dans les locaux appartenant à l'entreprise, en rejetant la demande tendant au cantonnement des effets de la saisie à la preuve des seules pratiques anticoncurrentielles contraires aux articles L. 420-2 ou L. 442-5 du code de commerce, à l'exclusion de pratiques anticoncurrentielles contraires à l'article L. 420-1 du code de commerce ;
"aux motifs qu'il ressort de la requête et des pièces qui l'accompagnent que toutes les enseignes vendant du matériel Kärcher (mille cinq cent neuf relevés de prix sur toute la France dans de nombreux points de vente et de nombreuses enseignes, soixante catalogues publicitaires épluchés concernant les enseignes spécialisées en matière de bricolage) suivent d'une façon significative les prix conseillés par le fournisseur (taux de suivi entre 96 et 100 %) ; que, par ailleurs, l'administration démontre que trente cinq points de vente Leroy Merlin ont fait l'objet de relevés de prix et que six de ses catalogues ont été examinés et que le taux de suivi du prix conseillé est particulièrement important ; que l'implication de la société Leroy Merlin est par conséquent suffisamment établie ; que les pratiques anticoncurrentielles présumées sont de trois ordres (l'entente, l'abus de position dominante ou la pratique des prix imposés) ; que l'administration a présenté au juge des indices permettant d'impliquer la société Leroy Merlin dans ces pratiques anticoncurrentielles et notamment l'entente ; qu'en effet, les documents soumis à l'examen du juge des libertés mettent en évidence que la société Kärcher diffusait auprès de ses distributeurs un tarif prix conseillés (auditions X... et Y...), que toutes les enseignes, et donc Leroy Merlin, suivent le tarif conseillé d'une façon quasi systématique, et en tout cas avec un taux moyen de 97,94 %, dans les points de vente physique et de 100 % pour les produits annoncés sur catalogue, et que par l'intermédiaire de la gestion des promotions avec retour des tickets de caisse, la société Kärcher pouvait exercer une surveillance des prix pratiqués par ses distributeurs ; que l'administration, pour des raisons qui lui sont propres et que le juge n'a pas à contrôler, peut vouloir cibler telle entreprise plutôt que telle autre ; qu'au cas d'espèce, dès lors que la société Leroy Merlin est bien concernée comme il a été expliqué plus haut et qu'il existe des indices sérieux et concordants permettant de suspecter des pratiques anticoncurrentielles et notamment une entente avec la société Kärcher, c'est à bon droit que le juge des libertés a autorisé visite et saisies dans les locaux de la société Leroy Merlin ;
"1°) alors que le juge doit vérifier que la demande d'autorisation qui lui est soumise est fondée ; qu'il lui appartient notamment de vérifier que l'administration ne détourne pas la procédure prévue à l'article L. 450-4 du code de commerce ; que, si l'administration peut limiter sa requête à certains des opérateurs d'un marché, cette limitation ne peut donc être arbitraire et doit résulter de considérations objectives ; que, dès lors, l'administration ne pouvait, pour borner sa requête à trois entreprises tout en reconnaissant que les pratiques litigieuses étaient le fait de l'ensemble des distributeurs de la marque Kärcher, invoquer des raisons pratiques ;
"2°) et alors que dans des conclusions demeurées sans réponse, la société Leroy Merlin faisait valoir que l'entente suspectée ne pouvait être révélée par la seule constatation d'un taux de concordance élevé entre les prix catalogue du fournisseur et ceux pratiqués par le distributeur, et supposait un accord de volonté et une police des prix qui n'étaient démontrés par aucun élément ;
"3°) alors que, de la même façon, la société Leroy Merlin faisait valoir qu'une entente ne pouvait résulter de simples pratiques de surveillance des prix par « remontée » des tickets de caisse, pratique n'ayant rien de commun avec une police des prix, seule de nature à révéler l'existence d'une entente ;
"4°) alors que le délégué du premier président devait en tout état de cause, préciser en quoi les déclarations de MM. X... et Y... respectivement co-président de la société CGO et salarié de la société COMAI, pouvaient faire présumer le comportement de la société Leroy Merlin" ;
Attendu que les énonciations de l'ordonnance attaquée mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que le premier président de la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont il était saisi et caractérisé, s'étant référé, en les analysant, aux éléments d'information fournis par l'administration, l'existence de présomptions de pratiques anticoncurrentielles justifiant la mesure autorisée ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, § 1, et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 422-11 du code de la propriété intellectuelle, L. 450-4 du code de commerce, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande tendant à l'annulation des saisies pratiquées dans les locaux de la société Leroy Merlin le 20 décembre 2012, ainsi que la demande tendant à faire injonction à l'administration d'identifier, parmi les pièces saisies, celles entrant dans le champ de l'autorisation ;
"aux motifs qu'il n'appartient pas au juge de vérifier si chacun des documents saisis entre ou non dans le champ de l'ordonnance du juge des libertés ; que chacune des parties ayant en main un exemplaire des documents saisis, il lui incombe, le cas échéant, de soumettre à l'arbitrage du juge la pertinence de la saisie de tel ou tel document qu'il devra spécifiquement identifier ; que par voie de conséquence, il importe peu que l'inventaire ne permet pas à la seule lecture de l'intitulé de chacun des documents saisis, dont d'ailleurs l'administration prétend sans être démentie qu'il s'agit de l'intitulé original des pièces inventoriés, de vérifier si le fichier ou le document saisi entre ou non dans les prévisions de l'ordonnance du 7 décembre 2012 ; que, sur la validité des saisies informatiques, la société Leroy Merlin ne peut prétendre que les saisies informatiques pratiquées ont été massives et indifférenciées alors que seul l'ordinateur de l'un de ses collaborateurs a fait l'objet d'une perquisition et que la saisie n'a porté que sur 0,32 % du contenu de la machine ; que, par ailleurs, la Cour de cassation reconnaît que, pour des raisons techniques, qu'il n'appartient pas au juge du contrôle de discuter, les messageries sont insécables et que, par voie de conséquence, la saisie de la totalité de la messagerie s'impose, dès lors qu'il a été constaté que, pour partie, elle contient des fichiers ou documents qui entrent dans le champ de l'autorisation donnée par le juge des libertés ; que, dès lors, que la société Leroy Merlin ne prétend pas, à l'encontre des explications de l'administration, que l'une ou l'autre des messageries saisies serait dans son intégralité hors champ, la saisie des trois messageries par l'administration n'est pas critiquable ; que l'administration convient que vingt-six fichiers saisis sont illisibles ; qu'elle en propose la restitution par destruction ; qu'il conviendra d'ordonner cette mesure qui est de nature à assurer la société Leroy Merlin que ces fichiers ne pourront pas être utilisés ; que sur les saisies portant sur des correspondances couvertes par le secret des correspondances attaché à la profession d'avocat en propriété commerciale, la société Leroy Merlin explique qu'ont été saisies des correspondances échangées entre ses avocats en propriété commerciale et son salarié qui seraient protégés par le secret des correspondances entre un client et son avocat ; que, comme le soutient l'administration, la protection qui s'attache à ces correspondances est le secret des affaires qui, dans les limites des articles L. 463-4 et R. 463-13 à R. 463-15 du code de commerce, n'est pas opposable à l'administration et en tous cas ne peut donner lieu à une annulation des pièces saisies ; qu'aussi, la société Leroy Merlin ne peut-elle prétendre à l'annulation pour la saisie de ces correspondances ; que, sur l'injonction d'identification des pièces saisies, la société Leroy Merlin a en sa possession une copie de l'intégralité des pièces saisies ; que, si elle entend contester le bien fondé de la saisie par l'administration d'un document, il lui appartient de le désigner et d'expliquer en quoi il devrait être distrait de la saisie (document protégé ou document hors champ) ; qu'il n'y a donc pas enjoindre à l'administration de justifier du bien fondé de la saisie de chacun des documents saisis ; que la société Leroy Merlin sera déboutée de sa demande d'injonction ;
"1°) alors que le procès-verbal des opérations et l'inventaire des pièces saisies, qui constituent les seuls moyens de contrôler la régularité des opérations et la conformité des saisies avec l'objet de l'autorisation, doivent être suffisamment précis pour permettre ce contrôle ; que l'absence de précision équivaut à une absence d'inventaire et doit entraîner l'annulation de la saisie ; que le premier président ne pouvait donc refuser de déterminer si l'inventaire était d'une précision suffisante pour remplir son office ;
"2°) alors que les fichiers informatiques ne peuvent faire l'objet de saisies globales qu'à raison de circonstances particulières qu'il appartient au juge du contrôle des opérations de caractériser ; que le délégué du premier président, qui a constaté que des fichiers de messagerie avaient fait l'objet d'une saisie globale, ne pouvait donc juger que celle-ci était valable sans caractériser de telles circonstances ;
"3°) alors qu'en tout état de cause, en se bornant, pour juger valable la saisie indifférenciée de l'ensemble d'une messagerie, à énoncer que "par ailleurs, la Cour de cassation reconnaît que, pour des raisons techniques, qu'il n'appartient pas au juge du contrôle de discuter, les messageries sont insécables et que, par voie de conséquence, la saisie de la totalité de la messagerie s'impose" le premier président a énoncé un motif d'ordre général ;
"4°) alors qu'il incombe à l'administration de ne saisir que des pièces entrant dans le champ de l'autorisation ; qu'il n'était pas contesté que l'administration avait saisi des messageries de façon globale ; que, dès lors, le juge devait lui enjoindre de déterminer, parmi les messages saisi, ceux qu'elle était en droit d'appréhender ;
"5°) alors que le pouvoir, reconnu aux agents de l'Autorité de la concurrence par l'article L. 450-4 du code de commerce, de saisir des documents et supports informatiques, trouve sa limite dans le principe de la libre défense ; que les correspondances échangées avec un avocat en propriété intellectuelle sont couvertes par le secret professionnel, qui trouve sa justification notamment dans le principe de la libre défense ; que, dès lors, le délégué du premier président ne pouvait juger valables les saisies de correspondances échangées entre la société Leroy Merlin et son avocat en propriété intellectuelle" ;
Attendu que, pour rejeter le recours formé contre les opérations de visite, l'ordonnance prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que l'inventaire des pièces saisies permettait à la société Leroy Merlin, qui en avait conservé une copie, d'en connaître précisément la teneur et d'invoquer devant le premier président, le cas échéant, les éléments de nature à établir que certaines d'entre elles ne pouvaient être saisies, et dès lors, que la circonstance que des documents sont couverts par le secret professionnel n'exclut pas qu'ils soient saisis, le premier président, qui n'avait pas à apprécier la possibilité pour les enquêteurs de procéder autrement qu'ils ne l'ont fait, a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Et attendu que l'ordonnance est régulière en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatorze octobre deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.
Crim. 6 octobre 2015 n° 15-81.665 B n° 837
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- M. Patrick X...,- M. Augustin Y...,- M. Abelardo Z...,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, en date du 2 mars 2015, qui, dans l'information suivie contre eux des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants, association de malfaiteurs et contrebande de marchandises prohibées, a prononcé sur les demandes des deux premiers d'annulation de pièces de la procédure ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 22 septembre 2015 où étaient présents : M. Guérin, président, Mme Durin-Karsenty, conseiller rapporteur, MM. Straehli, Finidori, Monfort, Buisson, Larmanjat, Ricard, Parlos, conseillers de la chambre, MM. Barbier, Talabardon, conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Cuny ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de Mme le conseiller DURIN-KARSENTY, les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CUNY ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 1er juin 2015, prescrivant l'examen immédiat des pourvois ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
I-Sur le pourvoi formé par M. Z... :
Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;
II-Sur les pourvois formés par MM. X... et Y... :
Vu le mémoire commun aux demandeurs et les observations complémentaires produits ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'une information a été ouverte des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants, association de malfaiteurs et contrebande douanière de marchandises prohibées, pour laquelle le président du tribunal de grande instance de Marseille a désigné M. Thierry Azema, vice-président chargé de l'information, et un juge d'instruction pour lui être adjoint ; qu'à la suite des investigations opérées sur commissions rogatoires, notamment les interceptions téléphoniques de différentes lignes placées sous surveillance, plusieurs personnes ont été mises en examen des chefs précités, dont M. X... et M. Y..., lesquels ont déposé des requêtes en nullité ; qu'ils ont, notamment, soutenu l'irrégularité de quarante-sept commissions rogatoires, délivrées sur le fondement de l'article 100 du code de procédure pénale par des juges d'instruction autres que les magistrats cosaisis et selon eux, incompétents ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 83-1, 84, 170, 171, 802, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la chambre de l'instruction a déclaré les demandeurs irrecevables à soulever la nullité de certaines commissions rogatoires prescrivant des interceptions de télécommunications ;
" aux motifs que sur les commissions rogatoires, et la violation affirmée de l'article 84 du code de procédure pénale ; que les mis en examen soulèvent la nullité de quarante-sept commissions rogatoires spéciales, visant à la mise en place d'un dispositif d'interception, d'enregistrement et de retranscription de correspondances émises par la voie de télécommunications ; que pour être recevables les requérants doivent établir l'existence d'un intérêt propre à leur personne, auquel il aurait été porté atteinte, en l'espèce, notamment, le droit au respect de leur vie privée ; qu'il n'en sera pas ainsi pour les lignes dont ils ne sont pas les titulaires ou les utilisateurs, et dont les conversations n'auront pas été captées, ou leurs messages interceptés ; que par commission rogatoire du 23 mars 2011, M. Voglimacci, vice-président chargé de l'instruction, a prescrit le placement sous surveillance de la ligne téléphonique... utilisée par M. Thierry L... (D352) ; que les requérants qui ne sont ni titulaires ni utilisateurs de la ligne et dont les conversations n'ont pas été captées ni les messages interceptés (D359), ne sont pas recevables, faute de qualité, à critiquer la régularité de cette commission rogatoire ; que par commission rogatoire du 23 mars 2011, M. Voglimacci, vice-président chargé de l'instruction, a prescrit le placement sous surveillance de la ligne téléphonique... au nom de M. L... et dont les enquêteurs indiquent qu'elle est susceptible d'être utilisée par M. X... (D382, D390) ; que des messages ont été interceptés à destination de la ligne... pouvant être utilisée par M. Y... et une conversation avec un interlocuteur espagnol utilisant la ligne... ; que parmi les requérants, seuls MM. X... et Y... sont ainsi susceptibles de se prévaloir d'une atteinte à leurs droits, alors que MM. Jean-Pierre K... et Pierre D..., qui ne sont ni titulaires ni utilisateurs de la ligne et dont ni les conversations n'ont été captées ni les messages interceptés, ne sont pas recevables, faute de qualité, à critiquer la régularité de cette commission rogatoire ; que par commission rogatoire du 23 mars 2011, M. Voglimacci, vice-président chargé de l'instruction, a prescrit le placement sous surveillance de la ligne téléphonique... au nom de M. L... et dont les enquêteurs indiquent qu'elle est susceptible d'être utilisée par M. Y... (D418, D426) ; que des messages ont été interceptés en provenance de la ligne..., pouvant être utilisée par M. X... ; que seuls MM. X... et Y... sont ainsi susceptibles de se prévaloir d'une atteinte à leurs droits, MM. K... et D..., qui ne sont ni titulaires ni utilisateurs de la ligne et dont ni les conversations n'ont été captées ni les messages interceptés, ne sont pas recevables, faute de qualité, à critiquer la régularité de cette commission rogatoire ; que par commission rogatoire du 7 avril 2011, M. Duchaine, vice-président chargé de l'instruction, a prescrit le placement sous surveillance de la ligne téléphonique... utilisée par M. Christian G... (D2003) ; que cette surveillance permettra d'établir uniquement que M. X... travaille effectivement au Parc naturel régional de Corse et utilise régulièrement les services de la société Corséus hélicoptères (D2015) ; qu'ainsi, parmi les requérants, seul M. X... est ainsi susceptible de se prévaloir d'une atteinte à ses droits, alors que MM. Y..., K... et D..., qui ne sont ni titulaires ni utilisateurs de la ligne et dont ni les conversations n'ont été captées, ni les messages interceptés, ne sont pas recevables, faute de qualité, à critiquer la régularité de cette commission rogatoire ; que par commission rogatoire du 8 avril 2011, M. Duchaine, vice-président chargé de l'instruction, a prescrit le placement sous surveillance de la ligne téIéphonique 04 95 33 27 35 correspondant à une cabine téléphonique à Brando (D1846) ; que les requérants qui ne sont ni titulaires ni utilisateurs de la ligne et dont ni les conversations n'ont été captées ni les messages interceptés (D1856), ne sont pas recevables, faute de qualité, à critiquer la régularité de cette commission rogatoire ; que par commission rogatoire du 11 avril 2011, M. Duchaine, vice-président chargé de l'instruction, a prescrit le placement sous surveillance de la ligne téléphonique... au nom de René O... et dont les enquêteurs indiquent qu'elle pourrait être utilisée par M. X... (D473, D481) ; qu'un message a été intercepté à destination de la ligne... susceptible d'être utilisée par M. Y... ; que parmi les requérants, seuls MM. X... et Y... sont ainsi susceptibles de se prévaloir d'une atteinte à leurs droits, alors que MM. K... et D..., qui ne sont ni titulaires ni utilisateurs de la ligne et dont ni les conversations n'ont été captées, ni les messages interceptés, ne sont pas recevables, faute de qualité, à critiquer la régularité de cette commission rogatoire ; que, par commission rogatoire du 11 avril 2011, M. Duchaine, vice-président chargé de l'instruction, a prescrit le placement sous surveillance de la ligne téléphonique... au nom de René O... et dont l'utilisation est attribuée par les enquêteurs à M. Y... (13495, 0481) ; qu'un message a été intercepté en provenance de la ligne... susceptible d'être utilisée par M. X... ; que, parmi les requérants, seuls MM. X... et Y... sont ainsi susceptibles de se prévaloir d'une atteinte à leurs droits, alors que MM. K... et D..., qui ne sont ni titulaires ni utilisateurs de la ligne et dont ni les conversations n'ont été captées, ni les messages interceptés, ne sont pas recevables, faute de qualité, à critiquer la régularité de cette commission rogatoire ; que par commission rogatoire du 4 août 2011, M. Dorcet, vice-président chargé de l'instruction, a prescrit le placement sous surveillance de la ligne téléphonique... au nom de Jean-Joseph Q... (D2081) ; que les enquêteurs ont attribué l'usage de cette ligne, notamment à M. Y... et ont intercepté des messages avec la ligne... utilisée par M. X... (02088) ; que parmi les requérants, seuls MM. X... et Y... sont ainsi susceptibles de se prévaloir d'une atteinte à leurs droits, alors que MM. K... et D..., qui ne sont ni titulaires ni utilisateurs de la ligne et dont ni les conversations n'ont été captées, ni les messages interceptés, ne sont pas recevables, faute de qualité, à critiquer la régularité de cette commission rogatoire ; que par commission rogatoiredu 4 août 2011, M. Dorcet, vice-président chargé de l'instruction, a prescrit le placement sous surveillance de la ligne téléphonique... au nom de Jean-Joseph Q... (D2107) ; que l'enquête a permis d'attribuer cette ligne à M. X... et d'établir qu'elle avait été en contact avec la ligne... attribuée à M. Y... ; que parmi les requérants, seuls MM. X... et Y... sont ainsi susceptibles de se prévaloir d'une atteinte à leurs droits, alors que MM. K... et D..., qui ne sont ni titulaires ni utilisateurs de la ligne et dont ni les conversations n'ont été captées, ni les messages interceptés, ne sont pas recevables, faute de qualité, à critiquer la régularité de cette commission rogatoire ; que par commission rogatoire du 6 octobre 2011, M. Perruaux, vice-président chargé de l'instruction, a prescrit le placement sous surveillance de la ligne téléphonique ...utilisée par M. Y... (03547) ; que parmi les requérants, seul M. Y..., utilisateur de la ligne considérée est à même de considérer qu'il a été porté atteinte à l'intimité de sa vie privée, les autres requérants, qui ne sont ni titulaires ni utilisateurs de la ligne, et dont les conversations n'ont pas été captées, ni les messages interceptés, n'étant pas recevables, faute de qualité, à critiquer la régularité de cette commission rogatoire ; que par commission rogatoire du 17 novembre 2011, M. Duchaine, vice-président chargé de l'instruction, a prescrit le placement sous surveillance de la ligne téléphonique... utilisée par Mme Bernadette G... (D3052) ; que les enquêteurs ont noté que cette ligne avait été contactée par M. X... ; que parmi les requérants, seul M. X... est ainsi à même de se prévaloir d'une atteinte à l'intimité de sa vie privée, alors que MM. Y..., K... et D... qui ne sont ni titulaires ni utilisateurs de la ligne et dont ni les conversations n'ont été captées ni les messages interceptés, ne sont pas recevables, faute de qualité, à critiquer la régularité de cette commission rogatoire ; que par commission rogatoire du 17 novembre 2011, M. Duchaine, vice-président chargé de l'instruction, a prescrit le placement sous surveillance de la ligne téléphonique... au nom de la société Corséus Hélicoptères (D3776) ; que les requérants qui ne sont ni titulaires ni utilisateurs de la ligne et dont ni les conversations n'ont été captées, ni les messages interceptés, ne sont pas recevables, faute de qualité, à critiquer la régularité de cette commission rogatoire ; que par commission rogatoire du 15 février 2012, M. Perruaux, vice-président chargé de l'instruction, a prescrit le placement sous surveillance de la ligne téléphonique... au nom de Dominique J... (D6405) ; que les requérants qui ne sont ni titulaires ni utilisateurs de la ligne et dont ni les conversations n'ont été captées, ni les messages interceptés, ne sont pas recevables, faute de qualité, à critiquer la régularité de cette commission rogatoire (D6419) ; que par commission rogatoire du 15 février 2012, M. Perruaux, vice-président chargé de l'instruction, a prescrit le placement sous surveillance de la ligne téléphonique... au nom de Dominique J... (D6559, D3411) ; que les requérants qui ne sont ni titulaires ni utilisateurs de la ligne, et dont ni les conversations n'ont été captées, ni les messages interceptés, ne sont pas recevables, faute de qualité, à critiquer la régularité de cette commission rogatoire ; que par commission rogatoire du 28 février 2012, M. Perruaux, vice-président chargé de l'instruction, a prescrit le placement sous surveillance de la ligne téléphonique 04 68 83 33 53 correspondant à une cabine téléphonique à Le Boulou (66) (D8820) ; que les requérants qui ne sont ni titulaires ni utilisateurs de la ligne et dont ni les conversations n'ont été captées, ni les messages interceptés, ne sont pas recevables, faute de qualité, à critiquer la régularité de cette commission rogatoire (D8831) ; que par commission rogatoire du 28 février 2012, M. Perruaux, vice-président chargé de l'instruction, a prescrit le placement sous surveillance de la ligne téléphonique 04 68 87 73 35 correspondant à une cabine téléphonique à Le Boulou (66) (D8833) ; que les requérants qui ne sont ni titulaires ni utilisateurs de la ligne, et dont ni les conversations n'ont été captées, ni les messages interceptés, ne sont pas recevables, faute de qualité, à critiquer la régularité de cette commission rogatoire ; que par commission rogatoire du 28 février 2012, M. Perruaux, vice-président chargé de l'instruction, a prescrit le placement sous surveillance de la ligne téléphonique 04 68 83 31 35 correspondant à une cabine téléphonique à Le Boulou (66) (D8846) ; que les requérants qui ne sont ni titulaires ni utilisateurs de la ligne, et dont ni les conversations n'ont été captées, ni les messages interceptés, ne sont pas recevables, faute de qualité, à critiquer la régularité de la commission rogatoire en question (D8856) ; que par commission rogatoire du 28 février 2012, M. Perruaux, vice-président chargé de l'instruction, a prescrit le placement sous surveillance de la ligne téléphonique 04 68 87 79 35 correspondant à une cabine téléphonique à Le Boulou (66) (D88581) ; que les requérants qui ne sont ni titulaires ni utilisateurs de la ligne, et dont ni les conversations n'ont été captées, ni les messages interceptés, ne sont pas recevables, faute de qualité, à critiquer la régularité de cette commission rogatoire (D8869) ; que par commission rogatoire du 14 mai 2012, M. Perruaux, vice-président chargé de l'instruction, a prescrit le placement sous surveillance de la ligne téléphonique 06 48 37 44 55 au nom de Maurice J... (D7511) ; que les requérants qui ne sont ni titulaires ni utilisateurs de la ligne et dont ni les conversations n'ont été captées, ni les messages interceptés, ne sont pas recevables, faute de qualité, à critiquer la régularité de cette commission rogatoire ; que par commission rogatoire du 16 mai 2012, M. Perruaux, vice-président chargé de l'instruction, a prescrit le placement sous surveillance de la ligne téléphonique... au nom de Marc M... (D7401) ; que les requérants qui ne sont ni titulaires ni utilisateurs de la ligne et dont ni les conversations n'ont été captées, ni les messages interceptés, ne sont pas recevables, faute de qualité, à critiquer la régularité de cette commission rogatoire ; que par commission rogatoire du 22 mai 2012, M. Perruaux, vice-président chargé de l'instruction, a prescrit le placement sous surveillance de la ligne téléphonique... au nom de Raymond N... (D6421) ; que les enquêteurs ont attribué cette ligne à M. Y... et ont intercepté des messages avec la ligne 06 87 57 93 80 susceptible d'être utilisée par M. X... ; parmi les requérants, seuls MM. X... et Y... peuvent se prévaloir d'une atteinte à leurs droits, alors que MM. K... et D..., qui ne sont ni titulaires ni utilisateurs de la ligne, et dont ni les conversations n'ont été captées, ni les messages interceptés, ne sont pas recevables, faute de qualité, à critiquer la régularité de cette commission rogatoire ; que par commission rogatoire du 22 mai 2012, M. Perruaux, vice-président chargé de l'instruction, a prescrit le placement sous surveillance de la ligne téléphonique... au nom de Raymond N... (D6440) ; que cette ligne attribuée à M. X... a été en contact avec la ligne au nom de N... 06 87 57 93 80, attribuée à M. Y... ; que parmi les requérants, seuls MM. X... et Y... peuvent se prévaloir d'une atteinte à leurs droits, alors que MM. K... et D..., qui ne sont ni titulaires ni utilisateurs de la ligne, et dont ni les conversations n'ont été captées, ni les messages interceptés, ne sont pas recevables, faute de qualité, à critiquer la régularité de cette commission rogatoire ; que par commission rogatoire du 24 mai 2012, M. Perruaux, vice-président chargé de l'instruction, a prescrit le placement sous surveillance de la ligne téléphonique espagnole 00 34 6 18 29 90 18 (D8724) ; que les requérants qui ne sont ni titulaires ni utilisateurs de la ligne, et dont ni les conversations n'ont été captées, ni les messages interceptés, ne sont pas recevables, faute de qualité, à critiquer la régularité de cette commission rogatoire (D8736) ; que par commission rogatoire du 24 mai 2012, M. Perruaux, vice-président chargé de l'instruction, a prescrit le placement sous surveillance de la ligne téléphonique brésilienne 00 55 81 84 36 18 46 (D8739) ; que les requérants qui ne sont ni titulaires ni utilisateurs de la ligne, et dont ni les conversations n'ont été captées ni les messages interceptés, ne sont pas recevables, faute de qualité, à critiquer la régularité de cette commission rogatoire (D8750) ; que par commission rogatoire du 25 mai 2012, M. Perruaux, vice-président chargé de l'instruction, a prescrit le placement sous surveillance de la ligne téléphonique 04 95 30 83 35 correspondant à une cabine téléphonique à Borgo (2B) (D6460) ; que les requérants qui ne sont ni titulaires ni utilisateurs de la ligne, et dont ni les conversations n'ont été captées ni les messages interceptés, ne sont pas recevables, faute de qualité, à critiquer la régularité de cette commission rogatoire (D6470) ; que par commission rogatoire du 25 mai 2012, M. Perruaux, vice-président chargé de l'instruction, a prescrit le placement sous surveillance de la ligne téléphonique 04 95 30 50 68 correspondant à une cabine téléphonique à Borgo (28) (D6510) ; que les requérants qui ne sont ni titulaires ni utilisateurs de la ligne, et dont ni les conversations n'ont été captées, ni les messages interceptés, ne sont pas recevables, faute de qualité, à critiquer la régularité de cette commission rogatoire ; que par commission rogatoire du 25 mai 2012, M. Perruaux, vice-président chargé de l'instruction, a prescrit le placement sous surveillance de la ligne téléphonique 04 95 33 84 50 correspondant à une cabine téléphonique à Bastia (28) (D7469) ; que parmi les requérants, seuls MM. Y... et K... ont utilisé cette cabine téléphonique et apparaissent ainsi dans les conversations enregistrées (D7475, D7479 et S) ; qu'ils sont susceptibles de se prévaloir d'une atteinte à leurs droits, alors que MM. X... et D..., qui ne sont ni titulaires ni utilisateurs de la ligne, et dont ni les conversations n'ont été captées, ni les messages interceptés, ne sont pas recevables, faute de qualité, à critiquer la régularité de la commission rogatoire ; que par commission rogatoire du 12 juin 2012, M. Dorcet, vice-président chargé de l'instruction, a prescrit le placement sous surveillance de la ligne téléphonique ... utilisée par M. K... (D10912) ; que ce dernier a été en contact avec MM. Valiccioni et X... ; que M. D..., n'est ni titulaire, ni utilisateur de la ligne, et ses conversations n'ont pas été captées, ni des messages interceptés ; qu'il n'est dès lors pas recevable, faute de qualité, à critiquer la régularité de cette commission rogatoire ; que par commission rogatoire du 13 juin 2012, M. Philipon, premier vice-président chargé de l'instruction, a prescrit le placement sous surveillance de la ligne téléphonique espagnole... utilisée par MM. Jaime P... ou Abelardo Z... (D8765) ; que M. Z... a été en contact avec, parmi les requérants MM. Y... et X... ; que seuls ces derniers sont ainsi susceptibles de se prévaloir d'une atteinte à leurs droits, alors que MM. K... et D..., qui ne sont ni titulaires ni utilisateurs de la ligne, et dont ni les conversations n'ont été captées, ni les messages interceptés, ne sont pas recevables, faute de qualité, à critiquer la régularité de cette commission rogatoire ; que par commission rogatoire du 14 juin 2012, M. Philipon, premier vice-président chargé de l'instruction a prescrit le placement sous surveillance de la ligne téléphonique... au nom de Julien R... (D6065) ; que les requérants qui ne sont ni titulaires ni utilisateurs de la ligne ; et dont ni les conversations n'ont été captées, ni les messages interceptés, ne sont pas recevables, faute de qualité, à critiquer la régularité de cette commission rogatoire ; que par commission rogatoire du 14 juin 2012, M. Philipon, premier vice-président chargé de l'instruction, a prescrit le placement sous surveillance de la ligne téléphonique... au nom de Alain U... (D6337) ; que les enquêteurs ont déterminé que cette ligne pouvait être utilisée par M. X... et a été en contact, notamment, avec le n°... pouvant être utilisé par M. Y... ; que dès lors, MM. X... et Y... sont seuls, susceptibles de se prévaloir d'une atteinte à leurs droits, alors que MM. K... et D..., qui ne sont ni titulaires ni utilisateurs de la ligne, et dont ni les conversations n'ont été captées, ni les messages interceptés, ne sont pas recevables, faute de qualité à critiquer la régularité de cette commission rogatoire ; que par commission rogatoire du 19 juillet 2012, M. Dorcet, vice-président chargé de l'instruction, a prescrit le placement sous surveillance de la ligne téléphonique... utilisée par M. Bernadette G... (D6489) ; que parmi les conversations interceptées, une seule concerne M. X..., dès lors seul à même de se prévaloir d'une atteinte à ses droits, alors que MM. Y..., K... et D..., qui ne sont ni titulaires ni utilisateurs de la ligne, et dont ni les conversations n'ont pas été captées ni les messages interceptés, ne sont pas recevables, faute de qualité, à critiquer la régularité de cette commission rogatoire ; que par commission rogatoire du 3 août 2012, M. Perruaux, vice-président chargé de l'instruction, a prescrit le placement sous surveillance de la ligne téléphonique... utilisée par M. Benoit H... (D6596) ; que les requérants qui ne sont ni titulaires ni utilisateurs de la ligne, et dont ni les conversations n'ont été captées, ni les messages interceptés, ne sont pas recevables, faute de qualité, à critiquer la régularité de cette commission rogatoire ; que par commission rogatoire du 3 août 2012, M. Perruaux, vice-président chargé de l'instruction, a prescrit le placement sous surveillance de la ligne téléphonique... au nom du Parc Naturel régional de Corse et utilisée par M. Christian G... (D6948) ; que les requérants qui ne sont ni titulaires ni utilisateurs de la ligne, et dont ni les conversations n'ont été captées, ni les messages interceptés, ne sont pas recevables, faute de qualité, à critiquer la régularité de cette commission rogatoire en question ; que par commission rogatoire du 6 septembre 2012, M. Perruaux, vice-président chargé de l'instruction, a prescrit le placement sous surveillance de la ligne téléphonique... au nom de Paul R... (D6475) ; que les enquêteurs ont estimé que cette ligne pouvait avoir été utilisée par M. Y... qui a adressé de brefs messages à la ligne... susceptible d'avoir été utilisé par M. X... (6487) ; que, dès lors, MM. X... et Y... sont susceptibles de se prévaloir d'une atteinte à leurs droits, alors que MM. K... et D..., qui ne sont ni titulaires ni utilisateurs de la ligne, et dont ni les conversations n'ont été captées, ni les messages interceptés, ne sont pas recevables, faute de qualité, à critiquer la régularité de cette commission rogatoire ; que par commission rogatoire du 6 septembre 2012, M. Perruaux, vice-président chargé de l'instruction a prescrit le placement sous surveillance de la ligne téléphonique... au nom de M. Paul R... (D6482) ; que de très brefs contacts ont été mis en évidence avec la ligne..., susceptibles de mettre en scène, d'après les enquêteurs, MM. X... et Y... ; que, dès lors, MM. X... et Y... sont seuls, susceptibles de se prévaloir d'une atteinte à leurs droits, alors que MM. K... et D..., qui ne sont ni titulaires ni utilisateurs de la ligne, et dont ni les conversations n'ont été captées ni les messages interceptés, ne sont pas recevables, faute de qualité, à critiquer la régularité de la commission rogatoire en question ; que par commission rogatoire du 7 septembre 2012, M. Perruaux, vice-président chargé de l'instruction, a prescrit le placement sous surveillance de la ligne téléphonique 04 42 21 39 68 correspondant à une cabine téléphonique à Aix-en-Provence et utilisée par M. Mattei (D6697) ; que ce dernier n'a eu pour interlocuteur, parmi les requérants, que le seul M. Y... ; que dès lors, M. Y... est seul, parmi les requérants, susceptible de se prévaloir d'une atteinte à ses droits, alors que MM. X..., K... et D..., qui ne sont ni titulaires ni utilisateurs de la ligne, et dont ni les conversations n'ont été captées ni les messages interceptés, ne sont pas recevables, faute de qualité, à critiquer la régularité de cette commission rogatoire ; que par commission rogatoire du 15 octobre 2012, Mme Saunier Ruellan, vice-président chargé de l'instruction, a prescrit le placement sous surveillance de la ligne téléphonique 06 29 35 22 45 au nom de Mme Maguy R... et utilisée par M. Jean-Bernard S... (D7304) ; que les requérants qui ne sont ni titulaires ni utilisateurs de la ligne, et dont ni les conversations n'ont été captées, ni les messages interceptés, ne sont pas recevables, faute de qualité, à critiquer la régularité de la commission rogatoire en question ; que par commission rogatoire du 15 octobre 2012, Mme Saunier Ruellan, vice-président chargé de l'instruction, a prescrit le placement sous surveillance de la ligne téléphonique... au nom de M. François T... (en réalité Valieri) et utilisée par M. D... (D7412) ; que le même jour, les enquêteurs rendaient compte au magistrat d'une erreur dans l'identification de la ligne concernée (D7418) : " Mentionnons que nous nous sommes aperçus qu'il y avait une erreur matérielle de numéro dans la ligne branchée dans la présente écoute : le téléphone à brancher n'était pas le 0689876208 mais le 0687986208. Avisons de cet élément Mme Christine Saunier-Ruellan, vice-président au tribunal de grande instance de Marseille qui nous prescrit de mettre fin à la présente écoute " ; que, dès lors, les requérants qui ne sont ni titulaires ni utilisateurs de la ligne, et dont ni les conversations n'ont été captées, ni les messages interceptés, ne sont pas recevables, faute de qualité, à critiquer la régularité de cette commission rogatoire ; que par commission rogatoire du 16 octobre 2012, Mme Saunier Ruellan, vice-président chargé de l'instruction, a prescrit le placement sous surveillance de la ligne téléphonique
...
(et non 06 87 98 62 19 comme mentionné par erreur matérielle dans les requêtes) au nom de M. François C... et utilisée par M. D... (D7292) ; que seul ce dernier serait, susceptible de se prévaloir d'une atteinte à ses droits, alors que MM. X..., Y... et
E...
, qui ne sont ni titulaires ni utilisateurs de la ligne et dont ni les conversations n'ont été captées, ni les messages interceptés, ne sont pas recevables, faute de qualité, à critiquer la régularité de cette commission rogatoire ; qu'au surplus, aucune conversation n'a été enregistrée, les policiers précisant : " avisons M. Thierry Azema, ¿ du déroulement de l'écoute en cours et du fait qu'elle ne présente pas d'intérêt pour l'enquête en cours puisqu'elle n'est pas utilisée régulièrement par M. D... ", puisque le numéro en question " était en réalité utilisé par un homme demeurant à Corte et en relation régulière avec Mme Sabrina F..., la compagne de M. D.... Les conversations tenues dans cette écoute ne concernaient pas l'affaire en cours et M. D... n'a jamais utilisé la ligne durant la période d'écoute. Son utilisateur paraît sans rapport avec l'affaire et il appert que M. D... avait certainement utilisé ponctuellement ce numéro antérieurement à la période d'écoute " (D7298, 07303) ; que, dès lors, M. D... qui n'est ni titulaire, ni utilisateur de la ligne et dont ni les conversations n'ont été captées, ni les messages interceptés, n'est pas recevable, faute de qualité, à critiquer la régularité de cette commission rogatoire ; que par commission rogatoire du 3 décembre 2012, Mme Saunier Ruellan, vice-président chargé de l'instruction, a prescrit le placement sous surveillance de la ligne téléphonique
...
au nom du Parc naturel régional de Corse utilisée par M.
G...
(D6950) ; que les requérants qui ne sont ni titulaires, ni utilisateurs de la ligne, et dont ni les conversations n'ont été captées, ni les messages interceptés, ne sont pas recevables, faute de qualité, à critiquer la régularité de cette commission rogatoire ; que par commission rogatoire du 3 décembre 2012, Mme Saunier Ruellan, vice-président chargé de l'instruction, a prescrit le placement sous surveillance de la ligne téléphonique
...
utilisée par M. H... (D7381) ; que les requérants qui ne sont ni titulaires, ni utilisateurs de la ligne, et dont ni les conversations n'ont été captées, ni les messages interceptés, ne sont pas recevables, faute de qualité, à critiquer la régularité de la commission rogatoire en question ; par commission rogatoire du 9 septembre 2013, Mme Couderc, vice-président chargé de l'instruction a prescrit le placement sous surveillance de la ligne téléphonique 04 42 93 00 35 correspondant à une cabine téléphonique à Aix-en-Provence et utilisée occasionnellement par M. H... (D10526) ; qu'ont été notamment interceptées plusieurs conversations entre MM. H... et Y... ; que, dès lors, M. Y... est seul, parmi les requérants, susceptible de se prévaloir d'une atteinte à ses droits, alors que MM. X...,
E...
et D..., qui ne sont ni titulaires, ni utilisateurs de la ligne, et dont ni les conversations n'ont été captées, ni les messages interceptés, ne sont pas recevables, faute de qualité, à critiquer la régularité de cette commission rogatoire ; que par commission rogatoire du 10 septembre 2013, Mme Couderc, vice-président chargé de l'instruction, a prescrit le placement sous surveillance de la ligne téléphonique 06 48 37 44 55 utilisée par M. Maurice
J...
(D10271) ; que les requérants qui ne sont ni titulaires, ni utilisateurs de la ligne, et dont ni les conversations n'ont été captées, ni les messages interceptés, ne sont pas recevables, faute de qualité, à critiquer la régularité de cette commission rogatoire ; qu'en revanche, pour vingt commissions rogatoires, ci-dessous citées, les requérants ont qualité pour contester leur régularité, dans la mesure où ils sont titulaires, ou utilisateurs de la ligne téléphonique, et que leurs conversations ont été captées, et/ ou leurs messages interceptés ; qu'il s'agit des commissions rogatoires suivantes :- la commission rogatoire du 23 mars 2011 de M. Voglimacci, vice-président chargé de l'instruction, de surveillance de la ligne téléphonique
...
au nom de M. Thierry
L...
(MM. Patrick X... et Augustin Y...) ;- la commission rogatoire du 23 mars 2011 de M. Voglimacci, vice-président chargé de l'instruction, de surveillance de la ligne téléphonique
...
au nom de M. Thierry L... (MM. Patrick X... et Augustin Y...) ;- la commission rogatoire du 7 avril 2011 de M. Duchaine, vice-président chargé de l'instruction, de surveillance de la ligne téléphonique
...
utilisée par M. Christian
G...
(M. Patrick X...) ;- la commission rogatoire du 11 avril 2011 de M. Duchaine, vice-président chargé de l'instruction, de surveillance de la ligne téléphonique
...
au nom de M. René
O...
(MM. Patrick X... et Augustin Y...) ;- la commission rogatoire du 11 avril 2011 de M. Duchaine, vice-président chargé de l'instruction, de surveillance de la ligne téléphonique
...
au nom de M. René
O...
(MM. Patrick X... et Augustin Y...) ;- la commission rogatoire du 4 août 201 1 de M. Dorcet, vice-président chargé de l'instruction, de surveillance de la ligne téléphonique
...
au nom de M. Jean-Joseph
Q...
(MM. Patrick X... et Augustin Y...) ;- la commission rogatoire du 4 août 201 1 de M. Dorcet, vice-président chargé de l'instruction, de surveillance de la ligne téléphonique
...
au nom de M. Jean-Joseph
Q...
(MM. Patrick X... et Augustin Y...) ;- la commission rogatoire du 6 octobre 2011 de M. Perruaux, vice-président chargé de l'instruction, de surveillance de la ligne téléphonique
...
(M. Augustin Y...) ;- la commission rogatoire du 17 novembre 2011 de M. Duchaine, vice-président chargé de l'instruction, de surveillance de la ligne téléphonique
...
utilisée par Mme Bernadette
G...
(M. Patrick X...) ;- la commission rogatoire du 22 mai 201 2 de M. Perruaux, vice-président chargé de l'instruction, de surveillance de la ligne téléphonique
...
au nom de M. Raymond N... (MM. Patrick X... et Augustin Y...) ;- la commission rogatoire du 22 mai 2012 de M. Perruaux, vice-président chargé de l'instruction, de surveillance de la ligne téléphonique
...
au nom de M. Raymond N... (MM. Patrick X... et Augustin Y...) ;- la commission rogatoire du 25 mai 2012 de, M. Perruaux, vice-président chargé de l'instruction, de surveillance de la ligne téléphonique 04 95 33 84 50 correspondant à une cabine téléphonique sise à Bastia (MM. Augustin Y... et Jean-Pierre
E...
) ;- la commission rogatoire du 12 juin 2012 de M. Dorcet, vice-président chargé de l'instruction, de surveillance de la ligne téléphonique
...
utilisée par M.
E...
(MM. Jean-Pierre
E...
, Augustin Y... et Patrick X...) ;- la commission rogatoire du 13 juin 2012 de M. Philipon, premier vice-président chargé de l'instruction, de surveillance de la ligne téléphonique espagnole... (MM. Augustin Y... et Patrick X...) ;- la commission rogatoire du 14 juin 2012 de M. Philipon, premier vice-président chargé de l'instruction, de surveillance de la ligne téléphonique
...
au nom de M. Alain
U...
(MM. Patrick X... et Augustin Y...) ;- la commission rogatoire du 19 juillet 2012 de M. Dorcet, vice-président chargé de l'instruction, de surveillance de la ligne téléphonique
...
utilisée par Mme
G...
(M. Patrick X...) ;- la commission rogatoire du 6 septembre 2012 de M. Perruaux, vice-président chargé de l'instruction, de surveillance de la ligne téléphonique
...
au nom de M. Paul R... (MM. Patrick X... et Augustin Y...) ;- la commission rogatoire du 6 septembre 2012, M. Perruaux, vice-président chargé de l'instruction, de surveillance de la ligne téléphonique 06. 22. 92. 49. 05 au nom de M. Paul R... (MM. Patrick X... et Augustin Y...) ;- la commission rogatoire du 7 septembre 2012 de M. Perruaux, vice-président chargé de l'instruction, de surveillance de la ligne téléphonique 04. 42. 21. 39. 68 correspondant à une cabine téléphonique sise à Aix-en-Provence et utilisée par M. H... (M. Augustin Y...) ;- la commission rogatoire du 9 septembre 2013 de Mme Couderc, vice-président chargé de l'instruction, de surveillance de la ligne téléphonique 04 42 93 00 35 correspondant à une cabine téléphonique sise à Aix-en-Provence et utilisée occasionnellement par M. H... (M. Augustin Y...) ;
" alors que toute partie à l'information est recevable à soulever la nullité d'un acte au motif tiré de l'incompétence de l'autorité qui en est à l'origine ; qu'en l'espèce, MM. X... et Y... ont soulevé la nullité de quarante-sept commissions rogatoires prescrivant des interceptions de télécommunications, en invoquant une violation des règles légales relatives au remplacement du juge d'instruction dans le cadre d'une cosaisine ; qu'en les jugeant irrecevables à demander la nullité des décisions relatives à des lignes dont ils n'étaient pas titulaire ou n'ayant pas abouti à l'interception de leurs propres échanges, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 171 et 802 du code de procédure pénale ainsi que le droit à un recours effectif " ;
Attendu que, si c'est à tort que l'arrêt énonce que les requérants ne sont pas recevables à invoquer la nullité de vingt-sept commissions rogatoires concernant des lignes dont ils ne sont pas titulaires ou utilisateurs ou en exécution desquelles leurs conversations n'ont pas été captées ou leurs messages enregistrés en l'absence d'une atteinte à leurs intérêts, alors qu'ils contestaient, pour toutes les commissions rogatoires précitées, la compétence des juges d'instruction prescripteurs, la censure n'est cependant pas encourue, dès lors que la Cour de cassation est en mesure de s'assurer, par l'examen des autres énonciations de l'arrêt et au vu des mentions des pièces de la procédure, qu'ayant substitué, en raison de l'urgence, le magistrat chargé de l'information du fait de son empêchement, les juges du même tribunal qui ont délivré lesdites commissions rogatoires avaient le pouvoir de le faire ; D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 83-1, 84, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la chambre de l'instruction a rejeté le moyen tiré de la nullité des commissions rogatoires prescrites en violation des règles de compétence ;
" aux motifs que le 8 février 2011, une information était ouverte des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants qualifiées crime et délits, association de malfaiteurs, infraction douanière ; que le 9 février 2011, le président du tribunal de grande instance de Marseille désignait M. Azema, vice-président chargé de l'instruction et co-désignait M. Choquet, vice-président chargé de l'instruction ; que le 19 septembre 2012, M. Perruaux, vice-président chargé de l'instruction était désigné en remplacement de M. Choquet ; que le 13 septembre 2013, Mme Couderc, vice-président chargé de l'instruction, était désignée en remplacement de M. Azema ; que les commissions rogatoires, délivrées entre le 23 mars 2011 et le 9 septembre 2012, contiennent la mention de ce que le juge mandant agissait en substitution, " vu l'urgence ", de M. Thierry Azema, vice-président chargé de l'instruction, magistrat chargé de l'information, " légitimement empêché " ou " légalement empêche ; que l'article 84 du code de procédure pénale dispose dans ses alinéas 4 et 5 : " en cas d'urgence et pour des actes isolés, tout juge d'instruction peut suppléer un autre juge d'instruction du même tribunal. Dans les cas prévus par l'article 83-1, le juge désigné ou, s'ils sont plusieurs, le premier dans l'ordre de désignation, peut remplacer ou suppléer le juge chargé de l'information sans qu'il y ait lieu à application des alinéas qui précèdent " ; que contrairement à ce qui est soutenu, il résulte de ces dispositions, que tout juge d'instruction, même en cas de co-saisine, peut remplacer un autre juge d'instruction, en cas d'urgence, et pour des actes isolés, et n'a pas à faire l'objet d'une désignation par le président du tribunal ; qu'en effet, d'une part, le dernier alinéa de l'article 84 dispose " peut " remplacer, et non " doit " remplacer ; que d'autre part, si un juge cosaisi remplace le juge chargé de l'information, contrairement à un juge d'instruction, visé par les dispositions de l'article 84, alinéa 4, du code de procédure pénale, les notions d'urgence, et d'acte isolé ne sont pas applicables ; que le juge d'instruction qui remplace son collègue dans les conditions de l'article 84, alinéa 4, du code de procédure pénale n'est pas tenu de justifier l'urgence exigée par l'alinéa 4, lui permettant de suppléer le juge chargé de l'affaire, ladite urgence étant présumée ; qu'au surplus dans cet important dossier de trafic international de stupéfiants, la propension des auteurs présumés à utiliser de nombreux téléphones dédiés souvent pour de très courtes périodes, nécessitait une grande réactivité au regard du risque de déperdition des preuves ; que s'agissant du caractère isolé, il convient de relever que seules vingt commissions rogatoires sur cent-cinquante délivrées dans ce dossier, peuvent faire l'objet d'une contestation ; qu'en outre, elles ont été délivrées par sept juges d'instruction différents, à des dates souvent éloignées les unes des autres, établissant la notion d'actes isolés, au sens des dispositions de l'article 84, alinéa 4, du code de procédure pénale ; qu'aucune disposition légale n'exige, en cas de co-saisine, de constater également l'empêchement du juge cosaisi pour permettre, dans les cas d'urgence, le remplacement du magistrat chargé de l'information ; que les commissions rogatoires critiquées ont été ainsi régulièrement établies ; " 1°) alors qu'il résulte de l'article 84 du code de procédure pénale qu'en cas de cosaisine, le juge désigné peut remplacer ou suppléer le juge chargé de l'information qui se trouve empêché sans qu'il y ait lieu de solliciter l'intervention d'un autre juge d'instruction ; qu'en déduisant du seul fait que ce texte « dispose « peut » remplacer et non « doit » remplacer », l'affirmation selon laquelle les dispositions des alinéas 3 et 4, de ce texte, qui prévoient un mécanisme de remplacement du juge d'instruction par un juge non désigné, ont vocation à s'appliquer même en cas de cosaisine, la chambre de l'instruction a violé la loi ;
" 2°) alors qu'en vertu des alinéas 3 et 4, de l'article 84, du code de procédure pénale, en cas d'urgence et pour des actes isolés, tout juge d'instruction peut suppléer un autre juge d'instruction du même tribunal si ce dernier se trouve empêché ; que ces dispositions ne peuvent s'appliquer à la cosaisine qu'à la condition que l'ensemble des magistrats désignés se trouve empêché ; qu'en l'espèce, l'intervention de sept magistrats ayant, au cours de l'information, délivré vingt commissions rogatoire tendant à la mise en place d'écoutes téléphoniques, n'a été justifiée que par l'absence de M. Azema, juge d'instruction chargé de l'information judiciaire ; qu'en considérant qu'aucune disposition légale n'exige, en cas de cosaisine, de constater également l'empêchement du juge cosaisi pour permettre dans les cas d'urgence, le remplacement du magistrat chargé de l'information, la chambre de l'instruction a de nouveau méconnu le sens et la portée de la loi ;
" 3°) alors que la notion d'« actes isolés » est incompatible avec la délivrance de vingt commissions rogatoires d'écoutes téléphoniques, prises sur le fondement de l'article 100 du code de procédure pénale tout au long de l'information par sept magistrats non désignés, ce qui révèle manifestement une pratique habituelle " ;
Attendu que, pour déclarer régulières les vingt autres commissions rogatoires, l'arrêt énonce que, selon l'article 84, alinéas 4 et 5, du code de procédure pénale, tout juge d'instruction, même en cas de cosaisine, peut remplacer un autre juge d'instruction, en raison de l'urgence, et pour des actes isolés ; que les juges retiennent qu'aucune disposition légale n'exige de constater également l'empêchement du juge cosaisi ; qu'ils ajoutent que les circonstances établissent l'urgence dans cet important trafic international de stupéfiants où l'utilisation de téléphones nombreux, sur de très courtes périodes, nécessitait une grande réactivité au regard du risque de déperdition des preuves et que les vingt commissions rogatoires ont été délivrées par sept juges d'instruction différents, souvent à des dates éloignées les unes des autres, établissant la notion d'actes isolés ;
Attendu qu'en statuant ainsi, les juges du second degré ont justifié leur décision ;
Qu'en effet, les dispositions de l'article 84, alinéa 5, du code de procédure pénale, qui prévoient que le juge adjoint peut remplacer ou suppléer le juge chargé de l'information, ne font pas obstacle à ce que ce dernier soit également suppléé par tout juge d'instruction du même tribunal, sans qu'il y ait lieu d'établir l'empêchement du juge adjoint, pourvu que ce soit dans les cas d'urgence et pour des actes isolés ;
Qu'ainsi, le moyen ne peut qu'être écarté ; Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le six octobre deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.
Crim. 6 octobre 2015 n° 15-82.247 B n° 837
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : Statuant sur les pourvois formés par :
- M. Djamel X..., - M. Djaffar Y..., - M. Lahcen Z..., - M. Brendon A...,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 4e section, en date du 20 mars 2015, qui, dans l'information suivie contre eux, notamment, du chef d'infractions à la législation sur les stupéfiants, a prononcé sur leur demande d'annulation de pièces de la procédure ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 22 septembre 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Buisson, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de M. le conseiller BUISSON, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général référendaire CABY ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 3 juin 2015, joignant les pourvois et prescrivant leur examen immédiat ;
I-Sur la recevabilité du pourvoi formé par M. A...:
Attendu que le pourvoi, formé le 1er avril 2015, plus de cinq jours francs après la notification de l'arrêt faite par le chef de l'établissement pénitentiaire le 25 mars 2015, est irrecevable comme tardif, en application de l'article 568 du code de procédure pénale ;
II-Sur les pourvois formés par MM. Z...et Y... :
Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;
III-Sur le pourvoi formé par M. X...:
Vu le mémoire produit ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, le 1er août 2013, un officier de police judiciaire du commissariat d'Aubervilliers a reçu une information d'une personne désirant garder l'anonymat par peur des représailles, qu'il a relatée dans un procès-verbal, selon laquelle le gérant du garage Pro Car, M. Lahcen Z..., livrerait de la résine de cannabis à plusieurs dealers qui viendraient se fournir à toute heure de la journée ; qu'une enquête préliminaire ayant été consécutivement ouverte, des surveillances ont été organisées aux abords de ce garage qui ont rendu objectivement vraisemblable ce renseignement anonyme ; que le 5 août suivant, après que l'officier de police judiciaire eut reçu un nouveau message de son informateur confirmant la teneur de son premier message, également transcrit dans un procès-verbal, une seconde surveillance similaire a été assurée qui a apporté une nouvelle confirmation des premiers indices recueillis ;
Attendu que, ce même 5 août 2013, le juge des libertés et de la détention a, sur requête du procureur de la République délivrée dans le cadre de l'enquête préliminaire, ordonné une perquisition coercitive du garage en cause, en application de l'article 76, alinéa 4, du code de procédure pénale, au cours de laquelle a été saisie une quantité de deux cents kilogrammes de résine de cannabis, le procureur décidant alors de saisir de cette enquête le service départemental de police judiciaire de la Seine-Saint-Denis ; qu'au cours de l'information ouverte le 20 août 2013, un officier de police judiciaire de ce service agissant en exécution d'une commission rogatoire a, le 28 août suivant, reçu un renseignement anonyme relatif à l'origine éventuelle de la quantité de résine de cannabis saisie ; que cette instruction a abouti à l'implication, notamment, de M. X...qui, mis en examen des chefs susvisés le 17 mai 2014, a régulièrement déposé une requête en annulation de pièces de la procédure le 17 novembre 2014 ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, préliminaire, 706-57, 706-58 et 591 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la requête en annulation des procès-verbaux faisant état de déclarations anonymes ;
" aux motifs que les procès-verbaux cotés D8, D13 et D10631 se bornent à consigner les informations obtenues par un policier d'une personne venue spontanément trouver l'enquêteur et ne constituent pas au sens de l'article 706-57 des procès-verbaux d'audition de témoin mais un recueil de renseignements destinés à guider d'éventuelles investigations, dépourvu de valeur probante ; que la seule interrogation du policier sur la certitude de l'information donnée dans le cadre du procès-verbal coté D13 ne porte pas sur les faits et ne constitue pas un interrogatoire ; que, contrairement aux allégations de l'avocat de M. X..., la procédure d'audition de témoins prévue à l'article 706-58 du code de procédure pénale ne peut être étendue aux renseignements au motif que l'enquête a débuté ; que ces procès-verbaux ne portent pas atteinte à la notion de procès équitable prévu à l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
" 1°) alors que les dépositions d'une personne non suspectée, faites dans le cadre d'une enquête déjà ouverte, ne peuvent être recueillies, si cette personne désire garder l'anonymat, que dans les conditions prévues par l'article 756-58 du code de procédure pénale, sans qu'il y ait lieu de distinguer si ces déclarations sont spontanées ou faites en réponse à un interrogatoire ; qu'en décidant le contraire, la chambre de l'instruction a violé les articles 706-57, 706-58 et préliminaire du code de procédure pénale, et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
" 2°) alors que le respect du principe du contradictoire et du principe de loyauté de la preuve impose de contrôler de manière stricte le recours à des renseignements ou témoignages anonymes, et à n'y recourir qu'en cas de stricte nécessité ; que la procédure de l'article 706-58 du code de procédure pénale permet seule de s'assurer que l'anonymat d'un témoin soit préservé dans le respect de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ; qu'en refusant d'annuler les procès-verbaux faisant état de déclarations anonymes sans que la procédure de l'article 706-58 ait été respectée, la chambre de l'instruction a méconnu les principes visés ci-dessus ;
" 3°) alors que le principe d'égalité impose que les personnes se trouvant dans des conditions semblables et poursuivies pour les mêmes infractions soient jugées selon les mêmes règles ; qu'en laissant aux autorités de police le choix de recueillir les déclarations d'un témoin souhaitant rester anonyme sous la forme d'un procès-verbal de renseignement ou selon la procédure prévue par les articles 706-57 et 706-58, et d'éluder ainsi de manière arbitraire la mise en oeuvre des garanties procédurales de l'article 706-58 du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction a méconnu le principe d'égalité entre les personnes mises en cause " ;
Attendu que, pour rejeter la demande d'annulation des procès-verbaux relatant des informations que, par crainte des représailles, une personne désirant garder l'anonymat a fournies à un officier de police judiciaire, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions de droit interne et conventionnel invoquées, dès lors que n'entrent pas dans les prévisions des articles 706-57 et suivants du code de procédure pénale les procès-verbaux dépourvus de force probante qui se bornent, comme en l'espèce, à consigner des déclarations d'une personne fournissant spontanément aux enquêteurs des renseignements destinés à permettre des investigations ultérieures ou à en faciliter l'exécution en cours ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, 76, 802, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la requête en annulation de l'ordonnance autorisant la perquisition du garage Pro Car sans l'assentiment de son gérant ;
" aux motifs que les seules mentions de la qualification des faits et des lieux où seront opérées les perquisitions sont prescrites à peine de nullité par l'article 76 du code de procédure pénale ; que l'ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisation la perquisition sans assentiment a été rendue au visa de la procédure et de la requête du ministère public qui, indépendamment de l'élément erroné qu'elle contient, fait état d'un trafic de stupéfiants étayé dans le garage où a eu lieu la perquisition par des procès-verbaux ; que son défaut de motivation ne fait pas grief ; qu'il apparaît, dès lors, qu'au regard de la requête et à la lecture de la procédure, le juge des libertés et de la détention a pu avoir une exacte appréciation des éléments du dossier et se déterminer en fonction de ceux-ci ;
" 1°) alors que l'obligation de motivation des décisions de justice permet de garantir le respect des droits de la défense et notamment le principe du contradictoire ; que la nullité prise du défaut de motivation d'une décision de justice fait donc nécessairement grief ; qu'en constatant que l'ordonnance autorisant la perquisition du garage sans l'assentiment de son gérant n'était pas motivée et en se refusant à l'annuler au motif que ce défaut de motivation ne ferait pas grief, la chambre de l'instruction a méconnu le principe susvisé ;
" 2°) alors que l'élément erroné contenu dans la requête du ministère public portait sur la question de l'implication du gérant du garage Pro Car dans le trafic de stupéfiants dénoncé ; qu'en effet, les enquêteurs et le parquet ont exposé que le gérant avait lui-même effectué une livraison de résine de cannabis alors même qu'il ressortait des déclarations du témoin ayant dénoncé le trafic que celui-ci avait vu trois individus sortir du garage sans préciser leur identité ; que cette erreur a pu jouer un rôle déterminant dans la décision de procéder à la perquisition souhaitée sans que l'assentiment du gérant ne soit recherché ; qu'en ne recherchant pas si l'erreur contenue dans la requête, à laquelle se réfère l'ordonnance de perquisition en guise de motivation, n'était pas de nature à priver de tout fondement la décision, la chambre de l'instruction n'a pas donné de base légale à sa décision " ;
Attendu que le moyen est irrecevable en ce qu'il vise la perquisition effectuée dans un local sur lequel le demandeur ne peut se prévaloir d'aucun droit ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Par ces motifs :
I-Sur le pourvoi de M. A...:
Le DÉCLARE IRRECEVABLE ;
II-Sur les autres pourvois :
Les REJETTE ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le six octobre deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.
Crim. 29 septembre 2015 n° 15-81.941
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Philippe X...,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de SAINT-DENIS DE LA RÉUNION, en date du 24 février 2015, qui, dans l'information suivie contre lui du chef de fraude fiscale, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 15 septembre 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Bellenger, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Zita ;
Sur le rapport de M. le conseiller BELLENGER, les observations de la société civile professionnelle FOUSSARD et FROGER, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DESPORTES ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 1er juin 2015, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles préliminaires, 191, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué mentionne au nombre des magistrats présents lors des débats Mme Y... ;
"alors qu'un conseiller ne peut, sans porter atteinte aux principes du procès équitable et de l'impartialité des magistrats, avoir été à la fois rédacteur d'un acte de poursuite et faire partie des magistrats ayant rendu la décision de rejet de la requête en nullité ; qu'en mentionnant, au nombre des magistrats ayant participé aux débats et au délibéré, Mme Y... quand celle-ci avait, en qualité de procureur de la République, requis la poursuite de l'information supplétive des chefs d'escroquerie à la taxe pour la valeur ajoutée par ordonnance de soit-communiqué du 15 mai 2007, les juges du fond ont violé les textes susvisés" ;
Vu l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Attendu que, selon ce texte, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant et impartial ; qu'il en résulte que ne peut participer au jugement d'une affaire un magistrat qui en a connu en qualité de représentant du ministère public ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que Mme Y..., alors vice-procureure, a pris le 15 mai 2007, un réquisitoire supplétif dans l'information à l'occasion de laquelle elle a ultérieurement statué sur la requête en nullité, en qualité de conseiller composant la chambre de l'instruction ;
Mais attendu qu'en cet état, la chambre de l'instruction a méconnu le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Et sur le troisième moyen pris de la violation de l'article 6, § 1,de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 113-8, 114, 116, 170 et suivants, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a dit la requête en nullité de M. X... mal fondée ;
"aux motifs que sur l'absence d'information du droit de demander une nouvelle audition par le juge, que cette notification avait déjà été faite à l'issue des deux premiers interrogatoires de première comparution, il n'y avait par conséquent pas de nécessité de la réitérer lors de la notification de la mise en examen, M. X... ne pouvant ignorer l'existence de ce droit, au demeurant la procédure de l'espèce a un caractère particulier dans le fait que l'avis de l'article 175 du code de procédure pénale n'a pas à être notifié aux parties, que l'avis de mise en examen indique clairement à M. X... qu'il a le droit de formuler toute demande d'acte et vise notamment l'article 82-1 du code de procédure pénale qui permet aux parties, au cours de l'information, de saisir le juge d'instruction d'une demande écrite et motivée tendant à ce qu'il soit procédé à leur audition ou à leur interrogatoire, que M. X..., de la date de la notification de sa mise en examen, le 16 octobre 2014, à l'arrêt de dépôt, le décembre 2014, soit un délai relativement long, n'a jamais entendu exercer le droit d'être interrogé que lui reconnaît l'article précité, ainsi il ne saurait faire état d'un quelconque grief de n'avoir pas été de nouveau informé des dispositions de l'article 113-8 du code de procédure pénale, que la requête en annulation sera par conséquent rejetée ;
"alors que, dès lors qu'une personne ayant le statut de témoin assisté est mise en examen, celle-ci doit être informée que le juge d'instruction est tenu de procéder à son interrogatoire si elle en fait la demande ; qu'à défaut, une telle omission porte atteinte à ses intérêts ; qu'en relevant que l'avis de mise en examen indique clairement à M. X... qu'il a le droit de formuler toute demande d'acte et vise notamment l'article 82-1 du code de procédure pénale, ce dont il résultait que la mention selon laquelle, si elle en fait la demande, la personne mise en examen doit être entendue par la magistrat instructeur, n'apparaissait pas dans la notification de mise en examen faite à M. X..., les juges du fond ont violé les textes susvisés et notamment l'article 113-8 du code de procédure pénale" ;
Vu l'article 113-8, alinéa 4, du code de procédure pénale ;
Attendu qu'il résulte de ce texte, qu'en cas de mise en examen d'un témoin assisté par lettre recommandée, celui-ci doit être informé que le juge d'instruction est tenu de procéder à son interrogatoire s'il en fait la demande, une telle omission portant atteinte à ses intérêts ;
Attendu que, pour rejeter la demande de nullité, tirée du défaut de cet avis, la chambre de l'instruction retient que M. X... n'ignorait pas l'existence de ce droit, qu'il n'était pas nécessaire de réitérer cette information déjà donnée lors des interrogatoires de première comparution, et qu'il n'a pas exercé ce droit d'être interrogé et ne peut faire état d'un quelconque grief ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a violé le texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé ;
D'où il suit que la cassation est à nouveau encourue de ce chef ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le deuxième moyen de cassation proposé :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, en date du 24 février 2015, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-neuf septembre deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.
Civ.3 29 septembre 2015 n° 14-21.838
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 2 avril 2014), que par acte sous-seing privé du 9 juin 2007, Mme Jeanine X..., M. Jean X..., M. Michel X..., M. Philippe X..., M. Hubert X..., M. Jacques X..., M. Francis X..., M. Gilbert X..., M. Dominique X..., M. Thierry X..., Mme Martine X... et Mme Françoise X... (les consorts X...) ont vendu à M. Y... et Mme Z... une maison d'habitation au prix de 91 000 euros, la réitération par acte authentique devant intervenir au plus tard le 18 août 2007 ; que par courrier du 29 juin 2007, le notaire a informé les acquéreurs que la maison avait été bâtie sans permis de construire ; que par acte sous-seing privé du 13 juillet 2007, les vendeurs ont consenti aux acquéreurs un bail d'habitation sur la maison jusqu'à la signature définitive de l'acte authentique ; que le 23 janvier 2008, M. Y... et Mme Z... ont acquis une autre maison ; que par actes du 2 septembre 2008, M. Y... et Mme Z..., ont, après leur avoir délivré une sommation de payer, assigné les consorts X... en résolution de la vente et condamnation à leur payer le montant de la clause pénale prévue au contrat ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant constaté qu'il était convenu dans l'acte du 9 juin 2007 que si l'une des parties refusait de régulariser la vente par acte authentique dans le délai imparti, elle pourrait y être contrainte par tous les moyens des voies de droit, que la partie qui n'était pas en défaut pourrait, à son choix, prendre acte du refus de son co-contractant et invoquer la résolution du contrat, et que dans l'un et l'autre cas, la partie qui n'était pas en défaut percevrait de l'autre partie la somme de 18 200 euros à titre d'indemnisation forfaitaire du préjudice, et relevé, sans modifier l'objet du litige, que les consorts X... n'avaient jamais refusé de régulariser l'acte authentique, la cour d'appel en a déduit à bon droit que la clause pénale ne pouvait-être appliquée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le second moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Global. 24 septembre 2015 11REV101 B
N° 11REV101
24 septembre 2015
La formation de jugement de la COUR DE RÉVISION ET DE RÉEXAMEN des condamnations pénales, en son audience publique, tenue au Palais de justice de Paris, le 24 septembre 2015, a rendu l'arrêt suivant :
REJET de la requête en révision présentée par M. Raphaël X..., tendant à l'annulation de l'arrêt de la cour d'assises des Vosges, en date du 14 mars 1997, qui, pour vol aggravé et meurtre, l'a condamné à dix-sept ans de réclusion criminelle ;
LA COUR, statuant après débat en l'audience publique du 18 juin 2015 où étaient présents : M Guérin, président, M. Raybaud, conseiller-rapporteur, Mmes Bregeon, Lambremon, MM Nivôse, Fédou, Mmes Verdun, Belfort, Schneider, conseillers, Mme Robert-Nicoud, M. Roth, Mmes Guillaudier, Depelley, conseillers-référendaires ;
Avocat général : M. Sassoust ;
Greffier : Mme Guénée ;
Après avoir entendu M. le conseiller Raybaud en son rapport, la cour a entendu la déposition de M. G..., expert psychologue, qui a effectué l'examen psychologique de M. Y...dans le dossier d'information en cours à son égard, conformément à la demande formulée par l'avocat du demandeur, puis Me Noachovitch, avocat au barreau de Paris, avocat de M. Raphaël X..., en ses premières observations orales, Me Welzer, avocat au barreau d'Epinal, avocat de Mme Z..., partie civile, en ses observations orales, M. l'avocat général Sassoust en ses conclusions, Me Noachovitch en ses observations orales, puis M. Raphaël X... ayant eu la parole en dernier ;
Après en avoir délibéré en chambre du conseil ;
Vu la décision de la commission de révision des condamnations pénales, en date du 4 juillet 2013, saisissant la Cour de révision ;
Vu les articles 622 à 626 du code de procédure pénale, dans leur rédaction issue de la loi n° 2014-640 du 20 juin 2014 relative à la réforme des procédures de révision et de réexamen d'une condamnation pénale définitive ;
Vu les conclusions écrites déposées par M. l'avocat général ;
Vu les observations complémentaires de M. X... en date du 30 juillet 2014 et du 12 juin 2015 ;
Vu la décision du 19 mars 2015 de la Cour de révision et de réexamen des condamnations pénales ordonnant un complément d'information ;
Vu les convocations régulièrement adressées au requérant, à son avocat ainsi qu'à l'avocat de la partie civile ;
LA COUR DE REVISION ET DE REEXAMEN DES CONDAMNATIONS PENALES,
Attendu que le dossier est en état ;
Attendu que, du dossier ayant conduit à la condamnation de M. X..., il résulte ce qui suit :
Le lundi 12 août 1991, le cadavre de Valérie Z..., âgée de vingt ans, était découvert à 13 heures au lieu-dit " la Souche " dans la forêt domaniale de Thaon les Vosges. Le corps était dénudé et présentait deux hématomes sur la face et de nombreuses plaies ponctiformes sur le côté droit. Son cou était enserré par un torchon de cuisine tenu par un double noeud.
Les premières investigations faites au domicile de ses parents, à Chavelot, où elle résidait, permettaient de découvrir le vol d'un magnétoscope ainsi que de nombreuses taches de sang relevées dans la chambre de la jeune fille et dans le couloir menant au garage.
L'autopsie concluait à un décès dû à une asphyxie par strangulation au lien et manuelle, après que la tête de la victime eut été cognée sur un plan dur, les quarante-neuf plaies ponctiformes constatées n'étant que superficielles et ayant probablement été faites avec un objet pointu, type fourchette à viande. Aucune trace de violence sexuelle n'était relevée.
L'enquête de gendarmerie permettait d'identifier la dernière personne à avoir vu la victime le 11 août 1991, qui l'avait raccompagnée à son domicile vers 2 heures du matin, après avoir dîné dans un restaurant asiatique et avoir fréquenté deux bars en sa compagnie.
Etaient entendus trois témoins lors de l'enquête de voisinage, habitant face à la maison des parents de Valérie Z..., dont deux précisaient avoir entendu vers 3 h 45-4 h 15 le dimanche matin un véhicule s'arrêter le long du trottoir bordant ledit pavillon et être reparti un quart d'heure plus tard. L'un des deux indiquait qu'à cette occasion, il avait entendu des soupirs provenant de cette maison, ainsi que le claquement de deux portières puis, un quart d'heure après, d'une seule.
Les enquêteurs entendaient également une très grande partie des camarades de la victime, parmi lesquels M. Raphaël X..., qui indiquait avoir été son petit ami pendant un an de 1988 à 1989, relation qui s'était terminée, à ses dires, sans difficulté particulière. Il ajoutait qu'il l'avait rencontrée le 9 août, la veille des faits, à son domicile, pour lui acheter une petite quantité de drogue et lui avait proposé d'aller dans une discothèque avec d'autres amis, mais qu'elle n'y avait pas réservé une suite favorable.
Etait également entendu un autre camarade de Valérie Z..., M. Yann Y..., qui précisait être rentré au domicile de sa mère le 11 août vers 2 heures du matin et s'être rendu ensuite en fin de matinée, avec d'autres amis, dont M. X..., à la piscine de Wesserling. Il ajoutait avoir été brièvement le petit ami de la victime, quatre ans auparavant.
Aucun élément déterminant n'était mis en exergue à partir des empreintes relevées, des prélèvements effectués ou des recherches ADN.
L'audition d'un témoin, M. Christophe J..., permettait cependant de faire évoluer l'enquête. Celui-ci indiquait que, mi-juillet 1991, MM. X... et Y...lui avaient proposé l'achat d'instruments de musique et que le second lui avait demandé s'il était intéressé par l'acquisition d'un magnétoscope pour une somme de 800 francs. Il ajoutait qu'après le meurtre de Valérie Z..., M. X... lui avait fait part de ses soupçons à l'égard de M. Y..., compte tenu de cette proposition. L'enquête démontrera par la suite que M. X... était allé, de sa propre initiative, rencontrer les gendarmes, leur laissant entendre que le vol du magnétoscope était en réalité à l'origine du meurtre.
M. Y...donnait une autre version des faits, indiquant qu'en réalité c'était M. X... qui avait proposé le magnétoscope à M. J.... Il ajoutait que le dimanche 11 août, vers 3h30, il s'était rendu au domicile de M. X... pour mettre à exécution ce projet. Tous les deux s'étaient rendus à bord de son véhicule chez les Z..., et avaient pénétré dans l'habitation par le garage, après que M. X... en eut forcé la porte. Tandis qu'il s'affairait à dérober le magnétoscope, son camarade, après avoir entrouvert la porte du réfrigérateur pour donner un peu de lumière, se rendait dans la chambre de la jeune fille qui, surprise, se mettait à crier. Etonné et inquiet de cette situation, car persuadé que Valérie Z...n'était point là, il pénétrait dans la pièce, où il apercevait M. X... donnant une violente gifle à la victime ; il exhortait alors celui-ci de " laisser tomber " et de partir mais recevait pour seule réponse l'ordre suivant : " casse-toi, c'est une affaire entre Valérie et moi ".
Sortant de la maison en emportant le magnétoscope, et laissant seul M. X... avec la victime, il reprenait sa voiture en direction d'Epinal mais, pris de remords, revenait sur les lieux où il découvrait le corps de Valérie Z...allongé dans le couloir, M. X... lui demandant de l'aider à le descendre dans le garage. C'est à ce moment là qu'il s'apercevait qu'elle était morte, portant un torchon noué autour du cou.
Après avoir mis le cadavre dans son véhicule avec M. X..., il se rendait au bois de la Souche où celui-ci sortait, seul, le corps et le faisait rouler dans un fossé. Il raccompagnait son camarade à son domicile et rentrait chez lui vers 6 heures du matin.
Il précisait qu'après la découverte du corps par les gendarmes et compte tenu de la forte couverture médiatique dont avait fait l'objet cette affaire, il s'était débarrassé du magnétoscope en le jetant dans une décharge.
Entendu, M. X... reconnaissait seulement avoir envisagé de voler avec M. Y...le magnétoscope. Il indiquait que la nuit des faits, après avoir regardé la télévision, il était sorti et avait fréquenté deux bars puis était rentré au domicile de sa soeur vers 2 heures du matin, d'où il en était ressorti vers 11 h 30 pour se rendre à la piscine de Wesserling avec des camarades, dont M. Y.... Il certifiait que ce dernier n'était pas passé le prendre pour se rendre chez les Z.... A l'une des interrogations des enquêteurs sur l'usage pouvant être fait d'une fourchette à viande, il répondait " ça sert à piquer les gens ".
Les deux jeunes gens étaient mis en examen le 25 septembre 1991 des chefs de meurtre et de vol aggravé.
La reconstitution effectuée par le magistrat instructeur le 30 septembre 1991, à laquelle M. X... refusait de participer, permettait de préciser le déroulement des faits tels que décrits par M. Y..., qui confirmait la participation de M. X....
Les auditions effectuées par le juge d'instruction ne devaient pas apporter par la suite beaucoup de modifications dans les versions des deux protagonistes, qui réitéraient leurs précédentes déclarations dans le cadre d'une deuxième confrontation organisée le 26 janvier 1993.
Pour M. X..., s'il était ainsi mis en cause, c'était parce qu'il avait fait part de ses soupçons aux gendarmes et que M. Y...souhaitait se venger.
Quant à ce dernier, il réitérait ses accusations contre M. X..., ajoutant que celui-ci lui avait demandé de " tout nier en bloc " quand ils étaient allés à la piscine dans la journée du 11 août.
Par ailleurs, les prélèvements analysés dans le cadre de l'expertise médico-légale ne permettaient de déceler aucune empreinte génétique et la recherche de spermatozoïdes s'avérait négative.
Le 20 août 1993, le magistrat instructeur prenait une ordonnance de transmission de pièces, renvoyant M. X... du chef de meurtre, M. Y...des chefs de vol aggravé et d'omission de porter secours.
Par arrêt du 5 octobre 1993, la chambre d'accusation de la cour d'appel de Nancy ordonnait un supplément d'information aux fins de déterminer l'origine des plaies ponctiformes découvertes sur le cadavre, le moment où celles-ci avaient été occasionnées et leur influence sur le décès de la victime. Il visait aussi à faire entendre de façon approfondie un témoin, M. Claude K..., détenu à la maison d'arrêt d'Epinal en même temps que M. X..., lequel lui aurait avoué avoir commis les faits.
Daté du 15 novembre 1993, le rapport complémentaire d'expertise médico-légale précisait, d'une part, que les blessures ponctiformes n'avaient joué aucun rôle dans le décès, dû à une seule asphyxie mécanique résultant de la strangulation, et, d'autre part, que celles-ci, bien plus visibles à l'oeil nu quelques heures après le décès que lors des faits, n'avaient pas entraîné de saignement important, ce qui expliquait que les enquêteurs aient retrouvé peu de traces de sang sur le lieu du meurtre.
Quant aux déclarations du témoin, M. K..., celles-ci confortaient la version des faits donnée par M. Y..., M. X... lui ayant avoué, alors qu'ils étaient tous les deux incarcérés, avoir tué, seul, Valérie Z...et avoir demandé à son camarade de l'aider à se débarrasser du corps.
Par arrêt du 31 mai 1994, la chambre d'accusation ordonnait un nouveau supplément d'information visant à faire vérifier la véracité des déclarations de M. K.... Les investigations diligentées conduisaient cependant à minimiser l'importance de ces révélations, bien qu'elles aient été réitérées devant le magistrat chargé du supplément d'information, en raison de la personnalité de ce témoin, décrit comme " affabulateur et vaniteux, bien qu'étant capable de dire la vérité ".
Il était procédé également, dans le cadre de ce supplément d'information, à de nouvelles auditions de témoins ainsi qu'à de nouvelles expertises dont les conclusions confortaient les premières constatations effectuées, à savoir que le décès était dû aux seules manoeuvres de strangulation intervenues en dernier lieu, les ecchymoses relevées sur la face ou les plaies ponctiformes superficielles n'ayant pu entraîner à elles seules une issue fatale.
Par arrêt du 25 janvier 1996, la chambre d'accusation de la cour d'appel de Nancy a renvoyé devant la cour d'assises des Vosges M. X... des chefs de meurtre ainsi que de vol aggravé et M. Y...des chefs de recel de cadavre, omission de porter secours à personne en péril et vol aggravé.
Par arrêt du 14 mars 1997, ladite cour d'assises a condamné M. X... à dix-sept ans de réclusion criminelle des chefs précités et M. Y...à deux ans d'emprisonnement pour recel de cadavre, omission de porter secours et vol aggravé.
Le pourvoi formé par M. X... contre cet arrêt a été rejeté par décision de la chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 21 janvier 1998.
M. X... a bénéficié d'une mesure de libération conditionnelle à compter du 23 janvier 2004, par décision du juge de l'application des peines datée du 8 janvier 2004.
Le 20 juillet 2011, M. Y...était mis en examen pour assassinat commis sur la personne de Charlène L..., son épouse, qui avait pris l'initiative d'un divorce plusieurs mois auparavant et dont le corps avait été retrouvé le 18 juillet 2011, vers 20 heures, à l'ancien domicile conjugal du couple, situé à La Rochelle.
Par arrêt du 10 octobre 2014, la cour d'assises de la Charente-Maritime l'a condamné à une peine de vingt-cinq ans de réclusion criminelle pour assassinat et viol aggravé.
Appels de cette décision ont été interjetés par l'intéressé, le ministère public et les parties civiles.
Par arrêt du 7 janvier 2015, la chambre criminelle de la Cour de cassation a désigné la cour d'assises de la Vienne pour statuer en appel.
Cette affaire fera l'objet d'un audiencement en 2016.
Après le rejet d'une première requête déclarée irrecevable le 1er décembre 1997, la condamnation de M. X... n'étant pas définitive, celui-ci en déposait une deuxième le 29 décembre 1998 au terme de laquelle il remettait en cause le témoignage de M. K...à partir de l'attestation de M. M..., qui soutenait avoir entendu M. K...en mars-avril 1993 " se vanter d'attendre une belle somme d'argent " à l'époque où celui-ci avait révélé les déclarations à lui faites par M. X....
Par décision du 17 mai 1999, la commission de révision a rejeté cette requête, estimant qu'il s'agissait d'une attestation tardive et non circonstanciée, qui n'introduisait aucun élément de doute quant à la culpabilité du condamné, lequel, par ailleurs, n'apportait aucun élément nouveau notamment quant à son emploi du temps durant la nuit des faits.
La troisième requête, déposée le 8 avril 2005, se fondait principalement sur deux éléments présentés comme nouveaux, d'une part, des attestations médico-légales relevant le peu de fiabilité de la technique de l'humeur vitrée pour dater la mort et, d'autre part, la production d'une enquête effectuée par un détective privé ayant exploité la piste des meurtres commis dans la région et présentant certaines similitudes avec celui de Valérie Z....
Sur le premier point, les deux experts commis par la commission de révision présentaient des conclusions différentes fixant l'heure du décès le dimanche 11 août entre 2 heures et 6 heures du matin, soit plus de trente heures avant la découverte du corps, et indiquant que la seule lésion mortelle était la strangulation.
Dans sa décision du 11 septembre 2006, la commission rejetait la requête, relevant en premier lieu que les divergences d'analyse contenues dans les différents rapports d'expertise avaient été soumises à discussion tant au cours de l'information que pendant les débats devant la cour d'assises et que les autres éléments invoqués n'étaient pas de nature à faire naître un doute sur la culpabilité du condamné.
M. X... a présenté une quatrième requête le 19 octobre 2011 qui, outre les critiques portées sur la conduite de l'instruction ayant conduit à son renvoi devant la cour d'assises, se fonde pour l'essentiel sur la mise en examen de M. Y...pour l'assassinat de son épouse. Le requérant met en avant :
- la similitude du mode opératoire de cet homicide, que M. Y...a reconnu, avec celui de Valérie Z..., tous deux résultant d'une strangulation précédée de coups portés sur le visage de leur victime, accompagnés de sévices sexuels ;
- la similitude du contexte de ces deux affaires : âge des victimes, relations amoureuses de M. Y...avec celles-ci, commission des meurtres au domicile des victimes, difficultés financières rencontrées par M. Y...au moment des faits ;
- les traits de la personnalité de M. Y..., qui apparaîtrait en réalité comme un être pervers et dangereux, ce qui n'avait pas été mis en exergue dans le premier dossier.
La commission a procédé à l'audition des personnes ayant côtoyé ou accompagné M. Y...dans la nuit du 10 au 11 août 1991 avant les faits. Ces auditions n'ont guère apporté plus de précisions que celles réalisées au cours de l'information, notamment en raison de l'ancienneté des faits.
Elle s'est également efforcée de reconstituer l'emploi du temps de l'intéressé en estimant la durée des différents trajets effectués par celui-ci entre son départ du bar " Din My " à Thaon les Vosges, le dimanche 11 août vers 2 heures, du matin et le retour au domicile de ses parents vers 6 heures, selon les déclarations de sa mère, et en prenant en compte le temps pendant lequel M. X... serait resté seul avec la victime.
S'agissant de M. K...et afin de vérifier à nouveau le degré de fiabilité pouvant être apporté à ses déclarations, elle s'est fait communiquer le réquisitoire définitif et l'ordonnance de non-lieu établis dans une information suivie par un magistrat instructeur de Toulon où l'intéressé a été entendu comme témoin et dont les déclarations ont été jugées fantaisistes.
Enfin, lui ont été transmis le dossier d'information suivi à La Rochelle dans le cadre de l'homicide volontaire de l'épouse de M. Y...et les éléments recueillis tant dans l'expertise psychiatrique que dans l'enquête de personnalité le décrivant comme " un être capable de développer des réactions comportementales violentes et impulsives en situation de contrainte et de frustration ".
Réentendu par la commission de révision le 28 février 2013, M. Y...réaffirmait " n'être pour rien dans le meurtre de Valérie Z..., ajoutant que celui-ci n'avait rien à voir avec celui de son épouse, qu'il reconnaissait ".
Par décision du 4 juillet 2013, la commission d'instruction de la Cour de révision des condamnations pénales a saisi ladite Cour, relevant plus particulièrement les points suivants :
1) la mise en lumière de la réelle personnalité de M. Y...remettant en cause la crédibilité de ses accusations ;
2) les modes opératoires des deux meurtres : strangulation, chronométrage des trajets... ;
3) le témoignage de M. K....
M. X... a communiqué des observations complémentaires le 30 juillet 2014 dans lesquelles il a fait notamment état du témoignage d'un détenu de la maison d'arrêt de Saintes, incarcéré en même temps que M. Y..., selon lequel ce dernier lui aurait fait des confidences quant à son implication dans le meurtre de Valérie Z...; il a sollicité l'audition de ce témoin.
Par arrêt du 19 mars 2015, la Cour de révision a ordonné un complément d'information aux fins d'entendre M. A...et obtenir des éléments de personnalité le concernant.
Lors de son audience du 18 juin 2015, la Cour a entendu, à la demande de M. X..., M. G..., expert psychologue ayant procédé à l'examen psychologique de M. Y...dans le cadre de l'instruction du meurtre de Charlène L....
En cet état :
Attendu que, selon l'article 622 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-640 du 20 juin 2014, la révision d'une décision pénale définitive suppose la survenance, après une condamnation, d'un fait nouveau ou la révélation d'un élément inconnu de la juridiction au jour du procès, de nature à établir l'innocence du condamné ou à faire naître un doute sur sa culpabilité ; qu'ainsi, il appartient à la formation de jugement de la Cour de révision de prendre en compte l'ensemble des faits nouveaux ou éléments inconnus lors du procès sur lesquels s'appuie la requête examinée ;
Attendu qu'il échet à la Cour de révision d'examiner l'ensemble des éléments mis à jour par la commission de révision ainsi que ceux proposés par M. X... dans sa requête datée du 19 octobre 2011, complétée par les mémoires parvenus à la Cour les 30 juillet 2014 et 12 juin 2015 ;
Attendu qu'il convient à ce stade de relever que M. X... a fondé sa requête sur la mise en cause de M. Y..., lequel est depuis l'origine présent dans la procédure qui a abouti à la condamnation du requérant et a comparu devant la cour d'assises des Vosges en même temps que lui, cette juridiction ayant ainsi pu examiner les versions contradictoires mises en avant par les deux accusés ; qu'ainsi, M. X... met en avant divers éléments qu'il estime nouveaux et de nature à faire naître un doute sur sa culpabilité ;
1- Sur les incohérences du dossier d'instruction relevées par M. X... :
Attendu que s'agissant des critiques relatives à l'instruction du meurtre de Valérie Z..., il convient de relever que celles-ci ont été soumises à l'examen de la cour d'assises des Vosges, certaines d'entre elles ayant déjà été examinées et rejetées lors des précédentes requêtes présentées par M. X... ;
Que dès lors, ces éléments qui étaient déjà connus de ladite juridiction ne présentent pas un caractère nouveau au sens de l'article 622 du code de procédure pénale ;
2- Sur la personnalité de M. Y...:
Attendu que, selon le requérant, M. Y...serait en réalité un être manipulateur, menteur et dangereux, ce qui n'était pas apparu lors des investigations effectuées à l'occasion du meurtre de Valérie Z..., pour lequel il avait été inculpé avant de bénéficier d'un non-lieu ;
Attendu qu'à l'occasion de l'instruction de ce dernier dossier, les éléments de personnalité recueillis sur M. Y...faisaient déjà apparaître qu'il ne se comportait pas exclusivement comme un adolescent suiveur et influençable, mais qu'il avait déjà un parcours dans la petite délinquance, essentiellement constitué de vols au détriment de ses employeurs ou de ses camarades ;
Attendu que si son frère aîné le décrivait comme incapable de violence, il soulignait qu'à une certaine période, il avait été contraint d'intervenir plus énergiquement afin de mieux l'encadrer ; qu'il en résulte que cette personnalité complexe et ambivalente, qui pourrait être qualifiée de double personnalité, a ainsi déjà pu être prise en compte lors des débats devant la cour d'assises des Vosges en 1997, laquelle disposait de conclusions d'experts le décrivant comme " un garçon avec des comportements fuyants et empreints d'une certaine fausseté " ;
Attendu que les mêmes experts, après l'avoir décrit comme un être amusant facilement son entourage, notaient qu'il se situait aussi dans un registre de séduction, pouvant être d'une certaine façon manipulateur ; qu'ainsi, lorsqu'une ancienne compagne, Mme P..., entendue par la commission d'instruction, le décrit comme " manipulateur et menteur ", il ne peut être affirmé que cette facette du personnage n'ait pas été évoquée lors des débats de la cour d'assises des Vosges ;
Attendu que dans le cadre de l'information sur le meurtre de Charlène Y..., le juge d'instruction a désigné M. G... pour procéder à l'examen psychologique de M. Y...; que M. G... a avancé dans son rapport l'hypothèse qu'un rapprochement entre le meurtre de Charlène Y...et le meurtre de Valérie Z...pouvait être effectué ; que cependant l'audition de cet expert à l'audience du 18 juin 2015 a démontré que cette hypothèse, qui a été construite sur la seule consultation de sites internet relatifs au meurtre de Valérie Z..., était dépourvue de fondement, car non étayée par une analyse des éléments précis des dossiers en présence ;
Qu'ainsi, si les expertises psychologique et psychiatrique diligentées en 2011 ont permis d'approfondir certaines facettes de la personnalité de M. Y..., notamment une composante narcissique pouvant le conduire " à mal supporter et à mal accepter les situations de contrainte et de frustration susceptibles de lui être imposées ", il est non moins certain que les premières expertises menées alors qu'il était âgé de 20 ans permettaient déjà de déceler les traits de personnalité tels que décrits vingt ans plus tard, après le meurtre de son épouse ; qu'il s'en déduit que ces aspects de personnalité de M. Y...ne constituent pas un élément nouveau au sens de l'article 622 du code de procédure pénale ;
3- Sur l'âge des victimes et la nature de leurs relations avec M. Y...:
Attendu que, selon le requérant, les deux dossiers présenteraient d'incontestables similitudes en ce que les victimes avaient une différence d'âge importante avec M. Y...et en ce qu'il entretenait des relations amoureuses avec ces dernières ;
Attendu que l'argument relatif à l'âge des victimes est inopérant dès lors que Yann Y...et Valérie Z...avaient le même âge lors du meurtre de cette dernière ;
Qu'en outre, il résulte des pièces du dossier que les relations de M. Y...avec Valérie Z...s'apparentaient à un simple flirt et ne souffraient aucune comparaison avec la relation qu'il entretenait avec Charlène L..., son épouse, mère de son fils et dont il affirme qu'il n'a " jamais supporté son départ ", qu'elle " a été la femme la plus extraordinaire qui ait partagé sa vie ", qu'il " avait toujours espoir de reformer un couple avec elle " et " qu'il ne pouvait imaginer être remplacé par quelqu'un d'autre, de telle sorte qu'il avait vu rouge et avait voulu la tuer " ;
Qu'il s'ensuit que ces éléments ne sont pas de nature à faire naître un doute sur la culpabilité de M. X... ;
4- Sur le déplacement du corps des victimes ;
Attendu qu'il est soutenu par M. X... que la frêle constitution de M. Y...n'excluait pas qu'il ait pu transporter seul le corps de Valérie Z..., dès lors que celui-ci a reconnu avoir déplacé seul le corps de Charlène Y..., dont le poids excédait de 20 kilogrammes celui de Valérie Z...;
Attendu cependant qu'il convient de relever, d'une part, que M. Y...conteste avoir transporté le corps de son épouse et, d'autre part, que la configuration des lieux où se sont déroulés les deux meurtres est différente, le premier se structurant sur deux niveaux et le second sur un seul ;
Attendu que cet élément, bien que nouveau, n'est pas susceptible de faire naître un doute sur la culpabilité de M. X... ;
5- Sur la situation financière obérée de M. Y...:
Attendu que l'existence de difficultés financières auxquelles était confronté M. Y..., tant à l'époque du meurtre de Valérie Z...qu'à celui de Charlène L..., ne constitue pas un élément susceptible de faire naître un doute sur la culpabilité de M. X... ;
6- Sur l'existence de pièces, qualifiées de nouvelles, relatives aux déclarations de M. K...:
Attendu que le peu de crédit qu'il convient d'apporter aux déclarations de M. K...a déjà été pris en considération lors d'une précédente requête en révision qui a été rejetée ;
Qu'il est soutenu, à présent, que constitueraient des éléments nouveaux l'existence d'un réquisitoire définitif et d'une ordonnance de non-lieu établis dans le cadre d'un dossier suivi par un magistrat instructeur de Toulon-qui qualifiaient de fantaisistes les déclarations de M. K...-et dont la cour d'assises des Vosges n'a pas eu connaissance ;
Attendu cependant que dans sa décision saisissant la cour d'assises des Vosges, la chambre d'accusation a relevé elle-même que " la personnalité de M. K...devait conduire à ne pas accorder de crédit à ses déclarations " ; que cette observation a nécessairement été portée à la connaissance des jurés lors de la lecture de l'arrêt de mise en accusation à l'audience de la cour d'assises ;
Qu'ainsi cet élément n'était pas inconnu des jurés de ladite cour ;
7- Sur les similitudes relevées quant au mode opératoire des deux meurtres :
Attendu que M. X... soutient que la similitude des modes opératoires utilisés pour donner la mort à Valérie Z...et à Charlène L...fait naître un doute sur sa culpabilité pour le premier meurtre ; qu'il convient donc d'examiner les causes des décès de chacune des victimes ;
Attendu que, s'agissant de Charlène L..., le rapport d'autopsie conclut à un décès " consécutif à une hémorragie externe majeure due à des lésions traumatiques du cuir chevelu, associée à une asphyxie par strangulation, sans que l'on puisse toutefois déterminer " la part exacte des deux causes " ; qu'il est fait état d'un nombre important de traumatismes ayant entraîné des lésions multiples, localisées au niveau du crâne, du cou, du visage, du thorax, de l'abdomen, de l'anus, ainsi que des membres supérieurs et inférieurs ; que l'examen anatomo-pathologique des prélèvements effectués au niveau des plaies et ecchymoses constatées révèle " des épanchements hémorragiques souvent massifs et volontiers profonds ", profondeur qui suggère " la violence du traumatisme causal " ;
Attendu que, s'agissant de Valérie Z..., l'expertise médico-légale ordonnée par la commission de révision à l'occasion de la troisième requête présentée par M. X... retient une strangulation au lien seul ;
Qu'il convient cependant de relever, d'une part, que le rapport d'autopsie précise que la strangulation manuelle est établie par la présence de plusieurs ecchymoses profondes au niveau du cou et, d'autre part, que l'expertise médico-légale ordonnée par la chambre d'accusation dans le cadre du supplément d'information indique que ce sont ces manoeuvres qui ont pu durer entre trois et cinq minutes qui sont seules à l'origine du décès ;
Qu'il ne peut, dans ces conditions, être affirmé, quinze ans plus tard, au vu d'une expertise effectuée sur dossier, que la strangulation a été effectuée au lien seul pendant une durée de dix minutes ; qu'il ne peut être davantage soutenu que, dans cette hypothèse, M. X... n'aurait disposé que d'un temps réduit pour accomplir son geste, selon un calcul théorique des différents temps de trajet réalisé à partir d'un site informatique plus de vingt ans après les faits, alors que l'infrastructure routière et les conditions de circulation ont évolué ; qu'à supposer même que M. X... n'ait disposé que de vingt minutes pour accomplir son geste, il n'est pas établi que celui-ci n'ait pu le faire pendant cette durée ;
Attendu, au surplus, que s'agissant des blessures constatées au visage des deux victimes, les expertises réalisées dans le dossier concernant Charlène L...attestent toutes de la violence des coups qui lui ont été portés, qui auraient pu, à eux seuls, entraîner le décès par exsanguination si celui-ci n'avait pas été précipité par une manoeuvre de strangulation, alors que s'agissant de Valérie Z..., celle-ci a été considérée comme la seule cause du décès ;
Attendu, par ailleurs, et contrairement à ce qui est allégué, qu'aucune connotation sexuelle n'a été relevée dans le meurtre de Valérie Z..., alors que dans celui de Charlène L..., une lésion anale ne pouvant être provoquée que par un pénis ou un objet fin et allongé a été décelée ;
Attendu qu'eu égard à l'ensemble de ces éléments, et outre le fait qu'aucune plaie ponctiforme n'a été relevée sur le corps de Charlène L..., il ne peut être sérieusement soutenu, comme cela est fait, que d'incontestables et nombreuses similitudes existeraient dans le mode opératoire des deux meurtres, susceptibles d'introduire un élément de doute quant à la culpabilité de M. X... ;
8- Sur le témoignage de M. A...:
Attendu qu'au cours de son audition, M. A..., le codétenu auquel M. Y...aurait fait des confidences a confirmé ses déclarations selon lesquelles M. Y...lui aurait déclaré : " Et bien, voila, il y a un mec qui a fait une grosse peine de prison à ma place pour meurtre et je crains que la justice fasse le rapprochement avec mon affaire d'aujourd'hui " ; qu'il convient cependant d'observer qu'un délai de plus de trois ans s'est écoulé entre le moment où ces révélations auraient été faites et celui auquel M. A...s'est décidé à les divulguer ; qu'en outre, au regard des renseignements de personnalité recueillis sur M. A..., ces déclarations ne constituent pas un élément susceptible de faire naître un doute sur la culpabilité de M. X... ;
Attendu qu'il résulte de l'analyse, après examen de l'ensemble des arguments développés dans les observations écrites et orales de M. X..., les observations orales de son avocat, les observations orales de l'avocat de la partie civile, les conclusions du ministère public et les investigations complémentaires opérées par la commission d'instruction et la Cour de révision, que les faits présentés par M. X... à l'appui de sa demande, pris isolément ou envisagés dans leur ensemble, ne sont pas de nature à faire naître un doute sur sa culpabilité ;
D'où il suit que la requête en révision ne peut être admise ;
Par ces motifs :
REJETTE la requête en révision.
Ainsi fait et jugé par la formation de jugement de la Cour de révision et de réexamen le 24 septembre 2015 ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier.
Global. 24 septembre 2015 11REV101 B n° 4
N° 11 REV 101
24 septembre 2015
La formation de jugement de la COUR DE RÉVISION ET DE RÉEXAMEN des condamnations pénales, en son audience publique, tenue au Palais de justice de Paris, le 24 septembre 2015, a rendu l'arrêt suivant :
REJET sur la requête en révision présentée par M. Raphaël X..., tendant à l'annulation de l'arrêt de la cour d'assises des Vosges, en date du 14 mars 1997, qui, pour vol aggravé et meurtre, l'a condamné à dix-sept ans de réclusion criminelle ;
LA COUR, statuant après débat en l'audience publique du 18 juin 2015 où étaient présents : M Guérin, président, M. Raybaud, conseiller-rapporteur, Mmes Bregeon, Lambremon, MM Nivôse, Fédou, Mmes Verdun, Belfort, Schneider, conseillers, Mme Robert-Nicoud, M. Roth, Mmes Guillaudier, Depelley, conseillers-référendaires ;
Avocat général : M. Sassoust ;
Greffier : Mme Guénée ;
Après avoir entendu M. le conseiller Raybaud en son rapport, la cour a entendu la déposition de M. C..., expert psychologue, qui a effectué l'examen psychologique de M. Z... dans le dossier d'information en cours à son égard, conformément à la demande formulée par l'avocat du demandeur, puis Me Noachovitch, avocat au barreau de Paris, avocat de M. Raphaël X..., en ses premières observations orales, Me Welzer, avocat au barreau d'Epinal, avocat de Mme E..., partie civile, en ses observations orales, M. l'avocat général Sassoust en ses conclusions, Me Noachovitch en ses observations orales, puis M. Raphaël X... ayant eu la parole en dernier ;
Après en avoir délibéré en chambre du conseil ;
Vu la décision de la commission de révision des condamnations pénales, en date du 4 juillet 2013, saisissant la Cour de révision ;
Vu les articles 622 à 626 du code de procédure pénale, dans leur rédaction issue de la loi n° 2014-640 du 20 juin 2014 relative à la réforme des procédures de révision et de réexamen d'une condamnation pénale définitive ;
Vu les conclusions écrites déposées par M. l'avocat général ;
Vu les observations complémentaires de M. X... en date du 30 juillet 2014 et du 12 juin 2015 ;
Vu la décision du 19 mars 2015 de la Cour de révision et de réexamen des condamnations pénales ordonnant un complément d'information ;
Vu les convocations régulièrement adressées au requérant, à son avocat ainsi qu'à l'avocat de la partie civile ;
LA COUR DE REVISION ET DE REEXAMEN DES CONDAMNATIONS PENALES,
Attendu que le dossier est en état ;
Attendu que, du dossier ayant conduit à la condamnation de M. X..., il résulte ce qui suit :
Le lundi 12 août 1991, le cadavre de Valérie E..., âgée de vingt ans, était découvert à 13 heures au lieu-dit " la Souche " dans la forêt domaniale de Thaon les Vosges. Le corps était dénudé et présentait deux hématomes sur la face et de nombreuses plaies ponctiformes sur le côté droit. Son cou était enserré par un torchon de cuisine tenu par un double noeud.
Les premières investigations faites au domicile de ses parents, à Chavelot, où elle résidait, permettaient de découvrir le vol d'un magnétoscope ainsi que de nombreuses taches de sang relevées dans la chambre de la jeune fille et dans le couloir menant au garage.
L'autopsie concluait à un décès dû à une asphyxie par strangulation au lien et manuelle, après que la tête de la victime eut été cognée sur un plan dur, les quarante-neuf plaies ponctiformes constatées n'étant que superficielles et ayant probablement été faites avec un objet pointu, type fourchette à viande. Aucune trace de violence sexuelle n'était relevée.
L'enquête de gendarmerie permettait d'identifier la dernière personne à avoir vu la victime le 11 août 1991, qui l'avait raccompagnée à son domicile vers 2 heures du matin, après avoir dîné dans un restaurant asiatique et avoir fréquenté deux bars en sa compagnie.
Etaient entendus trois témoins lors de l'enquête de voisinage, habitant face à la maison des parents de Valérie E..., dont deux précisaient avoir entendu vers 3 h 45-4 h 15 le dimanche matin un véhicule s'arrêter le long du trottoir bordant ledit pavillon et être reparti un quart d'heure plus tard. L'un des deux indiquait qu'à cette occasion, il avait entendu des soupirs provenant de cette maison, ainsi que le claquement de deux portières puis, un quart d'heure après, d'une seule.
Les enquêteurs entendaient également une très grande partie des camarades de la victime, parmi lesquels M. Raphaël X..., qui indiquait avoir été son petit ami pendant un an de 1988 à 1989, relation qui s'était terminée, à ses dires, sans difficulté particulière. Il ajoutait qu'il l'avait rencontrée le 9 août, la veille des faits, à son domicile, pour lui acheter une petite quantité de drogue et lui avait proposé d'aller dans une discothèque avec d'autres amis, mais qu'elle n'y avait pas réservé une suite favorable.
Etait également entendu un autre camarade de Valérie E..., M. Yann Z..., qui précisait être rentré au domicile de sa mère le 11 août vers 2 heures du matin et s'être rendu ensuite en fin de matinée, avec d'autres amis, dont M. X..., à la piscine de Wesserling. Il ajoutait avoir été brièvement le petit ami de la victime, quatre ans auparavant.
Aucun élément déterminant n'était mis en exergue à partir des empreintes relevées, des prélèvements effectués ou des recherches ADN.
L'audition d'un témoin, M. Christophe G..., permettait cependant de faire évoluer l'enquête. Celui-ci indiquait que, mi-juillet 1991, MM. X... et Z... lui avaient proposé l'achat d'instruments de musique et que le second lui avait demandé s'il était intéressé par l'acquisition d'un magnétoscope pour une somme de 800 francs. Il ajoutait qu'après le meurtre de Valérie E..., M. X... lui avait fait part de ses soupçons à l'égard de M. Z..., compte tenu de cette proposition. L'enquête démontrera par la suite que M. X... était allé, de sa propre initiative, rencontrer les gendarmes, leur laissant entendre que le vol du magnétoscope était en réalité à l'origine du meurtre.
M. Z... donnait une autre version des faits, indiquant qu'en réalité c'était M. X... qui avait proposé le magnétoscope à M. G.... Il ajoutait que le dimanche 11 août, vers 3h30, il s'était rendu au domicile de M. X... pour mettre à exécution ce projet. Tous les deux s'étaient rendus à bord de son véhicule chez les E..., et avaient pénétré dans l'habitation par le garage, après que M. X... en eut forcé la porte. Tandis qu'il s'affairait à dérober le magnétoscope, son camarade, après avoir entrouvert la porte du réfrigérateur pour donner un peu de lumière, se rendait dans la chambre de la jeune fille qui, surprise, se mettait à crier. Etonné et inquiet de cette situation, car persuadé que Valérie E... n'était point là, il pénétrait dans la pièce, où il apercevait M. X... donnant une violente gifle à la victime ; il exhortait alors celui-ci de " laisser tomber " et de partir mais recevait pour seule réponse l'ordre suivant : " casse-toi, c'est une affaire entre Valérie et moi ".
Sortant de la maison en emportant le magnétoscope, et laissant seul M. X... avec la victime, il reprenait sa voiture en direction d'Epinal mais, pris de remords, revenait sur les lieux où il découvrait le corps de Valérie E... allongé dans le couloir, M. X... lui demandant de l'aider à le descendre dans le garage. C'est à ce moment là qu'il s'apercevait qu'elle était morte, portant un torchon noué autour du cou.
Après avoir mis le cadavre dans son véhicule avec M. X..., il se rendait au bois de la Souche où celui-ci sortait, seul, le corps et le faisait rouler dans un fossé. Il raccompagnait son camarade à son domicile et rentrait chez lui vers 6 heures du matin.
Il précisait qu'après la découverte du corps par les gendarmes et compte tenu de la forte couverture médiatique dont avait fait l'objet cette affaire, il s'était débarrassé du magnétoscope en le jetant dans une décharge.
Entendu, M. X... reconnaissait seulement avoir envisagé de voler avec M. Z... le magnétoscope. Il indiquait que la nuit des faits, après avoir regardé la télévision, il était sorti et avait fréquenté deux bars puis était rentré au domicile de sa soeur vers 2 heures du matin, d'où il en était ressorti vers 11 h 30 pour se rendre à la piscine de Wesserling avec des camarades, dont M. Z.... Il certifiait que ce dernier n'était pas passé le prendre pour se rendre chez les E.... A l'une des interrogations des enquêteurs sur l'usage pouvant être fait d'une fourchette à viande, il répondait " ça sert à piquer les gens ".
Les deux jeunes gens étaient mis en examen le 25 septembre 1991 des chefs de meurtre et de vol aggravé.
La reconstitution effectuée par le magistrat instructeur le 30 septembre 1991, à laquelle M. X... refusait de participer, permettait de préciser le déroulement des faits tels que décrits par M. Z..., qui confirmait la participation de M. X....
Les auditions effectuées par le juge d'instruction ne devaient pas apporter par la suite beaucoup de modifications dans les versions des deux protagonistes, qui réitéraient leurs précédentes déclarations dans le cadre d'une deuxième confrontation organisée le 26 janvier 1993.
Pour M. X..., s'il était ainsi mis en cause, c'était parce qu'il avait fait part de ses soupçons aux gendarmes et que M. Z... souhaitait se venger.
Quant à ce dernier, il réitérait ses accusations contre M. X..., ajoutant que celui-ci lui avait demandé de " tout nier en bloc " quand ils étaient allés à la piscine dans la journée du 11 août.
Par ailleurs, les prélèvements analysés dans le cadre de l'expertise médico-légale ne permettaient de déceler aucune empreinte génétique et la recherche de spermatozoïdes s'avérait négative.
Le 20 août 1993, le magistrat instructeur prenait une ordonnance de transmission de pièces, renvoyant M. X... du chef de meurtre, M. Z... des chefs de vol aggravé et d'omission de porter secours.
Par arrêt du 5 octobre 1993, la chambre d'accusation de la cour d'appel de Nancy ordonnait un supplément d'information aux fins de déterminer l'origine des plaies ponctiformes découvertes sur le cadavre, le moment où celles-ci avaient été occasionnées et leur influence sur le décès de la victime. Il visait aussi à faire entendre de façon approfondie un témoin, M. Claude H..., détenu à la maison d'arrêt d'Epinal en même temps que M. X..., lequel lui aurait avoué avoir commis les faits.
Daté du 15 novembre 1993, le rapport complémentaire d'expertise médico-légale précisait, d'une part, que les blessures ponctiformes n'avaient joué aucun rôle dans le décès, dû à une seule asphyxie mécanique résultant de la strangulation, et, d'autre part, que celles-ci, bien plus visibles à l'oeil nu quelques heures après le décès que lors des faits, n'avaient pas entraîné de saignement important, ce qui expliquait que les enquêteurs aient retrouvé peu de traces de sang sur le lieu du meurtre.
Quant aux déclarations du témoin, M. H..., celles-ci confortaient la version des faits donnée par M. Z..., M. X... lui ayant avoué, alors qu'ils étaient tous les deux incarcérés, avoir tué, seul, Valérie E... et avoir demandé à son camarade de l'aider à se débarrasser du corps.
Par arrêt du 31 mai 1994, la chambre d'accusation ordonnait un nouveau supplément d'information visant à faire vérifier la véracité des déclarations de M. H.... Les investigations diligentées conduisaient cependant à minimiser l'importance de ces révélations, bien qu'elles aient été réitérées devant le magistrat chargé du supplément d'information, en raison de la personnalité de ce témoin, décrit comme " affabulateur et vaniteux, bien qu'étant capable de dire la vérité ".
Il était procédé également, dans le cadre de ce supplément d'information, à de nouvelles auditions de témoins ainsi qu'à de nouvelles expertises dont les conclusions confortaient les premières constatations effectuées, à savoir que le décès était dû aux seules manoeuvres de strangulation intervenues en dernier lieu, les ecchymoses relevées sur la face ou les plaies ponctiformes superficielles n'ayant pu entraîner à elles seules une issue fatale.
Par arrêt du 25 janvier 1996, la chambre d'accusation de la cour d'appel de Nancy a renvoyé devant la cour d'assises des Vosges M. X... des chefs de meurtre ainsi que de vol aggravé et M. Z... des chefs de recel de cadavre, omission de porter secours à personne en péril et vol aggravé.
Par arrêt du 14 mars 1997, ladite cour d'assises a condamné M. X... à dix-sept ans de réclusion criminelle des chefs précités et M. Z... à deux ans d'emprisonnement pour recel de cadavre, omission de porter secours et vol aggravé.
Le pourvoi formé par M. X... contre cet arrêt a été rejeté par décision de la chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 21 janvier 1998.
M. X... a bénéficié d'une mesure de libération conditionnelle à compter du 23 janvier 2004, par décision du juge de l'application des peines datée du 8 janvier 2004.
Le 20 juillet 2011, M. Z... était mis en examen pour assassinat commis sur la personne de Charlène I..., son épouse, qui avait pris l'initiative d'un divorce plusieurs mois auparavant et dont le corps avait été retrouvé le 18 juillet 2011, vers 20 heures, à l'ancien domicile conjugal du couple, situé à La Rochelle.
Par arrêt du 10 octobre 2014, la cour d'assises de la Charente-Maritime l'a condamné à une peine de vingt-cinq ans de réclusion criminelle pour assassinat et viol aggravé.
Appels de cette décision ont été interjetés par l'intéressé, le ministère public et les parties civiles.
Par arrêt du 7 janvier 2015, la chambre criminelle de la Cour de cassation a désigné la cour d'assises de la Vienne pour statuer en appel.
Cette affaire fera l'objet d'un audiencement en 2016.
Après le rejet d'une première requête déclarée irrecevable le 1er décembre 1997, la condamnation de M. X... n'étant pas définitive, celui-ci en déposait une deuxième le 29 décembre 1998 au terme de laquelle il remettait en cause le témoignage de M. H...à partir de l'attestation de M. J..., qui soutenait avoir entendu M. H...en mars-avril 1993 " se vanter d'attendre une belle somme d'argent " à l'époque où celui-ci avait révélé les déclarations à lui faites par M. X....
Par décision du 17 mai 1999, la commission de révision a rejeté cette requête, estimant qu'il s'agissait d'une attestation tardive et non circonstanciée, qui n'introduisait aucun élément de doute quant à la culpabilité du condamné, lequel, par ailleurs, n'apportait aucun élément nouveau notamment quant à son emploi du temps durant la nuit des faits.
La troisième requête, déposée le 8 avril 2005, se fondait principalement sur deux éléments présentés comme nouveaux, d'une part, des attestations médico-légales relevant le peu de fiabilité de la technique de l'humeur vitrée pour dater la mort et, d'autre part, la production d'une enquête effectuée par un détective privé ayant exploité la piste des meurtres commis dans la région et présentant certaines similitudes avec celui de Valérie E....
Sur le premier point, les deux experts commis par la commission de révision présentaient des conclusions différentes fixant l'heure du décès le dimanche 11 août entre 2 heures et 6 heures du matin, soit plus de trente heures avant la découverte du corps, et indiquant que la seule lésion mortelle était la strangulation.
Dans sa décision du 11 septembre 2006, la commission rejetait la requête, relevant en premier lieu que les divergences d'analyse contenues dans les différents rapports d'expertise avaient été soumises à discussion tant au cours de l'information que pendant les débats devant la cour d'assises et que les autres éléments invoqués n'étaient pas de nature à faire naître un doute sur la culpabilité du condamné.
M. X... a présenté une quatrième requête le 19 octobre 2011 qui, outre les critiques portées sur la conduite de l'instruction ayant conduit à son renvoi devant la cour d'assises, se fonde pour l'essentiel sur la mise en examen de M. Z... pour l'assassinat de son épouse. Le requérant met en avant :
- la similitude du mode opératoire de cet homicide, que M. Z... a reconnu, avec celui de Valérie E..., tous deux résultant d'une strangulation précédée de coups portés sur le visage de leur victime, accompagnés de sévices sexuels ;
- la similitude du contexte de ces deux affaires : âge des victimes, relations amoureuses de M. Z... avec celles-ci, commission des meurtres au domicile des victimes, difficultés financières rencontrées par M. Z... au moment des faits ;
- les traits de la personnalité de M. Z..., qui apparaîtrait en réalité comme un être pervers et dangereux, ce qui n'avait pas été mis en exergue dans le premier dossier.
La commission a procédé à l'audition des personnes ayant côtoyé ou accompagné M. Z... dans la nuit du 10 au 11 août 1991 avant les faits. Ces auditions n'ont guère apporté plus de précisions que celles réalisées au cours de l'information, notamment en raison de l'ancienneté des faits.
Elle s'est également efforcée de reconstituer l'emploi du temps de l'intéressé en estimant la durée des différents trajets effectués par celui-ci entre son départ du bar " Din My " à Thaon les Vosges, le dimanche 11 août vers 2 heures, du matin et le retour au domicile de ses parents vers 6 heures, selon les déclarations de sa mère, et en prenant en compte le temps pendant lequel M. X... serait resté seul avec la victime.
S'agissant de M. H...et afin de vérifier à nouveau le degré de fiabilité pouvant être apporté à ses déclarations, elle s'est fait communiquer le réquisitoire définitif et l'ordonnance de non-lieu établis dans une information suivie par un magistrat instructeur de Toulon où l'intéressé a été entendu comme témoin et dont les déclarations ont été jugées fantaisistes.
Enfin, lui ont été transmis le dossier d'information suivi à La Rochelle dans le cadre de l'homicide volontaire de l'épouse de M. Z... et les éléments recueillis tant dans l'expertise psychiatrique que dans l'enquête de personnalité le décrivant comme " un être capable de développer des réactions comportementales violentes et impulsives en situation de contrainte et de frustration ".
Réentendu par la commission de révision le 28 février 2013, M. Z... réaffirmait " n'être pour rien dans le meurtre de Valérie E..., ajoutant que celui-ci n'avait rien à voir avec celui de son épouse, qu'il reconnaissait ".
Par décision du 4 juillet 2013, la commission d'instruction de la Cour de révision des condamnations pénales a saisi ladite Cour, relevant plus particulièrement les points suivants :
1) la mise en lumière de la réelle personnalité de M. Z... remettant en cause la crédibilité de ses accusations ;
2) les modes opératoires des deux meurtres : strangulation, chronométrage des trajets... ;
3) le témoignage de M. H....
M. X... a communiqué des observations complémentaires le 30 juillet 2014 dans lesquelles il a fait notamment état du témoignage d'un détenu de la maison d'arrêt de Saintes, incarcéré en même temps que M. Z..., selon lequel ce dernier lui aurait fait des confidences quant à son implication dans le meurtre de Valérie E... ; il a sollicité l'audition de ce témoin.
Par arrêt du 19 mars 2015, la Cour de révision a ordonné un complément d'information aux fins d'entendre M. K...et obtenir des éléments de personnalité le concernant.
Lors de son audience du 18 juin 2015, la Cour a entendu, à la demande de M. X..., M. C..., expert psychologue ayant procédé à l'examen psychologique de M. Z... dans le cadre de l'instruction du meurtre de Charlène I....
En cet état :
Attendu que, selon l'article 622 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-640 du 20 juin 2014, la révision d'une décision pénale définitive suppose la survenance, après une condamnation, d'un fait nouveau ou la révélation d'un élément inconnu de la juridiction au jour du procès, de nature à établir l'innocence du condamné ou à faire naître un doute sur sa culpabilité ; qu'ainsi, il appartient à la formation de jugement de la Cour de révision de prendre en compte l'ensemble des faits nouveaux ou éléments inconnus lors du procès sur lesquels s'appuie la requête examinée ;
Attendu qu'il échet à la Cour de révision d'examiner l'ensemble des éléments mis à jour par la commission de révision ainsi que ceux proposés par M. X... dans sa requête datée du 19 octobre 2011, complétée par les mémoires parvenus à la Cour les 30 juillet 2014 et 12 juin 2015 ;
Attendu qu'il convient à ce stade de relever que M. X... a fondé sa requête sur la mise en cause de M. Z..., lequel est depuis l'origine présent dans la procédure qui a abouti à la condamnation du requérant et a comparu devant la cour d'assises des Vosges en même temps que lui, cette juridiction ayant ainsi pu examiner les versions contradictoires mises en avant par les deux accusés ; qu'ainsi, M. X... met en avant divers éléments qu'il estime nouveaux et de nature à faire naître un doute sur sa culpabilité ;
1- Sur les incohérences du dossier d'instruction relevées par M. X... :
Attendu que s'agissant des critiques relatives à l'instruction du meurtre de Valérie E..., il convient de relever que celles-ci ont été soumises à l'examen de la cour d'assises des Vosges, certaines d'entre elles ayant déjà été examinées et rejetées lors des précédentes requêtes présentées par M. X... ;
Que dès lors, ces éléments qui étaient déjà connus de ladite juridiction ne présentent pas un caractère nouveau au sens de l'article 622 du code de procédure pénale ;
2- Sur la personnalité de M. Z... :
Attendu que, selon le requérant, M. Z... serait en réalité un être manipulateur, menteur et dangereux, ce qui n'était pas apparu lors des investigations effectuées à l'occasion du meurtre de Valérie E..., pour lequel il avait été inculpé avant de bénéficier d'un non-lieu ;
Attendu qu'à l'occasion de l'instruction de ce dernier dossier, les éléments de personnalité recueillis sur M. Z... faisaient déjà apparaître qu'il ne se comportait pas exclusivement comme un adolescent suiveur et influençable, mais qu'il avait déjà un parcours dans la petite délinquance, essentiellement constitué de vols au détriment de ses employeurs ou de ses camarades ;
Attendu que si son frère aîné le décrivait comme incapable de violence, il soulignait qu'à une certaine période, il avait été contraint d'intervenir plus énergiquement afin de mieux l'encadrer ; qu'il en résulte que cette personnalité complexe et ambivalente, qui pourrait être qualifiée de double personnalité, a ainsi déjà pu être prise en compte lors des débats devant la cour d'assises des Vosges en 1997, laquelle disposait de conclusions d'experts le décrivant comme " un garçon avec des comportements fuyants et empreints d'une certaine fausseté " ;
Attendu que les mêmes experts, après l'avoir décrit comme un être amusant facilement son entourage, notaient qu'il se situait aussi dans un registre de séduction, pouvant être d'une certaine façon manipulateur ; qu'ainsi, lorsqu'une ancienne compagne, Mme L..., entendue par la commission d'instruction, le décrit comme " manipulateur et menteur ", il ne peut être affirmé que cette facette du personnage n'ait pas été évoquée lors des débats de la cour d'assises des Vosges ;
Attendu que dans le cadre de l'information sur le meurtre de Charlène Z..., le juge d'instruction a désigné M. C... pour procéder à l'examen psychologique de M. Z... ; que M. C... a avancé dans son rapport l'hypothèse qu'un rapprochement entre le meurtre de Charlène Z... et le meurtre de Valérie E... pouvait être effectué ; que cependant l'audition de cet expert à l'audience du 18 juin 2015 a démontré que cette hypothèse, qui a été construite sur la seule consultation de sites internet relatifs au meurtre de Valérie E..., était dépourvue de fondement, car non étayée par une analyse des éléments précis des dossiers en présence ;
Qu'ainsi, si les expertises psychologique et psychiatrique diligentées en 2011 ont permis d'approfondir certaines facettes de la personnalité de M. Z..., notamment une composante narcissique pouvant le conduire " à mal supporter et à mal accepter les situations de contrainte et de frustration susceptibles de lui être imposées ", il est non moins certain que les premières expertises menées alors qu'il était âgé de 20 ans permettaient déjà de déceler les traits de personnalité tels que décrits vingt ans plus tard, après le meurtre de son épouse ; qu'il s'en déduit que ces aspects de personnalité de M. Z... ne constituent pas un élément nouveau au sens de l'article 622 du code de procédure pénale ;
3- Sur l'âge des victimes et la nature de leurs relations avec M. Z... :
Attendu que, selon le requérant, les deux dossiers présenteraient d'incontestables similitudes en ce que les victimes avaient une différence d'âge importante avec M. Z... et en ce qu'il entretenait des relations amoureuses avec ces dernières ;
Attendu que l'argument relatif à l'âge des victimes est inopérant dès lors que Yann Z... et Valérie E... avaient le même âge lors du meurtre de cette dernière ;
Qu'en outre, il résulte des pièces du dossier que les relations de M. Z... avec Valérie E... s'apparentaient à un simple flirt et ne souffraient aucune comparaison avec la relation qu'il entretenait avec Charlène I..., son épouse, mère de son fils et dont il affirme qu'il n'a " jamais supporté son départ ", qu'elle " a été la femme la plus extraordinaire qui ait partagé sa vie ", qu'il " avait toujours espoir de reformer un couple avec elle " et " qu'il ne pouvait imaginer être remplacé par quelqu'un d'autre, de telle sorte qu'il avait vu rouge et avait voulu la tuer " ;
Qu'il s'ensuit que ces éléments ne sont pas de nature à faire naître un doute sur la culpabilité de M. X... ;
4- Sur le déplacement du corps des victimes ;
Attendu qu'il est soutenu par M. X... que la frêle constitution de M. Z... n'excluait pas qu'il ait pu transporter seul le corps de Valérie E..., dès lors que celui-ci a reconnu avoir déplacé seul le corps de Charlène Z..., dont le poids excédait de 20 kilogrammes celui de Valérie E... ;
Attendu cependant qu'il convient de relever, d'une part, que M. Z... conteste avoir transporté le corps de son épouse et, d'autre part, que la configuration des lieux où se sont déroulés les deux meurtres est différente, le premier se structurant sur deux niveaux et le second sur un seul ;
Attendu que cet élément, bien que nouveau, n'est pas susceptible de faire naître un doute sur la culpabilité de M. X... ;
5- Sur la situation financière obérée de M. Z... :
Attendu que l'existence de difficultés financières auxquelles était confronté M. Z..., tant à l'époque du meurtre de Valérie E... qu'à celui de Charlène I..., ne constitue pas un élément susceptible de faire naître un doute sur la culpabilité de M. X... ;
6- Sur l'existence de pièces, qualifiées de nouvelles, relatives aux déclarations de M. H...:
Attendu que le peu de crédit qu'il convient d'apporter aux déclarations de M. H...a déjà été pris en considération lors d'une précédente requête en révision qui a été rejetée ;
Qu'il est soutenu, à présent, que constitueraient des éléments nouveaux l'existence d'un réquisitoire définitif et d'une ordonnance de non-lieu établis dans le cadre d'un dossier suivi par un magistrat instructeur de Toulon-qui qualifiaient de fantaisistes les déclarations de M. H...-et dont la cour d'assises des Vosges n'a pas eu connaissance ;
Attendu cependant que dans sa décision saisissant la cour d'assises des Vosges, la chambre d'accusation a relevé elle-même que " la personnalité de M. H...devait conduire à ne pas accorder de crédit à ses déclarations " ; que cette observation a nécessairement été portée à la connaissance des jurés lors de la lecture de l'arrêt de mise en accusation à l'audience de la cour d'assises ;
Qu'ainsi cet élément n'était pas inconnu des jurés de ladite cour ;
7- Sur les similitudes relevées quant au mode opératoire des deux meurtres :
Attendu que M. X... soutient que la similitude des modes opératoires utilisés pour donner la mort à Valérie E... et à Charlène I...fait naître un doute sur sa culpabilité pour le premier meurtre ; qu'il convient donc d'examiner les causes des décès de chacune des victimes ;
Attendu que, s'agissant de Charlène I..., le rapport d'autopsie conclut à un décès " consécutif à une hémorragie externe majeure due à des lésions traumatiques du cuir chevelu, associée à une asphyxie par strangulation, sans que l'on puisse toutefois déterminer " la part exacte des deux causes " ; qu'il est fait état d'un nombre important de traumatismes ayant entraîné des lésions multiples, localisées au niveau du crâne, du cou, du visage, du thorax, de l'abdomen, de l'anus, ainsi que des membres supérieurs et inférieurs ; que l'examen anatomo-pathologique des prélèvements effectués au niveau des plaies et ecchymoses constatées révèle " des épanchements hémorragiques souvent massifs et volontiers profonds ", profondeur qui suggère " la violence du traumatisme causal " ;
Attendu que, s'agissant de Valérie E..., l'expertise médico-légale ordonnée par la commission de révision à l'occasion de la troisième requête présentée par M. X... retient une strangulation au lien seul ;
Qu'il convient cependant de relever, d'une part, que le rapport d'autopsie précise que la strangulation manuelle est établie par la présence de plusieurs ecchymoses profondes au niveau du cou et, d'autre part, que l'expertise médico-légale ordonnée par la chambre d'accusation dans le cadre du supplément d'information indique que ce sont ces manoeuvres qui ont pu durer entre trois et cinq minutes qui sont seules à l'origine du décès ;
Qu'il ne peut, dans ces conditions, être affirmé, quinze ans plus tard, au vu d'une expertise effectuée sur dossier, que la strangulation a été effectuée au lien seul pendant une durée de dix minutes ; qu'il ne peut être davantage soutenu que, dans cette hypothèse, M. X... n'aurait disposé que d'un temps réduit pour accomplir son geste, selon un calcul théorique des différents temps de trajet réalisé à partir d'un site informatique plus de vingt ans après les faits, alors que l'infrastructure routière et les conditions de circulation ont évolué ; qu'à supposer même que M. X... n'ait disposé que de vingt minutes pour accomplir son geste, il n'est pas établi que celui-ci n'ait pu le faire pendant cette durée ;
Attendu, au surplus, que s'agissant des blessures constatées au visage des deux victimes, les expertises réalisées dans le dossier concernant Charlène I...attestent toutes de la violence des coups qui lui ont été portés, qui auraient pu, à eux seuls, entraîner le décès par exsanguination si celui-ci n'avait pas été précipité par une manoeuvre de strangulation, alors que s'agissant de Valérie E..., celle-ci a été considérée comme la seule cause du décès ;
Attendu, par ailleurs, et contrairement à ce qui est allégué, qu'aucune connotation sexuelle n'a été relevée dans le meurtre de Valérie E..., alors que dans celui de Charlène I..., une lésion anale ne pouvant être provoquée que par un pénis ou un objet fin et allongé a été décelée ;
Attendu qu'eu égard à l'ensemble de ces éléments, et outre le fait qu'aucune plaie ponctiforme n'a été relevée sur le corps de Charlène I..., il ne peut être sérieusement soutenu, comme cela est fait, que d'incontestables et nombreuses similitudes existeraient dans le mode opératoire des deux meurtres, susceptibles d'introduire un élément de doute quant à la culpabilité de M. X... ;
8- Sur le témoignage de M. K...:
Attendu qu'au cours de son audition, M. K..., le codétenu auquel M. Z... aurait fait des confidences a confirmé ses déclarations selon lesquelles M. Z... lui aurait déclaré : " Et bien, voila, il y a un mec qui a fait une grosse peine de prison à ma place pour meurtre et je crains que la justice fasse le rapprochement avec mon affaire d'aujourd'hui " ; qu'il convient cependant d'observer qu'un délai de plus de trois ans s'est écoulé entre le moment où ces révélations auraient été faites et celui auquel M. K...s'est décidé à les divulguer ; qu'en outre, au regard des renseignements de personnalité recueillis sur M. K..., ces déclarations ne constituent pas un élément susceptible de faire naître un doute sur la culpabilité de M. X... ;
Attendu qu'il résulte de l'analyse, après examen de l'ensemble des arguments développés dans les observations écrites et orales de M. X..., les observations orales de son avocat, les observations orales de l'avocat de la partie civile, les conclusions du ministère public et les investigations complémentaires opérées par la commission d'instruction et la Cour de révision, que les faits présentés par M. X... à l'appui de sa demande, pris isolément ou envisagés dans leur ensemble, ne sont pas de nature à faire naître un doute sur sa culpabilité ; D'où il suit que la requête en révision ne peut être admise ;
Par ces motifs :
REJETTE la requête en révision.
Ainsi fait et jugé par la formation de jugement de la Cour de révision et de réexamen le 24 septembre 2015 ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier.
Crim. 23 septembre 2015 n° 14-85.479
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Axel X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de CHAMBÉRY, chambre correctionnelle, en date du 5 février 2014, qui, pour conduite d'un véhicule sous l'empire d'un état alcoolique et avec un permis non prorogé, l'a condamné à six mois d'emprisonnement, 200 euros d'amende, quatre mois de suspension du permis de conduire et a ordonné la révocation partielle à hauteur de deux mois du sursis avec mise à l'épreuve prononcé contre lui le 17 novembre 2011 par le tribunal correctionnel de Bonneville pour violences aggravées, rébellion et outrages à personne dépositaire de l'autorité publique ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 24 juin 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Raybaud, conseiller rapporteur, M. Castel, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Zita ;
Sur le rapport de M. le conseiller RAYBAUD, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LE BAUT ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles préliminaire, 410, 411, 412, 417, 503-1, 550 et suivants, 558, 593 du code de procédure pénale, article 6, § § 1 et 3, de la Convention européenne des droits de l'homme, violation des droits de la défense, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué, statuant par arrêt contradictoire à signifier, a confirmé le jugement du tribunal correctionnel d'Albertville ayant déclaré M. X...coupable des faits qui lui sont reprochés et l'ayant condamné à une peine de six mois d'emprisonnement, a ordonné l'obligation d'accomplir un stage de sensibilisation à la sécurité routière, outre une amende de 200 euros et la révocation partielle d'une précédente condamnation avec sursis et mise à l'épreuve, après avoir constaté que « le prévenu, appelant, cité à étude avec retour de l'accusé de réception signé par sa compagne chez qui il réside, est non comparant » ;
" 1°) alors qu'il résulte de l'article 503-1 du code de procédure pénale que si le prévenu appelant peut être jugé en son absence par arrêt contradictoire à signifier, c'est à la condition d'avoir été cité à la dernière adresse qu'il a déclarée ; qu'il résulte des pièces de la procédure que M. X...a été condamné le 1er juillet 2013 par le tribunal correctionnel d'Albertville, pour des faits de conduite sous l'empire d'un état alcoolique et conduite d'un véhicule à moteur avec un permis de conduire non prorogé ; qu'il a interjeté appel de cette décision, indiquant être domicilié chez sa grand-mère, Mme Y..., ... à Blacqueville (76190), adresse figurant d'ailleurs dans l'arrêt ; que la citation pour l'audience de la cour d'appel de Chambéry n'a pu lui être remise à personne et un avis de signification par lettre recommandée est revenu « signé par sa compagne chez qui il réside », créant ainsi une ambiguïté sur le lieu de la citation ; qu'il n'est pas établi qu'il en ait eu connaissance ; qu'en statuant néanmoins par arrêt contradictoire, en l'absence du prévenu qui n'a donc eu aucune possibilité de faire valoir ses moyens de défense, la cour d'appel a violé les textes et principes susvisés ;
" 2°) alors que les mentions de l'arrêt relatives à la citation de M. X...devant la cour d'appel ne permettent pas de savoir s'il a pu avoir connaissance de la citation le concernant ; qu'en effet, l'arrêt ne s'explique pas sur les conditions de la remise de citation, d'autant qu'il est fait mention que l'avis de réception de la lettre recommandée a été « signé par sa compagne chez qui il habite », lors même qu'il avait fourni une adresse chez sa grand-mère chez qui il déclarait résider ; qu'en cet état, la cour d'appel, à qui il incombait de justifier de façon cohérente des diligences effectuées pour faire citer le prévenu et assurer ainsi le caractère contradictoire du procès, au besoin en renvoyant une nouvelle citation, a violé les textes susvisés, ensemble le droit à un procès équitable, les droits de la défense et le principe du contradictoire ;
" 3°) alors qu'il résulte de la combinaison des articles 503-1 et 558, § 2 et 4, du code de procédure pénale que l'huissier qui délivre une citation à la dernière adresse déclarée du prévenu appelant, conformément au premier de ces textes, est tenu d'effectuer les diligences prévues par les alinéas 2 et 4 de l'article 558 pour que la citation soit réputée faite à personne ; qu'il n'apparaît pas en l'espèce que ces formalités aient été régulièrement accomplies et que M. X...ait été informé de la citation, dans la mesure où l'arrêt constate que l'avis de réception de la lettre recommandée a été signé non par M. X...lui-même, mais par sa compagne chez qui il résiderait, en sorte que la cour d'appel, statuant par arrêt contradictoire à signifier qui ne justifie pas que M. X...a bien été cité à sa dernière adresse déclarée dans l'acte d'appel et que l'huissier a régulièrement effectué les diligences qui s'imposaient, n'était pas légalement saisie et a méconnu les textes susvisés ;
" 4°) alors qu'en statuant ainsi, sans autrement s'expliquer sur l'urgence particulière qui imposait en l'espèce de ne point différer le jugement de l'affaire, alors que l'article préliminaire au code de procédure pénale exige que la procédure pénale soit équitable et contradictoire, et préserve l'équilibre des droits des parties, la cour d'appel n'a pas donné une base légale à sa décision " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. X...a été cité à l'adresse qu'il avait déclarée dans l'acte d'appel ; qu'en l'absence du destinataire, l'huissier de justice a déposé l'acte en l'étude et lui a adressé une lettre recommandée avec demande d'avis de réception pour l'informer de son passage et l'inviter à retirer la citation ;
Attendu qu'en statuant par arrêt contradictoire à signifier et dès lors que l'huissier a effectué les diligences prévues par les alinéas 2 et 4 de l'article 558 du code de procédure pénale, la cour d'appel a fait une exacte application de l'article 503-1 du même code ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des des articles 132-19-1, 132-24 du code pénal, 132-47, 132-48 du même code, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt a confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. X...à une peine de six mois d'emprisonnement et dit n'y avoir lieu à aménagement de peine ab initio, et a révoqué à hauteur de deux mois le sursis avec mise à l'épreuve durant deux ans prononcé antérieurement le 17 novembre 2011, par le tribunal correctionnel de Bonneville ;
" aux motifs que, dès lors, la culpabilité du prévenu sera retenue et les peines initialement prononcées entièrement confirmées comme étant adaptées à la personnalité du prévenu déjà condamné à sept reprises dans le passé, dont une fois déjà pour des faits de conduite sous l'empire d'un état alcoolique ; qu'en l'absence d'éléments de personnalité, il ne saurait y avoir lieu à un aménagement de peine ab initio ;
" 1°) alors qu'en matière correctionnelle, en dehors des condamnations en récidive légale prononcées en application de l'article 132-19-1 du code pénal, une peine d'emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu'en tout dernier recours si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire, et si toute autre sanction est manifestement inadéquate ; que dans ce cas, la peine d'emprisonnement doit impérativement, si la personnalité et la situation du condamné le permettent, et sauf impossibilité matérielle, faire l'objet d'une mesure d'aménagement prévue aux articles 132-25 à 132-28 du code pénal ; qu'en condamnant en l'espèce M. X...à une peine d'emprisonnement de six mois fermes sans caractériser la nécessité d'une peine d'emprisonnement sans sursis pour ce prévenu qui n'était pas poursuivi en état de récidive légale, ni éventuellement l'impossibilité d'ordonner une mesure d'aménagement eu égard aux éléments déjà recueillis sur la personnalité et la situation du prévenu, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale eu égard aux textes susvisés ;
" 2°) alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance de la contradiction de motifs équivaut à leur absence ; qu'en révoquant partiellement le sursis avec mise à l'épreuve précédemment accordé à M. X..., sans s'expliquer sur le point de savoir si la précédente condamnation à laquelle le sursis avec mise l'épreuve était attaché est définitive, ni si les faits ont été commis au cours de la période d'épreuve, les juges du fond n'ont pu justifier leur décision sur ce point " ;
Attendu que, d'une part, les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a prononcé une peine d'emprisonnement sans sursis par des motifs qui satisfont aux exigences de l'article 132-24 du code pénal, dans sa rédaction alors en vigueur ;
Attendu que, d'autre part, en ordonnant la révocation partielle du sursis avec mise à l'épreuve assortissant la condamnation à quatre mois d'emprisonnement par le tribunal correctionnel de Bonneville le 17 novembre 2011, la cour d'appel a fait l'exacte application de l'article 132-48 du code pénal dès lors qu'il résulte des pièces de procédure que cette condamnation était définitive et que les nouvelles infractions reprochées au demandeur ont été commises pendant le délai d'épreuve ; D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-trois septembre deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.
Civ.1 23 septembre 2015 n° 14-17.591
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu les articles L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire, 4-1 du code de procédure pénale, L. 452-1 et L. 431-2, 1°, du code de la sécurité sociale ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., salarié intérimaire mis à disposition de la société SOCATOP et affecté au chantier d'une autoroute, a été victime, le 25 juin 2001, d'un accident du travail ; qu'il a déposé plainte le 6 novembre 2001 auprès du procureur de la République et demandé, à dix reprises, entre le 7 octobre 2002 et le 8 août 2006, une copie des procès-verbaux, sans obtenir d'autre information que des lettres l'informant que l'enquête était en cours et qu'il n'existait « aucune décision à ce jour », puis, le 17 octobre 2006, que sa plainte faisait l'objet d'un classement sans suite en raison de la prescription de l'action publique ; qu'un arrêt du 26 janvier 2011 a confirmé le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale ayant déclaré prescrite l'action introduite par M. X..., le 15 novembre 2006, en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ; qu'invoquant le fonctionnement défectueux du service public de la justice, M. X... a assigné l'Agent judiciaire du Trésor en réparation de son préjudice sur le fondement de l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire ; que l'arrêt a retenu que les services judiciaires avaient commis une faute lourde ;
Attendu que, pour condamner l'Agent judiciaire de l'Etat à réparer le préjudice de M. X... au titre de la perte de chance d'obtenir réparation du préjudice au titre de la faute inexcusable de l'employeur, l'arrêt énonce que l'absence d'enquête pénale complète effectuée en temps utile a privé M. X... de la possibilité d'obtenir de la juridiction répressive la reconnaissance de la faute pénale qui aurait à l'évidence « favorisé sa position devant le tribunal des affaires de la sécurité sociale et facilité la reconnaissance éventuelle par cette juridiction de la faute inexcusable » ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que M. X... s'était abstenu de saisir à temps le tribunal des affaires de sécurité sociale, de sorte que la perte, par les services du parquet, du dossier pénal relatif aux causes de l'accident du travail dont il avait été victime et qui avait entraîné le classement sans suite de sa plainte n'était pas la cause directe du préjudice résultant de la perte de chance par l'intéressé de voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Crim. 23 septembre 2015 n° 15-83.991 B n° 836
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Taras Y...,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de DOUAI, en date du 17 juin 2015, qui, dans la procédure d'extradition suivie contre lui à la demande du gouvernement ukrainien, a émis un avis favorable ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 9 septembre 2015 où étaient présents : M. Guérin, président, M. Béghin, conseiller rapporteur, M. Castel, M. Raybaud, Mme Caron, M. Moreau, Mme Drai, conseillers de la chambre, M. Laurent, Mme Carbonaro, conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Lacan ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire BÉGHIN, les observations de la société civile professionnelle GARREAU, BAUER-VIOLAS et FESCHOTTE-DESBOIS, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LACAN ;
Vu le mémoire produit ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que le 2 avril 2015, le gouvernement ukrainien a demandé l'extradition de M. Y... pour l'exercice de poursuites pénales pour des faits de brigandage aggravé, commis à Kalush le 11 mars 2011, et réprimés par l'article 187, § 3, du code pénal ukrainien ; que M. Y... n'a pas consenti à son extradition ; que la chambre de l'instruction, qualifiant les faits de vol avec arme en droit français, a émis un avis favorable ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 197, 696-15, 802, 591 du code de procédure pénale, violation de la loi ;
"en ce qu'il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que les notifications faites par le procureur général de la date à laquelle l'affaire serait appelée à l'audience devant la chambre de l'instruction ont été envoyées à l'exposant et à son conseil par télécopie du 5 juin 2015 pour une audience le 10 juin 2015 ;
"alors que le procureur général doit notifier soit par lettre recommandée soit par télécopie à chacune des parties et à son conseil la date à laquelle l'affaire sera appelée à l'audience ; qu'un délai minimum de 48 heures en matière de détention provisoire, et de cinq jours en toute autre matière, doit être observé entre la date d'envoi de la lettre recommandée ou de la télécopie et celle de l'audience ; que ni le jour d'expédition de la lettre ni celui auquel est fixée l'audience ne sont pris en compte dans le calcul du délai ; que lorsque la personne est détenue, la notification est faite, contre récépissé, par les soins du chef d'établissement pénitentiaire ; que les prescriptions de l'article 197 du code de procédure pénale qui ont pour objet de mettre, en temps voulu, les parties et leurs avocats en mesure de prendre connaissance du dossier, de produire leurs mémoires et, éventuellement, de présenter leurs observations à l'audience de la chambre de l'instruction, doivent être observées à peine de nullité ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que les notifications faites par le procureur général à l'exposant et à son conseil de la date à laquelle l'affaire serait appelée à l'audience devant la chambre de l'instruction ont été envoyées par télécopie du 5 juin 2015 pour une audience le 10 juin 2015 ; que dès lors ni M. Y... ni son conseil n'ont reçu notification de la date d'audience dans le délai légal et aucun mémoire n'a pu être déposé dans l'intérêt de l'exposant ; qu'en donnant à un avis favorable à l'extradition au terme d'une procédure irrégulière, la chambre de l'instruction a violé les textes et principes susvisés" ;
Attendu que les dispositions de l'article 197, alinéa 2, du code de procédure pénale ne sont pas applicables lorsque la chambre de l'instruction statue en matière d'extradition en application des articles 696-13 et 696-15 du même code ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 10 et 12 de la Convention européenne d'extradition du 19 décembre 1957, 696-4, 696-8, 696-15, 591 et 593 du code de procédure pénale, insuffisance de motifs ;
"en ce que la chambre de l'instruction, après avoir donné acte à l'exposant de ce qu'il ne consentait pas à être extradé et de ce qu'il ne renonçait pas à la règle de la spécialité et après avoir dit que la procédure d'extradition était régulière et qu'elle concernait l'intéressé, a donné un avis favorable à la demande d'extradition présentée par le gouvernement ukrainien ;
"aux motifs que M. Y... a fait l'objet d'un mandat d'arrêt international du 1er juin 2011, délivré par le tribunal de Kalush - Kalush City Court Ukraine, aux fins de poursuites pour des faits de vol avec arme commis le 11mars 2011 à Kalush, région de Ivano-Frankivsk Ukraine le 11 mars 2011, qu'il fait l'objet d'une demande d'arrestation provisoire aux fins d'extradition en date du 1er juin 2011 ; que M. Y... a été placé sous écrou extraditionnel le 14 avril 2015, au centre pénitentiaire d'Annoeullin ; qu'il est actuellement détenu à Annoeullin ; qu'il a reconnu que le mandat d'arrêt lui était applicable quant à l'identité ; que les faits tels qu'ils sont exposés dans les pièces de justice transmises par les autorités ukrainiennes, ont été commis sur le territoire ukrainien ; que les faits sont prévus et réprimés par le code pénal ukrainien et par la législation française et que les faits sont punis d'une peine privative de liberté d'un maximum d'au moins deux ans ; que les faits ne sont pas constitutifs d'infractions politiques et qu'ils peuvent donner lieu à extradition en application de la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 ; que M. Y... n'a pas donné son accord pour son extradition et n'a pas renoncé au principe de spécialité ; que la demande d'extradition est recevable et régulière ;
" 1°) alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance de motifs équivaut à l'absence de motifs ; que l'arrêt d'une chambre de l'instruction, statuant en matière d'extradition, doit répondre en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale ; que la demande d'extradition doit être accompagné de la copie d'un mandat d'arrêt ou tout autre acte ayant la même force renfermant l'indication précise du fait pour lequel il est délivré, la date de ce fait ainsi que la copie des textes de loi applicables aux faits dans le droit de l'Etat requérant ; que la chambre de l'instruction ne saurait, à tout le moins sans en justifier, s'émanciper de la qualification pénale des faits et du texte d'incrimination visés dans la demande d'extradition de l'Etat requérant ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, sans mieux s'expliquer sur le constat fait dans ses motifs d'une demande d'extradition pour des faits de « vol avec arme » cependant que la demande d'extradition visait exclusivement des faits prévus par le paragraphe 3 de l'article 187 du code pénal de l'Ukraine lequel incrimine le brigandage avec effraction et qu'aucun des paragraphes de l'article 187 ne vise des faits de brigandage commis « avec arme », la chambre de l'instruction n'a pas donné de base légale à sa décision ;
"2°) alors que l'extradition n'est pas accordée lorsque, d'après la loi de l'Etat requérant ou la loi française, la prescription de l'action publique s'est trouvée acquise antérieurement à la demande d'extradition, ou la prescription de la peine antérieurement à l'arrestation de la personne réclamée ; qu'en omettant de vérifier si, selon la loi ukrainienne ou la loi française, l'action publique n'était pas prescrite antérieurement à la demande d'extradition, la chambre de l'instruction n'a pas donné de base à sa décision ;
"3°) alors qu'en donnant un avis favorable à l'extradition de l'exposant sans rechercher si les faits prévus par l'article 187, § 3, du code pénal de l'Ukraine visés dans la demande d'extradition et constitutifs en droit français du délit de vol avec effraction n'étaient pas prescrits au regard de la loi française en l'état d'un mandat d'arrêt international délivré le 1er juin 2011 soit plus de trois ans avant la demande d'extradition présentée le 2 avril 2015, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Vu les articles 10 de la Convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 et 696-15 du code de procédure pénale ;
Attendu que, selon le premier de ces textes, l'extradition ne sera pas accordée si la prescription de l'action ou de la peine est acquise d'après la législation soit de l'Etat requérant, soit de l'Etat requis ;
Attendu que, selon le second, l'arrêt d'une chambre de l'instruction, statuant en matière d'extradition, doit répondre en la forme aux conditions essentielles de son existence légale ;
Attendu que, pour donner un avis favorable à la demande d'extradition, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il appartenait à la chambre de l'instruction, avant de donner son avis sur la demande d'extradition, de vérifier, au besoin d'office, si, au regard des lois ukrainienne et française, la prescription de l'action publique ne s'était pas trouvée acquise ou n'avait pas été régulièrement interrompue antérieurement à la demande d'extradition, l'arrêt ne remplit pas les conditions essentielles de son existence légale ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai, en date du 17 juin 2015, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Douai et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-trois septembre deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.
Crim. 23 septembre 2015 n° 14-83.389
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : Statuant sur les pourvois formés par :
- M. Mathieu X..., - M. Luc Y..., partie civile, - Mme Céline Y..., partie civile, - Mme Abdelheid Z..., épouse Y..., partie civile,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de RENNES, en date du 11 avril 2014, qui, dans l'information suivie contre le premier nommé des chefs de meurtre et de vol aggravé, a dit n'y avoir lieu à suivre du chef de meurtre et, pour le surplus, a retenu l'existence de charges suffisantes contre lui et l'a déclaré pénalement irresponsable pour cause de trouble mental ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 24 juin 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Caron, conseiller rapporteur, M. Castel, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Zita ;
Sur le rapport de Mme le conseiller CARON, les observations de la société civile professionnelle GHESTIN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LE BAUT ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
I-Sur le pourvoi formé par les parties civiles :
Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;
II-Sur le pourvoi formé par M. X...;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 311-1, 311-4, 311-13 et 311-14 du code pénal et de l'article 593 du code de procédure pénale ; défaut de motif et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré qu'il existe des charges suffisantes contre M. X...d'avoir à Port-la-Forêt, entre le 2 et le 3 juillet 2004, frauduleusement soustrait un bateau de course au préjudice de M. B... avec cette circonstance que les faits ont été précédés, accompagnés ou suivis de dégradations ;
" aux motifs que M. X...ne reconnaît pas avoir pris ce bateau, disant, lorsqu'il est entendu le 12 décembre 2006, dans un premier temps ne pas dire qu'il ne l'avait pas fait mais ne plus s'en souvenir, dans un second temps, " n'avoir rien à voir " avec le bateau ; que ces dénégations, faites près de deux ans et demi après les faits, constituent le seul élément à décharge ; qu'au regard de cette affirmation, il existe nombre d'éléments à charge qui désignent M. X...de manière certaine comme l'auteur de ce vol accompagné et suivi de dégradations importantes ; que sa présence sur le port ce soir-là est avérée ; qu'elle ressort de ses propres déclarations et des renseignements donnés dès le lendemain à sa mère et M. A..., chef des activités nautiques à l'école des Glénan, qui l'hébergeait ; que M. X...est parti de son domicile après une discussion téléphonique difficile avec son père et n'est pas rentré au point de susciter l'inquiétude de M. A...qui l'a recherché dans les bars de la ville ; que M. X...indique qu'en effet il s'est dirigé vers le port et qu'il a dormi dans un bateau dont il aurait poussé le hublot pour y pénétrer ; mais qu'il n'apparaît pas qu'un autre bateau que le " Foncia " se soit trouvé concerné par cette occupation ; que ce bateau a été vu vers 19 heures quittant le port piloté par un homme d'allure jeune et visiblement seul, selon le témoignage de M. B...; que M. X...admet, confirmant les appréciations sur ce point qu'il avait le bagage et les capacités pour piloter un tel monocoque et qu'il était mû par un fort désir de navigation ; qu'il pouvait ainsi mettre ce désir à exécution dans un moment difficile pour lui où, après son éviction en tant que moniteur, son hospitalisation et la discussion avec son père qui souhaitait le faire hospitaliser, il pouvait penser ne plus pouvoir naviguer pendant longtemps ; que le retour du bateau, retrouvé échoué sur les rochers du bois de Kersaux vers 7 heures 30, correspond à l'heure à laquelle M. X..., qui indique avoir été pris en stop, est réapparu à Concarneau, après 8 heures, puisqu'il a pu prendre connaissance du message à son intention que M. A...avait laissé à cette heure-ci à son intention ; que surtout sa présence dans ce bateau est établie par le manuscrit trouvé sur la table à cartes sur lequel il reconnaît son écriture, ce que confirme l'expertise graphologique et dont les mots écrits correspondent à sa personnalité et son esprit d'alors ; que l'explication qu'il suggère de l'apport de ce manuscrit par un tiers pour lui porter préjudice n'est pas crédible ; que l'ensemble de ces éléments convergent pour conclure à l'existence de charges suffisantes à son encontre d'avoir commis ces faits ;
" 1°) alors que M. X...avait démontré dans son mémoire produit devant la chambre de l'instruction qu'il existait plusieurs éléments du dossier montrant l'impossibilité pour lui d'être à bord du bateau volé lorsque celui-ci s'est échoué aux alentours de Concarneau le 3 juillet 2004 vers 7 heures 15 ; qu'il a notamment fait valoir que ce bateau était dépourvu d'annexe ce qui obligeait à rejoindre la terre à la nage et qu'il avait rejoint à environ 8 heures 15 sa mère puis M. A..., ce dernier le décrivant comme souriant et détendu et ne faisant état, pas plus que sa mère, de vêtements mouillés ; que la chambre de l'instruction, qui faisait les mêmes constatations horaires que celles invoquées par le demandeur, s'est bornée à affirmer que « le retour du bateau, retrouvé échoué sur les rochers du bois de Kersaux vers 7 heures 30, correspond à l'heure à laquelle M. X..., qui indique avoir été pris en stop, est réapparu à Concarneau, après 8 heures, puisqu'il a pu prendre connaissance du message à son intention que M. A...avait laissé à cette heure-ci à son intention » ; qu'en statuant de la sorte sans répondre au chef d'articulation essentiel de son mémoire, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés ;
" 2°) alors que M. X...faisait aussi valoir qu'il était matériellement impossible de rejoindre le port de Concarneau à 8 heures 15 depuis le bateau échoué loin du rivage vers 7 heures 15, en raison du courant de marée descendante, de l'éloignement du lieu d'échouage situé au Sud de la ville supposant après le trajet à la nage, de faire le tour du port, soit un trajet d'au moins une heure et demi, compte tenu d'un trajet à pied compris entre 1 heure et 1 heures et demi, et il en déduisait qu'il n'avait donc pas pu être l'auteur du vol du bateau ; qu'en se bornant à affirmer que le retour du bateau échoué correspondait à la présence de M. X...après 8 heures au centre de Concarneau sans répondre à la démonstration contraire invoquée dans le mémoire, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés ;
" 3°) alors qu'il soutenait aussi que le fait de laisser le bateau s'échouer sur des récifs révélait de piètres qualités de marin, ce qui n'était pas compatible avec son aptitude, confirmée par ses diplômes de moniteur, au pilotage d'un bateau de course tel celui de M. M. B... ; que la chambre de l'instruction qui a précisément retenu cette aptitude pour affirmer qu'il avait pu être l'auteur du vol, ne s'est pas expliquée sur l'anomalie résultant de l'échouage du bateau et a, de ce chef encore, violé les textes susvisés " ;
Attendu que, pour retenir qu'il existe, à l'encontre M. X..., des charges suffisantes d'avoir commis les faits de vol avec dégradation qui lui étaient reprochés, la chambre de l'instruction prononce par les motifs reproduits au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs répondant aux articulations essentielles du mémoire dont elle était saisie, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen, qui revient à critiquer les énonciations souveraines de l'arrêt relatives aux charges que la chambre de l'instruction a retenues, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-trois septembre deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.
Crim. 22 septembre 2015 n° 14-84.039
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Gérard X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de NÎMES, chambre correctionnelle, en date du 25 avril 2014, qui, pour excès de vitesse, l'a condamné à 450 euros d'amende et trois mois de suspension du permis de conduire ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 23 juin 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Finidori, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Hervé ;
Sur le rapport de M. le conseiller FINIDORI, les observations de la société civile professionnelle SPINOSI ET SUREAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DESPORTES ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 6, 7, 9, 531, 550, 551, 555, 558, 559, 560, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la cour d'appel a rejeté les exceptions de nullité de la citation et de prescription soulevées in limine litis, a déclaré l'exposant coupable du chef d'excès de vitesse et l'a condamné à 450 euros d'amende ainsi qu'à la suspension de son permis de conduire pendant trois mois ;
" aux motifs que M. X...fait valoir que la citation qui a été délivrée à « Parquet » alors même que l'officier du ministère public disposait de tous les éléments lui permettant de connaître son adresse, de par les procédures devant la juridiction de proximité d'Avignon et la chambre criminelle de la Cour de cassation ; qu'il fait valoir que contrairement à ce que soutient la juridiction de proximité de Carpentras, la question n'est pas tant de savoir s'il a eu en cours de procédure sa résidence rue M...à Villeurbanne, ce qui est au demeurant inexact ; que l'huissier n'ayant trouvé personne à l'adresse déclarée, sans avoir à vérifier que l'intéressé y demeurait effectivement, n'a pas effectué les diligences auxquelles il était astreint par les dispositions des alinéas 2 et 4 de l'article 558 du code de procédure pénale de sorte qu'il y a lieu de prononcer la nullité de la citation à comparaître devant la juridiction de proximité de Carpentras délivrée à « Parquet » ; qu'attendu que le 11 décembre 2012, il a été délivré une citation à parquet après une citation en date du 29 août 2012 délivrée au prévenu à l'adresse suivante « 20 rue M...à Villeurbanne » ; que l'huissier n'a trouvé personne et inscrit « NPAI ¿ Bâtiment condamné » ; que M. X...soutient que cette adresse n'a jamais été la sienne et déclare que le parquet connaissait parfaitement son adresse à savoir « 10 rue N... à Villeurbanne » que cette adresse figure notamment sur la carte grise de son véhicule à bord duquel il a été verbalisé le 4 mai 2008 comme dans les différentes pièces de la procédure notamment sur la chemise de transmission de l'arrêt de la Cour de cassation en date du 13 avril 2012 mais également sur les différents jugements et notes d'audience antérieures à l'arrêt de la Cour de cassation en date du 15 février 2012 et alors même qu'il était représenté par son conseil ; qu'il n'a par ailleurs jamais notifié son changement d'adresse auprès des greffes des différentes juridictions ; que dès lors l'officier du ministère public était bien fondé à citer M. X...au « 20 rue M...à Villeurbanne » ; que la procédure a été parfaitement respectée puisque ce dernier n'ayant pas été trouvé à cette adresse, l'huissier, conformément aux dispositions des alinéas 2 et 4 de l'article 558 du code de procédure pénale a délivré une citation à parquet ; qu'il convient dès lors de rejeter ce moyen de nullité ; qu'attendu que le second moyen tiré de la prescription ne saurait prospérer puisque la citation du 11 décembre 2012 a interrompu le cours de la prescription, le jugement querellé ayant été rendu le 18 septembre 2013, soit dans l'année suivant cette citation ; qu'attendu que les faits sont établis par les constatations régulières des procès-verbaux et que l'infraction reprochée à M. X...est caractérisée en tous ses éléments ; que dès lors le tribunal de police a fait une juste analyse des faits en déclarant M. X...coupable des faits qui lui sont reprochés » ;
" 1°) alors que, selon l'article 559 du code de procédure pénale, c'est seulement dans le cas où la personne visée par l'exploit est sans domicile ou résidence connus, que l'huissier de justice remet une copie de l'exploit au procureur de la République du Parquet du tribunal saisi ; que cette formalité est légalement dépourvue d'effets si la condition exigée par cet article n'est pas remplie ; qu'en l'espèce, l'officier du Ministère public disposait, de par les précédentes procédures devant la juridiction de proximité d'Avignon et la Chambre criminelle de la Cour de cassation, d'éléments suffisants lui permettant de savoir qu'il habitait au « 10 rue N... à Villeurbanne » ; que cette adresse figurait notamment sur un jugement avant-dire-droit du 19 mai 2010 ; que l'huissier de justice s'est pourtant rendu le 29 août 2012 à l'adresse « 20 rue M...à Villeurbanne », où il n'a trouvé personne et indiqué « NPAI-Bâtiment condamné » ; qu'en conséquence, une citation à parquet a été délivrée le 11 décembre 2012, sans que la condition prévue par la loi soit remplie ; que c'est dès lors en violation de la loi que la Cour d'appel a refusé d'en prononcer l'annulation ;
" 2°) alors que, pour la régularité de la signification au parquet, des recherches doivent avoir été entreprises afin de s'assurer que le domicile ou le siège social de la personne qu'il recherche est réellement inconnu ; qu'en s'abstenant de relever la moindre démarche effectuée par l'huissier ou par le procureur de la République en vue de découvrir la véritable adresse de M. X..., la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
" 3°) alors qu'en matière contraventionnelle, la prescription de l'action publique est d'une année révolue ; qu'en l'espèce, l'arrêt de la chambre criminelle ayant cassé le jugement de la juridiction de proximité d'Avignon du 18 mai 2011 a été rendu le 15 février 2012 ; que plus d'une année s'est écoulée entre la date à laquelle cet arrêt a été signifié à M. X...et celle du mandement de citation du 23 avril 2013 ; que la citation à parquet du 11 décembre 2012, nulle en ce que la véritable adresse de M. X...était connue, n'a pu interrompre la prescription ; qu'en conséquence, c'est à tort que la cour d'appel a rejeté le moyen tiré de la prescription de l'action publique " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, du jugement qu'il confirme et des pièces de procédure que M. X...a usé de deux adresses, à savoir : 20 rue M...à Villeurbanne (Rhône) et 10 rue N... en cette même ville ; que, sur renvoi après cassation, l'officier du ministère public près la juridiction de proximité de Carpentras a tenté de le faire citer à la première de ces adresses, mais l'huissier commis a établi un procès-verbal de tentative de perquisition indiquant que le prévenu n'habitait pas à l'adresse indiquée et que le bâtiment était " condamné " ; que le 11 décembre 2012, la personne visée dans l'acte étant sans domicile ou résidence connus, l'huissier a remis une copie de l'exploit au parquet du procureur de la République du tribunal saisi ; que, condamné par défaut, M. X...a formé opposition et a soulevé la nullité de la citation ainsi que la prescription de l'action publique, motif pris de ce qu'il résultait de l'examen de la procédure que le ministère public avait connaissance de sa véritable adresse, 10 rue N... à Villeurbanne ; que la juridiction de proximité a rejeté cette argumentation, a déclaré le prévenu coupable de la contravention d'excès de vitesse et que celui-ci a relevé appel de cette décision ;
Attendu que, pour confirmer le jugement ayant écarté l'exception de prescription, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision dès lors que la Cour de cassation est en mesure de s'assurer par l'examen des pièces de procédure qu'à la suite de l'arrêt rendu par elle le 15 février 2012, la prescription de l'action publique a été interrompue par les mandements de citation délivrés par l'officier du ministère public les 4 juillet 2012 et 23 avril 2013 ;
D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-deux septembre deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.
Crim. 22 septembre 2015 n° 13-82.681
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Mme Florence X..., partie civile,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 2e section, en date du 11 mars 2013, qui a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction refusant d'informer et se déclarant incompétent sur sa plainte des chefs de faux en écriture publique aggravé et usages, tentative d'escroquerie au jugement et complicité ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 23 juin 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Buisson, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Hervé ;
Sur le rapport de M. le conseiller BUISSON, les observations de la société civile professionnelle YVES et BLAISE CAPRON, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DESPORTES ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 441-1 et 441-4 du code pénal et 85, 86, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance, en date du 21 juin 2012, par laquelle le magistrat instructeur a dit n'y avoir lieu à informer sur certains des faits dénoncés dans la plainte avec constitution de partie civile déposée par Mme X... le 27 décembre 2011 et s'est déclaré territorialement incompétent pour informer sur la procédure ouverte à la suite de la plainte avec constitution de partie civile déposée par Mme X... le 27 décembre 2011, en ce qui concerne plusieurs autres des faits dénoncés dans cette plainte ;
" aux motifs que s'agissant du faux, ¿ constitue cette infraction toute altération de la vérité de nature à causer un préjudice, que cependant l'altération de la vérité à apprécier doit porter sur la substance même de l'acte contesté ; que s'agissant des faux invoqués commis sur la situation fiscale de Mme X... pour les années 1998, 1999 et 2000, ayant donné lieu à la notification de redressement du 13 août 2002, faux qui porteraient sur l'adresse de la plaignante, qui selon elle, n'était plus au ...à Paris 16e, mais au Portets en Gironde, sur le fait que les services fiscaux connaissaient parfaitement cette adresse en raison de sa déclaration de succession effectuée en 2000, auprès de la direction des services de Gironde, quand l'administration fiscale avait été informée de son nouveau domicile, par une lettre du 6 juillet 2002, et au motif qu'elle était l'objet à la même époque d'une vérification fiscale diligentée par les services fiscaux de la Gironde, dont il est résulté une notification de redressement du 28 mars 2003, qu'il apparaît que l'irrégularité alléguée découlant de l'adresse n'est pas de nature à qualifier de faux la notification de redressement critiquée, qui n'est pas un document falsifié ou fabriqué, car correspondant à de véritables opérations de contrôle ; que par ailleurs la procédure relatée dans ce document du 13 août 2002, fait état d'un avis de vérification préalable adressée le 13 août 2001, envoyé par lettre recommandée, qui a été retourné avec la mention " non réclamé ", d'une convocation à un entretien du 29 mars 2002, renvoyée " non réclamée ", que la notification contestée du 13 août 2002 a été expédiée par lettre recommandée avec accusé de réception, qu'elle a été retournée avec la mention " non réclamé " et non pas avec celle : " n'habite plus à l'adresse indiquée ", que la situation de domicile de Mme X... n'est ainsi pas celle que cette dernière affirme, la poste ayant inscrit sur l'avis de réception le 14 août 2002 : " avisé absent " ; qu'il apparaît que Mme X... a fait intervenir, pour sa situation fiscale, un élu de Gironde auprès du ministre délégué au budget qui le 26 février 2004 répondait à un courrier qui lui avait été adressé, ce qui suit : " vous avez appelé mon attention sur la situation de Mme X... demeurant... dans le 16e arrondissement de Paris à la suite des différents contrôles fiscaux dont elle a fait l'objet ", ce qui laisse supposer que la plaignante s'était prévalue de cette adresse auprès du député intervenant, élu de Gironde ; que les services ministériels précisaient par écrit, ayant examiné la situation globale ; " s'agissant plus particulièrement des années 2000 et 2001 l'intéressée s'est abstenue de souscrire ses déclarations de revenus malgré l'envoi de mises en demeure ", ce qui a privé l'administration fiscale de la possibilité de localiser avec certitude la commune de rattachement de Mme X..., ses déclarations de revenus n'ayant été souscrites ni à Paris ni en Gironde ; que Mme X... se prévaut d'un courrier du 6 juillet 2002, mentionné le 9 décembre 2005, qui aurait été volontairement ignoré des services fiscaux, qu'elle informait de son changement d'adresse, pour un départ en Gironde, que l'administration fiscale dans le rejet de réclamation du 9 décembre 2005, ne fait que relater le grief de Mme X... concernant cette correspondance, en indiquant que si cette lettre a bien été enregistrée, qu'elle était effectivement parvenue aux services, il était expressément expliqué les raisons pour lesquelles aucune suite n'y avait été apportée, que celles-ci ont été amplement développées comme suit par les services fiscaux en réponse aux arguments et contestations de la contribuable qui dénonçait l'adresse retenue à Paris 16e : En cas de changement d'adresse personnelle, il y a lieu de préciser que le contribuable, même s'il a porté à la connaissance de l'administration fiscale ses nouvelles coordonnées, est tenu de confirmer cette information lors du dépôt de sa déclaration de revenus. En cas particulier, n'ayant pas respecté vos obligations déclaratives, vous n'avez pu effectuer la démarche qui vous incombait en conséquence. En l'absence de précisions dans le courrier du 6 juillet 2002 et, de surcroît, de dépôt d'une déclaration venant attester le changement de votre adresse personnelle, l'administration était fondée à considérer que l'adresse de Portets était uniquement celle de votre activité professionnelle. En effet, il résulte de l'examen de votre dossier que vous avez à plusieurs reprises déclaré avoir pour adresse fiscale le ... à Portets (Gironde), tout en indiquant y avoir emménagé à des dates différentes. On ne peut donc que relever l'incohérence de vos déclarations sur ce point ainsi, vous avez indiqué dans un courrier ne plus habiter à cette adresse depuis 1998 pour ensuite affirmer avoir quitté Paris, après avoir cessé vos activités journalistiques (soit en 1999). Vous aviez en effet mentionné l'adresse du 17, rue Van Loo à Paris 16e comme étant votre adresse personnelle sur la déclaration de constitution de la SARL Edeucom, dont le siège se trouvait à la même adresse (imprimé daté du 13 février 1999). Toutefois, si vous soutenez avoir quitté Paris au plus tard en 1999, il apparaît que l'adresse du ...figure sur votre carte officielle de presse de l'année 2000 et sur l'en-tête de votre courrier du 29 mars 2000. Que dans ses conclusions produites devant la 11ème chambre du tribunal de grande instance de Paris le 31 janvier 2005, votre conseil a indiqué que vous aviez quitté Paris au cours du premier trimestre 2000 pour vous installer à Portets (Gironde), alors que dans un courrier daté du 16 juin 2001, vous mentionnez encore le ...à Paris 16e, comme étant votre adresse personnelle. A titre supplétif, il est fait observer que la demande de déclaration (imprimé 2011) adressée, le 11 juillet 2003, sous pli recommandé au 17, rue Van Loo à Paris, a été retournée avec la mention " non réclamé retour à l'envoyeur " et non " n'habite pas à l'adresse indiquée ". Compte tenu de tous ces éléments, il apparaît que les contradictions qui ressortent de vos déclarations successives ont eu pour effet d'entretenir une certaine confusion sur le lieu exact de votre domicile. C'est donc à bon droit que le service a considéré qu'au titre de l'année 2002, votre adresse de la rue Van Loo à Paris 16e était toujours celle de votre résidence principale, d'après les éléments figurant dans votre dossier fiscal, il s'avère que vous n'avez effectivement quitté l'appartement du ...qu'à la mi-janvier 2004 (vous êtes donc, de ce fait, redevable de la taxe d'habitation à titre principal au titre des années 2002, 2003 et 20004 et que vous avez bien indiqué l'adresse de Portets sur votre déclaration de revenus de l'année 2004 déposée au centre des impôts de Langon (Gironde). En conséquence, il y a lieu de considérer que vous avez déménagé à titre définitif en 2004 et qu'ainsi votre résidence principale n'a été fixée qu'à compter de cette année, au ... à Portets ; que votre réclamation ne peut donc qu'être rejetée sur ce point " ; qu'il résulte des éléments précis, détaillés et circonstanciés ci-dessus relatés que l'administration fiscale a expliqué à Mme X... les raisons justifiant le maintien de son adresse fiscale au ...à Paris 16e, ce qui n'a pas constitué une altération volontaire de la vérité mais une position étayée ; qu'en conséquence, la plaignante ne peut pas soutenir que les services fiscaux auraient retenu une fausse adresse la concernant ou que ceux-ci auraient ignoré la déclaration fiscale de succession qu'elle a effectuée auprès des services fiscaux de Gironde, cela d'autant que la saisine d'un notaire de Bordeaux pour régler la succession de son père, laisse supposer que le lieu du décès et celui d'ouverture de la succession se trouvaient en Gironde, ce qui justifiait en dépit d'une résidence principale éventuelle à Paris, une déclaration de succession dans ce département ; qu'il résulte de tout ce qui précède que la notification de redressement du 13 août 2002 n'est manifestement pas un faux, ce document ne mentionnant par ailleurs à aucun moment que la plaignante exercerait l'activité de consultant en communication, ce point étant de surcroît, sans grand intérêt, le redressement notifié l'ayant été sur les années 1999 et 2000, au motif de revenus à l'origine indéterminée en 1999 et faute de toute déclaration sur l'année 2000, donc suite à un défaut complet de renseignements sur la nature professionnelle des revenus de la contribuable ; que s'agissant du faux en écriture commis le 3 juin 2005 à l'occasion de la notification de rejet de la réclamation portant sur l'impôt sur le revenu et la CSG des années 1999 et 2000, que Mme X... ne peut pas soutenir que l'administration fiscale a allégué de manière fausse qu'elle n'avait pas changé d'adresse, et qu'il a été commis un faux un écriture publique en indiquant qu'elle n'avait jamais fait part de sa modification d'adresse, puisque les services fiscaux ont clairement mentionné les motifs pour lesquels ils ont considéré le changement de domicile de la contribuable comme inopérant, cela le 9 décembre 2005, mais également dans le document du 3 juin 2005 en écrivant : " en effet, la déclaration de revenus de l'année 1999 a été souscrite le 25 mars 2000 sans mentionner aucune adresse à Portets contrairement au déménagement que vous souhaitez faire valoir dès 1999. La déclaration de revenus 2000 n'a été souscrite ni à Paris ni en Gironde. En outre la présente demande introduite par le cabinet d'avocat Scpa Mat-Cg a pour objet : réclamation contentieuse par Mme X...
...75016 Paris " ; que dès lors les faits invoqués ne peuvent pas recevoir manifestement de qualification pénale ; que, s'agissant de la tentative d'escroquerie au jugement au titre de l'impôt sur le revenu 2001, à l'occasion de la déclaration de créance de M. le trésorier de Paris 16e aux procédures collectives de Mme X..., que pour démontrer la tentative invoquée la plaignante indique que le trésorier de Paris 16e a sollicité l'admission de sa créance à hauteur du montant total de l'impôt sur le revenu 2001, déduction faite d'un premier dégrèvement, mais sans mentionner que l'impôt 2001 était encore l'objet d'une contestation en cours, qu'en conséquence, la plaignante ne dénonce pas l'existence de faux mais la dissimulation de documents et/ ou d'informations, dans la procédure dont elle est l'objet, que dans ces conditions, il convient effectivement de constater l'absence de plainte simple préalable pour ce délit évoqué dans la plainte avec constitution de partie civile, qui est irrecevable de ce chef en application des dispositions de l'article 85, alinéa 2, du code de procédure pénale ; sur le faux et usage de faux qui aurait été commis par l'administration fiscale au titre de l'impôt sur le revenu 2006 à l'occasion de la déclaration de créance de M. le trésorier de Paris 16e, du 29 septembre 2010, aux motifs que ce service a déclaré des créances correspondant aux taxes 2004 et 2005, ainsi que pour l'IR 2006, alors que la plaignante n'était plus domiciliée à Paris, les impôts 2004 et 2005 lui ont été réclamés par la trésorerie de Podensac et qu'elle a effectué sa déclaration de revenus pour l'année 2006 en Gironde, que la déclaration de créance contestée ne peut manifestement pas être qualifiée de faux dans la mesure où la situation dénoncée par Mme X... résulte des difficultés qu'elle a elle-même créées, s'agissant de son adresse ; que de plus elle n'établit pas que la somme fixée au titre de l'impôt sur le revenu 2006 qu'elle critique, ne serait pas due et ne correspondrait pas à la réalité, qu'elle l'aurait réglée, que par ailleurs l'examen des états de déclarations effectuées par les services fiscaux permet de constater que la somme due au titre de l'IR 2006 n'a pas été mentionnée dans la déclaration de créances effectuée par le trésorier de Podensac dans le cadre de la liquidation judiciaire prononcée le 19 septembre 2008 à l'encontre de Mme X... dans son état du 24 septembre 2010, l'ayant été exclusivement dans celui du trésorier de Paris 16e du 29 septembre 2010 ; que s'agissant des infractions qui auraient été commises par les services fiscaux de la Gironde, les faits dénoncés ne sont manifestement pas susceptibles de constituer des infractions pénales mais tout au plus des irrégularités de nature administrative soumis à régularisation, qu'en effet Mme X... fait état d'une double vérification de comptabilité dont elle a été l'objet, l'une portant sur les années 1999 et 2000 conduite par les services fiscaux de Paris/ Ouest et la seconde qui a porté sur une période qui n'est pas strictement identique, soit sur les années 1999, 2000 et 2001 par les services fiscaux de la Gironde, que cependant comme cela a été précédemment rappelé, pour les années à considérer, particulièrement sur 2000 et 2001, les services fiscaux ont dénoncé l'absence de domiciliation fiscale de la plaignante, son défaut de déclaration d'impôts, et l'incohérence de ces déclarations quant à son adresse réelle, situation qui a favorisé le double contrôle à ce jour dénoncé ; que le même constat doit être fait s'agissant des contestations soulevées par la plaignante sur la prise en compte de deux factures relatives à son stock et à des livraisons, pour son activité professionnelle, s'agissant d'un problème d'appréciation comptable, de vérification de la réalité de certaines opérations à prendre en compte, soumis à la discussion du contribuable, ce qui ne constitue pas des infractions ou des faux imputables à l'administration fiscale, mais des éléments à justifier qui s'inscrivent dans le cadre du contrôle fiscal Mme X..., s'agissant des mentions de l'administration fiscale qui visent dans la notification de redressement du 28 mars 2003 la " comptabilité présentée " et " l'absence de cette même comptabilité ", celles-ci couvrent des différences de situations, la comptabilité inexistante étant relative au livre journal, aux livres d'inventaires, et aux états des stocks, la comptabilité présentée portant sur d'autres documents, d'ailleurs incomplets, le tout étant en tout état de cause, soumis aux observations du contribuable et à des justifications possibles de sa part ; que pour les contradictions qui existeraient entre la notification de redressement réalisée par les services fiscaux de Paris/ Ouest et celle effectuée par ceux de Gironde, que ces distinctions résultent des opérations de contrôle fiscal qui ont porté sur des périodes distinctes, pour l'une 1999/ 2000/ 2001 et pour l'autre 2000/ 2001, que si des différences peuvent être constatées, celles-ci ne sont pas la conséquence de faux qui ne sont d'ailleurs ni précisées ni articulés par la plaignante, que l'altération de la vérité ne saurait résulter de la simple affirmation qu'il existe une contrariété de montants entre les deux redressements dénoncés, qui ont pu être conduits selon des méthodes distinctes ; que s'agissant des infractions qui auraient été commises par les services fiscaux de Gironde à l'occasion du paiement des droits de succession suite au décès du père de Mme X..., que compte tenu tant des irrecevabilités ci-dessus constatées que de l'absence de qualification pénale applicable aux faits exposés, qu'une connexité ne peut pas être appliquée ; que pour le surplus, il doit être effectivement relevé que les faits invoqués portent sur une déclaration de succession effectuée à Bordeaux, une action de l'administration fiscale départementale de la Gironde, une lettre recommandée adressée par ces services à la plaignante à Portets qui n'aurait jamais été reçue et une mise en cause de la caisse d'épargne Aquitaine/ nord, qu'il résulte de ces éléments en application des dispositions des articles 43 et 52 du code de procédure pénale, que le juge d'instruction a justement soulevé l'incompétence territoriale du tribunal de grande instance de Paris ; qu'en définitive, au regard de tout ce qui précède il convient de confirmer l'ordonnance entreprise ;
" 1°) alors que les juridictions d'instructions régulièrement saisies d'une plainte avec constitution de partie civile ne peuvent dire n'y avoir lieu à informer sur les faits dénoncés par la partie civile sans avoir vérifié, par une information préalable, la réalité des faits dénoncés dans la plainte avec constitution de partie civile ; qu'en disant, dès lors, n'y avoir lieu à informer sur certains des faits X... le 27 décembre 2011, sans indiquer à quelles investigations préalables de nature à permettre de vérifier la réalité de ces faits le magistrat instructeur ou elle-même avaient procédé, la chambre de l'instruction de la cour d'appel a violé les stipulations et les dispositions susvisées ;
" 2°) alors que les juridictions d'instructions régulièrement saisies d'une plainte avec constitution de partie civile ne peuvent dire n'y avoir lieu à informer sur les faits dénoncés par la partie civile que si, pour des causes affectant l'action publique elle-même, les faits ne peuvent légalement comporter une poursuite, que si, à supposer ces faits démontrés, ils ne peuvent admettre aucune qualification pénale ou que s'il est établi, de façon manifeste, que les faits dénoncés par la partie civile n'ont pas été commis ; qu'en estimant, dès lors, pour dire n'y avoir lieu à informer sur les faits de faux tenant à l'indication dans une notification de redressement en date du 13 août 2002 que l'adresse de Mme X... était située à Paris dénoncés dans la plainte avec constitution de partie civile déposée par Mme X... le 27 décembre 2011, que la notification de redressement du 13 août 2002 n'était manifestement pas un faux, quand, en l'état de ses constatations selon lesquelles l'administration fiscale avait reçu une lettre du 6 juillet 2002, par laquelle Mme X... lui avait fait part que son adresse était située en Gironde et selon lesquelles Mme X... avait fait l'objet, de la part des services fiscaux de la Gironde, d'une seconde vérification de comptabilité qui portait, comme celle dont elle avait fait l'objet de la part des services fiscaux de Paris, sur les années 1999 et 2000, il ne pouvait être regardé comme établi, de façon manifeste, que ces faits de faux n'avaient pas été commis, la chambre de l'instruction de la cour d'appel a violé les stipulations et dispositions susvisées ;
" 3°) alors que les juridictions d'instructions régulièrement saisies d'une plainte avec constitution de partie civile ne peuvent dire n'y avoir lieu à informer sur les faits dénoncés par la partie civile que si, pour des causes affectant l'action publique elle-même, les faits ne peuvent légalement comporter une poursuite, que si, à supposer ces faits démontrés, ils ne peuvent admettre aucune qualification pénale ou que s'il est établi, de façon manifeste, que les faits dénoncés par la partie civile n'ont pas été commis ; qu'en estimant, dès lors, pour dire n'y avoir lieu à informer sur les faits de faux et usage commis lors de la déclaration de créance faite par le trésorier de Paris 16e en date du 29 septembre 2010, tenant à ce l'adresse de Mme X... n'était pas située à Paris pendant la période au titre de laquelle elle avait été faite, que cette déclaration de créance ne pouvait manifestement pas être qualifiée de faux, quand, en l'état de ses constatations selon lesquelles l'administration fiscale avait reçu une lettre du 6 juillet 2002, par laquelle Mme X... lui avait fait part que son adresse était située en Gironde et selon lesquelles Mme X... avait fait l'objet, de la part des services fiscaux de la Gironde, d'une seconde vérification de comptabilité qui portait, comme celle dont elle avait fait l'objet de la part des services fiscaux de Paris, sur les années 1999 et 2000, il ne pouvait être regardé comme établi, de façon manifeste, que ces faits de faux et usage de faux n'avaient pas été commis, la chambre de l'instruction de la cour d'appel a violé les stipulations et dispositions susvisées ;
" 4°) alors que les infractions de faux et usage de faux ne supposent pas, pour être constituées, l'existence d'un préjudice consommé, mais seulement l'existence d'un préjudice éventuel ou possible ; qu'en énonçant, par conséquent, pour retenir que la déclaration de créance faite par le trésorier de Paris 16ème en date du 29 septembre 2010 ne pouvait manifestement pas être qualifiée de faux et pour dire n'y avoir lieu à informer sur les faits de faux et usage commis lors de cette déclaration de créance, tenant à ce l'adresse de Mme X... n'était pas située à Paris pendant la période au titre de laquelle elle avait été faite, que Mme X... n'établissait pas que la somme fixée au titre de l'impôt sur le revenu 2006 qu'elle critiquait ne serait pas due et ne correspondrait pas à la réalité, qu'elle l'aurait réglée et que cette somme n'avait pas été mentionnée dans la déclaration de créances effectuée par le trésorier de Podensac, mais exclusivement dans celle faite par le trésorier de Paris 16e en date du 29 septembre 2010, quand ces circonstances n'excluaient nullement l'existence d'un préjudice éventuel ayant résulté pour Mme X... des faits de faux et usage de faux litigieux, la chambre de l'instruction de la cour d'appel a violé les stipulations et dispositions susvisées ;
" 5°) alors que les juridictions d'instructions régulièrement saisies d'une plainte avec constitution de partie civile ne peuvent dire n'y avoir lieu à informer sur les faits dénoncés par la partie civile que si, pour des causes affectant l'action publique elle-même, les faits ne peuvent légalement comporter une poursuite, que si, à supposer ces faits démontrés, ils ne peuvent admettre aucune qualification pénale ou que s'il est établi, de façon manifeste, que les faits dénoncés par la partie civile n'ont pas été commis ; qu'en disant n'y avoir lieu à informer sur les faits de faux tenant à l'absence de prise en compte, dans une notification de redressement en date du 13 août 2002, de la déclaration de succession, régulièrement enregistrée, du père de Mme X..., sans motiver, d'une quelconque manière, sa décision sur ce point, la chambre de l'instruction de la cour d'appel a violé les stipulations et les dispositions susvisées ;
" 6°) alors que les juridictions d'instructions régulièrement saisies d'une plainte avec constitution de partie civile ne peuvent dire n'y avoir lieu à informer sur les faits dénoncés par la partie civile que si, pour des causes affectant l'action publique elle-même, les faits ne peuvent légalement comporter une poursuite, que si, à supposer ces faits démontrés, ils ne peuvent admettre aucune qualification pénale ou que s'il est établi, de façon manifeste, que les faits dénoncés par la partie civile n'ont pas été commis ; qu'en se fondant, par conséquent, pour retenir que les faits de faux tenant aux mentions de la décision en date du 3 juin 2005 de rejet de la réclamation de Mme X... portant sur l'impôt sur le revenu et à la contribution sociale généralisée dus au titre des années 1999 et 2000 ne pouvaient pas recevoir manifestement de qualification pénale, sur les seuls motifs avancés par les services fiscaux pour justifier leur position, sans apprécier elle-même, indépendamment de la justification avancée par les services fiscaux, si ces faits, à les supposer établis, pouvaient admettre une qualification pénale, la chambre de l'instruction de la cour d'appel a violé les stipulations et les dispositions susvisées " ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 441-1 et 441-4 du code pénal et des articles 51, 80, 85, 86, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a constaté l'irrecevabilité de la plainte avec constitution de partie civile déposée par Mme X... le 27 décembre 2011 en ce qui concerne certains des faits dénoncés dans cette plainte et a confirmé l'ordonnance, en date du 21 juin 2012, par laquelle le magistrat instructeur s'est déclaré territorialement incompétent pour informer sur la procédure ouverte à la suite de la plainte avec constitution de partie civile déposée par Mme X... le 27 décembre 2011, en ce qui concerne plusieurs autres des faits dénoncés dans cette plainte ;
" aux motifs que s'agissant de la tentative d'escroquerie au jugement au titre de l'impôt sur le revenu 2001, à l'occasion de la déclaration de créance de M. le trésorier de Paris 16e aux procédures collectives de Mme X..., que pour démontrer la tentative invoquée la plaignante indique que le trésorier de Paris 16e a sollicité l'admission de sa créance à hauteur du montant total de l'impôt sur le revenu 2001, déduction faite d'un premier dégrèvement, mais sans mentionner que l'impôt 2001 était encore l'objet d'une contestation en cours, qu'en conséquence, la plaignante ne dénonce pas l'existence de faux mais la dissimulation de documents et/ ou d'informations, dans la procédure dont elle est l'objet, que dans ces conditions, il convient effectivement de constater l'absence de plainte simple préalable pour ce délit évoqué dans la plainte avec constitution de partie civile, qui est irrecevable de ce chef en application des dispositions de l'article 85, alinéa 2, du code de procédure pénale ;
" 1°) alors que les juridictions d'instructions qualifient librement les faits dont elles sont saisies et au regard desquels elles ont l'obligation d'informer ; qu'il en résulte, notamment, qu'il n'importe, pour l'application des dispositions de l'article 85, alinéa 2, du code de procédure pénale, que la partie civile ait improprement qualifié l'infraction pouvant être constituée par les faits qu'elle dénonce ; qu'en énonçant, par conséquent, pour retenir que la plainte avec constitution de partie civile déposée par Mme X... le 27 décembre 2011 était, en application des dispositions de l'article 85, alinéa 2, du code de procédure pénale, irrecevable en ce qui concerne certains des faits dénoncés dans cette plainte, que Mme X... ne dénonçait pas l'existence de faux, mais la dissimulation de documents et/ ou d'informations dans la procédure collective dont elle faisait l'objet, la chambre de l'instruction de la cour d'appel, à laquelle il appartenait de qualifier elle-même ces faits, a violé les stipulations et les dispositions susvisées ;
" 2°) alors qu'il est du devoir des juridictions d'instructions d'examiner les faits qui leur sont soumis sous la plus haute qualification pénale qu'ils sont susceptibles de recevoir ; que constitue un usage de faux tout usage d'une pièce affectée d'une altération frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice, dans un écrit qui a pour objet ou qui peut avoir pour effet d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques, tenant à la dissimulation volontaire, dans cet écrit, de documents ou d'informations ; qu'en énonçant, dès lors, pour retenir que la plainte avec constitution de partie civile déposée par Mme X... le 27 décembre 2011 était, en application des dispositions de l'article 85, alinéa 2, du code de procédure pénale, irrecevable en ce qui concerne certains des faits dénoncés dans cette plainte, que Mme X... ne dénonçait pas l'existence de faux, mais la dissimulation de documents et/ ou d'informations dans la procédure collective dont elle faisait l'objet, quand la dissimulation de documents et/ ou d'informations dans la déclaration de créance litigieuse effectuée par le trésorier de Paris 16e était de nature à caractériser le crime d'usage de faux commis dans une écriture publique ou authentique commis par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public agissant dans l'exercice de ses fonctions ou de sa mission invoqué par Mme X..., la chambre de l'instruction de la cour d'appel a violé les stipulations et dispositions susvisées ;
" 3°) alors que, en retenant que la plainte avec constitution de partie civile déposée par Mme X... le 27 décembre 2011 était irrecevable en ce qui concerne les faits d'usage de faux et de tentative d'escroquerie au jugement, tenant à l'absence d'information par les services fiscaux du juge-commissaire de la procédure collective dont Mme X... a fait l'objet, relativement à l'impôt sur le revenu et à la contribution sociale généralisée dus au titre des années 1999 et 2000, des dégrèvements en date du 26 mars 2004 et du 6 septembre 2006, sans motiver, d'une quelconque manière, sa décision sur ce point, la chambre de l'instruction de la cour d'appel a violé les stipulations et les dispositions susvisées " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que, pour confirmer l'ordonnance du juge d'instruction portant refus d'informer sur les faits dénoncés par la partie civile, la chambre de l'instruction, après avoir analysé l'ensemble de ces faits, a retenu, à bon droit, qu'ils ne pouvaient admettre aucune qualification pénale ;
D'où il suit que les moyens ne peuvent être admis ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 441-1 et 441-4 du code pénal et des articles 43, 52, dans sa rédaction antérieure à la loi du 5 mars 2007, 85, 86, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance, en date du 21 juin 2012, par laquelle le magistrat instructeur s'est déclaré territorialement incompétent pour informer sur la procédure ouverte à la suite de la plainte avec constitution de partie civile déposée par Mme X... le 27 décembre 2011, en ce qui concerne plusieurs des faits dénoncés dans cette plainte ;
" aux motifs que, s'agissant des infractions qui auraient été commises par les services fiscaux de Gironde à l'occasion du paiement des droits de succession suite au décès du père de Mme X..., que compte tenu tant des irrecevabilités ci-dessus constatées que de l'absence de qualification pénale applicable aux faits exposés, qu'une connexité ne peut pas être appliquée ; que pour le surplus, il doit être effectivement relevé que les faits invoqués portent sur une déclaration de succession effectuée à Bordeaux, une action de l'administration fiscale départementale de la Gironde, une lettre recommandée adressée par ces services à la plaignante à Portets qui n'aurait jamais été reçue, et une mise en cause de la caisse d'épargne Aquitaine/ nord, qu'il résulte de ces éléments en application des dispositions des articles 43 et 52 du code de procédure pénale, que le juge d'instruction a justement soulevé l'incompétence territoriale du tribunal de grande instance de Paris " ;
" alors que les juridictions d'instructions ne peuvent se déclarer territorialement incompétentes sans avoir vérifié, par une information préalable, leur compétence ; qu'en confirmant, par conséquent, l'ordonnance en date du 21 juin 2012 par laquelle magistrat instructeur s'est déclaré territorialement incompétent pour informer sur la procédure ouverte à la suite de la plainte avec constitution de partie civile déposée par Mme X... le 27 décembre 2011, en ce qui concerne plusieurs des faits dénoncés dans cette plainte, sans indiquer à quelles investigations préalables de nature à permettre de vérifier leur compétence territoriale le magistrat instructeur ou elle-même avaient procédé, la chambre de l'instruction de la cour d'appel a violé les stipulations et les dispositions susvisées " ;
Attendu que, pour retenir l'incompétence territoriale contestée du tribunal correctionnel de Paris, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en statuant ainsi, et dès lors qu'en raison de la confirmation du refus d'informer sur les autres faits, elle a caractérisé l'absence de connexité et d'indivisibilité, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-deux septembre deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.
Crim. 22 septembre 2015 n° 14-82.435 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. François X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de LYON, 7e chambre, en date du 27 février 2014, qui, pour menaces de mort et harcèlement moral, l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 23 juin 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Buisson, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Hervé ;
Sur le rapport de M. le conseiller BUISSON, les observations de la société civile professionnelle GATINEAU et FATTACCINI, et de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DESPORTES ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Mmes Y..., Z..., A...et B..., employées de la bijouterie dirigée par M. X..., ont porté plainte contre leur employeur, des chefs de harcèlement moral et de menaces de mort ; qu'elles ont déclaré avoir été victimes, de la part de celui-ci, d'agissements répétés et inappropriés, d'humiliations, de brimades, d'injures, de gestes et paroles déplacés, ainsi que de propos discriminatoires ; qu'elles ont encore indiqué avoir été menacées de mort par M. X...qui les avait pointées du doigt comme s'il tenait une arme en disant : « pan, pan, pan, pan, toutes les quatre fusillées » ; qu'à l'issue de l'enquête préliminaire consécutivement diligentée, M. X...a été renvoyé devant le tribunal correctionnel des chefs précités ; qu'il a, avec le procureur de la République, formé appel du jugement le déclarant coupable de ces délits ;
En cet état ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 222-33-2 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X...coupable de harcèlement moral à l'encontre de Mmes Y..., Z..., A...et B... et l'a condamné à une peine de six mois d'emprisonnement avec sursis ;
" aux motifs que, sur les agissements répétés, il résulte des éléments exposés supra, et des déclarations des quatre parties civiles qu'elles ont fait l'objet d'humiliations, de brimades, d'injures, de menaces, de geste et de paroles déplacés, de propos discriminatoires, de critiques systématiques du travail accompli ; que chacune des parties civiles a été victimes d'agissements répétés et inappropriés de la part de M. X...; que ces agissements sont corroborés par les témoignages de deux apprenties, Mmes C...et D...faisant état de la même attitude de M. X...à leur égard ; que bien plus, M. D..., père de Mme Sabine D..., confirmait le comportement de harceleur du prévenu ; que d'autres témoins, ex-salariés de la bijouterie, attestent également du comportement de M. X..., à savoir Mmes Lucille E..., Samantha F..., Mathilde G..., Amélie S...; que les témoignages recueillis dans le cadre de l'enquête de police ou ceux produits aux débats par M. X...(MM. Mathieu H..., Clément I..., Yannick J..., Mmes Marion K..., Coralie L..., Mathilde M...), exposant que M. X...avait toujours eu un comportement normal à leur égard ne sont pas de nature à mettre à néant les déclarations des parties civiles et les témoignages corroborant les dépositions des parties civiles ; que, de surcroît, Mme N..., médecin du travail, intervenant notamment après l'épisode analysé supra au titre de l'infraction de menaces de mort a pu dire : « j'ai rarement vu une souffrance pareille des salariés au moment d'une procédure d'inaptitude. Elles étaient terrorisées. En dix ans, je n'ai jamais vu cela » ; que d'autre part, le contrôleur du travail, Mme O..., dans son procès-verbal daté du 20 février 2012 où elle constatait et retenait les infractions commises en décembre 2010 et janvier 2011, concluait que « M. X...a fait subir à Mmes B..., Y..., A...et Z..., des agissements répétés de harcèlement moral ainsi que des propositions à caractère sexuel envers Mme B..., notamment ¿ le caractère intentionnel des faits reprochés à M. X...est caractérisé » ; que M. X..., sachant que ce procès-verbal fait foi jusqu'à preuve contraire n'a pas été en mesure d'apporter cette preuve contraire ; qu'il s'évince de l'ensemble de ces éléments que M. X...a harcelé chacune des parties civiles par des agissements répétés dans le cadre de la relation de travail existant entre lui et les parties civiles ; que, sur la dégradation des conditions de travail susceptibles d'altérer la santé physique et mentale des salariés, s'agissant de Mme B..., les trois certificats médicaux d'accident du travail rédigés par le docteur P...font état de son état dépressif en relation avec les violences subies dans le cadre de l'entreprise, de syndromes anxiolytiques, de séquelles psychologiques de type insomnies, d'anxiété et de dépression ; que la caisse primaire d'assurance maladie a accepté de prendre en charge ses arrêts de travail au titre de la législation sur les risques professionnels ; que le docteur P...a rédigé une fiche la déclarant inapte temporairement à son poste de travail ; qu'ultérieurement, Mme B... a démissionné de son poste de travail ; que s'agissant de Mme Z..., les certificats médicaux établis par le docteur Q...objectivent la même situation médicale et psychologique que celle de Mme B... ; que le docteur N...a établi deux fiches d'inaptitude à son poste de travail ; qu'elle a été également prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels et été licenciée pour inaptitude, sans reclassement au sein de l'entreprise ; que s'agissant de Mme A..., les certificats médicaux rédigés par le docteur Q..., et les fiches d'inaptitude rédigées par le docteur N...démontrent la situation médicale et psychologique très perturbée de Mme A...en relation avec l'exercice de son travail, cette dernière ayant été également licenciée pour inaptitude ; que s'agissant de Mme Y..., les certificats médicaux établis par le docteur Buisson, et la fiche d'inaptitude rédigée par le docteur N...concluent aux mêmes symptômes que celui subi par les trois autres parties civiles ; que Mme Y... a été licenciée pour inaptitude sans possibilité de reclassement ; qu'il s'évince de l'ensemble de ces éléments médicaux que les agissements répétés, analysés supra, commis par M. X...à l'encontre de chacune des parties civiles a eu pour effet la dégradation de leurs conditions de travail ayant porté atteinte à leurs droits et à leur dignité, ayant altéré leur santé physique ou mentale et ayant compromis leur avenir professionnel ; qu'il y a lieu d'infirmer le jugement déféré et de déclarer M. X...coupable de l'infraction de harcèlement moral visée à la prévention ;
" 1°) alors que ne sont constitutifs de harcèlement moral que les actes commis au temps et au lieu de travail des salariées victimes ; qu'en condamnant en l'espèce le prévenu du chef de harcèlement moral envers les quatre salariées plaignantes, sur le fondement de témoignages de personnes qui n'étaient plus employées du prévenu au moment des faits incriminés, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
" 2°) alors que le harcèlement moral est caractérisé par des agissements commis à l'encontre du même salarié ; qu'en se fondant sur des témoignages d'ex-salariées « attestant également du comportement de M. X...», et de deux apprenties « faisant état de la même attitude de M. X...à leur égard » pour en déduire que le prévenu avait commis des agissements répétés constitutifs de harcèlement moral à l'encontre de chacune des quatre salariées plaignantes, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
" 3°) alors qu'il résulte de l'attestation de M. R..., produite aux débats, que Mme B...qui était une ancienne collègue de travail, l'avait appelé et lui avait envoyé plusieurs SMS afin qu'il fasse une « fausse déclaration comme quoi M. X...nous harcelait au travail » ; que ce dernier précisait qu'il avait eu M. H...qui lui avait dit que Mme Y... « avait essayé la même chose plus tard avec lui » ; qu'en condamnant M. X...du chef de harcèlement moral sur le fondement des dépositions des parties civiles, sans nullement prendre en considération, ne fût ce que pour l'écarter, cette attestation mettant en évidence la particulière mauvaise foi des parties civiles, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes visés au moyen " ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé, en tous ses éléments, tant matériel qu'intentionnel, le délit de harcèlement moral dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que le moyen, qui revient à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être accueilli ;
Mais sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-3, 111-4, 222-17 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X...coupable du délit de menaces de mort à l'encontre de Mmes Y..., Z..., A...et B... et l'a condamné à une peine de six mois d'emprisonnement avec sursis, et au paiement d'une somme de 500 euros à chacune des parties civiles à titre de dommages-intérêts ;
" 1°) alors qu'une simple menace de crime ou délit contre les personnes sans condition, non réitérée, n'est punissable que si elle a été matérialisée selon un des modes limitativement énumérés à l'article 222-17 du code pénal ; qu'un simple geste accompagnant une menace verbale, ne peut être considéré comme une matérialisation de la menace « par un écrit, une image, ou tout autre objet », au sens de l'article précité ; qu'en affirmant que le fait de pointer du doigt les quatre salariées comme s'il tenait une arme en disant « pan, pan, pan, pan, toutes les quatre fusillées » et en mimant l'acte de souffler sur le canon d'un pistolet, constituait une image, un objet matérialisant la menace, quand un simple geste ne saurait être assimilé à une matérialisation par une image ou un objet, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte précité, méconnu le principe de l'interprétation stricte de la loi pénale et privé sa décision de toute base légale ;
" 2°) alors que, pour être punissables au titre de l'article 222-17 du code pénal, les menaces de mort qui ne sont pas matérialisées par un écrit, une image, ou un objet doivent avoir été réitérées à l'égard de la même victime ; qu'en l'absence de toute réitération de la menace à l'égard de chacune des plaignantes, la cour d'appel ne pouvait en tout état de cause entrer en voie de condamnation du chef de menaces de mort sans violer le texte précité " ;
Vu les articles 111-4 et 222-17 du code pénal ;
Attendu qu'aux termes du premier de ces textes, la loi pénale est d'interprétation stricte ; que, selon le second, la menace de mort implique, pour être constituée, que soit caractérisée sa réitération ou sa matérialisation par un écrit, une image ou tout autre objet ;
Attendu que, pour déclarer M. X...coupable de menaces de mort, l'arrêt énonce que constitue une image ou un objet matérialisant la menace le fait d'avoir pointé du doigt quatre salariées comme s'il tenait une arme en disant « pan, pan, pan, pan, toutes les quatre fusillées » et en mimant l'acte de souffler sur le canon d'un pistolet ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que l'action décrite ne pouvait s'analyser qu'en un simple geste accompagnant une menace verbale, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Lyon, en date du 27 février 2014, mais en ses seules dispositions relatives à la condamnation du chef de menaces de mort, à la peine prononcée et aux intérêts civils, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Lyon autrement composée à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Lyon et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-deux septembre deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.
Crim. 16 septembre 2015 n° 15-84.023
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Juvino X...,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, en date du 18 juin 2015, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de falsification de documents administratifs, aide à l'entrée et au séjour irrégulier d'étrangers en France en bande organisée et association de malfaiteurs, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention le plaçant en détention provisoire ;
Vu le mémoire personnel produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 5 de la Convention européenne des droits de l'homme, 7 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 66 de la Constitution, préliminaire et 802 du code de procédure pénale, et 111-4 du code pénal ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 5 de la Convention européenne des droits de l'homme, 7 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 66 de la Constitution, préliminaire, 126, 127 et 802 du code de procédure pénale ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 5 de la Convention européenne des droits de l'homme, 7 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 2 et 66 de la Constitution, préliminaire, 127 et 802 du code de procédure pénale ; Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que M. X... a été interpellé le 1er juin 2015 à son domicile à Juvisy-sur-Orge, placé en garde à vue et entendu à Lognes par les enquêteurs de l'Office central pour la répression de l'immigration irrégulière et de l'emploi d'étrangers sans titre (OCRIEST), agissant en exécution d'une commission rogatoire émanant du juge d'instruction de Marseille ; qu'à la suite du mandat d'amener délivré à son encontre par ce dernier le 4 juin 2015 et qui lui a été notifié à l'issue de sa garde à vue, il a été conduit le jour même devant le juge des libertés et de la détention de Meaux, soit du lieu dans le ressort duquel il se trouvait ; que le 6 juin 2015, il a comparu devant le juge d'instruction puis devant le juge des libertés et de la détention de Marseille, qui a ordonné son placement en détention provisoire ;
Attendu que, d'une part, pour approuver la motivation du juge des libertés et de la détention et dire que la détention de M. X... n'a pas été arbitraire durant l'exécution du mandat d'amener, l'arrêt retient que le juge a constaté que l'intéressé a été conduit, dans les délais de l'article 127 du code de procédure pénale, devant le juge des libertés et de la détention et n'avait pas à justifier de l'impossibilité de le présenter dans les 24 heures devant le juge mandant, et qu'en tout état de cause, cette impossibilité se trouvait caractérisée par l'heure de notification du mandat à 12 h 30, la durée d'un trajet de plus de 700 km, la délivrance simultanée de trois mandats, et la difficulté d'organiser le transfert de trois personnes et de leur escorte dans des conditions de sécurité et de discrétion ;
Attendu que, d'autre part, pour retenir la compétence du juge des libertés et de la détention de Meaux, l'arrêt énonce que M. X... n'a pas été arrêté en exécution du mandat d'amener mais dans le cadre de la commission rogatoire délivrée par le juge d'instruction, et qu'interpellé à Juvisy-sur-Orge, il a été transféré à Lognes dans les locaux de l'OCRIEST où s'est déroulée sa garde à vue et où il se trouvait lors de la notification du mandat d'amener ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, si c'est à tort que les juges ont énoncé qu'ils n'étaient pas tenus de justifier de l'impossibilité de conduire l'intéressé dans les 24 heures devant le juge mandant, la chambre de l'instruction a cependant justifié sa décision ;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier, tant en la forme qu'au regard des dispositions des articles 137-3, 143-1 et suivants du code de procédure pénale ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme de la Lance, conseiller rapporteur, M. Soulard, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Hervé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.
Crim. 15 septembre 2015 n° 15-84.021
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Juvio X...,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, en date du 18 juin 2015, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de falsification de documents administratifs, aide à l'entrée et au séjour irrégulier d'étrangers en France en bande organisée et association de malfaiteurs, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention le plaçant en détention provisoire ;
Vu le mémoire personnel produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 5 de la Convention européenne des droits de l'homme, 7 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 66 de la Constitution, préliminaire et 802 du code de procédure pénale, et 111-4 du code pénal ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 5 de la Convention européenne des droits de l'homme, 7 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 66 de la Constitution, préliminaire, 126, 127 et 802 du code de procédure pénale ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 5 de la Convention européenne des droits de l'homme, 7 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 2 et 66 de la Constitution, préliminaire, 127 et 802 du code de procédure pénale ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que M. X... a été interpellé le 1er juin 2015, à son domicile à Champigny-sur-Marne, placé en garde à vue et entendu à Lognes par les enquêteurs de l'Office central pour la répression de l'immigration irrégulière et de l'emploi d'étrangers sans titre (OCRIEST), agissant en exécution d'une commission rogatoire émanant du juge d'instruction de Marseille ; qu'à la suite au mandat d'amener délivré à son encontre par ce dernier le 4 juin 2015 et qui lui a été notifié à l'issue de sa garde à vue, il a été conduit le jour même devant le juge des libertés et de la détention de Meaux, soit du lieu dans le ressort duquel il se trouvait ; que le 6 juin 2015, il a comparu devant le juge d'instruction puis devant le juge des libertés et de la détention de Marseille, qui a ordonné son placement en détention provisoire ;
Attendu que, d'une part, pour approuver la motivation du juge des libertés et de la détention et dire que la détention de M. X... n'a pas été arbitraire durant l'exécution du mandat d'amener, l'arrêt retient que le juge a constaté que l'intéressé a été conduit, dans les délais de l'article 127 du code de procédure pénale, devant le juge des libertés et de la détention et n'avait pas à justifier de l'impossibilité de le présenter dans les 24 heures devant le juge mandant, et qu'en tout état de cause, cette impossibilité se trouvait caractérisée par l'heure de notification du mandat à 12 h 30, la durée d'un trajet de plus de 700 km, la délivrance simultanée de trois mandats, et la difficulté d'organiser le transfert de trois personnes et de leur escorte dans des conditions de sécurité et de discrétion ;
Attendu que, d'autre part, pour retenir la compétence du juge des libertés et de la détention de Meaux, l'arrêt énonce que M. X... n'a pas été arrêté en exécution du mandat d'amener mais dans le cadre de la commission rogatoire délivrée par le juge d'instruction, et qu'interpellé à Champigny-sur-Marne, il a été transféré à Lognes dans les locaux de l'OCRIEST où s'est déroulée sa garde à vue et où il se trouvait lors de la notification du mandat d'amener ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, si c'est à tort que les juges ont énoncé qu'ils n'étaient pas tenus de justifier de l'impossibilité de conduire l'intéressé dans les 24 heures devant le juge mandant, la chambre de l'instruction a cependant justifié sa décision ;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier, tant en la forme qu'au regard des dispositions des articles 137-3 et 143-1 et suivants du code de procédure pénale ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Fossier, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Zita ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.
Crim. 15 septembre 2015 n° 15-84.102
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : Statuant sur le pourvoi formé par :
- Mme Mary-Judy X...,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de SAINT-DENIS DE LA REUNION, en date du 16 juin 2015, qui, dans la procédure suivie contre elle des chefs de meurtre aggravé, a rejeté sa demande de mise en liberté ;
Vu les mémoires ampliatif et personnel produits ;
Sur la recevabilité du mémoire personnel :
Attendu que ce mémoire, qui ne vise aucun texte de loi et n'offre à juger aucun moyen de droit, ne remplit pas les conditions exigées par l'article 590 du code de procédure pénale ; qu'il est, dès lors, irrecevable ;
Sur le moyen unique de cassation du mémoire ampliatif, pris de la violation de l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, de l'article préliminaire et des articles 137 à 148-4 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande de mise en liberté de Mme X... et a ordonné son maintien en détention ;
" aux motifs qu'il existe à l'encontre de Mme X... des charges lourdes laissant présumer sa participation à la commission du meurtre de son concubin ; que le rapport du SPIP du 8 juin 2015 a conclu à la faisabilité de la mesure de placement sous surveillance électronique ; que le fait que Mme X... ait comparu libre à la première audience de la cour d'assises les 28 et 29 avril 2015, pour être ensuite placée en détention et qu'elle ait été soumise à un contrôle judiciaire et à une surveillance électronique pendant plus d'une année lors de l'instruction sans qu'elle enfreigne ses obligations n'implique pas qu'après avoir fait appel de la première décision de la cour d'assises, elle doive être de nouveau et de manière quasi-automatique placée sous surveillance électronique ; qu'une telle décision relève du pouvoir souverain de la chambre à qui il appartient de prendre en compte les éléments du dossier au moment de la décision ; que la cour considère que la situation postérieure à la première décision de la juridiction criminelle et celle antérieure à celle-ci ne sauraient être comparées ; que dans la première décision, certes aujourd'hui frappée d'appel, après de longs débats publics en présence de la famille de la victime, Mme X... a été reconnue coupable du meurtre de son conjoint et sanctionnée par une très lourde peine de réclusion ; qu'une remise en liberté, même sous surveillance électronique, un peu plus d'un mois après la décision de la cour d'assises, pour se rendre de nouveau dans la commune où les faits se sont produits et où les parties civiles résident risquerait de raviver un trouble à l'ordre public d'une nature particulièrement profonde ; que ce trouble pourrait également être ravivé à tous les instants si des membres de la famille de la victime, après l'épreuve des assises, venaient à rencontrer Mme X... dans les rues de Saint-Benoît ; que les habitants de la commune de Saint-Benoît ne comprendraient pas davantage cette remise en liberté soudaine ; que les faits commis sont graves ; que la motivation pour obtenir une remise en liberté sous surveillance électronique ne repose principalement que sur la nécessité, non démontrée, que la tante de Mme X..., qui s'occuperait de son enfant en bas âge, aurait besoin d'une aide ; qu'en l'état de la procédure et eu égard à ce qui vient d'être développé, il conviendra de rejeter la demande de Mme X... ;
" 1°) alors qu'un placement sous contrôle judiciaire peut être assorti de l'obligation de ne pas se rendre en certains lieux et de ne pas rencontrer certaines personnes ; qu'en se bornant à énoncer que si Mme X... se rendait dans la commune où les faits se sont produits et où les parties civiles résident, et si elle rencontrait des membres de la famille de la victime dans les rues de Saint-Benoît, il pourrait en résulter un trouble à l'ordre public, sans rechercher s'il était possible d'éviter celui-ci en ordonnant un contrôle judiciaire interdisant à Mme X... de se rendre dans cette commune et de rencontrer ces personnes, la chambre de l'instruction a commis un excès de pouvoir négatif et a privé sa décision de base légale ;
" 2°) alors qu'en s'abstenant de répondre au mémoire de Mme X... faisant valoir que sa mise en liberté sous contrôle judiciaire lui permettrait de continuer à élever son enfant âgé de trois ans dans l'attente de sa comparution devant la cour d'assises statuant en appel, qu'elle pourrait être hébergée chez sa tante ou chez son oncle qui l'avaient déjà précédemment hébergée et que son placement sous surveillance électronique pendant un an n'avait donné lieu à aucun incident, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale " ;
Attendu que, par arrêt de la cour d'assises du 29 avril 2015, dont elle a relevé appel, Mme X... a été déclarée coupable et condamnée à quatorze ans de réclusion criminelle pour le meurtre de son concubin ;
Attendu que, pour rejeter la demande formée par Mme X..., l'arrêt attaqué énonce qu'une remise en liberté, même sous surveillance électronique, un peu plus d'un mois après la décision de la cour d'assises, pour se rendre de nouveau dans la commune de Saint-Benoit, où les faits se sont produits et où les parties civiles résident risquerait de raviver un trouble à l'ordre public d'une nature particulièrement profonde, que ce trouble pourrait également être ravivé à tous les instants si des membres de la famille de la victime, après l'audience de la cour d'assises, venaient à rencontrer Mme X... dans les rues de Saint-Benoit ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, et dès lors qu'elle n'était saisie que de propositions d'hébergement sur la commune de Saint-Benoît, la cour d'appel a justifié sa décision au regard des dispositions des articles 143-1 et suivants du code de procédure pénale ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Schneider, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Zita ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.
Crim. 15 septembre 2015 n° 14-86.949
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- M. Alex X...
-La société Sainte-Brigitte investissement-La société Domaine Sainte-Brigitte,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7e chambre, en date du 16 septembre 2014, qui, pour infractions au code de l'urbanisme, les a condamnés à 50 000 euros d'amende chacun et a ordonné la remise en état des lieux sous astreinte ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 16 juin 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Fossier, conseiller rapporteur, Mme Schneider, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de M. le conseiller FOSSIER, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIÉ, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général WALLON ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, du jugement qu'il confirme et des pièces de procédure qu'ayant acquis de la société civile immobilière Sainte-Brigitte investissement (SCI) propriétaire d'un bâtiment à usage mixte et du terrain, le bénéfice d'un permis de construire un chai, la société civile d'exploitation agricole Domaine de Sainte-Brigitte (SCEA) et son gérant M. X... ont entrepris l'édification d'un ensemble hôtelier, comprenant une piscine, son pool house, des terrasses, un bureau d'accueil, une cuisine, une salle de restaurant, un bar, une consigne, une salle de réception, un hammam, des chambres avec sanitaires, une lingerie, une salle de massage ; que M. X..., la société civile immobilière et la société civile d'exploitation agricole ont été cités devant le tribunal correctionnel sous la prévention d'exécution de travaux non autorisés par un permis de construire et d'infraction aux dispositions du plan local d'urbanisme, à savoir des terrasses, un bureau d'accueil, une cuisine, une salle de restaurant, un bar, une consigne, une salle de réception, un hammam, des chambres avec sanitaires, une lingerie, une salle de massage ; qu'après avoir rejeté diverses exceptions, le tribunal est entré en voie de condamnation et a ordonné la remise en état des lieux visés dans la prévention, y ajoutant le pool house ; qu'appel a été interjeté par le ministère public puis par les prévenus ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 480-1 du code de l'urbanisme, préliminaire, 485, 591, 593 et 802 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense ;
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'annuler le procès-verbal du 17 mars 2010, base des poursuites et la procédure subséquente ;
" aux motifs, repris des premiers juges, qu'il résulte des pièces transmises à la demande du tribunal et régulièrement discutées à l'audience que les deux agents verbalisateurs ont été dûment commissionnés et assermentés :- Eric Z..., titulaire d'une carte de commissionnement en date du 31 juillet 2007 portant commissionnement du ministre compétent en date du 29 octobre 2009 et ayant prêté serment, ainsi qu'en atteste la mention portée sur ladite carte par le greffe du tribunal de police de Toulon le 17 janvier 2008 ;- Nicolas A..., porteur d'une carte de commissionnement établie le 4 février 2009, portant commissionnement du ministre compétent en date du 16 juin 2009 et ayant prêté serment au tribunal de grande instance de Draguignan le 16 juillet 2009 ; qu'est par ailleurs produite une autorisation écrite de visite d'une propriété privée établie le 17 mars 2010 par M. X... ;
" 1°) alors que, dès lors, qu'en matière d'urbanisme, les procès-verbaux d'infraction dressés par les agents visés à l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme font foi jusqu'à preuve contraire, ils doivent impérativement identifier la parcelle sur laquelle est censé avoir été édifié le bâtiment concerné en méconnaissance des prescriptions du permis de construire ; que, dans leurs conclusions régulièrement déposées devant la cour d'appel, les prévenus faisaient valoir que la parcelle AP 1315 sur laquelle se trouve implanté le bâtiment incriminé selon les constatations opérées sur leur demande par l'huissier Angot le 20 mars 2013 n'était pas mentionnée dans le procès-verbal base des poursuites, ce qui impliquait que les bâtiments n'avaient fait l'objet d'aucune identification parcellaire, omission qui ne pouvait qu'entraîner la nullité du procès-verbal base des poursuites et la procédure subséquente et qu'en omettant de s'expliquer sur cette argumentation péremptoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
" 2°) alors que, compte tenu de la règle de preuve énoncée par l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme, l'absence d'identification par les agents poursuivants de la parcelle sur laquelle sont censées avoir été édifiées irrégulièrement les constructions incriminées porte par elle-même atteinte aux droits de la défense " ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 480-1, alinéa 4, du code de l'urbanisme, préliminaire, 485, 591, 593 et 802 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense ;
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'annuler la procédure pour transmission tardive au parquet du procès-verbal du 17 mars 2010, base des poursuites ;
" aux motifs, repris des premiers juges, que le procès-verbal a fait l'objet d'une transmission au procureur de la République selon courrier de la DDTM en date du 19 mai 2010, soit deux mois et sept jours après qu'il a été établi ; qu'il n'apparaît pas qu'en l'espèce ce délai excède le bref délai prévu par l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme ; qu'au surplus les prévenus n'établissent pas en quoi la transmission dans ces conditions leur aurait causé un quelconque grief susceptible d'entacher la procédure de nullité ;
" 1°) alors que l'arrêt attaqué ne pouvait, sans contredire les pièces de la procédure, affirmer que la transmission du procès-verbal incriminé avait eu lieu le 17 mai 2010, soit deux mois et sept jours après qu'il a été établi, cependant que la Cour de cassation est en mesure de s'assurer que cette transmission a en réalité eu lieu le 5 mai 2011 soit quatorze mois après qu'il ait été établi, ainsi que le faisaient valoir les demandeurs devant la cour d'appel dans leurs conclusions de ce chef délaissées ;
" 2°) alors que la formule employée par l'article L. 480-1, alinéa 4, du code de l'urbanisme selon laquelle « copie du procès-verbal constatant une infraction est transmise sans délai au ministère public » ne prête à aucune ambiguïté et fait radicalement obstacle à ce que le procès-verbal soit transmis dans un délai supérieur à quelques jours ;
" 3°) alors que la méconnaissance des prescriptions de l'article L. 480-1, alinéa 4, du code de l'urbanisme porte par elle-même atteinte aux droits de la défense ;
" 4°) alors que, dans leurs conclusions régulièrement déposées devant la cour d'appel, les demandeurs faisaient valoir que la transmission tardive du procès-verbal base des poursuites leur avait été préjudiciable dans la mesure où cette transmission tardive ne leur avait pas permis de mettre en oeuvre les mesures correctives nécessaires et qu'en se bornant à confirmer par adoption de motifs la décision des premiers juges, sans s'être préalablement expliquée sur ce chef péremptoire de conclusions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale et méconnu ce faisant les droits de la défense " ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, § 1 et 6, § 3, a, de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 485, 551, 591, 593 et 802 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense ;
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité de la citation ;
" aux motifs repris des premiers juges que les prévenus font valoir que les citations les renvoyant devant le tribunal, qui sont toutes rédigées dans les mêmes termes, sous réserve de la désignation des parties concernées, sont entachées de nullité :- en raison de la mention de la date du 19 mai 2010 comme date des faits alors que les faits ont été constatés le 17 mars 2010 ;- en raison de l'imprécision des faits énoncés, particulièrement des calculs de surface invoqués ; qu'en application de l'article 551 du code de procédure pénale, la citation énonce le fait poursuivi, et vise le texte de loi qui le réprime ; que ces dispositions sont sanctionnées à peine de nullité lorsque leur méconnaissance a causé un grief au prévenu et entravé l'exercice des droits de la défense ; qu'elles participent de la mise en oeuvre du droit fondamental de toute personne accusée d'être informée de la nature et des causes de l'accusation portée contre elle, notamment garanti par l'article 6, § 3, de la Convention européenne des droits de l'homme, ainsi que par l'article préliminaire du code de procédure pénale ; qu'il est exact qu'en l'espèce le libellé des citations tel qu'il résulte des mandements qui figurent au dossier du tribunal comporte une erreur de date, indiquant que les faits seraient commis le 19 mai 2010 alors que les constatations ont été réalisées le 17 mars 2010 ; que toutefois, pour le reste, le libellé de la citation est particulièrement précis, permettant de situer les lieux de l'infraction et d'identifier les travaux litigieux sans ambiguïté, ce d'autant plus que, comme le rappellent les prévenus, ils ont été destinataires du procès-verbal de constatations le 29 mars 2010, de sorte qu'ils ont eu ainsi une connaissance précise des constatations effectuées ; qu'en l'état de ces observations et compte tenu de la nature de l'infraction, constitutive d'un délit continu, voire continué, il n'est pas établi que l'indication erronée de la date des constatations ait causé grief aux prévenus et porté atteinte aux droits de la défense ; que les imprécisions invoquées concernant l'énonciation des faits poursuivis ne justifient pas non plus annulation ; que les citations comportent une description suffisamment précise des travaux qui sont considérés comme illégaux, ainsi que des indications de surface résultant des évaluations des agents verbalisateurs qui permettent aux prévenus d'identifier avec précision les faits qui leur sont imputés et d'en discuter la matérialité et la qualification juridique ;
" 1°) alors que les juges du fond sont tenus de répondre aux moyens péremptoires soulevés par les parties ; que les prévenus avaient fait valoir, dans leurs conclusions régulièrement déposées, que l'huissier qui a délivré la citation devant le tribunal n'avait pas été mandaté par le parquet ; qu'en s'abstenant de toute réponse à cet argument, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
" 2°) alors que, de même, les prévenus invoquaient la nullité de la citation en raison de la dichotomie entre le mandement de citation à prévenu et le procès-verbal d'infraction, en raison du caractère incomplet de la citation, et en raison de la dichotomie existant dans les visas des textes entre le procès-verbal, la citation et la décision ; que la cour d'appel qui n'a pas répondu à ces moyens de nullité, n'a pas justifié sa décision ;
" 3°) alors que, selon les articles 6, § 3, a, de la Convention européenne des droits de l'homme et 551 du code de procédure pénale, la citation doit mettre le prévenu en mesure de connaître avec précision les faits qui lui sont reprochés ; que les dates et lieux de commission, tout comme la consistance exacte des faits, sont des éléments essentiels qui doivent être précisés dans la citation à peine de nullité ; qu'en l'espèce, ainsi que le faisaient valoir les prévenus dans leurs conclusions déposées in limine litis et expressément reprises dans leurs conclusions d'appel, la date indiquée dans le procès-verbal d'infraction et reprise dans la citation ainsi que l'indication des parcelles sur lesquelles auraient été supposées édifiées les constructions incriminées en méconnaissance du permis de construire étaient erronées et qu'en outre les calculs de surface y figurant étaient également erronés et que la cour d'appel qui, par adoption de motifs, constatait expressément l'existence de ce cumul d'imprécisions, ne pouvait, sans se contredire, et ce faisant méconnaître le principe susvisé, essentiel aux droits de la défense, refuser de faire droit à l'exception de nullité de la citation régulièrement invoquée devant elle ;
" 4°) alors que la méconnaissance des règles essentielles résultant des articles 6, § 3, a, de la Convention européenne des droits de l'homme et 551 du code de procédure pénale porte par elle-même atteinte aux droits de la défense tels que définis par l'article 6, § 1, de ladite Convention et par l'article préliminaire du code de procédure pénale ;
" 5°) alors que l'atteinte portée aux intérêts des prévenus par le refus de la cour d'appel de faire droit à l'exception de nullité de la citation régulièrement soulevée devant elle s'évince particulièrement de ce que, pour calculer les amendes délictuelles prononcées à leur encontre, ladite cour d'appel s'est fondée sur les calculs de surface figurant dans le procès-verbal d'infraction base des poursuites et repris dans la citation, dont elle constatait par ailleurs implicitement mais nécessairement par adoption des motifs des premiers juges, le caractère imprécis et par conséquent erroné " ;
Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 160-1, L. 480-4 et R. 123-7 du code de l'urbanisme, préliminaire, 427, 485, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation du principe du contradictoire et des droits de la défense ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X..., la société civile immobilière Saint-Brigitte investissement et la société civile d'exploitation agricole Domaine Sainte-Brigitte coupables d'avoir effectué des travaux et installations en violation des dispositions du permis de construire et du plan local d'urbanisme de la commune ;
" aux motifs, propres ou repris des premiers juges, qu'il est reproché aux prévenus d'avoir réalisé les travaux ci-dessus décrits en infraction au plan local d'urbanisme, s'agissant de parcelles situées en zone A où, en application de l'article R. 123-7 du code de l'urbanisme, sont seules autorisées les constructions nécessaires à l'exploitation agricole ; que les dispositions du plan local d'urbanisme afférentes au zonage dont il est fait état ne figure pas au dossier de la procédure ; que leur existence et leur consistance n'est toutefois pas discutée ; que les travaux de construction dont s'agit ont pour finalité de transformer une maison à usage d'habitation sur le domaine agricole en un établissement de type hôtelier comportant un total de cinq chambres, une salle de restaurant, un bar, une consigne, une salle de réception, un hammam, une salle de massage, une piscine avec pool house ; que de telles transformations sont incompatibles avec la destination exclusivement agricole de la zone en l'état du plan local d'urbanisme ; qu'il est incontestable que les travaux litigieux ont été réalisés en infraction avec les dispositions du plan local d'urbanisme applicables s'agissant de constructions édifiées sur des parcelles classées en zone A où sont seules autorisées les constructions nécessaires à une exploitation agricole ; que le fait de transformer une maison à usage d'habitation à résidence hôtelière comprenant des chambres, une salle de restaurant, un bar, une consigne, une salle de réception, un hammam, une salle de massage et une piscine constitue des transformations du projet initial qui sont contraires à la réglementation d'urbanisme de la zone ;
" 1°) alors qu'il résulte tant du principe du procès équitable que des dispositions d'ordre public de l'article 427 du code de procédure pénale que les juges correctionnels ne peuvent fonder leur décision que sur des pièces qui figurent au dossier de la procédure et ont pu être discutées contradictoirement à moins que le prévenu n'y ait renoncé explicitement et que la cour d'appel qui constatait expressément, par adoption des motifs des premiers juges, que les dispositions du plan local d'urbanisme afférentes au zonage dont il est fait état ne figuraient pas au dossier de la procédure, ne pouvait, sans méconnaître le principe du contradictoire et violer ce faisant les droits de la défense, déclarer établies à l'encontre des demandeurs les infractions susvisées motif pris de ce que l'existence des dispositions du plan local d'urbanisme et leur consistance n'étaient pas discutées ;
" 2°) alors que la cour d'appel, qui constatait expressément que, devant elle, les prévenus soulevaient la question concernant la disparition matérielle du dossier pénal et le non-respect des règles de reconstitution d'un dossier pénal, argumentation qui impliquait nécessairement que, sur le fond du droit, les prévenus refusaient d'être jugés sur une pièce ¿ le plan local d'urbanisme ¿ qui ne figurait pas au dossier de la procédure, ne pouvait s'approprier implicitement les motifs des premiers juges fondant leur décision sur l'affirmation que les prévenus ne discuteraient ni l'existence des dispositions du plan local d'urbanisme ni sa consistance " ;
Sur le septième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, § 1, et 6, § 2, de la Convention européenne des droits de l'homme, 121-2, alinéa 1, du code pénal, L. 480-1 du code de l'urbanisme, préliminaire, 429, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X..., la société civile immobilière Sainte-Brigitte investissement et la société civile d'exploitation agricole domaine Sainte-Brigitte coupables d'exécution de travaux non-autorisés par un permis de construire et d'infractions aux dispositions du plan local d'urbanisme ;
" 1°) alors que les procès-verbaux, notamment en matière d'urbanisme, n'ont de valeur probante que dans la mesure où leur auteur rapporte ce qu'il a vu, entendu ou constaté personnellement ; que le strict respect de cette règle de preuve est essentiel à la sauvegarde de la présomption d'innocence ; que, dans leurs conclusions régulièrement déposées devant la cour d'appel, les prévenus faisaient valoir que, dans leur procès-verbal base des poursuites, les agents verbalisateurs n'avaient pas visé la parcelle AP 1315 sur laquelle se trouvent implantées les constructions incriminées, ce qui implique qu'ils n'avaient pas visité cette parcelle et que dès lors leur procès-verbal ne pouvait avoir de valeur probante et qu'en ne s'expliquant pas sur cette argumentation péremptoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
" 2°) alors que les constatations des procès-verbaux en matière d'infractions aux règles d'urbanisme ne font foi que jusqu'à preuve contraire de la matérialité des faits ; que, dans leurs conclusions régulièrement déposées devant la cour d'appel, les prévenus faisaient encore valoir que les constatations effectuées par les agents verbalisateurs étaient fondées sur des plans erronés ; qu'en effet, le plan de masse et l'état des lieux annexés à leur procès-verbal ne mentionnaient pas une partie du bâti existant au moment du dépôt du permis de construire et que la prise en compte de cette surface ferait nécessairement disparaître l'accusation liée à la présumée extension de surface et qu'en ne s'expliquant pas sur cette argumentation péremptoire qui imposait que les juges d'appel confrontent les pièces annexées au procès-verbal base des poursuites, non seulement au permis de construire, mais également aux plans qui y étaient annexés, la cour d'appel a, derechef, privé sa décision de base légale et, ce faisant, méconnu les droits de la défense ;
" 3°) alors qu'en s'abstenant de caractériser l'élément intentionnel des délits poursuivis à l'encontre des prévenus, élément intentionnel expressément contesté par eux dans leurs conclusions régulièrement déposées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale et méconnu, ce faisant, les droits de la défense " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour rejeter les exceptions de nullité des procès-verbaux et des citations soulevées devant elle par les prévenus, et déclarer ceux-ci coupables sur la base de ces procès-verbaux, la cour d'appel prononce par les motifs, propres ou adoptés, repris aux moyens ;
Attendu qu'en statuant ainsi, et dès lors que les prévenus, mis en mesure de situer les lieux des infractions et d'identifier les travaux litigieux sans ambiguïté, et destinataires du procès-verbal de constatations, n'ont démontré aucune atteinte aux droits de leur défense, la cour a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions régulièrement déposées devant elle et caractérisé, en tous leurs éléments, tant matériel qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré les prévenus coupables ;
D'où il suit que les moyens, dont le septième est nouveau en sa troisième branche, et qui reviennent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être accueillis ;
Sur le sixième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 111-5 du code pénal, 386, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la question préjudicielle invoquée par M. X..., la société civile immobilière Sainte-Brigitte investissement et la société civile d'exploitation agricole Domaine Sainte-Brigitte et sollicitant d'apprécier les faits objet de la prévention au regard de la procédure de révision simplifiée engagée par la commune de Fréjus afin de classer le secteur de Sainte-Brigitte en zone agricole spécifique destinée à une structure d'hébergement touristique liée à l'exploitation d'un domaine vinicole conformément à l'article L. 123-1-5 du code de l'urbanisme et dans le cadre de laquelle le commissaire enquêteur avait rendu un avis favorable le 29 janvier 2013 ;
" aux motifs que les prévenus font valoir une question préjudicielle qui justifierait d'apprécier la conformité de la procédure de révision simplifiée du plan local d'urbanisme concernant le secteur Sainte-Brigitte au regard des dispositions réglementaires applicables et la légalité du permis de construire refusé par le maire de Fréjus ; que l'article 111-5 du code pénal prévoit que les juridictions pénales sont compétentes pour interpréter les actes administratifs ou individuels et pour en apprécier la légalité lorsque de cet examen dépend la solution du procès pénal qui leur est soumis ; qu'en l'espèce le juge pénal doit se prononcer sur l'existence d'une infraction pénale à la date des constatations effectuées par les agents de la direction départementale des territoires et de la mer ; que l'appréciation de la conformité de la procédure de révision du plan local d'urbanisme et du rejet de la dernière demande de permis de construire dit de régularisation n'a aucune influence sur la solution de la question soumise à la cour ; qu'à la date des faits, soit le 17 mars 2010, il n'existait aucun lien entre les faits constatés et une éventuelle révision du plan local d'urbanisme de la commune et ainsi qu'une décision de rejet d'une demande non encore déposée ; qu'il n'y a donc pas lieu d'apprécier une quelconque question préjudicielle ;
" alors que la cour d'appel qui, par adoption des motifs des premiers juges, constatait expressément que les faits objet de la prévention constituaient un délit continu, ne pouvait, sans se contredire, rejeter la question préjudicielle régulièrement invoquée par les prévenus motif pris de ce qu'à la date des faits, soit le 17 mars 2010, il n'existait aucun lien entre les faits constatés et une éventuelle révision du plan local d'urbanisme de la commune, dès lors qu'un tel motif ne pourrait être légalement justifié qu'autant que le délit poursuivi constituerait un délit instantané " ;
Attendu que, pour dire n'y avoir lieu de poser une question préjudicielle, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel, qui apprécie souverainement l'utilité d'une question préjudicielle, a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le huitième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 121-2 du code pénal, L. 160-1 et L. 480-4 du code de l'urbanisme, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la société civile immobilière Sainte-Brigitte investissement et la société civile d'exploitation agricole Domaine Sainte-Brigitte coupables d'exécution de travaux non autorisés par un permis de construire et d'infractions au plan local d'urbanisme et les a condamnées chacune à 50 000 euros d'amende ;
" alors que toute décision en matière pénale doit être motivée ; qu'il se déduit des dispositions de l'article 121-2, alinéa 1, du code pénal que, pour que les juges correctionnels puissent condamner pénalement une personne morale, ils doivent relever expressément dans leur décision une faute commise pour son compte par son organe ou représentant ; qu'en l'espèce, une condamnation pénale ne pouvait être prononcée à l'encontre des deux personnes morales susvisées qu'autant qu'une infraction au permis de construire était constatée à l'encontre de chacune d'elles et que la cour d'appel, qui constatait expressément que le permis de construire accordé le 17 septembre 2007 à la société civile immobilière Sainte-Brigitte Investissement avait été transféré le 22 janvier 2008 à la société civile d'exploitation agricole domaine de Sainte-Brigitte, qui constatait en outre que le 19 juin 2008 un permis de construire modificatif avait été accordé sans qu'elle précise le bénéficiaire de ce permis modificatif et qu'enfin les faits objet de la prévention avaient été constatés le 17 mars 2010, ne pouvait, sans priver sa décision de motif, retenir cumulativement la responsabilité pénale de ces deux personnes morales et prononcer à l'encontre de chacune d'elles une amende de 50 000 euros sans s'expliquer, fût-ce succinctement, sur les fautes pénales respectives imputables à chacune d'elles " ;
Attendu que, pour déclarer la société civile immobilière et la société civile d'exploitation agricole bénéficiaires des travaux et coupables des mêmes infractions et les condamner, l'arrêt retient que la société civile immobilière, demeurée propriétaire des lieux, a cédé à la société civile d'exploitation agricole le bénéfice du permis litigieux pour que cette société dirige puis exploite le projet ;
Attendu que le moyen consistant à distinguer la part exacte des initiatives de chacune des deux personnes morales, mélangé de fait, est nouveau et comme tel irrecevable devant la Cour de cassation ;
Mais sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 160-1, L. 480-4 et R. 123-7 du code de l'urbanisme, préliminaire, 388, 427, 485, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation du principe du contradictoire et des droits de la défense ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X..., la société civile immobilière Saint-Brigitte investissement et la société civile d'exploitation agricole Domaine Sainte-Brigitte coupables d'avoir effectué des travaux et installations en violation des dispositions du permis de construire et du plan local d'urbanisme de la commune ;
" aux motifs, propres ou repris des premiers juges qu'il est reproché aux prévenus d'avoir réalisé les travaux ci-dessus décrits en infraction au plan local d'urbanisme, s'agissant de parcelles situées en zone A où, en application de l'article R. 123-7 du code de l'urbanisme, sont seules autorisées les constructions nécessaires à l'exploitation agricole ; que les dispositions du plan local d'urbanisme afférentes au zonage dont il est fait état ne figure pas au dossier de la procédure ; que leur existence et leur consistance n'est toutefois pas discutée ; que les travaux de construction dont s'agit ont pour finalité de transformer une maison à usage d'habitation sur le domaine agricole en un établissement de type hôtelier comportant un total de cinq chambres, une salle de restaurant, un bar, une consigne, une salle de réception, un hammam, une salle de massage, une piscine avec pool house ; que de telles transformations sont incompatibles avec la destination exclusivement agricole de la zone en l'état du plan local d'urbanisme ; qu'il est incontestable que les travaux litigieux ont été réalisés en infraction avec les dispositions du plan local d'urbanisme applicables s'agissant de constructions édifiées sur des parcelles classées en zone A où sont seules autorisées les constructions nécessaires à une exploitation agricole ; que le fait de transformer une maison à usage d'habitation à résidence hôtelière comprenant des chambres, une salle de restaurant, un bar, une consigne, une salle de réception, un hammam, une salle de massage et une piscine constitue des transformations du projet initial qui sont contraires à la réglementation d'urbanisme de la zone ;
" 1°) alors que les juges ne peuvent entrer en voie de condamnation qu'en statuant sur les faits visés à la prévention ; qu'en l'espèce, la prévention reproche aux prévenus « la création d'une terrasse en bois permettant l'accès à la piscine depuis le pool house et d'un escalier permettant d'accéder à la piscine depuis la terrasse » ; que les juges du fond ne pouvaient, sans excéder leurs pouvoirs et méconnaître ce faisant les droits de la défense, déclarer les prévenus coupables d'avoir construit une piscine avec pool house et les condamner à la démolition du pool house tandis que la construction de la piscine et celle du pool house n'étaient pas visées à la prévention ;
" 2°) alors que, de même, la prévention reprochait aux prévenus « la création d'une salle de restaurant, d'un bar, d'une consigne, d'une salle de réception, des deux chambres, d'un hamman et de son local technique et d'une terrasse », « la création de cinq chambres avec sanitaires, d'une lingerie et d'une pièce appelée salle de massage » ; que les juges du fond ne pouvaient, sans méconnaître les limites de leur saisine, déclarer les prévenus coupables pour « le fait de transformer une maison à usage d'habitation en résidence hôtelière » " ;
Vu les articles 388 et 512 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'il résulte de ces textes que les juges ne peuvent statuer que sur les faits dont ils sont saisis, à moins que le prévenu n'accepte expressément d'être jugé sur des faits distincts de ceux qui sont visés à la prévention ;
Attendu que, pour déclarer les prévenus coupables de construction d'une piscine avec pool house et ordonner la démolition de ce dernier, l'arrêt énonce que les travaux de construction dont s'agit ont pour finalité de transformer une maison à usage d'habitation sur le domaine agricole en un établissement de type hôtelier comportant un total de cinq chambres, une salle de restaurant, un bar, une consigne, une salle de réception, un hammam, une salle de massage, une piscine avec pool house ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que la prévention ne visait pas la construction d'une piscine et d'un pool house, éléments sur lesquels les juges du fond n'ont pas constaté que les prévenus avaient expressément accepté d'être jugés, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 16 septembre 2014, mais en ses seules dispositions ayant ordonné la remise en état des lieux avant construction d'une piscine et d'un pool house et sur la peine, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcé,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quinze septembre deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.
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