Soc. 29 avril 2025 n° 23-22.389
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 29 avril 2025
Cassation partielle
Mme CAPITAINE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 399 F-D
Pourvoi n° M 23-22.389
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 AVRIL 2025
Mme [N] [I], domiciliée [Adresse 1], [Localité 2], a formé le pourvoi n° M 23-22.389 contre l'arrêt rendu le 13 juillet 2023 par la cour d'appel de Pau (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Darroman et associés, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], [Localité 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Palle, conseiller, les observations de la SCP Françoise Fabiani-François Pinatel, avocat de Mme [I], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Darroman et associés, après débats en l'audience publique du 18 mars 2025 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Palle, conseiller rapporteur, Mme Lacquemant, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 13 juillet 2023), Mme [I], agent commercial, a collaboré à compter du 2 novembre 2019 avec la société Darroman et associés en qualité de travailleur indépendant.
2. A compter du 1er septembre 2020, les parties ont conclu un contrat de travail portant sur un emploi d'agenceuse vendeuse et prévoyant une période d'essai de deux mois.
3. L'employeur ayant mis fin à l'essai le 13 octobre 2020, la salariée a saisi la juridiction prud'homale en requalification de la relation contractuelle jusqu'au 1er septembre 2020 et a invoqué la nullité de la période d'essai.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
5. La salariée fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes de nullité de la période d'essai, de requalification de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse et en condamnation de l'employeur à lui payer l'indemnité de préavis et les congés payés afférents, l'indemnité de licenciement et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que la période d'essai n'est pas justifiée dès lors que l'employeur a été en mesure d'apprécier les qualités professionnelles du salarié avant la conclusion du contrat de travail, que tel est le cas lorsque le salarié a occupé le même emploi en qualité d'auto-entrepreneur ; que pour juger que la période d'essai était justifiée dès lors que Mme [I] n'était pas liée précédemment par un contrat de travail à la société Darroman de sorte que l'employeur n'avait pas pu déjà apprécier ses capacités professionnelles dans ce cadre-là, quand il était acquis que Mme [I] avait travaillé sous le statut d'auto-entrepreneur pendant neuf mois aux mêmes fonctions et pour le même emploi que celui pour lequel le contrat de travail a été conclu, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-20 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1221-20 du code du travail :
6. Aux termes de ce texte, la période d'essai permet à l'employeur d'évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d'apprécier si les fonctions occupées lui conviennent.
7. Pour rejeter la demande en nullité de la stipulation d'une période d'essai et les demandes indemnitaires pour rupture sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que le recours à une période d'essai dans le contrat de travail du 1er septembre 2020 n'est pas invalide dès lors que l'intéressée n'était pas liée précédemment par un contrat de travail, de sorte que l'employeur n'avait pu déjà apprécier les capacités professionnelles de celle-ci dans ce cadre-là.
8. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'employeur n'avait pas eu l'occasion d'apprécier les aptitudes professionnelles de la salariée lors de la précédente relation de travail, quelle qu'en soit la forme, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Soc. 29 avril 2025 n° 23-20.148
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 29 avril 2025
Rejet
Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 418 F-D
Pourvoi n° A 23-20.148
Aide juridictionnelle totale en demande au profit de M. [M] . Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 22 juin 2023.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 AVRIL 2025
M. [R] [M], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° A 23-20.148 contre l'arrêt rendu le 12 janvier 2023 par la cour d'appel d'Amiens (5e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant à la société TPS immobilier, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Laplume, conseiller référendaire, les observations de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de M. [M], de la SCP Françoise Fabiani - François Pinatel, avocat de la société TPS immobilier, après débats en l'audience publique du 19 mars 2025 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Laplume, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 12 janvier 2023), M. [M] a été engagé en qualité de négociateur le 27 novembre 1998 par la société TPS immobilier.
2. Son contrat de travail prévoyait une rémunération à la commission, le salarié percevant des avances mensuelles sur sa rémunération.
3. Une convention de rupture du contrat de travail a été signée par les parties le 2 octobre 2019 avec prise d'effet au 13 novembre 2019 et homologuée par l'administration le 6 novembre 2019.
4. Le 13 mai 2020, le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en nullité de la convention de rupture et subsidiairement, d'une demande en paiement de l'indemnité de rupture conventionnelle.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
6. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement de l'indemnité de rupture conventionnelle, alors « que, sauf compensation, l'employeur est tenu de verser au salarié l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle prévue par l'article L. 1237-13 du code du travail ; qu'en l'espèce, la cour d'appel - après avoir fixé, au regard de la prescription retenue, à la somme de 24 552,68 euros le montant des avances sur commissions dues par M. [M] pour la période postérieure au 13 novembre 2016 - a condamné le salarié à rembourser à la société TPS immobilier cette somme, sans compensation avec la somme de 13 149,79 euros que cette dernière lui devait au titre de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle ; que dès lors, en déboutant le salarié, par confirmation du jugement entrepris, de sa demande de paiement de ladite indemnité spécifique de rupture conventionnelle, la cour d'appel a violé le texte susvisé. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 463 du code de procédure civile :
7. Après avis donné aux parties conformément à l'article 16 du code de procédure civile, il est fait application du texte susvisé.
8. S'il résulte des chefs du dispositif de l'arrêt que la demande de l'employeur au titre du remboursement des avances sur salaire est prescrite pour la période antérieure au 13 novembre 2016 et que le salarié est condamné à payer à l'employeur la somme de 24 552,68 euros à titre de remboursement des avances sur salaire, il ne ressort pas des motifs de la décision que la cour d'appel ait examiné la demande du salarié en paiement d'une indemnité de rupture conventionnelle que ce soit pour prononcer sa compensation avec le montant de la créance salariale de l'employeur ou pour la rejeter.
9. Sous le couvert d'un grief non fondé de violation de la loi, le moyen, qui dénonce en réalité une omission de statuer dans le dispositif de l'arrêt, pouvant être réparée par la procédure prévue à l'article 463 du code de procédure civile, ne donne pas ouverture à cassation.
10. En conséquence, le moyen n'est pas recevable.
Crim. 29 avril 2025 n° 24-86.699
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° J 24-86.699 F-D
N° 00517
SB4 29 AVRIL 2025
ANNULATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 29 AVRIL 2025
M. [S] [N] a formé un pourvoi contre l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 14 novembre 2024, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'importation de stupéfiants en bande organisée, infractions à la législation sur les stupéfiants, association de malfaiteurs, blanchiment, non-justification de ressources et refus de remettre aux autorités judiciaires la convention secrète de chiffrement d'un moyen de cryptologie, a déclaré non admis son appel de l'ordonnance du juge d'instruction le renvoyant devant le tribunal correctionnel.
Par ordonnance du 20 janvier 2025, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen du pourvoi.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Busché, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [S] [N], et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Busché, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'ordonnance attaquée et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. [S] [N] a été mis en examen des chefs d'importation de stupéfiants en bande organisée, infractions à la législation sur les stupéfiants, association de malfaiteurs, blanchiment, non-justification de ressources et refus de remettre aux autorités judiciaires la convention secrète de chiffrement d'un moyen de cryptologie.
3. Le juge d'instruction a rendu une ordonnance de non-lieu partiel et de renvoi devant le tribunal correctionnel des seuls chefs d'acquisition, transport, détention et offre ou cession de stupéfiants.
4. M. [N] a relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré non-admis l'appel formé par M. [N] contre l'ordonnance aux fins de non-lieu partiel et de renvoi devant le tribunal correctionnel de cour d'appel de Versailles du 4 octobre 2024, alors :
« 1°/ d'une part, que la recevabilité de l'appel interjeté par le mis en examen contre une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel peut être appréciée, non seulement au vu des indications figurant sur l'acte d'appel, mais aussi en fonction des motifs de ce recours exposés par mémoire devant la Chambre de l'instruction ; que si le président de ladite Chambre peut déclarer non-admis l'appel du mis en examen avant d'avoir permis à ce dernier d'expliciter par mémoire les motifs de son appel, c'est à la condition sine qua non qu'une bonne administration de la justice le justifie ; que tel n'est pas le cas lorsque l'intéressé a explicitement indiqué dans son acte d'appel qu'il justifierait les motifs de son recours dans un mémoire ; qu'au cas d'espèce, il résulte des mentions de l'acte d'appel qu'il y a explicitement indiqué que « les motifs de recevabilité de l'appel seront explicités par mémoire » ; qu'il ne pouvait dès lors être exclu, avant le dépôt de ce mémoire que l'exposant entendait faire valoir, au visa de l'article 186-3 du Code de procédure pénale que les faits pour lesquels il a été renvoyé devant le tribunal correctionnel constituaient en réalité un crime et qu'il aurait du faire l'objet d'une ordonnance de mise en accusation devant la Cour d'assises ou devant la Cour criminelle départementale ; qu'il s'ensuit que la bonne administration de la justice ne justifiait pas que le président de la Chambre de l'instruction statue sans attendre le dépôt par l'exposant du mémoire annoncé dans la déclaration d'appel ; qu'en déclarant toutefois l'appel non-admis en affirmant à tort que « [S] [N], en tant que personne mise en examen, ne peut faire appel d'une ordonnance de non-lieu car l'article 186-3 du code de procédure pénale ne le prévoit pas » mais également que « [S] [N] ne se trouve en l'espèce dans aucune des deux situations prévues par l'article 186-3 [et] que l'ordonnance critiquée ne présente pas non plus de caractère complexe », le président de la Chambre de l'instruction, qui a excédé ses pouvoirs, a violé les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme, 186, 186-3, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
2°/ d'autre part, que la recevabilité de l'appel interjeté par le mis en examen contre une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel peut être appréciée non seulement au vu des indications figurant dans l'acte d'appel, mais aussi en fonction des motifs de ce recours exposés par mémoire devant la Chambre de l'instruction ; que si le président de ladite Chambre peut déclarer non-admis l'appel du mis en examen avant d'avoir permis à ce dernier d'expliciter par mémoire les motifs de son appel, c'est à la condition que la procédure ait été suivie dès l'origine sous une qualification délictuelle et qu'il n'existe aucune possibilité de qualification criminelle des faits retenus ; qu'au cas d'espèce, les faits pour lesquels Monsieur [N] a été renvoyé devant le tribunal correctionnel, qualifiés d'infractions à la législation sur les stupéfiants et de participation à une association de malfaiteurs, étaient, tels que présentés par le juge d'instruction dans son ordonnance, susceptibles de recevoir la qualification criminelle d'importation ou de complicité d'importation de stupéfiants en bande organisée en application de l'article 222-36 alinéa 2 et 121-7 du Code pénal ; qu'en retenant à tort, pour dire l'appel formé contre l'ordonnance de renvoi non-admis, que « [S] [N], en tant que personne mise en examen, ne peut faire appel d'une ordonnance de non-lieu car l'article 186- du code de procédure pénale ne le prévoit pas » mais également que « [S] [N] ne se trouve en l'espèce dans aucune des deux situations prévues par l'article 186-3 [et] que l'ordonnance critiquée ne présente pas non plus de caractère complexe » quand l'exposant pouvait - ainsi qu'il l'avait annoncé au sein de l'acte d'appel - faire valoir par mémoire que les faits pour lesquels il était renvoyé devant le tribunal correctionnel étaient susceptibles de revêtir une qualification criminelle et qu'il devait, en conséquence, faire l'objet d'une ordonnance de mise en accusation devant la Cour d'assises ou la Cour criminelle départementale, le Président de la Chambre de l'instruction, qui a excédé ses pouvoirs, a violé les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme, 186, 186-3, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
3°/ enfin, que la recevabilité de l'appel interjeté par le mis en examen contre une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel peut être appréciée non seulement au vu des indications figurant dans l'acte d'appel, mais aussi en fonction des motifs de ce recours exposés par mémoire devant la Chambre de l'instruction ; que si le président de ladite Chambre peut déclarer non-admis l'appel du mis en examen avant d'avoir permis à ce dernier d'expliciter par mémoire les motifs de son appel, c'est à la condition que la procédure ait été suivie dès l'origine sous une qualification délictuelle et qu'il n'existe aucune possibilité de qualification criminelle des faits retenus ; qu'au cas d'espèce, Monsieur [N] a initialement été poursuivi des chefs de crime d'importation non autorisée de stupéfiants commis en bande organisée et de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un crime ; qu'en retenant, pour dire l'appel formé contre l'ordonnance de renvoi non-admis, que « [S] [N], en tant que personne mise en examen, ne peut faire appel d'une ordonnance de non-lieu car l'article 186- du code de procédure pénale ne le prévoit pas » mais également que « [S] [N] ne se trouve en l'espèce dans aucune des deux situations prévues par l'article 186-3 [et] que l'ordonnance critiquée ne présente pas non plus de caractère complexe » quand l'exposant, qui avait été initialement poursuivi sous une qualification criminelle pouvait - ainsi qu'il l'avait indiqué au sein de l'acte d'appel - faire valoir par mémoire que les faits renvoyés constituaient un crime et qu'il aurait dû faire l'objet d'une ordonnance de mise en accusation devant la Cour d'assises ou la Cour criminelle départementale, le Président de la Chambre de l'instruction, qui a excédé ses pouvoirs, a violé les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme, 186, 186-3, 591 et 593 du Code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 186-3 du code de procédure pénale :
6. Selon le premier alinéa de ce texte, la personne mise en examen peut interjeter appel des ordonnances prévues par le premier alinéa de l'article 179 du code de procédure pénale dans le cas où elle estime que les faits renvoyés devant le tribunal correctionnel constituent un crime qui aurait dû faire l'objet d'une ordonnance de mise en accusation.
7. Pour dire non admis l'appel de M. [N], l'ordonnance attaquée énonce que la décision contestée n'est pas de celles dont l'article 186 du code de procédure pénale autorise l'appel.
8. Le juge ajoute que M. [N] ne se trouve en l'espèce dans aucune des deux situations prévues par l'article 186-3 du code de procédure pénale et que l'ordonnance critiquée ne présente pas non plus un caractère complexe.
9. En prononçant ainsi, le président de la chambre de l'instruction a excédé ses pouvoirs.
10. En effet, ce magistrat ne pouvait statuer sur l'appel de l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, avant que le demandeur ait exposé les motifs de son recours par mémoire devant la chambre de l'instruction, sans constater que les faits poursuivis à l'origine sous une qualification délictuelle ne comportaient aucune possibilité de qualification criminelle.
11. L'annulation est de ce fait encourue.
Soc. 29 avril 2025 n° 24-13.894
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 29 avril 2025
Cassation
Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 415 F-D
Pourvoi n° Y 24-13.894
Aide juridictionnelle totale en demande au profit de Mme [M]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 18 janvier 2024.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 AVRIL 2025 Mme [O] [M], domiciliée [Adresse 1], [Localité 5], a formé le pourvoi n° Y 24-13.894 contre le jugement rendu le 18 juillet 2023 par le conseil de prud'hommes de Tarbes (chambre du commerce et de l'industrie), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Ekip', société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 6], prise en la personne de M. [D] [H], en qualité de mandataire ad hoc de la société Séverine Maystre,
2°/ au centre de gestion et d'études AGS CGEA de [Localité 3], dont le siège est [Adresse 4], [Localité 3],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Le Quellec, conseiller, les observations de Me Bouthors, avocat de Mme [M], et l'avis écrit de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 19 mars 2025 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Le Quellec, conseiller rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (conseil de prud'hommes de Tarbes, 18 juillet 2023), rendu en dernier ressort, et les productions, Mme [M] a été engagée en qualité de coiffeuse par la société Séverine Maystre (la société), à partir du 6 septembre 2021, par contrat à durée déterminée d'un mois, puis le 14 septembre 2021 en contrat à durée indéterminée.
2. La société a été placée en liquidation judiciaire directe simplifiée par jugement d'un tribunal de commerce le 2 mai 2022 et la société Ekip' désignée en qualité de liquidatrice.
3. La salariée a saisi la juridiction prud'homale le 7 décembre 2022 de demandes en paiement de diverses sommes au titre de l'exécution du contrat de travail.
4. La procédure de liquidation judiciaire a été clôturée le 18 décembre 2023 et la société Ekip' désignée en qualité de mandataire ad hoc.
5. L'AGS CGEA de [Localité 3] a été appelée à la cause.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
6. La salariée fait grief au jugement de la débouter de ses demandes tendant au règlement de sommes au titre de ses salaires de septembre à octobre 2021, des congés payés et du préjudice financier, par une décision opposable tant au liquidateur de son employeur qu'au CGEA-AGS, alors « qu'en vertu de l'article L. 3243-3 du code du travail, il appartient à l'employeur, en cas de litige, de prouver le paiement du salaire nonobstant la délivrance d'une fiche de paie ; que pour rejeter la demande de la salariée, le conseil des prud'hommes se borne à affirmer que le contrat de travail de la requérante s'était terminé le 21 octobre 2021 et qu'au jour de l'ouverture de la procédure collective, qui conduira au prononcé ultérieur d'une liquidation judiciaire directe simplifiée, l'Eurl Séverine Maystre, employeur, avait déclaré que son personnel salarié s'élevait au nombre de 0 ; qu'en se déterminant à la faveur de ces considérations inopérantes sans autrement rechercher si l'employeur justifiait avoir effectivement réglé les salaires revenant à la requérante, le conseil des prud'hommes a privé sa décision de toute base légale au regard du texte susvisé. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1353 du code civil et L. 3243-3 du code du travail :
7. Aux termes du premier de ces textes, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
8. Aux termes du second, l'acceptation sans protestation ni réserve d'un bulletin de paie par le travailleur ne peut valoir de sa part renonciation au paiement de tout ou partie du salaire et des indemnités ou accessoires de salaire qui lui sont dus.
9. Il résulte de la combinaison de ces textes que, nonobstant la délivrance de la fiche de paie, l'employeur doit prouver le paiement du salaire.
10. Pour débouter la salariée de sa demande tendant au règlement de ses salaires de septembre à octobre 2021, outre les congés payés et d'une somme au titre du préjudice financier, le jugement retient que le contrat de travail de la salariée s'est terminé le 21 octobre 2021, qu'au jour de l'ouverture de la procédure collective à l'encontre de l'employeur, il est déclaré que son personnel salarié s'élevait au nombre de zéro et que le 2 mai 2022, un tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire de l'employeur.
11. En se déterminant ainsi, sans rechercher si l'employeur représenté par sa liquidatrice judiciaire rapportait la preuve qui lui incombait du paiement des salaires au titre des mois de septembre et octobre 2021, outre les congés payés, notamment par la production de pièces comptables, le conseil de prud'hommes n'a pas donné de base légale à sa décision.
Soc. 29 avril 2025 n° 23-21.135
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 29 avril 2025
Cassation partielle sans renvoi
Mme CAPITAINE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 405 F-D
Pourvoi n° Y 23-21.135
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 AVRIL 2025
La Société européenne du meuble, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Y 23-21.135 contre l'arrêt rendu le 6 juillet 2023 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant à M. [T] [L], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Chiron, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la Société européenne du meuble, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [L], après débats en l'audience publique du 18 mars 2025 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Chiron, conseiller référendaire rapporteur, Mme Lacquemant, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 6 juillet 2023), M. [L] a été engagé en qualité de directeur commercial le 1er juillet 2019 par la Société européenne du meuble.
2. L'employeur a remis au salarié des documents de fin de contrat indiquant une rupture de la relation contractuelle au 17 janvier 2020.
3. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale aux fins de faire constater le caractère abusif de la rupture de son contrat, l'exécution déloyale du contrat par l'employeur ainsi que son manquement à l'obligation de sécurité.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que les dispositions de la Charte sociale européenne selon lesquelles les Etats contractants ont entendu reconnaître des principes et des objectifs poursuivis par tous les moyens utiles, dont la mise en oeuvre nécessite qu'ils prennent des actes complémentaires d'application et dont ils ont réservé le contrôle au seul système spécifique visé par la partie IV, ne sont pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers ; que l'invocation de son article 24 ne peut dès lors pas conduire à écarter l'application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, permettant d'allouer au salarié une indemnité fixée à une somme comprise entre les montants minimaux et maximaux déterminés par ce texte ; qu'en jugeant le contraire, pour écarter l'application de l'article L. 1235-3 du code du travail et accorder à M. [L] une indemnité équivalente à trois mois de salaires lorsqu'il ne pouvait prétendre, en application du barème, qu'à une indemnité plafonnée à un mois de salaire, la cour d'appel a violé l'article L. 1235-3 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018 :
5. Aux termes de ce texte, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux.
6. Les dispositions de la Charte sociale européenne selon lesquelles les Etats contractants ont entendu reconnaître des principes et des objectifs poursuivis par tous les moyens utiles, dont la mise en oeuvre nécessite qu'ils prennent des actes complémentaires d'application et dont ils ont réservé le contrôle au seul système spécifique visé par la partie IV, ne sont pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.
7. L'invocation de son article 24 ne peut dès lors pas conduire à écarter l'application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, permettant d'allouer au salarié une indemnité fixée à une somme comprise entre les montants minimaux et maximaux déterminés par ce texte.
8. Pour condamner l'employeur à payer au salarié une certaine somme au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que les dispositions de l'article 24 de la Charte sociale européenne sont d'application directe dans le système juridique français s'agissant des modalités qu'elles prévoient pour réparer le licenciement injustifié d'un travailleur, qu'elles peuvent dès lors être invoquées dans un litige entre deux particuliers en ce qu'elles n'ont pas pour objet exclusif de régir uniquement les relations entre les Etats parties mais concernent les rapports entre un employeur et un travailleur, et qu'elles garantissent un droit précis, clair et inconditionnel pour le travailleur, en cas de licenciement injustifié, d'obtenir le versement d'une indemnité adéquate ou d'une autre réparation appropriée.
9. L'arrêt ajoute que cet article ne prévoit aucune marge de manoeuvre aux Etats parties qui s'engagent à reconnaître les droits qui y sont énoncés, que la partie III de la Charte précise que les Etats parties sont tenus, au-delà de la déclaration d'objectifs à atteindre, de s'engager à être liés sur un nombre minimum d'articles, tout en pouvant faire des réserves, que les articles H (relations entre la Charte et le droit interne ou les accords internationaux de cette même Charte) et I (mise en oeuvre des engagements souscrits) permettent clairement d'en déduire qu'il ne s'agit pas uniquement d'objectifs à atteindre mais bien d'engagements contraignants pour les Etats parties s'agissant des articles pour lesquels ils se sont estimés liés, que l'Etat français n'a formulé aucune réserve, et notamment au titre de la partie III, article A, Engagements, à la Charte sociale européenne dont il a accepté l'application de l'ensemble des articles, et qu'aucun acte complémentaire des Etats n'est nécessaire pour que ces stipulations produisent des effets à l'égard des particuliers dès lors que l'Etat a instauré un organe pour connaître des litiges relatifs à un licenciement allégué comme injustifié, ce qui est le cas en vertu de l'article L. 1411-1 du code du travail confiant au conseil de prud'hommes, compétence pour régler les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du même code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient.
10. L'arrêt en conclut qu'eu égard à l'applicabilité directe de l'article 24 de la Charte sociale européenne et au fait que les barèmes d'indemnisation prévus par l'article L. 1235-3 du code du travail ne garantissent pas au salarié licencié de manière injustifiée, hors les cas de nullités, une indemnité adéquate, en l'espèce avec un plafond équivalent à un mois de salaire au maximum, il y a lieu d'écarter ceux-ci et d'apprécier souverainement les éléments de préjudice pour déterminer une indemnité adéquate réparant, en l'absence de réintégration, le préjudice subi à raison du licenciement sans cause réelle et sérieuse.
11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
12. Tel que suggéré par l'employeur, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
13. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
14. Au regard de l'ancienneté du salarié inférieure à un an, la Cour dispose des éléments suffisants pour condamner l'employeur à payer au salarié la somme de 4 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, laquelle correspond à un mois de salaire.
15. La cassation du chef de dispositif condamnant l'employeur à payer une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci.
Soc. 29 avril 2025 n° 23-21.867
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 29 avril 2025
Cassation
Mme CAPITAINE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 407 F-D
Pourvoi n° U 23-21.867
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 AVRIL 2025
M. [L] [X], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° U 23-21.867 contre l'arrêt rendu le 27 septembre 2022 par la cour d'appel de Nîmes (chambre civile, 5e chambre sociale PH), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Etude Balincourt, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], prise en sa qualité de mandataire ad hoc de la société LVA07,
2°/ à l'association UNEDIC délégation AGS CGEA d'[Localité 4], dont le siège est [Adresse 3],
3°/ à la société LVA07, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 5],
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Leperchey, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Poupet & Kacenelenbogen, avocat de M. [X], après débats en l'audience publique du 18 mars 2025 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Leperchey, conseiller référendaire rapporteur, Mme Lacquemant, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 27 septembre 2022) et les productions, M. [X], revendiquant l'existence d'un contrat de travail l'ayant lié entre le 1er avril 2015 et le 30 août 2017 à la société LVA 07, dont le gérant de droit était M. [J] [R] et le gérant de fait M. [G] [R], a saisi la juridiction prud'homale.
2. La société LVA 07 a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 28 mai 2019. Cette liquidation judiciaire a été clôturée pour insuffisance d'actif le 26 novembre 2019. La société Etude Balincourt a été désignée en qualité de mandataire ad hoc de la société LVA 07 par ordonnance du 23 septembre 2020.
3. La société LVA 07 et MM. [R] ont été reconnus coupables de travail dissimulé entre le 1er avril 2015 et le 30 août 2017 par jugement du 23 novembre 2021 du tribunal correctionnel de Privas. MM. [R] ont relevé appel de cette décision qui a été confirmée par arrêt de la cour d'appel de Nîmes du 10 octobre 2023.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. M. [X] fait grief à l'arrêt de dire que la preuve d'un lien de subordination n'était rapportée que pour la période du 16 novembre au 15 décembre 2015 et de le débouter du surplus de ses demandes, alors « que les décisions de la juridiction pénale ont au civil l'autorité de chose jugée à l'égard de tous ; qu'il n'est pas permis au juge civil de méconnaître ce qui a été jugé par le tribunal répressif ; qu'en l'espèce, suivant jugement correctionnel du 23 novembre 2021, le tribunal correctionnel de Privas a déclaré la société LVA 07 coupable des faits d'exécution d'un travail dissimulé par personne morale commis du 1er avril 2015 au 30 août 2017 à [Localité 6] envers M. [X] ; que dans ses motifs, le tribunal correctionnel a retenu l'existence d'un travail salarié effectué par M. [X] dans un lien de subordination juridique à l'égard de la société LVA 07 entre le 1er avril 2015 et le 30 août 2017 ; que pour écarter néanmoins l'existence d'une relation de travail entre M. [X] et cette société au titre de la même période, la cour d'appel affirme que si selon le jugement correctionnel de Privas du 23 novembre 2021, la société LVA 07 et MM. [J] et [G] [R] ont été déclarés coupables de travail dissimulé, cette décision n'est pas définitive pour avoir fait l'objet d'un appel ; qu'en statuant ainsi, sans constater que la société LVA 07 avait relevé appel de ce jugement, faute de quoi cette décision de la juridiction pénale était définitive à l'égard de cette société et avait donc autorité absolue de chose jugée dans les rapports entre M. [X] et la société LVA 07 tandis qu'il était soutenu que c'étaient les gérants de droit et de fait de cette société qui avaient interjeté appel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe de l'autorité, au civil, de la chose jugée au pénal. »
Réponse de la Cour
Vu le principe de l'autorité au civil de la chose jugée au pénal :
5. En application de ce principe, la chose jugée au pénal s'impose au juge civil relativement aux faits qui constituent le soutien nécessaire de la décision pénale.
6. Pour dire que la preuve d'un lien de subordination n'était rapportée que pour la période du 16 novembre au 15 décembre 2015, l'arrêt retient que M. [X] échoue à établir l'existence d'une relation salariée entre le 1er avril et le 16 novembre 2015 et entre le 15 décembre 2015 et le 30 août 2017 et que si, selon jugement du tribunal correctionnel de Privas du 23 novembre 2021, la société LVA 07 et MM. [R] avaient été déclarés coupables de travail dissimulé, cette décision n'était pas définitive pour avoir fait l'objet d'un appel.
7. En se déterminant ainsi, sans constater l'existence d'un appel de la société LVA 07 à l'encontre de cette décision, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Soc. 29 avril 2025 n° 23-23.496
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 29 avril 2025
Cassation partielle
Mme CAPITAINE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 402 F-D
Pourvoi n° Q 23-23.496
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 AVRIL 2025
M. [Z] [S], domicilié [Adresse 2], [Localité 5], a formé le pourvoi n° Q 23-23.496 contre l'arrêt rendu le 1er septembre 2023 par la cour d'appel de Cayenne (chambre sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société BR associés, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 4], prise en la personne de Mme [B] [K], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Compagnie opérationnelle de sécurité de Guyane,
2°/ à l'Unédic délégation AGS-CGEA de Fort-de-France, dont le siège est [Adresse 6], [Localité 3],
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, cinq moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Palle, conseiller, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [S], et l'avis écrit de M. Charbonnier, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 mars 2025 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Palle, conseiller rapporteur, Mme Lacquemant, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Cayenne, 1er septembre 2023), M. [S] a été engagé en qualité d'agent d'exploitation par la société Galéa Guyane, à compter du 1er juin 2004.
2. Par un avenant du 1er novembre 2013, le contrat de travail a été transféré à la société Compagnie opérationnelle de sécurité de Guyane.
3. En mars 2019, l'employeur a perdu le marché public de surveillance, contrôle et gardiennage d'un site au profit de la société Cyno garde, laquelle a informé le salarié de l'impossibilité de transférer son contrat de travail en raison de sa carence à justifier des formations réglementaires requises.
4. L'employeur lui ayant remis le certificat de travail, un solde de tout compte et l'attestation Pôle emploi, fixant la rupture du contrat de travail au 31 mars 2019, le salarié a saisi le tribunal judiciaire statuant en matière prud'homale pour obtenir des indemnités de rupture et des dommages-intérêts en réparation de divers préjudices.
5. Par jugement du tribunal mixte de commerce du 20 mai 2021, l'employeur a été placé en redressement judiciaire, converti en liquidation judiciaire, le 26 novembre 2021, la société BR associés étant désignée en qualité de liquidateur.
Examen des moyens
Sur les deuxième et quatrième moyens
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
7. Le salarié fait grief à l'arrêt de limiter à une certaine somme la créance fixée au passif de la liquidation judiciaire de l'employeur au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que si le salarié est licencié pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'existe pas de possibilité de réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l'ancienneté exprimée en années complètes du salarié ; que pour limiter le montant de l'indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse à deux mois et demi de salaire, la cour d'appel a retenu qu'il convenait de tenir compte de l'ancienneté du salarié, laquelle était de quinze ans et neuf mois, ainsi que du fait que la société employait moins de onze salariés, le cadre légal prévoyant selon l'article L. 1235-3 du code du travail une indemnité minimale de deux mois et demi de salaire pour les sociétés ayant moins de onze salariés contre un plafond indemnitaire fixé entre trois et dix mois de salaire pour les sociétés employant plus de cinquante salariés ; qu'en statuant ainsi, alors pourtant qu'à partir de onze ans d'ancienneté, le plancher d'indemnisation est strictement identique, quel que soit l'effectif de l'entreprise, et que pour un salarié dont l'ancienneté dans l'entreprise est de quinze années complètes, le montant minimal de l'indemnité est de trois mois de salaire et le montant maximal est de treize mois de salaire, la cour d'appel a violé l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018 :
8. Aux termes de ce texte, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux. En cas de licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, les montants minimaux sont fixés jusqu'à dix ans d'ancienneté.
9. Il en résulte qu'à partir de la onzième année complète d'ancienneté, le montant minimal de l'indemnité est celui qui est fixé au tableau annexé à l'alinéa 2 de ce texte, en fonction de la durée de l'ancienneté, quel que soit l'effectif de l'entreprise.
10. Pour fixer à deux mois et demi de salaire le montant de la créance d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt énonce que le cadre légal de l'article L. 1235-3 du code du travail prévoit une indemnité minimale de deux mois et demi de salaire pour les sociétés ayant moins de onze salariés. Il constate que l'ancienneté du salarié est de quinze ans et neuf mois et relève qu'il convient de tenir compte de l'ancienneté et du fait qu'il s'agit d'une société qui employait moins de onze salariés. Il retient que compte tenu des éléments produits, il est justifié de fixer l'indemnité à deux mois et demi de salaire.
11. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que l'ancienneté du salarié était de quinze années complètes, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
12. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en dommages-intérêts pour préjudice financier alors « que le paiement des cotisations sociales obligatoires afférentes à la rémunération des salariés, qu'elles soient d'origine légale ou conventionnelle, est pour l'employeur une obligation résultant de l'exécution du contrat de travail ; qu'il appartient à l'employeur, seul redevable des cotisations et contributions sociales assises sur la rémunération du salarié, de rapporter, notamment par la production de pièces comptables, la preuve du paiement de celles-ci et que le bulletin de paie ne fait pas présumer qu'il s'est acquitté de son obligation ; que pour rejeter la demande de fixation au passif de la liquidation judiciaire de la société Cos des dommages et intérêts pour non-reversement des cotisations de retraite pour l'année 2017, la cour d'appel a retenu que le salarié n'établissait pas le défaut de paiement des cotisations salariales, que le retard des paiements des cotisations sociales n'emportait aucun préjudice pour les salariés quant aux heures réalisées et aux cotisations qui allaient être retenues et que seul l'exercice d'heures supplémentaires non déclarées et non soumises à déclaration et cotisations aurait été susceptible de porter préjudice quant à la comptabilisation des droits à la retraite du salarié et que tel n'était toutefois pas le cas ; que la cour d'appel a retenu encore, par motifs adoptés, que l'arrêté de situation comptable émanant de l'assurance retraite, dont la dernière ligne comptable produite était relative à l'année 2018, était informatif et insuffisant à établir les allégations du salarié, qu'il convenait de tenir compte du délai de latence administrative pouvant exister entre deux inscriptions comptables, que la teneur du jugement du tribunal mixte de commerce en date du 20 mai 2021 procédant à l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire corroborait cette appréciation en ce que la date provisoire de l'état de cessation des paiements avait été fixée au 1er janvier 2021, soit postérieurement à la rupture du contrat de travail fixée au 31 mars 2019, et que même si l'état du passif de la société Cos comportait environ 80,4 % de dette déclarée contractée auprès de la CGSS et de l'AG2R La Mondiale, le salarié ne démontrait pas la réalité effective du prétendu défaut de paiement de cotisations sociales sur la période antérieure au 1er janvier 2021, date de fixation provisoire de l'état de cessation de paiement ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il appartenait à l'employeur de rapporter la preuve du paiement des cotisations sociales pour l'année 2017, et qu'il résultait du relevé de carrière de décembre 2019 que la caisse de retraite avait pris en compte les paiements pour les années antérieures et postérieures à 2017, ce qui excluait nécessairement toute latence administrative pour les cotisations de l'année 2017, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1353 du code civil, ensemble les articles L. 241-8, L. 243-1 et R. 243-6 du code de la sécurité sociale, dans leur version applicable au litige. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1353 du code civil, L. 241-8, L. 243-1 et R. 243-6 du code de la sécurité sociale :
13. Il résulte de ces textes qu'il appartient à l'employeur, seul débiteur des cotisations et contributions sociales assises sur la rémunération du salarié, de rapporter la preuve du paiement de celles-ci.
14. Pour rejeter la demande du salarié en paiement de dommages-intérêts pour le préjudice financier résultant du non versement des cotisations de retraite, l'arrêt retient que le salarié échoue à rapporter la preuve de la matérialité des faits reprochés.
15. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés.
Et sur le cinquième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
16. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, alors « que la cassation à intervenir sur le troisième moyen et/ou le quatrième moyen entraînera la cassation, par voie de conséquence, du chef du dispositif se rapportant au rejet de la demande de fixation au passif de la société Cos d'une somme à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire, en application de l'article 624 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 624 du code de procédure civile :
17. La cassation du chef de dispositif de l'arrêt qui déboute le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice financier pour non versement des cotisations de retraite entraîne la cassation du chef de dispositif qui déboute le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
Portée et conséquences de la cassation
18. La cassation des chefs de dispositif de l'arrêt qui fixe à une certaine somme la créance d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse au passif de la liquidation judiciaire de l'employeur et déboute le salarié de ses demandes de dommages-intérêts pour préjudice financier et pour exécution déloyale du contrat de travail n'emporte pas celle du chef de dispositif de l'arrêt condamnant le liquidateur judiciaire, représentant l'employeur, aux dépens, justifié par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause.
Soc. 29 avril 2025 n° 23-23.498
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 29 avril 2025
Cassation partielle
Mme CAPITAINE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 404 F-D
Pourvoi n° S 23-23.498
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 AVRIL 2025
M. [D] [L], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 23-23.498 contre l'arrêt rendu le 1er septembre 2023 par la cour d'appel de Cayenne (chambre sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société BR associés, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 2], prise en la personne de Mme [Z] [F], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Compagnie opérationnelle de sécurité de Guyane,
2°/ à l'Unédic délégation AGS-CGEA de [Localité 4], dont le siège est [Adresse 3],
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, cinq moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Palle, conseiller, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [L], et l'avis écrit de M. Charbonnier, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 mars 2025 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Palle, conseiller rapporteur, Mme Lacquemant, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Cayenne, 1er septembre 2023), M. [L] a été engagé en qualité d'agent d'exploitation par la société Galéa Guyane, à compter du 1er août 2004.
2. Par un avenant du 1er novembre 2013, le contrat de travail a été transféré à la société Compagnie opérationnelle de sécurité de Guyane.
3. En mars 2019, l'employeur a perdu le marché public de surveillance, contrôle et gardiennage d'un site au profit de la société Cyno garde, laquelle a informé le salarié de l'impossibilité de transférer son contrat de travail.
4. L'employeur lui ayant remis le certificat de travail, un solde de tout compte et l'attestation Pôle emploi, fixant la rupture du contrat de travail au 31 mars 2019, le salarié a saisi le tribunal judiciaire statuant en matière prud'homale pour obtenir des indemnités de rupture et des dommages-intérêts en réparation de divers préjudices.
5. Par jugement du tribunal mixte de commerce du 20 mai 2021, l'employeur a été placé en redressement judiciaire, converti en liquidation judiciaire, le 26 novembre 2021, la société BR associés étant désignée en qualité de liquidateur.
Examen des moyens
Sur les deuxième et quatrième moyens
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
7. Le salarié fait grief à l'arrêt de limiter à une certaine somme la créance fixée au passif de la liquidation judiciaire de l'employeur au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que si le salarié est licencié pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'existe pas de possibilité de réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l'ancienneté exprimée en années complètes du salarié ; que pour limiter le montant de l'indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse à trois mois de salaire, la cour d'appel a retenu qu'il convenait de tenir compte de l'ancienneté du salarié, laquelle était de quinze ans et neuf mois, ainsi que du fait que la société employait moins de onze salariés, le cadre légal prévoyant selon l'article L. 1235-3 du code du travail une indemnité minimale de deux mois et demi de salaire pour les sociétés ayant moins de onze salariés contre un plafond indemnitaire fixé entre trois et dix mois de salaire pour les sociétés employant plus de cinquante salariés ; qu'en statuant ainsi, alors pourtant qu'à partir de onze ans d'ancienneté, le plancher d'indemnisation est strictement identique, quel que soit l'effectif de l'entreprise, et que pour un salarié dont l'ancienneté dans l'entreprise est de quinze années complètes, le montant minimal de l'indemnité est de trois mois de salaire et le montant maximal est de treize mois de salaire, la cour d'appel a violé l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018 :
8. Aux termes de ce texte, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux. En cas de licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, les montants minimaux sont fixés jusqu'à dix ans d'ancienneté.
9. Il en résulte qu'à partir de la onzième année complète d'ancienneté, le montant minimal de l'indemnité est celui qui est fixé au tableau annexé à l'alinéa 2 de ce texte, en fonction de la durée de l'ancienneté, quel que soit l'effectif de l'entreprise.
10. Pour limiter à une certaine somme le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt énonce que le cadre légal de l'article L. 1235-3 du code du travail prévoit une indemnité minimale de deux mois et demi de salaire pour les sociétés ayant moins de onze salariés. Il constate que l'ancienneté du salarié est de quinze ans et neuf mois et relève qu'il convient de tenir compte de l'ancienneté et du fait qu'il s'agit d'une société qui employait moins de onze salariés. Il retient que compte tenu des éléments produits, il est justifié de fixer l'indemnité correspondant à trois mois de salaire.
11. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que l'ancienneté du salarié était de quinze années complètes, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
12. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en dommages-intérêts pour préjudice financier alors « que le paiement des cotisations sociales obligatoires afférentes à la rémunération des salariés, qu'elles soient d'origine légale ou conventionnelle, est pour l'employeur une obligation résultant de l'exécution du contrat de travail ; qu'il appartient à l'employeur, seul redevable des cotisations et contributions sociales assises sur la rémunération du salarié, de rapporter, notamment par la production de pièces comptables, la preuve du paiement de celles-ci et que le bulletin de paie ne fait pas présumer qu'il s'est acquitté de son obligation ; que pour rejeter la demande de fixation au passif de la liquidation judiciaire de la société Cos des dommages-intérêts pour non-reversement des cotisations de retraite pour l'année 2017, la cour d'appel a retenu que le salarié n'établissait pas le défaut de paiement des cotisations salariales, que le retard des paiements des cotisations sociales n'emportait aucun préjudice pour les salariés quant aux heures réalisées et aux cotisations qui allaient être retenues et que seul l'exercice d'heures supplémentaires non déclarées et non soumises à déclaration et cotisations aurait été susceptible de porter préjudice quant à la comptabilisation des droits à la retraite du salarié et que tel n'était toutefois pas le cas ; que la cour d'appel a retenu encore, par motifs adoptés, que l'arrêté de situation comptable émanant de l'assurance retraite, dont la dernière ligne comptable produite était fixée au 1er août 2018, était informatif et insuffisant à établir les allégations du salarié, qu'il convenait de tenir compte du délai de latence administrative pouvant exister entre deux inscriptions comptables, que la teneur du jugement du tribunal mixte de commerce en date du 20 mai 2021 procédant à l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire corroborait cette appréciation en ce que la date provisoire de l'état de cessation des paiements avait été fixée au 1er janvier 2021, soit postérieurement à la rupture du contrat de travail fixée au 31 mars 2019, et que même si l'état du passif de la société Cos comportait environ 80,4 % de dette déclarée contractée auprès de la CGSS et de l'AG2R La Mondiale, le salarié ne démontrait pas la réalité effective du prétendu défaut de paiement de cotisations sociales sur la période antérieure au 1er janvier 2021, date de fixation provisoire de l'état de cessation de paiement ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il appartenait à l'employeur de rapporter la preuve du paiement des cotisations sociales pour l'année 2017, et qu'il résultait du relevé de carrière de septembre 2019 que la caisse de retraite avait pris en compte les paiements pour les années antérieures et postérieures à 2017, ce qui excluait nécessairement toute latence administrative pour les cotisations de l'année 2017, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1353 du code civil, ensemble les articles L. 241-8, L. 243-1 et R. 243-6 du code de la sécurité sociale, dans leur version applicable au litige. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1353 du code civil, L. 241-8, L. 243-1 et R. 243-6 du code de la sécurité sociale :
13. Il résulte de ces textes qu'il appartient à l'employeur, seul débiteur des cotisations et contributions sociales assises sur la rémunération du salarié, de rapporter la preuve du paiement de celles-ci.
14. Pour rejeter la demande du salarié en paiement de dommages-intérêts pour le préjudice financier résultant du non versement des cotisations de retraite, l'arrêt retient que le salarié échoue à rapporter la preuve de la matérialité des faits reprochés.
15. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés.
Et sur le cinquième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
16. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, alors « que la cassation à intervenir sur le troisième moyen et/ou le quatrième moyen entraînera la cassation, par voie de conséquence, du chef du dispositif se rapportant au rejet de la demande de fixation au passif de la société Cos d'une somme à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire, en application de l'article 624 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 624 du code de procédure civile :
17. La cassation du chef de dispositif de l'arrêt qui déboute le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice financier pour non versement des cotisations de retraite entraîne la cassation du chef de dispositif qui déboute le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
Portée et conséquences de la cassation
18. La cassation des chefs de dispositif de l'arrêt qui fixe à une certaine somme la créance d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse au passif de la liquidation judiciaire de l'employeur et déboute le salarié de ses demandes de dommages-intérêts pour préjudice financier et pour exécution déloyale du contrat de travail n'emporte pas celle du chef de dispositif de l'arrêt condamnant le liquidateur judiciaire, représentant l'employeur, aux dépens, justifié par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause.
Soc. 29 avril 2025 n° 23-23.497
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 29 avril 2025
Cassation partielle
Mme CAPITAINE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 403 F-D
Pourvoi n° R 23-23.497
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 AVRIL 2025
M. [V] [N] [E], domicilié [Adresse 2], [Localité 5], a formé le pourvoi n° R 23-23.497 contre l'arrêt rendu le 1er septembre 2023 par la cour d'appel de Cayenne (chambre sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société BR associés, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 4], prise en la personne de Mme [W] [R], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Compagnie opérationnelle de sécurité de Guyane,
2°/ à l'Unédic délégation AGS-CGEA de [Localité 7], dont le siège est [Adresse 6], [Localité 3],
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, cinq moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Palle, conseiller, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [E], et l'avis écrit de M. Charbonnier, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 mars 2025 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Palle, conseiller rapporteur, Mme Lacquemant, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Cayenne, 1er septembre 2023), M. [E] a été engagé en qualité d'agent d'exploitation par la société Galéa Guyane, à compter du 28 septembre 1999.
2. Par un avenant du 1er novembre 2013, le contrat de travail a été transféré à la société Compagnie opérationnelle de sécurité de Guyane.
3. En mars 2019, l'employeur a perdu le marché public de surveillance, contrôle et gardiennage d'un site au profit de la société Cyno garde, laquelle a informé le salarié de l'impossibilité de transférer son contrat de travail.
4. L'employeur lui ayant remis le certificat de travail, un solde de tout compte et l'attestation Pôle emploi, fixant la rupture du contrat de travail au 31 mars 2019, le salarié a saisi le tribunal judiciaire statuant en matière prud'homale pour obtenir des indemnités de rupture et des dommages-intérêts en réparation de divers préjudices.
5. Par jugement du tribunal mixte de commerce du 20 mai 2021, l'employeur a été placé en redressement judiciaire, converti en liquidation judiciaire, le 26 novembre 2021, la société BR associés étant désignée en qualité de liquidateur.
Examen des moyens
Sur les deuxième et quatrième moyens
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
7. Le salarié fait grief à l'arrêt de limiter à une certaine somme la créance fixée au passif de la liquidation judiciaire de l'employeur au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que si le salarié est licencié pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'existe pas de possibilité de réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l'ancienneté exprimée en années complètes du salarié ; que pour limiter le montant de l'indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse à deux mois et demi de salaire, la cour d'appel a retenu qu'il convenait de tenir compte de l'ancienneté du salarié, laquelle était de dix-neuf ans et six mois, ainsi que du fait que la société employait moins de onze salariés, le cadre légal prévoyant selon l'article L. 1235-3 du code du travail une indemnité minimale de deux mois et demi de salaire pour les sociétés ayant moins de onze salariés contre un plafond indemnitaire fixé entre trois et dix mois de salaire pour les sociétés employant plus de cinquante salariés ; qu'en statuant ainsi, alors pourtant qu'à partir de onze ans d'ancienneté, le plancher d'indemnisation est strictement identique, quel que soit l'effectif de l'entreprise, et que pour un salarié dont l'ancienneté dans l'entreprise est de dix-neuf années complètes, le montant minimal de l'indemnité est de trois mois de salaire et le montant maximal est de quinze mois de salaire, la cour d'appel a violé l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018 :
8. Selon ce texte, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux. En cas de licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, les montants minimaux sont fixés jusqu'à dix ans d'ancienneté.
9. Il en résulte qu'à partir de la onzième année complète d'ancienneté, le montant minimal de l'indemnité est celui qui est fixé au tableau annexé à l'alinéa 2 de ce texte, en fonction de la durée de l'ancienneté, quel que soit l'effectif de l'entreprise.
10. Pour fixer à deux mois et demi de salaire le montant de la créance d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt énonce que le cadre légal de l'article L. 1235-3 du code du travail prévoit une indemnité minimale de deux mois et demi de salaire pour les sociétés ayant moins de onze salariés. Il constate que l'ancienneté du salarié est de dix-neuf ans et six mois et relève qu'il convient de tenir compte de l'ancienneté et du fait qu'il s'agit d'une société qui employait moins de onze salariés. Il retient que compte tenu des éléments produits, il est justifié de fixer l'indemnité à deux mois et demi de salaire.
11. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que l'ancienneté du salarié était de dix neuf années complètes, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
12. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en dommages-intérêts pour préjudice financier alors « que le paiement des cotisations sociales obligatoires afférentes à la rémunération des salariés, qu'elles soient d'origine légale ou conventionnelle, est pour l'employeur une obligation résultant de l'exécution du contrat de travail ; qu'il appartient à l'employeur, seul redevable des cotisations et contributions sociales assises sur la rémunération du salarié, de rapporter, notamment par la production de pièces comptables, la preuve du paiement de celles-ci et que le bulletin de paie ne fait pas présumer qu'il s'est acquitté de son obligation ; que pour rejeter la demande de fixation au passif de la liquidation judiciaire de la société Cos des dommages-intérêts pour non-reversement des cotisations de retraite pour l'année 2017, la cour d'appel a retenu que le salarié n'établissait pas le défaut de paiement des cotisations salariales, que le retard des paiements des cotisations sociales n'emportait aucun préjudice pour les salariés quant aux heures réalisées et aux cotisations qui allaient être retenues et que seul l'exercice d'heures supplémentaires non déclarées et non soumises à déclaration et cotisations aurait été susceptible de porter préjudice quant à la comptabilisation des droits à la retraite du salarié et que tel n'était toutefois pas le cas ; que la cour d'appel a retenu encore, par motifs adoptés, que l'arrêté de situation comptable émanant de l'assurance retraite, dont la dernière ligne comptable produite était relative à l'année 2018, était informatif et insuffisant à établir les allégations du salarié, qu'il convenait de tenir compte du délai de latence administrative pouvant exister entre deux inscriptions comptables, que la teneur du jugement du tribunal mixte de commerce en date du 20 mai 2021 procédant à l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire corroborait cette appréciation en ce que la date provisoire de l'état de cessation des paiements avait été fixée au 1er janvier 2021, soit postérieurement à la rupture du contrat de travail fixée au 31 mars 2019, et que même si l'état du passif de la société Cos comportait environ 80,4 % de dette déclarée contractée auprès de la CGSS et de l'AG2R La Mondiale, le salarié ne démontrait pas la réalité effective du prétendu défaut de paiement de cotisations sociales sur la période antérieure au 1er janvier 2021, date de fixation provisoire de l'état de cessation de paiement ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il appartenait à l'employeur de rapporter la preuve du paiement des cotisations sociales pour l'année 2017, et qu'il résultait du relevé de carrière de décembre 2019 que la caisse de retraite avait pris en compte les paiements pour les années antérieures et postérieures à 2017, ce qui excluait nécessairement toute latence administrative pour les cotisations de l'année 2017, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1353 du code civil, ensemble les articles L. 241-8, L. 243-1 et R. 243-6 du code de la sécurité sociale, dans leur version applicable au litige. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1353 du code civil, L. 241-8, L. 243-1 et R. 243-6 du code de la sécurité sociale :
13. Il résulte de ces textes qu'il appartient à l'employeur, seul débiteur des cotisations et contributions sociales assises sur la rémunération du salarié, de rapporter la preuve du paiement de celles-ci.
14. Pour rejeter la demande du salarié en paiement de dommages-intérêts pour le préjudice financier résultant du non versement des cotisations de retraite, l'arrêt retient que le salarié échoue à rapporter la preuve de la matérialité des faits reprochés.
15. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés.
Et sur le cinquième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
16. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, alors « que la cassation à intervenir sur le troisième moyen et/ou le quatrième moyen entraînera la cassation, par voie de conséquence, du chef du dispositif se rapportant au rejet de la demande de fixation au passif de la société Cos d'une somme à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire, en application de l'article 624 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 624 du code de procédure civile :
17. La cassation du chef de dispositif de l'arrêt qui déboute le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice financier pour non versement des cotisations de retraite entraîne la cassation du chef de dispositif qui déboute le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
Portée et conséquences de la cassation
18. La cassation des chefs de dispositif de l'arrêt qui fixe à une certaine somme la créance d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse au passif de la liquidation judiciaire de l'employeur et déboute le salarié de ses demandes de dommages-intérêts pour préjudice financier et pour exécution déloyale du contrat de travail n'emporte pas celle du chef de dispositif de l'arrêt condamnant le liquidateur judiciaire, représentant l'employeur, aux dépens, justifié par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause.
Soc. 29 avril 2025 n° 23-23.494 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 29 avril 2025
Cassation partielle
Mme CAPITAINE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 400 F-B
Pourvoi n° N 23-23.494
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 AVRIL 2025
M. [M] [D], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° N 23-23.494 contre l'arrêt rendu le 1er septembre 2023 par la cour d'appel de Cayenne (chambre sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société BR associés, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 1], prise en la personne de Mme [O] [R], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Compagnie opérationnelle de sécurité de Guyane,
2°/ à l'Unédic délégation AGS-CGEA de [Localité 4], dont le siège est [Adresse 3],
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, cinq moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Palle, conseiller, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [D], et l'avis écrit de M. Charbonnier, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 mars 2025 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Palle, conseiller rapporteur, Mme Lacquemant, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Cayenne, 1er septembre 2023), M. [D] a été engagé en qualité d'agent d'exploitation par la société Galéa Guyane, à compter du 1er mars 2004.
2. Par un avenant du 1er novembre 2013, le contrat de travail a été transféré à la société Compagnie opérationnelle de sécurité de Guyane.
3. En mars 2019, l'employeur a perdu le marché public de surveillance, contrôle et gardiennage d'un site au profit de la société Cyno garde, laquelle a informé le salarié de l'impossibilité de transférer son contrat de travail en raison de sa carence à justifier des formations réglementaires requises.
4. L'employeur lui ayant remis le certificat de travail, un solde de tout compte et l'attestation Pôle emploi, fixant la rupture du contrat de travail au 31 mars 2019, le salarié a saisi le tribunal judiciaire statuant en matière prud'homale pour obtenir des indemnités de rupture et des dommages-intérêts en réparation de divers préjudices.
5. Par jugement du tribunal mixte de commerce du 20 mai 2021, l'employeur a été placé en redressement judiciaire, converti en liquidation judiciaire, le 26 novembre 2021, la société BR associés étant désignée en qualité de liquidateur.
Examen des moyens
Sur les deuxième et quatrième moyens
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
7. Le salarié fait grief à l'arrêt de limiter à une certaine somme la créance fixée au passif de la liquidation judiciaire de l'employeur au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que si le salarié est licencié pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'existe pas de possibilité de réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l'ancienneté exprimée en années complètes du salarié ; que pour limiter le montant de l'indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse à deux mois et demi de salaire, la cour d'appel a retenu qu'il convenait de tenir compte de l'ancienneté du salarié, laquelle était de seize ans et un mois, ainsi que du fait que la société employait moins de onze salariés, le cadre légal prévoyant selon l'article L. 1235-3 du code du travail une indemnité minimale de deux mois et demi de salaire pour les sociétés ayant moins de onze salariés contre un plafond indemnitaire fixé entre trois et dix mois de salaire pour les sociétés employant plus de cinquante salariés ; qu'en statuant ainsi, alors pourtant qu'à partir de onze ans d'ancienneté, le plancher d'indemnisation est strictement identique, quel que soit l'effectif de l'entreprise, et que pour un salarié dont l'ancienneté dans l'entreprise est de seize années complètes, le montant minimal de l'indemnité est de trois mois de salaire et le montant maximal est de treize mois et demi de salaire, la cour d'appel a violé l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018 :
8. Aux termes de ce texte, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux. En cas de licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, les montants minimaux sont fixés jusqu'à dix ans d'ancienneté.
9. Il en résulte qu'à partir de la onzième année complète d'ancienneté, le montant minimal de l'indemnité est celui qui est fixé au tableau annexé à l'alinéa 2 de ce texte, en fonction de la durée de l'ancienneté, quel que soit l'effectif de l'entreprise.
10. Pour fixer à deux mois et demi de salaire le montant de la créance d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt énonce que le cadre légal de l'article L. 1235-3 du code du travail prévoit une indemnité minimale de deux mois et demi de salaire pour les sociétés ayant moins de onze salariés. Il constate que l'ancienneté du salarié est de seize ans et un mois et relève qu'il convient de tenir compte de l'ancienneté et du fait qu'il s'agit d'une société qui employait moins de onze salariés. Il retient que compte tenu des éléments produits, il est justifié de fixer l'indemnité à deux mois et demi de salaire.
11. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que l'ancienneté du salarié était de seize années complètes, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
12. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en dommages-intérêts pour préjudice financier alors « que le paiement des cotisations sociales obligatoires afférentes à la rémunération des salariés, qu'elles soient d'origine légale ou conventionnelle, est pour l'employeur une obligation résultant de l'exécution du contrat de travail ; qu'il appartient à l'employeur, seul redevable des cotisations et contributions sociales assises sur la rémunération du salarié, de rapporter, notamment par la production de pièces comptables, la preuve du paiement de celles-ci et que le bulletin de paie ne fait pas présumer qu'il s'est acquitté de son obligation ; que pour rejeter la demande de fixation au passif de la liquidation judiciaire de la société Cos des dommages-intérêts pour non-reversement des cotisations de retraite pour l'année 2017, la cour d'appel a retenu que le salarié n'établissait pas le défaut de paiement des cotisations salariales, que le retard des paiements des cotisations sociales n'emportait aucun préjudice pour les salariés quant aux heures réalisées et aux cotisations qui allaient être retenues et que seul l'exercice d'heures supplémentaires non déclarées et non soumises à déclaration et cotisations aurait été susceptible de porter préjudice quant à la comptabilisation des droits à la retraite du salarié et que tel n'était toutefois pas le cas ; que la cour d'appel a retenu encore, par motifs adoptés, que l'arrêté de situation comptable émanant de l'assurance retraite, dont la dernière ligne comptable produite était relative à l'année 2018, était informatif et insuffisant à établir les allégations du salarié, qu'il convenait de tenir compte du délai de latence administrative pouvant exister entre deux inscriptions comptables, que la teneur du jugement du tribunal mixte de commerce en date du 20 mai 2021 procédant à l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire corroborait cette analyse en ce que la date provisoire de l'état de cessation des paiements avait été fixée au 1er janvier 2021, soit postérieurement à la rupture du contrat de travail fixée au 31 mars 2019, et que même si l'état du passif de la société Cos comportait environ 80,4 % de dette déclarée contractée auprès de la CGSS et de l'AG2R La Mondiale, le salarié ne démontrait pas la réalité effective du prétendu défaut de paiement de cotisations sociales sur la période antérieure au 1er janvier 2021, date de fixation provisoire de l'état de cessation de paiement ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il appartenait à l'employeur de rapporter la preuve du paiement des cotisations sociales pour l'année 2017, et qu'il résultait du relevé de carrière de décembre 2019 que la caisse de retraite avait pris en compte les paiements pour les années antérieures et postérieures à 2017, ce qui excluait nécessairement toute latence administrative pour les cotisations de l'année 2017, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1353 du code civil, ensemble les articles L. 241-8, L. 243-1 et R. 243-6 du code de la sécurité sociale, dans leur version applicable au litige. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1353 du code civil, L. 241-8, L. 243-1 et R. 243-6 du code de la sécurité sociale :
13. Il résulte de ces textes qu'il appartient à l'employeur, seul débiteur des cotisations et contributions sociales assises sur la rémunération du salarié, de rapporter la preuve du paiement de celles-ci.
14. Pour rejeter la demande du salarié en paiement de dommages-intérêts pour le préjudice financier résultant du non versement des cotisations de retraite, l'arrêt retient que le salarié échoue à rapporter la preuve de la matérialité des faits reprochés.
15. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés.
Et sur le cinquième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
16. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, alors « que la cassation à intervenir sur le troisième moyen et/ou le quatrième moyen entraînera la cassation, par voie de conséquence, du chef du dispositif se rapportant au rejet de la demande de fixation au passif de la société Cos d'une somme à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire, en application de l'article 624 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 624 du code de procédure civile :
17. La cassation du chef de dispositif de l'arrêt qui déboute le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice financier pour non versement des cotisations de retraite entraîne la cassation du chef de dispositif qui déboute le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
Portée et conséquences de la cassation
18. La cassation des chefs de dispositif de l'arrêt qui fixe à une certaine somme la créance d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse au passif de la liquidation judiciaire de l'employeur et déboute le salarié de ses demandes de dommages-intérêts pour préjudice financier et pour exécution déloyale du contrat de travail n'emporte pas celle du chef de dispositif de l'arrêt condamnant le liquidateur judiciaire, représentant l'employeur, aux dépens, justifié par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause.
Soc. 29 avril 2025 n° 23-23.495
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 29 avril 2025
Cassation partielle
Mme CAPITAINE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 401 F-D
Pourvoi n° P 23-23.495
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 AVRIL 2025
M. [U] [H], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 23-23.495 contre l'arrêt rendu le 1er septembre 2023 par la cour d'appel de Cayenne (chambre sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société BR associés, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 2], prise en la personne de Mme [W] [P], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Compagnie opérationnelle de sécurité de Guyane,
2°/ à l'Unédic délégation AGS-CGEA de [Localité 4], dont le siège est [Adresse 3],
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, cinq moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Palle, conseiller, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [H], et l'avis écrit de M. Charbonnier, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 mars 2025 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Palle, conseiller rapporteur, Mme Lacquemant, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Cayenne, 1er septembre 2023), M. [H] a été engagé en qualité d'agent d'exploitation par la société Galéa Guyane, à compter du 1er juillet 2004.
2. Par un avenant du 1er novembre 2013, le contrat de travail a été transféré à la société Compagnie opérationnelle de sécurité de Guyane.
3. En mars 2019, l'employeur a perdu le marché public de surveillance, contrôle et gardiennage d'un site au profit de la société Cyno garde, laquelle a informé le salarié de l'impossibilité de transférer son contrat de travail en raison de sa carence à justifier des formations réglementaires requises.
4. L'employeur lui ayant remis le certificat de travail, un solde de tout compte et l'attestation Pôle emploi, fixant la rupture du contrat de travail au 31 mars 2019, le salarié a saisi le tribunal judiciaire statuant en matière prud'homale pour obtenir des indemnités de rupture et des dommages-intérêts en réparation de divers préjudices.
5. Par jugement du tribunal mixte de commerce du 20 mai 2021, l'employeur a été placé en redressement judiciaire, converti en liquidation judiciaire, le 26 novembre 2021, la société BR associés étant désignée en qualité de liquidateur.
Examen des moyens
Sur les deuxième et quatrième moyens
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
7. Le salarié fait grief à l'arrêt de limiter à une certaine somme la créance fixée au passif de la liquidation judiciaire de l'employeur au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que si le salarié est licencié pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'existe pas de possibilité de réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l'ancienneté exprimée en années complètes du salarié ; que pour limiter le montant de l'indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse à deux mois et demi de salaire, la cour d'appel a retenu qu'il convenait de tenir compte de l'ancienneté du salarié, laquelle était de quinze ans et neuf mois, ainsi que du fait que la société employait moins de onze salariés, le cadre légal prévoyant selon l'article L. 1235-3 du code du travail une indemnité minimale de deux mois et demi de salaire pour les sociétés ayant moins de onze salariés contre un plafond indemnitaire fixé entre trois et dix mois de salaire pour les sociétés employant plus de cinquante salariés ; qu'en statuant ainsi, alors pourtant qu'à partir de onze ans d'ancienneté, le plancher d'indemnisation est strictement identique, quel que soit l'effectif de l'entreprise, et que pour un salarié dont l'ancienneté dans l'entreprise est de quinze années complètes, le montant minimal de l'indemnité est de trois mois de salaire et le montant maximal est de treize mois de salaire, la cour d'appel a violé l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018 :
8. Aux termes de ce texte, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux. En cas de licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, les montants minimaux sont fixés jusqu'à dix ans d'ancienneté.
9. Il en résulte qu'à partir de la onzième année complète d'ancienneté, le montant minimal de l'indemnité est celui qui est fixé au tableau annexé à l'alinéa 2 de ce texte, en fonction de la durée de l'ancienneté, quel que soit l'effectif de l'entreprise.
10. Pour fixer à deux mois et demi de salaire le montant de la créance d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt énonce que le cadre légal de l'article L. 1235-3 du code du travail prévoit une indemnité minimale de deux mois et demi de salaire pour les sociétés ayant moins de onze salariés. Il constate que l'ancienneté du salarié est de quinze ans et neuf mois et relève qu'il convient de tenir compte de l'ancienneté et du fait qu'il s'agit d'une société qui employait moins de onze salariés. Il retient que compte tenu des éléments produits, il est justifié de fixer l'indemnité à deux mois et demi de salaire.
11. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que l'ancienneté du salarié était de quinze années complètes, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
12. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en dommages-intérêts pour préjudice financier alors « que le paiement des cotisations sociales obligatoires afférentes à la rémunération des salariés, qu'elles soient d'origine légale ou conventionnelle, est pour l'employeur une obligation résultant de l'exécution du contrat de travail ; qu'il appartient à l'employeur, seul redevable des cotisations et contributions sociales assises sur la rémunération du salarié, de rapporter, notamment par la production de pièces comptables, la preuve du paiement de celles-ci et que le bulletin de paie ne fait pas présumer qu'il s'est acquitté de son obligation ; que pour rejeter la demande de fixation au passif de la liquidation judiciaire de la société Cos des dommages-intérêts pour non-reversement des cotisations de retraite pour l'année 2017, la cour d'appel a retenu que le salarié n'établissait pas le défaut de paiement des cotisations salariales, que le retard des paiements des cotisations sociales n'emportait aucun préjudice pour les salariés quant aux heures réalisées et aux cotisations qui allaient être retenues et que seul l'exercice d'heures supplémentaires non déclarées et non soumises à déclaration et cotisations aurait été susceptible de porter préjudice quant à la comptabilisation des droits à la retraite du salarié et que tel n'était toutefois pas le cas ; que la cour d'appel a retenu encore, par motifs adoptés, que l'arrêté de situation comptable émanant de l'assurance retraite, dont la dernière ligne comptable produite était relative à l'année 2018, était informatif et insuffisant à établir les allégations du salarié, qu'il convenait de tenir compte du délai de latence administrative pouvant exister entre deux inscriptions comptables, que la teneur du jugement du tribunal mixte de commerce en date du 20 mai 2021 procédant à l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire corroborait cette analyse en ce que la date provisoire de l'état de cessation des paiements avait été fixée au 1er janvier 2021, soit postérieurement à la rupture du contrat de travail fixée au 31 mars 2019, et que même si l'état du passif de la société Cos comportait environ 80,4 % de dette déclarée contractée auprès de la CGSS et de l'AG2R La Mondiale, le salarié ne démontrait pas la réalité effective du prétendu défaut de paiement de cotisations sociales sur la période antérieure au 1er janvier 2021, date de fixation provisoire de l'état de cessation de paiement ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il appartenait à l'employeur de rapporter la preuve du paiement des cotisations sociales pour l'année 2017, et qu'il résultait du relevé de carrière d'août 2019 que la caisse de retraite avait pris en compte les paiements pour les années antérieures et postérieures à 2017, ce qui excluait nécessairement toute latence administrative pour les cotisations de l'année 2017, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1353 du code civil, ensemble les articles L. 241-8, L. 243-1 et R. 243-6 du code de la sécurité sociale, dans leur version applicable au litige. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1353 du code civil, L. 241-8, L. 243-1 et R. 243-6 du code de la sécurité sociale :
13. Il résulte de ces textes qu'il appartient à l'employeur, seul débiteur des cotisations et contributions sociales assises sur la rémunération du salarié, de rapporter la preuve du paiement de celles-ci.
14. Pour rejeter la demande du salarié en paiement de dommages-intérêts pour le préjudice financier résultant du non versement des cotisations de retraite, l'arrêt retient que le salarié échoue à rapporter la preuve de la matérialité des faits reprochés.
15. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés.
Et sur le cinquième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
16. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, alors « que la cassation à intervenir sur le troisième moyen et/ou le quatrième moyen entraînera la cassation, par voie de conséquence, du chef du dispositif se rapportant au rejet de la demande de fixation au passif de la société Cos d'une somme à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire, en application de l'article 624 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 624 du code de procédure civile :
17. La cassation du chef de dispositif de l'arrêt qui déboute le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice financier pour non versement des cotisations de retraite entraîne la cassation du chef de dispositif qui déboute le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
Portée et conséquences de la cassation
18. La cassation des chefs de dispositif de l'arrêt qui fixe à une certaine somme la créance d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse au passif de la liquidation judiciaire de l'employeur et déboute le salarié de ses demandes de dommages-intérêts pour préjudice financier et pour exécution déloyale du contrat de travail n'emporte pas celle du chef de dispositif de l'arrêt condamnant le liquidateur judiciaire, représentant l'employeur, aux dépens, justifié par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause.
Soc. 29 avril 2025 n° 24-11.432
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 29 avril 2025
Cassation partielle
Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 414 F-D
Pourvoi n° X 24-11.432
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 AVRIL 2025
M. [U] [B], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° X 24-11.432 contre l'arrêt rendu le 14 novembre 2023 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant à la société Le Grain d'orge, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Cavrois, conseiller, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [B], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Le Grain d'orge, après débats en l'audience publique du 19 mars 2025 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Cavrois, conseiller rapporteur, Mme Le Quellec, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 14 novembre 2023), M. [B] a été engagé en qualité de programmeur CFAO, statut ouvrier, par la société Le Grain d'orge, à compter du 10 septembre 2018 par contrat à durée déterminée, puis à compter du 1er janvier 2019 par contrat à durée indéterminée.
2. Le 7 décembre 2020, il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et de ses demandes subséquentes au titre de la prime de vacances et des congés payés afférents, alors « qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; que le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences prévues par les articles L. 3171-2, alinéa 1er, et L. 3171-3, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, du code du travail ; qu'après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant ; que pour débouter le salarié de ses demandes au titre des heures supplémentaires, la cour d'appel a retenu qu'il avait produit un rapport établi par un cabinet d'expertise comptable, lequel incluait des tableaux comptabilisant, par mois, le nombre d'heures supplémentaires qu'il alléguait avoir réalisées, sans toutefois préciser ses horaires de travail quotidiens et hebdomadaires, et que, faute pour lui de produire d'autres éléments au soutien de sa demande, ce rapport n'était pas suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part, que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, d'autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :
4. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, l'employeur tient à la disposition de l'agent de contrôle de l'inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
5. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
6. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
7. Pour débouter le salarié de sa demande au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents, l'arrêt relève que le salarié produit un rapport établi à sa demande par un cabinet d'expertise comptable chiffrant, sur la base de ses déclarations et faisant apparaître des tableaux comptabilisant, par mois, le nombre d'heures supplémentaires que le salarié allègue avoir réalisées, sans toutefois contenir aucune précision sur les horaires de travail quotidiens et hebdomadaires du salarié.
8. Il retient ensuite que ce rapport, faute pour le salarié de produire d'autres éléments au soutien de sa demande, n'est pas suffisamment précis quant aux heures non rémunérées que le salarié prétend avoir accomplies pour permettre à l'employeur, chargé de contrôler les heures de travail de ses salariés, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
9. En statuant ainsi, alors que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
10. La cassation prononcée n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.
Soc. 29 avril 2025 n° 24-10.453
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 29 avril 2025
Cassation partielle
Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 417 F-D
Pourvoi n° G 24-10.453
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 AVRIL 2025
La société Service prestige, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° G 24-10.453 contre l'arrêt rendu le 15 novembre 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 6), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [I] [U], domicilié [Adresse 1],
2°/ à France travail, dont le siège est [Adresse 3], anciennement dénommé Pôle emploi,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Laplume, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Service prestige, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [U], après débats en l'audience publique du 19 mars 2025 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Laplume, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 novembre 2023) et les productions, M. [U] a été engagé le 1er septembre 2010 en qualité de chauffeur de grande remise par la société Air limousine, aux droits de laquelle vient la société Service prestige, exerçant une activité de transport de personnes en voiture de grande remise et dont le code APE/NAF est le 4932Z.
2. En arrêts de travail consécutifs à des accidents du travail depuis 2017, il a saisi le 28 septembre 2018 la juridiction prud'homale d'une demande en résiliation judiciaire du contrat de travail et de diverses demandes relatives à l'exécution et à la rupture du contrat.
3. Déclaré inapte à son poste par le médecin du travail, le salarié a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 7 novembre 2019.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches, et le quatrième moyen
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
5. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié des sommes à titre de rappel d'heures supplémentaires, de congés payés afférents, de dommages-intérêts pour non-respect par l'employeur des durées maximales de travail et minimales de repos, de rappel de salaires pour le treizième mois, de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité, d'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, d'indemnité spéciale de licenciement et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que lorsque le salarié a étayé sa demande de rappel d'heures supplémentaires et que l'employeur n'a pas suffisamment justifié des horaires effectivement observés par le salarié, les juges du fond doivent fixer le nombre des heures supplémentaires et le montant des créances s'y rapportant sans pouvoir se contenter d'une évaluation forfaitaire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a énoncé qu'''après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, il est néanmoins retenu, compte tenu du temps de travail effectif qui a été celui de M. [U], l'existence d'heures supplémentaires dont l'importance est évaluée à la somme de 300 euros par mois pour la période courant du 1er octobre 2015 au 31 août 2017, soit un total de 6 900 euros'' ; qu'en procédant ainsi à une évaluation forfaitaire des sommes dues au salarié, à hauteur invariablement de 300 euros par mois pendant 23 mois, la cour d'appel a violé l'article L. 3121-22 du code du travail en sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, puis, à compter de l'entrée en vigueur de cette loi, les articles L. 3121-28 et L. 3121-36 du même code en leurs rédactions issues de cette même loi, ainsi que l'article L. 3171-4 du code du travail. »
Réponse de la Cour
6. Ayant constaté l'existence d'heures supplémentaires, la cour d'appel, qui n'a pas procédé à une évaluation forfaitaire et qui n'était pas tenue de préciser le détail du calcul appliqué, en a souverainement évalué l'importance et fixé en conséquence la créance salariale s'y rapportant, en fonction des éléments de fait qui lui étaient soumis et qu'elle a analysés.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
8. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié une somme à titre de rappel de salaires pour le treizième mois, alors « qu'en vertu de son article 1.1, la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950 et les accords qui y sont annexés règlent les rapports entre les employeurs et les salariés des entreprises relevant de l'une des activités du transport énumérées et approuvées par le décret n° 92-1129 du 2 octobre 1992, au nombre desquelles ne comptent pas les entreprises de transport de personnes en voiture de grande remise ; que l'article 1.3 de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport précise qu' ''à la demande des organisations syndicales intéressées, et si ces activités ne peuvent pas être rattachées à une autre convention collective, des avenants à la présente convention pourront inclure dans son champ d'application des activités diverses ressortissant au transport et s'apparentant à l'une des activités ci-dessus énumérées'' ; que, si l'accord du 16 juin 1961 relatif aux ouvriers - Annexe I précise, en son article 1er, qu'il est applicable notamment au ''Personnel roulant - Grandes remises'' et liste, en son article 22, les dispositions en faveur des ''conducteurs de voitures particulières affectés à un service de grande remise'', ce texte n'est applicable qu'au personnel roulant grande remise occupé dans les entreprises visées par la convention collective nationale et n'institue, en tout état de cause, au bénéfice de ces derniers aucun treizième mois conventionnel ; que, si l'accord du 18 avril 2002 relatif à l'ARTT prévoit, en son article 26, l'allocation aux salariés d'un treizième mois conventionnel, il n'est cependant, selon ses articles 1.1 et 1.2, applicable qu'aux ''entreprises de transport routier de voyageurs relevant de la convention collective nationale des transports routiers et des activités auxiliaires du transport'' et ''à l'ensemble des salariés [de ces] entreprises'', à l'exclusion donc des entreprises de transport de personnes en voiture de grande remise et à leurs personnels ; que pour allouer à M. [U] un rappel de salaires au titre du treizième mois, la cour d'appel a retenu, d'une part, que ''les articles 2 et 22 de cet accord [du 16 juin 1961] font entrer dans le champ d'application de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport, par application des dispositions de l'article 1.3 de celle-ci et non de l'article 1.1 (?) le contrat de travail de M. [U], chauffeur de grande remise'', d'autre part, que ''la mention dans le contrat de travail et les bulletins de paie de M. [U] que la convention collective nationale s'appliquant était celle des transports routiers et activités auxiliaires du transport correspondait donc bien à la convention collective devant obligatoirement s'appliquer et non pas seulement à une convention appliquée volontairement'' ; qu'après avoir relevé que ''l'article 1.2 de l'accord du 18 avril 2002 énonce que « le présent accord s'applique à l'ensemble des salariés des entreprises visées à l'article 1.1 »'' et que ''l'article 1.1 de l'accord mentionne que « le présent accord s'applique aux entreprises de transport routier de voyageurs relevant de la convention collective nationale des transports routiers et des activités auxiliaires du transport »'', elle a énoncé que ''cet accord a été étendu par arrêté du 22 décembre 2003, lequel ne prévoit pas de dérogation à cette extension pour les entreprises de transport de grande remise qui sont soumises à la convention collective nationale des transports routiers et des activités auxiliaires du transport'' ; qu'en statuant ainsi cependant que les dispositions de l'accord du 16 juin 1961 ne rendent pas les dispositions de l'accord du 18 avril 2002 relatives à l'ARTT, dont son article 26, applicables de droit aux entreprises de transport de personnes en voiture de grande remise et, ainsi, à la société Service prestige et à son personnel, la cour d'appel a violé les articles 1.1 et 1.3 de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950, les articles 2 et 22 de l'accord du 16 juin 1961 relatif aux ouvriers - Annexe I et les articles 1.1, 1.2 et 26 de l'accord du 18 avril 2002 relatif à l'ARTT. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1er et 24 de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950 et l'article 1er de l'accord ARTT du 18 avril 2002 :
9. Selon le premier de ces textes, la présente convention et les accords qui y sont annexés règlent les rapports entre les employeurs et salariés relevant de l'une des activités énumérées par référence à la nomenclature d'activité française -NAF- adaptée de la nomenclature d'activité européenne -NACE- et approuvée par le décret n° 92-1129 du 2 octobre 1992 au nombre desquelles figurent les transports routiers réguliers de voyageurs (60-2 B) et les autres transports routiers de voyageurs (60-2 G).
10. Aux termes du deuxième, des conventions annexes, fixant les conditions particulières de travail, seront établies pour certaines catégories de personnel qu'il énonce. Il ajoute qu'en complément de ces conventions annexes, des protocoles et accords spécifiques pourront être établis dans des domaines d'application particuliers ou pour tenir compte des spécificités de certaines activités ou de certains métiers.
11. C'est ainsi que le troisième de ces textes précise qu'il s'applique aux entreprises de transport routier de voyageurs relevant de la convention collective nationale des transports routiers et des activités auxiliaires du transport.
12. Pour condamner l'employeur à payer au salarié une somme à titre de rappel de prime de treizième mois, l'arrêt retient que les articles 2 et 22 de l'accord du 16 juin 1961 font entrer dans le champ d'application de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport, par application des dispositions de l'article 1.3 de celle-ci et non de l'article 1.1, ce qui rend inopérant le moyen soulevé par l'employeur relativement à son code APE/NAF, le contrat de travail du salarié, chauffeur de grande remise, avec cette société, qui a pour activité principale le transport de grande remise, et que l'accord du 18 avril 2002 s'applique à l'ensemble des entreprises visées par l'article 1.1 de la convention qui s'applique aux entreprises de transport routier de voyageurs relevant de la convention collective nationale des transports routiers et des activités auxiliaires du transport, que cet accord a été étendu par un arrêté du 22 décembre 2003 qui ne prévoit pas de dérogation à cette extension pour les entreprises de transport de grande remise qui sont soumises à la convention collective nationale des transports routiers et des activités auxiliaires du transport et qu'il résulte de l'ensemble de ses éléments que l'article 26 de l'accord du 18 avril 2002 peut être valablement invoqué par le salarié, chauffeur de grande remise.
13. En statuant ainsi, alors que l'activité de transport de personnes en voiture de grande remise n'est pas une activité de transport routier de voyageurs au sens de la convention collective et que le salarié, chauffeur de grande remise, employé par une entreprise de transport de grande remise, ne relevait pas de l'accord du 18 avril 2002, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur le troisième moyen, pris en sa première branche
14. L'employeur fait grief à l'arrêt de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail du salarié, à ses torts, à la date du 7 novembre 2019, de dire que cette résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, de le condamner à payer au salarié des sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, d'indemnité spéciale de licenciement et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de lui ordonner le remboursement à Pôle emploi des indemnités de chômage versées au salarié entre le jour de la rupture du contrat de travail et le jour du jugement, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage, alors « que la cassation qui interviendra des chefs des premier et deuxième moyens de cassation entrainera, par voie de conséquence et en application de l'article 624 du code de procédure civile, la censure des chefs de l'arrêt ayant prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [U], aux torts de la société Service prestige à la date du 7 novembre 2019, dit que cette résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné la société Service prestige à payer à M. [U] diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, d'indemnité spéciale de licenciement et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 624 du code de procédure civile :
15. La cassation prononcée entraîne la cassation par voie de conséquences des chefs de dispositif prononçant la résiliation du contrat de travail, disant que cette résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamnant l'employeur à payer au salarié une somme à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse et ordonnant le remboursement par l'employeur à Pôle emploi des indemnités chômage, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
Portée et conséquences de la cassation
16. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée entraîne la cassation du chef de dispositif ordonnant à l'employeur de remettre au salarié des bulletins de paie conformes à la présente décision ainsi qu'une attestation Pôle emploi conforme, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
17. Elle n'emporte, en revanche, pas cassation des chefs de dispositif condamnant l'employeur au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents et d'une indemnité spéciale de licenciement demeurant dus au salarié en raison du prononcé par l'employeur du licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle.
18. Elle n'emporte pas, non plus, cassation des chefs de dispositif condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.
Global. 10 avril 2025 n° 25-70.002 B
Demande d'avis n°F 25-70.002
Juridiction : le tribunal judiciaire de Paris
SM15
Avis du 10 avril 2025
n° 15010 P+B
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
COUR DE CASSATION _________________________
Troisième chambre civile
Vu les articles L. 441-1 et suivants du code de l'organisation judiciaire et 1031-1 et suivants du code de procédure civile ;
La troisième chambre civile de la Cour de cassation a rendu le présent avis sur le rapport de Mmes Gallet et Schmitt, conseillers référendaires, et l'avis écrit de Mmes Morel-Coujard et Compagnie, avocats généraux, et les observations orales de Mme Morel-Coujard, avocat général ;
Vu les observations écrites de la SCP Foussard et Froger, avocat de la Ville de [Localité 1], et de la SARL Gury & Maître, avocat de la société civile immobilière Hugoben et de M. [V] ;
Énoncé de la demande d'avis
1. La Cour de cassation a reçu le 22 janvier 2025, une demande d'avis formée le 15 janvier 2025 par le tribunal judiciaire de Paris, en application des articles L. 441-1 et suivants du code de l'organisation judiciaire et 1031-1 et suivants du code de procédure civile, dans une instance opposant la Ville de [Localité 1] à la société civile immobilière Hugoben et M. [V].
2. La demande est ainsi formulée :
« 1°/ Lorsqu'une amende civile prévue par l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation est sollicitée sur le fondement d'un changement d'usage illicite intervenu avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2024-1039 du 19 novembre 2024, la détermination de l'usage d'habitation du local prévue par l'article L. 631-7 du même code doit-elle s'effectuer à l'aune des critères de la loi nouvelle ou de la loi ancienne ?
2°/ Dans l'hypothèse de l'application de la loi nouvelle aux faits antérieurs de changement d'usage illicite, les nouveaux critères de l'usage d'habitation sont-ils applicables aux instances en cours ou le sont-ils aux seules instances introduites postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2024-1039 du 19 novembre 2024 ? ».
Examen de la demande d'avis
3. Dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2024-1039 du 19 novembre 2024 visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l'échelle locale, l'article L. 631-7, alinéa 3, du code de la construction et de l'habitation, disposait :
« Pour l'application de la présente section, un local est réputé à usage d'habitation s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970. Cette affectation peut être établie par tout mode de preuve. Les locaux construits ou faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l'usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés. »
4. L'article 5, I, 1°, d, de la loi précitée du 19 novembre 2024 a modifié cet alinéa qui dispose désormais :
« Pour l'application de la présente section, un local est réputé à usage d'habitation s'il était affecté à cet usage soit à une date comprise entre le 1er janvier 1970 et le 31 décembre 1976 inclus, soit à n'importe quel moment au cours des trente dernières années précédant la demande d'autorisation préalable au changement d'usage ou la contestation de l'usage dans le cadre des procédures prévues au présent livre, et sauf autorisation ultérieure mentionnée au quatrième alinéa du présent article. Cet usage peut être établi par tout mode de preuve, la charge de la preuve incombant à celui qui veut démontrer un usage illicite. Toutefois, les locaux construits ou ayant fait l'objet de travaux après le 1er janvier 1970 sont réputés avoir l'usage pour lequel la construction ou les travaux ont été autorisés, sauf autorisation ultérieure mentionnée au même quatrième alinéa. »
5. Selon les articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation, dans leur version antérieure à celle issue de la loi du 19 novembre 2024, le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile constitue un changement d'usage et toute personne qui ne respecte pas les conditions imposées par la loi pour un changement d'usage est condamnée à une amende civile qui ne peut excéder 50 000 euros par local irrégulièrement transformé. Selon ces mêmes textes dans leur version issue de la loi du 19 novembre 2024, le fait de louer un local meublé à usage d'habitation en tant que meublé de tourisme, au sens du I de l'article L. 324-1-1 du code du tourisme, qui définit les meublés de tourisme comme des villas, appartements ou studios meublés, à l'usage exclusif du locataire, offerts à la location à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile et qui y effectue un séjour caractérisé par une location à la journée, à la semaine ou au mois, constitue un changement d'usage et toute personne qui ne respecte pas les conditions imposées par la loi pour un changement d'usage est condamnée à une amende civile qui ne peut excéder 100 000 euros par local irrégulièrement transformé.
6. L'amende civile ainsi prévue constitue une sanction ayant le caractère d'une punition (3e Civ., 5 juillet 2018, QPC n° 18-40.014 ; 3e Civ., 11 juillet 2024, pourvoi n° 23-10.467, publié).
7. Le Conseil constitutionnel décide que le principe de non-rétroactivité de la loi répressive plus dure qui découle de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, selon lequel nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, s'applique à toute sanction ayant le caractère d'une punition (décision n° 82-155 DC du 30 décembre 1982).
8. Pour répondre à la demande d'avis, il importe donc de déterminer si la loi du 19 novembre 2024 en ce qu'elle modifie l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation pose une nouvelle règle de fond, et, dans l'affirmative, si elle doit être regardée comme plus sévère.
9. Cette loi modifie les éléments à prendre en considération pour réputer un local à usage d'habitation, en substituant à la seule date de référence du 1er janvier 1970, deux périodes d'une durée respective de sept et trente ans.
10. Elle affecte donc les règles de fond qui définissent les conditions dans lesquelles la location d'un local meublé à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile peut être qualifiée de changement d'usage et a pour effet de soumettre à un régime d'autorisation préalable le changement d'usage de locaux qui n'en relevaient pas en l'état du texte dans sa rédaction antérieure.
11. En conséquence, cette loi doit être regardée comme plus sévère et ne peut faire l'objet d'une application rétroactive.
Civ.2 10 avril 2025 n° 23-12.201
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 10 avril 2025
Cassation
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 338 F-D
Pourvoi n° N 23-12.201
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 AVRIL 2025
La société [4], dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° N 23-12.201 contre l'arrêt rendu le 12 décembre 2022 par la cour d'appel d'Amiens (2e protection sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [D] [I], domicilié [Adresse 3],
2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de Lille-Douai, dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Reveneau, conseiller, les observations de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la société [4], et l'avis de Mme Pieri-Gauthier, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 mars 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Reveneau, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens,12 décembre 2022), M. [I] (la victime), salarié de la société [4] (l'employeur), a été victime le 17 octobre 2016 d'un accident pris en charge au titre de la législation professionnelle.
2. La victime a saisi une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que l'accident est dû à sa faute inexcusable et d'en tirer toutes conséquences de droit, alors « qu'il incombe au salarié qui invoque la faute inexcusable de son employeur de rapporter la preuve que celui-ci avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il était exposé, et qu'il n'avait pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; qu'en retenant la faute inexcusable de l'employeur en ce que celle-ci ne rapportait pas la preuve que la machine sur laquelle travaillait la victime avait été livrée avec les pictogrammes alertant du danger de passer sa main sous le carter de protection, quand il appartenait à la victime de démontrer que son employeur n'avait pas pris les mesures nécessaires pour le préserver du risque qui s'était réalisé, la cour d'appel qui a inversé la charge de la preuve, a violé les articles 1315, devenu 1353, du code civil, L. 411-1 et L. 452-1 du code de la sécurité sociale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1315, devenu 1353 du code civil, L. 452-1 du code de la sécurité sociale, L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, le troisième dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010, et le dernier dans celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, applicables au litige :
4. Il résulte de la combinaison des trois derniers de ces textes que le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.
5. Il résulte du premier qu'il incombe au salarié qui invoque la faute inexcusable de son employeur de rapporter la preuve de ce que celui-ci avait ou devait avoir conscience du danger auquel il était exposé, et de ce qu'il n'avait pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.
6. Pour dire que l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur, l'arrêt retient que la preuve de l'existence d'un affichage idoine sur la fraiseuse à l'origine de l'accident, destiné à avertir l'utilisateur de la machine du danger qu'il y a pour lui, lorsque la machine est en fonction, à introduire la main sous le carter de protection, n'est pas rapportée par l'employeur. Il ajoute que la seule production par celui-ci d'une photographie faisant apparaître, accollé sur la fraiseuse, un pictogramme représentant la figure d'une main broyée dans un engrenage, assortie de l'avertissement « Ne pas mettre la main dans la machine pendant qu'elle est en marche », est insuffisante à suppléer à cette carence.
7. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés.
Civ.2 10 avril 2025 n° 22-24.698
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 10 avril 2025
Cassation partielle
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 334 F-D
Pourvoi n° A 22-24.698
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 AVRIL 2025
La caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 3], dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° A 22-24.698 contre l'arrêt rendu le 28 octobre 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 13), dans le litige l'opposant à la société [2], société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lapasset, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 3], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [2], et l'avis de Mme Pieri-Gauthier, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 mars 2025 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Lapasset, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 octobre 2022), la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 3] (la caisse) a pris en charge, au titre du tableau n° 57 des maladies professionnelles, par décision du 30 août 2017, l'affection déclarée par l'un des salariés de la société [2] (l'employeur).
2. L'employeur a contesté l'opposabilité de cette décision devant une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. La caisse fait grief à l'arrêt de déclarer inopposable à l'employeur la décision litigieuse, alors « que la première constatation médicale de la maladie professionnelle peut se déduire de toute manifestation de nature à révéler l'existence de cette maladie ; qu'elle peut notamment se déduire de l'avis du médecin conseil fondé sur un élément médical sans qu'il soit besoin d'être corroboré ; qu'en jugeant que l'avis du médecin conseil qui se référait à un certificat médical ne pouvait, à lui seul, suffire pour fixer la date de première constatation médicale à une date antérieure à celle qui était mentionnée dans le certificat médical initial, la cour d'appel a violé les articles L. 461-1, L. 461-2 et D. 461-1 du code de la sécurité sociale, dans leurs versions applicables au litige. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 461-1, L. 461-2 et D. 461-1-1 du code de la sécurité sociale, et le tableau n° 57 des maladies professionnelles :
4. Il résulte de la combinaison des trois premiers de ces textes que la première constatation médicale de la maladie professionnelle exigée au cours du délai de prise en charge écoulé depuis la fin de l'exposition au risque concerne toute manifestation de nature à révéler l'existence de cette maladie, que la date de la première constatation médicale est celle à laquelle les premières manifestations de la maladie ont été constatées par un médecin avant même que le diagnostic ne soit établi et qu'elle est fixée par le médecin conseil.
5. Pour dire que la caisse n'apporte pas la preuve que la condition du tableau n° 57 des maladies professionnelles relative au délai de prise en charge est remplie, l'arrêt retient que si le colloque médico-administratif fixe la date de première constatation médicale au 28 novembre 2016 en visant un certificat médical, aucun élément ne vient confirmer cette affirmation. Il ajoute qu'en l'absence d'élément autre que la seule mention dans le colloque médico-administratif de ce certificat médical, la caisse n'établit pas l'existence de la pathologie de la victime antérieurement au 2 décembre 2016.
6. En statuant ainsi, alors que le médecin conseil fixait au 28 novembre 2016 la date de la première constatation médicale de l'affection déclarée au vu d'un certificat médical établi par le médecin traitant de la victime, de sorte que le délai de prise en charge de la pathologie déclarée n'était pas dépassé, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Civ.3 10 avril 2025 n° 23-22.441
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
CL
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 10 avril 2025
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 200 F-D
Pourvoi n° T 23-22.441
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 AVRIL 2025
1°/ Mme [E] [J], domiciliée [Adresse 7], [Localité 5],
2°/ M. [R] [X], domicilié [Adresse 3], [Localité 4],
ont formé le pourvoi n° T 23-22.441 contre l'arrêt rendu le 11 septembre 2023 par la cour d'appel d'Orléans (chambre civile), dans le litige les opposant à Mme [T] [U], domiciliée [Adresse 6], [Localité 5], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Pic, conseiller, les observations de la SCP Poupet & Kacenelenbogen, avocat de Mme [J] et de M. [X], de Me Balat, avocat de Mme [U], après débats en l'audience publique du 11 mars 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Pic, conseiller rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 11 septembre 2023), Mme [J] et M. [X] sont propriétaires d'une parcelle cadastrée section AS n° [Cadastre 2] grevée d'une servitude de passage au profit de la parcelle contiguë cadastrée section AS n° [Cadastre 1] appartenant à Mme [U].
2. Soutenant que la parcelle cadastrée section AS n° [Cadastre 1] bénéficiait d'un accès à la voie publique depuis la création d'une nouvelle rue située à l'arrière du fonds, Mme [J] a assigné Mme [U] pour faire constater la cessation de l'état d'enclave de cette parcelle et obtenir le paiement d'une partie des frais engagés pour assurer l'entretien de l'assiette du passage.
3. M. [X] est intervenu volontairement à l'instance.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
4. Mme [J] et M. [X] font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes, alors :
« 1°/ qu'un fonds destiné à l'habitation n'est plus enclavé lorsqu'il dispose d'un accès suffisant à la voie publique par un véhicule automobile ; qu'une issue ne peut être regardée comme insuffisante au motif qu'il existerait un accès plus direct et commode ; qu'en l'espèce, pour débouter les propriétaires du fonds servant, Mme [J] et M. [X], de leurs demandes tendant à l'extinction d'une servitude de passage au profit de la propriétaire du fonds dominant, Mme [U], la cour d'appel énonce que « la possibilité d'un accès piéton à la propriété par la nouvelle [Adresse 8] ne peut suffire à établir le désenclavement de la parcelle » de Mme [U], de sorte que celle-ci doit disposer d'un accès suffisant au garage existant depuis la voie publique ; qu'en statuant ainsi, après avoir pourtant constaté que, selon le procès-verbal de constat établi par M. [H], huissier de justice, le 28 janvier 2021, le second accès de la propriété de Mme [U], par la [Adresse 8], donnait sur une zone en calcaire sur laquelle un véhicule peut stationner et sans rechercher, comme elle y était invitée, si le fonds dominant disposait également par la [Adresse 8] d'un accès automobile suffisant à la voie publique permettant la desserte de ce fonds, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 682 et 685-1 du code civil ;
2°/ qu'un fonds destiné à l'habitation n'est plus enclavé lorsqu'il dispose d'un accès suffisant à la voie publique par un véhicule automobile ; qu'une issue ne peut être regardée comme insuffisante au motif qu'il existerait un accès plus direct et commode ; que pour débouter les propriétaires du fonds servant de leurs demandes, la cour d'appel affirme que le fonds dominant doit disposer d'un accès suffisant au garage en sous-sol depuis la [Adresse 9] pour pouvoir user pleinement du bien acquis dans la configuration existante, ce que ne permet pas en l'état l'accès par la [Adresse 8] ; qu'en s'arrêtant ainsi à l'accès le plus commode au fonds dominant pour retenir l'absence de désenclavement, sans s'assurer, comme elle y était invitée, que le nouvel accès du fonds dominant par la [Adresse 8] ne permettait pas un accès suffisant à la voie publique par un véhicule automobile, fût-il moins commode, la cour d'appel a violé les articles 682 et 685-1 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 682 et 685-1 du code civil :
5. Aux termes du premier de ces textes, le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n'a sur la voie publique aucune issue, ou qu'une issue insuffisante, soit pour l'exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d'opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d'une indemnité proportionnée au dommage qu'il peut occasionner.
6. Aux termes du second, en cas de cessation de l'enclave et quelle que soit la manière dont l'assiette et le mode de la servitude ont été déterminés, le propriétaire du fonds servant peut, à tout moment, invoquer l'extinction de la servitude si la desserte du fonds dominant est assurée dans les conditions de l'article 682. A défaut d'accord amiable, cette disparition est constatée par une décision de justice.
7. Pour rejeter la demande de Mme [J] et M. [X] tendant à faire constater la cessation de l'état d'enclave de la parcelle cadastrée section AS n° [Cadastre 1], l'arrêt retient que la maison d'habitation située sur cette parcelle comporte un garage en sous-sol avec une rampe d'accès donnant directement sur la parcelle cadastrée section AS n° [Cadastre 2] et que le propriétaire doit disposer d'un accès suffisant à son garage depuis la voie publique pour pouvoir user pleinement du bien acquis dans la configuration existante.
8. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la création de la nouvelle rue située à l'arrière de la parcelle cadastrée section AS n° [Cadastre 1] assurait un accès suffisant à celle-ci, depuis la voie publique, par un véhicule automobile, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Soc. 10 avril 2025 n° 25-40.001 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
COUR DE CASSATION
ZB1
______________________
QUESTION PRIORITAIRE de CONSTITUTIONNALITÉ ______________________
Arrêt du 10 avril 2025
NON-LIEU A RENVOI
M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 536 FS-B
Affaire n° W 25-40.001
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 10 AVRIL 2025
Le tribunal judiciaire de Nanterre (contentieux des élections professionnelles) a transmis à la Cour de cassation, suite au jugement rendu le 29 janvier 2025, la question prioritaire de constitutionnalité, reçue le 31 janvier 2025, dans l'instance mettant en cause :
d'une part,
1°/ la fédération SUD énergie, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ M. [M] [R], domicilié [Adresse 4],
d'autre part,
3°/ la société Spie Batignolles technologies, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],
Parties intervenantes volontaires :
1/ l'Union syndicale solidaires,
2/ le syndicat Solidaires informatique,
tous deux ayant leur siège [Adresse 3].
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Arsac, conseiller référendaire, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la fédération SUD Energie, de M. [R], de l'Union syndicale solidaires et du syndicat Solidaires informatique, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Spie Batignolles technologies, et l'avis de Mme Canas, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 avril 2025 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Arsac, conseiller référendaire rapporteur, M. Rinuy, conseiller le plus ancien faisant fonction de doyen, Mmes Ott, Sommé, Bouvier, M. Dieu, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, Ollivier, conseillers référendaires, Mme Canas, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Intervention
1. Il est donné acte à l'Union syndicale solidaires et au syndicat Solidaires informatique de leur intervention volontaire.
Faits et procédure
2. Le 12 avril 2024, la fédération SUD énergie (la fédération) a notifié à la société Spie Batignolles technologies la désignation de M. [R] en qualité de représentant de section syndicale.
3. Le 29 avril 2024, la société a saisi le tribunal judiciaire d'une demande d'annulation de cette désignation.
4. Le 29 novembre 2024, par conclusions distinctes et motivées, la fédération et M. [R] ont soulevé une question prioritaire de constitutionnalité.
5. Par jugement du 29 janvier 2025, le tribunal judiciaire de Nanterre a ordonné la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation.
Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité
6. Par jugement du 29 janvier 2025, le tribunal judiciaire a transmis une question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée : « L'article 4 de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 codifié sous l'article L. 2142-1-4 du code du travail est-il conforme aux principes fondamentaux de liberté syndicale et de liberté pour tout travailleur de participer à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises tels que définis, protégés et garantis par les alinéas 6 et 8 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 en ce que, dans certaines circonstances, il prive les salariés de toute représentation et les syndicats de toutes prérogatives désignatives ? »
Examen de la question prioritaire de constitutionnalité
7. La disposition contestée est applicable au litige, qui concerne la désignation d'un représentant de section syndicale dans une entreprise qui emploie moins de cinquante salariés.
8. Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.
9. Cependant, d'une part, la question posée, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.
10. D'autre part, la question posée ne présente pas un caractère sérieux.
11. En effet, l'obligation faite par l'article L. 2142-1-4 du code du travail aux syndicats non représentatifs dans l'entreprise, s'ils souhaitent désigner dans les entreprises qui emploient moins de cinquante salariés un représentant de section syndicale, de le choisir parmi les membres de la délégation du personnel au comité social et économique, en ce qu'elle tend à assurer la désignation de personnes disposant des moyens effectifs de défendre les intérêts des salariés dans l'entreprise, ne constitue pas une ingérence arbitraire dans le fonctionnement syndical et ne porte pas atteinte à la liberté pour tout travailleur de participer à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises.
12. En conséquence, il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.
Civ.2 10 avril 2025 n° 23-12.341
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 10 avril 2025
Cassation partielle
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 339 F-D
Pourvoi n° Q 23-12.341
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 AVRIL 2025
1°/ Mme [S] [E], veuve [K], domiciliée [Adresse 6],
2°/ M. [A] [K], domicilié [Adresse 11], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de sa fille mineure [V] [K] et de son fils mineur [C] [K],
3°/ M. [I] [K], domicilié [Adresse 7],
4°/ Mme [Z] [K], épouse [U], domiciliée [Adresse 5], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de sa fille mineure [T] [U],
5°/ Mme [V] [K], devenue majeure le 9 août 2023, domiciliée [Adresse 11],
ont formé le pourvoi n° Q 23-12.341 contre l'arrêt rendu le 14 décembre 2022 par la cour d'appel de Rennes (9e chambre sécurité sociale), dans le litige les opposant :
1°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire-Atlantique, dont le siège est [Adresse 15],
2°/ à la société [10], société anonyme, dont le siège est [Adresse 4],
3°/ à la société [8], société anonyme d'assurances incendie accidents et risques divers, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommée société [9],
4°/ à la société [17], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 13], anciennement dénommée société [16],
5°/ à M. [G] [R], domicilié [Adresse 3], pris en qualité de liquidateur amiable de la société [12] [R],
6°/ à la société [14], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Reveneau, conseiller, les observations de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de Mme [S] [E] veuve [K], à M. [A] [K], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de son fils mineur [C] [K], à M. [I] [K], à Mme [Z] [K] épouse [U], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de sa fille mineure [T] [U], et à Mme [V] [K], de Me Occhipinti, avocat de la société [14], de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de la société [8], et l'avis de Mme Pieri-Gauthier, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 mars 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Reveneau, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Reprise d'instance
1. Il est donné acte à Mme [V] [K], mineure à la date du pourvoi, devenue majeure en cours d'instance, de sa reprise d'instance pour son propre compte. Désistement partiel
2. Il est donné acte à Mme [S] [E] veuve [K], à M. [A] [K], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de son fils mineur [C] [K], à M. [I] [K], à Mme [Z] [K] épouse [U], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de sa fille mineure [T] [U], et à Mme [V] [K] du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société [17], anciennement dénommée société [16].
Faits et procédure
3. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 14 décembre 2022), la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire-Atlantique a pris en charge, au titre du tableau n° 30 bis des maladies professionnelles, la pathologie déclarée, le 1er août 2011, par [W] [K] (la victime), salarié de la société [12] [R] (l'employeur), reprise par la société [14] le 3 décembre 2009, puis son décès survenu le 1er janvier 2012.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Les ayants droit de la victime font grief à l'arrêt de dire que la maladie professionnelle déclarée par celle-ci n'est pas imputable à la faute inexcusable de son employeur, et de les débouter en conséquence de leurs demandes, alors :
« 1°/ que le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; qu'en l'espèce, pour dire que la maladie professionnelle déclarée par la victime n'est pas imputable à la faute inexcusable de son employeur, la cour d'appel a, après avoir constaté que la victime avait effectué, durant son activité de mécanicien auprès de cet employeur, soit du mois de septembre 1987 au mois d'août 2010, des travaux d'entretien et de maintenance sur des équipements contenant des matériaux à base d'amiante, considéré que rien ne permettait de retenir que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger car nonobstant l'existence de tableaux de maladies professionnelles en lien avec l'inhalation de poussières d'amiante depuis 1945, les travaux confiés aux mécaniciens automobiles n'ont pas d'emblée été répertoriés comme à risque, que les autorités ont longtemps mis l'accent sur l'extraction du minerai, la manipulation de l'amiante brut dans des opérations de fabrication, les travaux de cardage, de tissage et de filage de l'amiante, que les travaux d'entretien et de maintenance effectués sur des équipements contenant des matériaux à base d'amiante n'ont été introduits qu'avec la création du tableau n° 30 bis le 22 mai 1996, que l'employeur était une petite entreprise ne disposant pas des moyens matériels et d'information d'une grande structure et qu'il n'était pas non plus établi que la société qui avait repris le [12] en décembre 2009 et qui était également une entreprise de taille modeste avait ou aurait avoir conscience du risque, d'autant que l'usage de l'amiante avait été interdit depuis 1997 ; qu'en statuant ainsi, quand il résultait de ses propres constatations, que les travaux exécutés par la victime du mois de septembre 1987 au mois d'août 2010 étaient mentionnés, depuis la création le 22 mai 1996 du tableau n° 30 bis des maladies professionnelles, comme susceptibles de provoquer un cancer broncho-pulmonaire consécutif à l'inhalation de poussières d'amiante ce dont elle aurait dû déduire qu'à compter de cette date, l'employeur ne pouvait ignorer le danger auquel le salarié était exposé, la cour d'appel a violé les articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale, L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ;
2°/ que le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; qu'en l'espèce, pour dire que la maladie professionnelle déclarée par la victime n'est pas imputable à la faute inexcusable de son employeur, la cour d'appel a, après avoir constaté que la victime avait effectué, durant son activité de mécanicien auprès de cet employeur, soit du mois de septembre 1987 au mois d'août 2010, des travaux d'entretien et de maintenance sur des équipements contenant des matériaux à base d'amiante, considéré que rien ne permettait de retenir que la société [12] [R] avait ou aurait dû avoir conscience du danger car nonobstant l'existence de tableaux de maladies professionnelles en lien avec l'inhalation de poussières d'amiante depuis 1945, les travaux confiés aux mécaniciens automobiles n'ont pas d'emblée été répertoriés comme à risque, que les autorités ont longtemps mis l'accent sur l'extraction du minerai, la manipulation de l'amiante brut dans des opérations de fabrication, les travaux de cardage, de tissage et de filage de l'amiante, que les travaux d'entretien et de maintenance effectués sur des équipements contenant des matériaux à base d'amiante n'ont été introduits qu'avec la création du tableau n° 30 bis le 22 mai 1996, que l'employeur était une petite entreprise ne disposant pas des moyens matériels et d'information d'une grande structure et qu'il n'était pas non plus établi que la société [14] qui avait repris le [12] en décembre 2009 et qui était également une entreprise de taille modeste avait ou aurait avoir conscience du risque, d'autant que l'usage de l'amiante avait été interdit depuis 1997 ; qu'en statuant ainsi, quand il résultait de ses propres constatations, que les travaux exécutés par la victime du mois de septembre 1987 au mois d'août 2010 le mettaient en contact avec une substance dont l'usage était interdit depuis 1997 de sorte que l'employeur ne pouvait ignorer le danger auquel le salarié était exposé, la cour d'appel a violé les articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale, L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale et L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail :
5. Le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.
6. Pour dire que l'employeur n'a pas commis de faute inexcusable, l'arrêt constate qu'il n'est pas discuté qu'au cours de l'exercice de son activité de mécanicien automobile, du mois de septembre 1987 au mois d'août 2010, au sein de l'entreprise de l'employeur, la victime a travaillé sur des systèmes d'embrayage, des freins et des joints de culasses, équipements comportant de l'amiante, et, par suite, a été exposée à l'inhalation de poussières de ce matériau. Il précise que jusqu'à la création le 30 mai 1996 du tableau n° 30 bis reconnaissant le caractère professionnel du cancer broncho-pulmonaire provoqué par l'inhalation de poussières d'amiante dont cette victime était atteinte, les travaux effectués par les mécaniciens automobiles n'étaient pas répertoriés comme à risque, l'accent ayant été mis par les autorités sur l'extraction du minerai, la manipulation et l'utilisation de l'amiante brut dans des opérations de fabrication, les travaux de cardage, de tissage et de filage de l'amiante. Il ajoute que la société ne constituait qu'une petite entreprise de huit salariés, de sorte que sa situation ne lui permettait pas d'accéder aux informations et aux études médicales relatives aux risques inhérents à l'inhalation des poussières d'amiante. Il en déduit que, l'usage de l'amiante n'ayant de surcroît été interdit qu'en 1997, l'employeur n'avait pas conscience ou n'aurait pas dû avoir conscience du risque auquel avait été exposée la victime jusqu'à sa cessation d'activité.
7. En statuant par des motifs impropres à écarter la faute inexcusable de l'employeur, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Civ.2 10 avril 2025 n° 23-12.107
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 10 avril 2025
Cassation
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 357 F-D
Pourvoi n° K 23-12.107
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 AVRIL 2025
L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Midi-Pyrénées, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 23-12.107 contre l'arrêt rendu le 16 décembre 2022 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre, section 3, chambre sociale), dans le litige l'opposant à Mme [O] [R], épouse [G], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Montfort, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF de Midi-Pyrénées, de Me Balat, avocat de Mme [R], et l'avis de Mme Pieri-Gauthier, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 mars 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Montfort, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 16 décembre 2022), l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Midi-Pyrénées (l'URSSAF) a notifié à Mme [R] (la cotisante) des mises en demeure puis, le 29 novembre 2018 et le 17 octobre 2019, deux contraintes pour paiement de cotisations et majorations de retard, à l'encontre desquelles elle a formé opposition devant une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa cinquième branche
Enoncé du moyen
2. L'URSSAF fait grief à l'arrêt d'annuler la contrainte du 29 novembre 2018, alors « que permet au débiteur d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation la contrainte qui précise le montant des cotisations et majorations de retard réclamées et la période à laquelle elles se rapportent, et qui fait référence aux mises en demeure antérieures, lesquelles précisent le détail des cotisations réclamées, peu important l'erreur matérielle affectant la date des mises en demeure mentionnées, dès lors que la contrainte mentionne le numéro exact de ces mises en demeure et réclame des sommes correspondant précisément à ces mises en demeure ; qu'en jugeant que la contrainte du 29 novembre 2018, qui avait été délivrée dans ces conditions, ne permettait pas à la cotisante de connaître la nature des cotisations, l'étendue et la cause de son obligation au prétexte inopérant qu'elle faisait référence à une mise en demeure dont la date était erronée, la cour d'appel a violé les articles L. 244-2, L. 244-9, R. 133-3 et R. 244-1 du code de la sécurité sociale, dans leurs rédactions successivement applicables au litige. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 244-2 et R. 244-1 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction, applicable au litige :
3. Il résulte de ce texte que la mise en demeure, qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, doit permettre à celui-ci d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation et préciser à cette fin, à peine de nullité, la nature et le montant des cotisations et contributions réclamées et la période à laquelle celles-ci se rapportent, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice.
4. Pour annuler la contrainte du 29 novembre 2018, l'arrêt, après avoir rappelé les articles L. 244-9 et R. 244-1 du code de la sécurité sociale, constate que la contrainte litigieuse ne mentionne ni le détail des cotisations, ni la date des mises en demeure à l'appui desquelles elle a été délivrée. Il en déduit que l'absence de ces mentions ne permet pas à la cotisante de connaître la nature des cotisations, l'étendue et la cause de son obligation.
5. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que les sommes mentionnées sur la contrainte correspondaient à celles mentionnées sur les mises en demeure, d'une part, et que ces dernières, identifiées dans la contrainte par des numéros distincts, mentionnaient pour les périodes auxquelles elles se rapportaient, la nature et le montant des cotisations et contributions et des majorations de retard, ainsi que les déductions correspondant aux versements effectués, d'autre part, de sorte que la cotisante pouvait connaître la nature, la cause et l'étendue de son obligation, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur le second moyen, pris en sa cinquième branche
Enoncé du moyen
6. L'URSSAF fait grief à l'arrêt d'annuler la contrainte du 17 octobre 2019, alors « que permet au débiteur d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation, la contrainte qui précise le montant des cotisations et majorations de retard réclamées et la période à laquelle elles se rapportent, et qui fait référence aux mises en demeure antérieures, lesquelles précisent le détail des cotisations réclamées, peu important l'erreur matérielle affectant la date des mises en demeure mentionnées dès lors que la contrainte mentionne le numéro exact de ces mises en demeure et réclame des sommes correspondant précisément à ces mises en demeure ; qu'en jugeant que la contrainte du 17 octobre 2019, qui avait été délivrée dans ces conditions, ne permettait pas à la cotisante de connaître la nature des cotisations, l'étendue et la cause de son obligation au prétexte inopérant qu'elle faisait référence à une mise en demeure dont la date était erronée, la cour d'appel a violé les articles L. 244-2, L. 244-9, R. 133-3 et R. 244-1 du code de la sécurité sociale, dans leurs rédactions successivement applicables au litige. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 244-2 et R. 244-1 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction, applicable au litige :
7. Il résulte de ce texte que la mise en demeure, qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, doit permettre à celui-ci d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation et préciser à cette fin, à peine de nullité, la nature et le montant des cotisations et contributions réclamées et la période à laquelle celles-ci se rapportent, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice.
8. Pour annuler la contrainte du 17 octobre 2019, l'arrêt, après avoir rappelé les articles L. 244-9 et R. 244-1 du code de la sécurité sociale, constate que la contrainte litigieuse ne mentionne ni le détail des cotisations, ni la date des mises en demeure à l'appui desquelles elle a été délivrée. Il en déduit que l'absence de ces mentions ne permet pas à la cotisante de connaître la nature des cotisations, l'étendue et la cause de son obligation.
9. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que les sommes mentionnées sur la contrainte correspondaient à celles mentionnées sur les mises en demeure, d'une part, et que ces dernières, identifiées dans la contrainte par des numéros distincts, mentionnaient pour les périodes auxquelles elles se rapportaient, la nature et le montant des cotisations et contributions et des majorations de retard, ainsi que les déductions correspondant aux versements effectués, d'autre part, de sorte que la cotisante pouvait connaître la nature, la cause et l'étendue de son obligation, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Civ.2 10 avril 2025 n° 23-11.731 B
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
AF1
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 10 avril 2025
Rejet
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 352 F-B
Pourvoi n° B 23-11.731
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 AVRIL 2025
La société [5], société d'exercice libéral par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la Selas [7], a formé le pourvoi n° B 23-11.731 contre l'arrêt rendu le 6 décembre 2022 par la cour d'appel d'Orléans (chambre des affaires de sécurité sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de la Nièvre, dont le siège est [Adresse 4],
2°/ à Mme [C] [K], domiciliée [Adresse 3],
3°/ au ministre chargé de la sécurité sociale, domicilié [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lerbret-Féréol, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société [5], de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [K], et l'avis de Mme Pieri-Gauthier, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 mars 2025 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Lerbret-Féréol, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 6 décembre 2022), Mme [K] (la victime), salariée de la société [5], venant aux droits de la Selas [7] (l'employeur), a, le 2 avril 2013, souscrit une demande de reconnaissance de maladie professionnelle, accompagnée d'un certificat médical initial faisant état d'un état dépressif, d'insomnies et de cauchemars.
2. Après instruction du dossier et avis favorable d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, la caisse primaire d'assurance maladie de la Nièvre (la caisse) a pris en charge la pathologie au titre de la législation professionnelle.
3. La victime a saisi une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale d'une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. L'employeur fait grief à l'arrêt de rejeter sa contestation relative au taux d'incapacité permanente prévisible de la victime, alors :
« 1°/ que la faute inexcusable de l'employeur ne peut être retenue que pour autant que l'affection dont souffre la victime revêt le caractère d'une maladie professionnelle ; qu'en défense à l'action en reconnaissance de la faute inexcusable, l'employeur peut donc contester l'origine professionnelle de la maladie ; que, dans le cadre d'une faute inexcusable afférente à une maladie hors tableau, l'employeur est fondé à contester le taux d'incapacité permanente prévisible reconnu à la victime qui a entraîné la saisine du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles dont l'avis, s'imposant à la caisse, a abouti à la reconnaissance de l'origine professionnelle de la maladie ; que, pour estimer « qu'il n'y avait pas lieu de remettre en cause le taux prévisible fixé par le médecin conseil », la cour d'appel a retenu que « la maladie déclarée par la salariée est une maladie hors tableau relevant de l'article L. 461-1 alinéa 4 et qu'il s'avère que le colloque décisionnel du 9 septembre 2013 établi par le médecin conseil de la caisse fait état d'une incapacité permanente partielle supérieure à 25 % justifiant la saisine du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de [Localité 6] et que le rapport du contrôle médical de l'organisme gestionnaire figure parmi les éléments dont ce comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles a pris connaissance », puis la cour d'appel a ajouté « que l'employeur ne saurait se prévaloir de l'absence d'information médicale de la part de la caisse pour la détermination du taux d'incapacité permanente partielle prévisible dont l'évaluation est distincte de celle du taux d'incapacité permanente partielle définitif » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L. 461-1, alinéa 4, R. 461-8, D. 461-29 et D. 461-30 du code de la sécurité sociale ;
2°/ subsidiairement que si l'avis du médecin conseil s'impose à la caisse, il ne s'impose pas à la juridiction de sécurité sociale qui est un organe juridictionnel de pleine juridiction ayant le pouvoir de réformer en tous points, en fait comme en droit, la décision prise par l'organisme social ainsi que celle prise par le médecin conseil ; que, dans un moyen entier de ses écritures, l'employeur offrait de prouver que les certificats médicaux initiaux avaient été obtenus frauduleusement et que, même en se fondant sur ceux-ci, l'incapacité permanente prévisible ne pouvait atteindre le seuil de 25 % ; qu'en retenant « qu'il n'y avait pas lieu de remettre en cause le taux prévisible fixé par le médecin conseil », sans rechercher, comme elle y était expressément invitée, si l'incapacité permanente prévisible était réellement supérieure à 25 %, la cour d'appel a méconnu ses prérogatives juridictionnelles, en violation des articles L. 461-1 alinéa 4, R. 461-8, D. 461-29 et D. 461-30 du code de la sécurité sociale. »
Réponse de la Cour
5. Selon l'article L. 461-1, alinéa 4, du code de la sécurité sociale, peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau des maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L. 434-2 et au moins égal à un pourcentage fixé à 25 % par l'article R. 461-8.
6. Selon l'article D. 461-30 du même code, la caisse primaire d'assurance maladie saisit le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles après avoir recueilli, notamment, le rapport du service du contrôle médical qui, aux termes de l'article D. 461-29, comprend, le cas échéant, le rapport d'évaluation du taux d'incapacité permanente de la victime.
7. Pour l'application de ces dispositions, le taux d'incapacité permanente à retenir pour l'instruction d'une demande de prise en charge d'une maladie non désignée dans un tableau des maladies professionnelles est celui évalué par le service du contrôle médical dans le dossier constitué pour la saisine du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, dit « taux prévisible », et non le taux d'incapacité permanente fixé après consolidation de l'état de la victime pour l'indemnisation des conséquences de la maladie. En raison de son caractère provisoire, le taux prévisible n'est pas notifié aux parties. Il ne peut, dès lors, être contesté par l'employeur pour défendre à l'action en reconnaissance de la faute inexcusable.
8. L'arrêt relève que la maladie déclarée par la victime est une maladie hors tableau et constate que le colloque établi par le médecin conseil de la caisse fait état d'une incapacité permanente supérieure à 25 %, justifiant la saisine d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. Il énonce que l'évaluation du taux d'incapacité permanente prévisible est distincte de celle du taux d'incapacité permanente définitif et ne relève pas du contentieux technique.
9. De ces énonciations et constatations, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à la recherche prétendument omise, en a exactement déduit que le taux prévisible fixé par le médecin conseil ne pouvait être remis en cause par l'employeur, de sorte que la contestation de ce taux, formée par ce dernier, devait être rejetée.
10. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
Civ.2 10 avril 2025 n° 22-18.045
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 10 avril 2025
Cassation
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 345 F-D
Pourvoi n° U 22-18.045
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 AVRIL 2025
L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Lorraine, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 22-18.045 contre l'arrêt n° RG : 21/02451 rendu le 29 mars 2022 par la cour d'appel de Nancy (chambre sociale, section 1), dans le litige l'opposant au [3], syndicat intercommunal à vocation unique, dont le siège est [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF de Lorraine, de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat du [3], et l'avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 5 mars 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 29 mars 2022), le [3], estimant qu'il aurait dû bénéficier de la réduction générale des cotisations patronales sur les bas salaires sur la période de janvier 2017 à décembre 2018, a demandé à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Lorraine (l'URSSAF) le remboursement des sommes qu'il considérait avoir acquittées indûment.
2. Sa demande ayant été rejetée, l'établissement public a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen des moyens
Sur le moyen relevé d'office
3. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.
Vu les articles L. 241-13, II, du code de la sécurité sociale, L. 5424-1, 3°, et L. 5424-2 du code du travail, dans leur rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses :
4. Selon le premier de ces textes, la réduction générale des cotisations patronales de sécurité sociale sur les bas salaires est appliquée aux gains et rémunérations versés aux salariés au titre desquels l'employeur est soumis à l'obligation édictée par l'article L. 5422-13 du code du travail et aux salariés mentionnés au 3° de l'article L. 5424-1 du même code.
5. Selon la combinaison des deux derniers, ont la faculté d'adhérer au régime d'assurance chômage, de manière irrévocable, les employeurs inscrits au répertoire national des entreprises contrôlées majoritairement par l'Etat et ceux ayant la qualité juridique, soit d'établissements publics à caractère industriel et commercial des collectivités territoriales, soit de sociétés d'économie mixte dans lesquelles les collectivités ont une participation majoritaire.
6. Il en résulte que la réduction générale des cotisations patronales sur les bas salaires ne s'applique aux rémunérations versées aux salariés des établissements publics à caractère industriel et commercial des collectivités territoriales ou des sociétés d'économie mixte dans lesquelles les collectivités ont une participation majoritaire que si ces derniers ont adhéré au régime d'assurance chômage, pour leurs salariés, par une option irrévocable.
7. Pour accueillir le recours de l'établissement public, l'arrêt retient que le service de distribution d'eau est traditionnellement considéré comme un service public industriel et commercial, conformément à l'article L. 2224-11 du code général des collectivités territoriales, que l'établissement public a pour objet la production et la distribution d'eau potable nécessaire à l'alimentation des populations des communes membres ainsi que de l'organisation du service et de sa gestion et qu'il tire ses recettes, notamment, du produit de la vente d'eau. Il en déduit, que, nonobstant la nature de son inscription au système national d'identification et du répertoire des entreprises et de leurs établissements, et son défaut d'inscription au registre du commerce et des sociétés, l'établissement public présente un caractère industriel et commercial.
8. En statuant ainsi, alors qu'elle devait vérifier, au besoin d'office, si les conditions requises pour bénéficier de la réduction des cotisations patronales sur les bas salaires étaient réunies durant la période considérée et qu'il ne résulte pas de ses constatations que l'établissement public ait effectivement adhéré, de manière irrévocable, pour ses salariés, au régime d'assurance chômage, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Civ.3 10 avril 2025 n° 23-19.702 B
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
CL
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 10 avril 2025
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 211 FS-B
Pourvoi n° R 23-19.702
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 AVRIL 2025
1°/ Mme [X] [N], domiciliée [Adresse 5],
2°/ Mme [J] [B] [V], domiciliée [Adresse 4],
3°/ M. [F] [B] [V], domicilié [Adresse 3],
4°/ M. [G] [B] [V], domicilié [Adresse 7],
ont formé le pourvoi n° R 23-19.702 contre l'arrêt rendu le 22 juin 2023 par la cour d'appel de Papeete (chambre civile), dans le litige les opposant à M. [I] [M] [D], domicilié [Adresse 6], défendeur à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Baraké, conseiller référendaire, les observations de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat de Mme [N], Mme [B] [V], et MM. [F] et [G] [B] [V], de Me Bertrand, avocat de M. [D], et l'avis de Mme Compagnie, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 mars 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Baraké, conseiller référendaire rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, Mmes Pic, Oppelt, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, Gallet, Davoine, M. Choquet, conseillers référendaires, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Papeete, 22 juin 2023), rendu en référé, M. [D] est propriétaire d'une parcelle cadastrée section AI-[Cadastre 2], contiguë à celle cadastrée section AI-[Cadastre 1], à usage de chemin.
2. Il a édifié un mur sur ce qu'il considérait être la limite séparative des deux parcelles et installé un dispositif de vidéo-surveillance sur sa propriété.
3. Se disant propriétaires indivis de la parcelle cadastrée section AI-[Cadastre 1], Mme [J] [B] [V], MM. [G] et [F] [B] [V], et Mme [X] [N] (les consorts [B] [V] - [N]) l'ont assigné en démolition du mur empiétant selon eux sur leur fonds, et enlèvement des caméras installées sur le aito surplombant leur propriété.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen
Enoncé du moyen
5. Les consorts [B] [V] - [N] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande de retrait de la caméra de vidéo-surveillance fixée en hauteur et orientée dans la direction du chemin de servitude leur appartenant, alors « que le président peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté l'existence d'une caméra orientée vers le chemin de passage « commun à tout le voisinage », ce dont il résultait nécessairement l'existence d'un trouble manifestement illicite résidant dans l'atteinte à la vie privée des usagers de la servitude, en ce compris les consorts [B] [V] - [N] ; qu'en déboutant néanmoins ces derniers de leur demande de retrait du matériel de vidéo-surveillance, au motif inopérant que « s'agissant de couvrir le champ d'un chemin de passage qui est commun à tout le voisinage, il n'est pas démontré à hauteur de référé l'existence de ce fait d'un trouble anormal de voisinage ou d'une atteinte à la vie privée à l'égard des consorts [B] [V], la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 432 du code de procédure civile de la Polynésie française. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 9, alinéa 1er, du code civil, applicable en Polynésie française, et 432 du code de procédure civile de la Polynésie française :
6. Selon le premier de ces textes, chacun a droit au respect de sa vie privée.
7. Selon le second, le président peut toujours prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
8. Pour rejeter la demande de dépose de la caméra de vidéo-surveillance installée par M. [D], l'arrêt retient que ce dispositif ne couvrant qu'un chemin de passage commun au voisinage, il n'est pas démontré, à hauteur de référé, l'existence de ce fait d'une atteinte à la vie privée des consorts [B] [V] - [N].
9. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la caméra installée permettait la captation de l'image des personnes empruntant le chemin litigieux, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, desquelles il résultait l'existence d'un trouble manifestement illicite, a violé les textes susvisés.
Civ.2 10 avril 2025 n° 22-18.044
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 10 avril 2025
Cassation
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 344 F-D
Pourvoi n° T 22-18.044
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 AVRIL 2025
L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Lorraine, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° T 22-18.044 contre l'arrêt n° RG : 21/02484 rendu le 29 mars 2022 par la cour d'appel de Nancy (chambre sociale, section 1), dans le litige l'opposant au [3], syndicat intercommunal à vocation unique, dont le siège est [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF de Lorraine, de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat du [3], et l'avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 5 mars 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 29 mars 2022), le [3] (l'établissement public), estimant qu'il aurait dû bénéficier de la réduction générale des cotisations patronales sur les bas salaires sur la période de mars 2016 à décembre 2018, a demandé à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Lorraine (l'URSSAF) le remboursement des sommes qu'il considérait avoir acquittées indûment.
2. Sa demande ayant été rejetée, l'établissement public a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen des moyens
Sur le moyen relevé d'office
3. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.
Vu les articles L. 241-13, II, du code de la sécurité sociale, L. 5424-1, 3°, et L. 5424-2 du code du travail, dans leur rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses :
4. Selon le premier de ces textes, la réduction générale des cotisations patronales de sécurité sociale sur les bas salaires est appliquée aux gains et rémunérations versés aux salariés au titre desquels l'employeur est soumis à l'obligation édictée par l'article L. 5422-13 du code du travail et aux salariés mentionnés au 3° de l'article L. 5424-1 du même code.
5. Selon la combinaison des deux derniers, ont la faculté d'adhérer au régime d'assurance chômage, de manière irrévocable, les employeurs inscrits au répertoire national des entreprises contrôlées majoritairement par l'État et ceux ayant la qualité juridique, soit d'établissements publics à caractère industriel et commercial des collectivités territoriales, soit de sociétés d'économie mixte dans lesquelles les collectivités ont une participation majoritaire.
6. Il en résulte que la réduction générale des cotisations patronales sur les bas salaires ne s'applique aux rémunérations versées aux salariés des établissements publics à caractère industriel et commercial des collectivités territoriales ou des sociétés d'économie mixte dans lesquelles les collectivités ont une participation majoritaire que si ces derniers ont adhéré au régime d'assurance chômage, pour leurs salariés, par une option irrévocable.
7. Pour accueillir le recours de l'établissement public, l'arrêt retient que le service de distribution d'eau est traditionnellement considéré comme un service public industriel et commercial, conformément à l'article L. 2224-11 du code général des collectivités territoriales, que l'établissement public a pour objet principal la distribution d'eau potable à ses clients, particuliers ou entreprises, que ses recettes sont essentiellement constituées des ventes d'eau aux abonnés et qu'il applique une comptabilité commerciale reprenant la nomenclature du plan comptable général. Il en déduit, que, nonobstant la nature de son inscription au système national d'identification et du répertoire des entreprises et de leurs établissements, et son défaut d'inscription au registre du commerce et des sociétés, l'établissement public présente un caractère industriel et commercial.
8. En statuant ainsi, alors qu'elle devait vérifier, au besoin d'office, si les conditions requises pour bénéficier de la réduction des cotisations patronales sur les bas salaires étaient réunies durant la période considérée et qu'il ne résulte pas de ses constatations que l'établissement public ait effectivement adhéré, de manière irrévocable, pour ses salariés, au régime d'assurance chômage, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Civ.2 10 avril 2025 n° 23-11.799
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
AF1
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 10 avril 2025
Cassation
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 354 F-D
Pourvoi n° A 23-11.799
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 AVRIL 2025
L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Provence-Alpes-Côte d'Azur, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° A 23-11.799 contre l'arrêt n° RG : 21/08307 rendu le 9 décembre 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-8), dans le litige l'opposant à la société [3], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Montfort, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF de Provence-Alpes-Côte d'Azur, et l'avis de Mme Pieri-Gauthier, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 mars 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Montfort, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 9 décembre 2022), l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Provence-Alpes-Côte d'Azur (l'URSSAF) a adressé, le 30 avril 2019, à la société [3] (la société) une mise en demeure suivie, d'une contrainte émise le 4 juin 2019 pour le recouvrement de cotisations et majorations de retard.
2. La société a formé opposition à cette contrainte devant une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. L'URSSAF fait grief à l'arrêt d'annuler la contrainte et de la débouter de ses demandes, alors « que la mise en demeure qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, doit lui permettre d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation ; qu'est donc régulière, comme satisfaisant à ces exigences, la mise en demeure qui précise la nature des cotisations réclamées en indiquant qu'elles sont dues au titre du régime général tout en spécifiant sous un astérisque la mention « incluses contribution d'assurance chômage, cotisations AGS », sans avoir à ventiler le montant réclamé en fonction des différentes catégories de cotisations ; qu'en jugeant qu'à défaut de détailler la nature et le montant des cotisations concernées, la mise en demeure du 30 avril 2019 qui mentionnait « nature des cotisations REGIME GENERAL » et « (*) incluses contribution d'assurance chômage, cotisations AGS » ne permettait pas à la société cotisante d'avoir connaissance de la nature des cotisations réclamées et était entachée d'une irrégularité substantielle qui justifiait l'annulation de la contrainte du 4 juin 2019 qui s'y référait expressément, la cour d'appel a violé les articles L. 244-2 et R. 244-1 du code de la sécurité sociale, dans leurs versions applicables au litige. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 244-2 et R. 244-1 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction, applicable au litige :
4. Il résulte de ce texte que la mise en demeure, qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, doit permettre à celui-ci d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation et préciser à cette fin, à peine de nullité, la nature et le montant des cotisations et contributions réclamées et la période à laquelle celles-ci se rapportent, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice.
5. Pour annuler la contrainte, l'arrêt constate que la mise en demeure du 30 avril 2019, visée dans la contrainte, comprend le numéro de la cotisante, les montants et la période correspondant aux cotisations et majorations dues et elle mentionne s'agissant de la nature des cotisations « régime général » avec un astérisque indiquant qu'y sont « incluses contribution d'assurance chômage, cotisations AGS ». Il en déduit qu'aucun élément ne permet pas à la société de connaître la nature des cotisations dues pour la période concernée.
6. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que la mise en demeure et la contrainte subséquente mentionnaient pour la période à laquelle elle se rapportait, la nature et le montant des cotisations et contributions et des majorations de retard, de sorte que la société pouvait connaître la nature, la cause et l'étendue de son obligation, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Civ.2 10 avril 2025 n° 22-24.759
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
AF1
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 10 avril 2025
Rejet
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 348 F-D
Pourvoi n° S 22-24.759
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 AVRIL 2025
Mme [O] [W], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° S 22-24.759 contre l'arrêt rendu le 27 octobre 2022 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant :
1°/ à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) du Limousin, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ au ministre chargé de la sécurité sociale, domicilié [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de Mme [W], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF du Limousin, et l'avis de Mme Pieri-Gauthier, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 mars 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à Mme [W] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le ministre chargé de la sécurité sociale.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 27 octobre 2022), l'URSSAF du Limousin (l'URSSAF) a adressé à Mme [W] (la cotisante), le 26 novembre 2018, un appel de la cotisation subsidiaire maladie pour l'année 2017, au titre de la protection universelle maladie.
3. La cotisante a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première, cinquième et sixième branches
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches
Enoncé du moyen
5. La cotisante fait grief à l'arrêt de rejeter son recours et de dire qu'elle est redevable du montant de la cotisation subsidiaire maladie réclamé par l'URSSAF, alors :
« 2° / que les dispositions de l'article D. 380-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-979 du 19 juillet 2016, doivent, en l'absence de tout mécanisme de plafonnement, être considérées comme illégales et notamment comme méconnaissant le principe d'égalité devant les charges publiques et la réserve d'interprétation dont le Conseil constitutionnel a assorti la déclaration de conformité de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale dans sa décision du 27 septembre 2018 (n° 2018-735 QPC) ; que l'annulation de ce texte, qui sera prononcée par le Conseil d'Etat saisi par la voie d'une question préjudicielle, privera de fondement juridique la cotisation réclamée à la cotisante au titre de l'année 2016 ;
3°/ que l'article D. 380-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2019-349 du 23 avril 2019, diminue le taux de la cotisation mentionnée à l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale et prévoit un plafonnement des montants dus ; que l'article 3 du décret du 23 avril 2019 prévoit toutefois que le nouvel article D. 380-1 précité « s'applique aux cotisations dues au titre des périodes courant à compter du 1er janvier 2019 » ; que cet article 3 doit en conséquence être déclaré illégal, en ce qu'il laisse subsister, pour les cotisations dues au titre des années 2016 à 2018, un mécanisme de calcul ne prévoyant aucun plafonnement, en méconnaissance du principe d'égalité devant les charges publiques et de la réserve d'interprétation dont le Conseil constitutionnel a assorti la déclaration de conformité de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale dans sa décision du 27 septembre 2018 (n° 2018-735 QPC) ; que l'annulation de ce texte, qui sera prononcée par le Conseil d'Etat saisi par la voie d'une question préjudicielle, privera de fondement juridique la cotisation réclamée à la cotisante au titre de l'année 2016 ;
4° / qu'en laissant subsister un prélèvement obligatoire fondé sur un texte méconnaissant le principe d'égalité devant les charges publiques et la réserve d'interprétation dont le Conseil constitutionnel a assorti la déclaration de conformité de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale dans sa décision du 27 septembre 2018 (n° 2018-735 QPC), la cour d'appel a méconnu le droit au respect des biens garanti par l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
6. En vertu du principe de séparation des autorités administratives et judiciaires posé par l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et par le décret du 16 fructidor an III, sous réserve des matières réservées par nature à l'autorité judiciaire et sauf dispositions législatives contraires, il n'appartient qu'à la juridiction administrative de porter une appréciation sur la légalité d'un acte administratif.
7. Aux termes de l'article 49, alinéa 2, du code de procédure civile, lorsque la solution d'un litige dépend d'une question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction administrative, la juridiction judiciaire initialement saisie la transmet à la juridiction administrative compétente en application du titre Ier du livre III du code de justice administrative.
8. Selon l'article L. 380-2, alinéa 4, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015, la cotisation subsidiaire maladie est fixée en pourcentage du montant des revenus fonciers, de capitaux mobiliers, des plus-values de cession à titre onéreux de biens ou de droits de toute nature, des bénéfices industriels et commerciaux non professionnels et des bénéfices des professions non commerciales non professionnels, définis selon les modalités fixées au IV de l'article 1417 du code général des impôts, qui dépasse un plafond fixé par décret. Un décret détermine le taux et les modalités de calcul de cette cotisation ainsi que les obligations déclaratives incombant aux assujettis.
9. Par sa décision n° 2018-735 QPC du 27 septembre 2018, le Conseil constitutionnel a déclaré ces dispositions conformes à la Constitution sous la réserve suivante : « la seule absence de plafonnement d'une cotisation dont les modalités de détermination de l'assiette ainsi que le taux sont fixés par voie réglementaire n'est pas, en elle-même, constitutive d'une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. Toutefois, il appartient au pouvoir réglementaire de fixer ce taux et ces modalités de façon à ce que la cotisation n'entraîne pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ».
10. L'article D. 380-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-979 du 19 juillet 2016 relatif aux modalités de calcul de la cotisation prévue à l'article L. 380-2 du même code, prévoit que la cotisation subsidiaire maladie est due par les assurés dont les revenus tirés d'activités professionnelles sont inférieurs à 10 % du plafond annuel de la sécurité sociale et qu'elle s'applique, au taux de 8 %, à la part des revenus du patrimoine excédant 25 % du même plafond. En outre, l'abattement d'assiette prévu en application du cinquième alinéa de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale équivaut à appliquer aux revenus du patrimoine un taux de cotisation décroissant de façon linéaire de 8 à 0 % en fonction du montant des revenus professionnels lorsque ceux-ci sont compris entre 5 et 10 % du plafond annuel de la sécurité sociale.
11. Le Conseil d'Etat juge qu'en fixant dans le cadre déterminé par les dispositions de l'article L. 380-2 précité, le seuil de revenus professionnels prévu au deuxième alinéa de cet article, en-deçà duquel la cotisation est due, à 10 % du plafond annuel de la sécurité sociale, soit 3 861,60 euros en 2016, le montant des revenus du patrimoine mentionné au quatrième alinéa du même article, au-delà duquel s'applique le prélèvement, à 25 % de ce même plafond, soit 9 654 euros en 2016, et le taux de la cotisation en cause à 8 %, le pouvoir réglementaire a défini les modalités de calcul de cette cotisation dans des conditions qui n'entraînent pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques (CE, 10 juillet 2019, n° 417919 ; CE, 29 juillet 2020, n° 430326).
12. Il s'en déduit que la question de la légalité de l'article D. 380-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-979 du 19 juillet 2016, au regard des dispositions de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale telles qu'interprétées par le Conseil constitutionnel dans sa décision nº 2018-735 QPC du 27 septembre 2018 ne soulève pas de difficulté sérieuse.
13. Ainsi, la question de la légalité de l'article 3 du décret n° 2019-349 du 23 avril 2019 selon lequel l'article D. 380-1, dans sa rédaction issue de ce texte, s'applique aux cotisations dues au titre des périodes courant à compter du 1er janvier 2019, ne soulève pas non plus de difficulté sérieuse, dès lors que les modalités de calcul de la cotisation litigieuse ont été antérieurement définies par le pouvoir réglementaire dans des conditions qui n'entraînent pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques.
14. C'est, dès lors, à bon droit que l'arrêt énonce, par motifs propres et adoptés, que l'article D. 380-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret du 19 juillet 2016 précité, fixant les taux, assiette et modalités de calcul de la cotisation, ne méconnaît ni le principe d'égalité devant les charges publiques garanti par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et des citoyens de 1789, ni les dispositions de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale telles qu'interprétées par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2018-735 QPC du 27 septembre 2018, et qu'il convient d'appliquer ce texte à la cotisation réclamée à la cotisante au titre de l'année 2017.
15. Le moyen, qui manque en fait en sa quatrième branche, n'est, dès lors, pas fondé.
Civ.2 10 avril 2025 n° 23-12.284
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 10 avril 2025
Cassation
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 342 F-D
Pourvoi n° C 23-12.284
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 AVRIL 2025
L'association [1] ([1]), dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° C 23-12.284 contre le jugement rendu le 13 décembre 2022 par le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand (pôle social, contentieux général), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) d'Auvergne, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Hénon, conseiller, les observations de Me Ridoux, avocat de l'association [1], et l'avis de Mme Pieri-Gauthier, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 mars 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Hénon, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué, (tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand, 13 décembre 2022), rendu en dernier ressort, à la suite d'un contrôle portant sur les années 2018 à 2020, l'URSSAF d'Auvergne (l'URSSAF) a notifié à l'association [1] (l'association) une lettre d'observations du 17 mars 2021, portant notamment sur la réintégration de sommes au titre du versement de transport pour l'année 2019, suivie d'une mise en demeure du 14 décembre 2021.
2. Contestant ce redressement, l'association a saisi une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. L'association fait grief au jugement de rejeter son recours, alors « qu'aux fins de déterminer l'assiette du versement transport, il est tenu compte, pour les salariés autres que ceux visés à l'article D. 2333-87, 1°, du code général des collectivités territoriales, et qui exercent leur activité hors d'un établissement de leur employeur, du lieu où est exercée cette activité plus de trois mois consécutifs dans chacune des zones où est institué le versement transport ; que la circonstance que le salarié d'une association, inscrit au registre unique du personnel de l'association ayant son siège social dans une localité donnée, mais affecté dans une antenne de l'association située hors de la zone de versement transport à laquelle est rattaché ce siège, se rende au siège au moins tous les deux mois pour participer à des réunions, ne conduit pas à considérer que le salarié n'exerce pas son activité de manière permanente dans l'antenne à laquelle il est affectée, et n'est pas de nature à conférer au salarié la qualité d'itinérant, ni à entraîner son rattachement, pour le calcul du versement transport, à l'établissement de l'employeur correspondant au siège social et assujetti au versement transport ; qu'en jugeant le contraire, le tribunal judiciaire a violé les articles L. 2333-64, L. 2333-65, et D. 2333-87 du code général des collectivités territoriales . »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 2333-64, D. 2333-87 et D. 2333-91 du code général des collectivités territoriales, le premier dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015, les derniers dans leur rédaction issue du décret n° 2017-858 du 9 mai 2017, applicables au litige :
4. Selon le premier de ces textes, en dehors de la région d'Ile-de-France, les personnes assujetties au versement de transport sont celles qui emploient au moins onze salariés dans une commune ou une communauté urbaine dans une zone ou est institué ce versement.
5. Selon le deuxième de ces textes, pour l'application du premier, il est tenu compte, ainsi qu'il est prévu à l'article R. 130-2 du code de la sécurité sociale, des salariés affectés au sein de chaque établissement situé dans chaque zone où est institué le versement de transport. Pour les autres salariés qui exercent leur activité hors d'un établissement de leur employeur, il est tenu compte du lieu où est exercée cette activité plus de trois mois consécutifs dans chacune des zones où est institué le versement de transport (2°).
6. Pour rejeter le recours de l'association, le jugement, après avoir constaté que les salariées concernées étaient affectées en qualité de coordinateur en centre de formation d'apprentis dans l'Allier, le Cantal et la Haute-Loire, retient que les salariées concernées sont inscrites sur le registre unique du personnel de l'association qui a son siège à Clermont-Ferrand et qu'elles sont amenées à se réunir de façon régulière, au moins tous les deux mois au siège de l'association. Il précise que l'association ne démontre pas qu'elles exerçaient leur activité dans un autre lieu que le siège, depuis plus de trois mois consécutifs et que ces salariées, itinérantes, inscrites dans son registre du personnel, doivent être rattachées à l'établissement assujetti au versement de transport.
7. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que les salariées exerçaient leur activité hors de l'établissement où est tenu le registre unique du personnel, peu important qu'elle soient amenées à se déplacer épisodiquement au sein de cet établissement, le tribunal a violé les textes susvisés.
Civ.2 10 avril 2025 n° 22-18.173 B
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 10 avril 2025
Cassation partielle
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 359 F-B
Pourvoi n° G 22-18.173
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 AVRIL 2025
La caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 3], dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° 22-18.173 contre l'arrêt rendu le 26 avril 2022 par la cour d'appel d'Amiens (2e protection sociale), dans le litige l'opposant à M. [J] [Y], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lerbret-Féréol, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 3], de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [Y], et l'avis de Mme Pieri-Gauthier, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 mars 2025 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Lerbret-Féréol, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 26 avril 2022), M. [Y] (la victime) a été victime de deux accidents pris en charge, au titre de la législation professionnelle, par la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 3] (la caisse).
2. Une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale a reconnu la faute inexcusable de l'employeur, indemnisé la victime et fixé au maximum la majoration de la rente à lui verser.
3. En application de ce jugement, la caisse a notifié à la victime, par une décision du 26 mars 2008, le montant mensuel de la rente à 2 068,12 euros, puis, par une décision du 13 novembre 2015, à 1 603,57 euros. Elle lui a également notifié, le 18 décembre 2015, un indu de 15 659,92 euros correspondant à la somme trop-perçue.
4. La victime a saisi de recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. La caisse fait grief à l'arrêt, d'une part, de la débouter de sa demande en reconnaissance du bien-fondé de sa décision du 13 novembre 2015 et de dire que cette décision ne peut produire aucun effet, d'autre part, de la débouter de son action en répétition de l'indu dirigée contre la victime et de la condamner à régulariser le règlement de la rente majorée de la victime à compter de novembre 2015, alors « que l'autorité de chose décidée, attachée à une décision émise par un organisme de sécurité sociale et devenue depuis lors définitive, ne s'oppose pas à ce que ce dernier rectifie l'erreur de calcul dans la liquidation qui l'affecte ; qu'en décidant le contraire, pour, d'une part, dire que la décision de la caisse en date du 13 novembre 2015, rectifiant pour l'avenir l'erreur de calcul qui affectait la décision du 26 mars 2008, ne pouvait produire aucun effet, et d'autre part, annuler l'indu réclamé au titre du trop-perçu correspondant à ladite erreur, la cour d'appel a violé le principe de l'autorité de chose décidée, et les articles R. 142-1 et R. 142-18 anciens du code de la sécurité sociale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 133-4-1, alinéa 1er, L. 431-2, L. 434-2, alinéa 2, L. 452-1 et L. 452-2 du code de la sécurité sociale, le premier dans sa rédaction issue de la loi n° 2004-1370 du 20 décembre 2004, le deuxième dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2004-329 du 15 avril 2004, le troisième dans sa rédaction issue de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007, applicables au litige :
6. Selon le troisième de ces textes, la victime d'un accident du travail, dont l'incapacité permanente est égale ou supérieure à un taux minimum, a droit à une rente égale au salaire annuel multiplié par le taux d'incapacité qui peut être réduit ou augmenté en fonction de la gravité de celle-ci.
7. Il résulte des deux derniers de ces textes que la victime ou ses ayants droit ont droit, lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, à une majoration de rente, dont le montant est fixé de telle sorte que la rente majorée allouée à la victime ne puisse excéder, soit la fraction du salaire annuel correspondant à la réduction de capacité, soit le montant de ce salaire dans le cas d'incapacité totale.
8. Selon le premier, en cas de versement indu d'une prestation, l'organisme chargé de la gestion d'un régime d'accidents du travail récupère l'indu correspondant auprès de l'assuré dans les cas et selon les modalités qu'il précise.
9. Selon le deuxième, l'action intentée par un organisme payeur en recouvrement des prestations indûment payées se prescrit par deux ans à compter du paiement des prestations entre les mains du bénéficiaire, sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration.
10. Il résulte de la combinaison de ces textes que la décision qui procède à la liquidation de la majoration de rente ne fait obstacle, ni au recouvrement de l'indu versé à la suite d'une erreur de calcul de l'organisme payeur, dans les conditions fixées à l'article L. 133-4-1 et les limites de la prescription applicable, ni à la rectification de la décision affectée de l'erreur.
11. Pour débouter la caisse de ses demandes en reconnaissance du bien-fondé de sa décision du 13 novembre 2015 et en paiement de l'indu, et la condamner à régulariser le règlement de la rente majorée de la victime à compter du mois de novembre 2015, l'arrêt énonce que la décision attributive de la rente majorée du 26 mars 2008 présente un caractère définitif lui conférant l'autorité de la chose décidée, qui, en l'absence de fraude de la victime ou de révision de son taux d'incapacité, fait obstacle à toute modification du montant de la rente par la caisse et prive, par voie de conséquence, de tout effet la décision du 13 novembre 2015 prise après rectification de l'erreur de calcul.
12. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Civ.2 10 avril 2025 n° 23-11.800
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
AF1
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 10 avril 2025
Cassation
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 355 F-D
Pourvoi n° B 23-11.800
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 AVRIL 2025
L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Provence-Alpes-Côte d'Azur, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° B 23-11.800 contre l'arrêt n° RG : 21/08204 rendu le 9 décembre 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-8), dans le litige l'opposant à la société [3], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Montfort, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF de Provence-Alpes-Côte d'Azur, et l'avis de Mme Pieri-Gauthier, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 mars 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Montfort, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 9 décembre 2022), l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Provence-Alpes-Côte d'Azur (l'URSSAF) a adressé, le 30 mai 2018, le 18 mars 2019 et le 28 mars 2019, à la société [3] (la société) trois mises en demeure suivies d'une contrainte émise le 21 mai 2019 pour le recouvrement de cotisations et majorations de retard.
2. La société a formé opposition à cette contrainte devant une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. L'URSSAF fait grief à l'arrêt d'annuler la contrainte et de la débouter de ses demandes, alors « la mise en demeure qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, doit lui permettre d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation ; qu'est donc ré
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 244-2 et R. 244-1 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction, applicable au litige :
4. Il résulte de ce texte que la mise en demeure, qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, doit permettre à celui-ci d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation et préciser à cette fin, à peine de nullité, la nature et le montant des cotisations et contributions réclamées et la période à laquelle celles-ci se rapportent, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice.
5. Pour annuler la contrainte, l'arrêt relève que les mises en demeure des 30 mai 2018, 18 mars 2019 et 28 mars 2019, comprennent le numéro de la cotisante, les montants et les périodes correspondant aux cotisations et majorations dues et elles mentionnent s'agissant de la nature des cotisations « régime général » avec un astérisque indiquant qu'y sont « incluses contribution d'assurance chômage, cotisations AGS ». Il en déduit qu'aucun élément ne permet pas à la société de connaître la nature des cotisations dues pour la période concernée.
6. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que les mises en demeure et la contrainte subséquente mentionnaient pour les périodes auxquelles elles se rapportaient, la nature et le montant des cotisations et contributions et des majorations de retard, de sorte que la société pouvait connaître la nature, la cause et l'étendue de son obligation, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Civ.2 10 avril 2025 n° 23-12.513
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 10 avril 2025
Interruption d'instance
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 361 F-D
Pourvoi n° B 23-12.513
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 AVRIL 2025
La caisse d'assurance retraite et de la santé au travail du Centre Ouest, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° B 23-12.513 contre l'arrêt rendu le 16 décembre 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-8), dans le litige l'opposant à Mme [I] [L], veuve [G], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Reveneau, conseiller, les observations de la SAS Zribi et Texier, avocat de la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail du Centre Ouest, après débats en l'audience publique du 5 mars 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Reveneau, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. La caisse d'assurance retraite et de la santé au travail du Centre Ouest (la caisse) s'est pourvue en cassation le 16 février 2023 contre un arrêt rendu le 16 décembre 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence dans une instance l'opposant à Mme [I] [L] veuve [G].
2. [I] [L] veuve [G] est décédée le 19 janvier 2023.
3. La caisse ayant fait signifier sa déclaration de pourvoi et son mémoire ampliatif aux héritiers de [I] [L] veuve [G], un procès-verbal de recherches infructueuses a été établi le 6 juillet 2023 en application de l'article 659 du code de procédure civile.
4. Par requête en date du 18 juillet 2023, la caisse a formé une requête en interruption de l'instance.
5. En application des articles 370 et 376 du code de procédure civile, l'instance est donc interrompue et il y a lieu d'impartir aux parties un délai pour effectuer les diligences nécessaires à la reprise de l'instance.
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