Soc. 16 novembre 2022 n° 20-22.272
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 16 novembre 2022
Cassation partielle
M. SCHAMBER, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 1211 F-D
Pourvoi n° X 20-22.272
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 16 NOVEMBRE 2022
La société Resina, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° X 20-22.272 contre l'arrêt rendu le 3 juillet 2020 par la cour d'appel de Bourges (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. [C] [N], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Resina, de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de M. [N], après débats en l'audience publique du 28 septembre 2022 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Flores, conseiller rapporteur, Mme Lecaplain-Morel, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bourges, 3 juillet 2020), M. [C] [N] a été engagé, le 1er juillet 1995, par contrat de travail à durée déterminée, par la société Resina en qualité d'ouvrier d'exécution pour une durée de six mois à raison de quarante et une heures par semaine. La relation de travail s'est poursuivie au terme du contrat à durée déterminée.
2. Le salarié a été licencié le 24 mai 2017.
3. Le 7 décembre 2017, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes au titre de l'exécution du contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses première et troisième à neuvième branches, les deuxième et troisième moyens, ci-après annexés
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
5. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à lui payer diverses sommes à titre de rappel de salaire et au titre des heures supplémentaires, de congés payés afférents, de solde d'indemnité de préavis et d'indemnité spéciale de licenciement et de lui ordonner de remettre au salarié un bulletin de salaire, le certificat travail et une attestation Pôle emploi conformes à la décision sous astreinte, alors « que le juge ne peut méconnaître les termes du litige tels qu'ils résultent des prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, la société Resina faisait valoir, dans ses conclusions d'appel, que ‘'lors de l'application de l'accord de branche, en janvier 2000, le temps de travail hebdomadaire de M. [N], d'une durée de 41 heures, ainsi qu'il résulte de son contrat de travail, a été réduit à 35 H avec des heures supplémentaires comme l'indique les fiches de paie des années 2014, 2015, 2016 et 2017, mais la rémunération mensuelle brute n'a fait l'objet d'aucune modification en comparaison avec la période antérieure'‘ ; qu'en affirmant néanmoins qu'il n'était pas remis en cause que suite à la réduction de la durée légale du travail à 35 heures à compter du 1er janvier 2000, M. [N] avait été rémunéré d'abord sur la base de 169 heures par mois avec 10% d'heures supplémentaires contractualisées (soit près de 43 heures par semaine) puis, pour la période querellée, sur la base de 160,33 heures (151,67 heures par mois auxquelles s'ajoutaient 8,66 heures supplémentaires mensualisées), soit 37 heures par semaine, la cour d'appel, qui a méconnu les termes du litige, a violé l'article 4 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code de procédure civile :
6. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
7. Pour condamner l'employeur au paiement de diverses sommes à titre de rappel de salaire, de congés payés afférents, de solde d'indemnité de préavis et de solde d'indemnité spéciale de licenciement, l'arrêt retient qu'il n'est pas remis en cause qu'à la suite de la réduction de la durée légale du travail à 35 heures à compter du 1er janvier 2000, le salarié a été rémunéré d'abord sur la base de 169 heures par mois avec 10 % d'heures supplémentaires contractualisées (soit près de 43 heures par semaine) puis, pour la période querellée, sur la base de 160,33 heures (151,67 heures par mois auxquelles s'ajoutent 8,66 heures supplémentaires mensualisées) soit 37 heures par semaine.
8. En statuant ainsi, alors que, dans ses conclusions d'appel, l'employeur soutenait que lors de l'application de l'accord de branche, en janvier 2000, le temps de travail hebdomadaire du salarié d'une durée de 41 heures avait été réduit à 35 heures avec des heures supplémentaires, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé.
Soc. 9 novembre 2022 n° 21-18.577
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 9 novembre 2022
Cassation partielle
Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 1169 F-D
Pourvoi n° B 21-18.577
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 NOVEMBRE 2022
La société Asept Inmed, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° B 21-18.577 contre l'arrêt rendu le 7 mai 2021 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre, section 1), dans le litige l'opposant à M. [R] [F], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Grandemange, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Asept Inmed, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [F], après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Grandemange, conseiller rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 7 mai 2021), M. [F] a été engagé, à compter du 3 décembre 2007, par la société Asept Inmed en qualité de délégué hospitalier. Victime d'un accident du travail, il a été placé en arrêt de travail à compter du 12 janvier 2016.
2. Après avoir été convoqué, le 13 janvier 2016, à un entretien préalable à son éventuel licenciement, il a été licencié pour faute grave le 5 février 2016.
3. Il a saisi la juridiction prud'homale en contestation de son licenciement.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
4. L'employeur fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité du licenciement du salarié, intervenu en période de suspension de son contrat consécutive à un accident du travail et non justifié par une faute grave, de le condamner à lui payer des sommes au titre de l'indemnité de préavis, des congés payés afférents, de l'indemnité conventionnelle de licenciement et à
« 1°/ que les juges sont tenus de se prononcer sur l'ensemble des griefs invoqués au soutien du licenciement ; que le salarié ne peut s'approprier des documents appartenant à l'entreprise, à moins qu'il n'en ait connaissance dans l'exercice de ses fonctions et que leur production soit strictement nécessaire à l'exercice des droits de sa défense dans le litige l'opposant à son employeur ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement reprochait au salarié d'avoir procédé à deux reprises au transfert d'informations hautement confidentielles sur sa messagerie personnelle : une première fois s'agissant des informations adressées par erreur et dont le caractère particulièrement sensible avait justifié, lors de la découverte de cette erreur, la demande de destruction immédiate des fichiers et le renvoi d'une attestation sur l'honneur certifiant de leur destruction, et une seconde fois le 18 janvier 2016, soit quelque jours après la convocation du salarié à l'entretien préalable à un éventuel licenciement, s'agissant de 256 courriels professionnels ; que, pour écarter le grief relatif au transfert, par le salarié, de mails professionnels sur sa messagerie personnelle, la cour d'appel a retenu que "le transfert par Monsieur [F] de ses mails professionnels sur sa messagerie personnelle a été opéré quelques jours après la réception de la lettre de convocation à l'entretien préalable ; le salarié (?) a appréhendé des documents (?) dont la production pouvait s'avérer nécessaire à l'exercice de sa défense dans la procédure prud'homale qu'il a engagée peu après" ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui ne s'est pas prononcée sur le premier transfert de documents auquel le salarié avait procédé, et dont l'examen s'imposait d'autant plus qu'il était constant que le salarié n'avait nullement eu connaissance de ces documents dans l'exercice de ses fonctions mais uniquement en raison d'une erreur d'envoi, et que ces documents n'étaient en rien nécessaire à sa défense dans le cadre du procès prud'homal, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017 ;
2°/ que le salarié ne peut s'approprier des documents appartenant à l'entreprise ; qu'il n'en va différemment que dans l'hypothèse où, la production de tels documents, dont le salarié a eu connaissance à l'occasion de ses fonctions, s'avère strictement nécessaire à l'exercice des droits de sa défense dans le litige l'opposant à son employeur ; que, pour écarter le grief tenant au "transfert par Monsieur [F] de ses mails professionnels sur sa messagerie personnelle", la cour d'appel a retenu qu'il avait "été opéré quelques jours après la réception de la lettre de convocation à l'entretien préalable", en sorte qu' "avisé du projet de son employeur de rompre le contrat de travail, le salarié a[vait] appréhendé des documents dont il avait eu connaissance à l'occasion de l'exercice de ses fonctions et dont la production pouvait s'avérer nécessaire à l'exercice de sa défense dans la procédure prud'homale qu'il a engagée peu après", ce sans que la société ASEPT INMED "ne rapporte pas la preuve que les documents (ainsi) transférés contiennent des informations hautement confidentielles ou présentent un intérêt commercial pour la concurrence" ; qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants, sans rechercher si le salarié établissait que les documents en cause étaient strictement nécessaires à l'exercice des droits de sa défense dans le litige qui l'opposait à l'employeur à l'occasion de son licenciement, la cour d'appel a violé l'article 1353 du code civil, dans sa rédaction postérieure à l'ordonnance n° 2016-1031 du 10 février 2016, ensemble les articles L. 1222-1, L. 1234-1, L. 1234-5, et L. 1234-9 du code du travail, ce dernier article dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1353 du code civil, dans sa rédaction postérieure à l'ordonnance n° 2016-1031 du 10 février 2016 et L. 1222-1 du code du travail :
5. Il résulte de ces textes qu'un salarié ne peut s'approprier des documents appartenant à l'entreprise que s'ils sont strictement nécessaires à l'exercice des droits de sa défense dans un litige l'opposant à son employeur.
6. Pour écarter le grief tiré de l'envoi par le salarié, sur sa messagerie personnelle, d'un fichier professionnel reçu par erreur le 8 décembre 2015 et de 256 courriels professionnels transférés en masse le 18 janvier 2016, l'arrêt retient que le contrat de travail comporte une clause de confidentialité, que le salarié a signé une déclaration reconnaissant avoir pris connaissance de la charte informatique de bon usage des ressources informatiques de l'entreprise, qui rappelle le principe de confidentialité des informations, sans pour autant interdire le transfert des mails sur sa messagerie personnelle. Il relève ensuite, que le salarié a procédé au transfert de ses mails professionnels sur sa messagerie personnelle quelques jours après la réception de sa convocation à l'entretien préalable. Il en déduit, qu'avisé du projet de son licenciement, le salarié a appréhendé des documents dont il avait eu connaissance à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, dont la production pouvait s'avérer nécessaire à l'exercice de sa défense dans la procédure prud'homale qu'il a engagée peu après. Il ajoute enfin que l'employeur ne rapporte pas la preuve que les documents transférés aient été communiqués à des tiers, contiennent des informations hautement confidentielles ou présentent un intérêt commercial pour la concurrence, ce dont il déduit que l'employeur ne peut se prévaloir d'une faute grave du fait de ce transfert.
7. En se déterminant ainsi, par des motifs inopérants, sans rechercher si le salarié établissait que les documents en cause étaient strictement nécessaires à l'exercice des droits de sa défense dans le litige qui l'opposait à son employeur à l'occasion de son licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Et sur le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
8. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié une somme à titre de dommages-intérêts en raison de la nullité de la convention de forfait annuelle en jours, alors « que les juges ne peuvent examiner que les seules prétentions rappelées au dispositif des conclusions ; qu'en l'espèce, dans le dispositif de ses écritures, le salarié sollicitait une condamnation "au titre du préjudice subi du fait du dépassement sans contrepartie du forfait annuel en jours" ; que, pour condamner l'exposante au titre de la nullité de la convention de forfait annuel, la cour d'appel a retenu que "M. [F], qui reproche à son employeur un défaut de suivi de sa charge de travail, se prévaut de la nullité de la convention de forfait et réclame le paiement de dommages et intérêts à ce titre" ; qu'en statuant ainsi, quand le dispositif des écritures du salarié ne faisait pas état d'une telle demande, la cour d'appel a violé l'article 954 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 954 du code de procédure civile en ses premier, deuxième et troisième alinéas :
9. Selon ce texte, d'une part, dans les procédures avec représentation obligatoire, les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée, d'autre part, les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif et la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.
10. Pour condamner l'employeur à payer au salarié une somme à titre de dommages-intérêts en raison de la nullité de la convention annuelle de forfait en jours, l'arrêt retient que l'employeur n'établit pas que le salarié a bénéficié d'un entretien annuel d'évaluation portant sur sa charge de travail, l'organisation du travail dans l'entreprise et l'articulation entre la vie professionnelle et la vie privée. Il ajoute que l'employeur ne démontre pas avoir été placé en capacité d'opérer un contrôle effectif du salarié lui permettant de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée de travail raisonnable ou de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail du salarié restent raisonnables et assurent une bonne répartition dans le temps du travail de l'intéressé. Il en déduit que la convention de forfait en jours est nulle et que le salarié qui ne demande pas le paiement d'heures supplémentaires a droit au paiement de dommages-intérêts.
11. En statuant ainsi, alors que, dans le dispositif de ses dernières conclusions, le salarié se bornait à solliciter le paiement d'une somme au titre du préjudice subi du fait du dépassement sans contrepartie du forfait annuel en jours, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Soc. 9 novembre 2022 n° 21-13.389
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CH9
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 9 novembre 2022
Cassation partielle
Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 1173 F-D
Pourvoi n° N 21-13.389
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 NOVEMBRE 2022
M. [P] [L], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° N 21-13.389 contre l'arrêt rendu le 12 octobre 2020 par la cour d'appel de Limoges (chambre économique et sociale), dans le litige l'opposant à la société CSF France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La société CFS France a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen de cassation également annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Carillon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de M. [L], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société CSF France, après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Carillon, conseiller référendaire rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Limoges, 12 octobre 2020), et les productions, M. [L] a été engagé par la société CSF France le 1er avril 1997. Depuis le 1er juin 2013, il occupait les fonctions de directeur d'un magasin de l'enseigne « Carrefour Market ».
2. La relation de travail est soumise à la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire et plusieurs accords relatifs à l'aménagement du temps de travail ont été conclus par la société CSF France.
3. Convoqué le 16 décembre 2016 à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 28 décembre 2016, il a été mis à pied à titre conservatoire et licencié pour faute grave le 6 janvier 2017.
4. Contestant les motifs de son licenciement, la validité de la convention de forfait et sollicitant diverses sommes au titre d'un rappel de salaire sur le temps de travail exécuté, de ses déplacements et du travail dissimulé, le salarié a saisi la juridiction prud'homale.
Examen des moyens
Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses première et deuxième branches, ci-après annexé
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa quatrième branche
Enoncé du moyen
6. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement était fondé sur une faute grave et de le débouter de ses demandes indemnitaires à ce titre, alors « qu'aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n'a pas été porté préalablement à sa connaissance ; que constituent un moyen de preuve illicite les enregistrements du salarié obtenus à l'aide d'un système de vidéosurveillance dont l'existence n'a pas été portée à la connaissance du personnel ; qu'en retenant que le licenciement de M. [L] reposait sur une faute grave, motifs pris que des enregistrements vidéos par le système de caméra de surveillance du magasin des 2 et 8 décembre 2016 faisaient apparaître le salarié prenant des produits pour les porter dans sa voiture, que l'intéressé avait reconnu les faits, et qu'il ne pouvait justifier du paiement des articles litigieux, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'employeur établissait avoir informé les salariés de l'existence d'un système de vidéosurveillance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1222-4, L 1234-1, L. 1234-5, et L. 1234-9 du code du travail, ensemble l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et l'article 1383 du code civil. »
Réponse de la Cour
7. Le salarié s'est borné, dans ses conclusions, à rappeler les conditions légales requises pour permettre à un employeur d'installer un système de vidéosurveillance sur le lieu de travail et de se prévaloir des enregistrements à l'encontre de ses salariés, mais n'a aucunement soutenu que les salariés, dont lui-même, n'avaient pas été informés de l'existence d'une vidéosurveillance au sein du magasin et n'a pas tiré de conséquences juridiques des faits qu'il affirmait puisqu'il n'a pas sollicité l'irrecevabilité des pièces litigieuses produites par la société.
8. Il ne peut dès lors être fait grief à la cour d'appel de ne pas avoir procédé à une recherche qui ne lui était pas demandée.
9. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le moyen du pourvoi incident dont l'examen est préalable aux deuxième et troisième moyens du pourvoi principal
Enoncé du moyen
10. L'employeur fait grief à l'arrêt de déclarer nulle la convention de forfait en jours prévue dans son contrat de travail, alors :
« 1°/ que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en retenant d'une part que l'accord d'entreprise du 30 décembre 2008 et ceux qui sont venus lui succéder le 27 juin 2013 et 22 mai 2014 contiennent des dispositions "qui assurent la garantie du respect des repos, journaliers et hebdomadaires" puis que ces accords ne prévoient "aucune disposition spécifique pour assurer le contrôle du repos quotidien de 11 heures consécutives et du repos hebdomadaire de 35 heures continues", la cour d'appel s'est contredite en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires ; que l'article 6.4.1 de l'accord d'entreprise du 30 décembre 2008 et l'article 4.3 des accords d'entreprise des 27 juin 2013 et 22 mai 2014 prévoient que "les cadres autonomes doivent bénéficier d'un temps de repos quotidien d'au moins 11 heures consécutives et au minimum d'un repos hebdomadaire de 35 heures continues" ; qu'en leur article 5, les accords d'entreprise des 27 juin 2013 et 22 mai 2014 prévoient que les salariés relevant d'une convention de forfait en jours bénéficient d'un entretien annuel avec la Direction au cours duquel est notamment abordé l'organisation, la charge et l'amplitude de travail et le respect des repos quotidien et hebdomadaire ; qu'en leur article 6.1, ces accords disposent que : "la charge de travail des salariés cadres ne peut jamais justifier le non-respect des repos quotidiens et hebdomadaires minimums obligatoires. L'organisation et la charge de travail sont adaptées afin que ces repos soient respectés et font l'objet d'un suivi régulier de la part de la hiérarchie de ces salariés" ; qu'en leur article 6. 2, ils prévoient que : "il appartient au supérieur hiérarchique de chaque salarié cadre de suivre régulièrement la charge et l'organisation de travail de celui-ci, afin d'assurer la protection de sa santé et sécurité au travail. Si entre ses entretiens annuels, le salarié considère qu'il rencontre une difficulté concernant sa charge de travail et/ou l'amplitude de ses journées de travail, il en réfère alors à son supérieur hiérarchique et au service des ressources humaines. Une réunion entre le salarié et son supérieur hiérarchique est alors programmée afin qu'ils puissent examiner la situation et trouver des solutions ensemble" ; qu'en jugeant néanmoins que ces accords ne prévoient pas de garanties suffisantes du contrôle du caractère raisonnable de l'amplitude et de la charge de travail ni aucune disposition spécifique pour assurer le contrôle du repos quotidien de 11 heures consécutives et du repos hebdomadaire de 35 heures continues, lorsqu'un tel contrôle est prévu par le supérieur hiérarchique du salarié de manière régulière ainsi qu'à la demande du salarié à tout moment, la cour d'appel a violé l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article L. 3121-45 du code du travail dans sa rédaction alors applicable, interprété à la lumière de l'article 17, §§ 1 et 4, de la directive 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
3°/ que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires ; que le salarié ayant conclu une convention de forfait en jours n'est pas soumis aux dispositions relatives à la durée quotidienne maximale de travail et aux durées hebdomadaires maximales de travail ; qu'en retenant que les accords d'entreprise des 30 décembre 2008, 27 juin 2013 et 22 mai 2014 ne contiennent aucune disposition spécifique de nature à garantir le respect des durées maximales de travail pour en déduire que ces accords ne sont pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et à assurer une bonne répartition dans le temps du travail de l'intéressé et donc à assurer la protection de sa santé et sa sécurité, la cour d'appel a violé l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, les articles L. 3121-45 et L. 3121-48 du code du travail dans leur rédaction alors applicable, interprétés à la lumière de l'article 17, §§ 1 et 4, de la directive 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. »
Réponse de la Cour
11. Le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles.
12. Il résulte des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur.
13. Il résulte de l'article L. 3121-43 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, interprété à la lumière des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.
14. D'abord, c'est sans se contredire que la cour d'appel a retenu, que si l'accord d'entreprise du 30 décembre 2008 et ceux qui sont venus lui succéder les 27 juin 2013 et 22 mai 2014 contiennent des dispositions relatives à la garantie du respect des repos journaliers et hebdomadaires, ils ne prévoient en revanche aucune disposition spécifique propre à assurer le contrôle du repos quotidien de onze heures consécutives et du repos hebdomadaire de trente-cinq heures continues puisque le système prévu repose exclusivement sur l'engagement du salarié de veiller lui-même au respect des temps de repos.
15. Elle a ensuite relevé que l'entretien annuel avec le supérieur hiérarchique portant sur le temps de travail, sur l'organisation, la charge et l'amplitude du travail, le respect du repos quotidien et hebdomadaire ainsi que l'articulation entre les temps de vie professionnelle et la vie familiale ne constituait pas à lui seul une garantie suffisante du contrôle du caractère raisonnable de l'amplitude et de la charge de travail.
16. Elle en a exactement déduit que ces dispositions, qui ne permettaient pas à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, n'étaient pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restaient raisonnables et à assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail du salarié soumis au forfait en jours et qu'en conséquence la convention de forfait était nulle.
17. Le moyen, inopérant en sa troisième branche comme s'attaquant à un motif surabondant, n'est donc pas fondé pour le surplus.
Mais sur le deuxième moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
18. Le salarié grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, alors « qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; que des décomptes récapitulant le nombre d'heures de travail accomplies par semaine constituent des éléments suffisamment précis auquel l'employeur peut répondre ; que pour débouter M. [L] de sa demande de paiement d'un rappel de salaires au titre des heures supplémentaires accomplies, la cour d'appel a retenu que le salarié, qui produisait un calcul théorique aboutissant à un nombre moyen de 10,5 heures supplémentaires par semaine sans préciser pour chaque année le nombre d'heures accomplies, ne présentait pas d'éléments suffisamment précis pour que l'employeur puisse utilement répondre à sa demande ; qu'en statuant ainsi, quand le décompte hebdomadaire fourni par le salarié, reconstituant les heures de travail accomplies au regard de son amplitude journalière et ses pauses en l'absence de convention de forfait valablement conclue, était suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre sur les heures de travail accomplies, ce qu'il a d'ailleurs fait, la cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :
19. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans ses rédactions issues de l'ordonnance n° 2007-3729 du 12 mars 2007 et de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
20. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
21. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
22. Pour débouter le salarié de sa demande au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents, l'arrêt, après avoir constaté que le salarié présentait un décompte des sommes réclamées, retient qu'il ne précise pas, pour chacune des années, le nombre d'heures supplémentaires prétendument accomplies ; qu'il procède à un calcul théorique qui, appliqué de manière identique pour chacune des trois années concernées par sa demande devrait aboutir à un nombre d'heures supplémentaires similaires d'une année sur l'autre, alors que ses demandes présentent des écarts inexpliqués, ce dont il déduit que les éléments produits par le salarié ne sont pas suffisamment précis pour que l'employeur puisse utilement répondre à sa demande.
23. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part, que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, d'autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé.
Et sur le troisième moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
24. Le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement d'une somme au titre du travail dissimulé, alors « que les heures supplémentaires non payées et non visées au bulletin de paie, résultant de la nullité d'une convention de forfait annuelle en jours, révèlent une situation de travail dissimulé ; que par application de l'article 624 du code de procédure civile, la censure qui s'attachera aux chefs de l'arrêt ayant débouté M. [L] de sa demande de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires accomplies, entraînera, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt ayant débouté le salarié de sa demande en paiement d'une somme au titre du travail dissimulé. »
Réponse de la Cour
25. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt déboutant le salarié de sa demande en paiement d'heures supplémentaires entraîne la cassation du chef de dispositif le déboutant de sa demande en paiement d'une somme au titre du travail dissimulé, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
Soc. 26 octobre 2022 n° 21-14.178 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CH9
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 26 octobre 2022
Cassation partielle
M. SOMMER, président
Arrêt n° 1144 FS-B+R
Pourvoi n° V 21-14.178
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 26 OCTOBRE 2022
M. [V] [K], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 21-14.178 contre l'arrêt rendu le 27 janvier 2021 par la cour d'appel d'Amiens (5e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant à la société Garage du Poteau de Senlis dépannage, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de M. [K], de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de la société Garage du Poteau de Senlis dépannage, et l'avis de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 14 septembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, M. Flores, conseiller rapporteur, M. Schamber, conseiller doyen, Mmes Cavrois, Monge, MM. Sornay, Rouchayrole, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, Techer, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 27 janvier 2021), M. [K] a été engagé à compter du 12 décembre 1988 comme dépanneur par la société Garage du Poteau de Senlis dépannage, qui exerce une activité de dépannage de véhicules à la demande des particuliers, des professionnels ainsi que des compagnies d'assurance et d'assistance et assure une permanence pour intervenir sur une portion délimitée d'autoroute.
2. Les parties étaient convenues d'une rémunération mensuelle brute de 1 782,63 euros et du paiement des heures supplémentaires et repos compensateurs au moyen d'une commission de 10 % du chiffre d'affaires du dépannage poids-lourds et d'une commission de 20 % du chiffre d'affaires du dépannage véhicules légers, pour les interventions réalisées en dehors des horaires d'ouverture de l'entreprise.
3. Le 10 décembre 2015, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes en résiliation judiciaire du contrat de travail et en paiement de diverses sommes.
4. Le salarié a été licencié le 27 juin 2017.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, le deuxième moyen, pris en ses trois dernières branches et le troisième moyen, pris en sa troisième branche, ci-après annexés
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de toutes ses demandes et notamment de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, au titre de la rupture brutale du contrat de travail, au titre du non-respect de la durée légale, au titre des heures supplémentaires outre congés payés afférents, au titre du repos compensateur, outre congés payés afférents, au titre du travail dissimulé, de nullité de son licenciement et de toutes les indemnités afférentes et subsidiairement de licenciement sans cause réelle et sérieuse et de toutes les indemnités afférentes, alors « que ayant expressément retenu que le salarié, dépanneur autoroutier de la société, au cours des périodes dites « d'astreinte » litigieuses de 15 jours consécutifs, « était tenu de se tenir en permanence ou à proximité immédiate des ou dans les locaux de l'entreprise, en dehors des heures et jours d'ouverture, afin de répondre sans délai à toute demande d'intervention » et qu'il était à cette fin muni d'un téléphone et intervenait à la demande d'un dispatcheur affecté à la réception continue des appels d'urgence, la cour d'appel qui conclut que l'organisation telle qu'elle résulte des pièces et documents versés aux débats lui permettent « de dire que ces périodes étaient des astreintes et non pas des permanences constituant un temps de travail effectif », sans nullement rechercher ni apprécier, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si, au regard des sujétions auxquelles le salarié était effectivement soumis au cours des périodes litigieuses, ce dernier n'était pas en permanence à la disposition de son employeur et s'il pouvait ou non vaquer librement à ses occupations personnelles, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L 3121-5 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, L 3121-9 dudit code dans sa rédaction issue de cette loi et L 3121-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3121-1 du code du travail et l'article L. 3121-5 du même code, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :
7. Aux termes du premier de ces textes, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.
8. Selon le second, constitue au contraire une astreinte la période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, doit être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'entreprise, la durée de cette intervention étant considérée comme un temps de travail effectif.
9. La Cour de justice de l'Union européenne juge que relève de la notion de "temps de travail effectif", au sens de la directive 2003/88, l'intégralité des périodes de garde, y compris celles sous régime d'astreinte, au cours desquelles les contraintes imposées au travailleur sont d'une nature telle qu'elles affectent objectivement et très significativement la faculté, pour ce dernier, de gérer librement, au cours de ces périodes, le temps pendant lequel ses services professionnels ne sont pas sollicités et de consacrer ce temps à ses propres intérêts. Inversement, lorsque les contraintes imposées au travailleur au cours d'une période de garde déterminée n'atteignent pas un tel degré d'intensité et lui permettent de gérer son temps et de se consacrer à ses propres intérêts sans contraintes majeures, seul le temps lié à la prestation de travail qui est, le cas échéant, effectivement réalisée au cours d'une telle période constitue du "temps de travail", aux fins de l'application de la directive 2003/88 (CJUE 9 mars 2021, C-344/19, D.J. c/Radiotelevizija Slovenija, points 37 et 38).
10. Pour débouter le salarié de ses demandes à titre d'heures supplémentaires, l'arrêt retient que, conformément aux dispositions de la convention collective applicable, les dépanneurs de la société étaient tenus de se tenir en permanence ou à proximité immédiate des ou dans les locaux de l'entreprise, en dehors des heures et jours d'ouverture, afin de répondre sans délai à toute demande d'intervention. L'arrêt ajoute qu'il était constitué des équipes de trois ou quatre dépanneurs, munis d'un téléphone qui intervenaient à la demande du dispatcheur, lequel contrairement aux autres salariés, était spécialement affecté à la réception continue des appels d'urgence. L'arrêt en déduit que ces périodes étaient des astreintes et non pas des permanences constituant un temps de travail effectif.
11. En se déterminant ainsi, alors que le salarié invoquait le court délai d'intervention qui lui était imparti pour se rendre sur place après l'appel de l'usager, sans vérifier si le salarié avait été soumis, au cours de ses périodes d'astreinte, à des contraintes d'une intensité telle qu'elles avaient affecté, objectivement et très significativement, sa faculté de gérer librement, au cours de ces périodes, le temps pendant lequel ses services professionnels n'étaient pas sollicités et de vaquer à des occupations personnelles, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Et sur le troisième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
12. Le salarié fait le même grief à l'arrêt, alors « que si l'article 1.09 d) de la convention collective nationale du commerce et de la réparation automobile du 15 janvier 1981, applicable, prévoit que « Lorsque des dépassements fréquents ou répétitifs de l'horaire collectif sont prévisibles, le paiement des heures supplémentaires peut être inclus dans la rémunération mensuelle sous la forme d'un forfait?. », un tel forfait, assis sur un salaire mensuel, doit être d'un montant fixe et ne peut être constitué d'une rémunération sous forme de commission sur le chiffre d'affaires réalisé lors des dépannages accomplis en dehors des horaires d'ouverture de l'entreprise ; qu'en retenant qu'en vertu des dispositions précitées de la convention collective et de la lettre du 1er mars 2000 signée par l'exposant aux termes de laquelle ce dernier aurait accepté que ses heures supplémentaires ne lui soient pas payées « en heures supplémentaires avec la majoration correspondante » mais « sous forme d'une commission sur le chiffre d'affaires hors taxes réalisé de nuit », les heures supplémentaires effectuées par l'exposant et les repos compensateurs dûs lors du dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires de 220 heures ont été rémunérées sous forme d'une commission calculée en pourcentage du chiffre d'affaires du dépannage poids-lourds et du dépannage véhicules légers, réalisés en dehors des horaires d'ouverture de l'entreprise et que « ce forfait est licite » la cour d'appel a violé les articles 1.09 d) et 1.09 bis de la convention collective précitée ensemble l'article L 3121-28 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 212-5 du code du travail, alors en vigueur, et l'article 1.09 d) de la convention collective nationale du commerce et de la réparation de l'automobile du cycle, du motocycle et des activités connexes, ainsi que du contrôle technique automobile du 15 janvier 1981 :
13. Selon le second de ces textes, lorsque des dépassements fréquents ou répétitifs de l'horaire collectif sont prévisibles, le paiement des heures supplémentaires peut être inclus dans la rémunération mensuelle sous la forme d'un forfait. Le nombre d'heures sur lequel est calculé le forfait doit être déterminé en respectant la limite du nombre d'heures prévu par le contingent annuel d'heures supplémentaires visé à l'article 1.09 bis ou, exceptionnellement, d'un nombre supérieur autorisé par l'inspecteur du travail. L'inclusion du paiement des heures supplémentaires dans la rémunération forfaitaire ne se présume pas. Elle doit résulter d'un accord de volonté non équivoque des parties, d'une disposition expresse du contrat de travail ou d'un avenant à celui-ci. La rémunération forfaitaire convenue doit être au moins égale au minimum mensuel garanti applicable au salarié, complété par une majoration pour les heures supplémentaires comprises dans le forfait, majoration calculée comme indiqué à l'annexe " Salaires minima ". Ce forfait s'accompagne d'un mode de contrôle de la durée réelle du travail, qui doit être conforme aux prescriptions de l'article 1.09 a.
14. La seule fixation d'une rémunération forfaitaire, sans que soit déterminé le nombre d'heures supplémentaires inclus dans cette rémunération, ne permet pas de caractériser une convention de forfait.
15. Pour débouter le salarié de sa demande au titre des heures supplémentaires, l'arrêt retient que le salarié a, dans une lettre du 1er mars 2000, donné son accord pour que les heures supplémentaires soient payées sous forme d'une commission sur le chiffre d'affaires hors taxes réalisé de nuit. L'arrêt ajoute que les heures supplémentaires effectuées par le salarié et les repos compensateurs lors du dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires de 220 heures ont été rémunérés sous forme d'une commission de 10 % du chiffre d'affaires du dépannage poids-lourds et d'une commission de 20 % du chiffre d'affaires du dépannage véhicules légers réalisés en dehors des horaires d'ouverture de l'entreprise. L'arrêt en déduit que le forfait est licite.
16. En statuant ainsi, alors qu'elle avait retenu que le salarié avait effectué 737,47 heures supplémentaires en 2013, 873,31 en 2014 et 762,46 en 2015 hors astreinte et qu'il résultait de ses constatations que le forfait convenu entre les parties ne précisait ni le nombre d'heures incluses dans le forfait ni la rémunération mensuelle correspondante, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
La cassation sur les chefs de dispositif critiqués par les deuxième et troisième moyens, qui porte sur les demandes de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires et congés payés afférents, n'entraîne pas la cassation par voie de conséquence du chef de dispositif rejetant la demande en nullité du licenciement et en paiement des indemnités afférentes, qui ne s'y rattache pas par un lien de dépendance nécessaire ou d'indivisibilité.
Soc. 28 septembre 2022 n° 21-11.042
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 28 septembre 2022
Cassation partielle
M. SCHAMBER, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 1064 F-D
Pourvoi n° M 21-11.042
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 SEPTEMBRE 2022
La société Clarins, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° M 21-11.042 contre l'arrêt rendu le 25 novembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 6), dans le litige l'opposant à M. [S] [F], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
M. [S] [F] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique annexé également au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Clarins, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [F], après débats en l'audience publique du 6 juillet 2022 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Flores, conseiller rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 25 novembre 2020), M. [F] a été engagé par la société Clarins à compter du 26 mars 2012 en qualité d'adjoint direction comptable, statut cadre, groupe 5, coefficient 460 de la convention collective nationale des industries chimiques. Au dernier état de la relation de travail, le salarié exerçait les fonctions d'adjoint directeur de l'information financière groupe.
2. Le salarié a saisi le 26 octobre 2015 la juridiction prud'homale d'une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail et en paiement de diverses sommes.
3. Il a été licencié le 17 novembre 2015.
Examen des moyens
Sur le premier moyen du pourvoi principal, ci-après annexé
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
5. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement de certaines sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, alors « que l'indemnité compensatrice de préavis due au salarié est égale au salaire brut, assujetti au paiement par l'employeur des cotisations sociales, que le salarié aurait reçu s'il avait travaillé pendant la durée du délai-congé ; qu'en l'espèce, en calculant l'indemnité compensatrice de préavis due au salarié en fonction du salaire mensuel brut ''moyen'' perçu par le salarié, soit 5.971,33 euros, quand elle aurait dû la calculer au regard du salaire que le salarié aurait perçu s'il avait continué à travailler pendant la durée du délai-congé, soit 5.623 euros, la cour d'appel a violé l'article L. 1234-5 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1234-5 du code du travail :
6. Selon ce texte, l'inexécution du préavis n'entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis, indemnités de congés payés comprises.
7. Pour fixer à une certaine somme le montant de l'indemnité compensatrice de préavis l'arrêt retient qu'eu égard à son salaire mensuel brut moyen de 5 971,33 euros, le salarié a droit à une indemnité compensatrice de préavis de 17 914 euros et 1 791,40 euros de congés payés afférents
8. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Et sur le moyen du pourvoi incident, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
9. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en nullité et en tout état de cause en inopposabilité de la convention de forfait en jours et de ses demandes subséquentes en paiement de rappels d'heures supplémentaires, au titre de la contrepartie obligatoire au repos, de dommages-intérêts pour violation du droit au repos et d'indemnité forfaitaire au titre du travail dissimulé , alors « que le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles ; que les stipulations d'un accord d'entreprise prévoyant la mise en place de conventions de forfait doivent prévoir des garanties permettant à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, dans le respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires ; qu'à défaut, elles encourent la nullité ; que les stipulations de l'accord d'entreprise du 31 janvier 2000 modifié le 15 juin 2012 prévoient en premier lieu, que le temps de travail fait l'objet d'un décompte des jours travaillés sur l'année et que le contrôle des jours travaillés au moyen du système déclaratif Octime donne lieu à un bilan mensuel et annuel des jours travaillés ; qu'elles prévoient en second lieu que lors de l'entretien annuel individuel à la fin de la période de référence, l'employeur vérifie que la charge de travail confiée au salarié et l'amplitude de ses journées de travail lui permettent de bénéficier des dispositions relatives au repos quotidien et hebdomadaire ; que de telles dispositions, en ce qu'elles ne permettent pas à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail excessive, ne sont pas de nature à garantir une amplitude et une charge de travail bien réparties dans le temps, ce dont il se déduisait que la convention de forfait en jours était nulle ; qu'en retenant pourtant que ces dispositions assuraient le contrôle de la durée maximale raisonnable de travail et que la convention de forfait prise dans le cadre de l'accord collectif était valable, la cour d'appel a violé l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, ensemble les articles L. 3121-38 et s. du code du travail dans leur rédaction applicable au litige, interprétés à la lumière de l'article 17, paragraphes 1 et 4 de la directive 1993-104 CE du Conseil du 23 novembre 1993, les articles 17, paragraphe 1, et 19 de la directive 2003-88 CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et l'accord d'entreprise relatif à la durée et à l'aménagement du temps de travail du 31 janvier 2000 refondu le 15 juin 2012 et modifié par avenant du 20 juillet 2015. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
10. L'employeur conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que ce moyen est contraire à la position soutenue par le salarié devant les juges du fond.
11. Cependant, le salarié avait invoqué l'invalidité de la convention collective ouvrant le recours au forfait en jours, de sorte que le moyen n'est pas contraire.
12. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article L. 3121-39 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, interprété à la lumière des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne :
13. Le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles.
14. Il résulte des articles susvisés de la directive de l'Union européenne que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur.
15. Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.
16. Pour débouter le salarié de sa demande en nullité de la convention individuelle de forfait en jours l'arrêt relève que l'article 5.4 de l'accord d'entreprise du 31 janvier 2000, modifié le 15 juin 2012 prévoit que le temps de travail du personnel soumis au forfait annuel en jours fait l'objet d'un décompte des jours travaillés sur l'année. Les parties conviennent que le contrôle du nombre de journées travaillées sur l'année par cette catégorie de personnel s'effectue au moyen d'un système déclaratif du temps de travail sur le système d'information de gestion des absences 'Octime' permettant aux salariés de saisir de manière auto-déclarative leurs absences avant validation par leur hiérarchie et d'obtenir un bilan mensuel et annuel des jours travaillés. L'arrêt ajoute que l'article 5.5 de cet accord d'entreprise énonce qu'en application de l'article L. 3121-46 du code du travail, l'employeur, vérifie, à l'occasion d'un entretien annuel individuel à la fin de la période de références, l'organisation et la charge de travail du salarié, l'amplitude de ses journées de travail, sa rémunération, l'organisation du travail dans l'entreprise et l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, qu'à cette occasion, il est vérifié que la charge de travail confiée au salarié et l'amplitude de ses journées de travail lui permettent de bénéficier des dispositions relatives au repos quotidien et hebdomadaire et qu'en cas de surcharge de travail reposant sur des critères objectifs et matériellement vérifiables, le salarié pourra, après s'en être entretenu avec son supérieur hiérarchique, solliciter un entretien avec la direction des ressources humaines afin d'envisager les mesures à mettre en oeuvre. L'arrêt en déduit que ces dispositions assurent le contrôle de la durée maximale raisonnable de travail.
17. En statuant ainsi, alors que les stipulations de l'accord d'entreprise du 31 janvier 2000, modifié le 15 juin 2012 qui se limitent à prévoir, un décompte des journées de travail au moyen d'un système déclaratif, un entretien individuel annuel au cours duquel il est vérifié que la charge de travail confiée au salarié et l'amplitude de ses journées de travail lui permettent de bénéficier des dispositions relatives au repos quotidien et hebdomadaire et qu'en cas de surcharge de travail reposant sur des critères objectifs et matériellement vérifiables le salarié pourra, après s'être entretenu avec son supérieur hiérarchique, solliciter un entretien avec la direction des ressources humaines afin d'envisager les mesures à mettre en oeuvre, en ce qu'elles ne permettent pas à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, ne sont pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et à assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, ce dont il se déduisait que la convention individuelle de forfait en jours était nulle, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
18. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation sur le moyen du pourvoi incident, du chef de la demande en nullité de la convention de forfait en jours et en paiement d'un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents entraîne par voie de conséquence la cassation du chef de dispositif relatif à l'indemnité pour licenciement nul, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
19. La cassation des chefs de dispositif condamnant la société Clarins à verser diverses sommes à M. [F] et déboutant ce dernier de sa demande en nullité de la convention individuelle de forfait en jours et en paiement de certaines sommes en conséquence n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant la société Clarins aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celle-ci et non remises en cause.
Soc. 28 septembre 2022 n° 21-15.470
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
OR
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 28 septembre 2022
Cassation partielle
M. PION, conseiller le plus ancien faisant fonction de président
Arrêt n° 1053 F-D
Pourvoi n° Z 21-15.470
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 SEPTEMBRE 2022
M. [J] [L], domicilié chez Mme [B] [W], [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Z 21-15.470 contre l'arrêt rendu le 10 mars 2021 par la cour d'appel de Versailles (19e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Chronopost, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Pecqueur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [L], de la SCP Spinosi, avocat de la société Chronopost, après débats en l'audience publique du 5 juillet 2022 où étaient présents M. Pion, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Pecqueur, conseiller référendaire rapporteur, Mme Capitaine, conseiller,et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 10 mars 2021), M. [L] a été engagé le 13 mars 2009 par la société Chronopost en qualité de responsable coordinateur solutions clients, statut cadre, groupe GR 1 sur la base d'un forfait annuel de 215 jours.
2. Licencié pour insuffisance professionnelle le 16 mars 2016, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le troisième moyen, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement de sommes à titre de rappel d'heures supplémentaires effectuées mais non réglées et devant ê
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :
5. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
6. Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
7. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
8. Pour débouter le salarié de ses demandes en rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, des congés payés afférents et à titre de dommages-intérêts pour repos compensateur non pris, l'arrêt, après avoir constaté que le salarié indiquait qu'il travaillait cinq jours par semaine selon des horaires fixes de 9 h 30 à 20 h avec une pause déjeuner d'une heure trente et détaillé les pièces produites par le salarié, relève que le salarié opère un calcul global de ces heures pour les transposer en semaines et solliciter un rappel sur heures supplémentaires avec des taux variables en fonction des premières heures de travail effectuées et du solde et en déduit qu'à défaut d'éléments précis, concordants et sincères sur ses horaires de travail effectivement accomplis, le seul calcul auquel s'est livré le salarié partant d'un horaire journalier constant de travail à hauteur de 9 heures, soit 45 heures de travail par semaine, sans élément concret permettant de s'assurer de l'effectivité du travail réalisé sur l'amplitude horaire projetée, est insuffisant à étayer sa demande en paiement d'heures supplémentaires.
9. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé.
Et sur le deuxième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
10. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement d'une somme à titre d'indemnité pour travail dissimulé, alors « qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir sur le premier moyen entraînera, par voie de conséquence, la cassation des chefs de dispositif ayant débouté le salarié de sa demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé ; que, pour rejeter cette demande, la cour d'appel s'est en effet fondée sur le fait que ''le salarié a échoué à démontrer l'accomplissement d'heures supplémentaires non rémunérées ; il sera en conséquence débouté de sa demande formée au titre du travail dissimulé dès lors qu'il ne peut l'étayer en fait". »
Réponse de la Cour
Vu l'article 624 du code de procédure civile :
11. La cassation prononcée sur le premier moyen pris en sa première branche, entraîne par voie de conséquence la cassation du chef de dispositif qui se rapporte au rejet de la demande d'indemnité pour travail dissimulé, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
Portée et conséquence de la cassation
12. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt rejetant la demande formée au titre des heures supplémentaires entraîne la cassation du chef de dispositif déboutant le salarié de sa demande de rectification des bulletins de paie et documents sociaux qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
Soc. 28 septembre 2022 n° 21-12.338
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CDS
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 28 septembre 2022
Cassation partielle
Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 1092 F-D
Pourvois n° S 21-12.059 V 21-12.338 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 SEPTEMBRE 2022
I. La Société Gb Foods France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommée société Continental Foods France a formé le pourvoi n° S 21-12.059,
II. Mme [W] [F], épouse [K], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 21-12.338,
contre un même arrêt rendu le 2 décembre 2020 par la cour d'appel de Versailles (19e chambre), dans le litige les opposant.
La demanderesse au pourvoi n° S 21-12.059 invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
La demanderesse au pourvoi n° V 21-12.338 invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation également annexés au présent arrêt.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de Mme Prieur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Gb Foods France, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [F], après débats en l'audience publique du 12 juillet 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Prieur, conseiller référendaire rapporteur, M. Seguy, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° S 21-12.059 et n°V 21-12.338 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 2 décembre 2020), Mme [F] a été engagée à compter du 15 janvier 2001 par la société Gb Foods France (la société), anciennement dénommée société Continental Foods France, en qualité de chef de produit.
3. Elle a été promue en mars 2014 au poste de co-directrice de département « marketing manager Royco », date à laquelle elle a intégré le comité de direction, puis en dernier lieu à celui de « directrice marketing France » en septembre 2015.
4. L'employeur lui reprochant des faits d'insubordination et de comportement inadapté à l'égard de sa hiérarchie les 5 et 11 avril 2016, elle a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement, qui s'est tenu le 20 avril 2016.
5. Contestant son licenciement pour faute grave intervenu le 9 mai 2016, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le troisième moyen du pourvoi n° V 21-12.338, ci-après annexé
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen de ce pourvoi
Enoncé du moyen
7. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes relatives au rappel de salaire sur heures supplémentaires pour la période du mois de mars 2014 au 9 mai 2016, au repos compensateur et au salaire de référence, de limiter le salaire mensuel de référence à la somme de 9 874,08 euros bruts et en conséquence à diverses sommes celles allouées au titre de la période d'éviction pour la période du licenciement à l'audience, et par mois pour la période du 9 octobre 2020 à la réintégration effective, outre les congés payés afférents à ces sommes, et de la débouter de sa demande à titre d'indemnité pour travail dissimulé ou subsidiairement pour violation des dispositions légales relatives aux conventions de forfait, alors :
« 1°/ que sont considérés comme cadres dirigeants les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement ; que la conclusion d'une convention de forfait ultérieurement déclarée illicite ne permet pas à l'employeur de soutenir que le salarié relevait de la catégorie des cadres dirigeants, peu important l'éventuelle réunion des critères d'identification du cadre dirigeant ; qu'en considérant que la salariée avait la qualité de cadre dirigeant à compter de mars 2014 quand elle constatait que celle-ci avait été soumise à une convention de forfait illicite, en sorte que le statut de cadre dirigeant était exclu, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations en violation de l'article L. 3111-2 du code du travail ;
2°/ que sont considérés comme cadres dirigeants les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement ; que ces critères cumulatifs impliquent que seuls relèvent de cette catégorie les cadres participant à la direction de l'entreprise ; qu'en se bornant, pour décider que la salariée avait la qualité de cadre dirigeant à compter de mars 2014, à relever qu'elle disposait d'une large autonomie dans l'organisation de son travail et participait à la prise de décisions stratégiques pour l'entreprise au regard de ses fonctions de membre du comité de direction à partir de mars 2014 et de directrice du marketing à compter de septembre 2015 sans rechercher si la salariée participait effectivement à la direction de l'entreprise dès lors que même après septembre 2015, elle n'exerçait son pouvoir que sur l'activité marketing, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3111-2 du code du travail. »
Réponse de la Cour
8. Selon l'article L. 3111-2 du code du travail, sont considérés comme cadres dirigeants les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement. Si ces critères cumulatifs impliquent que seuls relèvent de cette catégorie les cadres participant à la direction de l'entreprise, il n'en résulte pas que la participation à la direction de l'entreprise constitue un critère autonome et distinct se substituant aux trois critères légaux.
9. Il résulte également de ce texte que la qualité de cadre dirigeant ne requiert pas l'existence d'un accord particulier entre l'employeur et le salarié.
10. La cour d'appel, après avoir constaté, d'une part, que le contrat de travail conclu en 2001, qui n'avait pas été modifié par les différents avenants ultérieurs, prévoyait un forfait de rémunération sans référence horaire et, d'autre part, que la salariée avait été nommée au poste de co-directrice du département marketing à compter de mars 2014, date à laquelle elle avait également intégré le comité directeur, puis directrice du marketing à compter de septembre 2015, a relevé qu'elle bénéficiait de la plus large autonomie dans l'organisation de son travail, qu'elle participait au regard de l'exercice même de ses fonctions à la prise de décisions stratégiques pour l'entreprise et qu'elle bénéficiait des plus hauts niveaux de rémunération dans l'entreprise.
11. Elle a pu en déduire, au regard des trois critères légaux et caractérisant la participation de l'intéressée à la direction de l'entreprise ainsi que l'absence de stipulation contractuelle mentionnant un quelconque horaire de travail ou faisant référence à un décompte du temps de travail, qu'elle avait la qualité de cadre dirigeant.
12. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le moyen du pourvoi n° S 21-12.059, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
13. L'employeur fait grief à l'arrêt de déclarer nul le licenciement prononcé à l'égard de la salariée, d'ordonner sa réintégration dans les effectifs de la société au poste de directrice marketing ou, en cas d'impossibilité, à un emploi équivalent, et ce sous astreinte et de le condamner à lui verser, à titre de réparation du préjudice subi, diverses sommes du licenciement à l'audience et une certaine somme par mois à compter du 9 octobre 2020 jusqu'à la réintégration effective, outre les congés payés afférents à ces sommes, alors « que dans la lettre de licenciement, la société Continental Foods reprochait à Mme [K] d'avoir réagi de manière agressive, le 5 avril 2016, à la décision de M. [X], Directeur Général, de ne pas lui accorder d'augmentation de salaire et d'avoir tenu des propos déplacés à son endroit devant les collaborateurs présents, manquant ainsi à l'obligation de réserve d'un cadre de haut niveau, puis d'avoir à nouveau, le 11 avril 2016, évoqué publiquement ce différend, de manière inappropriée, au cours d'une réunion du Comité de Direction ; que, pour caractériser la gravité de ce comportement, la société Continental Foods indiquait également que Mme [K] n'avait "à aucun moment (?) reconnu avoir eu un comportement inapproprié sur le lieu de travail et par voie de conséquence jugé utile de présenter vos excuses à Monsieur [X]" ; qu'en affirmant que ce reproche avait "trait au déroulement de l'entretien préalable" et que l'employeur reprochait en conséquence à la salariée ses dénégations au cours de l'entretien préalable, cependant que la lettre de licenciement mentionnait uniquement le fait que la salariée n'avait "à aucun moment" présenté ses excuses, sans viser le déroulement de l'entretien préalable, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de la lettre de licenciement, en méconnaissance de l'interdiction faite aux juges de dénaturer les écrits qui leur sont soumis. »
Réponse de la Cour
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :
14. Pour déclarer nul le licenciement prononcé à l'égard de la salariée, l'arrêt retient que les propos décrits comme portant atteinte à la liberté d'expression de la salariée sont les suivants : « Plus encore, nous avons constaté également qu'à aucun moment vous avez reconnu avoir eu un comportement inapproprié sur le lieu de travail et par voie de conséquence jugé utile de présenter vos excuses à Monsieur [X]. » Il ajoute qu'ils ont trait au déroulement de l'entretien préalable dont le compte-rendu est communiqué par la salariée.
15. En statuant ainsi, alors que la lettre de licenciement indiquait que la salariée n'avait « à aucun moment » reconnu avoir eu un comportement inapproprié ni présenté ses excuses, sans mentionner le déroulement de l'entretien préalable, la cour d'appel, qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a violé le principe susvisé.
Et sur le deuxième moyen du pourvoi n° V 21-12.338, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
16. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes relatives au rappel de salaire sur heures supplémentaires pour la période antérieure au mois de mars 2014, au repos compensateur et au salaire de référence, de limiter le salaire mensuel de référence à la somme de 9 874,08 euros bruts et en conséquence à diverses sommes celles allouées au titre de la période d'éviction pour la période du licenciement à l'audience, et par mois pour la période du 9 octobre 2020 à la réintégration effective, outre les congés payés afférents à ces sommes, et de la débouter de sa demande à titre d'indemnité pour travail dissimulé ou subsidiairement pour violation des dispositions légales relatives aux conventions de forfait, alors « qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'en retenant, pour débouter la salariée de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, que les éléments qu'elle produisait n'étaient pas "de nature à étayer ses prétentions" motifs pris que "le décompte réalisé par la salariée ne précise pas les créneaux horaires sur lesquels les heures auraient été effectuées, il n'est pas corroboré par une description des tâches expliquant la nécessité de réaliser de tels horaires, les courriels produits sont insuffisants à démontrer la matérialité des heures dont le paiement est sollicité, dès lors qu'il ne font que "marquer" une amplitude, sans qu'il soit établi que la salariée ait effectivement travaillé sur la totalité de la période considérée" quand il résultait de ses constatations que la salariée présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur la seule salariée, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :
17. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
18. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
19. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
20. Pour débouter la salariée de sa demande au titre des heures supplémentaires pour la période antérieure au mois de mars 2014 et de ses demandes subséquentes, l'arrêt retient que pour étayer ses dires, elle produit notamment des courriels adressés par elle tôt le matin ou tard le soir, le compte-rendu d'entretien préalable au licenciement, par le directeur général, dont il ressort que : « [Z] confirme que [W] fait beaucoup d'heures. Les 50 heures et plus par semaine, le travail le week-end et durant les congés », un décompte.
21. L'arrêt ajoute que le décompte réalisé par la salariée ne précise pas les créneaux horaires sur lesquels les heures aurait été effectuées, il n'est pas corroboré par une description des tâches expliquant la nécessité de réaliser de tels horaires, les courriels produits sont insuffisants à démontrer la matérialité des heures dont le paiement est sollicité, dès lors qu'ils ne font que « marquer » une amplitude, sans qu'il soit établi que la salariée ait effectivement travaillé sur la totalité de la période considérée. Il conclut que les éléments produits par la salariée ne sont pas de nature à étayer ses prétentions.
22. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part, que la salariée présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, d'autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur la seule salariée, a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
23. La cassation des chefs de dispositif déclarant nul le licenciement prononcé à l'égard de la salariée, ordonnant sa réintégration sous astreinte dans les effectifs de la société et condamnant l'employeur à lui verser diverses sommes à titre de réparation du préjudice subi, n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.
Soc. 28 septembre 2022 n° 20-18.449
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 28 septembre 2022
Cassation partielle
M. SCHAMBER, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 1066 F-D
Pourvoi n° S 20-18.449
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 SEPTEMBRE 2022
La société Altran technologies, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 20-18.449 contre l'arrêt rendu le 12 juin 2020 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre, section 2), dans le litige l'opposant à M. [I] [S], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ala, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Altran technologies, de la SCP Didier et Pinet, avocat de M. [S], après débats en l'audience publique du 6 juillet 2022 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ala, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué ( Toulouse, 12 juin 2020), M. [S] a été engagé par la société Lore, filiale du groupe Altran, à compter du 8 novembre 1999, en qualité d'ingénieur consultant, position 2.2, coefficient 130, statut cadre.
2. Le groupe Altran a procédé, le 29 décembre 2006, à une fusion-absorption de vingt-six de ses filiales, dont la société Lore.
3. Un avenant de mutation a été régularisé le 7 janvier 2008, précisant que le salarié occupait les fonctions de consultant senior, statut cadre, position 3.1 coefficient 170 de la convention collective Syntec, et que le décompte du temps de travail effectif était prévu en jours, dans la limite de 218 jours par an, englobant les variations éventuellement accomplies dans une limite dont la valeur est au maximum de 10 % pour un horaire hebdomadaire de 35 heures.
4. Le salarié, qui a exercé des mandats de représentant du personnel et syndicaux à compter de 2011, a saisi, le 15 décembre 2014, la juridiction prud'homale, en faisant valoir que la société Altran technologies ne respectait pas à son égard les dispositions de l'accord de groupe sur le dialogue social et le droit syndical dans l'entreprise du 23 décembre 2008, sollicitant notamment diverses sommes à titre de rappels de salaire et de dommages-intérêts. Il a par la suite fait valoir qu'il était victime de discrimination syndicale.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses deuxième, cinquième, sixième, septième et huitième branches, le troisième moyen pris en ses première, deuxième et quatrième branches, ci-après annexés
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en ses première, troisième et quatrième, branches
Enoncé du moyen
6. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire qu'il n'a pas respecté l'accord de groupe sur le dialogue social et le droit syndical du 23 décembre 2008, de la condamner à verser au salarié les sommes de 26 959,68 € à titre de rappel de salaires, congés payés et prime de vacances conventionnelle inclus, pour la période du mois de décembre 2011 au mois de juin 2019 inclus, de 2 000 € de dommages-intérêts pour résistance abusive quant à l'application de l'accord sur le droit syndical et de 100 000 € à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale et de fixer le salaire brut de M. [S] à la somme de 5 196,77 €, alors :
« 1°/ qu'il résulte de l'accord de groupe Altran sur le dialogue social et le droit syndical du 23 décembre 2008 que « les augmentations de rémunération des représentants du personnel sont déterminées selon le même processus que pour les autres salariés » et que « s'il s'avère que l'augmentation de salaire d'un représentant du personnel, est inférieure au taux moyen d'augmentation constaté pour des salariés à ancienneté et classification et ou statuts comparables sur les 3 dernières années, le Groupe Altran appliquera ce taux moyen » ; qu'il résulte de ce texte que le taux moyen d'augmentation est déterminé, non pas au regard de l'ensemble des salariés de l'entreprise ayant la même classification, mais aux regard des augmentations constatées de salariés d'ancienneté et de classification et/ou de statuts comparables; qu'elle faisait valoir que les prétentions de M. [S] étaient fondées sur les pourcentages d'augmentation pour la position 3.1 coefficient 170 résultant des documents relatifs à la négociation annuelle obligatoire et qui concernaient donc l'ensemble des salariés relevant de cette classification et non des salariés d'ancienneté et de statut comparables à ceux de M. [S] ; qu'en faisant droit aux prétentions du salarié qui se prévalait de taux d'augmentation qui ne correspondaient au taux moyen d'augmentation constaté pour des salariés d'ancienneté, de classification et de statuts comparables sur les trois dernières années, la cour d'appel a violé l'article 1er du chapitre 2 du titre 4 de l'accord de groupe Altran sur le dialogue social et le droit syndical du 23 décembre 2008 et l'article L. 1132-1 du code du travail ;
3°/ que le juge ne peut dénaturer les éléments produits aux débats ; que le tableau de la pièce n°20 établi par M. [S] pour les besoins de la cause se borne à indiquer, s'agissant des taux d'augmentation moyens, ''% d'augmentation Position 3.1 170 NAO Altran technologies Moyenne glissante sur trois années'' et ne comporte aucune précision quant à l'ancienneté des salariés pris en compte ; qu'en se fondant sur ce tableau pour faire droit aux prétentions du salarié et énoncer que le taux d'augmentation dont se prévaut M. [S] ''correspond au taux moyen d'augmentation constaté pour des salariés d'ancienneté, de classification et de statuts comparables'', la cour d'appel a dénaturé par adjonction ce document produit aux débats en violation du principe susvisé ;
4°/ qu'en affirmant que le taux d'augmentation dont se prévaut M. [S] ''correspond au taux moyen d'augmentation constaté pour des salariés d'ancienneté, de classification et de statuts comparables'', cependant qu'elle avait relevé que ce taux avait été déterminé au regard de ''bilans des augmentations individuelles de l'ensemble des salariés au cours d'une année, au niveau national, qui incluent l'ensemble des promotions'', la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs en méconnaissance des exigences des articles 455 et 458 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
7. Pour faire droit aux demandes du salarié au titre de la violation de l'accord sur le droit syndical du 23 décembre 2008, l'arrêt retient qu'il faut rechercher si le taux d'augmentation dont se prévaut le salarié correspond au taux moyen d'augmentation constaté pour des salariés d'ancienneté, de classification et de statuts comparables sur les trois dernières années, que le salarié explique avoir établi les comparatifs de rémunération à partir du tableau récapitulant les augmentations moyennes par coefficient issues des chiffres des Négociations Annuelles Obligatoires (NAO) et du rapport Syndex Altran Sud-Ouest et que ces chiffres sont d'ailleurs repris dans l'attestation de l'expert-comptable produite par l'employeur. L'arrêt constate à cet égard qu'il ressort effectivement de la lecture du rapport Syndex du 20 novembre 2015 dont un extrait est produit par l'employeur que pour le coefficient 170, celui attribué au salarié, les augmentations moyennes connaissent un net accroissement à compter de la sixième année d'ancienneté, alors que tel n'est pas le cas de celui-ci, que le rapport Syndex de septembre 2013 montre que l'augmentation cumulée moyenne appliquée à sa qualification de "Consultant Senior" au sein de son établissement Altran sud-ouest a été de 5,9 % entre 2009 et 2012, or celle appliquée à M. [S] est de 0 % sur la même période, que de plus, sa rémunération est équivalente voire inférieure à celle des salariés nouvellement embauchés au même coefficient 170, qu'il ressort de l'extrait NAO 2016 que le salaire moyen d'embauche du coefficient 170 pour les consultants est de 4 856 € en 2015, alors que le salaire de M. [S] en 2015 (soit après 16 ans d'ancienneté) est de 4 236 € ; qu'en 2017 le salaire d'embauche pour les consultants position 3.1, coefficient 170 est de 4 621 € alors que celui du salarié atteint 4 257 €.
8. Dès lors la cour d'appel, qui ne s'est pas fondée exclusivement sur la pièce n° 20 produite par le salarié et a retenu, par une décision motivée exempte de contradiction de motifs, que la société avait violé l'accord sur le droit syndical du 23 décembre 2008 et qu'il convenait de fixer le salaire de M. [S] en application de cet accord à la somme de 5 196,77 € bruts, n'encourt pas les griefs du moyen.
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche, sauf en ce qu'il vise le chef de dispositif fixant le salaire brut mensuel de M. [S] à la somme de 5 196,77 euros
Enoncé du moyen
9. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire qu'il n'a pas respecté l'accord de groupe sur le dialogue social et le droit syndical du 23 décembre 2008, de la condamner à verser au salarié les sommes de 26 959,68 € à titre de rappel de salaires, congés payés et prime de vacances conventionnelle inclus, pour la période du mois de décembre 2011 au mois de juin 2019 inclus, de 2 000 € de dommages-intérêts pour résistance abusive quant à l'application de l'accord sur le droit syndical et de 100 000 € à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale, alors « que le principe de réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit interdit au juge d'indemniser deux fois le même préjudice ; qu'au cas présent, la cour d'appel a condamné la société Altran Technologies à verser, d'une part, à M. [S] un rappel de salaire au titre de l'évolution de sa rémunération dont il aurait dû bénéficier en application de l'accord Altran sur le dialogue social et le droit syndical du 23 décembre 2008, d'autre part, une somme de dommages-intérêts au titre pour résistance abusive quant à l'application de l'accord sur le droit syndical ; que la cour d'appel a également réévalué le salaire brut de M. [S] à la somme de 5.196,77 €, en fonction des augmentations résultant de l'application de l'accord ; qu'en allouant, par ailleurs, au salarié une somme de dommages-intérêts pour discrimination réparant notamment le préjudice résultant du fait que sa rémunération « a évolué bien plus faiblement que ses collègues non investis de mandats représentatifs du personnel », la cour d'appel a indemnisé un préjudice qu'elle avait déjà réparé, en violation des articles L. 1132-1 du code du travail et 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 16 février 2016, et du principe de réparation intégrale du préjudice. »
Réponse de la Cour
Vu le principe de réparation intégrale du préjudice :
10. La cour d'appel, après avoir retenu que le salarié avait été victime d'une discrimination syndicale caractérisée notamment par une rémunération inférieure à celle de ses collègues et condamné la société à payer au salarié une somme de 26 959,68 € bruts à titre de rappels de salaires, incluant les congés payés afférents et la prime de vacances conventionnelle, pour la période allant de décembre 2011 à juin 2019, a par ailleurs alloué au salarié une somme de 100 000 € à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale subie depuis 2011.
11.. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a réparé deux fois le même préjudice, a violé le principe susvisé.
Et sur le troisième moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
12. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à verser au salarié une certaine somme à titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires effectuées entre le mois de décembre 2009 et le mois de juin 2019 inclus, indemnité de congés payés et prime de vacances conventionnelle incluses, alors « qu'il résulte de l'article R. 3243-1 du code du travail que le bulletin de paie doit comporter ''le nombre d'heures de travail auxquels se rapporte le salaire en distinguant s'il y a lieu, les heures payées au taux normal et celles qui comportent une majoration pour heures supplémentaires'' et ''la nature et le volume du forfait auquel se rapporte le salaire des salariés dont la rémunération est déterminée sur la base d'un forfait hebdomadaire'' ; que le salarié qui, en application d'une convention de forfait en heures, a perçu une rémunération correspondant à un nombre d'heures supérieur à la durée du travail, ne peut, en cas d'inopposabilité ou de nullité de la convention de forfait, percevoir une deuxième fois le salaire correspondant aux heures qui ont d'ores et déjà été rémunérées ; qu'au cas présent, M. [S] sollicitait le paiement d'un rappel d'heures supplémentaires (salaire de base + majorations) au titre des heures effectuées entre la 35ème et la 38ème heure 30 hebdomadaires au motif que la convention de forfait en heures pour 38 heures 30 prévue stipulée par son contrat de travail lui était inopposable ; qu'il résulte cependant des propres constatations de l'arrêt que les bulletins de paie portaient la mention ''cadre ; 38 heures 30 ; 218 jours'', ce dont il résultait que le salaire de base correspondait à une durée de travail de 38 heures 30 hebdomadaire et que les heures effectuées chaque semaine entre 35 et 38 heures 30 avaient d'ores et déjà été rémunérées et ne pouvaient donc faire l'objet d'un deuxième paiement ; qu'en jugeant qu' ''il ne peut être utilement soutenu que les heures accomplies entre 35 heures et 38 heures 30 ont été valablement payées par la rémunération forfaitaire de base et que seules les majorations seraient dues'', la cour d'appel a méconnu les conséquences de ses constatations et a violé les articles L. 3171-4, L. 3121-1 et R. 3243-1 du code du travail et l'article 1234 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 215-15-3 I devenu les articles L. 3121-38 et L. 3121-40 du code du travail dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, l'article L. 3121-22 du même code dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, les articles L. 3121-28, L. 3171-4 du même code, l'article 1234 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, l'article 1342 du même code :
13. Lorsqu'une convention de forfait en heures est invalidée, le décompte et le paiement des heures supplémentaires doit s'effectuer selon le droit commun, au regard de la durée légale de trente-cinq heures hebdomadaires ou de la durée considérée comme équivalente.
14. En application des articles L. 3121-22 puis L. 3121-28 du code du travail, toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur.
15. Selon les deux derniers, le paiement entraîne l'extinction de l'obligation.
16. Pour condamner l'employeur au paiement d'heures supplémentaires, l'arrêt , après avoir rappelé les dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail, retient que le forfait étant inexistant, il ne peut être utilement soutenu que les heures effectuées entre 35 heures et 38h30 ont été valablement payées par la rémunération forfaitaire de base et que seules les majorations seraient dues. En effet, la cour constate qu'il résulte des mentions des bulletins de paie que les heures effectuées entre 35 heures et 38h30 n'apparaissent pas sur une ligne distincte du salaire de base sur les bulletins de salaire, de sorte que la simple mention en haut à gauche du bulletin « cadre ; 38 heures 30 ; 218 jours » ne saurait démontrer, comme le soutient l'employeur, le paiement des heures supplémentaires accomplies de la 35ème heure à la 38ème heure 30. L'arrêt ajoute que le salarié n'avait pas à déclarer précisément les heures effectuées entre 35h et 38h30 puisque l'employeur considérait qu'elles étaient comprises dans le forfait appliqué et que les synthèses mensuelles d'activité produites par le salarié confirment en tout état de cause le volume de travail encore confié sur 38h30 hebdomadaires en 2017. L'arrêt en déduit que l'employeur est redevable du paiement des heures supplémentaires effectuées entre 35 et 38h30 par semaine, soit 3h30 majorées à 25 %.
17. En se déterminant ainsi, sans vérifier, dans le cadre des comptes à faire à la suite de sa décision d'invalidité du forfait en heures, si la rémunération contractuelle versée par l'employeur en exécution du forfait irrégulier n'avait pas eu pour effet d'opérer paiement, fût-ce partiellement, des heures de travail accomplies au-delà de la trente-cinquième heure dans le cadre du décompte de droit commun de la durée du travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Portée et conséquences de la cassation
18. La cassation de l'arrêt sur les deuxième et troisième moyens n'emporte pas cassation des chefs de dispositifs condamnant l'employeur au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, justifiés par d'autres condamnations non remises en cause.
Soc. 28 septembre 2022 n° 21-11.288
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CH9
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 28 septembre 2022
Cassation partielle
M. SCHAMBER, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 1062 F-D
Pourvoi n° D 21-11.288
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 SEPTEMBRE 2022
M. [M] [W], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 21-11.288 contre l'arrêt rendu le 26 novembre 2020 par la cour d'appel de Rouen (chambre sociale et des affaires de sécurité sociale), dans le litige l'opposant à la société BCA expertise, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Cavrois, conseiller, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de M. [W], de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société BCA expertise, après débats en l'audience publique du 6 juillet 2022 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Cavrois, conseiller rapporteur, M. Flores, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 26 novembre 2020), rendu sur renvoi après cassation (Soc., 7 novembre 2018, pourvoi n° 17-17.873), M. [W] a été engagé le 10 décembre 2004 par la société BCA Expertise, en qualité d'expert en automobile.
2. Le 25 novembre 2008, il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes.
3. En arrêt de travail depuis le mois d'octobre 2008, il a été licencié le 30 juillet 2009 au motif tiré de la désorganisation du service résultant de son absence prolongée due à des arrêts de maladie d'origine non professionnelle.
Examen des moyens
Sur les deuxième et quatrième moyens , ci-après annexés
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt d'écarter sa demande en paiement de dommages et intérêts pour licenciement nul, et de lui allouer 12 000 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors :
« 1°/ que M. [W] sollicitait dans le dispositif de ses écritures d'appel à titre principal la nullité de son licenciement, et faisait valoir à l'appui de sa demande le principe selon lequel aucun salarié ne peut être sanctionné ou licencié en raison de son état de santé ; qu'en retenant que le salarié, qui ne soutenait pas avoir été licencié en raison de son état de santé mais parce que l'employeur souhaitait l'évincer, formait en réalité une demande d'indemnisation pour absence de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel de l'exposant et modifié l'objet de sa demande, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
2°/ qu'il résulte des articles L. 1235-3 et L. 1235-5 du code du travail pris dans leur rédaction applicable au litige que le licenciement d'un salarié ayant au moins deux ans d'ancienneté dans une entreprise d'au moins onze salariés qui survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse lui ouvre droit à une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ; qu'en accordant à M. [W] 12 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse motif pris que cette somme correspondait à une juste réparation de son préjudice, quand la cour constatait que le salarié avait une ancienneté de 4 ans et 7 mois dans l'entreprise et qu'il ressortait des débats que l'entreprise, dotée d'un comité d'entreprise, avait plus de dix salariés, la cour d'appel a violé les articles L. 1235-3 et L. 1235-5 du code du travail. »
Réponse de la Cour
6. La cour d'appel, qui a constaté que le salarié contestait la réalité d'une désorganisation rendant indispensable son licenciement et un recrutement externe définitif, sans soutenir qu'il avait été licencié à raison de son état de santé, et, qui en a déduit qu'en réalité il soutenait que le licenciement n'était pas nul mais sans cause réelle et sérieuse, a, sans encourir les griefs du moyen pris en sa première branche, restitué leur exacte qualification aux fait et actes litigieux.
7. Le moyen qui, en sa seconde branche, est nouveau et irrecevable comme mélangé de fait et de droit, n'est pas fondé pour le surplus.
Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
8. Le salarié fait grief à l'arrêt de limiter le rappel de salaires au titre des heures supplémentaires accomplies à la somme de 12 908,37 euros, outre 1 290,83 euros au titre des congés payés y afférents, et de le débouter de sa demande au titre des repos compensateurs, alors : « qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies et non d'étayer sa demande au préalable ; que le juge ne peut se fonder sur l'insuffisance des preuves apportées par le salarié pour rejeter une demande d'heures supplémentaires ; qu'en retenant, pour limiter le rappel de salaires au titre des heures supplémentaires à hauteur de 614,50 heures, que le salarié produisait un récapitulatif des heures de travail effectuées par semaine de janvier 2005 à septembre 2008 dépourvu de toute valeur probante qui n'était complété par aucun élément de nature à étayer sa demande pour la période courant de février 2005 à mi 2007, la cour d'appel a fait peser sur le seul salarié la preuve des heures effectuées, en violation de l'article L. 3171-4 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :
9. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
10. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
11. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
12. Pour limiter le rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents à une certaine somme et débouter le salarié de sa demande au titre des repos compensateurs, l'arrêt retient qu'il communique un récapitulatif, établi pour les besoins de la procédure, des heures de travail qu'il aurait effectuées par semaine de janvier 2005 à septembre 2008, par rapport à un temps plein de 35 heures, avec le montant dû en fonction du taux horaire et du taux de majoration applicable, faisant état de 2 219,4 heures supplémentaires au total, représentant 46 733,24 euros outre congés payés, document qui n'a en soi aucune valeur probante.
13. L'arrêt relève que pour les années 2005, sauf janvier, et 2006 ainsi que les mois de janvier à juin 2007, il ne produit rien d'autre pour étayer sa demande, ce qui conduit à éliminer de sa demande les heures supplémentaires alléguées pour ces périodes, soit 1 566,90 heures ; que pour les mois de janvier 2005, juillet à décembre 2007 et janvier à septembre 2008, sauf août, le salarié verse des photocopies de ses pages d'agenda où sont notés ses horaires de travail qu'il présente comme l'ayant été au jour le jour. Il s'agit d'éléments suffisamment précis pour permettre théoriquement à un employeur de répondre en fournissant ses propres éléments. Cela représente 614,50 heures (août 2008 exclu).
14. L'arrêt ajoute que l'employeur qui appliquait une convention de forfait que le salarié n'a pas contestée pendant la relation contractuelle, n'est pas en mesure de verser aux débats des éléments permettant de contredire les allégations de ce dernier, que le principe des prétentions du salarié étant néanmoins admis, il peut prétendre au paiement de 12 908, 37 euros outre les congés payés afférents.
15. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part, que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, y compris pour la période de février 2005 à juin 2007, d'autre part, que ce dernier ne produisait aucun éléments de contrôle de la durée du travail, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé.
Soc. 28 septembre 2022 n° 21-19.313
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CA3
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 28 septembre 2022
Cassation partielle
Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 1019 F-D
Pourvoi n° B 21-19.313
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 SEPTEMBRE 2022
Mme [C] [E] [I] épouse [F], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° B 21-19.313 contre l'arrêt rendu le 11 mai 2021 par la cour d'appel de Besançon (chambre sociale), dans le litige l'opposant à l'association Centre formation Bourgogne Franche-Comté, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Grandemange, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme [E] [I], après débats en l'audience publique du 28 juin 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Grandemange, conseiller rapporteur, M. Barincou, conseiller, M. Gambert, avocat général, et Mme Lavigne, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 11 mai 2021), Mme [F] a été engagée, à compter du 21 août 2017, par l'association Centre de formation Bourgogne Franche-Comté en qualité de directrice.
2. Après avoir saisi la juridiction prud'homale, le 7 septembre 2018, en résiliation judiciaire de son contrat de travail et en paiement de diverses créances salariales, elle a été licenciée pour faute grave le 8 octobre 2019.
Examen des moyens
Sur le quatrième moyen, pris en ses trois premières branches, ci après annexés
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui sont, irrecevable s'agissant de la deuxième branche et manifestement pas de nature à entraîner la cassation pour les autres.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
4. La salarié fait grief à l'arrêt de juger irrecevables ses demandes relatives à la nullité du licenciement, alors :
« 1°/ qu'une juridiction d'appel, saisie d'une fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de prétentions nouvelles ou la relevant d'office, est tenue de l'examiner au regard des exceptions prévues aux articles 564 à 567 du code de procédure civile ; qu'en se bornant à relever, pour déclarer irrecevables les demandes de la salariée au titre du licenciement nul, que "l'article 910-4 précise certes que restent recevables les questions nées de la survenance d'un fait " dans les limites des chefs du jugement critiqué", mais en l'espèce le jugement de première instance ne comportait aucun chef de jugement relatif au licenciement", sans rechercher si les prétentions nouvelles de la salariée au titre du licenciement nul ne constituaient pas des demandes additionnelles recevables en appel comme étant rattachées par un lien suffisant avec ses prétentions originaires tendant à la résiliation judiciaire du contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 70 du code de procédure civile ;
2°/ que lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, et que ce dernier le licenciement ultérieurement, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée, à défaut de quoi il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur ; que compte tenu du lien existant ainsi entre l'appréciation de la demande de résiliation judiciaire et celle du bien-fondé du licenciement, lorsque le licenciement est notifié au salarié au cours de l'instance d'appel du jugement ayant rejeté sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur, et postérieurement à ses premières conclusions d'appel, le salarié est recevable à présenter dans de nouvelles conclusions des prétentions subsidiaires relatives au mal-fondé ou à la nullité de son licenciement, de telles conclusions devant être regardées comme nées postérieurement aux premières conclusions de la survenance ou de la révélation d'un fait et comme se rattachant aux chefs du jugement critiqués, lequel avait rejeté la demande de résiliation judiciaire, reprise à titre principal en cause d'appel ; qu'en l'espèce, en jugeant le contraire pour dire irrecevables les demandes relatives à la nullité du licenciement qui avait été notifié à la salariée postérieurement au jugement ayant rejeté sa demande de résiliation judiciaire et au dépôt de ses premières conclusions d'appel, la cour d'appel a violé l'article 910-4 du code de procédure civile, ensemble l'article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
5. Le moyen, qui reproche à la cour d'appel d'avoir déclaré irrecevable la demande de la salariée au titre de la nullité de son licenciement, manque en fait, la cour d'appel n'ayant dans son dispositif prononcé aucune irrecevabilité.
6. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
7. La salariée fait grief à l'arrêt de fixer à une certaine somme la créance de l'employeur au titre des paiements indus de jours de congés supplémentaires, alors « que la seule fixation d'une rémunération forfaitaire, sans que soit déterminé le nombre d'heures supplémentaires inclus dans cette rémunération ne permet pas de caractériser une convention de forfait ; qu'en l'espèce, pour condamner, après compensation, l'association Centre de formation à payer à la salariée la somme de 3.859,91 euros, outre 385,99 euros au titre des congés payés y afférents, la cour d'appel a retenu que "la convention des parties prévoyant un forfait de salaires pour un horaire indéterminé ne pouvant produire d'effets, le paiement de jours de repos en exécution de cette convention est devenu indu et l'employeur est en conséquence en droit de réclamer le remboursement des jours de repos et ce sur la durée de l'ensemble de la relation de travail" ; qu'en statuant ainsi, quand il résultait de ses propres constatations que le contrat de travail reprenait des termes identiques à l'article 10 de l'accord collectif national de travail du 6 avril 1999, relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans les associations à caractère familial responsables d'établissements d'enseignement et de formation professionnelle, et précisait "que la rémunération de Mme [C] [E] [I] épouse [F] correspond à "un forfait de salaire pour un horaire indéterminé", ce qui ne permettait pas de caractériser l'existence d'une convention de forfait et donc ouvrir droit à l'employeur de demander le remboursement des jours de repos et des congés payés conventionnels, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa version applicable au litige, ensemble l'article L. 3121-53 du code du travail. »
Réponse de la Cour
8. Il résulte de l'article 1302-1 du code civil que celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu.
9. La cour d'appel, qui a retenu que la convention de forfait de salaire pour un horaire indéterminé à laquelle la salariée était soumise ne lui était pas opposable, en a exactement déduit que le paiement des jours de congés supplémentaires accordés en contrepartie de ce forfait de rémunération était devenu indu.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche
Enoncé du moyen
11. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, alors « que les juges du fond ne peuvent modifier l'objet du litige, tel que déterminé par les prétentions respectives des parties exprimées dans leurs conclusions ; que justifie la résiliation judiciaire du contrat de travail un manquement ou un ensemble de manquements de l'employeur suffisamment graves pour empêcher la poursuite de ce contrat, et qu'il appartient aux juges du fond, saisis d'une telle demande, d'apprécier si, dans son ensemble, le comportement de l'employeur établi par le salarié présente ce caractère de gravité ; qu'en l'espèce, au soutien de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts du Centre de formation Bourgogne Franche-Comté, la salariée faisait valoir de graves manquements de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail, à savoir, le harcèlement moral, mais également le manquement de l'employeur à ses obligations conventionnelles et légales et le manquement à son obligation de loyauté ; que pour débouter la salariée de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, la cour d'appel a retenu que "le harcèlement qui constitue le seul fondement de la résiliation ayant été rejeté, il en sera de même pour al demande relative à la rupture du contrat de travail" ; qu'en déniant ainsi l'invocation par la salariée d'autres manquements que le harcèlement moral au soutien de sa demande de résiliation judiciaire, la cour d'appel a méconnu l'objet et les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code de procédure civile :
12. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
13. Pour rejeter la demande de la salariée tendant à la résiliation judiciaire de son contrat de travail, l'arrêt retient que le harcèlement qui constitue son seul fondement ayant été rejeté, il en sera de même pour la demande relative à rupture du contrat de travail.
14. En statuant ainsi, alors que, dans ses conclusions d'appel, la salariée fondait sa demande de résiliation du contrat de travail non seulement sur le harcèlement moral mais également sur le non-respect par l'employeur des dispositions de la convention collective et des manquements à l'obligation de loyauté, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé.
Et sur le quatrième moyen, pris en sa quatrième branche
Enoncé du moyen
15. La salariée fait grief à l'arrêt de condamner, après compensation, l'employeur à lui payer une somme limitée à 385,99 euros au titre des congés payés, alors « que ne peuvent donner lieu à un double paiement, et sont de ce fait exclues de l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés, les sommes attribuées au salarié en fonction d'une production globale annuelle sans distinction entre les périodes de travail et celles des congés payés ; qu'en l'espèce, pour condamner, après compensation, l'association Centre de formation Bourgogne Franche-Comté à payer à la salariée la somme de seulement 3.859,91 euros outre 385,99 euros au titre des congés y afférents, la cour d'appel a retranché du montant du rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, le remboursement des congés payés conventionnels et des demi-journées de repos auquel elle avait condamné la salariée et a, ensuite, calculé l'indemnité de congés payés afférente au rappel d'heures supplémentaires sur la base cette différence globale ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a ce faisant imposé à la salariée un double paiement de l'indemnité de congés payés, a violé l'article L. 3141-22 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3141-24 du code du travail :
16. Selon ce texte, le congé annuel prévu par l'article L. 3141-3 ouvre droit à une indemnité égale au dixième de la rémunération brute totale perçue par le salarié au cours de la période de référence.
17. Pour condamner l'employeur à payer à la salariée une somme de 385,99 euros au titre de l'indemnité de congés payés, l'arrêt, après avoir fixé la créance de la salariée au titre des heures supplémentaires à la somme de 10 000 euros et celle de l'employeur au titre du remboursement des jours de repos indûment payés à celle de 6 140,09 euros, opère une compensation entre les créances réciproques des parties et assortit d'une indemnité de congés payés la somme résultant de cette compensation.
18. En statuant ainsi, en déduisant de l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés la créance de l'employeur, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Soc. 28 septembre 2022 n° 20-22.885
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CH9
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 28 septembre 2022
Cassation partielle
M. SCHAMBER, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 1061 F-D
Pourvoi n° P 20-22.885
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 SEPTEMBRE 2022
Mme [G] [H], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° P 20-22.885 contre l'arrêt rendu le 13 octobre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 11), dans le litige l'opposant à la société Afi Esca, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Cavrois, conseiller, les observations de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de Mme [H], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Afi Esca, après débats en l'audience publique du 6 juillet 2022 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Cavrois, conseiller rapporteur, M. Flores, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 octobre 2020), Mme [H], a été engagée, le 2 janvier 2013, en qualité de déléguée régionale, par la société Afi Esca qui commercialise des produits d'assurance de personnes.
2. Elle a saisi le 6 novembre 2015 la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et de diverses demandes relatives à l'exécution du contrat de travail.
3. Elle a été licenciée le 26 novembre 2015.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa cinquième branche
Enoncé du moyen
4. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes de résiliation judiciaire du contrat de travail et de toutes ses demandes afférentes ainsi que de sa demande à titre de rappel de commissions, alors : « que l'employeur ne peut en cours d'année modifier unilatéralement, pour l'année en cours, les objectifs précédemment assignés au salarié et dont dépendent sa rémunération variable ; que le contrat de travail prévoyait une rémunération variable '' ? fondée sur l'atteinte d'objectifs'' et précisait que ''Les modalités de calcul de cette rémunération variable sont fixées dans une note signée par les deux parties au début de chaque année.'' ; qu'au soutien d'un moyen tiré du manquement de l'employeur à ses obligations, l'exposante avait fait valoir et démontré que ses objectifs pour 2015, dont dépendait sa rémunération variable, préalablement fixés le 18 décembre 2014, avaient été unilatéralement modifiés par son employeur par lettre du 16 juin 2015 aux termes de laquelle il lui était demandé ''d'atteindre un certain nombre d'objectifs d'ici au 31/12/2015 '' et notamment de limiter sa production annuelle liée aux 2 grands comptes VITAE et Meilleurtaux à maximum 65 % de sa production annuelle globale au 31/12/15 ce qui était contradictoire avec les instructions qu'elle avait préalablement reçues et traduisait la volonté de l'employeur de la déstabiliser et la faire échouer, une telle réorientation de son portefeuille vers des courtiers traditionnels n'étant pas réalisable dans le délai imparti ; que l'exposante ajoutait qu'elle avait été la seule commerciale dont les objectifs avaient ainsi été modifiés en milieu d'année ; que pour écarter le grief tiré de la faute de l'employeur, la cour d'appel qui énonce que, ainsi que le soutient la société, la lettre adressée le 16 juin 2015 par l'employeur qui impartit à l'exposante ''des objectifs à atteindre d'ici au 31 décembre 2015'' ne peut être considérée comme ''une modification abusive de l'objectif initialement imparti à Mme [H]'' s'est prononcée par un motif inopérant, la modification, en milieu d'année, des objectifs précédemment assignés au salarié et dont dépendent sa rémunération variable ne pouvant être effectuée unilatéralement par l'employeur et a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil devenu 1103 du même code et L 1221-1 du code du travail, ensemble les articles 1184 du code civil devenu 1224 dudit code et L. 1231-1 et L 1235-1 du Code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1134, alinéa 1, et 1184, alinéa 1, du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016 - 131 du 10 février 2016 :
5. Selon le premier de ces textes, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
6. Selon le second, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement.
7. Lorsque les objectifs sont définis unilatéralement par l'employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, celui-ci peut les modifier dès lors qu'ils sont réalisables et qu'ils ont été portés à la connaissance du salarié en début d'exercice.
8. Pour rejeter la demande de la salariée tendant à la résiliation du contrat de travail, l'arrêt retient que la lettre adressée à la salariée le 16 juin 2015 par le directeur du réseau courtage contient une analyse de son activité de janvier à fin mai et lui impartit une modification des objectifs à atteindre d'ici au 31 décembre 2015 ainsi déclinés : - recrutement d'au moins dix courtiers qui auront chacun réalisé au moins une affaire chacun au 31 décembre 2015, - limitation à 65 % de la production résultant des grands comptes, - répartir davantage la prospection entre les départements et les arrondissements parisiens, - atteinte d'au moins 75 % de l'objectif annuel.
9. L'arrêt ajoute qu'ainsi que le soutient l'employeur, cette lettre ne peut être considérée comme une modification abusive de l'objectif initialement imparti à la salariée.
10. En se déterminant ainsi par des motifs inopérants tirés de l'absence d'abus, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
11. La salariée fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement pour faute grave est justifié et est pourvu d'une cause réelle et sérieuse et de la débouter de toutes ses demandes à ce titre, alors que : « la cassation de l'arrêt à intervenir sur le premier moyen de cassation du chef du rejet de la demande de l'exposante de résiliation judiciaire du contrat de travail entraînera par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile sa censure en ce qu'il a dit que le licenciement pour faute grave dont l'exposante a fait l'objet le 26 novembre 2015 était justifié et pourvu d'une cause réelle et sérieuse et débouté l'exposante de toutes ses demande à ce titre. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 624 du code de procédure civile :
12. La cassation prononcée sur le premier moyen entraîne la cassation par voie de conséquence des chefs de dispositif de l'arrêt, disant le licenciement justifié par une faute grave et rejetant les demandes formées au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
Et sur le troisième moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
13. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes au titre des heures supplémentaires et pour travail dissimulé, alors : « qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'en retenant que ''la seule production de mails envoyés à des heures matinales ou tardives ne permet pas de retenir la réalité de l'amplitude journalière de travail accomplie dans l'intervalle après ou avant les heures de ces messages'' que ''même si la salariée n'a pas tenu un décompte précis des horaires accomplis et ne produit en cause d'appel ni un tel décompte, ni, par exemple un agenda de ses rendez-vous, elle aurait pu, à tout le moins, donner une estimation de l'organisation de ses journées de travail'', que ''l'appréciation forfaitaire systématique qu'elle fait de son temps de travail évalué à 45 heures par semaine ne peut être considérée comme établie par la seule production de courriels'' pour conclure que ''la salariée n'étayait pas sa demande par des éléments suffisamment précis'' et la débouter de ses prétentions au titre des heures supplémentaires, des congés payés afférents et de l'indemnité pour travail dissimulé, la cour d'appel a fait peser sur la salariée la charge de la preuve des heures de travail accomplies et a violé l'article L 3171-4 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :
14. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er , du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
15. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
16. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d' heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant
17. Pour débouter la salariée de sa demande au titre des heures supplémentaires, l'arrêt, après avoir retenu l'invalidité de la convention individuelle de forfait en jours, relève que la seule production de mails envoyés à des heures matinales ou tardives ne permet pas de retenir la réalité de l'amplitude journalière de travail accomplie dans l'intervalle après ou avant les heures de ces messages et que même si la salariée n'a pas tenu un décompte précis des horaires accomplis et ne produit en cause d'appel ni un tel décompte, ni, par exemple un agenda de ses rendez-vous, elle aurait pu, à tout le moins, donner une estimation de l'organisation de ses journées de travail. L'arrêt ajoute que l'appréciation forfaitaire systématique qu'elle fait de son temps de travail évalué à 45 heures par semaine ne peut être considérée comme établie par la seule production de courriels dont généralement le contenu ne permet pas de retenir que la salariée était contrainte à une réponse immédiate tardive ou n'avait pas pu répondre antérieurement durant les " heures classiques de bureau " et ce, alors même que travaillant soit à son domicile soit en déplacements auprès des clients, elle disposait de toute latitude pour organiser son emploi du temps.
18. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part, que la salariée présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, d'autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément de contrôle de la durée de travail, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur la seule salariée, a violé le texte susvisé.
Soc. 21 septembre 2022 n° 21-14.106 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 21 septembre 2022
Rejet
M. CATHALA, président
Arrêt n° 983 FS-B
Pourvoi n° S 21-14.106
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 21 SEPTEMBRE 2022
M. [U] [K], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 21-14.106 contre l'arrêt rendu le 27 janvier 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 10), dans le litige l'opposant à la société Ricoh France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Monge, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [K], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Ricoh France, et l'avis de M. Desplan, avocat général, après débats en l'audience publique du 22 juin 2022 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Monge, conseiller rapporteur, M. Schamber, conseiller doyen, Mme Cavrois, MM. Rouchayrole, Flores, Mme Lecaplain-Morel, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, Techer, conseillers référendaires, M. Desplan, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 janvier 2021), M. [K] a été engagé par la société Ricoh France, le 10 juillet 2002, les relations contractuelles étant régies par la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972.
2. Licencié le 11 avril 2017, il a, le 12 mai 2017, saisi la juridiction prud'homale à l'effet de contester le bien-fondé de son licenciement et d'obtenir paiement de diverses sommes à titre de rappel de salaire et de dommages-intérêts.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le second moyen
4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement de rappels de salaire sur heures supplémentaires et de dommages-intérêts pour défaut d'information sur le droit au repos compensateur, ainsi que de sa demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé, alors :
« 1°/ que les salariés liés à leur employeur par une convention de forfait en jours bénéficient du droit au repos hebdomadaire, lequel doit être donné le dimanche ; qu'il en résulte qu'une convention de forfait en jours ne peut ni prévoir ni permettre le travail dominical du salarié, de sorte que les heures de travail accomplies le dimanche sont des heures supplémentaires échappant aux règles du forfait et doivent être rémunérées selon le droit commun ; qu'en déboutant le salarié de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, incluant, selon ses propres constatations, des dimanches travaillés, au motif que "la convention de forfait en jours est exclusive de la notion de dépassements d'horaires" quand l'accomplissement d'un travail le dimanche était nécessairement constitutif d'un dépassement d'horaires par rapport à la convention de forfait en jours et devait être rémunéré selon le droit commun, la cour d'appel a violé les articles L. 3121-45, L. 3121-48 et L. 3132-3 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige, antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ; 2°/ qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter à l'appui de sa demande des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'au vu de ces éléments, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; que constitue un élément suffisamment précis un décompte établi par le salarié récapitulant les heures de travail effectuées ; qu'en l'espèce, le salarié avait présenté des éléments de fait dont résultait l'accomplissement d'heures de travail les dimanches de juin et juillet 2015, nécessairement hors forfait, qui représentaient des heures supplémentaires ; qu'en cet état, il appartenait à la cour d'appel de former sa décision quant à la réalité des heures supplémentaires ainsi accomplies en dehors de la convention de forfait en jours convenue en vérifiant, notamment, si l'employeur justifiait de la réalité de la durée du travail du salarié ; qu'en le déboutant de sa demande au motif inopérant pris de ce qu'il n'alléguait "ni la nullité ni l'absence d'effet à son égard" de la convention de forfait en jours, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3171-4 du code du travail. »
Réponse de la Cour
5. Selon l'article L. 3121-48 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, les salariés ayant conclu une convention de forfait en jours ne sont pas soumis aux dispositions relatives à la durée légale hebdomadaire. Il en résulte qu'un salarié soumis à une convention de forfait en jours dont il ne conteste pas la validité ne peut réclamer le paiement d'heures supplémentaires.
6. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé.
Soc. 21 septembre 2022 n° 21-15.114
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
OR
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 21 septembre 2022
Cassation partielle
M. SCHAMBER, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 975 F-D
Pourvoi n° N 21-15.114
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 21 SEPTEMBRE 2022
Mme [W] [R], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° N 21-15.114 contre l'arrêt rendu le 18 février 2021 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [I] [H], épouse [Y], domiciliée [Adresse 2],
2°/ à l'Association de gestion et de comptabilité de l'artisanat (AGCA), dont le siège est [Adresse 3],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Monge, conseiller, les observations de la SCP de Nervo et Poupet, avocat de Mme [R], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de Mme [H], de l'Association AGCA, après débats en l'audience publique du 22 juin 2022 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Monge, conseiller rapporteur, M. Rouchayrole, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 18 février 2021), Mme [R] a été engagée en qualité de responsable de dossiers juridiques par l'Association de gestion et de comptabilité de l'artisanat (l'AGCA) suivant contrat à durée indéterminée à temps partiel du 13 février 2008. Par avenants des 8 juillet 2008 et 26 octobre 2009, les parties soumettaient la durée de travail à un forfait annuel en jours.
2. Le 26 avril 2016, un avertissement a été notifié à la salariée.
3. Le 29 juillet 2016, elle a saisi la juridiction prud'homale à l'effet d'obtenir, notamment, le prononcé de l'annulation de l'avertissement du 26 avril 2016 et de la convention de forfait en jours, le paiement de diverses sommes à caractère indemnitaire et salarial, dirigeant ses demandes à la fois contre l'AGCA et Mme [Y], sa supérieure hiérarchique
Examen des moyens
Sur les deuxième et quatrième moyens, ci-après annexés
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
5. La salariée fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il a mis hors de cause Mme [Y], alors « que la contradiction entre les motifs et le dispositif d'un arrêt équivaut à un défaut de motifs ; que la cour d'appel qui a d'une part confirmé le jugement qui dans son dispositif a mis hors de cause Mme [Y], et d'autre part énoncé dans ses motifs " c'est à juste titre que le conseil de prud'hommes n'a pas retenu ce moyen d'annulation du licenciement de Mme [R] et l'a déboutée de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral tant à l'égard de l'AGCA que de Mme [Y] qu'il n'y a pas lieu de mettre hors de cause ", s'est contredite et a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
6. Sous le couvert d'un grief de violation de la loi, le moyen ne tend qu'à dénoncer une erreur matérielle qui peut, selon l'article 462 du code de procédure civile, être réparée par la Cour de cassation à laquelle est déféré l'arrêt et dont la rectification sera ci-après ordonnée.
7. Le moyen ne peut donc être accueilli.
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
8. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en paiement d'heures supplémentaires et d'indemnité pour travail dissimulé, alors « que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées raisonnables de travail ainsi que des repos journaliers hebdomadaires ; que lorsqu'un accord d'entreprise se contente de prévoir la durée maximale et minimale des journées et demi-journées de travail, la remise mensuelle d'un récapitulatif hebdomadaire des journées et demi-journées travaillées à la direction, sans instituer autrement le suivi effectif et régulier permettant à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec la durée raisonnable la convention de forfait est nulle ; que la cour d'appel qui a considéré qu'en l'espèce, l'accord collectif prévoyant, la durée maximale et minimales des journées et demi-journées de travail, la remise mensuelle à la direction d' un récapitulatif hebdomadaire des journées et demi-journées travail, et d'un état hebdomadaire mensuel des heures travaillées signées mensuellement par le salarié et son supérieur, suffisait à garantir le respect du droit à la santé du salarié, a violé l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du traité de fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article L. 31321-39 du code du travail dans sa rédaction issue due la loi n° 2008 789 du 20 août 2008 interprété à la lumière des articles 17 § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
9. L'employeur et Mme [Y] contestent la recevabilité du moyen. Ils soutiennent que le moyen est incompatible avec les conclusions de la salariée en cause d'appel et à tout le moins nouveau, mélangé de fait et de droit.
10. Cependant, d'une part, la salariée demandant à la cour d'appel de constater la nullité de la convention de forfait en jours et faisant valoir que les accords collectifs conclus avant l'entrée en vigueur de la loi du 20 août 2008 devaient prévoir les modalités de suivi de l'organisation du travail des salariés au forfait jours, de l'amplitude de leurs journées d'activité et de la charge de travail en résultant et qu'à défaut, les conventions individuelles de forfait étaient frappées de nullité, le moyen n'est pas contraire à ses conclusions, d'autre part, il est de pur droit.
11. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l'alinéa 11 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article L. 3121-39 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, interprété à la lumière des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne :
12. Le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles.
13. Il résulte des articles susvisés des directives de l'Union européenne que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur.
14. Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.
15. Pour débouter la salariée de sa demande en paiement de rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires et d'une indemnité pour travail dissimulé, l'arrêt retient que la convention individuelle fixe le nombre de jours travaillés à 209 jours par an et que l'accord d'entreprise du 17 juin 2002, relatif à l'aménagement et la réduction du temps de travail, précise, notamment, qu'une demi-journée de travail ne peut être inférieure à deux heures de travail effectif et une journée à six heures. Il ajoute que l'accord collectif indique que les journées et demi-journées travaillées seront comptabilisées sur un état hebdomadaire mensuel tenu à jour par le salarié, visé par lui et son supérieur hiérarchique, et remis chaque mois à la direction, et qu'il prévoit un système de contrôle des horaires qui permet de comptabiliser les heures accomplies, notamment le respect des limites et des durées maximales de travail journalières et hebdomadaires.
16. Il conclut que l'accord collectif précise bien les modalités de décompte des journées et des demi-journées travaillées et de prise des journées ou demi-journées de repos, qu'il détermine les conditions de contrôle de son application et qu'il prévoit des modalités de suivi de l'organisation du travail des salariés concernés, de l'amplitude de leurs journées d'activité et de la charge de travail qui en résulte.
17. Il en déduit que les avenants successifs, qui soumettent le temps de travail au forfait en jours spécifiant bien le nombre de jours travaillés par an et l'accord d'entreprise comportant toutes les autres mentions obligatoires, la convention de forfait est régulière.
18. En statuant ainsi, alors que les dispositions de l'article 3.41 de l'accord d'entreprise du 17 juin 2002, qui se bornent à prévoir que le nombre de jours travaillés dans l'année est au plus de 217 jours, que les salariés concernés doivent veiller à respecter les règles concernant le repos quotidien et le repos hebdomadaire, qu'une demi-journée de travail ne peut être inférieure à deux heures de travail effectif et une journée à six heures, que les salariés devront éviter d'effectuer des horaires journaliers et hebdomadaires excessifs que des impératifs exceptionnels ne justifieraient pas, qu'un entretien individuel annuel permettra aux cadres concernés et à la direction de prendre les mesures qui s'imposeront pour rendre la charge de travail plus compatible avec le respect des 217 jours et que les jours et demi-journées travaillées seront comptabilisés sur un état hebdomadaire et mensuel tenu à jours par l'intéressé, visé par lui et son supérieur hiérarchique et remis chaque mois à la direction, sans instituer de suivi effectif et régulier permettant à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, ne sont pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et à assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, ce dont il se déduisait que la convention de forfait en jours était nulle, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Soc. 21 septembre 2022 n° 21-11.161
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CH9
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 21 septembre 2022
Cassation partielle partiellement sans renvoi
M. SCHAMBER, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 972 F-D
Pourvoi n° R 21-11.161
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 21 SEPTEMBRE 2022
M. [D] [U], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 21-11.161 contre l'arrêt rendu le 26 novembre 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-5), dans le litige l'opposant à la société Etablissements Jean Graniou, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], ayant un établissement secondaire, [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La société Etablissements Jean Graniou a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation également annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Monge, conseiller, les observations de Me Ridoux, avocat de M. [U], de la SARL Ortscheidt, avocat de la société Etablissements Jean Graniou, après débats en l'audience publique du 22 juin 2022 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Monge, conseiller rapporteur, M. Rouchayrole, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 26 novembre 2020), M. [U] a été engagé, à compter du 1er décembre 2006, en qualité d'ingénieur d'études par la société Etablissements Jean Graniou (la société) suivant contrat à durée indéterminée. Par avenant du 1er janvier 2014, il a conclu une convention de forfait en jours.
2. Licencié le 18 janvier 2016, le salarié a, le 13 septembre 2016, saisi la juridiction prud'homale à l'effet d'obtenir paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche et le deuxième moyen, pris en ses deux premières branches, du pourvoi principal du salarié, et le second moyen du pourvoi incident de l'employeur, ci-après annexés
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui pour certains sont irrecevables et pour les autres ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen du pourvoi incident
Enoncé du moyen
4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à M. [U] une certaine somme au titre des congés payés afférents à la somme allouée au titre de la contrepartie obligatoire en repos, alors « que l'indemnité allouée en compensation du repos compensateur non pris du fait de la contestation par l'employeur des heures supplémentaires effectuées par la salariée a le caractère de dommages-intérêts qui ne sont pas pris en compte pour le calcul de l'indemnité compensatrice de congés payés ; qu'en condamnant la société à payer au salarié la somme de 822, 92 euros au titre des congés payés afférents à la somme de 8 119,17 euros allouée au titre de la contrepartie obligatoire en repos des heures supplémentaires effectuée au-delà du contingent annuel, la cour d'appel a violé les articles L. 3141-22 et L. 3121-11 du code du travail dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016. »
Réponse de la Cour
5. Le salarié qui n'a pas été en mesure, du fait de son employeur, de formuler une demande de contrepartie obligatoire en repos a droit à l'indemnisation du préjudice subi qui comporte à la fois le montant de l'indemnité calculée comme si le salarié avait pris son repos et le montant des congés payés afférents.
6. Ayant exactement retenu que dès lors qu'un temps de repos n'avait pas été accordé en contrepartie des heures supplémentaires effectuées par le salarié au-delà du contingent annuel de 180 heures, ces heures supplémentaires ouvraient droit à une indemnité, la cour d'appel, qui a alloué une certaine somme au titre de la contrepartie obligatoire en repos des heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent annuel a, à bon droit, ajouté une certaine somme au titre des congés payés afférents.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi principal
Enoncé du moyen
8. Le salarié fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il avait rejeté la demande d'annulation de la convention de forfait conclue entre les parties, alors « que la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut au défaut de motifs ; qu'en l'espèce, en jugeant dans les motifs de sa décision que la convention de forfait jours devait être annulée, et de manière contradictoire, dans son dispositif, que la demande d'annulation de cette convention devait être rejetée, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
9. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. La contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à un défaut de motifs.
10. Ayant, dans les motifs de sa décision, retenu que c'était par des motifs pertinents que le conseil de prud'hommes avait annulé la convention de forfait dont bénéficiait le salarié et que le jugement serait donc confirmé sur ce point, la cour d'appel a, dans le dispositif, énoncé qu'elle confirmait le jugement en ce qu'il avait rejeté la demande d'annulation de la convention de forfait conclue entre les parties.
11. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est contredite, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
Sur le moyen relevé d'office
12. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.
Vu l'article L. 3121-22 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :
13. Selon ce texte, les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire fixée par l'article L. 3121-10, ou de la durée considérée comme équivalente, donnent lieu à une majoration de salaire de 25 % pour chacune des huit premières heures supplémentaires. Les heures suivantes donnent lieu à une majoration de 50 %.
14. Pour confirmer le jugement en ce qu'il avait rejeté la demande du salarié au titre des heures supplémentaires qu'il avait effectuées en déplacement en 2013, 2014 et 2015, la cour d'appel a soustrait de chacune des sommes auxquelles elle évaluait la créance salariale du salarié se rapportant aux heures supplémentaires accomplies, le montant de la prime de déplacement perçue par l'intéressé et constaté que la somme obtenue était nulle.
15. En statuant ainsi, alors que le versement de primes ne pouvait tenir lieu de règlement des heures supplémentaires, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Sur le troisième moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
16. Le salarié fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il avait rejeté sa demande de rappel d'indemnité de licenciement et d'indemnité de préavis, alors :
« 1°/ que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, dans ses écritures d'appel soutenues à l'audience, le salarié faisait valoir, offres de preuve à l'appui, que l'indemnité de licenciement et l'indemnité de préavis qui lui avaient été versées ne tenaient pas compte de son ancienneté totale, laquelle devait inclure la durée de son contrat d'apprentissage au sein de la société ; que dès lors, en rejetant ses demandes de rappel d'indemnité de préavis et d'indemnité de licenciement, sans répondre au moyen précité, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, dans ses écritures d'appel soutenues à l'audience, le salarié contestait la motivation par laquelle le conseil de prud'hommes avait rejeté ses demandes de rappel d'indemnité de préavis et d'indemnité de licenciement ; qu'il soutenait que ses critiques dirigées contre la convention de forfait ne le privaient pas du bénéfice des stipulations de cette même convention s'agissant du calcul des indemnités précitées, puisque l'employeur avait lui-même revendiqué ce choix pour le décompte du temps de travail ; que dès lors, en rejetant les demandes de rappel d'indemnité de préavis et d'indemnité de licenciement, sans répondre au moyen précité, la cour d'appel a derechef violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
17. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé.
18. La cour d'appel a, dans le dispositif de sa décision, confirmé le jugement en ce qu'il avait rejeté les demandes du salarié de rappel d'indemnité de préavis et d'indemnité de licenciement.
19. En statuant ainsi, sans donner aucun motif à sa décision, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
Et sur le quatrième moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
20. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et de rejeter sa demande de dommages-intérêts de ce chef, alors :
«1°/ que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en l'espèce, à l'appui de sa contestation des faits reprochés dans la lettre de licenciement relatifs à l'altercation du 30 novembre 2015, le salarié produisait la lettre du 25 mars 2016 qu'il avait adressée à l'employeur pour contester son licenciement, dans lequel il démentait fermement et précisément les faits reprochés, un échange de SMS avec M. [V] du 30 novembre 2015 où il exposait que c'était M. [N] qui avait eu un comportement violent à son égard, lequel l'avait profondément blessé, et que, très atteint par cet événement et déjà fragilisé par ses conditions de travail éprouvantes, il avait été placé le jour même en arrêt de travail, ainsi que plusieurs certificats médicaux et ordonnances du Dr [J], dont un arrêt de travail du 30 novembre 2015 pour burn-out et état dépressif, révélant la dépression du salarié consécutive à ces évènements ; que dès lors, en jugeant que le salarié contestait les faits litigieux "mais n'apporte aucune pièce à l'appui de ses allégations", la cour d'appel a dénaturé par omission la lettre, les SMS, et les documents médicaux précités, en violation du principe susvisé ;
2°/ que dans ses écritures d'appel soutenues à l'audience, le salarié faisait valoir que les propos et le comportement du 30 novembre 2015 qui lui était reprochés étaient totalement incohérents avec ses états de service au sein de la société, son comportement n'ayant jamais été remis en question depuis les 13 ans qu'il y travaillait, l'employeur et les clients ayant au contraire loué son travail comme son comportement ; que dès lors, en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si ces circonstances ne privaient pas de vraisemblance les faits reprochés au salarié, lequel en donnait une version très différente, corroborée notamment par un échange de SMS du 30 novembre 2015 et les pièces médicales produites aux débats, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail ;
3°/ que la cour d'appel a elle-même condamné la société à payer des dommages-intérêts au salarié pour manquement à son obligation de sécurité de résultat, en raison des troubles dont le salarié avait été atteint, attestés par les certificats médicaux faisant état d'un burn-out, d'un état dépressif, et de soins psychiques, ainsi que par les ordonnances médicales prescrivant des anti-dépresseurs ; que dans ses écritures d'appel soutenues à l'audience, le salarié soulignait qu'il avait été placé en arrêt de travail en raison d'un burn-out et d'un état dépressif le jour même de l'altercation litigieuse, soit le 30 novembre 2015 ; que dès lors, en jugeant que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse en raison d'"insultes" dirigées contre M. [N] lors d'une altercation, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la circonstance que cette altercation soit survenue dans un contexte d'épuisement professionnel du salarié imputable à l'employeur, ayant conduit le salarié –à supposer les faits avérés– à un écart non seulement inhabituel au regard de son ancienneté sans tache au sein de l'entreprise, mais résultant en outre d'une perte de contrôle dans un contexte d'extrême fatigue dont l'employeur était responsable, ne privait pas le licenciement de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
21. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé.
22. Pour dire que le licenciement du salarié reposait sur une cause réelle et sérieuse et rejeter sa demande de dommages-intérêts de ce chef, l'arrêt retient que la lettre de licenciement contient deux griefs, un comportement grossier et injurieux du salarié à l'égard de son supérieur hiérarchique, M. [N], et des irrégularités dans ses notes de frais. Il énumère deux pièces produites par l'employeur à l'appui du premier grief et relève que le salarié conteste ces faits. Il ajoute que ce dernier n'apporte aucune pièce à l'appui de ses allégations et ne prouve notamment pas avoir été violenté par M. [N]. Il conclut que les insultes qui lui sont reprochées sont suffisamment établies. Il retient encore que le second grief n'est que partiellement justifié, que les deux griefs, pris ensemble, justifient la rupture du contrat de travail et que les violences verbales commises par le salarié à l'encontre de M. [N] empêchaient la poursuite de la relation de travail.
23. En statuant ainsi, en se fondant sur les seuls éléments de fait et de preuve produits par l'employeur sans analyser, fût-ce de façon sommaire, les pièces versées aux débats par le salarié, en particulier les lettres, les échanges de SMS et les documents médicaux que celui-ci invoquait dans ses écritures à l'appui de ses allégations, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
24. La cassation prononcée sur le moyen relevé d'office entraîne, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation par voie de conséquence du chef de dispositif se rapportant à la condamnation au titre de la contrepartie obligatoire en repos et des congés afférents qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
25. Il est, d'autre part, fait application, ainsi qu'il est suggéré par le demandeur au pourvoi, des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
26. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond sur la demande de confirmation du jugement en ses dispositions relatives à la convention de forfait conclue entre les parties.
Soc. 21 septembre 2022 n° 21-15.399
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CDS
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 21 septembre 2022
Cassation partielle
Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 940 F-D
Pourvoi n° X 21-15.399
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 21 SEPTEMBRE 2022
La société Skill and You, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 21-15.399 contre l'arrêt rendu le 3 février 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 8), dans le litige l'opposant à Mme [I] [U], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Grandemange, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Skill and You, de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat de Mme [U], après débats en l'audience publique du 14 juin 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Grandemange, conseiller rapporteur, Mme Le Lay, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 février 2021), Mme [U] a été engagée par le groupement inter-entreprise (GIE) Telead, devenu la société Skill and You, à compter du 1er janvier 2010 en qualité de directrice juridique et des ressources humaines, à temps partiel.
2. Convoquée le 16 mai 2014 à un entretien préalable à son éventuel licenciement, fixé au 24 mai 2014, avec dispense d'activité, elle a été licenciée par lettre du 4 juin 2014 et a saisi la juridiction prud'homale pour contester cette mesure et obtenir paiement de diverses sommes.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen
Enoncé du moyen
4. La société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la salariée une somme à titre de dommages-intérêts pour conditions vexatoires de la rupture, alors « que la condamnation de l'employeur à payer des dommages-intérêts spécifiques à raison des circonstances de la rupture suppose que soit caractérisée une faute dans ces circonstances de nature à justifier l'allocation d'une indemnité distincte des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a affirmé que la salariée avait été dispensée d'activité dès la convocation à l'entretien préalable au licenciement, de sorte qu'elle avait dû quitter immédiatement son poste de travail, bien qu'elle n'avait commis aucune faute grave et avait une ancienneté assez importante, rien ne justifiant pareille précipitation de la part de l'employeur ; qu'en statuant par des motifs tirés de la dispense de travail de la salariée et de l'analyse de la cause de licenciement, la cour d'appel qui n'a pas caractérisé une faute dans les circonstances de la rupture de nature à justifier l'allocation d'une indemnité distincte des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse alloués en conséquence du manquement de l'employeur à son obligation de reclassement, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 devenu 1231-1 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
5. Pour condamner l'employeur à payer à la salariée une somme à titre de dommages-intérêts pour conditions vexatoires de la rupture, l'arrêt retient que la salariée a été dispensée d'activité dès la convocation à un entretien préalable au licenciement, de sorte qu'elle a dû immédiatement quitter son poste de travail alors qu'elle dirigeait un service, qu'elle avait une ancienneté assez importante et n'avait commis aucune faute grave, qu'enfin rien ne justifiait pareille précipitation de la part de l'employeur.
6. En se déterminant ainsi, sans caractériser une faute dans les circonstances de la rupture de nature à justifier l'allocation d'une indemnité distincte des dommages-intérêts pour licenciement abusif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Soc. 21 septembre 2022 n° 21-15.398
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CDS
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 21 septembre 2022
Cassation partielle
Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 939 F-D
Pourvoi n° W 21-15.398
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 21 SEPTEMBRE 2022
La société Skill and You, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° W 21-15.398 contre l'arrêt rendu le 3 février 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 8), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [C] [W], domiciliée [Adresse 1],
2°/ à Pôle emploi de [Localité 4], dont le siège est [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Grandemange, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Skill and You, de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat de Mme [W], après débats en l'audience publique du 14 juin 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Grandemange, conseiller rapporteur, Mme Le Lay, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 février 2021), Mme [W] a été engagée par le groupement inter-entreprise (GIE) Forma-Dis, devenu la société Skill and You (la société), à compter du 1er juin 2005 en qualité de responsable juridique, à temps partiel.
2. Convoquée le 16 mai 2014 à un entretien préalable à son éventuel licenciement, fixé au 24 mai 2014, avec dispense d'activité, elle a été licenciée par lettre du 4 juin 2014 et a saisi la juridiction prud'homale pour contester cette mesure et obtenir paiement de diverses sommes.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen
Enoncé du moyen
4. La société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la salariée une somme à titre de dommages-intérêts pour conditions vexatoires de la rupture, alors « que la condamnation de l'employeur à payer des dommages-intérêts spécifiques à raison des circonstances de la rupture suppose que soit caractérisée une faute dans ces circonstances de nature à justifier l'allocation d'une indemnité distincte des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a affirmé que la salariée avait été dispensée d'activité dès la convocation à l'entretien préalable au licenciement, de sorte qu'elle avait dû quitter immédiatement son poste de travail, bien qu'elle n'avait commis aucune faute grave et avait une ancienneté assez importante, rien ne justifiant pareille précipitation de la part de l'employeur ; qu'en statuant par des motifs tirés de la dispense de travail de la salariée et de l'analyse de la cause de licenciement, la cour d'appel qui n'a pas caractérisé une faute dans les circonstances de la rupture de nature à justifier l'allocation d'une indemnité distincte des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse alloués en conséquence du manquement de l'employeur à son obligation de reclassement, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 devenu 1231-1 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
5. Pour condamner l'employeur à payer à la salariée une somme à titre de dommages-intérêts pour conditions vexatoires de la rupture, l'arrêt retient que la salariée a été dispensée d'activité dès la convocation à un entretien préalable au licenciement, de sorte qu'elle a dû immédiatement quitter son poste de travail alors qu'elle dirigeait un service, qu'elle avait une ancienneté assez importante et n'avait commis aucune faute grave, qu'enfin rien ne justifiait pareille précipitation de la part de l'employeur.
6. En se déterminant ainsi, sans caractériser une faute dans les circonstances de la rupture de nature à justifier l'allocation d'une indemnité distincte des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Soc. 21 septembre 2022 n° 21-10.766
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 21 septembre 2022
Cassation partielle
M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 950 F-D
Pourvoi n° M 21-10.766
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 21 SEPTEMBRE 2022
M. [H] [V], domicilié [Adresse 1], [Localité 4], a formé le pourvoi n° M 21-10.766 contre l'arrêt rendu le 25 septembre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 8), dans le litige l'opposant à la société Conforama France, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], [Localité 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Rinuy, conseiller, les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de M. [V], de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société Conforama France, après débats en l'audience publique du 15 juin 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rinuy, conseiller rapporteur, Mme Agostini, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 25 septembre 2019), M. [V] a été engagé selon contrat à durée indéterminée stipulant un forfait de 218 jours par an, à compter du 1er novembre 2010 par la société Conforama, en qualité de responsable animation des ventes G2, secteur blanc et cuisine de l'établissement de Vitry-sur-Seine, statut cadre, moyennant une rémunération de 29 900 euros brut par an (prime de fin d'année comprise), outre une prime de 290 euros brut par mois. A compter de l'année 2011, le salarié a été désigné représentant de la section syndicale UNSA. Selon avenant à effet du 1er juillet 2012, il est devenu responsable animation des ventes 'brun/gris' du magasin de [Localité 5], statut cadre, groupe 6 niveau 1. Au mois de janvier 2014, il s'est déclaré candidat pour les élections professionnelles au collège cadres du comité d'entreprise.
2. S'estimant victime de discrimination syndicale, de harcèlement moral et du non-paiement d'heures supplémentaires, le salarié a saisi, le 3 décembre 2014, la juridiction prud'homale.
Examen des moyens
Sur les premier et deuxième moyens, ci-après annexés
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche, en ce qu'il concerne la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2014
Enoncé du moyen
4. Le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement d'heures supplémentaires du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2014, alors « qu'en jugeant que le salarié ''ne produit aucun tableau, établi au jour le jour, de ses horaires précis de travail '', tandis qu'il invoquait dans ses conclusions un tableau récapitulant le nombre d'heures travaillées quotidiennement entre les mois de janvier 2011 et décembre 2014, figurant au bordereau des pièces produites en pièce n° 45, la cour d'appel a violé le principe interdisant au juge de ne pas dénaturer les pièces de la procédure. »
Réponse de la Cour
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :
5. Pour débouter le salarié de sa demande en rappel d'heures supplémentaires pour la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2014, l'arrêt retient qu'à supposer qu'aucune convention de forfait en jours ne soit opposable au salarié, celui-ci ne produit aucun tableau, établi au jour le jour, de ses horaires précis de travail.
6. En statuant ainsi, alors qu'au soutien de sa demande tendant au paiement d'une certaine somme au titre des heures supplémentaires pour la période allant du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2014, le salarié produisait un tableau détaillant les heures quotidiennes effectuées au cours de cette période , la cour d'appel, qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a violé le principe susvisé.
Et sur le troisième moyen, pris en sa troisième branche, en ce qu'il concerne la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016
Enoncé du moyen
7. Le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement d'heures supplémentaires du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016, alors « qu'en déboutant le salarié de sa demande en paiement d'heures supplémentaires du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016, sans répondre aux conclusions faisant valoir qu'il avait, lors de ses entretiens annuels de 2016, 2017 et 2018, fait état de la charge de travail déraisonnable à laquelle il était soumis, sans être contredit par sa hiérarchie, ce dont il résultait qu'il fournissait des éléments de nature à étayer sa demande et qu'il appartenait à la société Conforama de justifier des horaires effectivement réalisés sur cette période, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
8. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.
9. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'heures supplémentaires du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016, l'arrêt retient que celui-ci ne produit aucun tableau, établi au jour le jour, de ses horaires précis de travail, qu'ainsi le salarié ne produit pas d'éléments suffisamment précis pour étayer sa demande et permettre à l'employeur de fournir ses propres éléments.
10. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions du salarié, qui se prévalait notamment des comptes rendus de ses entretiens annuels pour les années 2016, 2017 et 2018, au cours desquels il avait fait état d'une charge de travail déraisonnable au vu des moyens fournis et mentionné être submergé par son travail et ne pas parvenir à concilier sa vie professionnelle et familiale, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
Soc. 21 septembre 2022 n° 21-13.552 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CA3
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 21 septembre 2022
Cassation partielle
M. CATHALA, président
Arrêt n° 963 FS-B+R
Pourvoi n° Q 21-13.552
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 21 SEPTEMBRE 2022
M. Guy Loup Mignot, domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 21-13.552 contre l'arrêt rendu le 20 janvier 2021 par la cour d'appel de Versailles (19e chambre), dans le litige l'opposant à la société Impairoussot, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ott, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [Z], de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de la société Impairoussot, et l'avis de Mme Roques, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 15 juin 2022 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Ott, conseiller rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, M. Rinuy, Mmes Sommé, Agostini, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, M. Le Masne de Chermont, conseillers référendaires, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Lavigne, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 20 janvier 2021), M. [Z] a été engagé à compter du 6 juillet 2015 par la société Impair, devenue la société Impairoussot (la société), en qualité de directeur des opérations.
2. Par lettre recommandée du 17 juillet 2016, le salarié a demandé à son employeur la mise en place des élections des délégués du personnel en l'informant de sa candidature.
3. Le 11 août 2016, il a été convoqué à un entretien préalable au licenciement avec mise à pied à titre conservatoire. Il a été licencié le 7 septembre 2016 pour insuffisance professionnelle et faute grave sans que l'employeur ait sollicité de l'inspecteur du travail une autorisation de licenciement.
4. Le 31 octobre 2016, le salarié a saisi la juridiction prud'homale aux fins de déclarer son licenciement nul, d'ordonner sa réintégration et de condamner l'employeur à lui verser diverses sommes.
5. Il a fait valoir ses droits à la retraite le 30 juin 2019.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. Le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes en paiement des heures supplémentaires accomplies, des contreparties obligatoires en repos, et de l'indemnité pour travail dissimulé et de limiter à certaines sommes les condamnations de la société au titre de l'indemnité pour violation du statut protecteur, à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire outre les congés payés afférents, alors « qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'ayant constaté que le salarié avait produit des relevés quotidiens extraits de la pointeuse détaillant les heures de travail qu'il prétendait avoir effectuées entre juillet 2015 et juin 2016, des agendas reportant ses heures de travail, des notes de frais, des courriels faisant état d'un travail le week-end, des tableaux récapitulatifs de ses heures de travail semaine après semaine et plusieurs attestations de collègues, tout en refusant de constater que le salarié avait présenté, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées afin de permettre à l'employeur, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments, la cour d'appel a violé les articles L. 3171-2 et L. 3171-4 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :
7. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
8. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
9. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d' heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
10. Pour débouter le salarié de sa demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires au motif que celle-ci n'était pas suffisamment étayée, l'arrêt retient, après avoir dit que la convention de forfait était privée d'effet et ne pouvait être opposée au salarié, que le salarié verse aux débats les relevés quotidiens des heures de travail qu'il prétend avoir effectuées entre juillet 2015 et juin 2016, des agendas, des notes de frais ainsi que les tableaux récapitulatifs de ses heures de travail, semaine après semaine, et plusieurs attestations de collègues, que cependant ces tableaux sont établis en fonction d'une amplitude théorique de travail sans que le salarié produise les éléments lui ayant permis de déterminer ses horaires de début et de fin de journée, que l'agenda retrace son activité professionnelle, au jour le jour, mais les indications horaires que le salarié a lui-même relevées sont lacunaires, très imprécises et impossibles à contrôler, que les attestations se bornent à évoquer la disponibilité et la charge importante de travail de l'intéressé sans indication de date ni éléments suffisamment précis permettant de corroborer les décomptes de son temps de travail et que l'examen des notes de frais ne permet pas davantage de reconstituer la durée de travail de l'intéressé.
11. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part, que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre et, d'autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé.
Et sur le second moyen
Enoncé du moyen
12. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement des congés payés assis sur l'indemnité due au titre de la violation du statut protecteur, alors « qu'un salarié dont le licenciement est annulé par une décision judiciaire en raison de la violation de son statut protecteur contre le licenciement a droit à des congés annuels payés pour la période comprise entre la date du licenciement et la date de son départ à la retraite ; qu'en refusant en l'espèce au salarié, dont le licenciement a été annulé pour violation de son statut protecteur, et qui est parti à la retraite le 1er juillet 2019, le droit à des congés payés afférents à l'indemnité réparant son préjudice pour la période comprise entre son licenciement et son départ à la retraite, la cour d'appel a violé les articles L. 2411-6 et L. 3141-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
13. La société conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que le moyen est nouveau puisque le salarié ne s'est aucunement prévalu, dans ses conclusions d'appel pourtant postérieures à l'arrêt du 25 juin 2020 de la Cour de justice de l'Union européenne, de la position prise par cette juridiction qui a retenu que la période d'éviction d'un salarié entre son licenciement jugé nul et sa réintégration peut être assimilée à du temps de travail effectif permettant l'ouverture du droit aux congés payés.
14. Cependant le salarié, licencié en violation de son statut protecteur, a réclamé le paiement des congés payés afférents à l'indemnité devant lui être allouée au titre de la violation du statut protecteur.
15. Le moyen, qui est de pur droit, est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 2411-1, L. 2411-2 et L. 2411-6 du code du travail et l'article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail :
16. Il résulte des articles L. 2411-1, L. 2411-2 et L. 2411-6 du code du travail que le licenciement d'un salarié protégé, sans autorisation administrative de licenciement ou malgré refus d'autorisation de licenciement, ouvre droit à ce dernier à une indemnité pour violation du statut protecteur.
17. Selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation (Soc., 25 novembre 1997, pourvoi n° 94-43.651, Bull. 1997, V, n° 405), la sanction de la méconnaissance par l'employeur du statut protecteur d'un représentant du personnel, illégalement licencié et qui ne demande pas sa réintégration, est la rémunération que le salarié aurait perçue jusqu'à la fin de la période de protection en cours et non la réparation du préjudice réellement subi par le salarié protégé pendant cette période. Cette indemnité est due quand bien même le salarié a retrouvé un emploi durant la période en cause.
18. De même, l'indemnité due au titre de la violation du statut protecteur est une indemnité forfaitaire, de sorte que le salarié qui ne demande pas sa réintégration ne peut prétendre au paiement des congés payés afférents (Soc., 30 juin 2016, pourvoi n° 15-12.984 ; Soc., 21 novembre 2018, pourvoi n° 17-15.874 ; Soc., 21 novembre 2018, pourvoi n° 17-11.653).
19. Par ailleurs, la Cour de justice de l'Union européenne, dans son arrêt du 25 juin 2020 (CJUE, 25 juin 2020, Varhoven kasatsionen sad na Republika Bulgaria, aff. C- 762/18 et Iccrea Banca, aff. C-37-19), a dit pour droit que l'article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une jurisprudence nationale en vertu de laquelle un travailleur illégalement licencié, puis réintégré dans son emploi, conformément au droit national, à la suite de l'annulation de son licenciement par une décision judiciaire, n'a pas droit à des congés annuels payés pour la période comprise entre la date du licenciement et la date de sa réintégration dans son emploi, au motif que, pendant cette période, ce travailleur n'a pas accompli un travail effectif au service de l'employeur.
20. La Cour de justice a précisé dans cette décision que, selon une jurisprudence constante de la Cour, le droit au congé annuel, consacré à l'article 7 de la directive 2003/88, a une double finalité, à savoir permettre au travailleur de se reposer par rapport à l'exécution des tâches lui incombant selon son contrat de travail, d'une part, et disposer d'une période de détente et de loisirs, d'autre part (arrêt du 20 juillet 2016, Maschek, C-341/15, EU:C:2016:576, point 34 et jurisprudence citée) (point 57).
21. Cette finalité, qui distingue le droit au congé annuel payé d'autres types de congés poursuivant des finalités différentes, est basée sur la prémisse que le travailleur a effectivement travaillé au cours de la période de référence. En effet, l'objectif de permettre au travailleur de se reposer suppose que ce travailleur ait exercé une activité justifiant, pour assurer la protection de sa sécurité et de sa santé visée par la directive 2003/88, le bénéfice d'une période de repos, de détente et de loisirs. Partant, les droits au congé annuel payé doivent en principe être déterminés en fonction des périodes de travail effectif accomplies en vertu du contrat de travail (arrêt du 4 octobre 2018, Dicu, C-12/17, EU:C:2018:799, point 28 et jurisprudence citée) (point 58).
22. Dès lors, la période comprise entre la date du licenciement illégal et la date de la réintégration du travailleur dans son emploi, conformément au droit national, à la suite de l'annulation de ce licenciement par une décision judiciaire, doit être assimilée à une période de travail effectif aux fins de la détermination des droits au congé annuel payé (point 69).
23. Enfin, la Cour de justice a précisé, que, dans l'hypothèse où le travailleur concerné a occupé un autre emploi au cours de la période comprise entre la date du licenciement illégal et celle de sa réintégration dans son premier emploi, ce travailleur ne saurait prétendre, à l'égard de son premier employeur, aux droits au congé annuel correspondant à la période pendant laquelle il a occupé un autre emploi (points 79 et 88).
24. Selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation (Soc., 14 novembre 2018, pourvoi n° 17-14.932, publié), pour percevoir sa pension de retraite, le salarié doit rompre tout lien professionnel avec son employeur. Il en résulte que le salarié dont le contrat a été rompu par l'employeur et qui a fait valoir ses droits à la retraite ne peut ultérieurement solliciter sa réintégration dans son emploi ou dans un emploi équivalent. Dans ce cas, le salarié qui a fait valoir ses droits à la retraite, rendant ainsi impossible sa réintégration, a droit au titre de la violation du statut protecteur à la rémunération qu'il aurait perçue depuis la date de son éviction jusqu'à celle de son départ à la retraite (Soc., 13 février 2019, pourvoi n° 16-25.764 publié).
25. A cet égard, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une législation nationale, telle que celle en cause au principal, qui prive du droit à une indemnité financière pour congé annuel payé non pris le travailleur dont la relation de travail a pris fin suite à sa demande de mise à la retraite et qui n'a pas été en mesure d'épuiser ses droits avant la fin de cette relation de travail (CJUE, 20 juillet 2016, Maschek, aff. C-341/15).
26. La Cour de justice a précisé, dans les motifs de sa décision, que l'article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88, tel qu'interprété par la Cour, ne pose aucune condition à l'ouverture du droit à une indemnité financière autre que celle tenant au fait, d'une part, que la relation de travail a pris fin et, d'autre part, que le travailleur n'a pas pris tous les congés annuels payés auxquels il avait droit à la date où cette relation a pris fin (arrêt du 12 juin 2014, Bollacke, C-118/13, EU:C:2014:1755, point 23). Il s'ensuit, conformément à l'article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88, qu'un travailleur, qui n'a pas été en mesure de prendre tous ses droits à congé annuel payé avant la fin de sa relation de travail, a droit à une indemnité financière pour congé annuel payé non pris. N'est pas pertinent, à cet égard, le motif pour lequel la relation de travail a pris fin. Dès lors, la circonstance qu'un travailleur mette, de son propre chef, fin à sa relation de travail, n'a aucune incidence sur son droit de percevoir, le cas échéant, une indemnité financière pour les droits au congé annuel payé qu'il n'a pas pu épuiser avant la fin de sa relation de travail (points 27 à 29).
27. Il en résulte que, lorsque le salarié protégé, dont le licenciement est nul en l'absence d'autorisation administrative de licenciement et qui a demandé sa réintégration, a fait valoir, ultérieurement, ses droits à la retraite, rendant ainsi impossible sa réintégration dans l'entreprise, l'indemnité due au titre de la violation du statut protecteur ouvre droit au paiement, au titre des congés payés afférents, à une indemnité compensatrice de congés payés. Dans l'hypothèse où le salarié a occupé un autre emploi au cours de la période comprise entre la date du licenciement illégal et celle de son départ à la retraite, il ne saurait toutefois prétendre, à l'égard de son premier employeur, aux droits au congé annuel correspondant à la période pendant laquelle il a occupé un autre emploi.
28. Après avoir fixé l'indemnité pour violation du statut protecteur due au salarié au montant de la rémunération dont ce dernier a été privé entre son éviction de l'entreprise et son départ à la retraite le 30 juin 2019, l'arrêt retient que cette indemnité n'ouvre pas droit à congés payés.
29. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
30. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef du dispositif de l'arrêt ayant rejeté la demande du salarié en paiement des heures supplémentaires entraîne la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt rejetant les demandes du salarié au titre des contreparties obligatoires en repos et au titre de l'indemnité pour travail dissimulé, ainsi que des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant la société à payer au salarié les sommes de 4 129,58 euros à titre de rappel de salaire durant la période de mise à pied à titre conservatoire, de 412,95 euros correspondant aux congés payés afférents et de 160 577,12 euros à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur et ordonnant à la société de remettre au salarié un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
Soc. 21 septembre 2022 n° 20-23.485
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CDS
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 21 septembre 2022
Cassation partielle
M. SCHAMBER, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 979 F-D
Pourvoi n° R 20-23.485
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 21 SEPTEMBRE 2022
Mme [Y] [Z], domiciliée [Adresse 2], [Localité 4], a formé le pourvoi n° R 20-23.485 contre l'arrêt rendu le 23 juin 2020 par la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion (chambre sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à l'association Île de La Réunion tourisme (IRT), dont le siège est [Adresse 6], [Localité 5],
2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 3],
défendeurs à la cassation.
L'association Île de La Réunion tourisme a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation également annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de Me Carbonnier, avocat de Mme [Z], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de l'association Île de La Réunion tourisme, après débats en l'audience publique du 22 juin 2022 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de La Réunion, 23 juin 2020), Mme [Z] a été engagée, le 20 août 2010, par l'association Île de La Réunion tourisme (IRT) en qualité de secrétaire générale. Elle a été promue directrice par interim à compter du 20 janvier 2014.
2. La salariée a été licenciée le 16 novembre 2015.
3. Elle a saisi la juridiction prud'homale, le 9 décembre 2016, afin de contester le bien-fondé de son licenciement et obtenir le paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.
Recevabilité du pourvoi incident de l'employeur contestée par la défense
4. La salariée soutient que l'employeur, ayant déposé un pourvoi principal à l'encontre de l'arrêt du 23 juin 2020 et s'en étant désisté le 25 novembre 2020, ce dont il lui a été donné acte par décision du 7 janvier 2021, le pourvoi incident qu'il entend former est irrecevable par application de l'article 621 du code de procédure civile.
5. Cependant, le pourvoi incident de l'employeur, formé le 23 juin 2021 dans les formes et délais prévus par l'article 1010 du code de procédure civile, postérieurement à la constatation par ordonnance du premier président de son désistement du pourvoi principal qu'il avait précédemment introduit, est recevable, par application des articles 1025 et 403 du code de procédure civile, dès lors que le pourvoi principal dirigé contre le même arrêt par une autre partie, Mme [Z], le 23 décembre 2020, est lui-même recevable.
Examen des moyens
Sur les deuxième et troisième moyens du pourvoi principal de la salariée et les deux moyens du pourvoi incident de l'employeur, ci-après annexés
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
7. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, outre les congés payés afférents, ainsi que de sa demande en indemnité pour travail dissimulé, alors « qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié et au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; que Mme [Z] présentait un décompte précis des heures supplémentaires dont elle sollicitait le règlement, faisant valoir qu'elle travaillait 70 heures par semaine soit 5 145 heures supplémentaires du 10 janvier 2011 au 16 novembre 2015 ; qu'en la déboutant de sa demande en l'état d'une insuffisance probatoire, la cour d'appel a fait peser exclusivement la charge de la preuve sur la salariée et a violé l'article L. 3171-4 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :
8. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
9. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
10. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
11. Pour débouter la salariée de sa demande au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents, l'arrêt retient que la privation d'effet de la clause de forfait-jours ne modifie en rien le régime probatoire applicable aux heures supplémentaires, la salariée devant étayer sa demande. Il énonce que la salariée affirme avoir travaillé soixante-dix heures par semaine du 10 janvier 2011 au 16 novembre 2015 (à compter de la clause de forfait-jours et jusqu'au licenciement), qu'elle liquide sa demande sur cette base sans tenir compte de la prescription triennale, qu'elle invoque le fait que l'employeur l'a soumise à une convention de forfait en jours sans le moindre contrôle, ce qui l'a empêchée « d'anticiper et de pointer » les heures travaillées. Il retient que l'argument est inopérant puisque la salariée n'avait pas à prouver la réalité des heures travaillées mais simplement à étayer sa demande. Il relève que la salariée ne sollicite ou ne fait référence à aucune heure supplémentaire pour la période antérieure à la mise en place du forfait, alors qu'il n'y avait eu aucun changement de fonction, étant rappelé que sa promotion au poste de directrice par intérim était intervenue le 20 janvier 2014, que les bulletins de paye qu'elle produit confirment l'absence d'heures supplémentaires pour la période antérieure à la mise en place du forfait, que, pour le reste, elle ne produit et ne se réfère à aucun élément de nature à étayer sa demande.
12. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la salariée présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur la seule salariée, a violé le texte susvisé.
Soc. 6 juillet 2022 n° 21-15.676
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
LG
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 6 juillet 2022
Cassation partielle
M. SCHAMBER, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 836 F-D
Pourvoi n° Y 21-15.676
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 JUILLET 2022
La société Altran technologies, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Y 21-15.676 contre l'arrêt rendu le 3 mars 2021 par la cour d'appel de Versailles (17e chambre), dans le litige l'opposant à M. [K] [J], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ala, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Altran technologies, après débats en l'audience publique du 25 mai 2022 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ala, conseiller référendaire rapporteur, M. Sornay, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 3 mars 2021), M. [J] a été engagé à compter du 18 novembre 2013 par la société Altran technologies en qualité de consultant junior statut cadre position 1-2 coefficient 100.
2. Licencié le 11 décembre 2015, il a saisi la juridiction prud'homale afin de contester la rupture du contrat de travail et de demandes se rapportant à l'exécution du contrat.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen
Enoncé du moyen
4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à verser un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires outre congés payés afférents, alors « qu'en présence d'une convention de forfait de salaire irrégulière, le décompte et le paiement des heures supplémentaires doit s'effectuer selon le droit commun, au regard de la durée légale hebdomadaire de 35 heures ou de la durée considérée comme équivalente et que, lorsqu'il a été rémunéré sur la base du nombre d'heures stipulé dans la convention de forfait en heures reconnue irrégulière, le salarié ne peut prétendre entre la 35ème et la dernière heure de ce forfait, au paiement du salaire de base une deuxième fois, mais peut uniquement prétendre aux majorations afférentes aux heures supplémentaires, effectuées au-delà de la durée légale, dont le juge doit vérifier l'existence et le nombre ; qu'au cas présent, il résulte des constatations de l'arrêt que, d'une part, le contrat de travail prévoit une rémunération forfaitaire incluant les heures de travail accomplies dans la limite de 38 heures 30 et que, d'autre part, les bulletins de paie mentionnent une durée du travail de 38 heures 30 ; qu'en jugeant néanmoins que l'employeur ne pouvait se prévaloir de la rémunération versée en application de la convention de forfait irrégulière pour prétendre que les heures accomplies jusqu'à 38 heures 30 avait déjà été rémunérées, la cour d'appel a condamné l'employeur à payer une deuxième fois les mêmes heures de travail, en violation des articles L. 3171-4 et L. 3121-1 du code du travail tels qu'applicables au litige et de l'article 1234 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3121-22 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, les articles L. 3121-33, L. 3171-4 du même code, l'article 1234 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, l'article 1342 du même code :
12. Lorsqu'une convention de forfait en heures est déclarée inopposable, le décompte et le paiement des heures supplémentaires doit s'effectuer selon le droit commun, au regard de la durée légale de trente-cinq heures hebdomadaires ou de la durée considérée comme équivalente.
13.En application du premier de ces textes, toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur.
14. Selon les derniers de ces textes, le paiement entraîne l'extinction de l'obligation.
15. Pour condamner l'employeur au paiement de sommes au titre d'un rappel de salaire pour heures supplémentaires outre congés payés afférents, l'arrêt, après avoir dit que la convention de forfait en heures était nulle et constaté l'accomplissement de 3 h 30 supplémentaires par semaine, retient que l'employeur ne peut pas prétendre que le salaire versé forfaitairement a rémunéré toutes les heures de travail accomplies jusqu'à 38 h 30 chaque semaine au motif que son montant était supérieur au minimum conventionnel applicable, ce qui ne permettrait pas au salarié de présenter une demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, puisque la cour a estimé que le salarié était soumis à une durée de travail de 35 heures hebdomadaires.
16. En se déterminant ainsi, sans vérifier, dans le cadre des comptes à faire à la suite de sa décision d'invalidité du forfait en heures, si la rémunération contractuelle versée par l'employeur en exécution du forfait irrégulier n'avait pas eu pour effet d'opérer paiement, fût-ce partiellement, des heures de travail accomplies au-delà de la trente-cinquième heure dans le cadre du décompte de droit commun de la durée du travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Portée et conséquences de la cassation
17. La cassation du chef de dispositif en que qu'il condamne l'employeur à verser un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires outre congés payés afférents, sous déduction d'une somme correspondant à la restitution des jours de repos, n'emporte pas cassation des chefs de dispositif condamnant les sociétés aux dépens ainsi qu'à verser une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations non remises en cause. En revanche, elle emporte cassation du chef de dispositif qui condamne M. [J] à verser à la société Altran technologies les somme de 1 784,80 euros au titre des jours de réduction du temps de travail et jours non travaillés, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
Soc. 6 juillet 2022 n° 21-10.638
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CDS
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 6 juillet 2022
Cassation partielle
M. SCHAMBER, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 835 F-D
Pourvoi n° X 21-10.638
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 JUILLET 2022
La société Altran technologies, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° X 21-10.638 contre l'arrêt rendu le 6 janvier 2021 par la cour d'appel de Versailles (19e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [E] [S], domicilié [Adresse 2],
2°/ à la Fédération nationale CGT des sociétés d'études de conseil et de prévention, dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
M. [S] et la Fédération nationale CGT des sociétés d'études de conseil et de prévention ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Les demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, les trois moyens de cassation également annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ala, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Altran technologies, de la SCP Didier et Pinet, avocat de M. [S] et de la Fédération nationale CGT des sociétés d'études de conseil et de prévention, après débats en l'audience publique du 25 mai 2022 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ala, conseiller référendaire rapporteur, M. Sornay, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 6 janvier 2021), M. [S] a été engagé à compter du 19 septembre 2011 par la société Altran technologies en qualité d'ingénieur d'études, statut cadre, position 1.2, coefficient 100.
2. La convention collective applicable à la relation de travail est la convention collective nationale du personnel des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, dite Syntec.
3. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes se rapportant à l'exécution du contrat de travail.
4. La Fédération nationale CGT des sociétés d'études de conseil et de prévention (le syndicat), est intervenue volontairement à l'instance.
5. Le salarié a été licencié le 4 avril 2016.
Examen des moyens
Sur le premier moyen du pourvoi principal de l'employeur, les premier, deuxième et troisième moyens du pourvoi incident du salarié, ci-après annexés
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le deuxième moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
7. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à verser un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires outre congés payés et prime de vacances afférents, sauf à déduire une somme correspondant à la restitution des jours de repos, alors « qu'en présence d'une convention de forfait de salaire irrégulière, le décompte et le paiement des heures supplémentaires doit s'effectuer selon le droit commun, au regard de la durée légale hebdomadaire de 35 heures ou de la durée considérée comme équivalente et que, lorsqu'il a été rémunéré sur la base du nombre d'heures stipulé dans la convention de forfait en heures reconnue irrégulière, le salarié ne peut prétendre entre la 35ème et la dernière heure de ce forfait, au paiement du salaire de base une deuxième fois, mais peut uniquement prétendre aux majorations afférentes aux heures supplémentaires, effectuées au-delà de la durée légale, dont le juge doit vérifier l'existence et le nombre ; qu'au cas présent, il résulte des constatations de l'arrêt que, d'une part, le contrat de travail prévoit une rémunération forfaitaire incluant les heures de travail accomplies dans la limite de 38 heures 30 et que, d'autre part, les bulletins de paie mentionnent une durée du travail de 38 heures 30 ; qu'en jugeant néanmoins qu' en raison de l'inopposabilité des conventions de forfait contenues dans les contrats de travail, les heures de travail accomplies par les salariés au-delà de la durée légale du temps de travail n'ont pas été rémunérées" et que c'est donc à tort que les sociétés demandent à titre subsidiaire de limiter leurs condamnations aux seules majorations pour heures supplémentaires", la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations et a condamné l'employeur à payer deux fois les mêmes heures de travail, en violation des articles L. 3171-4 et L. 3121-1 du code du travail tels qu'applicables au litige et de l'article 1234 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3121-22 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, les articles L. 3121-33, L. 3171-4 du même code, l'article 1234 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, l'article 1342 du même code :
8. Lorsqu'une convention de forfait en heures est déclarée inopposable, le décompte et le paiement des heures supplémentaires doit s'effectuer selon le droit commun, au regard de la durée légale de trente-cinq heures hebdomadaires ou de la durée considérée comme équivalente.
9. En application du premier de ces textes, toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur.
10. Selon les derniers textes, le paiement entraîne l'extinction de l'obligation.
11. Pour dire que le salarié a droit au paiement d'heures supplémentaires, outre les congés payés et la prime de vacances afférents, l'arrêt, après avoir dit que la convention de forfait en heures était inopposable au salarié et constaté l'accomplissement de 3 h 30 supplémentaires par semaine, retient qu'en raison de l'inopposabilité de la convention de forfait contenue dans le contrat de travail, les heures de travail accomplies par le salarié au-delà de la durée légale du temps de travail n'ont pas été rémunérées et que c'est à tort que l'employeur demande à titre subsidiaire de limiter sa condamnation aux seules majorations pour heures supplémentaires.
12. En se déterminant ainsi, sans vérifier, dans le cadre des comptes à faire à la suite de sa décision d'inopposabilité du forfait en heures, si la rémunération contractuelle versée par l'employeur en exécution du forfait irrégulier n'avait pas eu pour effet d'opérer paiement, fût-ce partiellement, des heures de travail accomplies au-delà de la trente-cinquième heure dans le cadre du décompte de droit commun de la durée du travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Et sur le troisième moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
13. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à verser au syndicat des dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de l'atteinte aux intérêts de la profession, alors « que la cassation à intervenir sur l'un des deux premiers moyens entraînera par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation de l'arrêt en ce qu'il a prononcé une condamnation a profit de la fédération nationale CGT des sociétés d'étude de conseil et de prévention au titre de l'atteinte portée aux intérêts de la profession. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 624 du code de procédure civile :
14. La cassation sur le deuxième moyen du pourvoi principal se rapportant au rappel de salaire pour heures supplémentaires outre congés payés et prime de vacances afférents entraîne la cassation du chef de dispositif critiqué par le troisième moyen, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
Portée et conséquences de la cassation
15. La cassation du chef de dispositif qui condamne l'employeur à verser un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires outre congés payés et prime de vacances afférents, sous déduction d'une somme correspondant à la restitution des jours de repos, n'emporte pas cassation des chefs de dispositif condamnant les sociétés aux dépens ainsi qu'à verser une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations non remises en cause. En revanche, elle emporte cassation du chef de dispositif ordonnant la remise de documents conformes.
Soc. 6 juillet 2022 n° 21-10.627
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
OR
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 6 juillet 2022
Cassation partielle
M. SCHAMBER, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 834 F-D
Pourvoi n° K 21-10.627
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 JUILLET 2022
1°/ la société Altran technologies, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 180],
2°/ la société Altran lab, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 180],
ont formé le pourvoi n° K 21-10.627 contre l'arrêt rendu le 18 novembre 2020 par la cour d'appel de Versailles (19e chambre), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [YL] [O], domicilié [Adresse 12],
2°/ à M. [H] [X], domicilié [Adresse 50],
3°/ à Mme [YS] [N], épouse [DM], domiciliée [Adresse 29],
4°/ à M. [YI] [B] [VE], domicilié [Adresse 21],
5°/ à M. [G] [D], domicilié [Adresse 103],
6°/ à Mme [HF] [M], épouse [XV], domiciliée [Adresse 13],
7°/ à M. [AO] [E], domicilié [Adresse 51],
8°/ à M. [HG] [C], domicilié [Adresse 123],
9°/ à M. [HX] [ML], domicilié [Adresse 94],
10°/ à M. [KK] [EZ], domicilié [Adresse 142],
11°/ à M. [WD] [ZV], domicilié [Adresse 55],
12°/ à M. [R] [UY], domicilié [Adresse 166],
13°/ à M. [ZM] [YC], domicilié [Adresse 175],
14°/ à M. [GS] [ID], domicilié [Adresse 172],
15°/ à M. [DH] [ID], domicilié [Adresse 79],
16°/ à M. [GR] [NX], domicilié [Adresse 126],
17°/ à M. [IE] [JO], domicilié chez M. [CW], [Adresse 145],
18°/ à M. [VU] [OE], domicilié [Adresse 108],
19°/ à M. [Y] [ZG] [IZ], domicilié [Adresse 59],
20°/ à M. [ZX] [HW], domicilié [Adresse 37],
21°/ à Mme [TG] [DG], domiciliée [Adresse 149],
22°/ à M. [TV] [ZN], domicilié [Adresse 167],
23°/ à Mme [WI] [WJ], épouse [XA], domiciliée [Adresse 32],
24°/ à M. [PY] [TF], domicilié [Adresse 61],
25°/ à M. [XL] [RU], domicilié [Adresse 112],
26°/ à M. [JI] [ES], domicilié chez [TW] [ES], [Adresse 87],
27°/ à M. [ER] [JW], domicilié [Adresse 26],
28°/ à M. [CY] [PI], domicilié [Adresse 168],
29°/ à Mme [HA] [ME], domiciliée [Adresse 113],
30°/ à M. [ON] [LH], domicilié [Adresse 128],
31°/ à Mme [GC] [KT], domiciliée [Adresse 98],
32°/ à M. [JI] [MT], domicilié [Adresse 182],
33°/ à M. [WD] [PX], domicilié [Adresse 170],
34°/ à M. [MC] [JH], domicilié [Adresse 38],
35°/ à M. [WR] [GD], domicilié [Adresse 74],
36°/ à M. [XE] [FG], domicilié [Adresse 86],
37°/ à M. [ER] [SI], domicilié [Adresse 130],
38°/ à Mme [LX] [VM], domiciliée [Adresse 173],
39°/ à M. [LA] [WY], domicilié [Adresse 49],
40°/ à M. [ED] [IK], domicilié [Adresse 114],
41°/ à M. [KJ] [NP], domicilié [Adresse 54],
42°/ à M. [V] -[AM], domicilié [Adresse 171],
43°/ à M. [XW] [XN], domicilié [Adresse 110],
44°/ à M. [YJ] [CZ], domicilié [Adresse 47],
45°/ à M. [YJ] [WC], domicilié [Adresse 120],
46°/ à M. [GL] [DS], domicilié [Adresse 162],
47°/ à M. [FN] [CJ], domicilié [Adresse 8],
48°/ à M. [UA] [UR], domicilié [Adresse 177],
49°/ à M. [DX] [RM], domicilié [Adresse 65],
50°/ à M. [HI] [EK], domicilié [Adresse 30],
51°/ à Mme [P] [SX], domiciliée [Adresse 91],
52°/ à M. [XH] [NA], domicilié [Adresse 161],
53°/ à M. [MF] [RE], domicilié [Adresse 93],
54°/ à M. [Z] [FW], domicilié [Adresse 127],
55°/ à M. [S] [AF], domicilié [Adresse 27],
56°/ à M. [CF] [SP], domicilié [Adresse 82],
57°/ à Mme [OM] [SP], domiciliée [Adresse 151],
58°/ à M. [UZ] [UB], domicilié [Adresse 111],
59°/ à M. [XG] [IS], domicilié [Adresse 25],
60°/ à M. [HI] [IT], domicilié [Adresse 116],
61°/ à M. [TL] [AX], domicilié [Adresse 18],
62°/ à M. [TM] [HH], domicilié [Adresse 92],
63°/ à M. [WR] [BZ], domicilié [Adresse 67],
64°/ à M. [CS] [EC], domicilié [Adresse 70],
65°/ à M. [MC] [YZ], domicilié [Adresse 144],
66°/ à M. [FA] [DK], domicilié [Adresse 152],
67°/ à M. [WX] [CR], domicilié [Adresse 28],
68°/ à M. [VF] [BO], domicilié [Adresse 63],
69°/ à M. [KZ] [LW], domicilié [Adresse 106],
70°/ à M. [WT] [NI], domicilié [Adresse 136],
71°/ à M. [ER] [NH], domicilié [Adresse 11],
72°/ à M. [IY] [RL], domicilié [Adresse 90],
73°/ à M. [HG] [AW], domicilié [Adresse 129],
74°/ à M. [LI] [FV], domicilié [Adresse 150],
75°/ à M. [LB] [WB], domicilié [Adresse 178],
76°/ à M. [J] [UI], domicilié [Adresse 7],
77°/ à M. [WD] [XM], domicilié [Adresse 134],
78°/ à M. [JI] [AN] [YY], domicilié [Adresse 109],
79°/ à M. [FF] [XF] [YR], domicilié [Adresse 135],
80°/ à Mme [SY] [NB], domiciliée [Adresse 117],
81°/ à M. [NJ] [PA], domicilié [Adresse 9],
82°/ à M. [OL] [BS], domicilié [Adresse 41],
83°/ à M. [KM] [EJ], domicilié [Adresse 45],
84°/ à M. [LY] [CK], domicilié [Adresse 60],
85°/ à M. [ON] [VN], domicilié [Adresse 72],
86°/ à M. [OU] [DD], domicilié [Adresse 2],
87°/ à M. [JI] [VV], domicilié [Adresse 24],
88°/ à M. [UJ] [UC], domicilié [Adresse 133],
89°/ à M. [SB] [JX], domicilié [Adresse 10],
90°/ à M. [XG] [HN], domicilié [Adresse 84],
91°/ à M. [CI] [XU], domicilié [Adresse 64],
92°/ à M. [JN] [BB], domicilié [Adresse 42],
93°/ à M. [Y] [MD], domicilié [Adresse 66],
94°/ à M. [IU] [UH] [ZF] [ZU] [GT], domicilié [Adresse 143],
95°/ à M. [UX] [BU], domicilié [Adresse 154],
96°/ à M. [HI] [ZW], domicilié [Adresse 95],
97°/ à M. [CI] [YK], domicilié [Adresse 58],
98°/ à M. [PB] [VG], domicilié [Adresse 31],
99°/ à M. [NN] [SC], domicilié [Adresse 15],
100°/ à M. [SW] [AB], domicilié [Adresse 146],
101°/ à M. [FP] [DF], domicilié [Adresse 14],
102°/ à Mme [CD] [HV], domiciliée [Adresse 56],
103°/ à M. [T] [CM], domicilié [Adresse 22],
104°/ à M. [XO] [SJ], domicilié [Adresse 46],
105°/ à M. [FO] [OF], domicilié [Adresse 83],
106°/ à M. [GK] [JG], domicilié [Adresse 71],
107°/ à M. [BF] [MK], domicilié [Adresse 34],
108°/ à M. [I] [AT], domicilié [Adresse 97],
109°/ à M. [ZO] [MU], domicilié [Adresse 169],
110°/ à M. [NN] [JP], domicilié [Adresse 6],
111°/ à M. [KD] [AD], domicilié [Adresse 39],
112°/ à M. [YD] [NW], domicilié [Adresse 96],
113°/ à Mme [YX] [SA], domiciliée [Adresse 3],
114°/ à M. [AU] [RT], domicilié [Adresse 43],
115°/ à M. [K] [YB], domicilié [Adresse 124],
116°/ à M. [SH] [EY], domicilié [Adresse 159],
117°/ à M. [PH] [GJ], domicilié [Adresse 5],
118°/ à M. [GZ] [MM], domicilié chez [MS] [PC] [PJ], [Adresse 33],
119°/ à M. [FH] [OD], domicilié [Adresse 52],
120°/ à M. [LR] [BD], domicilié [Adresse 157],
121°/ à M. [GB] [WK], domicilié [Adresse 68],
122°/ à M. [Z] [WS], domicilié [Adresse 75],
123°/ à M. [ER] [TN], domicilié [Adresse 40],
124°/ à M. [DL] [IC], domicilié [Adresse 132],
125°/ à M. [NR] [CU], domicilié [Adresse 140],
126°/ à M. [WP] [NY], domicilié [Adresse 44],
127°/ à M. [LP] [KU], domicilié [Adresse 104],
128°/ à M. [SO] [JI], domicilié [Adresse 176],
129°/ à M. [UK] [ET], domicilié [Adresse 57],
130°/ à M. [TV] [AL] [A], domicilié [Adresse 147],
131°/ à M. [EB] [PO], domicilié [Adresse 35],
132°/ à M. [NO] [TT], domicilié [Adresse 53],
133°/ à M. [SW] [LG], domicilié [Adresse 105],
134°/ à M. [LO] [GE], domicilié [Adresse 158],
135°/ à M. [SW] [ZH], domicilié [Adresse 76],
136°/ à M. [BF] [RN], domicilié [Adresse 16],
137°/ à M. [TE] [HP], domicilié [Adresse 122],
138°/ à M. [KF] [JV], domicilié [Adresse 156],
139°/ à M. [DH] [MZ], domicilié [Adresse 89],
140°/ à M. [NO] [JB], domicilié [Adresse 4],
141°/ à M. [SW] [CI], domicilié [Adresse 179],
142°/ à M. [VF] [OK], domicilié [Adresse 118],
143°/ à M. [DO] [PW], domicilié [Adresse 77],
144°/ à M. [HO] [VL], domicilié [Adresse 36],
145°/ à M. [BW] [YP], domicilié [Adresse 131],
146°/ à M. [PP] [FX], domicilié [Adresse 163],
147°/ à Mme [AK] [EL], domiciliée [Adresse 181],
148°/ à M. [PZ] [GY], domicilié [Adresse 101],
149°/ à Mme [W] [IJ], domiciliée [Adresse 121] (États-unis),
150°/ à M. [AA] [LN], domicilié [Adresse 155],
151°/ à M. [ED] [FM], domicilié [Adresse 174],
152°/ à M. [KJ] [ZA], domicilié [Adresse 165],
153°/ à M. [BK] [VW], domicilié [Adresse 17],
154°/ à Mme [JA] [SS], domiciliée [Adresse 85],
155°/ à M. [AG] [SZ], domicilié [Adresse 141],
156°/ à M. [RG] [OV], domicilié [Adresse 69],
157°/ à M. [IL] [US], domicilié [Adresse 125],
158°/ à M. [NG] [KC], domicilié [Adresse 151],
159°/ à M. [L] [CP], domicilié [Adresse 138],
160°/ à M. [TU] [OS], domicilié [Adresse 115],
161°/ à M. [KS] [RD], domicilié [Adresse 148],
162°/ à M. [UA] [VT], domicilié [Adresse 73],
163°/ à M. [ED] [EE], domicilié [Adresse 107],
164°/ à M. [RV] [LV], domicilié [Adresse 160],
165°/ à M. [KE] [FU], domicilié [Adresse 78],
166°/ à M. [ZO] [UD], domicilié [Adresse 119],
167°/ à M. [PR] [HB], domicilié [Adresse 102],
168°/ à M. [LA] [IM], domicilié [Adresse 164],
169°/ à M. [KL] [OZ], domicilié [Adresse 100],
170°/ à M. [WD] [EI], domicilié [Adresse 88],
171°/ à Mme [U] [RK], domiciliée [Adresse 81],
172°/ à Mme [RF] [UO], domiciliée [Adresse 137],
173°/ à M. [F] [WA], domicilié [Adresse 48],
174°/ à M. [LA] [ZE], domicilié [Adresse 62],
175°/ à M. [XH] [DE], domicilié [Adresse 23],
176°/ à M. [SR] [HM], domicilié [Adresse 19],
177°/ à M. [ER] [CE], domicilié [Adresse 153],
178°/ à Mme [IR] [LJ], domiciliée [Adresse 99],
179°/ à M. [BR] [AE], domicilié [Adresse 20],
180°/ à M. [ER] [JY], domicilié [Adresse 1],
181°/ à M. [BM] [BC], domicilié [Adresse 139],
182°/ à la Fédération nationale CGT des sociétés d'études de conseil et de prévention, dont le siège est [Adresse 80],
défendeurs à la cassation.
M. [O] et 180 autres salariés ainsi que la Fédération nationale CGT des sociétés d'études de conseil et de prévention ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Les demanderesses au pourvoi princial invoquent, à l'appui de leur recours les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Les demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, les quatre moyens de cassation également annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ala, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat des sociétés Altran technologies et la Altran lab, de la SCP Didier et Pinet, avocat de M. [O], et des 180 salariés ainsi que de la Fédération nationale CGT des sociétés d'études de conseil et de prévention, après débats en l'audience publique du 25 mai 2022 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ala, conseiller référendaire rapporteur, M. Sornay, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte aux sociétés Altran technologie et Altran lab du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme [HV], MM. [EC], [EJ], [DD] et [DE].
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 18 novembre 2020), M. [O] et 180 salariés de la société Altran technologies engagés en qualité de cadres étaient aux droits d'un contrat de travail qui comportait une convention de forfait sur une base de 38,30 heures par semaine.
3. La convention collective applicable aux relations de travail est la convention collective nationale du personnel des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, dite Syntec.
4. Les salariés ont saisi la juridiction prud'homale de demandes se rapportant à l'exécution de leur contrat de travail. 5. La Fédération nationale des personnels CGT des sociétés d'études de conseil et de prévention (le syndicat), est intervenue volontairement à l'instance.
Recevabilité des pourvois incidents de Mme [HV], MM. [EC], [EJ], [DD] et [DE], examinée d'office
Vu les articles 614, 1010 et 1024 du code de procédure civile :
6. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des textes susvisés.
7. Il résulte de l'application de ces textes, qu'est irrecevable le pourvoi incident formé par un défendeur postérieurement à la notification par le demandeur au pourvoi principal d'un désistement pur et simple de ce pourvoi formé à son encontre.
8. Le désistement des sociétés Altran technologies et Altran lab ayant été notifié au conseil de Mme [HV], MM. [EC], [EJ], [DD] et [DE] le 18 mai 2021, les pourvois incidents formés par ces derniers le 20 juillet 2021, soit postérieurement à la notification du désistement, sont irrecevables.
9. En conséquence de quoi, les pourvois incidents de Mme [HV], MM. [EC], [EJ], [DD] et [DE] ne sont pas recevables.
Examen des moyens
Sur le premier moyen du pourvoi principal des sociétés Altran technologies et Altran lab, les premier, deuxième, troisième et quatrième moyens du pourvoi incident des salariés et du syndicat, ci-après annexés
10. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le deuxième moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
11. La société Altran technologies fait grief à l'arrêt de la condamner à verser un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires outre congés payés et primes de vacances afférents, sauf à déduire une somme correspondant à la restitution des jours de repos, alors « qu'en présence d'une convention de forfait de salaire irrégulière, le décompte et le paiement des heures supplémentaires doit s'effectuer selon le droit commun, au regard de la durée légale hebdomadaire de 35 heures ou de la durée considérée comme équivalente et que, lorsqu'il a été rémunéré sur la base du nombre d'heures stipulé dans la convention de forfait en heures reconnue irrégulière, le salarié ne peut prétendre entre la 35ème et la dernière heure de ce forfait, au paiement du salaire de base une deuxième fois, mais peut uniquement prétendre aux majorations afférentes aux heures supplémentaires, effectuées au-delà de la durée légale, dont le juge doit vérifier l'existence et le nombre ; qu'au cas présent, il résulte des constatations de l'arrêt que, d'une part, les contrats de travail prévoient une rémunération forfaitaire incluant les heures de travail accomplies dans la limite de 38 heures 30 et que, d'autre part, les bulletins de paie mentionnent une durée du travail de 38 heures 30 ; qu'en jugeant néanmoins qu' « en raison de l'inopposabilité des conventions de forfait contenues dans les contrats de travail, les heures de travail accomplies par les salariés au-delà de la durée légale du temps de travail n'ont pas été rémunérées » et que « c'est donc à tort que les sociétés demandent à titre subsidiaire de limiter leurs condamnations aux seules majorations pour heures supplémentaires », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations et a condamné l'employeur à payer deux fois les mêmes heures de travail, en violation des articles L. 3171-4 et L. 3121-1 du code du travail tels qu'applicables au litige et de l'article 1234 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3121-22 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, les articles L. 3121-28, L. 3121-33, L. 3171-4 du même code, l'article 1234 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, l'article 1342 du même code :
12. Lorsqu'une convention de forfait en heures est déclarée inopposable, le décompte et le paiement des heures supplémentaires doit s'effectuer selon le droit commun, au regard de la durée légale de trente-cinq heures hebdomadaires ou de la durée considérée comme équivalente.
13.En application des deux premiers de ces textes, toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur.
14.Selon les derniers textes, le paiement entraîne l'extinction de l'obligation.
15. Pour dire que les salariés ont droit au paiement d'heures supplémentaires, outre les congés payés et la prime de vacances afférents, et condamner l'employeur au paiement de sommes à ce titre, l'arrêt, après avoir dit que la convention de forfait en heures était inopposable aux salariés et constaté l'accomplissement de 3h30 supplémentaires par semaine, retient qu'en raison de l'inopposabilité des conventions de forfait contenues dans les contrats de travail, les heures de travail accomplies par les salariés au-delà de la durée légale du temps de travail n'ont pas été rémunérées et que c'est à tort que l'employeur demande à titre subsidiaire de limiter sa condamnation aux seules majorations pour heures supplémentaires.
16. En se déterminant ainsi, sans vérifier, dans le cadre des comptes à faire à la suite de sa décision d'inopposabilité du forfait en heures, si la rémunération contractuelle versée par l'employeur en exécution du forfait irrégulier n'avait pas eu pour effet d'opérer paiement, fût-ce partiellement, des heures de travail accomplies au-delà de la trente-cinquième heure dans le cadre du décompte de droit commun de la durée du travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Et sur le troisième moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
17. Les sociétés Altran technologies et Altran lab font grief à l'arrêt de les condamner à verser au syndicat des dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de l'atteinte aux intérêts de la profession, alors « que la cassation à intervenir sur l'un des deux premiers moyens entraînera par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation de l'arrêt en ce qu'il a prononcé une condamnation a profit de la Fédération nationale CGT des sociétés d'étude de conseil et de prévention au titre de l'atteinte portée aux intérêts de la profession. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 624 du code de procédure civile :
18. La cassation sur le deuxième moyen du pourvoi principal se rapportant au rappel de salaire pour heures supplémentaires outre congés payés et prime de vacances afférents entraîne la cassation sur le chef de dispositif critiqué par le troisième moyen, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
Portée et conséquence de la cassation
19. La cassation du chef de dispositif qui condamne la société Altran technologies à verser un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires outre congés payés et prime de vacances afférents, sous déduction d'une somme correspondant à la restitution des jours de repos, n'emporte pas cassation des chefs de dispositif condamnant les sociétés aux dépens ainsi qu'à verser une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations non remises en cause. En revanche, elle emporte cassation du chef de dispositif condamnant la société Altran lab à remettre des documents conformes.
Soc. 6 juillet 2022 n° 21-15.189 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 6 juillet 2022
Cassation partielle
M. CATHALA, président
Arrêt n° 892 FP-B+R
Pourvoi n° U 21-15.189
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 JUILLET 2022
1°/ la société SIP, société en commandite simple, dont le siège est [Adresse 6],
2°/ la société Genzyme Polyclonals SAS, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 4],
3°/ la société Sanofi-Aventis groupe, société anonyme, dont le siège est [Adresse 6],
4°/ la société Sanofi chimie, société anonyme, dont le siège est [Adresse 7],
5°/ la société Sanofi Pasteur, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],
6°/ la société Sanofi Pasteur Europe, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2],
7°/ la société Sanofi Winthrop industrie, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],
8°/ la société Sanofi-Aventis France, société anonyme, dont le siège est [Adresse 7],
9°/ la société Sanofi-Aventis recherche & développement, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° U 21-15.189 contre l'arrêt rendu le 1er avril 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 2), dans le litige les opposant à la Fédération nationale des industries chimiques-CGT, dont le siège est [Adresse 5], défenderesse à la cassation.
La Fédération nationale des industries chimiques-CGT a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Les demanderesses au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Marguerite, conseiller référendaire et de M. Flores, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société SIP, de la société Genzyme Polyclonals SAS, de la société Sanofi-Aventis groupe, de la société Sanofi chimie, de la société Sanofi Pasteur, de la société Sanofi Pasteur Europe, de la société Sanofi Winthrop industrie, de la société Sanofi-Aventis France et de la société Sanofi-Aventis recherche & développement, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la Fédération nationale des industries chimiques-CGT, et l'avis de Mme Roques, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 2 juin 2022 où étaient présents, M. Cathala, président, Mme Marguerite, conseiller référendaire corapporteur, M. Flores, conseiller corapporteur, M, Huglo, conseiller doyen, Mme Farthouat-Danon, M. Schamber, Mme Mariette, MM. Rinuy. Ricour, Mme Van Ruymbeke, M. Pietton, Mmes Monge, Ott, Le Lay, conseillers, Mmes Ala, Lanoue, Valéry, conseillers référendaires, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application des articles R. 421-4-1 et R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 1er avril 2021), rendu en référé, par deux notes de service des 26 mars et 29 avril 2020, les sociétés Sanofi Winthrop industrie, Sanofi-Aventis France, Sanofi-Aventis groupe, Sanofi chimie, Genzyme Polyclonals SAS, Sanofi-Aventis recherche & développement, Sanofi Pasteur, SIP et Sanofi Pasteur Europe (les sociétés) ont décidé de la mise en oeuvre des dispositions des articles 2 et 4 de l'ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020 afin d'imposer la prise de jours de repos ou de jours épargnés sur le compte-épargne temps, d'une part, aux salariés qui ne pouvaient exercer leur activité en télétravail au cours du confinement et, d'autre part, aux salariés ne pouvant exercer leur activité en télétravail et maintenus à domicile, après le 4 mai 2020, pour garder un enfant de moins de 16 ans ou en raison de leur vulnérablité au covid-19 ou de celle d'une personne avec laquelle ils partagent leur domicile.
2. La Fédération nationale des industries chimiques-CGT (le syndicat) a saisi le juge des référés d'un tribunal judiciaire afin de faire cesser le trouble manifestement illicite résultant de la mise en oeuvre de ces notes de service et en rétablissement des droits des salariés concernés.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi incident du syndicat
Enoncé du moyen
3. Le syndicat fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande tendant à enjoindre aux sociétés de rétablir dans leurs droits les salariés concernés par les notes de service des 26 mars et 29 avril 2020 et notamment de recréditer les jours de RTT/OTT illégalement imposés et droits illégalement prélevés sur le compte épargne-temps desdits salariés, alors « que les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice et peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent ; qu'en s'abstenant de juger recevable la demande du syndicat tendant, sur le fondement de l'intérêt collectif de la profession, à ce qu'il soit ordonné aux sociétés employeurs de rétablir les salariés dans leurs droits atteints par le trouble manifestement illicite dument constaté, sans qu'il soit demandé la constitution de droits déterminés au profit de salariés nommément désignés, la cour d'appel a violé l'article L. 2132-3 du code du travail, ensemble l'article 835 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
4. Selon l'article L. 2132-3 du code du travail, les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.
5. Si un syndicat peut agir en justice pour contraindre un employeur à mettre fin à un dispositif irrégulier, au regard des articles 2 et 4 de l'ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020, de prise des jours de repos acquis au titre de la réduction du temps de travail ou d'une convention de forfait ou résultant de l'utilisation de droits affectés à un compte épargne-temps, sa demande tendant à obtenir que les salariés concernés soient rétablis dans leurs droits, ce qui implique de déterminer, pour chacun d'entre-eux, le nombre exact de jours de repos que l'employeur a utilisés au titre des mesures dérogatoires, qui n'a pas pour objet la défense de l'intérêt collectif de la profession, n'est pas recevable.
6. Le moyen, qui postule le contraire, n'est pas fondé.
Sur le second moyen du pourvoi principal des sociétés
Enoncé du moyen
7. Les sociétés font grief à l'arrêt de dire que les mesures prises par elles dans la note de service du 29 avril 2020 constituent un trouble manifestement illicite, alors :
« 1°/ que le dispositif d'activité partielle prévu par les articles L 5122-1 et suivants du code du travail, adapté dans le cadre de la crise sanitaire liée à la covid 19, constitue un dispositif facultatif pour l'employeur qui peut décider de ne pas y recourir et de dispenser d'activité ses salariés tout en leur maintenant l'intégralité de leur salaire, ce qui leur est plus favorable ; que les sociétés du groupe Sanofi faisaient valoir que depuis le début de la crise sanitaire, elles avaient fait le choix de ne pas recourir à l'activité partielle en plaçant en dispense d'activité tous leurs salariés se trouvant dans l'impossibilité de travailler, tout en leur maintenant à 100 % leur rémunération ; qu'en jugeant qu'étaient impératives les dispositions de l'article 20 de la loi de finance rectificative n° 2020-473 du 25 avril 2020 ayant substitué à compter du 1er mai 2020 pour les salariés empêchés de travailler pour garde d'enfants de moins de 16 ans ou en raison de leur vulnérabilité, le dispositif d'activité partielle au dispositif d'arrêt de travail dérogatoire dont ces salariés bénéficiaient jusqu'alors, pour en déduire que les sociétés du groupe Sanofi auraient dû les placer en activité partielle à compter de cette date et ne pouvaient en conséquence leur imposer la prise de jours de repos en application des articles 2 et 4 de l'ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020, la cour d'appel a violé l'article 20 de la loi de finances rectificative n° 2020-473 du 25 avril 2020, ensemble les dispositions des articles L. 5122-1 et suivantes du code du travail ;
2°/ que la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 a autorisé le gouvernement à prendre par ordonnances toute mesure relevant du domaine de la loi ‘'afin de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et aux conséquences des mesures prises pour limiter cette propagation, et notamment afin de prévenir et limiter la cessation d'activité des personnes physiques et morales exerçant une activité économique et des associations ainsi que ses incidences sur l'emploi'‘ ayant pour objet ‘'de permettre à tout employeur d'imposer ou de modifier unilatéralement les dates des jours de réduction du temps de travail, des jours de repos prévus par les conventions de forfait et des jours de repos affectés sur le compte-épargne temps du salarié, en dérogeant aux délais de prévenance et aux modalités d'utilisation définis au livre Ier de la troisième partie du code du travail, par les conventions et accords collectifs ainsi que par le statut général de la fonction publique'‘ ; qu'en application de cette disposition, les articles 2 et 4 de l'ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020 disposent que ‘'lorsque l'intérêt de l'entreprise le justifie eu égard aux difficultés économiques liées à la propagation du covid-19'‘, l'employeur peut imposer à des dates déterminées, la prise de jours de réduction du temps de travail, modifier unilatéralement la date de prise de ces jours ou imposer que les droits affectes sur le compte épargne-temps du salarié soient utilisés en jours de repos ; que cette faculté ouverte à ‘'tout employeur'‘ dans le cadre des mesures destinées à faire face à la crise économique nationale induite par la propagation de la covid 19, n'est pas subordonnée à la démonstration par l'employeur de difficultés économiques qui lui sont propres ; qu'en jugeant le contraire, pour en déduire que faute pour les sociétés du groupe Sanofi de démontrer être confrontées à des difficultés économiques, elles ne pouvaient avoir recours à ce dispositif dérogatoire en matière de jours de repos, la cour d'appel a violé l'article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 et les articles 2 et 4 de l'ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020. »
Réponse de la Cour
8. Aux termes de l'article 20,I, de la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020, sont placés en position d'activité partielle les salariés de droit privé se trouvant dans l'impossibilité de continuer à travailler pour l'un des motifs suivants : - le salarié est une personne vulnérable présentant un risque de développer une forme grave d'infection au virus SARS-CoV-2, selon des critères définis par voie réglementaire ; - le salarié partage le même domicile qu'une personne vulnérable au sens du deuxième alinéa du présent I ; - le salarié est parent d'un enfant de moins de seize ans ou d'une personne en situation de handicap faisant l'objet d'une mesure d'isolement, d'éviction ou de maintien à domicile.
9. Selon l'article 20,II, du même texte, les salariés mentionnés au I dudit article perçoivent à ce titre l'indemnité d'activité partielle mentionnée au II de l'article L. 5122-1 du code du travail, sans que les conditions prévues au I du même article L. 5122-1 soient requises, et leur employeur bénéficie de l'allocation d'activité partielle prévue au II de ce texte.
10. Ces dispositions fixent un régime d'ouverture de l'activité partielle, distinct de celui ouvert par les articles L. 5122-1 et R. 5122-1 du code du travail au regard de la situation de l'entreprise, qui est fondé sur la situation personnelle de certains salariés et qui s'applique à eux, sauf à ce que l'employeur assure le maintien de la rémunération et des avantages découlant du contrat de travail, malgré l'impossibilité de travailler de ces derniers.
11. Ainsi, les mesures des articles 2 à 5 de l'ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020, qui permettent à l'employeur, lorsque l'intérêt de l'entreprise le justifie au regard des difficultés économiques liées à la propagation du covid 19, d'imposer unilatéralement l'utilisation de droits à repos acquis, ne s'appliquent pas aux salariés qui se trouvent dans l'impossibilité de continuer à travailler au motif qu'ils relèveraient, en raison de leur situation personnelle, du régime d'activité partielle institué par l'article 20 de la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020.
12. Ayant décidé à bon droit que l'employeur ne pouvait se prévaloir des dispositions des articles 2 à 4 de l'ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020 pour traiter la situation des salariés relevant des dispositions de l'article 20,I, de la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020, la cour d'appel a pu décider que les mesures prévues par la note de service du 29 avril 2020 constituaient un trouble manifestement illicite.
13. Le moyen, inopérant en sa seconde branche, n'est donc pas fondé.
Mais sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
14. Les sociétés font grief à l'arrêt de dire que les mesures prises par elles dans la note de service du 26 mars 2020 constituent un trouble manifestement illicite, alors « que la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 a autorisé le gouvernement à prendre par ordonnances toute mesure relevant du domaine de la loi ‘'afin de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et aux conséquences des mesures prises pour limiter cette propagation, et notamment afin de prévenir et limiter la cessation d'activité des personnes physiques et morales exerçant une activité économique et des associations ainsi que ses incidences sur l'emploi'‘, ayant pour objet ‘'de permettre à tout employeur d'imposer ou de modifier unilatéralement les dates des jours de réduction du temps de travail, des jours de repos prévus par les conventions de forfait et des jours de repos affectés sur le compte épargne temps du salarié, en dérogeant aux délais de prévenance et aux modalités d'utilisation définis au livre Ier de la troisième partie du code du travail, par les conventions et accords collectifs ainsi que par le statut général de la fonction publique'‘ ; qu'en application de cette disposition, les articles 2 et 4 de l'ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020 disposent que ‘'lorsque l'intérêt de l'entreprise le justifie eu égard aux difficultés économiques liées à la propagation du covid-19'‘, l'employeur peut imposer, à des dates déterminées, la prise de jours de réduction du temps de travail, modifier unilatéralement la date de prise de ces jours ou imposer que les droits affectés sur le compte épargne-temps du salarié soient utilisés en jours de repos ; que cette faculté ouverte à ‘'tout employeur'‘ dans le cadre des mesures destinées à faire face à la crise économique nationale induite par la propagation de la covid 19, n'est pas subordonnée à la démonstration par l'employeur de difficultés économiques qui lui sont propres ; qu'en jugeant le contraire, pour en déduire que faute pour les sociétés du groupe Sanofi de démontrer être confrontées à des difficultés économiques, elles ne pouvaient avoir recours à ce dispositif dérogatoire en matière de jours de repos, la cour d'appel a violé l'article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 et les articles 2 et 4 de l'ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 2 à 5 de l'ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020 portant mesures d'urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos :
15. Selon les textes susvisés, lorsque l'intérêt de l'entreprise le justifie eu égard aux difficultés économiques liées à la propagation du covid-19, l'employeur peut, nonobstant les dispositions légales ou conventionnelles applicables, sous réserve de respecter un délai de prévenance d'au moins un jour franc, imposer la prise, dans la limite de dix jours, à des dates déterminées par lui, de jours de repos acquis par le salarié au titre de la réduction du temps de travail et qu'il pouvait fixer librement, des jours de repos prévus par une convention de forfait ou de jours de repos résultant de l'utilisation des droits affectés sur le compte épargne-temps du salarié. L'employeur peut, dans les mêmes conditions, modifier unilatéralement les dates de prise de jours de repos acquis au titre de la réduction du temps de travail ou d'une convention de forfait.
16. En cas de litige, il appartient au juge de vérifier que l'employeur, auquel incombe la charge de la preuve, justifie que les mesures dérogatoires, qu'il a adoptées en application des articles 2 à 5 de l'ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020, ont été prises en raison de répercussions de la situation de crise sanitaire sur l'entreprise.
17. Pour décider que les mesures prises par les sociétés par notes de service en date des 26 mars et 29 avril 2020 constituent un trouble manifestement illicite, l'arrêt relève que les sociétés invoquent la nécessité d'adapter leur organisation, face à une augmentation inattendue de l'absentéisme tenant au fait qu'une partie de leurs collaborateurs se trouvait à leur domicile sans pouvoir exercer leur activité en télétravail, d'aménager les espaces de travail et d'adapter le taux d'occupation des locaux en raison des conditions sanitaires. L'arrêt retient ensuite que les sociétés ne rapportent pas la preuve des difficultés économiques liées à la propagation du covid-19, les mesures d'adaptation dont elles excipent ne les caractérisant pas.
18. En se déterminant ainsi, par des motifs inopérants tirés de l'absence de preuve de difficultés économiques liées à la propagation du covid-19, sans préciser en quoi les éléments tirés de l'obligation d'adapter l'organisation du travail, face à une augmentation inattendue de l'absentéisme tenant au fait qu'une partie des salariés se trouvait à leur domicile sans pouvoir exercer leur activité en télétravail, de la nécessité d'aménager les espaces de travail et d'adapter le taux d'occupation des locaux en raison des conditions sanitaires, n'étaient pas de nature à justifier le recours aux mesures permises par les articles 2 à 5 de l'ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Soc. 6 juillet 2022 n° 20-15.656
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
OR
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 6 juillet 2022
Cassation partielle
M. SCHAMBER, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 823 F-D
Pourvoi n° F 20-15.656
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 JUILLET 2022
M. [T] [Z], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° F 20-15.656 contre l'arrêt rendu le 5 février 2020 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant à la société Milleis banque, société en commandite simple, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de Milleis patrimoine, anciennement dénommée Barclays patrimoine, défenderesse à la cassation.
La société Milleis banque a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Sornay, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [Z], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Milleis banque, après débats en l'audience publique du 25 mai 2022 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Sornay, conseiller rapporteur, M. Rouchayrole, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 5 février 2020), M. [Z] a été engagé le 3 juin 1994 en qualité de conseiller financier par la société Barclays patrimoine, devenue depuis la société Milleis patrimoine et en dernier lieu la société Milleis banque.
2. Le salarié a saisi le 16 décembre 2013 la juridiction prud'homale afin d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail et la condamnation de l'employeur à lui payer diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture de ce contrat.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi incident de l'employeur, pris en sa deuxième branche, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen du pourvoi incident de l'employeur, pris en ses première et troisième branches
Énoncé du moyen
4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié une certaine somme au titre du dépassement des 209 jours de travail prévus par la convention de forfait, outre les congés payés afférents, alors :
« 1°/ qu'aux termes de l'article L. 3121-45 du code du travail, dans sa rédaction applicable au jour du litige, le salarié peut, en accord avec son employeur, renoncer à une partie de ses jours de repos en contrepartie d'une majoration de son salaire ; que l'accord entre le salarié et l'employeur est établi par écrit ; qu'en se bornant à relever, pour condamner l'employeur à payer au salarié la somme de 6 088 € au titre du dépassement de la convention de forfait en jours ainsi que 608,80 € au titre des congés payés y afférents, que le salarié avait, en 2013, travaillé au-delà de la durée de travail définie par l'accord d'entreprise du 16 décembre 2004 et que les parties n'ayant rien prévu sur ce point, il y avait lieu de faire application des dispositions légales prévues à l'article L. 3121-45 du code du travail, sans constater l'existence d'un accord stipulant que le salarié avait renoncé à une partie de ses jours de repos, la cour d'appel a violé l'article L. 3121-45 du code du travail, dans sa rédaction alors en vigueur. »
« 3°/ que le même préjudice ne peut être réparé deux fois ; qu'en allouant à M. [Z] des congés payés sur les jours de réduction du temps de travail, quand elle avait constaté que les stipulations contractuelles prévoyaient que ses congés payés étaient inclus dans sa rémunération, la cour d'appel a réparé deux fois le même préjudice et violé le principe de la réparation intégrale, sans perte ni profit pour la victime. »
Réponse de la Cour
5. Selon l'article L. 3121-45 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, le salarié qui le souhaite peut, en accord avec son employeur, renoncer à une partie de ses jours de repos en contrepartie d'une majoration de son salaire. L'accord entre le salarié et l'employeur est établi par écrit. Le nombre de jours travaillés dans l'année ne peut excéder un nombre maximal fixé par l'accord prévu à l'article L. 3121-39. A défaut d'accord, ce nombre maximal est de deux cent trente-cinq jours. Un avenant à la convention de forfait conclue entre le salarié et l'employeur détermine le taux de la majoration applicable à la rémunération de ce temps de travail supplémentaire, sans qu'il puisse être inférieur à 10 %.
6. En l'absence de conclusion d'un tel accord, le juge fixe, dans le respect du minimum de 10 %, le montant de la majoration applicable à la rémunération due en contrepartie du temps de travail excédant le forfait convenu.
7. Après avoir constaté l'absence d'accord écrit entre les parties relatif à la renonciation à des jours de repos en contrepartie d'une majoration de salaire, la cour d'appel, appréciant les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, a retenu que le salarié a dépassé en 2013 le nombre de jours prévu par sa convention de forfait en jours sans que l'employeur ne mette rien en oeuvre pour éviter la surcharge de travail, faisant ainsi ressortir un accord implicite de l'employeur pour la réalisation de ces jours de travail supplémentaires, et a souverainement fixé le montant des salaires majorés dus à ce titre au salarié.
8. Par ailleurs, la cour d'appel n'ayant pas alloué des congés payés sur les jours de réduction du temps de travail, mais en raison des jours de travail en dépassement du forfait de 209 jours, le moyen, pris en sa troisième branche, manque par le fait qui lui sert de fondement.
9. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le premier moyen du pourvoi principal du salarié, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
10. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement d'une certaine somme à titre de remboursement de frais professionnels, alors « qu'il ne peut être contractuellement prévu que le salarié conserve la charge des frais professionnels moyennant le versement d'une somme fixée à l'avance de manière forfaitaire qu'à la double condition, d'une part, que cette somme forfaitaire ne soit pas manifestement disproportionnée au regard du montant réel des frais engagés, et, d'autre part, que la rémunération proprement dite du travail reste chaque mois au moins égale au SMIC ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, d'une part si la somme forfaitaire que l'employeur prétendait allouer n'était pas manifestement disproportionnée au regard du montant réel des frais engagés, et, d'autre part, si la rémunération proprement dite du travail n'était pas certains mois inférieure au SMIC, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe selon lequel les frais professionnels engagés par le salarié doivent être supportés par l'employeur et des articles 1103 et 1104 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu le principe selon lequel les frais professionnels engagés par le salarié doivent être supportés par l'employeur :
11. Selon ce principe, les frais qu'un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur, doivent lui être remboursés sans qu'ils puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due, à moins qu'il n'ait été contractuellement prévu qu'il en conserverait la charge moyennant le versement d'une somme fixée à l'avance de manière forfaitaire et à la condition, d'une part, que cette somme forfaitaire ne soit pas manifestement disproportionnée au regard du montant réel des frais engagés, et, d'autre part, que la rémunération proprement dite du travail reste chaque mois au moins égale au SMIC.
12. Après avoir constaté que le contrat de travail du salarié prévoit en son article 13 que tous les frais exposés par le conseiller dans le cadre de son activité, et notamment les frais de déplacement, sont à sa charge exclusive, le montant des rémunérations définies aux articles 10 et 11 tenant compte desdits frais, l'arrêt relève qu'un accord d'entreprise est intervenu le 22 février 2007 prévoyant en son article premier que conformément aux dispositions prévues à l'article 6 de l'arrêté du 25 juillet 2005, il est convenu que Barclays finance continuera à faire application pour le calcul des cotisations sociales dues aux conseillers financiers relevant de la catégorie des commis des prestataires de services d'investissement, de la déduction forfaitaire spécifique prévue à l'article 5 de l'annexe 4 du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur au 31 décembre 2000.
13. Retenant que l'employeur a ainsi opté pour la déduction forfaitaire spécifique pour les frais professionnels des conseillers financiers et que cette option s'impose donc au salarié pour la période postérieure à l'intervention de l'accord d'entreprise, l'arrêt en déduit que les frais professionnels litigieux ne sont pas restés à sa charge et que sa demande tendant à leur remboursement par l'employeur n'est pas fondée.
14. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le montant de l'avantage financier retiré par le salarié de la déduction forfaitaire spécifique ainsi effectuée par l'employeur n'était pas manifestement disproportionné au regard de celui des frais professionnels réellement engagés par l'intéressé, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Sur le deuxième moyen du pourvoi principal du salarié, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
15. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement d'une certaine somme à titre d'indemnité de congés payés, alors « que s'il n'est pas interdit aux parties de prévoir expressément dans le contrat de travail une rémunération mensuelle forfaitaire incluant l'indemnité de congés payés, sous réserve de ne pas aboutir pour le salarié à un résultat moins favorable que la stricte application des dispositions légales ou conventionnelles, c'est à la condition, pour un salarié payé à la commission, que soit prévue une majoration du taux desdites commissions ; qu'en jugeant l'employeur fondé à se prévaloir de l'inclusion de l'indemnité de congés payés dans la rémunération du salarié en l'état d'une clause prévoyant que le montant de ses émoluments tient compte de sa rémunération due pendant la durée de ses congés, sans pour autant prévoir une majoration du taux des commissions, la cour d'appel a violé les articles 1103 et 1104 du code civil ensemble l'article L. 3141-22 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 3141-22 et L. 3141-26 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, interprétés à la lumière de l'article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 :
16. Il résulte de ces textes que s'il est possible d'inclure l'indemnité de congés payés dans la rémunération forfaitaire lorsque des conditions particulières le justifient, cette inclusion doit résulter d'une clause contractuelle transparente et compréhensible, ce qui suppose que soit clairement distinguée la part de rémunération qui correspond au travail, de celle qui correspond aux congés, et que soit précisée l'imputation de ces sommes sur un congé déterminé devant être effectivement pris.
17. Pour débouter le salarié de sa demande de rappel d'indemnité de congés payés, l'arrêt retient que le contrat de travail prévoit que le montant des émoluments tient compte de sa rémunération pendant la durée des congés, sans mention explicite des termes « majoration des commissions correspondant au congés payés », mais que la mention prévue au contrat doit être lue comme majoration de la rémunération du fait de la prise en compte des congés payés, et que d'ailleurs les bulletins de paye du salarié depuis 2009 contiennent une ligne spécifique mentionnant la prise en compte de 1/10ème de son droit à congés payés.
18. L'arrêt en déduit que le salarié ne peut soutenir qu'il n'a pas été rémunéré durant ses congés, sa situation n'aboutissant nullement à un résultat moins favorable que l'application des règles relatives au calcul des congés payés.
19. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le contrat de travail, en son article 16, se bornait à stipuler que « le montant des émoluments définis aux articles 10 et 11 tient compte de la rémunération du conseiller pendant la durée de ses congés. Aucune indemnité ne lui sera versée à ce titre », ce dont il résultait que cette clause du contrat, qui ne précisait pas la répartition entre la rémunération et les congés payés, n'était ni transparente ni compréhensible, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Sur le troisième moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche, et quatrième moyen du pourvoi principal du salarié, réunis
Enoncé du moyen
20. Par son troisième moyen, pris en sa première branche, le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement de dommages-intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail, alors « qu'à l'appui de sa demande de dommages-intérêts au titre de exécution déloyale du contrat de travail, le salarié faisait notamment état du non-paiement des congés payés et des frais professionnels ; que la cassation à intervenir sur les précédents moyens de cassation, relatifs à ces manquements de l'employeur, emportera la cassation par voie de conséquence du chef du dispositif critiqué par le présent moyen en application des dispositions de l'article 624 du code de procédure civile ».
21. Par son quatrième moyen, le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande tendant à la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur et de ses demandes subséquentes, alors « que la résiliation judiciaire doit être prononcée dès lors que les manquements établis à l'encontre de l'employeur sont suffisamment graves pour justifier cette mesure ; que la cassation à intervenir sur les précédents moyens de cassation, relatifs aux manquements invoqués par le salarié à l'appui de sa demande de résiliation judiciaire et écartés à tort par la cour d'appel, ou sur l'un seul de ces moyens, emportera la cassation par voie de conséquence des chefs du dispositif critiqués par le présent moyen en application des dispositions de l'article 624 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 624 du code de procédure civile :
22. Les cassations prononcées au titre des deux premiers moyens du pourvoi principal entraînent, par voie de conséquence, celle du chef de dispositif de l'arrêt déboutant le salarié de ses demandes de dommages-intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail et en résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur et de ses demandes subséquentes, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
Portée et conséquence de la cassation
23. La cassation prononcée sur le quatrième moyen du pourvoi principal du salarié entraîne, par voie de conséquence en application de l'article 624 du code de procédure civile, celle des chefs du dispositif de l'arrêt disant que le licenciement économique du salarié repose sur une cause réelle et sérieuse et le déboutant de ses demandes subséquentes, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
Soc. 6 juillet 2022 n° 20-17.287
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CDS
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 6 juillet 2022
Cassation partielle
M. SCHAMBER, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 826 F-D
Pourvoi n° D 20-17.287
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 JUILLET 2022
M. [Y] [Z], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 20-17.287 contre l'arrêt rendu le 30 avril 2020 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre, section 2), dans le litige l'opposant à la société Magellis consultants, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Rouchayrole, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [Z], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Magellis consultants, après débats en l'audience publique du 25 mai 2022 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rouchayrole, conseiller rapporteur, M. Sornay, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 30 avril 2020), M. [Z] a été engagé le 1er février 2005 par la société Magellis consultants (la société) en qualité de consultant senior manager, puis de directeur de l'agence de Toulouse.
2. Il a été licencié le 14 mars 2016 et a saisi, le 13 septembre suivant, la juridiction prud'homale de diverses demandes liées à l'exécution et à la rupture du contrat de travail.
Examen des moyens
Sur les troisième et quatrième moyens, ci-après annexés
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
4. Le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande indemnitaire pour licenciement brutal et vexatoire, alors « que le licenciement peut causer au salarié, en raison des circonstances brutales ou vexatoires qui l'ont accompagné, un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi et dont il est fondé à demander réparation ; que le licenciement -notamment lorsqu'il est reconnu ultérieurement comme dépourvu de fondement- prononcé avec une précipitation inutile ou dans des conditions de célérité anormales, voire suspectes, revêt un caractère, non seulement brutal, mais encore vexatoire, qui est d'autant plus amplifié par la circonstance que le salarié bénéficie d'une ancienneté notable ou occupe un poste important dans l'entreprise, que ce soit en termes de positionnement hiérarchique ou historique ; qu'en l'espèce, M. [Z] -qui justifiait alors de plus de dix ans d'ancienneté et avait participé à l'important développement de l'agence de [Localité 4], laquelle comptait en dernier lieu 25 collaborateurs, qu'il dirigeait- faisait expressément valoir que son licenciement lui avait été notifié dans des conditions brutales et vexatoires dans la mesure où il lui avait été notifié, moins d'un mois après la nomination du nouveau président de la société et la reprise de l'entreprise par le groupe Segeco, en conséquence de son refus de signer un nouveau contrat de travail abaissant sa rémunération de 168.000 euros annuels à 90.000 euros annuels et d'accepter le rachat de ses parts sociales pour un montant dérisoire ; qu'il ajoutait que son éviction avait été particulièrement brutale dans la mesure où, bien qu'ayant été congédié pour cause réelle et sérieuse et un motif non disciplinaire, il avait été dispensé de préavis, de sorte qu'il avait été contraint de disparaître de l'entreprise du jour au lendemain, sans même pouvoir saluer ses anciens collaborateurs ; qu'en se bornant dès lors à affirmer péremptoirement que ''M. [Z] ne justifie pas de mesures vexatoires entourant la procédure de licenciement, de plus la circonstance selon laquelle on lui a annoncé qu'il participerait à une réunion alors qu'il lui a été adressé une convocation à un entretien préalable au licenciement est insuffisante à caractériser l'existence d'un préjudice distinct de celui déjà réparé au titre de la rupture du contrat de travail'', sans rechercher concrètement si la célérité avec laquelle l'employeur avait diligenté la procédure de licenciement à la suite de la reprise de la société par le groupe Segeco, ainsi que la brutalité -résultant de sa dispense d'exécution du préavis- de son éviction de l'entreprise, dont il avait dirigé une agence pendant plusieurs années, consécutive à son refus de céder ses parts à vil prix et de consentir à une amputation de sa rémunération de près de 50 %, ne constituaient pas des circonstances vexatoires dont il était résulté pour le salarié un préjudice, à tout le moins moral, distinct de celui réparé par l'allocation de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse réparant la perte injustifiée de l'emploi, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1147 du code civil en sa rédaction applicable au litige. »
Réponse de la Cour
5. La cour d'appel, ayant relevé, par une appréciation souveraine des éléments de la cause, que le salarié ne justifiait pas du caractère brutal et vexatoire de son licenciement, a légalement justifié sa décision.
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. Le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes au titre des heures supplémentaires, du repos compensateur et du travail dissimulé, alors « qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; que le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux articles L. 3171-2 et L. 3171-3 du code du travail ; que, pour débouter intégralement le salarié de sa demande de rappel d'heures supplémentaires, la cour d'appel a retenu que l'attestation d'un stagiaire « est imprécise sur l'amplitude de travail de M. [Z] », que ''les mails produits et les justificatifs d'achat ne peuvent fournir des éléments sur cette amplitude'' et que ''M. [Z] ne produit aucun récapitulatif quotidien ou hebdomadaire de nature à permettre à l'employeur d'y répondre par des éléments précis'' ; qu'elle en a déduit que ''la demande en paiement d'heures supplémentaires n'est pas soutenue par des éléments suffisamment précis de nature à permettre à l'employeur d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments'' ; qu'en statuant ainsi, quand elle constatait que le salarié -qui alléguait travailler ''entre 50 et 60 heures par semaine''- produisait ''un tableau récapitulatif des repas professionnels pris entre 12 heures et 14 heures c'est-à-dire selon lui en dehors des heures de travail'', un ''tableau fournissant des exemples de justificatifs de frais de déplacement qui auraient eu lieu hors les 35 heures hebdomadaires'', des ''mails adressés à ses collaborateurs principalement en soirée après 18h30 et les justificatifs de frais professionnels comportant des heures de paiement situées en dehors des heures théoriques de travail'' et ''l'attestation d'un stagiaire indiquant que M. [Z] était présent à l'agence lors de son arrivée vers 8h30 et était encore présent lorsqu'il quittait les lieux vers 19 heures'', la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve des heures supplémentaires sur le seul salarié, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :
7. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
8. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
9. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
10. Pour débouter le salarié de sa demande relative au temps de travail et à l'accomplissement d'heures supplémentaires, l'arrêt retient, après avoir écarté la qualification de cadre dirigeant invoquée par l'employeur, que ce salarié produit un tableau récapitulatif des repas professionnels, un tableau comportant des exemples de justificatifs de frais de déplacement excédant la durée légale du travail, des mails adressés à des collaborateurs après 18 h 30 ainsi que des justificatifs de frais professionnels comportant des horaires excédant les heures théoriques de travail.
11. Il relève encore qu'une attestation produite par un stagiaire révélait que ce dernier constatait la présence du salarié tant à son arrivée à l'agence vers 8 h 30 que lorsqu'il quittait les lieux vers 19 heures, cette attestation évoquant par ailleurs la tenue de réunions de l'équipe de management de l'agence au-delà de 20 heures.
12. L'arrêt considère cependant que cette dernière attestation est imprécise sur l'amplitude de travail du salarié, que les mails produits et les justificatifs d'achat ne peuvent fournir des éléments sur cette amplitude et que le salarié ne produit aucun récapitulatif quotidien ou hebdomadaire de nature à permettre à l'employeur d'y répondre par des éléments précis. Il en déduit que la demande en paiement d'heures supplémentaires, qui n'est fondée sur aucun élément suffisamment précis de nature à permettre à l'employeur de répondre utilement, devra être rejetée.
13. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part, que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, d'autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
Vu l'article 624 du code de procédure civile :
14. La cassation du chef de dispositif critiqué par le premier moyen, relatif au paiement d'heures supplémentaires, emporte, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif rejetant les demandes du salarié au titre du repos compensateur et du travail dissimulé, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
Soc. 29 juin 2022 n° 21-12.777
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 29 juin 2022
Cassation partielle
M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 799 F-D
Pourvoi n° X 21-12.777
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 JUIN 2022
M. [S] [Z], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 21-12.777 contre l'arrêt rendu le 3 décembre 2020 par la cour d'appel de Versailles (11e chambre), dans le litige l'opposant à la société Metrixware, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ollivier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [Z], de la SCP Célice,Texidor, Périer, avocat de la société Metrixware, après débats en l'audience publique du 18 mai 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ollivier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Sommé, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 3 décembre 2020), M. [Z] a été engagé par la société Metrixware le 12 octobre 2015, en qualité de directeur des opérations, par un contrat à durée indéterminée. Le salarié exerçait également un mandat social de directeur général délégué.
2. Le 26 novembre 2016, l'employeur l'a convoqué à un entretien préalable en vue de son licenciement. L'entretien a eu lieu le 8 décembre 2016 et, le même jour, le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, en soutenant avoir subi un harcèlement sexuel. Le 30 décembre 2016, l'employeur lui a notifié son licenciement pour motif économique.
Examen des moyens
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
3. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de dommages-intérêts au titre du harcèlement sexuel, alors :
1°/ « que le harcèlement sexuel est constitué par toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers ; que le fait pour un salarié d'abuser de son pouvoir hiérarchique dans le but d'obtenir des faveurs sexuelles constitue un harcèlement sexuel ; qu'en l'espèce, le salarié se fondait explicitement sur le 2nd alinéa de l'article L. 1153-1 du code du travail, relatif à l'interdiction de toute pression grave et constante exercée dans le but d'obtenir un acte de nature sexuelle ; qu'en retenant, par motifs supposés adoptés, qu'aucun des messages ne contenait la moindre sollicitation sexuelle de la part de Mme [L], ni aucun propos grivois ni indécent, et était l'expression d'une poésie sans grossièreté, et par motifs propres que les messages ne revêtaient aucun caractère dégradant ou humiliant portant atteinte à sa dignité et ne créaient aucune situation intimidante, hostile ou offensante, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 1153-1 du code du travail ;
2°/ que l'envoi de nombreux messages d'amour, teintés d'envie et de faveurs de nature sexuelle, durant plusieurs mois, même guidés par une intention amoureuse et des sentiments avérés, constitue, de la part d'une supérieure hiérarchique à l'égard de son subordonné, un harcèlement sexuel par assimilation, celui-ci devant s'entendre de toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers, concrétisée ; qu'en retenant, par motifs supposés adoptés, qu'aucun des messages ne contenait la moindre sollicitation sexuelle de la part de Mme [L], ni aucun propos grivois ni indécent, et était l'expression d'une poésie sans grossièreté, et par motifs propres que les messages ne revêtaient aucun caractère dégradant ou humiliant portant atteinte à sa dignité et ne créaient aucune situation intimidante, hostile ou offensante, la cour d'appel a violé l'article 1153-1 2° du code du travail ;
3°/ qu'en retenant que la supérieure hiérarchique du salarié ne s'était livrée à aucune pression, ni chantage ou abus d'autorité, tout en constatant que Mme [L], avait envoyé des messages à son subordonné faisant état d'une pression en des termes tels que ‘'une infinie tristesse en prenant conscience que tu as fermé la porte. Et maintenant je suis en colère. En colère contre moi, en colère contre toi. Parce que nous devions faire un super projet ensemble (?). Mais je lutte pour que cette colère ne se transforme pas en haine. Parce que je te trouve lâche devant la situation. Je voudrais tellement que nous trouvions une solution'‘, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé l'article L. 1153-1 du code du travail ;
4°/ qu'en retenant que la supérieure hiérarchique du salarié ne s'était livrée à aucune pression, ni chantage ou abus d'autorité, tout en constatant que les déclarations d'amour de la supérieure à l'égard de son subordonné s'étaient étalées du mois de février 2016 au mois d'octobre 2016, ce qui constituait une pression persistante en vue d'obtenir un acte sexuel, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé l'article L. 1153-1 du code du travail ;
5°/ qu'en retenant, par motifs supposés adoptés, qu'aucun des messages ne contenait la moindre sollicitation sexuelle de la part de Mme [L], ni aucun propos grivois ni indécent, et était l'expression d'une poésie sans grossièreté, et par motifs propres que les messages ne revêtaient aucun caractère dégradant ou humiliant portant atteinte à sa dignité et ne créaient aucune situation intimidante, hostile ou offensante, tout en constatant que Mme [L], supérieure hiérarchique de M. [Z], avait envoyé des messages à son subordonné faisant état d'une pression à connotation sexuelle telle que ‘'je suis drôle, gentille, coquine et respectable'‘, ‘'j'ai même cru que nous allions nous embrasser après la fontaine quand je t'ai ramenée à ta voiture ? j'aurais dû tenter'‘, ‘'nostalgie de ce qui n'a jamais été, sensualité de ce qui aurait pu être'‘, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé l'article L. 1153-1 du code du travail ; 6°/ qu'en retenant, par motifs supposés adoptés, qu'aucun des messages ne contenait la moindre sollicitation sexuelle de la part de Mme [L], ni aucun propos grivois ni indécent, et était l'expression d'une poésie sans grossièreté, et par motifs propres que les messages ne revêtaient aucun caractère dégradant ou humiliant portant atteinte à sa dignité et ne créaient aucune situation intimidante, hostile ou offensante, la cour d'appel, statuant par des motifs radicalement impropres à exclure tout harcèlement sexuel constitué par toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers, a derechef violé le texte susvisé ;
7°/ qu'en retenant que le salarié avait accepté la situation, tout en constatant que le salarié avait clairement refusé les avances et déclarations de sa supérieure en affirmant ‘' je vois que cela a peut-être été sottement fait mais sans autre intention de ma part. Tu es ma boss et c'est comme ça que je te voie. Tu es une personne avec qui je suis fier de travailler'‘, ‘'[M], je viens de lire ton message que je trouve fort déplacé. Je tiens à remettre les choses en place car je vois que tu distords la réalité. Je ne t'ai jamais pris dans mes bras en te faisant un énorme câlin et en te murmurant je ne sais quoi. Je ne t'ai jamais dit que je t'aimais. Tu es ma patronne ; comme je l'ai déjà dit, il est inconcevable pour moi que les relations dépassent le cadre du travail ; elles ne peuvent aller au mieux que jusqu'à l'amitié. Voilà, maintenant je ne sais pas où tu veux en venir mais je te le répète, je veux que nos échanges ne sortent pas du cadre professionnel'‘, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé l'article L. 1153-1 du code du travail ;
8°/ qu'en matière de harcèlement sexuel comme de harcèlement moral, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement sexuel ; qu'en retenant que seuls deux faits étaient établis en l'espèce mais que ces deux seuls faits ne permettaient pas de présumer l'existence d'un harcèlement sexuel, quand il lui appartenait de dire si, pris dans leur ensemble, les éléments matériellement établis laissaient présumer l'existence d'un harcèlement sexuel, la cour d'appel a violé l'article L. 1154-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
4. Il résulte des dispositions des articles L. 1153-1 et L. 1154-1 du code du travail que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement sexuel, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments présentés par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui laissent supposer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.
5. La cour d'appel a, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, constaté, d'une part que les messages de la supérieure hiérarchique du salarié ne revêtaient aucun caractère dégradant ou humiliant portant atteinte à sa dignité et ne créaient à son encontre aucune situation intimidante, hostile ou offensante, qu'elle ne s'était livrée à aucune pression, chantage ou abus d'autorité afin d'obtenir un acte de nature sexuelle ou un avantage quelconque, et que la violente prise à partie, les reproches infondés et le défaut d'application des critères d'ordre du licenciement invoqués par le salarié comme étant susceptibles de constituer un harcèlement sexuel n'étaient pas établis, d'autre part estimé, exerçant les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1154-1 du code du travail, s'agissant des autres faits qu'elle a examinés dans leur ensemble, qu'ils ne laissaient pas supposer l'existence d'un harcèlement sexuel.
6. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
7. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de dommages-intérêts au titre du manquement de la société à son obligation de sécurité, alors :
1°/ « que l'obligation de prévention des risques professionnels, qui résulte de l'article L. 4121-1 du code du travail dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017 et de l'article L. 4121-2 du même code, est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement sexuel instituée par l'article L. 1153-1 du code du travail et ne se confond pas avec elle ; qu'il appartient à l'employeur, avisé de faits éventuels de harcèlement, de diligenter une enquête interne afin de vérifier les allégations qui lui sont rapportées ; qu'en l'espèce, le salarié avait informé son employeur des agissements de harcèlement sexuel qu'il subissait à l'occasion d'une réunion du 27 octobre 2016 ; que les membres du conseil de surveillance l'avaient alors informé qu'une enquête interne serait diligentée ; qu'aucune enquête interne n'a jamais cependant été diligentée ; que pour débouter le salarié de ses demandes au titre du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, la cour d'appel a retenu que le salarié était au courant de la personnalité particulière de sa supérieure hiérarchique, qu'il ne justifiait pas avoir informé son employeur avec la séance du conseil de surveillance du 27 octobre 2016, et qu'au regard des motifs relatifs au harcèlement sexuel, il avait accepté la situation, de telle sorte à ce qu'il ne pouvait être reproché à l'employeur d'avoir manqué à son obligation de sécurité de résultat ; qu'en statuant par de tels motifs, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
2°/ que l'obligation de prévention des risques professionnels, qui résulte de l'article L. 4121-1 du code du travail dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017 et de l'article L. 4121-2 du même code dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement sexuel instituée par l'article L. 1153-1 du code du travail et ne se confond pas avec elle ; qu'en retenant, pour débouter le salarié de ses demandes au titre de l'obligation de sécurité, qu'au regard des motifs relatifs au harcèlement sexuel, il était établi que le salarié, informé des sentiments de sa supérieure hiérarchique depuis le 24 février 2016, avait non seulement accepté la situation, mais avait adopté à son égard une attitude ambiguë, la cour d'appel, qui a confondu les textes précités, les a violés. »
Réponse de la Cour
8. Ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en matière de harcèlement sexuel, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et qui, informé de l'existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement sexuel, a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser.
9. Ayant constaté, par motifs propres que le salarié ne justifiait pas avoir informé l'employeur de difficultés relationnelles rencontrées avec sa supérieure hiérarchique avant le conseil de surveillance du 27 octobre 2016, alors qu'à cette date, elle avait cessé de lui adresser des messages à caractère personnel et, par motifs adoptés, que le salarié reconnaissait dans ses écritures qu'une enquête était en cours, la cour d'appel a pu en déduire l'absence de manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
11. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de rappels de salaire au titre des heures supplémentaires, des congés afférents et des repos compensateurs, et de sa demande d'indemnisation au titre du travail dissimulé, alors « qu'il résulte des articles L. 3171-2, -3, et -4 du code du travail combinés, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; que le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées ; qu'après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant ; qu'en l'espèce, pour débouter le salarié de sa demande au titre des heures supplémentaires, des congés payés afférents, des repos compensateurs et de l'indemnité au titre du travail dissimulé, la cour d'appel a considéré, après avoir prononcé la nullité de la convention de forfait, que le salarié avait produit un tableau de décompte de son temps de travail, mais qu'il ne précisait pas les horaires quotidiens du salarié, un listing d'email, mais qu'il ne correspondait pas un travail effectif, un relevé de ses horaires de passage aux péages de [Localité 4] et [Localité 3] sur l'A86, mais qu'ils ne permettaient pas de déterminer les horaires de travail du salarié, et un agenda professionnel électronique, mais qu'il ne permettait pas de déterminer ses horaires quotidiens, pour en déduire que M. [Z] échouait à présenter des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétendait avoir accomplies, ne permettant pas ainsi à l'employeur d'y répondre utilement ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :
12. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, l'employeur tient à la disposition de l'agent de contrôle de l'inspection du travail mentionné à l'article L. 8112-1 les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
13. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
14. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
15. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'heures supplémentaires et de celles en étant la conséquence, l'arrêt retient que le tableau de décompte de son temps de travail produit par le salarié ne précise pas ses horaires quotidiens, qu'il n'établit pas que les messages contenus dans le listing historique d'emails dont il se prévaut correspondent à un travail effectif, que ni le relevé de ses horaires de passage aux péages de [Localité 4] et [Localité 3] sur l'A86, qui ne débute qu'en janvier 2016, ni son agenda électronique professionnel ne permettent de déterminer ses horaires de travail, et qu'il échoue à présenter des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies, ne permettant ainsi pas à l'employeur d'y répondre utilement.
16. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part, que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, d'autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé.
Et sur le quatrième moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
17. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de résiliation judiciaire aux torts exclusifs de l'employeur et de ses demandes au titre d'une résiliation judiciaire produisant les effets d'un licenciement nul, alors « que tout jugement doit être motivé ; qu'est nulle toute mesure de rétorsion à la suite de la dénonciation de faits de harcèlement sexuel ; que pour rejeter la demande de résiliation judiciaire produisant les effets d'un licenciement nul, la cour d'appel a jugé qu'en l'absence de harcèlement sexuel, le jugement déféré devait être confirmé en ce qu'il avait débouté M. [Z] de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail ; que pourtant, en l'espèce, elle avait elle-même considéré comme établie la proximité temporelle entre la dénonciation par le salarié de faits de harcèlement sexuel et la procédure de licenciement pour motif économique ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans répondre aux écritures du salarié qui soutenait que la rupture de son contrat de travail constituait une mesure de représailles prise en réaction à la dénonciation en date du 27 octobre 2016 des faits de harcèlement sexuel, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
18. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.
19. Pour rejeter la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail du salarié et le débouter de ses demandes à ce titre, l'arrêt retient qu'en l'absence de harcèlement sexuel et de manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, le jugement déféré doit être confirmé.
20. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions du salarié qui soutenait que l'engagement de la procédure de licenciement était concomitant à la dénonciation des faits de harcèlement sexuel et que la mesure de licenciement avait pour objectif de l'évincer, et qui sollicitait la résiliation judiciaire de son contrat de travail produisant les effets d'un licenciement nul sur le fondement des dispositions de l'article L. 1153-3 du code du travail, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
Soc. 22 juin 2022 n° 21-10.621 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
LG
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 22 juin 2022
Cassation partielle
M. CATHALA, président
Arrêt n° 779 FS-B
Pourvoi n° D 21-10.621
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 22 JUIN 2022
La société CGI France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 21-10.621 contre l'arrêt rendu le 17 novembre 2020 par la cour d'appel de Riom (4e chambre civile, sociale), dans le litige l'opposant à M. [K] [Y], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
M. [Y] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ala, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société CGI France, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [Y], l'avis écrit de M. [S] et l'avis oral de Mme Rémery, avocats généraux, après débats en l'audience publique du 11 mai 2022 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Ala, conseiller référendaire rapporteur, M. Schamber, conseiller doyen, Mmes Cavrois, Monge, MM. Sornay, Rouchayrole, Mme Lecaplain-Morel, conseillers, Mmes Thomas-Davost, Techer, conseillers référendaires, Mme Rémery, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement
1. La société CGI France, qui avait formé un pourvoi le 18 janvier 2021, a déclaré s'en désister purement et simplement le 31 janvier 2022.
2. M. [Y], qui avait formé un pourvoi incident le 5 juillet 2021, a, le 3 février 2022, pris acte du désistement et maintenu son pourvoi.
3. En l'absence d'acceptation du désistement, il y a lieu de le déclarer non avenu et, en application de l'article 1024 du code de procédure civile, de statuer sur les deux pourvois.
Faits et procédure
4. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 17 novembre 2020), M. [Y] a été engagé par la société Unilog, devenue Logica puis CGI France, le 17 juillet 1998 en qualité d'ingénieur de réalisation.
5. Par avenant en date du 21 mars 2012, le salarié a été promu au poste de chargé de projet, niveau 2.2, coefficient 130. A cette occasion, il a été soumis à une convention de forfait en heures à hauteur de 38 heures 30 par semaine prévue par l'article 3.2.2 de l'accord d'entreprise Logica sur la réduction du temps de travail du 30 juin 2008 lequel renvoie aux trois modalités d'organisation du travail prévues par les dispositions de l'accord collectif national du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail attaché à la convention collective des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, dite Syntec.
6. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale afin que la convention de forfait en heures lui soit déclarée inopposable et que lui soit alloué un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires outre congés payés afférents.
Examen des moyens
Sur le deuxième moyen du pourvoi principal de l'employeur, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
7. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement d'heures supplémentaires outre congés payés afférents, alors « que le principe de faveur implique en cas de concours de normes une comparaison entre avantages ayant le même objet ou la même cause ; qu'il ne peut être invoqué lorsque des dispositions conventionnelles viennent compléter les dispositions d'un accord de branche ; que la société CGI France avait précisément rappelé que les dispositions de l'accord d'entreprise du 30 juin 2008 venaient combler les lacunes des dispositions de l'accord collectif du 22 juin 1999 annexé à la convention collective Syntec qui n'avait pas précisé à quelle date la condition relative au PASS devait être appréciée ; qu'en affirmant qu'en ajoutant au texte de l'accord de branche une condition restrictive qui n'y figurait pas, l'accord d'entreprise aurait été moins favorable aux salariés, quand il ne faisait que pallier le silence du premier texte, la cour d'appel a méconnu l'article L. 2253-1 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 212-15-3 I devenu les articles L. 3121-38 et L. 3121-40 du code du travail dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, l'article 3 du chapitre 2 de l'accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail, étendu, attaché à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987 et l'article 3.2.2 de l'accord sur la réduction et l'aménagement du temps de travail UES Logica du 30 juin 2008 :
8. Selon l'article L. 215-15-3 I devenu l'article L. 3121-40 du code du travail, la conclusion de conventions de forfait en heures sur l'année est prévue par une convention ou un accord collectif de travail étendu ou par une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement. Cette convention prévoit les catégories de cadres susceptibles de bénéficier de ces conventions de forfait ainsi que les modalités et les caractéristiques principales des conventions de forfait susceptibles d'êtres conclues.
9. L'article 3 du chapitre 2 de l'accord du 22 juin 1999 intitulé réalisation de missions dispose que ces modalités s'appliquent aux salariés non concernés par les modalités standard ou les réalisations de missions avec autonomie complète. Tous les ingénieurs et cadres sont a priori concernés, à condition que leur rémunération soit au moins égale au plafond de la sécurité sociale. De plus, en fonction de l'activité de l'entreprise, un accord d'entreprise doit préciser les conditions dans lesquelles d'autres catégories de personnel peuvent disposer de ces modalités de gestion.
10. Dans un arrêt rendu le 26 mai 2004 (Soc., 26 mai 2004 n° 02-10.723, Bull V n° 144), la Cour de cassation a dit que s'analysent en une convention de forfait en heures assortie de la garantie d'un nombre maximal annuel de jours de travail les dispositions du chapitre 2, article 3, de l'accord qui prévoient, d'une part, une convention horaire sur la base hebdomadaire de trente-huit heures trente avec une rémunération forfaitaire au moins égale à 115 % du salaire minimum conventionnel, d'autre part, un nombre maximum de jours travaillés dans l'année.
11. L'accord Logica sur la réduction et l'aménagement du temps de travail daté du 30 juin 2008, après avoir rappelé en son article 3.2 que les parties signataires reconnaissent l'existence au sein de l'UES de trois modalités d'organisation du temps de travail qui correspondent aux définitions de l'accord national du 22 juin 1999, dispose en son article 3.2.2 que la modalité réalisation de missions s'applique aux salariés non concernés par la modalité standard ou la modalité en autonomie complète. Plus précisément, elle concerne les ingénieurs et cadres relevant a minima de la position 2.2 et du coefficient 130 et au plus du coefficient 170, soit la position 3.1 de la convention collective nationale Syntec, et dont la rémunération au moment de leur affectation dans la modalité est au moins égale au PASS.
12. Pour condamner l'employeur au paiement d'heures supplémentaires, l'arrêt, après avoir rappelé que, pour l'appréciation du caractère plus ou moins favorable entre deux accords collectifs, il convient de procéder à une comparaison des avantages ayant le même objet ou la même cause eu égard à l'ensemble des intéressés, et non eu égard à l'un d'entre eux en particulier, retient que l'accord collectif de réduction du temps de travail annexé à la convention collective Syntec, à la différence de l'accord collectif d'entreprise, ne précise pas que la condition de rémunération au moins égale au PASS ne s'applique que pour déterminer au départ la catégorie dont relève le salarié. Il estime que l'accord d'entreprise ajoute une condition restrictive, tenant à l'applicabilité dans le temps de ce critère de rémunération plancher, qui n'est pas expressément posée par l'accord de branche. Il ajoute que, plus généralement, l'intégration des salariés à la modalité RM emporte des conséquences dérogatoires au droit commun de la durée légale du travail en ce qu'elle autorise la conclusion d'une convention de forfait hebdomadaire et que l'intérêt du salarié commande de faire une stricte application des possibilités de dérogation à la durée légale du travail, en sorte que favoriser le maintien de la convention de forfait en dépit de la constatation, après l'admission du salarié dans la catégorie RM, de l'infériorité de sa rémunération par rapport au PASS serait contraire à l'intérêt du salarié. Il en déduit que, contrairement à ce que prétend l'employeur, ne serait-ce qu'en ajoutant au texte de l'accord de branche une condition restrictive qui n'y figure pas, l'accord d'entreprise du 30 juin 2008 apparaît moins favorable aux salariés que l'accord de niveau supérieur, ce dont il résulte que l'application de sa clause 3.2.2 susvisée, qui précise que la condition tenant à une rémunération au moins équivalente au PASS s'apprécie au moment de l'affectation dans la modalité RM, doit être écartée.
13. En se déterminant ainsi, sans préciser en quoi la définition par l'accord d'entreprise des conditions d'éligibilité au forfait en heures, dérogeant aux règles de calcul de droit commun de la durée du travail, et de leur maintien dans le temps était globalement moins favorable qu'un décompte de la durée du travail selon les règles de droit commun, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Portée et conséquences de la cassation
14. La cassation sur le chef de dispositif critiqué par le moyen, emporte, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs de dispositif qui déclarent la convention de forfait inopposable au salarié, condamnent l'employeur à remettre un bulletin de salaire conforme à la condamnation, déboutent l'employeur de sa demande de remboursement des jours de réduction du temps de travail, déboutent le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour le préjudice subi, ainsi qu'à supporter la charge des entiers dépens, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
Soc. 22 juin 2022 n° 21-10.574
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
LG
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 22 juin 2022
Cassation partielle
M. SCHAMBER, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 772 F-D
Pourvoi n° C 21-10.574
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 22 JUIN 2022
M. [G] [O], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° C 21-10.574 contre l'arrêt rendu le 5 novembre 2020 par la cour d'appel d'Amiens (5e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Office dépôt France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommée société Office dépôt BS,
2°/ à la société AJC, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], représentée par M. [H] [M], en qualité d'administrateur judiciaire de la société Office dépôt France,
3°/ à la société BCM, dont le siège est [Adresse 6], prise en la personne de M. [P] [U], en qualité d'administrateur judiciaire de la société Office dépôt France,
4°/ à la société MJS Partners, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 5], représentée par M. [H] [D], en qualité de coliquidateur judiciaire de la société Office dépôt France,
5°/ à la société Angel-[S]-Duval, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 3], représentée par M. [N] [S], en qualité de coliquidateur judiciaire de la société Office dépôt France,
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Monge, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [O], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Office dépôt France et des sociétés AJC, BCM, MJS Partners et Angel-[S]-Duval, ès qualités, après débats en l'audience publique du 11 mai 2022 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Monge, conseiller rapporteur, M. Sornay, conseiller, Mme Rémery, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Reprise d'instance
1. Il est donné acte à la société MJS Partners et à la société Angel-Hazan-Duval de ce qu'elles interviennent volontairement à l'instance et reprennent celle-ci en leur qualité de liquidatrices à la liquidation judiciaire de la société Office dépôt France, venant aux droits de la société Office dépôt BS, ouverte par jugement du tribunal de commerce du 28 septembre 2021.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 5 novembre 2020) et les pièces de la procédure, M. [O] a été engagé en qualité de commercial grands comptes par la société Office dépôt BS (la société), suivant contrat à durée indéterminée du 14 février 2005. Au dernier état des relations contractuelles, il exerçait les fonctions de directeur des ventes Ile-de-France, statut cadre, coefficient 360, de la convention collective nationale des commerces de détail de papeterie, fournitures de bureau, de bureautique et informatique et de librairie du 15 décembre 1988 (la convention collective nationale de la papeterie).
3. Le 17 juin 2016, il a été placé en arrêt-maladie.
4. Le 13 octobre 2016, il a saisi la juridiction prud'homale à l'effet d'obtenir le prononcé de la résiliation judiciaire de son contrat de travail et paiement d'heures supplémentaires et de diverses sommes à caractère indemnitaire.
5. Le 4 novembre 2016, il a pris acte de la rupture de son contrat de travail.
6. Par jugement du 5 février 2021, le tribunal de commerce de Lille a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société, désignant en qualité d'administratrices judiciaires les sociétés AJC et BCM et en celles de mandataires judiciaires les sociétés MJS Partners et Angel-[S].
Examen des moyens
Sur le deuxième moyen, ci-après annexé
7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches
Enoncé du moyen
8. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande d'indemnité pour repos non pris, alors :
« 1°/ qu'il appartient au juge de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables en précisant la règle sur laquelle il se fonde pour rejeter la demande dont il est saisi ; qu'en déboutant le salarié, motif pris que celui-ci n'explicitait pas le fondement de sa demande, ni son quantum, quand il lui appartenait d'examiner au regard du droit applicable si la demande était fondée, la cour d'appel a méconnu son office, en violation de l'article 12 du code de procédure civile ;
2°/ que le juge du fond doit préciser le fondement juridique de sa décision ; qu'en déboutant le salarié, motif pris que celui-ci n'explicitait pas le fondement de sa demande, ni son quantum, sans préciser sur quels textes elle s'appuyait pour trancher, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 12 du code de procédure civile :
9. Selon ce texte, le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.
10. Pour rejeter la demande d'indemnité au titre des repos compensateurs non pris, l'arrêt retient que le salarié n'explicite pas le fondement de sa demande, ni le quantum revendiqué.
11. En statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables en précisant la règle sur laquelle elle se fondait pour rejeter la demande dont elle était saisie, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
12. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande tendant à faire juger que l'employeur ne l'a pas rémunéré de l'intégralité de son salaire et primes pour les mois de juillet à septembre 2016 et de sa demande en paiement subséquente de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, alors « qu'il résulte des dispositions des articles 3.13.2 et 5.8.2 de la convention collective du commerce de détail de papeterie, fournitures de bureau, de bureautique et informatique et de librairie du 15 décembre 1988 que les salariés absents pour maladie perçoivent un pourcentage de la rémunération brute qu'ils auraient perçue s'ils avaient continué à travailler et que la rémunération moyenne mensuelle est calculée par référence aux douze derniers mois calendaires précédant l'événement ; que les éléments de rémunération variable qui rémunèrent le travail du salarié et qui ont été versés durant la période de référence doivent être pris en compte pour déterminer le montant du salaire de référence ; qu'en jugeant que les primes exceptionnelles et de mission devaient être exclues de l'assiette, la cour d'appel a violé les textes susvisés. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 3.13.2 et 5.8.2 de la Convention collective nationale de la papeterie :
13. Selon le premier de ces textes, après un an de présence dans l'entreprise, les salariés en arrêt-maladie reçoivent, à partir du huitième jour d'arrêt, un certain pourcentage de la rémunération brute qu'ils auraient gagnée s'ils avaient continué à travailler ; la rémunération moyenne mensuelle est calculée par référence aux douze derniers mois calendaires précédant l'événement.
14. En vertu du second, le régime d'indemnisation prévu au 3.13.2 s'applique au personnel d'encadrement ; toutefois, après trois ans d'ancienneté dans l'entreprise, le personnel d'encadrement bénéficie d'une indemnisation à compter du premier jour d'absence pour les durées que le texte fixe en fonction de l'ancienneté.
15. Il en résulte que le salaire de référence pour la garantie de salaire est, sans restriction, celui des douze derniers mois précédant l'arrêt de travail et que n'en sont exclues que les primes que le salarié n'aurait pas gagnées s'il avait continué à travailler.
16. Pour rejeter la demande du salarié tendant à faire juger qu'il n'avait pas reçu l'intégralité de ses salaire et primes pour les mois de juillet à septembre 2016 et à obtenir paiement de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, l'arrêt retient que l'employeur justifie des calculs opérés à partir des éléments de rémunération variable non spécifiquement contestés par le salarié et que doivent être exclues les primes exceptionnelles ou de mission. Il en déduit que le manquement invoqué n'est pas établi et que l'intéressé a été rempli de ses droits.
17. En se déterminant ainsi, par des motifs qui ne suffisent pas à justifier que le salarié n'aurait pas gagné les primes litigieuses s'il avait continué à travailler, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Et sur le quatrième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
18. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que les faits reprochés à l'employeur ne constituent pas des manquements suffisamment graves justifiant une rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de celui-ci, de juger en conséquence que la prise d'acte produit les effets d'une démission et de le débouter de ses demandes subséquentes et le condamner à verser une certaine somme au titre de l'indemnité de préavis, alors « que la cassation des dispositions afférentes aux repos compensateurs et/ou au travail dissimulé et/ou à l'exécution déloyale du contrat de travail entraînera celle des dispositions relatives à la prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur, en application de l'article 624 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 624 du code de procédure civile :
19. La cassation prononcée sur le troisième moyen entraîne la cassation, par voie de conséquence, des chefs de dispositif disant que les faits reprochés à l'employeur ne constituent pas des manquements suffisamment graves justifiant une rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de celui-ci et que la prise d'acte du salarié produit les effets d'une démission, déboutant le salarié de ses demandes subséquentes et le condamnant au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
Soc. 15 juin 2022 n° 20-22.430 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
OR
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 15 juin 2022
Cassation partielle sans renvoi
M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 761 F-B sur le 4e moyen
Pourvoi n° U 20-22.430
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 JUIN 2022
La société Etablissements Mauviel, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 20-22.430 contre l'arrêt rendu le 1er octobre 2020 par la cour d'appel de Caen (chambre sociale, section 1), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [P] [C], domiciliée [Adresse 1],
2°/ à Pôle emploi Normandie, dont le siège est [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Etablissements Mauviel, de la SCP Foussard et Froger, avocat de Mme [C], après débats en l'audience publique du 21 avril 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire rapporteur, Mme Ott, conseiller, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 1er octobre 2020), Mme [C] a été embauchée par la société Établissements Mauviel (la société), en qualité d'assistante commerciale, à compter du 1er août 2010.
2. Elle a été désignée membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail.
3. Par requête en date du 26 janvier 2017, elle a saisi la juridiction prud'homale de demandes de résiliation de son contrat de travail et de paiement de diverses sommes.
4. Par lettre du 24 novembre 2017, elle a été licenciée, après autorisation de l'inspecteur du travail, pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Examen des moyens
Sur les premier, deuxième et troisième moyens, ci-après annexés
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le quatrième moyen, en ce qu'il critique la condamnation de la société au paiement et au remboursement de diverses sommes
Enoncé du moyen
6. La société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la salariée diverses sommes au titre de l'indemnité de préavis et des congés payés afférents, ainsi que « pour licenciement nul (en réalité indemnité de licenciement) », de lui ordonner de remettre à la salariée les documents de fin de contrat de travail et les bulletins de paie rectifiés, d'ordonner le remboursement des allocations chômage, de la condamner à payer à la salariée une certaine somme au titre de l'indemnité pour « rupture du licenciement produisant les effets d'un licenciement nul », alors :
« 1°/ que lorsqu'un licenciement a été notifié à la suite d'une autorisation administrative de licenciement, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, se prononcer sur une demande de résiliation judiciaire formée par le salarié même si sa saisine était antérieure à la rupture ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt que la salariée a été licenciée le 24 novembre 2017 après autorisation de l'inspecteur du travail, décision contre laquelle elle n'a pas exercé de recours ; qu'en prononçant cependant la résiliation judiciaire du contrat de travail et en jugeant qu'elle produisait les effets d'une rupture nulle, la cour d'appel a violé le principe de la séparation des pouvoirs, ensemble la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
2°/ que lorsqu'un licenciement a été notifié à la suite d'une autorisation administrative de licenciement, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, remettre en cause la validité du licenciement et donc accorder au salarié des dommages-et-intérêts pour licenciement nul ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt que la salariée a été licenciée le 24 novembre 2017 après autorisation de l'inspecteur du travail, décision contre laquelle elle n'a pas exercé de recours ; qu'en condamnant cependant l'employeur à lui payer la somme de 45 500 euros ''au titre de l'indemnité pour rupture du licenciement produisant les effets d'un licenciement nul'', la cour d'appel a violé le principe de la séparation des pouvoirs, ensemble la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
3°/ que lorsqu'un licenciement a été notifié à la suite d'une autorisation administrative de licenciement, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, ordonner le remboursement par l'employeur des allocations chômage versées au salarié par Pôle emploi ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt que la salariée a été licenciée le 24 novembre 2017 après une autorisation de l'inspecteur du travail, décision contre laquelle elle n'a pas exercé de recours ; qu'en ordonnant cependant le remboursement par l'employeur des allocations chômage payées à la salariée, la cour d'appel a violé le principe de la séparation des pouvoirs, ensemble la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III, et l'article L. 1235-4 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016. »
Réponse de la Cour
7. L'autorisation de licenciement donnée par l'inspecteur du travail ne fait pas obstacle à ce que le salarié fasse valoir devant les juridictions judiciaires tous les droits résultant de l'origine de l'inaptitude lorsqu'il l'attribue à un manquement de l'employeur à ses obligations. A cet égard, si le juge ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, se prononcer sur une demande de résiliation judiciaire postérieurement au prononcé du licenciement notifié sur le fondement d'une autorisation administrative de licenciement accordée à l'employeur, il lui appartient, le cas échéant, de faire droit aux demandes de dommages-intérêts au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse ou de la nullité du licenciement ainsi que d'ordonner le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage.
8. Ayant constaté que, à la suite du harcèlement moral subi par la salariée ayant rendu impossible la poursuite du contrat de travail, celle-ci avait été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement et fait ressortir que cette inaptitude avait pour origine le harcèlement moral dont la salariée avait été victime, la cour d'appel, qui a condamné en conséquence l'employeur à une indemnité pour licenciement nul et à une indemnité compensatrice de préavis ainsi qu'au remboursement des indemnités de chômage, n'encourt pas les griefs du moyen.
9. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le quatrième moyen, pris en sa première branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail
Enoncé du moyen
10. La société fait grief à l'arrêt de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail, alors « que lorsqu'un licenciement a été notifié à la suite d'une autorisation administrative de licenciement, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, se prononcer sur une demande de résiliation judiciaire formée par le salarié même si sa saisine était antérieure à la rupture ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt que la salariée a été licenciée le 24 novembre 2017 après autorisation de l'inspecteur du travail, décision contre laquelle elle n'a pas exercé de recours ; qu'en prononçant cependant la résiliation judiciaire du contrat de travail et en jugeant qu'elle produisait les effets d'une rupture nulle, la cour d'appel a violé le principe de la séparation des pouvoirs, ensemble la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III. »
Réponse de la Cour
Vu la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III et les articles L. 2411-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, et L. 2411-13 du même code, alors applicable :
11. Lorsqu'un licenciement a été notifié à la suite d'une autorisation administrative de licenciement accordée à l'employeur, le juge judiciaire ne peut sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, se prononcer sur une demande de résiliation judiciaire formée par le salarié même si sa saisine était antérieure à la rupture.
12. Pour prononcer la résiliation judiciaire, l'arrêt retient qu'a été reconnu le harcèlement moral dont se plaignait la salariée pour certains des agissements de l'employeur et que la gravité de ce manquement rendait impossible la poursuite du contrat de travail et justifiait la rupture de celui-ci.
13. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le licenciement de la salariée, préalablement autorisé par l'inspecteur du travail, lui avait été notifié par lettre du 24 novembre 2017, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur le cinquième moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
14. La société fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il la condamne à payer à la salariée « la somme de 22 750 euros au titre de licenciement nul (en réalité indemnité de licenciement) », alors « que le juge ne peut modifier les termes du litige tels qu'ils résultent des conclusions des parties ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel, la salariée indiquait que ''l'indemnité de licenciement ayant été versée, elle n'est plus sollicitée'' et ne se référait donc pas à une indemnité fixée par le jugement, mais manifestement à celle perçue à l'occasion du licenciement intervenu postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes ; qu'en affirmant, au soutien de sa décision, que la salariée précisait que l'indemnité de licenciement fixée par le jugement lui a été payée, la cour d'appel a modifié les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l' article 4 du code de procédure civile :
15. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
16. En condamnant la société au paiement d'une certaine somme à titre d'indemnité de licenciement, alors, d'une part, que, dans ses conclusions, la salariée spécifiait que l'indemnité de licenciement ayant été versée, elle n'était plus sollicitée et, d'autre part, qu'un tel chef de demande ne figurait pas au dispositif de ces conclusions, la cour d'appel, qui a modifié les termes du litige, a violé le texte susvisé.
Portée et conséquence de la cassation
17. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
18. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
Soc. 9 juin 2022 n° 20-17.126
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CA3
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 9 juin 2022
Cassation partielle
M. SCHAMBER, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 698 F-D
Pourvoi n° D 20-17.126
Aide juridictionnelle totale en demande au profit de M. [V]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 18 juin 2020.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 JUIN 2022
M. [Y] [V], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 20-17.126 contre l'arrêt rendu le 2 avril 2019 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant à la société du Casino de Briançon, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommée société d'Expansion touristique de Briançon, défenderesse à la cassation.
La société du Casino de Briançon a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Rouchayrole, conseiller, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de M. [V], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société du Casino de Briançon, après débats en l'audience publique du 13 avril 2022 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rouchayrole, conseiller rapporteur, Mme Monge, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 2 avril 2019), M. [V] a été engagé le 1er décembre 2010 par la société d'exploitation touristique de Briançon, devenue société du Casino de Briançon (la société), en qualité de membre du comité de direction, soumis à un forfait de 218 jours de travail par an.
2. Il a été licencié le 12 novembre 2014.
3. Le 16 janvier 2015, contestant le bien-fondé et les conditions de son licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale de différentes demandes à ce titre, ainsi que de demandes de rappels de salaires en raison de la nullité de la convention de forfait en jours.
Examen des moyens
Sur le second moyen du pourvoi principal du salarié, ci-après annexé
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande au titre des heures supplémentaires, alors « qu'une contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à une absence de motifs ; qu'en énonçant, d'une part, dans ses motifs que la SETB ne contestant pas ni le mode de calcul, ni le nombre des heures supplémentaires réclamées par le salarié résultant du planning de l'employeur, mis à part la déduction des temps de pause, il serait par conséquent fait droit à la demande de rappels de salaires de M. [V] à hauteur de 7 000 euros, outre les congés payés afférents, et qu'en déboutant d'autre part M. [V] de sa demande au titre des heures supplémentaires dans le dispositif de sa décision, la cour d'appel qui s'est contredite, a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
6. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. La contradiction entre les motifs et le dispositif d'une décision équivaut à une absence de motifs.
7. Après avoir énoncé, dans ses motifs, qu'il serait fait droit, eu égard aux éléments soumis à l'appréciation de la cour et au constat que l'employeur ne contestait ni le mode de calcul, ni le nombre des heures supplémentaires réclamées par le salarié, à la demande de rappel de salaire de ce dernier à hauteur de 7 000 euros, outre 700 euros au titre des congés payés afférents, l'arrêt déboute, dans son dispositif, ce même salarié de sa demande au titre des heures supplémentaires.
8. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est contredite, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
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