Crim. 6 mai 2025 n° 25-81.155 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° D 25-81.155 FS-B
N° 00729
ODVS 6 MAI 2025
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 6 MAI 2025
M. [M] [W] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Amiens, en date du 28 janvier 2025, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de violences volontaires et séquestration aggravées, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention le plaçant en détention provisoire.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Hill, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [M] [W], et les conclusions de M. Tarabeux, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 mai 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Hill, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, MM. Cavalerie, Maziau, Mmes Thomas, Chaline-Bellamy, conseillers de la chambre, M. Violeau, Mme Merloz, M. Pradel, conseillers référendaires, M. Tarabeux, avocat général, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 13 janvier 2025, MM. [T] [S], [L] [G] et [K] [F] ont été mis en examen des chefs de violences volontaires et séquestration aggravées et placés en détention provisoire.
3. Le même jour, M. [M] [W] a été mis en examen des mêmes chefs, puis présenté au juge des libertés et de la détention après les personnes précitées.
4. Il résulte des mentions de l'ordonnance de placement en détention provisoire et du procès-verbal du débat contradictoire qu'au début de celui-ci, l'avocat de M. [W] a sollicité une copie des décisions de placement en détention provisoire concernant MM. [S], [G] et [F], ce qui lui a été refusé au motif que ces pièces n'étaient pas cotées en procédure.
5. Par ordonnance du 13 janvier 2025, M. [W] a été placé en détention provisoire.
6. Il a relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité présentée par la défense, dit mal fondé l'appel interjeté par l'exposant contre l'ordonnance en date du 13 janvier 2025 par laquelle le juge des libertés et de la détention a ordonné son placement en détention provisoire, et confirmé cette ordonnance, alors :
« 1°/ d'une part que l'avocat de la personne mise en examen doit être mis en mesure d'accéder à l'entier dossier de l'information, ce compris les actes et pièces non encore cotés en procédure et relatifs aux mesures de sûretés visant les autres personnes mises en examen, avant le débat contradictoire préalable au placement en détention ; qu'il s'ensuit que doit être annulé le débat contradictoire tenu cependant même que la défense, qui a sollicité de pouvoir prendre connaissance des décisions relatives au placement en détention provisoire des autres mis en examen, n'a pas pu accéder à ces actes ; qu'il en va ainsi, peu importe que la défense n'ait pas sollicité, comme l'article 145 du Code de procédure pénale le permet, que soit différé le débat contradictoire portant sur la détention provisoire de l'intéressé ; qu'au cas d'espèce, il résulte de la procédure et des propres constatations de la Chambre de l'instruction que l'avocat de Monsieur [W] a sollicité, avant l'ouverture du débat contradictoire, de pouvoir obtenir une copie des décisions relatives au placement en détention de trois autres mis en examen préalablement prises par le juge des libertés et de la détention, en vain ; qu'au cours du débat, ainsi tenu sans que la défense n'ait pu accéder au dossier de la procédure dans sa totalité, le conseil de l'exposant a sollicité qu'il lui soit donné acte de cette atteinte aux droits de la défense ; qu'en retenant, pour refuser d'annuler ce débat, le procès-verbal le relatant et l'ordonnance subséquente de placement en détention provisoire, qu'« aucune atteinte aux droits de la défense ou aux règles du procès équitable faisant grief aux intérêts du mis en examen » n'était caractérise dès lors que la défense « n'a pas sollicité, comme l'article 145 du code de procédure pénale le permet, que soit différé le débat contradictoire portant sur la détention provisoire de l'intéressé », la Chambre de l'instruction a violé les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme, 114, 116, 145, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
2°/ d'autre part que l'avocat de la personne mise en examen doit être mis en mesure d'accéder à l'entier dossier de l'information, ce compris les actes et pièces non encore cotés en procédure et relatifs aux mesures de sûretés visant les autres personnes mises en examen, avant le débat contradictoire préalable au placement en détention ; qu'il s'ensuit que doit être annulé le débat contradictoire tenu cependant même que la défense, qui a sollicité de pouvoir prendre connaissance des décisions relatives au placement en détention provisoire des autres mis en examen, n'a pas pu accéder à ces actes ; qu'au cas d'espèce, il résulte de la procédure et des propres constatations de la Chambre de l'instruction que l'avocat de Monsieur [W] a sollicité, avant l'ouverture du débat contradictoire, de pouvoir obtenir une copie des décisions relatives au placement en détention de trois autres mis en examen préalablement prises par le juge des libertés et de la détention, en vain ; qu'au cours du débat, ainsi tenu sans que la défense n'ait pu accéder au dossier de la procédure dans sa totalité, le conseil de l'exposant a sollicité qu'il lui soit donné acte de cette atteinte aux droits de la défense ; que le juge des libertés et de la détention a justifié cette atteinte aux droits de la défense aux motifs que si l'avocat de Monsieur [W] a formé une « demande orale préalablement au débat [...] tendant à obtenir copie des ordonnances de placement en détention provisoire rendues par le juge des libertés et de la détention à l'encontre de [K] [F], [L] [G] et [T] [S] » à laquelle il ne pouvait être satisfait, faute de cotation de ces actes au dossier, il n'a en revanche pas « sollicité la consultation desdites ordonnances » ; qu'en validant cette ordonnance aux termes de laquelle le juge des libertés et de la détention a pourtant fait montre d'un formalisme excessif pour in fine tenir le débat sans que Monsieur [W] et son avocat n'aient pu avoir accès à l'entier dossier de la procédure d'une quelconque manière, la Chambre de l'instruction a violé les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme, 114, 116, 145, 591 et 593 du Code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
8. Il se déduit des articles 116, 137-1 et 145 du code de procédure pénale que la procédure mise à disposition de l'avocat en vue du débat contradictoire doit, à peine de nullité, être complète et porter sur toutes les pièces de la procédure en l'état où elle se trouve au moment où a lieu la transmission du dossier de ladite procédure par le juge d'instruction au juge des libertés et de la détention.
9. Par ailleurs, il se déduit de l'article préliminaire du même code que le juge des libertés et de la détention doit mettre à la disposition de l'avocat de la personne mise en examen qui en fait la demande les pièces relatives aux mesures de sûreté qu'il a déjà lui-même prononcées à l'encontre des autres personnes mises en examen dans la même procédure, qui ne figurent pas dans le dossier transmis et qui sont encore à sa disposition.
10. Dès lors, le moyen est inopérant pour les motifs qui suivent.
11. D'une part, l'avocat du demandeur n'a pas demandé la mise à disposition de ces pièces mais s'est borné à en solliciter la copie, dont la délivrance relève de la compétence du seul juge d'instruction en application de l'article 114 du code de procédure pénale.
12. D'autre part, la seconde branche critique un motif de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention que n'a pas repris la chambre de l'instruction.
13. Par ailleurs, l'arrêt est régulier tant en la forme qu'au regard des dispositions des articles 137-3 et 143-1 et suivants du code de procédure pénale.
Crim. 6 mai 2025 n° 24-85.566
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° C 24-85.566 F-D
N° 00549
ECF 6 MAI 2025
CASSATION PAR VOIE DE RETRANCHEMENT SANS RENVOI
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 6 MAI 2025
M. [N] [D] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 8e section, en date du 6 septembre 2024, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 26 mars 2024, pourvoi n° 23-85.949), dans l'information suivie contre lui des chefs d'importation de stupéfiants en bande organisée, infractions à la législation sur les stupéfiants, association de malfaiteurs, blanchiments, importation, transport et détention de marchandises prohibées, en récidive, direction ou organisation de groupement ayant pour objet une activité illicite liée aux stupéfiants et recel, a prononcé sur sa demande en annulation de pièces de la procédure.
Par ordonnance du 9 décembre 2024, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Chaline-Bellamy, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [N] [D], et les conclusions de M. Desportes, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 25 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Chaline-Bellamy, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Pinna, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. [N] [D] a été mis en examen le 29 janvier 2021 des chefs d'importation de produits stupéfiants en bande organisée, infractions à la législation sur les stupéfiants, association de malfaiteurs en vue de commettre des crimes et des délits punis de dix ans d'emprisonnement, blanchiments, importation, transport et détention de marchandises dangereuses pour la santé, en récidive.
3. Le 21 mars 2022, un réquisitoire supplétif a été pris contre M. [D] des chefs de direction ou organisation de groupement ayant pour objet une activité illicite liée aux stupéfiants et recel.
4. Le 20 avril 2022, à l'issue d'un interrogatoire pour lequel ses avocats avaient été convoqués le 25 mars précédent, M. [D] a été mis en examen supplétivement de ces chefs.
5. Par requête du 18 octobre 2022, il a sollicité l'annulation de cet interrogatoire.
6. Par arrêt du 4 octobre 2023, la chambre de l'instruction a dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure et a dit celle-ci régulière jusqu'à la cote D 2463 incluse.
7. Par arrêt du 26 mars 2024, la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt de la chambre de l'instruction en toutes ses dispositions et a renvoyé la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris autrement composée.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit la saisine mal fondée, a dit n'y avoir lieu à annulation d'une pièce de la procédure examinée jusqu'à la cote D 3119 incluse, a dit qu'il sera fait retour du dossier au juge d'instruction saisi pour poursuite de l'information et a ordonné que le présent arrêt sera exécuté à la diligence de Mme la procureure générale, alors « que lorsqu'une personne fait l'objet de poursuites, elle doit être informée de la nature des faits qui lui sont reprochés dans un délai lui permettant de préparer convenablement sa défense et d'exercer effectivement ses droits ; qu'en conséquence, le magistrat instructeur qui envisage de prononcer une mise en examen supplétive au terme d'un interrogatoire du mis en examen, doit l'en informer au préalable et viser dans la convocation les nouveaux chefs de mise en examen susceptibles d'être ajoutés au terme de l'interrogatoire afin qu'il puisse bénéficier du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ; qu'au cas d'espèce, l'exposant et son conseil ont découvert, au début de l'interrogatoire auquel ils avaient été convoqués par le juge d'instruction, que cette mesure était susceptible d'aboutir à la mise en examen supplétive de Monsieur [D] des chefs de direction ou organisation d'un groupement ayant pour objet une activité illicite liée aux stupéfiants et de recel de bien provenant d'un délit et, conséquemment, à la saisine du Juge des libertés et de la détention à fin de placement en détention provisoire, or cette information tardive a placé l'exposant dans l'impossibilité de se défendre quant aux nouvelles accusations portées contre lui, en méconnaissance du respect du aux droits de la défense ; qu'en retenant, pour rejeter le moyen d'annulation tiré de chef, que la défense a eu le temps de prendre connaissance du réquisitoire supplétif étendant la saisine du juge d'instruction aux chefs susvisés, que l'exposant avait, lors de l'interrogatoire, eu l'opportunité de formuler des observations sur la mise en examen supplétive envisagée et que l'information préalable, au sein de la convocation, des faits dont le magistrat est saisi et pour lesquels il envisage une mise en examen n'est exigée que dans le cadre de l'interrogatoire de première comparution, quand le respect dû aux droits de la défense et la nécessité de garantir leur mise en oeuvre effective, commandent que le mis en examen et son conseil soient expressément avertis de l'éventualité d'une mise en examen supplétive avec le même délai de prévenance que pour l'interrogatoire de première comparution et que cette information ne peut être déduite des mentions du dossier et des pièces de la procédure, la Chambre de l'instruction a violé ensemble des articles 6 § 3 de la Convention européenne des droits de l'homme et préliminaire du Code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
9. Pour écarter le moyen tiré d'une atteinte aux droits de la défense garantis par les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et préliminaire du code de procédure pénale, l'arrêt attaqué énonce que les formes et délais légaux de la convocation adressée le 25 mars 2022 pour un interrogatoire de la personne mise en examen le 20 avril suivant ont été respectés, ce qui n'est pas contesté par le requérant.
10. Les juges relèvent que les avocats de M. [D] ainsi que ce dernier ont eu toute latitude, dans un temps bien supérieur aux délais légaux de convocation et de mise à disposition de la procédure, de prendre connaissance du réquisitoire supplétif pris le 21 mars 2022, visant M. [D], aussitôt coté au dossier de la procédure, de sorte que les avocats de l'intéressé, en consultant la procédure, ne pouvaient ignorer qu'une mise en examen supplétive de leur client était susceptible d'intervenir lors du prochain interrogatoire de celui-ci.
11. Ils concluent que M. [D] et ses avocats ont régulièrement été placés en situation de préparer la défense de l'intéressé concernant sa mise en examen supplétive en disposant de temps et de tous les éléments de procédure utiles pour ce faire.
12. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen pour les motifs qui suivent.
13. En premier lieu, l'article 114 du code de procédure pénale applicable aux convocations en vue d'un interrogatoire n'exige pas la mention d'un objet précisant la teneur de l'acte envisagé par le juge d'instruction.
14. En second lieu, il résulte encore de ce texte que, d'une part, les avocats sont convoqués au plus tard cinq jours ouvrables avant l'interrogatoire, le dossier de la procédure étant mis à leur disposition quatre jours ouvrables au plus tard avant chaque interrogatoire de la personne mise en examen, d'autre part, après la première comparution de celle-ci, le dossier d'information est également mis, à tout moment, à la disposition des avocats durant les jours ouvrables, sous réserve des exigences du bon fonctionnement du cabinet d'instruction, enfin, les avocats peuvent solliciter des copies de tout ou partie des pièces et actes du dossier.
15. Il s'ensuit que ces dispositions garantissent la faculté pour l'avocat de la personne mise en examen convoquée de préparer l'interrogatoire en ayant pris connaissance des pièces du dossier, notamment d'un réquisitoire supplétif susceptible d'induire une mise en examen supplétive, éventuellement suivie du prononcé d'une mesure de sûreté, et assurent dès lors la mise en oeuvre d'un exercice effectif des droits de la défense.
16. En conséquence, le moyen doit être écarté.
Mais sur le second moyen
Enoncé du moyen
17. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à annulation d'une pièce de la procédure examinée jusqu'à la cote D 3119 incluse, a dit qu'il sera fait retour du dossier au juge d'instruction saisi pour poursuite de l'information et a ordonné que le présent arrêt sera exécuté à la diligence de Mme la procureure générale, alors « que la Chambre de l'instruction ne peut statuer, sur renvoi de cassation, que sur la régularité de la procédure telle qu'elle se présentait au jour de l'arrêt cassé ; qu'en conséquence, elle ne peut constater la régularité d'actes intervenus pendant l'intervalle de temps qui s'est écoulé entre le prononcé de l'arrêt cassé et celui de l'arrêt rendu sur renvoi ; qu'au cas d'espèce, à l'occasion de son arrêt du 4 octobre 2023, la Chambre de l'instruction a constaté la régularité de la procédure jusqu'à la cote D 2463 - dernière cote figurant au dossier de la procédure, au jour dudit arrêt -, de sorte que conformément aux limites de son office et de sa mission sur renvoi après cassation elle ne pouvait étendre son contrôle quant à la régularité de la procédure au-delà de la cote D 2463 ; qu'en examinant d'office la régularité de la procédure jusqu'à la cote D 3119 incluse et en disant n'y avoir lieu à annulation d'une pièce ou d'un acte de la procédure jusqu'à cette cote incluse, la Chambre de l'instruction a excédé ses pouvoirs et a méconnu l'étendue de la cassation qui la saisissait en violation des articles 174 et 609-1 du Code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 174 et 609-1, alinéa 2, du code de procédure pénale :
18. Selon l'alinéa 1er du premier de ces textes, lorsque la chambre de l'instruction est saisie sur le fondement de l'article 173, tous moyens pris de nullité de la procédure qui lui est transmise doivent, sans préjudice du droit qui lui appartient de les relever d'office, lui être proposés. Selon l'alinéa 2 de ce texte, la chambre de l'instruction décide si l'annulation doit être limitée à tout ou partie des actes ou pièces de la procédure viciée ou s'étendre à tout ou partie de la procédure ultérieure.
19. Selon le second, lorsque la Cour de cassation annule un arrêt de la chambre de l'instruction statuant en matière de nullité, la compétence de la juridiction de renvoi est limitée, sauf s'il en est décidé autrement, à la solution du contentieux qui a motivé sa saisine.
20. Il s'ensuit que la saisine de la chambre de l'instruction de renvoi ne s'étend pas à l'examen de la validité de pièces de procédure étrangères à la solution du contentieux dont elle est saisie.
21. L'arrêt attaqué énonce qu'il a été procédé à un examen d'office de la régularité de la procédure d'information qui lui était soumise en application des dispositions de l'article 174 du code de procédure pénale, comprenant des pièces versées au dossier d'information depuis la cote retenue par l'arrêt censuré du 4 octobre 2023, et dit, en conséquence, n'y avoir lieu à annulation d'une pièce ou d'un acte de la procédure examinée jusqu'à la cote D 3119 incluse.
22. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.
23. En effet, il n'appartenait pas à la chambre de l'instruction de renvoi d'apprécier la régularité de la procédure au-delà de la seule solution du contentieux dont elle était saisie.
24. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
25. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives à l'examen mené d'office sur la régularité de la procédure jusqu'à la cote D 3119 incluse. Elle aura lieu sans renvoi, par voie de retranchement de ces seules dispositions, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire, en substituant la mention de la cote D 2463 à celle de la cote D 3119. Les autres dispositions seront maintenues.
Soc. 6 mai 2025 n° 23-21.409
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 6 mai 2025
Cassation partielle
Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 443 F-D
Pourvois n° H 23-21.373 W 23-21.409 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 MAI 2025
I) M. [X] [G] [Z], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° H 23-21.373 contre l' arrêt rendu le 29 juin 2023 par la cour d'appel de Nancy (chambre sociale, section 2), dans le litige l'opposant à l'association Écosystème local d'inclusion social et solidaire, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommée association Minos, défenderesse à la cassation.
II) L'association Écosystème local d'inclusion social et solidaire, anciennement dénommée association Minos a formé le pourvoi n° W 23-21.409 contre le même arrêt rendu entre les mêmes parties.
Le demandeur au pourvoi H 23-21.373 invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
La demanderesse au pourvoi W 23-21.409 invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de M. Redon, conseiller référendaire, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de l'association Ecosystème local d'inclusion social et solidaire, de la SAS Boucard - Capron - Maman, avocat de M. [G] [Z], après débats en l'audience publique du 25 mars 2025 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Redon, conseiller référendaire rapporteur, M. Seguy, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° H 23-21.373 et W 23-21.409 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 29 juin 2023), M. [G] [Z] a été engagé en qualité de directeur à compter du 10 août 2009 par l'association Minos, devenue l'association Écosystème local d'inclusion sociale et solidaire.
3. Par lettre du 4 février 2020, le salarié a été licencié pour motif économique.
4. Contestant son licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi H 23-21.373, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande tendant au prononcé de la nullité de son licenciement, de sa demande tendant à ce que soit ordonnée sa réintégration dans ses fonctions au sein de l'association, et de sa demande tendant, dans l'hypothèse où sa réintégration dans ses fonctions au sein de l'association s'avérerait impossible, à la condamnation de l'employeur à lui payer la somme de 40 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, alors « que le licenciement prononcé à l'encontre d'un salarié pour avoir subi des agissements constitutifs d'un harcèlement moral est nul ; qu'il en résulte que le licenciement prononcé à l'encontre d'un salarié ayant subi des agissements constitutifs d'un harcèlement moral est nul toutes les fois que le licenciement est la conséquence des agissements de harcèlement moral commis par l'employeur ou en lien avec de tels agissements ; qu'en déboutant, dès lors, le salarié de sa demande tendant au prononcé de la nullité de son licenciement et de ses demandes subséquentes, après avoir estimé qu'il était établi qu'il avait été la victime d'agissements de harcèlement moral de la part de son employeur, quand elle retenait qu'il était matériellement établi que, lors de la réunion du conseil d'administration extraordinaire de l'association, en date du 21 janvier 2017, le président de l'époque de cette association avait tenu les propos suivants au sujet du salarié: ''Il s'en va ou on le vire. Il faut qu'on le sorte de la structure, médicalement si possible'' et que cet agissement entrait parmi ceux laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral subi par le salarié et quand il en résultait que le licenciement de celui-ci était la conséquence et en lien avec les agissements de harcèlement moral commis par l'employeur dont elle retenait l'existence, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé les dispositions des articles L. 1152-1, L. 1152-2, L. 1152-3 et L. 1154-1 du code du travail, dans leur rédaction applicable à la cause. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1152-1 et L. 1152-3 du code du travail :
6. Il ressort de ces textes que lorsque des agissements constitutifs de harcèlement moral sont reconnus par le juge, il lui revient de rechercher, à la demande du salarié, si celui-ci a été licencié pour avoir subi ou refusé de subir ces agissements de harcèlement, au-delà de la cause exprimée par l'employeur dans la lettre de licenciement.
7. Pour débouter le salarié de sa demande de nullité de son de licenciement et d'indemnité à ce titre, l'arrêt, après avoir retenu qu'il était établi que le salarié avait été victime de harcèlement moral de la part de son employeur, et condamné celui-ci à lui payer des dommages-intérêts de ce chef, énonce que le salarié n'explicite pas le lien qui existerait entre son licenciement et le harcèlement moral subi, et que dans ces conditions, il sera débouté de sa demande de voir dire le licenciement nul.
8. En se déterminant ainsi, sans vérifier la réalité du motif économique invoqué par l'employeur dans la lettre de licenciement, alors qu'il lui appartenait de rechercher comme il le lui était demandé s'il existait un lien entre les agissements de harcèlement moral qu'elle avait retenus et la rupture du contrat de travail de l'intéressé qui faisait valoir qu'il avait été convoqué à un entretien préalable le lendemain de son retour de congé pour maladie, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Et sur le moyen du pourvoi W 23-21.409, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
9. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse et de le condamner, en conséquence, à lui verser une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que si le salarié peut se prévaloir des statuts ou du règlement intérieur d'une association pour justifier du défaut de pouvoir de la personne signataire de la lettre de licenciement, il ne peut en revanche invoquer, sur le fondement de ces mêmes statuts, l'irrégularité de la désignation de l'organe titulaire du pouvoir de licencier au regard de ces statuts pour contester son pouvoir ; que la cour d'appel en énonçant, pour dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, que les nouvelles modalités statutaires de composition du conseil d'administration n'ayant pas été respectées, la composition du conseil d'administration, au cours duquel le président de l'association avait été élu, était irrégulière, de sorte que le président, signataire de la lettre de licenciement, n'était pas valablement investi dans ses fonctions et ne pouvait valablement prononcer la rupture du contrat de travail, a violé l'article L. 1232-6 du code du travail, ensemble l'article 1165 devenu 1200 du code civil. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
10. Le salarié conteste la recevabilité du moyen. Il fait valoir que l'association s'est abstenue de répliquer à ses conclusions soutenant que le président de l'association ne pouvait pas procéder à son licenciement faute d'avoir été régulièrement désigné.
11. Cependant, le moyen, qui ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations de l'arrêt, étant de pur droit, est recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l'article L. 1232-6 du code du travail et l'article 1200 du code civil :
12. Il résulte de ces dispositions que, si le salarié peut se prévaloir des statuts ou du règlement intérieur d'une association pour justifier du défaut de pouvoir de la personne signataire de la lettre de licenciement, il ne peut en revanche invoquer, sur le fondement de ces mêmes statuts, l'irrégularité de la désignation de l'organe titulaire du pouvoir de licencier au regard de ces statuts pour contester son pouvoir.
13. Pour dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que les statuts de l'association ont été modifiés le 29 juin 2018, que les nouveaux statuts, applicables immédiatement, prévoient le renouvellement du conseil d'administration par tiers tous les deux ans, que ce conseil comporte 12 membres, et qu'il élit parmi ses membres un bureau comprenant notamment un président.
14. Il ajoute que le dernier conseil d'administration a été élu le 29 juin 2018 et comportait 11 membres. Il en déduit que si M. [D] a été élu président le 10 juillet 2018, c'est donc par un conseil d'administration qui ne respectait pas les statuts, prévoyant 12 membres et non seulement 11, de sorte que M. [D], signataire de la lettre de licenciement, n'avait pas le pouvoir de prononcer la rupture du contrat de travail.
15. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
16. La cassation des chefs de dispositif rejetant les demandes du salarié au titre de la nullité du licenciement, déclarant le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamnant l'employeur à payer au salarié des dommages-intérêts à ce titre n'emporte pas celle des chefs de dispositifs condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause.
Soc. 6 mai 2025 n° 23-11.798
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 6 mai 2025
Rejet
Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 457 F-D
Pourvoi n° Z 23-11.798
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 MAI 2025
M. [B] [U], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Z 23-11.798 contre l'arrêt rendu le 29 novembre 2022 par la cour d'appel de Nîmes (5e chambre sociale PH), dans le litige l'opposant à la société PIM, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Seguy, conseiller, les observations de Me Ridoux, avocat de M. [U], de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société PIM, après débats en l'audience publique du 25 mars 2025 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Seguy, conseiller rapporteur, Mme Panetta, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 29 novembre 2022), M. [U] a été engagé en qualité de chef de chantier, le 28 mars 2011, par la société PIM (la société).
2. Ayant saisi le 4 avril 2017 une juridiction prud'homale d'une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail, il a en été débouté par jugement du 1er juin 2018, confirmé par arrêt du 13 avril 2021.
3. Par lettre du 16 juillet 2018, la société l'a convoqué à un entretien préalable puis, le 31 juillet 2018, l'a licencié pour faute grave en lui reprochant d'être en absence injustifiée et de refuser d'exécuter son contrat de travail malgré les demandes réitérées de l'employeur.
4. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une contestation de la rupture de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
6. Le salarié fait grief à l'arrêt de juger que son licenciement repose sur une faute grave et de le débouter de l'ensemble de ses demandes, alors :
« 1°/ que la faute grave s'apprécie au regard des circonstances qui l'entourent ; l'employeur qui a attendu plusieurs années avant de sanctionner le salarié auquel il reproche une absence continue injustifiée ne peut se prévaloir d'aucune faute grave à son encontre ; qu'en jugeant le licenciement du salarié justifié par une faute grave quand il résultait de ses constatations, d'abord, que l'employeur reprochait au salarié dans sa première mise en demeure du 24 février 2017, des absences injustifiées - que le courrier faisait remonter à la date du 3 août 2015-, ensuite, qu'après les deux mises en demeure de reprendre le travail des 24 février et 29 mars 2017, la société avait attendu l'issue de la procédure prud'homale initiée par le salarié afin de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur ''pour prendre une décision sur le plan disciplinaire'' et qu'enfin, après deux nouvelles mises en demeure des 4 juin et 2 juillet 2018, le salarié avait été convoqué à un entretien préalable à son éventuel licenciement le 16 juillet 2018, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations desquelles il résultait que la société qui n'avait pris aucune mesure de sanction à l'encontre du salarié auquel elle reprochait plusieurs années d'absence injustifiée et de refus de travailler, ne pouvait se prévaloir à son encontre d'une faute grave, a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
2°/ que la faute grave étant celle qui postule la rupture immédiate du contrat de travail, elle doit être écartée lorsque l'employeur n'a pas engagé la procédure de licenciement dans un délai restreint après qu'il a eu une connaissance exacte des faits ; qu'en jugeant le licenciement justifié par une faute grave, sans avoir recherché si, comme le salarié le soutenait dans ses conclusions d'appel, la faute grave ne devait pas être écartée du seul fait que l'employeur avait attendu un an et demi, entre la date de première mise en demeure de reprendre ses fonctions du 24 février 2017 et l'engagement de la procédure disciplinaire par l'envoi de la lettre de convocation à l'entretien préalable du 16 juillet 2018, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
3°/ que le licenciement pour faute grave est injustifié lorsque le manquement du salarié trouve sa cause dans le propre manquement de l'employeur à ses obligations ; que pour motiver sa décision, le juge ne peut se borner à se référer à une décision antérieure, intervenue dans une autre cause ; que pour dire que l'absence du salarié avant le courrier de l'employeur du 24 février 2017 ''résulte d'un commun accord des parties'' et écarter ce faisant, le moyen des conclusions d'appel du salarié qui soutenait que son absence prétendument injustifiée trouvait sa cause dans le refus de l'employeur de lui fournir du travail, la cour d'appel qui s'est bornée à se référer à un précédent arrêt de la cour d'appel de Nîmes du 13 avril 2021 intervenu dans une autre cause, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en l'espèce, dans sa mise en demeure du 24 février 2017, l'employeur écrivait au salarié que ''lors de l'opération du cinéma de [Localité 11], il a été convenu d'un commun accord de vous laisser disponible afin que vous puissiez mettre en place vos projets personnels, à savoir la reprise d'un snack bar, [Adresse 5] à [Localité 4] et ce qui vous a été accordé. A compter du mois de juillet 2015, période où vos congés ont été soldés et où vos absences ont commencé à être comptabilisées, 60 heures durant ce mois, vous aviez la possibilité d'être affecté sur le chantier du CNRS à [Localité 9] (?) ; De nouveau, vous nous avez sollicités pour vous laisser disponible afin de régler des différents personnels en terme de procédure administrative envers votre associé pour le compte de votre SCI La Rose, [Adresse 7] à [Localité 4]. Au terme de ce mois, nous vous avons affecté sur le site du cinéma à [Localité 6] et vous aviez rendez-vous avec Monsieur [E], cogérant de la société, en date du 3 août 2015 afin de mettre en place le démarrage de cette opération et, là encore, vous ne vous êtes pas présenté ni même tenu informé et ce, malgré nos maintes et maintes appels téléphoniques restés sans réponse de votre part. Cet état de fait nous a obligé à mettre en place, au pied levé, un autre responsable de chantier ; Quelques semaines plus tard, vous avez évoqué un problème de véhicule. Nous nous sommes recontactés afin de vous proposer la prise en charge du multiplexe de [Localité 10] en Guadeloupe, affectation que vous avez une nouvelle fois déclinée en invoquant toujours et toujours des problèmes personnels. Après entretien téléphonique, nous avons cherché une solution amiable et proposé l'éventualité d'une rupture conventionnelle à votre contrat de travail ; Nous nous étions donc fixé un rendez-vous pour le 16 décembre 2016 à [Localité 11] et, comme à l'accoutumé, vous ne vous êtes pas présenté ni même donné suite à nos différents messages téléphoniques laissés sur votre répondeur, ni même annulé ce rendez-vous. En conclusion, en date du 20 décembre, nous vous avons alors adressé les formulaires de demande d'homologation de rupture conventionnelle par courrier recommandé et nous sommes ensuite rencontrés dans les locaux de notre société le 30 décembre. A l'issu de ce rendez-vous, vous nous avez fait par de votre volonté de ne pas mettre en place cette procédure. (?) Nous revenons sur les termes tels que de ne plus vouloir vous fournir de travail, cela nous laisse pantois alors que vous avez refusé catégoriquement ou ne vous êtes pas présenté sur les opérations où vous avez été affecté ! D'où des bulletins de salaire nuls mentionnant vous absences injustifiées, le travail demandé n'étant pas fictif, il ne pouvait en être autrement. A ce jour, vous êtes toujours en absences injustifiées ; Nous vous mettons en demeure de justifier celles-ci ou de reprendre votre poste de travail le lundi 13 mars prochain sur le site du Cinéma '« Plane Ciné », [Adresse 8] à [Localité 3]'' ; qu'il résultait des termes clairs et précis de cette lettre que le salarié reprochait à l'employeur de ne pas lui fournir de travail, que la société reprochait au salarié d'avoir refusé de travailler et d'avoir été continuellement absent sans accord de l'employeur depuis le 3 août 2015 au moins, et que le ''commun accord'' ne portait, d'après l'employeur, que sur la période antérieure à cette dernière date ; que dès lors, en jugeant que ''l'absence du salarié avant le courrier de l'employeur du 24 février 2017 dans lequel il invoque les absences injustifiées du salarié et le met en demeure de reprendre son poste de travail le lundi 13 mars « prochain », (?) résulte d'un commun accord entre les parties'', la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du courrier précité, en violation du principe susvisé. »
Réponse de la Cour
7. Par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, de la portée des éléments de preuve produits devant elle, la cour d'appel, a, d'abord, constaté, d'une part, par motifs propres et adoptés, que si l'absence du salarié entre le mois de juillet 2015 et le 24 février 2017 était justifiée par un commun accord des parties, l'intéressé n'avait pas repris son poste à l'issue du délai de huit jours qui lui avait été imparti dans une mise en demeure adressée le 29 mars 2017 et, d'autre part, que la société avait, avant de mettre en oeuvre une procédure disciplinaire à son encontre, attendu l'issue de la procédure en résiliation judiciaire de son contrat de travail engagée le 5 avril 2017 devant une juridiction prud'homale, dont le salarié a été débouté par jugement du 1er juin 2018.
8. Elle a, ensuite, relevé qu'en dépit de deux autres lettres de mise en demeure envoyées par l'employeur les 4 juin 2018 et 2 juillet 2018 l'invitant à se présenter sur un chantier le 6 juillet 2018, le salarié, qui réclamait du travail, n'avait toutefois pas rejoint son poste ni justifié de son absence et n'avait aucunement déféré aux directives de son employeur de se rendre sur des chantiers alors que la société organisait ses déplacements.
9. Elle a pu décider que ces faits procédaient du même comportement d'absence injustifiée du salarié et de refus d'exécuter son contrat de travail malgré les demandes réitérées de l'employeur, dont elle a déduit la persistance, jusqu'à la mise en oeuvre de la procédure disciplinaire, d'un comportement rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
Soc. 6 mai 2025 n° 24-11.158
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 6 mai 2025
Cassation
M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 479 F-D
Pourvoi n° Z 24-11.158
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 MAI 2025
1°/ M. [N] [S], domicilié [Adresse 3],
2°/ le syndicat des services CFDT des Savoie, dont le siège est [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° Z 24-11.158 contre l'arrêt rendu le 30 novembre 2023 par la cour d'appel de Chambéry (chambre sociale), dans le litige les opposant à la société [4], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ott, conseiller, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [S] et du syndicat des services CFDT des Savoie, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société [4], après débats en l'audience publique du 26 mars 2025 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ott, conseiller rapporteur, Mme Ollivier, conseiller référendaire, ayant voix délibérative, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 30 novembre 2023), M. [S] a été engagé en qualité d'agent de sécurité à compter du 22 novembre 2019 par la société [4] (la société). Le « 4 » juin 2020, il était présent à une réunion du comité social et économique, mis en place en décembre 2019 et dont tous les élus sont issus du syndicat des services CFDT des Savoie (le syndicat), le procès-verbal de cette réunion comportant la mention « désigné par le syndicat ».
2. Par décision unilatérale du 20 août 2020, l'employeur a mis fin à la désignation d'un représentant syndical en surnombre et le salarié n'a plus été convoqué aux réunions du comité social et économique (CSE).
3. Convoqué à un entretien préalable au licenciement prévu le 6 novembre 2020, reporté au 9 novembre 2020, et mis à pied à titre conservatoire, il a été licencié pour faute grave le 13 novembre 2020.
4. Le salarié a saisi le 22 avril 2021 la juridiction prud'homale en demandant que lui soient reconnus le bénéfice du statut de salarié protégé ainsi que l'atteinte portée à ses fonctions représentatives par l'employeur en lui retirant unilatéralement et illicitement son mandat sans avoir contesté sa désignation dans le délai requis de quinze jours. Invoquant une violation de son statut protecteur, il a sollicité le prononcé de la nullité de son licenciement ainsi que le paiement de sommes au titre d'un licenciement nul et de dommages-intérêts pour délit d'entrave et discrimination syndicale.
5. Le syndicat est intervenu volontairement à l'instance et a sollicité le paiement de dommages-intérêts en raison d'une discrimination syndicale et d'une entrave aux fonctions représentatives.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. Le salarié et le syndicat font grief à l'arrêt de juger que le salarié ne pouvait être considéré comme un salarié protégé, de débouter ce dernier de ses demandes de dommages-intérêts pour violation du statut protecteur, d'indemnité pour licenciement nul, d'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents, d'indemnité de licenciement et à titre de remboursement de la mise à pied conservatoire outre les congés payés et de débouter le salarié et le syndicat de leurs demandes de dommages-intérêts au titre de l'entrave, alors « que l'employeur qui entend contester la désignation d'un représentant syndical doit saisir le tribunal judiciaire dans le délai de quinze jours suivant cette désignation ; que le point départ du délai de contestation de la désignation d'un représentant syndical est, pour l'employeur, le jour suivant la réception de la lettre de désignation ou le jour suivant celui où il a eu connaissance de cette désignation ; qu'en se bornant, pour dire que le délai de contestation de la désignation du salarié comme représentant syndical n'avait pas couru à l'encontre de l'employeur, à affirmer que le salarié et le syndicat ne justifiaient pas avoir informé l'employeur de cette désignation sans rechercher si, ainsi qu'il était soutenu devant elle, l'employeur n'en avait pas connaissance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2411-5 et R. 2314-24 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 2411-5 du code du travail :
7. Selon l'article L. 2411-5 susvisé, le licenciement d'un représentant syndical au comité social et économique ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail.
8. Pour écarter le bénéfice du statut protecteur revendiqué par le salarié au titre de sa désignation en qualité de représentant syndical au comité social et économique, l'arrêt retient que si le syndicat CFDT a décidé de désigner M. [S] en qualité de représentant syndical au comité social et économique en plus de M. [O], il n'est pas justifié de la date de cette désignation et que le salarié et le syndicat ne justifient pas, conformément aux dispositions de l'article D. 2143-4 du code du travail, d'avoir informé l'employeur de cette désignation par lettre recommandée avec accusé de réception ni par lettre remise en main propre le 4 mars 2020. L'arrêt en déduit que le salarié n'a jamais eu la qualité de représentant syndical et donc ne bénéficiait pas du statut protecteur en découlant.
9. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le salarié était présent à la réunion du comité social et économique le « 4 » juin 2020 en qualité de représentant « désigné par le syndicat » en surnombre, de sorte que, en l'absence de toute contestation, la désignation du salarié se trouvait purgée de tout vice à l'expiration, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Et sur le premier moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
10. Le salarié et le syndicat font le même grief à l'arrêt, alors « que l'employeur qui décide d'autoriser un nombre de représentants syndicaux plus important que celui prévu par les dispositions légales peut unilatéralement décider de revenir au nombre de représentants définis par le code du travail à condition, pour répondre à l'exigence de loyauté, d'en informer préalablement les syndicats concernés ; qu'en retenant en l'espèce que l'employeur avait pu revenir sur sa décision d'autoriser la désignation de deux représentants syndicaux au CSE sans rechercher si, ainsi que l'y invitaient les conclusions de parties, il avait préalablement informé les syndicats concernés de sa décision, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2314-1 et L. 2314-2 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 2143-22 et R. 2143-2 du code du travail :
11. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 2143-22 du code du travail, dans les entreprises de moins de trois cents salariés et dans les établissements appartenant à ces entreprises, le délégué syndical est, de droit, représentant syndical au comité social et économique.
12. Selon le second de ces textes, le nombre de délégués syndicaux est fixé à un dans les entreprises employant de 50 à 999 salariés.
13. Si le nombre de représentants syndicaux au comité social et économique tel qu'il est fixé par la loi peut être augmenté par accord collectif, ni un usage de l'entreprise ni un engagement unilatéral de l'employeur ne peuvent modifier les dispositions légales correspondantes. Il s'ensuit que l'employeur qui décide unilatéralement d'une telle augmentation peut unilatéralement décider de revenir à l'application des textes légaux qui n'ont cessé d'être applicables, sous réserve de ne pas méconnaître le principe d'égalité entre tous les syndicats concernés et, pour répondre à l'exigence de loyauté qui s'impose en la matière, de les en informer préalablement.
14. Pour écarter le bénéfice du statut protecteur revendiqué par le salarié au titre de sa désignation en qualité de représentant syndical au comité social et économique, après avoir constaté que l'entreprise compte moins de trois cents salariés et qu'il n'existe pas d'accord collectif modifiant les dispositions légales de sorte que l'entreprise ne compte qu'un délégué syndical, l'arrêt retient qu'il n'existe qu'un seul syndicat dans l'entreprise, que l'existence ou non d'une tolérance tacite sur la désignation potentielle antérieure d'un délégué syndical en surnombre importe peu, que l'employeur était en droit de revenir de manière unilatérale à l'application des dispositions légales par décision du 20 août 2020, le seul délégué syndical dans l'entreprise étant d'office représentant syndical au comité social et économique. L'arrêt en déduit que le salarié n'a jamais eu la qualité de représentant syndical au comité social et économique et ne bénéficie donc pas du statut protecteur.
15. En se déterminant ainsi, sans rechercher si l'employeur, préalablement à sa décision unilatérale du 20 août 2020 révoquant la possibilité pour un syndicat de désigner un représentant syndical surnuméraire au comité social et économique, avait informé les syndicats représentatifs concernés, n'y eût-il qu'une seule organisation syndicale représentative dans l'entreprise, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Soc. 6 mai 2025 n° 23-10.958
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 6 mai 2025
Cassation partielle sans renvoi
M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 463 F-D
Pourvoi n° M 23-10.958
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 MAI 2025
La société Towercast, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° M 23-10.958 contre l'arrêt rendu le 7 décembre 2022 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale A), dans le litige l'opposant à M. [I] [F], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Rinuy, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Towercast, après débats en l'audience publique du 26 mars 2025 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rinuy, conseiller rapporteur, Mme Sommé, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 7 décembre 2022), M. [F] a été engagé en qualité de technicien Hot Line par la société NRJ, aux droits de laquelle vient la société Towercast, à compter du 1er mars 1993.
2. Au dernier état de la relation de travail, le salarié occupait le poste de chargé des supports techniques HF, statut cadre.
3. Par acte du 18 août 2016, il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur et a demandé sa condamnation à lui payer certaines sommes à titre de rappel de salaire et congés payés afférents, dommages-intérêts pour harcèlement moral, manquement à l'obligation de sécurité, discrimination syndicale et exécution fautive du contrat de travail, dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnité légale de licenciement, indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents.
4. Par lettre du 23 octobre 2021, le salarié a fait valoir ses droits à la retraite. Le contrat de travail a pris fin le 31 janvier 2022, à l'issue du délai de préavis.
5. Devant la cour d'appel, le salarié a formé une demande nouvelle de solde d'indemnité de départ à la retraite en invoquant les dispositions de l'article 4.4.2 de la convention collective nationale des télécommunications du 26 avril 2020.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. La société fait grief à l'arrêt de déclarer recevable la demande en paiement d'un rappel d'indemnité de départ à la retraite et de la condamner en conséquence à payer au salarié la somme de 22 610,14 euros en deniers et quittances à titre d'indemnité de départ à la retraite, sous déduction de la somme déjà payée à ce titre par l'employeur, alors :
« 1°/ qu'une demande nouvelle née d'un fait nouveau sans lien avec le litige initial et qui ne tend pas aux mêmes fins que les demandes présentées en première instance ne saurait être présentée pour la première fois en cause d'appel mais doit faire l'objet d'une nouvelle instance ; qu'en jugeant recevable la demande portant sur l'indemnité de départ à la retraite présentée pour la première fois en cause d'appel cependant que les indemnités demandées par le salarié en première instance n'avaient pas les mêmes fins, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 564 et 566 du code de procédure civile ;
2°/ que si le départ à la retraite du salarié modifie la situation administrative et sociale de l'intéressé, cette modification n'a toutefois pas de lien avec le litige initial ni d'effet sur la résolution de ce dernier ; qu'en retenant que la demande en rappel d'indemnité de départ à la retraite constituait une question née de la survenance d'un fait nouveau pour justifier par ce seul motif sa recevabilité, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 564 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
7. Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
8. Après avoir retenu que, le salarié ayant fait valoir ses droits à la retraite à effet du 31 janvier 2022, sa demande initiale de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur était devenue sans objet, la cour d'appel qui en a déduit que la demande d'un solde d'indemnité de départ à la retraite constituait une question née de la survenance d'un fait et fait ressortir que cette demande présentait un lien avec les demandes initiales au titre de la rupture du contrat de travail, a légalement justifié sa décision.
Mais sur le second moyen, pris en ses première et troisième branches
Enoncé du moyen
9. La société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer au salarié la somme de 22 610,14 euros en deniers et quittances à titre d'indemnité de départ à la retraite, sous déduction de la somme déjà payée à ce titre par l'employeur, alors :
« 1°/ que le départ à la retraite, acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail, ne saurait ouvrir droit au versement d'une indemnité légale de licenciement ; que seule l'indemnité légale ou conventionnelle de départ à la retraite est due alors au salarié ; qu'il n'était pas contesté que le salarié a bien décidé unilatéralement de faire valoir ses droits à la retraite ; que, dès lors, en jugeant ce salarié fondé à solliciter le montant de l'indemnité légale de licenciement plus avantageuse que l'indemnité conventionnelle de retraite, la cour d'appel a violé tant les dispositions de l'article 4.4.2 de la convention collective nationale des télécommunications dont elle a fait une fausse interprétation, que les dispositions des articles L. 1237-4 et L. 1237-9 du code du travail ;
3°/ qu'une convention collective, lorsqu'elle manque de clarté, doit être interprétée comme la loi, c'est à dire en respectant la lettre du texte, ensuite en tenant compte d'un éventuel texte législatif ayant le même objet et, en dernier recours, en utilisant la méthode téléologique consistant à rechercher l'objectif social du texte ; que la cour d'appel devait interpréter l'article 4.4.2 de la convention collective des télécommunications en tenant compte des articles L. 1237-7 et L. 1237-9 du code du travail d'où il résulte que seule la mise à la retraite d'un salarié à l'initiative de l'employeur ouvre droit au versement d'une indemnité au moins égale à l'indemnité légale de licenciement tandis que le départ à la retraite à l'initiative du salarié ouvre droit à une indemnité spécifique de nature salariale calculée en fonction de l'ancienneté du salarié ; qu'il en résulte que l'article 4.4.2 de la convention collective devait être interprété comme prévoyant une indemnité calculée en fonction de l'ancienneté du salarié, d'une manière identique en cas de départ à la retraite comme en cas de mise à la retraite, en étant sur ce point plus favorable au salarié que les dispositions légales et réglementaires applicables ; qu'en revanche, seul le salarié mis à la retraite pourra percevoir soit l'indemnité de retraite ainsi calculée, soit, si cette solution est plus avantageuse pour lui, l'indemnité légale de licenciement ; qu'une telle option ne saurait être étendue au salarié ayant décidé unilatéralement de son départ à la retraite dans les conditions prévues par l'article L. 1237-9 du code du travail ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a violé l'article 4.4.2 de la convention collective nationale des télécommunications, ensemble les articles L. 1237-7 et L. 1237-9 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1237-4 et L. 1237-9 du code du travail et l'article 4.4.2 de la convention collective nationale des télécommunications du 26 avril 2020 :
10. Une convention collective, si elle manque de clarté, doit être interprétée comme la loi, c'est à dire d'abord en respectant la lettre du texte, ensuite en tenant compte d'un éventuel texte législatif ayant le même objet et, en dernier recours, en utilisant la méthode téléologique consistant à rechercher l'objectif social du texte.
11. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 1237-4 du code du travail, les stipulations relatives au départ à la retraite des salariés prévues par une convention collective, un accord collectif de travail ou un contrat de travail sont applicables sous réserve qu'elles ne soient pas contraires aux dispositions légales.
12. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 1237-9 du même code, tout salarié quittant volontairement l'entreprise pour bénéficier d'une pension de vieillesse a droit à une indemnité de départ à la retraite.
13. Il en résulte que l'indemnité de départ à la retraite ne peut se cumuler avec l'indemnité de licenciement.
14. Selon l'article 4.4.2 de la convention collective susvisée, deux situations peuvent se présenter, le départ en retraite à l'initiative du salarié, auquel cas ce dernier percevra lors de son départ l'indemnité de départ en retraite, et la mise à la retraite du salarié à l'initiative de l'employeur. Au moment de son départ, le salarié percevra l'indemnité de retraite prévue ou, si cette solution est plus avantageuse pour lui, l'indemnité légale de licenciement.
15. Eu égard aux articles L. 1237-4 et L. 1237-9 du code du travail susvisés, l'article 4.4.2 de la convention collective doit être interprété comme réservant au salarié mis à la retraite à l'initiative de l'employeur le bénéfice du choix à effectuer, au moment de son départ, entre l'indemnité de retraite ou, si cette solution est plus avantageuse pour lui, l'indemnité légale de licenciement.
16. Pour faire droit à la demande du salarié et condamner la société à lui payer une certaine somme en deniers et quittances à titre d'indemnité de départ à la retraite, sous déduction de la somme déjà payée à ce titre par l'employeur, l'arrêt retient que si l'article 4.4.2 de la convention collective prévoit le départ à la retraite à l'initiative du salarié et la mise à la retraite à l'initiative de l'employeur, sa rédaction ne permet de distinguer ces deux situations qu'en ce qui concerne les modalités de notification de la décision, mais que l'option entre l'indemnité conventionnelle de retraite et le montant de l'indemnité légale de licenciement, si cette solution est plus avantageuse, est ouverte au salarié au moment de son départ, dans les deux cas. Il en déduit que le salarié est fondé à solliciter le montant de l'indemnité légale de licenciement qui est plus avantageuse que l'indemnité conventionnelle de retraite.
17. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
18. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
19. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
20. La cassation du chef de la condamnation de la société au paiement d'un solde d'indemnité de départ à la retraite n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt disant n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et disant que chacune des parties conserve la charge de ses dépens de première instance et d'appel, justifiés par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause.
Soc. 6 mai 2025 n° 24-10.869
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 6 mai 2025
Cassation partielle
M. BARINCOU, conseiller le plus ancien faisant fonction de président
Arrêt n° 434 F-D
Pourvoi n° K 24-10.869
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 MAI 2025
Mme [P] [H], domiciliée [Adresse 4], a formé le pourvoi n° K 24-10.869 contre l'arrêt rendu le 24 novembre 2023 par la cour d'appel de Douai (chambre sociale, prud'hommes), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société La Halle, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],
2°/ à la société Axyme, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 5], prise en la personne de M. [B] [X], en qualité de mandataire liquidateur de la société La Halle,
3°/ à la société BTSG², société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 1], prise en la personne de M. [J] [N], en qualité de mandataire liquidateur de la société La Halle,
4°/ à l'Unédic délégation AGS-CGEA d'Ile-de-France Ouest, dont le siège est [Adresse 2],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Carillon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de Mme [H], de la SCP Doumic-Seiller, avocat des sociétés Axyme, BTSG², ès qualités, et La Halle, après débats en l'audience publique du 25 mars 2025 où étaient présents M. Barincou, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, M. Carillon, conseiller référendaire rapporteur, Mme Brinet, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 24 novembre 2023), Mme [H] a été engagée en qualité de gestionnaire de stock, le 15 juillet 2009, par la société La Halle (la société).
2. Par jugement du 21 avril 2020, un tribunal de commerce a ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de la société, procédure convertie en redressement judiciaire par un jugement du 2 juin 2020, qui a désigné les sociétés Axyme et BTSG² en qualité de mandataires. Par jugement du 30 octobre 2020, un tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire à l'égard de la société et a désigné les mandataires en qualité de liquidateurs.
3. Le contrat de travail a été rompu pour motif économique le 13 novembre 2020, après que la salariée a accepté le contrat de sécurisation professionnelle qui lui avait été proposé.
4. Elle a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir le versement de dommages-intérêts pour violation des critères d'ordre des licenciements prévus par le plan de sauvegarde de l'emploi.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande, alors « qu'aux termes de l'article 2.4 de l'accord collectif du 27 juin 2020 comportant un plan de sauvegarde de l'emploi, relatif aux critères d'ordre de licenciement, ''un enfant est considéré « à charge » à condition qu'il figure sur le foyer fiscal d'un des parents, sous réserve que le conjoint réside à la même adresse'' ; qu'en l'espèce, il était constant que la salariée vivait en couple avec son concubin et leurs deux enfants, l'un figurant sur le foyer fiscal de la mère, l'autre sur le foyer fiscal du père ; que la cour d'appel a relevé que selon les courriels transmis par la salariée, elle déclarait que ''fiscalement, nous (elle et son concubin) nous déclarons individuellement avec un enfant chacun'' ; qu'en affirmant ensuite que la salariée ne pouvait prétendre avoir la charge de deux enfants pour l'application des critères d'ordre de licenciement dès lors qu'il ne lui était fiscalement reconnu, sur sa demande, que la charge d'un seul, la cour d'appel a violé l'article 2.4 de l'accord collectif du 27 juin 2020 précité. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 2.4 de l'accord collectif majoritaire du 27 juin 2020 comportant un plan de sauvegarde de l'emploi, relatif aux critères d'ordre de licenciement :
6. Il résulte de ce texte qu'un enfant est considéré « à charge » à condition qu'il figure sur le foyer fiscal d'un des parents, sous réserve que le conjoint réside à la même adresse.
7. Pour débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour non-respect des critères d'ordre de licenciement, l'arrêt relève que l'administrateur judiciaire avait bien tenu compte des différentes pièces transmises par la salariée sur sa situation familiale aux fins de lui attribuer cinq points au titre des critères sur sa situation personnelle, lui reconnaissant la qualité de personne vivant en couple avec un enfant à charge.
8. Il retient que la salariée ne peut prétendre avoir la charge de deux enfants alors qu'il ne lui était fiscalement reconnu, sur sa demande, que la charge d'un seul et en déduit qu'en application des critères définis par l'accord collectif, il ne pouvait donc lui être attribué au titre de sa situation de famille que cinq points et que la contestation des critères d'ordre de licenciement par la salariée n'est fondée que sur le seul défaut de prise en compte de sa situation familiale dans son entier.
9. En statuant ainsi, alors qu'il était constant que la salariée vivait en couple avec son concubin et leurs deux enfants, l'un figurant sur le foyer fiscal de la mère, l'autre sur le foyer fiscal du père, de sorte que le fait que le second enfant de la salariée soit rattaché au foyer fiscal de son concubin, ne la privait pas des cinq points supplémentaires prévus par l'accord collectif au titre du critère relatif aux charges de famille, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Soc. 6 mai 2025 n° 23-13.162
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 6 mai 2025
Cassation partielle sans renvoi
Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 460 F-D
Pourvoi n° H 23-13.162
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 MAI 2025
La société G. Manquillet Parizel & cie, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° H 23-13.162 contre l'arrêt rendu le 11 janvier 2023 par la cour d'appel de Reims (chambre sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [B] [M], domicilié [Adresse 1],
2°/ à Pôle emploi de [Localité 3], dont le siège est [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Panetta, conseiller, les observations de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de la société G. Manquillet Parizel & cie, de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de M. [M], après débats en l'audience publique du 25 mars 2025 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Panetta, conseiller rapporteur, M. Seguy, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 11 janvier 2023), M. [M] a été engagé en qualité de technicien de production, le 1er juillet 2000 par la société G. Manquillet Parizel & cie (la société), et était en dernier lieu responsable achats et chargé de relations clientèles.
2. Son contrat de travail a été rompu après qu'il a adhéré, le 23 mars 2020, au contrat de sécurisation professionnelle qui lui avait été proposé lors de l'entretien préalable.
3. Contestant cette rupture, il a saisi la juridiction prud'homale.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen
Enoncé du moyen
5. La société fait grief à l'arrêt de lui ordonner de rembourser à Pôle emploi, des indemnités de chômage servies au salarié, du jour de son licenciement jusqu'au jour de la décision, dans la limite de six mois d'indemnités, alors « qu'en l'absence de motif économique, le contrat de sécurisation professionnelle devenant sans cause, l'employeur est tenu de rembourser les indemnités de chômage éventuellement versées au salarié, sous déduction de la contribution prévue à l'article L. 1233-69 du code du travail ; qu'en l'espèce, après avoir jugé le licenciement du salarié sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a ordonné à l'employeur de rembourser au Pôle emploi les indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de six mois d'indemnités ; qu'en statuant ainsi, sans tenir compte de la contribution versée à titre de participation au financement du contrat de sécurisation professionnelle accepté par le salarié, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-69 et L. 1235-4 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1233-69 du code du travail, dans sa rédaction issue de loi n° 2015-990 du 6 août 2015, et L. 1235-4 du même code :
6. Il résulte de ces textes qu'en l'absence de motif économique, le contrat de sécurisation professionnelle devenant sans cause, l'employeur est tenu de rembourser les indemnités de chômage éventuellement versées au salarié, sous déduction de la contribution prévue à l'article L. 1233-69 du code du travail.
7. L'arrêt, après avoir jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse, ordonne le remboursement par la société à Pôle emploi des indemnités de chômage versées au salarié, dans la limite de six mois.
8. En statuant ainsi, sans procéder à ladite déduction, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
9. La cassation prononcée n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant la société aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celle-ci et non remises en cause.
10. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
11. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
12. La société doit être déclarée tenue de rembourser les indemnités de chômage éventuellement versées au salarié, sous déduction de la contribution prévue à l'article L. 1233-69 du code du travail.
13. Il convient de condamner la société G. Manquillet Parizel & cie, qui succombe pour l'essentiel, aux dépens.
Soc. 6 mai 2025 n° 23-21.832
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 6 mai 2025
Cassation partielle
M. BARINCOU, conseiller le plus ancien faisant fonction de président
Arrêt n° 424 F-D
Pourvoi n° F 23-21.832
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 MAI 2025
M. [S] [V], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° F 23-21.832 contre l'arrêt rendu le 27 février 2023 par la cour d'appel de Basse-Terre (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Nestlé France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Barincou, conseiller, les observations écrites de la SCP Françoise Fabiani-François Pinatel, avocat de M. [V], de la SAS Boucard-Capron-Maman, avocat de la société Nestlé France, après débats en l'audience publique du 25 mars 2025 où étaient présents M. Barincou, conseiller le plus ancien faisant fonction de président et rapporteur, Mme Brinet, conseiller, Mme Prieur, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 27 février 2023), M. [V] a été engagé en qualité de responsable de secteur, le 11 octobre 1993, par la société Nestlé France (la société). Au dernier état de la relation de travail, il exerçait les fonctions de responsable régional des ventes Antilles-Guyane.
2. Il a été licencié pour faute grave le 23 juin 2016.
3. Contestant le bien-fondé de son licenciement, le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir le paiement de diverses sommes en lien avec l'exécution et la rupture de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire qu'il était lié à la société Nestlé par un forfait annuel en jours et de le débouter en conséquence de ses demandes de condamnation à lui verser diverses sommes au titre des heures supplémentaires, des congés payés afférents et de l'article 700 du code de procédure civile, alors « qu'aux termes de l'article L. 3121-39, devenu L. 3121-63, du code du travail, l'application à un salarié d'une clause de forfait annuel en jours est subordonnée à l'existence de dispositions conventionnelles l'autorisant ; que ces dispositions nécessairement préalables à la signature de la clause contractuelle doivent respecter les impératifs de protection de la santé, de la sécurité et du droit au repos et permettre notamment d'assurer un suivi réel et régulier de la charge de travail du salarié ; qu'en l'espèce, la société Nestlé avait, par un avenant du 19 avril 2013 adapté et révisé l'accord collectif du 21 décembre 1999 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail au vu des récentes évolutions jurisprudentielles ; qu'en concluant, au regard des dispositions de cet avenant, que la convention de forfait de M. [V] était régulière, quand il ressortait de ses propres constatations que la clause avait été prévue contractuellement avant la signature dudit avenant de sorte que sa régularité ne pouvait être appréciée au regard de dispositions conventionnelles postérieures, la cour d'appel a d'ores et déjà violé l'article susvisé. »
Réponse de la Cour
Vu l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article L. 3121-39 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, interprété à la lumière des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne :
6. Le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles.
7. Il résulte des articles susvisés de la directive de l'Union européenne que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur.
8. Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.
9. A défaut de soumettre au salarié une nouvelle convention de forfait en jours postérieurement à la date de l'entrée en vigueur de l'avenant à un accord collectif, l'employeur ne peut se prévaloir des dispositions de ce texte postérieurement à cette date, en sorte que la convention de forfait en jours du salarié, fondée sur les dispositions conventionnelles antérieures à cet avenant, est nulle.
10. Pour débouter le salarié de ses demandes en paiement d'heures supplémentaires, l'arrêt relève, d'une part, que le salarié était soumis à une convention individuelle de forfait en jours, signée le 20 mars 2013, en sus d'un accord collectif conclu en 1999, d'autre part, que cet accord collectif a été révisé par un avenant du 19 avril 2013 qui respecte toutes les dispositions légales édictées par la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016.
11. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que la convention de forfait en jours invoquée était antérieure à la date de l'accord collectif applicable dans l'entreprise, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Soc. 6 mai 2025 n° 23-17.347
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 6 mai 2025
Rejet
M. BARINCOU, conseiller le plus ancien faisant fonction de président
Arrêt n° 430 F-D
Pourvois n° A 23-15.893 F 23-17.347 JONCTION
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 MAI 2025
I. M. [Z] [E], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° A 23-15.893 contre un arrêt rendu le 6 avril 2023 par la cour d'appel de Dijon (chambre sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Vesuvius France, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],
2°/ au Pôle emploi Bourgogne Franche Comté, dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
II. La société Vesuvius France a formé le pourvoi n° F 23-17.347 contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi n° A 23-15.893 invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
La demanderesse au pourvoi n° F 23-17.347 invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général. Sur le rapport de M. Carillon, conseiller référendaire, les observations écrites de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de M. [E], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Vesuvius France, après débats en l'audience publique du 25 mars 2025 où étaient présents M. Barincou, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, M. Carillon, conseiller référendaire rapporteur, Mme Brinet, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° A 23-15.893 et F 23-17.347 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 6 avril 2023), M. [E] a été engagé en qualité d'ingénieur technico-commercial, le 30 mars 1992, par la société Vesuvius France (la société). Il occupait en dernier lieu les fonctions de responsable commercial creusets solaires.
3. Convoqué le 8 mars 2019 à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 20 mars 2019, le salarié, licencié pour motif économique le 11 avril 2019, a adhéré au congé de reclassement le 16 avril 2019.
4. Il a saisi la juridiction prud'homale pour faire juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse, obtenir le paiement des indemnités subséquentes et, subsidiairement, l'indemnisation de son préjudice pour non-respect des critères d'ordre du licenciement. Il a également invoqué une rupture d'égalité avec d'autres salariés bénéficiaires du plan de sauvegarde de l'emploi (PSE).
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi n° A 23-15.893
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen du pourvoi n° F 23-17.347
Enoncé du moyen
6. La société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer au salarié une somme à titre de dommages-intérêts pour inégalité de traitement, alors « que, selon l'article L. 1233-61 du code du travail, l'employeur doit établir et mettre en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés sur une même période de trente jours ; que si cette période de trente jours doit s'apprécier à compter de la présentation du projet de licenciement au comité d'entreprise, la présentation d'un nouveau projet de licenciement économique, fondé sur un motif distinct, moins de trente jours après l'achèvement de la procédure de consultation sur un premier projet de licenciement économique n'implique pas de réitérer la procédure de consultation achevée, ni d'intégrer les licenciements résultant du premier projet à la seconde procédure donnant lieu à l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi ; qu'en l'espèce, la société Vesuvius soutenait qu'ayant consulté le comité d'entreprise le 28 février 2019 sur un projet de licenciement de deux salariés, elle n'était pas tenue d'intégrer ces deux licenciements dans le projet de grand licenciement collectif accompagné d'un plan de sauvegarde de l'emploi qu'elle a présenté au comité d'entreprise le 25 mars 2019 et qui était fondé sur un motif économique distinct ; qu'en affirmant cependant, pour retenir que M. [E] était fondé à réclamer la réparation d'une inégalité de traitement, que "la convocation du comité d'entreprise pour le second projet de licenciement collectif est intervenu fin mars 2019 puisque le CE s'est réuni pour une "réunion 0" le 25 mars 2019, soit dans les trente jours suivant la présentation du premier projet" et que "les raisons économiques étaient certes distinctes mais étaient de même nature et concernaient la même entreprise", de sorte que "la rupture du contrat de travail de M. [E] aurait dû être traitée dans le cadre d'un licenciement collectif d'au moins dix salariés, ce qui lui aurait permis de bénéficier des dispositions du PSE à l'instar des trente-cinq autres employés de l'entreprise", la cour d'appel a violé les articles L. 1233-61 et L. 1233-28 du code du travail. »
Réponse de la Cour
7. S'il résulte de l'article L. 1233-61 du code du travail que le plan de sauvegarde de l'emploi qui, pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre, intègre un plan de reclassement visant à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité, ne peut s'appliquer à un salarié dont le contrat de travail a été rompu avant son adoption, le salarié qui a été privé du bénéfice des dispositions du plan de sauvegarde de l'emploi en raison des conditions de son licenciement est fondé à en demander réparation.
8. La cour d'appel a constaté que la consultation du comité d'entreprise sur le projet de licenciement économique de M. [E] et de son collègue, le 28 février 2019, et l'entretien préalable à licenciement, le 8 mars 2019, ont eu lieu moins de trente jours avant la réunion, le 25 mars 2019, du comité d'entreprise, au cours de laquelle l'employeur avait fait part aux représentants du personnel de son intention de mettre en oeuvre un PSE.
9. De ces constatations, elle a pu déduire que le salarié, qui était placé dans la même situation que ses collègues visés par le projet de grand licenciement collectif, à raison des mêmes difficultés économiques, avait été injustement privé du bénéfice de l'indemnité de licenciement supralégale prévue par le plan de sauvegarde de l'emploi pour les salariés dont l'ancienneté était équivalente à la sienne.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
Soc. 6 mai 2025 n° 24-12.973
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 6 mai 2025
Cassation partiellement sans renvoi
M. BARINCOU, conseiller le plus ancien faisant fonction de président
Arrêt n° 447 F-D
Pourvoi n° X 24-12.973
Aide juridictionnelle totale en demande au profit de Mme [B]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 18 janvier 2024.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 MAI 2025
Mme [Z] [B], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 24-12.973 contre l'arrêt rendu le 7 juin 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 3), dans le litige l'opposant à la société EDF, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Barincou, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [B], de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de la société EDF, après débats en l'audience publique du 25 mars 2025 où étaient présents M. Barincou, conseiller le plus ancien faisant fonction de président et rapporteur, Mme Brinet, conseiller, M. Carillon, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Thuillier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 juin 2023) et les productions, Mme [B] a saisi, le 17 février 2015, la juridiction prud'homale pour obtenir la condamnation de la société EDF à lui payer diverses sommes à titre de rappels de salaire et de dommages-intérêts, après requalification en contrat de travail à durée indéterminée de la relation de travail les ayant liées de mars 2006 à décembre 2014.
2. Par décision du 14 septembre 2016, notifiée le 23 décembre 2016, le conseil de prud'hommes a ordonné la radiation de l'affaire.
3. Le 3 janvier 2018, le conseil de Mme [B] a adressé au conseil de prud'hommes une demande visant à obtenir la requalification de la relation de travail en contrat de travail et la condamnation de la société EDF à lui payer diverses sommes en conséquence.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Mme [B] reproche à l'arrêt attaqué de juger sa demande irrecevable, alors :
« 1°/ qu'en matière prud'homale, l'instance n'est périmée que lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l'article 386 du code de procédure civile, les diligences mises à leur charge par la juridiction ;que ce délai court à compter de la notification de la décision ordonnant ces diligences ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué qu'il "est constant et non contesté que Mme [B] a saisi le conseil des prud'hommes de Bobigny le 17 février 2015 d'une requête à l'encontre de la société EDF demandant sa condamnation aux titres d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, pour indemnité compensatrice de préavis, congés payés afférents, indemnité pour requalification, dommages et intérêts, indemnité de congés payés. Cette affaire [a été] enrôlée sous le numéro du répertoire général 15/662. Le 14 septembre 2016, cette affaire a été radiée avec la précision que l'affaire pourra être rétablie au vu des moyens et du bordereau de communication de la partie la plus diligente à peine de péremption" ; qu'en déclarant cependant cette instance périmée, pour juger sa demande irrecevable, aux motifs que "au 17 février 2017, la preuve d'aucune diligence n'était établie. En conséquence, cette instance était périmée à compter de cette date", la cour d'appel a violé l'article R. 1452-8 du code du travail dans sa rédaction, applicable au litige, antérieure à l'entrée en vigueur du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 ;
2° / que la radiation n'éteignant pas l'instance, le conseil de prud'hommes en reste saisi ; que la règle de l'unicité de l'instance ne fait pas obstacle à ce qu'une nouvelle demande soit introduite devant le conseil de prud'hommes, laquelle s'analyse alors en une demande de rétablissement de la procédure antérieure et qu'il lui appartient en ce cas de joindre les deux affaires ; qu'en l'espèce, il ressort des constatations propres et adoptées de l'arrêt attaqué que : "le défendeur soutient que dans le cadre de la présente procédure, Mme [B]-[J] formule des demandes strictement identiques à celles qu'elle articulait dans le cadre d'une précédente procédure introduite devant le conseil de prud'hommes de Bobigny, selon saisine en date du 17 février 2015 et portant le numéro de RG F 15/00662 en section encadrement. Cette procédure a fait l'objet d'une radiation selon décision en date du 14 septembre 2016, notifiée le 23 septembre 2016, constatant le défaut de diligences de la demanderesse, aucune demande de rétablissement n'a été formulée. Nouvelle saisine en section Industrie portant le numéro RG F 18/00003 en date du 3 janvier 2018" ; que pour déclarer Mme [B]-[J] irrecevable en son action, la cour d'appel a énoncé, par motifs adoptés, que "la nouvelle saisine du 3 janvier 2018 en section Industrie n'est pas un rétablissement de l'affaire en cours (N° RG F 15/00662), mais bien une 2e procédure distincte de la 1re, même si les demandes sont identiques" ; qu'en statuant de la sorte quand elle devait analyser la seconde requête en une demande de rétablissement de la procédure antérieure et joindre l'ensemble des demandes, la cour d'appel a violé les articles 383 du code de procédure civile, R. 1452-6 et R. 1452-8 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles R. 1452-6 et R. 4152-8 du code du travail, dans leur rédaction antérieure au décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 :
5. Pour juger périmée, à la date du 17 février 2017, l'instance introduite par Mme [B], l'arrêt retient qu'elle a saisi le conseil de prud'hommes le 17 février 2015, que l'affaire a été radiée le 14 septembre 2016 et que la preuve d'aucune diligence n'est établie à la date du 17 février 2017.
6. L'arrêt ajoute que cette instance étant périmée à la date de l'introduction de la nouvelle procédure par le conseil de Mme [B], le 3 janvier 2018, cette nouvelle requête ne peut s'analyser comme une demande de remise au rôle du conseil des prud'hommes, de sorte que, la fin des relations commerciales ayant eu lieu le 31 décembre 2014, les demandes sont prescrites. 7. En statuant ainsi alors, d'une part, que le délai de péremption court à compter de la notification de la décision de radiation et, d'autre part, que la radiation n'éteint pas l'instance, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, tel que suggéré par le mémoire ampliatif, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
9. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond sur le moyen tiré de la péremption de l'instance et la fin de non recevoir tirée de la prescription.
10. En effet, la décision de radiation ayant été notifiée aux parties le 23 décembre 2016, l'instance n'était pas périmée au 3 janvier 2018, date de l'introduction de la nouvelle demande par laquelle Mme [B] a formulé des moyens au soutien de ses demandes et produit ses pièces, accomplissant ainsi les diligences mises à sa charge par la décision de radiation.
11. En application de la règle de l'unicité de l'instance, qui restait applicable à l'instance introduite avant le 1er août 2016, il appartenait au conseil de prud'hommes de joindre les deux affaires et de statuer au fond, la saisine de la juridiction prud'homale du 17 février 2015 ayant interrompu le cours de la prescription.
Soc. 6 mai 2025 n° 22-23.897
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 6 mai 2025
Cassation partielle
Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 454 F-D
Pourvoi n° E 22-23.897
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 MAI 2025
La Fondation cardiométabolisme et nutrition, dont le siège est [Adresse 2], anciennement dénommée l'Institut de cardiométabolisme et de nutrition (ICAN), a formé le pourvoi n° E 22-23.897 contre l'arrêt rendu le 21 septembre 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 10), dans le litige l'opposant à M. [K] [N], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
M. [N] a formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.
Le demandeur au pourvoi incident éventuel invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Seguy, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la Fondation cardiométabolisme et nutrition, de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [N], après débats en l'audience publique du 25 mars 2025 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Seguy, conseiller rapporteur, Mme Panetta, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 septembre 2022), M. [N] a été engagé en qualité de directeur exécutif, le 1er février 2012, par la fondation Institut de cardiométabolisme et nutrition (ICAN), devenue la Fondation cardiométabolisme et nutrition (la fondation).
2. Par lettre du 15 juin 2017, il a été convoqué à un entretien préalable et a été mis à pied à titre conservatoire.
3. Le 26 juin 2017, il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur. Licencié pour faute grave par lettre du 5 juillet 2017, il a étendu sa saisine à la contestation de la rupture de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le premier moyen du pourvoi principal de l'employeur
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen du pourvoi principal de l'employeur
Enoncé du moyen
5. La fondation fait grief à l'arrêt de la condamner à verser au salarié une somme à titre d'indemnité contractuelle de licenciement et de rejeter sa demande subsidiaire en réduction du montant de l'indemnité de départ, alors « que l'indemnité de licenciement, lorsqu'elle est prévue par le contrat de travail, a le caractère d'une clause pénale et peut être réduite par le juge lorsqu'elle présente un caractère manifestement excessif ; qu'au cas présent, l'ICAN, qui est une fondation de coopération scientifique à but non lucratif financée par des dotations de fonds publics, faisait valoir que le montant de l'indemnité contractuelle de rupture prévue par le contrat de travail du salarié, équivalent à 24 mois de salaires soit 224 000 euros, était manifestement très excessif et sollicitait de la cour d'appel qu'elle soit réduite au montant de l'indemnité conventionnelle de licenciement, soit 34 808 euros ; qu'en refusant néanmoins d'examiner le caractère excessif de l'indemnité contractuelle de rupture prévue par le contrat de travail du salarié aux motifs que ''l'article 12 du contrat de travail prévoit qu'une indemnité de 24 mois de salaire brut et au prorata du temps passé, en sus des indemnités légales, sera accordée [au salarié] dans les cas suivants : - licenciement, sauf en cas de faute grave ou lourde, - démission en cas de changement du directeur général Mme [S] [G]. L'ICAN ne soulève explicitement aucun vice du consentement ou irrégularité affectant la validité même du contrat de travail. Il importe donc peu que cette clause ait assuré [au salarié] de façon excessive une protection solidaire « intuitu personae » avec Mme [G], directrice générale, ainsi que l'intimé le reproche. La clause apparaît donc parfaitement opposable à l'employeur. [?] L'indemnité contractuelle, visant à dédommager le préjudice résultant de la rupture du contrat de travail, ne saurait ainsi être analysée en une clause pénale susceptible de faire l'objet de la modération sollicitée par l'intimé, en application de l'article 1152 ancien du code civil. En conséquence, infirmant le jugement déféré, la cour fait droit à la demande de paiement de l'indemnité contractuelle de licenciement à hauteur de 228 000 euros sans réduction'', cependant qu'il ressortait de ses propres constatations que cette indemnité contractuelle de licenciement constituait une clause pénale qu'elle avait le pouvoir de modérer, la cour d'appel a violé les articles 1152 et 1134 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 (devenus les articles 1152, 1104 et 1193 du code civil), ensemble l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1193 et 1231-5 du code civil :
6. Aux termes du premier de ces textes, les contrats ne peuvent être modifiés ou révoqués que du consentement mutuel des parties, ou pour les causes que la loi autorise.
7. Selon le second, lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.
8. Constitue une clause pénale la clause d'un contrat par laquelle les parties évaluent forfaitairement et d'avance l'indemnité à laquelle donnera lieu l'inexécution de l'obligation contractée. 9. Pour condamner la fondation, qui en sollicitait la réduction par application de l'article 1152 ancien du code civil, à verser au salarié la somme demandée à titre d'indemnité contractuelle de licenciement, l'arrêt retient que, celle-ci visant à dédommager le préjudice résultant de la rupture du contrat de travail, elle ne saurait être analysée en une clause pénale susceptible de faire l'objet de la modération sollicitée.
10. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que le contrat de travail prévoyait le versement d'une indemnité de vingt-quatre mois de salaire brut et au prorata du temps passé, en sus des indemnités légales, en cas de démission consécutive au changement du directeur général de la fondation et en cas de licenciement, sauf en cas de faute grave ou lourde et que le salarié avait été licencié sans cause réelle et sérieuse, de sorte qu'il lui appartenait de vérifier si l'indemnité contractuelle de licenciement ainsi stipulée, qui avait le caractère d'une clause pénale, présentait un caractère manifestement excessif, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
11. La cassation des chefs de dispositif condamnant l'employeur à verser au salarié une somme à titre d'indemnité contractuelle de licenciement n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant la fondation aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celle-ci.
Soc. 6 mai 2025 n° 23-13.375
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 6 mai 2025
Cassation
Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 461 F-D
Pourvoi n° P 23-13.375
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 MAI 2025
La société Etablissements ASC, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° P 23-13.375 contre l'arrêt rendu le 9 novembre 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 9), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [H] [G], domicilié [Adresse 2],
2°/ à la société Compagnie des 2l, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5],
3°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Panetta, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de la société Etablissements ASC, de la SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, avocat de M. [G], après débats en l'audience publique du 25 mars 2025 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Panetta, conseiller rapporteur, M. Seguy, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la société Etablissements ASC du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Compagnie des 2l.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 novembre 2022), M. [G] a été engagé en qualité de laborantin, le 19 septembre 1983, par la société Pellorce et Jullien, nouvellement dénommée la société Compagnie des 2l et au dernier état de la relation contractuelle, il occupait le poste de responsable de fabrication marrons, agent de maîtrise, et exerçait ses fonctions dans des locaux de fabrication situés à [Localité 4] (91).
3. Le 31 janvier 2018, la société Pellorce et Jullien a cédé à la société Etablissements ASC (la société), la branche de son activité où était affecté le salarié dont le contrat de travail a été poursuivi par la société cessionnaire.
4. Le contrat de travail a été rompu le 12 avril 2018, à l'issue du délai de réflexion dont il disposait, après son adhésion, le 3 avril 2018, au contrat de sécurisation professionnelle qui lui avait été proposé.
5. Contestant cette rupture, le salarié a saisi la juridiction prud'homale.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
6. La société fait grief à l'arrêt de dire le licenciement du salarié dénué de cause réelle et sérieuse, de la condamner à lui verser diverses sommes à titre de rappel d'indemnité de licenciement, à titre d'indemnité compensatrice de préavis, à titre de congés payés afférents, et à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de lui ordonner le remboursement à Pôle emploi des indemnités de chômage versées au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé du jugement, dans la limite de quatre mois des indemnités versées sous déduction de la contribution par elle versée à Pôle emploi pour financer le contrat de sécurisation professionnelle et de lui enjoindre de produire au salarié un bulletin de salaire récapitulatif, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conformes à l'arrêt, alors « que le juge, qui doit respecter le principe du contradictoire, ne peut relever d'office un moyen sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations sur ce point ; qu'en l'espèce, M. [G] n'a jamais soutenu, dans ses écritures reprises oralement à l'audience, que la société Etablissements ASC aurait dû lui envoyer une lettre de licenciement l'informant du motif économique de son licenciement ; la cour d'appel, qui a néanmoins retenu que l'employeur "ne justifie pas lui avoir adressé au moins dans les sept jours de l'entretien préalable une lettre de licenciement indiquant les raisons l'ayant conduit à décider de la modification du contrat de travail et le fait que le licenciement intervient à la suite de son refus de voir le contrat modifié" pour juger le licenciement de M. [G] sans cause réelle et sérieuse, sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations sur ce moyen qu'elle a relevé d'office, a violé l'article 16 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 16 du code de procédure civile :
7. Aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
8. Pour dire le licenciement non fondé, l'arrêt relève d'abord que selon l'article L. 1235-15 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, lorsque l'employeur décide de licencier un salarié pour motif économique, qu'il s'agisse d'un licenciement individuel ou inclus dans un licenciement de moins de dix salariés dans une même période de dix jours, il lui notifie le licenciement par lettre recommandée avec accusé de réception. Cette lettre ne peut être expédiée moins de sept jours ouvrables à compter de la date prévue de l'entretien préalable de licenciement auquel le salarié a été convoqué.
9. Il constate ensuite, que la société a convoqué le salarié à un entretien préalable le 9 mars 2018, l'entretien a eu lieu le 22 mars 2018, il lui a proposé des postes au titre de son obligation de reclassement le 29 mars 2018, le salarié a accepté le contrat de sécurisation professionnelle le 3 avril 2018 et a reçu le solde de tout compte le 12 avril 2018.
10. Il en déduit que la société qui a licencié le salarié pour motif économique ne justifie pas lui avoir adressé au moins dans les sept jours de l'entretien préalable une lettre de licenciement indiquant les raisons l'ayant conduit à décider de la modification du contrat de travail et le fait que le licenciement intervient à la suite de son refus de voir le contrat modifié.
11. En statuant ainsi, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur le moyen relevé d'office tiré de l'application de l'article L. 1235-15 du code du travail, quand le contrat de travail avait été rompu par l'acceptation par le salarié du contrat de sécurisation professionnelle, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Soc. 6 mai 2025 n° 23-18.711
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 6 mai 2025
Rejet
Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 438 F-D
Pourvoi n° P 23-18.711
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 MAI 2025
La société Nestlé Health Science France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° P 23-18.711 contre l'arrêt rendu le 17 mai 2023 par la cour d'appel de Caen (1re chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. [M] [C], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Seguy, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société Nestlé Health Science France, après débats en l'audience publique du 25 mars 2025 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Seguy, conseiller rapporteur, M. Redon, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Dumont, greffier de chambre,
La chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3 alinéa 2 du code de l'organisation judiciaire, des présidents et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Caen,17 mai 2023) et les productions, M. [C] a été engagé en qualité de technicien de maintenance, le 21 mars 2017, par la société Nestlé Health Science France (la société).
2. Licencié pour faute grave par lettre du 6 juillet 2020, il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande principale en annulation de son licenciement, d'une demande subsidiaire en contestation de la rupture de son contrat de travail ainsi que d'une demande en dommages-intérêts pour harcèlement moral.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. La société fait grief à l'arrêt de juger le licenciement du salarié dépourvu de cause réelle et sérieuse, de la condamner à lui payer des sommes au titre du salaire de la mise à pied conservatoire, de l'indemnité de préavis, des congés payés afférents, de l'indemnité de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de lui ordonner de remettre divers documents, de la condamner à rembourser à Pôle emploi les allocations de chômage versées, dans la limite de trois mois, alors « que le principe de la liberté de la preuve en matière prud'homale permet la prise en compte de témoignages anonymes lorsqu'il ne s'agit pas des seuls éléments produits ; que lorsque des salariés ont été auditionnés lors d'une enquête interne, les comptes-rendus d'audition des salariés dont le nom a été occulté dans le rapport d'enquête dans un souci de protection ne peuvent donc être écartés sans examen par le juge ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société Nestlé Health Science a produit l'enquête interne qu'elle a diligentée, lors de laquelle divers salariés ont été entendus et dont les propos sont reproduits dans des comptes-rendus ; que la cour d'appel a estimé que seuls pouvaient être retenus les comptes-rendus portant sur l'audition de salariés identifiés, que ceux portant sur l'audition de personnes dont le nom a été occulté ne pouvaient pas être retenus et que seulement trois auditions étaient ''utilisables'' ; qu'en statuant ainsi, cependant que tous les comptes-rendus d'auditions mentionnés dans le rapport d'enquête constituaient des éléments de preuve recevables, que le nom des salariés soit identifié ou qu'il ait été occulté dans un souci de protection comme l'a souligné l'employeur, la cour d'appel a violé les articles 201 et suivants du code de procédure civile, ensemble le principe selon lequel la preuve est libre en matière prud'homale. »
Réponse de la Cour
5. Aux termes de l'article L. 1152-2 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
6. En vertu de l'article L. 1152-3 du même code, toute rupture de contrat de travail intervenue en méconnaissance des articles L. 1152-1 et L. 1152-2 du code précité, toute disposition contraire ou tout acte contraire est nul. Il s'en déduit que le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu'il dénonce.
7. L'arrêt constate, d'une part, que le salarié a été licencié, notamment, pour avoir dénoncé de mauvaise foi des faits de harcèlement moral de la part de son responsable hiérarchique et, d'autre part, qu'il ne peut être retenu que cette dénonciation a été faite de mauvaise foi.
8. Il en résulte que le licenciement est nul sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres griefs invoqués par l'employeur pour vérifier l'existence d'une cause réelle et sérieuse.
9. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée en ce qu'elle juge le licenciement non fondé.
Soc. 6 mai 2025 n° 24-12.531
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 6 mai 2025
Cassation partielle
Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 444 F-D
Pourvoi n° S 24-12.531
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 MAI 2025
M. [X] [V], domicilié [Adresse 5], a formé le pourvoi n° S 24-12.531 contre l'arrêt rendu le 22 novembre 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 4), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [I] [J], domiciliée [Adresse 2], prise en qualité de mandataire liquidateur de la société Agence unité sécurité privée,
2°/ à la société AIS Protect, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],
3°/ à la société Le Terroir, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 6],
4°/ à l'association Unédic délégation AGS IDF Est, dont le siège est [Adresse 1],
5°/ au syndicat Sud solidaires - prévention et sécurité sûreté, dont le siège est [Adresse 4],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Redon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de M. [V], après débats en l'audience publique du 25 mars 2025 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Redon, conseiller référendaire rapporteur, M. Seguy, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 novembre 2023), M. [V] a été engagé en qualité d'agent de sécurité incendie par la société AUSP à compter du 18 mars 2013. Il était en dernier lieu affecté à la surveillance d'une tour de grande hauteur dont la société Le Terroir est le syndic.
2. La société AUSP a été placée en redressement judiciaire par décision du 5 janvier 2017, puis en liquidation judiciaire par décision du 23 juin 2017, Mme [J] étant désignée en qualité de liquidatrice.
3. Le marché de surveillance a été repris par la société AIS protect ultérieurement.
4. Le 20 juillet 2017, le salarié a été licencié pour motif économique.
5. Contestant cette rupture, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes dirigées notamment contre le liquidateur de la société sortante et contre la société entrante.
Examen des moyens
Sur le second moyen
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
7. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de l'ensemble de ses demandes tendant à la fixation au passif de la liquidation judiciaire de l'entreprise sortante des sommes au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, du préjudice moral, de rappel de salaires et des congés payés y afférents, alors « que le transfert des contrats de travail prévu par l'accord du 5 mars 2002 applicable aux personnels rattachés à la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité ne s'opère pas de plein droit et est subordonné à l'accomplissement des diligences prescrites par cet accord ; que l'article 2.3.1 de l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002 prévoit notamment que l'entreprise sortante adresse aux salariés concernés un courrier les informant qu'ils sont susceptibles d'être transférés et que ce courrier doit obligatoirement mentionner la date à laquelle l'entreprise entrante s'est fait connaître à l'entreprise sortante ainsi que la date prévisionnelle du transfert ; que le manquement de l'entreprise sortante, qui a pris l'initiative de la rupture du contrat sans respecter les diligences mises à sa charge par l'accord du 5 mars 2002, est de nature à priver le licenciement de cause réelle et sérieuse lorsque cette carence a fait obstacle au changement d'employeur ; qu'en l'espèce, pour juger le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a considéré que la rupture était valablement motivée par la cessation d'activité de la société AUSP, le prétendu refus du transfert étant mentionné uniquement pour justifier la nécessité d'un licenciement qui aurait été inutile en cas de transfert du contrat à un nouvel employeur ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le mandataire liquidateur de la société AUSP, entreprise sortante, avait respecté ses obligations conventionnelles en lui adressant un courrier l'informant qu'il était susceptible d'être transféré et mentionnant la date à laquelle l'entreprise entrante s'est fait connaître à l'entreprise sortante ainsi que la date prévisionnelle du transfert, un tel manquement étant de nature à priver le licenciement de toute cause réelle et sérieuse dès lors que, de ce fait, le salarié n'avait pas été mis en mesure de manifester son accord au transfert, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2.3.1 de l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 2.3.1 de l'avenant du 28 janvier 2011, étendu par arrêté du 29 novembre 2012, à l'accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel annexé à la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985, applicable à compter du 1er février 2013 :
8. Selon, ce texte, dans les 10 jours ouvrables à compter de la date où l'entreprise entrante s'est fait connaître, l'entreprise sortante adresse par courrier recommandé à l'entreprise entrante la liste du personnel transférable selon les critères visés à l'article 2.2 de l'accord. En parallèle, l'entreprise sortante adresse aux salariés concernés un courrier les informant qu'ils sont susceptibles d'être transférés. Ce courrier doit obligatoirement mentionner la date à laquelle l'entreprise entrante s'est fait connaître à l'entreprise sortante ainsi que la date prévisionnelle du transfert. Elle informe également par courrier le comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel, de ce transfert ainsi que des dates précédemment mentionnées, en y joignant copie du courrier de l'entreprise entrante et en lui communiquant les éléments permettant de circonscrire le périmètre sortant en termes d'effectifs. Passé le délai de 10 jours et après mise en demeure par l'entreprise entrante par lettre recommandée avec avis de réception, restée sans suite dans les 48 heures ouvrables, celle-ci pourra refuser de reprendre le personnel qui restera alors au sein de l'entreprise sortante.
9. Il en résulte que le transfert des contrats de travail prévu par l'accord du 28 janvier 2011 étant subordonné à l'accomplissement des diligences prescrites par cet accord, le salarié licencié en méconnaissance de ce dispositif conventionnel relatif aux conditions de transfert du personnel qui s'imposent à l'entreprise entrante (nouveau titulaire du marché), à l'entreprise sortante (ancien titulaire du marché) et à l'ensemble du personnel concerné, peut, à son choix, demander au repreneur, nonobstant le licenciement dont il a fait l'objet lors de la perte du marché, la reprise de son contrat de travail ou demander à l'entrepreneur sortant qui a pris l'initiative de la rupture du contrat la réparation du préjudice en résultant.
10. Pour dire que le licenciement reposait sur un cause réelle et sérieuse, et débouter le salarié de ses demandes de ce chef, l'arrêt énonce que la cessation d'activité de l'entreprise constitue un motif autonome de licenciement économique, et que selon la lettre de rupture, contrairement à ce que soutenait le salarié, son licenciement par le liquidateur de l'entreprise sortante est motivé non pas par son refus du transfert mais par la cessation d'activité de l'entreprise sortante, le prétendu refus du transfert étant mentionné uniquement pour justifier la nécessité d'un licenciement qui aurait été inutile en cas de transfert du contrat à un nouvel employeur.
11. Il ajoute que la cessation d'activité n'était pas contestée, et qu'elle ressort en tout état de cause de la décision de liquidation judiciaire.
12. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que la société AIS Protect avait repris le marché sur lequel était affecté le salarié et qu'il n'était pas contesté que celui-ci remplissait les conditions pour être repris par le nouveau titulaire du marché, sans vérifier que le salarié n'avait pas été licencié en méconnaissance du dispositif conventionnel et notamment sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le liquidateur de l'entreprise sortante avait respecté ses obligations conventionnelles à l'égard du salarié, en lui adressant un courrier l'informant qu'il était susceptible d'être transféré et mentionnant la date à laquelle l'entreprise entrante s'était fait connaître ainsi que la date prévisionnelle du transfert, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Portée et conséquences de la cassation
13. Le premier moyen ne formulant aucune critique contre les motifs de l'arrêt fondant la décision de débouter le salarié des ses demandes tendant à la fixation au passif de la liquidation judiciaire de la société, de sommes à titre de rappel de salaire et de dommages-intérêts pour rupture vexatoire, la cassation ne peut s'étendre à ces chefs de dispositifs de l'arrêt qui ne sont pas dans un lien de dépendance avec les dispositions de l'arrêt critiquées par ce moyen.
Soc. 6 mai 2025 n° 24-11.292
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC. / ELECT
JL10
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 6 mai 2025
Cassation partielle
M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 482 F-D
Pourvoi n° V 24-11.292
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 MAI 2025
Le syndicat national Spectacles communication sports et loisirs, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 24-11.292 contre le jugement rendu le 12 janvier 2024 par le tribunal judiciaire de Paris (contentieux des élections professionnelles), dans le litige l'opposant à la société Astoria sécurité, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ollivier, conseiller référendaire, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat du syndicat national Spectacles communication sports et loisirs, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Astoria sécurité, après débats en l'audience publique du 26 mars 2025 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ollivier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Ott, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Paris, 12 janvier 2024), par courrier électronique du 5 février 2023, M. [U], qui a été désigné en qualité de représentant de section syndicale le 15 février 2021 par le syndicat national Spectacles communication sports et loisirs (le syndicat SNS), a sollicité la tenue des élections professionnelles au sein de la société Astoria sécurité (la société).
2. Par courrier électronique du 6 février 2023, la société lui a répondu que les élections professionnelles s'étaient tenues au mois d'avril 2022.
3. Par requête du 20 septembre 2023 reçue au greffe le 21 septembre suivant, le syndicat a saisi le tribunal judiciaire afin notamment d'annuler les élections qui auraient pu se dérouler au sein de la société au mois d'avril 2022, d'ordonner la convocation du syndicat SNS, des syndicats ayant une section syndicale et des syndicats représentatifs dans l'entreprise à la négociation du protocole d'accord préélectoral sous astreinte, d'ordonner la tenue et l'organisation des élections professionnelles sous un maximum de trois mois à compter de la décision à intervenir sous astreinte et de condamner la société au paiement de dommages-intérêts pour refus d'organiser des élections professionnelles.
Examen des moyens
Sur le second moyen
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en ses troisième et cinquième branches, en ce qu'il fait grief au jugement de constater que le syndicat SNS est forclos en son action relative à l'annulation des élections au CSE s'étant tenues les 14 et 29 avril 2022
Enoncé du moyen
5. Le syndicat SNS fait grief au jugement de constater qu'il est forclos en son action relative à l'annulation des élections au CSE s'étant tenues les 14 et 29 avril 2022, alors :
« 3°/ que le point de départ du délai de quinze jours pour contester la régularité d'une élection est la proclamation des résultats ; qu'en se fondant sur des courriels adressés par l'employeur au syndicat SNS les 6 et 22 février 2023 pour dire ce syndicat forclos en son action, le tribunal judiciaire a violé l'article R. 2314-24 du code du travail ;
5°/ qu'en se bornant à retenir que deux salariés ''affirment avoir assisté à la proclamation des résultats'' cependant qu'il lui appartenait de préciser la forme que cette proclamation aurait prise, son auteur, son contenu et sa date, ce qu'il n'a pas fait, le tribunal judiciaire a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 2314-24 du code du travail et de l'article R. 67 du code électoral. »
Réponse de la Cour
Vu l'article R. 67 du code électoral et l'article R. 2314-24, alinéa 4, du code du travail :
6. Aux termes du premier de ces textes, immédiatement après la fin du dépouillement, le procès-verbal des opérations électorales est rédigé par le secrétaire dans la salle de vote, en présence des électeurs. Il est établi en deux exemplaires, signés de tous les membres du bureau. Les délégués des candidats, des binômes de candidats ou des listes en présence sont obligatoirement invités à contresigner ces deux exemplaires. Dès l'établissement du procès-verbal, le résultat est proclamé en public par le président du bureau de vote et affiché en toutes lettres par ses soins dans la salle de vote.
7. Aux termes du second de ces textes, lorsque la contestation porte sur la régularité de l'élection ou sur la désignation de représentants syndicaux, la requête n'est recevable que si elle est remise ou adressée dans les quinze jours suivant cette élection ou cette désignation.
8. Il en résulte que le délai de quinze jours pour contester la régularité des élections ne court qu'à compter de la proclamation des résultats.
9. Pour dire que le syndicat SNS est forclos en son action tendant à l'annulation des élections au CSE s'étant tenues les 14 et 29 avril 2022, le jugement retient, d'une part, que la société produit les procès-verbaux des élections et les témoignages de deux salariés qui affirment avoir assisté à la proclamation des résultats, d'autre part, que bien que la société ne précise pas les modalités selon lesquelles les résultats auraient été diffusés, il est établi que le syndicat SNS a eu connaissance par courrier électronique du 6 février 2023 de la tenue des élections au mois d'avril 2022 puis, par lettre du 22 février 2023, de la liste des élus.
10. Il en déduit qu'en saisissant le tribunal judiciaire le 21 septembre 2023, soit six mois plus tard, le syndicat n'a pas saisi le tribunal dans le délai de quinze jours, de sorte que son action est forclose.
11. En statuant ainsi, après avoir constaté que la société n'établissait pas la date à laquelle les résultats du scrutin avaient été proclamés, ce dont il résultait que le délai de recours contentieux n'avait pas commencé à courir, le tribunal judiciaire a violé les textes susvisés.
Et sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches, en ce qu'il fait grief au jugement de débouter le syndicat SNS de ses demandes tendant à déclarer irrégulières et de nul effet les « élections » qui auraient pu se dérouler au sein de la société défenderesse en avril 2022, à ordonner la convocation du syndicat SNS, des syndicats ayant une section syndicale et des syndicats représentatifs dans l'entreprise à la négociation du protocole d'accord préélectoral et ce sous astreinte, à ordonner la tenue et l'organisation des élections professionnelles sous un maximum de 3 mois à compter de la décision à intervenir et ce sous astreinte, et en paiement de dommages-intérêts pour refus d'organiser des élections professionnelles
Enoncé du moyen
12. Le syndicat SNS fait grief au jugement de le débouter de ses demandes tendant à déclarer irrégulières et de nul effet les « élections » qui auraient pu se dérouler au sein de la société défenderesse en avril 2022, à ordonner la convocation du syndicat SNS, des syndicats ayant une section syndicale et des syndicats représentatifs dans l'entreprise à la négociation du protocole d'accord préélectoral et ce sous astreinte, à ordonner la tenue et l'organisation des élections professionnelles sous un maximum de 3 mois à compter de la décision à intervenir et ce sous astreinte, et en paiement de dommages-intérêts pour refus d'organiser des élections professionnelles, alors :
« 1°/ qu'excède ses pouvoirs le juge qui, après avoir constaté que la demande est atteinte d'une cause d'irrecevabilité, statue néanmoins au fond de ce chef et en déboute son auteur ; que la demande atteinte par la forclusion, qui constitue une fin de non-recevoir, doit être déclarée irrecevable sans examen au fond ; qu'en déboutant l'exposant de ses demandes afférentes à l'annulation des élections après avoir constaté qu'il était forclos en son action, ce qui excluait tout examen au fond et a fortiori le débouté, le tribunal judiciaire a excédé ses pouvoirs et violé l'article 122 du code de procédure civile ;
2°/ qu'en déboutant le syndicat exposant de sa demande d'annulation des élections et de ses demandes subséquentes sans donner aucun motif à sa décision de ces chefs, le tribunal judiciaire a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 122 du code de procédure civile :
13. Aux termes du texte susvisé, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
14. Il résulte de ce texte qu'une juridiction qui décide que la demande dont elle est saisie est irrecevable excède ses pouvoirs en statuant au fond.
15. Pour débouter le syndicat SNS de ses demandes d'annulation des élections et des demandes subséquentes, le jugement retient que celui-ci n'a pas saisi le tribunal judiciaire dans le délai de quinze jours, de sorte que son action est forclose.
16. En déboutant le syndicat SNS de ses demandes après les avoir déclarées irrecevables, le tribunal, qui a excédé ses pouvoirs, a violé le texte susvisé.
Soc. 6 mai 2025 n° 20-11.889
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 6 mai 2025
Cassation
Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 459 F-D
Pourvoi n° M 20-11.889
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 MAI 2025
1°/ L'AGS, dont le siège est [Adresse 4], [Localité 7],
2°/ l'UNEDIC, dont le siège est [Adresse 4], [Localité 7], association déclarée, agissant en qualité de gestionnaire de l'AGS, en application de l'article L. 3253-14 du code du travail, élisant domicile au Centre de gestion et d'études AGS-CGEA de [Localité 8], sis [Adresse 5], [Localité 8]
ont formé le pourvoi n° M 20-11.889 contre l'arrêt rendu le 27 novembre 2019 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale A), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [R] [F], domicilié [Adresse 2], [Localité 1],
2°/ à la société Martin, société d'exercice libéral à responsabilité limitée unipersonnel, dont le siège est [Adresse 3], [Localité 6], prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société Med Clean France, venant aux droits de M. [J] [O],
défendeurs à la cassation.
La société Martin a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Les demanderesses au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Panetta, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de l'AGS et de l'UNEDIC, de la SCP Françoise Fabiani-François Pinatel, avocat de M. [F], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Martin, ès qualités, après débats en l'audience publique du 25 mars 2025 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Panetta, conseiller rapporteur, M. Seguy, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon , 27 novembre 2019), M. [F] a été engagé en qualité de chauffeur collecteur par la société Tecmed environnement, devenue Med Clean France (la société) à compter du 1er octobre 2007, et exerçait en dernier lieu les fonctions de responsable d'équipe.
2. Cette société a été mise en redressement judiciaire le 30 mars 2015, la société [K]-[S]-[Y] et associés, étant désignée en qualité d'administrateur judiciaire avec les pouvoirs d'assister le débiteur dans tous les actes concernant la gestion.
3. Par lettre du 26 juin 2015, le salarié a été licencié pour faute grave, sans l'assistance de l'administrateur judiciaire.
4. Le 22 juillet 2015, le salarié a saisi la juridiction prud'homale afin de contester son licenciement et solliciter la fixation au passif de la liquidation judiciaire de la société de diverses sommes au titre des indemnités de rupture et du remboursement de frais professionnels.
5. Le 2 octobre 2015, la société a été mise en liquidation judiciaire, M. [O] ayant été désigné initialement en qualité de liquidateur, a été remplacée par la société Martin.
Examen des moyens
Sur le premier moyen du pourvoi incident, pris en sa deuxième branche, en qu'il fait grief à l'arrêt de condamner le liquidateur à payer une somme au titre des frais professionnels
Enoncé du moyen
6. Le liquidateur, ès qualités, fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié une somme au titre de ses frais professionnels, alors « que le jugement d'ouverture suspend ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance a son origine antérieurement audit jugement et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ; qu'en l'espèce, il était constant, conformément aux mentions de l'arrêt attaqué, que la société Med Clean France avait fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire à compter du 30 mars 2015 puis d'une liquidation à compter du 2 octobre suivant ; qu'en condamnant M. [O], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Med Clean France, à payer une somme au salarié au titre de ses frais professionnels engagés au cours d'une période antérieure commençant le 1er décembre 2014, le salarié ayant saisi le conseil de prud'hommes le 22 juillet 2015, quand ces sommes ne pouvaient qu'être fixées au passif de la procédure collective, la cour d'appel a violé les articles L. 621-24 et L. 621-40 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 622-7 et L. 622-21, I, du code de commerce, rendus applicables au redressement judiciaire par l'article L. 631-14 du même code :
7. Selon le premier de ces textes, le jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire emporte de plein droit interdiction de payer toute créance née antérieurement à ce jugement d'ouverture à l'exception du paiement par compensation de créances connexes . Il emporte également, de plein droit, interdiction de paiement de toute créance née après le jugement d'ouverture non mentionnée au I de l'article L. 622-17 du code de commerce.
8. Aux termes du deuxième, le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent.
9. Pour condamner le liquidateur à payer une somme au salarié en remboursement de ses frais professionnels engagés au cours de la période antérieure au jugement d'ouverture du redressement judiciaire de la société et dire que la décision était opposable au CGEA de [Localité 8] et que l'AGS devait procéder à l'avance de cette créance, l'arrêt retient que le salarié en avait justifié auprès de son employeur par la production des originaux de ses factures.
10. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la société avait été mise en redressement judiciaire le 30 mars 2015, de sorte que la créance du salarié au titre des frais professionnels engagés par lui au cours de la période allant du 1er décembre 2014 au 29 mars 2015 était née antérieurement au jugement d'ouverture du redressement judiciaire de l'employeur, la cour d'appel, en condamnant la société au paiement d'une somme à ce titre au salarié, a violé les textes susvisés.
Sur le moyen du pourvoi principal de l'AGS et de l'UNEDIC CGEA de [Localité 8], pris en sa deuxième branche et le second moyen du pourvoi incident du liquidateur, pris en sa première branche, réunis
Enoncé des moyens
11. L'AGS, l'UNEDIC CGEA de [Localité 8] font grief à l'arrêt de dire que le licenciement notifié le 26 juin 2015 par la société, sans l'assistance de l'administrateur judiciaire nommé le 30 mars 2015, est sans cause réelle et sérieuse, de condamner le liquidateur, ès qualités, à payer au salarié certaines sommes au titre de l'indemnité de préavis et des congés payés afférents, de l'indemnité légale de licenciement et des dommages-intérêts pour rupture abusive, de dire la décision opposable au CGEA de [Localité 8], de dire que l'AGS devra procéder à l'avance des créances, alors « que le licenciement disciplinaire prononcé sans le concours de l'administrateur judiciaire chargé d'assister le débiteur pour tous les actes de gestion est, à défaut de ratification, inopposable à la procédure collective et inopposable à l'AGS ; que la cour d'appel a constaté que, dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire de la société Med Clean France ouverte par un jugement du tribunal de commerce de Lyon du 30 mars 2015, l'administrateur désigné avait pour mission d'assister le débiteur dans tous les actes concernant sa gestion ; que la cour d'appel a constaté que le licenciement de M. [F] lui avait été notifié par lettre du 26 juin 2015, soit postérieurement à la désignation de M. [K] en qualité d'administrateur, et que s'agissant d'un acte ne relevant pas de la gestion courante de l'entreprise, il appartenait à la société Med Clean France de prononcer ce licenciement avec le concours de l'administrateur, ce qu'elle n'avait pas fait ; qu'en refusant cependant de déclarer le licenciement de M. [F] inopposable à la procédure collective et à l'AGS par une motivation inopérante selon laquelle l'inopposabilité exonérerait l'employeur de sa propre faute, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 622-3 et L. 631-12 du code de commerce. »
12. Le liquidateur, ès qualités, fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié des sommes au titre de l'indemnité de préavis et des congés payés afférents, de l'indemnité légale de licenciement et des dommages-intérêts pour rupture abusive et de le condamner, ès qualités, aux dépens et au paiement d'une somme au titre de l'article 700, alors : « que le licenciement disciplinaire prononcé sans le concours de l'administrateur judiciaire chargé d'assister le débiteur pour tous les actes de gestion est, à défaut de ratification, inopposable à la procédure collective ; que la cour d'appel a constaté que, dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire de la société Med Clean France ouverte par un jugement du tribunal de commerce de Lyon du 30 mars 2015, l'administrateur désigné, M. [K], avait pour mission d'assister le débiteur dans tous les actes concernant sa gestion ; que la cour d'appel a encore retenu que le licenciement de M. [F] lui avait été notifié par lettre du 26 juin 2015, soit postérieurement à la désignation de M. [K] en qualité d'administrateur, sans que ce dernier soit associé à la procédure de licenciement, ni qu'il l'ait ratifiée ultérieurement ; qu'en refusant cependant de déclarer le licenciement de M. [F] inopposable à la procédure collective et à l'AGS, au prétexte que l'inopposabilité exonérerait l'employeur de sa propre faute, la cour d'appel a violé les articles L. 622-3 et L. 631-12 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 622-3, L. 631-12 et L. 631-14 du code de commerce :
13. Le licenciement pour motif personnel prononcé par le débiteur sans le concours de l'administrateur judiciaire chargé de l'assister pour tous les actes de gestion, qui n'a pas été ratifié par ce dernier, est inopposable à la procédure collective et par conséquent à l'AGS.
14. Après avoir constaté que le licenciement du salarié avait été notifié le 26 juin 2015 par le directeur général de la société, soit postérieurement à la désignation de l'administrateur judiciaire, sans le concours de celui-ci ni ratification de cet acte de sa part, et retenu exactement qu'il s'agissait d'un acte ne relevant pas de la gestion courante de l'entreprise, l'arrêt considère que l'inopposabilité du licenciement pour motif personnel aux organes de la procédure, porte une atteinte majeure aux intérêts du salarié qui est un acteur de la procédure de redressement judiciaire en sa qualité de créancier privilégié dès lors que la créance de salaires et de ses accessoires bénéficie d'un régime de faveur par opposition aux autres créanciers chirographaires d'un débiteur faisant l'objet d'une procédure collective. Il retient en outre que cette inopposabilité du licenciement aux organes de la procédure collective équivaut à exonérer l'employeur débiteur, objet de la procédure, des conséquences de sa propre faute dès lors que la créance postérieure du salarié, née irrégulièrement, ne pouvant être payée pendant la procédure, le salarié ne pourra être payé qu'après désintéressement des créanciers de la procédure, ce qui revient à le priver de toute possibilité effective de recouvrer les sommes lui étant dues, le paiement par la société en état de liquidation judiciaire étant illusoire, et l'inopposabilité litigieuse lui faisant perdre la garantie de l'AGS.
15. Il en déduit que, compte tenu de ces éléments le licenciement pour motif personnel prononcé sans l'administrateur judiciaire et non ratifié tacitement par ce dernier, est un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et qu'en application des dispositions de l'article L. 3253-8 du code du travail, l'AGS garantit les créances résultant de la rupture du contrat de travail intervenant pendant la période d'observation.
16. En statuant ainsi, alors que le licenciement prononcé par le débiteur sans le concours de l'administrateur chargé de l'assister pour tous les actes de gestion était inopposable à la procédure collective et conservait tous ses effets entre les parties, de sorte qu'il lui appartenait d'apprécier la réalité et le sérieux du motif invoqué dans la lettre de licenciement, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Crim. 6 mai 2025 n° 24-85.007 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° V 24-85.007 FS-B
N° 00477
ODVS 6 MAI 2025
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 6 MAI 2025
M. [N] [Z]-[Y] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai, en date du 15 mai 2024, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'importation de stupéfiants et blanchiment, en bande organisée, infractions à la législation sur les stupéfiants, associations de malfaiteurs, blanchiment, en récidive, et abus de biens sociaux, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure.
Par ordonnance du 14 octobre 2024, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Thomas, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [N] [Z]-[Y], et les conclusions de M. Dureux, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 11 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Thomas, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, MM. Cavalerie, Maziau, Seys, Dary, Mme Chaline-Bellamy, M. Hill, conseillers de la chambre, M. Violeau, Mme Merloz, M. Pradel, conseillers référendaires, M. Dureux, avocat général référendaire, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Mis en examen des chefs susvisés le 21 janvier 2023, M. [N] [Z]-[Y] a, le 6 juillet suivant, déposé une requête en annulation d'actes et de pièces de la procédure.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
3. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en nullité formée par le demandeur, a dit n'y avoir lieu à annulation d'actes ou pièces de la procédure, a constaté que la procédure est régulière et a ordonné le retour du dossier au juge d'instruction saisi, alors « que, le juge d'instruction est saisi de manière irrévocable des faits qui sont contenus dans le réquisitoire introductif, ou dans ses pièces jointes ; qu'en conséquence, les faits dont est saisi le juge d'instruction ne peuvent donner lieu ni à l'ouverture, ni à la poursuite d'investigations parallèles dans le cadre d'une enquête qui serait menée sous le contrôle du parquet, ni a fortiori à l'ouverture d'une nouvelle information judiciaire ; qu'au cas d'espèce, l'exposant faisait valoir que par un réquisitoire introductif en date du 28 mai 2020, visant expressément divers procès-verbaux d'investigations réalisés par les enquêteurs du C3N et portant sur l'identification des utilisateurs « [4] », « [8] » ou encore « [10] » sur le service de messagerie cryptée « [3] », auteurs supposés d'un trafic de stupéfiants, une information judiciaire (JIRSAC20/5) a été ouverte et le juge d'instruction de la JIRS de Lille a été irrévocablement saisi de ces faits, or il ressort d'un soit-transmis en date du 27 avril 2020, que les enquêteurs du C3N ont poursuivi les investigations relatives à ce même trafic et visant ces mêmes utilisateurs, jusqu'à l'ouverture d'une seconde information judiciaire, laquelle constitue la présente procédure, en violation de l'irrévocabilité de la saisine du premier juge d'instruction ; qu'en retenant, pour rejeter le moyen d'annulation tiré de ce chef, d'une part qu'« il en ressort [des réquisitoires introductifs et supplétifs de la première information] que si les chefs d'infractions poursuivies comportent des qualifications similaires - importation de stupéfiants en bande organisée, trafic de stupéfiants, blanchiment aggravé, association de malfaiteurs ? -, le réquisitoire introductif pris le 28 mai 2020 dans l'information distincte JIRSAC20/5 a également saisi le magistrat instructeur d'infractions en matière de matériel de guerre, armes et munitions de catégories A ou B, ainsi qu'en matière de cryptologie, et vise des faits commis de courant 2017 jusqu'au 28 mai 2020 et depuis temps, non prescrit, à [Localité 7], sur le ressort de la JIRS de Lille, en tout cas sur le territoire national et de manière indivisible avec des faits commis notamment au Canada, en République Dominicaine, en Espagne, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni, en Allemagne, à [Localité 5], au Panama. Le réquisitoire supplétif complète la période de saisine du 29 mai 2020 au 6 juillet 2021 (D1500/4) », d'autre part qu'« ainsi, l'information JIRSAC20/5 vise le démantèlement de l'architecture du réseau criminel [3] destiné au trafic de stupéfiants, au trafic d'armes, et au blanchiment, ainsi que de ses ramifications dans le monde, la compétence de [Localité 7] et du ressort de la JIRS découlant du lieu d'implantation du serveur. En revanche, le réquisitoire introductif pris le 28 avril 2021 dans la présente information a saisi le magistrat instructeur de faits commis de courant mars 2020 au 26 avril 2021 à [Localité 6], dans le département du Nord, sur le ressort de la JIRS de [Localité 6], en tout cas sur le territoire national et depuis temps non prescrit, en connexité et de manière indivisible en Belgique et aux Pays-Bas (D123). L'information porte sur le démantèlement de l'un des trafics de stupéfiants mis à jour par les données [3], dont les protagonistes et le lieu de commission sont basés à [Localité 6] et dans le Nord » pour déduire que « les deux informations ouvertes sur la base de l'enquête préliminaire dont sont extraites les pièces arguées de nullité visant des faits parfaitement distincts, n'est en conséquence caractérisée aucune atteinte à la régularité de la saisine du magistrat instructeur » quand la saisine initiale (JIRSAC20/5) visait bien des faits de trafic de stupéfiants, précisément identifiés dans les pièces jointes du réquisitoire introductif du 28 mai 2020, ayant donné lieu à l'ouverture de la présente information judiciaire, et qu'il était parfaitement inopérant que la première saisine ne porte pas seulement sur ces faits de trafic de stupéfiants mais plus généralement sur diverses formes de trafics liées à l'utilisation du système « [3] », la chambre de l'instruction, qui a dénaturé les éléments de la procédure en sa possession, et en particulier le réquisitoire introductif du 28 mai 2020 et les pièces-jointes de celui-ci, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 80, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
4. Pour rejeter le moyen de nullité du soit-transmis du 27 avril 2020, de l'enquête du centre de lutte contre les criminalités numériques (C3N) et de l'information ouverte le 28 avril 2021, l'arrêt attaqué énonce qu'une même procédure d'enquête peut donner lieu à des poursuites distinctes portant sur des faits distincts et qu'il résulte de l'examen des réquisitoires introductif et supplétif de la première information, versés au dossier, que la saisine, incluant des infractions à la législation sur les armes et en matière de cryptologie, a visé au démantèlement de l'architecture du réseau criminel [3] dédié aux trafics de stupéfiants et d'armes et au blanchiment, et de ses ramifications dans le monde, tandis que la saisine dans la seconde information a visé au démantèlement de l'un des trafics locaux découverts par l'examen des données captées sur le réseau [3].
5. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a, sans dénaturer les pièces de la procédure, justifié sa décision.
6. En effet, il résulte du soit-transmis du 27 avril 2020 que, avant toute saisine d'un juge d'instruction, le procureur de la République, exerçant les prérogatives de direction de l'action publique qui lui sont dévolues, a décidé de scinder les poursuites ainsi que l'a analysé la chambre de l'instruction et, par son réquisitoire introductif du 28 mai 2020, n'a pas saisi le premier juge d'instruction de la poursuite de la répression du trafic de stupéfiants en cours localement.
7. Par ailleurs, la saisine simultanée des deux juges d'instruction qui résulte du réquisitoire introductif du 28 avril 2021 pour la période allant de courant mars 2020 au 28 mai 2020 ne saurait entraîner la nullité de ce réquisitoire qui répond, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale.
8. En tout état de cause, une telle situation, à supposer qu'elle emporte des conséquences pour le requérant, ce qui n'est ni allégué ni démontré, se résout, au besoin, par la mise en oeuvre de procédures autres que celle de l'annulation des actes et pièces de la procédure d'information ouverte en second lieu.
9. Le moyen doit, dès lors, être écarté.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
10. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en nullité formée par le demandeur, a dit n'y avoir lieu à annulation d'actes ou pièces de la procédure, a constaté que la procédure est régulière et a ordonné le retour du dossier au juge d'instruction saisi, alors « que la date du réquisitoire est une mention substantielle de cet acte qui, seule, permet à la Cour de cassation de vérifier si les actes accomplis par le juge d'instruction l'ont été postérieurement à sa délivrance ; qu'au cas d'espèce, l'exposant faisait valoir qu'au terme d'une ordonnance de soit-transmis en date du 2 mai 2022, le juge d'instruction avait sollicité l'extension de sa saisine aux faits commis entre le 27 avril 2021 et le 2 mai 2022 ; que par une simple mention manuscrite non datée et apposée au bas de cette ordonnance, le parquet a requis « qu'il soit instruit supplétivement sur les faits susvisés commis du 27/04/2021 au 02/05/2022 » ; qu'en retenant, pour rejeter le moyen d'annulation tiré de ce chef, qu' « à la suite de l'ordonnance de soit-communiqué du magistrat instructeur du 2 mai 2022 aux fins d'extension de sa saisine, comportant les réquisitions supplétives visant des faits commis jusqu'au 2 mai 2022 (D262), le juge d'instruction a délivré aux enquêteurs de l'Office anti-stupéfiant OFAST de [Localité 6] un soit transmis daté du même jour 2 mai 2022 afin de les saisir sur la période de prévention étendue, en mentionnant : « Vu les réquisitions en date du 2 mai 2022 » (D463), éléments qui permettent d'établir de manière certaine que les réquisitions supplétives, bien que non datées, ont été prises par le parquet le 2 mai 2022, et que le réquisitoire supplétif satisfait donc aux conditions essentielles de son existence légale » quand la mention apposée par le juge d'instruction, au sein de sa commission rogatoire, se référant à un réquisitoire en date du 2 mai 2022, ne suffisait à établir que le réquisitoire supplétif non-daté ait bien été délivré à cette date, la chambre de l'instruction a statué par des motifs impropres à justifier sa décision et a violé les articles 80, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
11. Pour rejeter le moyen de nullité du réquisitoire supplétif non daté, l'arrêt attaqué énonce que, à la suite de l'ordonnance de soit-communiqué du juge d'instruction aux fins d'extension de saisine, datée du 2 mai 2022, sur laquelle ont été portées les réquisitions supplétives du procureur de la République visant des faits commis jusqu'à cette date, le magistrat a délivré aux enquêteurs, le même jour, un soit-transmis visant les « réquisitions en date du 2 mai 2022 » et les saisissant des faits commis jusqu'à cette même date.
12. Les juges en concluent que ces éléments établissent que le réquisitoire supplétif a été délivré le 2 mai 2022 et qu'en cet état, cet acte satisfait aux conditions essentielles de son existence légale.
13. En statuant ainsi, par des motifs propres à exclure toute ambiguïté sur la date à laquelle le réquisitoire supplétif a été délivré, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application des textes visés au moyen.
14. Celui-ci doit, dès lors, être écarté.
Sur le quatrième moyen
Enoncé du moyen
15. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en nullité formée par le demandeur, a dit n'y avoir lieu à annulation d'actes ou pièces de la procédure, a constaté que la procédure est régulière et a ordonné le retour du dossier au juge d'instruction saisi, alors « que toute personne est recevable à présenter un moyen de nullité tiré du détournement et du contournement de procédure que constitue le fait, pour un agent pénitentiaire, de retranscrire les conversations tenues lors d'un parloir auquel il n'avait le droit d'assister qu'aux fins d'assurer le bon ordre, la sécurité ou la prévention d'infractions ; qu'au cas d'espèce, l'exposant faisait valoir qu'un agent pénitentiaire avait adressé au chef d'établissement de la maison d'arrêt de [Localité 11] un courrier au sein duquel il retranscrivait la teneur des conversations échangées au parloir entre Monsieur [H] [L], détenu, et Madame [W] [I], venue lui rendre visite ; qu'en retenant, pour rejeter le moyen d'annulation tiré de ce chef, que « le surveillant pénitentiaire a établi un simple compte-rendu de propos entendus au cours d'une conversation qui s'est déroulée en sa présence sans aucun artifice ni stratagème de sa part puisque le détenu et son interlocutrice ont tenu ces propos dans un parloir, soit en toute connaissance de la présence au demeurant obligatoire, visible et évidente du surveillant. Les conditions dans lesquelles les propos ont été entendus ne sauraient donc être assimilées, comme il est soutenu par la défense, à une mesure consistant à contourner une procédure d'interception ou de sonorisation. Dès lors, en l'absence d'atteinte au principe de loyauté de la preuve par un détournement de procédure qui entacherait l'acte critiqué de nullité d'ordre public, la recevabilité de la demande en annulation de [N] [Z]-[Y] est subordonnée à la démonstration de son intérêt et de sa qualité à agir, outre la démonstration d'un grief qui lui aurait été causé, toutes conditions qui font défaut en l'espèce » quand le fait, pour un agent pénitentiaire d'utiliser sa présence au parloir - qui n'a vocation qu'à garantir la sécurité des échanges - aux fins d'établir a posteriori un compte-rendu des propos tenus, destinés à l'administration pénitentiaire ou aux enquêteurs constitue précisément un détournement de l'objet de sa mission aux fins de réaliser une mesure non-prévue par la loi et dont l'effet a été de contourner le formalisme légal applicable aux interceptions et sonorisations de parloir, la chambre de l'instruction a violé les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, R. 314-14 du code pénitentiaire, préliminaire, 428, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
16. Pour rejeter le moyen de nullité de la note d'un surveillant pénitentiaire adressée au chef d'établissement, l'arrêt attaqué énonce que cet agent a rendu compte de propos échangés entre un détenu et sa visiteuse, recueillis sans recours à un quelconque artifice ou stratagème de sa part, sa présence au parloir étant obligatoire, visible et évidente.
17. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction, qui a retenu que l'agent de l'administration pénitentiaire avait agi dans l'exercice normal de sa mission, a fait l'exacte application des textes visés au moyen.
18. Celui-ci doit, dès lors, être écarté.
Sur le cinquième moyen
Enoncé du moyen
19. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en nullité formée par le demandeur, a dit n'y avoir lieu à annulation d'actes ou pièces de la procédure, a constaté que la procédure est régulière et a ordonné le retour du dossier au juge d'instruction saisi, alors :
« 1°/ d'une part, que toute perquisition diligentée au domicile, fût-t-il familial, d'une personne mise en cause doit être réalisée en sa présence ou, à défaut, en présence d'un représentant désigné par elle ; qu'au cas d'espèce, l'exposant faisait valoir que la mesure de perquisition menée à son domicile était irrégulière pour avoir été réalisée en son absence et en l'absence d'un représentant qu'il aurait désigné ; qu'en retenant, pour rejeter le moyen d'annulation tiré de ce chef, qu' « ayant été réalisée en présence de l'épouse, la perquisition critiquée a bien eu lieu « en présence de la personne au domicile de laquelle la perquisition a lieu » au sens de la loi » quand la perquisition menée au domicile du mis en cause, doit avoir lieu en présence du mis en cause lui-même, et non des membres de sa famille qui pourraient éventuellement habiter avec lui, la chambre de l'instruction a violé les articles 56, 57, 95, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ d'autre part, que la personne mise en cause qui conteste au cours de la procédure, l'intégrité ou la présence des éléments découverts lors d'une mesure de perquisition réalisée en méconnaissance du formalisme d'authentification, justifie d'un grief ; qu'au cas d'espèce, l'exposant faisait valoir au terme d'une requête en annulation déposée devant la chambre de l'instruction, qu'il contestait la réalité des découvertes prétendument révélées lors de la perquisition de son domicile ; qu'en retenant, pour rejeter le moyen d'annulation tiré de ce chef, que « lors de son audition de garde à vue, [N] [Z] [Y] a reconnu que les 1 050 euros trouvés dans la poche de son manteau lors de la perquisition provenaient de son compte en banque (D1363), et le seul fait qu'il conteste par ailleurs les faits qui lui sont imputés sur la base des éléments issus de la perquisition réalisée, ne suffit pas à caractériser un grief susceptible de remettre en cause la régularité de la mesure de perquisition réalisée en présence de l'occupante des lieux, qui également placée en garde à vue, n'a formulé aucune contestation sur les objets trouvés lors de la perquisition (D1349, D1373), s'est expliquée sur un contrat de la société [1] relatif à l'acquisition d'une maison à [Localité 2] ainsi que sur la clef Ledger permettant de sécuriser les cryptomonnaies (D1379), de même qu'elle a admis posséder l'ensemble des sacs à mains saisis au cours de la perquisition pour une valeur de 9.998 euros (D1384) » quand l'exposant n'était pas tenu de contester la réalité des découvertes supposément révélées à l'occasion de la perquisition de son domicile - qui ne se limitaient pas à la somme de 1 050 euros trouvée dans la poche de son manteau - lors de son audition de garde à vue mais qu'il pouvait le faire dans le cadre d'une requête en annulation, la chambre de l'instruction qui a statué par des motifs inopérants et impropres à écarter l'existence de la qualité à agir et du grief subi par Monsieur [Z]-[Y] consécutivement à la perquisition irrégulière de son domicile, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 56, 57, 95, 171, 802, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
3°/ de troisième part, que le grief tiré de la contestation, par une personne mise en cause, de l'authenticité des découvertes révélées lors de la perquisition de son domicile ne saurait être écarté en raison de l'absence de contestation, par d'autres parties, de la réalité de ces découvertes ; qu'au cas d'espèce, l'exposant faisait valoir au terme d'une requête en annulation déposée devant la chambre de l'instruction, qu'il contestait la réalité des découvertes prétendument révélées lors de la perquisition de son domicile ; qu'en retenant, pour rejeter le moyen d'annulation tiré de ce chef, que « lors de son audition de garde à vue, [N] [Z] [Y] a reconnu que les 1 050 euros trouvés dans la poche de son manteau lors de la perquisition provenaient de son compte en banque (D1363), et le seul fait qu'il conteste par ailleurs les faits qui lui sont imputés sur la base des éléments issus de la perquisition réalisée, ne suffit pas à caractériser un grief susceptible de remettre en cause la régularité de la mesure de perquisition réalisée en présence de l'occupante des lieux, qui également placée en garde à vue, n'a formulé aucune contestation sur les objets trouvés lors de la perquisition (D1349, D1373), s'est expliquée sur un contrat de la société [1] relatif à l'acquisition d'une maison à [Localité 2] ainsi que sur la clef Ledger permettant de sécuriser les cryptomonnaies (D1379), de même qu'elle a admis posséder l'ensemble des sacs à mains saisis au cours de la perquisition pour une valeur de 9.998 euros (D1384) » quand l'exposant était bien recevable à contester la réalité des découvertes prétendument révélées lors de la perquisition de son domicile, peut important que son épouse, n'ait pas formulé de contestation en ce sens, la chambre de l'instruction qui a statué par des motifs inopérants et impropres à écarter l'existence de la qualité à agir et du grief subi par Monsieur [Z]-[Y], consécutivement à la perquisition irrégulière de son domicile, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 56, 57, 95, 171, 802, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
20. Pour rejeter le moyen de nullité de la perquisition, l'arrêt attaqué énonce que celle-ci a été réalisée hors la présence du requérant, alors gardé à vue sur commission rogatoire, mais en présence de son épouse, qui s'est déclarée locataire et occupante des lieux, ce qui correspond aux prévisions de la loi.
21. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a, à bon droit, fait application de l'article 96 du code de procédure pénale, disposition applicable dès lors qu'au moment de la réalisation de la perquisition, le requérant n'avait pas encore la qualité de personne mise en examen qui commande l'application de l'article 95 du même code.
22. En effet, la perquisition du domicile de l'intéressé pouvait être régulièrement effectuée en présence d'une autre personne également domiciliée dans les lieux, la présence de la personne mise en cause n'étant pas exigée, celle-ci serait-elle mê
23. Dès lors, le moyen, inopérant en ses deux dernières branches en l'absence d'irrégularité, doit être écarté.
Sur le sixième moyen
Enoncé du moyen
24. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en nullité formée par le demandeur, a dit n'y avoir lieu à annulation d'actes ou pièces de la procédure, a constaté que la procédure est régulière et a ordonné le retour du dossier au juge d'instruction saisi, alors « que la mesure attentatoire à la vie privée préalablement autorisée par un juge d'instruction, qui n'est pas installée dans un délai raisonnable à compter de cette décision, ne peut être mise en place qu'à condition que ledit juge ait donné, fut-ce oralement, son avis sur le maintien des motifs de sa décision et que la réalité de cette actualisation soit constatée en procédure ; qu'au cas d'espèce, l'exposant faisait valoir que le 1er juillet 2022, le juge d'instruction avait autorisé la mise en place d'une mesure de sonorisation au sein de son domicile, toutefois le dispositif n'a été effectivement installé que le 19 août 2022, soit plus d'un mois et demi plus tard, sans qu'un avis, fût-t-il oral du juge d'instruction, soit recueilli sur la nécessité et la proportionnalité de cette mesure ; qu'en retenant, pour rejeter le moyen d'annulation tiré de ce chef, que « d'une part, le texte légal ne prévoit pas de délai de mise en place, alors qu'au contraire, il est constant que le point de départ des mesures de sonorisation doit être fixé au jour de leur mise en place effective, d'autre part, ce délai en soi n'a rien d'anormal en ce que la mise en place du dispositif un mois et demi après la décision de sonorisation apparaissait justifiée par les motifs mêmes ayant conduit le magistrat instructeur à l'ordonner, mentionnant dans son ordonnance que « les malfaiteurs semblent faire l'objet d'une vigilance accrue pour la commission des faits, se montrant particulièrement discret dans leurs activités », ou « la difficulté de mettre en place des surveillances physiques dans ce quartier et la prudence dont font preuve les malfaiteurs dont les écoutes téléphoniques classiques n'apportent que très peu d'éléments », et que les enquêteurs ont relaté avoir choisi un moment propice d'éloignement du mis en cause de son domicile, déterminé à partir de la géolocalisation croisée du téléphone et du véhicule utilisé par [N] [Z]-[Y] en mentionnant dans leur procès-verbal d'exécution : « Vu l'opportunité qui se présente à nous en terme de délai », la mise en place du dispositif ayant encore nécessité le recours aux effectifs spécialisés du SIAT de [Localité 6], ainsi que des effectifs afin de sécuriser le secteur de leur intervention (D1296) », pour déduire qu' « il n'existe pas de discordance entre la décision de sonorisation, et sa mise en oeuvre non pas tardive mais différée pour des motifs de précautions et d'opportunité, en l'espèce parfaitement anticipés et intégrés par le magistrat instructeur dans sa motivation, qui n'a donc aucunement perdu le contrôle effectif de la mesure » quand faute, pour les enquêteurs d'avoir recueilli une autorisation actualisée, fut-elle orale, du juge d'instruction au moment de l'installation du dispositif, il n'y a pas eu de contrôle effectif a priori de la nécessité de la mesure de sonorisation litigieuse ni de la proportionnalité de l'atteinte à la vie privée qu'elle causerait, la chambre de l'instruction a violé les articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 706-96, 706-95-12, 706-95-13, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
25. Pour rejeter le moyen de nullité de la mesure de sonorisation, l'arrêt attaqué énonce que la loi ne pose aucune condition de délai à la mise en place du dispositif autorisé et que le délai d'un mois et demi séparant l'autorisation de la pose du dispositif technique s'explique par les motifs, déjà relevés par le juge d'instruction dans son ordonnance d'autorisation, tenant à la prudence et à la discrétion des personnes suspectées, les enquêteurs ayant précisé avoir trouvé un moment propice par suite de l'éloignement du requérant.
26. Les juges en concluent qu'il n'y a aucune discordance entre la décision et sa mise en oeuvre, non tardive, mais différée pour des motifs de précaution et d'opportunité anticipés par le juge d'instruction, lequel n'a pas perdu le contrôle effectif de la mesure.
27. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application des textes visés au moyen.
28. En effet, d'une part, les articles 706-95-11 et suivants et 706-96 du code de procédure pénale qui encadrent la mesure de sonorisation ne posent, contrairement à l'article 706-92 du même code autorisant les perquisitions nocturnes dans un local d'habitation, aucune condition d'urgence à la réalisation de la mesure de sonorisation une fois qu'elle a été autorisée.
29. D'autre part, après que le juge a constaté la nécessité d'une telle mesure, le choix du moment de la pose du dispositif technique relève de l'appréciation des enquêteurs en fonction de l'état d'avancement de leurs investigations et de la recherche du moment le plus opportun, sans qu'il soit nécessaire que le juge d'instruction en soit avisé.
30. Le moyen doit, dès lors, être écarté.
Sur le septième moyen
Enoncé du moyen
31. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en nullité formée par le demandeur, a dit n'y avoir lieu à annulation d'actes ou pièces de la procédure, a constaté que la procédure est régulière et a ordonné le retour du dossier au juge d'instruction saisi, alors « que dès lors que le procès-verbal de notification des droits de la personne gardée à vue fait apparaître qu'elle a formulé la volonté de s'entretenir avec un avocat, cet avocat doit être avisé de sa désignation sans délai ; qu'au cas d'espèce, l'exposant faisait valoir qu'il avait été placé en garde à vue le 18 janvier 2023, à 6 heures du matin ; qu'à 6h05, il sollicitait l'assistance d'un avocat, en la personne de Maître Gregory Billet, avocat au barreau de Lille or c'est seulement à 6h50, soit 45 minutes plus tard, que ce dernier a été avisé de sa désignation ; qu'en retenant, pour rejeter le moyen d'annulation tiré de chef, qu' « au vu des mentions cochées sur l'imprimé de notification des droits de la garde à vue du 18 janvier 2023 à 6h05, [N] [Z]-[Y] a désigné Maître [U] [P] du barreau de Lille pour l'assistance aux interrogatoires et confrontations, tout en indiquant : « pour le moment, je ne désire pas m'entretenir avec un avocat » (D1348/4) », que l'avis visé au sein de l'article 63-3-1 du code de procédure pénale ne concerne que le cas où l'avocat est commis d'office et que le droit à l'assistance d'un avocat avait bien été notifié à l'exposant dès le début de sa garde à vue, pour déduire que « dès lors que [N] [Z] [Y] avait renoncé à son droit à bénéficier d'un entretien confidentiel avec son conseil « dès le début de la garde à vue ». et ne souhaitant l'entretien que pour les interrogatoires et confrontations, demande parfaitement satisfaite lors de ses auditions, l'avis à l'avocat n'est pas tardif et ne comporte aucune irrégularité, et ce moyen de nullité sera donc également rejeté » quand il ressortait explicitement du procès-verbal litigieux que Monsieur [Z] [Y] avait souhaité s' « entretenir avec Maître [U] [P] du barreau de Lille » et donc, que ce dernier devait être avisé de sa désignation sans délai, peut important que les enquêteurs aient coché la case préremplie selon laquelle l'exposant aurait renoncé à ce droit - la mention explicite contraire supplantant cette erreur purement matérielle, la chambre de l'instruction a dénaturé les mentions de ce procès-verbal et n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 63-3-1, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
32. Pour rejeter le moyen de nullité de la garde à vue, l'arrêt attaqué énonce que l'avocat choisi a été informé de la demande d'assistance du requérant à 6 heures 50, que l'intéressé a pu s'entretenir avec lui à 14 heures 45 et qu'il a été assisté dès sa première audition.
33. En l'état de ces seules énonciations, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application des textes visés au moyen.
34. En effet, il résulte des pièces de la procédure, dont la Cour de cassation a le contrôle, qu'il s'est écoulé un délai de quarante minutes entre la fin de la notification des droits de la garde à vue et l'avis à l'avocat, délai qui ne saurait être regardé comme excessif.
35. Le moyen doit, dès lors, être écarté.
Mais sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
36. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en nullité formée par le demandeur, a dit n'y avoir lieu à annulation d'actes ou pièces de la procédure, a constaté que la procédure est régulière et a ordonné le retour du dossier au juge d'instruction saisi, alors « que le mis en cause à qui l'on impute d'avoir tenu des propos captés au cours d'une opération de captation des données ou d'interception de communication, sur sa propre ligne ou sur la ligne d'un tiers, est recevable à solliciter l'annulation de cette mesure ; qu'au cas d'espèce, l'exposant critiquait, au sein de ses deuxième, troisième, quatrième et onzième moyens d'annulation la régularité des mesures d'interception et de captation diligentées dans le cadre des procédures « souches » en faisant valoir que, suite à la mise en oeuvre de ces mesures, les enquêteurs lui avaient attribué divers propos et conversations tenus sous le pseudonyme « Brazza » ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevables les moyens tirés de chef, que le fait qu'un certain « Brazza » - surnom que l'exposant ne contestait pas détenir - soit évoqué ou intervienne au cours des conversations litigieuses ne suffisait à justifier d'une atteinte au respect de sa vie privée dans la mesure où Monsieur [Z]-[Y] contestait avoir participé à ces conversations, qu'aucun identifiant « [9] » ne lui avait été attribué lors de l'enquête et qu'il n'était ni le titulaire, ni l'utilisateur des lignes identifiées, quand il résultait expressément des éléments de la procédure que les enquêteurs avaient imputé à l'exposant des conversations qu'il aurait passées depuis le téléphone d'un autre utilisateur surnommé « [S] », et donc que les mesures de captation de données et d'interception de communication avaient bien eu pour effet direct de causer une intrusion dans sa vie privée, peu important qu'il n'ait pas été lui-même titulaire d'une ligne ou d'une des solution visées par ces mesures, la chambre de l'instruction a dénaturé les éléments de la procédure en sa possession et a violé les articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 171, 802, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 171 et 802 du code de procédure pénale :
37. Il résulte de ces textes que la méconnaissance des formalités substantielles régissant les mesures de captation de données informatiques et d'interception de correspondances émises par la voie des communications électroniques peut être invoquée à l'appui d'une demande d'annulation d'actes ou de pièces de la procédure par la partie qui établit qu'il a, à l'occasion d'une telle investigation, été porté atteinte à sa vie privée.
38. Pour refuser au requérant la qualité pour agir en nullité de mesures de captation de données informatiques et d'interception de correspondances, l'arrêt attaqué énonce que celui-ci pourrait s'être ponctuellement immiscé dans l'une des conversations captées tenue entre deux interlocuteurs, mais que ce fait n'est pas démontré et est au surplus contesté par l'intéressé, de sorte qu'il ne démontre pas en quoi il aurait été porté atteinte à sa vie privée à l'occasion des investigations en cause.
39. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé.
40. En effet, ainsi qu'elle l'a elle-même relevé, il résulte des pièces de la procédure que les enquêteurs ont attribué au requérant des propos qui ont été recueillis lors des mesures contestées puis retranscrits, cette seule constatation suffisant à conférer à l'intéressé la qualité pour agir en nullité de ces mesures, peu important qu'il conteste être l'auteur des propos en cause.
41. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Soc. 6 mai 2025 n° 23-11.320
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 6 mai 2025
Rejet
Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 455 F-D
Pourvoi n° E 23-11.320
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 MAI 2025
M. [G] [J], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° E 23-11.320 contre l'arrêt rendu le 24 novembre 2022 par la cour d'appel de Rennes (7e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant à la société Atelier mécanique bigouden (AMB), société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La société Atelier mécanique bigouden a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Seguy, conseiller, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de M. [J], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Atelier mécanique bigouden, après débats en l'audience publique du 25 mars 2025 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Seguy, conseiller rapporteur, Mme Panetta, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 24 novembre 2022), M. [J] a été engagé par la société La Houle le 1er janvier 2005. Son contrat de travail a été transféré à la société La Houle armement puis à la société Atelier mécanique bigouden (la société). En dernier lieu, il exerçait les fonctions de directeur administratif.
2. Licencié pour faute grave, par lettre du 4 avril 2018, il a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur les premier et troisième moyens du pourvoi principal du salarié et le second moyen du pourvoi incident de l'employeur
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui pour, le premier, est irrecevable et qui, pour le surplus, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le deuxième moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. Le salarié fait grief à l'arrêt de limiter à la somme de 14 600 euros l'indemnité contractuelle de rupture qu'il a condamné la société à lui payer, alors « que la cassation qui sera prononcée sur le premier moyen entraînera par voie de conséquence la censure du chef de l'arrêt qui a jugé excessive la clause pénale et en a révisé le montant au motif que ''cette pénalité d(evait) être versée par l'employeur quel que soit le motif, y compris en cas de faute grave ou lourde'', cela en application de l'article 624 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour
5. Le premier moyen du pourvoi principal étant rejeté, le grief tiré d'une cassation par voie de conséquence est sans portée.
Sur le premier moyen du pourvoi incident et le deuxième moyen du pourvoi principal, pris en sa seconde branche, réunis
Enoncé du moyen
6. Par le premier moyen de son pourvoi incident, la société fait grief à l'arrêt de modérer à 14 600 euros l'indemnité contractuelle de rupture prévue à l'avenant du 1er janvier 2012 du contrat de travail du salarié et de la condamner à lui payer cette somme, alors « que l'indemnité de licenciement, lorsqu'elle est prévue par le contrat de travail, a le caractère d'une clause pénale et peut être réduite par le juge même d'office si elle présente un caractère manifestement excessif ; que lorsque les engagements relatifs aux droits du salarié licencié pouvaient avoir pour effet, dans leur ensemble et par la généralisation de leurs conditions d'application, de priver l'employeur de la possibilité de rompre le contrat de travail, au regard des moyens de l'entreprise, la clause est atteinte de nullité ; qu'en l'espèce, la société AMB sollicitait la nullité de la clause en faisant valoir que la clause avait été conclue entre le salarié et sa belle-mère, Mme [V], sans aucune contrepartie du salarié, que cette clause avait été conclue dans la perspective de la vente éventuelle du groupe, dans le cadre d'une collusion frauduleuse entre le salarié et sa belle-mère, et était manifestement contraire à l'intérêt de la société AMB puisqu'elle interdisait en pratique à la société employeur de faire usage de son droit de licencier le salarié, même en cas de faute grave ou lourde ; qu'en retenant qu' ''une indemnité contractuelle de licenciement, venant au-delà des obligations légales et conventionnelles, a la nature d'une clause pénale et peut être réduite par le juge, dès lors qu'elle est manifestement excessive. Le juge ne peut cependant, en la modérant, lui conférer un caractère dérisoire. En l'espèce, la pénalité prévue par la clause, qui prévoit une indemnité d'un an de salaire brut, présente un caractère manifestement excessif en ce que cette pénalité doit être versée par l'employeur quel qu'en soit le motif, y compris en cas de faute grave ou lourde. Il convient de la modérer en l'espèce à la somme de 14 600 euros'', sans rechercher ainsi qu'elle y était invitée, si les engagements relatifs aux droits du salarié licencié pouvaient avoir pour effet, dans leur ensemble et par la généralisation de leurs conditions d'application, de priver l'employeur de la possibilité de rompre le contrat de travail, au regard des moyens de l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1152 du code civil, dans leur rédaction applicable au litige, et au regard de l'article L. 1231-4 du code du travail. »
7. Par le deuxième moyen, pris en sa seconde branche, de son pourvoi principal, le salarié fait grief à l'arrêt de limiter à la somme de 14 600 euros l'indemnité contractuelle de rupture qu'il a condamné la société à lui payer, alors « que le caractère excessif d'une clause pénale et la réduction qu'il justifie se fondent sur la disproportion entre l'importance du préjudice subi et le montant contractuellement fixé ; qu'en retenant, pour juger que l'indemnité d'un montant égal à un an de salaire brut présentait un caractère manifestement excessif et en limiter le montant à la somme de 14 600 euros, que ''cette pénalité d(evait) être versée par l'employeur quel que soit le motif, y compris en cas de faute grave ou lourde'', la cour d'appel ne s'est pas fondée sur une disproportion entre l'importance du préjudice subi et le montant contractuellement prévu en cas de rupture, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 1152 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
8. D'abord, il résulte de l'article 1193 du code civil qu'il n'est pas interdit aux parties d'adopter une disposition plus favorable au salarié que celle de la loi en matière d'indemnité de licenciement. La clause qui autorise le versement d'une indemnité de licenciement en cas de faute grave ne fait pas obstacle au droit de licenciement reconnu à l'employeur.
9. Ensuite, selon l'article 1231-5 du même code, en présence d'une clause pénale, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.
10. La cour d'appel, après avoir retenu que le salarié avait participé à une escroquerie à l'assurance en ayant produit de fausses pièces comptables afin de permettre le versement d'une indemnité de 188 526 euros alors que le dommage n'était que de 73 693,85 euros, ce qui justifiait son licenciement pour faute grave, a estimé que l'indemnité contractuelle, égale à un an de salaire, soit 52 831,44 euros, y compris en cas de faute grave, était manifestement excessive, au regard du préjudice subi et en a réduit le montant dans des proportions qu'elle a souverainement évaluées.
11. Les moyens ne sont donc pas fondés.
Soc. 6 mai 2025 n° 23-20.345
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 6 mai 2025
Cassation
Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 462 F-D
Pourvoi n° Q 23-20.345
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 MAI 2025
M. [T] [X], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Q 23-20.345 contre l'arrêt rendu le 25 mai 2023 par la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société [3], société anonyme, exerçant sous le nom commercial [4], dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Panetta, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [X], de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société [3], après débats en l'audience publique du 25 mars 2025 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Panetta, conseiller rapporteur, M. Seguy, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de La Réunion, 25 mai 2023), M. [X] a été engagé, en qualité de chef stewarding, le 12 septembre 2008, par la société [3] devenue société [4] (la société).
2. Licencié pour faute grave le 7 septembre 2012, le salarié a saisi, par requête du 6 mai 2015, le conseil de prud'hommes d'une contestation de la rupture de son contrat de travail et de demandes en réparation de ses préjudices.
3. Par jugement du 16 décembre 2016, le conseil a ordonné le sursis à statuer dans l'attente de la décision du tribunal des affaires de sécurité sociale, rendue le 29 novembre 2017, et l'affaire a été remise au rôle, par acte du 8 juillet 2020.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de constater la péremption de l'instance introduite le 5 mai 2015 devant le conseil de prud'hommes et, en conséquence de constater l'extinction de l'instance, alors « qu'aux termes de l'article R. 1452-8 du code du travail applicable aux faits de la cause, la péremption n'est prononcée que si les parties s'abstiennent pendant deux ans d'effectuer les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction ; qu'en retenant, pour dire que l'instance était périmée au 8 juillet 2020, date de la demande de réinscription de l'affaire, en l'absence de diligences par les parties pendant plus de deux ans, la cour d'appel a retenu qu'il ressortait de cette décision que "le terme du sursis fixé par les premiers juges est (?) le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale saisie d'une action introduite par le salarié en reconnaissance de la faute inexcusable de la société, et non une décision de justice définitive sur cette action", que "le jugement a été rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale le 29 novembre 2017, le terme du sursis à statuer est intervenu à cette même date", en sorte que " l'affaire devait dès lors être reprise au plus tard le 29 novembre 2019", et que "la demande de réinscription ayant été formée par acte remis au greffe le 8 juillet 2020, l'instance était périmée à cette date en l'absence de diligences par les parties pendant plus de deux années" ; qu'en statuant ainsi, sans constater que la décision prononçant le sursis à statuer mettait expressément des diligences à la charge des parties, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 386 du code de procédure civile et R. 1452-8 du code du travail, dans sa version applicable en la cause. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 386 du code de procédure civile et l'article R. 1452-8 du code du travail, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 :
6. Selon le premier de ces textes, l'instance est périmée lorsqu'aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans.
7. Selon le second de ces textes, en matière prud'homale, l'instance n'est périmée que lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l'article 386 du code de procédure civile, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction.
8. Pour dire l'instance périmée et déclarer irrecevables les demandes du salarié, l'arrêt constate d'une part, que le conseil de prud'hommes a ordonné le sursis à statuer dans l'attente de la décision du tribunal des affaires de sécurité sociale, et d'autre part que dès lors qu'il n'est pas discuté que le jugement a été rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale le 29 novembre 2017, le terme du sursis à statuer est intervenu à cette même date, en a déduit que l'affaire devait dès lors être reprise au plus tard le 29 novembre 2019 et que la demande de réinscription ayant été formée par acte remis au greffe le 8 juillet 2020, l'instance était périmée à cette date en l'absence de diligences par les parties pendant plus de deux années.
9. En statuant ainsi, alors qu'aucune diligence, autre que celle nécessaire à la réinscription de l'affaire, n'avait été mise à la charge des parties, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Soc. 6 mai 2025 n° 23-13.302
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 6 mai 2025
Cassation partielle sans renvoi
Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 445 F-D
Pourvoi n° J 23-13.302
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 MAI 2025
Mme [C] [Z], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° J 23-13.302 contre l'arrêt rendu le 15 décembre 2022 par la cour d'appel de Poitiers (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Grassin décors, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Seguy, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [Z], de la SCP Françoise Fabiani - François Pinatel, avocat de la société Grassin décors, après débats en l'audience publique du 25 mars 2025 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Seguy, conseiller rapporteur, M. Redon, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 15 décembre 2022), Mme [Z] a été engagée en qualité de vendeuse conseil, le 1er octobre 2012, par la société Grassin décors (la société).
2. Licenciée pour faute grave le 2 mai 2019, elle a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir paiement de diverses sommes au titre de cette rupture.
Examen des moyens
Sur les premier et deuxième moyens
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
4. La salariée fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société une somme en remboursement des avantages tarifaires par elle indûment perçus, alors « que la responsabilité pécuniaire d'un salarié à l'égard de son employeur ne peut résulter que de sa faute lourde qui s'entend de l'intention de nuire et doit résulter d'actes malveillants commis au préjudice de l'employeur ; que pour condamner la salariée au paiement d'une somme de 5 989,13 euros ''en remboursement des avantages tarifaires par elle indûment perçus'', la cour d'appel a retenu que la société établit ''l'utilisation par [la salariée], au profit de tiers, d'avantages tarifaires réservés aux salariés de l'entreprise dont elle est recevable et fondée à solliciter répétition par la salariée, à concurrence de la somme globale de 5 989,13 euros correspondant au montant des remises injustifiées'' ; qu'en se prononçant en ce sens, sans constater que la salariée avait commis une faute lourde résultant d'actes malveillants commis au préjudice de l'employeur avec l'intention de lui nuire, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard du principe selon lequel la responsabilité pécuniaire d'un salarié à l'égard de son employeur ne peut résulter que de sa faute lourde. »
Réponse de la Cour
Vu le principe selon lequel la responsabilité du salarié ne peut être engagée envers son employeur qu'en cas de faute lourde :
5. Pour condamner la salariée à payer une somme en remboursement des avantages tarifaires par elle indûment perçus, l'arrêt, après avoir constaté que la société sollicitait l'indemnisation du préjudice subi en raison de faits ayant un caractère de faute lourde et distincts de ceux visés dans la lettre de licenciement, retient que l'employeur établissait l'utilisation par l'intéressée, au profit de tiers, d'avantages tarifaires réservés aux salariés de l'entreprise.
6. En statuant ainsi, sans caractériser une faute lourde de la salariée, la cour d'appel a violé le principe susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
7. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
8. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
9. Il résulte des articles 1217 du code civil et L. 3141-26 du code du travail qu'un salarié ne peut être tenu pour responsable, à l'égard de l'employeur, des conséquences pécuniaires de fautes commises dans l'exécution du contrat de travail qu'en cas de faute lourde, laquelle est caractérisée par l'intention de nuire à l'employeur et implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d'un acte préjudiciable à l'entreprise.
10. La société sollicite l'indemnisation d'un préjudice subi en raison de l'utilisation par la salariée, au profit de tiers, d'avantages tarifaires réservés aux salariés de l'entreprise. Toutefois, ces faits ne suffisent pas à caractériser l'intention de nuire à l'entreprise.
11. Il convient en conséquence de débouter la société de sa demande.
Soc. 6 mai 2025 n° 23-12.998
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 6 mai 2025
Cassation partielle
M. BARINCOU, conseiller le plus ancien faisant fonction de président
Arrêt n° 428 F-D
Pourvoi n° D 23-12.998
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 MAI 2025
M. [R] [Z], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 23-12.998 contre l'arrêt rendu le 5 janvier 2023 par la cour d'appel de Rouen (chambre sociale et des affaires de sécurité sociale), dans le litige l'opposant à la société Tramar, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Prieur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [Z], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Tramar, après débats en l'audience publique du 25 mars 2025 où étaient présents M. Barincou, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Prieur, conseiller référendaire rapporteur, Mme Brinet, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 5 janvier 2023), M. [Z] a été engagé en qualité de directeur Overseas, le 2 novembre 2009, par la société Tramar (la société) et promu directeur de service à compter du 1er janvier 2013.
2. Lors de l'entretien préalable à un licenciement pour motif économique, tenu le 18 janvier 2018, un contrat de sécurisation professionnelle lui a été proposé, auquel il a adhéré le 19 janvier 2018.
3. La note d'information reprenant le motif économique lui a été transmise le 22 janvier 2018.
4. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour contester la rupture de son contrat de travail et obtenir le paiement de rappel de salaires et d'indemnités.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes de rappel de salaire au titre de l'inégalité de traitement, outre les congés payés afférents et de reliquat de primes de treizième mois, alors « que selon le principe d'égalité de traitement, une différence de traitement ne peut être établie entre des salariés de la même entreprise et exerçant un travail égal ou de valeur égale, que si elle repose sur des raisons objectives, dont le juge doit contrôler la réalité et la pertinence ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que M. [Z] et M. [D] occupaient le même emploi de directeur service commercial, au même niveau, groupe 7 indice 3, mais que le premier percevait mensuellement 6 108 euros brut et un avantage en nature de 369 euros alors que le second percevait 6 780 euros brut et un avantage en nature de 646 euros, la cour d'appel a néanmoins relevé que, s'il n'était pas contesté par la société Tramar que M. [Z] et M. [D] exerçaient les mêmes fonctions, il était justifié par l'employeur que M. [D] avait été engagé le 5 novembre 1990 alors que M. [Z] l'avait été le 2 novembre 2009, soit dix-neuf ans plus tard ; qu'elle a considéré que, si l'âge ne peut constituer un critère objectif, au contraire l'ancienneté acquise, corollaire de l'acquisition d'une expérience certaine dans un domaine de compétence, constitue une raison objective de nature à justifier une différence de traitement, sachant que M. [D] ne percevait pas de prime d'ancienneté et que M. [Z] n'apporte, pour sa part, pas le moindre élément sérieux permettant d'accréditer l'existence d'une expérience similaire auprès d'autres sociétés préalablement à son embauche ; qu'elle en a conclu que la différence de traitement restant limitée et en concordance avec cette expérience acquise, M. [Z] devait être débouté de ses demandes au titre de l'inégalité de traitement ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si l'ancienneté invoquée par l'employeur était en relation avec les exigences du poste et les fonctions réellement exercées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe d'égalité de traitement. »
Réponse de la Cour
6. L'ancienneté, à condition qu'elle ne soit pas prise en compte dans une prime spéciale, et l'expérience acquise peuvent justifier une différence de rémunération.
7. La cour d'appel, après avoir constaté que le salarié exerçait les mêmes fonctions de directeur commercial que M. [D] avec lequel il se comparait, a retenu que l'employeur justifiait que ce dernier avait été engagé le 5 novembre 1990 alors que le salarié l'avait été le 2 novembre 2009, soit dix-neuf ans plus tard, et que l'ancienneté acquise, corollaire de l'acquisition d'une expérience certaine dans un domaine de compétence, constituait une raison objective de nature à justifier une différence de traitement, sachant que M. [D] ne percevait pas de prime d'ancienneté et que le salarié n'apportait, pour sa part, pas le moindre élément sérieux permettant d'accréditer l'existence d'une expérience similaire auprès d'autres sociétés préalablement à son embauche.
8. Elle a ensuite relevé que la différence de traitement restait limitée et en concordance avec cette expérience acquise.
9. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le second moyen, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
10. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes en condamnation de son employeur à lui payer des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et, subsidiairement, pour non-respect des règles relatives aux critères d'ordre de licenciement, des sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, et une somme en réparation du préjudice résultant de la perte des droits à la retraite, alors :
« 1°/ que la rupture du contrat de travail résultant de l'acceptation par le salarié d'un contrat de sécurisation professionnelle doit avoir une cause économique réelle et sérieuse ; que l'employeur est en conséquence tenu d'énoncer la cause économique de la rupture du contrat soit dans le document écrit d'information sur ce dispositif remis obligatoirement au salarié concerné par le projet de licenciement, soit dans la lettre qu'il est tenu d'adresser au salarié lorsque le délai de réponse expire après le délai d'envoi de la lettre de licenciement imposé par les articles L. 1233-15 et L. 1233-39 du code du travail, soit encore, lorsqu'il n'est pas possible à l'employeur d'envoyer cette lettre avant l'acceptation par le salarié du contrat de sécurisation professionnelle, dans tout autre document écrit, porté à sa connaissance au plus tard au moment de son acceptation ; que toutefois, sauf fraude, le seul refus du salarié auquel il est proposé d'accepter un contrat de sécurisation professionnelle de se faire remettre en mains propres le document de notification de la cause économique de la rupture du contrat de travail ne permet pas de considérer que l'employeur a satisfait à son obligation de notifier cette cause avant toute acceptation par le salarié du contrat de sécurisation professionnelle ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que M. [Z] a été reçu pour un entretien préalable à son licenciement le 18 janvier 2018, a fait part de son acceptation du contrat de sécurisation professionnelle le 19 janvier 2018, avant même que ne lui soit transmise la note d'information reprenant le motif économique le 22 janvier 2018, sachant qu'aucun autre document d'information ne lui a été remis préalablement ; qu'elle a néanmoins retenu que c'est en raison du refus de M. [Z] de se voir remettre en mains propres la note d'information énonçant la cause économique du licenciement lors de l'entretien préalable que ce document ne lui a pas été remis et qu'ainsi le salarié ne saurait s'en prévaloir pour faire juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en statuant ainsi, alors que le seul refus du salarié de se faire remettre en mains propres le document de notification de la cause économique de la rupture ne permet pas de considérer que la société Tramar a satisfait à son obligation de notification avant l'acceptation par M. [Z] du contrat de sécurisation professionnelle, la cour d'appel a violé l'article 4 de la convention Unédic relative au contrat de sécurisation professionnelle du 26 janvier 2015, agréée par arrêté du 16 avril 2015 et les articles L. 1233-65, L. 1233-66 et L. 1233-67 du code du travail ;
2°/ que la rupture du contrat de travail résultant de l'acceptation par le salarié d'un contrat de sécurisation professionnelle doit avoir une cause économique réelle et sérieuse ; que l'employeur est en conséquence tenu d'énoncer la cause économique de la rupture du contrat soit dans le document écrit d'information sur ce dispositif remis obligatoirement au salarié concerné par le projet de licenciement, soit dans la lettre qu'il est tenu d'adresser au salarié lorsque le délai de réponse expire après le délai d'envoi de la lettre de licenciement imposé par les articles L. 1233-15 et L. 1233-39 du code du travail, soit encore, lorsqu'il n'est pas possible à l'employeur d'envoyer cette lettre avant l'acceptation par le salarié du contrat de sécurisation professionnelle, dans tout autre document écrit, porté à sa connaissance au plus tard au moment de son acceptation ; qu'à défaut, la rupture est dépourvue de cause réelle et sérieuse ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que M. [Z] a été reçu pour un entretien préalable à son licenciement le 18 janvier 2018, a fait part de son acceptation du contrat de sécurisation professionnelle le 19 janvier 2018, avant même que ne lui soit transmise la note d'information reprenant le motif économique le 22 janvier 2018, sachant qu'aucun autre document d'information ne lui a été remis préalablement ; qu'elle a néanmoins retenu que c'est en raison du refus de M. [Z] de se voir remettre en mains propres la note d'information énonçant la cause économique du licenciement lors de l'entretien préalable que ce document ne lui a pas été remis et qu'ainsi le salarié ne saurait s'en prévaloir pour faire juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que le document mentionnant la cause économique du licenciement n'avait été transmis au salarié que postérieurement à son acceptation du contrat de sécurisation professionnelle, d'où elle aurait dû déduire l'absence de cause réelle et sérieuse de la rupture, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 4 de la convention Unédic relative au contrat de sécurisation professionnelle du 26 janvier 2015, agréée par arrêté du 16 avril 2015 et les articles L. 1233-65, L. 1233-66 et L. 1233-67 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 de la convention Unédic relative au contrat de sécurisation professionnelle du 26 janvier 2015, agréée par arrêté du 16 avril 2015, et les articles L. 1233-65, L. 1233-66 et L. 1233-67 du code du travail :
11. Il résulte de ces textes que la rupture du contrat de travail résultant de l'acceptation par le salarié d'un contrat de sécurisation professionnelle doit avoir une cause économique réelle et sérieuse. L'employeur est en conséquence tenu d'énoncer la cause économique de la rupture du contrat soit dans le document écrit d'information sur ce dispositif remis obligatoirement au salarié concerné par le projet de licenciement, soit dans la lettre qu'il est tenu d'adresser au salarié lorsque le délai de réponse expire après le délai d'envoi de la lettre de licenciement imposé par les articles L. 1233-15 et L. 1233-39 du code du travail, soit encore, lorsqu'il n'est pas possible à l'employeur d'envoyer cette lettre avant l'acceptation par le salarié du contrat de sécurisation professionnelle, dans tout autre document écrit, porté à sa connaissance au plus tard au moment de son acceptation. A défaut, la rupture est dépourvue de cause réelle et sérieuse.
12. Sauf fraude, le seul refus du salarié, auquel il est proposé d'accepter un contrat de sécurisation professionnelle, de se faire remettre en mains propres le document de notification du motif économique de la rupture du contrat de travail ne permet pas de considérer que l'employeur a satisfait à son obligation de notifier ces motifs avant toute acceptation du contrat de sécurisation professionnelle.
13. Aucun texte n'interdit au salarié d'accepter le contrat de sécurisation professionnelle le lendemain même de sa proposition.
14. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que le salarié, reçu en entretien préalable à un licenciement le 18 janvier 2018, a fait part de son acceptation du contrat de sécurisation professionnelle le 19 janvier 2018, avant même que lui soit transmise la note d'information reprenant le motif économique le 22 janvier 2018, sachant qu'aucun autre document d'information ne lui a été remis préalablement.
15. Il constate qu'il ressort d'une attestation d'une employée, chargée de remettre les documents relatifs au contrat de sécurisation professionnelle à son employeur alors que ce dernier recevait le salarié pour l'entretien préalable, que celui-ci avait refusé d'accuser réception de ces documents.
16. L'arrêt en déduit que, dès lors qu'il ressort suffisamment de ces éléments que c'est en raison d'un refus du salarié qu'il ne lui a pas été remis le document d'information sur les motifs économiques, celui-ci ne saurait s'en prévaloir pour dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
17. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Crim. 30 avril 2025 n° 22-83.689
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° W 22-83.689 F-D
N° 00611
GM 30 AVRIL 2025
OPPOSITION : DEBOUTE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS ________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 30 AVRIL 2025
L'association [1] a formé opposition contre l'arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 13 mars 2024 (pourvoi n° 22-83.689), rendu sur les pourvois de MM. [U] [W], [I] [W], [S] [P], [T] [X], [D] [J], [Y] [O], la société [5], ainsi que les sociétés [4], [2], la [3], parties civiles, qui a, notamment, annulé l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 30 mars 2022, en ce qu'il a partiellement fait droit aux demandes de l'association [1] à titre de dommages-intérêts et de frais irrépétibles.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de M. Wyon, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocats de l'association [1], les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [U] [W], les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocats de M. [S] [P], les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, avocats de MM. [T] [X], [D] [J], les observations de la SCP Foussard et Froger, avocats des sociétés [4], [2], et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 2 avril 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Wyon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Par arrêt du 30 mars 2022, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a condamné M. [U] [W] pour prise illégale d'intérêts, M. [I] [W] pour abus de confiance, trafic d'influence passif, blanchiment aggravé, recel, complicité de favoritisme, abus de biens sociaux, M. [S] [P] pour favoritisme, M. [T] [X] pour complicité d'abus de confiance, faux et usage, M. [D] [J] pour abus de confiance, M. [Y] [O] pour destruction de preuve, et la société [5] pour abus de confiance et recel.
3. Sur l'action civile, la cour d'appel a, notamment, condamné MM. [I] et [U] [W], [P], et la société [5] à payer des dommages-intérêts à l'association [1], partie civile.
4. Les prévenus se sont pourvus en cassation, et par arrêt du 13 mars 2024, la Cour de cassation a, notamment, annulé l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 30 mars 2022 en ce qu'il avait partiellement fait droit aux demandes de l'association [1] à titre de dommages-intérêts et de frais irrépétibles.
5. Le 18 mars 2024, l'avocat de l'association [1] a formé opposition à cet arrêt par déclaration au greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence.
Examen de la recevabilité de l'opposition
6. Il résulte de l'examen de la procédure suivie devant la Cour de cassation que MM. [I] et [U] [W], [P], et la société [5] n'ont pas notifié à l'association [1] les pourvois qu'ils ont déclarés contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 30 mars 2022, ainsi que l'exigent les dispositions de l'article 578 du code de procédure pénale. Pas davantage, il n'a été adressé à cette partie civile copies des mémoires produits à l'appui des pourvois, en méconnaissance des prescriptions de l'article 589 du même code.
7. L'association [1] agit en qualité de partie à l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 30 mars 2022, qui a prononcé à son profit des condamnations civiles, lesquelles ont été annulées par l'arrêt de la chambre criminelle contre lequel l'opposition est formée. 8. En conséquence, l'opposition, régulièrement formée dans les conditions des articles 579 et 589 du code de procédure pénale par l'association [1], est recevable.
Examen du moyen d'opposition
Énoncé du moyen
9. Le moyen d'opposition critique l'arrêt de la chambre criminelle en ce qu'il a annulé l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 30 mars 2022, faisant partiellement droit aux demandes de l'association [1], alors que, d'une part, les moyens des demandeurs au pourvoi étaient irrecevables comme nouveaux et mélangés de fait et de droit, d'autre part, la qualité pour agir doit s'apprécier au jour de la plainte avec constitution de partie civile, et qu'à cette date elle possédait toujours son agrément, qui n'a été annulé que postérieurement.
Réponse de la Cour
10. La circonstance sur laquelle se fondent les moyens de MM. [W], [P] et de la société [5] étant apparue postérieurement à l'arrêt attaqué, leurs moyens étaient recevables pour la première fois devant la Cour de cassation.
11. La qualité pour agir de la partie civile s'apprécie au jour de l'acte concerné. Or, si l'association [1] bénéficiait de l'agrément accordé au titre de l'article 2-23 du code de procédure pénale au moment où elle s'est constituée partie civile, tel n'était plus le cas lorsqu'elle a sollicité la réparation de son préjudice devant la cour d'appel.
12. En conséquence, il n'existe aucun argument de nature à déterminer la chambre criminelle à rétracter son arrêt du 13 mars 2024.
Civ.3 30 avril 2025 n° 23-22.880
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 30 avril 2025
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 218 F-D
Pourvoi n° V 23-22.880
Aide juridictionnelle totale en demande au profit de M. [P]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 27 septembre 2023.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 AVRIL 2025
M. [G] [P], domicilié [Adresse 8], majeur sous tutuelle représenté par ses co-tutrices Mmes [F] [P] et [S] [P], a formé le pourvoi n° V 23-22.880 contre l'arrêt rendu le 14 juin 2022 par la cour d'appel de Grenoble (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [A] [U], domiciliée [Adresse 7],
2°/ à M. [C] [D], domicilié [Adresse 6],
3°/ à la société L'Auxiliaire, dont le siège est [Adresse 1],
4°/ à la société Les Chalets des écrins, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4],
5°/ à la société J.P Louis et [E] [I], société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 3], prise en la personne de Mme [E] [I], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Les Chalets des écrins,
6°/ à la société Jego, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 9],
7°/ à la société Les Mandataires, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5], prise en la personne de M. [N] [J], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Jego,
8°/ à la société Gan assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Vernimmen, conseiller référendaire, les observations de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de M. [P], représenté par ses co-tutrices Mmes [F] et [S] [P], de la SCP Marc Lévis, avocat de la société Gan assurances, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société L'Auxiliaire, après débats en l'audience publique du 18 mars 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Vernimmen, conseiller référendaire rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 14 juin 2022), Mme [U] a fait construire par lots séparés une maison individuelle sous la maîtrise d'oeuvre de M. [P], assuré auprès de la société L'Auxiliaire.
2. Se plaignant de désordres, elle a, après expertise, assigné le maître d'oeuvre, les intervenants à l'opération de construction et leurs assureurs en indemnisation de ses préjudices.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. M. [P], représenté par ses co-tutrices Mmes [F] et [S] [P], fait grief à l'arrêt de rejeter l'intégralité de ses demandes à l'encontre de la société L'Auxiliaire, alors :
« 1°/ que l'article R. 112-1 du code des assurances, dans sa rédaction en vigueur au moment de la souscription du contrat d'assurance litigieux le 9 août 2001, prévoyait que « Les polices d'assurance des entreprises mentionnées au 5° de l'article L. 310-1 doivent (?) rappeler les dispositions des titres Ier et II du livre Ier de la partie législative du présent code concernant (?) la prescription des actions dérivant du contrat d'assurance » ; que le 5° de l'article L. 310-1 du code des assurances, dans sa rédaction antérieure à la loi du 4 janvier 1994, visait « Les entreprises d'assurances de toute nature » ; qu'à la date de souscription du contrat d'assurance litigieux, l'article L. 310-1 du code des assurances avait été réécrit par la loi du 4 janvier 1994 et ne comportait plus de 5°, mais visait « 1° les entreprises qui sous forme d'assurance directe contractent des engagements dont l'exécution dépend de la durée de la vie humaine, s'engagent à verser un capital en cas de mariage ou de naissance d'enfants, ou font appel à l'épargne en vue de la capitalisation et contractent à cet effet des engagements déterminés ; 2° les entreprises qui sous forme d'assurance directe couvrent les risques de dommages corporels liés aux accidents et à la maladie ; 3° les entreprises qui sous forme d'assurance directe couvrent d'autres risques y compris ceux liés à une activité d'assistance (?) » ; qu'ainsi, à la suite de la refonte de l'article L. 310-1 du code des assurances opérée par la loi du 4 janvier 1994 et modifiant la classification des catégories des entreprises soumises au contrôle de l'Etat, le 5° a été supprimé de sorte que ce qui relevait de cette catégorie s'est trouvé englobé dans les première, deuxième et troisième catégories, sans qu'aucune modification de l'article R. 112-1 du code des assurances ne soit intervenue ; qu'il s'ensuit que le contrat d'assurance litigieux, souscrit auprès de la société d'assurance L'Auxiliaire, était soumis aux dispositions de l'article R. 112-1 du code des assurances ; qu'en jugeant au contraire que cet article n'aurait pas été applicable, aux motifs qu'il renvoyait au 5° de l'article L. 310-1 du code des assurances, qui avait disparu depuis la loi du 4 janvier 1994, la cour d'appel a violé les articles R. 112-1 et L. 310-1 du code des assurances, dans leur rédaction applicable au litige ;
2°/ que le contrat d'assurance litigieux, souscrit auprès d'une société d'assurance, devait rappeler explicitement et précisément, sous peine d'inopposabilité à l'assuré du délai de prescription édicté par l'article L. 114-1 du code des assurances, les causes d'interruption de la prescription biennale prévues à l'article L. 114-2 du même code ; qu'en jugeant au contraire, pour opposer à M. [P] le délai de l'article L. 114-1 du code des assurances, qu'il ne saurait être fait grief à la société L'Auxiliaire de n'avoir inséré dans les dispositions diverses des conditions générales, à l'article 27, une mention plus explicite que celle selon laquelle « toutes actions dérivant du présent contrat sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance, dans les termes des articles L. 114-1 et L. 114-2 du code des assurances, dans leur rédaction applicable au litige. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 114-1, alinéa 1er, L. 114-2 et R. 112-1, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2006-740 du 27 juin 2006, du code des assurances :
4. Aux termes du premier de ces textes, toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance.
5. Selon le deuxième, la prescription est interrompue par une des causes ordinaires d'interruption de la prescription et par la désignation d'experts à la suite d'un sinistre. Elle peut, en outre, résulter de l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception adressée par l'assureur à l'assuré en ce qui concerne l'action en paiement de la prime et par l'assuré à l'assureur en ce qui concerne le règlement de l'indemnité.
6. Selon le troisième, les polices d'assurance des entreprises mentionnées au 5° de l'article L. 310-1 doivent indiquer la prescription des actions dérivant du contrat d'assurance.
7. Il est jugé, d'abord, qu'à la suite de la refonte de l'article L. 310-1 du code des assurances opérée par la loi n° 94-5 du 4 janvier 1994 et modifiant la classification des catégories des entreprises soumises au contrôle de l'Etat, le 5° de cet article a été supprimé, de sorte que ce qui relevait de cette catégorie s'est trouvé englobé dans les première, deuxième et troisième catégories (2e Civ., 7 mai 2009, pourvoi n° 08-16.500), ensuite, que l'obligation d'information prévue par l'article R. 112-1 du code des assurances s'inscrit dans le devoir général d'information de l'assureur lui imposant de porter à la connaissance des assurés cette disposition qui est commune à tous les contrats d'assurance (2e Civ., 17 mars 2011, pourvoi n° 10-15.864, 10-15.267 ; 2e Civ., 21 novembre 2013, pourvoi n° 12-27.124), enfin, que ce texte oblige l'assureur à rappeler dans le contrat d'assurance les dispositions des titres I et II du livre I de la partie législative de ce code concernant la prescription des actions dérivant du contrat d'assurance et donc les causes d'interruption de la prescription biennale prévues à l'article L. 114-2 du même code, sous peine d'inopposabilité à l'assuré du délai de prescription biennale (3e Civ., 28 avril 2011, pourvoi n° 10-16.269, publié).
8. Il en résulte que l'assureur est tenu de rappeler dans le contrat d'assurance, sous peine d'inopposabilité à l'assuré du délai de prescription biennale, les termes de l'article L. 114-1 du code des assurances et les causes d'interruption de la prescription biennale prévues à l'article L. 114-2 du même code, la seule référence à ces deux articles étant insuffisante à satisfaire à son obligation d'information (3e Civ., 16 novembre 2011, pourvoi n° 10-25.246, publié).
9. Pour rejeter la demande de garantie de M. [P] à l'encontre de son assureur, l'arrêt retient que, si l'article 27 des conditions générales de la police se borne à rappeler que toutes actions dérivant du présent contrat sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y a donné naissance dans les termes des articles L. 114-1 et L. 114-2 du code des assurances, M. [P] ne peut pas se prévaloir de l'inopposabilité de la prescription biennale, dès lors que le contrat litigieux n'était pas soumis à l'obligation d'information prévue par l'article R. 112-1 du code des assurances en vigueur lors de sa conclusion, celui-ci visant des polices d'assurance d'entreprises mentionnées au 5° de l'article L. 310-1, catégorie disparue à la suite de la réécriture de cet article par la loi n° 94-5 du 4 janvier 1994.
10. En statuant ainsi, alors que l'obligation d'information prévue à l'article R. 112-1 susvisé s'applique à tous les contrats d'assurance et qu'il ressortait de ses constatations que les conditions générales de la police se bornaient à faire référence, sans autre précision, aux articles L. 114-1 et L. 114-2 du code des assurances, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
11. La cassation du chef de dispositif rejetant les demandes de M. [P] à l'encontre de la société L'Auxiliaire emporte celle condamnant M. [P] à payer à la société L'Auxiliaire une certaine somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, les autres condamnations prononcées au titre de cet article étant justifiées par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause.
Recevabilité de la demande de mise hors de cause examinée d'office
12. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 16 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 982 du code de procédure civile.
13. La société Gan assurances a constitué avocat le 25 novembre 2024 et a présenté une demande de mise hors de cause par mémoire en défense notifié le 29 novembre 2024, alors que le mémoire ampliatif lui a été signifié par acte du 27 mars 2024.
14. Le mémoire en défense n'ayant pas été déposé dans les deux mois de la signification du mémoire ampliatif, la demande de mise hors de cause de la société Gan assurances est irrecevable en application de l'article 982 du code de procédure civile.
Civ.1 30 avril 2025 n° 23-13.052
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CC
COUR DE CASSATION ______________________
Décision du 30 avril 2025
Rejet non spécialement motivé
Mme CHAMPALAUNE, président
Décision n° 10260 F-D
Pourvoi n° N 23-13.052
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 30 AVRIL 2025
La région Provence-Alpes-Côte d'Azur, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° N 23-13.052 contre l'arrêt rendu le 3 janvier 2023 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-1), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [D] [B], veuve [X], domiciliée [Adresse 1],
2°/ à M. [E] [X], domicilié [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dard, conseiller, les observations écrites de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de Mme [B] et de M. [X], après débats en l'audience publique du 4 mars 2025 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Dard, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Layemar, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Les moyens de cassation, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la région Provence-Alpes-Côte d'Azur aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et la condamne à payer à Mme [B] et à M. [X] la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, prononcé publiquement le trente avril deux mille vingt-cinq par mise à disposition de la décision au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Champalaune, président, Mme Dard conseiller rapporteur et Mme Vignes, greffier de chambre.
Civ.1 30 avril 2025 n° 23-13.509
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION ______________________
Décision du 30 avril 2025
Rejet non spécialement motivé
Mme CHAMPALAUNE, président
Décision n° 10276 F-D
Pourvoi n° J 23-13.509
Aide juridictionnelle totale en défense au profit de Mme [T]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 26 juin 2023.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 30 AVRIL 2025
Mme [I] [L], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° J 23-13.509 contre l'arrêt rendu le 15 décembre 2022 par la cour d'appel de Douai (chambre 1, section 1), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [P] [J], domiciliée [Adresse 4],
2°/ à Mme [B] [F], domiciliée [Adresse 5],
3°/ à Mme [O] [K], domiciliée [Adresse 1],
4°/ à Mme [W] [T], domiciliée [Adresse 3],
défenderesses à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lion, conseiller référendaire, les observations écrites de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de Mme [L], de la SCP Le Guerer, Bouniol-Brochier, Lassalle-Byhet, avocat de Mmes [J], [F] et [K], de Me Soltner, avocat de Mme [T], après débats en l'audience publique du 4 mars 2025 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Lion, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Layemar, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Les moyens de cassation, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [L] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [L] et la condamne à payer à Me Soltner la somme de 2 000 euros et à Mmes [J], [F] et [K] la somme globale de 2 000 euros ;
Ainsi fait et décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, prononcé publiquement le trente avril deux mille vingt-cinq par mise à disposition de la décision au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Champalaune, président, Mme Lion, conseiller référendaire rapporteur et Mme Vignes, greffier de chambre.
Crim. 30 avril 2025 n° 24-81.542
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° D 24-81.542 F-D
N° 00533
RB5 30 AVRIL 2025
CASSATION PARTIELLE IRRECEVABILITÉ DÉCHÉANCE
Mme DE LA LANCE conseiller doyen faisant fonction de président,
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 30 AVRIL 2025
M. [J] [S]-[K] et Mme [Z] [G], épouse [S]-[K], M. [R] [S]-[K], Mme [M] [S]-[K], M. [L] [Y], les société [1] et [2], parties intervenantes, ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 9e chambre, en date du 9 février 2024, qui, pour blanchiment, escroquerie aggravée et tentative, a condamné, le premier, à une confiscation.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité
Un mémoire a été produit pour M. [J] [S]-[K], Mme [Z] [G], épouse [S]-[K], M. [R] [S]-[K], Mme [M] [S]-[K], les sociétés [1] et [2].
Sur le rapport de Mme Jaillon, conseiller, les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de M. [J] [S]-[K], Mme [Z] [G], épouse [S]-[K], M. [R] [S]-[K], Mme [M] [S]-[K], les sociétés [1] et [2], et les conclusions de M. Bougy, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 mars 2025 où étaient présents Mme de la Lance, conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Jaillon, conseiller rapporteur, M. Wyon, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. A la suite d'un signalement de Tracfin le 15 septembre 2020, une enquête a mis à jour une escroquerie ayant déterminé l'obtention d'aides à l'activité partielle au titre de salariés fictifs, mettant en cause M. [J] [S]-[K].
3. Le 29 septembre 2023, le tribunal correctionnel l'a reconnu coupable d'escroquerie aggravée et tentative et de blanchiment et l'a condamné à quatre ans d'emprisonnement dont un an avec sursis probatoire, des confiscations et a prononcé sur les intérêts civils.
4. Le prévenu a relevé appel de ce jugement sur les seules dispositions relatives aux confiscations.
5. Le ministère public a relevé appel incident sur les dispositions pénales puis devant la cour d'appel a limité son appel aux dispositions relatives aux confiscations.
Examen de la recevabilité du pourvoi formé par Mme [Z] [G], épouse [S]-[K]
6. Mme [Z] [G], titulaire de parts des sociétés [2], et [1], seules propriétaires, pour la première, de l'ensemble immobilier saisi à [Localité 4] et, pour la seconde, de l'ensemble immobilier saisi à [Localité 3], n'est pas un tiers ayant des droits sur ces biens et n'a donc pas qualité pour exercer un recours contre l'arrêt de confiscation ni pour se pourvoir en cassation.
Déchéance du pourvoi formé par M. [L] [Y]
7. M. [L] [Y] n'a pas déposé dans le délai légal, personnellement ou par son avocat, un mémoire exposant ses moyens de cassation. Il y a lieu, en conséquence, de le déclarer déchu de son pourvoi par application de l'article 590-1 du code de procédure pénale.
Examen des pourvois formés par MM. [J] [S]-[K], [R] [S]-[K], Mme [M] [S]-[K], les sociétés [1] et [2]
Examen des moyens
Sur le quatrième moyen
8. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur les premier, troisième et cinquième moyens
Enoncé des moyens
9. Le premier moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné la confiscation de l'ensemble immobilier sis à [Localité 5], propriété de la société [2], en ne faisant pas droit à la demande de restitution formée par cette société, alors :
« 1°/ que la confiscation d'un bien qui n'est ni le produit direct ou indirect de l'infraction, ni son objet et est réalisée en valeur ne peut être ordonnée que si l'auteur de l'infraction en est le propriétaire ou en a la libre disposition ; que la restitution de tels biens à leur véritable propriétaire est de droit, s'ils en font la demande ; que, saisie de l'appel limité à la peine de confiscation prononcée à l'encontre de M. [S] [K], définitivement déclaré coupable d'escroquerie et de blanchiment et de la demande de restitution des biens ayant fait l'objet d'une saisie pénale, la cour d'appel a ordonné la confiscation en valeur du produit des infractions commises par M. [S] [K] portant sur l'ensemble des biens saisis, dont l'ensemble immobilier sise à [Localité 4] ; qu'elle a estimé que cet ensemble immobilier appartenant à la SCI [2] était confiscable dès lors que le condamné en avait la libre disposition, au motif qu'il était gérant de la SCI qui en était propriétaire ; que, dès lors qu'elle constatait que la SCI [2] était détenue pour la moitié des parts par le condamné, et pour l'autre moitié par son épouse, qui n'a pas été poursuivie et condamnée pour les faits d'escroquerie et de blanchiment, ce qui ne permettait pas de considérer que le condamné avait la libre disposition de l'ensemble immobilier du seul fait qu'il était le gérant de la SCI, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 131-21 du code pénal, lu à la lumière de l'article 6, de la directive 2014/42/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 et 481 du code de procédure pénale. »
10. Le troisième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné la confiscation du bien acquis à [Localité 3] et a refusé implicitement la restitution du bien à la société [1], alors :
« 1°/ que la cour d'appel a ordonné la confiscation en valeur du bien acquis par la SCI [1], laquelle n'a pas été poursuivie et condamnée pour les faits d'escroquerie et de blanchiment ; qu'en se contentant de constater, pour ordonner la confiscation et ainsi rejeter la demande de restitution formée par cette SCI, que le prévenu était le gérant de la SCI [1], et qu'il détenait 50% des parts de la dite SCI, la cour d'appel qui n'a pas constaté les éléments propres à établir qu'il avait la libre disposition de ce bien, n'a pas justifié sa décision au regard des articles 131-21 du code pénal, lu à la lumière de l'article 6, de la directive 2014/42/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014, et 481 du code de procédure pénale. »
11. Le cinquième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [J] [S]-[K] à titre de peine complémentaire à la confiscation de l'ensemble des biens saisis, alors :
« 1°/ que la confiscation en valeur peut porter sur les biens dont l'auteur de l'infraction est propriétaire ou dont il a la libre disposition ; qu'en ordonnant la confiscation des biens de la SCI [2] et ceux de la SCI [1], aux motifs que le condamné en étant le gérant en avait la libre disposition, quand il résultait de ses propres constatations que la SCI appartenait pour moitié à son épouse, ce qui excluait qu'il en ait la libre disposition ou même qu'il en soit le seul véritable propriétaire, la cour d'appel a méconnu l'article 131-21 du code pénal. »
Réponse de la Cour
12. Les moyens sont réunis.
Vu l'article 593 du code de procédure pénale :
13. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
14. Pour ordonner la confiscation des ensembles immobiliers sis à [Localité 4] et à [Localité 3], l'arrêt attaqué relève que ces biens sont la propriété, pour le premier, de la société [2] et pour le second, de la société [1].
15. Les juges ajoutent que ces sociétés sont détenues à parité par M. [J] [S]-[K] et son épouse et qu'il en est le gérant.
16. Ils en déduisent que M. [J] [S]-[K] a la libre disposition de ces immeubles.
17. En se déterminant ainsi, sans mieux établir que M. [J] [S]-[K] était le propriétaire économique réel des ensembles immobiliers confisqués, en sorte qu'il devait être vu comme en ayant la libre disposition, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.
18. La cassation est par conséquent encourue de ce chef, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres griefs.
Civ.1 30 avril 2025 n° 22-23.840
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CR12
COUR DE CASSATION ______________________
Décision du 30 avril 2025
Rejet non spécialement motivé
Mme CHAMPALAUNE, président
Décision n° 10270 F-D
Pourvoi n° T 22-23.840
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 30 AVRIL 2025
M. [G] [J], domicilié [Adresse 6], a formé le pourvoi n° T 22-23.840 contre l'arrêt rendu le 5 septembre 2022 par la cour d'appel de Toulouse (1re chambre, section 1), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [I] [T], domiciliée [Adresse 3],
2°/ à Mme [V] [H], épouse [M], domiciliée [Adresse 5],
3°/ à Mme [R] [Y], domiciliée [Adresse 1], représentée par la société Cathala et associés jusqu'au 8 février 2022 et par M. [W] [P] à compter du 8 février 2022,
4°/ à Mme [U] [C], domiciliée [Adresse 2],
5°/ à la société Axa France vie, dont le siège est [Adresse 4],
défenderesses à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Marilly, conseiller référendaire, les observations écrites de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [J], de la SCP Alain Bénabent, avocat de Mmes [T] et [C], après débats en l'audience publique du 4 mars 2025 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Marilly, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Layemar, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Il est donné acte à M. [J] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Axa France vie.
2. Les moyens de cassation, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
3. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [J] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [J] et le condamne à payer à Mmes [T] et [C] la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, prononcé publiquement le trente avril deux mille vingt-cinq par mise à disposition de la décision au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Champalaune, président, Mme Marilly, le conseiller référendaire et Mme Vignes, greffier de chambre.
Civ.1 30 avril 2025 n° 23-16.779
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CC
COUR DE CASSATION ______________________
Décision du 30 avril 2025
Rejet non spécialement motivé
Mme CHAMPALAUNE, président
Décision n° 10255 F-D
Pourvoi n° P 23-16.779
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 30 AVRIL 2025
1°/ Mme [T] [H], épouse [L], domiciliée [Adresse 3],
2°/ M. [V] [H], domicilié [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° P 23-16.779 contre l'arrêt rendu le 24 mai 2023 par la cour d'appel d'Agen (chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [J] [H],
2°/ à Mme [S] [F], veuve [H],
tous deux domiciliés [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Poinseaux, conseiller, les observations écrites de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme et de M. [V] [H], de la SCP Françoise Fabiani - François Pinatel, avocat de M. [J] [H], de Mme [F], après débats en l'audience publique du 4 mars 2025 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Poinseaux, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Layemar, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Le moyen de cassation, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [H], M. [V] [H] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [H], M. [V] [H] et les condamne à payer à Mme [F] et à M. [J] [H], la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, prononcé publiquement le trente avril deux mille vingt-cinq par mise à disposition de la décision au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Champalaune, président, Mme Auroy, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, et Mme Vignes, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de la décision, conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile.
Civ.1 30 avril 2025 n° 23-21.012
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CC
COUR DE CASSATION ______________________
Décision du 30 avril 2025
Rejet non spécialement motivé
Mme CHAMPALAUNE, président
Décision n° 10256 F-D
Pourvoi n° Q 23-21.012
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 30 AVRIL 2025
1°/ Mme [G] [C], domiciliée [Adresse 4],
2°/ Mme [I] [Z], veuve [C], domiciliée [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° Q 23-21.012 contre l'arrêt rendu le 13 juin 2023 par la cour d'appel de Chambéry (chambre civile, 1re section), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [K] [C], domicilié [Adresse 3],
2°/ à M. [F] [C], domicilié [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Poinseaux, conseiller, les observations écrites de la SCP Richard, avocat de Mmes [G] et [I] [C] et de Mme [Z], de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de MM. [K] et [F] [C], après débats en l'audience publique du 4 mars 2025 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Poinseaux, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Layemar, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Le moyen de cassation, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mmes [G] et [I] [C] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mmes [G] et [I] [C] et les condamne à payer à MM. [K] et [F] [C] la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, prononcé publiquement le trente avril deux mille vingt-cinq par mise à disposition de la décision au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Champalaune, président, Mme Auroy, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, et Mme Vignes, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de la décision, conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile.
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