Civ.2 20 mai 2021 n° 19-26.076
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 20 mai 2021
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 452 F-D
Pourvoi n° M 19-26.076
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 MAI 2021
La société BD, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° M 19-26.076 contre l'arrêt rendu le 29 octobre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 8), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Pool, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à la société Etude JP, société d'exercice libéral par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], prise en la personne de M. [W] [I], pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Pool,
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lemoine, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société BD, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat des sociétés Pool et Etude JP, et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 31 mars 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Lemoine, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 octobre 2019), la société civile de construction vente Vendôme (la société Vendôme) a été mise en redressement, puis en liquidation judiciaires. La société Banque Hervet Créditerme, devenue la société HSBC (la banque), qui lui avait consenti trois prêts destinés à financer l'acquisition d'un immeuble, a déclaré sa créance à la procédure collective, puis l'a cédée, par contrat du 13 février 1997, à la société BD, ayant pour gérant de fait M. [G].
2.Par un jugement irrévocable du 5 février 2004, M. [X] a été condamné, en qualité d'associé de la société Vendôme, à payer une certaine somme à la société BD. En exécution de ce jugement, cette dernière a fait pratiquer une saisie-attribution et une saisie de droits d'associés et de valeurs mobilières au préjudice de M. [X] entre les mains de la société Pool. Par un arrêt du 9 novembre 2006, celle-ci a été condamnée, en qualité de tiers saisi, à payer à la société BD la somme de 300 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 27 janvier 2005 ainsi que les frais irrépétibles et les dépens.
3. Par un arrêt du 3 juillet 2008, M. [G] a été déclaré coupable de corruption passive pour avoir, étant chargé d'une mission de service public en qualité de mandataire judiciaire, sollicité le rachat de la créance détenue par la banque sur la société Vendôme pour accomplir ou s'abstenir d'accomplir des actes dans des liquidations judiciaires, dans lesquelles la banque avait déclaré des créances. Par un arrêt irrévocable du 26 mai 2015, la créance de la société BD résultant de la cession de créance de la banque a été déclarée inopposable à la liquidation judiciaire de la société Vendôme.
4. La société Pool a été mise en redressement puis en liquidation judiciaires respectivement les 4 novembre 2015 et 19 avril 2016. La société BD a déclaré ses créances au passif de la société Pool, lesquelles ont été contestées.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses première et sixième branches
Enoncé du moyen
5. La société BD fait grief à l'arrêt de confirmer les deux ordonnances du juge commissaire du 27 septembre 2017, qui ont rejeté en totalité les créances déclarées au passif de la SARL Pool par la SCI BD, alors :
1°/ « qu'en déclarant les créances de la SCI BD inopposables à la liquidation judiciaire de la société Pool et en rejetant les créances déclarées par la SCI BD au passif de la société Pool, la cour d'appel a méconnu l'autorité de la chose jugée par l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 9 novembre 2006, qui avait condamné la société Pool à payer à la SCI BD la somme de 300.000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 janvier 2005 ainsi que les frais irrépétibles exposés par la SCI BD et les dépens, en violation de l'article 1351 devenu 1355 du code civil ;
6°/ que la créance dont la cession a été jugée frauduleuse par le juge pénal est celle qui résulte des contrats de prêt qui étaient détenus par la banque Hervet Créditerme sur la SCCV Vendôme ; que l'autorité absolue de la chose jugée par le juge pénal sur le caractère frauduleux de la cession de cette créance n'était pas de nature à exclure l'admission au passif de la société Pool des créances de la SCI BD, résultant de l'application des dispositions de l'article R 211-5 du code des procédures civiles d'exécution et partant de l'inexécution de ses obligations légales par la société Pool, tiers saisi qui n'a pas fourni les renseignements à l'huissier et des frais exposés devant le juge de l'exécution pour mettre en oeuvre la sanction de l'article R 211-5 ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil et l'article 1351 devenu 1355 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1355 du code civil, l'article 480 du code de procédure civile et le principe de l' autorité de la chose jugée au pénal sur le civil :
6. Il résulte de ces textes et de ce principe, d'une part, que l'autorité de la chose jugée par une décision civile n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif, et d'autre part, que les décisions pénales ont au civil autorité absolue, à l'égard de tous, en ce qui concerne ce qui a été nécessairement jugé quant à l'existence du fait incriminé, sa qualification et la culpabilité ou l'innocence de celui auquel le fait est imputé.
7. Pour rejeter les créances déclarées au passif de la société Pool par la société BD, l'arrêt retient, d'abord, que les créances déclarées par la société BD sont fondées sur une condamnation de la société Pool prononcée par des juridictions civiles à raison d'un manquement de cette dernière à ses obligations de tiers saisi alors que la société BD poursuivait le recouvrement, entre ses mains, de la créance résultant de la condamnation de M. [X], tenu en tant qu'associé de la société Vendôme, à lui payer une partie du passif de celle-ci.
8. L'arrêt retient ensuite que la créance en cause trouve son origine dans le contrat de cession de la créance détenue par la banque sur la société Vendôme à la société BD pour lequel il a été irrévocablement jugé, au pénal, qu'il a été obtenu par cette dernière à la faveur d'un pacte de corruption.
9. L'arrêt en déduit que, sauf à contrevenir à l'ordre public et à l'autorité absolue de la chose jugée au pénal, la société BD ne peut se prévaloir de cette cession de créance et, partant, de la créance qu'elle a déclarée à la liquidation judiciaire de la société Pool, nonobstant les condamnations, prononcées par des juridictions civiles, qui ont consacré cette créance.
10. En statuant ainsi, alors, d'une part, que le juge pénal n'avait statué que sur le caractère frauduleux de la cession de créance intervenue entre la banque et la société BD, et d'autre part, que la créance déclarée par la société BD au passif de la société Pool résultait de l'inexécution par cette dernière de son obligation de renseignement en qualité de tiers saisi, la cour d'appel a méconnu l'étendue de l'autorité de la chose jugée par ces décisions et violé les textes et le principe susvisés.
Crim. 19 mai 2021 n° 21-81.600
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° E 21-81.600 F-D
N° 00757
RB5 19 MAI 2021
CASSATION
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 19 MAI 2021
M. [P] [K] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 4 mars 2021, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'importation de stupéfiants en bande organisée, infractions à la législation sur les stupéfiants, association de malfaiteurs, en récidive, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention rejetant sa demande de mise en liberté.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Turcey, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [P] [K], et les conclusions de M. Salomon, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 mai 2021 où étaient présents M. Soulard, président, M. Turcey, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. [K] a été mis en examen le 19 juin 2020 par le juge d'instruction de Bordeaux des chefs précités, et placé en détention provisoire le 24 juin 2020.
3. Le 29 janvier 2021, il a présenté une demande de mise en liberté, qui a été rejetée le 9 février 2021 par ordonnance du juge des libertés et de la détention.
4. Il a relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance de rejet de demande de mise en liberté de M. [K], alors « qu'il résulte des éléments de la procédure que l'affaire a été fixée une première fois devant la chambre de l'instruction le 2 mars 2021, et que pour cette audience, le conseil de M. [K] a été irrégulièrement convoqué ; de nouvelles convocations ont été délivrées le 1er mars 2021 pour une nouvelle audience au 4 mars 2021, mais M. [K] n'a reçu cet avis d'audience que le 2 mars 2021, le délai franc de 48 heures n'ayant ainsi pas été respecté à l'égard du détenu ce qui a nécessairement porté atteinte à ses intérêts ; que la chambre de l'instruction en validant la procédure au motif totalement inopérant que la régularité de l'avis d'audience s'apprécie à la date à laquelle il a été délivré, ce qui n'est pas de nature à réduire le délai minimal de 48 heures, a violé les articles 197 et 803 du code de procédure pénale, ensemble les droits de la défense. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 197 du code de procédure pénale :
6. Il résulte de ce texte qu'en matière de détention provisoire, un délai minimum de quarante-huit heures doit être observé entre la notification, par les soins du chef de l'établissement pénitentiaire, de la date à laquelle l'affaire sera appelée devant la chambre de l'instruction, et l'audience des débats.
7. Pour écarter l'argumentation du mémoire en défense et confirmer l'ordonnance de refus de mise en liberté, l'arrêt attaqué énonce que l'avis d'audience a été adressé le 1er mars 2021 à la maison d'arrêt, et que, nonobstant le fait qu'il n'aurait été notifié que le 2 mars 2021 à M. [K], ce dernier a été régulièrement avisé de l'audience tenue le 4 mars 2021, puisque la régularité de l'avis prévu par l'article 197 du code de procédure pénale doit s'apprécier à la date à laquelle il est délivré.
8. En se déterminant ainsi, alors, d'une part, que lorsque l'intéressé est détenu, c'est la notification, par le chef de l'établissement pénitentiaire, de la date à laquelle l'affaire sera appelée devant la chambre de l'instruction, qui constitue le point de départ du délai prévu par l'article 197 du code de procédure pénale, et qu'il résulte des pièces de la procédure que cette notification n'a eu lieu que le 2 mars 2021, et, d'autre part, que le mémoire déposé en vue de l'audience, à laquelle le demandeur n'a pas comparu et son avocat ne s'est pas présenté, ne portant que sur l'inobservation de ce délai, il a été porté atteinte aux droits de la défense, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.
9. La cassation est par conséquent encourue.
Crim. 19 mai 2021 n° 21-80.849
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° P 21-80.849 F-D
N° 00711
SL2 19 MAI 2021
REJET
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 19 MAI 2021
M. [N] [K] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 1re section, en date du 27 janvier 2021, qui l'a renvoyé devant la cour d'assises spécialement composée de Paris sous l'accusation d'assassinats, tentatives d'assassinats et destructions aggravées, en relation avec une entreprise terroriste.
Un mémoire et des observations complémentaires en demande et des mémoires en défense ont été produits.
Sur le rapport de M. Turbeaux, conseiller, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [N] [K], les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de MM. [A] [L], [L] [L], Mmes [T] [C] et [X] [C], et de l'Union libérale israélite de France, parties civiles, et de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocats de Mme [D] [I] et l'association française des victimes du terrorisme (AFVT), parties civiles, et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, les avocats ayant eu la parole en dernier, après débats en l'audience publique du 12 mai 2021 où étaient présents M. Soulard, président, M. Turbeaux, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, Mme Bellone, avocat général référendaire, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée, en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Un attentat a été commis le 3 octobre 1980 aux abords de la synagogue de la rue Copernic à Paris. Quatre passants ont trouvé la mort et une quarantaine de personnes ont été blessées ; de nombreux dégâts matériels ont été occasionnés.
3. Il a été établi qu'une charge explosive avait été disposée sur une motocyclette, dont certains débris ont été relevés sur place.
4. Ce véhicule avait été acheté à Paris, le 23 septembre 1980, par un homme se présentant sous l'identité d'[G] [E], de nationalité chypriote, qui avait passé la nuit du 22 au 23 septembre dans un hôtel à Paris, où il avait rempli une fiche. Un homme, interpellé pour vol à Paris, le 27 septembre 1980, avait présenté un passeport chypriote à ce nom, et ce document s'est révélé faux.
5. Le 8 octobre 1981, M. [W] [M], chef des opérations spéciales du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) a été arrêté à l'aéroport [Localité 1], en provenance de Beyrouth, en possession d'un passeport authentique au nom M. [N] [K], délivré par les autorités libanaises, mentionnant des déplacements en Grèce et en Espagne, entre août et octobre 1980.
6. Il est apparu que M. [K] avait sollicité la délivrance d'un nouveau passeport auprès de la sûreté générale libanaise, ayant déclaré avoir égaré le sien en avril 1981, alors qu'il l'avait mis dans une valise, perdue à Beyrouth, lors d'un trajet en motocyclette.
7. Un procès-verbal de la brigade criminelle, dressé en novembre 1981, indique qu'un service de police étranger avait précisé détenir des informations imputant l'attentat de la rue Copernic à cinq terroristes palestiniens, dont l'un, nommé [N], ayant pour nom de code Hamer, était connu à Beyrouth.
8. Un rapport de la Direction de la Surveillance du Territoire, établi en 1999, a relevé des éléments selon lesquels l'attentat aurait été préparé à Paris par M. [Q] [O] et Mme [I] [F], arrivés respectivement d'Athènes et de Beyrouth, l'auteur de l'attentat étant M. [K], qui aurait loué la motocyclette et confectionné la bombe dans sa chambre d'hôtel, l'équipe étant venue à Paris depuis Madrid, avant de revenir dans cette ville après l'attentat.
9. En exécution d'un mandat d'arrêt délivré par le juge d'instruction, M. [K] a été interpellé le 13 novembre 2008 à Ottawa (Ontario-Canada) où il demeurait depuis1989, ayant obtenu la nationalité canadienne en 1993.
10. La procédure d'extradition a abouti à la remise de M. [K] le 15 novembre 2014, et ce dernier a été mis en examen le même jour.
11. M. [K] a nié toute implication dans les faits. Il a déclaré n'avoir jamais adhéré à un parti ou une association, n'avoir été militant d'aucune cause, ne pas s'être impliqué dans la question palestinienne - il est issu d'une famille chiite libanaise - et être opposé à toute action violente.
12. Il a affirmé qu'au début du mois d'octobre 1980, il se trouvait à Beyrouth et préparait ou passait ses examens, auxquels il avait été reçu. C'est ainsi qu'il s'était inscrit en deuxième année le 30 octobre 1980. Il a indiqué avoir conduit Mme [S] [W] à l'aéroport [Localité 2] le 28 septembre 1980, laquelle partait à Londres.
13. Quant au passeport découvert à Rome entre les mains d'un tiers, le mis en examen a indiqué se souvenir de l'avoir utilisé pour voyager en Grèce en août et jusqu'au 12 septembre 1980 avec Mme [W], et l'avoir perdu peu de temps après son retour au Liban.
14. Par ordonnance du 12 janvier 2018, les juges d'instruction co-saisis de la section anti-terroriste du tribunal judiciaire de Paris ont rendu à l'égard de M. [K] une ordonnance de non-lieu.
15. Le ministère public a interjeté appel, ainsi que plusieurs parties civiles, Mmes et MM. [D] [I], [E] [T], [X] et [T] [C], [S] et [A] [L], l'association LICRA, l'association Familles de l'attentat du DC10 d'UTA, l'association française des victimes du terrorisme et l'association Union libérale israélite de France.
Examen des moyens
Sur le sixième moyen
16. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
17. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a infirmé l'ordonnance de non-lieu, a mis en accusation M. [K] des chefs d'homicide volontaire, tentative d'homicide volontaire et destruction de biens par l'effet d'une substance explosive, avec préméditation et en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation et la terreur et de l'avoir renvoyé devant la cour d'assises de Paris spécialement composée, alors « que les informations transmises par des services spécialisés de renseignement français et étrangers ne peuvent être utilisées que pour orienter d'éventuels actes d'investigation et ne peuvent l'être pour apprécier l'existence de charges suffisantes et pour mettre en accusation une personne en examen, que ce soit à titre d'élément à charge ou d'élément confortant un élément à charge ; qu'en retenant que les informations contenues dans les rapports de renseignement transmis par la direction de surveillance du territoire et par les services de renseignement allemands et israéliens pouvaient être utilisés pour conforter des éléments et des charges éventuelles, ou au contraire pour les infirmer, et en retenant, parmi les éléments dont la réunion lui a permis de retenir l'existence de charges suffisantes, les informations qui étaient contenues dans les rapports de la direction de surveillance du territoire et des services de renseignement israéliens selon lesquels le mis en examen était désigné comme ayant été l'auteur de l'attentat dans le cadre d'une implication au FPLP, la chambre de l'instruction a violé les articles 211 du code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
18. Pour infirmer l'ordonnance des juges d'instruction et ordonner la mise en accusation de M. [K] et son renvoi devant la cour d'assises, l'arrêt attaqué énonce notamment qu'une information émanant d'un service de renseignement ne peut avoir pour effet d'asseoir une culpabilité, mais peut fournir des axes de recherches, et conforter des éléments et des charges éventuelles, ou au contraire les infirmer.
19. Les juges ajoutent qu'en l'espèce, les informations reçues sous cette forme, dont les sources sont incertaines, viennent conforter les autres éléments pesant sur M. [K].
20. Ils concluent que lesdits renseignements doivent s'apprécier à l'aune de certains témoignages et éléments d'enquête relatifs à l'éventuelle appartenance de la personne mise en examen au FPLP-OS.
21. En l'état de ces seules énonciations, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.
22. En effet, si le recueil de renseignement ne peut être mis en oeuvre pour constater des infractions à la loi pénale, les informations émanant des services de renseignement, régulièrement versées dans une procédure judiciaire et soumises au débat contradictoire, peuvent être prises en compte en ce qu'elles ont guidé les investigations, bien qu'elles ne puissent, à elles seules, fonder une déclaration de culpabilité.
23. Dès lors, le moyen n'est pas fondé.
Et sur les premier, troisième, quatrième et cinquième moyens
Enoncé des moyens
24. Le premier moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a infirmé l'ordonnance de non-lieu, a mis en accusation M. [K] des chefs d'homicide volontaire, tentative d'homicide volontaire et destruction de biens par l'effet d'une substance explosive, avec préméditation et en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation et la terreur et de l'avoir renvoyé devant la cour d'assises de Paris spécialement composée, alors « que pour mettre en accusation le mis en examen, l'arrêt énonce que des charges suffisantes résultent de la réunion d'éléments dont il est précisé que, pris isolément, chacun d'entre eux serait insuffisant pour justifier le renvoi ; qu'il résulte également des motifs de l'arrêt que ces éléments sont constitués des informations transmises par les services de renseignement qui désigneraient le mis en examen comme ayant commis l'attentat comme membre du FPLP-OS, de trois témoignages qui confirmeraient une implication dans le mouvement FPLP, du passeport authentique du mis en examen qui fait état d'une entrée en Espagne et d'une sortie de ce pays à des dates qui encadrent celle de l'attentat et de la circonstance que les descriptions données par les premiers témoins sont compatibles avec le physique de l'époque du mis en examen, que les portraits-robots ont permis à certains de reconnaître ce dernier, que l'écriture qui figure sur la fiche d'hôtel est compatible avec celle de l'intéressé et que l'alibi n'a pas été confirmé de façon formelle ; qu'en retenant que participent des éléments à charge dont la réunion est de nature à permettre de retenir l'existence de charges suffisantes, l'absence d'alibi, la circonstance que la description donnée par les témoins est compatible avec le physique du mis en examen et celle que son écriture est compatible avec celle de la fiche d'hôtel, quand ces éléments ne font que traduire une absence d'éléments à décharge et ne constituent pas des éléments à charge, la chambre de l'instruction a entaché sa décision d'une contradiction de motifs quant au point de savoir si les éléments ainsi réunis suffisent à retenir des charges suffisantes et a violé l'article 593 du code de procédure pénale. »
25. Le troisième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a infirmé l'ordonnance de non-lieu, a mis en accusation M. [K] des chefs d'homicide volontaire, tentative d'homicide volontaire et destruction de biens par l'effet d'une substance explosive, avec préméditation et en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation et la terreur et de l'avoir renvoyé devant la cour d'assises de Paris spécialement composée, alors :
« 1°/ que pour retenir que les éléments obtenus par la commission rogatoire internationale et notamment les témoignages faisant état de la présence du mis en examen au Liban au cours de ses examens universitaires et des révisions qui les avaient précédées n'étaient pas de nature à exclure que l'intéressé ait pu être l'auteur de l'attentat commis le 3 octobre 1980, l'arrêt énonce que ces éléments et témoignages ne confirment pas la présence du mis en examen au Liban « au moment de l'attentat » après avoir relevé qu'une présence au Liban en septembre ou en octobre 1980 n'empêchait pas un voyage de quelques jours à Paris ou en Espagne pour commettre l'attentat ; qu'en statuant ainsi sans répondre à l'articulation essentielle du mémoire qui lui était soumis par lequel le mis en examen faisait valoir qu'il n'avait pu effectuer à l'insu des personnes ayant témoigné de sa présence au Liban fin septembre-début octobre 1980 un voyage de 17 jours en Europe entre le 20 septembre et le 7 octobre 1980, qui sont les dates retenues par les juges du fond comme étant celles entre lesquelles l'auteur de l'attentat se serait rendu en Europe pour y commettre cet attentat, la chambre de l'instruction a entaché sa décision d'une insuffisance de motivation et a violé l'article 593 du code de procédure pénale ;
2°/ qu'en retenant qu'un alibi pertinent ne devait concerner que le jour de l'attentat et non les jours ou semaines avoisinantes et qu'une présence au Liban en septembre ou en octobre 1980 n'empêchait pas un voyage de quelques jours à Paris ou en Espagne au tout début du mois d'octobre tout en constatant, pour caractériser l'élément à charge qu'elle qualifiait elle-même de déterminant, que le passeport du mis en examen trouvé entre les mains d'un homme suspecté d'appartenir au FPLP-OS comportait des tampons espagnols faisant état d'un voyage de 17 jours, entre le 20 septembre et le 7 octobre 1980, en Europe via l'Espagne et que ces dates encadraient celle de l'attentat, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs quant à la durée du séjour en Europe qui aurait été compatible tout à la fois avec les tampons du passeport qu'elle retenait à charge et avec la présence au Liban à cette période qui était susceptible de constituer un alibi, et a ainsi violé l'article 593 du code de procédure pénale ;
3°/ qu'après avoir énoncé dans l'exposé des faits que « les recherches dans les archives de l'université du Liban permettaient notamment de confirmer qu'au cours de l'année 1980, les épreuves avaient vraisemblablement eu lieu en septembre ou octobre sans que davantage de précisions puissent être apportée », et que « M. [C] [Y] ? se rappelait tout d'abord que les examens s'étaient déroulés en septembre ou en octobre 1980. Selon lui, les épreuves n'étaient pas terminées le 9 octobre 1980, date qui correspondait à son 20e anniversaire », puis constaté que « M. [C] [Y] a confirmé avoir passé avec M. [K] les épreuves de 1er année, qui avaient lieu selon lui en octobre "ou bien vers la fin du mois de septembre" », que M. [O] [X] avait déclaré, après avoir fixé dans les premiers temps les examens en juin ou fin mai, n'avoir gardé aucun souvenir de la date et qu'une autre étudiante, Mme [B] [V], avait également dit ne pas se souvenir de la date des épreuves « avant d'estimer qu'elles avaient sans doute eu lieu en septembre ou en octobre » (préc.), la chambre de l'instruction retient que « les auditions n'avaient pas permis de savoir quand avaient eu lieu les épreuves » pour estimer, par déduction du délai de correction des épreuves qu'il faut « en général » compter au Liban, qu'il était possible que les épreuves aient eu lieu « au début de l'été, et non au mois d'octobre » ; qu'en énonçant d'un côté le contenu des auditions de deux témoins, non contredites par le troisième témoin, faisant état d'examens vraisemblablement en septembre ou en octobre, vraisemblance de date dont elle indiquait, en outre, qu'elle avait été confirmée par les recherches dans les archives de l'université et en constatant, en même temps, que ces auditions n'avaient pas permis de savoir quand avaient eu lieu les épreuves, qu'il n'avait été retrouvé dans les archives de l'université aucune date exacte des examens et que ces épreuves avaient pu avoir lieu au début de l'été, la chambre de l'instruction s'est prononcée par des motifs contradictoires et a violé l'article 593 du code de procédure pénale ;
4°/ qu'il résulte de la pièce D6379 constituée d'un courrier adressé le 21 juin 2016 par le chef de la section des affaires des étudiants, le secrétaire général et le directeur de l'institut des sciences sociales de l'université [Localité 2], en réponse à la demande d'information du juge d'instruction concernant les dates d'examen en 1980 pour la première année de licence et en 1981 pour la deuxième année de licence, que « les dates des épreuves de la première année de sciences sociales ? Annexe 1 pour l'année 1980 ne sont pas disponibles dans les dossiers de l'Institut vu qu'à cette époque les examens étaient passés au mois d'octobre. Il en va ainsi pour la deuxième année de Sciences sociales Annexe 1 pour l'année 1981 » ; qu'il résulte par ailleurs des pièces relatant l'audition des témoins MM. [C] [Y] (D6423) et [F] [P] [V] (D6551) que ces derniers ont indiqué qu'il y avait eu un report des examens à raison des combats qui sévissaient à Beyrouth en juillet 1980 ; qu'en se fondant sur ces pièces D6379, D6423 et D6551 pour retenir, au motif inopérant que les dates exactes des épreuves demeuraient incertaines, qu'il n'était pas établi que la session d'examen avait été reportée en septembre ou octobre 1980, la chambre de l'instruction a tiré de ces pièces des constatations directement contraires à leur contenu, a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et a violé l'article 593 du code de procédure pénale ;
5°/ que pour retenir qu'il n'était pas exclu que les examens aient eu lieu au début de l'été et non fin septembre ou début octobre, l'arrêt énonce qu'il serait résulté des investigations réalisées au Liban « qu'il faut en général compter un délai d'un mois et demi à deux mois entre les épreuves et la proclamation des résultats » ; qu'en se référant ainsi à la situation d'ordre « général » en la matière au Liban, la chambre de l'instruction n'a pas répondu à l'articulation essentielle du mémoire qui faisait valoir que cette session d'examen avait été reportée à raison de la guerre et des combats, ce dont il résultait que des délais de correction ne pouvaient être ceux pratiqués en règle générale et qu'il convenait de se reporter aux déclarations des témoins faisant état de leur souvenir, précisément aux déclarations de MM. [C] [Y] et de [F] [P] [V] qui indiquaient un délai d'un mois pour le premier et de deux semaines pour la seconde, et a ainsi violé l'article 593 du code de procédure pénale ;
6°/ qu'en retenant « qu'il faut en général compter un délai d'un mois et demi à deux mois entre les épreuves et la proclamation des résultats » sans préciser l'origine de ces constatations, quand ces délais de correction ne sont mentionnés dans aucun élément du dossier autres que les déclarations des témoins MM. [C] [Y] et de [F] [P] [V] qui faisaient état à l'inverse d'un délai d'un mois ou de deux semaines, la chambre de l'instruction a violé l'article 593 du code de procédure pénale ;
7°/ qu'après avoir écarté comme non probantes les déclarations de Mme [W] selon lesquelles le mis en examen l'avait accompagnée à l'aéroport [Localité 2] pour son départ en Angleterre qui avait eu lieu à la date, incontestée, du 28 septembre 1980, la chambre de l'instruction a retenu que la date des épreuves n'était pas certaine et s'est référée à ce titre aux déclarations des témoins notamment celles de M. [X] ; qu'ainsi que le soulignait le mis en examen dans son mémoire, il résulte de la pièce D6422 constituée du procès-verbal d'audition de M. [X] que cette dernière indiquait, accessoirement à ses déclarations sur la date des examens, que « j'ai appris, certes, le départ de Mme [W] en Angleterre, mais je ne me souviens plus de la date exacte de son départ ; j'ai appris cela par M. [N] [K] qui, à cette époque, se trouvait au Liban » ; qu'en se fondant sur les déclarations de M. [X] figurant dans cette pièce D6422 pour retenir qu'il n'était pas établi que les examens aient eu lieu fin septembre ou début octobre 1980 sans répondre à l'articulation essentielle du mémoire du mis en examen au terme de laquelle il résultait de ces mêmes déclarations qu'était avérée la présence au Liban de M. [K] à l'époque du départ de Mme Nawal Copty le 28 septembre 1980, ce qui excluait le séjour en Europe entre le 20 septembre et le 7 octobre 1980, la chambre de l'instruction n'a pas légalement motivé sa décision et a violé l'article 593 du code de procédure pénale. »
26. Le quatrième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a infirmé l'ordonnance de non-lieu, a mis en accusation M. [K] des chefs d'homicide volontaire, tentative d'homicide volontaire et destruction de biens par l'effet d'une substance explosive, avec préméditation et en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation et la terreur et de l'avoir renvoyé devant la cour d'assises de Paris spécialement composée, alors :
« 1°/ que pour retenir que la circonstance que M. [K] avait pu perdre son passeport courant 1981 ou en septembre 1980 n'était pas de nature à priver de sa portée l'élément à charge tiré de ce que ce passeport avait été trouvé le 8 octobre 1981 avec huit autres documents d'identité sur un homme suspecté d'appartenir au FPLP-OS et lui-même porteur d'un passeport algérien au nom de M. [Y] [P] et que figuraient alors sur le passeport de M. [K], en autres, un visa et deux tampons d'entrée et de sortie du territoire espagnol à des dates qui encadrent l'attentat, l'arrêt énonce que les visas litigieux n'auraient pas pu être délivrés par les ambassades sans que le passeport, dont la photographie n'avait pas été modifiée, ait été présenté par son titulaire, que ces visas sont antérieurs à la perte du passeport indiquée par M. [K] et qu'une perte de ce document en septembre 1980 supposait que le visa espagnol du 20 septembre 1980 aurait été accordé en quelques jours ; qu'en statuant ainsi sans répondre à l'articulation essentielle du mémoire du mis en examen qui faisait valoir que ce visa et ces tampons d'entrée et de sortie du territoire espagnol avaient été identifiés à partir d'une comparaison avec les visas et tampons également espagnols qui figuraient sur le passeport algérien établi au nom de M. [Y] [P], que ces derniers visas et tampons étaient nécessairement des faux puisqu'il était acquis au regard du dossier que le passeport algérien en question figurait initialement au sein d'un lot de vrais passeports dérobés aux autorités algériennes en décembre 1980, soit une date postérieure à celle qu'indiquaient ces visas et tampons et qu'il s'agissait ainsi, que ce soit pour les tampons qui figuraient sur le passeport de M. [K] ou pour ceux qui figuraient sur le passeport algérien, de faux utilisés pour crédibiliser des faux passeports ou des passeports volés, ce dont il résultait que ces visas et tampons n'excluaient pas que le passeport ait été perdu en septembre 1980 puis utilisé à l'insu du mis en examen, la chambre de l'instruction a violé l'article 593 du code de procédure pénale ;
2°/ qu'en s'abstenant de répondre à l'articulation essentielle du mémoire du mis en examen qui faisait valoir que, comme l'avaient retenu les juges d'instruction dans l'ordonnance de non-lieu, s'il avait utilisé ce passeport pour se rendre en Espagne afin de commettre l'attentat en France, M. [K] n'aurait pas indiqué une date de perte postérieure à ce voyage aux services libanais lorsque ces derniers l'interrogeaient en 1983 sur son passeport trouvé entre les mains d'une personne suspectée d'appartenir à un mouvement terroriste, la chambre de l'instruction a violé l'article 593 du code de procédure pénale. »
27. Le cinquième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a infirmé l'ordonnance de non-lieu, a mis en accusation M. [K] des chefs d'homicide volontaire, tentative d'homicide volontaire et destruction de biens par l'effet d'une substance explosive, avec préméditation et en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation et la terreur et de l'avoir renvoyé devant la cour d'assises de Paris spécialement composée, alors :
« 1°/ qu'en retenant des déclarations de M. [H] [D] et de son épouse Mme [U] [A] que M. [K] aurait fait partie d'une organisation palestinienne sans répondre aux articulations essentielles du mémoire du mis en examen qui faisait valoir que ces déclarations se contredisaient puisque M. [H] [D] faisait état d'une appartenance au Parti des travailleurs socialistes arabes (PTSA) qui aurait été la « vitrine légale du FPLP » alors que son épouse faisait quant à elle état d'une appartenance au FPLP, que la déclaration de M. [H] [D] était incohérente dans la mesure où, comme l'avaient attesté des spécialistes entendus comme témoins, le PTSA ne pouvait constituer qu'un groupuscule inconnu et le FPLP n'avait pas de « vitrine légale » et n'en avait pas besoin puisqu'il s'agissait à la fois d'un groupe armé et d'un mouvement politique ayant pignon sur rue, que les déclarations de Mme [U] [A] étaient tout autant incohérentes puisqu'elles situaient un engagement de Mme Nawal Copty à des dates où l'intéressée était âgée de 16 ans et vivait en Grèce et où Mme [U] [A] n'avait elle-même que 14 ans et vivait au Sénégal, que, comme l'avait relevé l'ordonnance de non-lieu, les déclarations des deux époux faisaient uniquement état d'une orientation politique sans mentionner le moindre élément concret concernant cet engagement politique et que les auditions des membres du FPLP et de leurs proches avaient toutes conduit les intéressés à déclarer qu'ils ne connaissaient personne dénommé [N] [K], la chambre de l'instruction n'a pas légalement motivé sa décision et a violé l'article 593 du code de procédure pénale ;
2°/ qu'en retenant que M. [K] aurait côtoyé « de plus ou moins près » les membres présumés du FPLP que seraient MM. [H] [D], [V] [N], Mmes [S] [W] et [J] [B] sans s'expliquer, ni sur la circonstance, relevée par les juges d'instruction à l'appui de leur décision de non-lieu, que M. [H] [D] n'avait été militant d'organisations palestiniennes qu'à compter de 1986, soit bien après les faits et à une date où l'intéressé et le mis en examen ne se fréquentaient plus, ni sur le fait, s'agissant de l'appartenance au FPLP attribuée à Mme [S] [W], que les déclarations de Mme [U] [A] sur lesquelles elle se fondait exclusivement situaient cet engagement à des dates où l'intéressée était âgée de 16 ans et vivait en Grèce et où Mme [U] [A] n'avait elle-même que 14 ans et vivait au Sénégal, ni préciser, s'agissait du fait d'avoir « côtoyé » M. [V] [N] un élément autre que le fait unique et équivoque, relevée par elle, que M. [K] « a reconnu le connaître pendant un interrogatoire » et en laissant, s'agissant des relations avec Mme [J] [B], indéterminé le point de savoir si l'intéressée et M. [K] se fréquentaient à l'époque des faits quand le mis en examen faisait valoir que, comme l'avaient retenu les juges d'instruction à l'appui de leur décision de non-lieu, leur proximité n'était née qu'en 1990, la chambre de l'instruction n'a pas légalement motivé sa décision et a violé l'article 593 du code de procédure pénale ;
3°/ que, pour retenir que les informations issues des rapports des services de renseignement venaient conforter les éléments à charge, l'arrêt énonce qu'il en résultait, malgré leurs contradictions, une constance qui serait la désignation d'un dénommé [N] [K] dit [R] membre du FPLP comme étant l'auteur de l'attentat ; qu'en statuant ainsi sans répondre aux moyens pris de ce que les auditions des membres du FPLP et de leurs proches avaient toutes conduit les intéressés à déclarer qu'ils ne connaissaient personne dénommé M. [K], que tous les témoins qui étaient étudiants avec le mis en examen à l'époque des faits avaient indiqué ne pas avoir constaté d'engagement politique de ce dernier et qu'aucune des personnes auditionnées comme témoin, même celles dont la chambre de l'instruction a cru pouvoir retenir qu'elles avaient confirmé une prétendue implication du mis en examen dans le FPLP, à savoir M. [H] [D], Mmes [U] [A] et [Z] [H], n'avait fait état d'un surnom [R], et en se déterminant par ce motif sans que rien dans le dossier ne permettait de faire le lien entre le dénommé [R] dont la désignation serait une constante des services de renseignement et le mis en examen, excepté ces mêmes rapports de renseignement, la chambre de l'instruction, à qui il appartenait d'ordonner d'office un supplément d'information si elle estimait que la citation dans les rapports des services de renseignement d'un dénommé [R] associé au nom de [N] [K] était un élément à charge, n'a pas légalement motivé sa décision et a violé l'article 593 du code de procédure pénale ;
4°/ qu'en se fondant sur les informations issues des rapports des services de renseignement pour en déduire une constance qui serait la désignation d'un dénommé [N] [K] dit [R] membre du FPLP comme étant l'auteur de l'attentat sans répondre à l'articulation essentielle du mémoire du mis en examen, prise de ce qu'il résulte de l'exploitation de ces mêmes rapports une différence frappante entre M. [K], sur lequel aucune information n'est collectée, et les autres personnes qui ont pu être mises en cause au cours de la procédure et sur lesquelles étaient collectées des informations sur leur parcours, leurs contacts, leurs documents identité, autant d'indices d'un activisme pour la cause palestinienne et de contacts avec des cadres du FPLP et du FPLP-OS inexistant s'agissant de M. [K], la chambre de l'instruction n'a pas légalement motivé sa décision et a violé l'article 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
28. Les moyens sont réunis.
29. Pour infirmer l'ordonnance des juges d'instruction et ordonner le renvoi de M. [K] devant la cour d'assises, l'arrêt attaqué, en réponse à l'argumentation du demandeur qui soutenait qu'il se trouvait au Liban lors de l'attentat, énonce que la seule certitude provenant de l'université est que M. [K] a réussi ses examens de première année et s'est inscrit pour la deuxième année le 30 octobre 1980, mais que la date exacte de ces examens n'a pas pu être retrouvée dans les archives de l'établissement, que les auditions réalisées sur commission rogatoire internationale au Liban n'ont pas apporté d'éléments plus précis, qu'il en résulte cependant qu'il faut en général compter un délai d'un mois et demi à deux mois entre les épreuves et la proclamation des résultats.
30. Les juges retiennent également que si Mme [W] a fait état, tardivement, de ce que M. [K] l'avait accompagnée le 28 septembre 1980 à l'aéroport [Localité 2], ce fait n'est pas confirmé par le père de celle-ci, qui avait fait le voyage avec elle.
31. Ils en concluent qu'une éventuelle présence de l'intéressé au Liban en septembre ou en octobre 1980 n'empêche nullement qu'il se soit rendu quelques jours à Paris ou en Espagne au tout début du mois d'octobre.
32. Les juges soulignent par ailleurs que M. [K] a sollicité la délivrance d'un nouveau passeport, le 17 mai 1983, et aurait indiqué avoir perdu le précédent en avril 1981, avant d'affirmer l'avoir égaré au retour d'un voyage en Grèce, en septembre 1980 ce qui signifierait que le visa d'entrée en Espagne aurait été accordé en quelques jours. Les juges en déduisent que cela rend probable que tous les visas délivrés pour les mois de septembre et d'octobre 1980 aient été accordés au titulaire du passeport, M. [K] lui-même.
33. L'arrêt relève encore les dépositions de M. [H] [D], lui-même ancien membre du FPLP, qui a déclaré en 1988 que M. [K] faisait partie du PTSA, qualifié de "vitrine politique du FPLP sur la scène libanaise", qu'il a confirmé ses déclarations en 2008, et de Mme [U] [A] ayant cité M. [K] et sa femme Mme [W] comme membres du FPLP, précisant que cette dernière avait milité au sein de ladite structure dans les années 1975-1976. Ils se réfèrent par ailleurs à des éléments qui laissent à penser que M. [K] a fréquenté des membres du FPLP.
34. En l'état de ces motifs, outre ceux qui ne font pas l'objet des griefs des moyens, la chambre de l'instruction, à laquelle il appartient d'apprécier la valeur des éléments recueillis par l'information et de se prononcer sur l'existence des éléments dont elle estime souverainement qu'ils sont ou ne sont pas à charge, a répondu aux articulations essentielles du mémoire du mis en examen, et, sans insuffisance ni contradiction, justifié sa décision.
35. En effet, les juridictions d'instruction apprécient souverainement si les faits retenus à la charge de la personne mise en examen constituent une infraction, la Cour de cassation n'ayant d'autre pouvoir que de vérifier si, à supposer ces faits établis, la qualification justifie la saisine de la juridiction de jugement.
36. Ainsi, les moyens doivent être écartés.
37. La procédure est régulière et les faits, objet principal de l'accusation, sont qualifiés crime par la loi.
Crim. 18 mai 2021 n° 20-87.005
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° J 20-87.005 F-D
N° 00580
EB2 18 MAI 2021
REJET
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 18 MAI 2021
Mme [A] [S] a formé un pourvoi contre le jugement du tribunal de police de Bordeaux, en date du 16 novembre 2020, qui, pour participation à une manifestation interdite, l'a condamnée à 150 euros d'amende.
Un mémoire personnel a été produit.
Sur le rapport de M. Bellenger, conseiller, et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 avril 2021 où étaient présents M. Soulard, président, M. Bellenger, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Mme [A] [S] a été déclarée coupable de participation à une manifestation interdite par arrêté préfectoral dans le centre ville [Localité 1] dans le contexte de la crise des « gilets jaunes ».
Examen des moyens
Sur les premier et second moyens
Enoncé des moyens
3. Le premier moyen est pris de la violation des articles 9, 10 et 11 de la Convention européenne des droits de l'homme, 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, R. 644-4 et L. 111-5 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale.
4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté l'exception d'illégalité de l'arrêté préfectoral alors « que les juridictions pénales doivent apprécier la légalité des actes administratifs lorsque de cet examen dépend la solution du procès pénal qui leur est soumis, que la légalité d'un arrêté d'interdiction de manifester doit être fondée sur un risque avéré de trouble à l'ordre public et que le tribunal s'est abstenu de rechercher le caractère nécessaire, adapté et proportionné de l'interdiction de manifester. »
5. Le second moyen est pris de la violation des articles 9, 10 et 11 de la Convention européenne des droits de l'homme, 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, R. 644-4 et L. 111-4 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale.
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré la prévenue coupable de participation à une manifestation interdite, alors :
1°/ que l'article 11 de la Convention européenne des droits de l'homme stipule que « toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique » et que ce principe est de valeur supérieure au droit interne et à l'article R.644-4 du code pénal ;
2°/ que la loi pénale est d'interprétation stricte et que le tribunal ne pouvait retenir que la contravention de participation à une manifestation interdite était applicable à une manifestation n'ayant pas fait l'objet de déclaration préalable.
Réponse de la Cour
7. Les moyens sont réunis.
8. Pour rejeter l'exception d'illégalité de l'arrêté préfectoral interdisant la manifestation et déclarer la prévenue coupable de participation à une manifestation interdite, le jugement attaqué énonce qu'il résulte d'un procès-verbal de contravention faisant foi jusqu'à preuve contraire que, le 11 mai 2019, Mme [S] a été interpellée dans un groupe participant à la manifestation interdite par l'arrêté préfectoral du 10 mai 2019 dans les [Adresse 1][Localité 2] et la Merci sises au centre [Localité 1].
9. Le jugement ajoute que le centre [Localité 1] où se tiennent des bâtiments publics ciblés par des mesures particulières de sécurité dans un contexte de menace terroriste élevée ne constitue pas un lieu approprié de manifestations non déclarées.
10. Le juge retient que le rassemblement prévu dans le cadre du mouvement des « gilets jaunes » n'a pas d'organisateur identifié et n'a pas fait l'objet d'une déclaration, ce qui a pour conséquence l'impossibilité d'adapter les dispositifs préventifs, que les rassemblements qui se sont tenus depuis novembre 2018 dans le centre [Localité 1] ont été le théâtre d'affrontements violents avec les forces de l'ordre et ont eu pour conséquences de nombreux blessés et de nombreuses dégradations, avec des manifestants arrêtés en possession d'armes.
11. Le juge relève que l'interdiction de manifester s'inscrit ainsi dans une localisation et un temps bien définis dans un objectif de prévention des réitérations de violences et de dégradations et n'apparaît pas disproportionnée par rapport à l'exercice de la liberté de manifester et au but poursuivi de maintien de l'ordre public.
12. Le juge retient encore que l'article L. 211-4 du code de la sécurité intérieure prévoit la possibilité pour l'autorité administrative d'interdire une manifestation projetée et que son application ne peut donc se réduire aux seules manifestations déclarées.
13. En statuant ainsi, le tribunal a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions légales et conventionnelles invoquées.
14. En premier lieu, l'interdiction d'une manifestation par l'autorité administrative n'est pas subordonnée à l'existence d'une déclaration préalable.
15. En second lieu, le tribunal a, sans insuffisance ni contradiction, souverainement apprécié qu'en raison des circonstances locales, l'interdiction de manifester, limitée dans l'espace et dans le temps, était proportionnée au but poursuivi de protection de l'ordre public.
16. Dès lors, les moyens doivent être écartés.
17. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.
Crim. 18 mai 2021 n° 20-87.145
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° M 20-87.145 F-D
N° 00576
SL2 18 MAI 2021
CASSATION SANS RENVOI
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 18 MAI 2021
M. [D] [Y] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Besançon, chambre correctionnelle, en date du 27 novembre 2020, qui, pour excès de vitesse, l'a condamné à 500 euros d'amende et à cinq mois de suspension du permis de conduire.
Un mémoire personnel a été produit.
Sur le rapport de M. Sottet, conseiller, et les conclusions de M. Desportes, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 7 avril 2021 où étaient présents M. Soulard, président, M. Sottet, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre,et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Par jugement contradictoire du 13 février 2020, le tribunal de police a reçu l'opposition de M. [Y] à une ordonnance pénale prise le 17 juin 2019 en répression d'infractions au code de la route, l'a déclaré coupable d'excès de vitesse et l'a condamné à 250 euros d'amende et à cinq mois de suspension du permis de conduire.
3. M. [Y], à titre principal, et le ministère public, à titre incident, ont relevé appel de cette décision le 25 février 2020.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Le moyen est pris de la violation de l'article 498 du code de procédure pénale.
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a statué sur les appels dont il était saisi, alors que ces recours étaient irrecevables comme tardifs.
Réponse de la Cour
Vu l'article 498 du code de procédure pénale :
6. Selon ce texte, l'appel est interjeté dans le délai de dix jours à compter du prononcé du jugement contradictoire ou à compter de sa signification, quel qu'en soit le mode, quand le jugement est contradictoire à signifier, sous réserve des dispositions spéciales applicables aux condamnations à une peine d'emprisonnement en tout ou partie ferme.
7. Les dispositions relatives aux formes et délais d'appel, qui sont d'ordre public et dont l'inobservation entraîne une nullité qui peut être invoquée pour la première fois devant la Cour de cassation, sont impératives et s'appliquent au ministère public comme à toute autre partie.
8. Encourt dès lors la cassation l'arrêt qui statue sur des appels formés le mardi 25 février 2020, et non pas le 23 février 2020, comme mentionné par erreur en page trois de la décision, alors que le délai de recours expirait le lundi 24 février 2020.
Portée et conséquences de la cassation
9. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.
Crim. 12 mai 2021 n° 20-83.421 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° M 20-83.166 F-P N° T 20-83.172 N° W 20-83.175 N° P 20-83.421 N° 00562
CG10 12 MAI 2021
REJET
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 12 MAI 2021
M. [R] [W] a formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'assises du Pas-de-Calais, en date du 13 mars 2020, qui, pour vols avec armes, arrestation, enlèvement, détention ou séquestration arbitraires aggravés, dégradations par un moyen dangereux aggravées, violences aggravées et association de malfaiteurs, en récidive, l'a condamné à vingt-huit ans de réclusion criminelle, cinq ans d'interdiction de détenir ou porter une arme soumise à autorisation, cinq ans d'interdiction de séjour, a ordonné une mesure de confusion de peines et une mesure de confiscation, ainsi que contre l'arrêt du même jour par lequel la cour a prononcé sur les intérêts civils, et contre trois arrêts incidents rendus par la cour.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. de Larosière de Champfeu, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [R] [W], et les conclusions de Mme Philippe, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 31 mars 2021 où étaient présents M. Soulard, président, M. de Larosière de Champfeu, conseiller rapporteur, Mme Drai, conseiller de la chambre, et Mme Guichard, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée, en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte des arrêts attaqués et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le 17 mars 2011, plusieurs hommes armés, le visage dissimulé par des cagoules, ont attaqué un fourgon de transport de fonds, dans le Pas-de-Calais, et se sont emparés d'un butin de plus de deux millions d'euros en numéraire, après avoir désarmé les convoyeurs et fait exploser la porte blindée du véhicule. Pour arrêter le fourgon, ils avaient simulé des travaux sur la route en s'emparant d'un camion-benne et en séquestrant son conducteur.
3. Les investigations ont mis en cause M. [R] [W] comme ayant pris part à ces faits.
4. Par arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai, en date du 5 novembre 2014, M. [W] et plusieurs autres accusés ont été renvoyés devant la cour d'assises.
5. Par arrêt du 19 octobre 2017, la cour d'assises du Nord a acquitté M. [W] pour les faits d'arrestation et de détention, l'a déclaré coupable des autres faits dont il est accusé, retenu la récidive légale, et l'a condamné à dix-huit ans de réclusion criminelle. Par arrêt du même jour, la cour a prononcé sur les intérêts civils.
6. M. [W] a relevé appel de ces deux décisions, et le ministère public a formé appel principal de l'arrêt pénal.
Examen de la recevabilité du pourvoi formé le 23 mars 2020
7. M. [W] ayant épuisé, par une déclaration de pourvoi faite le 17 mars 2020, son droit de se pourvoir en cassation contre l'arrêt pénal et l'arrêt civil rendus contre lui, le pourvoi qu'il a formé contre les mêmes décisions, par une déclaration faite, le 23 mars 2020, n'est pas recevable.
Examen des moyens
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
8. Le moyen fait grief à l'arrêt incident du 27 février 2020 en ce qu'il a rejeté la demande de renvoi de l'affaire pour cause de l'état de santé de M. [W] résultant d'une grève de la faim et de la soif, alors :
« 1°/ que toute juridiction, lorsqu'elle est saisie d'une question relative aux conditions de détention de la personne qui comparait devant elle, notamment lorsque cette question a un lien direct et étroit avec les modalités de la comparution, a le pouvoir et le devoir d'en vérifier l'exactitude, au besoin par des investigations appropriées, avant d'en tirer des conséquences quant à la comparution elle-même ; saisie d'une demande de renvoi à raison de l'état de santé de l'accusé, à la suite d'une grève de la faim et de la soif qu'il fondait sur l'indignité de ses conditions de détention, la cour d'assises avait non seulement la compétence, mais le devoir de vérifier le caractère crédible des affirmations et de s'assurer de leur bien-fondé par des mesures d'instructions adéquates ; qu'en refusant de le faire, la cour a méconnu l'étendue de ses pouvoirs, renversé la charge de la preuve et a violé l'article 316 du code de procédure pénale, l'article préliminaire III § 4 du code de procédure pénale et l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, outre les droits de la défense ;
2°/ que, par voie de conséquence, en analysant la situation comme un simple refus de comparaître sans aucun égard à sa justification par les conditions de détention, la cour a totalement privé sa décision de base légale et de motifs au regard des articles 319 et 320 du code de procédure pénale et des droits de la défense. »
Réponse de la Cour
9. Il résulte du procès-verbal des débats qu'à l'ouverture de l'audience, le 27 février 2020, les avocats de M. [W] ont réclamé le renvoi de l'affaire, au motif que l'état de santé de cet accusé ne lui permettait pas de comparaître devant la cour d'assises.
10. Pour rejeter cette demande, par arrêt incident, la cour énonce que le jugement de l'affaire a déjà été renvoyé, à la requête des avocats de M. M. [W]. Elle indique que celui-ci refuse de se nourrir et de boire, depuis une semaine, et que le médecin qui l'a examiné conclut que son état de santé est la conséquence de cette attitude. La cour souligne que, si l'accusé invoque, pour expliquer sa grève de la faim et de la soif, ses conditions inhumaines de détention au centre pénitentiaire [Établissement 1], il a déjà été détenu dans cet établissement, à l'occasion de différents procès tenus en 2017, et n'a jamais mis en cause auparavant les conditions dans lesquelles il y était incarcéré. Elle ajoute que l'administration pénitentiaire, faisant valoir des impératifs majeurs de sécurité, a refusé la demande de M. [W] d'être transféré au centre pénitentiaire [Établissement 2], où est déjà incarcéré un autre accusé dans la même affaire.
11. La cour retient encore que M. [W] pourrait renouveler son attitude à l'approche d'une nouvelle date fixée pour son procès, si celui-ci était renvoyé, et que la maîtrise du processus judiciaire ne peut lui être abandonnée. Elle en déduit que l'attitude du demandeur doit être analysée comme un refus de comparaître, son état de santé ne pouvant être considéré indépendamment de sa volonté de ne pas s'alimenter et de ne pas boire.
12. En l'état de ces énonciations relevant de son appréciation souveraine de la nécessité d'ordonner le renvoi de l'affaire, la cour a justifié sa décision sans encourir le grief allégué, dès lors qu'elle n'avait pas, à l'occasion de l'examen d'une demande de renvoi, à porter une appréciation sur les conditions de détention du demandeur, lequel ne l'avait pas saisie d'une demande de mise en liberté.
13. Le moyen ne peut donc être admis.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
14. Le moyen critique les arrêts attaqués en ce que l'accusé, non-comparant, a été jugé en l'absence de défenseur, après que le président a rendu une décision « ne retenant pas les motifs invoqués par Maître [V] » commis d'office, alors « que la présence d'un défenseur auprès de l'accusé est obligatoire ; que, lorsque le président constate que l'accusé n'est pas ou plus défendu et lui commet d'office un avocat en application de l'article 317 du code de procédure pénale, il doit apprécier si, compte tenu de l'état d'avancement des débats, de la connaissance du procès par l'avocat commis d'office et des motifs d'excuse ou d'empêchement invoqués par l'avocat commis d'office, il y a lieu, au nom des droits de la défense, de commettre d'office un autre avocat au risque de prolonger le procès (Conseil constitutionnel, décision n° 2018-704 QPC du 4 mai 2018) ; qu'il doit se prononcer sur chacun des motifs d'excuse ou d'empêchement invoqués par ce dernier ; qu'en se prononçant par une décision non motivée, ne précisant pas les motifs d'excuse et d'empêchement invoqués en l'espèce ni les raisons justifiant pour chacun d'eux qu'ils ne soient pas retenus, le président, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a méconnu les articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, 317 et 593 du code de procédure pénale, 9 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, ensemble les droits de la défense. »
Réponse de la Cour
15. Il résulte du procès-verbal des débats et des pièces de procédure qu'après le rejet de leurs demandes de renvoi, les avocats de M. [W] ont indiqué qu'ils n'assuraient plus sa défense. Le président de la cour d'assises a alors commis d'office, par application de l'article 317 du code de procédure pénale, Maître [V], avocat au barreau de Lille, pour assurer la défense de M. [W].
16. Cet avocat a aussitôt demandé au président de la cour d'assises de le décharger de sa mission, invoquant un devoir de conscience et renvoyant aux conclusions déposées par la défense pour obtenir le renvoi de l'affaire.
17. Par ordonnance du même jour, le président de la cour d'assises a refusé de dispenser cet avocat de cette commission d'office, au motif que, les demandes de renvoi de l'affaire ayant été rejetées par la cour, les débats allaient se tenir et qu'il était obligatoire que M. [W] soit assisté d'un avocat lors de son procès. Cette décision ajoute que Maître [V], qui connaissait l'affaire, avait défendu l'accusé devant la cour d'assises en première instance, avait pu s'entretenir avec lui à de nombreuses reprises, et ne faisait valoir aucun motif d'empêchement matériel, ni aucune excuse insurmontable.
18. En l'état de ces motifs, le président de la cour d'assises a justifié la décision qu'il lui revenait de prendre, afin de garantir l'exercice des droits de la défense, et d'assurer à l'accusé un procès équitable, sans retarder davantage le jugement de l'affaire, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice.
19. L'avocat ainsi commis d'office n'ayant déposé aucunes conclusions écrites pour exposer les motifs de sa demande de décharge de sa mission, il ne peut être reproché au président de ne pas s'être expliqué davantage sur son refus, dont la régularité n'est pas contestée.
20. Le moyen ne peut donc être admis.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
21. Le moyen critique l'arrêt de condamnation en ce que M. [W] a été déclaré coupable d'avoir arrêté, enlevé, détenu, ou séquestré M. [J] avec notamment la circonstance que celui-ci a été arrêté, enlevé, détenu ou séquestré comme otage, alors « qu'en application des dispositions de l'article 349 du code de procédure pénale, la cour et le jury doivent, à peine de nullité, être interrogés sur tous les éléments constitutifs des circonstances qui aggravent l'infraction ; qu'aucune des questions relatives à l'arrestation, l'enlèvement, la détention ou la séquestration n'interrogent la cour et le jury sur la circonstance aggravante de prise d'otage, pourtant retenue contre M. [W] ; que la déclaration de culpabilité et la condamnation ne sont pas légalement fondées et doivent être annulées. »
Réponse de la Cour
22. La formulation des questions, demandant, pour chacun des crimes d'arrestation, à la question 15, d'enlèvement, à la question 19, de détention ou de séquestration, à la question 24, s'il a été commis : « pour préparer ou faciliter la commission de la soustraction frauduleuse spécifiée et qualifiée aux questions 1, 2, et 3 » se réfère aux conditions dans lesquelles la victime a été prise en otage et reprend, en posant la question en fait, un agissement entrant dans les prévisions de la circonstance aggravante prévue par l'article 224-4 du code pénal, peu important que les mots « comme otage » n'y soient pas contenus.
25. Il suit de là que, les questions relatives à la circonstance de prise d'otage ayant été régulièrement formulées, le moyen ne peut être accueilli.
Sur le quatrième moyen
Enoncé du moyen
26. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a été répondu par l'affirmative aux questions ainsi libellées :
« N° 23 : Est-il constant que sur la RN 17, sur le ressort de la juridiction inter-régionale spécialisée de Lille, le 17 mars 2011, M. [Y] [J] a été détenu ou séquestré, sans ordre des autorités constituées et hors les cas prévus par la loi et libéré avant le septième jour accompli depuis son appréhension ?
N° 24 : M. [Y] [J] a-t-il été détenu ou séquestré pour préparer ou faciliter la commission de la soustraction frauduleuse spécifiée et qualifiée aux questions 1, 2 et 3 ?
N° 25 : Ladite détention ou séquestration ci-dessus spécifiée et qualifiée aux questions 23 et 24 a-t-elle été commise en bande organisée constituée par un groupement formé ou une entente établie en vue de la préparation de cette infraction, préparation caractérisée par le fait de recruter plusieurs personnes , de se procurer brassards police, cagoules, liens, armes à feu et munitions correspondantes, d'organiser les repérages des lieux des potentielles victimes, de mettre au point un scénario destiné à obliger le conducteur à s'arrêter et de prévoir une planque temporaire jusqu'à l'attaque projetée ?
N° 26 : L'accusé M. [W] est-il coupable d'avoir commis la détention ou la séquestration ci-dessus spécifiée et qualifiée aux questions 23, 24 et 25 ? », alors « que les crimes de détention illégale et de séquestration illégale, bien que prévus et réprimés par le même texte, n'en constituent pas moins des infractions distinctes (Crim., 31 mars 2016, pourvoi n° 15-82.538) ; que dès lors, les questions susvisées, en ce qu'elles interrogent la cour et le jury à la fois sur le crime de détention arbitraire et sur celui de séquestration arbitraire sont nulles pour être entachée de complexité prohibée. »
Réponse de la Cour
27. Il résulte des pièces de procédure que la cour et le jury ont été interrogés, par une question unique, sur la culpabilité du demandeur d'avoir détenu ou séquestré la victime.
28. Le fait de détenir illégalement et celui de séquestrer illégalement une personne constituant une seule et même infraction, punie par l'article 224-1 du code pénal, la question unique demandant à la cour et au jury si la victime a été détenue ou séquestrée n'est pas entachée de complexité prohibée.
29. Il en résulte que le moyen ne peut être admis.
30. Par ailleurs, la procédure est régulière, aucun moyen n'est produit contre l'arrêt civil et les faits souverainement constatés par la cour et le jury justifient les qualifications et les peines.
Crim. 12 mai 2021 n° 20-83.345
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° F 20-83.345 F-D
N° 00555
EB2 12 MAI 2021
CASSATION
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 12 MAI 2021
Mme [A] [I] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel [Localité 1], chambre correctionnelle, en date du 28 avril 2020, qui, pour violences aggravées, l'a condamnée à six mois d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Slove, conseiller, les observations de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de Mme [A] [I], et les conclusions de Mme Philippe, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 31 mars 2021 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Slove, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Guichard, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Mme [A] [I] s'est présentée, le 17 avril 2019, aux urgences pédiatriques de l'hôpital [Localité 1], avec sa fille, âgée de dix mois, laquelle, selon les déclarations de la mère de l'enfant, avait fait une chute, l'avant-veille.
3. Les médecins ont constaté qu'outre les lésions pouvant être imputées à cette chute, l'enfant en présentait d'autres, plus anciennes. Ils ont alerté le parquet et une enquête a été ouverte. Les investigations médico-légales ont mis en évidence des lésions cutanées de la face et du crâne d'âge différent, évoquant plusieurs épisodes espacés dans le temps, dont certaines pourraient être accidentelles, l'intervention d'un tiers semblant être à l'origine de la majorité d'entre elles.
4. Mme [I] a contesté avoir frappé sa fille et indiqué qu'elle n'avait jamais rien constaté d'anormal, quand elle reprenait l'enfant, après qu'il avait été confié à ses grands-parents, lorsqu'elle travaillait, ou à son père, dont elle était séparée.
5. Elle a été convoquée devant le tribunal correctionnel pour avoir commis des violences sur sa fille, âgée de moins de quinze ans, ayant entraîné une incapacité totale de travail de deux jours.
6. Par jugement du 9 mai 2019, le tribunal correctionnel [Localité 1] a prononcé la relaxe de Mme [I].
7. Le ministère public et l'association Themis, intervenant en qualité d'administrateur ad hoc de l'enfant, qui s'était constituée partie civile, ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
8. Le premier moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi, au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le second moyen,
Enoncé du moyen
9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclarée Mme [I] coupable de violences volontaires n'ayant pas entraîné une incapacité supérieure à huit jours, soit en l'espèce trois jours, sur mineure de moins de quinze ans, par ascendant, faits commis entre le 1er et le 17 avril 2019 à [Localité 1], alors :
« 1°/ que tout prévenu étant présumé innocent, la charge de la preuve de l'ensemble des éléments de l'infraction incombe à la partie poursuivante et le doute doit profiter à l'accusé ; qu'en déduisant que les lésions cutanées relevées sur le visage de [P] [I] étaient imputables à sa mère, du seul fait qu'elles ne trouvaient pas d'explication, et ne pouvaient manifestement pas être attribuées à un mécanisme auto-infligé ou à des chutes ou des heurts banals contre des jouets, quand l'absence d'explication n'établissait pas la preuve d'actes de violences volontaires qui devaient être rapportés par la partie poursuivante, la cour d'appel a violé de l'article 222-13 du code pénal, l'article 6§2 de la Convention européenne des droits de l'Homme, ensemble les articles préliminaires, 427, 470, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que le délit de violences volontaires suppose un acte positif de violence, un résultat violent, et un lien de causalité entre les deux ; qu'en se bornant à constater, pour imputer à Mme [I] les lésions cutanées relevées sur sa fille, que cette dernière avait indiqué n'avoir jamais relevé de traces suspectes sur l'enfant lorsqu'elle la récupérait chez ses grands-parents paternels, quand le fait que Mme [I], qui récupérait sa fille tard le soir après son service, n'ait pas relevé de traces ne signifiait aucunement qu'il n'y en avait pas, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 222-13 du code pénal, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;
3°/ que le délit de violences volontaires est constitué par un acte volontaire de violence ; qu'en déclarant Mme [I] coupable de violences volontaires sur mineur de moins de quinze ans, par des considérations inopérantes tenant au fait que Mme [I] n'avait pas pris l'initiative immédiatement de consulter un médecin, que seules les démarches effectuées par la gardienne avaient abouti à la prise en charge médicale de l'enfant et que la mère avait déclaré qu'elle prenait l'enfant dans ses bras quand elle pleurait, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs impropres à caractériser le délit de violences volontaires en privant sa décision de base légale au regard de l'article 222-13 du code pénal, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;
4°/ que le délit de violences volontaires est un délit intentionnel exigeant la preuve de l'élément moral de l'infraction ; qu'en déclarant Mme [I] coupable de violences volontaires sur mineur de moins de quinze ans, sans caractériser la volonté de la prévenue d'infliger des violences à l'enfant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 121-3 et 222-13 du code pénal, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les article 485 et 593 du code de procédure pénale :
10. Il résulte de ces textes que tout jugement de condamnation doit constater l'existence de chacun des éléments constitutifs de chacune des infractions dont il déclare le prévenu coupable.
11. Pour déclarer Mme [I] coupable de violences volontaires n'ayant pas entraîné une incapacité de travail supérieure à huit jours, sur sa fille, âgée de moins de quinze ans, l'arrêt infirmatif attaqué énonce que les lésions cutanées suspectes, relevées sur le visage de l'enfant, sont nécessairement imputables à sa mère et sont compatibles avec des actes de préhension fermes.
12. En prononçant ainsi, sans constater que la prévenue aurait volontairement porté des coups ou commis des violences sur l'enfant, la cour d'appel, qui n'a pas expressément écarté le caractère accidentel des lésions constatées, n'a pas justifié sa décision.
13. Dès lors, la cassation est encourue.
Crim. 11 mai 2021 n° 21-81.277
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° D 21-81.277 F-D
N° 00678
11 MAI 2021
GM
NON LIEU À RENVOI
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 11 MAI 2021
M. [D] [C] a présenté, par mémoire spécial reçu le 24 mars 2021, une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi formé par lui contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 12 février 2021, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant sa détention provisoire.
Sur le rapport de Mme Thomas, conseiller, les observations de Me Laurent Goldman, avocat de M. [D] [C], et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 mai 2021 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Thomas, conseiller rapporteur, M. Bonnal, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« Les dispositions de l'article 145 du code de procédure pénale, en ce qu'elles ne prévoient pas que devant le juge des libertés et de la détention statuant sur le placement en détention d'une personne, que cette dernière doit être informée de son droit, au cours des débats, de se taire, méconnaît-il les droits et libertés constitutionnellement garantis, et plus particulièrement les articles 6, 9 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ? »
2. Selon les articles 23-2 et 23-4 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, une question prioritaire de constitutionnalité ne peut être renvoyée au Conseil constitutionnel que lorsque la disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites.
3. Le présent litige porte sur la prolongation de la détention provisoire, qui relève de l'article 145-1 du code de procédure pénale.
4. Si cet article impose, avant toute décision sur la prolongation, la tenue d'un débat contradictoire organisé conformément aux dispositions du sixième alinéa de l'article 145, de sorte que, par ce renvoi, ce dernier texte est applicable à la procédure de prolongation de la détention provisoire, cette disposition n'est cependant critiquée qu'en tant qu'elle règle les modalités du débat en vue du placement en détention provisoire et n'est donc pas, à ce titre, applicable au litige.
5. En conséquence, il n'y a pas lieu de transmettre la question.
Crim. 11 mai 2021 n° 20-84.412 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° R 20-84.412 FP-P N° 00503
ECF 11 MAI 2021
CASSATION PARTIELLE
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 11 MAI 2021
M. [S] [X] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers, chambre correctionnelle, en date du 27 mai 2020, qui, pour infractions à la législation sur les stupéfiants, en récidive, l'a condamné à trois mois d'emprisonnement, a prononcé sur la révocation d'un sursis et a ordonné une mesure de confiscation.
Un mémoire personnel a été produit.
Sur le rapport de Mme Issenjou, conseiller, et les conclusions de M. Valat, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 mars 2021 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Issenjou, conseiller rapporteur, M. Pers, Mme de la Lance, M. de Larosière de Champfeu, Mme Ménotti, Mme Planchon, Mme Ingall-Montagnier, M. Bellenger, Mme Slove, Mme Labrousse, M. Turcey, Mme Thomas, conseillers de la chambre, Mme Carbonaro, Mme Fouquet, Mme de Lamarzelle, Mme Guerrini, conseillers référendaires, M. Valat, avocat général, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le 9 août 2018, M. [X] s'est soustrait à un contrôle de police en abandonnant un sac contenant sept morceaux de cannabis représentant 38,4 grammes, une somme de 480 euros et des documents à son nom.
3. Entendu, il a expliqué que les substances stupéfiantes étaient destinées à sa consommation personnelle et que l'argent correspondait à des gains de paris sportifs.
4. M. [X] a été poursuivi des chefs d'acquisition, détention et transport non autorisés de stupéfiants, ainsi que d'usage illicite de stupéfiants en récidive, devant le tribunal correctionnel qui l'a relaxé des trois premières infractions, l'a déclaré coupable de la quatrième, l'a condamné à un mois d'emprisonnement, a ordonné la révocation partielle d'un sursis et la confiscation des objets et somme saisis.
5. M. [X] et le procureur de la République ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le quatrième moyen
6. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
7. Le moyen est pris de la violation des articles 222-37 du code pénal et L. 3421-1 du code de la santé publique.
8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a reconnu M. [X] coupable d'usage, d'acquisition et de transport de stupéfiants alors que les dispositions spéciales de l'article L. 3421-1 du code de la santé publique qui répriment l'usage illicite de stupéfiants excluent celles de l'article 222-37 du code pénal qui s'inscrivent dans le cadre d'un trafic, les substances en possession du prévenu, qui a été relaxé des faits de détention, étant exclusivement destinées à sa consommation personnelle.
Réponse de la Cour
9. Pour déclarer le prévenu coupable d'acquisition et de transport non autorisés de stupéfiants, après avoir confirmé le jugement l'ayant relaxé du chef de détention de stupéfiants et reconnu coupable du chef d'usage, la cour d'appel énonce que l'acquisition, le transport, la détention, et l'usage de stupéfiants sont des infractions distinctes.
10. Les juges relèvent que la fuite du prévenu et l'abandon volontaire des produits et de l'argent signent sa connaissance des interdictions d'acquérir, de transporter des stupéfiants, d'en faire usage et du risque de soupçons par les enquêteurs d'un possible trafic.
11. Ils ajoutent que le prévenu a reconnu qu'il avait pris la fuite parce qu'il transportait de la résine de cannabis acquise la veille.
12. Ils concluent que le prévenu a démontré son intention de transporter un produit stupéfiant dont l'acquisition et le transport sont prohibés, fût-il destiné à la consommation personnelle.
13. En l'état de ces motifs, dont il résulte que le prévenu a commis, outre le délit de consommation de stupéfiants, les infractions distinctes de transport et d'acquisition de résine de cannabis, sans que ces faits procèdent, en l'espèce, de manière indissociable d'une action unique caractérisée par une seule intention coupable, la cour d'appel a justifié sa décision.
14. Le moyen doit être écarté.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
15. Le moyen est pris de la violation des articles 131-21, 111-3 et 111-4 du code pénal.
16. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a prononcé la peine complémentaire de confiscation des sommes saisies qui est illégale dès lors que la condamnation du prévenu ne peut être prononcée que sur le fondement de l'article L. 3421-1 du code de la santé publique qui ne fait pas encourir une telle peine complémentaire.
Réponse de la Cour
17. Ce moyen est devenu sans objet par suite du rejet du premier moyen.
Mais sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
18. Le moyen est pris de la violation de l'article 464-2 du code de procédure pénale dans sa version issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 applicable.
19. Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir condamné le prévenu à une peine d'emprisonnement ferme d'une durée totale de six mois sans aménagement et sans motivation spécifique, alors que la cour d'appel était tenue soit d'aménager ab initio la peine d'emprisonnement, soit d'ordonner sa convocation devant le juge de l'application des peines, soit de décerner un mandat de dépôt et dans, cette dernière hypothèse, de motiver spécialement sa décision.
Réponse de la Cour
Détermination de la loi applicable
20. L'arrêt attaqué a été rendu après l'entrée en vigueur, le 24 mars 2020, des dispositions relatives aux peines et à leur aménagement de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019.
21. Il a condamné le prévenu, pour des faits commis le 9 août 2018, à trois mois d'emprisonnement et a ordonné la révocation partielle à hauteur de trois mois du sursis assortissant une condamnation antérieure.
22. L'article D. 48-1-1 du code de procédure pénale, créé par l'article 2 du décret n° 2020-187 du 3 mars 2020, applicable immédiatement s'agissant d'une loi de procédure, dispose que les seuils de six mois ou un an d'emprisonnement prévus en matière d'aménagement de peine par la loi précitée du 23 mars 2019 s'apprécient en tenant compte de la révocation totale ou partielle d'un sursis simple décidé par la juridiction de jugement et dont la durée s'ajoute à celle de la peine d'emprisonnement prononcée.
23. Pour l'appréciation des règles d'aménagement de la peine, il y a lieu ainsi de considérer que M. [X] a été condamné au total à six mois d'emprisonnement ferme.
24. Par arrêt de ce jour, la Cour de cassation juge que les dispositions des articles 132-19 et 132-25 du code pénal, 464-2, 474 et 723-15 du code de procédure pénale, issues de la loi du 23 mars 2019, relatives aux conditions et aux modalités de l'aménagement des peines inférieures ou égales à un an, qui n'ont pas pour résultat de rendre plus sévères les peines prononcées par la décision de condamnation, sont applicables au jugement des faits commis avant leur entrée en vigueur (pourvoi n° 20-85.576, en cours de publication).
Réponse au moyen
Vu les articles 132-19 et 132-25 du code pénal, 464-2 du code de procédure pénale dans leur rédaction issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, applicables à partir du 24 mars 2020 et 593 du code de procédure pénale :
25. Il résulte des deux premiers de ces textes que la juridiction qui prononce une peine inférieure ou égale à six mois d'emprisonnement ferme doit ordonner, sauf impossibilité résultant de la personnalité ou de la situation du condamné, l'aménagement de la totalité de la peine.
26. Selon le troisième, la juridiction de jugement qui prononce une peine d'emprisonnement ferme supérieure à un mois et inférieure ou égale à six mois doit, soit ordonner son aménagement en déterminant la mesure adaptée, soit, si elle ne dispose pas d'éléments lui permettant de déterminer celle-ci, ordonner la convocation du condamné devant le juge de l'application des peines, soit, s'agissant d'une peine de six mois, délivrer un mandat de dépôt à effet différé, soit, dans les cas prévus aux articles 397-4, 465 et 465-1 du code de procédure pénale, décerner un mandat de dépôt ou d'arrêt contre le condamné. Si le juge décerne un mandat d'arrêt ou de dépôt, à effet différé ou non, il doit motiver sa décision au regard des faits de l'espèce, de la personnalité et de la situation matérielle, familiale et sociale du condamné.
27. Il en résulte que si la peine d'emprisonnement prononcée est inférieure ou égale à six mois en application de l'article D. 48-1-1 du code de procédure pénale, l'aménagement de la peine est obligatoire.
28. Ce n'est qu'en cas d'impossibilité résultant de la personnalité ou de la situation du condamné que la juridiction de jugement peut écarter l'aménagement de la peine.
29. Dans ce cas, elle doit motiver spécialement sa décision, de façon précise et circonstanciée, au regard des faits de l'espèce, de la personnalité et de la situation matérielle, familiale et sociale du condamné.
30. Lorsque la peine est de six mois, elle doit, en outre, si elle ne décerne aucun mandat de dépôt ou d'arrêt en application de articles 397-4 et 465-1 du code de procédure pénale, délivrer un mandat de dépôt à effet différé.
31. Lorsque la peine est inférieure à six mois, et dès lors que la loi ne permet pas la délivrance d'un mandat de dépôt à effet différé, elle doit, si elle ne décerne aucun mandat de dépôt ou d'arrêt en application de articles 397-4 et 465-1 du code de procédure pénale, remettre au condamné un avis de convocation à comparaître devant le juge de l'application des peines conformément à l'article 474 du code de procédure pénale.
32. En l'espèce, pour dire n'y avoir lieu à aménagement de la peine prononcée, la cour d'appel énonce, qu'en l'absence d'éléments suffisants sur la situation matérielle et professionnelle de l'intéressé, elle se trouve dans l'impossibilité d'organiser valablement ab initio l'une des mesures d'aménagement prévues à l'article 132-25 du code pénal. 33. En se déterminant ainsi, alors que l'aménagement de la peine était obligatoire, l'impossibilité de déterminer les modalités de la mesure n'étant pas de nature à y faire obstacle, la cour d'appel a méconnu les textes et principes susvisés.
34. La cassation est en conséquence encourue
Portée et conséquences de la cassation
35. La cassation sera limitée aux dispositions de l'arrêt relatives aux peines, celles relatives à la culpabilité étant maintenues.
Crim. 11 mai 2021 n° 20-82.267 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° J 20-82.267 FS-P
N° 00545
ECF 11 MAI 2021
REJET
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 11 MAI 2021
M. [I] [M] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, en date du 30 janvier 2020, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de viol aggravé, agression sexuelle aggravée, pédopornographie, a prononcé sur sa demande d'annulation d'actes de la procédure.
Par ordonnance en date du 6 juillet 2020, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Labrousse, conseiller, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de M. [I] [M], et les conclusions de M. Desportes, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 30 mars 2021 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Labrousse, conseiller rapporteur, M. Bonnal, Mme Ménotti, MM. Maziau, Seys, Dary, Mme Thomas, conseillers de la chambre, M. Barbier, Mme de Lamarzelle, M. Violeau, conseillers référendaires, M. Desportes, premier avocat général, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Dans le cadre d'une enquête préliminaire du chef de viol sur mineur de 15 ans, M. [M], placé sous la curatelle renforcée de sa mère, a fait l'objet d'un placement en garde à vue le 9 juillet 2019, à 10 heures 15 et, dès notification de ses droits, a demandé à être examiné par un médecin.
3. De 10 heures 15 à 13 heures 55, les enquêteurs ont procédé, en la présence de M. [M], à la perquisition de son casier professionnel et de son domicile ainsi qu'à la fouille de son véhicule, après avoir recueilli son accord écrit.
4. De 14 heures 55 à 16 heures 25, le médecin requis par les enquêteurs a examiné M. [M] et a établi un certificat médical aux termes duquel son état de santé était « non compatible » avec une mesure de garde à vue « sans traitement (ordonnance délivrée par le Dr [W]) » et « avant examen par un médecin psychiatre ».
5. Après que l'ordonnance précitée eut été adressée aux enquêteurs, ce même médecin a établi, à 17 heures 30, un nouveau certificat médical mentionnant que l'état de santé de l'intéressé était compatible avec la mesure privative de liberté, à condition que le traitement prescrit fût délivré.
6. M. [M] a été entendu pour la première fois par les enquêteurs le 9 juillet 2019, à 17 heures 45.
7. Le 11 juillet 2019, le procureur de la République a ouvert une information judiciaire contre M. [M] des chefs de viol sur mineur de 15 ans, agression sexuelle sur mineur de 15 ans, pédopornographie.
8. M. [M] a été mis en examen de ces chefs le même jour.
9. Le 30 juillet 2019, il a saisi la chambre de l'instruction d'une requête en nullité du réquisitoire introductif et de son interrogatoire de première comparution.
10. Par mémoire en date du 5 novembre 2019, il a également sollicité que soit prononcée la nullité de sa garde à vue ainsi que des perquisitions et fouille réalisées par les enquêteurs.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
11. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté les demandes de nullité de la garde à vue, des perquisitions et du réquisitoire introductif du procureur de la République, alors :
« 1°/ que l'arrêt attaqué a constaté que M. [M] a été placé sous curatelle renforcée par décision du juge des tutelles de Montbrison du 11 juin 2019, que les enquêteurs le savaient le 9 juillet 2019 ainsi que l'autorité judiciaire avant le réquisitoire introductif et la première comparution de l'exposant devant le juge d'instruction, et qu'il n'était pas établi que la curatrice de l'exposant eût été avisée des poursuites ; qu'il en résultait que le réquisitoire introductif du procureur de la République était nul ; qu'en décidant le contraire au prétexte qu'il était régulier en la forme, la chambre de l'instruction a violé l'article 706-113 du code de procédure pénale ;
2°/ que pour écarter la nullité de la garde à vue, la chambre de l'instruction a avancé que le retard de trois heures avant le premier examen médical de M. [M] n'avait pas porté atteinte à ses droits, quand selon ses propres constatations la garde à vue s'était poursuivie après que son incompatibilité avec l'état de santé de l'exposant fut affirmée par le premier certificat médical, rédigé à 16 heures 25, ce qui avait nécessairement porté atteinte aux intérêts de M. [M] ; qu'ainsi l'arrêt attaqué a été rendu en violation de l'article 63-3 du code de procédure pénale ;
3°/ qu'en se bornant à affirmer, pour refuser d'annuler les perquisitions, que lorsqu'elles avaient été effectuées les policiers ignoraient la mise sous curatelle de M. [M], sans constater qu'à cet instant la mesure de curatelle n'avait pas fait l'objet d'une publication, les policiers étant censés connaître cette mesure dans le cas contraire, la chambre de l'instruction a privé sa décision de motifs et de base légale en violation des articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme et préliminaire et 593 du code de procédure pénale ainsi que des droits de la défense ;
4°/ que le curateur doit être avisé d'une perquisition menée en phase d'enquête concernant le majeur protégé, lequel ne peut donner son assentiment à la perquisition sans l'assistance de son curateur ; qu'en n'annulant pas les perquisitions au motif que l'assentiment que M. [M] y avait donné n'était pas vicié et qu'aucune disposition n'imposait la présence du curateur ou du tuteur lors de la perquisition au domicile d'un majeur protégé, la chambre de l'instruction a violé les articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire du code de procédure pénale, 440 et 425 du code civil ainsi que le principe susmentionné et les droits de la défense. »
Réponse de la Cour
Sur le moyen, pris en sa première branche
12. Selon l'article 706-113 du code de procédure pénale, le curateur ou le tuteur d'une personne majeure protégée doit être avisé des poursuites dont elle fait l'objet.
13. Pour écarter le moyen de nullité du réquisitoire introductif, pris de ce que la curatrice de M. [M] n'a pas été informée de cet acte, l'arrêt énonce que si le procureur de la République avait connaissance de la mesure de curatelle avant de le délivrer, pour autant un tel réquisitoire ne peut être annulé que s'il ne satisfait pas en la forme aux conditions essentielles de son existence légale.
14. Si le réquisitoire introductif, lorsqu'il est pris contre personne dénommée, constitue à l'égard des personnes qu'il vise un acte de poursuite au sens du texte susvisé et si, au cas présent, le réquisitoire a été pris contre M. [M], l'arrêt n'encourt pas pour autant la censure.
15. C'est, en effet, seulement au moment où ledit réquisitoire introductif est porté à la connaissance du majeur protégé, par la mise en examen de celui-ci pour tout ou partie des faits visés à cet acte, que le curateur ou le tuteur de l'intéressé doit être avisé, afin d'être mis en mesure de l'assister dans les choix qu'il devra exercer en application des articles 80-2 et 116 du code de procédure pénale.
16. C'est donc au juge d'instruction qu'il incombe de procéder à cet avis.
17. Il en résulte que la délivrance du réquisitoire introductif ne saurait être entachée de nullité par la méconnaissance de cette obligation et que cet acte saisit régulièrement le juge d'instruction des faits qui y sont visés.
18. Le grief doit dès lors être écarté.
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
19. Pour ne pas faire droit au moyen de nullité de la garde à vue pris, d'une part, de la tardiveté de l'examen médical de M. [M], d'autre part, de la poursuite de cette mesure alors que le certificat médical établi le 9 juillet 2019 à 16 heures 25 concluait que l'état de santé du suspect n'était pas compatible avec celle-ci, l'arrêt énonce qu'il ne résulte d'aucune pièce de la procédure que l'officier de police judiciaire ait requis un médecin dans le délai de trois heures prévu à l'article 63-3 du code de procédure pénale ou que des circonstances insurmontables aient contraint les enquêteurs à différer la réquisition aux fins d'examen médical.
20. Les juges relèvent néanmoins que cette incertitude sur l'heure à laquelle le médecin a été requis ne peut entacher d'irrégularité la mesure de garde à vue qu'autant qu'elle aurait causé à M. [M] une atteinte à ses droits.
21. Ils constatent que M. [M] a été entendu pour la première fois le 9 juillet 2019, à 17 heures 45, soit après que le médecin requis eut constaté que l'état de santé de l'intéressé était compatible avec la mesure de garde à vue.
22. Ils en déduisent qu'à supposer que la réquisition à médecin ait été établie après l'expiration du délai de trois heures, il n'apparaît pas que cet éventuel retard ait été la cause d'une atteinte aux droits de M. [M].
23. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision.
24. En effet, si avant d'avoir pris connaissance du traitement médical de M. [M], le médecin requis a subordonné la poursuite de la mesure de garde à vue à l'examen de celui-ci par un psychiatre, ce même médecin, après avoir pris connaissance du traitement de l'intéressé, a conclu que son état de santé était compatible avec cette mesure sous réserve du respect de ce traitement et sans qu'il soit nécessaire de procéder à un examen psychiatrique.
25. Dès lors, le grief peut être écarté.
Sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches
26. Pour écarter le moyen de nullité des perquisitions, pris de ce que la curatrice de M. [M] n'avait pas été informée au préalable de ces actes, l'arrêt, après avoir relevé que les enquêteurs avaient pris soin d'expliquer au suspect précisément l'objet et le cadre de leurs diligences, énonce qu'il ne résulte pas de la procédure d'élément permettant de supposer qu'il n'aurait pas été apte à consentir et à assister de façon éclairée aux perquisitions.
27. Les juges ajoutent que lors de ces actes, les enquêteurs se sont limités à présenter à M. [M] les objets saisis à fin de reconnaissance et que ses indications, outre qu'elles ne l'ont pas conduit à s'incriminer, n'ont été la cause pour lui d'aucun grief.
28. Ils en déduisent qu'elles ne sauraient avoir la moindre incidence sur la validité de la perquisition elle-même et des saisies réalisées.
29. Ils énoncent encore que les déclarations faites par M. [M] durant les perquisitions ne peuvent être assimilées à un interrogatoire ou à une confrontation au sens de l'article 63-4-2 du code de procédure pénale nécessitant la présence d'un avocat à ses côtés.
30. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a, sans méconnaître la disposition conventionnelle invoquée au moyen, justifié sa décision.
31. En effet, il résulte de ces énonciations que l'absence d'information de la curatrice de M. [M] n'a pas porté atteinte à son droit à un procès équitable pour les raisons suivantes.
32. D'une part, aucun interrogatoire n'a eu lieu lors de ces mesures, de sorte que les droits de la défense ont été respectés.
33. D'autre part, M. [M] n'a pas contesté l'authenticité des biens saisis.
34. Enfin, les enquêteurs qui ignoraient la mesure de protection dont M. [M] faisait l'objet, aucun élément recueilli au cours de l'enquête, avant les perquisitions, n'étant de nature à faire naître un doute sur l'existence de celle-ci, n'ont pas agi de façon déloyale.
35. Il s'ensuit que le moyen doit être écarté.
36. Par ailleurs l''arrêt est régulier en la forme.
Crim. 11 mai 2021 n° 20-83.507 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° H 20-83.507 FP-P
N° 00504
ECF 11 MAI 2021
CASSATION PARTIELLE
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 11 MAI 2021
M. [B] [H] et Mme [S] [M] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse, chambre correctionnelle, en date du 3 juin 2020, qui, pour escroquerie, a condamné, le premier, à dix-huit mois d'emprisonnement, la seconde, à un an d'emprisonnement avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Un mémoire, commun aux demandeurs, a été produit..
Sur le rapport de Mme Fouquet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. [B] [H] et de Mme [S] [M], et les conclusions de Mme Mathieu, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 mars 2021 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Fouquet, conseiller rapporteur, M. Pers, Mme de la Lance, M. de Larosière de Champfeu, Mme Ménotti, Mme Planchon, Mme Ingall-Montagnier, M. Bellenger, Mme Slove, Mme Issenjou, Mme Labrousse, M. Turcey, Mme Thomas, conseillers de la chambre, Mme Carbonaro, Mme de Lamarzelle, Mme Guerrini, conseillers référendaires, Mme Mathieu, avocat général, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [B] [H] et Mme [S] [M], son épouse, ont comparu devant le tribunal correctionnel pour avoir, à Paris, du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009, en employant des manoeuvres frauduleuses, en l'espèce en présentant des déclarations de sinistre fictif, trompé la société Generali pour la déterminer à remettre des fonds, valeurs ou bien quelconque pour un montant de 32 000 euros.
3. Par jugement du 25 septembre 2017, le tribunal correctionnel a constaté la prescription de l'action publique pour les faits commis antérieurement au 15 octobre 2008, a déclaré les prévenus coupables des faits reprochés et les a condamnés, le premier, à dix-huit mois d'emprisonnement, la seconde, à un an d'emprisonnement avec sursis.
4. M. [H] et Mme [M] ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
5. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le second moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [H] à une peine d'emprisonnement de dix-huit mois non assorti du sursis, alors :
« 1°/ qu'en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle, ainsi que du caractère inadéquat de toute autre sanction ; qu'en ne s'expliquant pas sur le caractère inadéquat de toute autre sanction, la cour d'appel a méconnu l'article 132-19 du code pénal ;
2°/ que dans le cas où la peine d'emprisonnement sans sursis prononcée n'est pas supérieure à deux ans, le juge, qui décide de ne pas l'aménager, doit, en outre, soit constater une impossibilité matérielle de le faire, soit motiver spécialement sa décision au regard des faits de l'espèce et de la situation matérielle, familiale et sociale du prévenu ; que faute de s'être expliquée sur l'aménagement de la peine d'emprisonnement ferme d'une durée inférieure à deux ans qu'elle prononçait à l'encontre de M. [H], la cour d'appel a méconnu l'article 132-19 du code pénal. »
Réponse de la Cour
Sur le second moyen, pris en sa première branche relative au prononcé de la peine d'emprisonnement
7. La Cour de cassation juge de manière constante qu'il résulte des termes de l'article 132-19 du code pénal, dans sa version antérieure à la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, que le juge qui prononce une peine d'emprisonnement sans sursis doit en justifier la nécessité au regard de la gravité de l'infraction, de la personnalité de son auteur et du caractère manifestement inadéquat de toute autre sanction.
8. En revanche, conformément au dernier alinéa de ce texte, il n'est tenu de spécialement motiver sa décision au regard de la situation matérielle, familiale et sociale du prévenu que pour refuser d'aménager la peine d'emprisonnement sans sursis d'une durée n'excédant pas deux ans, ou un an en cas de récidive légale, ainsi prononcée (Crim., 29 novembre 2016, pourvoi n° 15-83.108, Bull. crim. 2016, n° 314).
9. Cependant, l'article 74 de la loi du 23 mars 2019 précitée, qui a modifié les dispositions de l'article 132-19, alinéa 4, du code pénal et créé un nouvel article 485-1 du code de procédure pénale relatif à la motivation des peines prononcées par le tribunal correctionnel, impose une évolution de cette jurisprudence pour les raisons suivantes.
10. Il résulte de l'article 485-1 précité, qui renvoie aux dispositions de l'article 132-1 du code pénal, qu'en cas de condamnation, sans préjudice des dispositions prévoyant la motivation spéciale de certaines peines, notamment des peines non aménagées d'emprisonnement ferme, le choix de toute peine correctionnelle doit être motivé en tenant compte des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale.
11. Il ressort de l'alinéa 4 de l'article 132-19 précité, qui renvoie à l'article 464-2 du code de procédure pénale, que, le tribunal, qui prononce une peine d'emprisonnement sans sursis non aménagée, doit spécialement motiver sa décision au regard des faits de l'espèce et de la personnalité de leur auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale afin de justifier, d'une part, les raisons pour lesquelles il estime devoir prononcer une peine d'emprisonnement sans sursis, d'autre part, le cas échéant, celles pour lesquelles il considère que cette peine ne peut être aménagée.
12. Il se déduit de l'ensemble de ces dispositions que le juge qui prononce, en matière correctionnelle, une peine d'emprisonnement ferme doit, quels que soient le quantum et la décision prise quant à son éventuel aménagement, motiver ce choix en faisant apparaître qu'il a tenu compte des faits de l'espèce, de la personnalité de leur auteur, ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale. Il lui appartient d'établir, au regard de ces éléments, que la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine indispensable et que toute autre sanction est manifestement inadéquate.
13. Selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, les lois relatives à la motivation des peines sont des lois de procédure, applicables immédiatement à la répression des infractions commises avant leur entrée en vigueur en application de l'article 112-2, 2° du code pénal (Crim., 3 octobre 1994, pourvoi n° 93-85.633, Bull. crim. 1994, n° 312).
14. Il s'en déduit que, pour les décisions rendues à partir du 24 mars 2020, le prononcé de toute peine d'emprisonnement sans sursis ou partiellement assortie du sursis est subordonné au respect de ces prescriptions.
15. En l'espèce, pour confirmer le prononcé par les premiers juges de la peine de dix-huit mois d'emprisonnement à l'encontre de M. [H], l'arrêt attaqué, après avoir rappelé les circonstances dans lesquelles les faits ont été commis, relève que le casier judiciaire du prévenu porte mention de huit condamnations dont quatre pour escroqueries, la dernière condamnation, à la peine de cinq ans d'emprisonnement outre une amende de 6 000 euros ayant été prononcée par la cour d'appel de Bruxelles le 22 septembre 2016 à raison de faux en écritures et d'escroquerie.
16. Il retient qu'âgé de 55 ans, parent, avec la co-prévenue, de six enfants dont quatre encore mineurs, M. [H], victime de plusieurs accidents vasculo-cérébraux, bénéficie d'une carte d'invalidité au taux de 80% et n'exerce plus d'activité professionnelle.
17. Les juges ajoutent que le prévenu s'est inscrit depuis de nombreuses années dans un processus continu de délinquance astucieuse.
18. La cour d'appel conclut qu'au regard de la gravité des infractions, de leur caractère réitéré et du refus du prévenu de donner des explications sur son comportement, une peine alternative à l'emprisonnement n'est pas envisageable.
19. En l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision.
20. En effet, les juges, qui ont tenu compte des faits de l'espèce, de la personnalité du prévenu et de sa situation personnelle, se sont prononcés, postérieurement au 24 mars 2020, par des motifs dont il résulte que la gravité des faits et la personnalité du prévenu rendent la peine d'emprisonnement sans sursis indispensable, toute autre sanction étant manifestement inadéquate.
21. Ainsi, le grief n'est pas fondé.
Sur le second moyen, pris en sa seconde branche relative à l'aménagement de la peine
Détermination de la loi applicable
22. L'arrêt attaqué, qui a été rendu après l'entrée en vigueur, le 24 mars 2020, des dispositions de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 relatives aux peines et à leur aménagement, a condamné le prévenu à dix-huit mois d'emprisonnement pour des faits commis du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009.
23. Il importe dès lors de déterminer au préalable si les dispositions relatives à l'aménagement des peines d'emprisonnement qui figurent à l'article 74 de ladite loi, lequel modifie ou créé notamment les articles 132-19, 132-25 du code pénal et 464-2, 474 et 723-15 du code de procédure pénale, doivent s'appliquer aux condamnations prononcées pour des faits antérieurs à l'entrée en vigueur de la loi précitée.
24. La Cour de cassation juge que les dispositions de cet article, en ce qu'elles interdisent tout aménagement des peines d'emprisonnement sans sursis d'une durée comprise entre un et deux ans, qui relèvent des lois d'exécution et d'application des peines, plus sévères, ne sont applicables qu'aux condamnations prononcées pour des faits commis postérieurement à leur entrée en vigueur (Crim., 20 octobre 2020, pourvoi n° 19-84.754, en cours de publication).
25. Par arrêt de ce jour, elle juge en revanche que les dispositions des articles 132-19 et 132-25 du code pénal, 464-2, 474 et 723-15 du code de procédure pénale issues de la loi du 23 mars 2019, relatives aux conditions et aux modalités de l'aménagement des peines inférieures ou égales à un an, qui n'ont pas pour résultat de rendre plus sévères les peines prononcées par la décision de condamnation, sont applicables au jugement des faits commis antérieurement à leur entrée en vigueur (pourvoi n° 20-85.576, en cours de publication).
26. Il s'en déduit que, lorsque les faits poursuivis sont antérieurs au 24 mars 2020, le juge qui prononce une peine d'emprisonnement supérieure à un an et inférieure ou égale à deux ans doit se prononcer sur son éventuel aménagement au regard des dispositions issues de la loi du 23 mars 2019 relatives à l'aménagement des peines supérieures à 6 mois et inférieures ou égales à un an, seule la condition tenant au quantum de la peine aménageable restant régie par la loi ancienne.
Réponse au grief
Vu les articles 132-19 du code pénal, dans ses rédactions antérieure et postérieure à la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019,132-25 du code pénal, 464-2 et 593 du code de procédure pénale :
27. Il se déduit de l'articulation de ces textes que, lorsque la date des faits poursuivis est antérieure au 24 mars 2020, si la peine d'emprisonnement prononcée est supérieure à un an et inférieure ou égale à deux ans, durée qui doit être déterminée en faisant application de l'article D. 48-1-1 du code de procédure pénale, l'aménagement de la peine est le principe, sauf en cas de récidive.
28. La juridiction de jugement ne peut écarter l'aménagement que si elle constate que la situation ou la personnalité du condamné ne permettent pas son prononcé ou si elle relève une impossibilité matérielle de le faire.
29. Dans ce cas, elle doit motiver spécialement sa décision, de façon précise et circonstanciée, au regard des faits de l'espèce, de la personnalité et de la situation matérielle, familiale et sociale du condamné.
30. Elle doit en outre, si elle ne décerne aucun mandat de dépôt ou d'arrêt en application des articles 397-4, 465 et 465-1 du code de procédure pénale, délivrer un mandat de dépôt à effet différé.
31. L'arrêt attaqué, après avoir condamné le prévenu à une peine d'emprisonnement de dix-huit mois, ne se prononce pas sur son aménagement.
32. En statuant ainsi, alors que les faits poursuivis avaient été commis avant l'entrée en vigueur de la loi du 23 mars 2019, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.
33. La cassation est par conséquent encourue.
Portée et conséquences de la cassation
34. La cassation sera limitée à la peine, dès lors que la déclaration de culpabilité n'encourt pas la censure.
35. S'agissant de faits commis avant le 24 mars 2020, il appartiendra à la juridiction saisie, au cas où une peine d'emprisonnement sans sursis inférieure ou égale à deux ans serait prononcée, d'appliquer, en matière d'aménagement, les dispositions issues de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019.
Crim. 11 mai 2021 n° 20-85.576 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° F 20-85.576 FP-P
N° 00505
ECF 11 MAI 2021
CASSATION PARTIELLE
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 11 MAI 2021
Mme [G] [T] et M. [R] [D] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, chambre correctionnelle, en date du 10 septembre 2020, qui, pour travail dissimulé et prêt de main d'oeuvre, les a condamnés, la première, à cinq mois d'emprisonnement avec sursis, 10 000 euros d'amende et trois ans d'interdiction de gérer une entreprise commerciale, le second, à cinq mois d'emprisonnement, 10 000 euros d'amende, et a prononcé la révocation du sursis assortissant une peine d'emprisonnement antérieure.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Un mémoire, commun aux demandeurs, a été produit.
Sur le rapport de Mme Labrousse, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de Mme [G] [T] et de M. [R] [D], et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 18 mars 2021 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Labrousse, conseiller rapporteur, M. Pers, Mme de la Lance, M. de Larosière de Champfeu, Mme Ménotti, Mme Planchon, Mme Ingall-Montagnier, M. Bellenger, Mme Slove, Mme Issenjou, M. Turcey, Mme Thomas, conseillers de la chambre, Mme Carbonaro, Mme Fouquet, Mme de Lamarzelle, Mme Guerrini, conseillers référendaires, M. Aubert, avocat général référendaire, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le 28 février 2018, à la suite d'un contrôle par l'inspection du travail, Mme [T], gérante de la société ECKB et M. [D] ont été cités à comparaître devant le tribunal correctionnel des chefs de marchandage, prêt illicite de main d'oeuvre et travail dissimulé, pour des faits commis entre février 2016 et le 13 février 2017.
3. Par jugement en date du 6 juin 2019, le tribunal correctionnel a relaxé les prévenus du chef de prêt illicite de main d'oeuvre, les a déclarés coupables des chefs d'exécution d'un travail dissimulé et marchandage et les a condamnés, la première, à cinq mois d'emprisonnement avec sursis, 10 000 euros d'amende et dix ans d'interdiction de gérer une entreprise commerciale, le second, à cinq mois d'emprisonnement, avec révocation totale du sursis assortissant une peine de trois mois d'emprisonnement prononcée le 31 octobre 2013 et 10 000 euros d'amende.
4. Mme [T] et M. [D] ont interjeté appel, le ministère public appel incident.
Examen des moyens
Sur les premier, deuxième, troisième et quatrième moyens
5. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission des pourvois au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur les sixième, septième et huitième moyens
Enoncé des moyens
6. Le sixième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné Mme [T] à un emprisonnement délictuel de cinq mois avec sursis, alors « qu'en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de son auteur et de sa situation personnelle ; qu'en l'espèce, pour condamner Mme [T] à une peine d'emprisonnement de cinq mois avec sursis, la cour d'appel s'est bornée à relever, par motifs propres et adoptés, que Mme [T] avait, en connaissance de cause, permis la poursuite d'une activité de gérance de son compagnon, en infraction à la réglementation et à la sanction prononcée à l'encontre de M. [D] par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, qu'elle devait en sa qualité de gérante de droit répondre des infractions relevées et qu'une telle peine correspondait à une peine juste, adaptée, personnalisée, individualisée et nécessaire comme imposée par la loi ; qu'en statuant ainsi sans motiver la peine au regard de la personnalité de Mme [T] et de sa situation personnelle, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 132-1 du code pénal, ensemble les articles 485 et 593 du code de procédure pénale ».
7. Le septième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné Mme [T] au paiement d'une amende de 10 000 euros, alors « qu'en matière correctionnelle, le juge qui prononce une amende doit motiver sa décision au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité et de la situation personnelle de son auteur, en tenant compte de ses ressources et de ses charges ; qu'en l'espèce, pour condamner Mme [T] à une amende de 10 000 euros, la cour d'appel s'est bornée à relever qu'une amende délictuelle d'un tel montant, eu égard aux revenus que Mme [T] avait déclarés, correspondait à une peine juste, adaptée, personnalisée, individualisée et nécessaire comme imposée par la loi ; qu'en statuant ainsi sans motiver sa décision au regard de la personnalité de Mme [T] et de ses charges, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 132-1 et 132-20 du code pénal, ensemble les articles 485 et 593 du code de procédure pénale. »
8. Le huitième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a prononcé à titre de peine complémentaire à l'encontre de Mme [T] l'interdiction d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, administrer, gérer ou contrôler une entreprise ou une société pour une durée de trois ans, alors « que toute peine correctionnelle doit être motivée en fonction des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale ; qu'en l'espèce, en prononçant à l'encontre de Mme [T] l'interdiction d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, administrer, gérer ou contrôler une entreprise ou une société pour une durée de trois ans sans motiver cette peine au regard de la situation matérielle, familiale et sociale de Mme [T] et de sa personnalité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 132-1 et 131-27 du code pénal, 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
9. Les moyens sont réunis.
10. L'article 74 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 a créé dans le code de procédure pénale un nouvel article 485-1.
11. Selon ce dernier, sans préjudice des dispositions prévoyant la motivation spéciale de certaines peines, notamment des peines non aménagées d'emprisonnement ferme, la motivation doit porter sur le choix de la peine au regard des dispositions des articles 132-1 et 132-20 du code pénal, sauf s'il s'agit d'une peine obligatoire ou de la confiscation du produit ou de l'objet de l'infraction.
12. Il résulte d'une jurisprudence constante de la Cour de cassation que les lois relatives à la motivation des peines sont des lois de procédure applicables immédiatement à la répression des infractions commises avant leur entrée en vigueur en vertu de l'article 112-2, 2° du code pénal (Crim., 3 octobre 1994, pourvoi n° 93-85.633, Bull. crim. 1994, n° 312).
13. L'article 485-1 précité est dès lors applicable immédiatement au jugement des infractions commises avant son entrée en vigueur.
14. Les articles 132-1 et 132-20 du code pénal, auxquels l'article 485-1 du code de procédure pénale renvoie, n'ont pas été modifiés.
15. Il ressort du premier de ces textes qu'en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle et du second que le juge qui prononce une amende doit motiver sa décision en tenant compte des ressources et des charges du prévenu.
16. En l'espèce, pour confirmer la condamnation de Mme [T] à cinq mois d'emprisonnement avec sursis et 10 000 euros d'amende, l'arrêt, après avoir relevé que la prévenue n'a jamais été condamnée et qu'elle déclare 70 000 euros de revenus annuels, énonce que de telles peines sont justes, adaptées, personnalisées, individualisées et nécessaires.
17. Les juges ajoutent que compte tenu des circonstances de l'infraction et notamment de la gravité de l'atteinte à l'ordre public économique, mais aussi de l'absence d'antécédents judiciaires de Mme [T] qui ne gère pas d'entreprise à titre habituel, la peine d'interdiction de gérer doit être confirmée dans son principe afin de prévenir la réitération de l'infraction, mais réduite à une durée de trois ans.
18. En prononçant ainsi, la cour d'appel, qui a fait l'exacte application des articles 132-1 et 132-20 du code pénal, a justifié sa décision.
19. En effet, d'une part, la prévenue n'a comparu ni devant les premiers juges ni devant la cour d'appel après avoir fait l'objet d'une première décision de condamnation et n'a fourni, ni fait fournir à la juridiction, à aucun de ces stades, d'éléments sur sa personnalité et sa situation personnelle ainsi que sur le montant de ses charges.
20. D'autre part, il n'incombe pas aux juges, en possession des seuls éléments mentionnés en procédure sur ces différents points, de rechercher ceux qui ne leur auraient pas été soumis.
21. Enfin, en l'absence d'autres éléments portés à leur connaissance, les juges peuvent fonder leur appréciation de la personnalité du prévenu sur le seul casier judiciaire.
22. Dès lors, les moyens ne peuvent être accueillis.
Mais sur le cinquième moyen
Enoncé du moyen
23. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [D] à un emprisonnement délictuel de cinq mois et en conséquence ordonné à l'encontre de M. [D] la révocation totale du sursis de trois mois du 31 octobre 2013 prononcé par le tribunal correctionnel de Saint-Pierre, alors :
« 1°/ que les lois relatives au régime d'exécution et d'application des peines ne sont pas applicables aux condamnations prononcées pour des faits commis antérieurement à leur entrée en vigueur lorsqu'elles auraient pour résultat de rendre plus sévères les peines prononcées par la décision de condamnation ; qu'en l'espèce, en faisant application au litige de l'article 132-19 du code pénal dans sa version née de la loi du 23 mars 2019, entrée en vigueur le 24 mars 2020, quand les dispositions nouvelles de l'article 132-19 qui interdisent tout aménagement des peines d'emprisonnement sans sursis d'une durée comprise entre un et deux ans, sont plus sévères que la loi ancienne, de sorte qu'elles ne peuvent pas être appliquées à des faits commis avant leur entrée en vigueur, la cour d'appel a violé les articles 112-2 et 132-19 du code pénal, 591 du code de procédure pénale ;
2°/ que dans le cas où la peine d'emprisonnement sans sursis n'est pas supérieure à deux ans, ou à un an pour une personne en état de récidive légale, le juge, s'il décide de ne pas l'aménager, doit soit constater une impossibilité matérielle de le faire, soit motiver spécialement sa décision au regard des faits de l'espèce, de la personnalité du prévenu et de sa situation matérielle, familiale et sociale ; qu'en l'espèce, pour refuser un tel aménagement, la cour d'appel a relevé qu'en raison de l'insuffisance d'éléments actualisés sur sa situation et sur sa personnalité, aucune pièce n'ayant été produite devant la cour ni par le prévenu ni par son conseil, aucun aménagement de peine ne pouvait être prononcé ; qu'en statuant ainsi quand M. [D], présent à l'audience, pouvait répondre à toutes les questions lui permettant d'apprécier la faisabilité d'une mesure d'aménagement, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 132-19 du code pénal, 593 du code de procédure pénale ;
3/ que si la peine prononcée n'est pas supérieure à deux ans, ou à un an pour une personne en état de récidive légale, le juge, qui décide de ne pas l'aménager, doit soit constater une impossibilité matérielle de le faire, soit motiver spécialement sa décision au regard des faits de l'espèce, de la personnalité du prévenu et de sa situation matérielle, familiale et sociale ; qu'en l'espèce, en retenant pour refuser un aménagement de peine que les substituts à une peine d'emprisonnement déjà ordonnés n'avaient pas dissuadé M. [D] de commettre les faits reprochés, la cour d'appel, qui n'a pas motivé son refus d'aménagement de peine au regard de la situation de M. [D] ni d'une impossibilité matérielle, n'a pas justifié sa décision au regard des l'articles 132-19 du code pénal, 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Sur le cinquième moyen, pris en sa première branche relative à la détermination préalable de la loi applicable
24. L'arrêt attaqué a été rendu après l'entrée en vigueur, le 24 mars 2020, des dispositions relatives aux peines et à leur aménagement issues de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019.
25. Il a condamné le prévenu, pour des faits commis entre février 2016 et le 13 février 2017, à cinq mois d'emprisonnement et a ordonné la révocation totale du sursis de trois mois assortissant une condamnation antérieure.
26. En application des dispositions de l'article D. 48-1-1 du code de procédure pénale, introduites par l'article 2 du décret n° 2020-187 du 3 mars 2020, applicables immédiatement s'agissant d'une loi de procédure, M. [D] doit être considéré, au regard des règles relatives à l'aménagement des peines, comme ayant été condamné au total à huit mois d'emprisonnement ferme.
27. Cet article prévoit en effet que les seuils de six mois ou un an d'emprisonnement prévus en matière d'aménagement de peine par la loi précitée du 23 mars 2019 s'apprécient en tenant compte de la révocation totale ou partielle d'un sursis simple décidé par la juridiction de jugement et dont la durée s'ajoute à celle de la peine d'emprisonnement prononcée.
28. Il importe dès lors de déterminer au préalable si les dispositions relatives à l'aménagement des peines d'emprisonnement sans sursis supérieures à un mois et inférieures ou égales à un an, qui figurent à l'article 74 de ladite loi, lequel modifie ou crée notamment les articles 132-19, 132-25 du code pénal et 464-2, 474 et 723-15 du code de procédure pénale, doivent s'appliquer aux condamnations prononcées pour des faits antérieurs à l'entrée en vigueur de la loi précitée.
29. Pour ce, il convient d'abord de rechercher si ces dispositions doivent être envisagées séparément les unes des autres, au regard de leur application dans le temps.
30. Certaines de ces dispositions ont pour objet de faciliter l'aménagement des courtes peines d'emprisonnement ferme.
31. Ainsi, l'aménagement des peines devient obligatoire pour les peines supérieures à un mois et inférieures ou égales à six mois et doit porter en ce cas sur la totalité de la partie ferme de la peine tandis que l'aménagement de celles supérieures à six mois et inférieures ou égales à un an demeure le principe.
32. Par ailleurs, l'aménagement n'est plus subordonné à l'exigence d'un projet de réinsertion du condamné.
33. D'autres dispositions ont trait au régime d'exécution de la peine : le fractionnement de la peine est supprimé, les régimes de semi-liberté et du placement extérieur sont maintenus, la détention à domicile sous surveillance électronique se substitue au placement sous surveillance électronique.
34. Enfin, l'aménagement des peines relève désormais à titre principal de l'office du juge correctionnel qui, doit soit décider de celui-ci dans ses modalités ou dans son seul principe, soit, dans les cas prévus, décerner mandat de dépôt ou mandat d'arrêt, soit, pour les peines d'au moins six mois, décerner un mandat de dépôt à effet différé, faisant obstacle à un aménagement ultérieur de la peine.
35. Il résulte des travaux préparatoires que le recours accru par la juridiction de jugement à l'aménagement des peines d'emprisonnement supérieures à un mois et inférieures ou égales à un an dès leur prononcé a pour contrepartie la saisine résiduelle du juge de l'application des peines à ce stade et l'exécution effective sous le régime de la détention des peines non aménagées.
36. Il s'ensuit que les dispositions précitées relatives à l'aménagement des peines d'emprisonnement supérieures à un mois et inférieures ou égales à un an forment un ensemble cohérent dont les éléments sont indissociables.
37. L'aménagement de la peine par la juridiction de jugement constitue un dispositif relatif au régime d'exécution et d'application des peines, dont l'application dans le temps obéit aux règles définies par l'article 112-2, 3° du code pénal (Crim., 20 octobre 2020, pourvoi n° 19-84.754, en cours de publication).
38. Il convient dès lors de déterminer si, pris globalement, le nouveau régime d'aménagement des peines, tel que décrit précédemment, rend plus sévères les peines prononcées.
39. A cet égard, il y a lieu d'observer que la faculté offerte à la juridiction de jugement de décerner un mandat de dépôt à effet différé n'a ni pour objet ni pour effet de modifier la peine prononcée mais se limite à permettre une mise à exécution rapide et effective des peines d'emprisonnement qu'elle a estimé ne pas devoir aménager.
40. Un tel refus d'aménagement pouvait d'ailleurs, dans le droit antérieur, être prononcé par le juge de l'application des peines.
41. Enfin, le législateur a entendu permettre que la fixation de la date d'incarcération par le procureur de la République tienne compte de la capacité d'accueil de l'établissement pénitentiaire et de la situation de la personne concernée afin d'éviter des ruptures professionnelles ou personnelles immédiates non préparées.
42. Il résulte de tout ce qui précède que les dispositions relatives à l'aménagement des peines d'emprisonnement sans sursis supérieures à un mois et inférieures ou égales à un an, qui n'ont pas pour résultat de rendre plus sévères les peines prononcées, sont applicables au jugement des faits commis antérieurement à leur entrée en vigueur.
Sur le cinquième moyen, pris en ses deuxième et troisième branches relatives au refus d'aménager
Vu les articles 132-19 et 132-25 du code pénal, 464-2 du code de procédure pénale dans leur rédaction issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, applicables à partir du 24 mars 2020 et 593 du code de procédure pénale :
43. Il résulte des deux premiers de ces textes que si la peine ferme d'emprisonnement prononcée est supérieure à six mois et inférieure ou égale à un an, la peine doit être aménagée si la personnalité et la situation du condamné le permettent, et sauf impossibilité matérielle.
44. Selon le troisième, la juridiction de jugement qui prononce une peine d'emprisonnement ferme supérieure à six mois ou inférieure ou égale à un an doit soit ordonner son aménagement en déterminant la mesure adaptée, soit si elle ne dispose pas d'éléments lui permettant de déterminer celle-ci, ordonner la convocation du condamné devant le juge de l'application des peines, soit, s'agissant d'une peine d'au moins six mois, délivrer un mandat de dépôt à effet différé, soit, dans les cas prévus aux articles 397-4, 465 et 465-1 du code de procédure pénale, décerner un mandat de dépôt ou d'arrêt contre le condamné. Si le juge décerne un mandat d'arrêt ou de dépôt, à effet différé ou non, il doit motiver sa décision au regard des faits de l'espèce, de la personnalité et de la situation matérielle, familiale et sociale du condamné.
45. Il se déduit de l'article 464-2 du code de procédure pénale que le juge doit nécessairement prendre l'une des décisions énoncées au paragraphe précédent, à l'exclusion de toute autre.
46. En effet, le législateur a entendu limiter la saisine du juge de l'application des peines aux seuls cas où le tribunal ne s'oppose pas à l'aménagement de la peine mais ne dispose pas d'éléments suffisants pour en choisir le mode d'exécution.
47. Il en résulte les principes suivants.
48. Si la peine d'emprisonnement prononcée est supérieure à six mois et inférieure ou égale à un an, durée qui doit être déterminée en faisant application de l'article D. 48-1-1 du code de procédure pénale, l'aménagement de la peine est le principe.
49. La juridiction de jugement ne peut écarter l'aménagement que si elle constate que la situation ou la personnalité du condamné ne permettent pas son prononcé ou si elle relève une impossibilité matérielle de le faire.
50. Dans ce cas, elle doit motiver spécialement sa décision, de façon précise et circonstanciée, au regard des faits de l'espèce, de la personnalité et de la situation matérielle, familiale et sociale du condamné.
51. Elle doit en outre, si elle ne décerne aucun mandat de dépôt ou d'arrêt en application des articles 397-4, 465 et 465-1 du code de procédure pénale, délivrer un mandat de dépôt à effet différé.
52. Il s'en déduit que le refus d'aménagement ne peut être motivé par des éléments autres que ceux énoncés au paragraphe 49.
53. Ainsi, la juridiction de jugement ne peut refuser d'aménager la peine au motif qu'elle ne serait pas en possession d'éléments lui permettant d'apprécier la mesure d'aménagement adaptée. Dans ce cas, elle doit ordonner, d'une part, l'aménagement de la peine, d'autre part, la convocation du prévenu devant le juge de l'application des peines, en application de l'article 464-2, I, 2° du code de procédure pénale.
54. Elle ne peut davantage l'écarter au motif de l'absence d'éléments propres à caractériser un projet de réinsertion puisque l'aménagement n'est plus subordonné à l'exigence d'un tel projet.
55. Enfin, jusqu'à ce jour, la Cour de cassation jugeait que si après interrogatoire du prévenu comparant, la juridiction de jugement estimait ne pas disposer d'éléments suffisamment précis et actualisés pour apprécier la faisabilité d'un aménagement, elle pouvait le refuser (Crim., 17 juin 2020, pourvoi n° 19-85.559, en cours de publication).
56. Elle jugeait également que la cour d'appel pouvait refuser l'aménagement de la peine à l'égard du prévenu non comparant qui n'avait fourni, ni fait fournir, à aucun des stades de la procédure, à la juridiction d'éléments sur sa personnalité et sa situation personnelle (Crim., 12 décembre 2017, pourvoi n° 16-87.230, Bull.crim. 2017, n° 286).
57. Ces solutions ne peuvent être maintenues.
58. D'une part, la mise à exécution d'une courte peine d'emprisonnement qui résulte nécessairement du refus d'aménager ne peut être fondée sur la circonstance que la juridiction ne dispose pas d'éléments suffisants pour se prononcer.
59. D'autre part, en modifiant la rédaction de l'article 132-70-1 du code pénal, le législateur a entendu favoriser le recours à l'ajournement du prononcé de la peine aux fins d'investigations sur la personnalité ou la situation du prévenu, de façon à permettre un aménagement de la peine.
60. En conséquence, si le prévenu est comparant, la juridiction doit l'interroger sur sa situation personnelle et, le cas échéant, peut ordonner un ajournement de la peine aux fins d'investigations sur sa personnalité ou sa situation, en application de l'article 132-70-1 précité.
61. Si le prévenu est non comparant, la juridiction de jugement ne peut refuser d'aménager la peine en se fondant sur sa seule absence. Il lui appartient alors de rechercher, au vu des pièces de la procédure, si le principe d'un aménagement peut être ordonné.
62. En l'espèce, pour refuser l'aménagement de la peine prononcée à l'encontre de M. [D], l'arrêt énonce qu'en raison de l'insuffisance d'éléments actualisés sur sa situation et sur sa personnalité, aucune pièce n'ayant été produite devant la cour ni par le prévenu ni par son conseil, aucun aménagement de peine ne peut être prononcé, d'autant que les substituts à une peine d'emprisonnement déjà ordonnés n'ont pas dissuadé l'intéressé de commettre les faits reprochés.
63. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a prononcé à l'égard du prévenu une peine d'emprisonnement de huit mois, au sens de l'article D. 48-1-1 du code de procédure pénale, n'a pas justifié sa décision.
64. En effet, si elle estimait n'être pas en possession d'éléments suffisants sur la personnalité ou la situation de M. [D], il appartenait à la cour d'appel d'interroger le prévenu, présent à l'audience, afin d'obtenir ces éléments pour apprécier si un aménagement de sa peine, au moins dans son principe, pouvait être prononcé et, le cas échéant, d'ordonner des investigations complémentaires sur ceux-ci, en application de l'article 132-70-1 du code pénal.
65. La cassation est dès lors encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
66. La cassation sera limitée aux peines prononcées à l'encontre de M. [D] dès lors que la déclaration de culpabilité n'encourt pas la censure.
Crim. 11 mai 2021 n° 20-86.180
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° N 20-86.180 F-D et N° D 20-83.435
N° 00546
ECF 11 MAI 2021
CASSATION PARTIELLE
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 11 MAI 2021
M. [U] [Q] a formé un pourvoi contre l'arrêt n° 177/2020 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 2 mars 2020, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs notamment de recel en bande organisée en récidive, infractions à la législation sur les armes en récidive, association de malfaiteurs en récidive, a prononcé avant dire droit sur la nullité d'actes de la procédure.
M. [U] [Q] et le procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence ont formé des pourvois contre l'arrêt n° 825/2020 de la chambre de l'instruction de ladite cour d'appel, en date du 19 octobre 2020, qui, dans l'information suivie contre le premier des chefs précités, a prononcé sur sa demande d'annulation d'actes de la procédure.
Par ordonnance en date du 18 décembre 2020, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat des pourvois formés contre l'arrêt du 19 octobre 2020 et a joint les pourvois formés contre cet arrêt.
Par ordonnance en date du 18 février 2021, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi formé contre l'arrêt du 2 mars 2020 et a joint celui-ci aux pourvois formés contre l'arrêt du 19 octobre 2020.
Des mémoires et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Labrousse, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [U] [Q], et les conclusions de M. Desportes, premier avocat général, l'avocat du demandeur ayant eu la parole en dernier, après débats en l'audience publique du 30 mars 2021 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Labrousse, conseiller rapporteur, M. Bonnal, conseiller de la chambre, M. Desportes, premier avocat général, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 8 février 2018, le procureur de la République a ordonné une enquête préliminaire sur des faits d'association de malfaiteurs en vue de commettre une tentative d'extorsion à l'encontre d'un entrepreneur.
3. A l'issue de cette enquête préliminaire, par réquisitoire en date du 4 mai 2018, le procureur de la République a ouvert une information judiciaire contre personne non dénommée des chefs d'association de malfaiteurs en vue de commettre des crimes en bande organisée et des délits punis de dix ans, notamment les crimes de tentatives d'extorsion de fonds en bande organisée, extorsions en bande organisée et les délits de trafic de stupéfiants, tentatives d'extorsion en bande organisée et non-justification de ressources.
4. Le 13 septembre 2018, M. [Z] [I], susceptible d'être mis en cause dans le cadre de cette information judiciaire, a été l'objet d'une tentative d'assassinat.
5. Par réquisitoire supplétif en date du 25 octobre 2018, la saisine du juge d'instruction a été étendue à des faits commis courant 2018 et jusqu'au 19 octobre 2018 de non-justification de ressources aggravée, recel en bande organisée, infractions à la législation sur les armes, association de malfaiteurs en vue de la préparation et la commission de crimes et de délits, en particulier d'homicide volontaire avec préméditation en bande organisée, en récidive.
6. Le 25 octobre 2018, M. [Q] a été mis en examen des chefs précités.
7. Le 23 avril 2019, il a déposé une requête en nullité d'actes de la procédure en exposant notamment que depuis la tentative d'assassinat de M. [I], les enquêteurs avaient effectué, hors saisine, des investigations sur la préparation d'une action criminelle en représailles de celle-ci, faits sans lien avec les extorsions de fonds et trafic de stupéfiants visés au réquisitoire introductif.
8. A l'issue de l'audience devant la chambre de l'instruction qui s'est tenue le 6 janvier 2020, l'affaire a été mise en délibéré.
9. Durant le délibéré, la chambre de l'instruction a constaté qu'avaient été versés en procédure un réquisitoire supplétif en date du 17 octobre 2018 faisant mention de faits nouveaux, à savoir une « enquête préliminaire diligentée par la DRPJ [Localité 1] - Antenne [Localité 2], sous le n° de PV 2018/236 » ainsi que les procès-verbaux de cette enquête, datés du 10 octobre 2018 au 16 octobre 2018.
10. Après une deuxième audience au cours de laquelle ont été recueillies les observations des parties, le 3 février 2020, l'affaire a été mise à nouveau en délibéré.
11. Par arrêt en date du 2 mars 2020, la chambre de l'instruction, avant dire droit, a invité le juge d'instruction à verser en procédure toutes les pièces qui seraient de nature à confirmer ou à infirmer la date d'établissement du réquisitoire supplétif et de l'enquête préliminaire précités et à exposer par une note versée au dossier les circonstances et les motifs de leur versement et de leur cotation tardifs.
12. Le 3 avril 2020, le juge d'instruction a versé en procédure une telle note.
Sur le premier moyen du pourvoi formé contre l'arrêt en date du 19 octobre 2020, proposé pour M. [Q]
13. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le moyen unique du pourvoi formé contre l'arrêt en date du 2 mars 2020
Enoncé du moyen
14. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a invité le magistrat instructeur à veiller à ce que soient versées au dossier de la procédure dans les meilleurs délais toutes les pièces, notamment établies par le ou les services en charge de l'exécution des commissions rogatoires qu'il a décernées, qui seraient de nature à confirmer ou à infirmer la date d'établissement des pièces cotées D4366 à D4547 et a indiqué que ce magistrat pourrait exposer par une note versée au dossier tous éléments de nature à éclairer les circonstances et les motifs de leur versement et de leur cotation tardifs sans se prononcer sur les nullités dont la chambre de l'instruction était saisie, alors :
« 1°/ que lorsque la chambre de l'instruction est avisée que des pièces sont manquantes, elle doit renvoyer l'affaire à une date ultérieure ; que lorsque des pièces sont disparues ou égarées, il convient de procéder conformément aux articles 648 et suivants du code de procédure pénale ; qu'en l'espèce l'ajout au dossier, en cours de délibéré dans des conditions non révélées par l'arrêt attaqué, de pièces nouvelles, dont le ministère public ni quiconque d'autre n'avait signalé à la chambre de l'instruction qu'elles étaient manquantes ou égarées, est irrégulier et porte directement atteinte aux droits de la défense en raison du caractère occulte de la procédure suivie pour faire arriver ces pièces ; que l'arrêt attaqué ne pouvait en conséquence se fonder sur les pièces irrégulièrement parvenues au dossier ; qu'il a ainsi violé les articles préliminaire et 197, dernier alinéa, 648 et suivants du code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
2°/ qu'il appartient à la chambre de l'instruction de se prononcer en l'état du dossier tel qu'il lui est soumis et si elle découvre une cause de nullité, de prononcer la nullité de l'acte qui en est entaché ; qu'en l'espèce la chambre de l'instruction, dans son arrêt du 2 mars 2020, constate, après avoir ajouté ou fait ajouter de nouvelles pièces qui ne figuraient pas au dossier de l'information, qu'elle ne peut s'assurer de la date d'établissement de ces pièces et notamment du réquisitoire supplétif justifiant de l'élargissement de la saisine du juge d'instruction ; qu'elle ne pouvait dès lors que prononcer la nullité du réquisitoire supplétif, et des actes de procédure effectués hors saisine faute de date certaine sur la transmission au juge d'instruction du réquisitoire supplétif ; qu'en refusant d'annuler la procédure la chambre de l'instruction a violé les articles 80, 170, 197, 206, 592 et 593 du code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
3°/ que la chambre de l'instruction est seule compétente durant l'instruction préparatoire pour apprécier la régularité des actes de l'information ; que le juge d'instruction ne peut se faire juge de la régularité des actes qu'il accomplit ; qu'en demandant au juge d'instruction une note « d'explication » sur les actes cotés à son dossier, la chambre de l'instruction a méconnu ses propres pouvoirs, les principes d'équité et d'impartialité et ainsi violé les articles préliminaire, 170 et suivants, 206 du code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
4°/ qu'en donnant injonction au juge d'instruction de compléter le dossier de l'information judiciaire, c'est-à-dire de réaliser des actes d'information supplémentaires au sens de l'article 201 du code de procédure pénale, sans avoir au préalable évoqué la procédure, la chambre de l'instruction a excédé ses pouvoirs et violé l'article 206 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
15. Pour ne pas prononcer sur la nullité, en l'état du dossier mis à disposition des parties en vue de l'audience du 6 janvier 2020, et inviter le juge d'instruction à compléter la procédure des pièces dont il serait en possession ainsi qu'à exposer dans une note versée au dossier les raisons du versement durant le délibéré du réquisitoire supplétif et des pièces de l'enquête préliminaire précités, l'arrêt énonce qu'en raison des contestations soulevées sur la date réelle d'établissement de ces pièces et des moyens qui en sont tirés, il convient de recueillir tous éléments de nature à confirmer ou à infirmer leur date d'établissement et à éclairer les circonstances et les motifs de leur versement au dossier en janvier 2020.
16. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction, qui a fait l'exacte application de l'article 197, alinéa 4, du code de procédure pénale, n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.
17. En effet, en premier lieu, aucune disposition légale ou conventionnelle n'interdit à la chambre de l'instruction, lors de l'examen d'une requête en nullité, de prononcer au vu de pièces versées au dossier en cours de délibéré, à la condition de rouvrir les débats afin de soumettre celles-ci au débat contradictoire.
18. Par voie de conséquence, dès lors que la chambre de l'instruction constatait que les pièces cotées D4386 à D4547 avaient été versées en procédure durant le délibéré, de sorte que le dossier mis à la disposition des parties lors de l'audience du 6 janvier 2020 était incomplet, c'est à bon droit qu'elle a renvoyé l'affaire à une audience ultérieure, sans statuer sur la requête, après avoir estimé que la connaissance de ces pièces était indispensable à son examen.
19. En deuxième lieu, la chambre de l'instruction n'a pas méconnu ses pouvoirs en invitant le juge d'instruction à préciser dans une note versée au dossier les circonstances du versement en cours de délibéré du réquisitoire supplétif et des pièces de l'enquête préliminaire sur lequel il repose.
20. Une telle note ne constitue pas en effet un acte juridictionnel du juge d'instruction par lequel il statuerait lui-même sur la régularité de la procédure.
21. Enfin, ne constitue pas un acte d'information complémentaire, au sens de l'article 201 du code de procédure pénale, l'invitation faite au juge d'instruction de verser en procédure les pièces qui seraient en sa possession.
22. Dès lors, le moyen ne peut être accueilli.
Sur le deuxième moyen du pourvoi formé contre l'arrêt en date du 19 octobre 2020, proposé pour M. [Q]
Enoncé du moyen
23. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il n'a annulé que partiellement les actes de la procédure et a rejeté les demandes présentées dans l'intérêt de M. [Q], alors « que la procédure doit être équitable et contradictoire et préserver l'équilibre des droits des parties et celui d'être entendu par une juridiction indépendante et impartiale et de bénéficier d'un recours juridictionnel effectif ; que le juge d'instruction ne peut, sous quelque forme que ce soit, intervenir dans les débats devant la chambre de l'instruction pour défendre la régularité des actes qu'il a accomplis ; qu'en l'espèce le juge d'instruction a établi une « note », par laquelle il répond et argumente sur les moyens soulevés par la défense dans la requête en nullité et les mémoires complémentaires ; qu'en se prononçant au vu de cette note établie à sa demande, versée au dossier, la chambre de l'instruction a méconnu les règles fondamentales d'équité du procès, d'impartialité et d'indépendance des juridictions, d'effectivité du droit au recours et violé les articles 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, préliminaire du code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
24. Le moyen, en ce qu'il reproche à la chambre de l'instruction de s'être prononcée au vu de la note établie par le juge d'instruction, manque en fait, les juges n'ayant pas motivé leur décision en se référant à ce document.
Sur les troisième et quatrième moyens du pourvoi formé contre l'arrêt en date du 19 octobre 2020, proposés pour M. [Q]
Énoncé des moyens
25. Le troisième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a refusé de constater la nullité des pièces rajoutées au dossier, soit le réquisitoire supplétif daté du 17 octobre 2018 et les pièces qui y auraient été annexées, et de prononcer la nullité des actes d'enquête effectués sur commission rogatoire à partir du 11 octobre 2018, hors saisine, en l'absence de réquisitoire supplétif communiqué au juge d'instruction et élargissant sa compétence, alors :
« 1°/ que lorsque la chambre de l'instruction est avisée que des pièces sont manquantes, elle doit renvoyer l'affaire à une date ultérieure ; que lorsque des pièces sont disparues ou égarées, il convient de procéder conformément aux articles 648 et suivants du code de procédure pénale ; qu'en l'espèce l'ajout au dossier, en cours de délibéré dans des conditions non révélées par l'arrêt attaqué, de pièces nouvelles, dont le ministère public ni quiconque d'autre n'avait signalé à la chambre de l'instruction qu'elles étaient manquantes ou égarées, est irrégulier et porte directement atteinte aux droits de la défense en raison du caractère occulte de la procédure suivie pour faire arriver ces pièces ; que l'arrêt attaqué ne pouvait en conséquence se fonder sur les pièces irrégulièrement parvenues au dossier ; qu'il a ainsi violé les articles préliminaire et 197, dernier alinéa, du code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
2°/ qu'en toute hypothèse l'existence d'une pièce absente du dossier ne peut être établie que si d'autres pièces mentionnent son existence et en reproduisent la teneur ; qu'en l'espèce l'arrêt constate que le réquisitoire supplétif du 17 octobre 2018 et les pièces sur lesquelles il se fonde ne sont apparus au dossier que quinze mois après la date qu'ils portent ; que l'arrêt attaqué considère cependant que l'existence de ces pièces à la date qu'elles portent et leur communication au juge d'instruction et aux enquêteurs résultent du visa, dans la commission rogatoire du 18 octobre 2018 et dans le procès-verbal « prenant acte de l'élargissement de la saisine » du réquisitoire du 17 octobre 2018 ; que toutefois ces simples visas, qui ne reproduisent pas la teneur des actes manquants, notamment des pièces jointes au réquisitoire qui selon l'arrêt lui-même déterminent l'objet et l'étendue de la saisine, ne suffisent pas à établir que le juge d'instruction ait été dès le 18 octobre 2018 en possession desdites pièces ; qu'en décidant le contraire l'arrêt attaqué s'est mis en contradiction avec les pièces du dossier et a violé les articles 592 et 593 du code de procédure pénale ;
3°/ qu'au surplus un procès-verbal fait foi de ce qu'il constate et non de ce qu'il ne constate pas ; qu'en l'espèce le procès-verbal visé par l'arrêt mentionne pour objet : « réception d'une nouvelle pièce » et constate la réception de la seule commission rogatoire visant le réquisitoire supplétif, mais non la réception du réquisitoire supplétif ni des pièces qui y sont jointes ; qu'en déduisant de ce que le procès-verbal ne mentionnait pas ne pas avoir reçu le réquisitoire supplétif et les pièces jointes que les enquêteurs en avaient bien été destinataires, pour en conclure que le juge d'instruction leur envoyant ces éléments en disposait nécessairement, l'arrêt attaqué a violé l'article 429 du code de procédure pénale et s'est mis en contradiction avec les pièces du dossier en violation des articles 592 et 593 du même code ;
4°/ que M. [Q] faisait valoir dans le mémoire complémentaire régulièrement déposé que les pièces du dossier montraient que le juge d'instruction n'avait été saisi du réquisitoire du 17 octobre 2018 absent du dossier avant le 6 janvier 2020, qu'après les actes dont l'annulation a été sollicitée ; qu'il faisait valoir que ce réquisitoire et les pièces jointes étaient cotées postérieurement aux actes dont l'annulation était demandée, que le réquisitoire supplétif du 17 octobre 2018 ne figurait pas dans le dossier transmis au président de la chambre de l'instruction par le juge d'instruction le 19 avril 2019, qu'il n'en était pas fait mention dans le réquisitoire du procureur général du 30 décembre 2019 après examen de la requête ; qu'il n'était pas visé dans l'ordonnance de soit-communiqué du 25 octobre 2018 informant le procureur de la République de faits nouveaux, qu'il n'était visé ni ses pièces jointes ni annexé à aucun procès-verbal des enquêteurs ; que dès lors en déduisant la présence au dossier de ce réquisitoire et des pièces jointes dès le 18 octobre 2018 de la seule commission rogatoire du 18 octobre 2018, et sans s'expliquer sur les autres pièces de la procédure, ni sur la cotation du réquisitoire et de ses annexes postérieure aux actes critiqués ni sur son arrivée tardive au dossier, la chambre de l'instruction n'a pas suffisamment motivé sa décision et l'a privée de base légale au regard de l'article 80 du code de procédure pénale. »
26. Le quatrième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il refusé d'annuler le réquisitoire supplétif du 17 octobre 2018 et toute la procédure subséquente, alors :
« 1°/ qu'est nul le réquisitoire dont le contenu est équivoque et qui ne permet pas de déterminer l'objet exact et l'étendue de la saisine du juge d'instruction ; qu'en l'absence d'énoncé par le réquisitoire lui-même des faits, seul le visa précis des pièces qui y sont annexées et leur transmission au juge d'instruction avec ledit réquisitoire permet de déterminer l'objet exact et l'étendue de la saisine ; qu'en l'espèce il résulte des propres mentions de l'arrêt attaqué que le réquisitoire du 17 octobre 2018 ne vise que « la procédure en cours » et se réfère à une « enquête préliminaire diligentée par la DRPJ [Localité 1] - Antenne [Localité 2] sous le n° de PV 2018/236 », sans viser les pièces de cette enquête préliminaire ni mentionner qu'elles sont jointes ; que la commission rogatoire du 18 octobre 2018 ne vise que le réquisitoire supplétif sans viser aucune pièce jointe ; que de même le procès-verbal du 18 octobre 2018 coté D2780 accusant réception de la seule commission rogatoire ne mentionne ni ne vise aucune pièce jointe au réquisitoire supplétif ; que les pièces prétendument jointes au réquisitoire supplétif ne sont apparues au dossier avec le réquisitoire qu'après le retour de la commission rogatoire du 18 octobre 2018 ; que ces pièces sont cotées après les actes d'exécution de ladite commission rogatoire et ne sont visées par aucun autre acte antérieur à leur apparition au dossier suite à l'audience du 6 janvier 2020 devant la chambre de l'instruction ; qu'en affirmant néanmoins que ce réquisitoire supplétif visait des pièces qui y étaient jointes, qu'il n'existait aucun doute sur la réalité de la transmission de ces pièces au magistrat instructeur avec le réquisitoire supplétif et que l'étendue de la saisine du juge d'instruction avait ainsi été déterminée sans ambiguïté, l'arrêt attaqué s'est mis en contradiction avec les pièces du dossier en violation de l'article 593 du code de procédure pénale et a violé l'article 80 du code de procédure pénale ;
2°/ que M. [Q] faisait valoir dans le mémoire complémentaire régulièrement déposé que les prétendues pièces jointes au réquisitoire supplétif du 17 octobre 2018, absentes du dossier jusqu'à leur apparition en cours de délibéré devant la chambre de l'instruction, n'étaient visées ou mentionnées ni dans le réquisitoire supplétif du 17 octobre 2018, ni dans la commission rogatoire complémentaire du 18 octobre 2018, ni dans l'ordonnance de soit-communiqué du 25 octobre 2018 et qu'en outre ces pièces n'étaient visées ou annexées à aucun procès-verbal des enquêteurs, notamment dans leur rapport de synthèse du 23 octobre 2018, qu'elles n'étaient pas dans le dossier transmis au président de la chambre de l'instruction par le juge d'instruction, et qu'elles n'étaient pas mentionnées non plus par le réquisitoire du procureur général du 30 décembre 2019 ; le mémoire soulignait encore qu'elles n'avaient été cotées au dossier qu'après l'audience du 6 janvier 2020 ; qu'en affirmant néanmoins qu'il n'existait aucun doute sur la ré
Réponse de la Cour
27. Les moyens sont réunis.
Sur le troisième moyen, pris en sa première branche
28. Le moyen se borne à reprendre l'argumentation du moyen unique du pourvoi formé contre l'arrêt du 2 mars 2020.
29. Il ne peut dès lors être accueilli, pour les raisons mentionnées aux paragraphes 17 à 21.
Sur le troisième moyen, pris en ses autres branches, et sur le quatrième moyen
30. Pour écarter la nullité du réquisitoire supplétif du 17 octobre 2018 et des pièces de la procédure annexées, prise du caractère incertain de sa date, l'arrêt énonce que le visa et la teneur de ce réquisitoire établissent suffisamment que le procureur de la République avait reçu, lu et analysé les pièces sur lesquelles il s'est fondé pour délivrer celui-ci, à savoir la procédure n° 2018/236 établie par l'antenne de [Localité 2] de la direction régionale de la police judiciaire d'[Localité 1].
31. Les juges ajoutent qu'il résulte des pièces de la procédure que dès le lendemain de ce réquisitoire, soit le 18 octobre 2018, le juge d'instruction a adressé aux enquêteurs une commission rogatoire complémentaire qui portait mention de la jonction à cet acte du réquisitoire supplétif et qu'en outre plusieurs pièces établies par ces enquêteurs, pour l'exécution de ce mandat judiciaire, font expressément référence à ce réquisitoire supplétif.
32. Ils en déduisent que, s'il peut être regretté que ce réquisitoire et les pièces sur lesquelles il est fondé aient été versés en procédure quinze mois plus tard, les éléments du dossier permettent de tenir pour établi, de façon certaine, que cet acte et ces pièces existaient à la date qu'ils portent.
33. Examinant ensuite la régularité dudit réquisitoire, ils relèvent que celui-ci vise explicitement les pièces de l'enquête préliminaire diligentée par la direction régionale de la police judiciaire d'[Localité 1] (antenne de [Localité 2]) sous le numéro de PV 2018/236 et que ces pièces sont cotées à sa suite.
34. Ils en concluent que le ministère public a bien saisi le juge d'instruction des faits visés par ce réquisitoire avec ses pièces jointes, lesquelles permettent de déterminer sans ambiguïté l'objet exact et l'étendue de la saisine du juge d'instruction.
35. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a, sans insuffisance, justifié sa décision.
36. En effet, d'une part, la date apposée par un magistrat sur un acte de procédure et authentifiée par sa signature fait foi jusqu'à inscription de faux.
37. Dès lors, en l'absence d'une telle procédure, il ne peut être contesté que le procureur de la République a bien établi le réquisitoire supplétif daté du 17 octobre 2018 ce jour-là et, le juge d'instruction, la commission rogatoire datée du lendemain, à cette date-là.
38. D'autre part, la circonstance que, contrairement aux prescriptions du deuxième alinéa de l'article 81 du code de procédure pénale, les pièces du dossier n'aient pas été cotées au fur et à mesure de leur rédaction ou de leur réception par le juge d'instruction n'est pas, en soi, une cause de nullité de la procédure.
39. Enfin, un réquisitoire ne peut être annulé que s'il ne satisfait pas en la forme aux conditions essentielles de son existence légale.
40. Dès lors, les moyens peuvent être écartés.
Sur les premier et second moyens de cassation du pourvoi formé contre l'arrêt en date du 19 octobre 2020, proposés par le procureur général.
Enoncé des moyens
41. Le premier moyen est pris de la violation des articles préliminaire, 171, 173, 591, 802 du code de procédure pénale.
42. Il fait grief à l'arrêt d'avoir ordonné l'annulation de l'interrogatoire de première comparution de M. [Q] et de sa mise en examen alors qu'en application des dispositions susvisées, il appartenait à la chambre de l'instruction de vérifier si l'absence en procédure du réquisitoire supplétif du 17 octobre 2018 et des pièces annexées, au moment de la première comparution de l'intéressé, était de nature à lui porter grief.
43. Le second moyen est pris de la violation des articles préliminaire, 171, 173, 591, 802 du code de procédure pénale.
44. Il reproche à l'arrêt d'avoir également annulé les interrogatoires de première comparution de M. [M] [L], M. [Z] [I] et de M. [N] [V] et les pièces dont ils sont le support nécessaire alors qu'en application des dispositions susvisées, il appartenait à la chambre de l'instruction de vérifier si l'absence en procédure du réquisitoire supplétif du 17 octobre 2018 et des pièces annexées, au moment de la première comparution de l'intéressé, était de nature à leur porter grief.
Réponse de la Cour
45. Les moyens sont réunis.
46. Pour prononcer l'annulation de l'interrogatoire de première comparution de M. [Q] et de sa mise en examen, l'arrêt énonce que la teneur des pièces sur la base desquelles le réquisitoire du 17 octobre 2018 a été pris n'était aucunement accessible à l'intéressé et à sa défense lors de ces actes.
47. Les juges en déduisent qu'au regard du principe du contradictoire, il y a lieu de constater que l'absence de mise à disposition d'une partie de la procédure avant l'interrogatoire de première comparution porte nécessairement atteinte aux droits de l'intéressé, peu important qu'il ait exercé son droit de garder le silence, fait des déclarations ou accepté de répondre à des questions.
48. Ils ajoutent que cette cause d'irrégularité de la procédure n'étant pas propre au seul requérant, les conséquences en seront tirées à l'égard de M. [L], M. [I] et de M. [V].
49. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application des textes visés aux moyens.
50. En effet, l'absence de mise à la disposition des parties et de leurs conseils des pièces de l'enquête sur la base desquelles le réquisitoire supplétif du 17 octobre 2018 a été délivré, déterminante de l'étendue de la saisine du juge d'instruction et de leur mise en examen, ainsi que le défaut de mention de ce réquisitoire dans les procès-verbaux des interrogatoires de première comparution des personnes mises en examen précitées, ont nécessairement porté atteinte aux droits de la défense.
51. Il s'ensuit que les moyens ne peuvent être accueillis.
Mais sur le cinquième moyen, pris en sa première branche, du pourvoi formé contre l'arrêt en date du 19 octobre 2020, proposé pour M. [Q] Énoncé du moyen
52. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté le moyen tiré de l'irrégularité de la géolocalisation du véhicule BMW utilisé par M. [Q], et a refusé de prononcer la nullité des actes relatifs à cette géolocalisation et des actes qui leur sont subséquents, alors :
« 1°/ qu'en application de l'article 230-35 du code de procédure pénale l'officier de police judiciaire qui, d'initiative, procède à l'installation d'un moyen technique destiné à la localisation en temps réel d'une personne, d'un véhicule ou de tout autre objet, doit en informer immédiatement le procureur de la République ou le juge d'instruction et justifier, dans sa demande d'autorisation a posteriori, le risque imminent de dépérissement des preuves ou d'atteinte grave aux personnes et aux biens ; que l'autorisation de prolongation de la mesure délivrée par le magistrat compétent dans le délai de 24 heures doit comporter l'énoncé des circonstances de fait qui établissent le risque imminent de dépérissement des preuves ou d'atteinte grave aux personnes ou aux biens justifiant l'utilisation de cette procédure ; qu'en l'espèce, en se référant à la seule difficulté à suivre les déplacements de M. [Q] et son passager M. [I] sans aucune autre précision sur les preuves dont le dépérissement était redouté, l'autorisation donnée de prolonger cette mesure par le juge d'instruction ne répondait pas aux exigences de l'article 230-35 du code de procédure pénale ; qu'en décidant le contraire, l'arrêt attaqué a violé le texte susvisé. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 230-32 et 230-35, premier et dernier alinéas, du code de procédure pénale :
53. En application de ces textes, l'officier de police judiciaire qui, en cas d'urgence, procède à l'installation d'un moyen technique destiné à la localisation en temps réel d'une personne, d'un véhicule, ou de tout autre objet, doit en informer immédiatement, par tout moyen, selon les cas, le procureur de la République ou le juge d'instruction. Le magistrat compétent dispose d'un délai de vingt-quatre heures pour prescrire, le cas échéant, la poursuite des opérations, par une décision écrite, qui comporte l'énoncé des circonstances de fait établissant l'existence d'un risque imminent de dépérissement des preuves ou d'atteinte grave aux personnes ou aux biens.
54. Pour ne pas faire droit à la nullité de la géolocalisation du véhicule de M. [Q] mise en place en urgence par les enquêteurs le 8 août 2018, motif pris de l'absence, dans la commission rogatoire du juge d'instruction autorisant la prolongation de cette mesure, d'une motivation conforme aux exigences légales, l'arrêt énonce que le juge d'instruction a relevé l'existence d'un risque de dépérissement de preuves lié à la personnalité et au professionnalisme du conducteur, M. [Q], recherché selon les enquêteurs depuis le 15 février 2018, à celle de son passager, M. [I], également défavorablement connu des services de police, ainsi qu'à la difficulté et à la rareté des opportunités permettant de suivre leurs déplacements.
55. Les juges ajoutent qu'il se déduit de ces éléments que cette décision a été prise conformément à la loi dans le cadre d'investigations portant sur des faits conduisant à redouter l'imminence d'atteintes graves aux personnes ou aux biens, certaines de nature criminelle, et de dépérissement d'éventuels éléments de preuve.
56. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.
57. En effet, d'une part, la commission rogatoire aux fins de poursuite de la géolocalisation dudit véhicule ne mentionne ni l'imminence du risque de dépérissement des preuves rendant nécessaire le recours à la procédure d'urgence prévue à l'article 230-35 du code de procédure pénale ni en quoi les éléments précités étaient de nature à faire craindre un dépérissement des preuves ou une atteinte grave aux personnes ou aux biens.
58. D'autre part, la chambre de l'instruction, saisie d'une requête en annulation de cette décision prise par le juge d'instruction, au motif du défaut de motivation de cette dernière conformément aux exigences légales, ne peut substituer sa propre motivation à celle de ce magistrat.
59. Dès lors, la délégation précitée ne saurait s'analyser en une autorisation régulière de poursuite des opérations précédemment engagées par l'officier de police judiciaire.
60. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Crim. 11 mai 2021 n° 20-86.182 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° Q 20-86.182 F-P et N° V 20-82.415
N° 00549
ECF 11 MAI 2021
CASSATION PARTIELLE
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 11 MAI 2021
M. [J] [C] a formé un pourvoi contre l'arrêt n° 178/2020 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 2 mars 2020, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs notamment de recel en bande organisée en récidive, infractions à la législation sur les armes en récidive, association de malfaiteurs en récidive, a prononcé avant dire droit sur la nullité d'actes de la procédure.
M. [J] [C] et le procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence ont formé des pourvois contre l'arrêt n° 826/2020 de la chambre de l'instruction de ladite cour d'appel, en date du 19 octobre 2020, qui, dans l'information suivie contre le premier des chefs précités, a prononcé sur sa demande d'annulation d'actes de la procédure.
Par ordonnance en date du 18 décembre 2020, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat des pourvois formés contre l'arrêt du 19 octobre 2020 et a joint les pourvois formés contre cet arrêt.
Par ordonnance en date du 18 février 2021, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi formé contre l'arrêt du 2 mars 2020 et a joint celui-ci aux pourvois formés contre l'arrêt du 19 octobre 2020.
Des mémoires et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Labrousse, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [J] [C], et les conclusions de M. Desportes, premier avocat général, l'avocat du demandeur ayant eu la parole en dernier, après débats en l'audience publique du 30 mars 2021 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Labrousse, conseiller rapporteur, M. Bonnal, conseiller de la chambre, M. Desportes, premier avocat général, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 8 février 2018, le procureur de la République a ordonné une enquête préliminaire sur des faits d'association de malfaiteurs en vue de commettre une tentative d'extorsion à l'encontre d'un entrepreneur.
3. A l'issue de cette enquête préliminaire, par réquisitoire en date du 4 mai 2018, le procureur de la République a ouvert une information judiciaire contre personne non dénommée des chefs de tentatives d'extorsion en bande organisée, non-justification de ressources, association de malfaiteurs en vue de commettre notamment les crimes de tentatives d'extorsion de fonds en bande organisée.
4. Le 13 septembre 2018, M. [C], susceptible d'être mis en cause dans le cadre de cette information judiciaire, a été l'objet d'une tentative d'assassinat.
5. Par réquisitoire supplétif en date du 25 octobre 2018, la saisine du juge d'instruction a été étendue à des faits commis courant 2018 et jusqu'au 19 octobre 2018 de non-justification de ressources aggravée, recel en bande organisée, infractions à la législation sur les armes, association de malfaiteurs en vue de la préparation et la commission de crimes et de délits, en particulier d'homicide volontaire avec préméditation en bande organisée, en récidive.
6. Le 25 octobre 2018, M. [C] a été mis en examen des chefs précités.
7. Le 19 avril 2019, il a déposé une requête en nullité d'actes de la procédure en exposant notamment que depuis sa tentative d'assassinat, les enquêteurs avaient effectué, hors saisine, des investigations sur la préparation d'une action criminelle en représailles de celle-ci, faits sans lien avec les extorsions de fonds et trafic de stupéfiants visés au réquisitoire introductif.
8. A l'issue de l'audience devant la chambre de l'instruction qui s'est tenue le 6 janvier 2020, l'affaire a été mise en délibéré.
9. Durant le délibéré, la chambre de l'instruction a constaté qu'avaient été versés en procédure un réquisitoire supplétif en date du 17 octobre 2018 faisant mention de faits nouveaux, à savoir une « enquête préliminaire diligentée par la DRPJ Ajaccio - Antenne Bastia, sous le n° de PV 2018/236 » ainsi que les procès-verbaux de cette enquête, datés du 10 octobre 2018 au 16 octobre 2018.
10. Après une deuxième audience au cours de laquelle ont été recueillies les observations des parties, le 3 février 2020, l'affaire a été mise à nouveau en délibéré.
11. Par arrêt en date du 2 mars 2020, la chambre de l'instruction, avant dire droit, a invité le juge d'instruction à verser en procédure toutes les pièces qui seraient de nature à confirmer ou à infirmer la date d'établissement du réquisitoire supplétif et de l'enquête préliminaire précités et à exposer par une note versée au dossier les circonstances et les motifs de leur versement et de leur cotation tardifs.
12. Le 3 avril 2020, le juge d'instruction a versé en procédure une telle note.
Sur le premier moyen du pourvoi formé contre l'arrêt en date du 19 octobre 2020, proposé pour M. [C]
13. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le moyen unique du pourvoi formé contre l'arrêt en date du 2 mars 2020
Enoncé du moyen
14. Le moyen critique l'arrêt attaqué du 2 mars 2020 en ce qu'il a invité le magistrat instructeur à veiller à ce que soient versées au dossier de la procédure dans les meilleurs délais toutes les pièces, notamment établies par le ou les services en charge de l'exécution des commissions rogatoires qu'il a décernées, qui seraient de nature à confirmer ou à infirmer la date d'établissement des pièces cotées D4366 à D4547 et a indiqué que ce magistrat pourrait exposer par une note versée au dossier tous éléments de nature à éclairer les circonstances et les motifs de leur versement et de leur cotation tardifs sans se prononcer sur les nullités dont la chambre de l'instruction était saisie, alors :
« 1°/ que lorsque la chambre de l'instruction est avisée que des pièces sont manquantes, elle doit renvoyer l'affaire à une date ultérieure ; que lorsque des pièces sont disparues ou égarées, il convient de procéder conformément aux articles 648 et suivants du code de procédure pénale ; qu'en l'espèce l'ajout au dossier, en cours de délibéré dans des conditions non révélées par l'arrêt attaqué, de pièces nouvelles, dont le ministère public ni quiconque d'autre n'avait signalé à la chambre de l'instruction qu'elles étaient manquantes ou égarées, est irrégulier et porte directement atteinte aux droits de la défense en raison du caractère occulte de la procédure suivie pour faire arriver ces pièces ; que l'arrêt attaqué ne pouvait en conséquence se fonder sur les pièces irrégulièrement parvenues au dossier ; qu'il a ainsi violé les articles préliminaire et 197, dernier alinéa, 648 et suivants du code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
2°/ qu'il appartient à la chambre de l'instruction de se prononcer en l'état du dossier tel qu'il lui est soumis et si elle découvre une cause de nullité, de prononcer la nullité de l'acte qui en est entaché ; qu'en l'espèce la chambre de l'instruction, dans son arrêt du 2 mars 2020, constate, après avoir ajouté ou fait ajouter de nouvelles pièces qui ne figuraient pas au dossier de l'information, qu'elle ne peut s'assurer de la date d'établissement de ces pièces et notamment du réquisitoire supplétif justifiant de l'élargissement de la saisine du juge d'instruction ; qu'elle ne pouvait dès lors que prononcer la nullité du réquisitoire supplétif, et des actes de procédure effectués hors saisine faute de date certaine sur la transmission au juge d'instruction du réquisitoire supplétif ; qu'en refusant d'annuler la procédure la chambre de l'instruction a violé les articles 80, 170, 197, 206, 592 et 593 du code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
3°/ que la chambre de l'instruction est seule compétente durant l'instruction préparatoire pour apprécier la régularité des actes de l'information ; que le juge d'instruction ne peut se faire juge de la régularité des actes qu'il accomplit ; qu'en demandant au juge d'instruction une note « d'explication » sur les actes cotés à son dossier, la chambre de l'instruction a méconnu ses propres pouvoirs, les principes d'équité et d'impartialité et ainsi violé les articles préliminaire, 170 et suivants, 206 du code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
4°/ qu'en donnant injonction au juge d'instruction de compléter le dossier de l'information judiciaire, c'est-à-dire de réaliser des actes d'information supplémentaires au sens de l'article 201 du code de procédure pénale, sans avoir au préalable évoqué la procédure, la chambre de l'instruction a excédé ses pouvoirs et violé l'article 206 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
15. Pour ne pas prononcer sur la nullité, en l'état du dossier mis à disposition des parties en vue de l'audience du 6 janvier 2020, et inviter le juge d'instruction à compléter la procédure des pièces dont il serait en possession ainsi qu'à exposer dans une note versée au dossier les raisons du versement durant le délibéré du réquisitoire supplétif et des pièces de l'enquête préliminaire précités, l'arrêt énonce qu'en raison des contestations soulevées sur la date réelle d'établissement de ces pièces et des moyens qui en sont tirés, il convient de recueillir tous éléments de nature à confirmer ou à infirmer leur date d'établissement et à éclairer les circonstances et les motifs de leur versement au dossier en janvier 2020.
16. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction, qui a fait l'exacte application de l'article 197, alinéa 4, du code de procédure pénale, n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.
17. En effet, en premier lieu, aucune disposition légale ou conventionnelle n'interdit à la chambre de l'instruction, lors de l'examen d'une requête en nullité, de prononcer au vu de pièces versées au dossier en cours de délibéré, à la condition de rouvrir les débats afin de soumettre celles-ci au débat contradictoire.
18. Par voie de conséquence, dès lors que la chambre de l'instruction constatait que les pièces cotées D4386 à D4547 avaient été versées en procédure durant le délibéré, de sorte que le dossier mis à la disposition des parties lors de l'audience du 6 janvier 2020 était incomplet, c'est à bon droit qu'elle a renvoyé l'affaire à une audience ultérieure, sans statuer sur la requête, après avoir estimé que la connaissance de ces pièces était indispensable à son examen.
19. En deuxième lieu, la chambre de l'instruction n'a pas méconnu ses pouvoirs en invitant le juge d'instruction à préciser dans une note versée au dossier les circonstances du versement en cours de délibéré du réquisitoire supplétif et des pièces de l'enquête préliminaire sur lequel il repose.
20. Une telle note ne constitue pas en effet un acte juridictionnel du juge d'instruction par lequel il statuerait lui-même sur la régularité de la procédure.
21. Enfin, ne constitue pas un acte d'information complémentaire, au sens de l'article 201 du code de procédure pénale, l'invitation faite au juge d'instruction de verser en procédure les pièces qui seraient en sa possession.
22. Dès lors, le moyen ne peut être accueilli.
Sur le deuxième moyen du pourvoi formé contre l'arrêt en date du 19 octobre 2020, proposé pour M. [C]
Enoncé du moyen
23. Le deuxième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il n'a annulé que partiellement les actes de la procédure et a rejeté les demandes présentées dans l'intérêt de M. [C], alors « que la procédure doit être équitable et contradictoire et préserver l'équilibre des droits des parties et celui d'être entendu par une juridiction indépendante et impartiale et de bénéficier d'un recours juridictionnel effectif ; que le juge d'instruction ne peut, sous quelque forme que ce soit, intervenir dans les débats devant la chambre de l'instruction pour défendre la régularité des actes qu'il a accomplis ; qu'en l'espèce le juge d'instruction a établi une « note », par laquelle il répond et argumente sur les moyens soulevés par la défense dans la requête en nullité et les mémoires complémentaires ; qu'en se prononçant au vu de cette note établie à sa demande, versée au dossier, la chambre de l'instruction a méconnu les règles fondamentales d'équité du procès, d'impartialité et d'indépendance des juridictions, d'effectivité du droit au recours et violé les articles 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, préliminaire du code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
24. Le moyen, en ce qu'il reproche à la chambre de l'instruction de s'être prononcée au vu de la note établie par le juge d'instruction, manque en fait, les juges n'ayant pas motivé leur décision en se référant à ce document.
Sur les troisième et quatrième moyens du pourvoi formé contre l'arrêt en date du 19 octobre 2020, proposés pour M. [C]
Énoncé des moyens
25. Le troisième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a refusé de constater la nullité des pièces rajoutées au dossier, soit le réquisitoire supplétif daté du 17 octobre 2018 et les pièces qui y auraient été annexées, et de prononcer la nullité des actes d'enquête effectués sur commission rogatoire à partir du 11 octobre 2018, hors saisine, en l'absence de réquisitoire supplétif communiqué au juge d'instruction et élargissant sa compétence, alors :
« 1°/ que lorsque la chambre de l'instruction est avisée que des pièces sont manquantes, elle doit renvoyer l'affaire à une date ultérieure ; que lorsque des pièces sont disparues ou égarées, il convient de procéder conformément aux articles 648 et suivants du code de procédure pénale ; qu'en l'espèce l'ajout au dossier, en cours de délibéré dans des conditions non révélées par l'arrêt attaqué, de pièces nouvelles, dont le ministère public ni quiconque d'autre n'avait signalé à la chambre de l'instruction qu'elles étaient manquantes ou égarées, est irrégulier et porte directement atteinte aux droits de la défense en raison du caractère occulte de la procédure suivie pour faire arriver ces pièces ; que l'arrêt attaqué ne pouvait en conséquence se fonder sur les pièces irrégulièrement parvenues au dossier ; qu'il a ainsi violé les articles préliminaire et 197, dernier alinéa, du code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
2°/ qu'en toute hypothèse l'existence d'une pièce absente du dossier ne peut être établie que si d'autres pièces mentionnent son existence et en reproduisent la teneur ; qu'en l'espèce l'arrêt constate que le réquisitoire supplétif du 17 octobre 2018 et les pièces sur lesquelles il se fonde ne sont apparus au dossier que quinze mois après la date qu'ils portent ; que l'arrêt attaqué considère cependant que l'existence de ces pièces à la date qu'elles portent et leur communication au juge d'instruction et aux enquêteurs résultent du visa, dans la commission rogatoire du 18 octobre 2018 et dans le procès-verbal « prenant acte de l'élargissement de la saisine » du réquisitoire du 17 octobre 2018 ; que toutefois ces simples visas, qui ne reproduisent pas la teneur des actes manquants, notamment des pièces jointes au réquisitoire qui selon l'arrêt lui-même déterminent l'objet et l'étendue de la saisine, ne suffisent pas à établir que le juge d'instruction ait été dès le 18 octobre 2018 en possession desdites pièces ; qu'en décidant le contraire l'arrêt attaqué s'est mis en contradiction avec les pièces du dossier et a violé les articles 592 et 593 du code de procédure pénale ;
3°/ qu'au surplus un procès-verbal fait foi de ce qu'il constate et non de ce qu'il ne constate pas ; qu'en l'espèce le procès-verbal visé par l'arrêt mentionne pour objet : « Réception d'une nouvelle pièce » et constate la réception de la seule commission rogatoire visant le réquisitoire supplétif, mais non la réception du réquisitoire supplétif ni des pièces qui y sont jointes ; qu'en déduisant de ce que le procès-verbal ne mentionnait pas ne pas avoir reçu le réquisitoire supplétif et les pièces jointes que les enquêteurs en avaient bien été destinataires, pour en conclure que le juge d'instruction leur envoyant ces éléments en disposait nécessairement, l'arrêt attaqué a violé l'article 429 du code de procédure pénale et s'est mis en contradiction avec les pièces du dossier en violation des articles 592 et 593 du même code ;
4°/ que M. [C] faisait valoir dans des mémoires régulièrement déposés que les procès-verbaux des enquêteurs ne visaient que la commission rogatoire et non le réquisitoire du 17 octobre 2018 dont ils ne reproduisaient pas la teneur ; que ce réquisitoire, absent du dossier jusqu'à son apparition en cours de délibéré devant la chambre de l'instruction, n'était mentionné ni dans le réquisitoire supplétif du 25 octobre 2018 ni dans l'ordonnance de soit-communiqué le précédant, ni dans l'interrogatoire de première comparution de M. [C], ni dans l'ordonnance de saisine du juge des libertés et de la détention consécutive, ni dans le procès-verbal de débat contradictoire devant le juge des libertés et de la détention, ni dans le premier réquisitoire du parquet général du 30 décembre 2019 devant la chambre de l'instruction devant laquelle était invoqué le défaut de saisine du juge d'instruction ; que ce réquisitoire n'était coté au dossier ainsi que ses pièces jointes qu'après les actes d'exécution de la commission rogatoire, après l'interrogatoire de première comparution et après les actes susmentionnés ; qu'il n'avait été coté au dossier qu'après l'audience du 6 janvier 2020 ; qu'en déduisant l'existence du réquisitoire du 17 octobre 2018 et sa communication au juge d'instruction dès cette date des visas figurant sur deux pièces au dossier sans s'expliquer sur le silence de toutes les autres pièces de la procédure et notamment celles invoquées par la défense, ni sur la cotation tardive dudit réquisitoire et de ses annexes au dossier, la chambre de l'instruction n'a pas suffisamment motivé sa décision et l'a privée de base légale au regard de l'article 80 du code de procédure pénale. »
26. Le quatrième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a refusé d'annuler le réquisitoire supplétif du 17 octobre 2018 et toute la procédure subséquente, alors :
« 1°/ qu'est nul le réquisitoire dont le contenu est équivoque et qui ne permet pas de déterminer l'objet exact et l'étendue de la saisine du juge d'instruction ; qu'en l'absence d'énoncé par le réquisitoire lui-même des faits, seul le visa précis des pièces qui y sont annexées et leur transmission au juge d'instruction avec ledit réquisitoire permet de déterminer l'objet exact et l'étendue de la saisine ; qu'en l'espèce il résulte des propres mentions de l'arrêt attaqué que le réquisitoire du 17 octobre 2018 ne vise que « la procédure en cours » et se réfère à une « enquête préliminaire diligentée par la DRPJ AJACCIO - Antenne BASTIA sous le n° de PV 2018/236 », sans viser les pièces de cette enquête préliminaire ni mentionner qu'elles sont jointes ; que la commission rogatoire du 18 octobre 2018 ne vise que le réquisitoire supplétif sans viser aucune pièce jointe ; que de même le procès-verbal du 18 octobre 2018 coté D2780 accusant réception de la seule commission rogatoire ne mentionne ni ne vise aucune pièce jointe au réquisitoire supplétif ; que les pièces prétendument jointes au réquisitoire supplétif ne sont apparues au dossier avec le réquisitoire qu'après le retour de la commission rogatoire du 18 octobre 2018 ; que ces pièces sont cotées après les actes d'exécution de ladite commission rogatoire et ne sont visées par aucun autre acte antérieur à leur apparition au dossier suite à l'audience du 6 janvier 2020 devant la chambre de l'instruction ; qu'en affirmant néanmoins que ce réquisitoire supplétif visait des pièces qui y étaient jointes, qu'il n'existait aucun doute sur la réalité de la transmission de ces pièces au magistrat instructeur avec le réquisitoire supplétif et que l'étendue de la saisine du juge d'instruction avait ainsi été déterminée sans ambiguïté, l'arrêt attaqué s'est mis en contradiction avec les pièces du dossier en violation de l'article 593 du code de procédure pénale et a violé l'article 80 du code de procédure pénale ;
2°/ que M. [C] faisait valoir dans des mémoires régulièrement déposés que les prétendues pièces jointes au réquisitoire supplétif du 17 octobre 2018, absentes du dossier jusqu'à leur apparition en cours de délibéré devant la chambre de l'instruction, n'étaient visées ou mentionnées ni dans l'ordonnance de soit-communiqué précédant le réquisitoire supplétif du 25 octobre 2018, ni dans les réquisitions aux fins de placement en détention provisoire du 25 octobre 2018, ni dans l'ordonnance de saisine du juge des libertés et de la détention du 25 octobre 2018, ni dans les réquisitions aux fins de prolongation de la détention provisoire du 16 septembre 2019, ni dans l'ordonnance de saisine du juge des libertés et de la détention du 17 septembre 2019, ni dans le premier réquisitoire du parquet général du 30 décembre 2019 devant la chambre de l'instruction devant laquelle était invoqué le défaut de saisine du juge d'instruction ; que les pièces jointes au réquisitoire supplétif n'avaient été cotées au dossier qu'en même temps que ce réquisitoire, soit après les actes d'exécution de la commission rogatoire, après l'interrogatoire de première comparution et après les actes susmentionnés ; qu'elles n'avait été coté au dossier qu'après l'audience du 6 janvier 2020 ; qu'en affirmant néanmoins qu'il n'existait aucun doute sur la réalité de la transmission des pièces jointes au magistrat instructeur avec le réquisitoire supplétif et que l'étendue de la saisine du juge d'instruction avait ainsi été déterminée sans ambiguïté, sans s'expliquer sur le silence de toutes les autres pièces de la procédure et notamment celles invoquées par la défense, ni sur la cotation tardive des prétendues pièces jointes, la chambre de l'instruction n'a pas suffisamment motivé sa décision et l'a privée de base légale au regard de l'article 80 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
27. Les moyens sont réunis
Sur le troisième moyen, pris en sa première branche
28. Le moyen se borne à reprendre l'argumentation du moyen unique du pourvoi formé contre l'arrêt du 2 mars 2020.
29. Il ne peut dès lors être accueilli, pour les raisons mentionnées aux paragraphes 17 à 21.
Sur le troisième moyen, pris en ses autres branches, et sur le quatrième moyen
30. Pour écarter la nullité du réquisitoire supplétif du 17 octobre 2018 et des pièces de la procédure annexées, prise du caractère incertain de sa date, l'arrêt énonce que le visa et la teneur de ce réquisitoire établissent suffisamment que le procureur de la République avait reçu, lu et analysé les pièces sur lesquelles il s'est fondé pour délivrer celui-ci, à savoir la procédure n° 2018/236 établie par l'antenne de [Localité 1] de la direction régionale de la police judiciaire d'[Localité 2].
31. Les juges ajoutent qu'il résulte des pièces de la procédure que dès le lendemain de ce réquisitoire, soit le 18 octobre 2018, le juge d'instruction a adressé aux enquêteurs une commission rogatoire complémentaire qui portait mention de la jonction à cet acte du réquisitoire supplétif et qu'en outre plusieurs pièces établies par ces enquêteurs, pour l'exécution de ce mandat judiciaire, font expressément référence à ce réquisitoire supplétif.
32. Ils en déduisent que, s'il peut être regretté que ce réquisitoire et les pièces sur lesquelles il est fondé aient été versés en procédure quinze mois plus tard, les éléments du dossier permettent de tenir pour établi, de façon certaine, que cet acte et ces pièces existaient à la date qu'ils portent.
33. Examinant ensuite la régularité dudit réquisitoire, ils relèvent que celui-ci vise explicitement les pièces de l'enquête préliminaire diligentée par la direction régionale de la police judiciaire d'[Localité 2] (antenne de [Localité 1]) sous le numéro de PV 2018/236 et que ces pièces sont cotées à sa suite (D4366 pour le réquisitoire et D4367 à D4547 pour les pièces).
34. Ils en concluent que le ministère public a bien saisi le juge d'instruction des faits visés par ce réquisitoire supplétif avec ses pièces jointes, lesquelles permettent de déterminer sans ambiguïté l'objet exact et l'étendue de la saisine du juge d'instruction.
35. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a, sans insuffisance, justifié sa décision.
36. En effet, d'une part, la date apposée par un magistrat sur un acte de procédure et authentifiée par sa signature fait foi jusqu'à inscription de faux.
37. Dès lors, en l'absence d'une telle procédure, il ne peut être contesté que le procureur de la République a bien établi le réquisitoire supplétif daté du 17 octobre 2018 ce jour-là et, le juge d'instruction, la commission rogatoire datée du lendemain, à cette date-là.
38. D'autre part, la circonstance que, contrairement aux prescriptions du deuxième alinéa de l'article 81 du code de procédure pénale, les pièces du dossier n'aient pas été cotées au fur et à mesure de leur rédaction ou de leur réception par le juge d'instruction n'est pas, en soi, une cause de nullité de la procédure.
39. Enfin, un réquisitoire introductif ne peut être annulé que s'il ne satisfait pas en la forme aux conditions essentielles de son existence légale.
40. Dès lors, les moyens peuvent être écartés.
Sur le cinquième moyen du pourvoi formé contre l'arrêt en date du 19 octobre 2020, proposé pour M. [C]
Énoncé du moyen
41. Le cinquième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté le moyen tiré de l'irrégularité de la géolocalisation du véhicule Mercedes utilisé par M. [C], et a refusé de prononcer la nullité des actes relatifs à cette géolocalisation et des actes qui leur sont subséquents, alors :
« 1°/ que les opérations de géolocalisation doivent être conduites sous le contrôle du magistrat qui les a autorisées ; qu'un procès-verbal doit être dressé par l'officier de police judiciaire pour chaque opération de mise en place du dispositif de géolocalisation, mentionnant la date et l'heure auxquelles l'opération a commencé et celles auxquelles elle s'est terminée ; qu'il en est de même pour les opérations d'enregistrement ; que ces dispositions touchent directement à la compétence du magistrat qui a autorisé la mesure puisqu'elles sont destinées à lui permettre d'exercer son contrôle ; que l'inobservation de ces formalités doit dès lors être sanctionnée par la nullité ; qu'en l'espèce il résulte des pièces du dossier comme des mentions de l'arrêt attaqué que la date et l'heure de la pose du dispositif sur le véhicule utilisé par M. [C] comme la date et l'heure du début de l'enregistrement ne sont pas précisées ; qu'en déclarant néanmoins qu'il a été satisfait aux exigences légales et jurisprudentielles et qu'aucune irrégularité ne justifie l'annulation de la procédure, l'arrêt attaqué a violé les articles 230-32, 230-37, 230-38, 170 et 173 du code de procédure pénale, 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
2°/ que l'arrêt attaqué qui ne comporte aucune explication sur l'absence de la date et de l'heure de la pose du dispositif et l'absence de la date et de l'heure du début d'enregistrement, dénoncée dans la requête en nullité, est privé de motif en violation des articles 592 et 593 du code de procédure pénale ;
3°/ que les opérations de géolocalisation doivent être conduites sous le contrôle du magistrat qui les a autorisées ; que la géolocalisation est mise en place par l'officier de police judiciaire ou sous sa responsabilité par un agent de police judiciaire, l'officier de police judiciaire commis par le juge d'instruction pouvant requérir tout agent qualifié d'un service, d'une unité ou d'un organisme placé sous l'autorité du ministre de l'intérieur et dont la liste est fixée par décret, en vue de procéder à l'installation du matériel de géolocalisation sur le véhicule à surveiller ; que, pour permettre le contrôle du magistrat, le procès-verbal dressé par l'officier de police relatant les opérations de géolocalisation doit mentionner l'identité de celui ou ceux qui procèdent à la mise en place du dispositif de géolocalisation ; que ces dispositions touchent directement à la compétence du magistrat qui a autorisé la mesure puisqu'elles sont destinées à lui permettre d'exercer son contrôle ; que l'inobservation de ces formalités doit dès lors être sanctionnée par la nullité ; qu'en l'espèce il résulte des pièces du dossier comme des mentions de l'arrêt attaqué que l'identité de celui ou ceux qui ont procédé à la mise en place du dispositif de géolocalisation sur le véhicule utilisé par M. [C] n'est pas précisée ; que ces irrégularités portent nécessairement atteinte au droit au respect de la vie privée de l'exposant ; qu'en déclarant néanmoins qu'il a été satisfait aux exigences légales et jurisprudentielles et qu'aucune irrégularité ne justifie l'annulation de la procédure, l'arrêt attaqué a violé les articles 230-32, 230-36, 230-37, 230-38, 170 et 173 du code de procédure pénale, 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
4°/ que l'arrêt attaqué qui ne comporte pas la moindre explication sur l'absence de mention de l'identité de celui ou ceux qui ont procédé à la mise en place du dispositif de géolocalisation sur le véhicule utilisé par M. [C], dénoncée dans la requête en nullité, est privé de motif en violation des articles 592 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
42. Pour écarter la nullité des opérations de géolocalisation du véhicule de M. [C], l'arrêt énonce qu'il résulte des éléments de la procédure que la pose du dispositif a été réalisée le 6 août 2018, alors que le véhicule était stationné [Adresse 1], l'officier de police judiciaire en étant informé à 12 heures par le technicien dûment habilité de la direction centrale de la police judiciaire.
43. Les juges ajoutent que l'enregistrement des données de géolocalisation a porté sur la période du 6 août 2018 au 13 septembre 2018, le matériel ayant été retiré le 14 septembre 2018.
44. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision.
45. En effet, le demandeur ne saurait se faire un grief que ne figure en procédure ni l'heure de l'installation effective du dispositif mais seule celle à laquelle l'officier de police judiciaire en a été informé, ni celle de début d'enregistrement, pour les raisons suivantes.
46. D'une part, il résulte des mentions des procès-verbaux que les opérations de mise en place du dispositif de géolocalisation n'ont eu lieu ni en urgence, en application de l'article 230-35 du code de procédure pénale et ne nécessitaient dès lors pas une décision écrite du magistrat dans un délai de vingt-quatre heures pour la poursuite des opérations, ni dans un lieu privé, au sens de l'article 230-34 dudit code, imposant une autorisation écrite du juge d'instruction ou du juge des libertés et de la détention, selon l'heure de pose.
47. D'autre part, les données de géolocalisation exploitées en procédure ont été enregistrées le 7 août 2018 et le 4 septembre 2018, soit durant la période d'enregistrement mentionnée au procès-verbal.
48. Enfin, il résulte de l'article 230-36 du code de procédure pénale que seule doit figurer en procédure la mention du service auquel appartient l'agent ayant procédé à l'opération, qui doit être un de ceux énumérés à l'article D 15-1-7 du code précité.
49. Tel est le cas en l'espèce.
50. Le moyen n'est dès lors pas fondé.
Sur le septième moyen du pourvoi formé contre l'arrêt en date du 19 octobre 2020, proposé pour M. [C]
Enoncé du moyen
51. Le septième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a refusé d'annuler le versement au dossier de la procédure de l'intégralité des enregistrements réalisés dans le cadre d'une autre procédure lors de la sonorisation d'une cellule à la prison des Baumettes ainsi que les actes d'exploitation de cet enregistrement et tous les actes subséquents, alors « que selon l'article 706-96 du code de procédure pénale dans sa rédaction résultant de la loi 2015-993 du 17 août 2015, applicable en l'espèce, la mise en place des dispositifs techniques autorisant l'enregistrement sans leur consentement de paroles prononcées par une ou plusieurs personnes à titre privé est autorisée dans le cadre d'une information ouverte concernant un crime ou un délit entrant dans le champ d'application des articles 706-73 et 706-73-1 lorsque les nécessités de cette information l'exigent ; que selon l'article 706-101 dans sa version issue de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004, applicable en l'espèce seules sont transcrites dans un procès-verbal versé au dossier les conversations enregistrées, utiles à la manifestation de la vérité, l'article 706-100, dans sa rédaction issue de la même loi prévoyant pour sa part que les enregistrements sont placés sous scellés fermés ; qu'aucun texte ne prévoit que les enregistrements ainsi autorisés dans le cadre d'une procédure et au regard des nécessités de cette procédure puissent, malgré leur mise sous scellés fermés, être copiés, puis versés au dossier d'une autre procédure et exploités directement pour les besoins de cette procédure ouverte contre une personne dont les propos ont été à cette occasion enregistrés ; qu'en décidant le contraire l'arrêt attaqué a violé les articles 81, alinéa 1er, et 151, 706-96 susvisé, 706-100 et 706-101 susvisés du code de procédure pénale, 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
52. Pour écarter la nullité de l'exploitation par les enquêteurs d'une copie réalisée par un expert du scellé de la sonorisation de la cellule d'un détenu à la prison des Baumettes ordonnée dans une procédure distincte, l'arrêt énonce que cette exploitation a été effectuée dans le cadre d'une commission rogatoire du juge d'instruction, sous l'autorité et le contrôle effectif de ce magistrat et que seules les conversations utiles à la manifestation de la vérité sur les faits, objet du présent dossier ont été retranscrites.
53. Les juges ajoutent que cette exploitation a été réalisée conformément aux dispositions des articles 81, alinéa 1er, et 151 et suivants du code de procédure pénale.
54. Ils soulignent encore que ces investigations, diligentées dans le cadre d'une instruction portant sur des faits de tentative d'extorsion en bande organisée, d'association de malfaiteurs en vue de commettre des crimes en bande organisée et des délits punis de dix ans d'emprisonnement et de non- justification de ressources, infractions d'une particulière gravité relevant de la criminalité organisée, n'ont pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée des personnes concernées.
55. En l'état de ces énonciations, la chambre de l'instruction a justifié sa décision.
56. En effet, aucune disposition conventionnelle ou légale n'interdit au juge d'instruction, agissant en application de l'article 81 du code de procédure pénale, d'exploiter dans le cadre d'une procédure pénale une mesure de sonorisation ordonnée dans le cadre d'une autre procédure.
57. Le moyen ne peut dès lors être accueilli.
Sur les premier et second moyens de cassation du pourvoi formé contre l'arrêt en date du 19 octobre 2020, proposés par le procureur général
Enoncé des moyens
58. Le premier moyen est pris de la violation des articles préliminaire, 171, 173, 591, 802 du code de procédure pénale.
59. Il fait grief à l'arrêt d'avoir ordonné l'annulation de l'interrogatoire de première comparution de M. [C] et de sa mise en examen alors qu'en application des dispositions susvisées, il appartenait à la chambre de l'instruction de vérifier si l'absence en procédure du réquisitoire supplétif du 17 octobre 2018 et des pièces annexées, au moment de la première comparution de l'intéressé, était de nature à lui porter grief.
60. Le second moyen est pris de la violation des articles préliminaire, 171,173, 591,802 du code de procédure pénale.
61. Il reproche à l'arrêt d'avoir également annulé les interrogatoires de première comparution de M. [R] [X] et de M. [F] [B] et les pièces dont ils sont le support nécessaire alors qu'en application des dispositions susvisées, il appartenait à la chambre de l'instruction de vérifier si l'absence en procédure du réquisitoire supplétif du 17 octobre 2018 et des pièces annexées, au moment de la première comparution des intéressés, était de nature à leur porter grief.
Réponse de la Cour
62. Les moyens sont réunis.
63. Pour prononcer l'annulation de l'interrogatoire de première comparution de M. [C] et de sa mise en examen, l'arrêt énonce que la teneur des pièces sur la base desquelles le réquisitoire du 17 octobre 2018 a été pris n'était aucunement accessible à l'intéressé et à sa défense lors de ces actes.
64. Les juges en déduisent qu'au regard du principe du contradictoire, il y a lieu de constater que l'absence de mise à disposition d'une partie de la procédure avant l'interrogatoire de première comparution porte nécessairement atteinte aux droits de l'intéressé, peu important qu'il ait exercé son droit de garder le silence, fait des déclarations ou accepté de répondre à des questions.
65. Ils ajoutent que cette cause d'irrégularité de la procédure n'étant pas propre au seul requérant, les conséquences en seront tirées à l'égard de M. [X] et de M. [B].
66. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application des textes visés aux moyens.
67. En effet, l'absence de mise à la disposition des parties et de leurs conseils des pièces de l'enquête sur la base desquelles le réquisitoire supplétif du 17 octobre 2018 a été délivré, déterminantes de l'étendue de la saisine du juge d'instruction et de leur mise en examen, ainsi que le défaut de mention de ce réquisitoire dans les procès-verbaux des interrogatoires de première comparution des personnes mises en examen précitées, ont nécessairement porté atteinte aux droits de la défense.
68. Il s'ensuit que les moyens ne peuvent être accueillis.
Mais sur le sixième moyen du pourvoi formé contre l'arrêt en date du 19 octobre 2020, proposé pour M. [C]
Enoncé du moyen
69. Le sixième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a refusé d'annuler l'exploitation par un officier de police judiciaire, le 25 septembre 2018, d'une copie de travail des enregistrements provenant de la sonorisation d'une cellule à la prison des Baumettes postérieurement au placement sous scellés de ces enregistrements le 19 avril 2016, et tous les actes subséquents, alors « que les enregistrements issus de la sonorisation de lieux privés constituent des atteintes à la vie privée et familiale ; que les conditions de leur mise en place et de leur conservation doivent à ce titre, en vertu de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, être prévues par la loi ; que selon l'article 706-100 du code de procédure pénale dans sa version issue de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004, applicable en l'espèce, ces enregistrements doivent être placés sous scellés fermés ; que les officiers de police judiciaire ne peuvent détenir une copie de ces enregistrements que pour les besoins et dans le temps de l'exécution de la mission confiée par le juge d'instruction en application de l'article 706-96 du code de procédure pénale et qu'ils ne peuvent, une fois placés sous scellés fermés les enregistrements, en conserver une copie de travail pour en faire une exploitation ultérieure ; qu'en l'espèce l'arrêt constate que dans le cadre de la procédure diligentée par le juge [Q] l'officier de police judiciaire a conservé une copie de travail des enregistrements de la sonorisation de la cellule de M. [W] à la prison des Baumettes effectuée du 2 septembre 2015 au 2 mars 2016 et placés sous scellés le 19 avril 2016 ; que dans un rapport du 25 septembre 2018 le même service de police a informé le juge [Q] de la teneur d'échanges captés dans ces enregistrements, sans lien avec les faits dont le magistrat était saisi, mais révélateurs d'autres infractions ; qu'en refusant d'annuler ce rapport établi par le service de police qui avait conservé une copie de travail des enregistrements après leur mise sous scellés et après l'achèvement de la mission de sonorisation confiée par le juge d'instruction, l'arrêt attaqué a violé les articles 151, 706-96 susvisé et 706-100 susvisé du code de procédure pénale, 8 de la Convention européenne des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 706-100 du code de procédure pénale :
70. Aux termes de ce texte, les enregistrements sonores ou audiovisuels résultant de l'exploitation d'un dispositif de sonorisation ou de fixation d'images doivent être placés sous scellés.
71. Il s'ensuit que les officiers de police judiciaire ne peuvent détenir une copie de ces enregistrements que pour les besoins et dans le temps de l'exécution de la mission confiée par le juge d'instruction en application de l'article 706-96 du même code.
72. Pour ne pas faire droit à l'annulation de l'exploitation de la copie de travail des enregistrements effectués dans le cadre d'une procédure distincte, l'arrêt énonce que la conservation d'une telle copie, après la retranscription des seules conversations estimées utiles pour l'exécution du mandat judiciaire, n'affecte la régularité ni des opérations de sonorisation légalement ordonnées et réalisées ni du placement des enregistrements sous scellés fermés.
73. Les juges ajoutent que dans le procès-verbal critiqué les enquêteurs ont relaté à l'attention du juge d'instruction la teneur d'échanges captés dans le cadre de la sonorisation mise en place sur ses instructions du 2 septembre 2015 au 2 mars 2016 qui, pour être sans lien avec les faits dont ce magistrat était saisi, apparaissaient révélateurs d'autres infractions pénales d'une toute particulière gravité, notamment des homicides.
74. En statuant ainsi, alors qu'il résulte de ses propres constatations que les enquêteurs ont procédé à la rédaction de ce procès-verbal sur la base d'une copie de travail qu'ils avaient conservée alors qu'ils avaient achevé la mission que leur avait confiée le juge d'instruction, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.
75. La cassation est dès lors encourue de ce chef.
Crim. 5 mai 2021 n° 21-81.106
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° T 21-81.106 F-D
N° 00662
CG10 5 MAI 2021
CASSATION
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 5 MAI 2021
M. [G] [X] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 4 février 2021, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs de tentative d'assassinat, dégradation ou détérioration d'un bien et violences aggravées, a rejeté sa demande de mise en liberté.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. d'Huy, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [G] [X], et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 mai 2021 où étaient présents M. Soulard, président, M. d'Huy, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Guichard, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée, en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. [G] [X] a été mis en accusation devant la cour d'assises de Charente des chefs précités, par ordonnance du juge d'instruction du 18 janvier 2021.
3. Il a présenté une demande directe de mise en liberté à la chambre de l'instruction.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il comporte des mentions contradictoires sur la composition de la cour, alors que :
« 1°/ tout jugement ou arrêt doit établir la régularité de la composition de la juridiction qui l'a rendu et que la chambre de l'instruction est composée d'un président et de deux conseillers ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué énonce qu'à l'audience des débats a été entendu M. Perriquet, président de la chambre de l'instruction, en son rapport, quand il ressort par ailleurs des mentions de l'arrêt que la cour était composée lors des débats et du délibéré de Mme Macaire présidente de la chambre de l'instruction, Mme Bui-Van, conseiller et Mme Motyl, vice présidente placée, tous trois désignés conformément aux dispositions de l'article 191 du code de procédure pénale, et qui ont, à l'issue des débats, délibéré seuls conformément à l'article 200 dudit code ; qu'en l'état de ces mentions contradictoires, la chambre de l'instruction n'a pas mis la Cour de cassation en mesure de s'assurer de la régularité de la composition de la chambre de l'instruction et a violé les articles 191, 199 al.4, 591 et 592 du code de procédure pénale ;
2°/ il est donné lecture de l'arrêt par le président ou par l'un des conseillers qui ont assisté à l'audience et participé au délibéré ; que l'arrêt attaqué énonce qu'il a été donné lecture de l'arrêt par M. Perriquet, président de la chambre de l'instruction, quand il ressort par ailleurs des mentions de l'arrêt que la cour était composée lors des débats et du délibéré de Mme Macaire présidente de la chambre de l'instruction, Mme Bui-Van, conseiller et Mme Motyl, vice présidente placée ; qu'en l'état de ces mentions contradictoires, la chambre de l'instruction n'a pas mis la Cour de cassation en mesure de s'assurer de la régularité de la composition de la chambre de l'instruction et a violé les articles 191, 199 al.4, 591 et 592 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 486 et 592 du code de procédure pénale :
5. Il résulte de ces textes que tout jugement ou arrêt doit être signé par le président et le greffier et établir la régularité de la composition de la juridiction qui l'a rendu.
6. L'arrêt attaqué énonce que la chambre de l'instruction était composée lors des débats et du délibéré de Mme Macaire, présidente de la chambre de l'instruction, Mme Bui-Van, conseiller et Mme Motyl, vice-présidente placée. Il indique qu'à l'audience des débats, M. Perriquet, président de la chambre de l'instruction, a été entendu en son rapport et que, lors du prononcé de l'arrêt, il en a donné lecture et l'a signé.
7. En l'état de ces mentions contradictoires, la Cour de cassation n'est pas en mesure de s'assurer de la régularité de la composition de la juridiction.
8. La cassation est par conséquent encourue
Crim. 5 mai 2021 n° 20-82.447
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° E 20-82.447 F-D
N° 00532
SM12 5 MAI 2021
CAS. PART. PAR VOIE DE RETRANCH. SANS RENVOI
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 5 MAI 2021
M. [B] [K] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 24 février 2020, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 16 janvier 2019, n° 17-85.230), pour escroquerie, l'a condamné à huit mois d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Turcey, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [B] [K], et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 mars 2021 où étaient présents M. Soulard, président, M. Turcey, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le 13 mai 2009, la société Franfinance a porté plainte et s'est constituée partie civile du chef d'escroquerie, en faisant valoir qu'elle avait financé l'acquisition de panneaux photovoltaïques par des clients de la société Scci Ofer, qui lui avaient ensuite adressé des réclamations en indiquant que le matériel acheté n'avait pas été livré, bien que la société Scci Ofer lui ait transmis des attestations de livraison.
3. A l'issue de l'information judiciaire, M. [K] a été renvoyé devant le tribunal correctionnel du chef d'escroquerie pour avoir, par des manoeuvres frauduleuses, en présentant à la société Franfinance des dossiers de demande de déblocage de fonds comportant notamment des faux bons de livraison d'installation de panneaux photovoltaïques et des fausses factures, trompé la société Franfinance afin de la déterminer à lui verser les financements correspondant aux installations promises à ses clients. Par jugement du 23 février 2016, il a été condamné pour les faits reprochés à douze mois d'emprisonnement avec sursis et à verser des dommages-intérêts à certains des clients constitués parties civiles.
4. Il a relevé appel de cette décision. Le ministère public ainsi que certaines parties civiles ont formé appel incident.
5. La cour d'appel, par arrêt en date du 5 juillet 2017, l'a condamné pour complicité d'escroquerie, et a prononcé sur les intérêts civils.
6. Cet arrêt a été cassé en toutes ses dispositions par arrêt de la chambre criminelle en date du 16 janvier 2019 (pourvoi n° 17-85.230) qui a renvoyé l'affaire devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [K] coupable d'escroquerie, alors « que, s'il appartient aux juges répressifs de restituer aux faits dont ils sont saisis leur véritable qualification, c'est à la condition de n'y rien ajouter ou de ne pas substituer des faits distincts à ceux de la prévention, sauf acceptation expresse par le prévenu d'être jugé sur des faits et circonstances non compris dans la poursuite ; qu'en relevant, pour déclarer M. [K] coupable d'escroquerie, qu'il a mis en place l'opération frauduleuse poursuivie et qu'il donnait des instructions aux commerciaux et aux secrétaires, simples exécutants, lorsque, comme l'a rappelé la Cour de cassation dans son arrêt du 19 janvier 2019, les faits d'instructions au gérant et aux commerciaux ne peuvent établir que des actes de complicité non visés dans la poursuite et pour lesquels le prévenu n'a pas accepté d'être jugé, la cour d'appel a méconnu les articles 121-4, 121-5 et 313-1 du code pénal, préliminaire, 388, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
8. Pour déclarer le prévenu coupable d'escroquerie, l'arrêt attaqué énonce notamment qu'il a importé dans la société Scci Ofer, dont il était le directeur commercial, une pratique consistant à permettre le déblocage par anticipation des prêts finançant le matériel et les travaux, à l'insu du client, en adressant à la société Franfinance des bons de livraison signés en blanc par celui-ci dès la conclusion du contrat, alors que le matériel n'avait pas été installé ni même livré.
9. Les juges retiennent que M. [K] a été l'unique concepteur de l'opération frauduleuse qu'il avait initiée et mise en place, tant par la stratégie adoptée avec le total assentiment du gérant, que par le recrutement de collaborateurs rompus à cette pratique ou de nouveaux collaborateurs formés précisément en ce sens, qu'il disposait de l'autorité nécessaire pour donner des instructions aux simples exécutants, commerciaux ou secrétaires, les uns et les autres n'ayant aucune marge de manoeuvre, et qu'il a mis au point et fait prospérer un système dont il ne pouvait ignorer le caractère délictuel, vu son parcours professionnel et son expérience.
10. Ils ajoutent qu'en cas de réticence d'un client à signer le bon de livraison au moment de la commande, M. [K] pouvait se déplacer pour faire preuve de la persuasion qui avait alors fait défaut au commercial et emporter l'adhésion du client.
11. Ils en concluent qu'il a ainsi trompé la société Franfinance en la déterminant à verser des fonds.
12. En statuant ainsi, par des motifs qui caractérisent la participation personnelle, volontaire et directe du prévenu aux manoeuvres frauduleuses constitutives du délit d'escroquerie, la cour d'appel a justifié sa décision sans méconnaître aucun des textes visés au moyen.
13. Dès lors, le moyen doit être écarté.
Mais sur le second moyen
Enoncé du moyen
14. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré recevables et bien fondées les constitutions de partie civile de M. [C] et Mme [B] épouse [C], de M. [X], de M. [M], de Mme [D], de M. [E], de la succession [U], de M. [G], de M. [A], de M. [P], de M. [J], de M. [F], des consorts [A], de M. [R], de M. [Y] et de M. [L], alors « que, l'action civile n'étant ouverte qu'à ceux qui ont directement et personnellement souffert d'une infraction, les juges ne peuvent accorder la réparation du préjudice que s'il constitue la conséquence directe des agissements entrant dans la définition même de l'infraction ; qu'en déclarant recevables les constitutions de partie civile de M. [C] et Mme [B] épouse [C], de M. [X], M. [M], de Mme [D], de M. [E], de la succession [U], de M. [G], de M. [A], de M. [P], de M. [J], de M. [F], des consorts [A], de M. [R], de M. [Y] et de M. [L], lorsqu'il résulte de la prévention que les faits d'escroquerie ont été commis au préjudice de Franfinance, à qui le prévenu présentait des faux bons de livraison et fausses factures afin de la déterminer à verser des financements correspondant aux installations promises à ses clients et qu'ainsi, le préjudice de ceux-ci résultant de l'absence d'installation des panneaux photovoltaïques et de l'absence de versement de la subvention « énergie renouvelable », est indirect au sens de l'article 2 du code de procédure pénale, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée de ce texte et des articles 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 2 et 3 du code de procédure pénale : 15. Selon ces textes, seul le préjudice découlant directement des faits objet de la poursuite peut donner lieu à indemnisation.
16. Après avoir déclaré M. [K] coupable d'escroquerie, les juges ont alloué aux parties civiles visées au moyen, à l'exception de M. [M] et de Mme [D], des sommes en réparation de leur préjudice matériel et de leur préjudice moral.
17. En prononçant ainsi, alors que l'escroquerie consistant à se faire remettre par la société Franfinance, au moyen de manoeuvres frauduleuses, le montant des crédits à la consommation accordés aux clients de la société Scci Ofer, bien que le matériel commandé par ceux-ci n'ait pas été installé ou même livré, n'a causé un préjudice direct qu'à la société ayant versé les fonds, et que les préjudices invoqués par les parties civiles ne prennent pas leur source dans ce versement, mais dans l'inexécution par la Scci Ofer de ses obligations contractuelles à leur égard, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et du principe ci-dessus rappelé.
18. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Crim. 4 mai 2021 n° 20-86.284
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° A 20-86.284 F-D
N° 00519
MAS2 4 MAI 2021
CASSATION
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 4 MAI 2021
L'officier du ministère public près le tribunal de police de Paris a formé un pourvoi contre le jugement dudit tribunal, en date du 12 février 2020, qui a relaxé M. [B] [C] du chef d'arrêt ou de stationnement gênant de véhicule.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Bellenger, conseiller, et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 mars 2021 où étaient présents M. Soulard, président, M. Bellenger, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [B] [C] a été poursuivi devant le tribunal de police du chef d'arrêt ou de stationnement gênant de véhicule sur la voie publique.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. Le moyen est pris de la violation des articles 537 et 538 du code de procédure pénale.
4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a relaxé le prévenu, alors que la preuve contraire aux énonciations du procès-verbal n'avait pas été rapportée et qu'il appartenait au tribunal d'ordonner un supplément d'information aux fins de rechercher l'arrêté dont la violation était invoquée.
Réponse de la Cour
Vu l'article 593 du code de procédure pénale :
5. Selon ce texte, tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; l'insuffisance ou la contradiction de motifs équivaut à leur absence. 6. Pour relaxer le prévenu, le jugement attaqué énonce que force est de constater que les articles visés dans la prévention ne permettent pas de savoir quel est l'arrêté, en l'absence de toute date de celui-ci, alors au surplus que l'article R. 417-10, II, 10°, du code de la route, seul à mentionner l'existence d'un arrêté, se borne à préciser « sur une voie publique spécialement désignée par arrêté de l'autorité investie du pouvoir municipal » et que l'article L. 2213-2, 2°, du code général des collectivités territoriales est de même très général.
7. En statuant ainsi, le tribunal, à qui il incombait de rechercher ledit arrêté au besoin en ordonnant un supplément d'information, a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.
8. La cassation est par conséquent encourue.
Crim. 4 mai 2021 n° 21-81.027
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° H 21-81.027 F-D
N° 00644
ECF 4 MAI 2021
REJET
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 4 MAI 2021
M. [K] [P] a formé des pourvois contre l'arrêt n° 95/2021 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 4 février 2021, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants, blanchiment, association de malfaiteurs et infractions à la législation sur les armes, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention rejetant sa demande de mise en liberté.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Leblanc, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [K] [P], et les conclusions de M. Lemoine, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 mai 2021 où étaient présents M. Soulard, président, M. Leblanc, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. [P] a été mis en examen des chefs susvisés et placé en détention provisoire.
3. L'intéressé a formé le 4 novembre 2020 une demande de mise en liberté qui a fait l'objet d'une ordonnance de rejet par le juge des libertés et de la détention le 27 novembre 2020.
4. Il a rédigé un courrier, daté du 30 novembre 2020 et reçu au greffe de la maison d'arrêt le 1er décembre 2020, par lequel il a manifesté son intention de faire appel. Un incident s'est produit le jour même lorsque le personnel pénitentiaire a amené à M. [P] la déclaration d'appel à signer, ce dernier se ravisant et ayant pris la liasse pour la détruire. Après qu'un exemplaire de ladite déclaration, envoyée par le conseil du mis en examen au procureur général de la cour d'appel, ait été reçu le 25 janvier 2021, cet appel a été transcrit le 1er février 2021.
Examen de la recevabilité du pourvoi formé par M. [P] le 15 février 2021
5. Le demandeur, ayant épuisé, par l'exercice qu'en avait fait son avocat le 5 février 2021, le droit de se pourvoir contre l'arrêt attaqué, était irrecevable à se pourvoir à nouveau, le 15 février 2021 contre la même décision, seul est recevable le pourvoi formé le 5 février 2021.
Examen des moyens
Sur le second moyen
6. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a jugé que M. [P] n'était pas détenu arbitrairement et qu'il n'y avait pas lieu, en conséquence d'ordonner sa mise en liberté, alors :
« 1°/ qu'en matière de détention provisoire, la chambre de l'instruction doit se prononcer dans les plus brefs délais et, au plus tard, dans les quinze jours, s'agissant notamment d'une demande de mise en liberté, faute de quoi la personne concernée est mise d'office en liberté ; qu'il résulte en l'espèce des constatations de l'arrêt attaqué que, par courrier daté du 30 novembre 2020 réceptionné au greffe de la maison d'arrêt le 1er décembre 2020, M. [P] a déclaré faire appel de l'ordonnance de rejet de sa demande de mise en liberté du 27 novembre 2020 ; qu'une déclaration d'appel et un bordereau de transmission de cette déclaration au juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Marseille, ont été établis par le greffe de l'établissement pénitentiaire, portant la date d'envoi du 1er décembre 2020 et, pour ce qui concerne le bordereau de transmission de la déclaration d'appel, une date d'envoi par télécopie, au greffe de la juridiction ayant rendu la décision attaquée, du 7 décembre 2020 ; qu'il en résulte que l'appel de M. [P] devait être jugé avant le 16 décembre 2020 et, au plus tard, avant le 22 janvier 2021 si l'on prend en considération la date d'envoi par télécopie du bordereau de transmission de la déclaration d'appel et de la déclaration d'appel manuscrite au greffe de la juridiction ; qu'en décidant qu'à la date d'audience du 3 février 2021, la détention de M. [P] n'était pas arbitraire aux motifs erronés et en toute hypothèse inopérants selon lesquels M. [P] aurait, le 1er décembre 2020 fait disparaître certains exemplaires de la déclaration d'appel, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision et violé les articles 194, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ qu'en matière de détention provisoire, la chambre de l'instruction doit se prononcer dans les plus brefs délais et au plus tard dans les quinze jours, s'agissant notamment d'une demande de mise en liberté sauf si des circonstances imprévisibles et insurmontables ont mis obstacle au respect du délai prévu ; que ne saurait constituer de telles circonstances la prétendue renonciation de la personne détenue à interjeter appel de l'ordonnance de refus de mise en liberté lorsque cette renonciation est ambiguë et qu'il n'en a pas été donné acte ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de fait de l'arrêt attaqué que M. [P] a clairement déclaré interjeter appel de l'ordonnance de rejet de sa demande de mise en liberté, le 30 novembre 2020 ; qu'il appartenait au greffe du centre pénitentiaire de détention de transmettre cette déclaration dans les plus brefs délais au greffe de la juridiction ayant rendu la décision attaquée ; qu'en retenant que le 1er décembre 2020, M. [P] aurait détruit certains exemplaires de la déclaration d'appel, en affirmant ne vouloir plus faire appel, ce qui aurait fait obstacle à la retranscription de l'appel par le greffier jusqu'au 1er février 2021, sans constater la volonté claire et formelle de l'intéressé de renoncer à son appel précédemment formé, la chambre de l'instruction a statué par des motifs impropres à caractériser les circonstances insurmontables extérieures au service de la justice au sens de l'article 194, alinéa 4, du code de procédure pénale et méconnu ces dispositions, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
8. Pour déclarer l'appel de M. [P] recevable et confirmer l'ordonnance de rejet de demande de mise en liberté, l'arrêt attaqué retient que le 1er décembre 2020, l'agent pénitentiaire chargé de faire signer la déclaration d'appel a rédigé un rapport selon lequel elle déclare s'être rendue dans la cellule de M. [P], suite au courrier qu'il a adressé et selon lequel il souhaitait faire appel de deux ordonnances de rejet de demande de mise en liberté, munie de deux formulaires pré-remplis qui ne nécessitaient plus que la signature de l'intéressé, et qu'après avoir signé les deux formulaires, le détenu a changé d'avis, ne voulant plus faire appel, a pris les formulaires, les a déchirés en petits morceaux et les a jetés dans les toilettes en tirant la chasse d'eau dans la foulée malgré les injonctions de la surveillante de cesser cet agissement.
9. Les juges relèvent que, de fait, seuls le bordereau de transmission et les courriers manuscrits établis par M. [P] ont été envoyés au greffe du juge des libertés et de la détention et que le détenu a été entendu le 4 décembre 2020 par l'officier de bâtiment de la maison d'arrêt pour recueillir ses explications quant à l'incident et l'inviter à se désister de ses appels ou à les reformuler.
10. Ils poursuivent en indiquant qu'un courrier du conseil de M. [P] reçu le 25 janvier 2021 par le parquet général a sollicité la remise en liberté immédiate de son client, détenu sans titre selon lui depuis le 22 décembre 2020 en l'absence de renonciation de son appel.
11. Les juges relèvent que, selon les déclarations concordantes de la surveillante, de l'officier du bâtiment et du premier surveillant, reprises par le directeur de l'établissement pénitentiaire dans son rapport en date du 29 janvier 2021, le bordereau de transmission, lequel ne fait pas foi jusqu'à inscription de faux, fait mention d'une date de transmission le 1er décembre 2020 et d'une croix cochée sur l'imprimé à la case « déclaration d'appel sur rejet DML [P] [K] » avec mention d'un numéro d'enregistrement, et qu'il n'a été transmis au greffe du juge d'instruction que le 7 décembre 2020, n'étant pas accompagné d'un formulaire de déclaration d'appel mais du courrier établi par M. [P] daté du 30 novembre 2020, et du rapport établi par la surveillante le 1er décembre 2020, de sorte que ce n'est qu'à la date du 25 janvier 2021 qu'a été porté à la connaissance du parquet général l'existence d'une copie du formulaire des déclarations d'appel datées du 1er décembre 2020.
12. Ils en déduisent que la destruction dans les conditions sus-mentionnées, de l'original et en définitive d'une seule copie de la déclaration d'appel, constitue, au vu de ces éléments, une circonstance imprévisible et insurmontable, extérieure au service de la justice puisque relevant du seul fait de M. [P], à la retranscription de l'appel par le greffier qui n'a pu intervenir que le 1er février 2021, après vérifications diligentées par le parquet général.
13. En l'état de ces énonciations, et dès lors que le courrier manifestant l'intention de faire appel reçu au greffe le 1er décembre 2020 ne satisfaisait pas aux prescriptions de l'article 503 du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction a justifié sa décision.
14. Ainsi, le moyen doit être écarté.
15. Par ailleurs l'arrêt est régulier tant en la forme qu'au regard des dispositions des articles 137-3 et 143-1 et suivants du code de procédure pénale.
Crim. 4 mai 2021 n° 21-81.020
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° Z 21-81.020 F-D
N° 00643
ECF 4 MAI 2021
REJET
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 4 MAI 2021
M. [P] [L] a formé des pourvois contre l'arrêt n° 94/2021 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 4 février 2021, qui, dans l'information suivie contre lui notamment des chefs d'assassinats, de tentative d'assassinat, de recel de vol avec arme et de destruction par incendie commis en bande organisée a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention rejetant sa demande de mise en liberté.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Leblanc, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [P] [L], et les conclusions de M. Lemoine, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 mai 2021 où étaient présents M. Soulard, président, M. Leblanc, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. [L] a été mis en examen des chefs susvisés et placé en détention provisoire.
3. Il a formé le 4 novembre 2020 une demande de mise en liberté qui a fait l'objet d'une ordonnance de rejet par le juge des libertés et de la détention le 27 novembre 2020.
4. Il a rédigé un courrier, daté du 30 novembre 2020 et reçu au greffe de la maison d'arrêt le 1er décembre 2020, par lequel il a manifesté son intention de faire appel. Un incident s'est produit le jour même lorsque le personnel pénitentiaire a amené à M. [L] la déclaration d'appel à signer, ce dernier se ravisant et ayant pris la liasse pour la détruire. Après qu'un exemplaire de ladite déclaration, envoyée par le conseil du mis en examen au procureur général de la cour d'appel, ait été reçu le 25 janvier 2021, cet appel a été transcrit le 1er février 2021.
Examen de la recevabilité du pourvoi formé par M. [L] le 15 février 2021
5. Le demandeur, ayant épuisé, par l'exercice qu'en avait fait son avocat le 5 février 2021, le droit de se pourvoir contre l'arrêt attaqué, était irrecevable à se pourvoir à nouveau, le 15 février 2021 contre la même décision, seul est recevable le pourvoi formé le 5 février 2021.
Examen des moyens
Sur le second moyen
6. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a jugé que M. [L] n'était pas détenu arbitrairement et qu'il n'y avait pas lieu, en conséquence, d'ordonner sa mise en liberté, alors :
« 1°/ qu'en matière de détention provisoire, la chambre de l'instruction doit se prononcer dans les plus brefs délais et, au plus tard, dans les quinze jours, s'agissant notamment d'une demande de mise en liberté, faute de quoi la personne concernée est mise d'office en liberté ; qu'il résulte en l'espèce des constatations de l'arrêt attaqué que, par courrier daté du 30 novembre 2020 réceptionné au greffe de la maison d'arrêt le 1er décembre 2020, M. [L] a déclaré faire appel de l'ordonnance de rejet de sa demande de mise en liberté du 27 novembre 2020 ; qu'une déclaration d'appel et un bordereau de transmission de cette déclaration au juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Marseille, ont été établis par le greffe de l'établissement pénitentiaire, portant la date d'envoi du 1er décembre 2020 et, pour ce qui concerne le bordereau de transmission de la déclaration d'appel, une date d'envoi par télécopie, au greffe de la juridiction ayant rendu la décision attaquée, du 7 décembre 2020 ; qu'il en résulte que l'appel de M. [L] devait être jugé avant le 16 décembre 2020 et, au plus tard, avant le 22 janvier 2021 si l'on prend en considération la date d'envoi par télécopie du bordereau de transmission de la déclaration d'appel et de la déclaration d'appel manuscrite au greffe de la juridiction ; qu'en décidant qu'à la date d'audience du 3 février 2021, la détention de M. [L] n'était pas arbitraire aux motifs erronés et en toute hypothèse inopérants selon lesquels M. [L] aurait, le 1er décembre 2020 fait disparaître certains exemplaires de la déclaration d'appel, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision et violé les articles 194, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ qu'en matière de détention provisoire, la chambre de l'instruction doit se prononcer dans les plus brefs délais et au plus tard dans les quinze jours, s'agissant notamment d'une demande de mise en liberté sauf si des circonstances imprévisibles et insurmontables ont mis obstacle au respect du délai prévu ; que ne saurait constituer de telles circonstances la prétendue renonciation de la personne détenue à interjeter appel de l'ordonnance de refus de mise en liberté lorsque cette renonciation est ambiguë et qu'il n'en a pas été donné acte ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de fait de l'arrêt attaqué que M. [L] a clairement déclaré interjeter appel de l'ordonnance de rejet de sa demande de mise en liberté, le 30 novembre 2020 ; qu'il appartenait au greffe du centre pénitentiaire de détention de transmettre cette déclaration dans les plus brefs délais au greffe de la juridiction ayant rendu la décision attaquée ; qu'en retenant que le 1er décembre 2020, M. [L] aurait détruit certains exemplaires de la déclaration d'appel, en affirmant ne vouloir plus faire appel, ce qui aurait fait obstacle à la retranscription de l'appel par le greffier jusqu'au 1er février 2021, sans constater la volonté claire et formelle de l'intéressé de renoncer à son appel précédemment formé, la chambre de l'instruction a statué par des motifs impropres à caractériser les circonstances insurmontables extérieures au service de la justice au sens de l'article 194, alinéa 4, du code de procédure pénale et méconnu ces dispositions, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
8. Pour déclarer l'appel de M. [L] recevable et confirmer l'ordonnance de rejet de demande de mise en liberté, l'arrêt attaqué retient que le 1er décembre 2020, l'agent pénitentiaire chargé de faire signer la déclaration d'appel a rédigé un rapport selon lequel elle déclare s'être rendue dans la cellule de M. [L], suite au courrier qu'il a adressé et selon lequel il souhaitait faire appel de deux ordonnances de rejet de demande de mise en liberté, munie de deux formulaires pré-remplis qui ne nécessitaient plus que la signature de l'intéressé, et qu'après avoir signé les deux formulaires, le détenu a changé d'avis, ne voulant plus faire appel, a pris les formulaires, les a déchirés en petits morceaux et les a jetés dans les toilettes en tirant la chasse d'eau dans la foulée malgré les injonctions de la surveillante de cesser cet agissement.
9. Les juges relèvent que, de fait, seuls le bordereau de transmission et les courriers manuscrits établis par M. [L] ont été envoyés au greffe du juge des libertés et de la détention et que le détenu a été entendu le 4 décembre 2020 par l'officier de bâtiment de la maison d'arrêt pour recueillir ses explications quant à l'incident et l'inviter à se désister de ses appels ou à les reformuler.
10. Ils poursuivent en indiquant qu'un courrier du conseil de M. [L] reçu le 25 janvier 2021 par le parquet général a sollicité la remise en liberté immédiate de son client, détenu sans titre selon lui depuis le 22 décembre 2020 en l'absence de renonciation à son appel.
11. Les juges relèvent que, selon les déclarations concordantes de la surveillante, de l'officier du bâtiment et du premier surveillant, reprises par le directeur de l'établissement pénitentiaire dans son rapport en date du 29 janvier 2021, le bordereau de transmission, lequel ne fait pas foi jusqu'à inscription de faux, fait mention d'une date de transmission le 1er décembre 2020 et d'une croix cochée sur l'imprimé à la case « déclaration d'appel sur rejet DML [L] [P] » avec mention d'un numéro d'enregistrement, et qu'il n'a été transmis au greffe du juge d'instruction que le 7 décembre 2020, n'étant pas accompagné d'un formulaire de déclaration d'appel mais du courrier établi par M. [L] daté du 30 novembre 2020, et du rapport établi par la surveillante le 1er décembre 2020, de sorte que ce n'est qu'à la date du 25 janvier 2021 qu'a été porté à la connaissance du parquet général l'existence d'une copie du formulaire des déclarations d'appel datées du 1er décembre 2020.
12. Ils en déduisent que la destruction dans les conditions sus-mentionnées, de l'original et en définitive d'une seule copie de la déclaration d'appel, constitue, au vu de ces éléments, une circonstance imprévisible et insurmontable, extérieure au service de la justice puisque relevant du seul fait de M. [L], à la retranscription de l'appel par le greffier qui n'a pu intervenir que le 1er février 2021, après vérifications diligentées par le parquet général.
13. En l'état de ces énonciations, et dès lors que le courrier manifestant l'intention de faire appel reçu au greffe le 1er décembre 2020 ne satisfaisait pas aux prescriptions de l'article 503 du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction a justifié sa décision.
14. Ainsi, le moyen doit être écarté.
15. Par ailleurs l'arrêt est régulier tant en la forme qu'au regard des dispositions des articles 137-3 et 143-1 et suivants du code de procédure pénale.
Crim. 14 avril 2021 n° 21-80.829 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° S 21-80.829 F-P
N° 00623
MAS2 14 AVRIL 2021
REJET
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 14 AVRIL 2021
Le procureur général près la cour d'appel de Reims a formé un pourvoi contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre correctionnelle, en date du 27 janvier 2021, qui, dans la procédure suivie contre M. [J] [Y] du chef d'infraction à la législation sur les stupéfiants, a ordonné sa mise en liberté.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Issenjou, conseiller, et les conclusions de Mme Mathieu, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 avril 2021 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Issenjou, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Placé en détention provisoire le 25 septembre 2020, M. [Y], poursuivi devant le tribunal correctionnel de Troyes selon la procédure de comparution immédiate, a été condamné pour des faits de transport, détention et acquisition non autorisés de stupéfiants à un an d'emprisonnement dont six mois avec sursis probatoire pendant deux ans.
3. Le tribunal a ordonné l'aménagement de la peine ferme sous le régime de la détention à domicile sous surveillance électronique ainsi que le maintien en détention provisoire du condamné.
4. M. [Y] a relevé appel de ce jugement.
5. Il a aussitôt présenté une demande de mise en liberté.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen est pris de la violation des articles 723-7-1 et 397-4 du code de procédure pénale.
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce que, d'une part, il a fait une mauvaise interprétation de l'article 723-7-1 du code de procédure pénale qui concerne les modalités de mise en oeuvre par le juge de l'application des peines notamment de la détention à domicile sous surveillance électronique, qui n'a pas vocation à régir les cas dans lesquels le maintien en détention provisoire est possible, et dont le seul but est de fixer un délai d'intervention spécifique du juge de l'application des peines de cinq jours en cas de placement ou de maintien en détention du condamné concomitamment au prononcé d'une exécution par provision de la décision, d'autre part, il a conditionné à un prononcé concomitant de l'exécution provisoire le droit que le tribunal correctionnel, saisi selon la procédure de comparution immédiate, tient de l'article 397-4 du code de procédure pénale, d'ordonner, quelle que soit la durée de la peine, le maintien en détention, ce qu'aucune disposition nouvelle relative à la détention à domicile sous surveillance électronique ne prévoit.
Réponse de la Cour
8. Pour ordonner la mise en liberté du prévenu, l'arrêt attaqué énonce que l'article 723-7-1 du code de procédure pénale dispose que le juge de l'application des peines fixe les modalités d'exécution du placement sous surveillance électronique dans le délai de cinq jours ouvrables lorsque la juridiction de jugement a ordonné le placement ou le maintien en détention du condamné et déclaré sa décision exécutoire.
9. Les juges en déduisent que le tribunal ne peut ordonner un maintien en détention sans l'assortir de l'exécution provisoire.
10. Ils concluent que le tribunal ne pouvait à la fois aménager la peine et maintenir le condamné en détention.
11. C'est à tort que les juges se sont fondés sur l'article 723-7-1 du code de procédure pénale dès lors qu'il ne régit pas le prononcé des peines ni les cas où le tribunal correctionnel peut ordonner le maintien en détention.
12. La cassation n'est cependant pas encourue pour les raisons qui suivent.
13. Selon les articles 132-19 et 132-25 du code pénal, lorsque la juridiction de jugement prononce une peine inférieure ou égale à six mois d'emprisonnement, un emprisonnement partiellement assorti du sursis ou du sursis probatoire et lorsque la partie ferme de la peine est inférieure ou égale à six mois, ou lorsque la juridiction prononce une peine pour laquelle la durée de l'emprisonnement restant à exécuter à la suite d'une détention provisoire est inférieure ou égale à six mois, elle doit, sauf impossibilité résultant de la personnalité ou de la situation du condamné, ordonner que la peine sera exécutée en totalité sous le régime de la détention à domicile sous surveillance électronique, de la semi-liberté ou du placement à l'extérieur.
14. En conséquence, dès lors que le tribunal correctionnel, même saisi selon la procédure de comparution immédiate, décide de l'aménagement en totalité de la peine d'emprisonnement sans sursis, les dispositions précitées ne lui permettent pas d'ordonner un maintien en détention.
15. Ainsi, le moyen doit être écarté.
Crim. 14 avril 2021 n° 21-80.865 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° F 21-80.865 FS-P
N° 00616
MAS2 14 AVRIL 2021
REJET
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 14 AVRIL 2021
M. [Y] [L] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Amiens, en date du 2 février 2021, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs de meurtre, vol et escroquerie, a rejeté sa demande de mise en liberté.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Guéry, conseiller, les observations de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat de M. [Y] [L], et les conclusions de Mme Mathieu, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 avril 2021 où étaient présents M. Soulard, président, M. Guéry, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, Mme Slove, Mme Sudre, Mme Issenjou, M. Turbeaux, conseillers de la chambre, Mme Carbonaro, Mme Barbé, M. Mallard, conseillers référendaires, Mme Mathieu, avocat général, et Mme Sommier, greffier de chambre, la SCP Delamarre et Jehannin, avocat de M. [Y] [L], ayant eu la parole en dernier,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [Y] [L] a été condamné des chefs susvisés, par une cour d'assises, par arrêt du 18 novembre 2020, à vingt ans de réclusion criminelle.
3. Le 25 novembre 2020, il a interjeté appel de cette décision.
4. Le 4 décembre 2020, il a saisi la chambre de l'instruction d'une demande de mise en liberté.
5. M. [L] est en détention provisoire depuis le 20 janvier 2017.
Examen des moyens
Sur les deuxième, troisième et quatrième moyens
6. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit mal fondée la demande de mise en liberté présentée par le conseil de M. [L] le 4 décembre 2020 et de l'avoir rejetée, alors « que la chambre de l'instruction, à chacun des stades de la procédure, doit s'assurer que les conditions légales de la détention provisoire sont réunies, et notamment de l'existence d'indices graves ou concordants rendant vraisemblable la participation de la personne mise en examen aux faits reprochés ; qu'en se bornant à retenir, en l'espèce, que, « quelles que soient les observations sur le fond du dossier développées par M. [L], la décision de mise en accusation précitée retient en l'état l'existence de charges suffisantes à l'encontre de M. [L] d'avoir commis les faits reprochés et pour lesquels il devra comparaître devant la cour d'assises d'appel », cependant qu'il appartenait à la chambre de l'instruction de s'assurer elle-même de l'existence, à la date à laquelle elle se prononçait, d'indices graves ou concordants rendant vraisemblable la participation de M. [L] aux faits reprochés, tels qu'ils avaient été préalablement caractérisés, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 5, §1, de la Convention européenne des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
8. Il résulte des articles 367 et 380-4 du code de procédure pénale que, lorsque l'accusé est condamné par arrêt de la cour d'assises statuant en première instance, à une peine privative de liberté qui n'est pas couverte par la détention provisoire, cet arrêt vaut titre de détention et continue de produire effet jusqu'à ce que la durée de la détention ait atteint celle de la peine prononcée, sans préjudice, pour l'accusé, du droit de demander sa mise en liberté, conformément aux dispositions des articles 148-1 et 148-2 du même code.
9. Ainsi, la personne condamnée par la cour d'assises à une peine d'emprisonnement non couverte par la détention provisoire doit être considérée, jusqu'à ce que la durée de sa détention ait atteint celle de la peine prononcée, comme détenue régulièrement après condamnation par un tribunal compétent, au sens de l'article 5, §1, a, de la Convention européenne des droits de l'homme.
10. Dès lors, sa situation n'entre pas dans les prévisions de l'article 5, §1, c, de cette Convention. Il en résulte que les décisions prises à son égard sur le fondement des articles 148-1 et 148-2 précités n'ont pas à être motivées par référence aux indices ou aux charges relevés contre elle, qui ont été appréciés par la cour d'assises.
11. Pour répondre à l'argumentation de M. [L] qui faisait valoir qu'il n'avait pas commis les faits qui lui étaient reprochés, la chambre de l'instruction relève notamment que la détention provisoire de l'accusé résulte de sa condamnation à vingt ans de réclusion criminelle.
12. En l'état de ce seul motif, abstraction faite d'une référence erronée à la décision de mise en accusation, la chambre de l'instruction a justifié sa décision.
13. Dès lors, le moyen doit être écarté.
14. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.
Crim. 14 avril 2021 n° 21-80.591
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° G 21-80.591 F-D
N° 00621
MAS2 14 AVRIL 2021
REJET
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 14 AVRIL 2021
Mme [M] [A], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nîmes, en date du 15 janvier 2021, qui, dans l'information suivie contre M. [V] [X] du chef de viol, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Guéry, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [M] [A], et les conclusions de Mme Mathieu, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 avril 2021 où étaient présents M. Soulard, président, M. Guéry, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 4 janvier 2018, Mme [M] [A] a déposé plainte au commissariat de police d'Avignon, contre personne non dénommée, pour des faits de chantage.
3. Elle a expliqué, qu'en proie à des difficultés psychologiques, elle s'était inscrite sur un site de rencontre et avait échangé des messages avec un dénommé « [H] », dont les investigations ultérieures permettaient d'établir qu'il s'agissait de M. [V] [X].
4. Celui-ci lui avait promis une rencontre mais à la condition qu'elle accepte d'abord d'avoir des relations sexuelles avec son frère. Elle avait accepté et c'était dans ces conditions qu'elle avait eu, dans un hôtel d'Avignon, un rapport sexuel avec le prétendu frère de [H], qui n'était autre que M. [X]. Elle avait accepté que cette relation soit filmée et photographiée.
5. Une quinzaine de jours plus tard, courant septembre 2017, [H] l'a recontactée et lui a proposé une seconde relation sexuelle avec son frère, lui indiquant que si elle refusait il diffuserait les photos prises lors du premier rendez-vous.
6. Elle avait eu une seconde relation sexuelle avec lui.
7. Par la suite, il lui avait demandé de lui verser de l'argent contre la promesse de ne pas diffuser les fichiers compromettants en sa possession.
8. M. [X] a été mis en examen des chefs de viol, extorsion par violence, menace ou contrainte de signature, promesse, secret, fonds, valeur ou bien, et de menace ou acte d'intimidation pour déterminer une victime à ne pas porter plainte ou à se rétracter.
9. Par ordonnance du 10 juin 2020, le magistrat instructeur a dit n'y avoir lieu à suivre du chef de viol et a ordonné le renvoi de M. [X] devant le tribunal correctionnel pour les délits.
10. La partie civile a relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
11. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance de non-lieu partiel rendue par le juge d'instruction du tribunal judiciaire d'Avignon du 10 juin 2020 ayant dit n'y avoir lieu à suivre du chef de viol, alors :
« 1°/ que les juridictions d'instruction doivent se prononcer, non sur la preuve de la culpabilité, mais sur l'existence ou l'absence de charges suffisantes ; que tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol ; qu'en retenant qu' « à le supposer établi, le chantage exprimé par le mis en examen pour obtenir [des] secondes relations sexuelles a été exprimé plusieurs jours avant, s'est heurté dans un premier temps au refus de la partie civile, n'a pas été renouvelé lors du second rendez-vous de telle manière que la contrainte ou les menaces ainsi subies ne peuvent être en l'espèce considérées comme suffisamment immédiates, graves et contraignantes pour admettre que la partie civile a agi lors du second rendez-vous sous leur effet et que c'étaient elles qui l'avaient déterminée à des relations sexuelles », sans mieux s'expliquer sur l'absence de contrainte morale caractérisant le défaut de consentement de la plaignante, quand elle relevait que le mis en examen avait reconnu à plusieurs reprises avoir obtenu le second rapport sexuel sous la menace de diffuser les photographies et vidéos qu'il avait prises d'elle lors de leur première relation intime, ce qui ressortait également de son examen psychiatrique, qui relatait que celui-ci avait réitéré ses aveux et avait déclaré « elle l'a donc fait une deuxième fois et là c'était pas consentant », la chambre de l'instruction a méconnu les articles 222-23 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que le viol résulte de la contrainte exercée sur la victime, de son absence de consentement et non de la résistance qu'elle a été, ou non, en mesure de manifester ; que l'existence de relations antérieures entre la victime et l'agresseur ne fait pas obstacle à la qualification de viol ; qu'en énonçant qu' « en soi le simple ressenti de la partie civile, qui par ailleurs a accepté les relations malgré les menaces sans les évoquer avant le second rapport et n'a pas manifesté d'une façon quelconque un refus des actes sexuels, la peur qu'elle aurait eu l'en empêchant, alors que pour autant elle se trouvait dans une situation peu ou prou similaire à la précédente sans connaître la personnalité du mis en examen, ne saurait suffire à caractériser une contrainte », quand elle relevait que la plaignante n'avait pas fait état de menaces ayant précédé le premier rapport sexuel, auquel elle avait consenti « dans le but de rencontrer [H] », mais uniquement avant le second rapport, qu'elle avait eu cette fois « par crainte de voir les photographies diffusées », ce dont il s'évinçait que son consentement avait été forcé lors de ce second rapport, la chambre de l'instruction a méconnu l'article 222-23 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ;
3°/ que tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol ; que la violence et la contrainte en tant qu'éléments matériels du viol peuvent être non seulement physiques, mais encore morales et résulter notamment d'un chantage ; qu'en énonçant que « si elle mettait en avant par la suite des menaces de la part du mis en examen de révéler des photos compromettantes prises lors du premier rapport, il y a lieu aussi de retenir que malgré ces menaces (...), aucune contrainte n'a été utilisée lors de ce second rapport selon les déclarations mêmes de Mme [A] qui évoque seulement des relations de soumission consenties comme la prise de nouvelles photographies et ce toujours dans un espoir chimérique de rencontrer enfin [H] », quand elle relevait pourtant que la partie civile avait déclaré que le mis en examen lui avait « imposé une relation qu'elle avait trouvé avilissante, notamment parce qu'il lui avait craché dessus » et qu'elle « n'avait toutefois pas protesté en raison – disait-elle – de la crainte de la diffusion des images mais aussi parce qu'elle avait eu peur d'une potentielle réaction violente de l'intéressé », la chambre de l'instruction, qui s'est contredite, a du reste méconnu l'article 222-23 du code pénal et l'article 593 du code de procédure pénale ;
4°/ que la chambre de l'instruction doit envisager les faits poursuivis sous toutes les qualifications légales possibles ; qu'à défaut d'avoir recherché notamment s'il ne résultait pas de l'information des charges suffisantes contre M. [X] d'avoir menacé de porter à la connaissance du public, contre le gré de la plaignante, des images de celle-ci présentant un caractère sexuel obtenues avec son consentement, fait en tant que tel constitutif d'un délit pénal, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 222-17, 226-1, 226-2-1, 226-5 du code pénal ainsi que l'article 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Sur le moyen, pris en sa quatrième branche
12. Le grief est inopérant, les menaces dont la demanderesse a été victime étant visées par une disposition devenue définitive de l'arrêt attaqué, confirmant le renvoi de M. [X] devant le tribunal correctionnel pour les faits de menace et d'extorsion qui lui sont reprochés.
Sur le moyen, pris en ses autres branches
13. Pour confirmer l'ordonnance de non-lieu du juge d'instruction, l'arrêt relève qu'il résulte des faits de l'espèce qu'à aucun moment le stratagème mis en place par la personne mise en examen n 'a visé à tromper la victime sur son identité civile et physique et qu'ainsi lorsque la partie civile s'est rendue à l'hôtel afin d'avoir des relations sexuelles avec le mis en examen elle savait sans aucune ambiguïté possible que ce dernier ne serait pas celui avec qui elle conversait via un réseau internet mais « son frère », puisque selon l'accord conclu entre les parties avoir des relations sexuelles avec ce dernier était le préalable pour poursuivre des relations avec « [H] » et obtenir une rencontre avec lui.
14. Les juges ajoutent que si la plaignante a mis en avant par la suite des menaces de la part de la personne mise en examen de révéler des images compromettantes prises lors du premier rapport, il y a lieu aussi de retenir que, malgré ces menaces, aucune contrainte n 'a été utilisée lors de ce second rapport.
15. Ils énoncent que le simple ressenti de la partie civile, qui par ailleurs a accepté les relations malgré les menaces sans les évoquer avant le second rapport et n'a pas manifesté d'une façon quelconque un refus des actes sexuels, la peur qu'elle aurait eue l'en empêchant, alors que pour autant elle se trouvait dans une situation peu ou prou similaire à la précédente sans connaître la personnalité de la personne mise en examen, ne saurait suffire à caractériser une contrainte.
16. Ils concluent qu'à le supposer établi le chantage exprimé par la personne mise en examen pour obtenir ces secondes relations sexuelles a été exprimé plusieurs jours avant, s'est heurté dans un premier temps au refus de la partie civile, n 'a pas été renouvelé lors du second rendez-vous de telle manière que la contrainte ou les menaces ainsi subies ne peuvent être en l'espèce considérées comme suffisamment immédiates, graves et contraignantes pour admettre que la partie civile a agi lors du second rendez-vous sous leur effet et que c'étaient elles qui l'avait déterminée à des relations sexuelles.
17. En se déterminant ainsi, par des motifs relevant de son appréciation souveraine et répondant au mémoire dont elle était saisie, la chambre de l'instruction a justifié sa décision.
18. Le moyen doit en conséquence être écarté.
19. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.
Crim. 14 avril 2021 n° 20-80.135 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° S 20-80.135 FS-P+I
N° 00404
SM12 14 AVRIL 2021
REJET
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 14 AVRIL 2021
Mmes [I] [G], [K] [G], M. [C] [G], Mmes [U] [A], [F] [A], M. [X] [A], parties civiles, ont formé des pourvois contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 6e section, en date du 19 décembre 2019, qui, dans l'information suivie contre M. [D] [T] des chefs de meurtre aggravé, arrestation, enlèvement, détention ou séquestration aggravées, l'a déclaré irresponsable pénalement pour cause de trouble mental, a ordonné son admission en soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète ainsi que des mesures de sûreté.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires et des observations complémentaires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de M. Guéry, conseiller, les observations de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de Mme [I] [G], M. [C] [G] et Mme [K] [G], parties civiles, et de la SCP PiwnicaPiwnica et Molinié, avocat de Mmes [F] [A], [U] [A] et M. [X] [A], parties civiles, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [D] [T], et les conclusions de Mme Zientara-Logeay, avocat général, les avocats ayant eu la parole en dernier, après débats en l'audience publique du 3 mars 2021 où étaient présents, M. Soulard, président, M. Guéry, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, Mmes Slove, Sudre, Issenjou, M. Turbeaux, conseillers de la chambre, Mmes Carbonaro, Barbé, M. Mallard, conseillers référendaires, Mme Zientara-Logeay, avocat général, et M. Bétron, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Le 4 avril 2017 à 5 heures 35, des fonctionnaires de police du 11ème arrondissement de [Localité 1] sont intervenus au domicile de la famille [M], [Adresse 1], à la suite d'un appel téléphonique avertissant que cette famille était victime d'une séquestration. Après avoir forcé la porte, les policiers ont interpellé M. [D] [T] dans la pièce principale, en train de réciter des versets du Coran.
2. Dans le même temps, les policiers ont découvert le corps sans vie d'une femme, Mme [J] [G] née [A]. Les premiers éléments ont montré qu'elle était tombée du balcon d'un appartement situé dans l'immeuble contigu.
3. Une information judiciaire a été ouverte le 14 avril 2017 des chefs d'homicide volontaire et d'arrestation, enlèvement, détention ou séquestration avec absence de libération volontaire avant le septième jour.
4. Le 10 juillet 2017, M [T] a été mis en examen de ces chefs. Après la délivrance d'un réquisitoire supplétif, la circonstance que les faits ont été commis à raison de l'appartenance vraie ou supposée de la victime à une race ou une religion déterminée a été notifiée à l'intéressé.
5. Par ordonnance de transmission de pièces aux fins de saisine de la chambre de l'instruction, en date du 12 juillet 2019, les juges d'instruction, après avoir écarté la circonstance aggravante précitée, ont estimé qu'il existait contre M. [T], d'une part, des charges suffisantes d'avoir commis les faits d'homicide volontaire et de séquestration qui lui étaient reprochés et d'autre part, des raisons plausibles d'appliquer le premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal.
6. Les parties civiles et le ministère public ont interjeté appel de cette ordonnance.
Examen des moyens
Sur le premier moyen proposé pour Mme [F] [A], Mme [U] [A] et M. [X] [A] et sur les 7, 8 et 9ème branches du moyen unique proposés pour Mme [I] [G], M. [C] [G] et Mme [K] [G], repris par Mme [F] [A], Mme [U] [A] et M. [X] [A]
7. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le deuxième moyen proposé pour Mme [F] [A], Mme [U] [A] et M. [X] [A]
Enoncé du moyen
8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevables les appels interjetés par les parties civiles contre l'ordonnance de transmission de pièces, alors « que l'article 186 du code de procédure pénale prévoit que la partie civile peut interjeter appel des ordonnances faisant grief à ses intérêts civils ; que l'article 706-120 du code de procédure pénale prévoit que le juge d'instruction rend une ordonnance de transmission de pièces dans le cadre de la procédure de saisine de la chambre de l'instruction aux fins de statuer sur l'irresponsabilité pénale du mis en examen ; qu'une telle ordonnance fait nécessairement grief aux intérêts des parties civiles ; qu'en déclarant cependant irrecevable l'appel des parties civiles, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 186, 591, 593 et 706-120 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour 9. Pour déclarer irrecevables les appels formés par les parties civiles contre l'ordonnance de transmission de pièces, l'arrêt attaqué relève qu'aucune disposition du code de procédure pénale ne prévoit que cette ordonnance, visée à l'article 706-120 du même code, puisse faire l'objet d'un appel des parties civiles.
10. Les juges retiennent que la partie civile ne peut interjeter appel, sur le fondement de l'article 186, alinéa 2, du code de procédure pénale, que des ordonnances de non-informer, de non-lieu, et des ordonnances faisant grief à ses intérêts civils.
11. Ils soulignent que l'ordonnance de transmission de pièces tend à la saisine de la chambre de l'instruction devant laquelle la partie civile peut faire valoir ses arguments ; que, si elle estime qu'il existe des charges suffisantes contre la personne mise en examen d'avoir commis les faits qui lui sont reprochés et que le premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal n'est pas applicable, la chambre de l'instruction ordonne le renvoi de la personne devant la juridiction de jugement compétente et qu'enfin l'article 706-125 du code de procédure pénale dispose que dans l'arrêt de déclaration d'irresponsabilité pénale, la chambre de l'instruction, si la partie civile le demande, se prononce sur la responsabilité civile de la personne, conformément à l'article 414-3 du code civil, et statue sur les demandes de dommages et intérêts.
12. La chambre de l'instruction conclut que cette ordonnance ne fait pas grief aux intérêts civils des parties.
13. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision.
14. En effet, la partie civile, qui est appelée aux débats, peut exercer devant la chambre de l'instruction les droits qu'elle tire des articles 706-122 et suivants du code de procédure pénale.
15. L'ordonnance de transmission de pièces n'est ni définitive ni attributive de compétence puisque la chambre de l'instruction peut, soit rendre un arrêt de non-lieu ou de renvoi devant le tribunal correctionnel ou la cour d'assises, soit rendre un arrêt d'irresponsabilité pénale.
16. Elle laisse ainsi intacts les droits de la partie civile et ne fait pas grief à ses intérêts.
17. Le moyen doit, en conséquence, être rejeté.
Sur les troisième et quatrième moyens proposés pour Mme [F] [A], Mme [U] [A] et M. [X] [A] et sur les six premières branches du moyen unique proposé pour Mme [I] [G], M. [C] [G] et Mme [K] [G], repris par Mme [F] [A], Mme [U] [A] et M. [X] [A]
Enoncé des moyens.
18. Le troisième moyen proposé aux intérêts de Mmes [F] [A], [U] [A] et de M. [X] [A] critique l'arrêt en ce qu'il a déclaré M. [T] irresponsable pénalement en raison d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes au moment des faits, alors :
« 1°/ que l'article 122-1, alinéa 1er, du code pénal prévoit l'irresponsabilité pénale d'une personne atteinte « d'un trouble psychique ou neuro-psychique » ; que par cette disposition, sont visées les maladies mentales ; que les articles 706-119 et suivants du code de procédure pénale prévoyant que la chambre de l'instruction peut prendre un arrêt « d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental », ne renvoie qu'aux dispositions du code de la santé publique relatives à la « lutte contre les maladies mentales » et non aux dispositions relatives à la « lutte contre la toxicomanie » ; que la consommation de stupéfiants n'est pas une maladie mentale ; qu'en considérant cependant que M. [T], consommateur régulier de cannabis, pouvait bénéficier de cette cause d'irresponsabilité, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 6 et 7 de la convention européenne des droits de l'homme, 111-4 et 122-1 alinéa 1er du code pénal, 591, 593 et 706-119 et suivants du code de procédure pénale ;
2°/ que l'acte volontaire de consommation de stupéfiants, prohibé par l'article L. 3421-1 du code de la santé publique, est constitutif d'un comportement fautif qui exclut l'irresponsabilité ; que le mis en examen ayant volontairement consommé du cannabis, la chambre de l'instruction ne pouvait pas en déduire son irresponsabilité ; que dès lors la chambre de l'instruction a méconnu les articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 3421-1 du code de la santé publique, 122-1, alinéa 1er, du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
3°/ que la consommation de cannabis a pour but d'obtenir une modification de l'état de conscience ; que le fait qu'une personne n'ait pas encore personnellement connu tel trouble psychique précis lié à la consommation de stupéfiants n'exclut pas sa conscience des risques encourus par cette consommation ; qu'en déduisant l'irresponsabilité pénale du mis en examen du seul fait qu'il n'avait pas encore eu de bouffée délirante à la suite de sa consommation de stupéfiants, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 121-1, alinéa 1er, du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
4°/ que la chambre de l'instruction ne peut pas constater que les propos tenus par le mis en examen « avant et après de défenestrer [J] [G] » « illustrent un reste de conscience », constater également que le mis en examen a « volontairement » précipité la victime de son balcon, a agi en ayant « conscience du judaïsme de Mme [G] », et en déduire cependant l'abolition de son discernement au moment des faits ; qu'en se prononçant par ces motifs contradictoires, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision et a méconnu les articles 121-1 alinéa 1er du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
19. Le quatrième moyen proposé aux intérêts de Mme [F] [A], de Mme [U] [A] et de M. [X] [A] fait valoir qu'il est reproché à la chambre de l'instruction d'avoir déclaré M. [T] irresponsable pénalement en raison d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes au moment des faits, alors « qu'à supposer que la consommation de stupéfiants ne fasse pas obstacle à l'application de l'alinéa 1er de l'article 122-1 du code pénal dès lors qu'elle a eu pour effet d'abolir le discernement du consommateur, encore faut-il que celui-ci n'ait pas eu conscience que l'usage de stupéfiants puisse produire un tel effet ; qu'en retenant que le fait que la bouffée délirante aiguë, entrainée par la consommation récemment accrue de cannabis, est d'origine exotoxique et due à la consommation régulière de cannabis ne faisait pas obstacle à ce que soit reconnue l'existence d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli le discernement de M. [T] ou le contrôle de ses actes dès lors qu'aucun élément du dossier d'information n'indiquait que la consommation de cannabis par l'intéressé avait été effectuée avec la conscience que cet usage de stupéfiants puisse entraîner une bouffée délirante, la chambre de l'instruction, qui a ainsi seulement relevé que l'absence d'une telle conscience n'était pas exclue là où elle devait en constater le caractère certain, a méconnu les articles 121-1, alinéa 1er, du code pénal, 591, 593 et 706-120 du code de procédure pénale. »
20. Le moyen unique proposé aux intérêts de Mme [I] [G], M. [C] [G] et Mme [K] [G], repris pour le compte de Mme [F] [A], de Mme [U] [A] et de M. [X] [A], pris en ses six premières branches critique l'arrêt en ce qu'il a, statuant en application de l'article 706-120 du code de procédure pénale, et après avoir dit notamment qu'il existe des charges suffisantes contre M. [T] d'avoir à [Localité 1], le 4 avril 2017, volontairement donné la mort à [J] [G], avec la circonstance que les faits ont été commis à raison de l'appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une prétendue race, une ethnie, une nation ou une religion déterminée, déclaré ce dernier irresponsable pénalement en raison d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes au moment des faits, alors :
« 1°/ que dès lors qu'il résulte de la prise volontaire de stupéfiants, constitutive d'une faute, le trouble psychique ou neuropsychique susceptible de conduire à l'abolition du discernement, n'est pas exonératoire de responsabilité ; qu'en retenant que la circonstance que la bouffée délirante aigüe, entrainée par la consommation récemment accrue de cannabis, soit d'origine exotoxique et due à la consommation régulière de cannabis ne faisait pas obstacle à ce que soit reconnue l'existence d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli le discernement de M. [T], la chambre de l'instruction a violé les articles 122-1 du code pénal, 706-120 et 706-125 du code de procédure pénale ;
2°/ que le seul fait pour une personne de consommer des stupéfiants, même sans avoir la conscience des effets potentiels sur son discernement, exclut la prise en considération de l'abolition du discernement en résultant ; qu'en se fondant, pour retenir l'existence chez M.[T] au moment des faits d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes, sur la circonstance inopérante qu'il ne résultait d'aucun élément du dossier d'information qu'il avait consommé du cannabis avec la conscience que cet usage puisse entraîner une bouffée délirante aigüe, la chambre de l'instruction a violé les articles 122-1 du code pénal, 706-120 et 706-125 du code de procédure pénale ;
3°/ que la consommation de stupéfiants, qui constitue un délit et une circonstance aggravante d'infractions, ne peut dès lors constituer une cause d'exonération de la responsabilité pénale ; qu'en retenant que la circonstance que la bouffée délirante soit d'origine exotoxique et due à la consommation régulière de cannabis ne faisait pas obstacle à ce que soit reconnue l'existence d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli le discernement de M. [T], la chambre de l'instruction a violé les articles 122-1 du code pénal, 706-120 et 706-125 du code de procédure pénale ;
4°/ qu'en tout état de cause, lorsqu'elle rend un arrêt d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, la chambre de l'instruction constate le trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli le discernement ou le contrôle des actes ; qu'en jugeant que la circonstance que la bouffée délirante aigüe, entraînée par la consommation récemment accrue de cannabis, soit d'origine exotoxique et due à la consommation régulière de cannabis ne faisait pas obstacle à ce que soit reconnue l'existence d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli le discernement de M. [T] ou le contrôle de ses actes, puisqu'aucun élément du dossier d'information n'indiquait que sa consommation du cannabis eût été effectuée avec la conscience que cet usage de stupéfiants pût entraîner une telle bouffée délirante, la chambre de l'instruction qui n'a ainsi pas constaté que l'auteur des faits avait consommé des stupéfiants sans avoir conscience des effets susceptibles d'abolir son discernement n'a pas caractérisé l'abolition de son discernement et a ainsi violé les articles 122-1 du code pénal et 706-125 du code de procédure pénale ;
5°/ qu'en retenant l'existence de charges suffisantes de commission des faits à raison de l'appartenance de la victime à la religion juive ce dont il résultait que l'auteur des faits avait conscience de donner à son acte un mobile antisémite tout en jugeant néanmoins l'existence d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision et ainsi violé les articles 122-1 du code pénal, 706-120 et 706-125 du code de procédure pénale ;
6°/ qu'en tout état de cause, en retenant, d'une part, que les déclarations de M. [T] disant qu'il s'était senti plus oppressé à cause de la torah et du chandelier, qu'il pensait que le démon était Mme [G], associées aux cris qu'il avait poussés « Allah Akbar, c'est le sheitan, je vais la tuer », « j'ai tué le sheitan », « j'ai tué un démon » et aux constatations expertales selon lesquelles la conscience qu'il avait eue du judaïsme de Mme [G] avait associé cette dernière au diable et avait déclenché le déchainement de violence contre elle constituaient des charges suffisantes de commission des faits à raison de l'appartenance de la victime à la religion juive, tout en jugeant, d'autre part, qu'il n'existe pas de doute sur l'existence, chez M. [T], au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes, la chambre de l'instruction s'est contredite, privant ainsi sa décision de tout motif en violation de l'article 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
21. Les moyens sont réunis.
22. Pour dire qu'il existe des charges suffisantes contre M. [T] d'avoir arrêté, enlevé, détenu ou séquestré la famille [M], et donné la mort à Mme [G], l'arrêt énumère les éléments matériels réunis contre l'intéressé, constitués de ses déclarations, des constatations expertales et des différents témoignages recueillis.
23. Les juges retiennent également que les déclarations de M. [T], disant qu'il s'était senti plus oppressé après avoir vu la torah et le chandelier, et qu'il pensait que le démon était Mme [G], jointes aux témoignages indiquant l'avoir entendu crier « Allah Akbar, c'est le sheitan, je vais la tuer », puis « j'ai tué le sheitan » et « j' ai tué un démon », et aux constatations des experts selon lesquelles la connaissance du judaïsme de Mme [G] a conduit la personne mise en examen à associer la victime au diable, et a joué un rôle déclencheur dans le déchaînement de violence contre celle-ci, constituent des charges suffisantes de commission des faits à raison de l'appartenance de la victime à la religion juive.
24. Pour dire que le discernement de la personne mise en examen était aboli au moment des faits, l'arrêt relève que le récit de M. [T], corroboré par celui des membres de sa famille et de la famille [M], montre que ses troubles psychiques avaient commencé le 2 avril 2017, et ont culminé dans la nuit du 3 au 4 avril 2017, dans ce que les experts psychiatres ont décrit de manière unanime comme une bouffée délirante.
25. Les juges relèvent que seul le premier expert saisi a estimé qu'en dépit du caractère indiscutable du trouble mental aliénant, le discernement de M. [T] ne pouvait être considéré comme ayant été aboli, au sens de l'article 122-1, alinéa 1er, du code pénal, du fait de la consommation volontaire et régulière de cannabis ; que le deuxième collège d'experts a estimé que la bouffée délirante s'est avérée inaugurale d'une psychose chronique, probablement schizophrénique et que ce trouble psychotique bref a aboli son discernement, que l'augmentation toute relative de la prise de cannabis s'est faite pour apaiser son angoisse et son insomnie, prodromes probables de son délire, ce qui n'a fait qu'aggraver le processus psychotique déjà amorcé ; que le troisième collège d'experts a estimé que le sujet a présenté une bouffée délirante caractérisée d'origine exotoxique orientant plutôt classiquement vers une abolition du discernement au sens de l'article 122-1, alinéa 1er, du code pénal, étant précisé qu'au moment des faits son libre arbitre était nul et qu'il n'avait jamais présenté de tels troubles antérieurement.
26. Les juges ajoutent que la circonstance que cette bouffée délirante soit d'origine exotoxique et due à la consommation régulière de cannabis, ne fait pas obstacle à ce que soit reconnue l'existence d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes, puisqu'aucun élément du dossier d'information n'indique que la consommation de cannabis par l'intéressé ait été effectuée avec la conscience que cet usage de stupéfiants puisse entraîner une telle manifestation.
27. Ils concluent qu'il n'existe donc pas de doute sur l'existence, chez M. [T], au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes.
28. En l'état de ces énonciations, déduites de son appréciation souveraine des faits et des preuves, la chambre de l'instruction a, sans insuffisance ni contradiction, et en répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, exposé les motifs pour lesquels elle a déclaré, d'une part, qu'il existait à l'encontre de M. [T] des charges d'avoir commis les faits reprochés, d'autre part, qu'il était irresponsable pénalement en raison d'un trouble psychique ou neuro-psychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes au moment des faits.
29. En effet, les dispositions de l'article 122-1, alinéa 1er, du code pénal, ne distinguent pas selon l'origine du trouble psychique ayant conduit à l'abolition de ce discernement.
30. Les moyens doivent, en conséquence, être rejetés.
Crim. 13 avril 2021 n° 21-80.872
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° P 21-80.872 F-D
N° 00602
RB5 13 AVRIL 2021
CASSATION SANS RENVOI
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 13 AVRIL 2021
M. [X] [Y] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai, en date du 15 janvier 2021, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de meurtre en bande organisée, destruction par moyen dangereux aggravé, association de malfaiteurs et recel aggravé, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention le plaçant en détention provisoire.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Seys, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [Y], et les conclusions de M. Aubert, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 avril 2021 où étaient présents M. Soulard, président, M. Seys, conseiller rapporteur, M. Bonnal, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Mis en examen le 26 juin 2020 des chefs précités, M. [Y] a été placé en détention provisoire le même jour.
3. Par déclaration auprès du greffe de l'établissement pénitentiaire du 6 juillet 2020, il a interjeté appel de cette décision, sans demande de comparution et avec demande d'examen immédiat par la chambre de l'instruction.
4. La déclaration d'appel n'a pas été inscrite sur le registre des appels de l'établissement pénitentiaire et n'a pas été transmise au greffe de la juridiction qui a rendu la décision attaquée.
5. M. [Y] en a mentionné l'existence pour la première fois le 1er décembre 2020. Sur question du juge d'instruction à l'établissement pénitentiaire le 24 décembre 2020, un agent du greffe, se présentant comme référent du quartier d'isolement et se disant particulièrement attentif à la situation de M. [Y], a répondu n'avoir aucun souvenir d'un tel appel et n'en avoir pas trouvé trace.
6. L'acte d'appel, retrouvé dans des circonstances non précisées, a été transmis par la direction de l'établissement pénitentiaire au greffe du juge d'instruction le 5 janvier 2021. Le greffier a procédé à sa transcription le jour-mê
Examen du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a statué sur l'appel interjeté par M. [Y] à l'encontre de l'ordonnance de placement en détention provisoire, six mois et neuf jours après la formalisation par celui-ci de son intention de faire appel au greffe de la maison d'arrêt [Établissement 1] et d'avoir confirmé l'ordonnance de placement en détention provisoire, alors :
« 1°/ que la chambre de l'instruction doit, en matière de détention provisoire, se prononcer dans les plus brefs délais et, au plus tard, dans les dix jours de l'appel, faute de quoi la personne concernée est remise d'office en liberté, sauf si des vérifications concernant sa demande ont été ordonnées ou si des circonstances imprévisibles et insurmontables, extérieures au service de la justice, mettent obstacle au jugement de l'affaire dans le délai prévu ; que le simple retard de transmission d'un acte d'appel du greffe du centre pénitentiaire à celui du tribunal judiciaire n'est ni imprévisible, ni irrésistible, ni extérieur au service public de la justice, de sorte que la chambre de l'instruction, qui a statué le 15 janvier 2021, soit six mois et neuf jours après l'appel de l'ordonnance de placement en détention provisoire interjeté le 6 juillet 2020 par M. [Y], et a refusé de constater que celui-ci est détenu sans titre, a méconnu les dispositions des articles 147, 194, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ qu'il appartient à la chambre de l'instruction saisie d'une demande de mise en liberté de caractériser les diligences particulières ou les circonstances insurmontables de nature à expliquer, au regard des exigences conventionnelles, le dépassement du délai prévu par l'alinéa 4 de l'article 194 du code de procédure pénale ; qu'en l'espèce, l'exposant a interjeté appel de son placement en détention provisoire le 6 juillet 2020, que son appel n'a été jugé par la chambre de l'instruction que le 15 janvier 2021, soit plus de six mois après le dépassement du délai légal, qu'ainsi, s'étant bornée à considérer que « si la transcription de l'appel de M. [Y] a été effectuée au greffe du cabinet d'instruction dès sa transmission par le greffe du centre pénitentiaire [Établissement 1], soit le 5 janvier 2021, elle n'a pu intervenir que près de six mois après la déclaration d'appel en raison d'une transmission de la déclaration d'appel tardive » sans avoir caractérisé les diligences particulières des autorités ou les éventuelles circonstances insurmontables susceptibles de justifier la durée de la détention provisoire et en affirmant péremptoirement que « la détention de M. [Y] n'est dès lors entachée d'aucune irrégularité et qu'il n'y a pas lieu d'ordonner d'office sa remise en liberté », la chambre de l'instruction n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a méconnu les dispositions des articles 147, 194, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
3°/ qu'en tout état de cause, tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; que tout retard dans l'enregistrement de la déclaration d'appel par les services pénitentiaires, dans la transmission de cette déclaration ou dans sa transcription par le greffe de la chambre de l'instruction ne peut, sauf circonstance imprévisible ou insurmontable extérieure au service de la justice, avoir pour effet d'allonger le délai d'examen de l'appel ; qu'ainsi, il appartient à la chambre de l'instruction saisie d'une demande de mise en liberté de caractériser les diligences particulières ou les circonstances insurmontables de nature à expliquer, au regard des exigences conventionnelles, le dépassement du délai prévu par l'alinéa 4 de l'article 194 du code de procédure pénale ; qu'en l'espèce, en se bornant à affirmer péremptoirement que la déclaration d'appel avait été volontairement « dissimulée » par M. [U] sans jamais rechercher ni caractériser le caractère frauduleux des agissements qui lui sont reprochés, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision au regard des articles 147, 194, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
4°/ qu'à tout le moins, la durée de la détention provisoire ne doit pas excéder un délai raisonnable ; qu'en l'espèce, en justifiant la durée particulièrement longue du maintien en détention provisoire de M. [Y] par des circonstances relatives uniquement à des contingences administratives d'organisation propres, soit au service public de la justice, soit aux desiderata de différents acteurs et intervenants à la procédure, mais étrangères au mis en examen, aux faits qui lui étaient reprochés et au contexte même de sa détention, la chambre de l'instruction s'est abstenue de caractériser les diligences particulières ou les circonstances insurmontables de nature à expliquer, notamment au regard des exigences conventionnelles européennes, la durée de sa détention provisoire entre la décision de placement en détention provisoire et l'examen de son appel régulièrement interjeté devant la chambre de l'instruction. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 503, D. 45-26,194, 593 du code de procédure pénale et 5, § 4, de la Convention européenne des droits de l'homme :
8. Il résulte des deux premiers de ces textes que lorsque l'appelant est détenu, l'appel peut être fait au moyen d'une déclaration auprès du chef de l'établissement pénitentiaire et que ce document est transmis le jour même ou le premier jour ouvrable suivant par ce dernier au greffe de la juridiction qui a rendu la décision attaquée.
9. Il se déduit du troisième de ces textes que, le délai de dix jours imparti à la chambre de l'instruction pour statuer sur l'appel d'une ordonnance de placement en détention provisoire courant à compter de la transcription de la déclaration d'appel sur le registre public prévu à cet effet, tout retard dans l'enregistrement de la déclaration d'appel par les services pénitentiaires, dans la transmission de cette déclaration ou dans sa transcription par le greffe de la chambre de l'instruction ne peut, sauf circonstance imprévisible ou insurmontable extérieure au service de la justice, avoir pour effet d'allonger le délai d'examen de l'appel.
10. Il résulte du quatrième de ces textes que tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
11. Selon le dernier de ces textes, toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d'introduire un recours devant un tribunal, afin qu'il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale.
12. Pour statuer, par arrêt du 15 janvier 2021, sur l'appel interjeté le 6 juillet 2020 par M. [Y] à l'encontre de son placement en détention provisoire et confirmer la décision, l'arrêt attaqué énonce que la déclaration d'appel, non seulement n'a pas été transmise, mais n'a pas été enregistrée dans le registre des appels de l'établissement pénitentiaire, que la difficulté avec laquelle le document a été découvert atteste qu'il n'était pas facilement accessible, que si ce premier constat permettait déjà de suspecter une dissimulation par l'agent du greffe, les renseignements qu'il a donnés au juge d'instruction le 24 décembre 2020 ne laissaient guère de doute sur sa volonté de le dissimuler.
13. Les juges ajoutent que la décision prise par cet agent pénitentiaire de ne pas procéder à la transmission de la déclaration d'appel constitue une faute personnelle de celui-ci, détachable de sa fonction, et que la dissimulation de ce document a fait obstacle au contrôle de l'administration pénitentiaire ou de l'autorité judiciaire.
14. Ils en concluent que ces éléments caractérisent l'existence de circonstances imprévisibles et insurmontables, extérieures au service de la justice.
15. Ils retiennent encore que ces circonstances sont également à l'origine du non-respect du bref délai, prévu à l'article 5, § 4, de la Convention européenne des droits de l'homme, dans lequel il doit être statué sur le recours d'une personne privée de sa liberté, et relèvent encore que l'intéressé n'a pas permis à la chambre de l'instruction de le garantir dans ses droits faute d'avoir évoqué sa déclaration d'appel lors de deux saisines postérieures.
16. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus énoncés, pour les raisons qui suivent.
17. D'une part, la chambre de l'instruction, qui a déduit de faits ténus et intrinsèquement non probants que l'agent du greffe pénitentiaire interrogé sur le sort de la déclaration d'appel avait procédé à une dissimulation volontaire de cet acte, s'est déterminée par des motifs insuffisants à établir un tel comportement imputable à cette personne.
18. D'autre part, à la supposer établie, la dissimulation volontaire de l'acte d'appel par cet agent du greffe pénitentiaire ne saurait, sauf concert frauduleux en vue de porter atteinte à la régularité de la détention, constituer une circonstance extérieure au service de la justice.
19. Enfin, la circonstance que la chambre de l'instruction a été saisie ultérieurement par le demandeur sans que celui-ci fasse état de l'appel toujours pendant ne saurait exonérer les juges de leur obligation de statuer à bref délai sur la privation de liberté.
20. La cassation est par conséquent encourue.
Portée et conséquence de la cassation
21. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.
Crim. 13 avril 2021 n° 21-80.731
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° K 21-80.731 F-D
N° 00598
RB5 13 AVRIL 2021
REJET
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 13 AVRIL 2021
M. [Y] [V] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, en date du 15 janvier 2021, qui dans la procédure suivie contre lui des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants, importation en contrebande de produits stupéfiants et association de malfaiteurs, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant sa détention provisoire.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Maziau, conseiller, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [V], et les conclusions de M. Aubert, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 avril 2021 où étaient présents M. Soulard, président, M. Maziau, conseiller rapporteur, M. Bonnal, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. [V] a été mis en examen des chefs susvisés et a été placé en détention provisoire le 22 mai 2020.
3. A l'issue du débat contradictoire tenu par visio-conférence, au visa des dispositions de l'article 2 de l'ordonnance n° 2020-1401 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière pénale, il a fait l'objet, le 31 décembre 2020, d'une ordonnance de prolongation de sa détention provisoire.
4. Le mis en examen a interjeté appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. Il est reproché à l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance de prolongation de la détention provisoire, alors :
« 1°/ qu'en l'état déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 2 de l'ordonnance n° 2020-1401 du 18 novembre 2020 qui sera prononcée par le Conseil constitutionnel, en jugeant régulière la comparution du prévenu par un moyen de télécommunication audiovisuelle à l'audience au cours de laquelle il était statué sur la prolongation de sa détention provisoire en dépit de l'opposition de l'intéressé et en l'absence de tout élément permettant de retenir que son transport paraissait devoir être évité en raison des risques graves de trouble à l'ordre public ou d'évasion, la chambre de l'instruction a violé l'article 706-71, alinéa 4, du code de procédure pénale ;
2°/ que le juge des libertés et de la détention ne peut faire usage du pouvoir qu'il tient de l'article 2 de l'ordonnance n° 2020-1401 du 18 novembre 2020 d'imposer à la personne détenue de comparaître par télécommunication audiovisuelle pour une audience où il sera statué sur une prolongation de sa détention provisoire sans justifier dans sa décision que cette mesure est rendue nécessaire par une difficulté rencontrée pour l'extraction de la personne concernée qui serait liée aux contraintes imposées par la situation sanitaire ou par la nécessité de lutter contre l'épidémie de covid-19 ; qu'en retenant que le juge des libertés et de la détention n'a pas à justifier dans sa décision les raisons particulières ayant justifié le recours à cette mesure en dépit de l'opposition de la personne concernée et que le visa de l'article 2 de l'ordonnance n° 2020-1401 du 18 novembre 2020 suffit, la chambre de l'instruction a violé cette disposition ainsi que les articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
3°/ que le juge des libertés et de la détention ne peut faire usage du pouvoir qu'il tient de l'article 2 de l'ordonnance n° 2020-1401 du 18 novembre 2020 d'imposer à la personne détenue de comparaître par télécommunication audiovisuelle pour une audience où il sera statué sur une prolongation de sa détention provisoire que si cette mesure est rendue nécessaire par une difficulté rencontrée pour l'extraction de la personne concernée qui serait liée aux contraintes imposées par la situation sanitaire ou par la nécessité de lutter contre l'épidémie de covid-19 ; que pour justifier le recours par le juge des libertés et de la détention provisoire à la visioconférence pour une audience où il devait être statué sur une prolongation de la détention provisoire en passant outre l'opposition de la personne concernée, la chambre de l'instruction relève qu'il appartenait à ce juge, dans le contexte exceptionnel de la crise sanitaire actuelle, de « prioriser » les extractions en fonction des enjeux pour le détenu, notamment à l'aune de la nécessité, rappelée tant par le Conseil d'Etat que le Conseil constitutionnel, de s'assurer d'une comparution physique des mis en examen avec une périodicité raisonnable et en tenant compte des disponibilités des services d'extraction ; qu'en l'état d'une justification tirée d'une situation générale qui serait caractérisée par l'insuffisance des moyens disponibles pour assurer l'extraction de tous les détenus qui devraient comparaître physiquement devant un juge, qui est inopérante à caractériser une difficulté, propre à la personne détenue ou à son établissement pénitentiaire, en lien avéré avec la situation sanitaire, rendant impossible une telle extraction, la chambre de l'instruction a violé les articles 2 de l'ordonnance n° 2020-1401 du 18 novembre 2020, 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
Sur le moyen pris en sa première branche
6. Par arrêt en date du 2 mars 2021, la chambre criminelle a renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité relative à l'article 2 de l'ordonnance n° 2020-1401 du 18 novembre 2020.
7. L'article 23-5, alinéa 4, de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel dispose que lorsque celui-ci a été saisi, le Conseil d'Etat ou la Cour de cassation sursoit à statuer jusqu'à ce qu'il se soit prononcé. Il en va autrement quand l'intéressé est privé de liberté à raison de l'instance et que la loi prévoit que la Cour de cassation statue dans un délai déterminé.
8. Tel est le cas en l'espèce.
9. Il est rappelé que, dans sa décision n° 2009-595 DC du 3 décembre 2009, le Conseil constitutionnel a jugé que si l'alinéa 4 de l'article précité peut conduire à ce qu'une décision définitive soit rendue dans une instance à l'occasion de laquelle le Conseil constitutionnel a été saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité et sans attendre qu'il ait statué, dans une telle hypothèse, ni cette disposition, ni l'autorité de la chose jugée ne sauraient priver le justiciable de la faculté d'introduire une nouvelle instance pour qu'il puisse être tenu compte de la décision du Conseil constitutionnel.
Sur le moyen pris en ses autres branches
10. L'article 2 de l'ordonnance du 18 novembre 2020 précitée, dispose que nonobstant toute dispositions contraires, il peut être recouru à un moyen de télécommunication audiovisuelle devant l'ensemble des juridictions pénales, sans qu'il soit nécessaire de recueillir l'accord des parties.
11. Ces dispositions dérogent explicitement, pour un temps limité, à celles de l'article 706-71 du code de procédure pénale, qui prévoient que, lorsqu'il s'agit d'une audience au cours de laquelle il doit être statué sur le placement en détention provisoire ou la prolongation de la détention provisoire, la personne détenue peut refuser l'utilisation d'un moyen de télécommunication audiovisuelle, sauf si son transport paraît devoir être évité en raison de risques graves de trouble à l'ordre public ou d'évasion.
12. Elles ne sont pas contraires à l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, dès lors qu'elles exigent que le juge organise et conduise la procédure en veillant au respect des droits de la défense et en garantissant le caractère contradictoire des débats.
13. Pour confirmer l'ordonnance du juge des libertés et de la détention ayant prolongé la détention provisoire de M. [V], l'arrêt attaqué énonce, notamment, qu'il appartient au juge des libertés et de la détention qui doit anticiper l'organisation des débats, dans ce contexte exceptionnel, de « prioriser » les extractions en fonction des enjeux pour le détenu, notamment à l'aune de la nécessité de s'assurer d'une comparution physique des mis en examen avec une périodicité raisonnable, et en tenant compte des disponibilités réduites des services d'extraction, sans qu'il ait à viser dans son ordonnance l'ensemble des raisons particulières ayant dû le contraindre à l'usage de la visio-conférence, le visa de l'article 2 de l'ordonnance du 18 novembre 2020 et de la crise sanitaire étant suffisant.
14. Les juges concluent en soulignant que l'intéressé a été extrait pour le débat de sa première prolongation le 3 septembre 2020 puis, pour l'examen de son appel, de sorte qu'aucune atteinte excessive à ses droits n'a été portée.
15. En l'état des seules énonciations relatives à la situation personnelle de l'intéressé, la chambre de l'instruction a justifié sa décision.
16. En effet, d'une part, il résulte des pièces de la procédure que le débat s'est déroulé dans des conditions techniques satisfaisantes et dans le respect des droits de la défense.
17. Et, d'autre part, le mis en examen a eu la possibilité de comparaître physiquement devant les juges avec une périodicité raisonnable.
18. Ainsi, le moyen n'est pas fondé.
19. Par ailleurs, l'arrêt est régulier tant en la forme qu'au regard des dispositions des articles 137-3 et 143-1 et suivants du code de procédure pénale.
Crim. 13 avril 2021 n° 20-85.869
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° Z 20-85.869 F-D
N° 00471
GM 13 AVRIL 2021
CASSATION
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 13 AVRIL 2021
M. [F] [V] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 8 octobre 2020, qui, dans l'information suivie contre lui du chef de blessures involontaires et violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité ou de prudence, a prononcé sur sa demande d'annulation d'actes de la procédure.
Par ordonnance en date du 7 décembre 2020, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Dary, conseiller, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. [F] [V], et les conclusions de M. Croizier, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 mars 2021 où étaient présents M. Soulard, président, M. Dary, conseiller rapporteur, M. Bonnal, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 16 novembre 2018, à la suite d'un accident corporel de la circulation, M. [V] a été mis en examen des chefs susvisés.
3. Le 9 septembre 2019, un avis de fin d'information a été délivré conformément à l'article 175 du code de procédure pénale et notifié, le même jour, à son avocat.
4. Le 8 janvier 2020, le juge d'instruction a ordonné le renvoi de M. [V] devant le tribunal correctionnel de Grasse des mêmes chefs.
5. Le 31 janvier 2020, le greffier de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence a enregistré une requête en annulation déposée par l'avocat de M. [V].
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevable la requête en nullité présentée par M. [F] [V], alors « que devant la chambre de l'instruction, le mis en examen, lorsqu'il est présent aux débats, ou son conseil, doivent nécessairement être entendus et avoir la parole en dernier ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué énonce qu'à l'audience des débats, Me Chatonnier, substituant Me Colin-Chauley, conseil du mis en examen, a déclaré s'en remettre à sa requête avant que le dossier ne soit évoqué par la cour, puis qu'ont été entendus Laurent Becuywe, président, en son rapport, et Jean-François Varaldi, substitut général, en ses réquisitions (arrêt, page 2) ; qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que l'avocat de la personne mise en examen, quoique présent à l'audience, n'a pas eu la parole en dernier, la chambre de l'instruction a violé l'article 199 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme et 199 du code de procédure pénale :
7. Il se déduit des dispositions de ces textes et des principes généraux du droit que, devant la chambre de l'instruction, la personne mise en examen, lorsqu'elle comparaît, ou son avocat doivent avoir la parole en dernier.
8. Les mentions de l'arrêt attaqué, exactement reproduites au moyen, dont il ne résulte pas que l'avocat de M. [V], ce dernier n'étant pas comparant, ait eu la parole après le représentant du ministère public, ne permettent pas à la Cour de cassation de s'assurer que le principe ci-dessus rappelé a été respecté.
9. La cassation est, par conséquent, encourue.
Crim. 13 avril 2021 n° 21-80.728 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° H 21-80.728 FS-P
N° 00603
RB5 13 AVRIL 2021
REJET
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 13 AVRIL 2021
M. [A] [S] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Toulouse, en date du 22 janvier 2021, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef de viol, a rejeté sa demande de mise en liberté.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Dary, conseiller, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [S], et les conclusions de M. Aubert, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 avril 2021 où étaient présents M. Soulard, président, M. Dary, conseiller rapporteur, M. Bonnal, Mme Ménotti, M. Maziau, Mme Labrousse, M. Seys, conseillers de la chambre, M. Barbier, Mme de Lamarzelle, M. Violeau, conseillers référendaires, M. Aubert, avocat général, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. [S] a été mis en examen du chef de viol et placé en détention provisoire le 13 février 2019.
3. Par arrêt en date du 30 avril 2020, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Toulouse a ordonné sa mise en accusation devant la cour d'assises de la Haute-Garonne du chef susvisé.
4. Le 23 décembre 2020, M. [S] a saisi la chambre de l'instruction d'une demande de mise en liberté et, par mémoire écrit, a fait état, notamment, de conditions indignes de détention.
5. Par arrêt du 5 janvier 2021, la chambre de l'instruction a déclaré cette demande recevable, sursis à statuer et ordonné des vérifications sur les conditions de détention de l'intéressé au centre pénitentiaire [Établissement 1].
6. Les informations sollicitées ont été transmises à la chambre de l'instruction et l'affaire a été évoquée, à nouveau, à l'audience du 19 janvier 2021 au cours de laquelle M. [S] a comparu et a eu la parole en dernier.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de remise en liberté de M. [S], alors :
« 1°/ que la déclaration d'inconstitutionnalité des dispositions de l'article 148-2 du code de procédure pénale qui sera prononcée au terme de la question prioritaire de constitutionnalité incidente, privera la décision attaquée de toute base légale en tant que la chambre de l'instruction n'a pas informé M. [S] de son droit, au cours des débats, de se taire ;
2°/ que la personne qui comparaît devant la chambre de l'instruction, en matière de détention provisoire, doit être informée de son droit, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire ; que la méconnaissance de l'obligation d'informer l'intéressé du droit de se taire lui fait nécessairement grief ; qu'en se prononçant sur la demande de mise en liberté de M. [S], sans que son droit de se taire ne lui ait été notifié, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 148-2 du code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
Sur le moyen pris en sa première branche
8. Par arrêt de ce jour, la chambre criminelle a renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité relative à l'article 148-2 du code de procédure pénale.
9. L'article 23-5, alinéa 4, de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel dispose que lorsque le Conseil constitutionnel a été saisi, le Conseil d'Etat ou la Cour de cassation sursoit à statuer jusqu'à ce qu'il se soit prononcé. Il en va autrement quand l'intéressé est privé de liberté à raison de l'instance et que la loi prévoit que la Cour de cassation statue dans un délai déterminé.
10. Tel est le cas en l'espèce.
11. Il est rappelé que, dans sa décision n° 2009-595 DC du 3 décembre 2009, le Conseil constitutionnel a jugé que si l'alinéa 4 de l'article précité peut conduire à ce qu'une décision définitive soit rendue dans une instance à l'occasion de laquelle le Conseil constitutionnel a été saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité et sans attendre qu'il ait statué, dans une telle hypothèse, ni cette disposition ni l'autorité de la chose jugée ne sauraient priver le justiciable de la faculté d'introduire une nouvelle instance pour qu'il puisse être tenu compte de la décision du Conseil constitutionnel.
Sur le moyen pris en sa seconde branche
12. Selon la jurisprudence de la Cour de cassation (Crim., 24 février 2021, pourvoi n° 20-86.537, en cours de publication), l'absence d'information donnée à la personne qui comparaît devant la chambre de l'instruction saisie du contentieux d'une mesure de sûreté de son droit de faire des déclarations, de répondre aux questions posées ou de se taire est sans incidence sur la régularité de la décision de la chambre de l'instruction et a pour seule conséquence que les déclarations de l'intéressé ne pourront être utilisées à son encontre par les juridictions appelées à prononcer un renvoi devant la juridiction de jugement ou une déclaration de culpabilité.
13. Il s'ensuit que le moyen est inopérant.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
14. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de remise en liberté de M. [S], alors « qu'il résulte de l'article 181 du code de procédure pénale qu'une personne ne peut être maintenue en détention provisoire jusqu'à son jugement rendu par la cour d'assises que lorsqu'il existe des charges suffisantes à son encontre d'avoir commis un crime ; que lorsqu'elle est saisie d'une demande de mise en liberté formée par un accusé, la chambre de l'instruction doit s'assurer, même d'office, de l'existence, à son encontre, de charges suffisantes d'avoir commis le crime pour lequel il a été mis en accusation devant la cour d'assises ; que la chambre de l'instruction a constaté que par un arrêt en date du 30 avril 2020, M. [S] a été renvoyé devant la cour d'assises de la Haute-Garonne pour avoir commis un viol ; qu'en se bornant à faire références aux charges suffisantes constatées par la chambre de l'instruction dans son arrêt de mise en accusation, sans s'assurer de l'existence de telles charges au moment où elle statuait, la chambre de l'instruction a violé les articles 5 1.c de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 181 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
15. Pour rejeter la demande de mise en liberté de M. [S], la chambre de l'instruction a retenu que dans un arrêt du 30 avril 2020, elle avait estimé qu'il existe des charges suffisantes à l'encontre de M. [S] d'avoir commis le crime de viol dans la nuit du 6 au 7 août 2017.
16. En l'état de cette référence à son arrêt de mise en accusation du 30 avril 2020 et en l'absence d'élément nouveau, la chambre de l'instruction, qui s'est assurée suffisamment de l'existence des conditions légales de détention de M. [S], n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.
17. Dès lors, le moyen doit être écarté.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
18. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de remise en liberté de M. [S], alors « qu'il résulte de l'article 148-2 du code de procédure pénale que, lorsqu'une chambre de l'instruction est appelée à statuer, en application de l'article 148-1 de ce code, sur une demande de mise en liberté formée par un accusé qui est renvoyé devant la cour d'assises, elle doit se prononcer dans le délai de vingt jours qu'il fixe, faute de quoi il est mis fin à la détention provisoire, l'intéressé, s'il n'est pas détenu pour autre cause, étant mis d'office en liberté ; que cet article ne prévoit aucune faculté de prolonger les délais qu'il fixe et dans lesquels la juridiction saisie doit se prononcer sur la demande ; qu'il résulte des mentions de l'arrêt que la demande de mise en liberté a été présentée par le conseil de M. [S] au greffe de la chambre de l'instruction le 23 décembre 2020 ; que la décision sur cette demande devait donc, aux termes de l'alinéa 2 de l'article 148-2 précité, être rendue au plus tard le 12 janvier 2021 ; qu'en rendant sa décision le 22 janvier 2021, la chambre de l'instruction a violé l'article 148-2 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
19. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, par déclaration, reçue au greffe de la chambre de l'instruction, le 23 décembre 2020, M. [S], qui avait fait l'objet d'un arrêt de mise en accusation en date du 30 avril 2020, a formé une demande de mise en liberté, faisant état, notamment, de conditions indignes de détention ; que, par arrêt avant dire droit, en date du 5 janvier 2021, cette juridiction a ordonné des vérifications à la suite desquelles elle a statué par un arrêt du 22 janvier 2021.
20. En répondant ainsi à la demande de mise en liberté au-delà du délai de vingt jours prévu à l'article 148-2 du code de procédure pénale, après avoir ordonné, dans le délai susvisé, des vérifications, à la demande de la personne détenue, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.
21. En effet, il résulte des articles 3 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, tels qu'interprétés par la Cour européenne des droits de l'homme (arrêt du 20 octobre 2016, Mursic c. Croatie, n° 7334/13, §§ 136 à 140 ; arrêt du 30 janvier 2020, J.M.B. et autres c. France, n° 9671/15, §§ 256 et 257) et par la Cour de cassation (Crim., 8 juillet 2020, pourvois n° 20-81.731 et n° 20-81.739, en cours de publication), l'obligation, pour toute juridiction, de faire procéder aux vérifications sur les conditions de détention, dès lors que les allégations relatives à
22. Cette obligation, en l'absence de tout mécanisme mis en place par la loi dans le délai imparti par le Conseil constitutionnel (décision n° 2020-858/859 QPC du 2 octobre 2020), conduit à admettre que le délai prévu à l'article 148-2 précité puisse être dépassé, afin de satisfaire à l'effectivité du droit au recours ainsi exigé, la juridiction ayant alors l'obligation de statuer sur la demande de mise en liberté dans un délai raisonnable.
23. Ainsi, le moyen n'est pas fondé.
Sur le quatrième moyen
Enoncé du moyen
24. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de remise en liberté de M. [S], alors :
« 1°/ qu'il appartient au juge judiciaire, chargé d'appliquer la Convention européenne des droits de l'homme, de garantir à la personne placée dans des conditions indignes de détention un recours préventif et effectif permettant d'empêcher la continuation de la violation de l'article 3 de la Convention ; qu'il lui incombe, lorsque la description faite par le demandeur constitue un commencement de preuve du caractère indigne de la détention, de faire procéder à des vérifications complémentaires afin d'en apprécier la réalité ; qu'après que ces vérifications ont été effectuées, dans le cas où la chambre de l'instruction constate une atteinte au principe de dignité à laquelle il n'a pas entre-temps été remédié, elle doit ordonner la mise en liberté de la personne, en l'astreignant, le cas échéant, à une assignation à résidence avec surveillance électronique ou à un contrôle judiciaire ; qu'en l'espèce, la chambre de l'instruction, qui a ordonné des vérifications sur les conditions de détention de M. [S], lequel indiquait notamment que sa fenêtre était cassée, laissant froid et pluie entrer à l'intérieur de sa cellule, et que son codétenu fumait à l'intérieur ce qui nuisait incontestablement à sa santé, a relevé que ce dernier occupe, depuis le 23 octobre 2020, une cellule dont la fenêtre est fortement dégradée au niveau des joints (partie supérieure), qu'une campagne de changement des joints serait prévue dans cet établissement seulement en 2021 et que le codétenu de M. [S] se déclare fumeur ; qu'en estimant que les conditions de détention de M. [S] ne pouvaient être considérées comme indignes, la chambre de l'instruction n'a pas tiré les conclusions qu'imposaient ses propres constatations, qui révélaient des conditions indignes au regard des standards européens et a violé les principes susvisés et l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
2°/ en tout état de cause, qu'en se bornant à constater, pour retenir que les conditions de détention de M. [S] ne pouvaient être considérées comme indignes, que le contrôle de température effectué en plein jour dans la cellule de ce dernier aurait révélé une température de 19,9 degrés, sans mieux répondre au mémoire de l'accusé qui faisait valoir qu'outre le fait qu'il a froid, lorsqu'il pleut l'eau entre dans la cellule de sorte que le sol est inondé, la chambre de l'instruction a violé l'article 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
25. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation (Crim., 8 juillet 2020, pourvoi n° 20-81.739, en cours de publication) que le juge judiciaire a l'obligation de garantir à la personne placée dans des conditions indignes de détention un recours préventif et effectif permettant de mettre un terme à la violation de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, et qu'il incombe à ce juge, en tant que gardien de la liberté individuelle, de veiller à ce que la détention provisoire soit, en toutes circonstances, mise en oeuvre dans des conditions respectant la dignité des personnes et de s'assurer que cette privation de liberté est exempte de tout traitement inhumain et dégradant. Lorsque la description faite par le demandeur de ses conditions personnelles de détention est suffisamment crédible, précise et actuelle, de sorte qu'elle constitue un commencement de preuve de leur caractère indigne, la juridiction est tenue de faire procéder à des vérifications complémentaires afin d'en apprécier la réalité.
26. Pour rejeter le moyen pris de conditions indignes de détention de M. [S], l'arrêt attaqué énonce, au vu d'un rapport du chef d'établissement du centre pénitentiaire [Établissement 1] du 11 janvier 2021, transmis suite à l'arrêt avant dire droit de la chambre de l'instruction en date du 5 janvier 2021 ayant ordonné des vérifications sur ce point, que celui-ci est affecté dans une cellule de 10,7 m², soit 4,45 m² par détenu, hors sanitaire, occupée par deux personnes et dont l'état général est globalement très correct, hormis la dégradation d'une partie des joints du haut de la fenêtre.
27. Les juges ajoutent que ce rapport fait état d'une température conforme à la température exigée dans les lieux d'habitation collectifs (au moins 19°) et de ce que le détenu dispose normalement d'eau chaude, de deux couvertures et de vêtements qu'il a reçus en septembre et décembre 2020.
28. Ils relèvent, encore, d'une part, que M. [S] est hébergé dans l'aile travailleur depuis le 10 juillet 2020 avec un codétenu dont il ne s'est jamais plaint et, d'autre part, qu'il participe aux activités sportives et bénéficie d'un promenade quotidienne d'une heure.
29. Ils précisent, en outre, que l'intéressé n'a jamais évoqué la présence de nuisibles, faisant , au contraire, état de l'hygiène irréprochable de sa cellule.
30. Les juges en concluent que les conditions de détention de M. [S] ne peuvent être considérées comme indignes et justifier sa mise en liberté.
31. En l'état de ces énonciations, la chambre de l'instruction, qui a appliqué les principes et normes définis par la Cour européenne des droits de l'homme, en a exactement déduit que les conditions de détention de l'intéressé ne caractérisaient pas un traitement inhumain ou dégradant, les deux griefs tirés, d'une part, du caractère ponctuel et non contradictoire du relevé de température effectué dans la cellule de M. [S], et, d'autre part, de l'inondation que provoquerait la pluie en raison de la défectuosité du joint de fenêtre, inondation dont il n'est pas allégué qu'elle ait été signalée à l'administration, n'étant pas de nature à remettre en cause l'appréciation des conditions de détention de l'intéressé prise dans sa globalité.
32. Ainsi, le moyen doit être écarté.
33. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
Crim. 8 avril 2021 n° 21-80.843
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° H 21-80.843 F-D
N° 00587
GM8 AVRIL 2021
CASSATION SANS RENVOI
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,DU 8 AVRIL 2021
M. B... I... a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 6ème section, en date du 7 janvier 2021, qui, dans l'information suivie contre lui du chef de vol en bande organisé, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention rejetant sa demande de mise en liberté.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. d'Huy, conseiller, les observations de la SCP Gaschignard, avocat de M. B... I..., et les conclusions de M. Valat, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 avril 2021 où étaient présents M. Soulard, président, M. d'Huy, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. B... I... a été mis en examen du chef de vol en bande organisée et placé sous mandat de dépôt le 28 juin 2020.
3. Il a formé une demande de mise en liberté qui a été rejetée par ordonnance du juge des libertés et de la détention le 10 décembre 2020.
4. Son avocat a interjeté appel de cette décision et a déposé un mémoire demandant la mise en liberté immédiate de M. I... en soutenant que celui-ci avait présenté une précédente demande de mise en liberté, rejetée par ordonnance du juge des libertés et de la détention qui lui a été notifiée le 10 novembre 2020. Son appel de cette dernière ordonnance, par courrier arrivé le 16 novembre suivant au greffe de l'établissement pénitentiaire, n'ayant pas été transmis à la juridiction, la chambre de l'instruction n'a pas statué dans le délai qui lui était légalement imparti et son client se trouve détenu sans titre depuis le 7 décembre 2020.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté le moyen tiré de la détention arbitraire de M. I... et confirmé l'ordonnance de rejet de sa demande de mise en liberté du 10 décembre 2020, alors :
« 1°/ que la cour d'appel a elle-même constaté que M. I... avait déclaré faire appel de l'ordonnance du 6 novembre 2020 par un courrier adressé au greffe de l'établissement pénitentiaire sur lequel avaient été apposés le tampon du greffe du 16 novembre 2020 ; qu'en jugeant qu'aucun appel n'avait été valablement formé, au motif inopérant que l'intéressé n'avait pas rempli le formulaire exigé par une « note à l'attention des personnes détenues » diffusée auprès des détenus à la prison de Meaux-Chauconin, dépourvue de toute valeur normative et insusceptible de faire échec aux dispositions légales seules applicables, la chambre de l'instruction a violé les articles 503, 194 et 199 du code de procédure pénale, ensemble l'article 5.4 de la convention européenne des droits de l'homme ;
2°/ qu'en retenant, pour juger qu'aucun appel n'avait été valablement formé, que M. I... n'avait pas rempli le formulaire exigé par une « note à l'attention des personnes détenues », bien qu'elle ait elle-même constaté que cette note énonçait expressément que le formulaire était mis à disposition des détenus « dans le bureau des gradés du bâtiment ainsi qu'au greffe », de sorte qu'il incombait en tout état de cause au greffe de l'établissement, destinataire du courrier par lequel M. I... avait indiqué faire appel de l'ordonnance, de fournir à celui-ci le formulaire visé, la chambre de l'instruction a violé les articles 503, 194 et 199 du code de procédure pénale, ensemble l'article 5.4 de la convention européenne des droits de l'homme ;
3°/ qu'en se bornant à constater que l'appel, formé le 16 novembre 2020 n'avait été enregistré au greffe de la cour d'appel que le 7 décembre suivant pour en déduire qu'à cette date, le délai de vingt jours n'était pas expiré sans caractériser l'existence d'une circonstance imprévisible et insurmontable, extérieure au service de la justice, ayant justifié qu'un délai de 22 jours se soit écoulé entre la déclaration d'appel et son enregistrement au greffe de la cour d'appel, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 503, 194 et 199 du code de procédure pénale, ensemble l'article 5.4 de la convention européenne des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 503,186 et 593 du code de procédure pénale :
6. Il résulte du premier des ces textes, que lorsque l'appelant est détenu, l'appel peut être fait au moyen d'une déclaration auprès du chef de l'établissement pénitentiaire, cette déclaration étant constatée, datée et signée par le chef de l'établissement pénitentiaire et l'appelant puis adressée sans délai au greffe de la juridiction qui a rendu la décision attaquée.
7. Selon le second, l'appel des ordonnances du juge des libertés et de la détention est interjeté dans les dix jours qui suivent la notification ou la signification de la décision.
8. Tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
9. Pour rejeter le moyen tiré de la détention arbitraire de M. I..., l'arrêt énonce qu'il est constant que, par ordonnance du 6 novembre 2020, notifiée le 10 novembre 2020, M. I... a vu rejeter sa précédente demande de mise en liberté, qu'il a fait appel de cette décision par un courrier adressé au greffe de l'établissement pénitentiaire, portant le tampon du greffe du 16 novembre 2020, qui n'a pas été enregistré.
10. L'arrêt précise que, par courriel du 22 décembre 2020, le responsable du greffe de l'établissement pénitentiaire a indiqué au juge des libertés et de la détention que l'appel de M. I... n'a pas été retrouvé dans les registres du greffe mais que son courrier, transmis en pièce jointe, qui mentionne une demande de certificat de présence et un appel sur rejet de demande de mise en liberté, a bien été retrouvé, la première partie de la demande ayant été traitée mais pas la seconde.
11. Les juges relèvent qu'il résulte d'une note interne de l'établissement pénitentiaire, en date du 7 août 2019, intitulée « Note à l'attention des personnes détenues », que les personnes détenues disposent d'un formulaire pour la transmission des voies de recours au greffe permettant à celles qui le souhaitent d'exercer les voies de recours selon un circuit ainsi précisément sécurisé dans l'intérêt même des personnes détenues.
12. Ils retiennent qu'il est constant et non contesté que M. I... n'a pas rempli ce formulaire.
13. Ils en déduisent que l'exercice invoqué de la voie de recours contre l'ordonnance du 6 novembre 2020 notifiée le 10 novembre 2020, fondant l'allégation du caractère arbitraire de la détention manque en fait alors qu'aucun élément ne vient accréditer un refus de l'administration pénitentiaire de transmettre la déclaration d'appel, la cour étant par ailleurs précisément saisie d'un appel formé contre une demande de mise en liberté, et ayant déjà été saisie d'une telle demande formée par le mis en examen le 1er juillet 2020, contre la décision de son placement en détention provisoire, celui-ci ayant en son temps, observé la procédure mise en place au sein de l'établissement pénitentiaire.
14. La chambre de l'instruction en conclut qu'aucun appel n'ayant été valablement formé contre l'ordonnance du 6 novembre 2020, il ne peut en être déduit que la détention provisoire de M. I... est arbitraire.
15. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.
16. D'une part, la procédure mise en place au sein de l'établissement pénitentiaire pour faciliter les voies de recours n'emporte aucune conséquence sur la recevabilité d'un appel formulé au moyen d'une déclaration auprès du chef de l'établissement pénitentiaire conformément aux dispositions de l'article 503 du code de procédure pénale.
17. D'autre part, si le courrier réceptionné au greffe de l'établissement pénitentiaire le 16 novembre 2020, par lequel le demandeur a manifesté son intention d'interjeter appel, ne pouvait, à lui seul, constituer la déclaration prévue par l'article 503 du code de procédure pénale, l'appelant détenu n'ayant pas été conduit à ce greffe dans un délai lui permettant d'exercer utilement la voie de recours, s'est trouvé dans l'impossibilité de s'y conformer de sorte que compte tenu de ces circonstances, la lettre d'intention d'appel reçue au greffe de l'établissement pénitentiaire a produit les mêmes effets qu'une déclaration d'appel.
18. La cassation est par conséquent encourue.
Portée et conséquences de la cassation
19. Dès lors que la chambre de l'instruction ne s'est pas prononcée sur l'appel formé par M. I... le 16 novembre 2020, dans le délai prescrit par l'article 194, alinéa 4, du code de procédure pénale, celui-ci doit être mis d'office en liberté. La cassation aura donc lieu sans renvoi et l'intéressé sera remis en liberté s'il n'est détenu pour autre cause.
Crim. 8 avril 2021 n° 20-84.919
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° S 20-84.919 F-D
N° 00459
SM128 AVRIL 2021
CASSATION PARTIELLE
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,DU 8 AVRIL 2021
M. H... P... a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai, 6e chambre, en date du 6 juillet 2020, qui pour faux, usage de faux et escroquerie, l'a condamné à dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis, à 20 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. de Lamy, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. H... P..., et les conclusions de M. Salomon, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 mars 2021 où étaient présents M. Soulard, président, M. de Lamy, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. P... a été poursuivi devant le tribunal correctionnel du chef de faux, usage de faux et escroquerie en raison de falsifications d'ordonnance, de facturations abusives de soins, de cotations de majorations de coordination infirmier indues et de facturations d'actes non réalisés, afin d'obtenir, en tant qu'infirmier, des remboursements indus de la CPAM.
3. Les juges du premier degré ont déclaré M. P... coupable des délits reprochés.
4. Le prévenu et le ministère ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le premier moyen pris en sa troisième branche
5. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen pris en ses première, deuxième et quatrième branches
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement ayant retenu la culpabilité de M. P... du chef d'escroquerie, ainsi que de faux et usage de faux, alors :
« 1°/ que le délit d'escroquerie ne peut résulter de simples erreurs dans la nomenclature générale des actes professionnels ou inobservation de la tarification idoine dans un document transmis à un organisme social et soumis à vérification et à discussion de la part de cet organisme ; qu'en relevant que la CPAM a constaté de « nombreux irrespects de la nomenclature » et que le système de télédéclaration impliquait l'utilisation des cartes vitales des patients, en utilisant ainsi ses coordonnées des patients pour procéder à des déclarations frauduleuses, M. P... a commis des manoeuvres frauduleuses, la cour d'appel n'a pu justifier d'aucun élément extérieur de nature à donner force et crédit aux surcotations pratiquées, faute de justifier concrètement, en l'espèce, et non par des considérations générales relatives au « système de télédéclaration », de la télétransmission des feuilles de soin litigieuses, en méconnaissance des articles 313-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale,
2°/ que M. P... faisait précisément valoir dans ses conclusions laissées sans réponse sur ce point essentiel, qu'il ne télétransmettait pas les feuilles de soins, qu'il les déposait sur format papier dans la boite aux lettres de la CPAM sans les faire signer par les patients et qu'ainsi aucun élément extérieur aux erreurs de cotation de nature à leur donner force et crédit, n'a été utilisée ; qu'en ne s'expliquant pas sur ce point et en faisant référence au « système de télédéclaration » ayant remplacé la transmission de la feuille de soins que le prévenu déclarait regretter, la cour d'appel n'a pas répondu au chef péremptoire des conclusions de M. P... et a privé sa décision de motifs au regard des exigences de l'article 593 du code de procédure pénale.
4°/ qu'en outre, les faits qui procèdent de manière indissociable d'une action unique caractérisée par une seule intention coupable ne peuvent donner lieu à plusieurs déclarations de culpabilité de nature pénale, fussent-ils concomitants ; qu'en condamnant M. P... des chefs d'escroquerie, d'une part, et de faux et usage de faux d'autre part, pour les mêmes faits consistant en la production de fausses ordonnances, constitutive à la fois des manoeuvres frauduleuses de l'escroquerie et de l'élément matériel du faux et usage de faux, alors même que l'établissement de ces documents et leur usage avaient le même but (obtenir des remboursements de la CPAM) la cour d'appel a méconnu le principe non bis in idem et violé les articles 313-1 du code pénal, et 441-1 du même code. »
Réponse de la cour
Sur le premier moyen pris en sa première et deuxième branches
7. Pour déclarer M. P... coupable d'escroquerie au préjudice de la CPAM de l'Artois, la cour d'appel retient que les manoeuvres frauduleuses commises par le prévenu ont consisté, d'une part, à produire de fausses ordonnances justifiant les demandes de remboursement et, d'autre part, à commettre de nombreux irrespects de la nomenclature des soins connue des professionnels ainsi qu'à déclarer des actes de soin ou de déplacements fictifs dont la multiplication révèle une volonté frauduleuse.
8. Les juges ajoutent que les manoeuvres frauduleuses ont également résidé dans l'usage, par le prévenu, des coordonnées des patients par l'utilisation de leur carte vitale ou de leurs références afin que le système de télé-déclaration permette les paiements effectués au profit du prévenu.
9.En statuant ainsi, caractérisant des manoeuvres frauduleuses ayant déterminé la CPAM de l'Artois au paiement indûment sollicité par M. P..., la cour d'appel a justifié sa décision.
10. D'où il suit que le moyen doit être écarté.
Sur le moyen pris en sa quatrième branche
Vu le principe ne bis in idem :
11. Selon ce principe, des faits qui procèdent de manière indissociable d'une action unique caractérisée par une seule intention coupable ne peuvent donner lieu, contre le même prévenu, à deux déclarations de culpabilité de nature pénale, fussent-elles concomitantes.
12. Pour déclarer M. P... coupable d'usage de faux et d'escroquerie, la cour d'appel relève que le prévenu a produit auprès de la CPAM de l'Artois de fausses ordonnances justifiant ses demandes de paiement.
13.En prononçant ainsi, sans relever des faits constitutifs d'usage de faux distincts des manoeuvres frauduleuses qu'elle a expressément retenues pour déclarer le prévenu coupable d'escroquerie, la cour d'appel a méconnu le principe sus-énoncé.
14. D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef.
Civ.1 8 avril 2021 n° 19-21.842 B
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION______________________
Audience publique du 8 avril 2021
Cassation partielle
Mme BATUT, président
Arrêt n° 289 F-P
Pourvoi n° J 19-21.842
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 8 AVRIL 2021
Mme F... I..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° J 19-21.842 contre l'arrêt rendu le 27 juin 2019 par la cour d'appel de Bordeaux (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme Y... K..., épouse O...,
2°/ à M. P... O...,
domiciliés [...] , pris tous deux tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de leur fils mineur B... O...,
3°/ à l'association Aéroclub du Bassin d'Arcachon, dont le siège est [...] ,
4°/ à la société L'Equité, société anonyme, dont le siège est [...] ,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Chevalier, conseiller, les observations de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de Mme I..., de Me Bouthors, avocat de Mme K... et de M. O..., tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de leur fils mineur B..., de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de l'association Aéroclub du Bassin d'Arcachon, après débats en l'audience publique du 16 février 2021 où étaient présents Mme Batut, président, M. Chevalier, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à Mme I... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société L'Equité.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 27 juin 2019), le 26 juillet 2007, un aéronef appartenant à l'association Aéroclub du Bassin d'Arcachon (l'association) s'est écrasé, provoquant la mort de son pilote, X... I... (le pilote), et de ses passagers, N... K... et V... H..., épouse K..., transportés à titre gratuit.
3. Par acte du 27 mars 2015, Mme Y... K..., fille des passagers, et son conjoint, M. O..., agissant en leur nom personnel et en qualité de représentants légaux de leur fils mineur B... (les consorts K... O...), ont assigné en indemnisation l'association, dont la responsabilité a été écartée, ainsi que Mme F... I..., en sa qualité d'héritière du pilote, qui a appelé en la cause la société L'Equité, en qualité d'assureur de celui-ci.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. Mme I... fait grief à l'arrêt de la condamner à payer diverses sommes aux consorts K... O..., alors « qu'une promenade aérienne, fût-elle effectuée par un particulier, à titre gratuit, avec un point de départ et d'arrivée identique, constitue un transport aérien soumis à la Convention de Varsovie du 12 octobre 1929 ; qu'en ayant jugé que le vol dont s'agissait, dans lequel le pilote et trois passagers avaient trouvé la mort, ne constituait pas un transport aérien, au motif qu'il s'agissait d'un vol circulaire, la cour d'appel a violé l'article L. 322-3 du code de l'aviation civile, devenu l'article L. 6421-4 du code des transports. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 322-3 du code de l'aviation civile alors en vigueur :
5. Il résulte de ce texte qu'une promenade aérienne effectuée par un particulier à titre gratuit, avec un point de départ et d'arrivée identique, constitue un transport aérien soumis aux seules dispositions de la Convention de Varsovie du 12 octobre 1929 et que la responsabilité de ce particulier ne peut être engagée que si la victime prouve qu'il a commis une faute.
6. Pour condamner Mme I... à payer des indemnités aux consorts K... O..., l'arrêt retient, d'une part, que le vol litigieux ne pouvait être qualifié de « transport aérien » au sens de l'article L. 6400-1 du code des transports aux motifs qu'il n'avait pas pour objet d'amener des passagers d'un point de départ vers un point de destination et qu'il ne s'agissait pas non plus d'un baptême de l'air ni d'un vol à titre onéreux, d'autre part, que la responsabilité du pilote, en l'absence de faute de sa part, devait être retenue sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1, devenu 1242 du code civil.
7. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
8. L'association demande sa mise hors de cause.
9. L'arrêt, en ce qu'il rejette les demandes des consorts K... O... contre l'association, n'est pas contesté par ces derniers.
10. Il ne l'est pas non plus par Mme I... en ce qu'il rejette ses demandes contre l'association en garantie pour défaut d'assurance et en indemnisation de ses préjudices d'affection et économique.
11. Il y a lieu, par conséquent, de mettre hors de cause l'association, dont la présence n'est plus nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.
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