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Soc. 4 juin 2025 n° 23-17.800

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 4 juin 2025



Rejet

M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 618 F-D
Pourvoi n° Y 23-17.800



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 JUIN 2025
L'association Société de protection et de réinsertion du Nord ensemble pour l'enfant (SPRENE), dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Y 23-17.800 contre le jugement rendu le 13 juin 2023 par le président du tribunal judiciaire de Lille, statuant selon la procédure accélérée au fond, dans le litige l'opposant au comité social et économique de l'association SPRENE, dont le siège est [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Chamley-Coulet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Françoise Fabiani - François Pinatel, avocat de l'association SPRENE, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat du comité social et économique de l'association SPRENE, et l'avis écrit de Mme Canas, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 mai 2025 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Chamley-Coulet, conseiller référendaire rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (président du tribunal judiciaire de Lille, 13 juin 2023), statuant selon la procédure accélérée au fond, l'association Société de protection et de réinsertion du Nord ensemble pour l'enfant (l'association SPRENE), emploie plus de 50 salariés. Elle comporte quatre établissements et un comité social et économique (CSE).
2. Le 13 janvier 2023, le CSE a voté le recours à deux expertises comptables en vue des consultations annuelles obligatoires sur la situation économique et financière et la politique sociale de l'association.
3. Soutenant que ces expertises n'étaient ni motivées ni nécessaires, l'association a saisi le président du tribunal judiciaire le 23 janvier 2023, pour faire prononcer leur annulation.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. L'association SPRENE fait grief au jugement de la débouter de sa demande d'annulation des expertises, alors :
« 1°/ que quelle que soit la procédure d'information consultation préalable dans le cadre de laquelle le comité social et économique décide de recourir à un expert, l'entreprise concernée est en droit de contester la nécessité de l'expertise ; qu'en déboutant l'association SPRENE de sa demande en annulation des deux motions du CSE en date du 13 janvier 2023 visant à désigner pour avis le cabinet Coexco, en qualité d'expert-comptable, dans le cadre des deux procédures de consultation annuelle sur la situation financière et économique de l'association, d'une part, et sur sa politique sociale, d'autre part, aux motifs erronés que "l'opportunité du recours à l'expert relève de l'appréciation du CSE", le tribunal qui a refusé d'apprécier la nécessité de l'expertise a violé les articles L. 2312-17, L. 2312-25, L. 2312-26, L. 2315-88, L. 2315-91 et L. 2315-86 du code du travail ;
2°/ que la nécessité de l'expertise doit être écartée lorsqu'ils résulte des éléments de la cause qu'elle ne présente pour les représentants du personnel et préalablement à leur avis, aucune utilité ; qu'en déboutant l'association SPRENE de sa demande en annulation des deux motions du CSE en date du 13 janvier 2023 aux motifs inopérants qu'il existait "des oppositions entres les élus et la direction" et au regard de la "complexité et l'importance des éléments à analyser", sans avoir recherché si le fait que le CSE avait déjà recouru à une expertise pour apprécier le bilan social, économique et financier de l'association sur les deux précédents exercices, qu'il existait en 2021 une continuité des données économiques, sociales, budgétaires et prospectives par rapport aux années précédentes et que le précédent rapport du cabinet Coexco, de nouveau désigné dans la présente procédure de consultation du CSE avait, par le passé, effectué pour toute analyse un copier-coller des conclusions présentées par les services financiers de la SPRENE à son CSE, autant d'éléments qui étaient de nature à écarter l'utilité et, donc, la nécessité de l'expertise, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2312-17, L. 2312-25, L. 2312-26, L. 2315-88, L. 2315-91 et L. 2315-86 du code du travail ;
3°/ qu'en affirmant qu'il "ressort des pièces versées" et "de la complexité et de l'importance des éléments à analyser" que la SPRENE "ne justifie pas de motifs permettant d'estimer que les expertises votées à l'unanimité par les élus ne seraient pas nécessaires", le tribunal qui a procédé par voie de simple affirmation sans avoir visé ni analysé, même de façon sommaire, les pièces sur lesquels elle aurait fondé sa décision, a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
5. Selon l'article L. 2315-88 du code travail, le comité social et économique peut décider de recourir à un expert-comptable en vue de la consultation sur la situation économique et financière de l'entreprise prévue au 2° de l'article L. 2312-17.
6. L'article L. 2315-91 du même code prévoit que le comité social et économique peut également décider de recourir à un expert-comptable dans le cadre de la consultation sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi, mentionnée au 3° de l'article L. 2312-17.
7. Les articles L. 2315-89 et L. 2315-91-1 de ce code précisent que la mission de l'expert-comptable porte sur tous les éléments d'ordre économique, financier, social ou environnemental nécessaires à la compréhension des comptes et à l'appréciation de la situation de l'entreprise dans le premier cas et, dans le second cas, à la compréhension de la politique sociale de l'entreprise, des conditions de travail et de l'emploi.
8. En application de l'article L. 2315-86, 1°, du même code, l'employeur peut saisir le juge judiciaire, dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat, de la délibération du comité social et économique décidant le recours à l'expertise, s'il entend contester la nécessité de l'expertise.
9. Ayant constaté, d'une part que la contestation de l'employeur ne portait que sur la nécessité des expertises au sens de l'article L. 2315-86, 1°, du code du travail, l'expert n'ayant pas encore fait connaître le coût prévisionnel des expertises, d'autre part que l'employeur avait communiqué aux membres du CSE, le 24 décembre 2022, des documents volumineux sur la situation économique et financière de l'association, les orientations stratégiques et les bilans de la politique sociale, les formations effectuées en 2021 et 2022 et la BDES 2022, en vue de l'avis du CSE lors de la réunion du 24 janvier 2023, que les échanges lors de la réunion du CSE du 13 janvier 2023 ont démontré le souhait des élus de comprendre les décisions prises par l'employeur, le tribunal a pu en déduire, abstraction faite du motif erroné mais surabondant visé par la première branche du moyen, que ces expertises étaient nécessaires.
10. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.




Soc. 4 juin 2025 n° 23-17.854

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
HE1


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 4 juin 2025



Rejet

M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 624 F-D
Pourvoi n° H 23-17.854



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 JUIN 2025
La société Saga décor, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° H 23-17.854 contre l'arrêt rendu le 22 mars 2023 par la cour d'appel d'Amiens (5e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [T] [R], épouse [N], domiciliée [Adresse 2],
2°/ à la Fédération nationale des travailleurs du verre et de la céramique CGT, dont le siège est [Adresse 1],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Chamley-Coulet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Saga décor, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [R] et de la Fédération nationale des travailleurs du verre et de la céramique CGT, après débats en l'audience publique du 6 mai 2025 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Chamley-Coulet, conseiller référendaire rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 22 mars 2023), Mme [R] a été engagée par la société Saga décor à compter du 29 mars 1994, en qualité d'agent de ligne décor. En dernier lieu, elle exerçait les fonctions de conductrice décor et elle était titulaire de mandats de déléguée syndicale et d'élue au comité social et économique. Le contrat de travail était régi par la convention collective nationale de fabrication mécanique du verre.
2. Le 28 juillet 2020, la salariée a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
3. Le 17 juillet 2020, elle avait saisi la juridiction prud'homale pour obtenir l'annulation d'un rappel à l'ordre et d'une mise à pied et la condamnation de l'employeur à lui payer un rappel de salaire au titre du repos compensateur ainsi qu'une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour discrimination. La Fédération nationale des travailleurs du verre et de la céramique CGT est intervenue volontairement à l'instance.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée certaines sommes à titre de rappel de salaire et congés payés afférents et de le condamner à payer à la Fédération nationale des travailleurs du verre et de céramique CGT une certaine somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif de la profession, alors :
« 1°/ que tout salarié bénéficie d'un repos quotidien d'une durée minimale de 11 heures consécutives ; qu'une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut déroger à la durée minimale de repos quotidien, notamment pour des activités caractérisées par la nécessité d'assurer une continuité du service ou par des périodes d'intervention fractionnés ; qu'en l'espèce, l'article 4 de l'accord du 31 août 1999 relatif à la "Réduction du temps de travail à 35 heures" dispose en son alinéa 1er que : " ? tout salarié bénéficie d'un repos quotidien d'une durée minimale de 11 heures consécutives" ; que l'alinéa 4 précise que "Les signataires affirment leur volonté de respecter, pour les travailleurs postés, un repos d'une durée de 16 heures entre chaque poste, sauf exceptions liées à certains régimes de travail" ; qu'il résulte de ces termes clairs et précis que l'obligation de repos quotidien de 16 heures ne s'impose qu'entre deux postes de travail ; qu'en retenant au contraire que "Mme [R] devait bénéficier d'un temps de repos quotidien à l'issue de ses heures de délégation dans les mêmes proportions que si elle s'était trouvée sur son poste de travail", la cour d'appel a violé l'article 4 de l'accord du 31 août 1999 précité, ensemble les articles L. 3131-1 et L. 3131-2 du code du travail ;
2°/ que la cassation à intervenir sur la première branche entraînera la cassation de l'arrêt en ce qu'il a condamné la société Saga décor à payer à la Fédération nationale des travailleurs du verre et de la céramique CGT la somme de 1 500 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif de la profession par application de l'article 624 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
5. Selon l'article L. 2143-17, alinéa 1er, du code du travail, les heures de délégation sont, de plein droit, considérées comme temps de travail et payées à l'échéance normale. Il en résulte que l'utilisation des heures de délégation ne doit entraîner aucune perte de salaire pour le représentant du personnel ou le représentant syndical.
6. Ayant constaté que la salariée, exerçant habituellement son activité selon un régime de travail posté, bénéficiait, en vertu de l'article 4 de l'accord du 31 août 1999 relatif à la réduction du temps de travail à 35 heures, d'un repos minimal de 16 heures, la cour d'appel a retenu à bon droit qu'elle devait bénéficier de ce temps de repos à l'issue de l'utilisation de ses heures de délégation, jusqu'à sa reprise de poste.
7. Le moyen, privé de portée en sa seconde branche, n'est, dès lors, pas fondé.




Civ.1 4 juin 2025 n° 23-23.860 B

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
IJ


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 4 juin 2025



Rejet

Mme CHAMPALAUNE, président


Arrêt n° 410 F
Pourvoi n° K 23-23.860
Aide juridictionnelle totale en demande au profit de M. [J] [I] [U]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 10 octobre 2023.





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 4 JUIN 2025
M. [J] [I] [U], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 23-23.860 contre l'ordonnance rendue le 15 mai 2023 par le premier président de la cour d'appel de Lyon, dans le litige l'opposant au préfet de Haute-Savoie, domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dumas, conseiller référendaire, les observations de Me Bertrand, avocat de M. [U], et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 avril 2025 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Dumas, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tifratine, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Lyon, 15 mai 2023), le 11 mai 2023, M. [U], de nationalité algérienne, en situation irrégulière sur le territoire français, a été placé en rétention administrative le 11 mai 2023 par le préfet de Haute-Savoie en exécution d'une obligation de quitter ce territoire.
2. Le 12 mai 2023, le préfet a saisi un juge des libertés et de la détention d'une demande de prolongation de la mesure en application de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA).
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. M. [J] [I] [U] fait grief à l'ordonnance de déclarer régulière la procédure diligentée à son encontre et d'ordonner la prolongation de sa rétention pour une durée de vingt-huit jours, alors :
« 1°/ que peuvent seuls avoir accès aux données à caractère personnel et aux informations enregistrées dans le fichier des personnes recherchées, dans le cadre de leurs attributions légales et pour les besoins exclusifs des missions qui leur sont confiées, les agents des services de la police nationale individuellement désignés et spécialement habilités ; que s'il ne résulte pas des pièces du dossier que l'agent ayant consulté le fichier des personnes recherchées était expressément habilité à cet effet, la procédure se trouve entachée d'une nullité d'ordre public, sans que l'étranger qui l'invoque ait à démontrer l'existence d'une atteinte portée à ses droits ; qu'en considérant que "l'éventuelle absence d'habilitation de l'agent de police judiciaire ayant procédé à la consultation du fichier des personnes recherchées le 10 mai 2023 n'était pas de nature à entraîner la nullité de la procédure de garde à vue ni de la procédure de rétention" (ordonnance attaquée, p. 2 al. 8), le premier président a violé les articles 15-5 et 230-10 du code de procédure pénale et l'article 5 du décret n° 2010-569 du 28 mai 2010, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-1219 du 2 août 2017 ;
2°/ que peuvent seuls avoir accès aux données à caractère personnel et aux informations enregistrées dans le fichier des personnes recherchées, dans le cadre de leurs attributions légales et pour les besoins exclusifs des missions qui leur sont confiées, les agents des services de la police nationale individuellement désignés et spécialement habilités ; que s'il ne résulte pas des pièces du dossier que l'agent ayant consulté le fichier des personnes recherchées était expressément habilité à cet effet, la procédure se trouve nécessairement entachée d'une nullité d'ordre public, sans que l'étranger qui l'invoque ait à démontrer l'existence d'une atteinte portée à ses droits ; qu'en considérant que l'éventuelle absence d'habilitation de l'agent de police judiciaire ayant procédé à la consultation du fichier des personnes recherchées le 10 mai 2023 n'était pas de nature à entraîner la nullité de la procédure de garde à vue ni celle de la procédure de rétention, au motif qu'en l'espèce, la consultation de ce fichier n'était pas "le support nécessaire" de la mesure de rétention (ordonnance attaquée, p. 2 al. 8), le premier président s'est déterminé par une motivation inopérante et a privé sa décision de base légale au regard des articles 15-5 et 230-10 du code de procédure pénale et de l'article 5 du décret n° 2010-569 du 28 mai 2010, dans sa rédaction issue du décret 2017-1219 du 2 août 2017 ;
3°/ que peuvent seuls avoir accès aux données à caractère personnel et aux informations enregistrées dans le fichier des personnes recherchées, dans le cadre de leurs attributions légales et pour les besoins exclusifs des missionsqui leur sont confiées, les agents des services de la police nationale individuellement désignés et spécialement habilités ; qu'en affirmant, par motif éventuellement adopté, que l'agent de police judiciaire M. [F], qui avait consulté le fichier des personnes recherchées, avait "qualité à effectuer cette consultation en tant qu'agent des services de la police nationale" (ordonnance du 13 mai 2023, p. 2 al. 13), sans rechercher si cet agent des services de la police nationale avait été "spécialement habilité" pour procéder à la consultation du fichier des personnes recherchées, le premier président a privé sa décision de base légale au regard des articles 15-5 et 230-10 du code de procédure pénale et de l'article 5 du décret n° 2010-569 du 28 mai 2010, dans sa rédaction issue du décret 2017-1219 du 2 août 2017. »
Réponse de la Cour
4. Selon l'article 15-5 du code de procédure pénale, issu de la loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023, seuls les personnels spécialement et individuellement habilités à cet effet peuvent procéder à la consultation de traitements au cours d'une enquête ou d'une instruction. La réalité de cette habilitation spéciale et individuelle peut être contrôlée à tout moment par un magistrat, à son initiative ou à la demande d'une personne intéressée. L'absence de la mention de cette habilitation sur les différentes pièces de procédure résultant de la consultation de ces traitements n'emporte pas, par elle-même, nullité de la procédure.
5. Si c'est à tort que le premier président n'a pas recherché, comme il le lui était demandé, si l'agent du service de police ayant consulté le fichier des personnes recherchées était expressément habilité à cet effet, l'ordonnance n'encourt pas pour autant la censure, dès lors que le premier président a constaté que, indépendamment de cette consultation, d'autres éléments figurant à la procédure, notamment des échanges avec la préfecture de Haute-Savoie avaient permis de déterminer que M. [U] se trouvait en situation irrégulière sur le territoire national et faisait l'objet d'une mesure d'éloignement et de fonder les procédures de garde à vue et de rétention.
6. Le moyen n'est donc pas fondé.




Civ.1 4 juin 2025 n° 23-22.601

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
IJ


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 4 juin 2025



Cassation partielle

Mme CHAMPALAUNE, président


Arrêt n° 403 F-D
Pourvoi n° S 23-22.601



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 4 JUIN 2025
Mme [U] [L], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 23-22.601 contre l'arrêt rendu le 21 septembre 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 10), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société [Localité 4] automobiles, société par actions simplifiée (SAS), dont le siège est [Adresse 3],
2°/ à la SCP Philippe Angel - Denis Hazane - [Z] [B], au nom commercial SCP Ph. Angel - D. Hazane - [Z] [B], dont le siège est [Adresse 2], prise en la personne de Mme [Z] [B], prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société [Localité 4] automobiles désignée par jugement du tribunal de commerce de Meaux du 30 mai 2022,
3°/ à la société Chevrolet Deutschland Gmbh (société de droit allemand), dont le siège est [Adresse 5] (Allemagne), venant aux droits de la société Chevrolet France par suite d'une fusion absorption du 17 octobre 2016,
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Kass-Danno, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de Mme [L], de la SAS Boucard-Capron-Maman, avocat de la société Chevrolet Deutschland Gmbh, et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 avril 2025 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Kass-Danno, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tifratine, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 septembre 2023), le 28 octobre 2011, Mme [L] a acquis auprès de la société [Localité 4] automobiles (la société [Localité 4]) un véhicule neuf commandé par celle-ci auprès de la société Chevrolet France. Le véhicule lui a été livré le 11 avril 2012.
2. Le 3 avril 2017, à la suite d'une panne survenue au mois de septembre 2016 et d'une expertise amiable, Mme [L] a assigné en résolution de la vente et indemnisation de son préjudice sur le fondement de la garantie des vices cachés la société [Localité 4] et la société de droit allemand Chevrolet Deutschland GmbH (la société Chevrolet), venant aux droits de la société Chevrolet France.
3. Un jugement du 23 septembre 2019 a prononcé la résolution de la vente intervenue entre Mme [L] et la société [Localité 4] et les a condamnées respectivement à la restitution du véhicule et du prix. La société [Localité 4], représentée par son liquidateur judiciaire, en a relevé appel afin d'obtenir la garantie de la société Chevrolet. Mme [L] a formé un appel incident afin d'obtenir la résolution de la vente entre la société Chevrolet et la société [Localité 4] et le paiement de ses préjudices matériel et d'immobilisation.
Examen des moyens
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
Mme [L] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes en réparation de préjudices matériels et d'immobilisation contre la société [Localité 4], représentée par son liquidateur, et toutes ses demandes contre la société Chevrolet, alors :
« 1°/ que l'interdiction est faite au juge de dénaturer les documents de la cause ; qu'en énonçant que la capture d'écran des discussions sur un forum était non-datée, cependant que la pièce mentionnait bien la date des messages, les juges du fond ont dénaturé la pièce n°8, violant ainsi l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause ;
2°/ que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en décidant d'une part, par motifs adoptés, que la vente conclue entre Mme [L] et la société [Localité 4] automobile était résolue en raison d'un vice caché et, d'autre part, que Mme [L] n'apportait pas la preuve d'un vice caché fondant ses demandes indemnitaires dirigées contre la société Chevrolet et la société [Localité 4] automobiles prise en la personne de son liquidateur, les juges du fond se sont contredits, violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que l'insuffisance de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en décidant d'une part, par motifs adoptés, que la vente conclue entre Mme [L] et la société [Localité 4] automobile était résolue en raison d'un vice caché et, d'autre part, que Mme [L] n'apportait pas la preuve d'un vice caché fondant ses demandes indemnitaires dirigées contre la société Chevrolet et la société [Localité 4] automobiles prise en la personne de son liquidateur, sans mieux s'expliquer sur les circonstances les autorisant à adopter un parti pris factuel différent à l'examen de la demande indemnitaire, les juges du fond ont violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
4. C'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve soumis et en l'absence de dénaturation et de contradiction que la cour d'appel a estimé qu'ils ne permettaient pas de corroborer les conclusions de l'expert amiable imputant la panne à la défaillance de l'échangeur eau-huile.
5. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. Mme [L] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes en réparation de ses préjudices matériel et d'immobilisation contre la société [Localité 4], alors « que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'ayant confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait prononcé la résolution de la vente du véhicule par la société Garage [Localité 4] automobiles à Mme [L] en raison d'un vice caché, la cour d'appel devait tenir l'existence d'un vice caché pour acquise ; qu'en décidant cependant que dans les rapports entre la société Garage [Localité 4] automobiles et Mme [L], aucun vice caché n'était établi pour rejeter les demandes indemnitaires de Mme [L], les juges du fond ont violé l'article 4 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code de procédure civile :
7. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
8. Pour rejeter les demandes d'indemnisation formées contre la société [Localité 4], l'arrêt retient que faute de vice caché établi, il n'y a pas lieu d'examiner les demandes indemnitaires.
9. En statuant ainsi, alors que la résolution de la vente intervenue entre Mme [L] et la société [Localité 4] pour vice caché n'était pas remise en cause et que le liquidateur de cette société se bornait à contester les préjudices invoqués, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé.
Mise hors de cause
10. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause la société Chevrolet Deutschland GmbH, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.




Soc. 4 juin 2025 n° 23-19.722

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 4 juin 2025



Rejet

Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 573 F-D
Pourvoi n° N 23-19.722
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 JUIN 2025
M. [X] [Y], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° N 23-19.722 contre l'arrêt rendu le 14 juin 2023 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Gepsa, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Seguy, conseiller, les observations de la SARL Corlay, avocat de M. [Y], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Gepsa, après débats en l'audience publique du 5 mai 2025 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Seguy, conseiller rapporteur, M. Carillon, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 14 juin 2023), M. [Y] a été engagé en qualité d'animateur emploi formation/chef d'équipe à compter du 10 octobre 2016 par la société Gepsa (la société). En dernier lieu, il relevait du statut de contremaître.
2. Le salarié, licencié pour cause réelle et sérieuse par lettre du 22 novembre 2018, a saisi la juridiction prud'homale d'une contestation de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail ainsi que de demandes indemnitaires subséquentes.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
3. Le salarié fait grief à l'arrêt de juger que son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et de le débouter de toutes ses demandes, alors :
« 1°/ qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance ; que l'employeur s'entend non seulement du titulaire du pouvoir disciplinaire mais également du supérieur hiérarchique du salarié, même non titulaire de ce pouvoir, peu importe qu'il ait lui-même commis un acte blâmable pour lequel il a été licencié et quand bien même cet acte serait de même nature ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que M. [B], supérieur hiérarchique du salarié, avait eu connaissance des faits litigieux dès le mois de mars 2018 ; que la convocation à l'entretien préalable datait du 27 septembre 2018 ; qu'en considérant que les faits n'étaient cependant pas prescrits aux motifs ''que le supérieur hiérarchique avait l'habitude d'adresser des messages similaires à son équipe'', soit en ajoutant une condition à la loi, la cour d'appel a violé l'article L. 1332-4 du code du travail ;
2°/ qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance ; que l'employeur s'entend non seulement du titulaire du pouvoir disciplinaire mais également du supérieur hiérarchique du salarié, même non titulaire de ce pouvoir, peu importe qu'il ait lui-même commis un acte blâmable pour lequel il a ultérieurement été licencié ; que le fait que deux personnes aient eu un comportement délictuel dans des temps différents et de gravité différente, n'en fait pas des ''coauteurs'' d'un même acte délictuel ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les faits reprochés au salarié dataient des 15 et 19 mars 2018, quand ceux reprochés à M. [B], son supérieur hiérarchique, dataient d'octobre à décembre 2017 ; que les faits reprochés au salarié étaient relatifs à des traits d'humour, même grossiers, quand ceux qui ont conduit au licenciement de M. [B] pour faute grave consistaient en l'envoi de photographies pornographiques et de mails à connotation sexuelle ; que, à considérer que les motifs du jugement ont été adoptés en ce qu'ils considèrent que "Monsieur [B] a (?) participé aux faits fautifs reprochés [au salarié]'', la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 1332-4 du code du travail. »
Réponse de la Cour
4. Aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.
5. La cour d'appel, après avoir relevé que l'employeur établissait par la production de nombreux courriels que le supérieur hiérarchique du salarié avait l'habitude d'adresser des messages similaires à son équipe, notamment Mme [Z], notamment un courriel à connotation sexuelle ou encore un « calendrier de l'avent » constitué de photographies pornographiques représentant le kamasutra (le 1er décembre 2017), ou des photographies de femmes nues ou en tenues suggestives (les 3 et 9 octobre 2017), retient que, dès lors que le chef d'atelier utilisait régulièrement les outils informatiques professionnels mis à sa disposition sur son lieu de travail pour adresser aux membres de son équipe des messages déplacés, il ne saurait être considéré comme « l'employeur » au sens du texte précité, celui-ci ayant tout intérêt à dissimuler ses propres agissements ainsi que ceux du salarié afin d'éviter toute sanction disciplinaire.
6. De ces constatations et énonciations, dont il ressortait que le supérieur hiérarchique était certes informé des faits fautifs commis par le salarié au jour de leur commission mais les avait dissimulés au titulaire du pouvoir disciplinaire, la cour d'appel a pu en déduire que l'employeur n'avait eu connaissance des faits reprochés au salarié que le 18 septembre 2018, date à laquelle Mme [Z], victime de ces agissements, les avait dénoncés à la directrice de l'entreprise.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen
Enoncé du moyen
8. Le salarié fait le même grief à l'arrêt, alors « que pour apprécier le sérieux et la réalité du motif de licenciement invoqué par l'employeur, le juge doit rechercher si les faits allégués sont suffisamment graves pour justifier un licenciement disciplinaire en tenant compte notamment de leur contexte, de la pratique dans l'entreprise, de l'ancienneté du salarié et de l'existence ou non d'une sanction antérieure ; qu'en l'espèce la cour d'appel a constaté que le supérieur hiérarchique du salarié ''avait l'habitude d'adresser des messages similaires à son équipe'' et qu'il ''utilisait régulièrement les outils informatiques professionnels mis à sa disposition sur son lieu de travail pour adresser aux membres de son équipe des messages déplacés'' ; qu'il était fait valoir de façon plus générale que l'ensemble de l'équipe utilisait ce ton, comme il était attesté par plusieurs membres du personnel ; qu'en considérant cependant que ''le moyen tiré du fait que des « blagues déplacées » étaient régulièrement échangées au sein de l'équipe est inopérant'', la cour d'appel a violé les articles L. 1121-1 et L. 1232-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
9. La cour d'appel a constaté que le salarié avait, au moyen de son ordinateur professionnel et à partir de sa messagerie professionnelle, envoyé à deux autres salariées de l'établissement trois messages électroniques déplacés et sexistes, accompagnés des photographies décrites ci-dessus, portant ainsi atteinte à la dignité de ses collègues de sexe féminin alors qu'il s'était engagé, lors de son embauche, à respecter le règlement intérieur prévoyant notamment que « le personnel est tenu d'adopter, dans l'exercice de ses fonctions, une tenue, un comportement et des attitudes qui respectent la liberté et la dignité de chacun ».
10. Il en résulte que la cour d'appel, par une appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de preuve soumis à son examen, a décidé, dans l'exercice des pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1235-1 du code du travail, que le grief constituait une cause réelle et sérieuse de licenciement.
11. Les critiques du moyen, qui ne tendent en réalité qu'à remettre en cause devant la Cour de cassation l'appréciation souveraine des juges du fond, ne sont pas de nature à entraîner la cassation de l'arrêt.





Crim. 4 juin 2025 n° 24-80.700

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° P 24-80.700 F-D
N° 00762

GM 4 JUIN 2025

CASSATION

M. BONNAL président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 4 JUIN 2025


M. [M] [N] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Nancy, chambre correctionnelle, en date du 21 décembre 2023, qui, pour dégradation aggravée, l'a condamné à quatre mois d'emprisonnement avec sursis.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Gouton, conseiller, les observations de Me Guermonprez, avocat de M. [M] [N], et les conclusions de M. Crocq, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 mai 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Gouton, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [M] [N] a été poursuivi devant le tribunal correctionnel du chef de dégradation d'un bien d'utilité publique pour avoir, alors qu'il était en garde à vue, tracé, avec son pouce, sur les murs de sa cellule, diverses inscriptions, dont un dessin d'un gilet de sécurité avec la mention « GJ » en son centre, la phrase « la police tue » et plusieurs prénoms, suivis du signe = et des mots « violence étatique ».
3. L'intéressé a indiqué qu'il avait ainsi voulu, par un acte militant, politique et symbolique, à l'instar, historiquement, des détenus politiques, témoigner, pour la défense de la liberté d'expression, de son passage en un lieu, au demeurant déjà dégradé, où sont retenues des personnes qui critiquent des institutions obéissant aux ordres du procureur, de la justice et de l'État profond.
4. Par jugement du 4 mars 2022, le tribunal correctionnel a condamné l'intéressé à un travail d'intérêt général.
5. M. [N] a relevé appel de cette décision. Le ministère public a formé appel incident.
Examen des moyens
Enoncé des moyens
6. Le premier moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [N] coupable du délit de dégradation ou détérioration d'un bien par inscription, signe ou dessin, alors :
« 1°/ que l'incrimination d'un comportement constitutif d'une infraction pénale peut, dans certaines circonstances, constituer une ingérence disproportionnée dans l'exercice de la liberté d'expression, compte tenu de la nature et du contexte de l'agissement en cause ; qu'en retenant, par principe, qu'aucun motif légitime ne peut jamais justifier la dégradation des murs d'une cellule de garde à vue, quels que soient les mobiles militants et politiques du prévenu, que sa garde à vue soit ou non régulière et proportionnée, la cour d'appel a violé les articles 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et 11 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;



2°/ que l'incrimination d'un comportement constitutif d'une infraction pénale peut, dans certaines circonstances, constituer une ingérence disproportionnée dans l'exercice de la liberté d'expression, compte tenu de la nature et du contexte de l'agissement en cause ; que l'arrêt ayant constaté que les inscriptions avaient été portées sur les murs de la cellule de garde à vue par le prévenu « sans outil dès lors qu'il avait utilisé uniquement son pouce », et M. [N] ayant souligné, sans être contredit, que la cellule, qualifiée d'« ignoble », « présentait déjà un aspect sale et dégradé lors de son placement dans cette dernière », la cour d'appel, en considérant qu'aucun mobile militant ou politique ni aucune circonstance de fait tenant aux conditions de sa détention ne pouvait justifier les dégradations commises, a violé les articles 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et 11 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale. »
7. Le second moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [N] à une peine de quatre mois d'emprisonnement avec sursis, alors :
« 1°/ que le prononcé d'une peine d'emprisonnement sans sursis peut, dans certaines circonstances, constituer une ingérence disproportionnée dans l'exercice de la liberté d'expression, compte tenu de la nature et du contexte de l'agissement en cause ; qu'en alourdissant la peine prononcée contre M. [N] pour avoir dégradé les murs de sa cellule de garde à vue en raison du contexte politique et militant dans lequel se sont inscrits ces agissements, la cour d'appel a violé les articles 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 11 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ensemble les articles 132-1 et 132-19 du code pénal, et 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
8. Les moyens sont réunis.
Vu les articles 10 de la Convention européenne des droits de l'homme et 593 du code de procédure pénale :
9. Il résulte du premier de ces textes que toute personne a droit à la liberté d'expression, et que l'exercice de cette liberté peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, notamment à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale.


10. Selon le second, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
11. Ainsi que le juge la Cour de cassation, l'incrimination d'un comportement constitutif d'une infraction pénale peut, dans certaines circonstances, constituer une ingérence disproportionnée dans l'exercice de la liberté d'expression, compte tenu de la nature et du contexte de l'agissement en cause (Crim., 18 mai 2022, pourvoi n° 21-86.685, publié au Bulletin).
12. Lorsque le prévenu invoque une atteinte disproportionnée à sa liberté d'expression, il appartient au juge, après s'être assuré, dans l'affaire qui lui est soumise, du lien direct entre le comportement incriminé et la liberté d'expression sur un sujet d'intérêt général, de vérifier le caractère proportionné de la déclaration de culpabilité, puis de la peine. Ce contrôle de proportionnalité nécessite un examen d'ensemble, qui doit prendre en compte, concrètement, entre autres éléments, les circonstances des faits, la gravité du dommage ou du trouble éventuellement causé.
13. Pour déclarer le prévenu coupable de dégradation d'un bien d'utilité publique commise au cours d'une garde à vue et le condamner à quatre mois d'emprisonnement avec sursis, l'arrêt attaqué relève que, durant la garde à vue, aucun motif légitime ne peut justifier les dégradations et que le prévenu ne saurait, quelles que soient ses motivations, critiquer les conditions de sa détention par des atteintes aux biens publics.
14. Les juges énoncent que le militantisme du prévenu, qui doit s'inscrire dans le respect des règles de droit, ne justifie pas les dégradations commises.
15. Ils retiennent que la poursuite n'est pas disproportionnée ni attentatoire aux droits du prévenu, quand bien même la mesure de retenue n'aurait pas été légitime ou régulière.
16. Ils ajoutent que le comportement du prévenu rend nécessaire, en tenant compte des circonstances de l'infraction et de la personnalité de l'intéressé, un avertissement sérieux de nature à permettre son amendement et à le dissuader de renouveler des délits.
17. En se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'il lui était demandé, si l'incrimination pénale du comportement poursuivi ne constituait pas, en l'espèce, une atteinte disproportionnée à la liberté d'expression de M. [N], la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.
18. La cassation est par conséquent encourue de ce chef, sans qu'il y ait lieu d'examiner l'autre grief.





Civ.1 4 juin 2025 n° 24-12.617 B

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CR12


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 4 juin 2025



Cassation sans renvoi

Mme CHAMPALAUNE, président


Arrêt n° 401 F
Pourvoi n° K 24-12.617
Aide juridictionnelle totale en demande au profit de Mme [T] [U]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 9 janvier 2024.



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 4 JUIN 2025
Mme [T] [U], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° K 24-12.617 contre l'ordonnance rendue le 1er août 2023 par le premier président de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, dans le litige l'opposant :
1°/ au préfet de la Réunion, domicilié [Adresse 3],
2°/ au commissaire de la police aux frontières, domicilié [Adresse 4],
3°/ au procureur général près la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, domicilié en son parquet général, [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dumas, conseiller référendaire, les observations de la SCP Duhamel, avocat de Mme [U], après débats en l'audience publique du 8 avril 2025 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Dumas, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tifratine, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Saint-Denis de La Réunion, 1er août 2023), et les productions, Mme [U], en situation irrégulière sur le territoire français, a été placée en rétention administrative le 25 juillet 2023 par le préfet de police de la Réunion.
2. Le juge des libertés et de la détention a été saisi, le 27 juillet 2023, par le préfet de La Réunion en prolongation de la mesure en application de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) et, le 28 juillet 2023, par Mme [U] en mainlevée de cette mesure.
3. Par ordonnance du 28 juillet 2023, le juge des libertés et de la détention a prolongé la rétention pour une durée de 28 jours.
4. Le 31 juillet 2023, Mme [U] a relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Sur la première branche du moyen
Enoncé du moyen
5. Mme [U] fait grief à l'ordonnance de déclarer son appel irrecevable, alors « que l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant la rétention administrative est susceptible d'appel par l'étranger dans les vingt-quatre heures de son prononcé ; que lorsque l'étranger n'assiste pas à l'audience, le délai court pour ce dernier à compter de la notification qui lui est faite ; que le délai ainsi prévu est calculé et prorogé conformément aux articles 640 et 642 du code de procédure civile ; qu'en l'espèce, le premier président a constaté que l'ordonnance de prolongation de la rétention de Mme [U] avait été rendue le vendredi 28 juillet 2023, notifiée le jour même à 18 heures 30, et que l'appel avait été formé le lundi 31 juillet suivant, premier jour ouvrable suivant l'expiration du délai de 24 heures le samedi 29 juillet 2023 ; qu'en affirmant cependant que l'appel n'avait pas été formé "dans les délais prévus par les textes", le premier président a violé les articles R. 743-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 642 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles R. 743-10 du CESEDA et 642 du code de procédure civile :
6. Selon le premier, le délai de vingt-quatre heures dans lequel l'appel de l'ordonnance du juge du tribunal de première instance peut être formé, est calculé et prorogé conformément aux articles 640 et 642 du code de procédure civile.
7. Selon le second, tout délai expire le dernier jour à vingt-quatre heures. Le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant.
8. Pour déclarer irrecevable l'appel formé par Mme [U], après avoir constaté que la décision du juge des libertés et de la détention a été notifiée le 28 juillet 2023 à 18h30, l'ordonnance retient que cet appel, en date du 31 juillet 2023, n'a pas été formé dans les délais prévus par ces textes.
9. En statuant ainsi, alors que le 28 juillet était un vendredi, le premier président a violé les textes susvisés.
Et sur la seconde branche du moyen
Enoncé du moyen
10. Mme [U] fait le même grief à l'ordonnance, alors « que la déclaration d'appel de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant la rétention administrative est transmise par tout moyen au greffe de la cour d'appel qui l'enregistre avec mention de la date et de l'heure ; qu'en l'espèce, Mme [U] a interjeté appel de l'ordonnance du vendredi 28 juillet 2023 prolongeant sa rétention administrative par un courriel envoyé à la cour d'appel le lundi 31 juillet suivant par la Cimade, association habilitée par le ministre de l'intérieur à intervenir en rétention sur le fondement de l'article R. 744-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le premier président a constaté que la cour d'appel avait bien reçu ce courriel et que celui-ci, "comme les pièces, manifestaient clairement sa volonté de faire appel" ; qu'en jugeant cependant l'appel irrecevable aux motifs que la boîte courriel de la Cimade "ne saurait être utilisée pour envoyer des appels, sauf à créer de multiples confusions ; il existe plusieurs boîtes dédiés au greffe de la cour d'appel dont sont parfaitement informés les conseils du ressort et en dehors du ressort ; ni la trace d'une signature, pas plus que la référence faite dans le courriel en cause de transmission de l'intéressée, ne permettent de s'assurer de l'origine de l'appel ; enfin, la police de l'air et des frontières, principale intéressée avec les services du préfet n'ont pas été destinataires, ce qui jette un doute sur une volonté de faire appel ; le fait que l'appel peut être formé par tous moyens, encore faut-il s'assurer de son origine ; enfin, un M. [E], faisant état d'une qualité de juriste, ne saurait remplacer un avocat dont l'activité est strictement encadrée" ; qu'en statuant ainsi, tandis que l'appelant était, de façon certaine, Mme [U], et que la Cimade, par l'intermédiaire de laquelle son appel a été interjeté par courriel adressé à la cour d'appel, est habilitée par le ministre de l'intérieur à assister les étrangers en rétention, le premier président a ajouté à la loi, qui permet d'interjeter appel par tout moyen, des conditions que celle-ci ne prévoit pas, violant dès lors l'article R. 743-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article R. 743-11 du CESEDA :
11. Selon ce texte, la déclaration d'appel est transmise par tout moyen au greffe de la cour d'appel.
12. Pour déclarer l'appel irrecevable, l'ordonnance retient que la déclaration d'appel de Mme [U] a été expédiée par une boîte mail de la Cimade, qui ne saurait être utilisée pour envoyer des appels, sauf à créer de multiples confusions, qu'il n'y a pas, dans le courriel, de signature permettant de s'assurer de l'origine de l'appel et que les parties adverses n'en ont pas été destinataires.
13. En statuant ainsi, alors qu'il ressort des pièces de la procédure que la déclaration d'appel, signée par Mme [U] et manifestant clairement sa volonté de faire appel, avait été adressée au greffe de la cour d'appel et que la Cimade s'était bornée, conformément à sa mission, à en assurer la transmission par mail, le premier président a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
14. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
15. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond, dès lors que les délais légaux pour statuer sur la mesure étant expirés, il ne reste plus rien à juger.




Civ.1 4 juin 2025 n° 23-20.062

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CR12


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 4 juin 2025



Cassation

Mme CHAMPALAUNE, président


Arrêt n° 394 F-D
Pourvoi n° H 23-20.062

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 4 JUIN 2025
La société Karavel, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° H 23-20.062 contre le jugement rendu le 21 juin 2023 par le tribunal judiciaire de Paris (pôle civil de proximité), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [M] [P],
2°/ à Mme [G] [E],
3°/ à M. [J] [L],
4°/ à Mme [X] [L],
tous quatre domicilés [Adresse 2],
5°/ à M. [K] [W], domicilié [Adresse 4],
6°/ à M. [B] [O], domicilié [Adresse 1],
7°/ à la société Air Europa Lineas Aereas, société anonyme, dont le siège est [Adresse 5], société anonyme d'un Etat membre de la CE ou partie à l'accord sur l'espace économique européen,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Chevalier, conseiller, les observations de la SAS Boucard-Capron-Maman, avocat de la société Karavel, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de M. [P], et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 avril 2025 où étaient présents Mme Champalaune, président, M. Chevalier, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tifratine, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la société Karavel (l'agence de voyage) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Air Europa Lineas Aereas (la compagnie aérienne).
Faits et procédure
2. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Paris, 21 juin 2023), rendu en dernier ressort, le 4 avril 2020, M. [P] a réservé auprès de l'agence de voyage six billets d'avion pour des vols aller-retour de Paris à Tenerife de la compagnie aérienne, prévus les 4 et 18 juillet 2020. Le 4 juillet, cette dernière a annulé le vol.
3. L'agence de voyage a remboursé à M. [P] une partie du prix des billets.
4. M. [P] ainsi que les autres voyageurs, Mme [E], M. et Mme [L], M. [W] et M. [O] ont assigné l'agence de voyage et la société Air Europa France Lineas Aereas, en paiement du solde du prix des billets et indemnisation de leurs préjudices financier et lié à l'annulation du voyage.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. L'agence de voyage fait grief au jugement de la condamner in solidum avec la société Air Europa France à payer différentes sommes à M. [P] au titre du solde dû sur le remboursement du prix des billets d'avion et en réparation de son préjudice financier et à M. [P] et aux autres voyageurs en réparation du préjudice lié à l'annulation du voyage, alors que « la responsabilité de l'agence de voyages, qui s'est bornée à vendre des titres de transport aérien, sans s'obliger à fournir un quelconque autre service de voyage, ne peut être engagée qu'en cas de faute prouvée ; qu'en retenant, par conséquent, pour condamner la société Karavel, in solidum avec la société Air Europa France, à payer diverses sommes à M. [M] [P] et la somme de 400 euros chacun à Mme [G] [E], à M. [J] [L], à Mme [X] [L], à M. [K] [W] et à M. [B] [O], que la responsabilité de la société Karavel à l'égard de M. [M] [P], de Mme [G] [E], de M. [J] [L], de Mme [X] [L], de M. [K] [W] et de M. [B] [O] était de plein droit et qu'il n'était allégué ni justifié que les dommages étaient imputables soit aux voyageurs, soit à un tiers étranger à la fourniture des services de voyage compris dans le contrat, soit à des circonstances exceptionnelles et inévitables, sans rechercher, ainsi qu'il y avait été invité par la société Karavel, si la société Karavel ne s'était pas bornée à vendre à M. [M] [P] des billets d'avion, sans s'obliger à fournir un quelconque autre service de voyage, et si, en conséquence, l'engagement de la responsabilité de la société Karavel à l'égard de M. [M] [P], de Mme [G] [E], de M. [J] [L], de Mme [X] [L], de M. [K] [W] et de M. [B] [O], n'était pas subordonnée à la preuve d'une faute commise par la société Karavel, le tribunal judiciaire a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles L. 211-1, L. 211-16 et L. 211-17-3 du code du tourisme. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 211-16¿I, alinéa 2, et L. 211-17-3 du code du tourisme :
6. Si, en application du premier de ces textes, l'agence de voyage qui vend des services portant sur le transport, le logement, la location d'un véhicule ou d'autres services de voyage qu'elle ne produit pas elle-même est responsable de plein droit de l'exécution du service prévu par le contrat, il résulte du second que cette disposition n'est pas applicable à la vente d'un titre de transport aérien qui n'entre pas dans le cadre d'un forfait touristique.
7. Il s'en déduit que la responsabilité de l'agence de voyage qui n'a délivré que des titres de transport aérien est engagée uniquement en cas de faute prouvée.
8. Pour condamner l'agence de voyage, le jugement retient que sa responsabilité est de plein droit en application de l'article L. 211-16 du code du tourisme et qu'il n'est allégué ni justifié que le dommage est imputable soit aux voyageurs, soit à un tiers étranger à la fourniture des services de voyages, soit à des circonstances exceptionnelles et inévitables.
9. En se déterminant ainsi, sans rechercher si la responsabilité de l'agence de voyage, qui soutenait n'avoir vendu que des titres de transport aérien, n'était pas subordonnée à la preuve d'une faute, le tribunal n'a pas donné de base légale à sa décision.




Com. 4 juin 2025 n° 24-11.580 B

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
JB


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 4 juin 2025



Cassation sans renvoi

M. VIGNEAU, président


Arrêt n° 309 F-B
Pourvoi n° G 24-11.580



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 4 JUIN 2025
La société SNC Pharmacie Girardeaux, société en nom collectif, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 24-11.580 contre l'arrêt rendu le 12 décembre 2023 par la cour d'appel de Poitiers (2e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société SELARL Pharmacie Bourdois, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bellino, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société SNC Pharmacie Girardeaux, de la SARL Corlay, avocat de la société SELARL Pharmacie Bourdois, après débats en l'audience publique du 8 avril 2025 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Bellino, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 12 décembre 2023) et les productions, le 7 septembre 2015, une promesse de cession de fonds de commerce sous conditions suspensives a été conclue entre la société SNC Pharmacie Girardeaux (la société Pharmacie Girardeaux), cédante, et la société SELARL Pharmacie Bourdois (la société Pharmacie Bourdois), cessionnaire.
2. Cette promesse prévoyait que le prix de cession serait fixé à 80 % du chiffre d'affaires annuel de référence, défini comme celui des douze derniers mois d'exploitation antérieurs à l'antépénultième mois précédant la cession, dont devaient être retranchés divers éléments, à savoir : les ventes de marchandises faites « hors comptoir », la location de matériel médical, les ventes de marchandises associées à l'activité de location de matériel médical, les prestations de production faites avec les laboratoires pharmaceutiques, les indemnités d'astreinte et la somme forfaitaire de 20 000 euros correspondant au « taux de substitution minimal » normalement attendu. Il était par ailleurs prévu le recours à un tiers évaluateur, qualifié d' « expert », à la fois en cas de désaccord des parties sur le bilan dont était extrait le chiffre d'affaires et en cas de désaccord sur la détermination du prix définitif. Dans cette dernière hypothèse, à défaut d'accord des parties sur l'identité de l'expert à désigner ou si l'expert désigné n'avait pas rempli sa mission dans un délai de six mois, cet « expert » devait être désigné par le président du tribunal de commerce de Niort saisi par la partie la plus diligente.
3. Le 31 mars 2016, les parties ont signé l'acte définitif de cession. Les comptes de l'année 2015 n'étant pas arrêtés à cette date, un prix provisoire a été fixé, le prix définitif devant être fixé après la communication du chiffre d'affaires de référence.
4. Après communication des données comptables, un désaccord est survenu entre les parties sur le chiffre d'affaires de l'année 2015. Conformément aux stipulations contractuelles, les parties ont désigné d'un commun accord un « expert » qui a procédé à l'évaluation du chiffre d'affaires total annuel.
5. Les parties étant également en désaccord sur le montant des retraitements à effectuer, la société Pharmacie Girardeaux a assigné devant le tribunal de commerce de Niort la société Pharmacie Bourdois afin de solliciter, à titre principal, la fixation définitive du prix et la condamnation du cessionnaire à lui payer le solde lui restant dû et, à titre subsidiaire, une expertise judiciaire pour fixer le prix définitif par application du mécanisme de calcul stipulé au contrat.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. La société Pharmacie Girardeaux fait grief à l'arrêt de dire les demandes de la société Pharmacie Bourdois bien fondées, de dire la vente arrêtée au prix de 1 035 820 euros, de constater qu'il avait d'ores et déjà été réglé par la société Pharmacie Bourdois et de rejeter l'ensemble des demandes de la société Pharmacie Girardeaux, alors « que le prix de la vente doit être déterminé et désigné par les parties ; qu'en retenant que, compte tenu du désaccord des parties sur le prix de cession du fonds de commerce de pharmacie, des clauses du contrat prévoyant que le prix était fonction du chiffre d'affaires de l'exercice 2015 retraité de divers éléments, et de l'accord des parties sur le montant du chiffre d'affaires de l'exercice 2015 avant retraitement, il convenait de chiffrer elle-même, au vu des éléments de preuve versés au débats, le montant des éléments à retrancher du chiffre d'affaires de l'exercice 2015, permettant de déterminer l'assiette de calcul du prix et ainsi le prix de cession, la cour d'appel, qui a procédé à une fixation judiciaire du prix, a violé l'article 1591 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1591 et 1592 du code civil :
7. Aux termes du premier de ces textes, le prix de la vente doit être déterminé et désigné par les parties. Selon le second, il peut cependant être laissé à l'estimation d'un tiers.
8. Il en résulte que le juge ne peut procéder à la fixation du prix de la vente.
9. Pour dire la vente arrêtée au prix de 1 035 820 euros et rejeter l'ensemble des demandes de la société Pharmacie Girardeaux, l'arrêt, après avoir relevé que l' « expert » désigné d'un commun accord par les parties, conformément au contrat, avait fixé le chiffre d'affaires annuel à la somme de 1 471 682 euros, procède au retraitement de cette somme en déduisant notamment, ainsi que le prévoit l'acte de vente, les ventes hors comptoir, qu'il évalue à la somme de 53 000 euros, pour aboutir à un prix de vente de 1 297 347 euros. 10. En statuant ainsi, en approuvant le tribunal d'avoir chiffré lui-même, pour déterminer le prix de cession, le montant des éléments à retrancher du chiffre d'affaires annuel, montant sur lequel les parties étaient en désaccord, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
11. La société Pharmacie Girardeaux fait le même grief à l'arrêt, alors « que le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu'en retenant, pour confirmer le jugement qui avait procédé à une fixation judiciaire du prix, et procéder ainsi elle-même à une fixation judiciaire du prix, que la société Pharmacie Girardeaux avait saisi le tribunal de commerce en lui demandant de fixer le prix de cession définitif, quand la saisine du tribunal de commerce aux fins de fixer le prix définitif de la cession ne pouvait avoir pour conséquence de conférer au tribunal de commerce et à la cour d'appel un pouvoir qu'ils ne détenaient pas, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile, ensemble l'article 1591 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1591 et 1592 du code civil et 12, alinéa 1er, du code de procédure civile :
12. Selon le dernier de ces textes, le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. Il résulte des deux premiers que le juge ne peut procéder à la fixation du prix de vente.
13. Pour dire la vente arrêtée au prix de 1 035 820 euros et rejeter les demandes de la société Pharmacie Girardeaux, l'arrêt retient encore que la société Pharmacie Girardeaux sollicitait à titre principal, dans ses conclusions de première instance, la fixation du prix de cession définitif par le tribunal et que les premiers juges ont donc répondu à cette prétention dans le dispositif de leur décision.
14. En statuant ainsi, alors que le tribunal n'avait pas le pouvoir de fixer le prix de cession, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
15. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
16. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
17. Il résulte des articles 1591 et 1592 du code civil que le juge ne peut procéder à la fixation du prix.
18. En évaluant lui-même le prix de cession, le tribunal a excédé ses pouvoirs. Le jugement entrepris doit donc être annulé.
19. La société Pharmacie Girardeaux demande à la cour d'appel de désigner un tiers évaluateur afin de fixer le prix de la vente conformément aux stipulations de l'acte de cession.
20. Toutefois, aux termes de l'article 10-2 de l'acte de cession, « En cas de désaccord entre les parties sur la fixation du prix, celui-ci sera déterminé par un expert désigné d'un commun accord par les parties, dès que le prix de cession définitif sera connu, conformément à l'article 1592 du Code civil. [...] Si les parties ne s'accordent pas sur l'identité de l'expert à désigner ou si l'expert désigné n'a pas rempli sa mission dans un délai de 6 mois à compter de sa désignation, un expert sera désigné par le Président du Tribunal de commerce de Niort saisi par la partie la plus diligente ».
21. Il en résulte que seul le président du tribunal de commerce de Niort a le pouvoir de procéder à cette désignation.
22. La cour d'appel ne pouvant statuer que dans les limites des pouvoirs du tribunal de commerce de Niort, la demande de désignation d'un tiers évaluateur est irrecevable.




Soc. 4 juin 2025 n° 23-17.945

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 4 juin 2025



Cassation partielle sans renvoi

M. BARINCOU, conseiller le plus ancien faisant fonction de président


Arrêt n° 566 F-D
Pourvoi n° F 23-17.945

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 JUIN 2025
La société Nautitech catamarans, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° F 23-17.945 contre l'arrêt rendu le 1er juin 2023 par la cour d'appel de Poitiers (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. [N] [Y], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, cinq moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Maitral, conseiller référendaire, les observations de la SCP Richard, avocat de la société Nautitech catamarans, de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de M. [Y], après débats en l'audience publique du 5 mai 2025 où étaient présents M. Barincou, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Maitral, conseiller référendaire rapporteur, Mme Douxami, conseiller, et Mme Thuillier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 1er juin 2023), M. [Y], engagé en qualité de contrôleur de gestion par la société Nautitech catamarans le 20 octobre 2014, a été nommé directeur administratif et financier, statut cadre, le 15 septembre 2015 et soumis à une convention de forfait en heures sur l'année. Il occupait, en dernier lieu, les fonctions de directeur administratif et financier et ressources humaines, statut cadre, et était soumis à une convention de forfait en jours depuis le 1er août 2019.
2. Licencié pour faute grave le 1er juillet 2020, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur les premier et quatrième moyens
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire, alors « que l'indemnisation d'un préjudice pour licenciement vexatoire, distinct de celui résultant du licenciement lui-même, est subordonnée à l'existence de procédés vexatoires entourant la mise en oeuvre ou les circonstances du licenciement ; qu'en décidant néanmoins que le licenciement de Monsieur [Y] présentait un caractère vexatoire, motif pris que la société Nautitech catamarans l'avait accusé de déloyauté et d'incompétence professionnelle fautive, ce qui l'avait mis sous pression et humilié, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé de procédés vexatoires exercés par l'employeur entourant la mise en oeuvre ou les circonstances du licenciement, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1217 et 1231-1 du code civil, ensemble l'article L. 1235-3 du code du travail. »


Réponse de la Cour
5. La cour d'appel a constaté le caractère vexatoire de la rupture, la société ayant mis en oeuvre une procédure de licenciement reposant sur un motif fallacieux en accusant le salarié de déloyauté et d'incompétence professionnelle fautive ce qui l'avait mis sous pression et l'avait humilié et avait ainsi généré un préjudice spécifique, distinct de celui résultant de la perte de l'emploi.
6. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le cinquième moyen
Enoncé du moyen
7. La société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer au salarié pour la période d'octobre 2017 à juillet 2020, des sommes à titre d'heures supplémentaires, outre les congés payés, et à titre de repos compensateurs, alors :
« 1°/ que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut, à ce titre, relever un moyen d'office, sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen ; qu'en relevant néanmoins d'office le moyen tiré de ce, dans le cadre de la convention de forfait en heures, à laquelle le salarié était soumis entre le 15 septembre 2015 et le 1er août 2019, elle avait manqué à ses obligations découlant des dispositions de l'article L. 3121-60 du code du travail lui imposant de s'assurer régulièrement que sa charge de travail était raisonnable et permettait une bonne répartition dans le temps de son travail, pour en déduire que ladite convention de forfait était privée d'effet, sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
2°/ que l'article L. 3121-60 du code du travail, inséré au sein des dispositions relatives aux clauses de forfait en jours, qui impose à l'employeur de s'assurer régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail, n'est pas applicable aux clauses de forfait en heures, régies quant à elles par les articles L. 3121-56 et L. 3121-57 du code du travail ; qu'en décidant néanmoins que la convention de forfait en heures, à laquelle le salarié était soumis entre le 15 septembre 2015 et le 1er août 2019, était privée d'effet, motif pris qu'elle ne justifiait pas s'être assurée régulièrement que sa charge de travail était raisonnable et permettait une bonne répartition dans le temps de son travail, manquant ainsi aux dispositions de l'article L. 3121-60 du code du travail, pour en déduire que le salarié était fondé à solliciter le paiement du temps de travail effectif sur cette période, bien que ces dispositions ne soient pas applicables aux conventions de forfait en heures, la cour d'appel a violé l'article L. 3121-60 du code du travail. »
Réponse de la Cour
8. Il résulte des articles L. 3121-55 et L. 3121-64 du code du travail que la convention individuelle fait l'objet d'un écrit qui doit fixer le nombre d'heures compris dans le forfait. A défaut, le salarié retrouve le bénéfice des règles de droit commun de la durée du travail et du décompte des heures supplémentaires dans le cadre de la semaine et du contingent annuel d'heures supplémentaires.
9. L'arrêt constate que la convention de forfait en heures adossée au contrat à durée indéterminée du 15 septembre 2015 a visé les responsabilités confiées au salarié et la disponibilité exigée pour exécuter les fonctions de directeur administratif et financier de même que l'autonomie nécessaire du salarié pour l'exercice de ses responsabilités, de ses missions et de l'organisation de son travail, le tout empêchant de pré-déterminer sa durée de travail.
10. Il en résulte que, la convention de forfait annuelle en heures ne fixant pas le nombre d'heures compris dans le forfait, le salarié était bien fondé à solliciter le paiement des heures supplémentaires sur le fondement des règles de droit commun de la durée du travail.
11. Par ce motif de pur droit substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée.
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
12. L'employeur fait grief à l'arrêt de décider que le licenciement pour faute grave du salarié est nul et de le condamner en conséquence à lui payer certaines sommes à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, outre les congés payés afférents, d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, d'indemnité légale de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement nul, alors « que le licenciement prononcé pour motif personnel, et dont la cause réelle est un motif économique, n'est pas nul, mais dépourvu de cause réelle et sérieuse ; qu'en décidant que le licenciement était nul, motif pris qu'il avait été prononcé à tort pour faute grave, en fraude des règles relatives à la procédure de licenciement économique, bien qu'à supposer que la cause réelle du licenciement, prononcé pour faute grave, ait été un motif économique, il n'était pas pour autant nul, mais dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-1, L. 1235-3, L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1232-1 et L. 1232-6 du code du travail :
13. Pour juger le licenciement nul, l'arrêt retient que le salarié soutient exactement avoir été licencié pour faute grave alors même que la suppression de son poste de directeur administratif et financier pour motif économique était envisagée dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi et que sa convocation à l'entretien préalable a suivi de quelques jours l'information du comité social et économique sur le plan de sauvegarde de l'emploi à venir.
14. Il souligne que si la réalité des difficultés économiques n'empêche pas un employeur de licencier un salarié pour faute grave sous réserve d'établir la réalité des griefs articulés contre lui, il apparaît qu'en l'absence de pièces communiquées par la société, la cour n'est pas en mesure de vérifier le rapport d'audit du 13 mai 2020 ni de comparer entre elles les situations comptables présentées successivement par le salarié, ni d'apprécier ses choix de gestion et leur impact sur la sécurité de l'entreprise tel qu'énoncé dans la lettre de licenciement, de sorte qu'en l'état de cette carence de la société qui supporte la charge de la preuve il ne peut être retenu que l'employeur pouvait licencier pour faute grave l'intéressé nonobstant le plan de sauvegarde de l'emploi envisagé.
15. Il en déduit qu'en licenciant à tort le salarié pour faute grave alors que l'élaboration de la version définitive du plan de sauvegarde de l'emploi était en cours, la société a contourné frauduleusement les obligations légales.
16. En statuant ainsi, quand il ne ressortait pas de ces constatations que l'employeur avait détourné les règles lui imposant d'établir un plan de sauvegarde de l'emploi, ce dont elle aurait dû déduire que, le motif invoqué étant inexact, le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
17. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
18. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
19. Compte tenu des effectifs de l'entreprise (plus de onze salariés), de l'ancienneté de l'intéressé (5 ans et 9 mois) et de sa rémunération brute mensuelle (9 144,63 euros), il convient, en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, de fixer à la somme de 52 000 euros le montant dû par l'employeur au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.




Soc. 4 juin 2025 n° 23-23.395

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 4 juin 2025



Cassation

M. BARINCOU, conseiller le plus ancien faisant fonction de président


Arrêt n° 568 F-D

Pourvois n° C 23-23.393 E 23-23.395 JONCTION




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 JUIN 2025
La société ITM formation, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], a formé les pourvois n° C 23-23.393 et E 23-23.395 contre deux arrêts rendus le 18 octobre 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 3), dans les litiges l'opposant respectivement :
1°/ à M. [I] [O], domicilié [Adresse 3],
2°/ à M. [F] [Z], domicilié [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de ses pourvois, un moyen commun de cassation.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de Mme Maitral, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société ITM formation, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de MM. [O] et [Z], après débats en l'audience publique du 5 mai 2025 où étaient présents M. Barincou, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Maitral, conseiller référendaire rapporteur, Mme Douxami, conseiller, et Mme Thuillier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° C 23-23.393 et E 23-23.395 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon les arrêts attaqués (Paris, 18 octobre 2023), MM. [O] et [Z] ont été engagés par la société Cefidis, respectivement les 11 mai et 1er octobre 1999, puis sont devenus, à compter d'avril 2007, formateurs au sein de la société Fordis, entité du groupe Les Mousquetaires.
3. Leur contrat de travail a été transféré le 1er janvier 2016 à la société ITM formation, la société Fordis étant cantonnée à la seule activité de recrutement.
4. Licenciés le 9 décembre 2016 pour motif économique en raison de la cessation d'activité de la société ITM formation, les salariés ont saisi la juridiction prud'homale de demandes au titre de l'exécution et de la rupture de leurs contrats de travail.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
5. L'employeur fait grief aux arrêts de le condamner à verser à chacun des salariés des dommages-intérêts pour licenciement abusif, alors :
« 1°/ que le changement d'employeur résultant de plein droit du transfert d'une entité économique autonome s'impose tant aux employeurs successifs qu'aux salariés concernés, de sorte que le transfert du contrat de travail d'un salarié affecté à l'entité économique autonome reprise par un nouvel employeur n'est pas soumis à l'accord de ce salarié ; qu'en retenant, en l'espèce, pour dire que le licenciement des salariés prononcé par la société ITM formation est dénué de cause réelle et sérieuse, que le transfert des contrats de travail du syndicat Fordis à la société ITM formation est intervenu sans l'accord des salariés, sans avoir constaté que la reprise, par la société ITM formation, de l'activité de formation exercée par le syndicat Fordis ne s'accompagnait pas de la reprise d'un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels poursuivant un objectif économique propre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-3 et L. 1224-1 du code du travail ;
2°/ que la seule circonstance que l'activité d'une entreprise ait été reprise par une autre entreprise, quelques mois avant la cessation d'activité complète et définitive de cette dernière, est insuffisante à caractériser une fraude au droit du licenciement pour motif économique, une faute ou une légèreté blâmable ; qu'en l'espèce, l'employeur soutenait que la reprise de l'activité formation du syndicat Fordis par la société ITM formation avait été décidée par le groupe Les Mousquetaires en raison de la réforme de la formation professionnelle opérée par la loi du 5 mai 2004 qui a, d'une part, entraîné la diminution de la contribution globale à la formation, la réduction de la cotisation destinée au financement du plan de formation et la centralisation des versements vers les organismes paritaires collecteurs agréés et, d'autre part, provoqué une modification substantielle de l'activité de formation au sein du groupe, par une réduction des possibilités de réalisation d'actions de formation et la perte de l'activité de gestion du budget de la formation pour le syndicat Fordis ; qu'il expliquait également que la reprise de l'activité formation, qui s'était déjà considérablement réduite en 2015, par la société ITM formation constituait une réponse provisoire à ces bouleversements dans l'attente de la définition, par les entités "métiers" du groupe, des besoins en matière de formation ; qu'il soulignait encore que la reprise de l'activité par la société ITM formation avait permis aux salariés de bénéficier de mesures de reclassement et d'un plan de sauvegarde de l'emploi tenant compte des moyens du groupe, auxquels ils n'auraient pas pu prétendre s'ils avaient été licenciés par le syndicat Fordis, syndicat professionnel sans lien capitalistique avec le groupe ; qu'en affirmant encore, pour juger les licenciements sans cause réelle et sérieuse, que "le transfert a été réalisé sans l'accord des salariés dans une entité économique n'ayant d'autres fins que d'obliger les salariés à intégrer les entités clientes soit de travailler comme partenaire extérieur soit de faire partie du licenciement collectif ayant concerné 150 personnes", sans rechercher si l'activité de formation du syndicat Fordis n'était pas condamnée par la réforme du financement de la formation professionnelle et si la reprise de son activité de formation n'avait pas permis, d'une part, de maintenir provisoirement l'emploi des salariés dans l'attente de la définition d'une nouvelle organisation au sein du groupe et, d'autre part, de les faire bénéficier d'un plan de sauvegarde de l'emploi plus favorable que celui qui aurait é
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1224-1 du code du travail :
6. Il résulte de ce texte, interprété à la lumière de la directive n° 2001/23/CE du 12 mars 2001, que l'entité économique autonome dont le transfert à un cessionnaire entraîne la poursuite de plein droit avec celui-ci des contrats de travail des salariés qui lui sont affectés s'entend d'un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre.
7. Pour condamner l'employeur à verser aux salariés certaines sommes au titre de leurs licenciements abusifs, les arrêts retiennent que le transfert du contrat de travail de salariés à une entreprise, soit en l'espèce du syndicat Fordis, à une autre entreprise, la société ITM formation, constitue une modification de ces contrats qui ne peut intervenir sans l'accord exprès des salariés, cet accord ne pouvant résulter de la seule poursuite de la relation de travail. Ils ajoutent que l'employeur ne produit aucune pièce établissant cet accord et que le transfert a été réalisé sans l'accord des salariés dans une entité économique n'ayant d'autres fins que de les obliger à intégrer les entités clientes, soit de travailler comme partenaires extérieurs, soit de faire partie du licenciement ayant concerné cent cinquante personnes.
8. En se déterminant ainsi, sans rechercher, alors que l'employeur se prévalait de l'article L. 1224-1 du code du travail, si les conditions de ce texte étaient réunies ni caractériser de fraude à ces dispositions, la cour d'appel a privé ses décisions de base légale.
Et sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
9. L'employeur fait le même grief aux arrêts, alors « que hors situation de coemploi, la cessation complète et définitive d'activité d'une filiale d'un groupe constitue un motif autonome de licenciement, sauf faute ou légèreté blâmable de l'employeur ; que la circonstance que d'autres entreprises du groupe poursuivent une activité de même nature ne fait pas, par elle-même, obstacle à ce que la cessation d'activité de l'entreprise soit regardée comme totale et définitive ; qu'en l'espèce, pour contester le motif économique de leurs licenciements, les salariés soutenaient que l'activité de formation exploitée par cette société ITM formation a été reprise, postérieurement à leur licenciement intervenu en décembre 2016, par les différentes enseignes du groupe, tout en reconnaissant que la société ITM formation n'exerçait plus elle-même une telle activité ; que la société ITM formation soutenait quant à elle qu'elle n'a plus d'activité depuis la fin de l'année 2016, les sociétés ITM alimentaire et ITM équipement de la maison ayant à compter de cette date développé une activité d'organisateur d'actions de formation à destination des points de vente ; qu'en retenant, pour dire que le motif économique n'est pas établi, que la société ITM formation ne produit aucune pièce établissant la date de sa supposée cessation d'activité, cependant qu'il ressort des conclusions concordantes des parties que la société ITM formation n'exerçait plus d'activité depuis la fin de l'année 2016, l'activité de formation étant exercée exclusivement par les sociétés ITM alimentaire et ITM équipement de la maison depuis cette date, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-3 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :
10. Pour condamner l'employeur à verser aux salariés certaines sommes au titre de leurs licenciements abusifs, les arrêts relèvent que l'employeur a décidé de licencier les salariés sur la seule cessation d'activité, pris comme motif spécifique de licenciement depuis la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, puis retiennent que l'employeur ne produit aucune pièce établissant la date de sa supposée cessation d'activité, les éléments et les arguments qu'il développe concernant exclusivement la société Fordis, qui n'était pas l'employeur au jour du licenciement, ou le transfert de l'activité, reprise par les sociétés ITM alimentaire et ITM équipement de la maison.
11. En statuant ainsi, alors que la seule circonstance que d'autres entreprises du groupe aient poursuivi une activité de même nature ne faisait pas par elle-même obstacle à ce que la cessation d'activité de la société ITM formation soit regardée comme totale et définitive, la cour d'appel a violé le texte susvisé.




Civ.1 4 juin 2025 n° 24-13.648

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CR12


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 4 juin 2025



Cassation

Mme CHAMPALAUNE, président


Arrêt n° 395 F-D
Pourvoi n° F 24-13.648


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 4 JUIN 2025
L'agence France presse (AFP), dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° F 24-13.648 contre l'arrêt rendu le 27 mars 2024 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 7), dans le litige l'opposant à Mme [I] [E], domiciliée [Adresse 2] (Belgique), défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Chevalier, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de l'Agence France presse, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de Mme [E], et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 avril 2025 où étaient présents Mme Champalaune, président, M. Chevalier, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tifratine, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 mars 2024), Mme [E], soutenant que la publication par l'Agence France presse (l'AFP), le 22 mai 2018, soit quatre jours après la plainte pour viol qu'elle avait déposée contre M. [X], d'une photographie prise lors de l'avant première d'un film et les montrant côte à côte ainsi que l'utilisation de cette photographie pour illustrer l'article intitulé « I've never raped a woman, says French Director [X] », mis en ligne par l'AFP le 7 octobre 2019, portaient atteinte à l'intimité de sa vie privée et à son droit à l'image, a assigné cette société en dommages et intérêts avec publication du jugement.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
2. L'AFP fait grief à l'arrêt de dire qu'elle a commis une faute envers Mme [E] engageant sa responsabilité délictuelle et de la condamner à des dommages et intérêts, alors « que la liberté d'expression est un droit dont l'exercice ne revêt un caractère abusif que dans les cas spécialement déterminés par la loi ; qu'il s'ensuit que, hors restriction légalement prévue, l'exercice du droit à la liberté d'expression ne peut, sauf dénigrement de produits ou services, être sanctionné sur le fondement de l'article 1240 du code civil ; qu'en jugeant, après avoir exclu toute atteinte à la vie privée et au droit à l'image de Mme [E], que l'Agence France presse, en publiant une photographie de cette dernière accompagnée de [G] [X] en illustration d'une dépêche diffusée le 7 octobre 2019, avait jeté le discrédit sur les propos de Mme [E] et commis une faute engageant sa responsabilité délictuelle, lorsque les actes en cause n'entraient dans aucune des restrictions à la liberté d'expression légalement prévues, la cour d'appel a violé l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et, par fausse application, l'article 1240 du code civil ».

Réponse de la Cour
Vu les articles 10, paragraphe 2, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1240 du code civil :
3. Il ressort du premier de ces textes que la liberté d'expression est un droit dont l'exercice ne revêt un caractère abusif que dans les cas spécialement déterminés par la loi (1re Civ., 10 avril 2013, pourvoi n° 12-10.177, Bull. 2013, I, n° 67 ; 1re Civ., 22 janvier 2014, pourvoi n° 12-35.264, Bull. 2014, I, n° 1 ; Ass. Plén., 17 novembre 2023, pourvoi n° 21-20.723, publié).
4. Il s'ensuit que, hors restriction légalement prévue, l'exercice du droit à la liberté d'expression ne peut, sauf dénigrement de produits ou de services, être sanctionné sur le fondement de l'article 1382, devenu 1240, du code civil (1re Civ., 2 juillet 2014, pourvoi n° 13-16.730, Bull. 2014, I, n° 120 ; 3e Civ., 3 novembre 2016, pourvoi n° 15-17.150, Bull. 2016, III, n° 148).
5. Pour condamner l'AFP au paiement de dommages et intérêts, l'arrêt retient que, si aucune atteinte au droit à l'image ou au respect de la vie privée de Mme [E] n'est caractérisée, l'utilisation par l'AFP de la photographie en cause pour illustrer l'article mis en ligne le 7 octobre 2019, montrant les deux parties souriantes côte à côte, qui vient renforcer la crédibilité de la version donnée par M. [X] et jeter ainsi le discrédit sur celle de Mme [E], constitue une faute engageant sa responsabilité délictuelle.
6. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.




Soc. 4 juin 2025 n° 23-17.691

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 4 juin 2025



Cassation partielle sans renvoi

Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 584 F-D
Pourvoi n° E 23-17.691



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 JUIN 2025
M. [Z] [W], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° E 23-17.691 contre l'arrêt rendu le 26 avril 2023 par la cour d'appel d'Amiens (5e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant à la société Safran aérosystems, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La société Safran aérosystems a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Maitral, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de M. [W], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Safran aérosystems, après débats en l'audience publique du 5 mai 2025 où étaient présentes Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Maitral, conseiller référendaire rapporteur, Mme Douxami, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 26 avril 2023), M. [W], engagé en qualité de directeur qualité environnement par la société ECE le 25 juin 2007, occupait en dernier lieu les fonctions de directeur général ZADS, sur le site de Compiègne, au sein de la société Zodiac aerosafety systems devenue la société Safran aerosystems.
2. Les 30 novembre 2018 et 28 mars 2020, il s'est respectivement vu attribuer gratuitement deux-cent-cinquante puis deux cents actions de performance Safran.
3. Licencié le 30 novembre 2020, le salarié a saisi la juridiction prud'homale notamment de demandes au titre de la rupture de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur les moyens du pourvoi principal
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen du pourvoi incident, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à verser au salarié une somme au titre de la perte de chance subie dans le cadre de la valorisation des stock-options, alors « que, d'une part, seul un licenciement irrégulier, lorsqu'il entraîne la perte des options consenties précédemment au salarié et non encore levées, justifie que la perte de chance de plus-value subie par le salarié soit indemnisée ; que dès lors que le licenciement de M. [W] était bien justifié par une cause réelle et sérieuse et que, de surcroît, la perte des options consécutive à la perte de la qualité de salarié n'était pas invoquée, il n'en résultait aucun préjudice indemnisable pour le salarié au titre des stock-options dont il était titulaire ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1231-1 du code civil et l'article L. 1221-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
6. Le salarié conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que le moyen développé par le pourvoi incident est incompatible avec la position adoptée par l'employeur en appel qui critiquait uniquement le montant octroyé par le conseil de prud'hommes, d'une part en ce qu'il a prononcé une condamnation nette de CSG, de CRDS et de charges sociales et d'autre part en ce qu'il a accordé au salarié une somme équivalente à celle que lui aurait procuré la levée de l'option et non l'indemnisation d'une perte de chance de réaliser une plus-value.
7. Cependant, dans ses conclusions, l'employeur demandait le rejet de la demande de dommages-intérêts pour perte de valorisation des stock-options dont il soutenait qu'elle était infondée.
8. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles 1103 et 1231-1 du code civil, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
9. Pour condamner l'employeur à payer au salarié une certaine somme à titre de dommages-intérêts afférente à la perte de chance subie dans le cadre de la valorisation des stock-options, l'arrêt retient, d'abord, qu'il n'est pas contesté que le salarié a été privé de la possibilité de bénéficier de la plus-value de stock-options du fait de la rupture de son contrat de travail. Il relève, ensuite, qu'il n'est ni prouvé ni même allégué que la levée des options était conditionnée par la présence du salarié dans les effectifs de l'entreprise et qu'il n'est pas contesté que le salarié justifiait d'un préjudice direct et certain résultant de la perte de chance de percevoir les gains liés à cette levée. Il relève, encore, que le salarié ne demande d'ailleurs pas l'exécution du plan de stock-options, mais l'indemnisation de la perte d'une chance de se voir attribuer les deux-cent-cinquante actions à une valeur estimée à 149 euros l'unité en moyenne avec une pondération.
10. Il retient, enfin, qu'en l'absence de tout élément contraire, le gain manqué par le salarié correspond à son évaluation et qu'il n'est pas contesté que les chances d'obtenir le montant réclamé étaient très importantes.
11. En statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors que le licenciement du salarié était intervenu pour cause réelle et sérieuse, de sorte qu'il ne pouvait revendiquer aucune indemnisation de la perte de chance du fait de l'impossibilité de réaliser ses stock-options, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
12. La cassation des chefs de dispositif condamnant l'employeur à verser au salarié une somme au titre de la perte de chance subie dans le cadre de la valorisation des stock-options n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt le condamnant aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.
13. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
14. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
15. Le licenciement du salarié reposant sur une cause réelle et sérieuse, sa demande de dommages-intérêts en réparation de la perte de chance de réaliser les stock-options sera rejetée.




Soc. 4 juin 2025 n° 24-12.086

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 4 juin 2025



Rejet

M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 607 F-D
Pourvoi n° G 24-12.086

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 JUIN 2025
La société L'Or en cash, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 24-12.086 contre l'arrêt rendu le 9 novembre 2023 par la cour d'appel de Rennes (7e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [F] [G], domiciliée chez Mme [V] [G], [Adresse 2],
2°/ à Pôle emploi devenu France travail, dont le siège est [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Arsac, conseiller référendaire, les observations de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de la société L'Or en cash, de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de Mme [G], et l'avis écrit de Mme Laulom, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 mai 2025 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Arsac, conseiller référendaire rapporteur, Mme Ott, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 9 novembre 2023), Mme [G] a été engagée en qualité de responsable de boutique par la société L'Or en cash (la société) selon contrat à durée indéterminée avec effet au 16 février 2016.
2. Le 1er février 2018, elle a déposé plainte contre le président de la société, pour des faits de harcèlement sexuel et moral. Cette plainte a fait l'objet d'un classement sans suite.
3. Le 19 mars 2018, la salariée a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 27 mars suivant, et s'est vu notifier une mise à pied conservatoire.
4. Le 9 avril 2018, l'employeur a notifié à la salariée son licenciement pour faute grave.
5. Soutenant avoir subi un harcèlement sexuel et moral, la salariée a, par requête du 8 avril 2019, saisi la juridiction prud'homale en annulation de son licenciement et paiement de diverses sommes.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
7. La société fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement est nul et de la condamner à payer à la salariée certaines sommes à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral, d'indemnité de licenciement, d'indemnité de préavis et des congés payés afférents, de rappels de salaire et de dommages-intérêts pour licenciement nul, alors « que, si le licenciement prononcé pour avoir témoigné d'agissements de harcèlement moral ou sexuel ou les avoir relatés est nul, sauf mauvaise foi qui ne peut résulter que de la connaissance, par le salarié, de la fausseté des faits qu'il dénonce, c'est à la condition que le salarié ait réservé la relation de tels agissements à son employeur ou à des organes chargés de veiller à l'application des dispositions du code du travail ; que le fait, en revanche, d'avoir allégué publiquement de tels faits auprès de personnes ne disposant pas de l'une de ces qualités peut constituer un manquement disciplinaire si le harcèlement n'est pas établi, de sorte que le licenciement motivé par un tel comportement n'est pas nul ; qu'au cas présent, la lettre de licenciement reprochait notamment à Mme [G] d'avoir ''très largement communiqué'', de façon diffamatoire, en se déclarant publiquement victime de harcèlement sexuel de la part du président de la société, sans réserver la relation de tels agissements à son employeur ou à des organes chargés de veiller à l'application des dispositions du code du travail ; que la cour d'appel, qui n'a pas retenu l'existence d'une situation de harcèlement sexuel, a déclaré que ce motif de licenciement entraînait la nullité du licenciement, sauf mauvaise foi qui implique que la preuve soit apportée de la connaissance, par le salarié, de la fausseté des faits qu'il dénonce ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé par fausse application les articles L. 1153-2, L. 1153-3 et L. 1153-4 du code du travail. »
Réponse de la Cour
8. Aux termes de l'article L. 1153-2 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022, aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage, aucun candidat à un recrutement, à un stage ou à une formation en entreprise ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des faits de harcèlement sexuel tels que définis à l'article L. 1153-1, y compris, dans le cas mentionné au 1° du même article, si les propos ou comportements n'ont pas été répétés.
9. Selon l'article L. 1153-3 du même code, dans sa version issue de la loi n° 2012-954 du 6 août 2012, applicable au litige, aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire pour avoir témoigné de faits de harcèlement sexuel ou pour les avoir relatés.
10. Il s'en déduit que le salarié qui relate des faits de harcèlement sexuel ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu'il dénonce.
11. C'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel, devant laquelle il n'était pas soutenu que le fait d'avoir allégué publiquement des faits de harcèlement sexuel auprès de personnes n'étant ni l'employeur ni un organe chargé de veiller à l'application des dispositions du code du travail pouvait constituer un manquement disciplinaire si le harcèlement n'était pas établi, a constaté que l'employeur ne produisait aucun élément de nature à établir la mauvaise foi avec laquelle la salariée, qui n'était pas à l'origine de la publication de messages anonymes sur le site internet www.balancetonporc.com, aurait dénoncé des agissements imputables au dirigeant, d'abord en interne et, en l'absence de réaction de l'employeur, auprès des services de police et de l'inspection du travail.
10. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.




Civ.1 4 juin 2025 n° 24-12.514

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
IJ


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 4 juin 2025



Cassation partielle

Mme CHAMPALAUNE, président


Arrêt n° 392 F-D
Pourvoi n° Y 24-12.514



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 4 JUIN 2025
1°/ Mme [G] [F], veuve [V], domiciliée [Adresse 3],
2°/ la société Moebius production [C] [V], société à responsabilité limitée (SARL), dont le siège est [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° Y 24-12.514 contre l'arrêt rendu le 19 janvier 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 13), dans le litige les opposant à Mme [T] [M], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Jessel, conseiller, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de Mme [F], veuve [V], de la société Moebius production [C] [V], de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de Mme [M], et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 avril 2025 où étaient présents Mme Champalaune, président, M. Jessel, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tifratine, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 janvier 2022), auteur de bandes dessinées, [C] [V], dit Moebius ou GIR, est décédé le 10 mars 2012, laissant notamment pour lui succéder Mme [V], son épouse, gérante de la société Moebius production [C] [V] (la société Moebius) dont l'artiste était l'associé unique et à laquelle il avait cédé les droits d'exploitation de ses oeuvres graphiques. Par contrat du 22 décembre 2002, la société Moebius a été chargée de poursuivre les auteurs de contrefaçons et de vols.
2. Mme [V], soutenant avoir découvert en octobre 2012, à l'occasion de l'inventaire de la succession, que neuf dessins signés Moebius étaient mis en vente par la société Artcurial, a déposé une plainte pénale, qui a été classée sans suite à l'issue de l'enquête ayant révélé que la société Artcurial avait reçu un mandat de vente de Mme [M] à laquelle les dessins saisis ont été restitués.
3. Mme [V] et la société Moebius ont assigné Mme [M] en revendication de soixante-douze oeuvres de [C] [V], parmi lesquelles les neuf dessins.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Mme [V] et la société Moebius font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable leur action en revendication des neuf dessins, alors « que le don manuel consenti au profit d'un détenteur précaire peut résulter de la convention par laquelle ce dernier cesse de détenir la chose pour autrui et commence à la posséder en son propre nom ; que dans ce cas, la preuve de l'interversion de titre incombe au prétendu donataire ; que la cour d'appel a relevé que les dessins litigieux avaient été remis par l'auteur à Mme [M] à fin de dépôt ; qu'il en résulte qu'il appartenait à cette dernière, se prétendant donataire desdits dessins, d'apporter la preuve de l'interversion de titre, soit de la transformation du dépôt en don manuel à son profit ; qu'en retenant cependant, pour déclarer irrecevable l'action en revendication exercée par les exposants, que ces derniers ne démontraient pas l'absence d'un don manuel au profit de Mme [M], la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1315, devenu 1353, du code civil. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
5. Mme [M] conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient qu'il est nouveau et mélangé de fait et de droit.
6. Cependant, le moyen n'est pas nouveau. En effet, Mme [V] et la société Moebius ont soutenu, dans leurs conclusions d'appel, qu'en présence d'une remise à titre précaire, la preuve du don invoqué incombait à Mme [M] qui avait indiqué que les neuf dessins lui avaient d'abord été remis en dépôt avant de faire l'objet d'un don.
7. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles 2279, devenu 2276, et 1315, devenu 1353, du code civil :
8. Il résulte de ces textes que celui qui a reçu la chose en qualité de détenteur précaire ne peut se prévaloir de la prescription acquisitive que s'il prouve l'inversion de son titre.
9. Pour déclarer irrecevable l'action en revendication des neuf dessins, l'arrêt énonce, d'une part, que Mme [M], entrée en possession des oeuvres au moment du don manuel allégué, bénéficie d'une présomption, de sorte qu'il appartient aux demandeurs à l'action en revendication de rapporter la preuve de l'absence de don ou de prouver que la possession invoquée ne réunit pas les conditions légales pour être efficace et retient, d'autre part, que Mme [V] et la société Moebius ne démontrent pas l'absence de don manuel.
10. En statuant ainsi, après avoir constaté que Mme [M] avait reconnu, au cours de l'enquête, que les dessins lui avaient été initialement remis à titre précaire, en exécution d'un dépôt, avant de lui être donnés, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
11. La cassation du chef de dispositif déclarant irrecevable l'action en revendication des neuf dessins n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant Mme [V] et la société Moebius aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause.




Crim. 4 juin 2025 n° 24-84.504

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° W 24-84.502 F-D Y 24-84.504 N° 00763

GM 4 JUIN 2025

NON ADMISSION CASSATION PARTIELLE

M. BONNAL président,






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 4 JUIN 2025

M. [E] [V] a formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'assises de Paris, en date du 18 juin 2024, qui, pour viols, tentatives et complicité, agressions sexuelles et complicité, aggravés, corruption de mineur, non-révélation de faits délictueux, importation, détention, enregistrement et diffusion aggravée de reproduction pornographique de mineurs, l'a condamné à vingt ans de réclusion criminelle, huit ans de suivi socio-judiciaire, une interdiction professionnelle définitive, dix ans d'inéligibilité et une confiscation, ainsi que contre l'arrêt du 1er juillet 2024, par lequel la cour a prononcé sur les intérêts civils.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Gouton, conseiller, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [E] [V], et les conclusions de M. Crocq, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 mai 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Gouton, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Par arrêt du 12 mai 2022, la chambre de l'instruction a renvoyé M. [E] [V] devant la cour d'assises.
3. Par arrêt du 1er mars 2023, la cour d'assises a déclaré M. [V] coupable d'une partie des chefs d'accusation pour lesquels il avait été renvoyé et l'a condamné à vingt ans de réclusion criminelle, huit ans de suivi socio-judiciaire, une interdiction professionnelle définitive, cinq ans d'inéligibilité et une confiscation.
4. Par arrêt du 5 juin 2023, la cour d'assises a prononcé sur les intérêts civils.
5. M. [V] a relevé appel de ces décisions. Le ministère public a formé appel contre l'arrêt pénal.
Examen des moyens
Sur les cinq premiers moyens
6. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi formé contre l'arrêt pénal au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le sixième moyen
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt civil attaqué en ce qu'il a condamné M. [V] à payer à Mme [O] [D] la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral, alors « que la cour d'assises statuant en appel sur l'action civile ne peut, sur le seul appel de l'accusé, aggraver le sort de l'appelant ; que la cour d'assises du département de la Seine-Saint-Denis a, en première instance, condamné monsieur [V] à payer la somme de 4 000 euros à [O] [D] en réparation de son préjudice moral ; que la cour d'assises de Paris, statuant en appel, a alloué à cette partie civile, non appelante, la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral ; qu'en statuant ainsi, la cour d'assises a violé l'article 380-6 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 380-6 du code de procédure pénale :
8. Selon ce texte, la cour d'assises, statuant en appel sur l'action civile, ne peut sur le seul appel de l'accusé, du civilement responsable ou de la partie civile, aggraver le sort de l'appelant. La partie civile ne peut, en cause d'appel, former aucune demande nouvelle sauf à demander une augmentation des dommages et intérêts pour le préjudice souffert depuis la précédente décision.
9. La Cour de cassation interprète cette disposition comme permettant à la victime, constituée partie civile en première instance, non appelante, de demander une augmentation des dommages et intérêts pour le préjudice subi depuis la première décision. Mais l'arrêt civil de la cour d'assises, statuant en appel, qui accorde à une partie civile des dommages et intérêts sans préciser qu'ils réparent un préjudice souffert depuis la décision de première instance encourt la cassation.
10. En l'espèce, l'arrêt civil attaqué a accordé à Mme [D], partie civile non appelante, des dommages et intérêts au titre du préjudice moral subi, d'un montant supérieur à ceux qui avaient été attribués par les premiers juges, sans constater qu'ils réparaient un préjudice subi depuis la décision prononcée par la cour d'assises statuant en première instance.
11. En statuant ainsi, la cour d'assises a méconnu le texte susvisé.
12. La cassation est, dès lors, encourue de ce chef.
Et sur le septième moyen
Enoncé du moyen
13. Le moyen critique l'arrêt civil attaqué en ce qu'il a condamné M. [V] à payer à Mme [M] [C], avocat de Mme [Y] [Z], la somme de 13 711, 28 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et l'a condamné à payer à Mme Ariane Ory-Saal, avocat de Mme [D], la somme de 7 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, alors « qu'il résulte de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 que le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle ne peut être condamné à payer à l'autre partie, également bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, une indemnité sur le fondement de cet article ; qu'en condamnant monsieur [V], bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à payer à Me [M] [C] et à Me Ariane Ory-Saal une indemnité sur le fondement de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, la cour d'assises a violé ledit article. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique :
14. Selon ce texte, les auxiliaires de justice rémunérés selon un tarif peuvent renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat et poursuivre contre la partie condamnée aux dépens et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle le recouvrement des émoluments auxquels ils peuvent prétendre.
15. Il en résulte que le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle ne peut, sur le fondement de cette disposition, être condamné à payer une indemnité à l'avocat de l'autre partie, également bénéficiaire de l'aide juridictionnelle.
16. En l'espèce, l'arrêt civil attaqué a, sur le fondement dudit article, condamné M. [V], bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale, à payer une somme aux avocats de Mmes [D] et [Z], parties civiles.
17. En statuant ainsi, la cour d'assises a méconnu le texte susvisé.
18. La cassation est, dès lors, à nouveau encourue.
Portée et conséquences de la cassation
19. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions de l'arrêt civil qui ont condamné M. [V] à verser des sommes à Mme [D] en réparation de son préjudice moral et aux avocats de Mmes [D] et [Z] sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Les autres dispositions seront donc maintenues.




Civ.1 4 juin 2025 n° 23-19.455 B

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CC


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 4 juin 2025



Cassation partielle sans renvoi

Mme CHAMPALAUNE, président


Arrêt n° 402 F
Pourvoi n° X 23-19.455



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 4 JUIN 2025
M. [V] [G], domicilié [Adresse 5], a formé le pourvoi n° X 23-19.455 contre l'arrêt rendu le 6 juin 2023 par la cour d'appel de Bordeaux (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société de presse [Localité 6] publications, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à la société [Localité 6] côté bassin, société coopérative à capital variable, dont le siège est [Adresse 4],
3°/ à la société Mad studio, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],
4°/ à la société Albingia, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], prise en qualité d'assureur RC,
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Kass-Danno, conseiller référendaire, les observations de la SARL Gury et Maitre, avocat de M. [G], de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de la société [Localité 6] côté bassin, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 8 avril 2025 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Kass-Danno, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tifratine, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Désistement partiel
1. Il est donné acte à M. [G] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre les sociétés [Localité 6] publication, Mad studio et Albingia.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 6 juin 2023), la société [Localité 6] côté bassin, ayant reproduit sur des supports publicitaires, sans autorisation, une photographie prise par M. [G], a été assignée par celui-ci en réparation des utilisations contrefaisantes de son oeuvre. La société [Localité 6] côté bassin a appelé en intervention forcée son assureur, la société Albingia, ainsi que la société Mad studio qui avait réalisé les supports publicitaires. La société de presse [Localité 6] publication, qui avait fourni la photographie litigieuse à la société Mad studio, est intervenue volontairement à la procédure.
3. Le tribunal judiciaire a condamné la société [Localité 6] côté bassin à payer à M. [G] la somme de 21 615 euros, au titre de l'indemnisation de ses droits patrimoniaux et moraux sur son oeuvre contrefaite, et les sociétés Mad studio et [Localité 6] publication, à hauteur de 50% chacune, à garantir la société [Localité 6] côté bassin de cette condamnation.
4. Les sociétés [Localité 6] publication et Mad studio ont relevé appel de ce jugement.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. M. [G] fait grief à l'arrêt d'infirmer partiellement le jugement en ce qu'il a condamné la société [Localité 6] côté bassin à payer à M. [G] la somme de 21 615 euros au titre de l'indemnisation de ses droits patrimoniaux et moraux sur son oeuvre contrefaite et, statuant à nouveau dans cette limite, de la condamner à lui payer la somme de 6 670,30 euros au titre de cette indemnisation, alors « que la dévolution liée à l'appel ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible ; que si celui dont la garantie a été retenue en première instance est recevable à interjeter appel du jugement par lequel son ayant cause a été condamné à indemniser un tiers, il n'est pas pour autant admis à critiquer le chef de dispositif par lequel cet ayant cause a été condamné seul à indemnisation envers ce tiers, dès qu'aucune de ces deux parties n'a interjeté appel du jugement sur ce point ; qu'il lui est alors seulement possible de discuter, en cause d'appel le principe ou le montant de la garantie mise à sa charge ; qu'en l'espèce, le tribunal a condamné la SCCV [Localité 6] côté bassin à payer à M. [G] la somme de 21 615 euros à titre de dommages-intérêts ; que ni la SCCV ni M. [G] n'ont interjeté appel du jugement, de sorte que ce chef de dispositif est devenu irrévocable entre eux, comme le faisait valoir M. [G] dans ses écritures d'appel ; que la cour d'appel a pourtant modifié la condamnation mise à la charge de la SCCV [Localité 6] côté bassin, après avoir considéré que la société [Localité 6] publication comme la société MAD studio étaient recevables, puisqu'elles avaient été condamnées au profit de la société [Localité 6] côté bassin en tant que garantes, à interjeter appel de la décision qui avait prononcé la condamnation au profit de M. [G] ; qu'en se prononçant ainsi, tandis qu'il résultait de ses propres constatations, d'une part, que ni M. [G] ni la SCCV [Localité 6] côté bassin n'avaient pas interjeté appel du chef de dispositif du jugement condamnant la seconde à payer seule au premier la somme de 21 615 euros à titre de dommages et intérêts, d'autre part, que cette condamnation, de nature pécuniaire, n'était ni solidaire ni indivisible, de sorte qu'elle ne pouvait pas modifier ce chef de dispositif, la cour d'appel a violé les articles 553 et 562 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 4 et 553 du code de procédure civile ;
6. Il résulte de ces textes que, saisie de l'appel d'une partie condamnée à garantir une autre partie de la condamnation prononcée à son encontre à l'égard d'une troisième partie, en l'absence d'appel de la condamnation principale relevé par ces parties, la cour d'appel peut seulement, s'il n'a pas été constaté d'indivisibilité du litige ou de lien juridique entre la partie condamnée à garantie et le créancier principal, statuer sur l'existence et le montant de la garantie.
7. L'arrêt infirme le jugement en ce qu'il a condamné la société [Localité 6] côté bassin à payer à M. [G] la somme de 21 615 euros, au titre de l'indemnisation de l'atteinte à ses droits patrimoniaux et moraux sur son oeuvre contrefaite et limité le montant de cette condamnation à la somme de 6 670,30 euros.
8. En statuant ainsi, alors qu'elle n'était pas saisie d'un appel de cette condamnation par la société [Localité 6] côté bassin et M. [G] et qu'elle n'a retenu ni indivisibilité entre les chefs de dispositif relatifs à cette condamnation et à la condamnation à garantie prononcée à l'égard des sociétés [Localité 6] publication et Mad studio, ni lien juridique entre ces sociétés et M. [G], la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
10. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
11. Il y a lieu de constater qu'en l'absence d'appel de la société [Localité 6] côté bassin ou de M. [G], le chef de dispositif du jugement condamnant cette société à payer à M. [G] la somme de 21 615 euros au titre de l'indemnisation de ses droits patrimoniaux et moraux sur son oeuvre contrefaite sur la bâche publicitaire et les plaquettes/chemises cartonnées publicitaires, majorations incluses, est devenu irrévocable et qu'à la suite de l'appel des sociétés Mad studio et [Localité 6] publication, seule leur condamnation à garantir, à hauteur de 50% chacune, la société SCCV [Localité 6] côté bassin se trouve limitée à la somme de 6 670,30 euros.




Soc. 4 juin 2025 n° 23-21.702

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
HE1


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 4 juin 2025



Rejet

Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 588 F-D
Pourvoi n° Q 23-21.702



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 JUIN 2025
La société Agir recouvrement, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 23-21.702 contre l'arrêt rendu le 14 septembre 2023 par la cour d'appel d'Angers (chambre sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [I] [B], domicilié [Adresse 2],
2°/ à France travail, dont le siège est [Adresse 3], anciennement dénommé Pôle emploi,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Maitral, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Agir recouvrement, de la SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, avocat de M. [B], après débats en l'audience publique du 5 mai 2025 où étaient présentes Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Maitral, conseiller référendaire rapporteur, Mme Douxami, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 14 septembre 2023), M. [B], engagé en qualité d'attaché commercial par la société Agir recouvrement le 22 mars 1999, occupait en dernier lieu les fonctions de délégué commercial.
2. Après avoir été mis en cause par huit salariées pour des faits de harcèlement sexuel et moral commis à leur encontre, il a signé, à l'issue d'un entretien du 2 mars 2004, un document intitulé « protocole transactionnel », aux termes duquel il était convenu entre les parties de la suspension de son contrat de travail sans rémunération jusqu'au 2 avril 2004 inclus et qu'il s'engageait à « consulter les praticiens afin de suivre les soins lui permettant de rétablir sa santé physique, psychique et mentale », l'employeur précisant qu'il ne « tolérerait aucune dérive, incartade ou récidive et que tout manquement serait sanctionné par un licenciement immédiat pour faute grave. »
3. Aux termes d'une visite médicale du 19 avril 2004, le médecin du travail a déclaré le salarié apte à la reprise de son poste.
4. Le 21 avril 2004, le salarié a été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement.
5. Licencié pour faute grave le 3 mai 2004, il a saisi la juridiction prud'homale notamment de demandes en contestation de la rupture de son contrat de travail.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
6. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et de le condamner à verser au salarié diverses sommes à titre de rappel de salaire correspondant à la mise à pied conservatoire du 21 avril au 3 mai 2004, d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents, d'indemnité conventionnelle de licenciement, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de rappel de salaire pour la journée du 20 avril 2004, congés payés inclus, et de lui ordonner de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage dans la limite de trois mois d'indemnités, alors « que c'est la volonté de l'employeur de sanctionner un comportement du salarié qui est déterminante pour qualifier de sanction une de ses décisions ; que ne constitue pas une sanction disciplinaire la suspension temporaire du contrat de travail décidée, non pas unilatéralement par l'employeur, mais d'un commun accord avec le salarié, dans le but, non de le punir, mais dans l'intérêt de la sécurité et de la santé de ce salarié, ainsi que de celles de ses collègues ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que la convention conclue entre l'employeur et M. [B] le 2 mars 2004 visait à ce qu'ils s'accordent sur les mesures de prévention à prendre à la suite des faits de harcèlement imputés au salarié et mentionnés comme reconnus par ce dernier, le salarié ayant pris l'engagement de se soigner pendant une suspension de son contrat de travail prévue pour un mois ; qu'en jugeant que cette mesure, en ce qu'elle affectait la présence et la rémunération du salarié, s'analysait comme une sanction disciplinaire sans que l'accord du salarié modifie cette qualification, quand il résultait de ses propres constatations que la suspension du contrat de travail avait été décidée d'un commun accord et avec l'intention de préserver la santé et la sécurité des salariés, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé la volonté de l'employeur de sanctionner M. [B] en suspendant son contrat de travail à compter du 2 mars 2004, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-40 devenu L. 1331-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
7. Aux termes de l'article L. 1331-1 du code du travail, constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par lui comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.
8. Il en résulte qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à double sanction.
9. La cour d'appel a constaté, d'abord, que le protocole litigieux mentionnait que, selon la société, les agissements imputés au salarié caractérisaient une faute grave qui justifierait un licenciement immédiat, mais que celle-ci acceptait de suspendre le contrat de travail pour une durée d'un mois avec privation de rémunération et restitution des matériels mis à sa disposition et, ensuite, que cette mesure avait été mise en oeuvre par l'employeur, puisqu'il résultait des bulletins de paie produits que le salarié avait effectivement privé de sa rémunération du 3 mars au 4 avril 2004, aucune régularisation à ce titre n'étant intervenue suite au licenciement.
10. Elle a, enfin, relevé que les faits reprochés à l'intéressé dans la lettre de licenciement étaient identiques à ceux présentés dans le protocole du 2 mars 2004.
11. Elle en a exactement déduit, d'une part, que la mesure de suspension du contrat de travail, en ce qu'elle affectait la présence et la rémunération du salarié, s'analysait comme une mise à pied disciplinaire sanctionnant les faits de harcèlement sexuel et moral dont s'étaient plaintes ses collègues, l'accord du salarié et l'engagement pris de se soigner pendant la suspension de son contrat de travail n'étant pas de nature à modifier cette qualification, d'autre part, que l'employeur avait ainsi épuisé son pouvoir disciplinaire de sorte que le licenciement prononcé pour les mêmes faits était dénué de cause réelle et sérieuse.
12. Le moyen n'est donc pas fondé.




Civ.1 4 juin 2025 n° 24-10.698

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
IJ


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 4 juin 2025



Cassation partielle

Mme CHAMPALAUNE, président


Arrêt n° 391 F-D
Pourvoi n° Z 24-10.698



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 4 JUIN 2025
La société Terra Loti, société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU), dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° Z 24-10.698 contre l'arrêt rendu le 27 octobre 2023 par la cour d'appel de Nîmes (4e chambre commerciale), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Gedimat saint paulienne de gestion, société à responsabilité limitée (SARL), dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à la société SBCMG, société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL), dont le siège est [Adresse 2], prise en la personne de M. [Y] [D], en qualité de mandataire judiciaire de la société Sogebat,
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Jessel, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société Terra Loti, de la SCP Boucard- Capron-Maman, avocat de la société Gedimat saint paulienne de gestion, et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 avril 2025 où étaient présents Mme Champalaune, président, M. Jessel, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tifratine, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 27 octobre 2023), en 2017, la société Terra Loti (le maître de l'ouvrage), a entrepris une opération immobilière dont elle a confié les travaux de gros-oeuvre à la société Sogebat (l'entrepreneur).
2. Par acte du 1er septembre 2017, le maître de l'ouvrage a accepté que l'entrepreneur délègue sa créance à son fournisseur, la société Gedimat saint paulienne de gestion (le fournisseur) pour garantir le paiement des factures de fourniture de matériaux.
3. Le chantier ayant été abandonné en raison de la défaillance de l'entrepreneur, le maître de l'ouvrage a, par lettre du 8 juin 2018, informé le fournisseur de la rupture de la convention de délégation de créance, estimant qu'il ne lui devait aucune somme complémentaire à compter du 27 avril 2018.
4. Le 19 septembre 2018, l'entrepreneur a été placé en liquidation judiciaire.
5. Le fournisseur a assigné le maître de l'ouvrage en paiement de la somme de 25 138,33 euros au titre d'une facture du 31 mai 2018, avec intérêts à compter du 23 mai 2018, en se fondant sur la délégation de paiement à titre principal et, subsidiairement, sur un enrichissement injustifié.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. Le maître de l'ouvrage fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au fournisseur la somme de 20 138,33 euros, outre les intérêts à compter du 1er juillet 2018 au taux appliqué par la banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage, alors « que l'action de in rem verso présente un caractère subsidiaire et ne peut être admise qu'à défaut de toute autre action ouverte au demandeur ou qui se heurte à un obstacle de droit ; qu'en l'espèce, l'arrêt a constaté qu'il existait un contrat de délégation de paiement entre les parties qui prévoyait que le fournisseur devait transmettre chaque mois au maître d'ouvrage un double de la facture adressée à l'entrepreneur et les bons de livraison correspondant, à défaut de quoi le maître d'ouvrage était libéré de ses obligations à l'égard du fournisseur et les fournitures demeuraient la propriété du premier ; qu'une action sur le fondement contractuel était donc ouverte à la société Gedimat pour le paiement d'une facture en date du 31 mai 2018, soit pendant la période contractuelle ; que la cour d'appel a cependant constaté que la facture litigieuse émise le 31 mai 2018 est relative à des matériaux livrés antérieurement à la résiliation de la convention de paiement direct mais dont il n'est pas établi qu'elle ait adressé au maître de l'ouvrage autrement que par le courrier du conseil du fournisseur du 26 juin 2018 de sorte que les conditions d'exercice de l'action en paiement direct n'étaient pas réunies dès lors que le maître de l'ouvrage ne se trouvait pas débiteur de l'entrepreneur principal lorsque le fournisseur a sollicité le paiement direct des matériaux ; qu'il en résultait que la demande de paiement de la facture établie pendant la période contractuelle s'inscrivait dans le cadre contractuel défini par les parties, mais que l'action en exécution contractuelle se heurtait à un obstacle de droit résultant de l'exécution de la convention et de ce que la facture n'avait pas été transmise en temps utile au maître d'ouvrage qui se trouvait ainsi libéré de ses obligations, ce qui s'opposait donc à l'action de in rem verso ; qu'en retenant néanmoins que le caractère subsidiaire de l'action ne pouvait être opposé au fournisseur, la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations, a méconnu l'article 1303-3 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1303-3 du code civil :
7. Aux termes de ce texte, l'appauvri n'a pas d'action sur ce fondement lorsqu'une autre action lui est ouverte ou se heurte à un obstacle de droit, tel que la prescription.
8. Il en résulte que l'appauvrissement et l'enrichissement, qui trouvent leur cause dans une convention conclue entre les parties, ne peuvent ouvrir droit à indemnité sur le fondement d'un enrichissement injustifié et que l'exercice subsidiaire de l'action de in rem verso ne peut pallier la carence de l'appauvri dans l'administration de la preuve d'une créance due en application de cette convention.
9. Pour condamner le maître de l'ouvrage au paiement de la somme de 20 138,33 euros au fournisseur, l'arrêt retient, d'une part, que, si la convention de délégation de paiement impose la communication, au maître d'ouvrage, des factures de fourniture de matériels, cette exigence n'est pas une condition de validité de la convention mais une simple formalité destinée à établir la bonne exécution des obligations du fournisseur, d'autre part, que, si la facture litigieuse émise le 31 mai 2018 est relative à des matériaux livrés antérieurement à la résiliation de la convention de paiement direct, la lettre de résiliation du 8 juin 2018 n'en fait pas état, de sorte qu'il n'est pas établi qu'elle a été adressée au maître de l'ouvrage autrement que par la lettre du conseil du fournisseur du 26 juin 2018 et, enfin, que le maître de l'ouvrage, resté en possession des matériaux impayés, s'est enrichi de manière injustifiée.
10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.




Civ.1 4 juin 2025 n° 24-10.764

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
LM


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 4 juin 2025



Cassation partielle

Mme CHAMPALAUNE, président


Arrêt n° 404 F-D
Pourvoi n° W 24-10.764





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 4 JUIN 2025

M. [S] [P], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° W 24-10.764 contre l'arrêt rendu le 12 décembre 2023 par la cour d'appel de Riom (première chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [X] [E], domicilié [Adresse 1],
2°/ à la société Autosprinter [Localité 4], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Kass-Danno, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [P], de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Autosprinter Marseille, après débats en l'audience publique du 8 avril 2025 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Kass-Danno, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tifratine, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 12 décembre 2023), le 2 janvier 2015, la société NGA Provence, devenue Autosprinter Marseille (la société Autosprinter), a vendu un véhicule à M. [P]. Le 16 janvier 2018, ce dernier l'a revendu à M. [E].
2. Le 30 septembre 2019, se plaignant d'un dysfonctionnement, M. [E] a assigné en référé-expertise M. [P], lequel a assigné, le 15 juin 2020, en extension d'expertise, la société Autosprinter. L'expert judiciaire a déposé son rapport le 20 août 2021.
3. Le 18 octobre 2021, M. [E] a assigné M. [P] sur le fondement de la garantie des vices cachés, en résolution de la vente et en indemnisation.
4. Le 7 janvier 2022, M. [P] a assigné en garantie la société Autosprinter, qui lui a opposé la prescription.
5. Par ordonnance du 10 février 2023, le juge de la mise en état a constaté la prescription de cette action et déclaré irrecevables les demandes de M. [P] contre la société Autosprinter.
Examen du moyen
Sur le moyen relevé d'office
6. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.
Vu les articles 1648, alinéa 1er, et 2232 du code civil :
7. En application de ces textes, l'action en garantie des vices cachés doit être exercée, en matière d'action récursoire, dans les deux ans à compter de l'assignation délivrée au vendeur intermédiaire, même en référé, si elle est accompagnée d'une demande de reconnaissance d'un droit, sans pouvoir dépasser le délai-butoir de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit, lequel est, en matière de garantie des vices cachés, le jour de la vente conclue par la partie recherchée en garantie, de sorte que le délai de prescription de l'article L. 110-4 du code du commerce ne constitue plus un délai encadrant l'action en garantie des vices cachés (Ch. mixte, 21 juillet 2023, pourvois n° 20-10.763, n° 21-19.936 et n° 21-17.789, publiés ; Ch. mixte, 19 juillet 2024, pourvoi n° 22-18.729, publié).
8. Pour déclarer irrecevable comme prescrite l'action formée par M. [P] contre la société Autosprinter, l'arrêt retient que l'action récursoire en garantie des vices cachés, qui doit être exercée dans le délai de deux ans à compter de la découverte du vice, est également soumise au délai de prescription de cinq ans fixé par l'article L. 110-4 du code de commerce, courant à compter de la première vente, soit le 2 janvier 2015, et que M. [P] n'a mis en cause la société Autosprinter que postérieurement à l'expiration de ce délai survenue le 2 janvier 2020.
9. En statuant ainsi, alors, d'une part, que le délai de deux ans n'avait couru qu'à compter de l'assignation en garantie des vices cachés de M. [P] par M. [E] du 18 octobre 2021, en l'absence de demande de reconnaissance d'un droit lors de l'assignation de M. [P] en reféré-expertise, d'autre part, que le délai-butoir de vingt ans, courant à compter de la vente du 2 janvier 2015, n'était pas expiré au jour de l'assignation du 7 janvier 2022 délivrée à la société Autosprinter, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
10. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
11. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
12. Il y a lieu d'infirmer l'ordonnance du 10 février 2023 et de déclarer recevable l'action récursoire exercée par M. [P], dont la prescription a pour point de départ son assignation en garantie des vices cachés par M. [E] du 18 octobre 2021.




Soc. 4 juin 2025 n° 22-11.468

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 4 juin 2025



Rejet

M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 604 F-D
Pourvoi n° V 22-11.468



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 JUIN 2025
La société Ambulances arc en ciel IDF, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 22-11.468 contre l'arrêt rendu le 13 janvier 2022 par la cour d'appel de Versailles (21e chambre), dans le litige l'opposant à M. [P] [M], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Dieu, conseiller, les observations de la SCP Françoise Fabiani - François Pinatel , avocat de la société Ambulances arc en ciel IDF, de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de M. [M], et l'avis écrit de Mme Laulom, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 mai 2025 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Dieu, conseiller rapporteur, Mme Ott, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 13 janvier 2022), M. [M] a été engagé le 17 février 2006 par la société Ambulances arc en ciel IDF (la société) en qualité d'ambulancier. Dans le dernier état de la relation de travail, il était employé en qualité de superviseur.
2. Par lettre du 26 octobre 2015, la société a notifié au salarié son licenciement pour faute lourde. Estimant qu'il bénéficiait du statut protecteur au titre de son mandat de délégué du personnel suppléant, celui-ci a saisi la juridiction prud'homale, le 23 décembre 2015, en nullité de son licenciement à défaut d'autorisation préalable de l'inspection du travail.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses première et quatrième à septième branches, et sur le second moyen
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
Enoncé du moyen
4. La société fait grief à l'arrêt de dire que le salarié était un salarié protégé à la date de son licenciement, de dire que son licenciement prononcé sans autorisation administrative est nul et de nul effet et de la condamner au paiement de diverses sommes à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur, d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés sur préavis, d'indemnité conventionnelle de licenciement, de rappel de salaires et de congés payés sur rappel de salaire, alors :
« 2°/ que seul le procès-verbal des élections professionnelles ou la proclamation des résultats peuvent conférer la qualité de salarié protégé régulièrement élu ; qu'en se fondant, en l'espèce, sur des éléments inopérants, consistant notamment en des témoignages et une note de service falsifiée, pour en déduire que M. [M] bénéficiait du statut protecteur et non sur le contenu du procès-verbal pertinent ou sur la proclamation des résultats non contestés, qui étaient les seuls éléments pertinents pour établir la qualité de salarié protégé alléguée, la cour d'appel a violé, par fausse application, les articles L. 2411-1 et L. 2411-5 du code du travail, et l'article R. 67 du code électoral, ensemble les principes généraux du droit électoral ;
3°/ que pour bénéficier du statut protecteur, le salarié doit rapporter la preuve de son élection, établie à partir du procès-verbal pertinent après proclamation des résultats dont il revendique l'application et, le cas échéant, de sa contestation dans un délai de quinze jours à compter des résultats querellés ; qu'en décidant cependant que M. [M] avait néanmoins la qualité de salarié protégé, sans tirer les conséquences légales de ces constatations, dont il s'inférait que ce dernier ne pouvait de facto avoir une telle qualité puisque l'administration n'avait été destinataire d'aucun procès-verbal en ce sens, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ces constatations et a violé les articles L. 2411-1 et L. 2411-5 du code du travail, ensemble l'article R. 2314-28 du code du travail. »
Réponse de la Cour
5. Il résulte de l'article L. 2411-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2012-1218 du 2 novembre 2012, et de l'article L. 2411-5 du même code, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, que le licenciement d'un délégué du personnel, titulaire ou suppléant ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail.
6. Aux termes de l'article R. 2314-25 du code du travail, dans sa rédaction issue du décret n° 2008-244 du 7 mars 2008, le procès-verbal des élections de délégués du personnel est transmis dans les quinze jours, en double exemplaire, par l'employeur à l'inspecteur du travail.
7. La preuve de l'élection du salarié en qualité de délégué du personnel peut être apportée par tout moyen.
8. Ayant constaté que, si l'inspecteur du travail n'avait pas été rendu destinataire du procès-verbal des élections des délégués du personnel suppléants pour l'année 2013, seul le procès-verbal concernant l'élection des titulaires lui ayant été transmis, la note de service du 25 octobre 2013, dont la falsification invoquée n'était pas établie, mentionnait que le salarié avait été élu délégué du personnel suppléant lors du second tour des élections professionnelles du 24 octobre 2013, que deux témoins attestaient de ce que le nom du salarié figurait en sa qualité de délégué du personnel suppléant sur les panneaux d'affichage de l'entreprise, que postérieurement au licenciement du salarié s'était déroulée, le 21 avril 2016, l'élection partielle d'un délégué du personnel suppléant, le procès-verbal de cette élection faisant référence aux dernières élections des délégués du personnel suppléants du 24 octobre 2013, la cour d'appel, qui a estimé que la preuve de la qualité de délégué du personnel suppléant du salarié était établie, en a exactement déduit qu'il incombait à l'employeur de solliciter l'autorisation de l'inspecteur du travail pour licencier le salarié et qu'à défaut d'autorisation le licenciement était nul.
9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.




Soc. 4 juin 2025 n° 24-13.554

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 4 juin 2025



Cassation

M. BARINCOU, conseiller le plus ancien faisant fonction de président


Arrêt n° 570 F-D
Pourvoi n° D 24-13.554





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 JUIN 2025
1°/ Mme [H] [Y], domiciliée [Adresse 2],
2°/ le syndicat CNT des travailleurs de la santé, du social et des collectivités territoriales de la région parisienne, dont le siège est [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° D 24-13.554 contre l'arrêt rendu le 28 septembre 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 7), dans le litige les opposant à la société People & Baby, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Maitral, conseiller référendaire, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [Y] et du syndicat CNT des travailleurs de la santé, du social et des collectivités territoriales de la région parisienne, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société People & Baby, après débats en l'audience publique du 5 mai 2025 où étaient présents M. Barincou, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Maitral, conseiller référendaire rapporteur, Mme Douxami, conseiller, et Mme Thuillier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 septembre 2023), Mme [Y] a été engagée en qualité d'éducatrice de jeunes enfants le 16 février 2007 par la société People & Baby.
2. Licenciée pour faute grave le 25 mars 2010, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de demandes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.
3. Le syndicat CNT des travailleurs de la santé, du social et des collectivités territoriales de la région parisienne (le syndicat) est intervenu volontairement à l'instance.
Sur le moyen relevé d'office
4. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.
Vu l'article R. 1452-8 du code du travail, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 :
5. Il résulte de ce texte qu'en matière prud'homale, l'instance est périmée lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l'article 386 du code de procédure civile, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction.
6. Pour constater la péremption de l'instance, l'arrêt relève d'abord que, par ordonnance du 24 juin 2011, le bureau de jugement du conseil de prud'hommes a ordonné à la salariée et au syndicat de communiquer leurs pièces et moyens au plus tard le 31 juillet 2011, que ceux-ci étaient représentés à l'audience au cours de laquelle l'ordonnance a été rendue le jour même puis leur a été notifiée par lettre simple le 26 août 2011. Il ajoute que, par ordonnance du 28 novembre 2011, en réalité du 4 octobre 2011, le bureau de jugement du conseil de prud'hommes leur a ordonné de communiquer leurs pièces et moyens au plus tard le 12 janvier 2012, que la salariée et le syndicat étaient représentés à l'audience au cours de laquelle l'ordonnance a été rendue le jour même et que celle-ci leur a également été notifiée par lettre simple le 28 novembre 2011.
7. Il en déduit que, dès l'audience du 24 juin 2011, le syndicat et la salariée étaient informés par le conseil de prud'hommes qu'ils devaient accomplir des diligences, à savoir la communication de leurs pièces et moyens, que le délai de péremption avait commencé à courir le 24 juin 2011 et qu'il avait expiré le 25 juin 2013.
8. Il retient ensuite que ces diligences n'ont été accomplies que le 31 mars 2015, soit après l'expiration du délai de péremption.
9. En statuant ainsi, alors que les décisions des 24 juin et 4 octobre 2011 se bornaient à renvoyer l'affaire à une audience ultérieure, en fixant un calendrier de procédure encadrant les échanges entre les parties, sans mettre expressément à leur charge des diligences de nature à faire courir le délai de péremption, la cour d'appel a violé les textes susvisés.




Soc. 4 juin 2025 n° 24-11.999

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
HE1


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 4 juin 2025



Rejet

M. BARINCOU, conseiller le plus ancien faisant fonction de président


Arrêt n° 593 F-D
Pourvoi n° P 24-11.999



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 JUIN 2025
M. [X] [S], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 24-11.999 contre l'arrêt rendu le 20 décembre 2023 par la cour d'appel de Metz (chambre sociale, section 1), dans le litige l'opposant à la société Lorraine services, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Brinet, conseiller, les observations de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de M. [S], de la SCP Melka - Prigent - Drusch, avocat de la société Lorraine services, après débats en l'audience publique du 5 mai 2025 où étaient présents M. Barincou, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Brinet, conseiller rapporteur, Mme Prieur, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 20 décembre 2023), M. [S] a été engagé en qualité de chef d'agence, à compter du 1er mars 2017, par la société Lorraine services.
2. Le 10 janvier 2019, il a été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable en vue de son licenciement, qui lui a été notifié le 7 février 2019 pour faute lourde.
3. Il a saisi la juridiction prud'homale pour contester la rupture de son contrat de travail.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première à quatrième branches
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en ses cinquième et sixième branches
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire fondé son licenciement pour faute lourde et de le débouter de toutes ses demandes, alors :
« 5°/ que la faute lourde est caractérisée par l'intention de nuire à l'employeur, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d'un acte préjudiciable à l'entreprise ; que, pour dire le licenciement de M. [S] fondé sur une faute lourde, la cour d'appel a relevé que ses actes avaient ''engendré des perturbations importantes dans le fonctionnement de la SAS Lorraine services, tel que cela ressort des échanges de courriels datés du 18 janvier 2019 entre Mme [E] et M. [J]'' et avaient placé ''son ancienne agence en difficulté'' ; qu'en déduisant ainsi la faute lourde de M. [S] de la commission d'un acte préjudiciable à la société Lorraine services, sans caractériser l'intention de lui nuire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3141-26 du code du travail, dans sa rédaction résultant de la décision n° 2015-523 du Conseil constitutionnel du 2 mars 2016 ;
6°/ que la faute lourde est caractérisée par l'intention de nuire à l'employeur, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d'un acte préjudiciable à l'entreprise ; que, pour dire le licenciement de M. [S] fondé sur une faute lourde, la cour d'appel a relevé que ses ''agissements déloyaux [lui] ont permis d'exploiter sa nouvelle société Recrutexpert, située à moins de deux kilomètres de l'agence de Sarrebourg de la société Lorraine services et ce alors qu'il se trouvait encore lié à la SAS Lorraine services par son contrat de travail'' ; qu'en déduisant la faute lourde de M. [S] de l'avantage qu'il avait retiré de ses agissements, sans caractériser l'intention de lui nuire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3141-26 du code du travail, dans sa rédaction résultant de la décision n° 2015-523 du Conseil constitutionnel du 2 mars 2016. »
Réponse de la Cour
6. La cour d'appel a d'abord constaté que le salarié qui ne s'était plus présenté à son poste de travail à compter du 3 janvier 2019, date prévue pour son retour de congés, avait constitué, le 17 décembre 2018, une société directement concurrente, située dans la même ville, dont l'activité avait débuté le 7 janvier 2019.
7. Elle a ensuite relevé, d'une part, qu'il était venu avant le 3 janvier 2019 vider son bureau dans l'agence de [Localité 3] et récupérer des fichiers papier et numériques qui s'y trouvaient, ou sur l'ordinateur de celle-ci, et d'autre part, qu'il était personnellement à l'origine de la suppression ou de la disparition de fichiers numériques comportant la liste des intérimaires et de documents contractuels signés avec les sociétés clientes, dont l'absence avait engendré des perturbations importantes dans le fonctionnement de la société. Elle a ajouté que ces agissements déloyaux avait permis au salarié d'exploiter sa nouvelle société Recrutexpert, située à moins de deux kilomètres de l'agence de [Localité 3] de la société Lorraine services, et ce alors qu'il se trouvait encore lié à cette dernière par son contrat de travail, tout en plaçant son ancienne agence en difficulté.
8. De ces énonciations et constatations, la cour d'appel a exactement déduit que ces éléments démontraient sans ambiguïté l'intention de nuire du salarié à l'égard de son employeur, caractérisant une faute lourde.
9. Le moyen n'est donc pas fondé.





Soc. 4 juin 2025 n° 23-21.298

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 4 juin 2025



Interruption d'instance


M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 602 F-D
Pourvoi n° A 23-21.298
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 JUIN 2025
Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de Meudon Seine et Forêt, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° A 23-21.298 contre le jugement rendu le 31 août 2023 par le président du tribunal judiciaire de Paris, statuant selon la procédure accélérée au fond, dans le litige l'opposant :
1°/ à la société La Poste, dont le siège est [Adresse 3],
2°/ à la société Addeo conseil, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],
défenderesses à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ott, conseiller, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de Meudon Seine et Forêt, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société La Poste, après débats en l'audience publique du 6 mai 2025 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ott, conseiller rapporteur, M. Dieu, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. Il résulte de l'article 370 du code de procédure civile que l'instance est interrompue par le recouvrement ou la perte par une partie de la capacité d'ester en justice. Aux termes de l'article 376 du même code, l'interruption de l'instance ne dessaisit pas le juge qui peut inviter les parties à lui faire part de leurs initiatives en vue de reprendre l'instance et radier l'affaire à défaut de diligences dans le délai par lui imparti.
2. Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de Meudon Seine et forêt s'est pourvu en cassation le 20 septembre 2023 contre un jugement rendu le 31 août 2023 par le tribunal judiciaire de Paris dans une instance l'opposant à la société La Poste. Il a déposé un mémoire ampliatif le 22 janvier 2024.
3. Aux termes de l'article 31-3 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et à France Télécom, dans sa rédaction issue de la loi n° 2022-1449 du 22 novembre 2022, la quatrième partie du code du travail s'applique à l'ensemble du personnel de La Poste, sous réserve des adaptations, précisées par un décret en Conseil d'Etat, tenant compte des dispositions particulières relatives aux fonctionnaires et à l'emploi des agents contractuels.
4. Conformément au III de l'article 2 de la loi n° 2022-1449 du 22 novembre 2022, sous réserve de l'article 3 de ladite loi, ces dispositions entrent en vigueur à compter de la proclamation des résultats des élections aux comités sociaux et économiques à La Poste, et au plus tard le 31 octobre 2024.
5. Aux termes de l'article 3, IV, de la même loi, l'ensemble des biens, droits et obligations, créances et dettes des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de La Poste sont transférés de plein droit et en pleine propriété aux comités sociaux et économiques de La Poste mis en place au terme du mandat en cours des instances précitées, et au plus tard à la date prévue au I de l'article 1er de la présente loi.
6. En vertu de l'article 1er, I, de cette loi, les mandats des membres des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et des comités techniques du personnel de La Poste en cours à la date d'entrée en vigueur de la présente loi sont prorogés jusqu'à la proclamation des résultats des élections aux comités sociaux et économiques à La Poste, et au plus tard jusqu'au 31 octobre 2024. 7. En l'absence de mémoire de reprise d'instance par le comité social et économique depuis lors, l'instance est interrompue et il y a lieu d'impartir aux parties un délai pour effectuer les diligences nécessaires à la reprise de l'instance.




Soc. 4 juin 2025 n° 23-20.837

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 4 juin 2025



Cassation partielle

Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 575 F-D
Pourvoi n° Z 23-20.837

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 JUIN 2025
La société STG Villars-les-Dombes, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5], anciennement dénommée Axe froid, a formé le pourvoi n° Z 23-20.837 contre l'arrêt rendu le 5 juillet 2023 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale A), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [D] [X], domicilié [Adresse 2],
2°/ à Pôle emploi [Localité 3], dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Seguy, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société STG [Localité 4], après débats en l'audience publique du 5 mai 2025 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Seguy, conseiller rapporteur, M. Carillon, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 5 juillet 2023), M. [X] a été engagé en qualité de conducteur routier, le 14 juin 2007, par la société Axe froid, devenue STG Villars-les-Dombes (la société).
2. Le 5 octobre 2015, il a été convoqué à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement, fixé au 13 octobre 2015. Victime d'un accident du travail le 12 octobre 2015, il a été placé en arrêt de travail du 13 au 26 octobre 2015.
3. Licencié pour faute grave par lettre du 6 novembre 2015, il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. La société fait grief à l'arrêt de la condamner à verser au salarié des sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés affé

Réponse de la Cour
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :
5. Pour dire que le licenciement du salarié est dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient notamment que son employeur lui reproche six excès de vitesse de 2 à 4 km/h au dessus de la limite de 90 km/h, commis entre le 18 août et 2 octobre 2015, attestés par le ticket du chronotachygraphe équipant le véhicule de l'entreprise conduit par le salarié et que la société ne démontre pas qu'ils se situaient au-delà de la marge de tolérance appliquée à la vitesse mesurée par radar pour obtenir la vitesse constitutive d'une infraction.
6. En statuant ainsi, alors que, dans la lettre de licenciement, l'employeur reproche au salarié d'avoir conduit le véhicule de l'entreprise, dans le cadre de son travail, le 25 août 2015 à 20h07, à une vitesse de 98 km/h, soit une vitesse supérieure de 8 km/h à la vitesse maximale autorisée de 90 km/h, la cour d'appel, qui a dénaturé ce document clair et précis, a violé le principe susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
7. La cassation des chefs de dispositif déclarant le licenciement du salarié dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamnant la société à lui payer diverses sommes à titre d'indemnité de préavis, outre les congés payés afférents, d'indemnité de licenciement, de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et ordonnant d'office à la société de rembourser à Pôle emploi des indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de trois mois d'indemnisation n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant la société aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par une autre condamnation prononcée à l'encontre de celle-ci.




Crim. 4 juin 2025 n° 24-86.284

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° G 24-86.284 F-D
N° 00764

GM 4 JUIN 2025

CASSATION



M. BONNAL président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 4 JUIN 2025


M. [W] [Y] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 8e chambre, en date du 14 mars 2023, qui, pour usage illicite de stupéfiants, l'a condamné à quatre mois d'emprisonnement.
Un mémoire personnel a été produit.
Sur le rapport de M. Gouton, conseiller, et les conclusions de M. Crocq, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 mai 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Gouton, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [W] [Y] a été poursuivi devant le tribunal correctionnel sous la prévention d'usage illicite de stupéfiants.
3. Par jugement du 7 octobre 2021, le tribunal correctionnel l'a relaxé.
4. Le ministère public a relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen est pris de la violation de l'article 593 du code de procédure pénale.
6. Il critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [Y] coupable du délit d'usage de stupéfiants commis le 6 octobre 2021, alors que la cour d'appel, en énonçant que, d'une part, ces faits sont établis par les explications de l'intéressé, qui a cependant nié un tel usage à la date considérée, sur la fréquence de sa consommation et sur la destination du produit découvert à son domicile, d'autre part, à supposer qu'il n'ait pas fait usage de stupéfiants le jour en question, il a été poursuivi pour des faits commis, en tout cas, depuis un temps non couvert par la prescription, a prononcé par des motifs insuffisants et contradictoires.
Réponse de la Cour
Vu l'article 388 du code de procédure pénale :
7. Il résulte de ce texte que les juges ne peuvent statuer que sur les faits dont ils sont saisis par la citation ou par l'ordonnance de renvoi, à moins que le prévenu n'accepte expressément d'être jugé sur des faits distincts de ceux visés à la prévention.
8. Pour déclarer M. [Y], poursuivi pour usage de stupéfiants commis le 6 octobre 2021, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, coupable de ce délit commis courant octobre 2021, du moins par temps non prescrit, l'arrêt attaqué rappelle tout d'abord que l'intéressé, chez qui du cannabis a été saisi à l'occasion d'une perquisition à son domicile, le 6 octobre 2021, a déclaré que ce produit était destiné à sa consommation personnelle mais a contesté avoir fait usage de stupéfiant à cette date.


9. Les juges relèvent l'ancienneté et la fréquence de cette consommation et ajoutent que, à supposer que le prévenu n'ait pas fait usage de stupéfiants à la date du 6 octobre 2021 visée à la prévention, la poursuite concerne de tels faits commis, en tout cas, depuis temps non couvert par la prescription.
10. En se déterminant ainsi, au surplus par des motifs hypothétiques, alors que l'adjonction, à la circonstance de temps indiquée dans la prévention, de la mention « depuis temps non couvert par la prescription » n'a d'autre signification que d'affirmer que les faits de la poursuite ne sont pas prescrits et n'a aucune conséquence sur l'étendue de la saisine de la juridiction dans le temps, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé.
11. La cassation est par conséquent encourue.




Soc. 4 juin 2025 n° 23-21.297

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 4 juin 2025



Interruption d'instance

M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 601 F-D
Pourvoi n° Z 23-21.297

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 JUIN 2025
Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de [Localité 6], dont le siège est [Adresse 1], [Localité 6], a formé le pourvoi n° Z 23-21.297 contre le jugement rendu le 31 août 2023 par le président du tribunal judiciaire de Paris, statuant selon la procédure accélérée au fond, dans le litige l'opposant :
1°/ à la société La Poste, société anonyme, dont le siège est [Adresse 5], [Localité 4],
2°/ à la société Addeo conseil, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 3],
défenderesses à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ott, conseiller, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de [Localité 6], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société La Poste, après débats en l'audience publique du 6 mai 2025 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ott, conseiller rapporteur, M. Dieu, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. Il résulte de l'article 370 du code de procédure civile que l'instance est interrompue par le recouvrement ou la perte par une partie de la capacité d'ester en justice. Aux termes de l'article 376 du même code, l'interruption de l'instance ne dessaisit pas le juge qui peut inviter les parties à lui faire part de leurs initiatives en vue de reprendre l'instance et radier l'affaire à défaut de diligences dans le délai par lui imparti.
2. Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de [Localité 6] s'est pourvu en cassation le 20 septembre 2023 contre un jugement rendu le 31 août 2023 par le tribunal judiciaire de Paris dans une instance l'opposant à la société La Poste. Il a déposé un mémoire ampliatif le 22 janvier 2024.
3. Aux termes de l'article 31-3 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et à France Télécom, dans sa rédaction issue de la loi n° 2022-1449 du 22 novembre 2022, la quatrième partie du code du travail s'applique à l'ensemble du personnel de La Poste, sous réserve des adaptations, précisées par un décret en Conseil d'Etat, tenant compte des dispositions particulières relatives aux fonctionnaires et à l'emploi des agents contractuels.
4. Conformément au III de l'article 2 de la loi n° 2022-1449 du 22 novembre 2022, sous réserve de l'article 3 de ladite loi, ces dispositions entrent en vigueur à compter de la proclamation des résultats des élections aux comités sociaux et économiques à La Poste, et au plus tard le 31 octobre 2024.
5. Aux termes de l'article 3, IV, de la même loi, l'ensemble des biens, droits et obligations, créances et dettes des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de La Poste sont transférés de plein droit et en pleine propriété aux comités sociaux et économiques de La Poste mis en place au terme du mandat en cours des instances précitées, et au plus tard à la date prévue au I de l'article 1er de la présente loi.
6. En vertu de l'article 1er, I, de cette loi, les mandats des membres des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et des comités techniques du personnel de La Poste en cours à la date d'entrée en vigueur de la présente loi sont prorogés jusqu'à la proclamation des résultats des élections aux comités sociaux et économiques à La Poste, et au plus tard jusqu'au 31 octobre 2024.
7. En l'absence de mémoire de reprise d'instance par le comité social et économique depuis lors, l'instance est interrompue et il y a lieu d'impartir aux parties un délai pour effectuer les diligences nécessaires à la reprise de l'instance.




Crim. 4 juin 2025 n° 24-86.451

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° Q 24-86.451 F-D
N° 00767

GM 4 JUIN 2025

CASSATION

M. BONNAL président,






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 4 JUIN 2025

MM. [S] [U], [T] [D], [H] [C], ainsi que M. [L] [J], partie civile, ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-9, en date du 4 octobre 2024, qui, dans la procédure suivie contre les trois premiers du chef de contravention de violences, a prononcé sur les intérêts civils.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Tessereau, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de MM. [S] [U], [T] [D], [H] [C], [L] [J], et les conclusions de M. Crocq, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 mai 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Tessereau, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. MM. [S] [U], [T] [D], [H] [C], [G] [Y], [N] [Z] et Mme [O] [A] ont été poursuivis devant le tribunal de police du chef de contravention de violences.
3. Mme [A] et MM. [Y], [Z], [D], [C], et M. [L] [J], se sont constitués partie civile.
4. Les juges du premier degré ont relaxé Mme [A], MM. [Y] et [Z], déclaré MM. [D], [U] et [C] coupables, condamné chacun d'eux à 250 euros d'amende, et prononcé sur les intérêts civils.
5. MM. [D], [U], et [C] ont relevé appel du dispositif pénal et civil de cette décision, et M. [J] a formé appel sur le dispositif civil.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a constaté que les appels portent sur les dispositions civiles du jugement, en conséquence, a statuant sur l'action civile, infirmé sur la recevabilité de la constitution de partie civile de M. [U] et statuant à nouveau déclaré irrecevable sa constitution de partie civile, a dit que MM. [Y], [Z] et [A] n'ont pas commis de faute civile de violences contraventionnelles sans ITT engageant leur responsabilité, et a débouté, MM. [D], [C] et [J] de leurs demandes de dommages et intérêts, alors « que l'appel des jugements de police est porté devant le président de la chambre des appels correctionnels, siégeant à juge unique ; que l'arrêt qui n'est pas rendu par le nombre de juge prescrit est entaché de nullité ; que l'arrêt attaqué mentionne que la cour d'appel était composée de trois magistrats, Mme Reygrobellet, présidente, et Mmes Harel Dutirou et Barriera, conseillères, cependant qu'en cet état, la cour d'appel, qui était saisie de l'appel d'un jugement du tribunal de police, a violé les articles 547, 591 et 592 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 547 du code de procédure pénale :



7. Il résulte de ce texte que l'appel des jugements de police est porté devant le président de la chambre des appels correctionnels, siégeant à juge unique.
8. L'arrêt attaqué mentionne que la juridiction était composée de trois magistrats.
9. Il s'ensuit que la cour d'appel, qui était saisie de l'appel d'un jugement du tribunal de police, a méconnu le texte susvisé.
10. La cassation est par conséquent encourue.




Soc. 4 juin 2025 n° 23-11.435

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 4 juin 2025



Cassation

Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 577 F-D

Pourvois n° A 23-11.431 B 23-11.432 C 23-11.433 D 23-11.434 E 23-11.435 JONCTION





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 JUIN 2025
1°/ M. [P] [K], domicilié [Adresse 4],
2°/ M. [S] [Z], domicilié [Adresse 2],
3°/ Mme [T] [U], domiciliée [Adresse 3],
4°/ M. [J] [Y], domicilié [Adresse 6],
5°/ M. [O] [N], domicilié [Adresse 1],
ont formé respectivement les pourvois n° A 23-11.431, B 23-11.432, C 23-11.433, D 23-11.434 et E 23-11.435 contre cinq arrêts rendus le 30 novembre 2022 par la cour d'appel de Limoges (chambre économique et sociale), dans les litiges les opposant :
1°/ au département de la Corrèze, collectivité territoriale, domicilié [Adresse 9],
2°/ à la société LGA, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 5], prise en qualité de mandataire liquidateur de l'association ADDIAM Corrèze (Agence départementale de développement des initiatives artistiques et de médiation),
3°/ à l'UNEDIC délégation AGS-CGEA de [Localité 8], dont le siège est [Adresse 7],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de chacun de leur pourvoi, deux moyens de cassation.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de M. Carillon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de MM. [K], [Z], Mme [U] et de MM. [Y] et [N], de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat du département de la Corrèze, après débats en l'audience publique du 5 mai 2025 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Carillon, conseiller référendaire rapporteur, M. Seguy, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° A 23-11.431 à E 23-11.435 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon les arrêts attaqués (Limoges, 30 novembre 2022), et les productions, MM. [K], [Z], Mme [U] et MM. [Y] et [N] étaient salariés de l'Agence départementale de développement des initiatives artistiques et de médiation (l'association), association créée en 1985 à l'initiative du département de la Corrèze, avec pour objet pour le développement et la structuration de la vie musicale, chorégraphique et théâtrale départementale et des arts vivants plus largement.
3. Après que le conseil départemental eut créé un service culture et patrimoine en son sein et n'eut pas renouvelé sa dotation de fonctionnement en faveur de l'association pour l'année 2016, celle-ci a fait l'objet, par jugement du 4 janvier 2016, d'une procédure de redressement judiciaire, convertie le 13 janvier 2016, en liquidation judiciaire, la société Pimouguet-Leuret-Devos-Bot, aux droits de laquelle est venue la société LGA, étant désignée en qualité de liquidateur.
4. Le 25 janvier 2016, le liquidateur a notifié à l'ensemble des salariés de l'association leur licenciement pour motif économique. Les salariés, à l'exception de M. [Y], ont adhéré au contrat de sécurisation professionnelle qui leur avait été proposé.
5. Contestant la rupture de leur contrat de travail et faisant valoir que leurs contrats de travail devaient se poursuivre avec le département qui avait, selon eux, poursuivi l'activité anciennement exercée par l'association, les salariés ont saisi la juridiction prud'homale pour obtenir notamment leur réintégration au sein des services départementaux.
6. Le liquidateur et l'UNEDIC, délégation AGS-CGEA de [Localité 8], sont intervenus à l'instance.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
7. Les salariés font grief aux arrêts de juger que leurs contrats de travail n'ont pas été transférés de plein droit au sein du département de la Corrèze et de les débouter de l'ensemble de leurs demandes, alors « que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, pour juger que le département de Corrèze n'avait pas repris toutes les activités de l'association, la cour d'appel a relevé que, concernant le "Schéma départemental des Enseignements Artistiques, Musique-Danse-Théâtre : cette activité n'a pas été reprise s'agissant de la danse et du théâtre et a été modifiée pour les autres enseignements" ; qu'en statuant ainsi sans examiner le rapport du président du conseil départemental de Corrèze du 24 février 2017 dont il ressortait que le département avait repris l'activité d'élaboration du schéma départemental des enseignements artistiques dans sa totalité, y compris pour la danse et le théâtre, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »


Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
8. Il résulte de ce texte que les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions.
9. Pour débouter les salariés de leurs demandes, les arrêts retiennent, concernant le « Schéma départemental des Enseignements Artistiques, Musique-Danse-Théâtre », que cette activité n'a pas été reprise par le département s'agissant de la danse et du théâtre et a été modifiée pour les autres enseignements.
10. En statuant ainsi, sans examiner le rapport du président du conseil départemental de Corrèze du 24 février 2017 dont il ressortait que le département avait repris l'activité d'élaboration du schéma départemental des enseignements artistiques dans sa totalité, y compris pour la danse et le théâtre, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
Sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche
Enoncé du moyen
11. Les salariés font le même grief aux arrêts, alors « que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, pour juger que le département de Corrèze n'avait pas repris toutes les activités de l'ADDIAM, la cour d'appel a relevé que, concernant l' "instruction des dossiers Musique, Danse, Théâtre, Cinéma et Arts Plastiques pour le Conseil culturel départemental", "cette activité a été reprise mais de manière limitée et partielle. L'instruction technique des dossiers de demande de subvention était examinée par le conseil culturel départemental. Or, ce conseil culturel n'existe plus et les subventions sont attribuées, directement par l'assemblée délibérante" ; qu'en statuant ainsi sans examiner le rapport du 25 mars 2016 du président du conseil départemental qui indiquait que le département était désormais en charge de l'instruction des dossiers de demandes de subvention, ce dont il s'évinçait que le département avait bien repris l'activité d'instruction des dossiers de subvention antérieurement confiée à l'association, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
12. Il résulte de ce texte que les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions.
13. Pour débouter les salariés de leurs demandes, les arrêts retiennent encore, concernant l'« instruction des dossiers Musique, Danse, Théâtre, Cinéma et Arts Plastiques pour le Conseil culturel départemental », que cette activité a été reprise mais de manière limitée et partielle dès lors que l'instruction technique des dossiers de demande de subvention était examinée par le conseil culturel départemental et que ce conseil culturel n'existe plus, les subventions étant attribuées, directement par l'assemblée délibérante.
14. En statuant ainsi, sans examiner le rapport du 25 mars 2016 du président du conseil départemental qui indiquait que le département était désormais en charge de l'instruction des dossiers de demandes de subvention, ce dont il résultait que le département avait repris cette activité antérieurement confiée à l'association, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
Et sur le premier moyen, pris en sa huitième branche
Enoncé du moyen
15. Les salariés font le même grief aux arrêts, alors « qu'en déboutant les salariés de leurs demandes, motif pris que "le Département n'organise plus le festival de musique de Sédières et utilise seulement le site du château de Sédières, sa propriété depuis 1965, qu'il loue à des intervenants extérieurs, pour accueillir toutes sortes de manifestations", cependant qu'il s'inférait de cette constatation que le département avait repris le site du château de Sédières pour y exercer des activités de même nature que celles auparavant assumées par l'association, ce dont il résultait le transfert d'une entité économique autonome poursuivant son activité et ayant conservé son identité, la cour d'appel a violé les articles L. 1224-1 et L. 1224-3 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1224-1 du code du travail :
16. Aux termes de ce texte, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.
17. Ce texte, interprété à la lumière de la directive n° 2001/23/CE du 12 mars 2001, ne s'applique qu'en cas de transfert d'une entité économique autonome qui conserve son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise. Constitue une entité économique autonome un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels poursuivant un objectif économique propre. Le transfert d'une telle entité ne s'opère que si des moyens corporels ou incorporels significatifs et nécessaires à l'exploitation de l'entité sont repris, directement ou indirectement, par un autre exploitant.
18. L'existence d'une entité économique autonome est indépendante des règles d'organisation, de fonctionnement et de gestion du service exerçant une activité économique.
19. Pour débouter les salariés de leurs demandes, les arrêts, après avoir constaté que l'association prenait en charge la programmation du festival de [10], avec la direction technique, l'accueil des artistes et la gestion de la cantine du festival, retiennent que le département n'organise plus le festival de musique de [10] et utilise seulement le site du château dont il est propriétaire, qu'il loue à des intervenants extérieurs.
20. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le département avait poursuivi l'organisation de manifestations culturelles sur le domaine de Sédières, peu important la mise en place de nouvelles méthodes d'exploitation de cette activité, la cour d'appel a violé le texte susvisé.




Soc. 4 juin 2025 n° 23-18.185 B

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 4 juin 2025



Rejet

M. BARINCOU, conseiller le plus ancien faisant fonction de président


Arrêt n° 594 F-B
Pourvoi n° S 23-18.185
Aide juridictionnelle totale en défense au profit de Mme [B]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 19 août 2023.




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 JUIN 2025
La société Entreprise Guy Challancin, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° S 23-18.185 contre l'arrêt rendu le 11 mai 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 8), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [Z] [B], domiciliée [Adresse 2],
2°/ à la société Poly Prest Europe, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Prieur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Entreprise Guy Challancin, de Me Isabelle Galy, avocat de Mme [B], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Poly Prest Europe, après débats en l'audience publique du 5 mai 2025 où étaient présents M. Barincou, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Prieur, conseiller référendaire rapporteur, Mme Brinet, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 mai 2023), Mme [B] a été engagée en qualité d'agent de service sur le marché de prestation de nettoyage industriel du site « Chancellerie La Sorbonne », son contrat de travail ayant été transféré à la société Poly Prest Europe, le 1er octobre 2012 avec reprise d'ancienneté au 1er juillet 1988.
2. Le 1er décembre 2015, le marché a été repris par la société Entreprise Guy Challancin (la société Challancin) qui a refusé, le 25 novembre 2015, de transférer la salariée au sein de ses effectifs.
3. Ayant été déclarée inapte à la reprise de son poste le 31 mars 2016, la société Poly Prest Europe lui a notifié, le 11 mai 2016, son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
4. Contestant la rupture du lien contractuel par l'entreprise sortante ainsi que le refus par l'entreprise entrante de reprendre son contrat et sollicitant sa réintégration, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de demandes dirigées à l'encontre des deux sociétés.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses troisième à sixième branches
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
6. La société Challancin fait grief à l'arrêt de constater que le licenciement de la salariée était privé d'effet, en l'état du transfert de son contrat de travail en date du 1er décembre 2015 au sein de cette société, de la condamner à lui payer diverses sommes à titre de reliquat d'indemnité de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors :
« 1°/ que sont exclus de la garantie d'emploi des salariés en cas de changement de prestataire prévue par les articles 7 et suivants de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011, dans leur rédaction antérieure à l'avenant n° 12 du 17 juillet 2018, les salariés absents depuis au moins quatre mois ou plus à la date d'expiration du contrat, ce délai étant apprécié non pas de manière calendaire mais en mois de travail effectif ; qu'en cas d'absence due à la prise de congés payés, un mois de travail effectif équivaut, conformément à l'article L. 3141-4 du code du travail, à vingt-quatre jours ; qu'en l'espèce, ayant succédé, à compter du 1er décembre 2015, à la société Poly Prest Europe, sur le chantier de prestations de nettoyage des locaux dénommés ''Chancellerie La Sorbonne'', la société Entreprise Guy Challancin justifiait son refus de reprendre le contrat de travail de Mme [B], qui était affectée sur ledit marché, par le fait que cette salariée était absente depuis quatre mois au jour de la reprise du marché ainsi qu'en attestaient son bulletin de paie d'août 2015 qui visait une période de congés payés de 24 jours et ses bulletins de paie suivants qui se référaient, de manière continue, à des absences pour congés payés puis pour maladie ; qu'en jugeant qu'au jour de la reprise du marché, le 1er décembre 2015, l'absence de la salariée n'était pas égale ou supérieure à quatre mois, au prétexte qu'elle avait été en congés payés pendant 24 jours au mois d'août 2015, cependant qu'une telle durée étant équivalente à un mois de travail effectif, la condition d'absence depuis au moins quatre mois ou plus était, à cette date, effectivement satisfaite, la cour d'appel a violé les articles 7 et suivants de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011, dans leur rédaction antérieure à l'avenant n° 12 du 17 juillet 2018, ensemble l'article L. 3141-4 du code du travail ;
2°/ qu'en cas de reprise d'un marché, les entreprises de propreté s'engagent à garantir l'emploi de 100 % du personnel affecté au marché faisant l'objet de la reprise, à la condition, notamment que le salarié ne soit pas absent depuis quatre mois ou plus à la date d'expiration du contrat ; que cette durée est comptabilisée à compter du dernier jour travaillé, le repos hebdomadaire suivant ce dernier jour étant comptabilisé, le cas échéant, dans la durée de l'absence ; qu'en se déterminant, pour apprécier si la salariée avait été absente quatre mois ou plus au jour de la reprise de marché, au regard du premier jour de congé, soit le lundi 3 août, et non pas au regard du dernier jour travaillé, la cour d'appel a violé les articles 7 et suivants de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011, dans leur rédaction antérieure à l'avenant n° 12 du 17 juillet 2018, ensemble l'article L. 3141-4 du code du travail. »
Réponse de la Cour
7. Aux termes de l'article 7.2 de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011, dans sa rédaction antérieure à l'avenant n° 12 du 17 juillet 2018, le nouveau prestataire s'engage à garantir l'emploi de 100 % du personnel affecté au marché faisant l'objet de la reprise qui remplit les conditions suivantes : B. - Être titulaire : a) Soit d'un contrat à durée indéterminée et, - justifier d'une affectation sur le marché d'au moins 6 mois à la date d'expiration du contrat commercial ou du marché public ; - ne pas être absent depuis 4 mois ou plus à la date d'expiration du contrat. A cette date, seules les salariées en congé maternité seront reprises sans limitation de leur temps d'absence. La totalité de la durée de l'absence sera prise en compte, congé de maternité compris, pour l'appréciation de cette condition d'absence de 4 mois ou plus, dans l'hypothèse où la salariée ne serait pas en congé de maternité à la date d'expiration du contrat commercial ou du marché public.
8. Aux termes de l'article 641, alinéa 2, du code de procédure civile, lorsqu'un délai est exprimé en mois ou en années, ce délai expire le jour du dernier mois ou de la dernière année qui porte le même quantième que le jour de l'acte, de l'événement, de la décision ou de la notification qui fait courir le délai. A défaut d'un quantième identique, le délai expire le dernier jour du mois.
9. Il en résulte que l'absence d'un salarié depuis plus de quatre mois à la date d'expiration du contrat commercial ou du marché public, quelle qu'en soit la cause, sauf salariées en congé maternité, fait obstacle à sa reprise par l'entreprise entrante, cette condition étant calculée en mois calendaire à compter du premier jour de congés payés.
10. La cour d'appel a retenu, dans le cadre de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, que la salariée avait été en congés payés pendant 24 jours au mois d'août 2015, à compter du 3 août et non la totalité du mois, puis en arrêt maladie ensuite.
11. Elle en a exactement déduit qu'à la date de reprise du marché, le 1er décembre 2015, son absence n'était pas égale ni supérieure à quatre mois, de sorte que son contrat de travail devait être repris par la société Challancin.
12. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le moyen, pris en sa septième branche
Enoncé du moyen
13. La société Challancin fait le même grief à l'arrêt, alors « que le transfert des contrats de travail prévu par la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés ne s'opérant pas de plein droit et étant subordonné à l'accomplissement des diligences prescrites par cet accord, lorsque les conditions d'application de l'article L. 1224-1 du code du travail ne sont pas remplies, le manquement de l'entrepreneur entrant aux diligences que l'accord met à sa charge fait obstacle au changement d'employeur ; que dès lors, en jugeant que le licenciement de Mme [B] était privé d'effet, en l'état du transfert de son contrat de travail en date du 1er décembre 2015 au sein de la société Entreprise Guy Challancin, la cour d'appel a violé les articles 7 et suivants de ladite convention collective, ensemble l'article L. 1224-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
14. Il résulte de l'article 7 de la convention collective nationale des entreprises de propreté
15. D'abord, la cour d'appel, après avoir retenu que la salariée remplissait les conditions prévues par les dispositions conventionnelles puisqu'elle était absente depuis moins de quatre mois lors de la reprise effective du marché, en a exactement déduit qu'elle était fondée à se prévaloir de la reprise de son contrat de travail par l'entreprise entrante à compter du 1er décembre 2015 et que le licenciement dont elle avait fait l'objet par l'entreprise sortante, était privé d'effet.
16. Ensuite, ayant relevé que la salariée ne sollicitait pas sa réintégration dans les effectifs de l'entreprise entrante puisque sa demande de « réintégration » à compter du 1er décembre 2015 jusqu'à son licenciement n'avait pas pour elle la finalité de reprendre son poste, la cour d'appel en a exactement déduit que le refus par l'entreprise entrante de poursuivre le contrat de travail en violation des dispositions conventionnelles s'analysait en une rupture de fait de la relation de travail, intervenue sans respect de la procédure de licenciement et sans motif notifié à l'intéressée, produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
17. Le moyen n'est donc pas fondé.




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