Crim. 18 décembre 2024 n° 23-81.368
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° U 23-81.368 F-D
N° 01546
GM 18 DÉCEMBRE 2024
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 18 DÉCEMBRE 2024
Le procureur général près la cour d'appel d'Agen, la caisse primaire d'assurance maladie du Lot-et-Garonne et la mutualité sociale agricole du Lot-et-Garonne, parties civiles, ont formé des pourvois contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre correctionnelle, en date du 26 janvier 2023, qui a relaxé M. [O] [U] des chefs d'escroquerie aggravée, escroquerie et blanchiment et a prononcé sur les intérêts civils.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de Mme Jaillon, conseiller, les observations de la SCP Ohl et Vexliard, avocats de la MSA du Lot-et-Garonne, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocats de la CPAM du Lot-et-Garonne, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [O] [U], et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 novembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Jaillon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. L'enquête interne diligentée en novembre 2019 par les services de la caisse primaire d'assurance maladie du Lot-et-Garonne (la CPAM) a révélé que M. [O] [U], masseur-kinésithérapeute exerçant à [Localité 1], avait déclaré au cours de l'année précédente des honoraires et un volume d'activité en contradiction avec la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP) et largement supérieurs à la moyenne générale des déclarations des professionnels.
3. Au terme de l'enquête préliminaire diligentée par la suite, M. [U] a été cité devant le tribunal correctionnel notamment pour avoir, au cours des années 2017 à 2020, d'une part, en abusant de la qualité vraie de masseur-kinésithérapeute et en facturant des actes fictifs et des actes en inadéquation avec les actes décrits par la NGAP, trompé la CPAM et la mutualité sociale agricole du Lot-et-Garonne (la MSA), pour les déterminer à lui verser des remboursements d'honoraires indus ou excessifs pour un montant de 637 705,62 euros, et, d'autre part, en abusant de la qualité vraie de masseur-kinésithérapeute, avoir trompé ses patients sur la qualité des soins prodigués, notamment en accomplissant des actes en inadéquation avec les prescriptions médicales et avec les descriptions fournies par ladite nomenclature.
4. Par jugement du 20 octobre 2021, le tribunal correctionnel a déclaré M. [U] coupable des faits reprochés, l'a condamné à dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis et 100 000 euros d'amende, des confiscations, cinq ans d'inéligibilité et a prononcé sur les intérêts civils.
5. M. [U] a relevé appel de cette décision, ainsi que le procureur de la République à titre incident.
Examen de la recevabilité du mémoire du procureur général
6. Ce mémoire est parvenu au greffe de la Cour de cassation le 9 mars 2023, soit plus d'un mois après la date du pourvoi formé le 1er février 2023. A défaut de dérogation accordée par le président de la chambre criminelle, il n'est pas recevable au regard de l'article 585-2 du code de procédure pénale.
Examen des moyens
Sur le moyen proposé pour la CPAM et le moyen proposé pour la MSA
Enoncé des moyens
7. Le moyen proposé pour la CPAM critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [U] non coupable des délits reprochés, l'a relaxé des fins de la poursuite, puis a dit n'y avoir lieu à déclaration de responsabilité et à renvoi, alors :
« 1°/ que le délit d'escroquerie au préjudice des organismes de sécurité sociale est constitué dès lors que le professionnel de santé sollicite, en connaissance de cause, notamment au moyen de transmissions, la prise en charge par les organismes sociaux d'actes exécutés en contravention avec les règles prévues par la nomenclature générale des actes professionnels ; qu'en constatant que M. [U] lui-même a déclaré recevoir 120 patients par jour , puis que ces actes « ne devaient pas faire l'objet d'un paiement puisque n'étant pas conventionné en raison du non-respect du temps passé avec le patient », de sorte que les éléments de l'escroquerie étaient constitués, sans en tirer les conséquences s'agissant de la culpabilité de M. [U], la cour d'appel a méconnu l'article 313-1 du code pénal, et les articles 2, 3, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier sa décision ; que l'insuffisance ou la contradiction de motifs équivaut à leur absence ; qu'en relevant que le prévenu lui-même a déclaré recevoir 120 patients par jour ; que les actes pour lesquels une transmission a eu lieu « ne devaient pas faire l'objet d'un paiement puisque n'étant pas conventionnés en raison du non-respect du temps passé avec le patient », sans rechercher, comme il lui était demandé, si ces actes, transmis en connaissance de cause, n'étaient pas de nature à donner force et crédit aux envois caractérisant ainsi le délit d'escroquerie aux préjudices des organismes de sécurité sociale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 313-1 du code pénal et des articles 2, 3, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
3°/ que le délit d'escroquerie aux préjudices des organismes sociaux est constitué dès lors que le professionnel de santé sollicite, en connaissance de cause, la prise en charge par lesdits organismes d'actes exécutés en contravention des règles prévues à la nomenclature générale des actes professionnels ; que pour relaxer M. [U] des fins de la poursuite, la cour d'appel retient que pour les actes fictifs et d'ostéopathie, ce sont des actes à la marge et de simples erreurs ne comportant pas l'intention d'escroquer ; qu'en se fondant sur cette seule affirmation sans autrement s'expliquer sur l'absence des éléments constitutifs de l'escroquerie, la cour d'appel a méconnu les articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;
4°/ que dès lors que des éléments produits par la caisse mettent en évidence les incohérences quant au volume de prestations supposées, c'est au praticien de rapporter la preuve que les actes ne relèvent pas de l'escroquerie ; qu'en relevant, pour relaxer M. [U] des fins de la poursuite et dire n'y avoir lieu à déclaration de responsabilité et à renvoi, qu'« il appartient à la caisse propriétaire de cette carte [vitale] de vérifier la correspondance entre les soins et le paiement au professionnel et de détecter les éventuelles anomalies. Il n'est pas démontré la volonté, l'intention de Monsieur [U] de tromper les organismes de protection sociale » quand celle-ci avait relevé des anomalies, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et partant a violé l'article 313-1 du code pénal, et les articles 2, 3, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
5°/ que les juges du fond sont tenus de répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que dans ses conclusions de partie civile, pour établir que les transmissions effectuées par M. [U] pour remboursement par la caisse primaire d'assurance maladie avaient été effectuées en contravention avec les règles prévues par la nomenclature des actes professionnels et dès lors ne devaient pas donner lieu à remboursement, la caisse soutenait notamment, en se fondant sur les déclarations de M. [U], que l'obligation de consacrer 30 minutes par patient à 120 patients par journée de travail était impossible en une journée, et qu'à supposer que cela le soit, « cela représente une moyenne de moins de 7 minutes par patient, ce qui confirme que la durée des soins consacrée à chaque patient est substantiellement inférieure aux 20 minutes minimums prévus par la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP) selon l'interprétation a minima que l'on fait de l'expression « de l'ordre de 30 minutes » ; que ce moyen suffisait à établir que les transmissions avaient été faites, en connaissance de cause, en contravention avec la réglementation, et que dès lors celles-ci ne devaient pas être remboursées ; qu'en ne répondant pas à cette articulation pourtant essentielle à l'issue des débats, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions, et partant a méconnu les articles 591 et 593 du code de procédure pénale. »
8. Le moyen proposé pour la MSA critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à déclaration de responsabilité et à renvoi après avoir déclaré le prévenu non coupable des délits reprochés et l'avoir relaxé des fins de la poursuite, alors :
« 1°/ que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; que pour relaxer le prévenu des fins de la poursuite et dire n'y avoir lieu à déclaration de responsabilité et à renvoi, la cour d'appel retient que pour les actes concernant l'ostéopathie, ce sont de simples erreurs ne comportant pas l'intention d'escroquer ; qu'en se fondant sur cette seule affirmation sans autrement s'en expliquer, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 593 du code de procédure pénale qu'elle a violé ;
2°/ que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; que le fait, pour un professionnel de santé, de solliciter, en connaissance de cause, la prise en charge par les organismes sociaux d'actes exécutés en contravention avec les règles prévues par la nomenclature générale des actes professionnels pour permettre cette prise en charge caractérise le délit d'escroquerie prévu à l'article 313-1 du code pénal ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que selon un tableau établi dans le cadre de l'enquê
Réponse de la Cour
9. Les moyens sont réunis.
Vu les articles 313-1 du code pénal et 593 du code de procédure pénale :
10. Selon le premier de ces textes, l'escroquerie est le fait, soit par l'usage d'un faux nom ou d'une fausse qualité, soit par l'abus d'une qualité vraie, soit par l'emploi de manoeuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d'un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge.
11. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
12. Pour relaxer le prévenu des faits d'escroquerie au préjudice d'organismes de protection sociale et dire n'y avoir lieu à déclaration de responsabilité, l'arrêt attaqué énonce, s'agissant des actes fictifs reprochés et des actes d'ostéopathie, que les auditions des secrétaires et l'examen des agendas sur lesquels les dates et noms sont rayés, corroborant les dires du professionnel de santé, permettent d'établir que ce sont des actes à la marge pour lesquels il a été omis de les retrancher de la comptabilisation des rendez-vous et que, pour dix-neuf d'entre eux, concernant l'ostéopathie, ce sont de simples erreurs ne comportant pas l'intention d'escroquer.
13. Les juges considèrent, s'agissant des autres actes, qu'il ne s'agit pas d'actes fictifs puisque réellement réalisés mais d'actes dont il est rappelé qu'ils ne devaient pas faire l'objet d'un paiement puisqu'ils n'étaient pas conventionnés en raison du non-respect du temps passé avec le patient.
14. Ils relèvent également qu'il est reproché à M. [U] d'avoir abusé de sa qualité vraie sans que soit démontré en quoi consiste cet abus, alors qu'un masseur-kinésithérapeute est désormais apte et autorisé à déterminer les soins à prodiguer aux patients en fonction de leurs symptômes et maladie.
15. Les juges ajoutent que l'existence de manoeuvres frauduleuses destinées à tromper autrui afin de le déterminer à remettre des fonds et l'intention de tromper ne sont pas démontrées dès lors que de nombreux patients ont été pleinement satisfaits des soins prodigués.
16. Ils constatent que M. [U] a effectué des actes de kinésithérapie et qu'aucun faux, fausse prescription ou mention inexacte ou encore stratagème ne lui sont reprochés et ne figurent d'ailleurs dans les pièces de la procédure.
17. Ils soulignent enfin que la carte vitale, en l'espèce, a permis de télétransmettre la feuille de maladie ou de soins et qu'il appartient à la caisse, propriétaire de cette carte, de vérifier la correspondance entre les soins et le paiement au professionnel afin de détecter d'éventuelles anomalies.
18. Ils concluent que la volonté de tromper les organismes de protection sociale n'est pas démontrée à l'encontre de M. [U].
19. En se déterminant ainsi, d'une part, sans répondre à l'articulation essentielle selon laquelle l'obligation, résultant de la NGAP, de consacrer au moins vingt minutes à chacun des cent-vingt patients par journée de travail était impossible, ni rechercher si la télétransmission des feuilles de soin, en connaissance de cause, à l'aide de la carte vitale des patients, n'était pas de nature à donner force et crédit aux envois, caractérisant ainsi à partir et dans la limites des faits objet de la poursuite du chef d'escroquerie, des faits susceptibles d'ouvrir droit à la réparation des préjudices des parties civiles, et, d'autre part, en considérant que l'élément intentionnel fait défaut, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.
20. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Portée et conséquence de la cassation
21. La cassation n'intervenant que sur les pourvois des parties civiles, elle ne concerne que les dispositions statuant sur les intérêts civils en lien avec les délits d'escroquerie aggravée. 22. Les autres dispositions seront donc maintenues.
Crim. 18 décembre 2024 n° 24-83.595
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° K 24-83.595 F-D
N° 01723
18 DÉCEMBRE 2024
LR
QPC INCIDENTE : NON LIEU À RENVOI AU CC
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 18 DÉCEMBRE 2024
M. [R] [Y], Mme [X] [M], épouse [Y], M. [S] [L] et Mme [W] [F] ont présenté, par mémoires spéciaux reçus le 1er octobre 2024, les trois premiers, deux questions prioritaires de constitutionnalité, dont une a été également présentée par la quatrième, à l'occasion des pourvois formés par eux contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai, 6e chambre, en date du 13 mai 2024, qui a condamné, d'une part, pour recel, le premier, à six mois d'emprisonnement avec sursis, 3 000 euros d'amende, deux ans d'inéligibilité et une confiscation, la deuxième, à six mois d'emprisonnement avec sursis, 3 000 euros d'amende et deux ans d'inéligibilité, d'autre part, pour abus de confiance, escroquerie en bande organisée et recel, le troisième, à dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis, 10 000 euros d'amende, trois ans d'inéligibilité, deux ans d'interdiction d'exercer une fonction publique et une confiscation, la quatrième, à douze mois d'emprisonnement avec sursis, 2 000 euros d'amende, deux ans d'inéligibilité et une confiscation.
M. [H] [N] a présenté, par mémoires spéciaux reçus le 1er octobre 2024, deux questions prioritaires de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi formé par lui contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai, 6e chambre, en date du 13 mai 2024, qui, pour recel, l'a condamné à dix mois d'emprisonnement avec sursis, 10 000 euros d'amende, deux ans d'inéligibilité et une confiscation.
Des observations ont été produites.
Sur le rapport de Mme Chafaï, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [R] [Y], Mme [X] [M], épouse [Y], M. [S] [L] et Mme [W] [F], les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [H] [N], les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la directrice générale des finances publiques, le directeur régional des finances publiques des Hauts de France et du Nord, l'Etat français, et les conclusions de Mme Gulphe-Berbain, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 décembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Chafaï, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Le Roch, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Sur la question prioritaire de constitutionnalité présentée pour M. et Mme [Y] et M. [L] et sur la première question prioritaire de constitutionnalité présentée pour M. [N]
1. La question prioritaire de constitutionnalité présentée pour M. et Mme [Y] et M. [L] est ainsi rédigée :
« Les dispositions de l'article 313-1 du code pénal, permettant de réprimer des fraudes en matière fiscale et de l'article 1729-a du code général des impôts portent-elles atteinte aux principes constitutionnels de proportionnalité et de nécessité des délits et des peines, qui découlent de l'article 8 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, en ce qu'elles autorisent, à l'encontre de la même personne et en raison des mêmes faits, le cumul de procédures et de sanctions pénale et fiscale ? ».
2. La première question prioritaire de constitutionnalité présentée pour M. [N] est ainsi rédigée :
« Les dispositions de l'article 313-1 du code pénal, combinées avec celles de l'article 1729, a) du code général des impôts, portent-elles atteinte aux principes constitutionnels de proportionnalité et de nécessité des délits et des peines, qui découlent de l'article 8 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, en ce qu'elles autorisent, à l'encontre de la même personne et pour les mêmes faits, le cumul de procédures et de sanctions fiscale et pénale ? ».
3. Les dispositions législatives contestées sont applicables à la procédure.
4. Les dispositions de l'article 313-1 du code pénal, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000, n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.
5. Les dispositions de l'article 1729, a), du code général des impôts, dans leur rédaction issue de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008, ont été déclarées par le Conseil constitutionnel conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif des décisions du 24 juin 2016, n° 2016-545 QPC et n° 2016-546 QPC.
6. Les questions prioritaires de constitutionnalité portent ainsi sur la conformité à la Constitution des dispositions de l'article 313-1 du code pénal et de leur combinaison avec celles de l'article 1729, a), du code général des impôts.
7. Les questions, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, ne sont pas nouvelles.
8. Les questions posées ne présentent pas un caractère sérieux pour les motifs qui suivent.
9. S'il découle du principe de nécessité des délits et des peines qu'une même personne ne peut faire l'objet de plusieurs poursuites tendant à réprimer de mêmes faits qualifiés de manière identique, par des sanctions de même nature, aux fins de protéger les mêmes intérêts sociaux, la seule circonstance qu'une incrimination et une sanction ayant le caractère d'une punition soient susceptibles de réprimer un même comportement ne peut caractériser une identité de faits au sens des exigences résultant de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 que si ces derniers sont qualifiés de manière identique.
10. Or, l'escroquerie commise en matière fiscale réprime le fait de tromper l'administration fiscale afin de la déterminer à remettre des fonds ou à consentir un acte opérant décharge par l'emploi de manoeuvres frauduleuses exclusives d'un simple mensonge. La majoration fiscale sanctionne quant à elle un manquement délibéré relevant d'une insuffisance, d'une omission ou d'une inexactitude constatée dans une déclaration fiscale. Il s'en déduit qu'un simple mensonge contenu dans une déclaration constitue intrinsèquement un manquement délibéré mais ne suffit pas à caractériser les manoeuvres frauduleuses exigées pour établir le délit d'escroquerie.
11. Par conséquent, ces dispositions ne tendent pas à réprimer de mêmes faits, qualifiés de manière identique, ce dont il résulte que leur cumul n'est pas prohibé.
12. Ainsi, il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité.
Sur la question prioritaire de constitutionnalité présentée pour M. et Mme [Y], M. [L] et Mme [F] et sur la seconde question prioritaire de constitutionnalité présentée pour M. [N]
13. La question prioritaire de constitutionnalité présentée pour M. et Mme [Y], M. [L] et Mme [F] est ainsi rédigée :
« Les dispositions combinées des articles 40-1 et 390-1 du code de procédure pénale, de l'article 313-1 du code pénal portent-elles atteinte aux principes constitutionnels d'égalité devant la loi et d'égalité devant la procédure pénale, qui découlent de l'article premier de la Constitution du 4 octobre 1958 et de l'article 6 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, en ce que ces dispositions peuvent être appliquées pour poursuivre sous la qualification d'escroquerie des faits relevant de la qualification de fraude fiscale, prévue et réprimée par l'article 1741 du code général des impôts, qui emporte sans la moindre justification objective un régime répressif différent de celui de l'escroquerie ? ».
14. La seconde question prioritaire de constitutionnalité présentée pour M. [N] est ainsi rédigée :
« Les dispositions combinées des articles 40-1 et 390-1 du code de procédure pénale, d'une part, et de l'article 313-1 du code pénal, et de l'article 1741 du code général des impôts, d'autre part, portent-elles atteinte aux principes constitutionnels d'égalité devant la loi et d'égalité devant la procédure pénale, qui découlent de l'article premier de la Constitution du 4 octobre 1958 et de l'article 6 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, en ce que ces dispositions peuvent être appliquées pour poursuivre sous la qualification d'escroquerie des faits relevant de la qualification de fraude fiscale, prévue et réprimée par l'article 1741 du code général des impôts, qui emporte sans la moindre justification objective un régime répressif radicalement différent de celui de l'escroquerie ? ».
15. Les dispositions législatives contestées sont applicables à la procédure, à l'exception de l'article 390-1 du code de procédure pénale, relatif à la convocation valant citation devant le tribunal correctionnel.
16. Les dispositions des articles 40-1 du code de procédure pénale, dans leur rédaction issue de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, et 313-1 du code pénal, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000, n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.
17. Seules les dispositions de l'article 1741 du code général des impôts tenant aux mots « soit qu'il ait volontairement dissimulé une part des sommes sujettes à l'impôt », dans leur rédaction résultant successivement de l'ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000, de la loi n° 2012-354 du 14 mars 2012, de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009, et tenant aux mots « soit qu'il ait volontairement omis de faire sa déclaration dans les délais prescrits », dans leur rédaction résultant de la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013, ont été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.
18. Les questions, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, ne sont pas nouvelles.
19. Les questions posées ne présentent pas un caractère sérieux pour les motifs qui suivent.
20. En premier lieu, le principe de libre exercice de l'action publique par le ministère public énoncé à l'article 40-1 du code de procédure pénale ne trouve à s'appliquer que sous réserve des dispositions l'article L. 228 du livre des procédures fiscales.
21. Ces dispositions, qui ne sont pas critiquées par les questions prioritaires de constitutionnalité, interdisent au ministère public d'engager des poursuites du chef de fraude fiscale en l'absence d'une plainte ou d'une dénonciation de faits de fraude fiscale par l'administration fiscale, ce dont il résulte que des faits susceptibles de recevoir à la fois la qualification de fraude fiscale et celle d'escroquerie ne peuvent alors être poursuivis que sous cette seconde incrimination.
22. En second lieu, lorsque l'administration fiscale a saisi le ministère public de faits de fraude fiscale, le fait que ce dernier soit en mesure de choisir les modalités de mise en oeuvre de l'action publique ne méconnaît pas le principe d'égalité.
23. Ainsi, il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité.
Crim. 18 décembre 2024 n° 23-83.178 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° M 23-83.178 FS-B
N° 01482
RB5 18 DÉCEMBRE 2024
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 18 DÉCEMBRE 2024
MM. [T] [Z], [W] [M] et [D] [I], ainsi que M. [C] [N], partie civile, ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-14, en date du 17 mai 2023, qui a condamné, le premier, pour corruption active d'un magistrat et trafic d'influence actif, à trois ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis et trois ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, le deuxième, pour corruption active d'un magistrat, trafic d'influence actif et violation du secret professionnel, à trois ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis et trois ans d'interdiction professionnelle et le troisième, pour recel, corruption passive par un magistrat et trafic d'influence passif, à trois ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis et trois ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, une confiscation, a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de M. [C] [N], et a prononcé sur les intérêts civils.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires, ampliatifs et personnel, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits.
Sur le rapport de M. Gillis, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [T] [Z], les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [W] [M], les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [D] [I], et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, les avocats ayant eu la parole en dernier, après débats en l'audience publique du 6 novembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Gillis, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, M. Wyon, Mme Piazza, M. de Lamy, Mme Jaillon, conseillers de la chambre, Mmes Fouquet, Chafaï, Bloch, conseillers référendaires, Mme Chauvelot, avocat général référendaire, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Dans une information portant sur les conditions du financement de la campagne électorale de M. [T] [Z] de 2007 et ouverte le 19 avril 2013 notamment des chefs de corruption, trafic d'influence et blanchiment, les juges d'instruction saisis ont ordonné, par commissions rogatoires des 3 et 19 septembre 2013, le placement sous surveillance des lignes téléphoniques utilisées par M. [Z].
3. À la suite d'un rapport de l'officier de police judiciaire chargé de l'enquête révélant l'existence d'une autre ligne mise en service au moyen d'une carte prépayée, sous l'identité de [S] [N], et paraissant servir à M. [Z] pour communiquer avec un interlocuteur unique, cette ligne a également été placée sous surveillance le 22 janvier 2014. Le bâtonnier en a été informé le jour même en raison de la qualité d'avocat de M. [Z].
4. Des conversations ont été interceptées sur cette ligne entre M. [Z] et M. [W] [M], avocat, depuis le 28 janvier jusqu'au 5 février 2014, donnant lieu à des procès-verbaux de transcriptions et à un autre procès-verbal, en date du 7 février suivant, contenant le résumé des conversations échangées, laissant supposer que les intéressés étaient informés des écoutes téléphoniques réalisées sur les lignes régulières de M. [Z] et des perquisitions envisagées, et que M. [M] recevait des informations, dont certaines confidentielles, sur un pourvoi en cassation en cours devant la Cour de cassation dans l'affaire dite « [K] », susceptibles de provenir d'un dénommé « [D] », identifié ultérieurement comme M. [D] [I], alors premier avocat général près la Cour de cassation.
5. Le 7 février 2014, en exécution d'une commission rogatoire, des réquisitions ont permis, à partir de la facturation détaillée de la ligne utilisée par M. [M], d'identifier ses correspondants, dont M. [I].
6. Faisant suite à une ordonnance de soit-communiqué des juges d'instruction, le procureur de la République financier a ouvert, le 26 février 2014, une information contre personne non dénommée pour trafic d'influence, complicité et recel, violation du secret de l'instruction et recel.
7. Les juges d'instruction ainsi saisis ont ordonné, le même jour, par plusieurs commissions rogatoires, la surveillance, pour une durée de deux mois, des lignes téléphoniques utilisées respectivement par MM. [M] et [I] et la transcription des écoutes opérées dans la procédure initiale.
8. Parallèlement à cette information, sur les instructions du procureur de la République financier, le 4 mars 2014, une enquête préliminaire a été ouverte du chef de violation du secret professionnel. Cette enquête faisait suite à des soupçons de ce que M. [M] aurait été informé de l'existence d'interceptions téléphoniques le concernant, notamment sur la ligne ouverte au nom de [S] [N].
9. Dans le cadre de l'information ouverte le 26 février 2014, à la suite d'une perquisition au domicile de M. [I] ayant permis la découverte d'une copie d'un arrêt de la chambre de l'instruction se rapportant à l'affaire dite « [K] », un réquisitoire supplétif a été pris le 1er juillet 2014 pour corruption active et passive et trafic d'influence actif et passif commis jusqu'au 11 mars 2014 ainsi que pour violation du secret de l'instruction et recel.
10. Le 1er juillet 2014, M. [Z] a été mis en examen pour recel d'information provenant du délit de violation de secret de l'instruction, corruption et trafic d'influence actifs, M. [M] pour les mêmes faits et pour atteinte au secret professionnel, M. [I] pour recel d'information provenant du délit de violation du secret professionnel, corruption et trafic d'influence passifs.
11. Le 2 décembre 2016, MM. [Z] et [M] ont demandé le versement au dossier de l'information judiciaire de l'enquête préliminaire ouverte le 4 mars 2014. Le 2 janvier 2017, les juges d'instruction ont refusé de faire droit à cette demande. Le président de la chambre de l'instruction a, par une ordonnance du 8 juin 2017, dit n'y avoir lieu à saisir la chambre de l'instruction de l'appel de cette ordonnance et le pourvoi en cassation contre cette décision a été déclaré irrecevable par une ordonnance du président de la chambre criminelle du 22 septembre 2017.
12. Par requêtes des 3 novembre 2017 et 4 avril 2018, MM. [Z] et [M] ont saisi la chambre de l'instruction aux fins d'annulation de pièces de l'instruction, notamment le réquisitoire définitif. La requête a été rejetée par l'arrêt n° 4 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris du 8 octobre 2018. Le pourvoi contre cet arrêt a été rejeté par l'arrêt de la Cour de cassation du 18 juin 2019 (Crim., 18 juin 2019, pourvoi n° 18-86.106).
13. Par ordonnance du 26 mars 2018, les juges d'instruction ont renvoyé devant le tribunal correctionnel MM. [Z] et [M] pour corruption active par particulier sur une personne dépositaire de l'autorité publique et trafic d'influence actif, M. [M] également pour violation du secret professionnel et M. [I] pour corruption passive par personne dépositaire de l'autorité publique, trafic d'influence passif et recel.
14. Le 23 janvier 2020, l'enquête préliminaire ouverte le 4 mars 2014 pour violation du secret professionnel, qui avait été classée sans suite le 4 décembre 2019 pour « infraction insuffisamment caractérisée », a été communiquée aux parties.
15. Par jugement du 1er mars 2021, le tribunal correctionnel a, s'agissant de M. [Z], requalifié les faits de corruption active par particulier sur une personne dépositaire de l'autorité publique en corruption active par particulier sur un magistrat, l'a déclaré coupable de trafic d'influence actif et corruption active d'un magistrat et l'a condamné à trois ans d'emprisonnement dont deux avec sursis.
16. En ce qui concerne M. [M], il a requalifié les faits de corruption active par particulier sur une personne dépositaire de l'autorité publique en corruption active par particulier sur un magistrat, l'a déclaré coupable de violation du secret professionnel, corruption active d'un magistrat et trafic d'influence actif et l'a condamné à trois ans d'emprisonnement dont deux avec sursis ainsi qu'à la peine complémentaire de cinq ans d'interdiction professionnelle.
17. Enfin, s'agissant de M. [I], il a requalifié les faits de corruption passive par personne dépositaire de l'autorité publique en corruption passive par magistrat, l'a déclaré coupable de recel, corruption passive et trafic d'influence passif et l'a condamné à trois ans d'emprisonnement dont deux avec sursis.
18. La constitution de partie civile de M. [C] [N] a été déclarée irrecevable.
19. MM. [Z], [M], [I] et [N] ainsi que le ministère public ont relevé appel de cette décision.
Examen de la recevabilité du mémoire personnel de M. [N]
20. Selon l'article 584 du code de procédure pénale, le mémoire déposé par le demandeur au pourvoi, sans le ministère d'un avocat à la Cour de cassation, doit être signé par l'intéressé lui-même. Il s'ensuit que le mémoire personnel, qui ne porte aucune signature ou porte une signature autre que celle du demandeur, ne saisit pas la Cour de cassation des moyens qu'il peut contenir.
21. En l'espèce, le mémoire personnel déposé pour M. [N] est signé par son avocat, lequel est avocat au barreau du Val-de-Marne, et ne comporte pas la signature du demandeur. Il est donc irrecevable.
Examen des moyens
Sur le quatrième moyen, le cinquième moyen, pris en sa seconde branche, et le sixième moyen, pris en sa troisième branche, proposés pour M. [Z], le premier moyen, le deuxième moyen, pris en sa troisième branche, le troisième moyen, pris en sa première branche, le quatrième moyen, le cinquième moyen, pris en sa seconde branche, le sixième moyen, le septième moyen, pris en ses deuxième, cinquième, sixième et septième branches, et le huitième moyen proposés pour M. [M], le premier moyen, pris en sa seconde branche, le deuxième moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, et le quatrième moyen proposés pour M. [I]
22. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission des pourvois au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le septième moyen proposé pour M. [Z]
Enoncé du moyen
23. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a été rendu par la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Paris telle que composée, alors « que l'exigence d'impartialité subjective telle qu'elle est garantie par les articles 6, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l'homme et préliminaire du code de procédure pénale est méconnue lorsqu'il existe des raisons sérieuses, pour un justiciable, de douter de l'absence de préjugés défavorables, à son encontre, de l'un des magistrats ayant composé la formation de jugement ; que tel est le cas de la cour d'appel présidée par une magistrate ayant déjà exprimé, à titre personnel, lors de propos publics retranscrits dans la presse, une position défavorable à l'encontre de la politique judiciaire voulue par M. [T] [Z] en tant que Président de la République à travers la réforme de la justice qu'il avait engagée le 7 janvier 2009. »
Réponse de la Cour
24. Le prévenu n'est pas recevable à mettre en cause l'impartialité, qu'elle soit subjective ou objective, d'un magistrat composant la chambre des appels correctionnels, en invoquant l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, au regard d'éléments dont il avait ou pouvait avoir connaissance au moment des débats, dès lors qu'il n'a pas usé de la possibilité d'en obtenir le respect en récusant ce magistrat en application de l'article 668 du code de procédure pénale (Crim., 3 novembre 2016, pourvoi n° 15-82.191 ; Crim., 19 avril 2017, pourvoi n° 17-80.664 ; Crim., 5 avril 2018, pourvoi n° 17.83-166, Bull. crim. 2018, n° 65).
25. En l'espèce, il n'est pas soutenu que M. [Z] ne pouvait avoir connaissance au moment des débats des propos tenus par un des magistrats composant la formation de jugement, et retranscrits dans un article de presse publié le 14 janvier 2009, sur lesquels est fondé le grief de défaut d'impartialité.
26. Le moyen doit donc être écarté.
Sur le premier moyen proposé pour M. [Z], le deuxième moyen, pris en ses première et deuxième branches, proposé pour M. [M] et le premier moyen, pris en sa première branche, proposé pour M. [I]
Enoncé des moyens
27. Le moyen proposé pour M. [Z] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'irrecevabilité de l'exception de nullité soulevée par celui-ci, alors :
« 1°/ que, les dispositions de l'article 385 du code de procédure pénale, en ce qu'elles ne prévoient d'exception à la purge des nullités dans le cas où le prévenu n'aurait pu avoir connaissance de l'irrégularité éventuelle d'un acte ou d'un élément de la procédure que postérieurement à la clôture de l'instruction, ont été déclarés contraires à la Constitution aux termes de la décision n° 2023-1062 QPC du Conseil constitutionnel en date 28 septembre 2023 ; qu'à raison de cette déclaration d'inconstitutionnalité, qui peut être invoquée dans les instances en cours lorsque la purge des nullités a été opposée à un moyen de nullité qui n'a pu être connu avant la clôture de l'instruction, comme c'est le cas en l'espèce, sans que la seule possibilité de discuter la valeur probante des éléments litigieux devant les juridictions de jugement suffise à pallier une telle carence, la décision attaquée, qui se fonde sur ces dispositions pour déclarer irrecevables les exceptions de nullité soulevées par M. [Z], se trouve privée de tout fondement ;
2°/ qu'en tout état de cause, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal qui décidera du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ; que l'effectivité de ce droit demande qu'un individu jouisse d'une possibilité claire et concrète de contester tout acte constituant une ingérence dans ses droits ; qu'en déclarant irrecevables les exceptions de nullité soulevées par M. [Z], à seule raison de ce qu'elles ont été formulées postérieurement à l'ordonnance de règlement du 26 mars 2018, en application des dispositions combinées des articles 179 et 385 du code de procédure pénale, lorsqu'il est acquis qu'il ne pouvait avoir connaissance de ces moyens de nullité avant cette date, la cour d'appel, qui a de facto privé le prévenu de tout recours sur ce point, a violé les articles 6 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
28. Le moyen proposé pour M. [M] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'irrecevabilité de l'exception de nullité soulevée par celui-ci, alors :
« 1°/ que par sa décision du 28 septembre 2023, le Conseil constitutionnel a décidé que les mots « sauf lorsqu'il est saisi par le renvoi ordonné par le juge d'instruction ou la chambre de l'instruction » figurant au premier alinéa de l'article 385 du code de procédure pénale sont contraires à la Constitution en ce qu'ils méconnaissent les garanties constitutionnelles des droits de la défense et du droit à un recours effectif, en ne prévoyant pas « d'exception à la purge des nullités dans le cas où le prévenu n'aurait pu avoir connaissance de l'irrégularité éventuelle d'un acte ou d'un élément de la procédure que postérieurement à la clôture de l'instruction » ; que le Conseil constitutionnel a décidé que la déclaration d'inconstitutionnalité peut être invoquée dans les instances en cours lorsque la purge des nullités a été opposée à un moyen de nullité qui n'a pu être connu avant la clôture de l'instruction ; que les procès-verbaux d'enquête n'ayant été versés à la procédure que postérieurement à l'ordonnance de renvoi, M. [M] était dans l'impossibilité de soulever l'irrégularité de ces actes dont il n'avait pas connaissance et que la cour d'appel lui a opposé la purge des nullités en application de l'article 385, premier alinéa, du code de procédure pénale ; que la déclaration d'inconstitutionnalité de cette disposition, applicable à la présente procédure, prive l'arrêt attaqué de base légale ;
2°/ qu'en outre, le droit à un recours effectif et le respect des droits de la défense consacrés par la convention européenne des droits de l'homme imposent la recevabilité des moyens de nullité lorsque le prévenu n'en avait pas été informé antérieurement à l'ordonnance de renvoi ; qu'en déclarant cependant irrecevables les exceptions de nullité soulevées par le prévenu tandis qu'il n'en a eu connaissance postérieurement à l'ordonnance de renvoi, la cour d'appel a également méconnu les articles 6 et 13 de la convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
29. Le moyen proposé pour M. [I] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'irrecevabilité de l'exception de nullité soulevée par celui-ci, alors :
« 1°/ que par sa décision n° 2023-1062 QPC du 28 septembre 2023, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les mots « sauf lorsqu'il est saisi par le renvoi ordonné par le juge d'instruction ou la chambre de l'instruction » figurant au premier alinéa de l'article 385 du code de procédure pénale, dès lors que ces dispositions ne prévoient pas d'exception à la purge des nullités dans le cas où le prévenu n'aurait pu avoir connaissance de l'irrégularité éventuelle d'un acte ou d'un élément de la procédure que postérieurement à la clôture de l'instruction ; cette inconstitutionnalité peut être invoquée dans les instances en cours lorsque la purge des nullités a été opposée à un moyen de nullité qui n'a pu être connu avant la clôture de l'instruction ; la cour d'appel a jugé irrecevable l'exception de nullité de l'intégralité de la procédure et de l'ordonnance de renvoi, soulevée par M. [I] et tirée de ce qu'il n'a eu connaissance de l'enquête préliminaire P14063000306 que deux ans après l'ordonnance de renvoi, au motif que cette ordonnance est définitive et a été rendue dans les conditions prévues à l'article 183 alinéa 4 et conformément aux dispositions des articles 184 et 175 du code de procédure pénale (arrêt, p. 68) ; l'arrêt attaqué, qui a fait application du mécanisme de purge des nullités prévu à l'article 385 du code de procédure pénale, se trouve privé de fondement juridique du fait de l'inconstitutionnalité de ces dispositions, et encourt l'annulation en application des articles 61-1 et 62 de la Constitution. »
Réponse de la Cour
30. Les moyens sont réunis.
31. Pour écarter les exceptions de nullité, selon lesquelles l'intégralité de la procédure aurait été viciée en raison de l'existence d'une enquête préliminaire portant sur des faits connexes à la présente affaire, qui n'a pas été jointe à la procédure d'instruction et dont le contenu n'a été révélé aux personnes mises en cause que postérieurement à leur renvoi devant le tribunal correctionnel, l'arrêt attaqué énonce qu'en application de l'article 385 du code de procédure pénale, l'ordonnance de règlement de la procédure, régulièrement prise, a entraîné la forclusion de ces exceptions.
32. Cependant, saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur cet article, le Conseil constitutionnel a, dans sa décision n° 2023-1062 QPC du 28 septembre 2023, constaté que, si celui-ci interdit aux parties de soulever devant le tribunal correctionnel les nullités de la procédure antérieure, ni ces dispositions ni aucunes autres ne prévoient d'exception à la purge des nullités dans le cas où le prévenu n'aurait pu avoir connaissance de l'irrégularité éventuelle d'un acte ou d'un élément de la procédure que postérieurement à la clôture de l'instruction. Il en a conclu à une méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif et des droits de la défense et a déclaré pour partie l'article 385 précité contraire à la Constitution.
33. S'il a reporté au 1er octobre 2024 l'abrogation partielle de cet article, il a, en revanche, jugé que la déclaration d'inconstitutionnalité peut être invoquée dans les instances en cours ou à venir lorsque la purge des nullités a été ou est opposée à un moyen de nullité qui n'a pu être connu avant la clôture de l'instruction et qu'il reviendra à la juridiction compétente de statuer sur ce moyen de nullité.
34. L'arrêt n'encourt cependant pas l'annulation pour les motifs qui suivent.
35. En premier lieu, la déclaration d'inconstitutionnalité ne peut être invoquée s'agissant de certaines des exceptions de nullité soulevées devant la cour d'appel dès lors que celles-ci pouvaient être connues avant la clôture de l'instruction.
36. En effet, d'une part, il ressort tant des conclusions des demandeurs devant la cour d'appel que de l'arrêt n° 4 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris du 8 octobre 2018 et de l'arrêt de la Cour de cassation du 18 juin 2019 (Crim., 18 juin 2019, pourvoi n° 18-86.106) que les demandeurs connaissaient, avant la clôture de l'instruction, l'existence de l'enquête préliminaire portant sur les faits de violation du secret professionnel qui auraient permis l'information de MM. [Z] et [M] du placement sous écoutes par les autorités judiciaires de la ligne téléphonique dite « [N] » qu'ils utilisaient.
37. Il résulte de ces mêmes conclusions et arrêts ainsi que de l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction du 8 juin 2017 et de l'ordonnance n° 10567 du 22 septembre 2017 du président de la chambre criminelle de la Cour de cassation que les demandeurs ont contesté infructueusement devant la chambre de l'instruction, puis devant la Cour de cassation, avant la clôture de l'instruction, le refus du juge d'instruction d'obtenir le versement de la procédure d'enquête préliminaire à l'instruction. Ils ont également soulevé, dans les mêmes conditions et avec le même résultat, la nullité du réquisitoire définitif au motif que celui-ci se référait à des éléments issus de l'enquête préliminaire précitée et qu'il en résultait une violation des droits de la défense et des principes du contradictoire et de l'égalité des armes.
38. Dès lors, le moyen tiré de ce que les droits de la défense et le principe d'égalité des armes auraient été méconnus en raison de l'absence de jonction de cette procédure d'enquête préliminaire à la procédure d'instruction pouvait être connu avant la clôture de l'instruction. Il en est de même du moyen tiré de ce que l'égalité des armes aurait été méconnue dès lors que, le ministère public ayant eu connaissance de la procédure d'instruction et de l'enquête préliminaire, il pouvait se servir de la seconde procédure pour chercher des éléments à charge utilisables dans la procédure d'instruction et dissimuler les éléments à décharge recueillis lors de celle-ci. Il en est encore de même du moyen de nullité tiré de ce que le ministère public aurait soutenu, notamment dans son réquisitoire définitif, le renvoi des personnes mises en examen en se fondant sur le fait que celles-ci avaient été informées du placement sous écoutes de la ligne téléphonique dite « [N] ».
39. D'autre part, le moyen de nullité tiré de ce que des perquisitions auraient été ordonnées dans la procédure d'information sur le fondement de conversations téléphoniques passées sur la ligne « [N] » le 26 février 2014 alors que les magistrats n'avaient pas officiellement connaissance à cette date de ces conversations, qui se fonde uniquement sur des éléments du dossier d'instruction, repose nécessairement sur des éléments dont les personnes mises en cause avaient connaissance avant la clôture de l'instruction.
40. En second lieu, les autres exceptions de nullités soutenues devant la cour d'appel, qui s'analysent comme la dénonciation d'un stratagème employé par un agent de l'autorité publique pour la constatation d'une infraction ou l'identification de ses auteurs, étaient en tout état de cause infondées.
41. En effet, un tel stratagème ne constitue en soi une atteinte au principe de loyauté de la preuve susceptible de fonder l'annulation de la procédure que lorsque, par un contournement ou un détournement d'une règle de procédure, il a pour objet ou pour effet de vicier la recherche de la preuve en portant atteinte à l'un des droits essentiels ou à l'une des garanties fondamentales de la personne suspectée ou poursuivie (Ass. plén., 9 décembre 2019, pourvoi n° 18-86.767, publié au Bulletin).
42. Or, il ne saurait résulter, à supposer ces circonstances établies, de ce que l'enquête a été clôturée tardivement et par un classement sans suite, et de ce que les parties n'ont pu prendre connaissance que postérieurement à l'ordonnance de renvoi et avant les débats devant la juridiction de jugement de l'existence dans cette enquête de la facture détaillée des appels téléphoniques passés par M. [M] le 25 février 2014, l'existence d'un stratagème susceptible d'emporter l'annulation de la procédure.
43. Enfin, le fait allégué que l'enquête préliminaire aurait été irrégulièrement menée au motif qu'elle comportait des éléments provenant de l'information judiciaire ou qu'elle a fait l'objet d'un suivi insuffisant ou d'un manque de rigueur ne saurait en soi entraîner la nullité de l'information.
44. Il résulte de tout ce qui précède que le premier moyen, pris en sa première branche, proposé pour M. [Z], le deuxième moyen, pris en sa première branche, proposé pour M. [M] et le premier moyen, pris en sa première branche, proposé pour M. [I] doivent être écartés.
45. Compte tenu des motifs précités, le premier moyen, pris en sa seconde branche, proposé pour M. [Z] et le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche, proposé pour M. [M] ne peuvent également qu'être écartés.
Sur les deuxième et troisième moyens proposés pour M. [Z] et le troisième moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, proposé pour M. [M]
Enoncé des moyens
46. Le deuxième moyen proposé pour M. [Z] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu d'écarter des débats les transcriptions de ses conversations téléphoniques, ni d'écarter ou de s'interdire d'utiliser les conversations échangées entre lui et M. [M], alors :
« 1°/ que, si le secret professionnel des avocats ne fait pas obstacle à la transcription d'un échange entre un avocat et son client dans le cadre de l'interception régulière de la ligne du second, lorsque le contenu de cet échange est de nature à faire présumer la participation de l'avocat lui-même à une infraction, c'est à la condition que cette transcription n'affecte pas les droits de la défense du client, de sorte que les propos ainsi transcrits ne peuvent être utilisés contre ce dernier dans la procédure dont il est l'objet ; qu'en disant n'y avoir lieu d'écarter des débats et de s'interdire d'utiliser contre M. [Z] les retranscriptions des conversations téléphoniques échangées par ce dernier avec Me [M], pourtant clairement identifié comme son avocat habituel, la cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs inopérants en se bornant à invoquer la régularité des interceptions et de leur retranscription déjà examinée pendant la phase de l'instruction, lorsqu'une telle circonstance n'implique aucunement la régularité de leur utilisation contre M. [Z] dans la procédure dont il est l'objet, a violé les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble les droits de la défense ;
2°/ qu'en outre, relève de l'exercice des droits de la défense l'ensemble des éléments en relation directe avec une procédure susceptible d'aboutir au prononcé d'une condamnation pénale ; qu'en affirmant, pour dire n'y avoir lieu d'écarter des débats et de s'interdire d'utiliser contre M. [Z] les retranscriptions des conversations téléphoniques échangées par ce dernier avec Me [M], que les propos échangés sont étrangers à tout exercice des droits de la défense, lorsqu'il ressort de ses propres motifs, d'une part, que les interceptions effectuées ont porté sur une ligne téléphonique exclusivement dédiée au contact de M. [Z] avec son avocat, Me [M], et ce à une période au cours de laquelle M. [Z] était mis en cause dans plusieurs affaires judiciaires pendantes, et d'autre part, qu'il ne figure pas une seule conversation aux termes de laquelle il n'est pas mentionné d'éléments en lien direct avec une procédure judiciaire dans laquelle M. [Z] est mis en cause, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme. »
47. Le troisième moyen proposé pour M. [Z] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu d'écarter des débats les transcriptions de ses conversations téléphoniques, ni d'écarter ou d'interdire d'utiliser les conversations échangées entre lui et M. [M], alors « que la conversation entre un avocat et son client ne peut être transcrite et versée au dossier de la procédure qu'à titre exceptionnel, s'il apparaît que son contenu et sa nature sont propres à faire présumer la participation de cet avocat à une infraction ; que l'appréciation de cette circonstance, au même titre que celle de la nécessité d'une telle mesure, suppose impérativement l'examen du contenu de chacune des conversations dont la retranscription est envisagée ; qu'en affirmant, pour dire néanmoins n'y avoir lieu d'écarter des débats et de s'interdire d'utiliser contre M. [Z] les retranscriptions des conversations téléphoniques échangées par ce dernier avec Me [M], « qu'il n'y a pas lieu d'examiner [?] le contenu de chaque conversation retranscrite pour décider si les circonstances de recueil de la preuve sont conformes aux dispositions de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme » (arrêt, p. 80), la cour d'appel, qui s'est expressément refusée à un contrôle impératif, a violé les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, 100-5, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
48. Le moyen proposé pour M. [M] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu d'écarter des débats les transcriptions des conversations téléphoniques et les facturations détaillées de son téléphone, alors :
« 2°/ que le respect des droits de la défense et le secret professionnel de l'avocat s'opposent à ce que soit versée à une procédure le contenu d'une transcription téléphonique entre un avocat et son client qui n'est pas de nature à faire présumer que l'avocat avait commis une infraction ; que le tribunal avait établi que certaines conversations téléphoniques devaient être écartées conformément aux droits de la défense en l'absence d'indices de participation de l'avocat à des infractions ; qu'en refusant de vérifier le contenu des transcriptions des conversations téléphoniques entre l'avocat et son client, la cour d'appel a méconnu les droits de la défense, le secret professionnel de l'avocat ainsi que les dispositions susvisées et l'article 100-5 du code de procédure pénale ;
3°/ que la juridiction correctionnelle est tenue d'écarter des débats les preuves illicites sans être liée par une précédente décision refusant d'annuler leurs supports ; qu'en énonçant que le débat sur la régularité des écoutes téléphoniques est clos en ce que leur régularité avait été examinée pendant l'instruction, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs inopérants et a de nouveau méconnu les dispositions susvisées. »
Réponse de la Cour
49. Les moyens sont réunis.
50. Ils sont infondés.
51. En effet, ils reposent sur l'affirmation selon laquelle la juridiction de jugement peut écarter des débats ou s'interdire d'utiliser des éléments de preuve recueillis au cours de l'information par une personne concourant à la procédure.
52. Or, si la valeur probante de tels éléments peut être discutée devant la juridiction de jugement, celle-ci ne peut les écarter des débats ou s'interdire de les utiliser dès lors qu'ils étaient susceptibles d'annulation en application de l'article 170 du code de procédure pénale, peu important qu'ils aient été ou non contestés durant l'information.
53. Au surplus, il ne résulte pas de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme l'interdiction d'utiliser contre le client d'un avocat les propos échangés entre eux sur une ligne téléphonique placée sous écoutes dès lors que ces propos révèlent des indices de nature à faire présumer la participation de l'avocat à une infraction pénale et qu'ils sont étrangers aux droits de la défense.
54. Les moyens doivent donc être écartés.
Sur le deuxième moyen, pris en ses première et quatrième branches, proposé pour M. [I] et le neuvième moyen proposé pour M. [M]
55. Le moyen proposé pour M. [I] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclaré coupable de recel de violation du secret professionnel, alors :
« 1°/ que les arrêts de la chambre de l'instruction, qui sont notifiés aux parties et à leurs avocats en application de l'article 217 du code de procédure pénale, ne sont pas couverts par le secret de l'instruction ; en jugeant au contraire que l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux du 23 septembre 2013 é
4°/ que tout magistrat d'un parquet général peut exercer les fonctions du ministère public au sein de ce parquet ; il découle du principe d'unicité et d'indivisibilité du parquet général de la Cour de cassation que chacun de ses membres est partie aux procédures dont la Cour de cassation est saisie ; en jugeant au contraire que M. [I] ne pouvait revendiquer une telle qualité, aux motifs inopérants qu'il était alors affecté à une chambre civile, et que le parquet général à la Cour de cassation n'est pas hiérarchisé, est indépendant du garde des Sceaux et que ses membres ne sont pas subordonnés au procureur général, la cour d'appel a encore violé les articles 226-13 et 321-1 du code pénal, ensemble les articles L. 122-4, L. 432-3 et R. 432-1 du code de l'organisation judiciaire. »
56. Le moyen proposé pour M. [M] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclaré coupable de violation du secret professionnel, alors :
« 1°/ que les arrêts de la chambre de l'instruction qui sont notifiés aux parties et à leurs avocats, ne sont pas couverts par le secret de l'instruction ; qu'en entrant en voie de condamnation en ce que l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux du 23 septembre 2013 était couvert par le secret de l'instruction et ne pouvait dès lors pas être communiqué, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision et a méconnu les articles 226-13 du code pénal, 11, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que la règle de l'unicité et de l'indivisibilité du parquet général de la Cour de cassation permet à chacun de ses membres d'exercer cette fonction à toutes les procédures devant la Cour de cassation ; qu'en énonçant que l'arrêt de la chambre de l'instruction ne pouvait pas être communiqué à M. [I] en ce qu'il était affecté à une chambre civile, que le parquet général à la Cour de cassation n'est pas hiérarchisé et que ses membres sont indépendants du garde des sceaux et ne sont pas subordonnés au procureur général, la cour d'appel s'est prononcé par des motifs inopérants et a méconnu les articles 226-13 du code pénal, L122-4, L432-3 et R432-2 du code de l'organisation judiciaire, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
57. Les moyens sont réunis.
58. Pour déclarer M. [M] coupable de violation du secret professionnel et M. [I] coupable de recel de violation du secret professionnel, l'arrêt attaqué relève qu'il a été découvert lors d'une perquisition au domicile de M. [I] un arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux et que M. [I] a déclaré que cet arrêt lui avait été remis par M. [M], ce que ce dernier a confirmé.
59. Les juges indiquent également que les mentions de cet arrêt montrent que les débats se sont déroulés et que l'arrêt a été rendu en chambre du conseil.
60. Ils énoncent ensuite que cet arrêt est un acte de la procédure d'instruction dans laquelle il a été rendu et qu'il est donc couvert par le secret.
61. Ils ajoutent que M. [M], avocat d'une personne mise en examen dans cette procédure d'instruction, est, à ce titre, soumis au secret professionnel et qu'à la date du prononcé de l'arrêt en cause, l'instruction n'était pas clôturée.
62. Ils énoncent par ailleurs que, pour être répréhensible, la révélation d'une information doit être faite à un tiers qui n'a pas la qualité pour la recevoir.
63. Ils relèvent qu'en l'espèce M. [I] n'était pas partie à la procédure d'instruction, et qu'une telle qualité ne peut résulter de l'unicité et de l'indivisibilité du parquet général près la Cour de cassation dès lors qu'il était affecté à une chambre civile et était donc étranger à l'examen des pourvois engagés contre l'arrêt de la chambre de l'instruction.
64. Ils ajoutent qu'il ne peut être tiré argument en défense de ce que M. [I] aurait pu avoir connaissance de cet arrêt par les outils informatiques propres à la Cour de cassation dès lors qu'il ne se l'est pas procuré ainsi.
65. Ils relèvent également que M. [M] a dit avoir remis cet arrêt à M. [I] pour son activité doctrinale et car celui-ci était passionné de procédure pénale et que M. [I] a indiqué vouloir consulter l'arrêt par curiosité.
66. Ils en concluent que l'élément matériel des infractions de violation du secret professionnel et de recel de violation du secret professionnel est ainsi caractérisé.
67. En prononçant ainsi, la cour d'appel a fait l'exacte application des textes visés aux moyens pour les motifs qui suivent.
68. En premier lieu, dès lors qu'un arrêt débattu et rendu en chambre du conseil par une chambre de l'instruction dans le cadre d'une procédure d'instruction est notifié à l'avocat d'une partie en application de l'article 217 du code de procédure pénale, il constitue une information à caractère secret dont l'avocat a eu communication en raison de sa profession et dont la révélation est interdite en application de l'article 226-13 du code pénal, la circonstance que ce document soit ou non couvert par le secret de l'instruction étant indifférente.
69. Les premières branches des moyens proposés par MM. [I] et [M] sont donc infondées.
70. En second lieu, en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a, indépendamment des motifs surabondants critiqués par le deuxième moyen, pris en sa quatrième branche, proposé pour M. [I] et le neuvième moyen, pris en sa seconde branche, proposé pour M. [M], caractérisé le fait que M. [I] était en possession de cet arrêt pour des raisons étrangères à ses fonctions.
71. Les moyens doivent donc être écartés.
Sur le cinquième moyen, pris en sa première branche, proposé pour M. [M]
Enoncé du moyen
72. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requalification des faits de trafic d'influence pour obtenir une décision favorable d'une autorité ou administration publique en trafic d'influence pour obtenir une décision favorable d'un agent de justice, alors :
« 1°/ que le législateur a prévu une incrimination spécifique du trafic d'influence visant à obtenir une décision favorable de magistrats à l'article 434-9-1 du code pénal ; que le juge est tenu de retenir la qualification spéciale ; que la cour d'appel a cependant écarté l'incrimination spéciale pour retenir l'incrimination générale de l'article 433-1 2° du code pénal ; qu'elle a méconnu les articles 433-1 2°, 434-9 et 434-9-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
73. Pour rejeter la demande de requalification des faits poursuivis sous la qualification de trafic d'influence actif à l'égard de MM. [Z] et [M], et passif à l'égard de M. [I], prévus par les articles 433-1, 2°, et 432-11, 2°, du code pénal en trafic d'influence sur agent de justice prévu par l'article 434-9-1 du même code, l'arrêt attaqué relève, tout d'abord, que M. [I], magistrat, est une personne dépositaire de l'autorité publique exerçant une fonction publique.
74. Les juges indiquent ensuite que la qualification de trafic d'influence passif prévue à l'article 432-11, 2°, retenue à son égard, permet de prendre en compte sa qualité de magistrat auteur de l'infraction comme élément d'aggravation de ce délit alors que le délit de trafic d'influence prévu par l'article 434-9-1, qui s'applique à toute personne auteur d'un trafic d'influence sur agent de justice, ne tient pas compte de l'éventuelle qualité particulière de l'auteur.
75. Ils indiquent également qu'il n'existe pas d'infraction permettant, comme l'article 434-9 du code pénal s'agissant de la corruption, de punir un magistrat auteur de faits de trafic d'influence à l'égard d'un autre magistrat.
76. Ils en concluent que, s'ils retenaient la qualification prévue par l'article 434-9-1, ce serait, pour M. [I], méconnaître l'aggravation du délit lorsqu'il est commis par une personne dépositaire de l'autorité publique et, pour MM. [Z] et [M], méconnaître l'aggravation du délit lorsque les auteurs sollicitent un magistrat pour que celui-ci use de son influence.
77. En statuant ainsi, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.
78. En effet, si le délit prévu par l'article 432-11, 2°, prévoit que l'influence exercée par l'auteur des faits doit l'être à l'égard d'une autorité ou d'une administration publique alors que le délit prévu par l'article 434-9-1 réprime spécifiquement le fait d'user de son influence à l'égard d'un magistrat, le premier ne constitue pas pour autant une infraction générale par rapport au second dès lors qu'il ne peut être réalisé que par une personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public ou investie d'un mandat électif, alors que le second peut être réalisé par quiconque.
79. De la même manière, si le délit prévu par l'article 433-1, 2°, réprime le fait de proposer à une personne une contrepartie pour qu'elle abuse de son influence auprès d'une autorité ou d'une administration publique alors que le délit prévu par l'article 434-9-1 réprime le fait de proposer à une personne d'abuser de son influence auprès, spécifiquement, d'un magistrat, le premier ne constitue pas pour autant une infraction générale par rapport au second dès lors qu'il n'est constitué que si la proposition de contrepartie est faite à une personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public ou investie d'un mandat électif public alors que, s'agissant du second, la proposition peut être faite à toute personne.
80. En outre, les infractions prévues par les articles 432-11, 2°, et 433-1, 2°, du code pénal sont plus sévèrement réprimées que celle prévue par l'article 434-9-1 de ce code, de sorte que la cour d'appel s'est ainsi conformée au principe selon lequel elle se doit d'apprécier les faits sous leur plus haute acception pénale.
81. Ainsi, le moyen doit être écarté.
Sur le cinquième moyen, pris en sa première branche, proposé pour M. [Z], le septième moyen, en ce qu'il critique la condamnation de M. [M] pour corruption active d'un magistrat, pris en ses première et quatrième branches, proposé pour celui-ci, et le troisième moyen, en ce qu'il critique la condamnation de M. [I] pour corruption passive par un magistrat, proposé pour ce dernier
Enoncé des moyens
82. Le moyen proposé pour M. [Z] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclaré coupable de corruption active d'un magistrat, alors :
« 1°/ que, d'une part, la caractérisation du délit de corruption active suppose, au titre de son élément moral, que soit établie l'existence d'un certain but, qui seul permet de retenir l'existence d'un lien de causalité certain entre, d'une part, la proposition d'offres, de promesses, de dons, de présents ou d'avantages quelconques par le corrupteur actif, et d'autre part, l'action ou l'abstention attendue ou d'ores et déjà accomplie par le corrupteur passif ; qu'en l'espèce, en se bornant à affirmer, pour retenir le délit de corruption active de magistrat à l'encontre de M. [Z], que « les agissements de [D] [I] sont la cause évidente de la proposition d'intervention pour l'obtention du poste à Monaco » (arrêt, p. 114), sans aucunement établir l'existence d'un lien de causalité certain entre, d'une part, la prétendue proposition d'intervention de M. [Z] au bénéfice de M. [I], et d'autre part, les actes reprochés à ce dernier au titre de la corruption passive, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 434-9 du code pénal, ensemble l'article 121-3 du même code et le principe de la pré
83. Le moyen proposé pour M. [M] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré celui-ci coupable de corruption active d'un magistrat, alors :
« 1°/ que la corruption sur un magistrat implique de céder aux sollicitations d'un magistrat ou de lui proposer sans droit des avantages pour que le magistrat accomplisse ou s'abstienne d'accomplir un acte de sa fonction ; que l'acte ne peut être qu'un acte matériel et ne peut pas consister en une simple information verbale, encore moins en une simple « opinion » ; qu'en retenant des opinions verbales données par le magistrat, la cour d'appel a méconnu les articles 434-9 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
4°/ que les actes reprochés ne sont constitutifs des infractions de corruption et de trafic d'influence que s'ils s'inscrivent dans le cadre d'un accord ; que la cour d'appel n'a pas établi l'existence d'un pacte ayant pour but de convaincre le magistrat d'accomplir un acte de sa fonction ou d'abuser de son influence en contrepartie d'avantages ; que la cour d'appel s'est bornée à relever que, postérieurement aux informations données, M. [I] espérait un « coup de pouce » ; qu'il s'ensuit que l'exécution des actes par M. [I] n'était pas conditionnée à l'obtention d'une contrepartie ; qu'en entrant cependant en voie de condamnation, la cour d'appel a méconnu les dispositions susvisées. »
84. Le moyen proposé pour M. [I] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclaré coupable de corruption passive par un magistrat, alors « que l'agrément des offres, promesses, dons, présents ou avantages quelconques est le fait pour le prévenu d'accepter la proposition qui lui est faite ; qu'après avoir retenu que ce sont [W] [M] et [T] [Z] qui ont proposé à M. [I] un soutien ou une intervention de [T] [Z] en vue d'obtenir un poste à Monaco, la cour d'appel constate que lors d'une conversation en date du 3 mars 2014 entre [W] [M] et [D] [I], ce dernier a répondu « oui, bah, c'est sympa » à l'annonce de [W] [M] de ce que la démarche avait été faite, et déduit de cette réponse que M. [I] aurait accepté la démarche accomplie en sa faveur (p. 135) ; qu'en retenant que M. [I] aurait ainsi agréé une contrepartie et que le pacte de corruption et de trafic d'influence était dès lors caractérisé quand, la démarche ayant d'ores et déjà été accomplie, M. [I] n'était pas en mesure d'accepter ou de refuser une quelconque proposition, la cour d'appel a violé les articles 434-9 et 432-11 du code pénal. »
Réponse de la Cour
85. Les moyens sont réunis.
86. Pour déclarer MM. [Z] et [M] coupables de corruption active d'un magistrat et M. [I] coupable de corruption passive par un magistrat, l'arrêt attaqué relève tout d'abord que M. [I] a accompli des actes de sa fonction ou facilités par sa fonction en vue d'obtenir des informations sur un pourvoi évoqué devant la chambre criminelle et de les transmettre à M. [M].
87. Les juges retiennent que M. [I], qui était premier avocat général près la Cour de cassation au moment des faits, a, directement ou par l'intermédiaire d'un collègue avocat général au sein de la chambre criminelle, obtenu des informations. Ils indiquent qu'il résulte notamment de la retranscription de certaines conversations téléphoniques que M. [I] aurait transmis à M. [M] des informations quant à la teneur de l'avis du conseiller rapporteur de l'affaire, qui est couvert par le secret du délibéré, à celle de l'avis de l'avocat général avant sa diffusion aux parties et à l'opinion des conseillers devant participer à la formation de jugement.
88. Ils relèvent également qu'il a existé un accord entre les prévenus au terme duquel, en récompense des actes accomplis par M. [I], M. [Z] devait engager des démarches afin d'aider celui-ci à obtenir un poste au Conseil d'Etat de Monaco.
89. Ils indiquent notamment que cet accord résulte de diverses conversations téléphoniques, notamment du 5 février 2014, mais également des 23, 24 et 25 février 2014, qui évoquent les actes accomplis par M. [I], la contrepartie attendue par celui-ci et l'accord de M. [Z] pour l'effectuer. Ils ajoutent que, une fois la démarche accomplie, M. [I] a accepté celle-ci. Ils constatent par ailleurs qu'il ressort de divers éléments que M. [I] avait bien postulé pour un poste à Monaco, que cette candidature était toujours d'actualité au moment des faits et que M. [M] en avait connaissance.
90. Ils relèvent enfin qu'il est établi que les prévenus avaient pleinement conscience de l'illégalité de leurs actes.
91. En prononçant ainsi, la cour d'appel n'a pas méconnu les textes visés aux moyens pour les motifs qui suivent.
92. En premier lieu, le fait pour un magistrat d'obtenir des informations confidentielles, voire protégées par le secret du délibéré, sur une affaire en cours d'examen au sein de la juridiction où il est affecté et de les transmettre à autrui constitue un acte facilité par sa fonction au sens des articles 433-1 et 434-9 du code pénal.
93. En deuxième lieu, la cour d'appel a souverainement retenu que les éléments du dossier permettaient d'établir l'existence d'un lien de causalité entre les agissements reprochés à M. [I] au titre de la corruption et la contrepartie que lui offrait M. [Z].
94. En troisième lieu, il est indifférent que la proposition d'une contrepartie aux agissements effectués par M. [I] soit intervenue après ceux-ci dès lors que le pacte de corruption peut être postérieur aux actes accomplis par la personne corrompue.
95. En dernier lieu, contrairement à ce qui est soutenu, la cour d'appel n'a pas relevé que M. [I] avait accepté le pacte de corruption postérieurement à l'accomplissement de la récompense, mais uniquement constaté que celui-ci avait agréé la récompense, ce qui démontrait à nouveau le lien entre cette récompense et ses agissements.
96. Les moyens ne peuvent donc être accueillis.
Sur le sixième moyen, pris en ses première et deuxième branches, proposé pour M. [Z], le septième moyen, en ce qu'il critique la condamnation de M. [M] pour trafic d'influence actif, pris en ses troisième et quatrième branches, proposé pour celui-ci et le troisième moyen, en ce qu'il critique la condamnation de M. [I] pour trafic d'influence passif, proposé pour ce dernier
Enoncé des moyens
97. Le moyen proposé pour M. [Z] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclaré coupable de trafic d'influence actif, alors :
« 1°/ que, premièrement, la caractérisation du délit de trafic d'influence actif suppose que l'auteur de ce délit ait cherché à obtenir, de la part d'une personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public ou investie d'un mandat électif public, l'exercice d'une influence visant à obtenir d'une autorité ou d'une administration publique une « décision » favorable, c'est-à-dire une mesure modifiant de façon favorable l'ordonnancement juridique ; qu'en l'espèce, en se fondant, pour retenir le délit de trafic d'influence actif à l'encontre de M. [Z], sur la prétendue influence, réelle ou supposée, qu'aurait exercée M. [I] auprès de l'avocat général, cependant qu'elle avait constaté que le rôle de l'avocat général « s'arrête au seuil du délibéré auquel il ne participe ni n'assiste » (arrêt, p. 127), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 433-1, 2°, du code pénal ;
2°/ que, deuxièmement, la caractérisation du délit de trafic d'influence actif suppose, au titre de son élément moral, que soit établie l'existence d'un certain but, qui seul permet de retenir l'existence d'un lien de causalité certain entre, d'une part, l'avantage pré
98. Le moyen proposé pour M. [M] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclaré coupable de trafic d'influence actif, alors :
« 3°/ que le trafic d'influence n'est caractérisé que lorsque l'abus d'influence est exercé pour obtenir une « décision » favorable ; que l'exposant faisait valoir que l'avis de l'avocat général n'est pas une décision ; qu'en s'abstenant de toute réponse à ce moyen, la cour d'appel qui n'a pas caractérisé l'influence exercée sur une autorité en charge d'une décision favorable, n'a pas justifié sa décision et a méconnu les dispositions précitées ;
4°/ que les actes reprochés ne sont constitutifs des infractions de corruption et de trafic d'influence que s'ils s'inscrivent dans le cadre d'un accord ; que la cour d'appel n'a pas établi l'existence d'un pacte ayant pour but de convaincre le magistrat d'accomplir un acte de sa fonction ou d'abuser de son influence en contrepartie d'avantages ; que la cour d'appel s'est bornée à relever que, postérieurement aux informations données, M. [I] espérait un « coup de pouce » ; qu'il s'ensuit que l'exécution des actes par M. [I] n'était pas conditionnée à l'obtention d'une contrepartie ; qu'en entrant cependant en voie de condamnation, la cour d'appel a méconnu les dispositions susvisées. »
99. Le moyen proposé pour M. [I] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclaré coupable de trafic d'influence passif, alors « que l'agrément des offres, promesses, dons, présents ou avantages quelconques est le fait pour le prévenu d'accepter la proposition qui lui est faite ; qu'après avoir retenu que ce sont [W] [M] et [T] [Z] qui ont proposé à M. [I] un soutien ou une intervention de [T] [Z] en vue d'obtenir un poste à Monaco, la cour d'appel constate que lors d'une conversation en date du 3 mars 2014 entre [W] [M] et [D] [I], ce dernier a répondu « oui, bah, c'est sympa » à l'annonce de [W] [M] de ce que la démarche avait été faite, et déduit de cette réponse que M. [I] aurait accepté la démarche accomplie en sa faveur (p. 135) ; qu'en retenant que M. [I] aurait ainsi agréé une contrepartie et que le pacte de corruption et de trafic d'influence était dès lors caractérisé quand, la démarche ayant d'ores et déjà été accomplie, M. [I] n'était pas en mesure d'accepter ou de refuser une quelconque proposition, la cour d'appel a violé les articles 434-9 et 432-11 du code pénal. »
Réponse de la Cour
100. Les moyens sont réunis.
101. Pour déclarer MM. [Z] et [M] coupables de trafic d'influence actif et M. [I] coupable de trafic d'influence passif, l'arrêt attaqué retient que M. [I] a usé de son influence en vue d'obtenir une décision favorable à M. [Z].
102. Les juges retiennent que cette influence s'est d'abord exercée sur l'avocat général en charge du dossier « [K] ». Ils indiquent que, par son avis exprimé publiquement et soumis à la discussion contradictoire, l'avocat général participe à l'élaboration de la décision même si son rôle s'arrête au seuil du délibéré auquel il ne participe ni n'assiste. Ils en déduisent que son avis est donc un jalon essentiel de nature à éclairer la décision.
103. Ils ajoutent qu'il résulte d'une conversation téléphonique que M. [I] a, au moins, laissé croire à MM. [M] et [Z] qu'il avait usé de son influence auprès de l'avocat général et qu'il ressort d'une autre conversation que M. [I] pouvait exercer une telle influence par l'intermédiaire d'un autre avocat général.
104. Ils relèvent également que M. [I] a usé de son influence auprès des conseillers de la formation de jugement soit directement, soit par l'intermédiaire de cet autre avocat général.
105. Ils retiennent que ces démarches ont été faites par M. [I] dans le but de démontrer qu'il méritait une contrepartie.
106. Ils indiquent, par les mêmes motifs que ceux rappelés pour caractériser les infractions de corruption, qu'un accord est intervenu entre les prévenus au terme duquel, en récompense des actes accomplis par M. [I], M. [Z] devait engager des démarches afin d'aider celui-ci à obtenir un poste au Conseil d'Etat de Monaco.
107. Ils relèvent enfin qu'il est établi que les prévenus avaient pleinement conscience de l'illégalité de leurs actes.
108. En prononçant ainsi, la cour d'appel n'a pas méconnu les textes visés aux moyens pour les motifs qui suivent.
109. En premier lieu, il est indifférent que l'avis de l'avocat général près la Cour de cassation constitue une décision au sens des articles 432-11 et 433-1 du code pénal dès lors que, en l'espèce, M. [I] a été condamné pour avoir usé de son influence, réelle ou supposée, auprès de l'avocat général afin que celui-ci rende un avis dans un sens déterminé dans le but d'obtenir une décision de la Cour de cassation favorable à M. [Z].
110. En deuxième lieu, la cour d'appel a souverainement retenu que les éléments du dossier permettaient d'établir l'existence d'un lien de causalité entre les agissements de M. [I] qui lui étaient reprochés au titre du trafic d'influence et la contrepartie que lui offrait M. [Z].
111. En dernier lieu, il est indifférent que la proposition d'une contrepartie aux agissements effectués par M. [I] soit intervenue après ceux-ci dès lors que le pacte peut être postérieur aux actes accomplis par la personne se livrant à un trafic d'influence.
112. Dès lors, les moyens doivent être écartés.
113. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
Crim. 10 décembre 2024 n° 24-85.538 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° X 24-85.538 FS-B
N° 01685
ODVS 10 DÉCEMBRE 2024
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 10 DÉCEMBRE 2024
M. [J] [R] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 3e section, en date du 10 septembre 2024, qui, dans l'information suivie contre lui notamment du chef de traite d'être humain en bande organisée, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention rejetant sa demande de mise en liberté.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Merloz, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boucard-Capron-Maman, avocat de M. [J] [R], et les conclusions de M. Dureux, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 10 décembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Merloz, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, MM. Cavalerie, Maziau, Seys, Dary, Mmes Thomas, Chaline-Bellamy, M. Hill, conseillers de la chambre, M. Violeau, conseiller référendaire, M. Dureux, avocat général référendaire, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. [J] [R] a été mis en examen notamment du chef susvisé et placé en détention provisoire par ordonnance du 26 octobre 2023, sous mandat de dépôt criminel.
3. Par ordonnance du 20 août 2024, le juge des libertés et de la détention a rejeté la demande de mise en liberté présentée par l'intéressé.
4. Le vendredi 23 août 2024, M. [R] a formé une déclaration d'appel au greffe de la maison d'arrêt, sans demander sa comparution personnelle.
5. Le lundi 26 août suivant, le greffe pénitentiaire a transmis la déclaration d'appel au greffe de la juridiction, qui l'a transcrite le même jour.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté l'appel de M. [R] contre l'ordonnance du juge des libertés rejetant sa demande de mise en liberté et a rejeté sa demande de mise en liberté pour péremption du titre de détention, fondée sur le dépassement du délai d'audiencement prévu à l'article 194, alinéa 4, du code de procédure pénale, alors « que la prorogation du délai d'accomplissement d'un acte ou d'une formalité prévue par l'article 801 du code de procédure pénale ne joue que si ce délai expire un samedi ou un dimanche ou un jour férié ou chômé, non lorsque ce délai commence à courir un tel jour ; que le délai de quinze jours imparti à la chambre de l'instruction pour statuer sur l'appel d'une ordonnance de rejet de demande de mise en liberté, court, en cas d'appel formé par le détenu sur son lieu de détention, à compter du lendemain du jour de la transcription de la déclaration d'appel par le greffe de la juridiction qui rendu la décision attaquée ; et que selon l'article D. 45-26 du code de procédure pénale, cette transcription doit avoir lieu « le jour même ou le premier jour ouvrable suivant » par le chef d'établissement pénitentiaire au greffe de la juridiction qui a rendu la décision ; qu'il en résulte qu'en cas d'appel formé par le détenu un jour ouvré, le point de départ du délai d'audiencement court à compter du lendemain du jour de la transcription de la déclaration d'appel, laquelle doit être réalisée le jour même, quand bien même ce point de départ tomberait un samedi, un dimanche, un jour férié ou chômé ; qu'en l'espèce, M. [R] a interjeté appel le vendredi 23 août 2024 sur son lieu de détention de l'ordonnance rejetant sa demande de mise en liberté ; que le délai de quinze jours imparti à la chambre de l'instruction pour se prononcer courrait par conséquent dès le lendemain, samedi 24 août 2024, et expirait par conséquent le 9 septembre 2024 ; qu'en énonçant que ce délai expirait le 10 septembre 2024, au motif erroné que la déclaration d'appel de M. [R] pouvait être transmise au greffe le premier jour ouvrable suivant le vendredi 23 août 2024, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 5 § 4 de la Convention européenne des droits de l'homme, et 194, al. 4, 503, 801 et D 45-26 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
7. Pour rejeter le moyen tiré de l'illégalité de la détention de M. [R], l'arrêt attaqué, après avoir rappelé la chronologie de la procédure, énonce que l'article D. 45-26 du code de procédure pénale dispose que la déclaration d'appel formée par une personne détenue en application de l'article 503 du même code est transmise le jour même ou le premier jour ouvrable suivant par le chef de l'établissement pénitentiaire au greffe de la juridiction qui a rendu la décision attaquée.
8. Les juges en concluent que, le samedi n'étant pas un jour ouvrable, le délai de quinze jours prévu à l'article 194, alinéa 4, du code de procédure pénale expirait bien le 10 septembre 2024 et non la veille.
9. En l'état de ces seules énonciations, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application des textes visés au moyen pour les motifs qui suivent.
10. D'une part, il résulte de l'article D. 45-26 du code de procédure pénale que, lorsque l'appel est formé par déclaration au chef de l'établissement pénitentiaire, le document doit être adressé au greffe de la juridiction qui a rendu la décision attaquée le jour même ou le premier jour ouvrable suivant et ce, même si la déclaration a été faite un jour ouvrable.
11. D'autre part, le point de départ du délai imparti à la chambre de l'instruction pour statuer sur l'appel d'une ordonnance du juge des libertés et de la détention formé auprès de l'établissement pénitentiaire doit être fixé au lendemain du jour de sa transcription par le greffe de la juridiction qui a rendu la décision attaquée.
12. Ainsi, le moyen doit être écarté.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
13. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté l'appel de M. [R] contre l'ordonnance du juge des libertés rejetant sa demande de mise en liberté et a rejeté sa demande de mise en liberté pour péremption du titre de détention, fondée sur le dépassement du délai d'audiencement prévu à l'article 194, alinéa 4 du code de procédure pénale, alors :
« 1°/ que les arrêts de la chambre de l'instruction sont déclarés nuls lorsqu'il a été omis ou refusé de prononcer sur une ou plusieurs demandes des parties ; qu'en omettant de se prononcer sur la demande subsidiaire formée avant toute défense au fond par M. [R] aux fins de « juger illégal l'article D.45-26 CPP », demande dont dépendait la régularité de son titre de détention, la chambre de l'instruction a statué infra petita, entachant sa décision d'excès de pouvoir négatif en méconnaissance de l'article 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que si l'article D. 45-26 du code de procédure pénale devait être interprété comme permettant que la déclaration d'appel effectuée sur un lieu de détention soit transmise dans un délai de plus de soixante-douze heures au greffe de la juridiction, ledit article, d'origine réglementaire, serait contraire aux dispositions de l'article 503 du code de procédure pénale, qui prévoit une transmission sans délai, et de l'article 5 § 4 de la Convention de sauvegarde des droits de l'hommes qui oblige le juge à statuer à bref délai en matière de détention ; qu'en ne prononçant pas l'illégalité de l'article D. 45-26 du code de procédure pénale, et en ne constatant pas, par voie de conséquence, le dépassement du délai d'audiencement de l'article 174, al. 4 du code de procédure pénale, la cour a violé l'article 111-5 du code pénal, ensemble les articles 5 § 4 de la Convention européenne des droits de l'homme, et 194, al. 4, 503, 801 et D 45-26 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
14. C'est à tort que la chambre de l'instruction n'a pas répondu au grief, formé dans un mémoire régulièrement déposé, pris de l'illégalité de l'article D. 45-26 du code de procédure pénale, alors qu'il lui appartenait, conformément à l'article 111-5 du code pénal, d'apprécier la légalité de cet acte administratif règlementaire dont dépendait la régularité de la détention.
15. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure pour les motifs qui suivent.
16. En premier lieu, l'article D. 45-26 précité, qui prévoit, lorsque l'appel est formé par déclaration au chef de l'établissement pénitentiaire, que le document est adressé au greffe de la juridiction qui a rendu la décision attaquée, le jour même ou le premier jour ouvrable suivant, et ce même si la déclaration a été faite un jour ouvrable, a pour objet de préciser les termes « sans délai » mentionnés à l'article 503 du code de procédure pénale et n'est pas contraire à cette exigence de célérité.
17. En second lieu, la possibilité, découlant de l'article D. 45-26 précité, d'une transmission de la déclaration d'appel par le greffe pénitentiaire le jour même ou le premier jour ouvrable suivant est en elle-même sans effet sur le respect du bref délai exigé par l'article 5, § 4, de la Convention européenne des droits de l'homme pour qu'il soit statué sur la détention provisoire, qui s'apprécie au regard du temps écoulé entre la demande et la réponse qui lui est apportée.
18. Ainsi, le moyen doit être écarté.
19. Par ailleurs, l'arrêt est régulier tant en la forme qu'au regard des dispositions des articles 137-3, 143-1 et suivants du code de procédure pénale.
Crim. 10 décembre 2024 n° 24-82.423 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° M 24-82.423 F-B
N° 01492
MAS2 10 DÉCEMBRE 2024
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 10 DÉCEMBRE 2024
M. [B] [J] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 26 mars 2024, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de meurtre et tentative, destruction par un moyen dangereux, en bande organisée, et association de malfaiteurs, a déclaré irrecevable sa demande d'annulation de pièces de la procédure.
Par ordonnance du 5 août 2024, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Chaline-Bellamy, conseiller, les observations de Me Laurent Goldman, avocat de M. [B] [J], et les conclusions de M. Tarabeux, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 novembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Chaline-Bellamy, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Mis en examen des chefs susvisés, M. [B] [J] a été placé sous mandat de dépôt le 3 juin 2022.
3. Par ordonnance du 22 mai 2023, le juge des libertés et de la détention a prolongé la détention provisoire.
4. Par arrêt du 13 septembre 2023, la Cour de cassation a ordonné la mise en liberté d'office de M. [J] et, en application de l'article 803-7 du code de procédure pénale, l'a placé sous un contrôle judiciaire l'astreignant notamment à l'obligation de se présenter au commissariat central de police de [Localité 1] le lendemain de sa libération avant 17 heures, puis une fois par jour, et à l'interdiction de sortir des limites territoriales du département de la Seine-Saint-Denis.
5. Interpellé le 14 septembre 2023 à [Localité 2], M. [J] a été placé en garde à vue puis en rétention judiciaire avant d'être déféré. Son avocat a déposé des observations contestant la régularité de ces mesures.
6. Par ordonnance du 15 septembre 2023, le juge des libertés et de la détention a révoqué le contrôle judiciaire de M. [J] et décerné mandat de dépôt à son encontre, décision confirmée par la chambre de l'instruction le 22 septembre suivant.
7. Le 2 octobre 2023, l'avocat de M. [J] a déposé une requête en annulation du procès-verbal d'interpellation du 14 septembre précédent et de tous les actes subséquents dont il est le support nécessaire, comprenant les ordonnances de saisine du juge des libertés et de la détention, de révocation du contrôle judiciaire et de placement en détention provisoire ainsi que l'arrêt confirmatif de la chambre de l'instruction, et a sollicité la mise en liberté d'office de l'intéressé.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré sa requête irrecevable, alors « que la personne mise en examen est recevable à critiquer devant la chambre de l'instruction saisie en application de l'article 173 du code de procédure pénale tous les actes de procédure contre lesquels la voie de l'appel n'est pas ouverte ; qu'en se fondant, pour déclarer irrecevable la requête de M. [J], qui visait les actes relatifs aux conditions de son interpellation, contre lesquels la voie de l'appel n'était pas ouverte, sur la circonstance inopérante qu'il ne s'agirait pas d'actes de fond et qu'ils seraient le support indissociable de la révocation du contrôle judiciaire, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 173 et 186 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 170 et 173, alinéa 4, du code de procédure pénale :
9. Selon le premier de ces textes, en toute matière, la chambre de l'instruction peut, au cours de l'information, être saisie aux fins d'annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure notamment par les parties.
10. Il résulte du second que ne peuvent faire l'objet d'une saisine de la chambre de l'instruction aux fins d'annulation les actes ou pièces de la procédure susceptibles d'un appel de la part des parties, et notamment les décisions rendues en matière de détention provisoire ou de contrôle judiciaire, à l'exception des actes pris en application du chapitre IX du titre II du livre II du code de la sécurité intérieure.
11. Pour déclarer la requête en nullité irrecevable, l'arrêt attaqué rappelle qu'en application de I'article 173, alinéa 4, du code de procédure pénale, les ordonnances rendues en matière de détention provisoire ne peuvent être contestées que par la voie de l'appel et non par celle de la requête en nullité et relève que tel a été le cas en l'espèce, la chambre de I'instruction ayant statué le 22 septembre 2023 sur l'appel interjeté contre l'ordonnance de révocation du contrôle judiciaire et de placement en détention provisoire.
12. Les juges énoncent que le requérant sollicite notamment I'annulation de cette ordonnance et que, si les actes de filature, interpellation et placement en garde à vue argués d'irrégularité ne sont pas susceptibles d'appel, ils ne constituent pas des actes d'investigation sur le fond du dossier mais Ie support nécessaire et préalable à la décision de révocation du contrôle judiciaire et de placement en détention provisoire et qu'ils en sont indissociables.
13. Ils ajoutent que leur annulation éventuelle n'aurait de sens et d'intérêt qu'au regard de celle des actes subséquents, et en particulier de l'ordonnance de révocation du contrôle judiciaire et de placement en détention provisoire qui n'est susceptible que d'un appel.
14. Ils concluent qu'il appartenait au requérant de faire valoir l'irrégularité de l'ordonnance de révocation du contrôle judiciaire et de placement en détention provisoire mais également des actes qui en constituaient le support nécessaire et exclusif à l'occasion de l'appel formé contre ladite ordonnance, de sorte qu'il n'est désormais plus possible d'invoquer Ia nullité des actes ayant mené au placement en détention provisoire de M. [J].
15. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés pour les motifs qui suivent.
16. Si la requête présentée sollicite l'annulation d'actes juridictionnels qui ne peuvent faire l'objet que d'un appel et est dès lors irrecevable en ce qui les concerne, elle tend au premier chef à l'annulation d'actes de la procédure, tels le procès-verbal de surveillance, de filature et d'interpellation de M. [J] ainsi que les mesures de garde à vue et de rétention qui ont suivi.
17. Ces actes accomplis par des officiers ou agents de police judiciaire pour s'assurer du respect par la personne mise en examen des obligations de son contrôle judiciaire se rattachent à la procédure d'information en ce qu'ils participent de la poursuite des infractions et sont mis en oeuvre pour vérifier le respect d'une mesure prononcée en raison des nécessités de l'instruction ou à titre de mesure de sûreté. Ils entrent, en conséquence, dans le champ des actes et pièces de la procédure susceptibles de faire l'objet d'une saisine de la chambre de l'instruction aux fins d'annulation.
18. De tels actes, qui ne présentent pas de caractère indissociable de l'ordonnance de révocation du contrôle judiciaire et de placement en détention provisoire, ne pouvaient en outre être contestés à l'occasion d'un appel devant la chambre de l'instruction en raison de la règle de l'unique objet de la saisine de cette juridiction.
19. La cassation est par conséquent encourue.
Crim. 4 décembre 2024 n° 24-82.385
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° V 24-82.385 F-D
N° 01676
4 DÉCEMBRE 2024
MAS2
QPC INCIDENTE : NON LIEU À RENVOI AU CC
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 4 DÉCEMBRE 2024
Mme [H] [X] a présenté, par mémoire spécial reçu le 16 septembre 2024, une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi formé par elle contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, 12e chambre, en date du 22 mars 2024, qui a prononcé sur sa demande de restitution de biens saisis.
Sur le rapport de Mme Chafaï, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de Mme [H] [X], et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 4 décembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Chafaï, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« L'article 131-21 du Code pénal tel qu'interprété par la Cour de cassation au terme d'une jurisprudence constante, et les articles 41-4 et 99 du Code de procédure pénale, en ce qu'ils ne permettent pas au tiers à une procédure pénale dont les biens ont été saisis dans le cadre de cette procédure de solliciter leur restitution pendant la période, d'une durée souvent indéterminée et illimitée, séparant la décision de renvoi de la juridiction d'instruction de l'audience au fond, portent-ils atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif protégé par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ainsi qu'au droit de propriété, protégé par les articles 2 et 17 de la même Déclaration, et sont-ils entachés d'une incompétence négative du législateur affectant ces mêmes droits, en violation de l'article 34 de la Constitution ? »
2. Les articles 41-4 et 99 du code de procédure pénale, dans leur rédaction résultant de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, sont applicables au litige.
3. En revanche, l'article 131-21 du code pénal, en ce qu'il prévoit les conditions du prononcé d'une peine complémentaire de confiscation, n'est pas applicable au présent litige.
4. Seuls les mots « lorsque le bien saisi est l'instrument ou le produit direct ou indirect de l'infraction » et « dans le délai d'un mois suivant sa notification » figurant au deuxième alinéa de l'article 41-4 du code de procédure pénale, et les mots « mais il ne peut prétendre à la mise à sa disposition de la procédure » figurant au dernier alinéa de l'article 99 du code de procédure pénale, dans leur rédaction résultant de la loi du 23 mars 2019 précitée, ont été déclarés conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.
5. La question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.
6. La question posée ne présente pas un caractère sérieux pour les motifs qui suivent.
7. Les articles 41-4 et 99 du code de procédure pénale donnent compétence respectivement au ministère public pour statuer au cours de l'enquête sur la restitution des objets saisis dont la propriété n'est pas sérieusement contestée, en l'absence de saisine de toute juridiction ou lorsque la dernière juridiction saisie a épuisé sa compétence sans statuer sur la restitution, et au juge d'instruction pour statuer au cours de l'information sur la requête en restitution d'un objet placé sous main de justice formée par un tiers prétendant avoir des droits sur celui-ci.
8. Or, d'une part, selon l'article 388 du même code, l'ordonnance de renvoi rendue par le juge d'instruction saisit le tribunal correctionnel de la poursuite.
9. D'autre part, l'article 479 du code de procédure pénale, qui énonce que toute personne autre que le prévenu, la partie civile ou la personne civilement responsable qui prétend avoir droit sur des objets placés sous la main de la justice peut en réclamer la restitution au tribunal saisi de la poursuite, rend inopérante l'allégation d'une incompétence négative.
10. Il n'y a par conséquent pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.
Crim. 4 décembre 2024 n° 24-81.444
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° X 24-81.444 F-D
N° 01467
LR 4 DÉCEMBRE 2024
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 4 DÉCEMBRE 2024
M. [W] [U] a formé un pourvoi contre le jugement du tribunal de police de Caen, en date du 27 septembre 2023, qui, pour contravention au code de la route, l'a condamné à 50 euros d'amende.
Un mémoire personnel a été produit.
Sur le rapport de M. Sottet, conseiller, et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 novembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Sottet, conseiller rapporteur, M. Samuel, conseiller de la chambre, et Mme Le Roch, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte du jugement attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [W] [U] a été poursuivi pour franchissement d'une ligne continue, contravention de la quatrième classe.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
3. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
4. Le moyen est pris de la violation de l'article 530-1 du code de procédure pénale.
5. Le moyen critique le jugement attaqué en ce qu'il a condamné le prévenu à 50 euros d'amende alors que le minimum encouru était de 375 euros.
Réponse de la Cour
Vu l'article 530-1 du code de procédure pénale :
6. Selon ce texte, en cas de recours contre une amende forfaitaire majorée, l'amende prononcée ne peut être inférieure à celle qui aurait été due si l'intéressé n'avait pas présenté de réclamation.
7. Le tribunal de police a condamné à 50 euros d'amende M. [U], qui avait formé une réclamation contre l'amende forfaitaire majorée délivrée contre lui pour la contravention susmentionnée.
8. En prononçant ainsi, alors que le montant de l'amende, qui ne pouvait être inférieur à 375 euros, aurait permis au prévenu de disposer du droit d'appel, le juge a méconnu le texte susvisé.
9. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
10. Il résulte de l'article 546 du code de procédure pénale que le prévenu condamné pour une contravention des quatre premières classes peut interjeter appel lorsque la peine d'amende prononcée est supérieure au maximum de l'amende encourue pour les contraventions de la deuxième classe, fixé par l'article 131-13 du code pénal à 150 euros.
11. Il s'en déduit dans ces hypothèses que lorsque le tribunal de police prononce une peine d'amende inférieure aux minima prévus par l'article 530-1, alinéa 2, du code de procédure pénale, la cassation doit porter sur l'ensemble des dispositions du jugement afin de permettre au prévenu de bénéficier de la plénitude de son droit d'interjeter appel sur le nouveau jugement à intervenir.
Crim. 4 décembre 2024 n° 23-85.707
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° K 23-85.707 F-D
N° 01464
LR 4 DÉCEMBRE 2024
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 4 DÉCEMBRE 2024
Mme [P] [B], épouse [C], M. [I] [C], la société [2] et l'entreprise agricole [I] [C] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes, chambre correctionnelle, en date du 7 septembre 2023, qui, pour infractions au code de l'urbanisme, les a condamnés, chacun, à 2 000 euros d'amende, a ordonné la remise en état des lieux sous astreinte, et a prononcé sur les intérêts civils.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits.
Sur le rapport de M. Rouvière, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi, avocat de Mme [P] [B], épouse [C], M. [I] [C], la société [2] et l'entreprise agricole [I] [C], les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la commune de Junas et de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de Mme [R] [L] épouse [Y] et M. [O] [Y], et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 novembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Rouvière, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Le Roch, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [I] [C] et Mme [P] [B], son épouse, ont constitué la société [2], qui a acquis une propriété agricole située à [Localité 1], à proximité du [Adresse 3], bâtiment inscrit au titre des monuments historiques.
3. Mme [B], M. [C], la société [2] et l'entreprise agricole [I] [C] ont été poursuivis des chefs susvisés.
4. Le tribunal correctionnel les a déclarés coupables, les a condamnés, chacun, à 1 500 euros d'amende, a ordonné la remise en état des lieux et a prononcé sur les intérêts civils.
5. Les prévenus, le procureur de la République et les parties civiles ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le deuxième moyen
6. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré Mme [B], M. [C], la société [2] et l'entreprise agricole [I] [C] coupables d'exécution de travaux sans permis de construire, alors :
« 1°/ que, d'une part, sont soumis à l'obtention d'un permis de construire les travaux ayant pour effet de modifier les structures porteuses ou la façade du bâtiment, lorsque ces travaux s'accompagnent d'un changement de destination ; qu'en se prononçant sans répondre aux conclusions des prévenus, aux termes desquelles ils faisaient valoir, en s'appuyant sur les pièces de la procédure, qu'aucun changement de destination n'était intervenu consécutivement aux travaux effectués, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles L. 421-1, L. 480-4, R. 421-14 du code de l'urbanisme et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que, d'autre part, en se prononçant sans rechercher si les travaux exécutés par les prévenus avaient modifié les structures porteuses ou la façade des bâtiments, la cour d'appel a privé sa décision de base légale, en méconnaissance des articles L. 421-1, L. 480-4, R. 421-14 du code de l'urbanisme et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
8. Pour déclarer les prévenus coupables d'exécution de travaux non autorisés par un permis de construire, l'arrêt attaqué énonce qu'il ressort des différents procès-verbaux établis dans le cadre des procédures portant les numéros de parquet 16/036/102 et 15/350/108 et cités dans le procès-verbal établi par la direction des territoires et de la mer que les faits sont établis.
9. Les juges ajoutent, par motifs adoptés, que la transformation de la remise agricole et de la cave viticole en gîtes ruraux supposait l'obtention d'un permis de construire, qui n'a pas été délivré.
10. En l'état de ces énonciations, relevant de son pouvoir souverain d'appréciation des faits et circonstances de la cause et des éléments de preuve contradictoirement débattus, incluant les procès-verbaux auxquels elle se réfère, et dont il ressort que les travaux ont changé la destination agricole initiale des bâtiments pour les transformer en hébergements, la cour d'appel a justifié sa décision.
11. Ainsi, le moyen, nouveau, mélangé de fait et, comme tel, irrecevable en sa seconde branche, ne saurait être accueilli.
Mais sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
12. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré Mme [B], M. [C], la société [2] et l'entreprise agricole [I] [C] coupables d'édification irrégulière de clôture sans déclaration préalable, alors « qu'en se prononçant sans rechercher si les clôtures et les portails édifiés étaient situés dans le champ de visibilité du [Adresse 3], la cour d'appel a privé sa décision de base légale, en méconnaissance des articles L. 421-4, L. 480-4, R. 421-2, R. 421-12 du code de l'urbanisme et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles R. 421-12 du code de l'urbanisme et 593 du code de procédure pénale :
13. Aux termes du premier de ces textes, doit être précédée d'une déclaration préalable l'édification d'une clôture située dans le champ de visibilité d'un monument historique défini à l'article L. 621-30 du code du patrimoine.
14. Selon le second, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
15. Pour déclarer les prévenus coupables d'édification de clôture sans déclaration préalable, l'arrêt attaqué énonce, par motifs adoptés, que les clôtures et portails ont été édifiés dans le périmètre de protection du [Adresse 3], inscrit à l'inventaire des monuments historiques.
16. En se déterminant ainsi, sans vérifier, comme elle y était invitée, si les clôtures étaient situées dans le champ de visibilité du [Adresse 3], la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.
17. La cassation est, dès lors, encourue.
Et sur le quatrième moyen
Enoncé du moyen
18. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré Mme [B], M. [C], la société [2] et l'entreprise agricole [I] [C] coupables d'exécution de travaux en méconnaissance du plan local d'urbanisme, alors « qu'en retenant, par des motifs adoptés, que « les gîtes ruraux qui ont été édifiés ne se rapportent à aucune exploitation agricole constituée » (jugement, p. 12, § 1), sans mieux s'expliquer, comme l'y invitaient pourtant les conclusions des prévenus, sur la nature de l'exploitation dont dépendait la possibilité de créer des gîtes ruraux, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles L. 123-5, L. 160-1 devenues L. 152-1, L. 610-1 du code de l'urbanisme et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 593 du code de procédure pénale :
19. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
20. Pour déclarer les prévenus coupables d'infraction au plan local d'urbanisme, l'arrêt attaqué énonce, par motifs adoptés, que les gîtes ruraux qui ont été édifiés ne se rapportent à aucune exploitation agricole constituée.
21. En se déterminant ainsi, alors qu'il ressortait de ses propres constatations que les époux [C] avaient acquis des terres agricoles dont ils avaient poursuivi l'exploitation, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision. 22. Par conséquent, la cassation est de nouveau encourue.
Portée et conséquences de la cassation
23. La cassation portera sur les dispositions de l'arrêt attaqué concernant la culpabilité, à l'exception de celles relatives à la déclaration de culpabilité des chefs d'exécution de travaux non autorisés par un permis de construire et d'exécution irrégulière de travaux soumis à déclaration préalable, et, par voie de conséquence, sur celles relatives aux peines, à la remise en état des lieux et aux intérêts civils.
Crim. 26 novembre 2024 n° 24-85.348
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° R 24-85.348 F-D
N° 01555
26 NOVEMBRE 2024
LR
QPC INCIDENTE : RENVOI AU CC
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 26 NOVEMBRE 2024
M. [E] [G] a présenté, par mémoire spécial reçu le 28 octobre 2024, une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi formé par lui contre l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 25 juillet 2024, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'assassinat et tentative, en bande organisée, associations de malfaiteurs, infractions à la législation sur les armes, a confirmé l'ordonnance de mise à l'isolement judiciaire rendue par le juge d'instruction.
Sur le rapport de M. Seys, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [E] [G], et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 novembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Seys, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Le Roch, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« Les dispositions de l'article 145-4-1, alinéa 1er, in fine, du code de procédure pénale, telles que précisées par celles de l'article R. 57-5-7, alinéa 2, du même code, en ce qu'elles ne prévoient pas les modalités de traitement, par le président de la Chambre de l'instruction, du recours formé contre l'ordonnance de placement à l'isolement judiciaire, et en particulier le délai légal dans lequel ce recours doit être jugé, et qu'elles n'indiquent pas à a minima que ce délai doit être bref, portent-elles atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif, à la liberté individuelle et à la sûreté garantis par les articles 2, 7, 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et 66 de la Constitution ? ».
2. La disposition législative contestée est applicable à la procédure et n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.
3. La question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.
4. La question posée présente un caractère sérieux, pour les raisons suivantes.
5. En premier lieu, selon le Conseil constitutionnel, le droit à un recours juridictionnel effectif n'est garanti, en matière de privation de liberté, que si le juge judiciaire est tenu de statuer dans les plus brefs délais.
6. Or, la décision de placement d'une personne détenue au régime de l'isolement, qui est prise sans le consentement de l'intéressée, si elle ne porte que sur une modalité de l'emprisonnement, se distingue néanmoins de celui-ci dans la mesure où elle n'en n'est pas la conséquence directe.
7. En outre, elle entraîne un durcissement du régime de détention.
8. En second lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation que la chambre de l'instruction, saisie de l'appel d'une ordonnance du juge des libertés et de la détention statuant tant sur la détention provisoire que sur le maintien à l'isolement de la personne mise en examen, est compétente pour statuer sur cette dernière mesure (Crim., 4 janvier 2022, pourvoi n° 21-85.869). Il s'ensuit que, dans cette hypothèse, la chambre de l'instruction doit se prononcer dans les brefs délais applicables en matière de détention provisoire. En revanche, lorsque le président de la chambre de l'instruction est saisi d'un recours contre une mesure d'isolement, l'article D. 43-6 du code de procédure pénale prévoit qu'il statue dans un délai raisonnable.
9. Il s'en déduit que le délai imparti au juge pour apprécier le bien-fondé de la mesure d'isolement dépend, d'une part, du choix de ce même juge de prononcer par une unique ordonnance ou par deux décisions distinctes, choix qui n'obéit à aucun critère défini par le législateur, d'autre part, de l'exercice d'une voie de recours par la personne détenue contre la mesure de sûreté principale.
10. À cet égard, la faculté offerte à cette personne de demander à tout moment sa mise en liberté pourrait ne pas constituer une garantie suffisante.
11. En conséquence, il y a lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.
Crim. 26 novembre 2024 n° 24-82.107
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° T 24-82.107 F-D
N° 01425
ODVS 26 NOVEMBRE 2024
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 26 NOVEMBRE 2024
M. [B] [E] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 21 décembre 2023, qui, dans l'information suivie contre lui, des chefs notamment d'exercice illégal de l'activité d'émetteur de monnaie électronique, fourniture de services bancaires de paiement et escroquerie en bande organisée en récidive, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure.
Par ordonnance du 24 juin 2024, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Dary, conseiller, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de M. [B] [E], et les conclusions de M. Tarabeux, avocat général, après débats en l'audience publique du 22 octobre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Dary, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. A la suite d'un signalement de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, M. [B] [E] a été mis en examen le 25 novembre 2022 des chefs susvisés.
3. Le 20 décembre suivant, il a déposé une requête aux fins d'annulation de sa mise en examen du chef d'escroquerie en bande organisée.
4. Le 5 juin 2023, il adressé au greffe de la chambre de l'instruction un mémoire à cette fin, sollicitant, par ailleurs, l'annulation de plusieurs pièces de la procédure.
Examen des moyens
Sur les premier, troisième, quatrième et cinquième moyens
5. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il n'a pas statué sur les demandes d'annulation relatives au versement de pièces du dossier de l'instruction (A14-A19), de la transmission de celles-ci et de l'intégralité des pièces transmises à la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), alors « que la chambre de l'instruction est tenue de faire état et de répondre aux demandes dont elle est saisie, fût-ce pour les écarter ; que la chambre de l'instruction, qui a omis de se prononcer sur les demandes tendant à l'annulation de la demande de versement de pièces du dossier de l'instruction (A14-A19), de la transmission de celles-ci et de l'intégralité des pièces transmises à la DGSI, formée par M. [E] dans ses mémoires du 5 juin 2023 et du 4 décembre 2023, a violé l'article 593 du code de procédure pénale ainsi que les articles 5 et 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
7. L'arrêt attaqué a omis de prononcer sur la demande de l'intéressé aux fins d'annulation de pièces de la procédure (A14-A19), formée par mémoire régulièrement déposé le 5 juin 2023.
8. Toutefois, le demandeur ne saurait se faire un grief de cette absence de réponse, dès lors que la demande, formée en application de l'article 726-25-2 du code de procédure pénale, de la direction générale de la sécurité intérieure, étrangère à la procédure et qui n'y concourt pas, n'est pas un acte de la procédure susceptible d'être annulé en application de l'article 171 du code précité. Le soit-transmis du juge d'instruction y faisant droit, qui n'est pas un acte d'instruction, ne peut davantage être annulé. Enfin, les pièces transmises, intrinsèquement régulières, ne sauraient être annulées en raison même de cette transmission, celle-ci ne pouvant avoir pour conséquence d'en altérer la validité.
9. Dès lors, le moyen ne peut être accueilli.
10. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
Crim. 26 novembre 2024 n° 24-85.210
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° R 24-85.210 F-D
N° 01558
LR 26 NOVEMBRE 2024
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 26 NOVEMBRE 2024
M. [D] [O] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nouméa, en date du 24 juillet 2024, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de meurtre et infraction à la législation sur les armes, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention le plaçant en détention provisoire.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Merloz, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. [D] [O], et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 novembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Merloz, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Le Roch, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. [D] [O] a été mis en examen des chefs susvisés le 18 mai 2024 dans le contexte des événements s'étant déroulés, en Nouvelle-Calédonie, à compter du 13 mai précédent. Il a été placé sous assignation à résidence avec surveillance électronique.
3. Par ordonnance du 10 juillet 2024, le juge des libertés et de la détention a ordonné le placement en détention provisoire de M. [O]. Celui-ci a été incarcéré au centre pénitentiaire de [1].
4. Ce dernier a relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses deuxième et cinquième branches
5. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le moyen, pris en ses autres branches
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné le placement de M. [O] en détention provisoire au centre pénitentiaire de [1], alors :
« 1°/ que la détention provisoire ne peut être ordonnée ou prolongée que s'il est démontré, au regard des éléments précis et circonstancié
3°/ que tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'en se fondant, pour retenir qu'il convenait de protéger M. [O] et que sa mise en liberté entraînerait de graves troubles à l'ordre public à l'aune d'un contexte local volatil, sur des éléments non datés tels que des menaces de mort ne permettant pas de garantir sa sécurité et l'incarcération d'autres personnes ayant commis, à l'occasion des émeutes et événements débutés le 13 mai 2024, des délits moins gravement réprimés sans répondre aux conclusions de M. [O] qui faisait valoir qu'au moment où elle statuait, les tensions s'étaient atténuées, les émeutes se circonscrivant en des points particuliers et non plus dans le quartier de Logicoop, où les commanditaires présumés des émeutes avaient été placés en détention, que le pays connaissait un assouplissement des contraintes du couvre-feu, qu'il n'était, pour sa part, pas connu nominativement ni physiquement comme l'auteur du tir mortel, qu'aucune partie civile ne s'était fait connaître et que la prospective d'un risque futur potentiel d'atteinte à son intégrité ne pouvait justifier soudainement, sans aucun élément circonstanciel spécifique, précis et caractérisé, son placement en détention, la chambre de l'instruction a violé l'article 593 du code de procédure pénale ;
4°/ que la juridiction d'instruction qui statue sur une demande de mise en détention provisoire doit se fonder sur des éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure, au jour où elle statue ; que M. [O] faisait valoir qu'à défaut de circonstances nouvelles, il ne pouvait être mis en détention provisoire pour des motifs qui, lors de sa mise en examen, le 18 mai 2024, n'avaient justifié qu'un placement sous assignation à résidence sous surveillance électronique ; qu'en retenant, par une reproduction quasiment littérale des réquisitions du procureur général dont M. [O] soutenait qu'elles étaient fondés uniquement sur des motifs existants à la date de l'ouverture d'information, sans aucun élément nouveau, que la mise en détention constituait l'unique moyen de prévenir le renouvellement de l'infraction dès lors que M. [O] avait délibérément violé l'interdiction judiciaire de détenir une arme à laquelle il venait d'être condamné en 2023, qu'il avait caché le fusil chez une tierce personne avant de le récupérer, lors des troubles, pour tirer volontairement à hauteur d'homme, et qu'il était dans un état de panique aggravé par les événements traumatisants vécus entre le 13 et le 15 mai 2024 et dans un état psychologique dépressif voire suicidaire, sans constater que ces éléments étaient survenus ou avaient été révélés postérieurement à sa mise sous assignation à résidence sous surveillance électronique, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 144 du code de procédure pénale ;
6°/ que le droit à un procès équitable impose le respect des droits de la défense ; qu'en choisissant un centre pénitentiaire à 18 000 kilomètres du tribunal judiciaire où se déroule l'instruction, ce qui restreint substantiellement les moyens de communication entre M. [O] et son avocat à Nouméa, la chambre de l'instruction a, comme le soutenait M. [O], porté, à la faveur d'une décision de pure politique pénale, atteinte à son droit au procès équitable et violé l'article préliminaire du code de procédure pénale et l'article 6 § 1 de la convention européenne des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
Sur le moyen, pris en ses première, troisième et quatrième branches
7. C'est à tort que, pour confirmer l'ordonnance de placement en détention provisoire, l'arrêt attaqué retient que cette mesure est l'unique moyen de prévenir le renouvellement de l'infraction en ce que la personne mise en examen présente un état psychologique dépressif voire suicidaire et un état de panique aggravé par les événements traumatisants vécus entre les 13 et 15 mai 2024 et en ce qu'elle a délibérément violé l'interdiction judiciaire de détenir une arme à laquelle elle venait d'être condamnée en 2023 à la suite de précédentes violences commises avec arme en achetant un fusil postérieurement à sa condamnation.
8. C'est également à tort que l'arrêt attaqué retient que la remise en liberté de l'intéressé, mis en examen du chef de meurtre, serait de nature à entraîner de graves troubles à l'ordre public, quand d'autres personnes mises en examen pour des délits commis lors de ces mêmes événements ont été placées en détention provisoire et que le contexte local demeure instable.
9. En effet, si aucune disposition légale ou conventionnelle n'interdit aux juridictions d'instruction de délivrer, au cours d'une même information, à l'encontre d'une personne placée sous assignation à résidence avec surveillance électronique, un titre de détention en raison des mêmes faits, c'est à la condition que des circonstances nouvelles entrant dans les prévisions de l'article 144 du code de procédure pénale justifient, eu égard aux nécessités actuelles de l'instruction, la délivrance d'un mandat de dépôt.
10. Or, les éléments précités relatifs aux risques de renouvellement de l'infraction et de trouble grave et persistant à l'ordre public avaient été retenus par la chambre de l'instruction pour ordonner antérieurement le placement de la personne mise en examen sous assignation à résidence avec surveillance électronique et ne caractérisent ainsi pas l'existence de circonstances nouvelles.
11.Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure.
12. En effet, la chambre de l'instruction, par motifs propres et expressément adoptés, a également justifié le placement en détention provisoire de l'intéressé par la nécessité de le protéger, objectif qui ne saurait être atteint en cas de placement sous contrôle judiciaire ou sous assignation à résidence avec surveillance électronique, en ce que, depuis le retour partiel de la commission rogatoire et notamment de l'expertise établissant que le tir mortel provient de l'arme de M. [O], ce dernier est désormais la seule personne mise en examen, que les menaces de mort antérieurement proférées à l'encontre de M. [H] [L], du domicile duquel aurait été tiré le coup de feu ayant tué la victime, pourraient donc se reporter sur lui ; qu'il a été contraint de changer de domiciliation dans le cadre de son assignation à résidence sous surveillance électronique du fait de la peur ressentie par ses premiers logeurs et qu'il ne dispose pas d'adresse en métropole.
13. Les juges en ont déduit que seul le placement en détention provisoire en métropole était dès lors de nature à permettre, à brève échéance, d'assurer la sécurité et de protéger la personne mise en examen.
14. Ces éléments constituent des circonstances nouvelles entrant dans les prévisions de l'article 144 du code de procédure pénale justifiant, eu égard aux nécessités actuelles de l'instruction, la délivrance d'un mandat de dépôt.
15. Ainsi, les griefs doivent être écartés.
Sur le moyen, pris en sa sixième branche
16. Le demandeur ne saurait faire grief à la chambre de l'instruction d'avoir porté atteinte à son droit à un procès équitable en confirmant l'ordonnance de placement en détention provisoire dans un lieu de détention situé en métropole, dès lors que le demandeur se contentait, dans son mémoire déposé devant la chambre de l'instruction, au visa des articles 5, §§ 1 et 4, et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, d'alléguer qu'il serait, compte tenu de son lieu de détention, entravé dans sa communication avec son avocat et dans l'exercice de ses droits, sans faire valoir de façon circonstanciée une insuffisance des moyens de communication mis à sa disposition.
17. Les nouvelles pièces présentées par le demandeur pour soutenir qu'il n'a pu, en l'état, s'entretenir avec son avocat, ne sauraient établir l'existence de l'atteinte alléguée dès lors qu'elles portent sur des éléments intervenus postérieurement à l'arrêt attaqué.
18. Ainsi, le grief doit être écarté.
19. Par ailleurs, l'arrêt est régulier tant en la forme qu'au regard des dispositions des articles 137-3, 143-1 et suivants du code de procédure pénale.
Crim. 26 novembre 2024 n° 24-81.450
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° D 24-81.450 F-D
N° 01426
ODVS 26 NOVEMBRE 2024
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 26 NOVEMBRE 2024
M. [U] [K] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 4e section, en date du 28 février 2024, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants en récidive, blanchiment et association de malfaiteurs, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure.
Par ordonnance du 24 juin 2024, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Hill, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [U] [K], et les conclusions de M. Tarabeux, avocat général, après débats en l'audience publique du 22 octobre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Hill, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 29 juin 2022, M. [U] [K] a été mis en examen des chefs susvisés.
3. Le 29 décembre suivant il a saisi la chambre de l'instruction d'une requête aux fins d'annulation de pièces de la procédure.
Examen des moyens
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en nullité présentée par la défense et dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure, alors :
« 1°/ d'une part que le respect dû aux droits de la défense suppose que les enquêteurs français qui reçoivent des informations d'enquêteurs étrangers, fût-ce de façon spontanée, ne se contentent pas de les relater dans des procès-verbaux, mais qu'ils annexent à leur procès-verbal les documents transmis par les autorités étrangères, seule une telle annexion permettant à la défense de vérifier que les enquêteurs français n'ont pas trahi le sens des éléments fournis par les autorités étrangères et de contrôler les conditions dans lesquelles les renseignements transmis ont été recueillis par les autorités étrangères ; qu'au cas d'espèce, la défense de Monsieur [K] faisait valoir que les autorités espagnoles avaient transmis aux autorités françaises des informations, consignées dans un procès-verbal du 20 août 2021, relatives à un contrôle routier et à une interpellation dont il aurait fait l'objet en Espagne les 12 et 15 août 2021, mais qu'aucun des procès-verbaux des opérations correspondantes, dressés par les enquêteurs espagnols, n'était joint à ce procès-verbal du 20 août 2021 ; qu'en affirmant, pour rejeter le moyen de nullité tiré de cette absence de jonction des éléments d'enquête espagnols, que le procès-verbal « rend compte d'un échange d'informations intervenu entre les autorités espagnoles et françaises à l'initiative des premières » et « relève de l'article 695-9-38 du Code de procédure pénale qui n'exige aucun formalisme », quand le respect dû aux droits de la défense imposait, même en cas d'échange spontané, que les procès-verbaux des actes accomplis par les autorités espagnoles soient joints au procès-verbal de réception des informations établi par les enquêteurs français, la Chambre de l'instruction a violé les articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, préliminaire, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
2°/ d'autre part que la transmission des informations entre services de police, lorsqu'elle intervient sur sollicitation, est régie par l'article 695-9-33 du code de procédure pénale qui impose que la demande de transmission des autorités françaises expose les raisons laissant supposer que les informations sont détenues par les services de l'Etat destinataire et précise à quelles fins les informations sont demandées et, lorsque les informations sont relatives à une personne déterminée, le lien entre cette personne et les fins de la demande ; qu'au cas d¿espèce, la défense de Monsieur [K] faisait valoir que le procès-verbal du 29 novembre 2021 faisant état de la réception par les autorités françaises d'informations fournies par les autorités espagnoles sur la résidence de Monsieur [K] était irrégulier faute d'exposer les raisons laissant supposer que les informations demandées étaient détenues par les autorités espagnoles, de préciser à quelles fins les informations étaient demandées et de faire état du lien entre Monsieur [K] et les fins de la demande qu'en affirmant, pour rejeter ce moyen de nullité, que le procès-verbal « rend compte d'un échange d'informations intervenu entre les autorités espagnoles et françaises à l'initiative des premières » et « relève de l'article 695-9-38 du Code de procédure pénale qui n'exige aucun formalisme », quand il résultait de façon claire et univoque de la mention du procès-verbal du 29 novembre 2021 selon laquelle « des recherches effectuées auprès des autorités policières espagnoles via les canaux de coopération, il ressort que [K] [U] réside actuellement (?) » que la transmission des informations par les autorités espagnoles était le fruit d'une demande des autorités françaises, la Chambre de l'instruction a violé les articles 696-9-33, D 49-35, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
3°/ de troisième part que le respect dû aux droits de la défense suppose que les enquêteurs français qui reçoivent des informations d'enquêteurs étrangers ne se contentent pas de les relater dans des procès-verbaux, mais qu'ils annexent à leur procès-verbal les documents transmis par les autorités étrangères, seule une telle annexion permettant à la défense de vérifier que les enquêteurs français n'ont pas trahi le sens des éléments fournis par les autorités étrangères et de contrôler les conditions dans lesquelles les renseignements transmis ont été recueillis par les autorités étrangères ; qu'au cas d'espèce, la défense de Monsieur [K] faisait valoir que les autorités espagnoles avaient transmis aux autorités françaises des informations, consignées dans un procès-verbal du 29 novembre 2021, relatives à l'adresse de Monsieur [K] en Espagne, mais qu'aucun des procès-verbaux des opérations correspondantes, dressés par les enquêteurs espagnols, n'était joint à ce procès-verbal du 29 novembre 2021 ; qu'en affirmant, pour rejeter le moyen de nullité tiré de cette absence de jonction des éléments d'enquête espagnols, que le procès-verbal « rend compte d'un échange d'informations intervenu entre les autorités espagnoles et françaises à l'initiative des premières » et « relève de l'article 695-9-38 du Code de procédure pénale qui n'exige aucun formalisme », quand le respect dû aux droits de la défense imposait que les procès-verbaux des actes accomplis par les autorités espagnoles soient joints au procès-verbal de réception des informations établi par les enquêteurs français, la Chambre de l'instruction a violé les articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, préliminaire, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
4°/ de quatrième part qu'à la suite et sur la base des informations figurant dans les procès-verbaux des 20 août et 29 novembre 2021, une demande d'entraide judiciaire européenne a été adressée par le juge d'instruction français aux autorités espagnoles, qu'en exécution de cette demande, les autorités espagnoles ont transmis aux enquêteurs français des informations consignées dans les procès-verbaux des 28 avril et 30 mai 2022, lesquels doivent donc être regardés comme trouvant leur support nécessaire dans les procès-verbaux des 20 août et 29 novembre 2021 ; que la cassation de l'arrêt en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation des procès-verbaux des 20 août et 29 novembre 2021 entraînera par voie de conséquence la cassation de l'arrêt en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation des procès-verbaux des 28 avril et 30 mai 2022 ;
5°/ de cinquième part que le respect dû aux droits de la défense suppose que les enquêteurs français qui reçoivent des informations d'enquêteurs étrangers ne se contentent pas de les relater dans des procès-verbaux, mais qu'ils annexent à leur procès-verbal les documents transmis par les autorités étrangères, seule une telle annexion permettant à la défense de vérifier que les enquêteurs français n'ont pas trahi le sens des éléments fournis par les autorités étrangères et de contrôler les conditions dans lesquelles les renseignements transmis ont été recueillis par les autorités étrangères ; qu'au cas d'espèce, la défense de Monsieur [K] faisait valoir que les autorités espagnoles avaient transmis aux autorités françaises des informations, consignées dans un procès-verbal du 28 avril 2022, relatives à l'adresse de Monsieur [K] en Espagne et à sa résidence au Maroc, mais qu'aucun des procès-verbaux des opérations correspondantes, dressés par les enquêteurs espagnols, n'était joint à ce procès-verbal du 28 avril 2022 ; qu'en affirmant, pour rejeter le moyen de nullité tiré de cette absence de jonction des éléments d'enquête espagnols, que « le cadre dans lequel les informations communiquées par les policiers espagnols aux enquêteurs français ayant été établi et les pièces d'exécution des décisions d'enquête européenne figurant en procédure, aucune atteinte n'est portée au droit de la personne mise en examen de contester des éléments de preuve recueillis par les autorités étrangères », motif impropre à écarter l'atteinte aux droits de la défense résultant de l'absence d'annexion des procès-verbaux des actes des autorités espagnols, qui seule permet un contrôle effectif et un accès également effectif au juge, la Chambre de l'instruction a violé les articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, préliminaire, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
6°/ de sixième part qu'il résulte des termes du procès-verbal du 30 mai 2022 que le cadre procédural dans lequel il intervient n'y est pas mentionné, puisqu'en particulier il ne fait pas état de la demande d'entraide judiciaire émise par le juge d'instruction français à destination des autorités espagnoles ; qu'en affirmant, pour rejeter le moyen de nullité tiré de cette absence de mention, que « le cadre dans lequel les informations communiquées par les policiers espagnols aux enquêteurs français ayant été établi et les pièces d'exécution des décisions d'enquête européenne figurant en procédure, aucune atteinte n'est portée au droit de la personne mise en examen de contester des éléments de preuve recueillis par les autorités étrangères », quand le procès-verbal ne mentionne nullement le cadre procédural dans lequel il est intervenu, la Chambre de l'instruction a dénaturé ce procès-verbal et violé les articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, préliminaire, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
7°/ enfin que le respect dû aux droits de la défense suppose que les enquêteurs français qui reçoivent des informations d'enquêteurs étrangers ne se contentent pas de les relater dans des procès-verbaux, mais qu'ils annexent à leur procès-verbal les documents transmis par les autorités étrangères, seule une telle annexion permettant à la défense de vérifier que les enquêteurs français n'ont pas trahi le sens des éléments fournis par les autorités étrangères et de contrôler les conditions dans lesquelles les renseignements transmis ont été recueillis par les autorités étrangères ; qu'au cas d'espèce, la défense de Monsieur [K] faisait valoir que les autorités espagnoles avaient transmis aux autorités françaises des informations, consignées dans un procès-verbal du 30 mai 2022, relatives à l'adresse de Monsieur [K] en Espagne et à son lieu d'interpellation le 15 août 2021, mais qu'aucun des procès-verbaux des opérations correspondantes, dressés par les enquêteurs espagnols, n'était joint à ce procès-verbal du 30 mai 2022 ; qu'en affirmant, pour rejeter le moyen de nullité tiré de cette absence de jonction des éléments d'enquête espagnols, que « le cadre dans lequel les informations communiquées par les policiers espagnols aux enquêteurs français ayant été établi et les pièces d'exécution des décisions d'enquête européenne figurant en procédure, aucune atteinte n'est portée au droit de la personne mise en examen de contester des éléments de preuve recueillis par les autorités étrangères », motif impropre à écarter l'atteinte aux droits de la défense résultant de l'absence d'annexion des procès verbaux des actes des autorités espagnols, qui seule permet un contrôle effectif et un accès également effectif au juge, la Chambre de l'instruction a violé les articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, préliminaire, 591 et 593 du Code de procédure pénale. » Réponse de la Cour
5. Le moyen n'est pas fondé pour les motifs qui suivent.
6. En premier lieu, d'une part, aucune disposition légale n'exige que les autorités policières étrangères qui transmettent spontanément aux autorités françaises, en application de l'article 695-9-38 du code de procédure pénale, des informations joignent à cette transmission les procès-verbaux qu'ils auraient, le cas échéant, rédigés, de tels renseignements ne constituant pas des actes de police judiciaire mais étant seulement destinés à guider d'éventuelles investigations des autorités françaises. D'autre part, il ressort des pièces de la procédure, dont la Cour de cassation a le contrôle, que les pièces d'exécution des décisions d'enquête européenne figurent en procédure.
7. En deuxième lieu, les procès-verbaux des 20 août et 29 novembre 2021 n'obéissent à aucune forme particulière, s'agissant, pour le premier, d'une transmission spontanée d'informations par les autorités espagnoles aux autorités françaises dans le cadre de la coopération policière et, pour le second, de la poursuite de ces échanges, un tel complément d'informations ne nécessitant pas de demande formelle.
8. En troisième lieu, s'agissant des procès-verbaux des 28 avril et 30 mai 2022, il résulte des pièces d'exécution des décisions d'enquête européenne figurant en procédure que les opérations de perquisitions des domiciles suspectés d'avoir été occupés par M. [K] ont été diligentées le 25 mai 2022 par les services de police espagnols, sur autorisation d'un magistrat de ce pays.
9. Dès lors, aucune atteinte n'a été portée au droit de la personne mise en examen de contester des éléments de preuve recueillis et transmis par les autorités étrangères.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
10. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en nullité présentée par la défense et dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure, alors « que la Chambre de l'instruction, saisie d'une demande d'annulation visant l'absence d'habilitation de l'enquêteur ayant consulté le TAJ et le FPR, est tenue de s'assurer, au besoin en ordonnant un supplément d'information, de la réalité de l'habilitation spéciale et individuelle de celui-ci, y compris lorsqu'il agit dans le cadre de l'enquête préliminaire ; qu'au cas d'espèce, la défense faisait valoir que les données personnelles de Monsieur [K], figurant au TAJ et au FPR, avaient été consultées par le Monsieur [V] [D], officier de police judiciaire, sans que l'habilitation spéciale et individuelle de cet enquêteur n'ait été versée en procédure ; qu'en retenant, pour refuser d'annuler les actes relatant ces consultations, que les enquêteurs pouvaient, sans y être habilités ni avoir été désignés à cette fin, accéder au TAJ et au FPR, dès lors qu'ils agissaient dans le cadre de l'enquête préliminaire, la Chambre de l'instruction a violé les articles 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme, préliminaire, 15-5, 230-6 et 230-10, R. 40-23 et R. 40-28, 230-19 et R. 40-38 du Code de procédure pénale et 5 du décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 15-5 et 593 du code de procédure pénale :
11. Selon le premier de ces textes, immédiatement applicable à la procédure conformément à l'article 112-2, 2°, du code pénal, l'absence de mention de l'habilitation spéciale et individuelle permettant à un personnel de procéder à la consultation de traitements au cours d'une enquête ou d'une instruction, dont la réalité peut être contrôlée à tout moment par un magistrat, à son initiative ou à la demande d'une personne intéressée, n'emporte pas, par elle-même, nullité de la procédure.
12. Selon le second, tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
13. Pour écarter le moyen de nullité tiré de l'absence au dossier de la procédure de l'habilitation de l'officier de police judiciaire ayant consulté le fichier de traitement des antécédents judiciaires et celui des personnes recherchées en quête d'éléments concernant M. [K], ainsi que de toute mention attestant de cette habilitation, l'arrêt attaqué énonce que la consultation de tels fichiers peut être effectuée par un enquêteur autorisé par le procureur de la République, pour les besoins d'une procédure pénale, en vertu d'une réquisition prise à cette fin en application de l'article 77-1-1 du code de procédure pénale.
14. Les juges ajoutent qu'en l'espèce, le procureur de la République a prescrit à l'officier de police judiciaire de procéder à toutes réquisitions judiciaires nécessaires à la manifestation de la vérité.
15. En se déterminant ainsi, alors qu'il lui appartenait, le cas échéant en ordonnant un supplément d'information, de vérifier la réalité de l'habilitation spéciale et individuelle de l'agent ayant procédé aux consultations, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision.
16. La cassation est par conséquent encourue.
Portée et conséquences de la cassation
17. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions ayant rejeté la demande d'annulation de pièces portant sur la consultation du fichier de traitement des antécédents judiciaires et du fichier des personnes recherchées. Les autres dispositions seront donc maintenues.
Crim. 20 novembre 2024 n° 24-85.376 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° W 24-85.376 F-B
N° 01538
GM 20 NOVEMBRE 2024
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 20 NOVEMBRE 2024
M. [N] [D] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 11e section, en date du 30 juillet 2024, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de vol avec violence en bande organisée et association de malfaiteurs, a rejeté sa demande de mise en liberté.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Bloch, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [N] [D], et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 novembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Bloch, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. [N] [D] a été mis en examen des chefs susmentionnés et placé en détention provisoire, sous mandat de dépôt criminel, le 5 janvier 2024.
3. Le 19 juillet 2024, il a saisi la chambre de l'instruction d'une demande de mise en liberté sur le fondement de l'article 148-4 du code de procédure pénale.
Examen des moyens
Sur le second moyen
4. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande tendant à l'annulation du mandat criminel dont M. [D] fait l'objet, à voir dire qu'il est détenu sans titre et à le voir remettre en liberté, et a dit qu'il reste provisoirement détenu, alors « qu'aux termes des articles 145-1 et 145-2 du code de procédure pénale, au regard des règles gouvernant la détention provisoire, si les infractions de crime commis en bande organisée relève de l'article 145-2 du code de procédure pénale, en revanche une infraction délictuelle par nature fût-elle commise en bande organisée et ainsi transformée en crime, reste pour autant soumise aux dispositions de l'article 145-1 du même code ; M. [D] étant mis en examen pour un vol en bande organisée avec violence, et pour participation à une association de malfaiteurs en vue de la commission d'un crime, sa détention restait soumise aux dispositions de l'article 145-1, peu important que le vol eût été commis en bande organisée ; le mandat de dépôt du 5 janvier 2024 ne pouvait donc être que délictuel, et faute d'avoir été régulièrement renouvelé au bout de quatre mois, M. [D] était détenu sans droit ni titre ; en rejetant la demande de mise en liberté au motif erroné que l'article 145-2 ne s'applique pas pour apprécier « la régularité de la détention provisoire dans le délai initial de deux ans », la chambre de l'instruction a violé les articles 145-1 et 145-2 du code de procédure pénale ; la cassation interviendra sans renvoi avec mise en liberté de M. [D]. »
Réponse de la Cour
6. Pour rejeter les demandes d'annulation du mandat de dépôt criminel et de mise en liberté de M. [D], l'arrêt attaqué énonce que pour apprécier la possibilité de prolonger la détention provisoire jusqu'au délai maximal de quatre ans, il y a lieu de distinguer selon que l'infraction, considérée sans la circonstance aggravante de bande organisée, est un crime ou un délit.
7. Les juges ajoutent que corrélativement, ce texte n'implique nullement que pour l'appréciation de la régularité de la détention provisoire dans le délai initial de deux ans d'une personne mise en examen, comme en l'espèce, du chef de vol avec violence en bande organisée, il y ait lieu de procéder à la même distinction.
8. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen pour les motifs qui suivent.
9. La Cour de cassation a interprété les dispositions de la troisième phrase de l'article 145-2, alinéa 2, du code de procédure pénale qui permettent de porter la durée de la détention provisoire à quatre ans lorsque la personne est poursuivie pour un crime commis en bande organisée, comme supposant que les faits poursuivis puissent recevoir une qualification criminelle indépendamment de la circonstance de bande organisée (Crim., 13 septembre 2022, pourvoi n° 22-84.037, publié au Bulletin).
10. Toutefois, les principes posés par cet arrêt ne concernent pas la durée initiale maximale de la détention provisoire en matière criminelle prévue par la première phrase de l'article 145-2, alinéa 2, dudit code, pouvant atteindre deux ans lorsque la peine encourue est inférieure à vingt ans de réclusion ou de détention criminelle et trois ans dans les autres cas.
11. En effet, cette durée initiale maximale de deux ans ou trois ans s'applique à des infractions réprimées d'une peine de réclusion ou de détention criminelle, ce qui comprend celles qui reçoivent une qualification criminelle en raison de leurs circonstances aggravantes.
12. Ainsi, le moyen doit être écarté.
13. Par ailleurs, l'arrêt est régulier tant en la forme qu'au regard des dispositions des articles 137-3 et 143-1 et suivants du code de procédure pénale.
Crim. 19 novembre 2024 n° 24-85.339
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° F 24-85.339 F-D
N° 01523
SL2 19 NOVEMBRE 2024
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 19 NOVEMBRE 2024
M. [T] [W] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 12e section, en date du 25 juillet 2024, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'importation de stupéfiants en bande organisée, associations de malfaiteurs, infractions à la législation sur les stupéfiants et importation en contrebande de marchandises dangereuses pour la santé, a rejeté sa demande de mise en liberté.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Coirre, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [T] [W], et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 19 novembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Coirre, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Mis en examen des chefs susvisés et placé en détention provisoire le 11 janvier 2024, M. [T] [W] a saisi la chambre de l'instruction d'une demande de mise en liberté sur le fondement de l'article 148-4 du code de procédure pénale.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de mise en liberté présentée par M. [W] directement devant la chambre de l'instruction, alors :
« 1°/ d'une part que les juges doivent répondre aux conclusions dont ils sont régulièrement saisis ; dans des écritures régulièrement déposées, la défense de M. [W] a fait valoir que son avocat n'avait pas obtenu en temps utile le pass-jeux indispensable pour accéder à l'audience de la chambre de l'instruction au palais de justice de Paris sur l'Ile de la Cité, fixée la veille de l'ouverture des Jeux Olympiques, et a en conséquence demandé le renvoi de l'affaire ; l'arrêt attaqué qui, au demeurant, se dispense de rappeler le contenu du mémoire dont il constate pourtant l'existence, ne répond pas à cette demande de renvoi, et n'a opposé aucun motif au rejet implicite de cette demande ; il a donc été rendu en violation de l'article 593 du code de procédure pénale ;
2°/ d'autre part qu'en s'abstenant de se prononcer sur la demande de renvoi, légitimée par l'impossibilité administrative où se trouvait la défense d'accéder à l'audience à laquelle l'avocat de M. [W] souhaitait se rendre, la chambre de l'instruction a violé les articles 199 du code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et les droits de la défense. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 6, § 3, de la Convention européenne des droits de l'homme, 199 et 593 du code de procédure pénale :
4. Il résulte des deux premiers de ces textes que la chambre de l'instruction doit entendre les avocats des parties.
5. Selon le dernier, tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
6. Il résulte des pièces de la procédure que, par mémoire transmis au greffe de la chambre de l'instruction la veille de l'audience, l'avocat de M. [W] a formé une demande de renvoi, faisant valoir qu'il souhaitait présenter des observations orales mais qu'il ne pourrait pas accéder à la cour d'appel, située dans un périmètre protégé en vue des Jeux olympiques, auquel il n'avait pas encore obtenu l'autorisation d'accéder.
7. La chambre de l'instruction, tout en constatant que ce mémoire avait été régulièrement déposé, a rejeté la demande de mise en liberté à l'issue d'une audience tenue en l'absence de l'avocat de la personne mise en examen.
8. En procédant ainsi, sans faire état de la demande de renvoi ni y répondre, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.
9. La cassation est par conséquent encourue.
Crim. 19 novembre 2024 n° 24-85.344
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° M 24-85.344 F-D
N° 01525
SL2 19 NOVEMBRE 2024
NON-LIEU A STATUER
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 19 NOVEMBRE 2024
M. [M] [T] a formé des pourvois contre l'arrêt n°16 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 10e section, en date du 2 août 2024, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'injure publique à raison de l'origine, l'ethnie, la nation, la race ou la religion, apologie de crimes contre l'humanité, provocation publique à la haine ou à la violence, en raison de l'origine, l'ethnie, la nation, la race ou la religion, provocation publique à commettre un crime et apologie de crimes, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention rejetant sa demande de mise en liberté.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Sur le rapport de M. Rouvière, conseiller référendaire, et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 19 novembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Rouvière, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Examen de la recevabilité du pourvoi formé le 14 août 2024
1. Le demandeur, ayant épuisé, par l'exercice qu'il en avait fait le 9 août 2024, le droit de se pourvoir contre l'arrêt attaqué, était irrecevable à se pourvoir à nouveau contre la même décision.
2. Seul est recevable le pourvoi formé le 9 août 2024.
Examen du pourvoi formé le 9 août 2024
Vu l'article 606 du code de procédure pénale :
3. M. [T] a été renvoyé devant le tribunal correctionnel par ordonnance du 7 octobre 2024 et maintenu en détention par ordonnance distincte du même jour.
4. En application de l'article 179 du code de procédure pénale, l'ordonnance de règlement a rendu caduc le titre de détention sur les effets duquel l'arrêt attaqué s'est prononcé et il s'ensuit que le pourvoi est devenu sans objet.
5. Il s'ensuit que le pourvoi est devenu sans objet.
Crim. 19 novembre 2024 n° 23-81.584 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° D 23-81.584 FS-B
N° 01320
ODVS 19 NOVEMBRE 2024
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 19 NOVEMBRE 2024
M. [K] [P], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes, chambre correctionnelle, en date du 2 mars 2023, qui, dans la procédure suivie contre M. [J] [M] et Mme [F] [D] du chef, notamment, de faux, a prononcé sur les intérêts civils.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Goanvic, conseiller, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [K] [P], et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 1er octobre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Goanvic, conseiller rapporteur, MM. Sottet, Samuel, Mme Goanvic, M. Coirre, Mme Hairon, M. Busché, conseillers de la chambre, MM. Joly, Leblanc, Charmoillaux, Rouvière, conseillers référendaires, M. Aubert, avocat général référendaire, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. A la suite d'un incident ayant opposé M. [K] [P], personne détenue, et M. [J] [M], surveillant, au sein d'un établissement pénitentiaire, les deux protagonistes ont été poursuivis des chefs de violences aggravées réciproques, le second et Mme [F] [D], également agent pénitentiaire, du chef de faux affectant le compte-rendu d'incident.
3. Par jugement avant dire droit du 29 avril 2022, le tribunal correctionnel a rejeté l'exception d'incompétence présentée par M. [P], agissant en qualité de partie civile, qui sollicitait la requalification criminelle des faits de faux en faux en écriture publique, et renvoyé l'affaire à une audience ultérieure.
4. M. [P] a relevé appel de ce jugement et saisi le président de la chambre des appels correctionnels d'une requête tendant à faire déclarer cet appel immédiatement recevable, sur le fondement de l'article 507 du code de procédure pénale. Cette requête a été rejetée par ordonnance du 11 mai 2022.
5. Le 27 mai 2022, le tribunal correctionnel a déclaré les prévenus coupables des chefs susmentionnés et les a condamnés à diverses peines. Sur l'action civile, il a notamment déclaré recevable la constitution de partie civile de M. [P] et renvoyé l'affaire à une audience ultérieure.
6. M. [P] a relevé appel de ce jugement.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement déféré, alors :
« 1°/ que lorsque l'appel du jugement avant-dire-droit n'est pas immédiatement recevable, il est jugé en même temps que l'appel du jugement sur le fond ; qu'étant saisie d'un appel contre le jugement avant dire droit du 29 avril 2022 et contre le jugement au fond du 27 mai 2022, en confirmant le « jugement déféré », la cour d'appel a méconnu son office et a violé l'article 508 alinéa 4 du code de procédure pénale ;
2°/ que l'appel interjeté par la partie civile contre le jugement avant dire droit par lequel le tribunal correctionnel rejette une exception d'incompétence remet en cause l'action publique autant que l'action civile et, tant qu'il n'a pas été jugé, fait obstacle à ce que les dispositions pénales du jugement ultérieurement prononcé sur le fond deviennent définitives, de sorte que la cour d'appel saisie de cet appel en même temps que l'appel interjeté par la partie civile sur le jugement au fond est tenue de procéder à son examen même en l'absence d'appel du prévenu ou du ministère public contre les dispositions pénales dudit jugement ; qu'en retenant que, « saisie du seul appel de la partie civile, la cour ne saurait se déclarer incompétente au motif que les faits seraient de la compétence de la juridiction criminelle l'action publique n'étant plus en cause », quand la cour était saisie de l'appel interjeté par la partie civile contre le jugement avant-dire-droit rejetant son exception d'incompétence du tribunal correctionnel, la cour d'appel a violé les articles 459, alinéa 3, 507, 508 et 512 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 497, 507 et 508 du code de procédure pénale :
8. Il résulte de ces textes que si la partie civile n'a la faculté d'appeler que quant à ses intérêts civils, il n'en est ainsi qu'a l'égard des dispositions par lesquelles les premiers juges ont statué au fond.
9. Lorsque ceux-ci se sont prononcés avant dire droit sur la compétence et que l'appel de la partie civile contre cette décision n'a pas été déclaré immédiatement recevable, la cour d'appel se trouve, par le seul appel de la partie civile du jugement ultérieurement rendu sur le fond, saisie non seulement de l'action civile, mais aussi de l'action publique qui a continué de subsister.
10. Elle est, dès lors, tenue de régler la question de la compétence et le cas échéant de statuer sur l'action publique et sur l'action civile.
11. Pour déclarer irrecevable le moyen de M. [P] tendant à ce que la juridiction correctionnelle se déclare incompétente au motif que les faits de faux revêtiraient une qualification criminelle, l'arrêt attaqué énonce que l'appel de celui-ci ayant été limité aux dispositions civiles du jugement, l'action publique n'est plus en cause.
12. En statuant ainsi, alors qu'elle était toujours saisie de l'appel formé par la partie civile contre la décision avant-dire droit qui avait écarté l'exception d'incompétence et qu'il lui appartenait donc de statuer sur cette exception pour, le cas échéant, en tirer les conséquences tant sur l'action publique que sur l'action civile, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.
12. La cassation est par conséquent encourue.
Crim. 19 novembre 2024 n° 23-85.009 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° B 23-85.009 FS-B
N° 01323
ODVS 19 NOVEMBRE 2024
CASSATION PARTIELLE SANS RENVOI
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 19 NOVEMBRE 2024
Le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, chambre correctionnelle, en date du 23 juin 2023, qui, dans la procédure suivie contre M. [Z] [X] des chefs de blessures involontaires, conduite sans permis et contravention au code de la route, a prononcé sur les intérêts civils.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de M. Charmoillaux, conseiller référendaire, les observations de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages, les observations de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de M. [H] [J], les observations de la SCP Duhamel, avocat de la société [1], et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 1er octobre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Charmoillaux, conseiller rapporteur, MM. Sottet, Samuel, Mme Goanvic, M. Coirre, Mme Hairon, M. Busché, conseillers de la chambre, MM. Joly, Leblanc, Rouvière, conseillers référendaires, M. Aubert, avocat général référendaire, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [Z] [X], qui circulait sans permis de conduire et sous l'influence de l'alcool et des stupéfiants, a perdu le contrôle du véhicule automobile qu'il conduisait, appartenant à M. [H] [J] et assuré auprès de la société [1].
3. M. [J], alors passager du véhicule, a été blessé lors de cet accident.
4. Par jugement devenu définitif, le tribunal correctionnel a déclaré M. [X] coupable des chefs de blessures involontaires aggravées, conduite sans permis et défaut de maîtrise, et l'a dit entièrement responsable du préjudice subi par M. [J].
5. Par jugement ultérieur sur les intérêts civils, le tribunal a, notamment, déclaré recevable l'intervention volontaire du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (le FGAO), accueilli l'exception d'exclusion de garantie opposée par la société [1], condamné M. [X] à payer diverses sommes à la caisse primaire d'assurance maladie et renvoyé l'affaire à une audience ultérieure.
6. M. [J] a relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré recevable l'exclusion de garantie de la société [1], de lui avoir déclaré sa décision opposable et de l'avoir débouté de sa demande de mise hors de cause, alors « qu'en application de l'article 385-1 du code de procédure pénale, l'exception de non assurance invoquée par l'assureur n'est recevable que si elle est de nature à l'exonérer totalement de son obligation de garantie à l'égard des tiers ; qu'il résulte, à cet égard, de l'article R. 211-13 du code des assurances, appliqué à la lumière de l'article 3, paragraphe 1, de la directive 72/166/CEE du Conseil du 24 avril 1972 et de l'article 2, paragraphe 1, de la deuxième directive 84/5/CEE du Conseil du 30 décembre 1983 et des articles 3 et 13 de la directive n° 2009/103 du Conseil du 16 septembre 2009, tels qu'interprétés par la Cour de justice dans son arrêt Fidelidade du 20 juillet 2017 (affaire C-287-16), que sauf l'hypothèse visée par l'article 13 de la directive 2009/103 et dans laquelle la victime a pris place, de son plein gré, dans un véhicule qu'elle savait volé, sont inopposables à la victime d'un accident de la circulation les exclusions de garantie prévues aux articles R. 211-10 et R. 211-11 du code des assurances, visant notamment l'hypothèse où le véhicule était conduit par une personne qui n'était pas titulaire du permis de conduire ; qu'est ainsi inopposable au souscripteur victime l'exception de non-assurance tirée de ce qu'il aurait pris place volontairement dans le véhicule assuré en sachant que celui-ci était conduit par une personne qui n'était pas titulaire du permis de conduire, de sorte que cette exception n'est pas de nature à exonérer totalement l'assureur de son obligation à l'égard de la victime et qu'elle est, en conséquence, irrecevable ; qu'en considérant néanmoins qu'en sachant que le conducteur n'était pas titulaire du permis de conduire, la victime « s'est mise elle-même dans la situation exclusive de garantie », pour lui déclarer opposable une telle exception et, partant, juger celle-ci recevable, la cour d'appel a violé les textes et principes susvisés. »
Réponse de la Cour
Vu les articles R. 211-10, 1°, R. 211-13, 4°, du code des assurances et 385-1 du code de procédure pénale :
8. Il résulte des deux premiers de ces textes que les clauses du contrat d'assurance automobile prévoyant une exclusion de garantie lorsque, au moment du sinistre, le conducteur n'a pas l'âge requis ou ne possède pas les certificats, en état de validité, exigés par la réglementation en vigueur pour la conduite du véhicule, ne sont pas opposables aux victimes ou à leurs ayants droit.
9. Selon le troisième, dont les dispositions sont d'ordre public, l'exception fondée sur une cause de nullité ou sur une clause du contrat d'assurance et tendant à mettre l'assureur hors de cause n'est recevable que si elle est de nature à exonérer totalement celui-ci de son obligation de garantie à l'égard des tiers.
10. La Cour de cassation a jugé que les clauses d'exclusion de garantie sus-mentionnées sont, par exception, opposables à la victime qui, souscriptrice du contrat d'assurance, a laissé conduire son véhicule par une personne qu'elle savait ne pas être titulaire du permis de conduire et s'est dès lors elle-même placée, en connaissance de cause, dans une situation exclusive de la garantie (Crim., 8 novembre 1990, pourvoi n° 88-86.418, Bull. crim. 1990, n° 373 ; 2e Civ., 20 novembre 1996, pourvoi n° 94-20.884, Bull. 1996, II, n° 258 ; 1re Civ., 6 juin 2001, pourvoi n° 98-19.023, Bull. 2001, I, n° 159).
11. Cette solution n'apparaît cependant pas conforme aux articles 3, § 1, et 13, § 1 et 2, de la directive 2009/103/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 concernant l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs et le contrôle de l'obligation d'assurer cette responsabilité, modifiée par la directive (UE) 2021/2118 du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2021.
12. En premier lieu, selon l'article 13 précité, doit être réputée sans effet, en ce qui concerne le recours des tiers lésés à la suite d'un accident, notamment, toute disposition légale ou clause contractuelle contenue dans une police d'assurance qui exclut de sa garantie l'utilisation ou la conduite de véhicules par des personnes non titulaires d'un permis les y autorisant.
13. En second lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, arrêt du 30 juin 2005, Katja Candolin et a. c/ Vahinkovakuutusosakeyhtiö, C-537/03 ; CJUE, arrêt du 1er décembre 2011, Churchill Insurance Company Limited c/ Benjamin Wilkinson, C-442/10 rendus sur le fondement de dispositions de directives antérieures reprises dans la directive précitée) que le fait qu'une personne était assurée pour conduire le véhicule ayant causé l'accident ne permet pas de la priver de la qualité de tiers lésé au sens de l'article 13 précité, dès lors qu'elle était passagère, et non conductrice, de ce véhicule.
14. En conséquence, les dispositions ci-dessus visées du code des assurances doivent être interprétées en ce sens qu'elles rendent inopposables à l'assuré victime qui n'était pas conducteur du véhicule assuré les clauses prévoyant une exclusion de garantie lorsque, au moment du sinistre, le conducteur n'a pas l'âge requis ou ne possède pas les certificats, en état de validité, exigés par la réglementation en vigueur pour la conduite du véhicule.
15. En l'espèce, pour déclarer recevable l'exception d'exclusion de garantie présentée par la société [1] et dire la décision opposable au FGAO, l'arrêt attaqué énonce que le contrat d'assurance souscrit par M. [J] pour le véhicule accidenté exclut toute garantie des dommages survenus lorsque, au moment du sinistre, le conducteur du véhicule n'a pas l'âge requis ou ne possède pas de permis de conduire valide.
16. Le juge constate que l'accident est survenu alors que M. [J] était passager de son véhicule, dont il avait en connaissance de cause laissé le volant à M. [X] alors que ce dernier n'était pas titulaire du permis de conduire.
17. Il souligne que si les exclusions de garantie prévues aux articles R. 211-10 et R. 211-11 du code des assurances ne sont pas en principe opposables aux victimes, elles le deviennent lorsque la victime s'est elle-même mise dans la situation exclusive de garantie.
18. Il retient que le droit européen n'est pas méconnu dès lors que l'indemnisation du passager propriétaire du véhicule n'est pas exclue de manière systématique, mais en raison de la circonstance particulière tenant à ce que l'intéressé a confié en connaissance de cause le volant à une personne dépourvue du permis de conduire.
19. En statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus énoncés.
20. En effet, le fait pour l'assuré d'avoir laissé en connaissance de cause conduire son véhicule par une personne non titulaire du permis de conduire ne peut le priver de la qualité de tiers lésé au sens de la directive précitée, les clauses d'exclusion de garantie du contrat d'assurance lui étant dès lors inopposables.
21. En conséquence, le juge a statué sur le mérite d'une exception qui n'était pas de nature à exonérer l'assureur de son obligation de garantie à l'égard des tiers et qui devait dès lors être déclarée irrecevable.
22. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
23. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions ayant déclaré recevable l'exception d'exclusion de garantie présentée par la société [1] et débouté le FGAO de sa demande de mise hors de cause. Les autres dispositions seront donc maintenues.
24. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.
Crim. 14 novembre 2024 n° 24-85.066
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° J 24-85.066 F-D
N° 01502
SL2 14 NOVEMBRE 2024
ANNULATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 14 NOVEMBRE 2024
M. [M] [V] a formé un pourvoi contre l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, en date du 30 juillet 2024, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'importation de stupéfiants en bande organisée, infractions à la législation sur les stupéfiants et association de malfaiteurs, a déclaré sa demande de mise en liberté irrecevable.
Des mémoires ont été produits.
Sur le rapport de M. Tessereau, conseiller, les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de M. [M] [V], et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 14 novembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Tessereau, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'ordonnance attaquée et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. [M] [V] a été mis en examen des chefs susvisés et placé en détention provisoire à la maison d'arrêt de [Localité 1], le 4 février 2023.
3. Il a formé une demande de mise en liberté sur le fondement de l'article 148-4 du code de procédure pénale, par courrier reçu au greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, le 26 juillet 2024.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Le moyen critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a dit que la demande de mise en liberté formée par M. [V] était irrecevable comme ayant été adressée par un simple courrier, alors :
« 1°/ que toute demande de mainlevée ou de modification du contrôle judiciaire ou de mise en liberté doit en principe faire l'objet d'une déclaration au greffier de la juridiction d'instruction saisie du dossier ou à celui de la juridiction compétente en vertu de l'article 148-1 ; que cependant, lorsque la personne ou son avocat ne réside pas dans le ressort de la juridiction compétente, la déclaration au greffier peut être faite au moyen d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception ; qu'en l'espèce, en déclarant irrecevable la demande de mise en liberté adressée par M. [V] au tribunal judiciaire de Lyon, en relevant qu'elle avait été adressée par courrier simple, bien qu'il ressort des pièces de la procédure que la greffière du tribunal judiciaire de Lyon a expressément indiqué qu'elle n'avait aucun moyen de savoir comment ce courrier est arrivé au TJ, la Présidente de la chambre de l'instruction a dénaturé les pièces du dossier, excédé ses pouvoirs et privé sa décision de base légale au regard des articles 148-1, 148-4, 148-6, 591 à 593 du code de procédure pénale, ensemble les articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
2°/ qu'en toute hypothèse la demande de mise en liberté reçu par le greffe de la juridiction compétente suffit à saisir cette juridiction de cette demande ; qu'en l'espèce, [M] [V] a rédigé un courrier par lequel il a sollicité sa mise en liberté reçu au Parquet du tribunal judiciaire de Lyon le 24 juillet 2024 et transmis au greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon qui l'a reçu le 26 juillet 2024 ; qu'en déclarant irrecevable sa demande de mise en liberté, bien qu'elle avait été enregistrée par le greffe de la chambre de l'instruction, la Présidente de la chambre de l'instruction a usé d'un formalisme excessif et a ainsi excédé ses pouvoirs et violé les articles 148-1, 148-4, 148-6, 591 à 593 du code de procédure pénale, ensemble les articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 148-6 et 148-8 du code de procédure pénale :
5. Selon le premier de ces textes, toute demande de mise en liberté doit faire l'objet d'une déclaration au greffier de la juridiction d'instruction saisie du dossier ou à celui de la juridiction compétente et doit être constatée et datée par le greffier qui la signe ainsi que le demandeur ou son avocat. Lorsque la personne ou son avocat ne réside pas dans le ressort de la juridiction compétente, la déclaration au greffier peut être faite au moyen d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception.
6. En vertu du second, lorsque la personne mise en examen entend saisir la chambre de l'instruction, notamment en application des dispositions de l'article 148-4 du code de procédure pénale, sa demande doit être faite, dans les formes prévues par les articles 148-6 et 148-7 dudit code, au greffier de la chambre de l'instruction compétente ou au chef de l'établissement pénitentiaire qui en assure la transmission.
7. Pour dire irrecevable la demande de mise en liberté, l'ordonnance attaquée énonce que celle-ci a été formée par lettre simple et que la saisine n'était donc pas régulière.
8. En se déterminant ainsi, alors qu'il résulte des pièces de la procédure, dont la Cour de cassation a le contrôle, que M. [V] avait adressé sa demande par courrier recommandé avec demande d'avis de réception, le président de la chambre de l'instruction a commis un excès de pouvoir.
9. L'annulation de l'ordonnance est par conséquent encourue.
Portée et conséquences de l'annulation
10. Du fait de cette annulation, la chambre de l'instruction se trouve saisie de la demande de mise en liberté de M. [V].
11. M. [V] est détenu en exécution d'un titre de détention régulier, dès lors que l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction, fût-elle annulée, a été prononcée dans le délai prescrit par l'article 148, dernier alinéa, du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction saisie devant elle-même statuer dans le délai prévu par l'article 194-1 du même code.
Crim. 14 novembre 2024 n° 23-85.703 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° F 23-85.703 F-B
N° 01365
LR 14 NOVEMBRE 2024
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 14 NOVEMBRE 2024
M. [L] [H] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Metz, chambre correctionnelle, en date du 15 septembre 2023, qui a prononcé sur une requête en confusion de peines.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Guerrini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [L] [H], et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 9 octobre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Guerrini, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Le Roch, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le 15 avril 2021, M. [L] [H] a formé une requête en confusion des peines suivantes :
- 1) huit ans d'emprisonnement pour des faits de vol avec arme commis les 16 septembre et 26 décembre 1997, prononcée par la cour d'assises de la Dordogne le 7 février 2001 ;
- 2) quatre mois d'emprisonnement pour des faits de recel commis le 23 juin 2013, prononcée par le tribunal correctionnel de Mont-de-Marsan par jugement du 21 novembre 2013 ;
- 3) quatorze ans de réclusion criminelle pour des faits de vol avec arme, d'arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire, participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un crime, et détention sans autorisation d'arme ou munition, commis en 2009 et 2010, prononcée par la cour d'assises des Hautes-Pyrénées, le 16 avril 2015 ;
- 4) vingt-deux ans de réclusion criminelle pour des faits de meurtre commis pour assurer l'impunité d'un vol, d'importation, détention et port d'armes prohibés, commis le 24 juin 1997, prononcée par la chambre criminelle du tribunal du Luxembourg, le 29 janvier 2019. Cette peine a fait l'objet d'une décision de reconnaissance et d'exécution en France par décision du 13 mars 2020.
3. Les peines n° 2, 3 et 4 ont fait l'objet d'une réduction au maximum légal le 7 avril 2021.
4. Par jugement du 4 avril 2022, le tribunal correctionnel a déclaré la requête irrecevable s'agissant de la peine n° 2, et l'a rejetée pour le surplus.
5. M. [H] a relevé appel de cette décision, le ministère public a formé appel incident.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la confusion de la peine n° 1 de huit ans d'emprisonnement prononcée le 7 février 2001 par la cour d'assises de la Dordogne et de la peine n° 4 de vingt-deux ans de réclusion criminelle prononcée le 29 janvier 2019 par la chambre criminelle du Luxembourg, alors :
« 1°/ que si une même condamnation ne peut être incluse dans plusieurs opérations de réduction au maximum légal encouru, elle peut en revanche être incluse dans plusieurs opérations de confusion facultative ; elle peut également être incluse à la fois dans une confusion facultative et dans une réduction au maximum légal ; en l'espèce, les peines nos 2, 3 et 4 sont en concours réel dès lors que les faits qu'elles répriment, commis entre 1997 et le 23 juin 2013, sont antérieurs aux condamnations prononcées respectivement les 21 novembre 2013, 16 avril 2015 et 29 janvier 2019 ; leur cumul a donc été réduit au maximum légal de 30 ans par décision du 22 mars 2021 du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Metz ; mais la peine n°4 est également en concours réel avec la peine n°1 dès lors que les faits que ces deux peines répriment, commis en 1997, sont antérieurs aux condamnations prononcées les 7 février 2001 et 29 janvier 2019 ; par application de la règle sus-énoncée, la circonstance que la peine n°4 soit incluse dans l'opération de réduction au maximum légal qui la lie aux peines nos 2 et 3, ne fait pas obstacle à ce qu'elle se confonde facultativement avec la peine n°1 ; en refusant néanmoins par principe toute confusion entre ces peines nos1 et 4, au motif erroné que cela « entraînerait une confusion de fait entre les peines n°1 et 2, [et] entre les peines 1 et 3 » (p. 4, al. 6), la cour d'appel a méconnu la portée de la règle susvisée, et a violé l'article 132-4 du code pénal ;
2°/ que le fait qu'une peine ait été exécutée ne fait pas davantage obstacle à sa confusion ; en énonçant, pour écarter la confusion des peines nos 1 et 4, que « la peine [n°1] de 8 ans d'emprisonnement prononcée par la Cour d'assises de la Dordogne a été exécutée le 13 août [2003] et que dès lors, la confusion de cette peine avec l'une quelconque des autres peines serait privée d'effet » (arrêt, p. 4, al. 6), la cour d'appel a méconnu la règle sus-énoncée, a ajouté à la loi et a violé derechef le texte susvisé. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 132-4 et 132-5 du code pénal, et 728-56 du code de procédure pénale :
7. Selon le dernier de ces textes, lorsqu'une condamnation prononcée à l'étranger est devenue exécutoire en France par une décision devenue définitive, l'exécution de la peine est régie par les dispositions du code de procédure pénale. Il en résulte qu'une condamnation à une peine privative de liberté prononcée par un Etat membre de l'Union européenne, ayant fait l'objet d'une décision définitive de reconnaissance comme exécutoire en France, peut être incluse dans une opération de réduction au maximum légal ou de confusion facultative de peines.
8. Selon les deux premiers, la réduction au maximum légal appliquée, de droit, sur instructions du procureur de la République, à une personne ayant fait l'objet de plusieurs condamnations à des peines de même nature et non définitives dans leurs rapports entre elles, ne fait pas obstacle à une éventuelle confusion facultative dont il revient au juge d'apprécier l'opportunité.
9. Pour rejeter la requête en confusion de peines présentée par M. [H], l'arrêt attaqué énonce que si la confusion paraît possible entre la peine n° 4 et les peines n° 1 à 3, une telle confusion entraînerait une confusion de fait entre les peines n° 1 et 2 et entre les peines n° 1 et 3.
10. En se déterminant ainsi, par des motifs qui reviennent à prohiber toute confusion facultative de peines après une réduction au maximum légal, notamment à l'égard d'une peine prononcée au Luxembourg qui avait fait l'objet d'une décision définitive de reconnaissance et d'exécution en France, et qui pouvait donc être incluse dans une telle opération, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.
11. La cassation est par conséquent encourue.
Crim. 13 novembre 2024 n° 24-85.019 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° G 24-85.019 F-B
N° 01487
MAS2 13 NOVEMBRE 2024
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 13 NOVEMBRE 2024
M. [J] [W] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, en date du 18 juillet 2024, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de destruction par un moyen dangereux en bande organisée et association de malfaiteurs, en récidive, a rejeté sa demande de mise en liberté.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Pradel, conseiller référendaire, les observations de Me Laurent Goldman, avocat de M. [J] [W], et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 novembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Pradel, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. [J] [W] a été mis en examen des chefs précités et placé en détention provisoire le 10 mars 2023.
3. Le 16 mai 2024, il a formé une demande de mise en liberté au greffe de l'établissement pénitentiaire que, par ordonnance du 17 mai suivant, le juge des libertés et de la détention a rejetée.
4. Le 28 juin 2024, l'avocat de la personne mise en examen a formé une nouvelle demande de mise en liberté, sur le fondement de l'article 148-4 du code de procédure pénale, en exposant que le destinataire de la demande du 16 mai 2024 était la chambre de l'instruction, qui n'avait pas statué sur celle-ci dans le délai prévu à l'article 194 du code de procédure pénale, de sorte que M. [W] était irrégulièrement détenu.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de mise en liberté de M. [W], alors « que si une chambre de l'instruction, appelée à statuer sur une demande de mise en liberté formée en application de l'article 148-4 du code de procédure pénale, ne peut connaître de questions étrangères à la détention, unique objet de sa saisine, une telle restriction ne peut être opposée au pré
Réponse de la Cour
6. Pour rejeter la demande de mise en liberté de M. [W], l'arrêt attaqué énonce que la chambre de l'instruction, qui doit statuer dans les limites de sa saisine, n'est pas saisie de la demande de mise en liberté du 16 mai 2024 qui a fait l'objet d'une décision de rejet du juge des libertés et de la détention le 17 mai 2024 qui n'a pas été frappée d'appel.
7. Les juges ajoutent qu'il leur revient en revanche de statuer sur la demande de mise en liberté du 28 juin 2024 dont ils sont régulièrement saisis.
8. Ils relèvent que M. [W] a été convoqué à l'audience du 16 juillet 2024 et que l'affaire a été mise en délibéré au 18 juillet suivant, soit dans le délai de vingt jours de la demande.
9. Ils en déduisent qu'il n'y a pas lieu à remise en liberté d'office de l'intéressé sur le fondement de l'article 148-4 du code de procédure pénale, dans la mesure où aucune détention arbitraire n'est caractérisée.
10. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.
11. En effet, à supposer même que le demandeur ait entendu saisir de sa demande de mise en liberté du 16 mai 2024 la chambre de l'instruction, sur le fondement de l'article 148-4 du code de procédure pénale, il ne saurait reprocher à cette juridiction de ne pas avoir ordonné sa mise en liberté d'office, faute d'avoir statué sur cette demande dans le délai prévu à l'article 194 dudit code, dès lors que le juge des libertés et de la détention, se serait-il même estimé à tort compétent pour en connaître, a rejeté ladite demande par une décision devenue définitive, en l'absence d'appel du demandeur.
12. Ainsi le moyen ne saurait être accueilli.
13. Par ailleurs, l'arrêt est régulier tant en la forme qu'au regard des dispositions des articles 137-3, 143-1 et suivants du code de procédure pénale.
Crim. 6 novembre 2024 n° 23-85.461
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° T 23-85.461 F-D
N° 01337
GM 6 NOVEMBRE 2024
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 6 NOVEMBRE 2024
La société [2] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 4 juillet 2023, qui, dans l'information suivie des chefs d'infractions aux législations sur les stupéfiants et sur les armes, a rejeté sa demande de restitution.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Jaillon, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société [2], et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 2 octobre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Jaillon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Une perquisition effectuée en enquête préliminaire portant sur un trafic de stupéfiants, au domicile de M. [U] [Z], mis en cause, a permis de découvrir, notamment, les clefs d'un véhicule Mercedes, immatriculé au nom de la société [2] dont il est le gérant, véhicule qui a été saisi et placé sous scellé le 7 mars 2022.
3. M. [Z] a été mis en examen le 10 mars suivant des chefs d'infractions aux législations sur les stupéfiants, sur les armes et blanchiment.
4. Par requête du 31 mars 2022, reçue au greffe du juge d'instruction le 6 avril suivant, l'avocat de la société précitée a demandé la restitution du véhicule, puis en l'absence de réponse, a saisi de cette demande le président de la chambre de l'instruction qui l'a transmise à la chambre de l'instruction.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en restitution du véhicule Mercedes [Immatriculation 1] saisi, alors :
« 1°/ que les mesures de saisie et de confiscation prises en application du code de procédure pénale sont mises en oeuvre sous réserve des droits des tiers propriétaires de bonne foi ; que la bonne foi d'une société tiers à la procédure dont les biens font l'objet d'une saisie pénale doit faire l'objet d'une appréciation propre, sans pouvoir être confondue avec celle de son gérant ; qu'en excluant toute appréciation des droits de la société [2] au motif qu'elle « ne [pouvait] se présenter comme un tiers de bonne foi (?) dans la mesure où elle n'a aucune existence autonome par rapport à son gérant [U] [Z] », la chambre de l'instruction, qui a statué par des motifs ayant pour effet de le priver la société de ses droits propres, a violé les articles 6, § 2, de la directive 2014/42/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014, 131-21 du code pénal, 99, 121-2 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que les mesures de saisie et de confiscation prises en application du code de procédure pénale sont mises en oeuvre sous réserve des droits des tiers propriétaires de bonne foi ; qu'en rejetant la requête en restitution de la société [2] sans établir que son gérant, mis en examen dans la procédure, était le propriétaire économique rée du véhicule saisie - ce qui ne saurait résulter du seul fait que ce dernier en avait fait un usage exclusif et contraire à l'intérêt et à l'objet social de la société -, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale au regard des articles 99 et 131-21 du code pénal et a violé l'article 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 99, alinéa 4, du code de procédure pénale :
6. Selon ce texte, il n'y a pas lieu à restitution par la juridiction d'instruction notamment lorsque le bien saisi est l'instrument ou le produit direct ou indirect de l'infraction.
7. Cependant, ce texte doit être interprété à la lumière des dispositions de l'article 6, § 2, de la directive 2014/42/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014, ce dont il résulte que les droits des tiers de bonne foi doivent être réservés, que le bien soit l'instrument ou le produit direct ou indirect de l'infraction.
8. Pour rejeter la requête en restitution du véhicule saisi, l'arrêt attaqué, après avoir précisé que ce véhicule a servi à commettre les infractions reprochées, relève que M. [Z] était non seulement l'utilisateur exclusif du véhicule dont il est demandé la restitution, mais qu'il l'utilisait à des fins personnelles.
9. Les juges ajoutent que la bonne foi de la société [2] ne peut être retenue dès lors qu'elle n'a aucune existence autonome par rapport à son gérant M. [Z], utilisateur exclusif, et à des fins étrangères à son objet social, du véhicule dont elle demande la restitution.
10. En statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.
11. En effet, d'une part, elle n'a pas recherché si M. [Z] était le propriétaire économique réel du véhicule saisi, seule circonstance de nature à caractériser la libre disposition du bien qui ne peut résulter de la seule circonstance que la personne mise en examen use librement d'un véhicule appartenant à la société qu'il dirige, d'autre part, elle n'a pas établi que la société [2] n'était pas de bonne foi.
12. La cassation est par conséquent encourue.
Crim. 6 novembre 2024 n° 23-84.530 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° F 23-84.530 FS-B
N° 01256
LR 6 NOVEMBRE 2024
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 6 NOVEMBRE 2024
M. [H] [S] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens, chambre correctionnelle, en date du 31 mai 2023, qui, pour violences aggravées, l'a condamné à sept mois d'emprisonnement avec sursis probatoire, deux ans d'interdiction de détenir ou porter une arme soumise à autorisation et une confiscation, et a prononcé sur les intérêts civils.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Fouquet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Guérin-Gougeon, avocat de M. [H] [S], et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 18 septembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Fouquet, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, M. Wyon, Mme Piazza, M. de Lamy, Mmes Jaillon, Clément, conseillers de la chambre, M. Gillis, Mme Chafaï, M. Michon, Mme Bloch, conseillers référendaires, Mme Chauvelot, avocat général référendaire, et Mme Le Roch, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [H] [S] a été poursuivi devant le tribunal correctionnel pour violences habituelles n'ayant pas d'entraîné d'incapacité totale de travail d'une durée supérieure à huit jours par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité.
3. Par jugement du 2 mars 2022, le prévenu a été déclaré coupable de ces faits et condamné, notamment, à la confiscation des scellés.
4. Le prévenu, puis le ministère public et la partie civile, ont interjeté appel de la décision.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses première et cinquième branches, et le second moyen
5. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le premier moyen, pris en ses autres branches
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné la confiscation des scellés, à l'exception des scellés numéros 01/INF, 02/INF, 03/INF, 04/INF et 05/INF, alors :
« 2°/ que la confiscation d'une arme n'est obligatoire que lorsque le délit a été commis avec elle ; qu'elle est sinon facultative ; qu'en se fondant, pour ordonner la confiscation des armes, sur ce que la mesure de confiscation était obligatoire et qu'il n'existait aucun motif, lié aux circonstances de l'infraction ou à la personnalité de M. [S], justifiant que la confiscation obligatoire des armes ne soit pas prononcée, la cour d'appel, qui n'a pourtant pas retenu que les faits de violence pour lesquels il a été condamné avaient été commis avec ces armes, a méconnu les articles 131-21 et 222-44 du code pénal ;
3°/ qu'en tout état de cause, en jugeant qu'il n'existait aucun motif lié aux circonstances de l'infraction ou à la personnalité de son auteur justifiant que la confiscation des armes ne soit pas prononcée, la cour d'appel, qui devait, par un raisonnement inverse, rechercher si les circonstances de l'infraction, la personnalité et la situation personnelle de son auteur devaient conduire au prononcé de la peine de confiscation litigieuse, n'a pas justifié sa décision, en méconnaissance des articles 131-21 et 222-44 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ;
4°/ que le prononcé d'une interdiction de détenir ou de porter une arme soumise à autorisation, qui est temporaire, n'implique ni ne permet de justifier une mesure de confiscation, qui est définitive, des armes détenues par le condamné ; qu'en se fondant, pour ordonner la confiscation des armes, sur ce qu'une telle sanction était en cohérence avec la peine d'interdiction de détenir ou porter une arme soumise à autorisation prononcée à l'encontre du condamné, la cour d'appel a violé les articles 131-21 et 222-44 du code pénal. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 131-21, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2024-582 du 24 juin 2024, 222-44 et 132-1 du code pénal et 485-1 du code de procédure pénale, dans sa rédaction antérieure à la même loi :
7. Il résulte du premier de ces textes que la peine complémentaire de confiscation est encourue dans les cas prévus par la loi ou le règlement. Elle est également encourue de plein droit pour les crimes et pour les délits punis d'une peine d'emprisonnement d'une durée supérieure à un an, à l'exception des délits de presse, lorsqu'elle porte sur l'instrument, l'objet ou le produit de l'infraction. Cette peine est obligatoire pour les objets qualifiés de dangereux ou nuisibles par la loi ou le règlement, ou dont la détention est illicite, que ces biens soient ou non la propriété du condamné.
8. Selon le deuxième, les personnes physiques coupables des infractions d'atteinte à l'intégrité physique ou psychique de la personne encourent la confiscation d'une ou plusieurs armes dont elles sont propriétaires ou dont elles ont la libre disposition. Cette peine est obligatoire pour les crimes et délits commis avec une arme, le tribunal correctionnel pouvant, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer cette peine, en considération des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur.
9. Il se déduit des troisième et quatrième que, en matière correctionnelle, le juge qui prononce une peine de confiscation doit motiver sa décision au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité et de la situation personnelle de son auteur, sauf s'il s'agit d'une peine obligatoire.
10. Pour confirmer la confiscation des armes appartenant au prévenu, de leurs munitions et de leurs accessoires, l'arrêt retient que l'article 131-21, alinéa 1er, du code pénal dispose que la peine complémentaire de confiscation est également encourue de plein droit pour les crimes et pour les délits punis d'une peine d'emprisonnement d'une durée supérieure à un an, et que l'alinéa 7 de cet article ajoute que la confiscation est obligatoire pour les objets qualifiés de dangereux ou nuisibles par la loi ou le règlement.
11. Les juges ajoutent que, l'article 132-75 du même code définissant une arme comme tout objet conçu pour tuer ou blesser, il est indiscutable que les armes, quelle que soit leur catégorie, sont des objets dangereux ou nuisibles.
12. Ils ajoutent encore qu'aux termes de l'article 222-44, I, 2°, du code pénal, les personnes physiques coupables des infractions prévues au chapitre consacré aux atteintes à l'intégrité physique ou psychique de la personne encourent la peine complémentaire de confiscation d'une ou plusieurs armes leur appartenant ou dont elles ont la libre disposition.
13. Ils relèvent qu'en l'espèce la procédure a mis en avant l'impulsivité du prévenu et des capacités d'introspection limitées, alors que la détention d'une arme, quels que soient sa catégorie et son usage, nécessite de la part de son propriétaire, du fait de sa dangerosité intrinsèque, une maîtrise de soi et une bonne gestion de ses émotions.
14. Ils en concluent qu'il n'existe aucun motif, lié aux circonstances de l'infraction ou à la personnalité de son auteur, justifiant que la confiscation obligatoire des armes, objets dangereux ou nuisibles, ne soit pas ordonnée, outre le fait qu'une telle confiscation est en cohérence avec la peine d'interdiction de détenir ou porter une arme soumise à autorisation par ailleurs prononcée.
15. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.
16. En effet, d'une part, la peine obligatoire de confiscation des armes appartenant au condamné n'était pas encourue en l'espèce, dès lors que les faits reprochés au prévenu n'ont pas été commis avec l'usage d'une arme.
17. D'autre part, les dispositions du septième alinéa de l'article 131-21 du code pénal étaient impropres à fonder la confiscation des armes du prévenu, dès lors que ces dispositions ont seulement pour objet de rendre obligatoire la confiscation des biens lorsqu'elle est prévue par les autres alinéas de cet article.
18. Il s'en déduit que la confiscation des armes, prévue par le 6° du I de l'article 222-44 du code pénal, encourue par le prévenu, ne présentait pas de caractère obligatoire, de sorte qu'il appartenait à la cour d'appel de motiver cette peine au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité du prévenu et de sa situation personnelle.
19. La cassation est par conséquent encourue.
Crim. 5 novembre 2024 n° 24-80.781
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° B 24-80.781 F-D
N° 01316
ODVS 5 NOVEMBRE 2024
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 5 NOVEMBRE 2024
L'officier du ministère public près le tribunal de police de Béthune a formé un pourvoi contre le jugement dudit tribunal, en date du 22 décembre 2023, qui, dans la procédure suivie contre M. [U] [J] du chef de contravention au code de la route, a constaté l'extinction de l'action publique.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Sottet, conseiller, et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 1er octobre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Sottet, conseiller rapporteur, M. Samuel, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte du jugement attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Par ordonnance pénale du 27 octobre 2022, M. [U] [J] a été déclaré coupable d'excès de vitesse inférieur à 20 km/h par conducteur de véhicule à moteur, faits commis le 21 novembre 2020.
3. M. [J] a relevé opposition de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Le moyen est pris de la violation de l'article 9-2 du code de procédure pénale.
5. Le moyen critique le jugement attaqué en ce qu'il a constaté la prescription de l'action publique, à défaut d'acte interruptif de celle-ci entre le 11 janvier 2021 et le 11 janvier 2022, alors que figure à la procédure un historique des titres exécutoires mentionnant le prononcé à l'encontre d'un tiers initialement désigné par M. [J], le 6 octobre 2021, d'une amende de 375 euros.
Réponse de la Cour
Vu l'article 9-2 du code de procédure pénale :
6. L'énumération prévue à l'article précité des actes qui interrompent la prescription de l'action publique n'est pas limitative. Constitue un acte de poursuite la délivrance du titre exécutoire de l'amende forfaitaire majorée.
7. Pour retenir la prescription de l'action publique, le juge énonce qu'aucun acte interruptif de prescription n'a été réalisé entre le 11 janvier 2021 et le 11 janvier 2022.
8. En statuant ainsi, alors qu'il résulte du relevé informatique comportant l'historique des titres exécutoires figurant en procédure que, durant cette période, le titre exécutoire d'une amende de 375 euros a été délivré à un tiers initialement désigné par le prévenu comme le conducteur du véhicule verbalisé, le tribunal a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé.
9. La cassation est par conséquent encourue.
Crim. 5 novembre 2024 n° 23-86.418
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° G 23-86.418 F-D
N° 01317
ODVS 5 NOVEMBRE 2024
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 5 NOVEMBRE 2024
M. [R] [F], Mme [H] [Y], épouse [F], Mmes [G] et [E] [F] et Mme [J] [F] [K], parties civiles, ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Rouen, chambre correctionnelle, en date du 20 mars 2023, qui, dans la procédure suivie contre M. [I] [Z], a relaxé ce dernier du chef d'homicide involontaire, l'a condamné à une amende de 3 000 euros pour infraction à la réglementation sur l'hygiène et la sécurité des travailleurs, et a prononcé sur les intérêts civils.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Hairon, conseiller, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. [R] [F], Mme [H] [Y], épouse [F], Mmes [G] et [E] [F] et Mme [J] [F] [K], et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 1er octobre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Hairon, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. [N] [F], employé de M. [I] [Z], a fait une chute mortelle alors qu'il travaillait sur un toit en utilisant une échelle et sans être porteur d'un harnais de sécurité.
3. M. [Z], cité devant le tribunal correctionnel pour homicide involontaire par la violation manifestement délibérée d'une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement et mise à disposition pour des travaux temporaires en hauteur d'équipements de travail ne préservant pas la sécurité du salarié, a été relaxé.
4. Statuant sur l'action civile, le tribunal a déclaré recevables les constitutions de partie civile de M. [R] [F], Mme [H] [Y], épouse [F], Mmes [G] et [E] [F] et Mme [J] [F] [K], respectivement père, mère, s?urs et nièce de [N] [F], et les a déboutés de leurs demandes.
5. Le procureur de la République et les parties civiles ont relevé appel de la décision.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a renvoyé M. [Z] des fins de la poursuite du chef d'homicide involontaire dans le cadre du travail, alors :
« 1°/ que les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage, mais qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, sont responsables pénalement s'il est établi qu'elles ont violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement ; que la cour d'appel a énoncé qu' « omettant de mettre à disposition des ouvriers intervenant sur la couverture de la maison un échafaudage conforme », ce dernier a « méconnu les obligations destinées à préserver la sécurité de ses salariés, sanctionnées par l'article L. 4741-1 du code du travail » et « n'a pas pris les mesures permettant d'éviter le dommage », soit, en l'espèce, le décès de son salarié, M. [F] ; que la cour d'appel a encore relevé que les faits étaient à l'origine du décès du travailleur, qu'en renvoyant toutefois M. [Z] des fins de la poursuite du chef d'homicide involontaire dans le cadre du travail, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi méconnu les articles 121-3 et 221-6 du code pénal ;
2°/ qu'en énonçant d'une part, qu'« en omettant de mettre à disposition des ouvriers intervenant sur la couverture de la maison un échafaudage conforme », ce dernier a « méconnu les obligations destinées à préserver la sécurité de ses salariés, sanctionnées par l'article L. 4741-1 du code du travail » et « n'a pas pris les mesures permettant d'éviter le dommage », soit, en l'espèce, le décès de son salarié, M. [F] et que les faits étaient à l'origine du décès du travailleur, et d'autre part, que les éléments constitutifs du délit d'homicide involontaire par la violation manifestement délibérée d'une obligation de prudence et de sécurité imposée par la loi ou le règlement n'étaient pas caractérisés, la cour d'appel s'est contredite et a ainsi méconnu l'article 593 du code de procédure pénale ;
3°/ que les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage, mais qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, sont responsables pénalement s'il est établi qu'elles ont violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement ; que la cour d'appel a énoncé d'une part, qu'« en omettant de mettre à disposition des ouvriers intervenant sur la couverture de la maison un échafaudage conforme », ce dernier a « méconnu les obligations destinées à préserver la sécurité de ses salariés, sanctionnées par l'article L. 4741-1 du code du travail » et « n'a pas pris les mesures permettant d'éviter le dommage », soit, en l'espèce, le décès de son salarié, M. [F] et que les faits étaient à l'origine du décès du travailleur ; que d'autre part, la cour d'appel a énoncé que la cause de la chute et partant du décès, était inconnue ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel s'est contredite et a ainsi méconnu l'article 593 du code de procédure pénale ;
4°/ que la faute du salarié qui n'est pas la cause exclusive du dommage ne peut exonérer l'employeur de sa responsabilité pénale ; que la cour d'appel a retenu, pour renvoyer M. [Z] des fins de la poursuite du chef d'homicide involontaire dans le cadre du travail, que « [l]e prévenu avait rappelé aux ouvriers la nécessité de porter leur harnais de sécurité. Toutefois, alors que l'autre ouvrier intervenant sur la couverture de la maison était harnaché, la victime ne portait pas son harnais de sécurité » et que le prévenu « avait non seulement remis à ses salariés les harnais de protection nécessaires à stopper une éventuelle chute, le salarié qui travaillait sur la deuxième échelle en étant porteur et le harnais de [N] [F] ayant été retrouvé dans le véhicule de l'entreprise stationné devant le chantier, mais encore rappelé à ses salariés le matin de la survenance de l'accident la nécessité de le porter, ce qu'il « rabâchait » d'ailleurs régulièrement selon ces derniers » que la cour d'appel a retenu que M. [Z] avait méconnu les dispositions relatives aux équipements de protection collective des salariés contre les chutes et que cette méconnaissance était à l'origine du décès de M. [F] ; qu'en considérant qu'une faute prétendue de la victime, dont il résultait de l'arrêt qu'elle n'était pas la cause exclusive du dommage, était de nature à écarter la responsabilité pénale de M. [Z], la cour d'appel a méconnu les articles 121-3 et 221-6 du code pénal ;
5°/ qu'aux termes de l'article R. 4323-63 du code du travail, il est interdit d'utiliser des échelles comme poste de travail, sauf en cas d'impossibilité technique de recourir à un équipement assurant la protection collective des travailleurs ou lorsque l'évaluation du risque a établi que ce risque est faible et qu'il s'agit de travaux de courte durée ne présentant pas un caractère répétitif ; qu'en se bornant à retenir sur la méconnaissance par l'employeur de l'obligation particulière de sécurité prévue à l'article R. 4323-63 du code du travail, qu' « [i]l n'est pas contesté que les travaux d'entretien du toit de chaume de la maison d'habitation qui avaient débuté trois jours plus tôt présentaient un caractère répétitif et n'étaient pas de courte durée », qu'« aucun élément de la procédure ne vient contredire les explications de l'entrepreneur selon lesquelles l'échelle était adaptée au travail d'entretien du toit de chaume » et que « l'échelle sur laquelle était affairé [N] [F] avait été sécurisée au moyen de deux cordes fixées à la maison, ce qu'a confirmé l'un des sapeurs-pompiers intervenus », « les employés présents sur les lieux [?] confirmaient que les échelles utilisées pour accéder à la couverture étaient arrimées et partant sécurisées », sans caractériser d'impossibilité technique de recourir à un équipement de protection collective, qui seule aurait autorisé le recours à une échelle comme poste de travail, la cour d'appel a méconnu les articles 121-3 et 221-6 du code pénal, ensemble l'article R. 4323-63 du code du travail ;
6°/ qu'en retenant qu'« [i]l est constant que [N] [F], couvreur [?] se trouvait au croisement des deux toitures où il effectuait des travaux d'entretien du toit de chaume de l'habitation, en hauteur, sans cependant que la dite hauteur n'ait été mesurée » tout en constatant qu' « en l'espèce, l'inspection du travail évalue que la victime a chuté "d'au moins 4 mètres" », la cour d'appel, qui s'est contredite, a méconnu l'article 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 121-3 du code pénal, 2 et 593 du code de procédure pénale : 7. Selon le premier de ces textes, en cas de délit non-intentionnel, les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, sont responsables pénalement s'il est établi qu'elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer.
8. Il se déduit du deuxième que le dommage dont la partie civile peut obtenir réparation de la personne relaxée résulte de la faute civile démontrée à partir et dans les limites des faits objet de la poursuite.
9. Selon le dernier, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
10. Pour relaxer le prévenu du chef d'homicide involontaire, l'arrêt attaqué énonce que les constatations des procès-verbaux ne permettent pas de retenir à son encontre la violation manifestement délibérée d'une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement.
11. Les juges relèvent qu'alors que l'employeur, présent sur le site, avait rappelé aux ouvriers la nécessité de porter leur harnais de sécurité, la victime ne portait pas cet équipement.
12. Ils précisent que, selon le rapport de l'inspection du travail, [N] [F] a chuté d'au moins quatre mètres, sans que soit déterminé s'il était tombé de l'échelle posée sur la toiture ou s'il se déplaçait sur le toit.
13. Ils ajoutent que les autres employés présents sur les lieux ont déclaré que les échelles utilisées pour accéder à la couverture étaient arrimées et, partant, sécurisées.
14. En se déterminant ainsi, alors qu'ils énonçaient par ailleurs, pour retenir la culpabilité de M. [Z] du chef de mise à disposition pour des travaux temporaires en hauteur d'équipements de travail ne préservant pas la sécurité du salarié, que l'absence sur le chantier où [N] [F] était employé d'un échafaudage conforme, apte à prévenir le risque de chute de hauteur, était en lien direct avec la chute au sol de celui-ci, les juges n'ont pas justifié leur décision.
15. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
16. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [R] [F], Mmes [J] [F] [K], [G] [F], [H] [Y], épouse [F] et [E] [F] irrecevables en leur constitution de partie civile et, par conséquent, a rejeté l'ensemble de leurs demandes plus amples ou contraires, alors :
« 1°/ que même dans le cas où la réparation du dommage échapperait à la compétence de la juridiction pénale, la personne qui, conformément à l'article 2 du code de procédure pénale, prétend avoir été lésée par un délit, est recevable à se constituer partie civile aux fins de faire établir l'existence de l'infraction et possède, par l'effet de sa constitution, tous les droits reconnus à la partie civile ; que si, selon l'article L. 451-1 du code de la sécurité sociale, aucune action en réparation du préjudice causé par un accident du travail ne peut, en dehors des cas prévus par ce texte, être exercée conformément au droit commun, par la victime ou ses ayants droits contre l'employeur ou ses préposés, cette interdiction d'exercer une action en réparation du dommage causé par un accident du travail conformément au droit commun n'a pas pour conséquence de rendre irrecevable la constitution de partie civile de la victime ou de ses ayants droit devant la juridiction correctionnelle, constitution qui n'a ni pour seul objet ni pour seul effet d'obtenir l'indemnisation du préjudice résultant de l'accident du travail subi par la victime ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a méconnu, ensemble, les articles 2 et 418 du code de procédure pénale, L. 451-1 du code de la sécurité sociale ;
2°/ en tout état de cause, que l'expression d'ayants droit figurant à l'article L. 451-1 du code de la sécurité sociale ne concerne que les personnes qui, visées aux articles L. 434-7 à L. 434-14 du même code, peuvent recevoir des prestations en cas de décès accidentel de leur auteur ; que, pour déclarer irrecevables les constitutions de partie civile de M. [R] [F], Mme [J] [F] [K], Mme [G] [F], Mme [H] [Y] épouse [F] et Mme [E] [F] et rejeter l'ensemble de leurs demandes, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que l'accident dont M. [N] [F] avait été victime constituait un accident du travail régi par les dispositions spécifiques du code de la sécurité sociale et qu'il résultait de l'article L. 451-1 de ce code, dont les dispositions sont d'ordre public, que la victime d'un accident du travail ne peut exercer conformément au droit commun aucun recours contre l'employeur, avant de constater qu' « à cet égard, il ressort des pièces versées aux débats qu'une instance en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur était introduite devant la CPAM » et qu' « [u]n procès-verbal de non conciliation ayant été dressé, la CPAM invitait ses ayants droit à saisir directement le tribunal judiciaire pôle social » ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si M. [R] [F], Mme [J] [F] [K], Mme [G] [F], Mme [H] [Y] épouse [F] et Mme [E] [F] se trouvaient dans l'un des cas prévus par les articles L. 434-7 à L. 434-14 du code de la sécurité sociale leur permettant de percevoir des prestations, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des articles L. 434-7 à L. 434-14 du code de la sécurité sociale. »
Réponse de la Cour
Sur le moyen, pris en sa première branche
Vu les articles 2 du code de procédure pénale et L. 451-1 du code de la sécurité sociale :
17. Il résulte de ces dispositions que si aucune action en réparation du préjudice causé par un accident du travail ne peut, en dehors des cas qu'elles prévoient, être exercée conformément au droit commun, par la victime contre l'employeur, la juridiction répressive doit cependant, si les conditions en sont réunies, déclarer recevable la constitution de partie civile de celle-ci ou de ses ayants droit.
18. Pour déclarer irrecevables les constitutions de partie civile des demandeurs et les débouter de toutes leurs demandes, l'arrêt attaqué énonce que l'accident dont [N] [F] a été victime constitue un accident du travail régi par les dispositions spécifiques du code de la sécurité sociale, desquelles il résulte que la victime d'un accident du travail ne peut exercer aucun recours contre l'employeur conformément au droit commun.
19. En statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.
20. La cassation est par conséquent également encourue.
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
Vu les articles L. 434-7 à L. 434-14 et L. 451-1 du code de la sécurité sociale :
21. Selon le dernier de ces textes, l'expression d'ayants droit ne concerne que les personnes qui, visées aux articles L. 434-7 à L. 434-14 du même code, peuvent recevoir des prestations en cas de décès accidentel de leur auteur. Les proches de la victime, qui n'ont pas cette qualité, peuvent donc être indemnisés par la juridiction pénale selon les règles du droit commun.
22. Pour déclarer irrecevables les constitutions de parties civiles des demandeurs, l'arrêt attaqué énonce qu'une instance en reconnaissance de faute inexcusable de l'employeur a été introduite devant la caisse primaire d'assurance maladie et qu'un procès-verbal de non-conciliation ayant été dressé, cette dernière a invité les ayants droit à saisir directement le pôle social du tribunal judiciaire.
23. En statuant ainsi, sans rechercher si les proches de la victime se trouvaient dans l'un des cas prévus par l'article L. 434-13 du code de la sécurité sociale leur permettant de percevoir des prestations, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.
24.La cassation est, en conséquence, de nouveau encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
25. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives à la faute civile de l'employeur du chef d'homicide involontaire et l'irrecevabilité des constitutions de parties civiles et ses conséquences. Les autres dispositions seront donc maintenues.
Crim. 23 octobre 2024 n° 24-84.741
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° F 24-84.741 F-D
N° 01436
GM 23 OCTOBRE 2024
ANNULATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 23 OCTOBRE 2024
M. [D] [B] a formé un pourvoi contre l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bourges, en date du 18 juillet 2024, qui, dans l'information suivie contre lui du chef d'infraction à la législation sur les stupéfiants, a déclaré sa demande de mise en liberté irrecevable.
Un mémoire personnel et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Tessereau, conseiller, et les conclusions de Mme Viriot-Barrial, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 octobre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Tessereau, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'ordonnance attaquée et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. [D] [B] a été mis en examen des chefs susvisés et placé en détention provisoire à la maison d'arrêt d'Orléans le 30 novembre 2023.
3. Il a formé une demande de mise en liberté sur le fondement de l'article 148-4 du code de procédure pénale, par lettre recommandée avec avis de réception reçue par le greffier de la chambre de l'instruction de Bourges le 16 juillet 2024.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Le moyen est pris de la violation des articles 5, 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 148-4, 148-6 et 148-8 du code de procédure pénale.
5. Le moyen critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a déclaré manifestement irrecevable la demande de mise en liberté de M. [B] formée par lettre recommandée, alors qu'une telle demande peut être adressée par lettre recommandée avec avis de réception lorsque le demandeur réside hors du ressort de la juridiction compétente, ce qui était le cas en l'espèce, de sorte que le président de la chambre de l'instruction a excédé ses pouvoirs et que M. [B] doit être remis en liberté.
Réponse de la Cour
Vu les articles 148-6 et 148-8 du code de procédure pénale :
6. Selon le premier de ces textes, toute demande de mise en liberté doit faire l'objet d'une déclaration au greffier de la juridiction d'instruction saisie du dossier ou à celui de la juridiction compétente et doit être constatée et datée par le greffier qui la signe ainsi que le demandeur ou son avocat. Lorsque la personne ou son avocat ne réside pas dans le ressort de la juridiction compétente, la déclaration au greffier peut être faite au moyen d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception.
7. En vertu du second, lorsque la personne mise en examen entend saisir la chambre de l'instruction, notamment en application des dispositions de l'article 148-4 du code de procédure pénale, sa demande doit être faite, dans les formes prévues par les articles 148-6 et 148-7 dudit code, au greffier de la chambre de l'instruction compétente ou au chef de l'établissement pénitentiaire qui en assure la transmission.
8. Pour dire irrecevable la demande de mise en liberté, l'ordonnance attaquée énonce que celle-ci a été formée par lettre et que la saisine n'était donc pas régulière.
9. En se déterminant ainsi, alors qu'une personne détenue hors du ressort de la cour d'appel compétente est recevable à saisir la chambre de l'instruction d'une demande de mise en liberté par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, et qu'il est justifié par les pièces produites que le greffier de la chambre de l'instruction a accusé réception de la demande formée par courrier recommandé par M. [B], détenu hors du ressort de la chambre de l'instruction, le président de ladite chambre a commis un excès de pouvoir.
10. L'annulation de l'ordonnance est par conséquent encourue.
Portée et conséquences de l'annulation
11. Du fait de cette annulation, la chambre de l'instruction se trouve saisie de la demande de mise en liberté de M. [B].
12. M. [B] est détenu en exécution d'un titre de détention régulier dès lors que l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction, fût-elle annulée, a été prononcée dans le délai prescrit par l'article 148, dernier alinéa, du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction saisie devant elle-même statuer dans le délai prévu par l'article 194-1 du même code.
Crim. 23 octobre 2024 n° 23-86.992
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° H 23-86.992 F-D
N° 01291
MAS2 23 OCTOBRE 2024
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 23 OCTOBRE 2024
Mmes [H] et [M] [S], MM. [Y], [X] et [K] [S], parties civiles, ont formé des pourvois contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Grenoble, en date du 7 novembre 2023, qui, dans la procédure suivie, sur leur plainte, contre personne non dénommée des chefs de violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner, aggravées, et complicité a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Tessereau, conseiller, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de Mmes [H] et [M] [S], MM. [Y], [X] et [K] [S], et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 septembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Tessereau, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 10 septembre 2015, deux agents de sécurité et un employé sont intervenus pour maîtriser [T] [S] qui faisait preuve d'agressivité dans un centre commercial. Un des agents de sécurité a utilisé un pistolet à impulsion électrique. [T] [S] a perdu connaissance et est décédé le soir même.
3. Mmes [H] et [M] [S], MM. [Y], [X] et [K] [S] ont porté plainte et se sont constitués partie civile suite au décès de [T] [S].
4. Le juge d'instruction a rendu une ordonnance de non-lieu, au motif qu'aucune infraction n'était caractérisée et imputable à quiconque, le décès étant d'origine cardiaque sur fond de prise de substance toxique, ainsi qu'il résultait des avis médicaux.
5. Les consorts [S] ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande d'instauration d'une contre-expertise médicale formée par les parties civiles et, en conséquence, a rejeté la demande d'instauration d'une expertise relative au pistolet à impulsion électrique et déclaré n'y avoir lieu à suivre en l'état, alors « qu'en application de l'article 201 du code de procédure pénale, les parties sont recevables à demander à la chambre de l'instruction, saisie du règlement de la procédure, un complément d'expertise ou une contre-expertise, sans que puisse leur être opposée l'expiration du délai prévu par l'article 167, alinéa 4, du code de procédure pénale ; que, pour déclarer irrecevable la demande de contre-expertise présentée, l'arrêt attaqué, après avoir exposé que le juge d'instruction avait notifié aux parties et à leur conseil le 20 septembre 2022 les conclusions de l'expertise médicale réalisée par le docteur [D] et qu'il leur avait imparti un délai de 15 jours pour présenter des observations ou formuler une demande, énonce qu'« aucune demande de complément ou de contre-expertise n'a été formulée dans le délai accordée aux parties civiles et à leur conseil » ; qu'en prononçant ainsi, alors que les parties civiles étaient recevables à demander à la chambre de l'instruction, saisie du règlement de la procédure, une contre-expertise dont cette juridiction devait apprécier la nécessité, la chambre de l'instruction a méconnu l'article 201 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 201 du code de procédure pénale :
7. Il se déduit de ce texte que, lorsque la chambre de l'instruction est saisie de l'entier dossier de la procédure à l'occasion du règlement de celle-ci, les parties sont recevables à solliciter un acte d'information, sans que puisse leur être opposée l'expiration du délai prévu par l'article 167, alinéa 4, du code de procédure pénale, lequel ne fait pas obstacle à ce que les parties présentent des demandes de complément d'information.
8. Il appartient à la chambre de l'instruction d'apprécier souverainement le bien-fondé de la demande qui lui est ainsi présentée.
9. Pour déclarer irrecevable la demande de contre-expertise présentée par les parties civiles, l'arrêt attaqué énonce que les conclusions de l'expertise médicale leur ont été notifiées avec un délai de quinze jours pour présenter des observations ou formuler une demande, et qu'aucune demande n'a été formée dans ce délai.
10. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et les principes ci-dessus rappelés.
11. La cassation est par conséquent encourue.
Crim. 22 octobre 2024 n° 23-87.021
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° P 23-87.021 F-D
N° 01263
SL2 22 OCTOBRE 2024
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 22 OCTOBRE 2024
M. [N] [U] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai, 6e chambre, en date du 13 novembre 2023, qui, pour harcèlement moral, l'a condamné à quatorze mois d'emprisonnement avec sursis probatoire, trois ans d'inéligibilité, cinq ans d'interdiction professionnelle, et a prononcé sur les intérêts civils.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Maziau, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Briard, Bonichot et Associés, avocat de M. [N] [U], et les conclusions de Mme Djemni-Wagner, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 septembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Maziau, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [N] [U] a été cité devant le tribunal correctionnel du chef de harcèlement moral.
3. Par jugement du 24 mai 2022, le tribunal correctionnel a déclaré le prévenu coupable, condamné M. [U] à quatorze mois d'emprisonnement assorti d'un sursis probatoire de deux ans, ordonné la dispense d'inscription au bulletin n° 2 du casier judiciaire et prononcé sur l'action civile.
4. Le prévenu, le ministère public et les parties civiles ont interjeté appel.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré coupable et condamné M. [U] aux termes d'une décision irrégulière en la forme, alors :
« 1°/ que tout jugement ou arrêt doit établir la régularité de la composition de la juridiction qui l'a rendu ; que l'arrêt attaqué doit ainsi mentionner la composition réelle de la juridiction lors du débats et du délibéré ; qu'au cas présent, selon les mentions de l'arrêt, la cour était composée, lors des débats et du délibéré de M. Sylvain Lallement, président de chambre accompagné de M. Nicolas Steimer, conseiller et de Mme Myriam Chapeaux, conseillère, tandis même que tant le conseil de la défense, que les notes d'audience des débats ainsi que le rôle d'audience des débats indiquent que la juridiction était composée de M. Sylvain Lallement, président de chambre accompagné de Mme Caroline Vilnat, conseillère et de Mme Sophie Terent Jew, conseillère ; que dès lors, l'arrêt, qui comporte une erreur quant à la composition de la juridiction ayant participé aux débats ainsi qu'au délibéré, ne permet pas de s'assurer quels sont les magistrats qui ont réellement participé aux débats et au délibéré et d'ainsi vérifier qu'il s'agit bien des mêmes ; que la décision attaquée a donc été rendue en violation des articles 485, 486, 512 et 592 du code de procédure pénale et 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, et ne satisfait pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale ;
2°/ que la seule affirmation que la cour d'appel a délibéré conformément à la loi ne suffit pas à déterminer quels magistrats ont réellement participé aux débats et au délibéré ainsi que de vérifier qu'il s'agit des mêmes ; que dès lors, l'arrêt, qui a été rendu en violation des articles 485, 486, 512 et 592 du code de procédure pénale et 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, ne satisfait pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale ;
3°/ en outre, que tout jugement ou arrêt doit établir la régularité de la composition de la juridiction qui l'a rendu ; qu'à peine de nullité de la décision, la composition de la cour doit être identique lors des débats et du prononcé de la décision ; qu'en l'espèce, il résulte des mentions de l'arrêt que la cour était composée, lors des débats, de M. Sylvain Lallement, président de chambre accompagné de M. Nicolas Steimer, conseiller et de Mme Myriam Chapeaux et lors du prononcé de l'arrêt de M. Sylvain Lallement, président de chambre accompagné de Mme Caroline Vilnat, conseillère et de Mme Sophie Terent Jew, conseillère ainsi qu'en attestent les notes d'audience du délibéré ainsi que le rôle d'audience du délibéré, l'arrêt étant muet sur la composition globale de la cour lors du prononcé ; qu'au vu de ces mentions, l'arrêt, qui a été rendu en violation des articles 485, 486, 512 et 592 du code de procédure pénale et 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, ne satisfait pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 485, 486, 512, 647 et suivants du code de procédure pénale :
6. Il résulte des dispositions des trois premiers textes susvisés que tout jugement ou arrêt doit établir la régularité de la composition de la juridiction qui l'a rendu.
7. Il résulte des suivants que lorsque, l'autorisation de s'inscrire en faux ayant été accordée par le premier président de la Cour de cassation, et les significations prévues à l'article 647-2 du code de procédure pénale ayant été effectuées, le ministère public et la partie civile n'ont pas manifesté l'intention de soutenir l'exactitude des énonciations contestées, celles-ci doivent être considérées comme inexactes.
8. Les mentions de l'arrêt attaqué relatives à la composition de la cour d'appel lors des débats et du délibéré ont été arguées de faux par M. [U].
9. Le premier président de la Cour de cassation ayant autorisé le demandeur à s'inscrire en faux contre lesdites mentions, et les significations prévues à l'article 647-2 du code de procédure pénale ayant été régulièrement effectuées, le ministère public et la partie civile n'ont pas répondu à la sommation dudit demandeur, comme le prévoit l'article 647-3 du même code.
10. Il en résulte qu'en vertu des dispositions de l'article 647-4 du code de procédure pénale, les mentions arguées de faux devant être considérées comme inexactes et que, par suite, l'arrêt ne remplissant pas les conditions de son existence légale, la cassation est encourue.
Crim. 22 octobre 2024 n° 24-85.676
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° X 24-85.676 F-D
N° 01420
ODVS 22 OCTOBRE 2024
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 22 OCTOBRE 2024
M. [L] [P] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 5e section, en date du 25 septembre 2024, qui a autorisé sa remise aux autorités judiciaires italiennes en exécution d'un mandat d'arrêt européen.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Merloz, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [L] [P], et les conclusions de M. Tarabeux, avocat général, après débats en l'audience publique du 22 octobre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Merloz, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 3 mars 2023, les autorités italiennes ont décerné un mandat d'arrêt européen à l'encontre de M. [L] [P], de nationalité tunisienne, pour l'exécution d'un reliquat de peine de cinq ans, cinq mois et deux jours, à la suite de sa condamnation, en son absence, par une juridiction italienne, le 22 novembre 2022, à six ans d'emprisonnement pour des faits d'aide à l'entrée et séjour irrégulier.
3. Le mandat d'arrêt européen a été notifié par le procureur général à M. [P] le 14 mars 2024. Il a été placé sous écrou extraditionnel.
4. Par arrêt du 12 juin 2024, la chambre de l'instruction a notamment ordonné un complément d'information afin que les autorités judiciaires italiennes précisent si l'intéressé, jugé en son absence, se trouvait dans l'un des cas prévus par l'article 695-22-1 du code de procédure pénale.
5. Par courrier du 22 juillet 2024, les autorités judiciaires italiennes ont répondu à la demande de complément d'information.
Examen des moyens
Sur le second moyen
6. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné la remise de M. [P] aux autorités judiciaires italiennes aux fins d'exécution d'une peine de six ans d'emprisonnement, prononcée à son encontre en son absence par un jugement de la Cour de Varèse, alors « que l'exécution d'un mandat d'arrêt européen émis aux fins d'exécution d'une peine privative de liberté, peut être refusée lorsque l'intéressé n'a pas comparu en personne lors du procès à l'issue duquel la peine d'emprisonnement a été prononcée, sauf si les informations données par l'Etat membre d'émission justifient qu'il était dans l'une des quatre situations prévues par l'article 695-22-1 1° à 4° du code de procédure pénale ; que les indications données par l'Etat membre d'émission doivent être suffisamment claires et précises pour établir que les conditions d'au moins l'une des quatre situations prévues par l'article 695-22-1 du code de procédure pénale étaient réunies ; qu'en l'espèce, selon le courrier du 22 juillet 2024, tel qu'il est reproduit par l'arrêt attaqué, les autorités judiciaires italiennes indiquent qu'aurait été signifiée à M. [L] [P], le 31 mai 2022, la demande du ministère public de comparution immédiate auprès du Tribunal de Varèse du 31 mai 2022, et par la suite, lui aurait été signifié le 30 juin 2022 un avis de procédure abrégée pour l'audience du 22 novembre 2022, l'avertissant qu'en cas de non-comparution, il pourrait être jugé en son absence ; que ces indications qui ne précisent ni les faits, ni les procédures pour lesquels M. [L] [P] aurait reçu ces convocations, ni les raisons pour lesquelles une seconde convocation aurait été délivrée après une première pour un jugement en comparution immédiate, ne peuvent justifier que M. [L] [P] avait été informé de la date et du lieu fixés pour le procès qui a donné lieu au jugement le condamnant à une peine privative de liberté, faisant l'objet du mandat d'arrêt européen délivré à son encontre ; que l'arrêt attaqué, en affirmant, sur ces simples indications, que l'intéressé se trouvait dans le cas n° 1 de l'article 695-22-1 du code de procédure pénale, a privé sa décision de base légale au regard de ce texte, et des articles 6 et 5 de la Convention européenne des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
8. Pour rejeter le moyen pris de ce que la remise du demandeur pouvait être refusée sur le fondement de l'article 695-22-1 du code de procédure pénale et ordonner la remise de M. [P] aux autorités italiennes, l'arrêt attaqué énonce qu'il résulte des mentions du mandat d'arrêt européen et de la réponse au complément d'information ordonné que, d'une part, le jugement de condamnation pour l'exécution duquel le mandat d'arrêt européen a été délivré est devenu irrévocable, c'est-à-dire définitif, le 31 décembre 2022, d'autre part, l'intéressé a reçu deux citations à sa personne l'avisant, la première, le 31 mai 2022, de la comparution immédiate, la seconde, le 30 juin suivant, de l'audience du 22 novembre 2022 et l'informant que, en cas de non-comparution, il pourrait être jugé en son absence.
9. Les juges en concluent que l'intéressé se trouve dans la situation visée au 1° de l'article 695-22 -1 précité et que le motif facultatif de refus prévu par ce texte ne trouve ainsi pas à s'appliquer, sans qu'il soit nécessaire de vérifier si l'intéressé est dans l'un des trois autres cas de motifs facultatifs de refus de remise.
10. En l'état de ces énonciations, exemptes d'insuffisance ou de contradiction, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.
11. Ainsi, le moyen doit être écarté.
12. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
Crim. 22 octobre 2024 n° 24-84.629
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° J 24-84.629 F-D
N° 01418
ODVS 22 OCTOBRE 2024
CASSATION SANS RENVOI
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 22 OCTOBRE 2024
M. [Z] [MT] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Cayenne, en date du 17 juillet 2024, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 11 juin 2024, pourvoi n° 24-81.955), dans l'information suivie contre lui des chefs de complicité de meurtre, infractions à la législation sur les stupéfiants, association de malfaiteurs, en récidive, non justification de ressources et blanchiment, a rejeté sa demande de mise en liberté et confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention rejetant une précédente demande de mise en liberté.
Un mémoire personnel a été produit.
Sur le rapport de Mme Chaline-Bellamy, conseiller, et les conclusions de M. Tarabeux, avocat général, après débats en l'audience publique du 22 octobre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Chaline-Bellamy, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. [Z] [MT], mis en examen des chefs susmentionnés et placé en détention provisoire le 11 février 2022, a formé une demande de mise en liberté qui a été rejetée par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Cayenne le 31 janvier 2024.
3. Il a interjeté appel de cette décision, avec demande de comparution personnelle, au greffe de la maison d'arrêt de [Localité 3] où il était détenu, le 2 février 2024.
4. La déclaration d'appel a été reçue et transcrite au greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Cayenne le 21 février 2024.
5. Par ailleurs, une demande de mise en liberté d'office a été formée le 26 février 2024.
6. Par arrêt du 11 juin 2024, la Cour de cassation a censuré un premier arrêt de la chambre de l'instruction en relevant notamment qu'après avoir constaté, à juste titre, l'existence d'indices d'un concert frauduleux impliquant un agent de l'administration pénitentiaire, il lui appartenait de procéder à des vérifications sur les conditions de la transmission de la déclaration d'appel de M. [MT], dont elle constatait la nécessité, ainsi que l'y autorise l'article 194 du code de procédure pénale.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a écarté le dépassement du délai pour statuer sur l'appel d'une décision de rejet de mise en liberté et dit n'y avoir lieu à mise en liberté d'office. Il fait grief à la chambre de l'instruction de n'avoir pas tiré les conséquences légales de ses constatations et d'avoir statué par des motifs insuffisants pour retenir le caractère volontaire des fautes commises par l'agent pénitentiaire ainsi que l'existence d'un concert frauduleux entre ce dernier et la personne mise en examen du seul fait que ces fautes lui profitent et qu'un article de presse mentionne la mise en examen récente d'un agent pénitentiaire de la maison d'arrêt de [Localité 3], et ce en violation des articles 194, 199, 502, 503, 803-7 et D. 45-26 du code de procédure pénale, ainsi que de l'article 5, § 4, de la Convention européenne des droits de l'homme.
Réponse de la Cour
Vu les articles 5, § 4, de la Convention européenne des droits de l'homme, 503, D. 45-26, 194, alinéa 4, et 199 du code de procédure pénale :
8. Selon le premier de ces textes, toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d'introduire un recours devant un tribunal, afin qu'il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale.
9. Il résulte des deux textes suivants que lorsque l'appelant est détenu, l'appel peut être fait au moyen d'une déclaration auprès du chef de l'établissement pénitentiaire et que ce document est transmis le jour même ou le premier jour ouvrable suivant par ce dernier au greffe de la juridiction qui a rendu la décision attaquée.
10. Selon les deux derniers, en matière de détention provisoire, la chambre de l'instruction doit se prononcer dans les plus brefs délais et au plus tard dans les dix jours de l'appel lorsqu'il s'agit d'une ordonnance de placement en détention et dans les quinze jours dans les autres cas, augmentés de cinq jours en cas de comparution personnelle, faute de quoi la personne concernée est mise d'office en liberté, sauf si des vérifications concernant sa demande ont été ordonnées ou si des circonstances imprévisibles et insurmontables mettent obstacle au jugement de l'affaire dans le délai prescrit.
11. La Cour de cassation juge qu'en cas de circonstances imprévisibles, insurmontables et extérieures au service de la justice (Crim., 18 janvier 2011, pourvoi n° 10-87.525, Bull. crim. 2011, n° 7) ou en cas de concert frauduleux impliquant un agent du service de la justice au bénéfice de la personne détenue (Crim., 13 janvier 2015, pourvoi n° 14-87.146, Bull. crim. 2015, n° 16 ; Crim., 13 avril 2021, pourvoi n° 21-80.872), le délai ne commence à courir qu'à compter de la transcription de la déclaration d'appel sur le registre prévu par l'article 502 du code de procédure pénale.
12. Pour écarter le moyen pris du dépassement du délai de vingt jours applicable à l'examen de l'appel de la demande de mise en liberté, l'arrêt attaqué expose que la chambre de l'instruction considère ne pas avoir besoin de procéder à de nouvelles investigations, dès lors qu'elle dispose des premiers courriels du greffe du tribunal judiciaire indiquant qu'aucune transmission de la déclaration d'appel n'a été faite par la voie électronique, qu'elle se trouve tributaire des demandes formées par le parquet général auprès des parquets et parquets généraux territorialement compétents et tenue, dans l'intérêt notamment du détenu, de statuer sans multiplier des décisions avant dire droit relatives à des investigations.
13. Les juges rappellent que le retard dans la transmission de la déclaration d'appel ne s'explique que par les agissements d'un agent pénitentiaire de la maison d'arrêt de [Localité 3] qui, dans un dossier de nature criminelle aux lourds enjeux pénaux suivi à [Localité 2], n'a pas transmis la déclaration d'appel par la voie électronique, a envoyé cette déclaration par courrier Ecopli, trois jours après la formalisation de l'appel, suivant un bordereau ne comportant ni le cachet ni la signature de l'établissement pénitentiaire certifiant que la transmission à l'autorité compétente a bien eu lieu.
14. Ils considèrent en conséquence que ce cumul de fautes conduit à les qualifier d'agissements volontaires ayant suspendu le cours normal du service public de la justice.
15. Ils retiennent que ces agissements et les renseignements issus d'un journal local faisant état de la mise en examen et de l'incarcération d'un agent pénitentiaire de cette maison d'arrêt pour collusion au sein de l'établissement et d'une instruction en cours pour déterminer l'étendue des faits et des personnels impliqués sont des éléments factuels suffisants pour caractériser l'existence d'un concert frauduleux qui ne profite qu'à M. [MT].
16. Ils ajoutent que la cour ne saurait prolonger les investigations soumises désormais à cette instruction et au secret qui s'y attache et qu'elle doit tirer les conclusions des éléments en sa possession.
17. Par ailleurs, les juges indiquent que le délai d'acheminement postal entre [Localité 3] et [Localité 2] constitue une circonstance imprévisible et insurmontable au sens du même article 194 du code de procédure pénale, faisant donc obstacle au jugement de l'appel dans le délai de vingt jours précité et que le choix délibéré du non respect des règles correspond à une faute détachable du service, destinée à favoriser M. [MT].
18. Ils en concluent qu'il y a lieu de repousser le point de départ du délai prévu par l'article 148-2 du code de procédure pénale au jour de la transcription de la demande de mise en liberté au greffe de la chambre de l'instruction, soit le 21 février 2024.
19. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés pour les motifs qui suivent.
20. En premier lieu, à la supposer établie, une abstention volontaire de transmission par la modalité permettant d'assurer une réception rapide par la juridiction concernée de l'acte d'appel par un agent du greffe pénitentiaire ne saurait, sauf concert frauduleux en vue de porter atteinte à la régularité de la détention, constituer une circonstance extérieure au service de la justice.
21. En second lieu, ne constitue pas un élément de nature à caractériser un tel concert frauduleux un article de journal relatant la mise en examen, pour des faits commis en faveur de détenus, d'un agent pénitentiaire de la maison d'arrêt concernée alors qu'en l'absence de toute vérification autorisée par l'article 194 du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction ne pouvait déduire de ce seul article que l'agent pénitentiaire éventuellement mis en cause était le responsable de la transmission litigieuse de la déclaration d'appel.
22. La cassation est par conséquent encourue.
Portée et conséquences de la cassation
21. M. [MT] doit être remis en liberté, sauf s'il est détenu pour autre cause.
22. Cependant, les dispositions de l'article 803-7, alinéa 1, du code de procédure pénale permettent à la Cour de cassation de placer sous contrôle judiciaire la personne dont la détention provisoire est irrégulière en raison de la méconnaissance des délais prévus par ce même code, dès lors qu'elle trouve dans les pièces de la procédure des éléments d'information pertinents et que la mesure apparaît indispensable pour assurer l'un des objectifs énumérés à l'article 144 du même code.
23. En l'espèce, il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable que M. [MT] ait pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions qui lui sont reprochées.
24. Une mesure de contrôle judiciaire est indispensable aux fins de :
- empêcher une pression sur les témoins et parties civiles dès lors que l'intéressé conteste les faits et que leur nature, les témoignages de menaces, outre sa condamnation pour menaces contre le magistrat instructeur précédemment en charge de l'information, peuvent faire craindre des actes de violence sur les témoins et sur les parties civiles ;
- empêcher une concertation frauduleuse entre la personne mise en examen et ses coauteurs ou complices, en ce que les faits sont contestés, que des menaces envers un co-mis en examen ont été relevées et que l'information démontre sa facilité à se procurer des moyens de communication clandestins et sa propension à faire preuve d'un ascendant sur des tiers ;
- garantir le maintien de la personne mise en examen à la disposition de la justice, en ce que les seules attaches familiales de M. [MT] en métropole n'ont pas fait obstacle à sa grande mobilité géographique ;
- prévenir le renouvellement de l'infraction, au regard, d'une part, du comportement menaçant de l'intéressé qui ressort de sa condamnation le 5 mars 2023 pour menaces envers un magistrat instructeur et de témoignages, d'autre part, des éléments de pronostic criminologique défavorables retenus dans l'expertise psychiatrique.
25. Afin d'assurer ces objectifs, M. [MT] sera astreint à se soumettre aux obligations précisées au dispositif.
26. Le magistrat chargé de l'information est compétent pour l'application des articles 139 et suivants et 141-2 et suivants du code de procédure pénale.
27. Le parquet général de cette Cour fera procéder aux diligences prévues par l'article 138-1 du code de procédure pénale.
Crim. 22 octobre 2024 n° 24-84.548
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° W 24-84.548 F-D
N° 01417
ODVS 22 OCTOBRE 2024
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 22 OCTOBRE 2024
M. [Z] [N] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nouméa, en date du 3 juillet 2024, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de complicité de tentative de meurtre, vol en bande organisée avec arme, destruction en bande organisée et associations de malfaiteurs, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention le plaçant en détention provisoire.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Merloz, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [Z] [N], et les conclusions de M. Tarabeux, avocat général, l'avocat ayant eu la parole en dernier, après débats en l'audience publique du 22 octobre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Merloz, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, M. Tarabeux, avocat général, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Dans une information ouverte à l'occasion d'une succession d'actions violentes commises à compter du 13 mai 2024 en Nouvelle-Calédonie, M. [Z] [N] a été mis en examen des chefs susmentionnés et, par ordonnance du 22 juin 2024, placé en détention provisoire, sous mandat de dépôt criminel, à la maison d'arrêt de [Localité 1].
3. M. [N] a interjeté appel de cette décision.
4. La veille de l'audience devant la chambre de l'instruction, l'intéressé s'est entretenu par visioconférence avec son avocat qui se trouvait en Nouvelle-Calédonie. Le courriel comportant les modalités de connexion pour la visioconférence précisait que l'entretien serait enregistré.
Examen des moyens
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté le moyen tiré de la nullité du débat contradictoire et a confirmé le placement en détention provisoire de M. [Z] [N], alors :
« 1°/ que la loyauté, l'équité et la contradiction doivent présider à tout débat de procédure pénale et plus particulièrement en matière de détention ; lorsque le juge de la liberté et de la détention saisi d'une demande de mise en détention et le parquet savent qu'il est envisagé en cas de placement en détention par un juge ultramarin, que cette détention soit effectuée en métropole à 17.000 km de là, en éloignant le mis en examen de façon substantielle du juge, de sa défense, de sa famille et de tous ses repères, cet élément de nature à jouer dans l'élaboration de la défense de l'intéressé devant le juge des libertés et de la détention doit, à peine de déloyauté interdite, être placé dans le débat contradictoire ; en l'espèce, il résulte des pièces de la procédure qu'à l'issue même de la décision de placement en détention, un mandat a été délivré immédiatement aux fins d'incarcération en métropole et le mis en examen a été placé dans un avion préparé manifestement à l'avance pour y être conduit sans désemparer, sans que cet élément ait jamais été mis ni évoqué dans le débat contradictoire ; en validant ce débat et la décision de placement en détention provisoire qui l'a suivi, la chambre de l'instruction a violé les principes précités, les articles préliminaire et 145 du code de procédure pénale, les articles 5 et 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les droits de la défense ; la cassation devra intervenir sans renvoi après constatation de la nullité du débat contradictoire d'origine ;
2°/ que de surcroît, l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme garantit à toute personne le droit au respect de sa vie privée et familiale ; il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est justifiée par un intérêt public et proportionnée au regard des circonstances invoquées ; en l'espèce, M. [N] faisait valoir dans son mémoire que son transfèrement et son incarcération en France métropolitaine, soit à plus de « 17.000 kilomètres de la Nouvelle-Calédonie » où il a sa résidence, étaient de nature à le priver de toute visite de sa famille, en raison notamment des « coûts d'un billet d'avion », du « temps nécessaire au déplacement » et du fait que « le centre de détention soit situé à plusieurs heures de toute arrivée par voie aérienne », et portaient ainsi « atteinte à son droit à une vie privée et familiale normale » ; pour néanmoins écarter toute atteinte en ce sens, l'arrêt se borne à énoncer que « l'éloignement du mis en examen relève d'une mesure de sûreté publique tant à raison de l'extrême gravité des infractions qui lui sont reprochées que des risques de troubles violents que créerait l'incarcération de toutes les personnes mises en examen dans ce dossier au centre pénitentiaire de [Localité 3] qui a été le théâtre de mutineries les 13 et 14 mai » ; en statuant par ces motifs hypothétiques et insuffisants à justifier l'atteinte grave portée au droit à une vie privée et familiale de M. [N], la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légal au regard des textes susvisés et a violé l'article 593 du code de procédure pénale ;
3°/ que de la même manière, l'intérêt supérieur de l'enfant tel que consacré par l'article 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant adoptée le 20 novembre 1989 par l'Assemblée générale des Nations Unies, impose un maintien des relations entre l'enfant et son parent placé en détention ; qu'en affirmant de façon inopérante, pour écarter toute violation de ce principe dont M. [N] se prévalait dans son mémoire, que ses enfants, dont les plus jeunes sont âgés de 15 et 4 ans, « demeurent protégés par leur mère » sans rechercher comme elle y était invitée s'ils conservaient la possibilité de visiter leur père, la chambre de l'instruction a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article sus énoncé et a de nouveau violé l'article 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Sur le moyen, pris en sa première branche
6. Pour rejeter le grief tiré de la nullité du débat contradictoire et confirmer le placement en détention provisoire de l'intéressé, l'arrêt attaqué énonce que le débat contradictoire, institué par l'article 145 du code de procédure pénale dans l'hypothèse où un placement en détention provisoire est envisagé, porte sur le principe d'une incarcération provisoire et non sur ses modalités pratiques, de sorte que l'absence d'observations préalables de la personne mise en examen sur le lieu de l'incarcération n'entraîne pas la nullité de l'ordonnance de placement en détention provisoire.
7. Les juges ajoutent qu'il résulte de la combinaison des articles D. 53 du code de procédure pénale et D. 211-4 du code pénitentiaire, invoqués par la personne mise en examen au soutien de son grief, que le premier juge avait la possibilité de prévoir une incarcération dans une maison d'arrêt autre que celle de [Localité 3] s'il considérait que des garanties de sécurité suffisantes n'étaient pas offertes.
8. Ils observent, à cet égard, que le compte-rendu d'une réunion présidée par M. [P] [B] désignait les « places de l'Etat (gendarmeries, Camp est, subdivisions) » comme des cibles et que des brigades de gendarmerie avaient effectivement été attaquées, le personnel de la brigade territoriale de [Localité 2] ayant dû être évacué, que le centre pénitentiaire de [Localité 3] avait été le foyer de deux mutineries les 13 et 14 mai 2024 au cours desquelles des surveillants pénitentiaires avaient été pris en otage, l'un d'eux ayant été grièvement blessé, de sorte que le juge des libertés et de la détention pouvait légitimement considérer que ce centre pénitentiaire n'offrait pas de garanties de sécurité suffisantes puisqu'au-delà du risque de concertation entre les personnes mises en examen qui y seraient incarcérées, il existait un risque réel de nouveaux troubles.
9. Ils en concluent que l'éloignement ordonné par le juge des libertés et de la détention n'est pas en lui-même une cause d'annulation de la décision de placement en détention.
10. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes et principes visés au soutien du grief.
11. En effet, il ne résulte d'aucune disposition du code de procédure pénale que le juge des libertés et de la détention doive informer la personne mise en examen du lieu de détention où elle pourrait être incarcérée si elle était placée en détention provisoire.
12. Il s'ensuit que l'absence de débat contradictoire sur cette information ne constitue pas la violation d'une formalité substantielle au sens de l'article 802 du code de procédure pénale ni ne porte atteinte aux droits de la défense au cours dudit débat.
13. Ainsi, le grief doit être écarté.
Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
14. Pour rejeter les griefs tirés de l'atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale et de l'intérêt supérieur de l'enfant, l'arrêt attaqué énonce que toute détention entraîne par nature une restriction de la vie privée et familiale de l'intéressé en ce qu'elle implique nécessairement une séparation entre le père incarcéré et ses enfants.
15. Les juges ajoutent que l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ne donne pas aux détenus le droit de choisir leur lieu de détention et que le deuxième paragraphe de ce texte admet que l'exercice du droit au respect de la vie privée et familiale peut faire l'objet d'une ingérence par l'autorité publique si elle est prévue par la loi et si elle constitue une mesure nécessaire à la sûreté publique.
16. Ils observent que, d'une part, la loi autorise le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention à choisir l'établissement pénitentiaire dans lequel il place toute personne mise en examen, d'autre part, dans le cadre de la présente affaire, l'éloignement de la personne mise en examen relève d'une mesure de sûreté publique tant à raison de l'extrême gravité des infractions qui lui sont reprochées que des risques de troubles violents que créerait l'incarcération de toutes les personnes mises en examen dans ce dossier au centre pénitentiaire de [Localité 3] qui a été le théâtre de mutineries.
17. Ils relèvent encore qu'il résulte de l'enquête de personnalité, réalisée par une association d'accès au droit, qu'aucun enfant mineur ne serait laissé hors la présence de l'autre parent, les deux enfants mineurs de l'intéressé, âgés de 15 et 4 ans, vivant avec leur mère à [Localité 3] et demeurant ainsi protégés par celle-ci de sorte qu'aucune méconnaissance de leur intérêt supérieur n'est établie.
18. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision.
19. En effet, d'une part, elle a, comme elle le devait, répondu sans insuffisance, à ce stade de la détention, à l'argumentation du demandeur qui invoquait une atteinte excessive à son droit au respect de la vie familiale et de l'intérêt supérieur de ses enfants mineurs du fait de son incarcération en France métropolitaine, d'autre part, le demandeur n'a pas sollicité un changement d'établissement pénitentiaire.
20. Dès lors, le moyen doit être écarté.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
21. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré régulière la procédure devant la chambre de l'instruction et a confirmé l'ordonnance de placement en détention provisoire, alors :
2°/ que le droit, pour le mis en examen, de communiquer avec son avocat hors de portée d'écoute d'un tiers figure parmi les exigences élémentaires du procès équitable dans une société démocratique ; la méconnaissance de ce principe porte nécessairement atteinte aux droits de la défense ; pour rejeter en l'espèce toute atteinte aux droits de la défense du fait de l'enregistrement par le ministère public de l'unique entretien par visioconférence entre M. [N] et son avocat en préparation de l'audience devant la chambre de l'instruction, l'arrêt énonce que cet enregistrement n'a été réalisé qu'à la suite d'une « erreur de manipulation » et qu'« il n'est pas établi que l'enregistrement a été écouté » ; en statuant ainsi, quand le seul enregistrement constituait déjà une irrégularité portant nécessairement atteinte aux droits de la défense, la chambre de l'instruction a violé les articles préliminaire et 706-71 du code de procédure pénale, 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 et 6 §3 b) de la Convention européenne des droits de l'Homme. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 6, § 3, b, de la Convention européenne des droits de l'homme et 706-71 du code de procédure pénale :
22. Il résulte de ces textes que, pour que soit garanti le droit effectif et concret à l'assistance d'un avocat, la personne mise en examen qui comparaît par visioconférence à l'audience de la chambre de l'instruction statuant en matière de détention provisoire doit pouvoir s'entretenir avec son avocat au préalable et confidentiellement par ce même moyen de communication, dès lors que l'avocat a choisi de se trouver auprès de la juridiction.
23. Pour écarter le grief pris de la méconnaissance du droit pour la personne mise en examen de s'entretenir avec son avocat de façon confidentielle par un moyen de télécommunication audiovisuelle avant l'audience devant la chambre de l'instruction, l'arrêt attaqué énonce que la mention sur le courriel adressé à l'avocat avant l'audience selon laquelle « la réunion sera enregistrée », est générée lors de visioconférences organisées durant les procès d'assises, type de visioconférence qui a été mis en oeuvre à la suite d'une erreur de manipulation.
24. Les juges ajoutent qu'il résulte d'une capture d'écran réalisée par l'avocat que les mentions « Réunion enregistrée » et « Enregistrement » étaient visibles lorsque ce dernier s'est entretenu avec son client.
25. Ils observent enfin qu'il n'est pas établi que l'enregistrement a été écouté.
26. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.
27. En effet, l'irrégularité résultant de l'enregistrement de l'entretien entre l'avocat et la personne mise en examen préalable à l'audience devant la chambre de l'instruction statuant en matière de détention provisoire fait, à elle seule, nécessairement grief à la personne concernée, dès lors qu'elle affecte irrévocablement les droits de la défense en touchant à la liberté des échanges de M. [N] avec son avocat, peu important que ledit enregistrement n'ait pas été écouté.
28. Par conséquent, la cassation est encourue de ce chef, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres griefs.
Portée et conséquences de la cassation
29. Il n'y a pas lieu à mise en liberté de M. [Z] [N] dès lors que la validité du mandat de dépôt n'est pas affectée par la cassation ainsi prononcée.
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