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Civ.2 3 avril 2025 n° 23-18.361

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CH10


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 3 avril 2025



Cassation sans renvoi

Mme MARTINEL, président


Arrêt n° 313 F-D
Pourvoi n° G 23-18.361


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 AVRIL 2025
Le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° G 23-18.361 contre 2 arrêts rendus le 13 octobre 2021 et 10 mai 2023 par la cour d'appel de Rennes (5e chambre), dans le litige l'opposant à Mme [U] [F], épouse [C], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Cassignard, conseiller, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, de Me Balat, avocat de Mme [F], et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 février 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, Mme Cassignard, conseiller rapporteur, Mme Isola, conseiller, et Mme Cathala, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon les arrêts attaqués (Rennes, 13 octobre 2021 et Rennes,10 mai 2023), après le décès, le [Date décès 1] 2003, de [P] [C] des suites d'une maladie provoquée par l'exposition à l'amiante, Mme [C] née [F], sa veuve, et d'autres ayants droit de [P] [C] ont saisi le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (le FIVA) aux fins d'indemnisation de leurs préjudices personnels et de ceux subis par leur auteur de son vivant. Le FIVA leur a présenté le 16 février 2009 une offre en indemnisation du préjudice esthétique de la victime, et le 23 juin 2009 une offre au titre du préjudice de la victime lié à l'assistance par une tierce personne, qu'ils ont acceptées.
2. Le 30 août 2018, Mme [C] a saisi d'une demande d'indemnisation de son préjudice économique le FIVA, qui l'a rejetée comme étant prescrite. Elle a formé un recours contre cette décision devant une cour d'appel.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. Le FIVA fait grief à l'arrêt du 13 octobre 2021 d'infirmer sa décision du 11 octobre 2018 et de dire que la demande de Mme [C] déposée le 30 août 2018 au titre de son préjudice économique est recevable comme n'étant pas prescrite, alors « que la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrit interrompt le délai de la prescription ; que, pour écarter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande d'indemnisation de Mme [C] au titre de son préjudice économique, la cour d'appel a énoncé que le décès de [P] [C] confère à ses ayants droit le droit à réparation intégrale des préjudices subis du fait de ce décès et estimé que, par application de la loi du 23 décembre 2000, il n'y a pas lieu de distinguer si les offres précédentes du Fonds ont été faites à un ayant droit au titre de son préjudice personnel ou au titre de l'action successorale, le fait générateur de l'action étant le même, le décès de la victime de l'amiante, et le but des demandes étant le même, c'est-à-dire la réparation intégrale des préjudices due par le FIVA, pour en déduire que les offres du 16 février 2009 et du 23 juin 2009 faites par le Fonds, au titre de l'action successorale, aux ayants droit de [P] [C], parmi lesquelles sa veuve, Mme [C], ont interrompu la prescription décennale, de sorte que sa demande d'indemnisation de son préjudice économique du 30 août 2018 a été présentée dans le délai de prescription et que sa demande d'indemnisation est recevable ; qu'en statuant ainsi, quand les offres d'indemnisation sur lesquelles elle s'est fondée avaient été formulées, comme elle le constatait elle-même, au titre l'une et l'autre de l'action successorale, en indemnisation du préjudice esthétique (offre du 16 février 2009) et du préjudice découlant de l'assistance par une tierce personne (offre du 23 juin 2009), ce dont il se déduisait que ces offres n'emportaient pas reconnaissance par le Fonds du droit à indemnisation de Mme [C] de son préjudice économique, dont cette dernière demandait réparation en une autre qualité, au titre de son action personnelle, et, partant, ne pouvaient avoir interrompu la prescription applicable à cette demande de réparation, la cour d'appel a violé l'article 2240 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 2240 du code civil :
4. Selon ce texte, la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrit interrompt le délai de la prescription.
5. Pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande, formée le 30 août 2018 par Mme [C], d'indemnisation de son préjudice économique, l'arrêt énonce que le décès de [P] [C] le [Date décès 1] 2003, à la suite de plaques pleurales bilatérales calcifiées et d'un adénocarcinome pulmonaire au caractère professionnel reconnu, confère à ses ayants droit le droit à réparation intégrale des préjudices subis du fait de ce décès, puis retient que la loi prévoit la réparation intégrale des préjudices des ayants droits sans distinguer les préjudices personnels de ceux qui relèvent d'une action successorale, de sorte qu'il n'y a pas lieu de distinguer si les offres précédentes ont été faites à un ayant droit au titre de son préjudice personnel ou au titre de l'action successorale, le fait générateur de l'action étant le même, le décès de la victime de l'amiante, et le but des demandes étant le même, c'est à dire la réparation intégrale des préjudices due par le FIVA. Il en déduit que les offres du 16 février 2009 et du 23 juin 2009 faites par le FIVA, au titre de l'action successorale, aux ayants droit de [P] [C], parmi lesquels sa veuve, Mme [C], ont interrompu la prescription décennale.
6. En statuant ainsi, alors que les offres dont se prévalait Mme [C] indemnisaient uniquement le préjudice successoral, ce dont il résultait qu'elles n'emportaient pas reconnaissance par le FIVA de son droit à indemnisation d'un préjudice dont elle demandait réparation en une autre qualité, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
7. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
8. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
9. Il résulte de ce qui est dit aux points 4 et 6 que la demande, formée le 30 août 2018 par Mme [C], d'indemnisation de son préjudice économique, est prescrite.
10. Par ailleurs, en application de l'article 625, alinéa 2, du code de procédure civile, la cassation de l'arrêt du 13 octobre 2021 entraîne, par voie de conséquence, l'annulation de l'arrêt du 10 mai 2023, qui en est la suite.




Civ.2 3 avril 2025 n° 23-18.533

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 3 avril 2025



Cassation partielle

Mme MARTINEL, président


Arrêt n° 328 F-D
Pourvoi n° V 23-18.533



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 AVRIL 2025

Mme [O] [E], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 23-18.533 contre l'arrêt rendu le 13 avril 2023 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-3), dans le litige l'opposant à la société MACIF, société d'assurance mutuelle, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Ittah, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme [E], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société MACIF, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 février 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Ittah, conseiller référendaire rapporteur, Mme Isola, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 13 avril 2023), Mme [E] a souscrit auprès de la société MACIF (l'assureur) un contrat d'assurance afférent à son véhicule.
2. Une lettre recommandée avec demande d'avis de réception a été adressée à Mme [E], le 30 octobre 2015, à l'adresse qui figurait sur sa carte grise mais à laquelle elle ne résidait plus, pour l'aviser de l'invalidation de son permis de conduire à la suite de la perte de l'intégralité de ses points.
3. À la suite d'un accident de la circulation survenu le 30 décembre 2015, les services de police ont informé Mme [E], le 11 janvier 2016, de cette invalidation, consécutive à sa condamnation, prononcée par défaut, pour des faits de conduite en ayant fait usage de son téléphone tenu en mains, contre laquelle elle a formé opposition.
4. Dans la nuit du 5 au 6 juin 2016, le véhicule en cause a été volé puis retrouvé incendié le 6 juin 2016.
5. L'assureur ayant refusé d'indemniser ces deux sinistres au motif que Mme [E] ne l'avait pas informé de l'invalidation de son permis de conduire, celle-ci l'a assigné afin d'obtenir, notamment, la mise en oeuvre des garanties à la suite de l'accident et du vol.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. Mme [E] fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité du contrat d'assurance qu'elle avait souscrit auprès de l'assureur pour son véhicule à compter du 11 janvier 2016 et de la débouter en conséquence de sa demande tendant à le voir condamner à lui payer la somme de 23 500 euros au titre du sinistre du 6 juin 2016, alors « qu'il résulte de l'article L. 113-8 du code des assurances que le contrat d'assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré, lorsque cette réticence ou fausse déclaration change l'objet du risque ou en diminue l'opinion pour l'assureur ; que l'appréciation de la portée de cette réticence ou fausse déclaration sur l'opinion du risque pour l'assureur doit se faire, s'agissant d'une police garantissant plusieurs risques distincts, par rapport à chaque risque en litige, mais indépendamment des circonstances du sinistre ; que la cour d'appel devait donc rechercher si, comme il était soutenu, la circonstance selon laquelle le permis de conduire du conducteur principal avait été invalidé avait une incidence sur l'opinion du risque de vol garanti par la police ; qu'en omettant cette recherche, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 113-8 du code des assurances. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 113-8 du code des assurances :
7. Selon ce texte, le contrat d'assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l'objet du risque ou en diminue l'opinion pour l'assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l'assuré a été sans influence sur le sinistre.
8. Pour prononcer la nullité du contrat d'assurance à compter du 11 janvier 2016 et débouter Mme [E] de ses demandes formées au titre du sinistre vol survenu le 6 juin 2016, l'arrêt énonce que celle-ci n'a pas avisé l'assureur de la modification de sa situation à compter de l'avis qui lui a été fait de l'invalidation de son permis de conduire au mois de janvier 2016, alors que la validité du permis de conduire conditionne l'aptitude d'une personne à conduire et à pouvoir circuler sans générer de risque anormal en cas d'accident ou de sinistre.
9. Il relève que Mme [E] avait déclaré lors de la souscription du contrat qu'elle était titulaire du permis de conduire et en déduit que c'est en ayant pleine connaissance du changement intervenu dans sa situation qu'elle a omis d'en informer l'assureur. Il ajoute que la sanction de la nullité est encourue même si le risque omis ou dénaturé a été sans influence sur le sinistre.
10. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était tenue, si l'absence d'information donnée par Mme [E] sur l'invalidation de son permis de conduire avait changé l'objet du risque couvert par la garantie vol ou en avait diminué l'opinion pour l'assureur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.




Civ.2 3 avril 2025 n° 23-18.453

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 3 avril 2025



Cassation partielle

Mme MARTINEL, président


Arrêt n° 314 F-D
Pourvoi n° G 23-18.453





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 AVRIL 2025

M. [W] [T], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° G 23-18.453 contre l'arrêt rendu le 11 mai 2023 par la cour d'appel d'Amiens (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [X] [I], domicilié [Adresse 4],
2°/ à la société MAAF assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],
3°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aisne, dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La société MAAF assurances a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Cassignard, conseiller, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de M. [T], de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société MAAF assurances, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 février 2025 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Cassignard, conseiller rapporteur, Mme Isola, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à M. [T] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. [I] et contre la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aisne.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 11 mai 2023), le 4 mars 2011, alors qu'il était passager d'un scooter assuré par la société MAAF assurances (l'assureur), M. [T] (la victime), âgé de 16 ans, a été victime d'un accident de la circulation impliquant le véhicule conduit par M. [I] qui n'était pas assuré.
3. La victime a assigné l'assureur et M. [I] à fin d'indemnisation de ses préjudices, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aisne.
Examen des moyens
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche, du pourvoi principal formé par la victime, et les deux moyens du pourvoi incident formé par l'assureur
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal
Enoncé du moyen
5. La victime fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande tendant à voir juger que l'indemnité octroyée, avant imputation de la créance des tiers payeurs et des provisions versées, portera intérêts au double du taux légal à compter du 4 novembre 2011, alors « qu'en application de l'article L. 211-9 du code des assurances, l'assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d'un véhicule terrestre à moteur est tenu, dans un délai maximum de huit mois à compter de l'accident, de présenter une offre d'indemnité à la victime qui subit une atteinte à sa personne ; que cette offre peut avoir un caractère provisionnel lorsque l'assureur n'a pas, dans les trois mois de l'accident, été informé de la consolidation de l'état de la victime, l'offre définitive d'indemnisation devant alors être faite dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de cette consolidation ; qu'en application de l'article L. 211-13 du même code, lorsque l'offre n'a pas été faite dans ce délai, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêts de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif ; que la cour d'appel s'est bornée à relever, pour débouter la victime de sa demande tendant à voir juger que l'indemnité octroyée portera intérêts au double du taux légal à compter du 4 novembre 2011, que l'assureur avait présenté le 19 octobre 2015, soit dans les cinq mois suivant la date à laquelle elle avait été informée de la consolidation, une offre définitive portant sur l'ensemble des préjudices ; qu'en statuant de la sorte sans vérifier, ainsi qu'elle en était requise, si l'assureur avait, dans le délai légal, présenté à tout le moins une offre d'indemnisation à caractère provisionnel, complète et non manifestement insuffisante au regard des données connues à cette date, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances :
6. Il résulte du premier de ces textes qu'une offre d'indemnité doit être faite à la victime qui a subi une atteinte à sa personne dans le délai maximum de huit mois à compter de l'accident. Cette offre peut avoir un caractère provisionnel lorsque l'assureur n'a pas, dans les trois mois de l'accident, été informé de la consolidation de l'état de la victime. L'offre définitive d'indemnisation doit alors être faite dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de cette consolidation.
7. Selon le second de ces textes, si l'offre n'a pas été faite dans ce délai, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge produit intérêts de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif.
8. Pour rejeter la demande de la victime au titre des intérêts au double du taux de l'intérêt légal, l'arrêt retient en substance que l'assureur a versé à la victime plusieurs provisions entre le 10 mars 2012 et le 14 novembre 2014, qu'après une première expertise médicale réalisée le 7 novembre 2012, le rapport fixant la consolidation de la victime au 14 avril 2015 a été adressé aux parties le 27 mai 2015, que l'assureur, après avoir sollicité le 6 juillet 2015 de la caisse son relevé de débours définitifs, a adressé à la victime une offre définitive de 293 710,15 euros le 19 octobre 2015, et que cette offre porte sur l'ensemble des préjudices et satisfait aux exigences légales puisqu'elle a été faite dans les cinq mois de la connaissance de la consolidation de la victime.
9. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si une offre provisionnelle comprenant tous les éléments indemnisables du préjudice, qui ne se confond pas avec le versement d'une provision, avait été présentée à la victime dans les huit mois de l'accident, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Portée et conséquences de la cassation
10. La cassation du chef de dispositif déboutant la victime de sa demande au titre du doublement des intérêts au taux légal n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant in solidum l'assureur et M. [I] aux dépens et à payer à la victime une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par des dispositions de l'arrêt non remises en cause.




Civ.2 3 avril 2025 n° 23-20.287

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CH10


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 3 avril 2025



Cassation partielle sans renvoi

Mme MARTINEL, président


Arrêt n° 323 F-D
Pourvoi n° B 23-20.287



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 AVRIL 2025
La société Mutuelles du Mans assurances, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° B 23-20.287 contre l'arrêt rendu le 16 mai 2023 par la cour d'appel de Caen (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Basse-Normandie, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Puy-de-Dôme, dont le siège est [Adresse 3],
3°/ à M. [M] [K], domicilié chez Mme [I], [Adresse 4],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Salomon, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société Mutuelles du Mans assurances, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 février 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, Mme Salomon, conseiller rapporteur, Mme Isola, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 16 mai 2023), le 13 février 1995, M. [K], a été victime d'un accident de la circulation, alors qu'il traversait la chaussée.
2. Une première indemnisation amiable a été convenue en 2003 entre la victime et la société Azur assurances, assureur du véhicule impliqué, aux droits de laquelle vient la société Mutuelles du Mans assurances (l'assureur).
3. Des indemnisations complémentaires ont été accordées à la victime suivant procès-verbaux de transaction des 30 septembre 2013 et 3 octobre 2015.
4. Après une nouvelle intervention chirurgicale en juin 2016, M. [K] a assigné l'assureur, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie de Basse-Normandie, en indemnisation de l'aggravation de ses préjudices.
5. La caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme est intervenue volontairement à l'instance d'appel.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
6. L'assureur fait grief à l'arrêt de liquider les préjudices subis par M. [K] par suite de la dernière aggravation de son état, dépenses de santé actuelles, 2 993,53 euros dont 548,72 euros dus à M. [K], dépenses de santé futures, 228 429,96 euros dont 15 774,64 euros dus à M. [K], incidence professionnelle, 154 007,70 euros et déficit fonctionnel permanent, 58 289,04 euros, de le condamner à payer à M. [K] ces indemnités, sous déduction de la créance des caisses de sécurité sociale ainsi que des provisions déjà versées, de dire qu'il supportera, à titre de sanction le paiement des intérêts au double du taux légal sur l'ensemble des indemnités ainsi liquidées, tant celles fixées par le tribunal et confirmées par la cour que celles fixées par la cour, sans déduction des créances des tiers payeurs ni des provisions versées, et ce pour la période du 7 mai 2018 jusqu'au jour où l'arrêt deviendra définitif et de débouter les parties du surplus de leurs demandes, alors « que le dommage est définitivement fixé à la date où le juge rend sa décision ; qu'au cas où postérieurement à cette date, une aggravation surviendrait dans l'état de la victime, les dommages et intérêts ne peuvent excéder la réparation intégrale du préjudice causé par ladite aggravation ; que, pour fixer le déficit fonctionnel permanent de M. [K], la cour d'appel a calculé l'indemnisation sur la base du taux retenu à la suite de cette aggravation, soit 42 %, après en avoir déduit la somme évaluée sur celle du taux précédent, soit 30 % ; que, ce faisant, la cour d'appel, qui a révisé le préjudice originairement évalué, et qui, dès lors, a fixé des dommages et intérêts supérieurs au montant du préjudice nouveau subi par la victime, a violé l'article 1240 du code civil, ancien 1382, ensemble l'article 1355 du code civil, ancien 1351. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil, l'article L. 211-19 du code des assurances et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :
7. Il résulte de ces textes et de ce principe que le dommage est définitivement fixé à la date où le juge rend sa décision et qu'au cas où, postérieurement à cette date, une aggravation survient dans l'état de la victime, les dommages et intérêts ne peuvent excéder la réparation intégrale du préjudice causé par cette aggravation.
8. Pour fixer à la somme de 58 289,04 euros le déficit fonctionnel permanent de M. [K] consécutivement à la dernière aggravation de son état de santé, l'arrêt retient qu'il est indispensable d'évaluer l'aggravation de ce déficit en tenant compte des sommes déjà accordées en réparation du même préjudice, dès lors, d'une part, qu'il s'agit du même préjudice et non de deux préjudices distincts qui s'ajouteraient l'un à l'autre, d'autre part, que la valeur unitaire du point est strictement corrélée au taux de déficit, celle-ci augmentant de manière exponentielle en fonction de l'importance du taux retenu.
9. L'arrêt ajoute qu'il convient de liquider l'aggravation du déficit fonctionnel permanent subi par M. [K] par référence à la valeur du point d'incapacité correspondant à son déficit actuel de 42 %, avant d'en déduire le montant de l'indemnité qui lui a été précédemment allouée en réparation du déficit antérieurement retenu, soit 30 %. Il en déduit qu'eu égard à l'âge de la victime au jour de sa dernière consolidation, l'aggravation de son déficit fonctionnel permanent pourrait être apprécié à hauteur de 42 x 3 530 = 148 260 - 64 050 = 84 210 euros, mais que, dans la mesure où M. [K] limite sa demande à la somme de 58 289,04 euros, il ne saurait lui être accordé une indemnité d'un montant supérieur.
10. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a révisé le préjudice originairement évalué et qui, dès lors, a fixé des dommages et intérêts supérieurs au montant du préjudice nouveau subi par la victime, a violé les textes et le principe susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
11. Tel que suggéré par le demandeur au pourvoi, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
12. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
13. Il convient, au regard de la valeur du point, soit 3 530, de fixer à la somme de 42 360 euros le montant du déficit fonctionnel permanent subi par M. [K] du fait de la dernière aggravation de son état de santé, de condamner l'assureur à lui payer ce montant, sous déduction de la créance des caisses de sécurité sociale ainsi que des provisions déjà versées.
14. Par ailleurs, la cassation des chefs de dispositif liquidant à la somme de 58 289,04 euros le déficit fonctionnel permanent subi par M. [K] par suite de la dernière aggravation de son état de santé et condamnant l'assureur à payer à M. [K] cette indemnité, sous déduction de la créance des caisses de sécurité sociale ainsi que des provisions déjà versées, n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'assureur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci.




Civ.3 3 avril 2025 n° 23-20.983

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 3 avril 2025



Cassation partielle

Mme TEILLER, président


Arrêt n° 185 F-D
Pourvoi n° G 23-20.983



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 AVRIL 2025

La société MRS carrelage, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° G 23-20.983 contre l'arrêt rendu le 1er juin 2023 par la cour d'appel de Bordeaux (4e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Les Terrasses d'Aliénor, entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], en liquidation judiciaire,
2°/ à la société Silvestri-Baujet, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 1], prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Les Terrasses d'Aliénor,
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.



Sur le rapport de Mme Foucher-Gros, conseiller, les observations de la SARL Ortscheidt, avocat de la société MRS carrelage, après débats en l'audience publique du 4 mars 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Foucher-Gros, conseiller rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Reprise d'instance
1. Il est donné acte à la société MRS carrelage de sa reprise d'instance à l'encontre de la société civile professionnelle Silvestri-Baujet, prise en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Les Terrasses d'Aliénor.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux,1er juin 2023), la société Les Terrasses d'Aliénor a fait procéder à la construction d'un groupe d'immeubles qu'elle a vendu à la société ICF habitat en l'état futur d'achèvement.
3. La réception des deux lots confiés à la société Entreprise construction bâtiment rénovation, aux droits de laquelle vient la société MRS carrelage est intervenue avec des réserves.
4. Le 19 décembre 2016, les parties ont conclu un protocole aux termes duquel :
- la société Les Terrasses d'Aliénor renonçait à facturer des pénalités de retard et diverses retenues à la société MRS carrelage et se reconnaissait débitrice envers celle-ci de la somme globale et forfaitaire de 53 000 euros pour les deux lots, outre 11 197,48 euros au titre des retenues de garantie,
- la société MRS carrelage acceptait un paiement échelonné de la somme de 30 000 euros et de voir conditionné le paiement du surplus au parfait paiement intégral et définitif par la société ICF habitat de la somme de 160 889,69 euros au maître de l'ouvrage, une procédure de référé, initiée par celui-ci pour obtenir le paiement de cette somme, étant en cours.
5. La société MRS carrelage a assigné la société Les Terrasses d'Aliénor aux fins de voir prononcer la nullité du protocole.


Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
6. La société MRS carrelage fait grief à l'arrêt de dire valide le protocole conclu par les sociétés Les Terrasses d'Aliénor et MRS carrelage et de rejeter sa demande de nullité de ce protocole, alors « qu'en considérant que la société Les Terrasses d'Aliénor a accepté de renoncer à sa revendication au titre des pénalités de retard, sans répondre au moyen présenté par la société MRS carrelage, preuves à l'appui, tiré de ce qu'aucun des retards et non-conformités constatés sur le chantier, qui affectaient les équipements sanitaires, les appareillages électriques, les murs, les baies de séjours, les coursives, le parking, le portail, les garages, les menuiseries intérieures et les plafonds, à l'exclusion des lots attribués à l'exposante, ne lui était personnellement imputable, de sorte qu'elle ne devait aucune pénalité de retard, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
7. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.
8. Pour rejeter la demande de la société MRS carrelage, l'arrêt retient que la contrepartie du contrat n'est pas dérisoire puisque la société Les Terrasses d'Aliénor a accepté de renoncer à sa revendication au titre des pénalités de retard prévues par le cahier des charges administratives particulières.
9. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société MRS carrelage, qui faisait valoir que, les retards constatés sur le chantier ne lui étant pas imputables, la concession consistant en une renonciation du maître de l'ouvrage à lui imputer des pénalités de retard qui n'étaient pas dues, était illusoire ou dérisoire, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
10. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt confirmant le jugement en ce qu'il dit valide le protocole conclu le 19 décembre 2016 par les sociétés Les Terrasses d'Aliénor et MRS carrelage et rejette la demande de la société MRS carrelage de sa demande de nullité de ce protocole entraîne la cassation des chefs de l'arrêt rejetant la demande de la société MRS carrelage tendant à voir juger que la condition suspensive est acquise et que le solde du montant stipulé dans la transaction est exigible et rejetant la demande de la société MRS carrelage en paiement de la somme de 34 197,48 euros ainsi que la cassation des chefs de l'arrêt condamnant la société MRS carrelage au titre des frais irrépétibles et des dépens de l'instance d'appel, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.




Civ.2 3 avril 2025 n° 23-20.810 B

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 3 avril 2025



Cassation partielle

Mme MARTINEL, président


Arrêt n° 321 F-B

Pourvois n° Z 23-19.227 V 23-20.810 JONCTION



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 AVRIL 2025
I. La société Groupama Rhône-Alpes Auvergne, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° Z 23-19.227 contre l'arrêt rendu le 30 mai 2023 par la cour d'appel de Grenoble (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [N] [D], domiciliée [Adresse 5],
2°/ à M. [W] [D], domicilié [Adresse 6],
3°/ à M. [L] [D], domicilié [Adresse 5],
4°/ à M. [P] [D], domicilié [Adresse 2],
5°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère, dont le siège est [Adresse 1],
6°/ à la société Almerys, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
II. 1°/ M. [W] [D],
2°/ Mme [N] [D],
3°/ M. [P] [D],
4°/ M. [L] [D],
ont formé le pourvoi n° 23-20.810 contre le même arrêt, dans le litige les opposant :
1°/ à la société Almerys, société par actions simplifiée unipersonnelle,
2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère,
3°/ à la société Caisse régionale d'assurance mutuelle agricole de Rhône-Alpes Auvergne - Groupama Rhône-Alpes Auvergne, caisse de réassurances mutuelles agricoles,
défenderesses à la cassation.
La société Groupama Rhône-Alpes Auvergne, demanderesse au pourvoi n° Z 23-19.227 invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.
M. [W] [D], Mme [N] [D], M. [P] [D] et M. [L] [D], demandeurs au pourvoi n° V 23-20.810, invoquent, à l'appui de leur recours, cinq moyens de cassation.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de M. Riuné, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. [W] [D], Mme [N] [D], M. [P] [D] et M. [L] [D], de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de la société Caisse régionale d'assurance mutuelle agricole de Rhône-Alpes Auvergne - Groupama Rhône-Alpes Auvergne, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 février 2025 où étaient présents Mme Martinel, pré
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 23-19.227 et 23-20.810 sont joints.
Désistement partiel
2. Il est donné acte à la société Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles de Rhône-Alpes Auvergne Groupama Rhône-Alpes Auvergne du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme [N] [D], M. [L] [D] et M. [P] [D].
Faits et procédure
3. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 30 mai 2023), le 14 décembre 2014, M. [W] [D] a été victime, au guidon de sa motocyclette, d'un accident de la circulation impliquant un véhicule assuré par la société Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles de Rhône-Alpes Auvergne Groupama Rhône-Alpes Auvergne (l'assureur).
4. Après plusieurs expertises judiciaires, le 12 février 2018, M. [W] [D], Mme [N] [D], sa mère, M. [L] [D], son père et M. [P] [D], son frère (les consorts [D]), ont assigné l'assureur devant un tribunal de grande instance en indemnisation de leurs préjudices, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère (la caisse) et de la société Almerys.
Examen des moyens
Sur les premier, deuxième et troisième moyens du pourvoi n° V 23-20.810, formé par les consorts [D]
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches, du pourvoi n° Z 23-19.227, formé par l'assureur
Enoncé du moyen
6. L'assureur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à M. [W] [D] la somme de 385 280 euros au titre des arrérages à échoir capitalisés relatifs à la perte de gains professionnels futurs et de fixer la créance de la caisse à diverses sommes et notamment à 327 263,31 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs, alors :
« 1°/ que le juge doit évaluer, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, le poste de préjudice de perte de gains professionnels futurs, sans être tenu par la décision de l'organisme de sécurité sociale de classement de la victime en invalidité ; que pour juger que M. [W] [D] démontrait qu'il se trouvait dans l'impossibilité de retrouver un emploi, l'arrêt retient que si l'expert a considéré que M. [W] [D] pourrait mener une activité professionnelle de façon sédentaire, avec un fauteuil aménagé et peu de déplacement, et qu'il sera difficile de faire un travail sur clavier avec sa main gauche, il résulte toutefois des débours de la caisse que M. [W] [D] a fait l'objet d'un classement en invalidité de type 2 et qu'il résulte des dispositions de l'article L. 341-4 du code de la sécurité sociale que le classement en invalidité de catégorie 2 correspond aux personnes se trouvant incapables d'exercer une profession quelconque ; qu'en statuant ainsi, quand il lui appartenait d'apprécier elle-même la capacité d'exercer une profession, sans s'en remettre à la décision de l'organisme social, la cour d'appel a violé l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985, ensemble le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime ;
2°/ en tout état de cause, que l'attribution d'une pension d'invalidité de la deuxième catégorie, au sens de l'article L. 341-4 du code de la sécurité sociale, par un organisme de sécurité sociale n'implique pas que son bénéficiaire soit inapte au travail au sens du droit commun ; que l'arrêt retient que le classement de M. [W] [D] en invalidité de type 2 au sens de l'article L. 341-4 du code de la sécurité sociale démontre que la victime se trouvait dans l'impossibilité de retrouver un emploi ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé L. 341-4 du code de la sécurité sociale, ensemble les articles L. 5421-1 du code du travail et 3 de la loi du 5 juillet 1985. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 341-4 du code de la sécurité sociale et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :
7. L'attribution d'une pension d'invalidité de la deuxième catégorie, au sens de ce texte, par un organisme de sécurité sociale ne caractérise pas, à elle-seule, l'impossibilité de retrouver un emploi, justifiant l'indemnisation de la perte totale des gains professionnels futurs.
8. Pour fixer la somme revenant à M. [W] [D] au titre des pertes de gains professionnels futurs, l'arrêt relève que ce dernier a fait l'objet d'un classement en invalidité de type 2, qui correspond aux personnes se trouvant incapables d'exercer une profession quelconque selon l'article L. 341-4 du code de la sécurité sociale.
9. L'arrêt en déduit que, contrairement à ce qu'a affirmé l'expert, M. [W] [D] démontre qu'il se trouve, compte tenu des séquelles de l'accident, dans l'impossibilité de retrouver un emploi.
10. En statuant ainsi, alors que l'impossibilité de M. [W] [D] de retrouver un emploi ne pouvait se déduire de son seul classement en invalidité de deuxième catégorie, la cour d'appel a violé le texte et le principe susvisés.
Sur le second moyen, pris en sa première branche, du pourvoi n° Z 23-19.227
Enoncé du moyen
11. L'assureur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à M. [W] [D] la somme de 100 000 euros au titre de l'incidence professionnelle, alors « que l'arrêt retient, au titre du poste de pertes de gains professionnels futurs, que M. [W] [D] démontre qu'il se trouve, compte tenu des séquelles de l'accident, dans l'impossibilité de retrouver un emploi et, au titre du poste d'incidence professionnelle, que M. [D] ne dispose que d'une possibilité extrêmement limitée d'accéder à l'emploi, accès qui en toute hypothèse se fera au prix d'aménagement de ses conditions de travail ; qu'en statuant par ces motifs contradictoires, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
12. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. La contradiction entre les motifs équivaut à un défaut de motifs.
13. Pour fixer la somme revenant à M. [W] [D] au titre de l'incidence professionnelle, l'arrêt, après avoir calculé ses pertes de gains professionnels futurs sur la base d'une perte totale de revenus à titre viager, du fait de son impossibilité de retrouver un emploi, relève que M. [W] [D] ne pourra exercer qu'un emploi sédentaire, avec un fauteuil aménagé et que les séquelles affectant son bras gauche l'empêcheront de travailler sur clavier avec la main gauche.
14. Il retient que M. [W] [D], qui a exercé diverses activités professionnelles avant son accident, ne dispose, alors qu'il n'est âgé que de 36 ans, que d'une possibilité extrêmement limitée d'accéder à l'emploi, accès qui en toute hypothèse se fera au prix d'aménagements de ses conditions de travail.
15. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est contredite, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
Sur le quatrième moyen, pris en sa première branche, du pourvoi n° V 23-20.810, formé par les consorts [D]
Enoncé du moyen
16. M. [W] [D] fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de condamnation de l'assureur à lui payer les intérêts au double du taux de l'intérêt légal à compter du 14 août 2015 jusqu'au jour de l'arrêt et de limiter cette condamnation au double du taux de l'intérêt légal à compter du 26 mai 2018 jusqu'au 20 août 2018, alors « qu'en l'absence d'offre provisionnelle dans les huit mois de l'accident, peu important l'existence d'une offre dans les cinq mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de la consolidation, les indemnités allouées à la victime par le juge produisent intérêt de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de la date d'expiration de l'offre jusqu'au jour de l'arrêt devenu définitif ; qu'en l'espèce, pour débouter M. [W] [D] de sa demande de paiement des intérêts au double du taux légal à compter du 14 août 2015 jusqu'à l'arrêt, la cour d'appel a considéré que l'indemnité offerte par l'assureur le 20 août 2018 produirait intérêt de plein droit au double du taux de l'intérêt légal seulement à compter du 26 mai 2018, soit cinq mois à compter de la date où l'assureur a été informé de la consolidation ; qu'en statuant ainsi, sans constater que M. [W] [D] avait reçu une offre provisionnelle dans les huit mois de l'accident, ce qu'il contestait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances :
17. Il résulte du premier de ces textes qu'une offre d'indemnité doit être faite à la victime qui a subi une atteinte à sa personne dans le délai maximum de huit mois à compter de l'accident. Cette offre peut avoir un caractère provisionnel lorsque l'assureur n'a pas, dans les trois mois de l'accident, été informé de la consolidation de l'état de la victime. L'offre définitive d'indemnisation doit alors être faite dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de cette consolidation.
18. Selon le second de ces textes, si l'offre n'a pas été faite dans ce délai, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge produit intérêt de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif.
19. Pour dire que l'indemnité offerte par l'assureur le 20 août 2018 produira intérêt de plein droit au double du taux de l'intérêt légal du 26 mai 2018 au 20 août 2018, l'arrêt constate, d'abord, que M. [W] [D] n'a été considéré comme consolidé qu'à compter du 17 février 2017, ce dont l'assureur a eu connaissance le 26 décembre 2017.
20. Il relève, ensuite, que l'assureur disposait d'un délai de cinq mois à compter de cette dernière date pour formuler une offre d'indemnisation définitive, soit jusqu'au 26 mai 2018.
21. L'arrêt retient, enfin, que l'assureur a formulé une offre, qui n'est pas manifestement insuffisante, le 20 août 2018.
22. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si une offre provisionnelle comprenant tous les éléments indemnisables du préjudice avait été présentée à M. [W] [D] dans les huit mois de l'accident, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Et sur le cinquième moyen, pris en sa première branche, du pourvoi n° V 23-20.810, formé par les consorts [D]
Enoncé du moyen
23. Mme [N] [D], MM. [L] et [P] [D] font grief à l'arrêt de les débouter de leur demande de réparation de leur préjudice d'affection, alors « que le préjudice d'affection répare la douleur subie par les proches de la victime directe à la vue de la souffrance éprouvée par cette dernière ; qu'en l'espèce, pour débouter les parents et le frère de M. [W] [D] de leur demande de réparation de ce préjudice, la cour d'appel a relevé qu'ils versaient aux débats le livret de famille et des attestations des parents de M. [D] affirmant la réalité de leurs liens affectifs avec leurs fils mais que ces documents établis pour soi-même étaient insuffisants pour prétendre à une indemnisation ; qu'en statuant par ces motifs inopérants, alors que la réalité des souffrances subies par M. [W] [D] était établie, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
24. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé.
25. Pour rejeter la demande de Mme [N] [D] et de MM. [L] et [P] [D] au titre de leur préjudice d'affection, l'arrêt constate qu'ils versent aux débats le livret de famille ainsi que des attestations de M. [L] [D] et Mme [N] [D] affirmant la réalité de leurs liens affectifs avec leur fils.
26. L'arrêt retient que ces documents établis pour soi-même sont insuffisants pour pouvoir prétendre à une indemnisation.
27. En statuant ainsi, par des motifs inintelligibles équivalant à un défaut de motifs, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
28. D'une part, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt condamnant l'assureur à payer à M. [W] [D] la somme de 385 280 euros au titre des arrérages à échoir capitalisés relatifs à la perte de gains professionnels futurs entraîne la cassation du chef confirmant le jugement en tant qu'il a condamné l'assureur à verser à M. [W] [D] la somme de 36 978,46 euros au titre des arrérages échus relatifs à la perte de gains professionnels futurs, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
29. D'autre part, la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt confirmant le jugement en tant qu'il a condamné l'assureur à verser à M. [W] [D] la somme de 36 978,46 euros au titre des arrérages échus relatifs à la perte de gains professionnels futurs et la somme de 100 000 euros au titre de l'incidence professionnelle, fixé la créance de la caisse à la somme de « 327 263,311 » euros au titre de la perte de gains professionnels futurs, dit que les sommes offertes à titre d'indemnisation par l'assureur le 20 août 2018 produiront intérêt de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter du 26 mai 2018 et ce jusqu'au 20 août 2018, débouté Mme [N] [D] et MM. [L] et [P] [D] de leur demandes au titre de leur préjudice d'affection et condamnant l'assureur à payer à M. [W] [D] la somme de 385 280 euros au titre des arrérages à échoir capitalisés relatifs à la perte de gains professionnels futurs n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'assureur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci.




Civ.3 3 avril 2025 n° 23-14.448

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL

COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 3 avril 2025



Cassation partielle

Mme TEILLER, président


Arrêt n° 180 F-D
Pourvoi n° E 23-14.448


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 AVRIL 2025
1°/ la société HPA Holding, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], anciennement dénommée Groupe Garrigae,
2°/ la société JSB, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 5], anciennement dénommée Les Jardins de Saint-Benoît, en liquidation judiciaire,
3°/ la société [C] Yang-Ting, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 6], en la personne de Mme [R] [C], agissant en sa qualité de liquidateur de la société JSB,
ont formé le pourvoi n° E 23-14.448 contre l'arrêt rendu le 9 février 2023, par la cour d'appel de Montpellier (3e chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [N] [V],
2°/ à Mme [S] [E], épouse [V],
tous deux domiciliés [Adresse 3] (Irlande),


3°/ à la société Crédit immobilier de France développement, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits du Crédit immobilier de France Rhône-Alpes Auvergne,
4°/ à la société Stéphane Grosjean et Frédéric Schuller, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 4], anciennement société Benedetti Grosjean Gally Dariscon,
défendeurs à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, six moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pety, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat des sociétés HPA Holding et [C] Yang-Ting, ès qualités, de Me Haas, avocat de M. et Mme [V], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Crédit immobilier de France développement, après débats en l'audience publique du 4 mars 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Pety, conseiller rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Reprise d'instance
1. Il est donné acte à la société [C] Yang-Ting, prise en la personne de Mme [C], agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société JSB, anciennement dénommée Les Jardins de Saint-Benoît, de sa reprise d'instance.
Désistement partiel
2. Il est donné acte à la société HPA Holding, anciennement dénommée Groupe Garrigae, et à la société [C] Yang-Ting, ès qualités, du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société civile professionnelle Stéphane Grosjean et Frédéric Schuller, anciennement dénommée Benedetti Grosjean Gally Dariscon.



Faits et procédure
3. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 9 février 2023), M. et Mme [V] (les acquéreurs) ont conclu avec la société Les Jardins de Saint-Benoît, devenue la société JSB (le vendeur), un contrat de réservation d'une maison meublée dans une résidence de tourisme, acte comportant une promesse de bail commercial au profit de la société Garrigae Hotels And Resorts (le preneur).
4. Par acte authentique du 30 mai 2008, les parties ont signé la vente en l'état futur d'achèvement de ce bien réservé au prix de 255 000 euros, toutes taxes comprises, somme partiellement financée par un prêt souscrit auprès du Crédit immobilier de France développement, venant aux droits du Crédit immobilier de France Rhône Alpes Auvergne (la banque).
5. Par acte du 24 janvier 2012, un avenant au bail a été conclu, mentionnant une substitution de preneur, une réduction des loyers et un abandon de certains d'entre eux.
6. Dénonçant une rentabilité décevante de l'opération, les acquéreurs ont assigné le vendeur, la société HPA Holding, auteur de la plaquette commerciale, et la banque en annulation de la vente pour dol et en paiement de dommages-intérêts.
Examen des moyens
Sur les premier, deuxième et cinquième moyens
7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les premier et deuxième moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation, et sur le cinquième moyen qui est irrecevable.
Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
8. Le vendeur et la société HPA Holding font grief à l'arrêt de les condamner in solidum à payer à la banque la somme de 243 984 euros, alors « que l'interdépendance entre deux ou plusieurs contrats n'a pas pour effet de rendre indivisibles les obligations de restitution consécutives à leur anéantissement ; qu'en condamnant, après avoir prononcé la nullité du contrat de vente pour dol et la résolution consécutive du contrat de prêt souscrit pour financer l'acquisition, le vendeur et son prétendu mandataire à restituer le capital emprunté au prêteur, la cour d'appel a violé les articles 1116 et 1304 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1304 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
9. En application de ce texte, l'obligation de restitution du capital au prêteur, ensuite de l'anéantissement d'un contrat de crédit affecté, consécutif à la nullité ou à la résolution du contrat principal, pèse sur l'emprunteur, partie au contrat de prêt, et non sur le vendeur, même si les fonds ont été directement versés à celui-ci à la demande de l'emprunteur et nonobstant la sûreté dont dispose le prêteur pour le paiement de l'obligation, qui, reportée de plein droit sur l'obligation de restituer, subsiste jusqu'à l'extinction de celle-ci.
10. Pour condamner in solidum le vendeur et la société HPA Holding à payer à la banque la somme de 243 984 euros, l'arrêt énonce que l'annulation de plein droit du contrat de prêt, ensuite de l'annulation du contrat de vente, entraîne la restitution par le vendeur de cette somme, qu'il a perçue au titre de la vente immobilière, à la banque, qui dispose d'un privilège.
11. En statuant ainsi, alors que l'obligation de restitution du capital emprunté incombait, après annulation du prêt affecté, aux seuls emprunteurs, acquéreurs de l'immeuble, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
12. Le vendeur et la société HPA Holding font grief à l'arrêt de les condamner in solidum à payer aux acquéreurs la somme de 22 336 euros au titre de leur apport personnel, alors « que seul le vendeur peut être condamné à restituer le prix de vente consécutivement à l'annulation du contrat de vente ; qu'en condamnant la société HPA Holding, anciennement dénommée Groupe Garrigae, in solidum avec la société Les Jardins de Saint-Benoît, devenue JSB, qui avait seule conclu le contrat de vente annulé, à restituer une certaine somme correspondant au montant du prix de vente, la cour d'appel a violé les articles 1116 et 1304 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1304 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
13. Il résulte de ce texte que la nullité emporte anéantissement rétroactif du contrat et la remise des parties dans l'état antérieur à la conclusion de celui-ci, ce qui donne lieu à des restitutions réciproques entre elles.

14. Pour condamner la société HPA Holding, in solidum avec le vendeur, à payer aux acquéreurs la somme de 22 336 euros avec intérêts au taux légal, l'arrêt énonce que l'annulation de la vente entraîne la restitution par les deux sociétés à ces derniers de leur apport personnel.
15. En statuant ainsi, alors que la société HPA Holding n'avait pas la qualité de vendeur, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Sur le quatrième moyen
Enoncé du moyen
16. Le vendeur et la société HPA Holding font grief à l'arrêt de les condamner in solidum à payer aux acquéreurs la somme de 31 762 euros au titre des frais exposés dans le cadre de la vente et du prêt, avec intérêts au taux légal à compter du 27 juillet 2015, alors « que l'objet du litige est déterminé par les prétentions réciproques des parties, telles qu'elles ressortent de leurs conclusions ; que, dans leurs conclusions, M. et Mme [V] sollicitaient la condamnation in solidum de la société Les Jardins de Saint-Benoît, devenue JSB, et de la société HPA Holding, anciennement dénommée Groupe Garrigae, à leur payer la somme de 31 762 euros à titre de dommages-intérêts incluant 19 000 euros « au titre du mobilier », dont la société Les Jardins de Saint-Benoît, devenue JSB, et la société HPA Holding rappelaient dans leurs conclusions que M. et Mme [V] étaient toujours propriétaires ; qu'en condamnant in solidum ces deux sociétés à régler à M. et Mme [V] la somme de 31 762 euros en précisant qu'elle correspondait à la restitution « des frais exposés dans le cadre de la vente et du prêt », la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4, alinéa 1er , du code de procédure civile :
17. Aux termes de ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
18. L'arrêt condamne le vendeur et la société HPA Holding à payer aux acquéreurs la somme de 31 762 euros au titre de la restitution des frais de vente et du prêt, ensuite de l'annulation des conventions.
19. En statuant ainsi, alors que les acquéreurs sollicitaient cette somme au titre de l'indemnisation d'un préjudice et non au titre des restitutions, la cour d'appel, qui a méconnu l'objet du litige, a violé le texte susvisé.


Et sur le sixième moyen
Enoncé du moyen
20. Le vendeur et la société HPA Holding font grief à l'arrêt de les condamner in solidum à payer à la banque la somme de 58 862,64 euros, avec intérêts conventionnels au 10 août 2009, à titre de dommages-intérêts, alors « que l'objet du litige est déterminé par les prétentions réciproques des parties, telles qu'elles ressortent de leurs conclusions ; que, dans le dispositif de ses conclusions, la société Crédit immobilier de France développement sollicitait la condamnation de la partie jugée responsable du dol entraînant l'annulation de la vente à lui payer la somme de 58 862,64 euros « au titre des intérêts conventionnels échus au 10 août 2019 » en réparation de son préjudice ; qu'en condamnant les sociétés exposantes à régler à la société Crédit immobilier de France cette somme « avec intérêts conventionnels au 10 août 2009 », la cour d'appel a méconnu l'objet du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4, alinéa 1er, du code de procédure civile :
21. Aux termes de ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
22. Pour condamner le vendeur et la société HPA Holding à verser à titre de dommages-intérêts au prêteur la somme de 58 862,64 euros, avec intérêts conventionnels au 10 août 2009, l'arrêt retient que les manoeuvres dolosives de ces deux sociétés ont causé à la banque un préjudice personnel de ce montant correspondant aux intérêts conventionnels échus à cette date.
23. En statuant ainsi, alors que la banque sollicitait la condamnation de la partie jugée responsable du dol à lui payer cette somme au titre des intérêts conventionnels échus au 10 août 2019, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige et violé le texte susvisé.
Mises hors de cause
24. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de mettre hors de cause la banque ni les acquéreurs, dont la présence est nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.




Civ.2 3 avril 2025 n° 23-19.534 B

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
AF1


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 3 avril 2025



Cassation partielle

Mme MARTINEL, président


Arrêt n° 317 F-B
Pourvoi n° G 23-19.534



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 AVRIL 2025
La société Assurance du crédit mutuel IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° 23-19.534 contre l'arrêt rendu le 2 juin 2023 par la cour d'appel de Colmar (deuxième chambre civile), dans le litige l'opposant à l'Agent judiciaire de l'Etat, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Ittah, conseiller référendaire, les observations de la SCP Duhamel, avocat de la société Assurance du crédit mutuel IARD, de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de l'Agent judiciaire de l'Etat, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 février 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Ittah, conseiller référendaire rapporteur, Mme Isola, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 2 juin 2023) et les productions, la gendarmerie nationale a loué, auprès d'un bailleur privé, un logement hors caserne qu'elle a attribué à M. [G], gendarme, à compter du 1er avril 2004.
2. M. [G] a souscrit auprès de la société Assurances du crédit mutuel IARD (l'assureur) un contrat d'assurance multirisque habitation qui excluait de la garantie les dommages causés par tout véhicule assujetti à l'assurance automobile obligatoire.
3. Alors qu'il procédait, dans le garage de son logement, au remplissage du réservoir de carburant de sa motocyclette, à proximité de la chaudière à gaz, un trop plein d'essence s'est répandu au sol, créant une flaque.
4. La mise en route de la chaudière, par l'effet du thermostat, a enflammé l'essence répandue, puis le véhicule et, après une propagation rapide des flammes, la maison louée a été entièrement détruite.
5. Saisi par le propriétaire et la société MAAF assurances, son assureur, un tribunal de grande instance a retenu la responsabilité contractuelle de l'Etat en qualité de locataire et a condamné l'Agent judiciaire de l'Etat (l'AJE) à verser une certaine somme à chacun des requérants.
6. Après avoir exécuté ce jugement, l'AJE, subrogé dans les droits de M. [G], a assigné devant un tribunal de grande instance l'assureur, en remboursement des sommes qu'il avait versées.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
7. L'assureur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à l'AJE la somme de 181 480,64 euros, augmentée des intérêts à compter du jugement du 26 avril 2021, alors « qu'est impliqué, au sens de l'article 1er de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, tout véhicule terrestre à moteur ayant joué un rôle quelconque dans la réalisation d'un accident ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que le sinistre résultait « de la flaque d'essence répandue au sol par les tuyaux de trop-plein lorsque [M. [G]] a rempli le réservoir de la moto, laquelle s'est enflammée lors du déclenchement de la chaudière qui se trouvait à proximité » ; que, pour écarter l'application de la loi du 5 juillet 1985 et l'exclusion de garantie opposée par l'assureur et retenir la responsabilité de M. [G] sur le fondement de l'ancien article 1384, alinéa 2, du code civil, la cour d'appel a jugé que la moto n'était pas impliquée dans le sinistre car « ce n'est pas une étincelle provenant de la moto qui a déclenché l'incendie mais l'action conjuguée de la flaque d'essence au sol et du déclenchement de la chaudière, l'incendie ne s'est pas propagé depuis la moto mais depuis la flaque d'essence se trouvant au sol et non sur la moto » ; qu'en statuant ainsi, après avoir pourtant relevé que l'incendie résultait de la flaque d'essence répandue au sol par les tuyaux de trop-plein de la moto, de sorte que celle-ci devait être considérée comme impliquée dans un accident de la circulation, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1er de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 :
8. Au sens de ce texte, un véhicule terrestre à moteur est impliqué dans un accident de la circulation dès lors qu'il a joué un rôle quelconque dans sa réalisation.
9. Pour écarter l'application de la loi du 5 juillet 1985 et l'exclusion de garantie invoquée par l'assureur relative aux dommages causés par tout véhicule assujetti à l'assurance obligatoire, l'arrêt constate que l'incendie est survenu, non pas du fait d'une étincelle provenant de la motocyclette, mais du fait de la flaque d'essence répandue sur le sol depuis les tuyaux de trop-plein du véhicule lorsque M. [G] a rempli le réservoir de ce dernier, cette flaque d'essence s'étant enflammée lors du déclenchement de la chaudière qui se trouvait à proximité.
10. Il en déduit que la motocyclette n'est pas impliquée dans l'accident de la circulation en cause.
11. En statuant ainsi, après avoir constaté que l'incendie était survenu du fait de la flaque d'essence qui s'était répandue sur le sol depuis les tuyaux de trop-plein de la motocyclette lors du remplissage de son réservoir, ce dont il résultait que ce véhicule, qui avait joué un rôle dans l'accident, était impliqué dans celui-ci, la cour d'appel a violé le texte susvisé.




Civ.3 3 avril 2025 n° 23-18.470

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 3 avril 2025



Rejet

Mme TEILLER, président


Arrêt n° 183 F-D
Pourvoi n° B 23-18.470



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 AVRIL 2025

La société de la Licorne, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° B 23-18.470 contre l'arrêt rendu le 10 mai 2023 par la cour d'appel d'Orléans (chambre des urgences), dans le litige l'opposant à la société Isi Elec, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Foucher-Gros, conseiller, les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de la société civile immobilière de la Licorne, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Isi Elec, après débats en l'audience publique du 4 mars 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Foucher-Gros, conseiller rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 10 mai 2023), la société civile immobilière de la Licorne (la SCI), maître d'ouvrage de la construction d'un bâtiment à usage professionnel, a confié à la société Isi Elec l'exécution des travaux d'électricité, qui ont été réceptionnés avec réserves.
2. La SCI a fait opposition à l'ordonnance portant injonction de payer le solde du prix du marché de la société Isi Elec et a présenté des demandes reconventionnelles au titre, notamment, des pénalités de retard.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche, et sur le second moyen, pris en sa seconde branche
3. En application de l'article 1014 du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivé sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
Enoncé du moyen
4. La SCI fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant au paiement de pénalités de retard dans la levée des réserves, alors :
« 2°/ que c'est à l'entrepreneur qu'il appartient de prouver que des travaux de reprise intéressant des réserves exprimées lors d'une réception antérieure ont été correctement réalisés ou, le cas échéant, qu'il a été empêché de les effectuer en raison d'un comportement obstructeur ou fautif du maître de l'ouvrage ; qu'en adhérant aux allégations de la société Isi Elec selon lesquelles elle aurait été empêchée d'effectuer les travaux qui lui auraient permis de lever les réserves en raison d'une prétendue mauvaise foi et d'une attitude d'obstruction fautive de la SCI de la Licorne, sans préciser sur quels éléments objectifs elle se fondait et en se bornant à relever que cette entreprise avait toujours affirmé et continuait d'affirmer qu'elle interviendrait dès que possible, dès que le maître de l'ouvrage le lui permettrait, la cour d'appel a violé l'article 1353 du code civil ;
3°/ qu'en tout état de cause, le maître de l'ouvrage est fondé à refuser des travaux de reprise proposés par l'entrepreneur de façon incomplète ou de mauvaise foi ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si les propositions d'intervention de la société Isi Elec n'avaient pas été émises sans sérieux et de mauvaise foi, puisque, outre leur caractère tardif, cette entreprise se prévalait, de manière irrégulière, d'une exception d'inexécution disproportionnée, et si la SCI de la Licorne n'était donc pas légitimement fondée à s'y opposer, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792-6 du code civil. »
Réponse de la Cour
5. Ayant souverainement retenu, procédant à la recherche prétendument omise et sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, que la SCI avait, par sa mauvaise volonté et son obstruction, empêché la levée des réserves par la société Isi Elec, la cour d'appel en a exactement déduit, sans inverser la charge de la preuve, que, le retard dans la levée des réserves n'étant pas le fait de cette dernière, la demande de condamnation formée par le maître de l'ouvrage contre elle au titre des pénalités contractuelles de retard ne pouvait être accueillie.
6. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.
Sur le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
7. La SCI fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant au paiement de pénalités de retard dans la remise du dossier des ouvrages exécutés (DOE), alors « que tout jugement ou arrêt doit être motivé à peine de nullité ; qu'en se fondant sur les témoignages de M. [X] et de M. [F] et en retenant qu'ensemble ces témoignages concordants suffisaient à établir la preuve que le DOE aurait été remis en main propre le 8 août 2016, sans répondre à l'articulation, péremptoire, selon laquelle l'attestation de M. [F] ne pouvait pas exprimer la vérité, dans la mesure où, son entreprise ayant été convoquée, ce jour-là, à 15 heures, il ne pouvait pas être présent à 16 heures 15 lors de la réception des travaux de la société Isi Elec, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
8. Ayant constaté que la société Isi Elec produisait le témoignage de [J] [X], son salarié, qui, l'ayant représentée le 8 août 2016 aux opérations de réception, déclarait avoir remis en main propre le dossier des ouvrages exécutés, et celui d'[R] [F] attestant avoir été le témoin de la remise de ce document, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a souverainement retenu que la concordance de ces deux témoignages établissait la réalité du fait et a pu rejeter, en conséquence, la demande de la SCI au titre des pénalités de retard.
9. Le moyen n'est donc pas fondé.




Civ.2 3 avril 2025 n° 23-16.142 B

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 3 avril 2025



Cassation

Mme MARTINEL, président


Arrêt n° 331 FS-B
Pourvoi n° W 23-16.142

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 AVRIL 2025
La société Fromont Briens, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 2], ayant un établissement secondaire [Adresse 1], a formé le pourvoi n° W 23-16.142 contre les ordonnances n° RG : 22/04759 rendues les 13 décembre 2022 et 27 mars 2023 par le premier président de la cour d'appel de Lyon, dans le litige l'opposant au GIE Filhet Allard, groupement d'intérêt économique, dont le siège est [Adresse 3], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Riuné, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Fromont Briens, de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat du GIE Filhet Allard, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 février 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Riuné, conseiller référendaire rapporteur, Mme Isola, conseiller doyen, M. Gervais de Lafond, Mme Cassignard, M. Martin, Mmes Chauve, Salomon, conseillers, M. Ittah, Mmes Brouzes, Philippart, conseillers référendaires, Mme Nicolétis, avocat général, et Mme Cathala, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Déchéance du pourvoi en tant qu'il est dirigé contre l'ordonnance du 13 décembre 2022, examinée d'office
1. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 978 de ce code.
Vu l'article 978 du code de procédure civile :
2. Il résulte de ce texte qu'à peine de déchéance du pourvoi, le demandeur à la cassation doit, au plus tard dans le délai de quatre mois à compter du pourvoi, remettre au greffe de la Cour de cassation un mémoire contenant les moyens de droit invoqués contre la décision attaquée.
3. La société Fromont Briens s'est pourvue en cassation contre une ordonnance rendue par le premier président d'une cour d'appel le 13 décembre 2022 en même temps qu'elle s'est pourvue contre une ordonnance du 27 mars 2023, mais son mémoire ne contient aucun moyen à l'encontre de la première de ces décisions.
4. Il y a lieu, dès lors, de constater la déchéance du pourvoi en tant qu'il est dirigé contre l'ordonnance du 13 décembre 2022.
Sur le pourvoi en tant qu'il est dirigé contre l'ordonnance du 27 mars 2023
Faits et procédure
5. Selon les ordonnances attaquées, rendues par le premier président d'une cour d'appel (Lyon, 13 décembre 2022 et Lyon, 27 mars 2023), la société Fromont Briens (l'avocat) a apporté son concours en juillet 2018 au GIE Filhet Allard (le GIE) afin d'accompagner son service de ressources humaines en droit social.
6. Une convention d'honoraires a été signée entre les parties le 13 juillet 2018.
7. Le 23 avril 2019 a été signée une seconde convention d'honoraires, relative à une mission de management de transition, en raison de la vacance du poste de directeur des ressources humaines du GIE.
8. Le 21 septembre 2021, l'avocat a saisi le bâtonnier de son ordre en fixation de ses honoraires.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
9. L'avocat fait grief à l'ordonnance de faire droit au recours formé par le GIE à l'encontre de la décision du bâtonnier, d'infirmer cette décision et statuant à nouveau, de fixer à la seule somme de 13 720 euros HT les honoraires qui lui sont dus par le GIE, les intérêts au taux légal courant sur cette somme à compter de l'ordonnance, de renvoyer les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront sur les autres rémunérations de l'avocat fixées en application de la convention du 23 avril 2019 au titre du dépassement du forfait d'intervention de « management de transition », et de rejeter la demande de l'avocat au titre des frais versés à son ordre pour obtenir la fixation de ses honoraires, alors « qu'entrent dans le champ des prérogatives de l'avocat toutes les prestations de conseil et d'assistance juridique, et de rédaction d'actes, en particulier en matière fiscale ou sociale ; qu'en l'espèce, il est stipulé à l'article 1er de la convention conclue le 23 avril 2019 entre le GIE Filhet Allard et l'avocat que « la mission se déroulera au sein du GIE Filhet Allard et aura pour objet des prestations de conseil et d'assistance juridiques et RH en lien avec les activités menées par la direction. Le GIE Filhet Allard doit faire face à l'absence de son directeur des ressources humaines qui s'est récemment accompagnée de la démission du responsable paie. Le management de transition qui sera assuré par [C] [P], avec le concours de son équipe, permettra une intervention très concrète en support à des organisations qui ont de réels besoins de "réalisation" », et que cette mission « serait réalisée selon le plan d'action suivant : - mettre en place le relais RH avec toutes les équipes métiers et fonctions supports du GIE Filhet Allard, pour le temps convenu et selon une charge flexible et juste nécessaire. - Prendre immédiatement en main les sujets et dossiers sensibles et majeurs et les mesures d'urgence qui s'imposent. - Faire un état des lieux en parallèle, identifier et valider les points de dysfonctionnement. - Proposer un plan d'action et son calendrier. - Mettre en oeuvre le plan d'action retenu ainsi que les mesures, les méthodes et les procédures correctives. - Assurer le passage de relais à l'issue de la mission. - Rendre compte régulièrement de l'état d'avancement de la mission » ; qu'en jugeant que l'intervention de l'avocat en sa qualité de « manager de transition » visée à l'article 3 de la convention du 23 avril 2019 n'entrait pas dans le cadre de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971, « car le rôle ainsi tenu de directeur des ressources humaines, aux lieu et place d'un salarié du GIE Filhet Allard indiqué comme manquant, est manifestement sans rapport avec la postulation, la consultation, l'assistance, le conseil, la rédaction d'actes juridiques sous seing privé et la plaidoirie », et qu'en conséquence, « cette mission de management et son exécution effective dans le cadre du forfait ou nécessitant un dépassement de ce forfait ne peuvent être appréciées par le juge de l'honoraire, en ce que la couverture de l'intervention de l'avocat ne le conduit pas à facturer des missions définies par l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 », quand les missions de « manager de transition » décrites à l'article 1er de la convention du 23 avril 2019 consistaient en des prestations de conseil et d'assistance juridique au service des ressources humaines, et relevaient en conséquence, quelle que soit la dénomination du poste, de l'activité de conseil de l'avocat, le délégataire du premier président de la cour d'appel a violé l'article 1103 (anciennement 1134) du code civil, ensemble l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 et l'article 174 du décret du 27 novembre 1991. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 10, alinéa 1er, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et l'article 174 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 :
10. Aux termes du premier de ces textes, les honoraires de postulation, de consultation, d'assistance, de conseil, de rédaction d'actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client.
11. Selon le second, les contestations concernant le montant et le recouvrement des honoraires des avocats ne peuvent être réglées qu'en recourant à la procédure prévue aux articles 175 à 179 de ce décret.
12. Les dispositions de ces textes s'appliquent à tous les honoraires de l'avocat sans qu'il y ait lieu de faire de distinction entre les activités judiciaires et juridiques, exercées à titre principal ou accessoire.
13. En conséquence, l'avocat qui exerce une mission accessoire autorisée perçoit des honoraires dont la fixation relève de la procédure prévue par les articles 174 et suivants du décret susvisé, sans qu'il y ait lieu d'opérer de distinction entre les différentes prestations réalisées.
14. Pour renvoyer les parties à mieux se pourvoir sur les rémunérations de l'avocat au titre du dépassement du forfait d'intervention de management de transition, l'ordonnance relève que le contrat du 23 avril 2019 a prévu que l'avocat a été sollicité, en raison de l'absence du directeur des ressources humaines du GIE et de la démission du responsable paie, pour assurer une mission de management de transition.
15. Elle ajoute que la mission de l'avocat porte également, selon cette convention, sur des prestations de conseil et d'assistance juridiques et de ressources humaines en lien avec les activités menées par la direction.
16. Elle retient que l'intervention de l'avocat en sa seule qualité de manager de transition n'entre pas dans les prévisions de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 car le rôle ainsi tenu de directeur des ressources humaines, en lieu et place d'un salarié du GIE, est manifestement sans rapport avec la postulation, la consultation, l'assistance, le conseil, la rédaction d'actes juridiques sous seing privé et la plaidoirie.
17. L'ordonnance ajoute qu'il n'appartient pas au juge de l'honoraire de déterminer si la partie des cinq factures contestées et spécifiquement dédiées au dépassement du forfait prévu pour la seule mission de manager de transition est justifiée, les parties devant faire leur affaire personnelle devant la juridiction de droit commun de ces rapports contractuels spécifiques.
18. En statuant ainsi, le premier président, qui était tenu de fixer l'intégralité des honoraires de l'avocat, a violé les textes susvisés.




Civ.2 3 avril 2025 n° 23-13.803 B

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
AF1


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 3 avril 2025



Annulation

Mme MARTINEL, président


Arrêt n° 330 FS-B
Pourvoi n° D 23-13.803
Aide juridictionnelle totale en défense au profit de Mme [U]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 26 mai 2023.





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 AVRIL 2025
La société CNP assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], prise en la personne de son président directeur général au siège social [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 23-13.803 contre l'arrêt rendu le 8 février 2023 par la cour d'appel de Bastia (chambre civile - section 2), dans le litige l'opposant à Mme [P] [U], domiciliée [Adresse 3], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Philippart, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société CNP assurances, de la SCP Alain Bénabent, avocat de Mme [U], et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 février 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, Mme Philippart, conseiller référendaire rapporteur, Mme Isola, conseiller doyen, M. Gervais de Lafond, Mme Cassignard, M. Martin, Mmes Chauve, Salomon, conseillers, M. Ittah, Mme Brouzes, M. Riuné, conseillers référendaires, Mme Nicolétis, avocat général, et Mme Cathala, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bastia, 8 février 2023), le 5 janvier 1998 et le 6 décembre 2004, [X] [U] a souscrit deux contrats d'assurance sur la vie auprès de la société Ecureuil vie, devenue la société CNP assurances (l'assureur).
2. Par demandes d'avenant du 25 mai 2014, il a modifié la clause bénéficiaire de ces contrats et a désigné à ce titre Mme [U].
3. Le 27 janvier 2015, il a rempli des formulaires de demandes d'avenant aux fins de modifier à nouveau les clauses bénéficiaires et désigner à ce titre pour 50 % M. [Y] [U] et pour 50 %, par parts égales, neuf autres personnes dont Mme [U].
4. Après le décès de [X] [U], survenu le 24 avril 2019, l'assureur a versé l'intégralité des capitaux des contrats à Mme [U].
5. Invoquant son erreur sur l'identité du bénéficiaire des contrats d'assurance sur la vie lors de la libération des fonds, l'assureur a assigné Mme [U] en remboursement des sommes indûment perçues.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. L'assureur fait grief à l'arrêt de le débouter de l'ensemble de ses demandes, alors « qu'à défaut d'acceptation par le bénéficiaire, le contractant peut modifier jusqu'à son décès le nom du bénéficiaire du contrat d'assurance sur la vie, dès lors que sa volonté est exprimée d'une manière certaine et non équivoque et que l'assureur en a eu connaissance, cette faculté unilatérale n'étant soumise à aucune forme ; qu'en statuant comme elle l'a fait, pour priver d'effet la substitution le bénéficiaire opéré par demandes d'avenants par le souscripteur de son vivant, tout en constatant qu'aux travers de ses demandes, faites de son vivant, [X] [U] avait expressément exprimé sa volonté de procéder à une modification du bénéficiaire des polices d'assurance sur la vie qu'il avait souscrits, la cour d'appel, qui a privé d'effet la volonté du contractant, a violé l'article L. 132-8 du code des assurances, ensemble l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ».
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 132-8 du code des assurances :
7. Selon ce texte, à défaut d'acceptation par le bénéficiaire d'un contrat d'assurance sur la vie, le contractant a le droit de substituer un bénéficiaire à un autre, cette substitution pouvant être réalisée soit par voie d'avenant au contrat, soit en remplissant les formalités édictées par l'article 1690 du code civil, soit par voie testamentaire.
8. Le moyen pose la question de savoir quelles sont les conditions de validité d'une substitution de bénéficiaire dans un contrat d'assurance sur la vie.
9. La Cour de cassation juge de manière constante que la liste des formes que peut prendre l'acte de substitution de bénéficiaire, prévue par l'article L. 132-8 du code des assurances, n'est pas limitative, que la modification du nom du bénéficiaire d'un contrat d'assurance sur la vie n'est subordonnée à aucune règle de forme (1re Civ., 13 mai 1980, pourvoi n° 79-10.053, Bull. 1980, I, n° 146 ; 1re Civ., 2 décembre 2015, pourvoi n° 14-27.215) et que l'assuré peut modifier jusqu'à son décès le nom du bénéficiaire du contrat d'assurance sur la vie, dès lors que sa volonté est exprimée d'une manière certaine et non équivoque, ce qui relève de l'appréciation souveraine des juges du fond (1re Civ., 25 septembre 2013, pourvoi n° 12-23.197, Bull. 2013, I, n° 177 ; 2e Civ., 26 novembre 2020, pourvoi n° 18-22.563, publié au Bulletin).
10. Plusieurs arrêts ont fait référence à la connaissance par l'assureur de la volonté du contractant de substituer un bénéficiaire à un autre, sans pour autant que cette connaissance ait été érigée en condition de la validité de la modification opérée (1re Civ., 6 mai 1997, pourvoi n° 95-15.319, Bull. 1997, I, n° 136 ; 2e Civ., 13 septembre 2007, pourvoi n° 06-18.199, Bull. 2007, II, n° 215).
11. Toutefois, par deux arrêts rendus les 13 juin 2019 et 10 mars 2022, la deuxième chambre civile a affirmé que, hors le cas d'une substitution de bénéficiaire par voie de testament olographe, la validité d'une telle modification est conditionnée, d'une part, à l'expression d'une volonté certaine et non équivoque du contractant, d'autre part, à la connaissance de cette modification par l'assureur avant le décès de l'assuré (2e Civ., 13 juin 2019, pourvoi n° 18-14.954, publié au Bulletin ; 2e Civ., 10 mars 2022, pourvoi n° 20-19.655, publié au Bulletin).
12. Si cette dernière jurisprudence était justifiée par le souci de s'assurer que la volonté du contractant de modifier le bénéficiaire était résolue et aboutie, elle est néanmoins de nature à se concilier imparfaitement avec les dispositions de l'article L. 132-8 du code des assurances, qui ne font pas mention de la connaissance de la substitution par l'assureur.
13. Elle se heurte également aux dispositions de l'article L. 132-25 du même code, duquel il résulte que la connaissance par l'assureur de la substitution de bénéficiaire n'est qu'une condition d'opposabilité de cette modification à l'assureur, et ne conditionne pas sa validité, le paiement fait à celui qui, sans cette modification, y aurait eu droit, étant libératoire pour l'assureur de bonne foi.
14. En outre, ainsi qu'une majeure partie de la doctrine a pu le relever, la désignation d'un bénéficiaire est un acte unilatéral de volonté et la faculté de substitution n'exige ni le concours du bénéficiaire ni le consentement de l'assureur, lequel ne peut en aucun cas s'opposer à la volonté du contractant.
15. Enfin, cette solution peut aboutir à ce que soit privée d'effet la volonté d'un contractant de modifier le bénéficiaire du contrat, exprimée selon une forme autre que celles prévues par l'article L. 132-8 du code des assurances, alors même que son caractère certain et non équivoque serait établi par des éléments de preuve autres que la connaissance de la substitution par l'assureur avant le décès de l'assuré.
16. Il se déduit de ce qui précède que la connaissance de cette volonté par l'assureur ne peut pas conditionner la validité de la substitution de bénéficiaire opérée par le contractant.
17. En conséquence, la jurisprudence rappelée au point 11 ne peut être maintenue et il convient de juger désormais que la substitution du bénéficiaire d'un contrat d'assurance sur la vie, qui n'est subordonnée à aucune règle de forme, suppose seulement, pour sa validité, que la volonté du contractant soit exprimée d'une manière certaine et non équivoque, condition appréciée souverainement par les juges du fond.
18. Pour rejeter la demande en remboursement formée par l'assureur à l'encontre de Mme [U], l'arrêt retient que les demandes d'avenant établies le 27 janvier 2015 par [X] [U] n'ont pas été portées à la connaissance de l'assureur avant le décès de celui-ci.
19. Il en déduit que ces demandes d'avenant du 27 janvier 2015 sont privées d'effet.
20. Si c'est conformément à l'état du droit issu des arrêts des 13 juin 2019 et 10 mars 2022 que la cour d'appel a conditionné la validité de la substitution de bénéficiaire du contrat d'assurance sur la vie à la connaissance de cette modification par l'assureur avant le décès de l'assuré, il y a lieu à annulation de l'arrêt attaqué en application du présent revirement de jurisprudence.




Crim. 2 avril 2025 n° 24-81.185

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° R 24-81.185 F-D
N° 00448

SL2 2 AVRIL 2025

REJET

M. BONNAL président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 2 AVRIL 2025


Le procureur général près la cour d'appel de Fort-de-France a formé un pourvoi contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre correctionnelle, en date du 18 janvier 2024, qui a relaxé M. [B] [Z] du chef de blanchiment.
Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Gillis, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, avocat de M. [B] [Z], et les conclusions de M. Crocq, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Gillis, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le procureur de la République a été destinataire d'un signalement de Tracfin s'agissant de M. [B] [Z], celui-ci ayant joué au casino, sur une période de vingt-huit mois, une somme de 570 000 euros, sans rapport avec ses ressources.
3. Par jugement du 16 janvier 2023, le tribunal correctionnel a condamné M. [Z] pour blanchiment à deux ans d'emprisonnement, 30 000 euros d'amende et des confiscations.
4. L'intéressé a relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen est pris de la violation des articles 324-1 et 324-1-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale.
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a relaxé M. [Z], alors :
1°/ que la cour d'appel ne pouvait, sans méconnaître l'article 324-1-1 du code pénal, dès lors que le prévenu n'avait pas rapporté la preuve de la licéité de l'origine des fonds objet du blanchiment, relaxer celui-ci au motif que l'infraction sous-jacente du délit de blanchiment n'était pas caractérisée ;
2°/ que la cour d'appel ne pouvait, sans se contredire, juger qu'il était plausible que les fonds litigieux proviennent de gains liés aux paris hippiques dès lors que les justificatifs fournis par le prévenu s'agissant de ces gains étaient postérieurs à la période de prévention et que leur montant total était insuffisant.
Réponse de la Cour
7. Pour relaxer le prévenu, l'arrêt attaqué retient notamment qu'aucun élément de la procédure ne permet de démontrer l'origine frauduleuse des fonds qui seraient l'objet du blanchiment.
8. Les juges ajoutent qu'ils ne disposent pas de suffisamment d'éléments permettant de démontrer que les conditions matérielles, juridiques ou financières de l'opération de conversion reprochée ne peuvent avoir d'autre justification que de dissimuler l'origine ou le bénéficiaire effectif de ces fonds.
9. En l'état de ces seules énonciations, la cour d'appel a fait l'exacte application des textes visés au moyen et a justifié sa décision.
10. En effet, en premier lieu, d'une part, elle a, par une appréciation souveraine, jugé que l'origine frauduleuse des fonds n'était pas établie et que les conditions nécessaires de la présomption prévue par l'article 324-1-1 du code pénal n'étaient pas non plus remplies.
11. D'autre part, dès lors que cette présomption ne pouvait être invoquée, la cour d'appel pouvait entrer en voie de relaxe sans avoir à rechercher si le prévenu avait démontré l'origine licite des fonds litigieux.
12. En second lieu, le moyen, pris en sa seconde branche, outre qu'il critique des motifs surabondants, ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine des juges s'agissant de l'origine des fonds litigieux.
13. Dès lors, le moyen doit être écarté.
14. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.




Crim. 2 avril 2025 n° 25-90.001

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° U 25-90.001 F-D
N° 00610



2 AVRIL 2025
GM




QPC PRINCIPALE : NON LIEU À RENVOI AU CC











M. BONNAL président,




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 2 AVRIL 2025

Le tribunal correctionnel de Narbonne, par jugement en date du 13 janvier 2025, reçu le 23 janvier 2025 à la Cour de cassation, a transmis une question prioritaire de constitutionnalité dans la procédure suivie contre M. [R] [U] des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants et contrebande de marchandises prohibées.
Des observations ont été produites par la direction générale des douanes et droits indirects et la direction régionale des douanes et droits indirects du Languedoc-Roussillon.
Sur le rapport de M. Gillis, conseiller référendaire, les observations de la société Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat la direction générale des douanes et droits indirects et la direction régionale des douanes et droits indirects du Languedoc-Roussillon et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 2 avril 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Gillis, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Vu l'article R. 49-30 du code de procédure pénale :
1. Les observations, présentées plus d'un mois à compter de la décision de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation, sont irrecevables comme tardives.
2. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« Les dispositions combinées des articles 60, 60-1 et 61 du Code des douanes, en ce qu'elles permettent un droit de visite des marchandises, des moyens de transport et des personnes, des injonctions, sur le territoire douanier, en toutes circonstances, à l'encontre de toute personne se trouvant sur la voie publique et sans contrôle effectif de l'autorité judiciaire en l'absence d'existence de raisons plausibles de soupçonner la commission d'une infraction portent-elles atteinte à la liberté d'aller et de venir et le droit au respect de la vie privée ? »
3. Les articles 60 et 60-1, 1°, du code des douanes, dans leur rédaction issue de la loi n° 2023-610 du 18 juillet 2023, et l'article 61, dans sa rédaction issue de la loi n° 2017-258 du 28 février 2017, sont applicables au litige.
4. En revanche, le demandeur ayant été contrôlé par les agents des douanes sur le fondement de l'article 60-1, 1°, du code des douanes, les autres dispositions de cet article ne sont pas applicables au litige.
5. L'article 60-1, 1°, dans sa rédaction précitée, a été déclaré conforme à la Constitution par la décision du Conseil constitutionnel n° 2024-1124 QPC du 28 février 2025.
6. En l'absence d'un changement des circonstances, il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité en tant qu'elle porte sur cette disposition.
7. Les articles 60 et 61 précités n'ont pas déjà été déclarés conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.



8. La question relative à ces articles ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.
9. La question posée ne présente pas un caractère sérieux pour les motifs qui suivent.
10. L'article 60 du code des douanes prévoit que les conditions dans lesquelles les agents des douanes peuvent exercer leur droit de visite sont prévues aux articles 60-1 à 60-10 du même code. L'article 61 de ce code dispose que tout conducteur d'un moyen de transport doit se soumettre aux injonctions des agents des douanes et que ces derniers peuvent faire usage de matériels appropriés, conformes à des normes techniques définies par arrêté du ministre chargé des douanes, pour immobiliser les moyens de transport dans les cas prévus à l'article L. 214-2 du code de la sécurité intérieure. Les prérogatives prévues par cet article ne peuvent être mises en oeuvre que lorsque les agents des douanes disposent, dans les conditions prévues par les articles 60-1 et suivants du code des douanes, d'un droit de visite.
11. Les articles contestés ne définissent donc pas par eux-mêmes les conditions auxquelles est soumis l'exercice du droit de visite des agents des douanes.
12. Il n'y a pas lieu en conséquence de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.




Com. 2 avril 2025 n° 23-16.309

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
SH


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 2 avril 2025



Désistement

M. PONSOT, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 200 F-D
Pourvoi n° C 23-16.309


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 2 AVRIL 2025
M. [Z] [Y], domicilié [Adresse 4], a formé le pourvoi n° C 23-16.309 contre l'arrêt rendu le 30 mars 2023 par la cour d'appel de Douai (chambre 1, section 1), dans le litige l'opposant :
1°/ au responsable du pôle recouvrement spécialisé du Nord, domicilié [Adresse 2], agissant sous l'autorité du directeur régional des finances publiques des Hauts-de-France et du département du Nord et du directeur général des finances publiques,
2°/ au directeur régional des finances publiques des Hauts-de-France et du département du Nord, domicilié [Adresse 3], agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques,
3°/ au directeur général des finances publiques, domicilié [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Thomas, conseiller, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. [Y], de la SCP Foussard et Froger, avocat du responsable du pôle recouvrement spécialisé du Nord, agissant sous l'autorité du directeur régional des finances publiques des Hauts-de-France et du département du Nord et du directeur général des finances publiques, du directeur régional des finances publiques des Hauts-de-France et du département du Nord, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, et du directeur général des finances publiques, et l'avis de M. Bonthoux, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 février 2025 où étaient présents M. Ponsot, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Thomas, conseiller rapporteur, Mme Graff-Daudret, conseiller, et M. Doyen, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. Par acte déposé au greffe de la Cour de cassation le 23 décembre 2024, la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat à cette Cour, a déclaré, au nom de M. [Y], demandeur au pourvoi, se désister du pourvoi formé par lui contre l'arrêt rendu par la cour d'appel de Douai le 30 mars 2023 (chambre 1, section 1), au profit du responsable du pôle recouvrement spécialisé du Nord, du directeur régional des finances publiques des Hauts-de-France et du département du Nord, et du directeur général des finances publiques ;
2. En application de l'article 1026 du code de procédure civile, ce désistement, intervenu après le dépôt du rapport, doit être constaté par un arrêt.




Crim. 2 avril 2025 n° 24-82.444

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° J 24-82.444 F-D
N° 00436

SL2 2 AVRIL 2025

CASSATION PARTIELLE

M. BONNAL président,





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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 2 AVRIL 2025

La direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-14, en date du 25 mars 2024, qui, dans la procédure suivie contre M. [Z] [L] des chefs, notamment, d'importation de marchandises prohibées, importation et détention de marchandise présentée sous une marque contrefaisante, a condamné ce dernier à dix mois d'emprisonnement avec sursis, une amende douanière, une confiscation, et a prononcé sur les intérêts civils.
Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Michon, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la direction générale des douanes et droits indirects et de la direction régionale des douanes et droits indirects de [Localité 1], les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, avocat de M. [Z] [L], et les conclusions de M. Micolet, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Michon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. A la suite d'une information, M. [Z] [L] a été cité devant le tribunal correctionnel pour les faits rappelés ci-dessus.
3. Par jugement du 28 février 2022, le tribunal l'a déclaré coupable, l'a condamné à diverses peines, et a prononcé sur les intérêts civils.
4. M. [L] et le ministère public ont interjeté appel de ce jugement.
Examen des moyens
Sur le second moyen
5. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a infirmé le jugement attaqué en ce qui concerne l'amende douanière et, statuant à nouveau, a condamné M. [L] à payer une amende douanière de 29 414 euros, alors « qu'en prenant en considération, pour réduire le montant de l'amende douanière prononcée à l'encontre de Monsieur [L] à la somme de 29.414 euros, les capacités financières du prévenu, quand le prononcé d'une telle amende douanière, qui ne constituait pas une peine mais une sanction fiscale, n'était soumis qu'aux prescriptions spécifiques de l'article 369 §1 du code des douanes et échappait à celles des articles 132-1 et 132-20 du code pénal, de sorte qu'elle ne pouvait réduire le montant de cette amende douanière qu'en considération de l'ampleur et de la gravité de l'infraction commise par Monsieur [L], ainsi que de sa personnalité, et non en contemplation de sa situation financière, la cour d'appel a violé l'article 369 §1 du code des douanes et l'article 591 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 369 du code des douanes :
7. Il résulte de ce texte que le juge qui prononce une amende fiscale, s'il peut en moduler le montant, eu égard à l'ampleur et à la gravité de l'infraction commise, ainsi qu'à la personnalité de son auteur, n'a pas à prendre en considération la situation personnelle, familiale et sociale du contrevenant.
8. Pour confirmer le jugement en ce qu'il a réduit à 29 414 euros le montant de l'amende douanière, l'arrêt attaqué énonce que cette somme est adéquate au regard de la modicité du montant de la fraude mais aussi des faibles capacités financières de l'intéressé.
9. En statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et les principes ci-dessus rappelés.
10. En effet, elle ne pouvait, pour réduire le montant de l'amende douanière, prendre en considération la situation financière du prévenu.
11. La cassation est par conséquent encourue.
Portée et conséquences de la cassation
12. La cassation sera limitée aux peines et aux sanctions douanières prononcées, dès lors que la déclaration de culpabilité n'encourt pas la censure.




Crim. 2 avril 2025 n° 24-81.344

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° P 24-81.344 F-D
N° 00454

SL2 2 AVRIL 2025

CASSATION PARTIELLE

M. BONNAL président,





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 2 AVRIL 2025


M. [Z] [V] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Reims, chambre correctionnelle, en date du 24 janvier 2024, qui, pour abus de confiance et infractions au code de la construction et de l'habitation, l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis, 10 000 euros d'amende, cinq ans d'interdiction de gérer, cinq ans d'inéligibilité, et a prononcé sur les intérêts civils.
Un mémoire personnel et un mémoire en défense ont été produits.
Sur le rapport de Mme Clément, conseiller, les observations de Me Laurent Goldman, avocat de M. [N] [B] et de Mme [E] [X] épouse [B], et les conclusions de M. Crocq, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Clément, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [N] [B] et Mme [E] [X], son épouse, ont porté plainte et se sont constitués partie civile des chefs susvisés contre M. [Z] [V], gérant de la société [1], chargée de la construction de leur maison.
3. Ils ont expliqué notamment que trois chèques sans ordre, remis à sa demande à M. [V] pour payer les entreprises intervenant sur le chantier, ont été utilisés à d'autres fins par celui-ci.
4. Au terme de l'information, M. [V] a été renvoyé devant le tribunal correctionnel des chefs d'abus de confiance, pour avoir détourné, au préjudice de M. [B] et Mme [X], une somme totale de 23 000 euros qui lui avait été remise et qu'il avait acceptée à charge de la rendre ou représenter ou d'en faire un usage déterminé, à savoir le financement des travaux et des intervenants de chantier d'une maison individuelle, et infractions au code de la construction et de l'habitation.
5. Par jugement du 7 avril 2023, le tribunal correctionnel a déclaré le prévenu coupable des faits reprochés, l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis, 10 000 euros d'amende, cinq ans d'interdiction de gérer et cinq ans d'inéligibilité.
6. Les juges ont déclaré recevables les constitutions de partie civile de M. [B] et Mme [X], leur ont donné acte que leur demande était portée devant la juridiction civile et ont condamné M. [V] à leur payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale.
7. M. [V] a relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur les deuxième et troisième moyens
8. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
9. Le moyen est pris de la violation des articles L. 312-35, alinéa 1, L. 312-14, L. 312-16, et L. 312-30 du code de la consommation.
10. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [V] du chef d'abus de confiance, alors :
1°/ que la demande de restitution de la somme de 23 000 euros formulée au titre de l'abus de confiance n'est pas applicable aux constructeurs de maison individuelle, le défaut de restitution des sommes versées, prévu par les articles L. 312-35, alinéa 1, L. 312-14, L. 312-16, et L. 312-30 du code de la consommation, ne réprimant que celui qui est commis par le prêteur ou par le vendeur d'immeuble à construire, ou par le bailleur ;
2°/ que la somme de 23 000 euros ayant été remise par M. [B] et Mme [X] à M. [V] postérieurement au prononcé de la liquidation judiciaire de la société [1], en paiement de travaux effectués et non de travaux à effectuer, seule cette personne morale pourrait se plaindre de ne pas l'avoir reçue.
Réponse de la Cour
Vu l'article 314-1 du code pénal :
11. Selon ce texte, l'abus de confiance ne peut porter que sur des fonds, valeurs ou biens remis à titre précaire.
12. Pour dire établi le délit d'abus de confiance, l'arrêt attaqué énonce que M. [B] et Mme [X] ont remis à M. [V] trois chèques, pour un montant total de 23 000 euros, en vue de la poursuite des travaux de construction de leur maison.
13. Les juges retiennent que M. [V] reconnaît avoir remis ces chèques en règlement de dettes qu'il avait contractées au nom de sa société, sans lien avec la construction de la maison, ce que les bénéficiaires des chèques ont confirmé. Ils ajoutent que M. [B] et Mme [X] ont dès lors nécessairement subi un préjudice.
14. En se déterminant ainsi, par des motifs faisant apparaître que les fonds, remis en exécution du contrat, l'ont été en pleine propriété, peu important que les sommes versées ont été utilisées à des fins étrangères à l'exécution des travaux prévus, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.
15. La cassation est par conséquent encourue.
Portée et conséquences de la cassation
16. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives à la déclaration de culpabilité du chef d'abus de confiance, aux peines prononcées et à l'action civile. Les autres dispositions seront donc maintenues.
17. Il n'y a pas lieu d'examiner le quatrième moyen de cassation proposé.




Crim. 2 avril 2025 n° 23-86.427

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° T 23-86.427 F-D
N° 00450

SL2 2 AVRIL 2025

CASSATION PARTIELLE

M. BONNAL président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 2 AVRIL 2025


MM. [M] [W], [F] [A], [D] [E], [K] [V], [P] [C] et [J] [G] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Nancy, chambre correctionnelle, en date du 13 décembre 2022, qui, pour escroquerie aggravée et fraude fiscale, a condamné le premier à quatre ans d'emprisonnement dont trois ans avec sursis probatoire, six ans d'interdiction de gérer et une confiscation, et pour escroquerie aggravée a condamné le deuxième, à un an d'emprisonnement avec sursis et une confiscation, le troisième, à trois ans d'emprisonnement avec sursis, sept ans d'interdiction de gérer et une confiscation, le quatrième, à six mois d'emprisonnement avec sursis, le cinquième, à deux ans d'emprisonnement dont un an avec sursis, six ans d'interdiction de gérer et une confiscation et le sixième, à quatre ans d'emprisonnement dont trois ans avec sursis et six ans d'interdiction de gérer, et a prononcé sur les intérêts civils.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de Mme Bloch, conseiller référendaire, les observations de Me Descorps-Declère, avocat de MM. [M] [W], [F] [A], [D] [E], [K] [V], les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de l'Etat français, la direction générale des finances publiques et la direction régionale des finances publiques du département du Bas-Rhin, et les conclusions de M. Crocq, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Bloch, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le 22 avril 2011, l'administration fiscale a dénoncé au procureur de la République une fraude à la TVA intracommunautaire.
3. Des véhicules d'occasion étaient acquis hors taxes auprès de négociants allemands par des sociétés facturières espagnoles, qui les revendaient ensuite à des acheteurs professionnels français. Ces derniers procédaient à une déclaration fiscale de la TVA éventuellement due au titre de cet achat, par le certificat visé par l'article 298 sexies du code général des impôts.
4. Les juges du premier degré ont condamné, des chefs d'escroquerie en bande organisée et fraude fiscale, M. [M] [W] à quatre ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis, dix ans d'interdiction de gérer et une confiscation, et du chef d'escroquerie en bande organisée M. [J] [G] à quatre ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis et dix ans d'interdiction de gérer, M. [P] [C] à deux ans d'emprisonnement dont un an avec sursis, cinq ans d'interdiction de gérer et une confiscation, M. [D] [E] à deux ans d'emprisonnement dont un an avec sursis, sept ans d'interdiction de gérer et une confiscation, M. [F] [A] à dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis et une confiscation et M. [K] [V] à un an d'emprisonnement avec sursis.
5. Les prévenus ont relevé appel de cette décision.
Déchéance des pourvois formés par MM. [G] et [C]
6. MM. [G] et [C] n'ont pas déposé dans le délai légal, personnellement ou par leur avocat, un mémoire exposant leurs moyens de cassation. Il y a lieu, en conséquence, de les déclarer déchus de leur pourvoi par application de l'article 590-1 du code de procédure pénale.
Examen des moyens
Sur les premiers moyens, les seconds moyens, pris en leurs premières, deuxièmes, troisièmes et quatrièmes branches, proposés pour MM. [A], [W], [E] et [V] et le second moyen, pris en sa cinquième branche, proposé pour M. [W]
7. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le second moyen, pris en ses cinquième et sixième branches, proposé pour M. [A], le second moyen, pris en ses sixième, septième, huitième et neuvième branches, proposé pour M. [W], le second moyen, pris en ses cinquième, sixième, septième et huitième branches, proposé pour M. [E] et le second moyen, pris en sa cinquième branche, proposé pour M. [V]
Enoncé des moyens
8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [A] coupable des faits d'escroquerie réalisée en bande organisée qui lui étaient reprochés, l'a condamné à douze mois d'emprisonnement assortis du sursis, a ordonné la confiscation des biens placés sous scellés, notamment des sommes d'argent saisies sur les comptes de la société [6], et sur les dispositions civiles l'a déclaré, avec d'autres prévenus, solidairement responsables du préjudice subi par l'État français et la direction générale des finances publiques au titre de la fraction escroquerie en bande organisée, alors :
« 5°/ en cinquième lieu qu'en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle ; qu'il incombe en conséquence au juge qui décide de confisquer un bien, après s'être assuré de son caractère confiscable en application des conditions légales, de préciser la nature et l'origine de ce bien ainsi que le fondement de cette peine et, le cas échéant, de s'expliquer sur la nécessité et la proportionnalité de l'atteinte portée au droit de propriété du prévenu, hormis le cas où la confiscation porte sur un bien qui, dans sa totalité, constitue l'objet ou le produit de l'infraction ; qu'en ordonnant la confiscation « des biens placés sous scellés, notamment des sommes d'argent saisies sur les comptes de la société [6] » (arrêt, dispositif, p. 44) au motif qu'il convient « de confirmer la confiscation de la somme de 137 000 ¿ figurant sur le compte de la société [6] » (arrêt, p. 40), tandis que le jugement se contentait, sans motiver davantage sa décision, d'ordonner la confiscation des biens saisis (jugement, p. 78), sans préciser l'ensemble des biens ainsi confisqués ni s'ils constituaient le produit ou l'objet de l'infraction ou s'ils avaient servi à la commettre ni s'expliquer sur la nécessité et la proportionnalité de l'atteinte portée au droit de propriété de Monsieur [A], la cour d'appel a méconnu les articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 132-1 du code pénal 132-1 du code pénal 131-21, 132-1 du code pénal et 485-1 et 593 du code de procédure pénale ;
6°/ en sixième lieu qu'en matière correctionnelle, une peine doit être motivée en tenant compte des circonstances de l'infraction, de la personnalité de leur auteur et de sa situation familiale, matérielle et sociale ; que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'en condamnant Monsieur [A] à une peine de douze mois d'emprisonnement assortis du sursis simple (arrêt, p. 40), sans s'expliquer sur sa situation personnelle, familiale et sociale, la cour d'appel a violé les articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 132-1 du code pénal, 485-1 et 593 du code de procédure pénale. »
9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [W] à quatre années d'emprisonnement dont trois années assorti du sursis probatoire d'une durée de trois ans avec pour obligation d'indemniser les parties civiles, victime de l'infraction et à une interdiction d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, administrer, gérer, contrôler une entreprise ou une société pour une durée de six ans à titre de peine complémentaire, a indiqué que pour le délit de fraude fiscale commis du 1er mai 2010 au 31 décembre 2012, Monsieur [W] sera tenu solidairement du paiement des impôts frottés ainsi que celui des majorations et pénalités y afférentes, a ordonné la confiscation des biens et sommes saisies à l'exception de l'immeuble situé [Adresse 1] qui sera restitué à la SCI [3] qui en est propriétaire, et sur les dispositions civiles l'a déclaré, avec d'autres prévenus, solidairement responsables du préjudice subi par l'État français et la direction générale des finances publiques au titre de la fraction escroquerie en bande organisée, alors :
« 6°/ qu'en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle ; qu'il incombe en conséquence au juge qui décide de confisquer un bien, après s'être assuré de son caractère confiscable en application des conditions légales, de préciser la nature et l'origine de ce bien ainsi que le fondement de cette peine et, le cas échéant, de s'expliquer sur la nécessité et la proportionnalité de l'atteinte portée au droit de propriété du prévenu, hormis le cas où la confiscation porte sur un bien qui,dans sa totalité, constitue l'objet ou le produit de l'infraction ; qu'en jugeant que « d'importants virements bancaires étaient réalisés des comptes de la société [4] vers les comptes personnels de [M] [W] et [R] [W], sa mère. [M] [W] a retiré des comptes bancaires de [4], 78.900 euros qu'il a transférés sur ses comptes personnels. Il a également déposé entre le 10/01/2011 et le 10/01/2012 7.200 ¿ en numéraire sur son compte courant [2] » (arrêt, p. 39), pour en conclure que « c'est à juste titre que les premiers juges ont ordonné la confiscation des sommes saisies sur les comptes bancaires de Monsieur [W] » (ibid.), tandis que le jugement se contentait, sans motiver davantage sa décision, d'ordonner la confiscation des biens saisis (jugement, p. 77), sans identifier l'ensemble des sommes saisies ni préciser, pour chacune d'entre elles, si elles constituaient le produit ou l'objet de l'infraction ou si elles avaient servi à la commettre ni s'expliquer sur la nécessité et la proportionnalité de l'atteinte portée au droit de propriété de Monsieur [W], la cour d'appel a méconnu les articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 132-1 du code pénal 132-1 du code pénal 131-21, 132-1 du code pénal et 485-1 et 593 du code de procédure pénale ;
7°/ en septième lieu que le juge qui prononce, en matière correctionnelle, une peine d'emprisonnement ferme doit, quels que soient le quantum et la décision prise quant à son éventuel aménagement, motiver ce choix en faisant apparaître qu'il a tenu compte des faits de l'espèce, de la personnalité de leur auteur, ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale ; qu'il lui appartient d'établir, au regard de ces éléments, que la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine indispensable et que toute autre sanction est manifestement inadéquate ; qu'en condamnant Monsieur [W] à quatre années d'emprisonnement dont trois années assorti du sursis probatoire d'une durée de trois ans (arrêt, p. 38), sans motiver cette peine au regard de la personnalité de ce dernier, ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale, ni justifier du caractère manifestement inadéquat de toute autre sanction, la cour d'appel a violé les articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 485-1 et 593 du code de procédure pénale et 132-19 du code pénal ;
8°/ en huitième lieu qu'en matière correctionnelle, une peine doit être motivée en tenant compte des circonstances de l'infraction, de la personnalité de leur auteur et de sa situation familiale, matérielle et sociale ; que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'en condamnant Monsieur [W] à « une interdiction de diriger, administrer, gérer et contrôler une entreprise ou une société pour une durée de six ans » (arrêt, p. 39), sans s'expliquer sur la situation personnelle, familiale et sociale de Monsieur [W], la cour d'appel a violé les articles de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 132-1 du code pénal, 485-1 et 593 du code de procédure pénale ;


9°/ en neuvième lieu que nul ne peut être puni d'une peine qui n'est pas prévue par la loi ; qu'aux termes des articles 131-27, 313-7 et 450-3 du code pénal, les prévenus jugés coupables d'escroquerie en bande organisée peuvent être, à titre de peine complémentaire, interdits « d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d'administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d'autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale » ; qu'en condamnant Monsieur [W] à « une interdiction de diriger, administrer, gérer et contrôler une entreprise ou une société pour une durée de 6 ans » (arrêt p. 43), sans limiter cette interdiction aux entreprises ou sociétés commerciales ou industrielles, la cour d'appel a violé l'article 111-3 du code pénal. »
10. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [E] coupable des faits d'escroquerie réalisée en bande organisée qui lui étaient reprochés, commis du 1er octobre 2012 au 2 janvier 2014, l'a condamné à trois années d'emprisonnement assorties du sursis simple et à une interdiction d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, administrer, gérer et contrôler une entreprise ou une société pour une durée de sept ans à titre de peine complémentaire, a ordonné la confiscation de tous les biens et objets saisis dont le véhicule Mercedes classe A, et sur les dispositions civiles l'a déclaré, avec d'autres prévenus, solidairement responsables du préjudice subi par l'État français et la direction générale des finances publiques au titre de la fraction escroquerie en bande organisée, alors :
« 5°/ en cinquième lieu qu'en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle ; qu'il incombe en conséquence au juge qui décide de confisquer un bien, après s'être assuré de son caractère confiscable en application des conditions légales, de préciser la nature et l'origine de ce bien ainsi que le fondement de cette peine et, le cas échéant, de s'expliquer sur la nécessité et la proportionnalité de l'atteinte portée au droit de propriété du prévenu, hormis le cas où la confiscation porte sur un bien qui, dans sa totalité, constitue l'objet ou le produit de l'infraction ; qu'en jugeant qu'il convient « de confirmer à l'encontre de Monsieur [E] la confiscation des biens placés sous scellés dont le véhicule Mercedes classe A, saisi lors de l'enquête » (arrêt, p. 40), tandis que le jugement se contentait, sans motiver davantage sa décision, d'ordonner la confiscation des biens saisis (jugement, p. 78), sans identifier l'ensemble des biens saisis ni préciser s'ils constituaient le produit ou l'objet de l'infraction ou s'ils avaient servi à la commettre ni s'expliquer sur la nécessité et la proportionnalité de l'atteinte portée au droit de propriété de Monsieur [E], la cour d'appel a méconnu les articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 132-1 du code pénal 132-1 du code pénal 131-21, 132-1 du code pénal et 485-1 et 593 du code de procédure pénale ;
6°/ en sixième lieu qu'en matière correctionnelle, une peine doit être motivée en tenant compte des circonstances de l'infraction, de la personnalité de leur auteur et de sa situation familiale, matérielle et sociale ; que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; que Monsieur [E] rappelait dans ses conclusions, page 14, être « depuis peu père d'une petite fille née à [Localité 5] (pièce n° 6 : justificatif de naissance Hôpital [7] à [Localité 5] ; pièce n° 7 : pièce d'identité [B] [E]) », et établissait que cette naissance était survenue le 5 avril 2021 ; qu'en condamnant Monsieur [E] à une peine de trois ans d'emprisonnement assortis du sursis simple (arrêt, p. 40), sans s'expliquer sur la situation personnelle, familiale et sociale de Monsieur [E], et notamment sans faire aucune référence à la naissance de sa fille, la cour d'appel a violé les articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 132-1 du code pénal, 485-1 et 593 du code de procédure pénale ;
7°/ en septième lieu qu'en matière correctionnelle, une peine doit être motivée en tenant compte des circonstances de l'infraction, de la personnalité de leur auteur et de sa situation familiale, matérielle et sociale ; que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; que Monsieur [E] rappelait dans ses conclusions, page 14, être « depuis peu père d'une petite fille née à [Localité 5] (pièce n° 6 : justificatif de naissance Hôpital [7] à [Localité 5] ; pièce n° 7 : pièce d'identité [B] [E]) », et établissait que cette naissance était survenue le 5 avril 2021 ; qu'en condamnant Monsieur [E] à « une interdiction de diriger, administrer, gérer et contrôler une entreprise ou une société pour une durée de sept ans » (jugement, p. 87 ; arrêt attaqué p. 40), sans s'expliquer sur la situation personnelle, familiale et sociale de Monsieur [E], et notamment sans faire aucune référence à la naissance de sa fille, la cour d'appel a violé les articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 132-1 du code pénal, 485-1 et 593 du code de procédure pénale ;
8°/ en huitième lieu que nul ne peut être puni d'une peine qui n'est pas prévue par la loi ; qu'aux termes des articles 131-27, 313-7 et 450-3 du code pénal, les prévenus jugés coupables d'escroquerie en bande organisée peuvent être, à titre de peine complémentaire, interdits « d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d'administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d'autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale » ; qu'en condamnant Monsieur [E] à « une interdiction de diriger, administrer, gérer et contrôler une entreprise ou une société pour une durée de sept ans » (jugement, p. 87 ; arrêt attaqué p. 40), sans limiter cette interdiction aux entreprises ou sociétés commerciales ou industrielles, la cour d'appel a violé l'article 111-3 du code pénal. »
11. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [V] coupable des faits d'escroquerie réalisée en bande organisée qui lui étaient reprochés, commis du 1er décembre 2012 au 30 avril 2013, l'a condamné à six mois d'emprisonnement assorties du sursis simple, alors :
« 5°/ en cinquième lieu qu'en matière correctionnelle, une peine doit être motivée en tenant compte des circonstances de l'infraction, de la personnalité de leur auteur et de sa situation familiale, matérielle et sociale ; qu'en condamnant Monsieur [V] à une peine de trois ans d'emprisonnement assortis du sursis simple (arrêt, p. 41), sans s'expliquer sur la situation personnelle, familiale et sociale de Monsieur [V], la cour d'appel a violé les articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 132-1 du code pénal, 485-1 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
12. Les moyens sont réunis.
Sur le moyen, pris en ses cinquième et sixième branches, proposé pour M. [A], le moyen, pris en ses sixième, septième et huitième branches, proposé pour M. [W], le moyen, pris en ses cinquième, sixième et septième branches, proposé pour M. [E] et le moyen, pris en sa cinquième branche, proposé pour M. [V]
Vu les articles 132-1, 132-19, 131-21 du code pénal et 593 du code de procédure pénale :
13. En application des deux premiers de ces textes, le juge qui prononce une peine doit motiver sa décision au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité et de la situation personnelle de son auteur. Lorsqu'il prononce une peine d'emprisonnement ferme, il lui appartient d'établir, au regard de ces éléments, que la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine indispensable et que toute autre sanction est manifestement inadéquate.
14. Selon le troisième, le juge doit énumérer les objets dont il ordonne la confiscation et indiquer, pour chacun d'eux, s'ils constituent l'instrument, le produit ou l'objet de l'infraction, afin de mettre la Cour de cassation en mesure de s'assurer de la légalité de sa décision, et d'apprécier, le cas échéant, son caractère proportionné.
15. Il résulte du quatrième que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
16. Pour condamner M. [W] à quatre ans d'emprisonnement dont trois ans avec sursis probatoire, six ans d'interdiction de gérer et une confiscation, M. [A] à un an d'emprisonnement avec sursis et une confiscation, M. [E] à trois ans d'emprisonnement avec sursis, sept ans d'interdiction de gérer et une confiscation et M. [V] à six mois d'emprisonnement avec sursis, l'arrêt attaqué se réfère aux circonstances de l'infraction, au casier judiciaire des intéressés et, s'agissant de M. [W], à l'exercice d'une activité professionnelle stable.
17. En prononçant ainsi, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.
18. En premier lieu, elle n'a pas pris en compte la situation personnelle des prévenus.
19. En second lieu, en ne précisant pas le fondement des confiscations prononcées, et en ordonnant la confiscation des biens placés sous scellés sans les énumérer à l'exception de la mention d'un véhicule, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'en contrôler la légalité.
20. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Sur le moyen, pris en sa neuvième branche, proposé pour M. [W], et le moyen, pris en sa huitième branche, proposé pour M. [E]
Vu l'article 111-3 du code pénal :
21. Selon ce texte, nul ne peut être puni d'une peine qui n'est pas prévue par la loi.
22. En condamnant MM. [W] et [E] à l'interdiction de diriger, administrer, gérer ou contrôler une entreprise ou une société, pour une durée de six ans pour le premier, et de sept ans pour le second, alors que l'article 131-27 du code pénal limite une telle interdiction aux entreprises commerciales ou industrielles et aux sociétés commerciales, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.
23. La cassation est par conséquent également encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
24. La cassation sera limitée aux peines, dès lors que les déclarations de culpabilité n'encourent pas la censure.
Examen de la demande fondée sur l'article 618-1 du code de procédure pénale
25. Les dispositions de ce texte sont applicables en cas de rejet du pourvoi, qu'il soit total ou partiel. Les déclarations de culpabilité de MM. [W], [A], [E] et [V] étant devenues définitives par suite de la non-admission partielle de leurs pourvois, il y a lieu de faire partiellement droit à la demande présentée sur ce fondement.




Com. 2 avril 2025 n° 23-23.876

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
JB


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 2 avril 2025



Rejet

M. PONSOT, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 191 F-D
Pourvoi n° C 23-23.876



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 2 AVRIL 2025
M. [O] [K], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° C 23-23.876 contre l'arrêt rendu le 19 juin 2023 par la cour d'appel de Paris, dans le litige l'opposant :
1°/ au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, dont le siège est [Adresse 1], agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques,
2°/ au directeur des finances publiques, dont le siège est [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Alt, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [K], de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques et du directeur général des finances publiques, après débats en l'audience publique du 11 février 2025 où étaient présents M. Ponsot, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Alt, conseiller rapporteur, Mme Graff-Daudret, conseiller, et M. Doyen, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 juin 2023), le 24 décembre 2014, M. [K] a adressé à l'administration fiscale une réclamation contentieuse portant sur le supplément d'imposition au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune des années 2008 et 2009 mis en recouvrement le 16 décembre 2014. Cette réclamation n'a pas donné lieu à une notification de décision de l'administration fiscale dans le délai de six mois suivant la date de sa présentation.
2. Le 26 juillet 2016, M. [K] a adressé à l'administration fiscale une seconde réclamation, se référant à celle du 24 décembre 2014, sans exposer de nouveaux moyens.
3. Le 20 décembre 2018, l'administration a rejeté la réclamation du 26 juillet 2016 par décision motivée. Ce rejet ne faisant pas référence à la réclamation du 24 décembre 2014 restée sans réponse, le contribuable a, le 19 décembre 2019, assigné l'administration, contestant le rejet implicite de cette première réclamation.
Examen du moyen
Sur le moyen
Enoncé du moyen
4. M. [K] fait grief à l'arrêt de le déclarer irrecevable en toutes ses demandes pour cause de forclusion de son action, alors :
« 1°/ qu'en l'absence de réponse à une réclamation formée par le contribuable, une décision implicite de rejet de l'administration naît à l'expiration d'un délai de six mois ; qu'il ressort des constatations mêmes de l'arrêt attaqué qu'à la suite de la réception d'un avis de mise en recouvrement le 16 décembre 2014, Monsieur [K] a formé une réclamation le 24 décembre 2014 à laquelle l'administration n'a pas répondu, de sorte qu'une décision implicite de rejet est née à l'expiration d'un délai de six mois ; qu'en considérant néanmoins qu'au 26 juillet 2016, "l'administration n'avait pas pris de décision à la suite d'une instruction de la réclamation du 24 décembre 2014", la cour d'appel a violé l'article R.* 199-1 du livre des procédures fiscales ;
2°/ que dans le délai de réclamation de l'article R.* 196-1 du livre des procédures fiscales, le contribuable peut former autant de réclamations concernant la même imposition qu'il le souhaite, le cas échéant en reprenant les moyens qu'il avait formulés à l'appui d'une précédente réclamation rejetée ; qu'en l'espèce, après avoir saisi l'administration fiscale le 24 décembre 2014 d'une première réclamation ayant été implicitement rejetée, M. [K] a formé une nouvelle réclamation le 26 juillet 2016 en réitérant les critiques qu'il avait formulées à l'appui de la précédente ; qu'en considérant néanmoins que la "lettre du 26 juillet 2016" ne pouvait pas valoir nouvelle réclamation, aux motifs qu' "elle ne contient aucune demande nouvelle et n'expose aucun moyen de fait ou de droit nouveau au soutien des demandes formées par M. [K] dans a réclamation du 24 décembre 2014" et qu' "elle ne contient aucun élément intrinsèque permettant de la qualifier de nouvelle réclamation", la cour d'appel a violé l'article R.* 199-1 du livre des procédures fiscales ;
3°/ que dans le délai de la réclamation de l'article R.* 196-1 du livre des procédures fiscales, le contribuable peut former autant de réclamations concernant la même imposition qu'il le souhaite ; que chaque réclamation ainsi présentée, peu important ses fondements, donne naissance à une décision (expresse ou implicite) distincte de la part de l'administration, laquelle déclenche à chaque fois un délai de recours contentieux ; qu'il ressort des constatations mêmes de l'arrêt attaqué que M. [K] a contesté les rappels de cotisations d'impôt de solidarité sur la fortune mis à sa charge au titre des années 2008 et 2009 à deux reprises, par une réclamation du 24 décembre 2014 et par une réclamation du 26 juillet 2018 ; que ces deux réclamations, à les supposer identiques, n'en ont pas moins donné naissance à deux décisions autonomes de l'administration pouvant chacune donner lieu à la saisine du juge de l'impôt ; qu'en considérant que la décision expresse de rejet du 20 décembre 2018 qui ne "fait[sait] référence qu'à la lettre du 26 juillet 2016" (?) rejette la réclamation formée le 24 décembre 2014, la cour d'appel a violé l'article R.* 199-1 du livre des procédures fiscales ;
4°/ que dans le délai de réclamation de l'article R.* 196-1 du livre des procédures fiscales, lorsqu'une réclamation est implicitement rejetée en l'absence de réponse expresse de l'administration dans un délai de six mois, le contribuable est recevable à saisir le juge de l'impôt sans délai, peu important que l'administration ait expressément rejeté une seconde réclamation ultérieure ; qu'en l'espèce, la réclamation du 24 décembre 2014 a été implicitement rejetée, de sorte que M. [K] était recevable, sans délai, à saisir le juge de l'impôt ; qu'en considérant le contraire, la cour a violé l'article R.* 199-1 du livre des procédures fiscales. »
Réponse de la Cour
5. Aux termes de l'article R*.199-1 du livre des procédures fiscales, l'action doit être introduite devant le tribunal compétent dans le délai de deux mois à partir du jour de la réception de l'avis par lequel l'administration notifie au contribuable la décision prise sur la réclamation.
6. L'arrêt relève que la lettre du 26 juillet 2016 se réfère uniquement à la réclamation du 24 décembre 2014, précisant qu'une réclamation a été déposée et qu'elle est retransmise « comme déposée le 24 décembre 2014. » Il constate que cette lettre du 26 juillet 2016 ne contient aucune demande nouvelle et n'expose aucun moyen de fait ou de droit nouveau au soutien des demandes formées par M. [K] dans sa réclamation du 24 décembre 2014. Il ajoute que cette lettre ne contient pas d'élément intrinsèque permettant de la qualifier de nouvelle réclamation, que ses propres termes excluent l'intention de son auteur de former une telle réclamation et que l'utilisation du singulier - « une réclamation » - atteste que ce dernier n'a pas envisagé de présenter une nouvelle réclamation au moyen de la lettre du 26 juillet 2016.
7. En l'état de ces énonciations, constatations et appréciations, la cour d'appel, ayant souverainement estimé que la décision du 20 décembre 2018 rejetait la réclamation formée le 24 décembre 2014, a exactement retenu que l'action de M. [K] était forclose.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.




Crim. 2 avril 2025 n° 24-83.876

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° R 24-83.876 F-D
N° 00438

SL2 2 AVRIL 2025

REJET

M. BONNAL président,





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 2 AVRIL 2025

Mme [G] [T] a formé un pourvoi contre l'arrêt n° 8 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 6e section, en date du 23 mai 2024, qui, dans l'information suivie contre elle des chefs, notamment, de proxénétisme aggravé et escroquerie, a confirmé l'ordonnance de saisie pénale rendue par le juge d'instruction.
Par ordonnance du 18 octobre 2024, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Bloch, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boucard-Capron-Maman, avocat de Mme [G] [T], et les conclusions de M. Crocq, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Bloch, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Une information a mis à jour que plusieurs personnes se prostitueraient dans des appartements dont Mme [G] [T] est propriétaire ou locataire à [Localité 2].
3. Il est apparu que Mme [T] serait assistée dans la gestion de ses biens immobiliers par Mme [F] [O].
4. Mme [T] et Mme [F] [O] ont été mises en examen pour la première des chefs de proxénétisme aggravé et escroquerie et pour la seconde du chef de proxénétisme aggravé.
5. Par ordonnance du 20 juin 2022, le juge d'instruction a ordonné la saisie de deux immeubles situés [Adresse 1] et [Adresse 1] et [Adresse 4], [Adresse 4], [Adresse 4] et [Adresse 4] à [Localité 3] dont Mme [T] est propriétaire.
6. Cette dernière a relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
7. Le grief n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné la saisie pénale des biens immeubles situés sur la commune de [Localité 3] au [Adresse 1] et [Adresse 1] et [Adresse 4], [Adresse 4], [Adresse 4] et [Adresse 4] dont est propriétaire Mme [T], alors :
« 1°/ que lorsque plusieurs auteurs ou complices ont participé à un ensemble de faits, soit à la totalité soit à une partie de ceux-ci, chacun d'eux encourt la confiscation du produit de la seule ou des seules infractions qui lui sont reprochées, avec ou non la circonstance de bande organisée, à la condition que la valeur totale des biens confisqués n'excède pas celle du produit total de cette ou de ces infractions ; que si le moyen pris de la violation du principe de proportionnalité au regard du droit de propriété est inopérant lorsque la saisie a porté sur la valeur du produit direct ou indirect de l'infraction, le juge qui ordonne la saisie en valeur d'un bien appartenant ou étant à la libre disposition d'une personne, alors qu'il ne résulte pas des pièces de la procédure de présomptions que cette personne a bénéficié de la totalité du produit de l'infraction, doit cependant apprécier, lorsque cette garantie est invoquée, le caractère proportionné de l'atteinte portée au droit de propriété de l'intéressée s'agissant de la partie du produit de l'infraction dont elle n'aurait pas tiré profit ; qu'en disant n'y avoir lieu à apprécier la proportionnalité de l'atteinte portée au droit de propriété de Mme [T] par la saisie du bien immobilier de la [Adresse 1] et de la [Adresse 4], parce qu'il est le produit des infractions de proxénétisme et d'escroquerie pour lesquelles elle est mise en examen et que sa valeur ne dépasse pas celle des gains prétendument générés par ces infractions, après avoir constaté que Mme [O] avait elle aussi été mise en examen du chef de proxénétisme aggravé, qu'elle occupait un appartement appartenant à Mme [T] sans payer de loyer, en contrepartie de son activité de gestion de la location d'appartements dans lesquels une activité de prostitution avait été constatée, activité pour laquelle elle était par ailleurs rémunérée en espèces, la chambre de l'instruction, qui n'a relevé l'existence d'aucune présomption que Mme [T] aurait bénéficié de la totalité du produit des infractions, a méconnu l'article 1er du protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 591 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
9. Pour confirmer la saisie, l'arrêt attaqué énonce qu'une activité de prostitution a été mise à jour dans des appartements dont Mme [T] a la gérance ou est propriétaire.
10. Les juges ajoutent que Mme [O], collaboratrice de Mme [T], chargée de récupérer les loyers, l'a alertée de ce que de nombreuses personnes se prostituant étaient locataires de ses logements, mais que cette dernière a continué à percevoir loyers et commissions.
11. Ils énoncent également que Mme [O] a déclaré s'occuper de la gestion des appartements, à savoir des entrées et sorties des locataires, de la rédaction des baux, de l'organisation des ménages et des réparations, et qu'en contrepartie elle occupait à titre gratuit un studio appartenant à Mme [T] et percevait aléatoirement des rémunérations en espèces non déclarées.
12. Les juges concluent que s'agissant d'une saisie en valeur, au titre du produit de l'infraction de proxénétisme aggravé, il n'y a pas lieu d'examiner la proportionnalité de la mesure qui, même cumulée avec les autres saisies ordonnées, ne dépasse pas l'évaluation qui a été faite du produit de l'infraction.
13. C'est à tort que la chambre de l'instruction a affirmé qu'elle n'avait pas à apprécier la proportionnalité de l'atteinte portée au droit de propriété de Mme [T]. En effet, dès lors que les faits avaient été commis par plusieurs auteurs ou complices, il appartenait aux juges, pour ordonner la saisie d'un immeuble lui appartenant, de rechercher si l'intéressée avait bénéficié de tout ou partie du produit de l'infraction et le cas échéant, si cette garantie était invoquée devant eux, d'apprécier le caractère proportionné de l'atteinte portée à son droit de propriété s'agissant de la partie du produit de l'infraction dont elle n'aurait pas tiré profit.
14. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure pour les motifs qui suivent.
15. D'une part, la chambre de l'instruction a constaté que Mme [T] a perçu, notamment par l'intermédiaire de Mme [O], la totalité du produit de l'infraction.
16. D'autre part, elle a relevé que la rémunération allouée par Mme [T] à Mme [O], en nature et en espèces, était la contrepartie des prestations que celle-ci effectuait afin de permettre la commission de l'infraction procurant des gains à Mme [T], de sorte que cette rémunération constitue une part du produit de l'infraction dont elle a tiré profit.
17. Dès lors, le moyen doit être écarté.
18. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.




Crim. 2 avril 2025 n° 25-80.724

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° K 25-80.724 F-D
N° 00603

GM 2 AVRIL 2025

NON-LIEU A STATUER

M. BONNAL président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 2 AVRIL 2025


M. [F] [O] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Limoges, en date du 19 décembre 2024, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef de meurtre aggravé, a ordonné la prolongation exceptionnelle de sa détention provisoire.
Sur le rapport de Mme Bloch, conseiller référendaire, les observations de la SCP Françoise Fabiani, François Pinatel , avocat de M. [F] [O], et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 2 avril 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Bloch, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.









Vu l'article 606 du code de procédure pénale :
1. Par arrêt du 12 mars 2025, valant titre de détention en application de l'article 367, alinéa 2, du code de procédure pénale, la cour d'assises de la Haute-Vienne a condamné le demandeur à trente ans de réclusion criminelle.
2. Dès lors, le pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction ayant prolongé sa détention provisoire est devenu sans objet.




Crim. 2 avril 2025 n° 25-80.728

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° Q 25-80.728 F-D
N° 00604

GM 2 AVRIL 2025

NON-LIEU A STATUER

M. BONNAL président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 2 AVRIL 2025


M. [G] [K] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Orléans, en date du 9 janvier 2025, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de viols aggravés, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention rejetant sa demande de mise en liberté.
Sur le rapport de Mme Bloch, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [G] [K], et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 2 avril 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Bloch, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.





Vu l'article 606 du code de procédure pénale :
1. Il résulte de la fiche pénale versée au dossier que M. [G] [K] a été mis en accusation devant la cour d'assises du Loiret par ordonnance du juge d'instruction du 30 décembre 2024.
2. En application de l'article 181 du code de procédure pénale, l'ordonnance de règlement rend caduc le titre de détention sur lequel l'arrêt attaqué s'est prononcé.
3. M. [K] se trouvant ainsi détenu par l'effet d'une nouvelle décision prise par le juge d'instruction, exécutoire nonobstant appel, son pourvoi est devenu sans objet.




Civ.1 2 avril 2025 n° 23-22.167

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
MY1


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 2 avril 2025



Rejet

Mme CHAMPALAUNE, président


Arrêt n° 215 F-D
Pourvoi n° V 23-22.167



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 2 AVRIL 2025
Mme [X] [U], domiciliée C/o M. [I] [U], [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 23-22.167 contre l'arrêt rendu le 7 septembre 2023 par la cour d'appel de Douai (chambre 1, section 1), dans le litige l'opposant au procureur général près la cour d'appel de Douai, domicilié en son parquet général, [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Ancel, conseiller, les observations de la SAS Zribi et Texier, avocat de Mme [U], après débats en l'audience publique du 11 février 2025 où étaient présents Mme Champalaune, président, M. Ancel, conseiller rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 7 septembre 2023), Mme [U], née le 12 avril 1970 à Chlef, en Algérie, a introduit une action déclaratoire de nationalité en se prévalant d'une chaîne de filiation avec [M] [J], de statut civil de droit commun par double droit du sol comme étant née le 4 août 1882 à [Localité 3] d'une mère, [M] [T], elle-même née en 1862 à [Localité 3] (Algérie).
Examen du moyen
Enoncé du moyen
2. Mme [U] fait grief à l'arrêt de dire qu'elle n'est pas française, de rejeter ses demandes et d'ordonner la mention prévue à l'article 28 du code civil, alors :
« 1°/ que si la preuve de l'admission à la citoyenneté française d'une personne originaire d'Algérie, ayant initialement le statut civil de droit local, ne peut être rapportée que par la production d'un décret ou d'un jugement d'admission au statut civil de droit commun, tel n'est pas le cas d'une personne française, pour être née en Algérie alors département français, d'un parent étranger qui y était lui-même né ; qu'en effet, dans cette hypothèse, la personne bénéficie, du fait du droit du sol, du droit civil de droit commun ; qu'en jugeant le contraire et en considérant, que [M] [J], dont il était soutenu qu'elle était née le 4 août 1882 en Algérie alors département français, d'une mère étrangère qui y était elle-même née, n'aurait pu bénéficier du droit civil de droit commun que si elle s'était vu accorder ce statut par un jugement d'admission au statut civil de droit commun ou un décret, la cour d'appel a violé l'article 32-1 du code civil ;
2°/ qu'en tout état de cause, si la preuve de l'admission à la citoyenneté française d'une personne originaire d'Algérie, ayant initialement le statut civil de droit local, ne peut être rapportée que par la production d'un décret ou d'un jugement d'admission au statut civil de droit commun, tel n'est pas le cas d'une personne française, pour être née en Algérie alors département français, d'un parent étranger qui y était lui-même né ; qu'en effet, dans cette hypothèse, la personne bénéficie, du fait du droit du sol, du droit civil de droit commun ; qu'en considérant, que [M] [J], n'aurait pu bénéficier du droit civil de droit commun que si elle s'était vu accorder ce statut par un jugement d'admission au statut civil de droit commun ou un décret, sans rechercher si elle n'était pas née 4 août 1882 dans un département français d'une mère étrangère, qui y était elle-même née, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 32-1 du code civil.


3°/ que si la preuve de l'admission d'une personne originaire d'Algérie à la citoyenneté française ne peut être rapportée que par la production d'un décret ou d'un jugement d'admission au statut civil de droit commun, tel n'est pas le cas d'une personne française, pour être née en Algérie alors département français, d'un parent étranger qui y était lui-même né ; qu'en effet, dans cette hypothèse, la personne bénéficie, du fait du droit du sol, du droit civil de droit commun ; qu'en jugeant toutefois que les règles relatives au droit du sol n'avaient pas d'incidence sur le bénéfice du statut civil de droit commun, la cour d'appel a violé l'article 32-1 du code civil. »
Réponse de la Cour
3. Il résulte de l'article 30, alinéa 1er, du code civil que la charge de la preuve, en matière de nationalité française, incombe à celui dont la nationalité est en cause.
4. Aux termes de l'article 32-1 de ce même code, les Français de statut civil de droit commun domiciliés en Algérie à la date de l'annonce officielle des résultats du scrutin d'autodétermination conservent la nationalité française quelle que soit leur situation au regard de la nationalité algérienne.
5. Il s'en déduit, d'une part que la preuve de la qualité de Français ne se confond pas avec celle du statut civil de droit commun et, d'autre part, que la preuve de l'admission d'une personne originaire d'Algérie à la citoyenneté française ne peut être rapportée que par la production d'un décret ou d'un jugement d'admission au statut civil de droit commun.
6. La cour d'appel relève d'abord qu'aucun décret ou jugement d'admission au statut civil de droit commun de [M] [J], aïeule de la requérante n'est produit. Elle constate ensuite qu'aucun des documents d'état civil versés aux débats concernant celle-ci, que ce soit son acte de naissance, le registre d'état civil, la copie intégrale de son acte de naissance du 31 août 2021, son acte de mariage avec [P] [Z] (registre d'état civil et copie intégrale) et son livret de famille, ne mentionne l'existence d'un décret ou d'un jugement d'admission au statut civil de droit commun. Enfin, elle relève que la mère de l'intéressée, [N] [Z], née en 1949, n'a pas souscrit de déclaration recognitive à compter de l'indépendance de l'Algérie.
7. En l'état de ces constatations et énonciations, dont il ressort que la preuve du statut civil de droit commun de l'aïeule de Mme [U] n'était pas rapportée, la cour d'appel, qui a jugé à bon droit que le bénéfice de ce statut ne pouvait se confondre avec la qualité de Français pouvant résulter de l'application de la règle du double droit du sol, et qui n'avait pas à procéder à une recherche inopérante, en a exactement déduit qu'en l'absence de déclaration recognitive de nationalité souscrite par sa mère Mme [N]

[Z] à compter de l'indépendance de l'Algérie, celle-ci avait perdu la nationalité française et n'avait pu la lui transmettre.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.




Crim. 2 avril 2025 n° 23-86.785

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° H 23-86.785 F-D
N° 00441

SL2 2 AVRIL 2025

REJET

M. BONNAL président,







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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 2 AVRIL 2025


La direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-12, en date du 27 septembre 2023, qui a relaxé M. [L] [V] du chef d'importation sans déclaration de marchandises prohibées.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Wyon, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la direction générale des douanes et droits indirects et de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières, et les conclusions de M. Crocq, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Wyon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le 4 novembre 2019, à l'occasion d'un contrôle de bagages non acheminés à l'aéroport de [Localité 4], les agents des douanes ont découvert un sac isolé arrivé par le vol [Localité 1]-[Localité 3] du 1er novembre précédent, dont l'étiquette portait le nom et le numéro de passager de M. [L] [V], ainsi que la mention d'un trajet [Localité 2]-[Localité 1]-[Localité 3].
3. À l'intérieur de ce sac, les douaniers ont découvert 32,5 kilogrammes de tabac à narguilé.
4. L'administration des douanes a relevé à l'encontre de M. [V] l'infraction d'importation sans déclaration préalable en douane de tabac manufacturé, et celui-ci a refusé la proposition de transaction qui lui a été adressée, affirmant que ce bagage lui était étranger.
5. Poursuivi du chef susmentionné devant le tribunal correctionnel, M. [V] a été relaxé.
6. L'administration des douanes a relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
7. Le grief n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le moyen, pris en ses autres branches
Énoncé du moyen
8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement rendu par le tribunal correctionnel de Bobigny le 21 avril 2022 en ce qu'il avait relaxé M. [V] des faits d'importation sans déclaration de produits du tabac manufacturé qui lui étaient reprochés, alors :
« 2°/ qu'en relevant, pour relaxer Monsieur [V] des faits pour lesquels il était poursuivi, qu'il ne pouvait être considéré comme le « destinataire réel » du tabac à narguilé retrouvé dans un bagage portant son nom, dès lors qu'il n'aurait pas été établi qu'il avait eu connaissance de l'existence de ce bagage, quand la notion de « destinataire réel » de marchandises de fraude est une notion objective, caractérisée par des éléments démontrant matériellement qu'une personne a été le destinataire de telles marchandises, sans qu'il soit requis qu'elle ait eu connaissance de leur existence, la cour d'appel a derechef violé l'article 392 §1 du code des douanes ;
3°/ qu'en toute hypothèse, en relevant, pour relaxer Monsieur [V] des faits pour lesquels il était poursuivi, qu'il n'aurait pas été établi qu'il avait eu connaissance de l'existence du bagage dans lequel avait été retrouvé du tabac à narguilé, quand il résultait des pièces du dossier que ce bagage portait une étiquette ou « TAG » mentionnant le nom de Monsieur [V] et dont le numéro correspondait à celui que la compagnie aérienne lui avait attribué, qu'il indiquait également un numéro de « PNR » (« Passenger Record Name ») renvoyant à des données liées à une réservation effectuée par Monsieur [V] et qu'il avait été acheminé à l'occasion du même vol que celui que Monsieur [V] avait emprunté le 1er novembre 2019 en provenance d'[Localité 1] et à destination de Paris, ce dont il résultait que Monsieur [V] avait eu nécessairement connaissance de l'existence de ce bagage, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs en méconnaissance des dispositions de l'article 593 du code de procédure pénale ;
4°/ qu'en relevant, pour relaxer Monsieur [V] des faits pour lesquels il était poursuivi, qu'il était étonnant qu'il n'ait pas récupéré le bagage portant son nom sur le tapis roulant de l'aéroport le 1er novembre 2019 au matin, sauf à supposer l'existence d'un contrôle des douanes à l'arrivée du vol, évidemment dissuasif, ce qui ne résultait pas des éléments du dossier, sans ordonner une mesure d'instruction dont elle reconnaissait ainsi implicitement la nécessité, aux fins de déterminer si les agents des douanes n'avaient pas procédé, le 1er novembre 2019 au matin au terminal 2A de l'aéroport [5], à un contrôle des passagers à l'arrivée du vol en provenance d'[Localité 1] que Monsieur [V] avait emprunté, ce qui aurait expliqué qu'il n'ait pas cherché à récupérer le bagage portant son nom qui contenait du tabac à narguilé, la cour d'appel a violé les articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;
5°/ qu'en relevant, pour relaxer Monsieur [V] des faits pour lesquels il était poursuivi, qu'il ne pouvait être considéré comme « détenteur » du tabac à narguilé retrouvé dans un bagage portant son nom, dès lors qu'il n'était pas établi qu'il aurait été le détenteur physique et matériel, l'expéditeur ou le destinataire réel de ce bagage, sans rechercher s'il ne pouvait pas être regardé comme la personne qui avait procédé à l'importation du bagage en cause et ne devait pas, en conséquence, être qualifié de « détenteur » du tabac à narguilé contenu dans ce bagage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 392 §1 du code des douanes. »
Réponse de la Cour
9. Pour confirmer le jugement qui a relaxé le prévenu, l'arrêt attaqué énonce que, s'il est constant que 32,5 kilogrammes de tabac à narguilé ont été découverts dans un bagage provenant de [Localité 2] portant les références correspondant au voyage effectué par M. [V], et que l'étiquette de ce bagage porte son nom ainsi que le numéro de passager qui lui a été attribué par la compagnie aérienne, M. [V] n'a pas été contrôlé en sa possession ou s'apprêtant à en prendre possession, et en tout état de cause, ne détenait pas matériellement ou physiquement le bagage.
10. Les juges ajoutent que si le sac a été acheminé avec les références du voyage de M. [V], cet élément est toutefois insuffisant pour caractériser sa qualité d'expéditeur ou de destinataire réel, dans la mesure où il n'est pas établi qu'il avait eu connaissance de l'existence de ce bagage.
11. Ils relèvent que le prévenu n'a pas récupéré ou tenté de récupérer le bagage, lui-même ou par l'intermédiaire d'un tiers, et qu'il ne ressort pas de la procédure qu'il en ait eu l'intention.
12. Ils retiennent qu'il est étonnant qu'il ne l'ait pas récupéré sur le tapis roulant le 1er novembre 2019 au matin.
13. Ils observent encore que le bagage a été retrouvé trois jours plus tard, le 4 novembre 2019 dans l'après-midi, abandonné, et que pendant cet intervalle et jusqu'au courrier de l'administration des douanes d'août 2020, M. [V] n'a manifesté en aucune manière une volonté de récupérer ce bagage.
14. Ils considèrent que, si le bagage a été acheminé sous les données de vol de M. [V], cet acheminement n'est pas de nature à établir qu'il en ait été le détenteur, l'expéditeur ou le destinataire réel à un quelconque moment, puisqu'il ne résulte pas de la procédure le moindre élément permettant d'établir que celui-ci, qui justifie par le ticket figurant sur sa carte d'embarquement avoir voyagé avec un seul bagage de 23 kilogrammes, et n'a pas eu de surtaxe à payer, avait connaissance de l'utilisation de ses données et de l'existence de ce bagage.
15. Les juges en concluent que la présomption de fraude n'a pas vocation à s'appliquer, et qu'il n'est pas nécessaire d'examiner si M. [V] démontre sa bonne foi.
16. En se déterminant ainsi, par des motifs qui relèvent de son appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause, au terme desquels les juges ont conclu qu'il n'est pas établi que M. [V] a eu la qualité de détenteur des marchandises de fraude, la cour d'appel a justifié sa décision.
17. Ainsi, le moyen, inopérant en sa quatrième branche qui critique un motif surabondant, ne peut être accueilli.
18. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.




Crim. 2 avril 2025 n° 23-87.029

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° X 23-87.029 F-D
N° 00451

SL2 2 AVRIL 2025

REJET

M. BONNAL président,





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 2 AVRIL 2025


M. [L] [J] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux, chambre correctionnelle, en date du 5 mai 2023, qui, pour escroquerie et escroquerie aggravée, l'a condamné à un an d'emprisonnement avec sursis, cinq ans d'interdiction de gérer, trois ans d'inéligibilité, et a prononcé sur les intérêts civils.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de Mme Bloch, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, avocat de M. [L] [J], les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde, et les conclusions de M. Crocq, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Bloch, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le 9 juillet 2018, la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde (la CPAM) a déposé plainte à l'encontre de M. [L] [J] notamment pour escroquerie.
3. Par jugement du 25 février 2021, le tribunal correctionnel a condamné M. [J] du chef d'escroquerie à six mois d'emprisonnement avec sursis. Sur l'action civile, il a déclaré M. [J] responsable du préjudice subi par la CPAM et l'a condamné à lui verser la somme de 193 412,18 euros à titre de dommages-intérêts.
4. Le prévenu et le ministère public ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur les deuxième, troisième et quatrième moyens
5. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré l'exception de nullité de la procédure irrecevable, alors :
« 1°/ que l'arrêt attaqué qui constate, d'une part, qu'avant toute défense au fond, une nullité est soulevée par maître Maire (arrêt p. 3), et qui considère d'autre part que l'exception de nullité n'ayant pas été soulevée in limine litis devant la cour, elle sera déclarée irrecevable (arrêt p. 4), puis dans son dispositif, a déclaré l'exception de nullité de la procédure irrecevable (arrêt p. 10), s'est contredit et a privé sa décision de motifs, méconnaissant l'article 593 du code de procédure pénale ;
2°/ qu'aux termes des articles 384, 385 et 386 du code de procédure pénale, les juges du fond doivent statuer sur les exceptions que les prévenus leur soumettent dans des conclusions régulièrement déposées avant toute défense au fond ; qu'il résulte de l'arrêt et des pièces de la procédure, dont la Cour de cassation a le contrôle, que tant en première instance qu'en appel, M. [J] a soulevé des exceptions de nullité avant toute défense au fond ; il a, en cause d'appel, déposé des conclusions visées par le président et le greffier, mentionnées dans l'arrêt ainsi qu'aux notes d'audience, dans lesquelles il soulevait in limine litis des exceptions de nullité des citations ; la cour a joint l'incident au fond ; en déclarant irrecevable l'exception de nullité sans répondre aux conclusions dont elle était régulièrement saisie, peu important que les exceptions aient, ensuite, été développées oralement après le rapport, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et a violé les textes susvisés et l'article 593 du code de procédure pénale, outre l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
7. Pour déclarer irrecevable l'exception de nullité de la citation, l'arrêt attaqué énonce qu'elle n'a pas été soulevée in limine litis devant la cour d'appel.
8. C'est à tort que les juges, qui ont constaté que cette exception de nullité avait été soulevée avant toute défense au fond, ont considéré qu'elle n'avait pas été soulevée in limine litis.
9. Toutefois, l'arrêt n'encourt pas la censure dès lors que la Cour de cassation est en mesure de s'assurer que, dans ses conclusions déposées au greffe de la cour d'appel, d'une part, le prévenu a relevé l'erreur matérielle affectant la citation sur la date de la déclaration d'accident du travail du mois de décembre 2015, qui est le 8 décembre 2015 et non le 2 décembre 2015, d'autre part, celui-ci s'est expliqué sur ces faits, de sorte qu'il a été en mesure de préparer sa défense et qu'aucun grief n'est démontré.
10. Ainsi, le moyen doit être écarté.
11. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.




Crim. 2 avril 2025 n° 24-81.383

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° F 24-81.383 F-D
N° 00444

SL2 2 AVRIL 2025

REJET

M. BONNAL président,





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 2 AVRIL 2025


M. [O] [I] et Mme [E] [T], épouse [I], ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel d'Orléans, chambre correctionnelle, en date du 27 novembre 2023, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 30 mars 2022, pourvoi n° 21-82.217), pour escroquerie aggravée, a ordonné une confiscation.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Jaillon, conseiller, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de M. [O] [I] et de Mme [E] [T], épouse [I], et les conclusions de M. Crocq, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Jaillon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [O] [I] a été poursuivi devant le tribunal correctionnel du chef d'escroquerie en bande organisée. Son épouse, Mme [E] [T], a, quant à elle, été poursuivie pour recel de ce délit.
3. Par jugement du 28 septembre 2020, le tribunal a déclaré M. [I] et Mme [T] coupables des faits poursuivis. Il a condamné le premier à cinq ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende et la seconde à six mois d'emprisonnement et 10 000 euros d'amende
4. Le tribunal a par ailleurs ordonné la mainlevée de la saisie pénale d'un immeuble situé à [Localité 4] (60), propriété des époux [I]. Il a prononcé sur l'action civile.
5. M. [I] a interjeté appel des dispositions pénales et civiles du jugement. Le ministère public a interjeté appel incident sur les dispositions pénales et appel principal sur la mainlevée de la saisie pénale.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a infirmé le jugement de première instance en ce qu'il a prononcé la mainlevée de la saisie pénale du bien immobilier situé [Adresse 1] à [Localité 4] et, statuant à nouveau sur le chef infirmé, a prononcé à l'encontre de M. [I] à titre de peine complémentaire la confiscation en valeur de l'immeuble sis [Adresse 1] cadastré C[Cadastre 2] et C[Cadastre 3], acquis le 26 septembre 2018 par acte de M. [V], notaire à [Localité 4] et publié le 12 octobre 2018 au service de la publicité foncière de Senlis, bien ayant fait l'objet d'une saisie immobilière par le juge d'instruction par ordonnance du 26 juin 2019, alors :
« 1°/ d'une part qu'il incombe au juge qui décide de confisquer un bien en valeur notamment de préciser quel est le fondement du caractère confiscable du bien auquel le bien confisqué se substitue, et de s'assurer que la valeur de ce bien n'excède pas celle de l'instrument, de l'objet ou du produit de l'infraction et que lorsque plusieurs auteurs ou complices ont participé à un ensemble de faits, soit à la totalité, soit à une partie de ceux-ci, chacun d'eux encourt la confiscation du produit de la seule ou des seules infractions qui lui sont reprochées ; que la cour d'appel a constaté que M. [I] n'était pas le seul à avoir bénéficié du produit des manoeuvres mises en place de concert avec M. [W] évalué à une somme de près de 380.000 euros déposée sur les comptes de M. [G] depuis ceux des époux [S] (victimes) ; qu'elle relève que M. [I] a personnellement profité du produit de l'infraction à hauteur de 69.300 euros, sans évaluer d'autres dépenses financées par le produit de l'infraction qu'elle relevait (arrêt, p. 5, antépénultième alinéa) ; qu'en prononçant dès lors à titre de peine complémentaire la confiscation en valeur de l'immeuble sis [Adresse 1] à [Localité 4], après avoir constaté que celui-ci était évalué en 2019 à la somme de 207 000 euros, la cour d'appel a violé les articles 131-21 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ d'autre part, et en toute hypothèse, que la contradiction de motifs équivaut à une absence de motifs ; qu'en estimant que « le produit de l'infraction à laquelle a participé M. [I] peut donc raisonnablement être estimé à cette somme de 380.000 euros » (arrêt, p. 5, pénultième alinéa), après avoir relevé qu' « il n'est pas contesté qu'une somme de près de 380.000 euros est arrivée sur les comptes de M. [G] en septembre 2018 depuis ceux des époux [S] » et que « ces fonds sont bien le produit des manoeuvres mises en place de concert de concert par M. [W] et M. [I] » et constaté que « M. [I] n'est pas le seul à avoir bénéficié de ce produit » (arrêt, p. 5, antépénultième alinéa), la cour d'appel s'est contredite en violation de l'article 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
7. Pour infirmer le jugement et prononcer la confiscation de l'immeuble, l'arrêt attaqué relève qu'il n'est pas contesté qu'une somme de 380 000 euros est arrivée sur les comptes d'un tiers chargé de redistribuer les fonds aux commanditaires des escroqueries, fonds qui sont le produit des manoeuvres mises en place de concert notamment par M. [I].
8. Les juges retiennent que le produit de l'infraction à laquelle ont participé M. [I] et ses coauteurs peut être estimé à la somme de 380 000 euros, et que s'il n'est pas le seul à en avoir bénéficié, il en a utilisé une large part pour divers achats, pour payer les transports de véhicules entre la France et le Cameroun et alimenter le compte courant du couple et celui de son frère, les juges n'en précisant pas le montant global.
9. Les juges mentionnent que le caractère proportionné de la confiscation, s'agissant de M. [I] à l'encontre de qui cette peine complémentaire est susceptible d'être prononcée doit s'apprécier au regard de la gravité des faits, de sa personnalité et de sa situation.
10. Les juges ajoutent qu'il a joué un rôle central dans l'organisation frauduleuse mise en place, qu'il a largement profité du produit de l'infraction, qu'il a déjà été condamné et que le préjudice des victimes est très important.
11. Ils en déduisent que la peine de confiscation pour une valeur de 207 000 euros équivalente à la valeur du bien immobilier est une peine tout à fait proportionnée.
12. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision.
13. En effet, elle a, dans le cadre de son pouvoir souverain d'appréciation, considéré que la valeur du bien confisqué évaluée à 207 000 euros par les services de France Domaine est inférieure au montant du produit procuré par l'infraction dont M. [I] a profité.
14. Dès lors, le moyen doit être écarté.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
Le moyen critique l'arrêt en ce qu'il a infirmé le jugement de première instance en ce qu'il a prononcé la mainlevée de la saisie pénale du bien immobilier situé [Adresse 1] à [Localité 4] et, statuant à nouveau sur le chef infirmé, a prononcé à l'encontre de M. [I] à titre de peine complémentaire la confiscation en valeur de l'immeuble sis [Adresse 1] à [Localité 4] cadastré C2484 et C2816, acquis le 26 septembre 2018 par acte de Me [V], notaire à [Localité 4] et publié le 12 octobre 2018 au service de la publicité foncière de [Localité 5], bien ayant fait l'objet d'une saisie immobilière par le juge d'instruction par ordonnance du 26 juin 2019, alors :
« 1°/ d'une part, que corolaire de la responsabilité du fait personnel, le principe de personnalité des peines implique que la sanction frappe l'auteur de l'infraction et lui seul ; que lorsqu'elle porte sur un bien commun à deux époux, la confiscation, qui ne peut donc pas porter sur la totalité du bien propriété commune des deux époux, doit être prononcée en valeur et ne peut porter que sur la part de profit illicite dont le condamné a bénéficié ; qu'en prononçant la confiscation en valeur de la totalité de l'immeuble commun à M. [I] et Mme [I], la cour d'appel, qui a ainsi infligé à Mme [I] une peine frappant son patrimoine sans qu'elle ait été prononcée à son encontre, a méconnu le principe sus-énoncé et les articles 121-2 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ d'autre part, qu'il résulte de l'article 131-21 du code pénal que, la confiscation étant une peine, elle ne peut être décidée qu'à l'encontre d'une personne déclarée coupable des faits reprochés ; qu'en ordonnant la confiscation du bien immeuble situé [Adresse 1] sur la commune de [Localité 4], propriété commune de M. [I] et de Mme [I], sans avoir déclaré Mme [I] coupable de l'infraction en répression de laquelle la peine de confiscation a été prononcée, infligeant ainsi à Mme [I] une peine frappant son patrimoine sans avoir préalablement statué sur le bien-fondé de la prévention retenue à son encontre, la cour d'appel a méconnu les articles 131-21 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
3°/ alors de dernière part, que si la confiscation rejoint l'intérêt général prévu à l'article 1 du Protocole n° 1 permettant de porter atteinte au droit de propriété, c'est à la condition que la sanction imposée ne soit pas disproportionnée au regard du manquement commis, les juges du fond devant évaluer et justifier les nécessité et proportionnalité de l'atteinte au droit de propriété causée par la confiscation d'un bien propriété indivise du condamné et d'un tiers contre lequel cette peine n'a pas été prononcée ; qu'en jugeant parfaitement proportionnée la confiscation du bien immeuble propriété commune de M. [I] et de Mme [I], sans jamais avoir pris en compte, au titre de l'examen de proportionnalité, l'atteinte portée au patrimoine de Mme [I], prévenue non appelante à l'encontre de laquelle la peine de confiscation n'a jamais été prononcée, la cour d'appel a méconnu les articles 1er du protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, 13121 et 132-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
15. Pour prononcer la confiscation en valeur de la totalité de l'immeuble, l'arrêt attaqué relève qu'il s'agit d'un bien commun dès lors qu'il a été acquis pendant le mariage et que le couple était marié sous le régime de la communauté légale.
16. Les juges ajoutent que le bien peut donc être confisqué pour le tout avec, le cas échéant, un droit à récompense pour la communauté équivalant à la valeur confisquée et corrélativement une dette de l'époux condamné à la confiscation envers la communauté.
17. En se déterminant ainsi la cour d'appel a justifié sa décision.
18. En effet, les juges n'étaient pas tenus de prendre en compte, au titre de l'examen de la proportionnalité, l'atteinte portée au droit de propriété de Mme [I], la confiscation de ce bien commun à la suite de la condamnation de son époux pouvant donner lieu pour elle à récompense.
19. Dès lors, le moyen doit être écarté.
20. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.




Crim. 2 avril 2025 n° 24-80.999 B

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° P 24-80.999 F-B
N° 00446

SL2 2 AVRIL 2025

CASSATION

M. BONNAL président,





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 2 AVRIL 2025

Le procureur général près la cour d'appel de Dijon et l'administration des douanes ont formé des pourvois contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre correctionnelle, en date du 10 janvier 2024, qui a relaxé M. [R] [J] des chefs de contrebande de marchandises prohibées, transfert de capitaux sans déclaration, défaut de tenue de registres d'objets mobiliers et tenue non conforme de registres de police.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de M. Gillis, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la direction générale des douanes et droits indirects, les observations de la SAS Zribi et Texier, avocat de M. [R] [J], et les conclusions de M. Crocq, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Gillis, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [R] [J] a été contrôlé le 31 mars 2015 à 9 heures 30 par les agents des douanes alors qu'il circulait au volant de son véhicule.
3. Le contrôle a amené la découverte dans le véhicule de quarante pièces de monnaie, pour partie anciennes. M. [J] a déclaré qu'il était numismate professionnel et que ces pièces étaient un fonds de collection lui appartenant. Il a indiqué ne pas être en mesure de justifier de leur provenance.
4. M. [J] a suivi librement les douaniers dans leurs locaux. Après avoir reçu l'avis de M. [F] [L], ingénieur d'études à la direction régionale des affaires culturelles d'Ile-de-France (Drac), quant à la nature des pièces de monnaie saisies, les douaniers ont placé le prévenu en retenue douanière, à compter de 15 heures 45, pour des faits de détention et transport de biens culturels sans justificatif d'origine.
5. Une visite domiciliaire a été réalisée lors de laquelle il a notamment été découvert d'autres pièces de monnaie ancienne.
6. M. [J] a été ultérieurement poursuivi devant le tribunal correctionnel qui l'a condamné des chefs de détention et transport de biens culturels sans justificatif d'origine, transfert de capitaux sans déclaration, défaut de tenue de registres d'objets mobiliers et tenue non conforme de registres de police.
7. Le prévenu, le procureur général et l'administration des douanes ont relevé appel de cette décision.
Sur le moyen proposé pour l'administration des douanes et sur le moyen proposé par le procureur général
Enoncé des moyens
8. Le moyen proposé pour l'administration des douanes critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a annulé la mesure de retenue douanière et tous les actes de la procédure dont elle était le support nécessaire, relaxé M. [J] et ordonné la restitution à son profit de tous les objets saisis, alors :
« 1°/ qu'en relevant, pour considérer que la mesure de retenue douanière dont Monsieur [J] avait fait l'objet devait être annulée, que l'avis adressé le 31 mars 2015 à 14 h 16 et 14 h 34 à l'administration des douanes par Monsieur [F] [L], ingénieur d'étude à la direction régionale des affaires culturelles d'Ile-de-France, par lequel ce dernier indiquait qu'à la vue des photographies qui lui avaient été envoyées, « tous les objets contrôlés sont des biens culturels au sens du code des douanes » et, plus précisément, qu'ils constituaient des « objets archéologiques » dont il était quasiment certain qu'ils provenaient « de trouvailles au détecteur de métaux », ne caractérisait pas un flagrant délit douanier, quand cet avis associé aux éléments préalablement révélés par le contrôle douanier constituait un faisceau d'indices apparents et objectifs laissant présumer qu'était en train d'être commis le délit douanier de détention sans document justificatif régulier de biens culturels, parmi lesquels figuraient les objets archéologiques, y compris les monnaies, provenant directement de fouilles, de découvertes terrestres ou de sites archéologiques, quelle que soit leur valeur, et caractérisait, dès lors, l'existence d'un flagrant délit douanier, la cour d'appel a violé l'article 323-1 du code des douanes et les articles 53, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
3°/ qu'en relevant, pour considérer que la mesure de retenue douanière dont Monsieur [J] avait fait l'objet devait être annulée, qu'elle n'était pas justifiée le 31 mars 2015 à 15 h 45 pour les nécessités de l'enquête douanière, dès lors que les objets litigieux, en petit nombre, étaient saisis depuis 10 h le matin et inventoriés, quand cette mesure avait été décidée par les agents douaniers pour permettre l'exécution d'investigations impliquant la présence et la participation de Monsieur [J], à savoir la visite domiciliaire de son ancien local commercial à [Localité 1] qui a été réalisée le 31 mars 2015 de 19 h 15 à 22 h 15, puis son audition réalisée le 1er avril 2015 de 2 h 15 à 3 h 15, ce dont il résultait que la retenue douanière était bien justifiée, à 15 h 45, par les nécessités de l'enquête, la cour d'appel a derechef violé l'article 323-1 du code des douanes et les articles 591 et 593 du code de procédure pénale. »
9. Le moyen proposé par le procureur général est pris de la violation des articles 323-1 du code des douanes et 591 du code de procédure pénale.
10. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a annulé la mesure de retenue douanière et relaxé en conséquence M. [J], alors :
1°/ que l'avis de M. [L] adressé le jour du contrôle constituait une raison plausible de soupçonner le prévenu d'avoir commis un flagrant délit douanier et que, compte tenu de la domiciliation fictive en Irlande de la société dont le prévenu était dirigeant, les nécessités de l'enquête douanière justifiaient une mesure de retenue.
Réponse de la Cour
11. Les moyens sont réunis.
Vu les articles 38, 215 ter, 323-1 et 419 du code des douanes, L. 111-2 et R. 111-1 et son annexe du code du patrimoine :
12. Aux termes du troisième de ces textes, les agents des douanes ne peuvent procéder à l'arrestation et au placement en retenue douanière d'une personne qu'en cas de flagrant délit douanier puni d'une peine d'emprisonnement et lorsque cette mesure est justifiée par les nécessités de l'enquête douanière.
13. Il en résulte qu'il incombe à la cour d'appel, saisie d'une exception de nullité d'une retenue douanière, de contrôler que cette mesure respecte ces exigences.
14. Selon les deuxième et quatrième de ces textes, commet le délit de détention de marchandises prohibées celui qui détient ou transporte les biens culturels ou les trésors nationaux visés au 4 de l'article 38 du code des douanes et ne peut, à première réquisition des agents des douanes, produire soit des documents attestant que ces marchandises peuvent quitter le territoire douanier en conformité avec les dispositions portant prohibition d'exportation, soit tout document prouvant que ces biens ont été importés temporairement d'un autre Etat membre de la Communauté européenne, soit toute justification d'origine émanant de personnes ou de sociétés régulièrement établies à l'intérieur du territoire douanier communautaire.
15. Selon le premier et les deux derniers de ces textes, constituent des biens culturels ceux qui présentent un intérêt historique, artistique ou archéologique et entrent dans l'une des catégories définies par décret en Conseil d'Etat, lesquelles visent notamment les monnaies anciennes présentant certaines caractéristiques quant à leur lieu de découverte et à leur valeur.
16. Pour faire droit aux conclusions du prévenu invoquant la nullité de la retenue douanière, l'arrêt attaqué retient que le délit prévu par l'article 215 ter du code des douanes qui a fondé la retenue du prévenu impliquait nécessairement la caractérisation de la valeur et de l'ancienneté, le cas échéant selon les dispositions de l'annexe précitée, des biens culturels dont la détention sans justification d'origine lui était reprochée.
17. Les juges ajoutent qu'aucune indication quant à ces caractéristiques n'a été portée à la connaissance du prévenu et qu'il n'a pas été informé précisément en quoi il aurait enfreint la loi, les pièces de monnaie ne constituant pas des biens culturels par nature.
18. Ils en déduisent que le seul fait de détenir ou transporter quarante pièces de monnaie anciennes est insuffisant pour laisser supposer qu'un délit douanier a été commis.
19. Ils relèvent également que la décision de placement en retenue a été fondée sur l'avis de M. [L] qui, à la seule vue de photographies qui lui avaient été adressées, a indiqué que tous les objets contrôlés étaient des objets archéologiques, qu'il était quasiment certain qu'ils provenaient de trouvailles au détecteur de métaux et qu'ils constituaient des biens culturels au sens du code des douanes.
20. Ils en concluent qu'en l'absence de toute référence à la réglementation applicable et aux monnaies saisies, un tel avis ne saurait caractériser le flagrant délit exigé par l'article 323-1 du code des douanes. Ils ajoutent qu'un examen sérieux, même rapide, aurait aisément permis de constater qu'aucun des critères définis aux articles R. 111-1 et suivants du code du patrimoine n'était susceptible d'être retenu.
21. Ils ajoutent que la retenue douanière n'était pas non plus justifiée par les nécessités de l'enquête douanière lorsqu'elle a été décidée, à 15 heures 45, dès lors que les biens litigieux, en petit nombre, avaient été saisis à 10 heures et avaient déjà été inventoriés.
22. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés pour les motifs qui suivent.
23. D'une part, un avis émis par un ingénieur de la Drac, à la vue de photographies de pièces de monnaie venant d'être saisies, qualifiant celles-ci de biens culturels au sens du code des douanes, associé au fait que la personne transportant ces pièces ne peut justifier de leur origine, caractérise, au sens de l'article 323-1 du code des douanes, le délit de détention de biens culturels sans justificatif d'origine en flagrance.
24. D'autre part, en cas de retenue douanière pour un transport de biens culturels sans justificatif d'origine faisant suite à une interpellation sur la voie publique, le seul constat de ce que les biens avaient déjà été saisis et inventoriés au moment du placement en retenue douanière ne saurait suffire à exclure la nécessité d'autres actes d'enquête douanière.
25. La cassation est par conséquent encourue, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres griefs.




Soc. 2 avril 2025 n° 23-15.253

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 2 avril 2025



Rejet

Mme CAPITAINE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 343 F-D
Pourvoi n° E 23-15.253



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 AVRIL 2025
Mme [K] [D], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° E 23-15.253 contre l'arrêt rendu le 2 mars 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 2), dans le litige l'opposant à la fondation Institut Curie, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lacquemant, conseiller, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de Mme [D], de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la fondation Institut Curie, après débats en l'audience publique du 4 mars 2025 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lacquemant, conseiller rapporteur, Mme Nirdé-Dorail, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 mars 2023), Mme [D] a été engagée en qualité d'infirmière diplômée d'Etat à compter du 1er octobre 1984 par la fondation Institut Curie au sein du centre de lutte contre le cancer. 2. L'employeur l'a informée, le 17 septembre 2021, de la suspension de son contrat de travail à défaut de justification de la vaccination contre la Covid-19.
3. La salariée a saisi la juridiction prud'homale en sa formation des référés de demandes en annulation de cette décision et de rappel de salaires.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. La salariée fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à référé, de la débouter de ses demandes tendant à l'annulation de la décision de suspension dont elle faisait l'objet et à la condamnation de l'employeur à la réintégrer et à lui payer les salaires dont elle avait été privée, alors :
« 1° / que les dispositions des articles 12 et 14 de la loi du 5 août 2021 prévoyant que le professionnel de santé soumis à l'obligation vaccinale prévue par l'article 12 voit son contrat de travail suspendu s'il n'y satisfait pas, n'emporte pas dérogation aux dispositions du code du travail et notamment à l'obligation d'exécuter le contrat de travail de bonne foi ; qu'en vertu de celle-ci, l'employeur était à tout le moins tenu d'explorer l'ensemble des solutions possibles afin de poursuite du contrat de travail et du maintien de la rémunération et à cet effet de se rapprocher de Mme [D] afin d'examiner avec elle les conditions d'une régularisation de sa situation, fût-ce par redéploiement de son activité sur des postes non soumis à l'obligation vaccinale ; que la cour d'appel ne pouvait affirmer que l'Institut Curie n'était tenu d'aucune obligation en ce sens sans méconnaître les dispositions articles L. 1221-1 et L. 1222-1 du code du travail, ensemble les articles 12 et 14 de la loi du 5 août 2021 et R. 1455-6 du code du travail ;
2 ° / qu'en statuant de la sorte, sans rechercher en l'espèce, comme elle y était invitée par l'exposante, si la fondation Institut Curie ne disposait pas, compte tenu de l'activité de Mme [D], pour partie consacrée à des consultations de sophrologie, et de la structure même de ses services, et de l'existence en son sein d'un centre de recherche dont le personnel n'est pas soumis à l'obligation vaccinale, et des possibilités de recourir au télétravail, si l'employeur, en refusant à toute recherche en ce sens, n'avait pas méconnu son obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail de Mme [D], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1 et L. 1222-1 précités du code du travail, ensemble les articles 12 et 14 de la loi du 5 août 2021 et R. 1455-6 du code du travail ;
3° / que Mme [D] se prévalait à l'appui de ses écritures d'appel du fait qu'elle se trouvait sans discontinuité depuis juin 2022, en congé de maladie, alors que la mesure de suspension du contrat de travail, n'apparaissant plus nécessaire du fait de cette situation, devait cesser de produire ses effets pendant la durée de ce congé ; que la cour d'appel qui n'a pas répondu à ce chef pertinent des écritures d'appel de Mme [D], a, quel qu'en ait été le mérite, entaché son arrêt d'un défaut de réponse à conclusion et l'a privé de motifs en violation de l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
5. Il résulte de la combinaison des articles 12, I, 1°, a) et 14, I, B de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 que les personnes exerçant leur activité dans les établissements de santé mentionnés à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique ainsi que les hôpitaux des armées mentionnés à l'article L. 6147-7 du même code doivent être vaccinées, sauf contre-indication médicale reconnue, contre la Covid-19, et, à compter du 15 septembre 2021, ne peuvent plus exercer leur activité si elles n'ont pas présenté les documents mentionnés au I de l'article 13 ou, à défaut, le justificatif de l'administration des doses de vaccins requises par le décret mentionné au II de l'article 12.
6. Aux termes de l'article 14, II, de la même loi, lorsque l'employeur constate qu'un salarié ne peut plus exercer son activité en application du I du présent article, il l'informe sans délai des conséquences qu'emporte cette interdiction d'exercer sur son emploi ainsi que des moyens de régulariser sa situation. Le salarié qui fait l'objet d'une interdiction d'exercer peut utiliser, avec l'accord de son employeur, des jours de repos conventionnels ou des jours de congés payés. A défaut, son contrat de travail est suspendu. Cette suspension, qui s'accompagne de l'interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que le salarié remplit les conditions nécessaires à l'exercice de son activité prévues au I. Elle ne peut être assimilée à une période de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés ainsi que pour les droits légaux ou conventionnels acquis par le salarié au titre de son ancienneté. Pendant cette suspension, le salarié conserve le bénéfice des garanties de protection sociale complémentaire auxquelles il a souscrit.
7. La suspension prévue à l'article 14, II de la loi du 5 août 2021 précitée n'est subordonnée à aucune recherche préalable d'aménagement de poste par l'employeur ou d'affectation du salarié sur un poste non soumis à l'obligation vaccinale.
8. Aux termes de l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
9. D'abord, la cour d'appel a retenu que les dispositions légales issues de la loi du 5 août 2021 ne prévoient aucune mesure susceptible d'être prise afin d'éviter la suspension du contrat de travail du salarié qui n'a pas satisfait à son obligation vaccinale autre que la prise de congés payés et de jours de repos.
10. Ensuite, elle a constaté que l'employeur avait, le 6 août 2021, communiqué auprès de son personnel sur le dispositif de vaccination obligatoire applicable à compter du 9 août 2021, qu'il avait informé, le 13 septembre 2021, la salariée de son obligation de recevoir au moins une dose de vaccin avant le 15 septembre 2021 puis de justifier d'un parcours vaccinal complet à compter du 16 octobre 2021 et que, cette dernière n'ayant pas justifié de sa vaccination, son contrat de travail avait été suspendu ce dont elle avait été informée le 17 septembre 2021.
11. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel, sans avoir à répondre à l'argumentation de la salariée, relative à l'incidence de son arrêt de travail survenu postérieurement à la décision de suspension, qui n'était pas de nature à entraîner l'annulation de cette décision, a pu déduire que l'employeur, qui n'était pas tenu à une obligation de reclassement ou d'aménagement du poste de la salariée et devait se conformer aux dispositions légales qui s'imposaient à lui, n'avait pas manqué à son obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail et qu'aucun trouble manifestement illicite n'était caractérisé.
12. Le moyen n'est donc pas fondé.




Crim. 2 avril 2025 n° 23-85.083

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° H 23-85.083 F-D
N° 00363

GM 2 AVRIL 2025

CASSATION

M. BONNAL président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 2 AVRIL 2025


M. [L] [C] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 2e section, en date du 4 juillet 2023, qui, dans l'information suivie contre personne non dénommée des chefs, notamment, de blanchiment aggravé et association de malfaiteurs en vue de commettre un délit puni de dix ans d'emprisonnement, a confirmé l'ordonnance de saisie pénale rendue par le juge d'instruction.
Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Clement, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [L] [C], les observations de la SCP Boutet, Hourdeaux, avocat de l'Etat du Liban, et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 12 février 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Clement, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,


la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Suivant réquisitoire introductif du 2 juillet 2021, une information contre personne non dénommée a été ouverte au tribunal judiciaire de Paris des chefs susvisés.
3. Par ordonnance du 30 mars 2022, le juge d'instruction a ordonné le maintien de la saisie du solde créditeur du compte de M. [L] [C] à la banque [1], d'un montant de 99 444,54 euros, opérée par procès-verbal du 25 mars 2022.
4. M. [C] a relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur les premier, troisième moyens et le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche
5. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le deuxième moyen, pris en ses première et troisième branches
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné le maintien de la saisie du solde créditeur du compte dont M. [L] [C] est titulaire au sein de la banque [1] opérée par procès-verbal du 25 mars 2022, alors :
« 1°/ que les juges répressifs ne peuvent refuser d'examiner les pièces à décharge invoquées par une partie au seul motif qu'elles auraient été obtenues de façon irrégulière ; qu'en refusant d'examiner les pièces à décharge invoquées par l'exposant figurant dans le dossier de l'instruction reçu en raison d'une erreur du greffe de la chambre de l'instruction au seul motif qu'il ne les avait pas obtenues régulièrement dès lors qu'il n'avait le droit à la communication que des pièces de la procédure se rapportant à la saisie qu'il contestait, la chambre de l'instruction a méconnu le principe de loyauté dans l'administration de la preuve en l'appliquant en dehors de son champ d'application, ensemble le principe de l'égalité des armes, les droits de la défense, le droit à un recours effectif et les articles 6 § 1 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, préliminaire et 427 du code de procédure pénale ;
3°/ que, subsidiairement, à supposer même que l'exposant ait été soumis au respect du principe de loyauté dans l'administration de la preuve, ce principe ne proscrit que l'obtention de preuves par l'usage d'un procédé déloyal ou d'un stratagème ; qu'en jugeant que l'exposant ne pouvait se prévaloir de pièces qu'il avait obtenues irrégulièrement, cependant qu'il les avait obtenues en raison d'une erreur spontanée du greffe de la chambre de l'instruction, et non par l'usage d'un procédé déloyal ou d'un stratagème, la chambre de l'instruction a méconnu le principe de loyauté dans l'administration de la preuve, le principe de l'égalité des armes, les droits de la défense, le droit à un recours effectif et les articles 6 § 1 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, préliminaire et 427 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 427 du code de procédure pénale :
7. Il se déduit de ce texte qu'aucune disposition légale ne permet aux juges répressifs d'écarter les moyens de preuve produits par les parties au seul motif qu'ils auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale. Il leur appartient seulement, en application du texte susvisé, d'en apprécier la valeur probante après les avoir soumis à la discussion contradictoire.
8. Pour refuser d'examiner les pièces figurant dans le dossier de l'instruction invoquées dans leur mémoire par les avocats de la société [2], M. [L] [C] et la société [3], l'arrêt attaqué énonce que les conseils de la société [2] ne sauraient se prévaloir de pièces obtenues en raison d'une erreur du greffe de la chambre de l'instruction, et non régulièrement, pour argumenter sur les saisies de ladite société et plus encore sur les saisies de leurs autres clients, M. [L] [C] et la société [3], tiers à la procédure, et qui n'ont pas eu communication de l'entier dossier.
9. Les juges ajoutent qu'il ne saurait être argué que des pièces à décharge n'auraient pas été versées, alors que seules les pièces essentielles de la saisie devaient être communiquées.




10. Ils concluent que la chambre de l'instruction n'a pas l'obligation de tenir compte de pièces auxquelles ces parties n'avaient pas accès en droit, et auxquelles n'ont pas eu accès les autres tiers saisis appelants, sauf si cela est nécessaire pour fonder sa décision, après communication officielle de ces pièces à toutes les parties, pour respecter, à égalité, le principe du contradictoire à leur égard.
11. En statuant ainsi, alors qu'elle ne pouvait écarter les moyens de preuve produits par les parties au seul motif qu'ils auraient été obtenus irrégulièrement, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.
12. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.




Soc. 2 avril 2025 n° 24-11.422

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 2 avril 2025



Rejet

Mme CAPITAINE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 352 F-D
Pourvoi n° M 24-11.422



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 AVRIL 2025
Mme [H] [K], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° M 24-11.422 contre l'arrêt rendu le 16 novembre 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 2), dans le litige l'opposant à la fondation [3], dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Chiron, conseiller référendaire, les observations de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de Mme [K], de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la fondation [3], et après débats en l'audience publique du 4 mars 2025 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Chiron, conseiller référendaire rapporteur, Mme Lacquemant, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 novembre 2023), Mme [K] a été engagée en qualité d'assistante de direction projet par la fondation [3] le 11 novembre 2017.
2. Le 19 octobre 2021, la fondation [3] a notifié à la salariée la suspension de son contrat de travail à compter du 21 octobre à la suite d'un défaut de vaccination.
3. La salariée a saisi la juridiction prud'homale, statuant en référé, d'une demande de réintégration.
Examen des moyens
Sur les deuxième et troisième moyens
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. La salariée fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à référé sur l'ensemble de ses demandes d'annulation de la décision de suspension du contrat de travail, de rappels de salaire et congés payés afférents, à titre provisionnel, de renvoyer les parties à mieux se pourvoir ainsi qu'elles aviseront et de la condamner aux dépens d'appel et de première instance, alors :
« 1°/ que la formation de référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; que la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire dispose, en son article 12, que " doivent être vaccinés, sauf contre-indication médicale reconnue, contre la Covid-19 : 1° les personnes exerçant leur activité dans : a) Les établissements de santé mentionnés à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique ainsi que les hôpitaux des armées mentionnés à l'article L. 6147-7 du même code " ; qu'il s'ensuit que constitue un trouble manifestement illicite la suspension du contrat de travail prononcée sur le fondement de la disposition susvisée à l'encontre d'un salarié d'un établissement de santé concerné lorsque celui-ci n'exerce pas son activité au sein de l'établissement ou du service mais dans un immeuble à usage d'habitation distinct des locaux où sont exercés l'activité principale ou les activités accessoires de cet établissement et qu'il n'exerce aucune activité auprès des patients ; que pour débouter Mme [K] de ses demandes de réintégration et de paiement à titre provisionnel de rappels de salaire et congés payés afférents, la cour d'appel a retenu que : "L'obligation vaccinale ainsi prévue s'impose à toute personne travaillant régulièrement au sein de locaux relevant d'un établissement de santé, quel que soit l'emplacement des locaux et que cette personne ait ou non des activités de santé et soit ou non en contact avec des personnes hospitalisées ou des professionnels de santé. Il ne peut être pertinemment contesté que Mme [K] exerce des missions permanentes et régulières au sein de l'ensemble hospitalier. Sa fiche de poste permet de constater qu'elle a des relations hiérarchiques, fonctionnelles et de travail régulières avec de nombreux salariés tels que le directeur technique, le responsable des affaires techniques, les conducteurs de travaux, le service achats, le service comptabilité ainsi que les services transverses. À ce titre, et en pratique, elle peut à tout moment être présente à une réunion de chantier ou d'élaboration d'un plan de prévention pour prendre des notes en vue de la rédaction d'un compte rendu. Il en résulte donc que Mme [K] est soumise à l'obligation vaccinale tant en qualité de personne exerçant son activité dans les établissements de santé qu'en qualité de personne travaillant dans les mêmes locaux que les professionnels de santé soumis à l'obligation vaccinale" ; qu'en statuant ainsi, cependant que l'article 12 I, 1°, a) de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 n'impose l'obligation vaccinale qu'aux personnes exerçant leur activité dans les établissements visés et non pas dans un immeuble à usage d'habitation, en copropriété, et qu'elle constatait que Mme [K] avait été embauchée par l'[3] en qualité d'assistante de direction de projet, ce dont il résultait qu'elle n'exerçait pas son activité au sein de l'établissement de santé, mais à l'extérieur de celui-ci, de sorte qu'elle n'était pas concernée par ladite obligation vaccinale, la cour d'appel a violé les articles 12 et 14 de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire, ensemble l'article R. 1455-6 du code du travail ;
2°/ que la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire dispose, en son article 12, que " doivent être vaccinés, sauf contre-indication médicale reconnue, contre la Covid-19 : 1° les personnes exerçant leur activité dans : a) Les établissements de santé mentionnés à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique ainsi que les hôpitaux des armées mentionnés à l'article L. 6147-7 du même code (?) 4° (?) les personnes travaillant dans les mêmes locaux que les professionnels mentionnés au 2° ou que les personnes mentionnées au 3° "; qu'il s'ensuit que constitue un trouble manifestement illicite la suspension du contrat de travail prononcée sur le fondement de la disposition susvisée à l'encontre d'un salarié d'un établissement de santé concerné lorsque celui-ci n'exerce pas son activité au sein de l'établissement ou du service mais dans un immeuble à usage d'habitation distinct des locaux où sont exercés l'activité principale ou les activités accessoires de cet établissement, qu'il n'exerce aucune activité auprès des patients et n'était présent dans un bureau externalisé qu'une fois par semaine ; que Mme [K] - qui rappelait que l'article 12 de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 n'imposait l'obligation vaccinale que pour les personnes exerçant leur activité dans les établissements visés par le texte - faisait expressément valoir qu'elle n'exerçait pas son activité dans un établissement de santé et qu'elle n'était présente dans un bureau externalisé qu'une fois par semaine avant la suspension de son contrat de travail, pratiquant ainsi essentiellement du télétravail ; qu'en s'abstenant de rechercher si compte tenu du fait que la salariée exerçait son activité à l'extérieur de l'établissement de santé, dans un bureau externalisé une seule journée par semaine, celle-ci n'était pas exclue du périmètre de l'obligation vaccinale édictée par l'article 12 I, 1°et 4°de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 12 et 14 de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire, ensemble l'article R. 1455-6 du code du travail. »
Réponse de la Cour
6. Il résulte de la combinaison des articles 12, I, 1° et 14, I, B de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 que les personnes exerçant leur activité dans les établissements et services listés aux points a) à n) du premier de ces textes, dont les établissements de santé mentionnés à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique ainsi que les hôpitaux des armées mentionnés à l'article L. 6147-7 du même code, doivent être vaccinées, sauf contre-indication médicale reconnue, contre la Covid-19, et, à compter du 15 septembre 2021, ne peuvent plus exercer leur activité si elles n'ont pas présenté les documents mentionnés au I de l'article 13 ou, à défaut, le justificatif de l'administration des doses de vaccins requises par le décret mentionné au II de l'article 12.
7. L'obligation vaccinale prévue par ces dispositions législatives s'impose à toute personne travaillant régulièrement au sein de locaux relevant des établissements et services listés à l'article 12, I, 1° précité, dont les établissements de santé mentionnés à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique ainsi que les hôpitaux des armées mentionnés à l'article L. 6147-7 du même code, quel que soit l'emplacement des locaux en question et que cette personne ait ou non des activités de soins et soit ou non en contact avec des personnes malades ou des professionnels de santé.
8. La cour d'appel, qui a, à bon droit, énoncé que l'obligation vaccinale concernait tant les personnels soignants que les personnels administratifs et techniques exerçant leur mission dans des établissements de santé, qu'ils soient employés directement ou non par ces établissements et services, et s'imposait à toute personne travaillant régulièrement au sein de locaux relevant d'un établissement de santé, quel que soit l'emplacement des locaux et que cette personne ait ou non des activités de santé et soit ou non en contact avec des personnes hospitalisées ou des professionnels de santé, puis retenu que la salariée, qui ne démontrait nullement qu'elle était chargée de l'exécution de tâches ponctuelles dans l'établissement de santé et dont il n'était pas contesté qu'elle exerçait des missions permanentes et régulières au sein de l'ensemble hospitalier, en a exactement déduit, sans être tenue de procéder à une recherche inopérante, qu'elle était soumise à l'obligation vaccinale en qualité de personne exerçant son activité dans les établissements de santé.
9. Le moyen n'est donc pas fondé.




Crim. 2 avril 2025 n° 23-87.010

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° B 23-87.010 F-D
N° 00443

SL2 2 AVRIL 2025

CASSATION PARTIELLE

M. BONNAL président,





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 2 AVRIL 2025


M. [N] [C], Mme [X] [V] et la société [3] agissant en qualité de liquidateur judiciaire de M. [C], partie civile, ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux, chambre correctionnelle, en date du 2 juin 2023, qui, dans la procédure suivie contre les deux premiers des chefs de banqueroute, faux et dissimulation frauduleuse de biens par un débiteur, complicité et recel, a prononcé sur les intérêts civils.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Jaillon, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, avocat de Mme [X] [V] et de M. [N] [C], les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de la société [3], es qualité de liquidateur judiciaire de M. [N] [C], et les conclusions de M. Crocq, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Jaillon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. La société [1], dont le gérant est M. [N] [C], a souscrit le 28 décembre 2011 un prêt de 390 000 euros auprès de la [2] pour procéder à l'achat d'un fonds de commerce. M. [C] s'en est porté caution personnelle et solidaire à hauteur de 350 350 euros.
3. A partir du mois de février 2013, la société n'a pu rembourser le prêt et le 9 octobre suivant, la [2] a mis en demeure M. [C] de payer au titre de son engagement de caution.
4. La société [1] a été placée en redressement judiciaire le 20 août 2014 puis en liquidation judiciaire le 1er octobre suivant. La date de cessation des paiements a été fixée par le jugement du tribunal correctionnel au mois de mars 2013.
5. La [2] a déclaré sa créance à la procédure de redressement judiciaire. En outre, elle a obtenu du tribunal de commerce le 1er mars 2018 un jugement condamnant M. [C] au paiement de sa créance.
6. Par ailleurs, M. [C] a fait l'objet d'une procédure de rétablissement professionnel puis de liquidation le 31 mai 2019 et la SCP [3] a été désignée comme mandataire judiciaire.
7. Le 28 septembre 2016, la [2] a déposé plainte pour faux et usage, à la suite du non-paiement des échéances du prêt et de la vente du fonds de commerce et de son patrimoine par M. [C].
8. A l'issue de l'enquête préliminaire, M. [C] a été poursuivi devant le tribunal correctionnel, en sa qualité de dirigeant de la société [1], des chefs de banqueroute, dissimulation de tout ou partie de ses biens personnels et faux et usage. Mme [V] a, quant à elle, été poursuivie des chefs de complicité du délit de dissimulation de biens personnels par dirigeant de personne morale faisant l'objet d'une procédure collective, commis par son concubin M. [C], et recel de dissimulation de biens personnels par dirigeant de personne morale faisant l'objet d'une procédure collective.
9. Par jugement du 18 février 2021, les juges du premier degré ont relaxé M. [C] des faits de dissimulation de biens par un dirigeant de personne morale faisant l'objet d'une procédure collective, l'ont déclaré coupable pour le surplus et l'ont condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis, 7 000 euros d'amende dont 5 000 euros avec sursis et trois ans d'interdiction de gérer. Ils ont relaxé Mme [V] et ordonné la restitution des sommes saisies sur ses comptes.
10. Sur l'action civile, ils ont déclaré irrecevable la constitution de partie civile de la SCP [3] ès qualités de liquidateur judiciaire de M. [C], recevable la constitution de partie civile de la [2] et ont débouté cette dernière du fait des relaxes prononcées. Ils ont enfin constaté l'engagement de Mme [V] à ce que les sommes saisies sur son compte bancaire pour un total de 92 400,34 euros, dont la restitution a été ordonnée, soient intégralement affectées au remboursement de la dette de M. [C] auprès de la [2].
11. La SCP [3] ès qualités de liquidateur de M. [C] a relevé appel de la décision sur l'action civile.
Examen des moyens
Sur les premier et troisième moyens proposés pour M. [C] et Mme [V]
12. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le second moyen proposé pour M. [C] et Mme [V]
Enoncé du moyen
13. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit que M. [C] et Mme [V], divorcée [O] ont commis une faute civile établie à partir et dans la limite des faits, objets des poursuites, des chefs de dissimulation frauduleuse de biens par un débiteur, complicité et recel, et les a condamnés solidairement à payer à la SCP [3], ès qualités de représentant des créanciers de la liquidation personnelle de M. [C], une somme de 15 955,58 euros en réparation de son préjudice, alors :
« 1°/ que, d'une part, M. [C] était poursuivi pour avoir, en contradiction avec les articles L 654-1 et L 654-14 dans leur rédaction applicable aux faits de l'espèce, en sa qualité de dirigeant d'une personne morale placée sous le coup d'une procédure collective, détourné une partie de ses biens en vue de soustraire tout ou partie de son patrimoine aux poursuites de la personne morale ayant fait l'objet de cette procédure ; qu'il résulte de ces textes que l'infraction, et par voie de conséquence la faute civile qui peut être retenue contre le prévenu relaxé, suppose nécessairement que le détournement allégué ait eu pour objet de soustraire tout ou partie du patrimoine aux poursuites de la personne morale placée en liquidation judiciaire ; en relevant expressément que l'opération de vente immobilière reprochée à M. [C] aurait eu pour objet d'éviter que la banque, qui était son créancier personnel en sa qualité de caution, puisse poursuivre ses biens immobiliers, la Cour d'appel n'a pas constaté la condition de l'article L 654-14 alinéa 1er, relative à l'intention de soustraire le patrimoine aux poursuites de la personne morale, et non pas du créancier de la personne physique ; en retenant une faute de ce chef, la Cour a violé lesdits textes, outre l'article 1240 du code civil ;
2°/ que l'interdiction résultant des articles L 654-1 et L 654-14 précités dans leur version applicable à l'espèce suppose nécessairement que la décision plaçant la personne morale en procédure collective soit antérieure à l'acte de détournement ou de dissimulation ; il résulte des faits de l'espèce que la personne morale a été placée en redressement judiciaire le 20 août 2014 et en liquidation judiciaire le 1er octobre 2014 ; les actes de disposition reprochés à M. [C], effectués le 25 juin 2013, puis le 31 octobre 2013, soit un an auparavant, ne pouvaient en aucun cas caractériser l'infraction réprimée par ces textes ; la Cour d'appel a encore violé lesdits textes, outre l'article 1240 du code civil ;
3°/ qu'en retenant expressément que le délit de dissimulation frauduleuse des biens était privé de son élément légal dès lors que la disposition du prix de cession des biens immobiliers était antérieure à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, tout en entrant en voie de condamnation prétendument dans les termes et limites de la poursuite, la Cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé l'article 1240 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 2 et 497 du code de procédure pénale :
14. Il se déduit de ces textes que le dommage dont la partie civile, seule appelante d'un jugement de relaxe, peut obtenir réparation doit résulter d'une faute démontrée à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite.
15. Il résulte de l'arrêt attaqué que les juges du premier degré ont renvoyé M. [C] des fins de la poursuite de dissimulation de tout ou partie de ses biens personnels par dirigeant de personne morale faisant l'objet d'une procédure collective et Mme [V] des fins de complicité et recel de ce délit, au motif que les actes de dissimulation ou de détournement et les transferts de fonds qui ont suivi sont antérieurs au jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire du 20 août 2014 et qu'ainsi, l'élément matériel de l'infraction n'est pas constitué.
16. Pour déclarer M. [C] et Mme [V] responsables du préjudice invoqué par la SCP [3] et les condamner à lui verser des dommages-intérêts, l'arrêt énonce que, dès la mise en demeure de la [2] le 23 mai 2013 en sa qualité de caution personnelle, M. [C] qui en tant que gérant de la société [1] ne pouvait ignorer sa situation financière dégradée et ne pouvait plus faire face à ses engagements depuis le mois de mars 2013, date de la cessation des paiements, a entrepris de vendre son patrimoine.
17. Les juges retiennent que Mme [V] a notamment déclaré que M. [C] ne voulait pas honorer sa dette vis-à-vis de la banque et qu'elle savait que l'argent qui avait alimenté ses comptes provenait de la vente du patrimoine.
18. Ils ajoutent que M. [C] et Mme [V] ont agi en conscience et en fraude des droits des créanciers pour soustraire de leurs poursuites inéluctables le patrimoine immobilier.
19. Ils en concluent qu'ils ont commis une faute civile dans les termes et les limites de la poursuite.
20. En statuant ainsi, alors qu'elle ne pouvait, pour caractériser la faute civile dans la limite des faits objet de la poursuite, retenir des faits commis avant la date d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire du 20 août 2014, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.
21. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
22. La cassation à intervenir ne portera que sur les seules dispositions civiles relatives aux faits de dissimulation frauduleuse de biens par un débiteur, complicité et recel.
23. Il n'y a pas lieu d'examiner le moyen de cassation proposé pour la SCP [3].




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