Civ.1 2 juillet 2025 n° 23-14.165
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
LM
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 2 juillet 2025
Cassation partielle
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 489 F-D
Pourvoi n° X 23-14.165
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 2 JUILLET 2025
Mme [F] [L], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° X 23-14.165 contre l'arrêt rendu le 14 septembre 2022 par la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion (chambre de la famille), dans le litige l'opposant à M. [N] [I], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, sept moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Daniel, conseillère référendaire, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de Mme [L], de Me Bouthors, avocat de M. [I], et l'avis de Mme Picot-Demarcq, avocate générale référendaire, après débats en l'audience publique du 20 mai 2025 où étaient présentes Mme Champalaune, présidente, Mme Daniel, conseillère référendaire rapporteure, Mme Auroy, conseillère doyenne, et Mme Tifratine, greffière de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des présidente et conseillères précitées, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de La Réunion, 14 septembre 2022), un jugement du 8 juillet 1996 a prononcé le divorce de M. [I] et de Mme [L], mariés sans contrat préalable.
2. Des difficultés sont survenues à l'occasion de la liquidation de leurs intérêts patrimoniaux.
Examen des moyens
Sur les troisième, quatrième, cinquième et septième moyens et sur le sixième moyen, pris en sa première branche
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. Mme [L] fait grief à l'arrêt de déclarer sa demande au titre des bénéfices perçus par M. [I] de 2013 à 2017 de la société d'infirmiers irrecevable, alors « que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui même le principe de la contradiction ; que, pour déclarer irrecevable la demande de Madame [L] concernant la créance de l'indivision au titre des bénéfices perçus par Monsieur [I] depuis 2013, présentée selon le droit commun, la cour d'appel a affirmé qu'elle n'a pas fait l'objet d'une requête en omission de statuer dans le délai de l'article 463 du code de procédure civile et que l'arrêt du 23 février 2019 ayant omis de statuer sur cette demande était désormais définitif ; qu'en statuant ainsi, sans appeler les observations des parties sur ce moyen qui ne ressort pas de leurs conclusions, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 16 du code de procédure civile :
5. Aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
6. Pour constater que la demande de Mme [L] au titre des bénéfices perçus par M. [I] de 2013 à 2017 de la société d'infirmiers est irrecevable, l'arrêt retient que, si l'arrêt du 13 février 2019 comprend des motifs tendant au rejet de cette demande déjà formée entre les parties devant la cour d'appel alors saisie, le dispositif de cet arrêt ne contient aucun chef à ce titre, que le pourvoi en cassation de Mme [L] à l'encontre de cet arrêt a été rejeté et que Mme [L] n'a pas sollicité la réparation de l'omission de statuer auprès de la cour d'appel, sur le fondement de l'article 463 du code de procédure civile.
7. En statuant ainsi, sans avoir au préalable invité les parties à formuler leurs observations sur ce moyen relevé d'office, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
8. Mme [L] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de créance de l'indivision au titre de la cession des parts sociales de la société d'infirmiers, alors « qu'en affirmant à la fois que la valeur des parts sociales cédées en 2013 a été intégrée à l'actif de la masse à partager à hauteur de 125 000 euros et, par motifs adoptés, que cet actif contient les parts sociales que détient Monsieur [I] dans la SCP d'infirmiers, valorisées à une valeur identique, la cour d'appel a retenu à la fois que la valeur des parts sociales cédées en 2013 est intégrée à l'actif de la masse à partager et qu'elle ne l'est pas ; qu'en statuant ainsi par des motifs contradictoires, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
9. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. La contradiction de motifs équivaut à une absence de motifs.
10. Pour rejeter la demande de Mme [L] de créance de l'indivision à l'encontre de M. [I] au titre de la cession de parts sociales de la société d'infirmiers, l'arrêt retient, d'une part, que la valeur des parts sociales cédées en 2013 a été intégrée à l'actif de la masse à partager à hauteur de 125 000 euros, et, d'autre part, dans les motifs adoptés relatifs à l'exposé de cet actif, qu'il contient les parts sociales que détient M. [I] dans la société.
11. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est contredite, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
Et sur le sixième moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
12. Mme [L] fait grief à l'arrêt de dire que M. [I] est redevable envers l'indivision d'une indemnité d'occupation portant uniquement sur le lot n° 1 composant le bien indivis, pour la période du 23 décembre 2010 au 23 décembre 2015, à hauteur de 33 780 euros, alors « que si une demande d'indemnité pour une occupation antérieure à cinq années est prescrite, une demande d'indemnité pour une occupation remontant à moins de cinq ans est recevable ; que Monsieur [I] reconnaissait avoir occupé les lieux jusqu'au mois d'août 2019 et que Madame [L] demandait que la créance de l'indivision porte sur la période du 23 décembre 2010 jusqu'au partage ; qu'en limitant la créance de l'indivision à une période allant du 23 décembre 2010 au 23 décembre 2015, par application de la prescription quinquennale aux demandes d'indemnités pour une occupation postérieure à 2015 et donc par définition non prescrite au jour de la demande fixée le 23 décembre 2015, la cour d'appel a violé l'article 815-10 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 815-9, alinéa 2, et 815-10, alinéa 3, du code civil :
13. Il résulte de ces textes que lorsqu'un ex-époux forme une demande en paiement d'une indemnité d'occupation plus de cinq ans après la date à laquelle le jugement de divorce a acquis force de chose jugée, il n'est en droit d'obtenir qu'une indemnité portant sur les cinq années qui précèdent sa demande, sauf les cas d'interruption ou de suspension de la prescription.
14. Pour dire que M. [I] est redevable envers l'indivision d'une indemnité d'occupation portant uniquement sur le lot n° 1 composant le bien indivis, pour la période du 23 décembre 2010 au 23 décembre 2015, à hauteur de 33 780 euros, et ainsi écarter la demande de créance portant sur la période postérieure à cette dernière date jusqu'au partage, l'arrêt, après avoir énoncé que l'indemnité due ne peut porter que sur les cinq dernières années précédant la demande, retient que la demande d'indemnité présentée par Mme [L] ressortant du procès-verbal de difficultés établi par le notaire le 23 décembre 2015 peut être accueillie pour les cinq années qui la précèdent, soit du 23 décembre 2010 au 23 décembre 2015, mais ne peut être accueillie en ce qu'elle consiste à voir dépasser la période de cinq ans, eu égard aux délais de prescription légaux.
15. En statuant ainsi, alors que la prescription quinquennale ne s'appliquait qu'à la demande d'indemnité d'occupation pour la période antérieure au délai de cinq ans la précédant, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
16. La cassation des chefs de dispositif susmentionnés n'emporte pas celle des chefs de dispositif statuant sur les dépens et les frais irrépétibles, justifiés par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause.
Civ.1 2 juillet 2025 n° 24-21.917 B
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 2 juillet 2025
Cassation partielle sans renvoi
Mme CHAMPALAUNE, présidente
Arrêt n° 479 F-P
Pourvoi n° U 24-21.917
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 2 JUILLET 2025
M. [D] [M], domicilié [Adresse 5], [Localité 6] (Biélorussie), a formé le pourvoi n° U 24-21.917 contre l'arrêt rendu le 26 mars 2024 par la cour d'appel de Metz (chambre de la famille), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [H] [P], domiciliée [Adresse 1], [Localité 4],
2°/ au procureur général près la cour d'appel de Metz, domicilié en son parquet général, palais de justice, [Adresse 2], [Localité 3],
défendeurs à la cassation.
Mme [P] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Fulchiron, conseiller, les observations de Me Carbonnier, avocat de M. [M], de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et Associés, avocat de Mme [P], après débats en l'audience publique du 20 mai 2025 où étaient présents Mme Champalaune, présidente, M. Fulchiron, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseillère doyenne, et Mme Tifratine, greffière de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée de la présidente et conseillères précitées, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 26 mars 2024), l'enfant [Z] [M] est né le 15 avril 2013 à [Localité 6] (Biélorussie) de l'union de Mme [P] et de M. [M], dont le divorce a été prononcé le 3 avril 2014.
2. Une décision biélorusse du 29 novembre 2019 a homologué la convention des parents fixant la résidence habituelle de l'enfant chez la mère et statué sur le montant de la pension alimentaire due par le père pour l'entretien et l'éducation de celui-ci.
3. En juin 2021, Mme [P] est partie avec [Z] [M] en France, où elle a formé une demande d'asile.
4. M. [M] ayant mis en oeuvre la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Strasbourg a, le 27 septembre 2021, saisi le juge aux affaires familiales aux fins de voir ordonner le retour immédiat de l'enfant en Biélorussie.
Examen des moyens
Sur le moyen unique du pourvoi principal et sur le premier moyen du pourvoi incident
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen du pourvoi incident
Enoncé du moyen
6. Mme [P] fait grief à l'arrêt de la condamner à verser 8 000 euros à M. [M] au titre de l'article 26 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants, alors « que, selon l'article 26 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants, l'autorité qui ordonne le retour de l'enfant déplacé ou retenu ou qui statue sur le droit de visite dans le cadre de la Convention peut mettre à la charge de la personne qui a déplacé ou qui a retenu l'enfant, ou qui a empêché l'exercice du droit de visite, le paiement de tous les frais nécessaires engagés par le demandeur au retour ou en son nom ; que la prise en charge de ces frais est conditionnée à une décision préalable ordonnant le retour de l'enfant ou statuant sur le droit de visite ; que la cour d'appel, en condamnant Mme [P] à verser 8 000 ¿ à M. [M] au titre de l'article 26 de la Convention de La Haye, alors même qu'elle a refusé de faire droit à la demande de retour formulée par M. [M] et n'a statué sur aucun droit de visite dans le cadre de la Convention, a violé l'article 26 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 26 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants :
7. Ce texte dispose :
« En ordonnant le retour de l'enfant ou en statuant sur le droit de visite dans le cadre de la Convention, l'autorité judiciaire ou administrative peut, le cas échéant, mettre à la charge de la personne qui a déplacé ou qui a retenu l'enfant, ou qui a empêché l'exercice du droit de visite, le paiement de tous frais nécessaires engagés par le demandeur ou en son nom, notamment des frais de voyage, des frais de représentation judiciaire du demandeur et de retour de l'enfant, ainsi que de tous les coûts et dépenses faits pour localiser l'enfant. »
8. Il en résulte que le juge ne peut condamner une partie en application de ce texte que s'il ordonne le retour ou statue sur le droit de visite sur le fondement de la Convention.
9. Pour condamner Mme [P] à verser à M. [M] la somme de 8 000 euros au titre de l'article 26 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980, l'arrêt retient que celui-ci est bien fondé à solliciter le paiement des frais nécessaires qu'il a engagés pour la mise en oeuvre du retour de l'enfant et dont il justifie à hauteur de ce montant.
10. En statuant ainsi, alors qu'elle avait précédemment rejeté la demande de retour, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
11. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
12. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, qu'il soit à nouveau jugé au fond.
13. Les conditions d'application de l'article 26 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants n'étant pas réunies, dès lors qu'il n'est pas ordonné le retour de l'enfant ni statué sur le droit de visite sur le fondement de cette Convention, il y a lieu de confirmer l'ordonnance du 29 octobre 2021 du juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Strasbourg en ce qu'il dit n'y avoir lieu à application de ces dispositions.
Civ.1 2 juillet 2025 n° 23-18.877 B
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
LM
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 2 juillet 2025
Cassation partielle
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 493 F-B
Pourvoi n° U 23-18.877
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 2 JUILLET 2025
Mme [S] [F], épouse [O], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° U 23-18.877 contre l'arrêt rendu le 30 mai 2023 par la cour d'appel de Versailles (1re chambre, 1re section), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [U] [F], épouse [I], domiciliée [Adresse 6],
2°/ à Mme [B] [F], domiciliée [Adresse 5],
3°/ à M. [D] [F], domicilié [Adresse 7],
4°/ à Mme [P] [A], veuve [F], domiciliée [Adresse 8],
5°/ à Mme [J] [F], domiciliée [Adresse 3],
6°/ à Mme [K] [F], domiciliée [Adresse 4],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, cinq moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Poinseaux, conseillère, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [S] [F], de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de Mme [U] [F], et l'avis de Mme Picot-Demarcq, avocate générale référendaire, après débats en l'audience publique du 20 mai 2025 où étaient présentes Mme Champalaune, présidente, Mme Poinseaux, conseillère rapporteure, Mme Auroy, conseillère doyenne, et Mme Tifratine, greffière de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des présidente et conseillères précitées, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 30 mai 2023) et les productions, [X] [F] est décédé le 6 avril 2006, en laissant pour lui succéder son épouse commune en biens, [L] [T], elle-même décédée le 16 mars 2016, ses trois enfants Mme [U] [F], Mme [S] [F] et [H] [F], lui-même décédé le 30 novembre 2019, et ses deux petits-enfants, Mme [B] [F] et M. [D] [F], venant en représentation de leur père prédécédé [Y] [F], et en l'état d'un testament olographe daté du 22 septembre 2005 léguant à sa fille Mme [U] [F] la quotité disponible de sa succession.
2. Des difficultés sont survenues lors du règlement de la succession d'[X] [F] et un bien immobilier propre a été vendu le 11 décembre 2017, moyennant le prix de 451 000 euros, versé au notaire en charge de la succession.
Sur les deuxième, troisième, quatrième et cinquième moyens
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
4. Mme [S] [F] fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de Mme [U] [F] tendant à voir dire que le calcul de la quotité disponible serait effectué en intégrant à l'actif successoral la somme de 451 000 euros représentant la valeur de l'aliénation de la propriété sise [Adresse 2] et de déclarer que le calcul de la quotité disponible sur laquelle s'imputerait l'avantage indirect perçu par Mme [U] [F] et arrêté par le tribunal à la somme de 212 380 euros dont elle devait rapport à la succession, serait effectué en intégrant à l'actif successoral la somme de 451 000 euros représentant la valeur d'aliénation de la propriété [Adresse 2] par application des dispositions de l'article 922 du code civil, alors « que la masse de calcul prévue à l'article 922 du code civil se compose des biens existant au décès selon leur valeur à l'ouverture de la succession ; qu'en jugeant que le calcul de la quotité disponible sur laquelle s'imputerait l'avantage indirect perçu par Mme [U] [F], arrêté par le tribunal à la somme de 212 380 euros, serait effectué en intégrant à l'actif successoral la somme de 451 000 euros représentant la valeur d'aliénation de la propriété au motif que le bien appartenant au défunt avait été vendu postérieurement au décès et que les dispositions de l'article 922 du code civil ne pouvaient être "panachées", quand il était constant que le bien immobilier existait dans le patrimoine du défunt au jour de l'ouverture de la succession et avait été cédé postérieurement de sorte que pour calculer la quotité disponible léguée à Mme [U] [F], il convenait de tenir compte de la valeur du bien immobilier au jour de l'ouverture de la succession, la cour d'appel a violé l'article 922 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 922 du code civil, dans sa version antérieure à celle issue de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, applicable à la cause :
5. Ce texte dispose :
« La réduction se détermine en formant une masse de tous les biens existant au décès du donateur ou testateur.
On y réunit fictivement, après en avoir déduit les dettes, ceux dont il a été disposé par donation entre vifs d'après leur état à l'époque de la donation et leur valeur à l'ouverture de la succession. Si les biens ont été aliénés, il est tenu compte de leur valeur à l'époque de l'aliénation et, s'il y a eu subrogation, de la valeur des nouveaux biens au jour de l'ouverture de la succession.
On calcule sur tous ces biens, eu égard à la qualité des héritiers qu'il laisse, quelle est la quotité dont le défunt a pu disposer. »
6. Il en résulte que les biens fictivement réunis se retrouvant au décès dans le patrimoine du donataire sont évalués comme les biens existants, au jour du décès, dans leur état au jour de la donation.
7. Pour déclarer que le calcul de la quotité disponible sera effectué en intégrant à l'actif successoral la somme de 451 000 euros représentant la valeur d'aliénation de la propriété [Adresse 2] par application des dispositions de l'article 922 du code civil, l'arrêt retient que selon la deuxième phrase de l'alinéa 2 de ce texte, lorsque les biens ont été aliénés, il ne peut être tenu compte que de leur valeur d'aliénation.
8. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
9. La cassation des chefs de dispositif infirmant le jugement, en ce qu'il a rejeté la demande de Mme [U] [F] tendant à voir dire que le calcul de la quotité disponible sera effectué en intégrant à l'actif successoral la somme de 451 000 euros représentant la valeur de l'aliénation de la propriété sise [Adresse 2] et déclaré que le calcul de la quotité disponible sur laquelle s'imputerait l'avantage indirect perçu par Mme [U] [F] et arrêté par le tribunal à la somme de 212 380 euros dont elle doit rapport à la succession, serait effectué en intégrant à l'actif successoral la somme de 451 000 euros représentant la valeur d'aliénation de la propriété [Adresse 2] par application des dispositions de l'article 922 du code civil, n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant Mme [S] [F] aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause.
Civ.1 2 juillet 2025 n° 23-22.491
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 2 juillet 2025
Cassation
Mme CHAMPALAUNE, présidente
Arrêt n° 478 F-D
Pourvoi n° X 23-22.491
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 2 JUILLET 2025
Mme [O] [B], domiciliée [Adresse 4], a formé le pourvoi n° X 23-22.491 contre l'arrêt rendu le 15 novembre 2023 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre spéciale des mineurs 2-5), dans le litige l'opposant :
1°/ au département des [Localité 6], dont le siège est [Adresse 7], représenté par le président du conseil départemental des [Localité 6], service d'Aide sociale à l'enfance, domicilié [Adresse 1], et dont l'Aide sociale à l'enfance des [Localité 6] est sise [Adresse 8],
2°/ à M. [Z] [I], domicilié chez Mme [M] [S], [Adresse 5],
3°/ au procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence, domicilié en son parquet général, [Adresse 2],
défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Fulchiron, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de Mme [B], de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat du département des [Localité 6], représenté par le président du conseil départemental des [Localité 6], service d'Aide sociale à l'enfance, et l'avis de Mme Picot-Demarcq, avocate générale référendaire, après débats en l'audience publique du 20 mai 2025 où étaient présents Mme Champalaune, présidente, M. Fulchiron, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseillère doyenne, et Mme Tifratine, greffière de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée de la présidente et conseillères précitées, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 15 novembre 2023) et les pièces de la procédure, de l'union entre Mme [B] et M. [I] est issu [J] [I], né le [Date naissance 3] 2016.
2. Saisi en 2020, un juge des enfants a ordonné une mesure d'assistance éducative en milieu ouvert, plusieurs fois renouvelée, puis le placement de l'enfant à l'aide sociale à l'enfance.
Examen des moyens
Sur le premier moyen et le quatrième moyen, pris en sa seconde branche
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
4. Mme [B] fait grief à l'arrêt de confier [J] [I] à l'aide sociale à l'enfance des [Localité 6] jusqu'au 30 septembre 2024, sous la forme d'un placement direct, et d'accorder tant à elle qu'à M. [I] un droit de visite médiatisé, puis de rejeter toutes ses demandes, alors « que sauf urgence, le juge ne peut confier l'enfant à un service départemental de l'Aide sociale à l'enfance qu'après évaluation, par le service compétent, des conditions d'éducation et de développement physique, affectif, intellectuel et social de l'enfant dans le cadre d'un accueil par un membre de la famille ou par un tiers digne de confiance ; qu'en confiant [J] à l'Aide sociale à l'enfance des [Localité 6], sans qu'ait été évaluée la possibilité d'un accueil de l'enfant par un membre de la famille, autre que les parents, ou un tiers digne de confiance, et notamment par la grand-mère de l'enfant ou la marraine de l'enfant qui se sont manifestées en ce sens, ni constater l'urgence, la cour d'appel a violé l'article 375-3 du code civil, ensemble l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
5. Le département des [Localité 6] conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que celui-ci est nouveau et mélangé de fait et de droit.
6. Cependant il ne résulte ni de l'arrêt ni des pièces de la procédure que Mme [B] avait soutenu devant la cour d'appel qu'il n'avait pas été procédé à l'évaluation par le service compétent de la possibilité d'un accueil de l'enfant par un membre de la famille, autre que les parents, ou un tiers digne de confiance.
7. Le moyen est donc nouveau, mélangé de fait et de droit, et partant irrecevable.
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
8. Mme [B] fait encore le même grief à l'arrêt, alors « que, premièrement, sauf urgence, le juge ne peut confier l'enfant à un service départemental de l'aide sociale à l'enfance qu'après audition de l'enfant lorsque ce dernier est capable de discernement ; qu'en l'espèce, ni le juge des enfants, ni la cour d'appel n'ont entendu [J] [I] ; que par suite, en confiant [J] [I] à l'Aide sociale à l'enfance des [Localité 6], sans constater ni l'urgence, ni son absence de discernement, la cour d'appel a violé l'article 375-3 du code civil, ensemble les articles 1189 et 1193 du code de procédure civile et 6 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 375-3, alinéa 7, du code civil, 1189, alinéa 1er, et 1193, alinéa 1er, du code de procédure civile :
9. Selon le premier de ces textes, sauf urgence, le juge des enfants ne peut confier l'enfant à un service départemental de l'aide sociale à l'enfance, à un service ou à un établissement habilité pour l'accueil de mineurs à la journée ou suivant toute autre modalité de prise en charge ou à un service ou à un établissement sanitaire ou d'éducation, ordinaire ou spécialisé, qu'après audition de l'enfant lorsque ce dernier est capable de discernement.
10. Aux termes du deuxième, à l'audience, le juge entend le mineur, ses parents, tuteur ou personne ou représentant du service à qui l'enfant a été confié ainsi que toute autre personne dont l'audition lui paraît utile. Il peut dispenser le mineur de se présenter ou ordonner qu'il se retire pendant tout ou partie de la suite des débats.
11. Si, en vertu de ce texte, le juge des enfants peut dispenser le mineur de se présenter à l'audience, il doit néanmoins effectuer un entretien individuel avec l'enfant capable de discernement.
12. Le dernier de ces textes dispose :
« L'appel est instruit et jugé par priorité en chambre du conseil par la chambre de la cour d'appel chargée des affaires des mineurs suivant la procédure applicable devant le juge des enfants. »
13. Il résulte de ce texte que, si la cour d'appel, juridiction de jugement, n'est pas tenue de procéder à une nouvelle instruction de l'affaire, elle doit cependant effectuer les actes auxquels le premier juge n'a pas procédé.
14. Pour confier l'enfant à l'aide sociale à l'enfance, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'urgence de la situation, n'a ni entendu individuellement l'enfant ni constaté son absence de discernement, sans qu'il résulte ni de l'arrêt ni des pièces de la procédure que l'enfant avait été entendu par le juge des enfants.
15. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Civ.1 2 juillet 2025 n° 23-17.524 B
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
IJ
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 2 juillet 2025
Cassation partielle
Mme CHAMPALAUNE, présidente
Arrêt n° 483 F
Pourvoi n° Y 23-17.524
Aide juridictionnelle totale en demande au profit de M. [S] [Z]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 19 avril 2023.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 2 JUILLET 2025
M. [S] [Z], domicilié [Adresse 4], a formé le pourvoi n° Y 23-17.524 contre l'arrêt rendu le 22 septembre 2022 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre des tutelles des majeurs), dans le litige l'opposant :
1°/ à l'association Atina, dont le siège est [Adresse 5]; [Adresse 5],
2°/ à M. [L] [Z], domicilié [Adresse 2],
3°/ à M. [E] [Z], domicilié [Adresse 1],
4°/ à Mme [H] [W], mandataire judiciaire, domiciliée [Adresse 3], prise en sa qualité de tutrice aux biens et à la personne de M. [L] [Z],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Marilly, conseillère référendaire, les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de M. [S] [Z], et l'avis de Mme Picot-Demarcq, avocate générale, après débats en l'audience publique du 20 mai 2025 où étaient présentes Mme Champalaune, présidente, Mme Marilly, conseillère référendaire rapporteure, Mme Auroy, conseillère doyenne, et Mme Tifratine, greffière de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée de la présidente et conseillères précitées, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 22 septembre 2022), un juge des tutelles a placé M. [L] [Z] sous tutelle pour une durée de soixante mois et désigné l'association ATINA, mandataire judiciaire à la protection des majeurs, en qualité de tuteur tant aux biens qu'à la personne.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
2. M. [S] [Z] fait grief à l'arrêt de désigner Mme [W], mandataire judiciaire à la protection des majeurs, en qualité de tuteur aux biens et à la personne de M. [L] [Z], à compter du 1er octobre 2022 et de rejeter sa demande tendant à être nommé tuteur, alors « qu'en se bornant à énoncer, pour désigner Mme [W] afin d'exercer la tutelle aux biens et à la personne de M. [L] [Z], qu'il convient de décharger l'Association ATINA de la mesure de tutelle compte tenu du très fort conflit entre celle-ci et Monsieur [S] [Z] et de la perte de confiance de M. [E] [Z] envers cette association, sans préciser pour quelles raisons un tiers devait être désigné en qualité de tuteur de M. [L] [Z] plutôt que M. [S] [Z], son frère, qui en faisait la demande, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 445 et suivants du code civil. »
Réponse de la Cour
3. Vu les articles 449 et 450 du code civil :
4. Le premier de ces textes dispose :
« A défaut de désignation faite en application de l'article 448, le juge nomme, comme curateur ou tuteur, le conjoint de la personne protégée, le partenaire avec qui elle a conclu un pacte civil de solidarité ou son concubin, à moins que la vie commune ait cessé entre eux ou qu'une autre cause empêche de lui confier la mesure.
A défaut de nomination faite en application de l'alinéa précédent et sous la dernière réserve qui y est mentionnée, le juge désigne un parent, un allié ou une personne résidant avec le majeur protégé ou entretenant avec lui des liens étroits et stables.
Le juge prend en considération les sentiments exprimés par celui-ci, ses relations habituelles, l'intérêt porté à son égard et les recommandations éventuelles de ses parents et alliés ainsi que de son entourage. »
5. Aux termes du second, lorsqu'aucun membre de la famille ou aucun proche ne peut assumer la curatelle ou la tutelle, le juge désigne un mandataire judiciaire à la protection des majeurs inscrit sur la liste prévue à l'article L. 471-2 du code de l'action sociale et des familles. Ce mandataire ne peut refuser d'accomplir les actes urgents que commande l'intérêt de la personne protégée, notamment les actes conservatoires indispensables à la préservation de son patrimoine.
6. Il résulte de ces textes que la tutelle familiale doit être préférée, chaque fois que cela est possible, à la tutelle confiée à un mandataire judiciaire à la protection des majeurs.
7. Pour décharger l'association ATINA de sa mission de tuteur aux biens et à la personne de M. [L] [Z] et désigner Mme [W], mandataire judiciaire à la protection des majeurs, en cette qualité, l'arrêt énonce qu'il existe un très fort conflit entre le tuteur et le majeur protégé et que M. [E] [Z], frère de ce dernier, a perdu confiance envers l'association.
8. En se déterminant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que M. [S] [Z] avait demandé à être désigné en qualité de tuteur de son frère, la cour d'appel, qui n'a pas expliqué en quoi la désignation d'un tiers était commandée par l'intérêt de la personne protégée, n'a pas donné de base légale à sa décision.
Portée et conséquences de la cassation
9. La cassation du chef de dispositif désignant Mme [W] mandataire judiciaire à la protection des majeurs en qualité de tuteur aux biens et à la personne de M. [L] [Z] à compter du 1er octobre 2022 n'emporte pas celle du chef de dispositif de l'arrêt laissant les dépens à la charge du Trésor public, justifié par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause.
Com. 2 juillet 2025 n° 24-16.590 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
HM
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 2 juillet 2025
Cassation
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 370 F-B
Pourvoi n° D 24-16.590
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 2 JUILLET 2025
M. [J] [W], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 24-16.590 contre l'arrêt rendu le 21 mars 2024 par la cour d'appel de Douai (chambre 8, section 1), dans le litige l'opposant à la caisse de Crédit mutuel de [Localité 3], dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Calloch, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. [W], de Me Soltner, avocat de la caisse de Crédit mutuel de [Localité 3], et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 20 mai 2025 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Calloch, conseiller rapporteur, Mme Schmidt, conseiller doyen, et Mme Sezer, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 21 mars 2024), les 5 et 6 mars 2019, deux virements ont été effectués à partir du compte ouvert par M. [W] dans les livres de la caisse de Crédit mutuel de [Localité 3] (la banque).
2. Le 7 mars 2019, M. [W] a notifié à la banque qu'il contestait être à l'origine de ces deux opérations et lui en a demandé le remboursement.
3. La banque lui ayant opposé un refus, il l'a assignée en paiement le 21 décembre 2021.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. M. [W] fait grief à l'arrêt attaqué de déclarer son action irrecevable, alors « qu'il résulte de l'article L. 133-24 du code monétaire et financier que l'utilisateur de services de paiement signale, sans tarder, à son prestataire de services de paiement une opération de paiement non autorisée ou mal exécutée et au plus tard dans les treize mois suivant la date de débit sous peine de forclusion à moins que le prestataire de services de paiement ne lui ait pas fourni ou n'ait pas mis à sa disposition les informations relatives à cette opération de paiement conformément au chapitre IV du titre 1er du livre III ; qu'en l'espèce, il est constant que le 7 mars 2019, il a formé opposition à deux opérations au débit de ses comptes bancaires réalisées dans la nuit du 5 au 6 mars 2019 pour des montants de 7 314,00 euros et 3 717,00 euros en déclarant ne pas en être à l'origine, et qu'il a ensuite, le 8 mars 2019, informé son agence bancaire de ces opérations frauduleuses, et lui a demandé le remboursement des sommes indûment prélevées ; qu'en le déclarant irrecevable aux motifs que l'article L. 133-24 du code monétaire et financier instaurait un délai de forclusion spécial de 13 mois, que les débits prétendument frauduleux remontaient au 6 mars 2019 et que l'assignation du 21 décembre 2021, soit largement plus de 13 mois plus tard, encourait donc la forclusion, quand ce texte prévoit seulement que le payeur doit "signale " cette opération dans le délai de treize mois suivant la date de débit sous peine de forclusion, ce qui, si le signalement a été réalisée dans ce délai, autorise le demandeur à engager une action en justice dans le délai de droit commun, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 133-24 du code monétaire et financier :
5. Aux termes de cet article, l'utilisateur de services de paiement signale, sans tarder, à son prestataire de services de paiement une opération de paiement non autorisée ou mal exécutée et au plus tard dans les treize mois suivant la date de débit sous peine de forclusion.
6. Pour déclarer irrecevables les demandes de M. [W], l'arrêt, après avoir constaté que celui-ci avait, le 7 mars 2019, formé opposition aux deux virements effectués à partir de son compte les 5 et 6 mars 2019 en déclarant ne pas en être à l'origine, retient que l'assignation en paiement ayant été délivrée le 21 décembre 2021, soit plus de treize mois plus tard, l'action encourt la forclusion.
7. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que M. [W] avait signalé sans tarder et au plus tard dans le délai de treize mois les opérations non autorisées, ce qui l'autorisait à agir en paiement contre la banque dans le délai de droit commun, la cour d'appel a violé l'article susvisé.
Com. 2 juillet 2025 n° 24-15.025
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
LC
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 2 juillet 2025
Cassation
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 383 F-D
Pourvoi n° C 24-15.025
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 2 JUILLET 2025
M. [M] [W], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° C 24-15.025 contre l'arrêt rendu le 29 février 2024 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 9), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société SCP [K], dont le siège est [Adresse 1], représentée par M. [U] [K], pris en qualité de liquidateur de la société Zig Zag ayant son siège [Adresse 4],
2°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié en son parquet général [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Buquant, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [W], de la SCP Le Griel, avocat de la société SCP [K], ès qualités, et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 mai 2025 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Buquant, conseiller référendaire rapporteur, Mme Schmidt, conseiller doyen, et Mme Sezer, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 février 2024), par jugements des 20 février et 9 juillet 2019, la société Zig Zag, dont le gérant était M. [W], a été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la société SCP [K] étant désignée en qualité de liquidateur.
2. Sur assignation du liquidateur, un jugement du 27 juin 2023 a condamné M. [W] à supporter l'insuffisance d'actif de la société Zig Zag à concurrence de 11 185,60 euros.
3. Le liquidateur a fait appel de ce jugement pour voir augmenter le montant de cette contribution. M. [W] n'a pas constitué avocat devant la cour d'appel. Examen des moyens
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
4. M. [W] fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au liquidateur la somme de 300 294,85 euros au titre de l'insuffisance d'actif de la société Zig Zag, alors « qu'en appel, si l'intimé ne conclut pas, il est néanmoins statué sur le fond, et le juge ne fait droit aux prétentions et moyens de l'appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables et bien fondés ; qu'en retenant, pour infirmer le jugement entrepris ayant limité à la somme de 11 185,60 euros au titre de l'insuffisance d'actif la condamnation de M. [W], intimé non comparant et non représenté en appel, et le condamner à verser à la SCP [K], ès qualités, une somme de 300 294,85 euros, qu'il n'était pas contesté que l'insuffisance d'actif s'élevait à la somme de 300 294,85 euros, sans s'assurer elle-même qu'il était justifié par l'appelant que l'insuffisance d'actif, plafond de la condamnation susceptible d'être prononcée, était au moins de ce montant, la cour d'appel a violé l'article 472 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 651-2 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 651-2 du code de commerce et 472, alinéa 2, du code de procédure civile :
5. Il résulte du premier de ces textes qu'en cas de faute de gestion, le montant de la condamnation du dirigeant d'une personne morale mise en liquidation judiciaire ne peut excéder celui de l'insuffisance d'actif, telle que constatée au jour où le juge statue.
6. Selon le second, si l'intimé ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, mais le juge ne fait droit aux prétentions et moyens de l'appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables et bien fondés.
7. Pour infirmer le jugement et porter la condamnation de M. [W] à supporter l'insuffisance d'actif à la somme de 300 294,85 euros, l'arrêt se borne à énoncer qu'il n'est pas contesté que l'insuffisance d'actif s'élève à la somme de 300 294,85 euros puis retient que la preuve de la gravité des fautes commises et de leur corrélation avec l'insuffisance d'actif est rapportée.
8. En statuant ainsi, sans analyser, même de manière sommaire, les éléments de preuve produits par le liquidateur pour établir le montant certain de l'insuffisance d'actif qu'il lui incombait de déterminer au jour où elle statuait, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Soc. 2 juillet 2025 n° 25-40.013
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
COUR DE CASSATION
ZB1
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QUESTION PRIORITAIRE de CONSTITUTIONNALITÉ ______________________
Arrêt du 2 juillet 2025
IRRECEVABILITÉ
M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 786 FS-D
Affaire n° J 25-40.013
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 JUILLET 2025
Le conseil de prud'hommes de Montpellier (section industrie) a transmis à la Cour de cassation, suite au jugement rendu le 8 avril 2025, la question prioritaire de constitutionnalité, reçue le 17 avril 2025, dans l'instance mettant en cause :
d'une part,
la société Paprec Méditerranée, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],
d'autre part,
M. [V] [S], domicilié [Adresse 1],
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ollivier, conseillère référendaire, et l'avis de Mme Canas, avocate générale, après débats en l'audience publique du 18 juin 2025 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ollivier, conseillère référendaire rapporteure, Mme Ott, conseillère la plus ancienne faisant fonction de doyenne, Mmes Sommé, Bouvier, Bérard, M. Dieu, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, Arsac, conseillères référendaires, Mme Canas, avocate générale, et Mme Pontonnier, greffière de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, du président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. M. [S] a été engagé par la société Delta recyclage le 1er octobre 2015. Son contrat de travail a été repris par la société Paprec Méditerranée le 18 octobre 2017.
2. Le 7 décembre 2023, le salarié a été élu membre suppléant du comité social et économique.
3. Par avis du 1er août 2024, le médecin du travail a déclaré le salarié inapte à son poste de travail, son état de santé faisant obstacle à tout reclassement dans un emploi.
4. Par lettre du 14 août 2024, l'employeur a notifié au salarié son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement, sans avoir sollicité l'autorisation de l'inspecteur du travail.
5. Le 24 septembre 2024, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant au paiement de diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail.
Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité
6. Par jugement du 8 avril 2025, le conseil de prud'hommes de Montpellier a transmis une question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée :
« Les dispositions de l'article L. 2411-8 du code du travail, telles qu'interprétées par la jurisprudence dont il résulte que le salarié protégé licencié sans autorisation administrative dont la réintégration est impossible en application de l'article L. 1226-2-1 en raison du cas de dispense de reclassement, l'état de santé du salarié faisant obstacle à tout reclassement dans un emploi, a droit à une indemnité pour violation du statut protecteur égale aux salaires qu'il aurait dû percevoir entre son éviction et la fin de la période de protection, dans la limite de 30 mois, ne sont-elles pas contraires aux droits et libertés garanties par la Constitution ? »
Examen de la question prioritaire de constitutionnalité
7. D'une part, la question ne précise pas à quels droits et libertés garantis par la Constitution la disposition législative critiquée porte atteinte.
8. D'autre part, la décision de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité qui ne mentionne pas que le salarié a la qualité de représentant de proximité ne permet pas à la Cour de cassation de vérifier que l'article L. 2411-8 du code du travail visé par la question prioritaire est applicable au litige.
9. La question prioritaire de constitutionnalité n'est donc pas recevable.
Com. 2 juillet 2025 n° 24-13.050 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
HM
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 2 juillet 2025
Rejet
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 382 F-B
Pourvoi n° F 24-13.050
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 2 JUILLET 2025
La société Olinda, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° F 24-13.050 contre l'arrêt rendu le 1er février 2024 par la cour d'appel de Caen (2e chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant à la société Agence de contrôle de l'habitat français, dont le siège est [Adresse 2], représentée par Mme [X] [O], mandataire liquidateur, domiciliée [Adresse 3], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Boutié, conseiller référendaire, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Olinda, et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 mai 2025 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Boutié, conseiller référendaire rapporteur, Mme Schmidt, conseiller doyen, et Mme Sezer, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 1er février 2024), le 24 juin 2020, la société Agence de contrôle de l'habitat français (la société ACHF), a été mise en liquidation judiciaire, Mme [O] étant désignée liquidateur.
2. La société ACHF étant titulaire d'un compte ouvert dans les livres de la société Olinda, établissement de paiement au sens de l'article L. 522-1, I, du code monétaire et financier, le liquidateur a demandé la restitution de la somme de 8 850 euros correspondant à trois paiements effectués le 29 juin 2020.
Examen du moyen
Sur le moyen pris en ses troisième et quatrième branches
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen pris en ses deux premières et trois dernières branches
Enoncé du moyen
4. La société Olinda reproche à l'arrêt de rejeter ses demandes et de la condamner à payer au liquidateur la somme de 8 850 euros majorée des intérêts, alors :
« 1°/ que, à l'inverse du client d'un établissement de crédit, le titulaire d'un compte ouvert auprès d'un établissement de paiement conserve la propriété des fonds déposés et l'établissement reçoit la chose du déposant, à charge de la garder et de la lui restituer en nature ; qu'en conséquence, l'opération de débit du compte de paiement n'éteint pas une créance de l'établissement de paiement sur le titulaire du compte, mais n'est qu'une écriture comptable formalisant son dessaisissement de la chose qui lui a été remise en dépôt ; qu'à défaut pour l'établissement de paiement de recevoir des fonds ou un paiement en exécution du paiement litigieux, l'établissement de paiement n'est pas partie à l'opération de paiement mais n'en est que l'instrument de sorte que seul le tiers contractant à l'opération de débit est le bénéficiaire du paiement qu'il reçoit directement du patrimoine de l'émetteur du paiement ; qu'en conséquence, seul ce tiers doit restituer les fonds qu'il a perçus postérieurement au prononcé de la liquidation judiciaire du titulaire du compte ; que pour condamner la société Olinda à payer à Me [O], es-qualité de liquidateur judiciaire de la société ACHF la somme de 8 850 euros correspondant à des opérations enregistrées sur le compte de sa cliente, postérieurement au prononcé de sa liquidation judiciaire, l'arrêt retient que l'établissement de paiement détient de matière précaire mais régulière sur le compte ouvert en ses livres par l'utilisateur de services de paiement les fonds remis par celui-ci en vue de leur transfert aux bénéficiaires par virements, paiements ou prélèvements autorisés par le titulaire du compte ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 1915 du code civil, L. 312-2, L. 511-5 et L. 522-4 du code monétaire et financier ;
2°/ que seul l'établissement de crédit devient propriétaire des fonds déposés par le titulaire d'un compte ouvert en ses livres, de sorte que son client ne dispose plus que d'un droit de créance à l'égard de la banque ce qui justifie que les opérations enregistrées au débit du compte, postérieurement à l'ouverture de la liquidation judiciaire du titulaire du compte et de son dessaisissement, soient analysées comme un paiement au bénéfice de la banque inopposable à la procédure et que la banque soit tenue d'en restituer le montant entre les mains de son liquidateur judiciaire ; qu'en revanche, le dépôt effectué par le titulaire d'un compte ouvert auprès d'un établissement de paiement oblige ce dernier à recevoir la chose d'autrui, à charge de la garder et de la restituer en nature ; qu'ainsi le client est en droit de se prévaloir à l'égard de l'établissement de paiement, d'une obligation de restitution des fonds déposés qui demeurent sa propriété et n'ont pas quitté son patrimoine ; que par conséquent, le dépôt, comme la restitution des fonds n'affectent ni le patrimoine du déposant, ni celui du dépositaire, de sorte que si une opération a été effectuée sur le compte du déposant, postérieurement au prononcé de sa liquidation judiciaire, l'établissement de paiement qui n'a pas reçu des fonds ou obtenu un paiement en exécution de l'opération litigieuse, ne saurait être condamné à restituer ce qu'il n'a pas reçu ; que pour condamner la société Olinda à payer à Me [O], es-qualités, la somme de 8 850 euros, la cour d'appel retient, par motifs adoptés, que ¿¿tant juridiquement qu'au plan comptable les dépôts des clients ne rentrent pas dans le patrimoine des établissements de crédit'' ; qu'en se déterminant de la sorte, pour nier les différences fondamentales existant entre les établissements de crédit et les établissements de paiement justifiant que l'obligation de restitution des fonds déposés auprès d'un établissement de paiement pèse sur le véritable bénéficiaire du paiement inopposable à la procédure collective ouverte contre le débiteur dessaisi, la cour d'appel a violé les articles 544 et 1915 du code civil.
5°/ que si une partie détient un élément de preuve, le juge peut, à la requête de l'autre partie, lui enjoindre de le produire, au besoin à peine d'astreinte ; qu'il en résulte que le juge ne dispose pas du pouvoir de solliciter d'office la production d'un élément de preuve ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé qu'elle avait invité la société Olinda, après la clôture de la mise en état, à communiquer en cours de délibéré et dans un délai de sept jours le contrat de services de paiement conclu entre elle et la société ACHF ; qu'en sollicitant d'office la production d'une telle pièce qui n'était pas demandée par la société ACHF, et sur laquelle elle s'est fondée pour condamner la société Olinda à lui payer la somme de 8 850 euros, la cour d'appel a commis un excès de pouvoir et violé l'article 11 du code de procédure civile ;
6°/ qu'après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office ; qu'en se fondant sur le contrat de services de paiement produit par la société Olinda le 15 décembre 2023, et les observations du débiteur du 19 décembre 2023, pour condamner la société Olinda à payer à la société ACHF la somme de 8.850 euros, tandis qu'elle avait constaté que la mise en état avait été clôturée antérieurement, le 8 novembre 2023, la cour d'appel a violé l'article 802 du code de procédure civile;
7°/ que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut pas retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement ; qu'il ne peut non plus relever d'office un moyen sans inviter les parties à présenter leurs observations ; qu'en se fondant sur le contrat de services de paiement conclu entre la société ACHF et la société Olinda, produit par cette dernière après la clôture de la mise en état, et en relevant que l'avocat de la société ACHF lui avait par la suite transmis ses observations, sans que la société Olinda ait été en mesure d'en débattre contradictoirement, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
5. Il résulte de l'article L. 641-9 du code de commerce que les actes de disposition accomplis par le débiteur au mépris de la règle du dessaisissement, édictée par ce texte pour préserver le gage des créanciers au cours de la procédure, sont frappés d'une inopposabilité à la procédure collective dont le liquidateur peut se prévaloir, y compris à l'égard d'un établissement de paiement.
6. Le moyen, qui postule le contraire en ses deux premières branches et qui est inopérant en ses trois dernières branches en ce qu'il critique des motifs surabondants, n'est pas fondé.
Civ.1 2 juillet 2025 n° 23-15.190
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CC
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 2 juillet 2025
Cassation partielle
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 486 F-D
Pourvoi n° M 23-15.190
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 2 JUILLET 2025
Mme [N] [B], domiciliée [Adresse 2] (Canada), a formé le pourvoi n° M 23-15.190 contre l'arrêt rendu le 23 mars 2023 par la cour d'appel de Versailles (2e chambre, 2e section), dans le litige l'opposant à M. [I] [U], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Duval, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de Mme [B], et l'avis de Mme Picot-Demarcq, avocate générale référendaire, après débats en l'audience publique du 20 mai 2025 où étaient présents Mme Champalaune, présidente, M. Duval, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseillère doyenne, et Mme Tifratine, greffière de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des présidente et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 23 mars 2023), des relations de M. [U] et de Mme [B] sont issus [L] [U], née le 19 mars 2011, [C] [U], né le 25 novembre 2014 et [F] [U], née le 10 juillet 2016.
2. Un jugement du 7 mars 2019, modifiant une première décision du 13 décembre 2016, a fixé les modalités d'exercice de l'autorité parentale.
3. Le 23 septembre 2021, M. [U] a sollicité la modification de celles-ci.
4. Un jugement du 7 avril 2022, dont M. [U] a formé appel, a maintenu la résidence habituelle des enfants au domicile de Mme [B], dit que le droit de visite et d'hébergement de M. [U] resterait inchangé jusqu'au départ des enfants avec leur mère au Canada à l'été 2022 et fixé les modalités du droit de visite et d'hébergement de M. [U] à partir de ce départ.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
6. Mme [B] fait grief à l'arrêt de fixer la résidence des trois enfants en France au plus tard à compter du 15 juillet 2023, chez elle, si elle revient s'y établir au plus tard le 15 juillet 2023 et chez M. [U], si elle ne justifie pas de son retour effectif en France à cette date avec les enfants, dans l'hypothèse où la résidence des enfants est transférée chez le père, de dire qu'elle exercera son droit de visite et d'hébergement selon les modalités suivantes, sauf meilleur accord, durant la totalité des vacances scolaires d'automne et de printemps, la première moitié des autres vacances scolaires les années paires et la seconde moitié des autres vacances scolaires les années impaires, de fixer à un certain montant la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants qu'elle devra payer à M. [U] et d'autoriser M. [U] à inscrire les enfants dans l'établissement scolaire de son secteur, alors « que les juges sont tenus de respecter les limites du litige, tels qu'elles sont tracées par les parties aux termes de leurs écritures ; qu'ils ne peuvent statuer que sur ce qui leur a été demandé ; qu'en fixant la résidence des trois enfants en France au plus tard à compter du 15 juillet 2023, chez Madame [B] si elle revient s'y établir au plus tard le 15 juillet 2023 et chez Monsieur [U], si Madame [B] ne justifie pas de son retour effectif en France à cette date avec les enfants, quand il résulte des conclusions des parties que Madame [B] sollicitait que la résidence des enfants soit fixée chez elle et que Monsieur [U] sollicitait qu'elle soit fixée chez lui, indépendamment du lieu de résidence de Madame [B], les juges d'appel ont violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 4 et 5 du code de procédure civile :
7. Il résulte de ces textes que le juge, lié par les conclusions des parties, doit se prononcer seulement sur ce qui est demandé.
8. L'arrêt fixe la résidence des trois enfants en France au plus tard à compter du 15 juillet 2023, chez la mère, si elle revient s'y établir au plus tard à cette date, chez le père si la mère ne justifie pas de son retour effectif en France à cette date avec les enfants.
9. En statuant ainsi, alors que dans ses conclusions, M. [U] sollicitait la fixation de la résidence habituelle des enfants à son domicile tandis que, dans ses écritures, Mme [B] sollicitait le maintien de la résidence des enfants à son domicile dont la cour d'appel avait constaté qu'il était situé au Canada, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Civ.1 2 juillet 2025 n° 23-19.003
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
IJ
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 2 juillet 2025
Cassation
Mme CHAMPALAUNE, présidente
Arrêt n° 494 F-D
Pourvoi n° F 23-19.003
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 2 JUILLET 2025
Mme [U] [N], épouse [D], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° F 23-19.003 contre l'arrêt rendu le 27 avril 2023 par la cour d'appel d'Agen (chambre familiale), dans le litige l'opposant à M. [J] [D], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Agostini, conseillère, les observations de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de Mme [N], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [D], après débats en l'audience publique du 20 mai 2025 où étaient présentes Mme Champalaune, présidente, Mme Agostini, conseillère rapporteure, Mme Auroy, conseillère doyenne, et Mme Tifratine, greffière de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée de la présidente et conseillères précitées, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Agen, 27 avril 2023), un jugement du 25 mars 2022 a prononcé le divorce de Mme [N] et de M. [D].
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
2. Mme [N] fait grief à l'arrêt de limiter la condamnation de M. [D] à lui payer une prestation compensatoire en capital de 70 000 euros, payable en une mensualité, alors « que pour apprécier la demande de prestation compensatoire, le juge se place à la date à laquelle la décision prononçant le divorce prend force de chose jugée ; qu'en cas de déclaration d'appel portant sur le prononcé du divorce, la décision, quant au divorce, ne peut passer en force de chose jugée, avant le prononcé de l'arrêt, sauf acquiescement ou désistement et il importe peu que les parties aient ensuite conclu à la confirmation du jugement sur le prononcé du divorce, la limitation des chefs critiqués du jugement ne valant pas acquiescement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que "le 22 avril 2022, M. [J] [D] a relevé appel de cette décision, recours limité au prononcé du divorce, à la prestation compensatoire et autres chefs rejetés par le premier juge" ; que la cour d'appel a ensuite énoncé, sur l'étendue de la saisine de la cour, qu' "au vu des écritures de l'appelant qui ne développe aucune cause de réformation de la décision relative au prononcé du divorce tant dans ses conclusions que dans le dispositif de ses dernières, que la critique du jugement ne porte en définitive, que sur la prestation compensatoire, les demandes incidentes de l'intimée et les dépens, de sorte que les autres dispositions seront confirmées sans autres développements" avant d'énoncer, sur la prestation compensatoire, que "pour apprécier la demande de prestation compensatoire, le juge se place à la date à laquelle la décision prononçant le divorce prend force de chose jugée. En cas d'appel limité à la prestation compensatoire, le divorce est irrévocable à la date du dépôt des conclusions de l'intimé ne formant pas d'appel incident sur le prononcé du divorce. En l'espèce, Madame [U] [N] n'a pas formé appel sur ce chef du jugement. Par voie de conséquence, le divorce est irrévocable au 5 septembre 2022, date des premières conclusions, de Madame [U] [N], intimée. Les situations respectives de Monsieur [J] [D] et Madame [U] [N] doivent donc être examinées à cette date" ; qu'en statuant ainsi, tandis que M. [D] avait interjeté appel sur le prononcé du divorce, de sorte que le chef de dispositif relatif au prononcé du divorce avait été dévolu à la cour d'appel et que la décision quant au divorce ne pouvait passer en force de chose jugée, sauf acquiescement ou désistement, le fait que M. [D] n'ait pas sollicité à nouveau la réformation du jugement dans ses conclusions sur le prononcé du divorce et en ait sollicité le prononcé ne valant ni acquiescement ni désistement, la cour d'appel a violé les articles 260, 270 et 271 du code civil, ainsi que l'article 562 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 260, 270 et 271 du code civil et 562 du code de procédure civile :
3. Selon les trois premiers de ces textes, pour apprécier la demande de prestation compensatoire, le juge se place à la date à laquelle la décision prononçant le divorce acquiert force de chose jugée.
4. Il résulte du dernier qu'en cas d'appel du chef du dispositif d'un jugement prononçant le divorce, la décision, quant au divorce, ne peut passer en force de chose jugée, sauf acquiescement ou désistement ou irrecevabilité de l'appel de ce chef, avant le prononcé de l'arrêt.
5. Pour condamner M. [D] à verser à Mme [N] une prestation compensatoire d'un certain montant en capital, l'arrêt, après avoir relevé que l'appelant ne développe aucune cause de réformation de la décision relative au prononcé du divorce et que l'intimée n'a pas formé appel incident du chef du jugement prononçant le divorce, retient qu'il convient d'apprécier le droit à prestation compensatoire de l'épouse au 5 septembre 2022, date des premières conclusions de l'intimée.
6. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que M. [D] avait formé appel du chef du prononcé du divorce, de sorte que, à défaut d'incident d'instance ou de fin de non-recevoir permettant d'y faire exception, c'est au jour où elle statuait qu'elle devait apprécier la demande de prestation compensatoire de Mme [N], la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Civ.1 2 juillet 2025 n° 24-21.677
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
IJ
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 2 juillet 2025
Cassation
Mme CHAMPALAUNE, présidente
Arrêt n° 487 F-D
Pourvoi n° G 24-21.677
Aide juridictionnelle totale en demande au profit de M. [G] [K]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 16 octobre 2024.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 2 JUILLET 2025
M. [G] [K], domicilié chez Mme [B] [T], avocate, [Adresse 3], a formé le pourvoi n° G 24-21.677 contre l'arrêt rendu le 27 mars 2024 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre spéciale des mineurs 2-5), dans le litige l'opposant au département des Bouches-du-Rhône, DGAS13, direction enfance famille, cellule mineurs non accompagnés, dont le siège est [Adresse 1], défendeur à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Duval, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de M. [K], de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat du département des Bouches-du-Rhône, DGAS13, direction enfance famille, cellule mineurs non accompagnés, et l'avis de Mme Picot-Demarcq, avocate générale, après débats en l'audience publique du 20 mai 2025 où étaient présents Mme Champalaune, présidente, M. Duval, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseillère doyenne, et Mme Tifratine, greffière de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée de la présidente et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 27 mars 2024), M. [K], se disant né le [Date naissance 2] 2008 en Côte d'Ivoire, a sollicité sa prise en charge au titre de l'aide sociale à l'enfance en qualité de mineur non accompagné.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa quatrième branche
Enoncé du moyen
2. M. [K] fait grief à l'arrêt de dire qu'il n'aurait pas dû être confié comme mineur à l'aide sociale à l'enfance (ASE) des Bouches-du-Rhône, d'ordonner la mainlevée de son placement et en conséquence la décharge de sa prise en charge à compter du prononcé du jugement et de dire n'y avoir plus lieu à assistance éducative, alors « que tout acte de l'état civil fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ; que pour dire que la preuve de la minorité de M. [K] n'était pas rapportée, l'arrêt retient que, bien que ses documents d'état civil ? son acte de naissance et un certificat de nationalité ? ne contiennent pas d'anomalies de nature à caractériser des suspicions de faux ou de fraude, il ne peut être exclu, s'agissant de documents dépourvus de photographies et d'autre vérification de l'identité, que l'intéressé ait quitté son pays porteur de documents d'état civil se rapportant à un autre que lui, par exemple un proche plus jeune, alors que lui-même ne serait pas, ou plus, mineur" et que cette éventualité peut d'autant moins être exclue qu'il doit être rappelé qu'en Italie il a donné de lui une identité majeure, et selon ses dires, il était en Italie juste avant son arrivée en France", si bien les documents d'état civil n'ont en soi aucune force probante dans la mesure où rien ne permet de les rattacher avec certitude à celui qui les produit" ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est déterminée par des motifs impropres à établir l'irrégularité ou la falsification des actes ou que les faits déclarés aux actes ne correspondaient pas à la réalité, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 47 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 47 du code civil :
3. Aux termes de ce texte, tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française.
4. Pour refuser le bénéfice de l'assistance éducative à M. [K], l'arrêt retient que la preuve de la minorité ne peut résulter de la seule production de documents d'état civil dépourvus à la fois de photographie d'identité et de vérification dactyloscopique dès lors qu'en ce cas, rien ne permet de les rattacher avec certitude à la personne qu'ils concernent, et rien ne permet d'exclure qu'ils puissent se rapporter à une autre personne que celle qui les produit. Il ajoute que si, lors de l'entretien du 6 juillet 2023 avec l'ASE des Bouches-du-Rhône, M. [K] a remis, notamment, un certificat de nationalité et un acte de naissance originaux, il ne peut être pour autant exclu, s'agissant de documents dépourvus de photographie et d'autre vérification de l'identité, que l'intéressé ait quitté son pays porteur de documents d'état civil se rapportant à un autre que lui, par exemple un proche plus jeune, et que lui-même ne serait pas, ou plus, mineur, ce d'autant plus qu'en Italie, il a donné de lui une identité majeure. Il estime que si les anomalies constatées par la Police aux frontières sur les actes présentés par l'intéressé ne sont pas de nature à caractériser des suspicions de faux ou de fraude, au-delà de l'authenticité des documents d'état civil présentés, l'essentiel est la nécessité de les rattacher avec certitude à celui qui les produit, ce qui n'est pas établi. Il retient encore que la production de documents d'état civil ne peut à elle seule renverser les conclusions de l'évaluation, puisqu'ils n'ont en soi aucune force probante dans la mesure où rien ne permet de les rattacher avec certitude à celui qui les produit.
5. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir que les faits déclarés à l'acte de naissance étranger produit par l'intéressé ne correspondaient pas à la réalité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé.
Com. 2 juillet 2025 n° 24-13.258
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
JB
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 2 juillet 2025
Cassation
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 373 F-D
Pourvoi n° H 24-13.258
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 2 JUILLET 2025
La société Haut-Doubs créer bâtir, société par actions simplifiée à associé unique, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° H 24-13.258 contre l'arrêt rendu le 30 janvier 2024 par la cour d'appel de Besançon (1re chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant à la société Fipad conseil, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Chazalette, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Haut-Doubs créer bâtir, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Fipad conseil, après débats en l'audience publique du 20 mai 2025 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Chazalette, conseiller rapporteur, Mme Schmidt, conseiller doyen, et Mme Sezer, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 30 janvier 2024), le 9 décembre 2016, sur les conseils de la société Fipad conseil (la société Fipad), la société Haut-Doubs créer bâtir (HDCB) a investi une certaine somme dans des obligations émises par la société Maranatha, à échéance du 8 juillet 2018.
2. La société Maranatha a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire par jugement du 27 septembre 2017, convertie en liquidation judiciaire le 27 mars 2019.
3. Reprochant à la société Fipad un manquement à son obligation de conseil et soutenant ne pas avoir perçu les gains promis ni la restitution du capital investi à l'échéance, la société HDCB l'a assignée en responsabilité, en paiement d'une provision et en demandant qu'il soit sursis à statuer sur la liquidation de son préjudice jusqu'à la clôture de la procédure de liquidation judiciaire.
Examen des moyens
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
4. La société HDCB fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'indemnisation et de sursis à statuer, alors « que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure ; qu'en retenant que si la société Fipad conseil avait commis une faute en proposant à la société Haut Doubs créer bâtir un investissement, sous la forme de souscription d'obligations émises par la société Maranatha, ne correspondant pas au profil de risque contractualisé entre les parties, le préjudice invoqué en résultant, lié à la perte du capital investi, était hypothétique en l'état de la poursuite des opérations de liquidation judiciaire de la société Marathana, sans rechercher, comme elle en était requise, si la date de remboursement du capital investi n'était pas acquise depuis 2018, de sorte que l'absence de remboursement à échéance rendait certain le préjudice en son principe, constitué a minima par la perte des fruits du capital investi, depuis cette date, et que seul son montant restait à déterminer dans l'attente de la clôture des opérations de liquidation de la société Maranatha, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1231-1 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1231-1 du code civil :
5. Le manquement d'un conseiller en gestion en patrimoine à son obligation d'information sur le risque de perte en capital et la valorisation du produit financier prive cet investisseur d'une chance d'éviter le risque qui s'est réalisé, la réalisation de ce risque supposant que l'investisseur ait subi des pertes ou des gains manqués.
6. Pour juger que le préjudice invoqué par la société HDCB n'était pas établi, l'arrêt, après avoir que retenu que la société Fipad avait commis une faute en conseillant à sa cliente un investissement ne correspondant pas à son profil de risque, ajoute que le préjudice subi par la société HDCB ne peut consister qu'en une perte de chance de ne pas choisir l'investissement retenu et de ne pas perdre le capital investi. Il constate que les opérations de liquidation judiciaire se poursuivent et en déduit que le préjudice invoqué par la société HDCB, lié à la perte du capital investi, est hypothétique tant en son principe qu'en son montant, car aucun élément ne permet d'apprécier avec certitude si le montant de la créance qu'elle a déclaré lui sera réglé en tout ou partie.
6. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la date de remboursement du capital investi n'était pas acquise depuis 2018, de sorte que l'absence de remboursement à échéance rendait certain le préjudice en son principe, constitué a minima par la perte des fruits du capital investi, depuis cette date, et que seul son montant restait à déterminer dans l'attente de la clôture des opérations de liquidation de la société Maranatha, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Com. 2 juillet 2025 n° 24-13.438 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
HM
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 2 juillet 2025
Rejet
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 365 FS-B
Pourvoi n° C 24-13.438
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 2 JUILLET 2025
La société Banque populaire Méditerranée, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 24-13.438 contre l'arrêt rendu le 6 mars 2024 par la cour d'appel de Riom (3e chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société TP2M, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],
2°/ à la société Mandatum, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], représentée par M. [S] [R], prise en qualité de mandataire judiciaire au plan de redressement judiciaire de la société TP2M,
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Coricon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Banque populaire Méditerranée, de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de la société TP2M et de la société Mandatum, ès qualités, et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 mai 2025 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Coricon, conseiller référendaire rapporteur, Mme Schmidt, conseiller doyen, M. Riffaud, Mme Guillou, MM.Bedouet, Calloch, Chazalette, Mme Gouarin, conseillers, Mme Champ, M. Boutié, Mme Buquant, conseillers référendaires, Mme Henry, avocat général, et Mme Sezer, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 6 mars 2024), le 25 mars 2009, la Banque populaire Méditerranée (la banque) a, par acte notarié, accordé à la société TP2M un prêt destiné à financer l'acquisition d'un terrain et la construction de deux villas.
2. Le 15 mars 2018, la société TP2M a été mise en sauvegarde. La banque a déclaré sa créance. Un plan a été adopté le 18 juillet 2019.
3. Le 20 décembre 2022, la banque a inscrit une hypothèque judiciaire provisoire sur les biens immobiliers appartenant à la société TP2M, qu'elle lui a dénoncée le 26 décembre 2022.
4. Le 11 janvier 2023, le plan de sauvegarde de la société TP2M a été résolu et une procédure de redressement judiciaire a été ouverte. La société Mandatum a été désignée mandataire judiciaire.
5. Soutenant que l'hypothèque avait été inscrite en violation des dispositions de l'article L. 622-30 du code de commerce, par actes des 18 et 20 janvier 2023, la société TP2M et son mandataire judiciaire ont demandé au président du tribunal de commerce, saisi en application de l'article R. 512-2 du code des procédures civiles d'exécution, d'en ordonner la mainlevée.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
7. La banque fait grief à l'arrêt d'ordonner la mainlevée de son inscription d'hypothèque judiciaire provisoire, alors « que la sanction de l'inscription d'une hypothèque prise en méconnaissance de l'interdiction posée à l'article L. 622-30 du code de commerce est l'inopposabilité de cette inscription à la procédure collective, sans en affecter la validité ; qu'il s'ensuit que l'inscription d'une sûreté réelle, prise postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde mais antérieurement au redressement judiciaire prononcé après la résolution du plan de sauvegarde et constatation de la cessation des paiements, est opposable à cette procédure de redressement judiciaire ; qu'en prononçant en conséquence la mainlevée et la radiation de l'hypothèque judiciaire provisoire prise par la société Banque Populaire Méditerranée le 20 décembre 2022, après avoir pourtant constaté, d'une part, que "la sanction de l'inscription d'une hypothèque en méconnaissance de l'article L. 622-30 du code de commerce [?] est l'inopposabilité de l'inscription" et d'autre part, que l'inscription litigieuse avait été réalisée "après l'adoption du plan de sauvegarde de la SAS TP2M, et avant la résolution du plan et l'ouverture du redressement judiciaire prononcées par arrêt de la cour d'appel de Riom le 11 janvier 2023", la cour d'appel a refusé de tirer les conséquences de ses propres constatations et violé l'article L. 622-30 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
8. Il résulte de l'application combinée des articles L. 622-30 du code de commerce et R. 512-1 du code des procédures civiles d'exécution que le juge de l'exécution peut, lorsqu'il est saisi dans les délais légaux, ordonner la mainlevée d'une mesure conservatoire inscrite en violation de l'interdiction édictée au premier de ces textes à laquelle l'adoption d'un plan de sauvegarde ne met pas fin.
9. Après avoir constaté, par motifs propres et adoptés, que la banque, bénéficiaire d'une inscription d'hypothèque légalement publiée et renouvelée avec effet jusqu'au 24 mars 2019 pour garantir sa créance, l'avait ensuite laissée expirer, et relevé que celle-ci avait procédé à une nouvelle inscription hypothécaire provisoire le 20 décembre 2022, en cours d'exécution du plan de sauvegarde de la société TP2M, en violation des dispositions d'ordre public de l'article L. 622-30 précité, la cour d'appel en a exactement déduit que la main levée de l'inscription devait être ordonnée.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
Soc. 2 juillet 2025 n° 24-12.178
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
HE1
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 2 juillet 2025
Rejet
Mme MARIETTE, conseillère doyenne faisant fonction de présidente
Arrêt n° 718 F-D
Pourvoi n° G 24-12.178
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 JUILLET 2025
1°/ Mme [L] [C], domiciliée [Adresse 1],
2°/ l'association Maison des lanceurs d'alerte, dont le siège est [Adresse 5],
3°/ la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT (FTM CGT), dont le siège est [Adresse 3],
4°/ le syndicat SPIC-UNSA, dont le siège est [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° G 24-12.178 contre l'arrêt rendu le 21 décembre 2023 par la cour d'appel de Versailles (6e chambre), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Thales six GTS France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 6],
2°/ à la Défenseure des droits, dont le siège est [Adresse 4],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.
La Défenseure des droits a présenté des observations en application de l'article 33 de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Prieur, conseillère référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [C], de l'association Maison des lanceurs d'alerte, de la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT et du syndicat SPIC-UNSA, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Thales six GTS France, après débats en l'audience publique du 3 juin 2025 où étaient présentes Mme Mariette, conseillère doyenne faisant fonction de présidente, Mme Prieur, conseillère référendaire rapporteure, Mme Douxami, conseillère, et Mme Pontonnier, greffière de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée de la présidente et conseillères précitées, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 21 décembre 2023), rendu en matière de référé sur renvoi après cassation (Soc., 1er février 2023, pourvoi n° 21-24.271, publié), Mme [C] a été engagée, le 1er septembre 2014, par la société Thales en qualité de responsable de la transformation des infrastructures centrales. Dans le cadre d'une mobilité interne, elle a été engagée, à compter du 1er juillet 2017, par la société Thales six GTS France en qualité de responsable du département offres et projets export.
2. Le 24 mars 2019, la salariée a saisi le comité d'éthique du groupe pour signaler des faits susceptibles d'être qualifiés de corruption, mettant en cause l'un de ses anciens collaborateurs et son employeur. Le 7 octobre 2019, elle a informé le comité d'éthique de la situation de harcèlement dont elle estimait faire l'objet à la suite de cette alerte.
3. Le 20 février 2020, le comité d'éthique a conclu à l'absence de situation contraire aux règles et principes éthiques.
4. Par courrier du 13 mars 2020, l'employeur a convoqué la salariée à un entretien préalable puis, par courrier du 27 mai 2020, lui a notifié son licenciement.
5. Le 30 juillet 2020, la salariée a saisi la formation des référés de la juridiction prud'homale afin principalement que soit constatée la nullité de son licenciement, intervenu en violation des dispositions protectrices des lanceurs d'alerte.
6. Le syndicat SPIC-UNSA (le syndicat), l'association Maison des lanceurs d'alerte (l'association) puis la Fédération FTM-CGT (la Fédération) sont intervenus volontairement à l'instance.
7. La Défenseure des droits a déposé des observations devant la cour d'appel et la Cour de cassation.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses deuxième à sixième branches, et sur le second moyen
8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
9. La salariée, l'association, le syndicat et la Fédération font grief à l'arrêt de les débouter de leurs demandes, alors « qu'aucun salarié ne peut être licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime dont il aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions ou pour avoir signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique ; qu'en cas de litige relatif à l'application de ces dispositions, dès lors que le salarié présente des éléments de fait qui permettent de présumer qu'il a relaté ou témoigné de bonne foi de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime, ou qu'il a signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 précitée, il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l'intéressé ; qu'en cas de licenciement, il revient alors à l'employeur de démontrer que le licenciement prononcé à l'encontre d'un salarié, revêtu du statut de lanceur d'alerte, repose effectivement sur une cause réelle et sérieuse ; qu'en l'espèce, pour décider d'écarter la demande en nullité du licenciement, la cour d'appel a affirmé qu'il résultait des éléments en présence relatifs au comportement de la salariée notamment à l'égard de ses collaborateurs et de sa hiérarchie, des éléments objectifs étrangers à l'alerte ; qu'en se déterminant de la sorte, sans rechercher si les griefs de licenciement étaient fondés sur une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé l'article L. 1132-3-3 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022, ensemble les articles L. 1132-4 et R. 1455-6 du même code. »
Réponse de la Cour
10. Il résulte des dispositions de l'article L. 1132-3-3 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022, et de celles des articles L. 1132-4 et R. 1455-6 du même code que, lorsqu'elle constate qu'un salarié présente des éléments permettant de présumer qu'il a signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, il appartient à la formation de référé de la juridiction prud'homale de rechercher si l'employeur rapporte la preuve que sa décision de le licencier était justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l'intéressée (Soc., 1er février 2023, pourvoi n° 21-24.271, publié).
11. La cour d'appel, appréciant les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, a relevé que l'employeur, qui, aux termes de la lettre de licenciement, reprochait à la salariée des difficultés relationnelles et managériales persistantes dès le début de l'année 2018, démontrait que la décision de licenciement était justifiée par des éléments objectifs, étrangers à la déclaration ou au témoignage de l'intéressée et donc sans lien avec son alerte.
12. Le moyen est irrecevable, dès lors qu'il est contraire à la doctrine de l'arrêt de cassation prononcé dans l'affaire, dont la juridiction de renvoi a fait application, sans qu'un changement de norme soit intervenu postérieurement à cet arrêt.
Civ.1 2 juillet 2025 n° 23-13.065
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 2 juillet 2025
Cassation partielle partiellement sans renvoi
Mme CHAMPALAUNE, présidente
Arrêt n° 480 F-D
Pourvoi n° B 23-13.065
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 2 JUILLET 2025
M. [A] [C], domicilié [Adresse 6], a formé le pourvoi n° B 23-13.065 contre l'arrêt rendu le 23 février 2023 par la cour d'appel de Dijon (3e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [M] [J]-[C], domicilié [Adresse 4],
2°/ à Mme [Y] [C], domiciliée [Adresse 1],
3°/ à M. [O] [C], domicilié [Adresse 2],
4°/ à M. [D] [C], domicilié [Adresse 7],
5°/ à Mme [H] [V], domiciliée [Adresse 5],
6°/ à M. [Z] [C], domicilié [Adresse 3],
7°/ à M. [Z] [C], domicilié [Adresse 3], pris en qualité de tuteur de M. [L] [C],
8°/ à la société des [Adresse 9], société civile immobilière,
9°/ à la société du [Adresse 8], société civile immobilière,
ayant toutes deux leur siège [Adresse 3],
10°/ à la société des [Adresse 10], société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 11],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dard, conseillère, les observations de la SCP Françoise Fabiani - François Pinatel, avocat de M. [A] [C], de la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de Mme [V], de M. [Z] [C], tant en son nom personnel qu'en qualité de tuteur de M. [L] [C], de la société des [Adresse 9] et de la société du [Adresse 8], après débats en l'audience publique du 20 mai 2025 où étaient présentes Mme Champalaune, présidente, Mme Dard, conseillère rapporteure, Mme Auroy, conseillère doyenne, et Mme Tifratine, greffière de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée de la présidente et conseillères précitées, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué et les productions (Dijon, 23 février 2023), [R] [C] est décédé le 20 juin 1987, en laissant pour lui succéder son épouse, [T] [N], commune en biens, et quatre enfants, nés au cours du mariage, M. [D] [C], issu de sa relation avec Mme [E], et MM. [L], [A] et [Z] [C], issus de sa relation avec Mme [V], et en l'état d'un testament du 30 septembre 1972, instituant ses fils, [L], [A] et [Z], légataires universels.
2. Le 3 juillet 1964, [R] [C] avait constitué avec Mme [V] et leurs fils [A] et [Z], la société civile immobilière des [Adresse 10] (la SCI des [Adresse 10]), dont le capital social était, à la date du 10 novembre 1970, divisé en 500 parts, réparties entre eux à proportion de 402 parts, pour le premier, 76 parts, pour la deuxième, et 11 parts, pour chacun des deux enfants. Le 3 novembre 1973, [R] [C] avait vendu l'ensemble de ses parts à Mme [V].
3. Les 23 mars et 22 avril 1965, avait été constituée la société civile immobilière du [Adresse 8] (la SCI du [Adresse 8]), dont le capital social était, à la date du 10 novembre 1970, divisé en 1000 parts réparties entre [R] [C] (701 parts), Mme [V] (253 parts), et leurs fils, [A] et [Z] (23 parts chacun). Le 3 novembre 1973, [R] [C] avait vendu 601 parts à Mme [V] et 50 parts à l'un et l'autre des mêmes enfants.
4. Le 13 septembre 1968, [R] [C] avait constitué avec Mme [V] et leurs fils, [A] et [Z], la société civile immobilière des [Adresse 9] (la SCI des [Adresse 9]) dont le capital social, divisé en 10 parts, était réparti entre eux à proportion d'une part, pour [R] [C], de 5 parts, pour Mme [V], et de 2 parts, pour chacun des deux enfants. Par acte des 11 avril et 2 mai 1984, [R] [C] avait vendu sa part à Mme [V].
5. Par acte des mêmes dates, Mme [V] avait consenti à ses trois fils une donation-partage portant sur la pleine propriété de ses parts de la SCI des [Adresse 10] et la nue-propriété de ses parts des SCI du [Adresse 8] et des [Adresse 9], M. [A] [C] se voyant attribuer les 478 parts de la SCI des [Adresse 10], M. [Z] [C], la nue-propriété de 6 parts de la SCI des [Adresse 9] et de 235 parts de la SCI du [Adresse 8], et M. [L] [C], la nue-propriété des 619 autres parts de cette dernière société.
6. Les mêmes jours, M. [A] [C] avait vendu ses 2 parts de la SCI des [Adresse 9] et ses 73 parts de la SCI du [Adresse 8] à M. [Z] [C], lequel lui avait cédé ses 11 parts de la SCI des [Adresse 10], rendant M. [A] [C] seul détenteur du capital de cette société.
7. Soutenant que tant les souscriptions que les cessions des parts de ces trois SCI constituaient des donations déguisées de biens de la communauté, [T] [N] a introduit une action en nullité de ces actes.
8. Un arrêt du 16 mars 1993 a ordonné l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la communauté ayant existé entre [T] [N] et [R] [C] et de la succession de celui-ci et déclaré inopposables à celle-là, pour constituer des donations déguisées, tous les actes afférents à ces sociétés, passés au profit de Mme [V] et de ses enfants.
9. Un arrêt du 7 mars 2008 a dit que cette inopposabilité n'entraînait pas la réintégration en nature dans la communauté des biens des trois sociétés mais se résolvait en une récompense due à celle-ci par la succession de [R] [C] et égale à la valeur des biens des SCI existant au décès de celui-ci, à la date la plus proche du partage, dans l'état où ils se trouvaient au jour de ce décès.
10. En l'absence d'accord des parties sur le projet de partage, les notaires désignés ont établi un procès-verbal de difficultés.
Examen des moyens
Sur les premier et troisième moyens
11. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
12. M. [A] [C] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes tendant à ce qu'il soit dit que les rapports à la succession de son père dont il est redevable sont strictement limités à la valeur du nombre de parts que son père lui a données et qu'il n'a à rapporter, s'agissant des SCI des [Adresse 10], du [Adresse 8] et des [Adresse 9], que la valeur de 11 parts de la SCI des [Adresse 10] à la date la plus proche du partage et celle de 73 parts de la SCI du [Adresse 8] et de 2 parts de la SCI des [Adresse 9], arrêtée aux 11 avril et 2 mai 1984, alors « que tout héritier, même bénéficiaire, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu'il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement ; il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu'ils ne lui aient été faits expressément par préciput et hors part, ou avec dispense de rapport ; qu'en déboutant M. [A] [C] de sa demande relative aux rapports des donations reçues de son père dans le cadre des opérations de liquidation et partage de la succession au motif inopérant que ce dernier devait récompenser la communauté lors de la liquidation du régime matrimonial, la cour d'appel a commis une erreur de droit et a violé les articles 843 et 860 du code civil dans leur rédaction applicable en la cause. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 860, alinéas 1 à 3, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 :
13. Ce texte dispose :
« Le rapport est dû de la valeur du bien donné à l'époque du partage, d'après son état à l'époque de la donation.
Si le bien a été aliéné avant le partage, on tiendra compte de la valeur qu'il avait à l'époque de l'aliénation et, si un nouveau bien a été subrogé au bien aliéné, de la valeur de ce nouveau bien à l'époque du partage.
Le tout sauf stipulation contraire dans l'acte de donation. »
14. Pour rejeter la demande de M. [A] [C] relative aux rapports par lui dus au titre des actes afférents aux SCI des [Adresse 10], du [Adresse 8] et des [Adresse 9], l'arrêt retient qu'il a été jugé de manière irrévocable, par l'arrêt du 11 septembre 2008, que l'inclusion des SCI dans les opérations de comptes, liquidation et de partage de la communauté de biens [C]-[N] ne signifie nullement qu'elles appartiennent en nature à ladite communauté, l'inopposabilité ayant pour seule conséquence la prise en considération de la valeur des biens de ces sociétés dans ces opérations, une récompense calculée en application de l'article 1469 du code civil par rapport à la dépense faite et au profit subsistant étant due à la communauté au titre des fonds communs détournés par M. [R] [C] pour constituer avec ses enfants diverses sociétés et faire acquérir par celles-ci différents biens, et qu'il convient de distinguer l'obligation à la récompense et la contribution à celle-ci.
15. En statuant ainsi, alors qu'elle avait retenu que les donations déguisées résultant des actes afférents aux SCI des [Adresse 10], du [Adresse 8] et des [Adresse 9], passés par [R] [C] au profit de son fils, [A], étaient rapportables à la succession, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations a violé, par refus d'application, le texte susvisé.
Et sur le quatrième moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
16. M. [A] [C] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes tendant à ce que M. [Z] [C] soit condamné à rapporter à la succession de [R] [C] la valeur des fruits que lui [aur]ont procurés les SCI du [Adresse 8] et des [Adresse 9], au titre de la période comprise entre le 20 juin 1987 et la date du partage à intervenir, et que soit confiée à M. [U], expert, la mission de les évaluer, alors « que les fruits et les intérêts des choses sujettes à rapport ne sont dus qu'à compter du jour de l'ouverture de la succession ; qu'en déboutant M. [A] [C] de sa demande que les fruits des donations reçus par M. [Z] [C] soient rapportés à la succession de [R] [C] au motif inopérant que ce dernier devait récompenser la communauté lors de la liquidation du régime matrimonial, la cour d'appel a commis une erreur de droit et violé l'article 856 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 856 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 :
17. Selon ce texte, les fruits des choses sujettes à rapport sont dus à compter de l'ouverture de la succession.
18. Pour rejeter la demande de M. [A] [C] en rapport par M. [Z] [C] des fruits lui ayant été procurés par les SCI du [Adresse 8] et des [Adresse 9], l'arrêt retient que l'inopposabilité des actes afférents aux SCI passés au profit de Mme [V] et ses enfants, donne lieu à une récompense devant être calculée en application de l'article 1469 du code civil par rapport à la dépense faite et au profit subsistant.
19. En statuant ainsi, alors qu'elle avait retenu que les donations déguisées résultant des actes afférents aux SCI des [Adresse 10], du [Adresse 8] et des [Adresse 9], passés par [R] [C] au profit de son fils, [Z], étaient rapportables à la succession, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé, par refus d'application, le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
20. Les cassations prononcées n'emportent pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt statuant sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause.
21. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
22. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond sur la demande formée par M. [A] [C] au titre des rapports par lui dus, s'agissant des SCI des [Adresse 10], du [Adresse 8] et des [Adresse 9] et sur sa demande formée à l'encontre de M. [Z] [C] au titre des fruits ayant été procurés à celui-ci par les SCI du [Adresse 8] et des [Adresse 9].
23. Sur le premier chef, il y a lieu, en application de l'article 860, alinéas 1 à 3 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, de dire, s'agissant des actes qualifiés de donations déguisées afférents aux SCI des [Adresse 10], du [Adresse 8] et des [Adresse 9], que M. [A] [C] n'est tenu au rapport que de la valeur, à la date la plus proche du partage, de 11 parts de la première, et de celle, à la date des 11 avril et 2 mai 1984, de 73 parts de la deuxième et de 2 parts de la troisième.
24. Sur le second chef, il y a lieu, en application de l'article 856 du code civil, de dire que M. [Z] [C] n'est tenu qu'aux fruits générés, entre le 20 juin 1987, date de l'ouverture de la succession de [R] [C], et celle du partage, par le nombre de parts reçues de son père par les actes, qualifiés de donations déguisées, afférents aux SCI du [Adresse 8] et des [Adresse 9], soit par 73 parts de la première et 2 parts de la seconde.
Com. 2 juillet 2025 n° 24-10.050
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
HM
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 2 juillet 2025
Rejet
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 368 F-D
Pourvoi n° V 24-10.050
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 2 JUILLET 2025
La société Generali IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 24-10.050 contre l'arrêt rendu le 7 novembre 2023 par la cour d'appel de Bordeaux (4e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Sea-Invest [Localité 6], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à la société Mediaco Aquitaine, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],
3°/ à la société Worms services maritimes, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4],
4°/ à la société C-P Chipolbrok, société de droit étranger, dont le siège est [Adresse 5] (Chine),
défenderesses à la cassation.
La sociétés Sea Invest [Localité 6] et Worms services maritimes ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.
Les demanderesses au pourvoi incident invoquent chacune, à l'appui de leur recours, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Guillou, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Generali IARD, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Mediaco Aquitaine, de la SARL Corlay, avocat de la société Worms services maritimes, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Sea-Invest Bordeaux, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 mai 2025 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Guillou, conseiller rapporteur, Mme Schmidt, conseiller doyen, et Mme Sezer, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Desistement partiel
1. Il est donné acte à la société Generali IARD du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre les sociétés Mediaco Aquitaine et C-P Chilpolbrok et à la société Sea-Invest [Localité 6] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société C-P Chipolbrok.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué ( Bordeaux, 7 novembre 2023), la société Chantier naval Couach a confié à la société Worms services maritimes (la société Worms) l'organisation du transport de quatre vedettes depuis son site de production Gujan-Mestras vers le port de [Localité 7] (Arabie Saoudite) où elles devaient être livrées à leur acquéreur, le ministère de l'Intérieur d'Arabie Saoudite.
3. En vue de leur transport, les vedettes ont été assurées par la société Couach auprès de la société Generali IARD (la société Generali).
4. La société Worms a confié à la société Sea-Invest [Localité 6] (la société Sea Invest) les opérations de déchargement des quatre vedettes depuis les camions dans le port du [Localité 8] et leur chargement sur le navire « Chipolbrok Star », la société de droit chinois C-P Chipolbrok étant chargée de la partie maritime du transport.
5. La société Sea Invest a fait appel à la société Mediaco Aquitaine (la société Mediaco) pour les opérations de déchargement des quatre vedettes depuis les camions jusqu'au quai, puis, alors qu'elle devait procéder elle-même au chargement des vedettes sur le navire, constatant que le matériel du navire serait insuffisant, elle a sollicité en urgence la société Mediaco le prêt à usage des écarteurs nécessaires.
6. Au cours de ces dernières opérations, la dernière vedette a chuté sur le quai et a été déclarée ensuite en perte totale.
7. Le 9 août 2018, subrogée dans les droits de son assurée, la société Generali a assigné les sociétés Worms, Sea Invest, Chipolbrok et Mediaco en indemnisation des préjudices subis. La société Worms a appelé en garantie les sociétés Sea Invest et Chipolbrok. La société Sea Invest a appelé en garantie la société Mediaco.
Examen des moyens
Sur le premier moyen et les deuxième et troisième branches du second moyen du pourvoi principal
8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen du pourvoi incident formé par la société Worms, qui est préalable
Enoncé du moyen
9. La société Worms fait grief à l'arrêt attaqué de la condamner à payer à la société Generali la somme de 127 500 euros en réparation du dommage occasionné par ses fautes personnelles, alors:
«1°/ qu' il n'entre pas dans les obligations du commissionnaire de transport de superviser le chargement et le déchargement, ni de contrôler le manutentionnaire dans ses opérations de manutention; qu'ainsi le fait pour le commissionnaire de ne pas avoir surveillé l'opération de chargement/déchargement et de ne pas s'être assuré du choix de l'écarteur opéré par le chargeur, ne peut en aucun cas constituer une faute personnelle de sa part ; qu'en considérant qu'était fautif à titre personnel le fait pour le commissionnaire de n'avoir pas surveillé les opérations de chargement et en particulier de n'avoir pas vérifié quelles étaient "les incidences éventuelles sur le chargement des vedettes" de la "la modification du plan de chargement du navire, le commissionnaire (n'ayant) pris aucune initiative pour vérifier", la cour d'appel a violé les articles 1103 et 1231-1 du code civil ensemble l'article 5-1 du contrat type de transport résultant du décret nº 2013-293 du 5 avril 2013 ;
2°/ que le commissionnaire de transport n'engage sa responsabilité de son fait personnel que si celui-ci est à l'origine des avaries ou des pertes de marchandises ; qu'en l'espèce, il est constant que l'origine du dommage résulte de l'utilisation par le manutentionnaire, la société Sea Invest, d'un écarteur incompatible avec le levage des vedettes par une grue de 50t ; que la cour d'appel a constaté que les deux premières vedettes avaient été soulevées par la grue n°3 de 320 tonnes du bord, qui était adaptée, ce qui ne pouvait être le cas pour les troisième et quatrième vedettes "du fait de leur positionnement en bout de quai"; qu'il s'en évinçait que la faute reprochée au commissionnaire, la société Worms, à savoir "l'interprétation erronée des termes de la booking note (par la société Worms) conclue avec la société Chipolbrok, en considérant que le bord disposait de tout le matériel nécessaire, alors qu'en réalité la partie maillage de la grue (élingues et écarteurs) n'était pas reprise dans les échanges par courriels entre les sociétés Worms et Chipolbrok" n'avait eu aucune incidence sur le dommage qui n'était dû qu'au mauvais positionnement des dernières vedettes, pour lesquelles n'avait pu être utilisée la grue n° 3 de 320 tonnes du bord ; qu'en considérant néanmoins que la responsabilité du commissionnaire pour faute personnelle devait être retenue, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé les articles 1231-1 du code civil ensemble l'article 5-1 du contrat type de transport résultant du décret nº 2013-293 du 5 avril 2013 ;
3°/ que le commissionnaire de transport n'engage sa responsabilité pour son fait personnel que lorsque celui-ci est à l'origine des avaries ou pertes de marchandises ; qu'en l'espèce, il est constant que l'origine du dommage résulte de l'utilisation par le manutentionnaire, la société Sea Invest, d'un écarteur incompatible avec le levage des vedettes par une grue de 50t "du fait de leur positionnement en bout de quai" ; que la cour d'appel a constaté que la société Sea Invest avait utilisé, pour le déchargement des deux dernières vedettes, les écarteurs qu'elle avait choisi d'utiliser pour leur chargement, hors toute pression extérieure : " M. [S] (responsable d'exploitation de la société Sea Invest Bordeaux) a alors téléphoné le 16 aout 2017 vers 17 h 30 à sa marraine Mme [I], secrétaire administrative chez Mediaco, en lui signalant "qu'il était dans la mouise et avait besoin des écarteurs ayant servi au levage précédent" (déclarations de Mme [I] devant l'expert ; qu'ainsi que la société Sea Invest l'indique dans ses conclusions, un de ses salariés s'est alors rendu dans les entrepôts de la société Mediaco, et y a récupéré le matériel qui avait été utilisé lors de la phase de mise à quai."; qu'ainsi, dès le chargement, la société Sea Invest avait opté pour des écarteurs non adaptés aux vedettes ; qu'en considérant néanmoins que la faute du commissionnaire, consistant à avoir fait une "interprétation erronée des termes de la booking note (par la société Worms) conclue avec la société Chipolbrok, en considérant que le bord disposait de tout le matériel nécessaire, alors qu'en réalité la partie maillage de la grue (élingues et écarteurs) n'était pas reprise dans les échanges par courriels entre les sociétés Worms et Chipolbrok", était à l'origine du dommage, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé les articles 1231-1 du code civil ensemble l'article 5-1 du contrat type de transport résultant du décret nº 2013-293 du 5 avril 2013.»
Réponse de la Cour
10. L'arrêt relève que, selon l'expert judiciaire, le facteur déclenchant dans le processus ayant conduit à la chute de la vedette est la rupture d'une cadène, ou patte d'élingage, de l'écarteur arrière en raison de son sous-dimensionnement par rapport à la charge à manutentionner et à une contrainte excessive. Il ajoute que l'expert a relevé qu'il n'avait été procédé à aucun calcul de répartition des charges, tant pour la mise à quai que pour l'embarquement à bord du navire, alors que les caractéristiques des vedettes étaient connues et que le manque de coordination quant à la vérification de l'adéquation du matériel à sa mise en oeuvre ainsi que l'absence de calcul pour déterminer les contraintes exercées ont généré une intervention dans l'urgence. L'arrêt retient que la société Worms, chargée notamment d'assurer la coordination entre la société de manutention Sea Invest et la société Chipolbrok dans la phase délicate de chargement des vedettes à bord depuis le quai, n'a pas suffisamment préparé les opérations de mises à bord et a fait une interprétation erronée des termes de la booking note conclue avec la société Chipolbrok en considérant que le bord disposait de tout le matériel nécessaire, alors qu'en réalité, la partie maillage de la grue (élingues et écarteurs) n'étaient pas repris dans les échanges par courriels entre ces deux sociétés et que les écarteurs dont disposait le navire étaient d'un poids unitaire de 18,5 tonnes incompatibles avec le levage des vedettes par une grue de 50 tonnes. Il en déduit que la société Worms n'a pas discerné la contradiction pourtant apparente existant entre l'offre de service de Sea Invest, qui portait sur un navire «bigué», le matériel de levage devant donc être fourni par le bord, alors que le contrat de réservation du fret précisait que les outils de levage, écarteurs/poutres/élingues/manilles spéciaux certifiés si nécessaires étaient à fournir par l'affréteur au chargement/déchargement. Il ajoute qu'une fois informé par le bord de la modification du plan de chargement du navire, le commissionnaire n'a pris aucune initiative pour vérifier les incidences éventuelles sur le chargement des vedettes. L'arrêt retient enfin que, du fait de leur positionnement en bout de quai, qui n'était pas justifié par un risque de surcharge, les 3ème et 4ème vedettes n'ont pu être chargées comme les deux premières par la grue de bord et qu'il a été nécessaire de recourir à la grue de 50 tonnes qui ne pouvait être utilisée avec les écarteurs du navire, ce qui a obligé à une prise de décision précipitée et hâtive pour trouver une solution alternative afin d'éviter les frais de recrutement d'une nouvelle équipe de dockers, sur la tranche horaire dépassant 0H00 et les frais d'immobilisation du navire.
11. De ces constatations et appréciations souveraines des éléments de preuve qui lui étaient fournis, la cour d'appel a pu déduire que la société Worms commissionnaire de transport, par une insuffisance de préparation et de coordination d'un transport inhabituel nécessitant des précautions particulières, avait commis une faute personnelle en lien avec le dommage.
12. Le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches.
Sur le second moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche
La société Generali fait grief à l'arrêt de condamner la société Worms services maritimes à lui payer la seule contre-valeur en euros de 50 000 DTS au titre du dommage occasionné par le fait de son substitué, la société Sea invest, alors «que la faute lourde ou dolosive consiste dans l'emploi volontaire de moyens inappropriés avec la conscience qu'un dommage en résultera nécessairement ; que la cour d'appel a relevé que la société Sea invest, chargée de la manutention des vedettes, avait utilisé pour leur chargement des écarteurs inappropriés, en ce qu'ils avaient une contrainte maximale d'utilisation (CMU) de seulement 12 tonnes au lieu de 15, et en outre défectueux, et que ces défauts étaient apparents, les écarteurs étant en outre dépourvus de certification, tandis que des "contraintes anormales" allaient être exercées, "génératrices d'un risque élevé de casse " ; qu'elle a également constaté que "le risque de rupture brutale de cet écarteur pouvait donc être prévu" tandis que les opérations de chargement avaient débuté sans aucune coordination ni prise de contact utile avec le bord, et avaient été effectuées sans calcul de répartition des charges et dans la précipitation, la société Sea invest s'étant en outre munie de sangles trop courtes ; qu'en se bornant cependant à affirmer, pour faire application des limites d'indemnisation prévues à l'article L. 5422-13 du code des transports, que la société Generali ne démontrait pas que la société Sea invest ait commis une faute dolosive, après avoir pourtant relevé l'emploi par celle-ci de matériels inappropriés dont le défaut était "apparent", et qu'elle s'était procurés sans en vérifier les caractéristiques ni l'état, ce qui générait "un risque élevé de casse" la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, et a violé le texte susvisé.»
Réponse de la Cour
13. L'arrêt retient que la société Sea Invest n'a pas vérifié l'offre de service de la société Mediaco pour les opérations de déchargement des vedettes depuis le camion sur le quai, ce qui ne lui pas permis de constater que la CMU réelle des écarteurs était de 12 tonnes et non de 15 tonnes, que les écarteurs étaient dépourvus de certification, et que des contraintes anormales, génératrices d'un risque élevé de casse, allaient être exercées sur l'écarteur arrière dès lors que le centre de gravité de chaque vedette était déplacé vers l'arrière. Il retient encore qu'elle n'a pas davantage procédé à cette vérification dans les locaux de Mediaco lorsqu'il a été nécessaire d'utiliser de nouveau ces écarteurs en fin de journée, pour le levage des deux dernières vedettes avec la grue de 50 tonnes et que les opérations ont débuté alors qu'aucune coordination ni prise de contact utile n'avait été faite avec le bord en amont, à compter de l'accostage du navire à 11 heures, de sorte que sont apparues tardivement des difficultés à régler avec l'équipage, concernant tant la conduite de la grue par le personnel de bord que l'impossibilité d'utiliser la grue n°3 du bord pour toutes les vedettes, et l'utilisation impossible des écarteurs du bord. Il retient enfin que les opérations de levage ont été effectuées sans calcul de répartition des charges sur les écarteurs, et dans la précipitation, compte tenu du temps perdu, notamment pour le maillage des sangles en tête d'alouette par la société Sea Invest, les sangles neuves de 12 mètres dont elle s'était munie s'étant révélées trop courtes.
14. De ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a énoncé à bon droit que la faute dolosive ne pouvait résulter que d'un emploi volontaire de moyens totalement inappropriés pour réaliser les opérations de manutention avec la conscience qu'un dommage en résulterait nécessairement, a pu déduire que la société Sea Invest n'avait pas commis une faute de cette nature.
15. Le moyen n'est donc pas fondé.
Et sur le moyen du pourvoi incident formé par la société Sea Invest
Enoncé du moyen
La société Sea Invest fait grief à l'arrêt de rejeter son recours contre la société Mediaco, alors «qu'aux termes de l'article 1891 du code civil, lorsque la chose prêtée a des défauts tels qu'elle puisse causer un préjudice à celui qui s'en sert, le prêteur est responsable, s'il connaissait les défauts et n'en a pas averti l'emprunteur ; que le prêteur professionnel est présumé avoir connaissance du défaut de la chose prêtée ; que la cour d'appel a elle-même relevé que la société Mediaco Aquitaine requise par la société Sea Invest Bordeaux "pour qu'elle l'aide à réaliser les opérations de déchargement des quatre vedettes (?) et pour lui fournir les écarteurs nécessaires au chargement", lui avait fourni des écarteurs qui ne présentaient pas la charge maximale d'utilisation annoncée, l'écarteur arrière fourni étant en outre dépourvu de certificat de conformité, éléments constitutifs d'un "manquement" de sa part, "pour avoir utilisé des écarteurs qui ne présentaient pas la CMU annoncée" ; qu'en décidant cependant que ce manquement, commis "lors de l'exécution du contrat de location", ne pouvait lui être reproché "à l'occasion du contrat distinct de commodat du 16 août 2017, au terme duquel elle s'est bornée à mettre de nouveau à disposition les écarteurs que réclamait en urgence la société Sea-Invest", au prétexte que cette dernière, emprunteuse, pouvait déceler le défaut de la chose prêtée, après avoir pourtant relevé que la "mise à disposition" des écarteurs intervenait "dans le cadre de bonnes relations commerciales " et que les écarteurs prêtés ne présentaient pas la CMU annoncée lors du contrat de location, ce dont il se déduisait que le prêt revêtait un caractère professionnel, et que le prêteur, professionnel, était présumé avoir connaissance du défaut de la chose prêtée, et devait donc répondre du sinistre, fût-ce partiellement, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé la disposition susvisée.»
Réponse de la Cour
L'arrêt retient que la société Sea Invest, spécialiste de la manutention portuaire, était en mesure de constater que la CMU des écarteurs n'était pas de quinze tonnes, mais de douze tonnes, ce qui ressortait de l'examen des poinçons figurant sur les écarteurs, qu'elle était pareillement en mesure de constater qu'il manquait les certificats d'épreuve et que l'un des écarteurs présentait des traces d'usure et une très forte déformation plastique, de sorte que la société Sea Invest connaissait le risque de rupture brutale de cet écarteur, et ce d'autant plus qu'elle avait eu connaissance du plan de la vedette et aurait dû réaliser un calcul de répartition des charges en fonction du centre de gravité. Il relève que ce manquement, qui aurait pu être imputé à la société Mediaco lors de l'exécution du contrat de déchargement des navires, ne peut plus lui être reproché à l'occasion du commodat du 16 août 2017, aux termes duquel elle s'est bornée à mettre de nouveau à disposition les écarteurs que réclamaient d'urgence la société Sea invest, sans avoir l'initiative ni le contrôle des opérations de levage qui allaient suivre pour lesquelles intervenait un spécialiste.
16. De ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu déduire que la société Sea Invest ne pouvait se prévaloir d'un manquement contractuel de la société Mediaco à son égard.
Com. 2 juillet 2025 n° 24-13.046
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
HM
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 2 juillet 2025
Cassation partielle
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 372 F-D
Pourvoi n° B 24-13.046
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 2 JUILLET 2025
L'association Cours Saint Thomas d'Aquin, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° B 24-13.046 contre l'arrêt rendu le 23 janvier 2024 par la cour d'appel de Poitiers (2e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Locam - location automobiles matériels, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Chazalette, conseiller, les observations de la SARL Ortscheidt, avocat de l'association Cours Saint Thomas d'Aquin, de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de la société Locam-location automobiles matériels, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 20 mai 2025 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Chazalette, conseiller rapporteur, Mme Schmidt, conseiller doyen, et Mme Sezer, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 23 janvier 2024), le 31 octobre 2018 l'association Cours Saint Thomas d'Aquin (l'association) a conclu avec la société Viatelease, aux droits de laquelle se trouve la société Locam-location automobiles matériels (la société Locam), un contrat de location financière portant sur du matériel de bureautique fourni par la société Burotel, celle-ci en assurant également la maintenance.
2. Le 25 octobre 2019, se prévalant de manquements graves dans le paramétrage du matériel, l'association a notifié à la société Burotel la résolution du contrat de maintenance.
3. La société Locam a assigné en paiement des loyers impayés l'association, laquelle lui a opposé la caducité du contrat de location financière en conséquence de la résolution du contrat de maintenance.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
4. L'association fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de caducité du contrat de location et de la condamner au paiement du solde impayé du contrat de location, alors « que le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification ; qu'en déboutant l'association de sa demande de prononcer de la caducité du contrat de location du 31 octobre 2018, motif pris que la société Burotel n'a pas été attraite à la procédure, que l'association ne fait valoir aucune procédure antérieure ou distincte au cours de laquelle la résolution du contrat de maintenance la liant à la société Burotel a été prononcée ou constatée et qu'en l'absence de mise en cause de la société Burotel, fournisseur du matériel avec laquelle elle avait souscrit un contrat de maintenance, elle ne pouvait ni constater la résolution du contrat de maintenance, ni prononcer la caducité du contrat de location du 31 octobre 2018, la cour d'appel a violé l'article 1226 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1186, alinéas 2 et 3, 1224 et 1226 du code civil :
5. Selon le premier de ces textes, lorsque l'exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d'une même opération et que l'un d'eux disparaît, sont caducs les contrats dont l'exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l'exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d'une partie, la caducité n'intervenant toutefois que si le contractant contre lequel elle est invoquée connaissait l'existence de l'opération d'ensemble.
6. Aux termes du deuxième, la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire, soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice.
7. Selon le troisième, le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification, le débiteur pouvant à tout moment saisir le juge pour contester la résolution.
8. Il en résulte que la résolution par voie de notification est opposable à celui contre lequel est invoquée la caducité d'un contrat, par voie de conséquence de l'anéantissement préalable du contrat interdépendant, sans qu'il soit nécessaire de mettre en cause le cocontractant du contrat préalablement résolu.
9. Pour rejeter la demande de caducité du contrat de location financière, l'arrêt relève que l'association n'a pas mis en cause la société Burotel.
10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Com. 2 juillet 2025 n° 24-13.481 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
HM
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 2 juillet 2025
Cassation
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 369 F-B
Pourvoi n° Z 24-13.481
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 2 JUILLET 2025
La caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) d'Aquitaine, société coopérative à capital variable, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Z 24-13.481 contre l'arrêt rendu le 6 mars 2024 par la cour d'appel de Toulouse (3e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [C] [X], épouse [T],
2°/ à M. [P] [T],
tous deux domiciliés [Adresse 3],
3°/ à la Société générale, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits du Crédit du Nord, elle-même venant aux droits de la Banque Courtois,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Bedouet, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel d'Aquitaine, de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. et Mme [T], de la SARL Cabinet Briard, Bonichot et Associés, avocat de la Société générale, venant aux droits du Crédit du Nord, elle-même venant aux droits de la Banque Courtois, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 20 mai 2025 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Bedouet, conseiller rapporteur, Mme Schmidt, conseiller doyen, et Mme Sezer, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 6 mars 2024), et les productions, le 27 septembre 2011, la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Bordeaux (la banque) a consenti à la société Spa Academy deux prêts garantis par les cautions solidaires de Mmes [T] et [I].
2. Les 27 février et 31 juillet 2013, la société Spa Academy ayant été mise en sauvegarde, puis en liquidation judiciaire, la banque a déclaré sa créance.
3. Le 4 septembre 2013, le tribunal a arrêté le plan de cession totale des actifs de la société Spa Academy au profit de la société H Développement (le repreneur) laquelle s'est engagée à reprendre le remboursement des deux prêts.
4.Le repreneur ayant été défaillant dans l'exécution de cet engagement, un arrêt du 9 mai 2018 l'a condamné, ainsi que les cautions, au paiement du solde des prêts.
5. Le 25 juillet 2018, le repreneur a été mis en redressement judiciaire.
6. Ayant déclaré tardivement sa créance au passif de la procédure collective du repreneur, la banque a formé une demande de relevé de forclusion. Par une ordonnance du 17 octobre 2019, le juge-commissaire a rejeté la demande.
7. Poursuivant l'exécution de l'arrêt du 9 mai 2018, la banque a délivré à M. et Mme [T] un commandement aux fins de saisie immobilière puis les a assignés devant un juge de l'exécution.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
8. La banque fait grief à l'arrêt d'annuler le commandement de payer valant saisie immobilière en ce qu'il est fondé sur une créance éteinte alors «que la transmission de plein droit au cessionnaire de la charge des sûretés garantissant le remboursement d'un crédit souscrit pour l'acquisition d'un des biens formant l'objet d'un plan de cession est dépourvue de tout effet novatoire et ne libère pas le débiteur principal des obligations que le prêt met à sa charge ; que de même, l'engagement pris par le cessionnaire de payer, après arrêté du plan de cession de l'emprunteur, des mensualités à échoir de ce prêt ne vaut pas, sauf accord exprès du prêteur, novation par substitution de débiteur ; qu'en conséquence, la caution de l'emprunteur demeure tenue, dans les mêmes conditions que celui-ci, de rembourser, sous déduction des sommes versées par le cessionnaire, l'intégralité de l'emprunt; qu'en jugeant que la créance garantie par le cautionnement de Madame [T] était éteinte, au motif que le juge commissaire avait refusé d'admettre la créance du Crédit agricole au passif de la société H Développement, cessionnaire, quand cette circonstance était sans incidence sur l'existence de l'obligation de l'emprunteur et, par conséquent, sur l'existence de l'obligation de Mme [T], la Cour d'appel a violé l'article [L. 642-12] du Code de commerce, ensemble l'article 2313 du Code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L 622-13, L 631-14, L 631-22 et L 642-7 du code de commerce et l'article 1271 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 :
9. Le prêt consenti par un professionnel du crédit avant l'ouverture du redressement judiciaire de l'emprunteur n'est pas un contrat en cours au sens du premier de ces textes et ne peut donc être cédé au titre des contrats visés au quatrième. L'engagement pris par le cessionnaire de payer, après arrêté du plan de cession de l'emprunteur, les mensualités à échoir de ce prêt ne vaut pas, sauf accord exprès du prêteur, novation par substitution de débiteur, de sorte que la caution solidaire des engagements de l'emprunteur demeure tenue de garantir l'exécution de ce prêt.
10. Pour annuler le commandement de payer valant saisie immobilière, l'arrêt retient que la créance de la banque garantie par le cautionnement de Mme [T] était éteinte dès lors que le juge-commissaire de la société H Développement avait refusé de l'admettre au passif de cette société.
11. En statuant ainsi, alors que le rejet de la créance de la banque au passif du redressement judiciaire du repreneur était sans incidence sur l'obligation de l'emprunteur initial et, partant, sur celle de la caution qui demeurait tenue en l'absence de novation par substitution de débiteur, la cour d'appel a violé les textes précités.
Com. 2 juillet 2025 n° 24-14.305
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
JB
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 2 juillet 2025
Cassation partielle
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 374 F-D
Pourvoi n° V 24-14.305
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 2 JUILLET 2025
La société CIC Nord Ouest, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 24-14.305 contre l'arrêt rendu le 21 février 2024 par la cour d'appel de Paris (pôle 5 - chambre 6), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [C] [M], domiciliée chez ses parents [Adresse 3],
2°/ à M. [N] [L], domicilié chez monsieur et madame [L] [Adresse 1],
3°/ à la société Crédit logement, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Chazalette, conseiller, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société CIC Nord Ouest, de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de la société Crédit logement, de la SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, avocat de Mme [M], après débats en l'audience publique du 20 mai 2025 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Chazalette, conseiller rapporteur, Mme Schmidt, conseiller doyen, et Mme Sezer, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 février 2024), par un acte du 17 octobre 2011, la société Banque CIC Nord Ouest (la banque) a consenti à M. [L] et Mme [M], agissant solidairement, un prêt immobilier garanti par la société Crédit logement.
2. Les 16 août 2017 et 9 avril 2018, la société Crédit logement a payé au prêteur des échéances impayées puis la totalité du capital restant dû.
3. La société Crédit logement a assigné en paiement M. [L] et Mme [M]. Ceux-ci ont appelé la banque en intervention forcée. Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. La banque fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à Mme [M] une certaine somme en réparation du préjudice tenant à la perte de chance de ne pas contracter le prêt immobilier du 17 octobre 2011, alors « que lorsqu'un emprunt est souscrit par plusieurs emprunteurs, l'existence d'un risque d'endettement excessif résultant de celui-ci doit s'apprécier au regard des capacités financières globales de ces co-emprunteurs ; que pour condamner le CIC Nord-Ouest à payer à Mme [M] des dommages-intérêts, l'arrêt après avoir énoncé que c'est à tort que le tribunal a considéré que l'adaptation du prêt doit s'apprécier non eu égard à la situation d'un des emprunteurs mais globalement au regard des capacités financières des deux intéressés, retient que les situations de M. [L], d'une part, et de Mme [M], d'autre part, étaient éminemment différentes et relève qu'en retenant la capacité de remboursement propre à Mme [M], il ressort que ses revenus ne pouvaient lui permettre d'assurer le remboursement de mensualités de l'emprunt en totalité, représentant plus du double de ses revenus personnels, qu'en effet Mme [M] fait état de ce qu'au moment de la souscription du prêt, elle était employée en qualité de responsable d'agence d'hôtes et hôtesses d'accueil dans le secteur de l'événementiel et que sa part dans les revenus du ménage était de 18 %, qu'elle ne détenait ni patrimoine immobilier ou mobilier, ni épargne et que Mme [M] n'était propriétaire indivis qu'à hauteur de 30 %, que par conséquent la banque était à son égard, Mme [M] étant emprunteur non averti ce qui n'est pas contestable, tenue d'un devoir de mise en garde qu'elle ne justifie pas avoir respecté, n'ayant jamais rencontré Mme [M] ; que compte tenu de sa proximité avec M. [L], dont les capacités financières étaient certaines, la perte de chance de ne pas s'engager à ses côtés est faible et sera justement indemnisée par l'octroi d'une somme équivalente à 10 % de la somme due à Crédit logement, soit 73 500 euros que le CIC Nord sera condamné à lui payer en réparation du préjudice tenant à la perte de chance de ne pas contracter ; qu'en statuant ainsi, en refusant de prendre en compte l'ensemble des biens et revenus des co-emprunteurs lors de l'octroi du prêt, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :
5. Il résulte de ce texte que lorsqu'un emprunt est souscrit par plusieurs emprunteurs, l'existence d'un risque d'endettement excessif résultant de celui-ci doit s'apprécier au regard des capacités financières globales de ces coemprunteurs.
6. Pour condamner la banque à payer à Mme [M] des dommages et intérêts, l'arrêt, après avoir énoncé que l'adaptation du prêt s'apprécie à l'égard de chaque emprunteur, retient que les mensualités de remboursement représentaient plus de la moitié des revenus personnels de Mme [M], qu'il existait un risque d'endettement excessif et que la banque ne démontre pas avoir exécuté son devoir de mise en garde.
7. En statuant ainsi, sans prendre en compte l'ensemble des biens et revenus des coemprunteurs lors de l'octroi des prêts, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Et sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
8. La banque fait le même grief à l'arrêt, alors « que la banque qui a consenti un prêt à plusieurs emprunteurs et obtenu leur engagement solidaire à le rembourser n'est pas tenue d'informer chacun d'eux de ce qu'il peut avoir, conformément à la définition même de la solidarité, à répondre sur son patrimoine des conséquences d'une défaillance dans l'exécution de l'obligation de remboursement ; qu'en énonçant le contraire, la cour d'appel a, de nouveau, violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 :
9. Il résulte de ce texte que l'établissement de crédit n'est pas tenu d'informer chaque emprunteur de ce qu'il peut avoir, conformément à la définition même de la solidarité, à répondre sur son patrimoine des conséquences d'une défaillance dans l'exécution de l'obligation de remboursement.
10. Pour condamner la banque à payer à Mme [M] des dommages et intérêts, l'arrêt, après avoir énoncé que la banque doit informer chacun des coemprunteurs sur la notion de solidarité, retient encore que la banque, qui n'avait jamais rencontré cette dernière, ne justifie pas avoir exécuté cette obligation.
11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Mise hors de cause
12. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y aura lieu de mettre hors de cause la société Crédit logement dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.
Com. 2 juillet 2025 n° 24-11.217 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
JB
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 2 juillet 2025
Cassation partielle
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 367 F-B
Pourvoi n° P 24-11.217
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 2 JUILLET 2025
L'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) [Localité 7], dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° P 24-11.217 contre l'arrêt rendu le 17 octobre 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 8), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société BT Zimat, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 6],
2°/ à la société Ajilink Labis-[C]-de Chanaud, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], représentée par M. [K] [C], prise en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Bt Zimat,
3°/ à la société Selarl Garnier-[J], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 5], représentée par Mme [Y] [J], prise en qualité de mandataire judiciaire de la société Bt Zimat,
4°/ à la société Bouygues immobilier, dont le siège est [Adresse 4],
5°/ à la société Copac, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Riffaud, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) [Localité 7], et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 20 mai 2025 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Riffaud, conseiller rapporteur, Mme Schmidt, conseiller doyen, et Mme Sezer, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 octobre 2023), un jugement du 10 septembre 2018 a mis la société BT Zimat en sauvegarde et désigné la société Garnier-Guillouët en qualité de mandataire judiciaire et la société Ajilink Labis [C] en celle d'administrateur.
2. Le greffier du tribunal a adressé à la Direction de l'information légale et administrative une première demande de publication d'un avis de ce jugement au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC), laquelle est intervenue le 5 octobre 2018. Cet avis ne mentionnant ni le nom ni l'adresse de l'administrateur judiciaire, il a été suivi de deux autres publiés les 1er et 6 février 2019, précisant qu'ils annulaient et remplaçaient le premier, le dernier avis mentionnant les coordonnées de l'administrateur judiciaire.
3. Le 6 décembre 2018, l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales d'[Localité 7] (l'URSSAF) a déclaré une créance à titre privilégié, qui a été contestée, pour tardiveté, par le mandataire judiciaire. Elle a renouvelé sa déclaration de créance le 14 mars 2019 à la suite de la nouvelle publication du jugement d'ouverture, puis saisi le juge-commissaire d'une demande de relevé de la forclusion.
4. Par une ordonnance du 22 mars 2019, le juge-commissaire a accueilli la demande de relevé de la forclusion.
5. La procédure de sauvegarde ayant été convertie en redressement judiciaire le 23 octobre 2019, un plan de redressement a été arrêté le 19 décembre 2019 et la société Ajilink Labis [C] désignée en qualité de commissaire à son exécution.
6. Statuant sur le recours formé par la société débitrice contre l'ordonnance du 22 mars, le tribunal de la procédure collective a confirmé cette ordonnance
7. La société débitrice a interjeté appel de cette décision.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
8. L'URSSAF fait grief à l'arrêt de dire que l'avis publiant le jugement d'ouverture au BODACC le 5 octobre 2018 est opposable à l'ensemble des créanciers et a fait courir le délai de deux mois pour déclarer les créances au passif de la société BT Zimat, alors « que l'article R. 621-8 du code de commerce impose que l'avis du jugement d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, inséré au BODACC, précise également le nom et l'adresse du mandataire judiciaire et de l'administrateur s'il en a été désigné avec, dans ce cas, l'indication des pouvoirs qui lui sont conférés" ; que l'omission de l'indication de l'administrateur judiciaire constitue une irrégularité concernant un élément essentiel de la publication dès lors que cette mention est obligatoire aux termes du texte susvisé, et rend l'avis inopposable aux tiers ; qu'en l'espèce, il était constant que l'annonce légale du 5 octobre 2018, relative à l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire de la société BT Zimat n'indiquait pas les nom et adresse de l'administrateur judiciaire ; qu'en jugeant que cette publication du 5 octobre 2018 était opposable à l'ensemble des créanciers et avait fait courir le délai de deux mois pour déclarer les créances au passif de la société BT Zimat, la cour d'appel a violé l'article R. 621-8 du code de commerce dans sa version en vigueur du 8 juin 2018 au 1er janvier 2020 et l'article R. 622-24 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu l'article R. 621-8 du code de commerce :
9. Il résulte de ce texte que l'avis du jugement d'ouverture inséré au BODACC doit préciser le nom et l'adresse non seulement du mandataire judiciaire mais également de l'administrateur judiciaire, s'il en a été désigné un, avec l'indication de ses pouvoirs, et que l'omission de l'un de ces éléments essentiels constitue une irrégularité privant l'avis de ses effets à l'égard des tiers, quel que soit le droit qu'ils invoquent.
10. Pour refuser d'accueillir la demande tendant à voir déclarer inopposable aux tiers l'avis publié au BODACC le 5 octobre 2018, l'arrêt retient que si cet avis a omis de mentionner les nom et adresse de l'administrateur désigné dans le jugement d'ouverture, il comporte, en revanche, les autres mentions prévues à l'article R. 621-8 du code de commerce, en particulier les coordonnées précises de la société débitrice ainsi que celles du mandataire judiciaire et que, la déclaration de créance s'effectuant non pas entre les mains de l'administrateur mais de celles du mandataire judiciaire, les créanciers disposaient dès cette publication de toutes les informations nécessaires pour déclarer leur créance au passif de la société BT Zimat.
11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Com. 2 juillet 2025 n° 24-14.315
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
MB
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 2 juillet 2025
Cassation partielle
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 375 F-D
Pourvoi n° F 24-14.315
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 2 JUILLET 2025
La société Grenke location, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° F 24-14.315 contre l'arrêt rendu le 9 février 2024 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 11), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Montelec, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à la société Paritel opérateur, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Chazalette, conseiller, les observations de la SCP Gouz-Fitoussi, avocat de la société Grenke location, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Montelec, de la SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, avocat de la société Paritel opérateur, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 mai 2025 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Chazalette, conseiller rapporteur, Mme Schmidt, conseiller doyen, et Mme Sezer, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 février 2024) et les productions, après avoir commandé différents matériels et services à la société Paritel opérateur, le 27 juin 2017 la société Montelec a souscrit un contrat de location financière auprès de la société Viatelease.
2. Le 2 août 2017, la société Viatelease a cédé le contrat à la société Grenke location (la société Grenke).
3. Le 14 mars 2018, la société Grenke a mis en demeure la société Montelec de payer les loyers échus.
4. Le 18 avril 2018, la société Grenke a résilié le contrat. Le 27 février 2019, elle a assigné la société Montelec en paiement.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa sixième branche
Enoncé du moyen
5. La société Grenke fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « que lorsqu'une société paye un loyer entre les mains du cessionnaire, elle est présumée avoir tacitement accepté cette cession ; qu'en se bornant à affirmer que dès le 9 août 2017 la somme de 865 euros a été prélevée sur les comptes bancaires de la société Montelec laquelle a fait opposition aux prélèvements suivants de sorte qu'elle ne peut être considérée comme ayant tacitement accepté la cession, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les loyers avaient été réglés entre août 2017 et janvier 2018 puisque la lettre de résiliation ne mentionnait des impayés qu'à compter de janvier 2018, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1216 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1216, alinéa 2, du code civil :
6. Il résulte de ce texte que lorsqu'un contractant, le cédant, cède sa qualité de partie au contrat à un tiers, le cessionnaire, et que son cocontractant, le cédé, a donné son accord à cette cession par avance, la cession ne produit effet à l'égard du cédé que si le contrat conclu entre le cédant et le cessionnaire lui est notifié ou lorsqu'il en prend acte.
7. Pour rejeter les demandes de la société Grenke location, l'arrêt, après avoir relevé que le contrat de location financière conclu entre la société Montelec et la société Viatelease contenait une clause par laquelle le locataire acceptait sans réserve la substitution éventuelle du loueur, et que, dès le 9 août 2017, une certaine somme avait été prélevée par la société Grenke location sur le compte bancaire de la société Montelec, laquelle avait ensuite fait opposition aux prélèvements, retient que la société Montelec ne pouvait pas être considérée comme ayant tacitement accepté la cession.
8. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, si des loyers avaient été payés au cessionnaire entre août et décembre 2017, paiements qui auraient été de nature à établir que le locataire avait pris acte de la cession du contrat, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Mise hors de cause
9. Les griefs du pourvoi n'attaquant que les chefs de dispositif concernant les relations entre les sociétés Montelec et Grenke location, la société Paritel opérateur sera mise hors de cause.
Com. 2 juillet 2025 n° 24-17.279
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
LC
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 2 juillet 2025
Cassation sans renvoi
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 384 F-D
Pourvoi n° C 24-17.279
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 2 JUILLET 2025
1°/ la société Aera, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4],
2°/ la société BDRL associés, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], représentée par M. [C] [O], agissant en qualité de mandataire judiciaire de la société Aera,
3°/ la société CBF associés, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 1], représentée par M. [F] [D], agissant en qualité d'administrateur judiciaire de la société Aera,
ont formé le pourvoi n° C 24-17.279 contre l'arrêt rendu le 30 avril 2024 par la cour d'appel de Toulouse (3e chambre), dans le litige les opposant à la société Aquatechnique, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Buquant, conseiller référendaire, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de la société Aera, de la société BDRL associés, ès qualités, et de la société CBF associés, ès qualités, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 20 mai 2025 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Buquant, conseiller référendaire rapporteur, Mme Schmidt, conseiller doyen, et Mme Sezer, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 30 avril 2024), le 30 janvier 2023, la société Aquatechnique a assigné en référé la société Aera en paiement d'une provision.
2. Au cours de l'instance d'appel contre l'ordonnance ayant accueilli cette demande, la société Aera a été mise en redressement judiciaire.
3. La société BDRL associés, désignée mandataire judiciaire de la société Aera, et la société CBF associés, désignée administrateur judiciaire de celle-ci, sont intervenues volontairement à l'instance d'appel.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. La société Aera, son administrateur judiciaire et son mandataire judiciaire font grief à l'arrêt de la condamner au paiement d'une provision, alors « que l'instance en référé tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une provision n'est pas une instance en cours interrompue par l'ouverture de la procédure collective du débiteur, au sens de l'article L. 622-22 du code de commerce, de sorte qu'une cour d'appel, statuant sur l'appel formé par ce dernier contre l'ordonnance l'ayant condamné au paiement d'une provision, doit infirmer cette ordonnance et dire n'y avoir lieu à référé, au besoin d'office, la demande en paiement étant devenue irrecevable en vertu de la règle de l'interdiction des poursuites édictées par l'article L. 622-21 du code de commerce ; qu'en confirmant l'ordonnance entreprise ayant condamné la société Aera à payer à titre de provision la somme totale de 72 965,79 euros, au titre de factures en date des 16 février, 20 avril, 21 juillet, 22 juillet, 31 août et 15 septembre 2022, après avoir constaté que la société Aera avait été placée en redressement judiciaire au cours de l'instance d'appel par un jugement du tribunal de commerce de Foix en date du 6 novembre 2023, sans relever, au besoin d'office, l'irrecevabilité de la demande en paiement de la provision et sans constater qu'il revenait au seul juge-commissaire de se prononcer sur la déclaration de créance, ce qui la privait du pouvoir de statuer sur la créance, la cour d'appel a violé les articles L. 622-21 et L. 622-22 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 622-21 et L. 622-22 du code de commerce ;
5. L'instance en référé tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une provision n'est pas une instance en cours interrompue par l'ouverture de la procédure collective du débiteur, au sens du second de ces textes, de sorte qu'une cour d'appel, statuant sur l'appel formé par ce dernier contre l'ordonnance l'ayant condamné au paiement d'une provision, doit infirmer cette ordonnance et dire n'y avoir lieu à référé, la demande en paiement étant devenue irrecevable en vertu de la règle de l'interdiction des poursuites édictée par le premier texte susvisé.
6. L'arrêt, après avoir constaté que la société Aera a été mise en redressement judiciaire, confirme sa condamnation au paiement d'une provision.
7. En statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de relever, au besoin d'office, l'irrecevabilité de la demande, la cour d'appel, qui n'avait pas le pouvoir de statuer sur la créance, a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
8. Tel que suggéré par le demandeur au pourvoi, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
9. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
Soc. 2 juillet 2025 n° 23-23.774
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 2 juillet 2025
Cassation
Mme MARIETTE, conseillère doyenne faisant fonction de présidente
Arrêt n° 708 F-D
Pourvois n° R 23-23.773 S 23-23.774 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 JUILLET 2025
M. [C] [W], domicilié [Adresse 1], a formé les pourvois n° R 23-23.773 et S 23-23.774 contre deux arrêts rendus respectivement les 3 novembre 2023 et 1er juillet 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-2), dans le litige l'opposant à la Régie des transports métropolitains, établissement public à caractère industriel et commercial, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur aux pourvois invoque, à l'appui de chacun de ses recours, un moyen de cassation.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de Mme Douxami, conseillère, les observations de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de M. [W], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la Régie des transports métropolitains, après débats en l'audience publique du 3 juin 2025 où étaient présentes Mme Mariette, conseillère doyenne faisant fonction de présidente, Mme Douxami, conseillère rapporteure, Mme Panetta, conseillère, et Mme Pontonnier, greffière de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée de la présidente et conseillères précitées, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° R 23-23.773 et S 23-23.774 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon les arrêts attaqués (Aix-en-Provence, 1er juillet 2022 et 3 novembre 2023) et les productions, M. [W], engagé en qualité de conducteur de rame par l'établissement public industriel et commercial Régie des transports métropolitains à compter du 6 avril 1983, occupait, en dernier lieu, le poste de responsable des opérations d'exploitation du métro.
3. Licencié pour faute grave par lettre du 19 avril 2021, il a saisi la formation de référé de la juridiction prud'homale, par une première requête, pour obtenir paiement d'une somme à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement.
4. Après avoir été débouté de cette demande, il a saisi, à nouveau, la formation de référé pour obtenir une provision sur l'indemnité conventionnelle de licenciement.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi n° S 23-23.774
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches, du pourvoi n° R 23-23.773
Enoncé du moyen
6. Le salarié fait grief à l'arrêt du 3 novembre 2023 de déclarer ses demandes irrecevables, alors :
« 1°/ que le juge des référés ne peut modifier ses décisions que si surviennent des circonstances nouvelles ; que l'arrêt, pour déclarer irrecevable sa demande, retient que l'exposant formule la même demande que lors de la précédente procédure en référé, à savoir, le versement de sommes provisionnelles au titre d'une indemnité conventionnelle et qu'aucune circonstance nouvelle ne permet de modifier la précédente décision du 1er juillet 2022 ; qu'en statuant ainsi, quand la décision du 1er juillet n'avait pas statué sur une demande de provision, de sorte que se prononcer sur une telle demande ne le conduisait pas à modifier sa précédente décision, la cour d'appel a violé l'article 488 du code de procédure civil ;
2°/ que l'autorité de chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement de sorte que la demande formulée qui n'a pas été examinée peut être renouvelée sans que le juge des référés nouvellement saisi puisse la déclarer irrecevable ; que l'arrêt, pour déclarer irrecevable sa demande, retient qu'il s'agit de la même demande de référé-provision formulée lors de la précédente procédure de référé et qu'aucune circonstance nouvelle ne lui permet de modifier la décision du 1er juillet 2022 ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si la décision du 1er juillet 2022 avait statué sur la demande de référé provision, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 488 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 488 du code de procédure civile et 1355 du code civil :
7. Aux termes du premier de ces textes, l'ordonnance de référé n'a pas au principal l'autorité de la chose jugée. Elle ne peut être modifiée ou rapportée qu'en cas de circonstances nouvelles.
8. Selon le second, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.
9. Pour déclarer irrecevables les demandes du salarié, l'arrêt retient qu'il formule dans le cadre de cette instance les mêmes demandes que lors de la précédente procédure en référé, soit le versement de sommes provisionnelles au titre d'une indemnité conventionnelle de licenciement, alors qu'il ne justifie d'aucune circonstance nouvelle.
10. Il en déduit que les dispositions de l'article 488 du code de procédure civile trouvent à s'appliquer en l'espèce.
11. En statuant ainsi, alors que la décision du 1er juillet 2022 n'a pas statué sur une demande de provision mais sur une demande en paiement de l'indemnité de licenciement et qu'elle était saisie d'une demande de provision sur cette indemnité, en sorte que les demandes n'ayant pas le même objet, elle ne pouvait déclarer irrecevable cette demande de provision, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Soc. 2 juillet 2025 n° 24-11.579
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 2 juillet 2025
Cassation
Mme MARIETTE, conseillère doyenne faisant fonction de présidente
Arrêt n° 709 F-D
Pourvoi n° H 24-11.579
Aide juridictionnelle totale en demande au profit de Mme [J]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 14 décembre 2023.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 JUILLET 2025
Mme [M] [J], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° H 24-11.579 contre l'arrêt rendu le 8 février 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 6), dans le litige l'opposant au syndicat des copropriétaires du [Adresse 3], représenté par son syndic en exercice la société Oralia, dont le siège est [Adresse 2], dont le siège est [Adresse 3], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Douxami, conseillère, les observations de Me Brouchot, avocat de Mme [J], de la SARL Gury & Maitre, avocat du syndicat des copropriétaires du [Adresse 3], et après débats en l'audience publique du 3 juin 2025 où étaient présentes Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Douxami, conseillère rapporteure, Mme Panetta, conseillère, et Mme Pontonnier, greffière de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée de la présidente et conseillères précitées, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 février 2023), Mme [J] a été engagée en qualité de gardienne-concierge par le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] à compter du 10 avril 1993.
2. Licenciée pour faute grave par lettre du 27 mars 2012, elle a saisi la juridiction prud'homale.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. La salariée fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses conclusions ainsi que ses pièces, de les écarter des débats et de la débouter de l'ensemble de ses demandes, alors « que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; que lorsque la procédure est orale, le juge ne peut déclarer irrecevables les prétentions des parties formulées au cours de l'audience et doit, s'il y a lieu, renvoyer l'affaire à une prochaine audience ; que, pour confirmer le jugement ayant rejeté ses demandes, l'arrêt attaqué énonce qu'en l'absence de communication de ses conclusions et pièces à son adversaire, elle a porté manifestement atteinte au principe du contradictoire et à la loyauté des débats de sorte que ses conclusions doivent être déclarées irrecevables tandis que ses pièces seront écartées des débats ; que la procédure d'appel, en matière prud'homale, n'est devenue écrite et avec représentation obligatoire qu'aux appels introduits à compter du 1er août 2016 ; qu'en l'espèce, l'appel a été interjeté le 20 octobre 2014 de sorte que, la procédure étant orale, les conclusions n'étaient pas irrecevables et qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles 16 et 946 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 16 et 946 du code de procédure civile :
4. Il résulte du premier de ces textes que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction et du second que lorsque la procédure est orale, le juge ne peut déclarer irrecevables les prétentions des parties formulées au cours de l'audience et doit, s'il y a lieu, renvoyer l'affaire à une prochaine audience.
5. Pour déclarer irrecevables les conclusions et pièces de la salariée, l'arrêt constate, d'abord, que la salariée a déposé ses conclusions au greffe le 5 novembre 2021, l'affaire précédemment radiée ayant été réinscrite et que les parties ont été convoquées par le greffe par lettres du 14 avril 2022, dûment réceptionnées par leurs destinataires respectifs, à l'audience du 13 décembre 2022 à 13 heures 30.
6. L'arrêt retient, ensuite, que lors des débats, le conseil de l'intimé a indiqué n'avoir jamais reçu les conclusions de l'appelante ni même le bordereau de communication de pièces alors que l'avocat de cette dernière a affirmé les lui avoir communiqués, sans pour autant être en mesure d'en justifier.
7. L'arrêt en conclut que cette absence de communication des conclusions et pièces au contradicteur porte manifestement atteinte au principe du contradictoire et à la loyauté des débats.
8. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que l'employeur intimé n'avait pas invoqué l'irrecevabilité des pièces pour violation du principe de la contradiction, la cour d'appel, qui n'a pas au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen relevé d'office et qui devait, dès lors qu'elle estimait que les conclusions n'avaient pas été déposées en temps utile, renvoyer l'affaire pour assurer le principe de la contradiction, a violé les textes susvisés.
Soc. 2 juillet 2025 n° 23-18.545
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 2 juillet 2025
Rabat d'arrêt partiel
M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 766 FS-D
Pourvoi n° G 23-18.545
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 JUILLET 2025
La chambre sociale de la Cour de cassation se saisit d'office en vue du rabat de son arrêt n° 952 FS-B prononcé le 25 septembre 2024 sur le pourvoi n° G 23-18.545 en cassation d'un arrêt rendu le 24 mai 2023 par la cour d'appel d'Amiens (5e chambre prud'homale).
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Redon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société MSB OBI, de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de M. [J], et l'avis écrit de Mme Grivel, avocate générale, après débats en l'audience publique du 17 juin 2025 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Redon, conseiller référendaire rapporteur, Mme Mariette, conseillère doyenne, MM. Barincou, Seguy, Mmes Douxami, Panetta, Brinet, conseillers, Mme Prieur, M. Carillon, Mme Maitral, conseillers référendaires, M. Gambert, avocat général, et Mme Pontonnier, greffière de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, du président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Par arrêt n° 952 FS-B du 25 septembre 2024 (Soc., 25 septembre 2024, pourvoi n° 23-18.545), la chambre sociale a cassé l'arrêt rendu le 24 mai 2023 par la cour d'appel d'Amiens et renvoyé l'affaire et les parties devant la cour d'appel de Douai.
2. Cet arrêt indique dans son dispositif : « CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande de dommages-intérêts formée par M. [J] pour licenciement vexatoire, l'arrêt rendu le 24 mai 2023, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens. »
3. C'est à la suite d'une erreur, non imputable aux parties, que cette formule de cassation a omis d'exclure du champ de la cassation prononcée le chef de dispositif de l'arrêt ayant débouté le salarié de sa demande de rappel de salaire.
4. En effet, ce chef de dispositif n'était pas critiqué par le pourvoi formé contre l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens rendu entre les parties le 11 mars 2021 et est sans lien de dépendance nécessaire avec le chef de dispositif statuant sur la cause du licenciement.
5. Il convient en conséquence de rabattre partiellement l'arrêt du 25 septembre 2024 afin de rectifier son dispositif en indiquant que la cassation prononcée ne s'étend pas au chef de dispositif ayant débouté le salarié de sa demande de rappel de salaire.
Soc. 1 juillet 2025 n° 23-21.614
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 1er juillet 2025
Cassation
Mme MARIETTE, conseillère doyenne faisant fonction de présidente
Arrêt n° 703 F-D
Pourvoi n° U 23-21.614
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 1ER JUILLET 2025
Mme [K] [M], domiciliée [Adresse 5], a formé le pourvoi n° U 23-21.614 contre l'arrêt rendu le 27 juin 2023 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre, section 1), dans le litige l'opposant :
1°/ à l'association AGS CGEA Ile-de-France Ouest UNEDIC, dont le siège est [Adresse 3],
2°/ à la société Mandataires judiciaires associés, société d'exercice libéral à forme anonyme, dont le siège est [Adresse 1], représentée par Mme [J] [N], prise en qualité de mandataire liquidateur de la société Marchal technologies groupe Altead,
3°/ à la société BTSG², société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 2], représentée par M. [U] [E], prise en qualité de mandataire liquidateur de la société Marchal technologies groupe Altead,
4°/ à la société FHBX, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, anciennement dénommée FHB, dont le siège est [Adresse 4], représentée par Mme [C] [V], prise en qualité d'administrateur judiciaire de la société Marchal technologies groupe Altead,
5°/ à la société Thevenot parteners, admistrateurs judiciaires, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 6], représentée par M. [R] [G], prise en qualité d'administrateur judiciaire de la société Marchal technologies groupe Altead,
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Seguy, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [M], de la SAS Boucard-Capron-Maman, avocat de la société Mandataires judiciaires associés et de la société BTSG², ès qualités, après débats en l'audience publique du 3 juin 2025 où étaient présents Mme Mariette, conseillère doyenne faisant fonction de présidente, M. Seguy, conseiller rapporteur, M. Barincou, conseiller, et Mme Dumont, greffière de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée de la présidente et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 27 juin 2023), Mme [M] a été engagée en qualité de responsable planning, le 5 janvier 2004, par la société Techni sphere. Son contrat de travail a été transféré à la société Marchal technologies groupe Altead (MTGA). En dernier lieu, elle était directrice adjointe de l'agence MTGA [Localité 9] à [Localité 8].
2. Par jugement du 30 avril 2019, le tribunal de commerce a placé la société MTGA en redressement judiciaire et a désigné en qualités d'administrateurs les sociétés FHB et Thevenot partners.
3. Par jugement du 26 juillet 2019, le tribunal de commerce a arrêté le plan de cession de la société MTGA au profit des sociétés Distritec et Bovis participation, cette dernière étant autorisée à se faire substituer par une ou plusieurs sociétés détenues a minima à 95 % par elle, a ordonné le transfert de cent-six contrats de travail au profit de la société Bovis participation et de quarante contrats de travail au profit de la société Distritec et a autorisé le licenciement pour motif économique de cent-dix-sept salariés dont les contrats de travail n'étaient pas repris par les cessionnaires, dont celui de directeur adjoint de l'agence de Toulouse.
4. Par un second jugement de la même date, il a converti la procédure de redressement en liquidation judiciaire, maintenu en fonction les administrateurs afin de procéder aux licenciements et désigné les sociétés Mandataires judiciaires associés et BTSG² en qualités de liquidateurs.
5. Le contrat de travail de la salariée a pris fin le 9 septembre 2019, à l'issue du délai de réflexion dont elle disposait, après son adhésion au contrat de sécurisation professionnelle qui lui avait été proposé le 14 août 2019 par les administrateurs.
6. S'étant prévalue de la priorité de réembauche, elle a été engagée le 1er octobre 2019 en qualité de coordinatrice de travaux à l'agence exploitée [Localité 7] par la société Pegasys groupe, laquelle s'était substituée à la société Bovis Participation pour la reprise des actifs de la société MTGA.
7. Les liquidateurs et l'AGS, invoquant une suspicion de fraude et ayant refusé de lui verser les indemnités de rupture, les salaires des derniers jours d'activité ainsi que de lui remettre les documents de fin de contrat, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de demandes dirigées contre les liquidateurs et le CGEA Ile-de-France Ouest tendant à voir fixer au passif de la société MTGA ses créances de rappels de salaire et d'indemnités de rupture et à obtenir la remise des documents sociaux afférents à son licenciement.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
8. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes, alors « que si la cession de l'entreprise en redressement judiciaire arrêtée par le tribunal de commerce entraîne, en application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, le transfert d'une entité économique autonome conservant son identité et, par voie de conséquence, la poursuite par le cessionnaire des contrats de travail des salariés attachés à l'entreprise cédée, il doit être dérogé à ces dispositions lorsqu'en application des articles L. 631-22 et L. 642-5 du code de commerce, le plan de redressement prévoit des licenciements pour motif économique qui doivent intervenir dans le délai d'un mois après le jugement ; qu'en ce cas, l'embauche ultérieure par l'entreprise cessionnaire d'un salarié régulièrement licencié emporte conclusion d'un nouveau contrat de travail ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué, d'une part que '' [la salariée] a été licenciée dans le cadre d'un plan de cession de la société Marchal technologie groupe Altead (MTGA) adopté par jugement du tribunal de commerce de Paris du 26 juillet 2019 au profit de deux sociétés repreneuses, la société Bovis participation et la société Distritec'', lequel avait ''ordon[né] le transfert de 106 contrats de travail à la société Bovis participation et le licenciement collectif des salariés non repris par la société cessionnaire, dont le poste de directeur adjoint de l'agence MTGA de Toulouse occupé par [la salariée]'', d'autre part, que postérieurement à ce licenciement, intervenu ''avec date d'effet de la rupture au 9 septembre 2019, [la salariée] a été embauchée le 26 septembre 2019 par la société Pegasys, société du groupe Bovis'' ; que pour débouter la salariée de ses demandes, dirigées contre les liquidateurs, en inscription au passif de la société MTGA de ses créances de salaires et indemnités de rupture, la cour d'appel a retenu, ''que l'embauche de [la salariée] par la société Pegasys est intervenue 17 jours après la rupture du contrat de travail du 9 septembre 2019, et 26 jours après la date de d'entrée en jouissance prévue dans l'offre de reprise. Cette embauche s'inscrit donc dans la poursuite de l'activité que la société Pegasys venait de reprendre, et ce dans une grande proximité temporelle. Le transfert d'unité économique autonome de la société MTGA au profit de la société Bovis participation après adoption du plan de cession le 26 juillet 2019, ainsi que le recrutement très rapide de la salariée par la société Pegasys, société cessionnaire par substitution, permet[tent] de retenir le maintien de plein droit du contrat de travail de [la salariée] attachée à cette unité par application de l'article L. 1224-1 du code du travail'' ; qu'en se déterminant de la sorte quand, en l'absence de fraude, le licenciement de [la salariée], dont le transfert du poste de travail n'était pas prévu par le plan de cession, régulièrement effectué par le liquidateur, avait mis obstacle à tout transfert de son contrat de travail, de sorte que son embauche ultérieure par la société Pegasys groupe n'avait pu s'opérer en application de l'article L. 1224-1 du code du travail, la cour d'appel a violé ce texte, ensemble l'article L. 642-5 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 642-5 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre R. 642-3 du même code et L. 1224-1 du code du travail :
9. Il résulte de ces textes que la cession de l'entreprise en redressement judiciaire arrêtée par le tribunal de commerce entraîne, en application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, le transfert d'une entité économique autonome conservant son identité et, par voie de conséquence, la poursuite par le cessionnaire des contrats de travail des salariés attachés à l'entreprise cédée. Il est dérogé à ces dispositions lorsqu'en application de l'article L. 642-5 du code de commerce, le plan de cession prévoit des licenciements pour motif économique qui doivent intervenir dans le délai d'un mois après le jugement. Le jugement arrêtant le plan doit indiquer le nombre de salariés dont le licenciement est autorisé ainsi que les activités et catégories professionnelles concernées.
10. Pour débouter la salariée de ses demandes, l'arrêt constate, d'abord, que l'unité économique autonome à laquelle elle était attachée avait été transférée de la société MTGA à la société Bovis participation ainsi qu'aux sociétés qui s'étaient substituées à elle, dont la société Pegasys groupe.
11. Il relève, ensuite, que la salariée avait été engagée le 1er octobre 2019 par la société Pegasys groupe sur un poste équivalent, à des conditions comparables à celles dont elle bénéficiait dans la société MTGA, notamment en termes de rémunération, qu'elle avait conservé sa classification et qu'il existait un lien entre la reprise des actifs de la société MTGA et son recrutement, intervenu avec une grande proximité temporelle dans le cadre de la poursuite de l'activité que la société Pegasys groupe venait de reprendre.
12. Il en déduit que le transfert d'unité économique autonome de la société MTGA au profit de la société Bovis participation après adoption du plan de cession le 26 juillet 2019, ainsi que le recrutement très rapide de la salariée par la société Pegasys, société cessionnaire par substitution, permettent de retenir le maintien de plein droit du contrat de travail de la salariée attachée à cette unité, par application de l'article L. 1244-1 du code du travail, la priorité de réembauche invoquée par l'intéressée, dont la bonne foi n'est pas en cause, ne pouvant faire obstacle aux dispositions d'ordre public de l'article L. 1224-1 du code du travail.
13. Il en conclut que le licenciement économique de la salariée est privé d'effet et qu'elle ne peut prétendre au paiement d'indemnité de rupture, de rappel de salaire et à la remise de documents de fin de contrat.
14. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait, d'une part, que le plan de cession arrêté par le tribunal de commerce autorisait des licenciements pour motif économique et précisait le nombre de salariés dont le licenciement était autorisé ainsi que les activités et catégories professionnelles concernées, parmi lesquelles figurait le poste occupé par la salariée, et, d'autre part, que la reprise du contrat de travail de la salariée n'était pas prévue par le plan, ce dont il résultait qu'en application des dispositions de l'article L. 642-5 du code de commerce et en l'absence de fraude établie, le contrat de travail de l'intéressée n'avait pas été transféré au cessionnaire, la cour d'appel a violé les textes sus-visés.
Soc. 1 juillet 2025 n° 23-22.165
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 1er juillet 2025
Cassation partielle
Mme MARIETTE, conseillére doyenne faisant fonction de présidente
Arrêt n° 705 F-D
Pourvoi n° T 23-22.165
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 1ER JUILLET 2025
M. [L] [B], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° T 23-22.165 contre l'arrêt rendu le 8 septembre 2023 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre, section 2), dans le litige l'opposant à la société Continental automotive France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La société Continental automotive France a formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident éventuel invoque, à l'appui de son recours un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Carillon, conseiller référendaire, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de M. [B], de la SAS Boucard-Capron-Maman, avocat de la société Continental automotive France, après débats en l'audience publique du 3 juin 2025 où étaient présents Mme Mariette, conseillère doyenne faisant fonction de présidente, M. Carillon, conseiller référendaire rapporteur, M. Barincou, conseiller, et Mme Dumont, greffière de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée de la présidente et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 8 septembre 2023), M. [B] a été engagé, à compter du 1er janvier 1988, par la société Siemens AG, son contrat de travail mentionnant que la caisse de pension d'entreprise, de pension d'invalidité et de pension de survie, financée exclusivement par l'entreprise, complétait la pension légale de l'assurance maladie.
2. Le 2 avril 1990, le salarié a été engagé par la société Siemens automotive, devenue Siemens VDO automotive, filiale française de la société allemande Siemens AG.
3. Le 1er janvier 2008, le contrat de travail du salarié a été transféré à la société Continental automotive France (la société Continental).
4. Le salarié ayant informé, le 28 décembre 2018, la société Continental de son départ à la retraite et sollicité le bénéfice de la retraite d'entreprise supplémentaire, l'employeur lui a répondu qu'aucun droit relatif à la retraite d'entreprise allemande n'avait été transféré.
5. Il a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la condamnation de la société Continental à lui payer des dommages-intérêts notamment pour la perte du bénéfice du supplément de retraite promis par son précédent employeur.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi incident éventuel de l'employeur qui est préalable
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen du pourvoi principal du salarié, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
7. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de toutes ses demandes et de dire qu'elles sont mal fondées, alors :
« 1°/ que c'est par l'effet de la loi, sans aucune notification particulière, que les contrats de travail existant au jour du transfert d'une entité économique autonome dont l'activité est poursuivie ou reprise, subsistent entre le nouvel employeur et le salarié ; qu'il suit de là qu'il n'incombe pas au salarié de prouver que les obligations inscrites dans son contrat de travail initial et assumées par son ancien employeur ont été transmises à son nouvel employeur, mais à ce dernier de prouver que, par exception, tel n'aurait pas été le cas ; qu'en retenant au contraire, pour débouter de ses demandes salarié, dont elle avait constaté que le contrat de travail avait été transféré à la société Continental automotive France conformément à l'article L. 1224-1 du code du travail, qu'il aurait incombé au salarié de prouver que l'obligation contractée et assumée par ses anciens employeurs, les sociétés Siemens AG et Siemens automotive, concernant une retraite supplémentaire d'entreprise, avait été transmise à son nouvel employeur, la société Continental automotive France, et qu'une telle preuve n'aurait pas été apportée par le salarié au cas d'espèce, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé les articles L. 1224-1 du code du travail et 1315, devenu 1353 du code civil ;
2°/ que, par le seul effet de l'article L. 1224-1 du code du travail, c'est le même contrat de travail qui se poursuit de plein droit avec le nouvel employeur, auquel sont transmis tous les droits et obligations de l'ancien employeur, y compris ceux qui pourraient être qualifiés d'accessoires, tel un droit à une retraite supplémentaire au paiement de laquelle l'ancien employeur s'est expressément engagé ; qu'après avoir constaté que le contrat de travail conclu par le salarié avec la société Siemens AG comportait un ''article 10 relatif au bénéfice du régime de la caisse de pension d'entreprise de pension d'invalidité et de pension de survie financé exclusivement par l'entreprise en complément de la pension légale de l'assurance maladie'' et que cette obligation avait été assumée par son employeur postérieur, la société de droit français Siemens automotive, dont l'activité avait été reprise par la société Continental automotive France, la cour d'appel, pour néanmoins débouter le salarié de sa demande au titre de cette retraite supplémentaire formée contre son nouvel employeur, la société Continental automotive France, a retenu qu'en application de l'article L. 1224-1 du code du travail, les éléments accessoires à la relation de travail, comme un droit à retraite supplémentaire, ne seraient pas transférés automatiquement au nouvel employeur ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, le texte susvisé. »
Réponse de la Cour
Vu l' article L. 1224-1 du code du travail :
8. Il résulte de ce texte qu'en cas de transfert d'une entité économique autonome, le nouvel employeur est tenu de maintenir les avantages que les salariés tiennent d'engagements pris à leur intention par l'ancien employeur, tant que cet engagement n'est pas régulièrement dénoncé. Il incombe à celui qui laisse cet engagement inexécuté de supporter les dommages-intérêts qui en découlent.
9. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour la perte du bénéfice du supplément de retraite promis par son précédent employeur, l'arrêt relève d'abord qu'il lui incombe de prouver que l'obligation contractée par la société allemande Siemens AG concernant une retraite supplémentaire d'entreprise, a été transmise à ses employeurs successifs.
10. Il énonce ensuite qu'en cas de modification de la situation juridique de l'employeur notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, les éléments accessoires à la relation de travail comme un droit à retraite supplémentaire ne sont pas transférés automatiquement et retient que si la société Siemens automotive a financé les cotisations de retraite supplémentaire allemande ce qui a permis de maintenir les droits du salarié, ainsi qu'il résulte de la lettre du 12 décembre 1997 de la société allemande Siemens, laquelle précisait que ce système prendrait fin lorsque le salarié quitterait la société Siemens automotive ou que celle-ci instaurerait son propre système de pension de retraite supplémentaire, il n'est toutefois pas établi que la société Continental automotive aurait repris l'obligation à ce titre de la société Siemens automotive lors du transfert du contrat de travail.
11. Il souligne qu'en effet, par courrier du 26 septembre 2007, la société Siemens AG a informé le salarié de la fin du maintien de son fonds de pension et en déduit que cette notification de fin de droits étant intervenue avant que la société Continental automotive France ne devienne son employeur, elle ne pouvait pas reprendre un droit qui n'existait déjà plus.
12. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la société française Siemens automotive, avait repris à son compte l'engagement contracté par la société de droit allemand Siemens AG de financer les cotisations de retraite supplémentaire et n'avait pas dénoncé cet engagement avant le transfert du contrat de travail le 1er janvier 2008 à la société Continental, ce dont il résultait que la société Continental automotive France, qui était tenue de maintenir cet avantage, devait supporter les dommages-intérêts qui découlaient de cet engagement inexécuté, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Soc. 1 juillet 2025 n° 23-14.409
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 1er juillet 2025
Cassation
Mme MARIETTE, conseillère doyenne faisant fonction de présidente
Arrêt n° 701 F-D
Pourvoi n° N 23-14.409
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 1ER JUILLET 2025
M. [B] [J], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° N 23-14.409 contre l'arrêt rendu le 8 février 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 3), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Crédit agricole, société anonyme,
2°/ à la société Crédit agricole midcap advisors, société par actions simplifiée unipersonnelle, anciennement dénommée société Sodica,
ayant toutes les deux leur siège au [Adresse 2],
défenderesses à la cassation.
La société Crédit agricole a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, six moyens de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Barincou, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [J], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Crédit agricole, après débats en l'audience publique du 3 juin 2025 où étaient présents Mme Mariette, conseillère doyenne faisant fonction de présidente, M. Barincou, conseiller rapporteur, M. Seguy, conseiller, et Mme Dumont, greffière de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée de la présidente et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à M. [J] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Crédit agricole midcap advisors.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 février 2023), rendu sur renvoi après cassation (Soc., 23 juin 2021, pourvoi n° 18-24.597, rectifié par arrêt du 10 novembre 2021), M. [J] a été engagé par la société Crédit agricole le 9 mai 1994 et a été mis à disposition d'une filiale, la société Sodica, à compter du 1er janvier 2005, pour y exercer les fonctions de responsable d'affaires fusions-acquisitions.
3. Les sociétés Crédit agricole et Sodica ont estimé que les contrats de travail des salariés mis à disposition de la seconde étaient transférés en application de l'article L. 1224-1 du code du travail à compter du 1er janvier 2014.
4. Le 15 juillet 2014, le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande, dirigée à l'encontre de la société Sodica, en résiliation judiciaire de son contrat de travail et en paiement d'indemnités liées à la rupture.
5. Le 18 septembre 2014, la société Sodica lui a notifié son licenciement pour cause réelle et sérieuse.
6. Le 19 septembre 2014, le salarié a demandé sa réintégration à la société Crédit agricole qui lui a opposé, par lettre du 7 octobre 2014, un refus en raison du transfert antérieur de son contrat de travail à la société Sodica.
7. Le salarié a contesté devant la juridiction prud'homale son licenciement par la société Sodica et le refus de réintégration opposé par la société Crédit agricole.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi incident, pris en sa première branche, qui est préalable
Enoncé du moyen
8. La société Crédit agricole fait grief à l'arrêt de la condamner à verser au salarié diverses sommes, assorties des intérêts à compter de l'arrêt du 8 février 2023, à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents et d'indemnité conventionnelle de licenciement, alors « que l'article L. 1224-1 du code du travail, interprété à la lumière de la Directive n° 2001/23/CE du 12 mars 2001, s'applique en cas de transfert d'une entité économique autonome qui conserve son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise ; que le transfert d'une entité économique autonome s'opère à la date à laquelle le nouvel exploitant est mis en mesure d'assurer la direction de cette entité ; que pour dire que le courrier du 7 octobre 2014 par lequel elle avait refusé de réintégrer l'intéressé produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel s'est contentée, d'une part, de retenir ''qu'aucun élément ne permet de constater que'' la date du transfert d'une entité économique autonome ''était fixée au 1er janvier 2014'', d'autre part, d'en déduire l'absence de transfert automatique du contrat de travail à la société Sodica et enfin de constater que le salarié était « redevenu salarié » de l'exposante après la rupture de son contrat de travail avec la société Sodica le 18 septembre 2014 ; qu'en se déterminant de la sorte, en déduisant l'absence de transfert légal du contrat de travail vers la société Sodica du seul fait qu'il n'était pas établi que le transfert d'une entité économique entre l'exposante et la société Sodica était intervenu le 1er janvier 2014, sans se prononcer sur l'existence d'un tel transfert et sans exclure qu'il aurait pu avoir lieu soit avant le 1er janvier 2014, ou en tout état de cause avant le 7 octobre 2014, auquel cas le courrier précité n'aurait pas pu produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard du texte susvisé. »
Réponse de la Cour
Sur la recevabilité
9. Le salarié conteste la recevabilité du moyen. Il soutient qu'il est contraire aux conclusions d'appel de la société Crédit agricole qui a toujours soutenu que le transfert d'une entité économique autonome entre elle et la société Sodica était intervenu le 1er janvier 2014 et qu'à tout le moins, il est nouveau et mélangé de fait et de droit.
10. Cependant, le moyen, qui reproche à la cour d'appel de ne pas avoir recherché si un transfert d'entité économique autonome était intervenu entre la société Crédit agricole et la société Sodica, invoque un vice résultant de l'arrêt lui-même et qui ne pouvait être décelé avant que celui-ci ne soit rendu.
11. Le moyen est donc recevable.
Sur le bien fondé
Vu l'article L. 1224-1 du code du travail :
12. Ce texte, interprété à la lumière de la Directive n° 2001/23/CE du 12 mars 2001, s'applique en cas de transfert d'une entité économique autonome qui conserve son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise. Constitue une entité économique autonome un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels poursuivant un objectif économique propre. Le transfert d'une telle entité se réalise si des moyens corporels ou incorporels significatifs et nécessaires à l'exploitation de l'entité sont repris, directement ou indirectement, par un nouvel exploitant.
13. Le transfert d'une entité économique autonome s'opère à la date à laquelle le nouvel exploitant est mis en mesure d'assurer la direction de cette entité.
14. Pour condamner la société à payer diverses sommes au salarié, l'arrêt relève d'abord que, recruté par la société Crédit agricole selon un contrat à durée indéterminée, il a été mis à disposition, à compter du 1er janvier 2005, de la société Sodica, constituée de deux pôles : le pôle conseil en fusion acquisition dans lequel il travaillait et le pôle capital investissement ayant une activité de gestion de fond, activité soumise à la directive AIFM qui a conduit la société Crédit agricole à créer la société Idia capital investissement en 2016 après avoir reçu l'agrément de l'Autorité des marchés financiers.
15. Il ajoute qu'il résulte de ce qui précède et prenant en compte que la date du transfert ne peut, en application de la directive n° 2001/23/CE du 12 mars 2001 être décidée par le cédant ou le cessionnaire mais s'examine à compter de la date à laquelle le cessionnaire est en mesure d'assurer la direction de cette entité, qu'aucun élément ne permet de constater que cette date était fixée au 1er janvier 2014.
16. Il en déduit qu'en l'absence de transfert automatique, seul un transfert conventionnel était possible et qu'en refusant de signer l'avenant joint à la lettre de la société Sodica en date du 19 décembre 2013, l'intéressé n'a pas modifié son statut soit celui d'un salarié titulaire d'un contrat à durée indéterminée avec la société Crédit agricole et mis à disposition de la société.
17. En se déterminant ainsi, en se bornant à relever qu'il n'était pas établi que la date à laquelle le cessionnaire avait été en mesure d'assurer la direction de l'entité économique autonome était le 1er janvier 2014, pour en déduire l'absence de transfert automatique du contrat de travail à la société Sodica, sans se prononcer sur l'existence même d'un transfert d'une entité économique autonome entre la société Crédit agricole et la société Sodica, et, pour le cas où les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail seraient applicables, sans rechercher la date effective de ce transfert, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Soc. 1 juillet 2025 n° 24-14.206
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 1er juillet 2025
Cassation partielle
Mme MARIETTE, conseillère doyenne faisant fonction de présidente
Arrêt n° 706 F-D
Pourvoi n° N 24-14.206
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 1ER JUILLET 2025
M. [W] [T], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° N 24-14.206 contre l'arrêt rendu le 12 décembre 2023 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant à la société Travaux publics des trois frontières, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Carillon, conseiller référendaire, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [T], de la SCP Lesourd, avocat de la société Travaux publics des trois frontières, et après débats en l'audience publique du 3 juin 2025 où étaient présents Mme Mariette, conseillère doyenne faisant fonction de présidente, M. Carillon, conseiller référendaire rapporteur, M. Barincou, conseiller, et Mme Dumont, greffière de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée de la présidente et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 12 décembre 2023), M. [T] a été engagé en qualité de maçon VRD, le 3 juin 2019, par la société Travaux publics des trois frontières (la société).
2. A la suite d'une altercation survenue le 10 novembre 2020, le salarié a déclaré un accident du travail.
3. Convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement et mis à pied à titre conservatoire, le salarié a été licencié pour faute grave le 25 novembre 2020.
4. Il a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la nullité du licenciement au motif qu'il a été prononcé durant une suspension du contrat de travail pour accident du travail et, subsidiairement, pour le faire déclarer dépourvu de cause réelle et sérieuse et obtenir le paiement de diverses sommes.
Examen des moyens
Sur le premier moyen et sur le second moyen, pris en sa seconde branche
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement brutal et vexatoire, alors « que même lorsqu'il est prononcé pour une faute grave, le licenciement peut causer au salarié, en raison des circonstances vexatoires qui l'ont accompagné, un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi dont il est fondé à demander réparation ; que pour débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement brutal et vexatoire, la cour d'appel retient que le licenciement prononcé pour faute grave après une période de mise à pied conservatoire a été jugé bien fondé ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1231-1 du code civil ».
Réponse de la Cour
Vu l'article 1231-1 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
7. Même lorsqu'il est justifié par une faute grave du salarié, le licenciement peut causer à celui-ci, en raison des circonstances vexatoires qui l'ont accompagné, un préjudice dont il est fondé à demander réparation.
8. Pour débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement brutal et vexatoire, l'arrêt retient que le licenciement prononcé pour faute grave après une période de mise à pied conservatoire a été jugé bien fondé, de sorte qu'il n'est ni brutal, ni vexatoire.
9. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le licenciement n'avait pas été entouré de circonstances vexatoires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
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