Civ.3 10 juillet 2025 n° 23-20.239
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
CC
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 10 juillet 2025
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 358 F-D
Pourvoi n° Z 23-20.239
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 JUILLET 2025
La société SMABTP, société d'assurance mutuelle à cotisations variables, dont le siège est [Adresse 16], a formé le pourvoi n° Z 23-20.239 contre l'arrêt rendu le 28 juin 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 4 - chambre 5), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [P] [OR],
2°/ à Mme [XE] [N], épouse [OR],
tous deux domiciliés [Adresse 14],
3°/ à Mme [S] [A],
4° à M. [T] [H],
tous deux domiciliés [Adresse 19],
5°/ à M. [K] [D],
6°/ à Mme [FR] [HE], épouse [D],
tous deux domiciliés domicilié [Adresse 6],
7°/ à M. [X] [IR],
8°/ à Mme [R] [RE], épouse [IR],
tous deux domiciliés [Adresse 21],
9°/ à M. [F] [CR],
10°/ à Mme [E] [KE], épouse [CR],
tous deux domiciliés [Adresse 11]
11°/ à M. [KD] [G], domicilié [Adresse 12],
12°/ à M. [AU] [B], pris à titre personnel et en sa qualité d'héritier de [J] [B],
13°/ à Mme [YS] [LR], épouse [B],
tous deux domiciliés [Adresse 2],
14°/ à [J] [B], ayant été domicilié [Adresse 10],
15°/ à M. [Y] [B], domicilié [Adresse 3],
16°/ à M. [VR] [L],
17°/ à Mme [V] [B], épouse [L],
tous deux domiciliés [Adresse 4],
18°/ à Mme [C] [BX], épouse [B], domiciliée [Adresse 10],
19°/ à la société Creil centre, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 7],
20°/ à la société Park Renov, dont le siège est [Adresse 22],
21°/ à la société EMJ, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 15], prise en la personne de M. [Z] [O], en sa qualité de liquidateur de la société Park Renov,
22°/ à la société La Foncière, société anonyme, dont le siège est [Adresse 9],
23°/ à la société Royal et Sun Alliance Insurance, dont le siège est [Adresse 1], prise en sa qualité d'assureur de la société Euparc,
24°/ à la société MAAF assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 20],
25°/ à M. [X] [W], domicilié [Adresse 5], pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société G 31,
26°/ à la société Espace location, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 22],
27°/ à M. [M] [U], domicilié [Adresse 17], pris en sa qualité d'héritier de [J] [B],
28°/ à M. [ED] [I], domicilié [Adresse 13], pris en sa qualité d'héritier de [J] [B],
défendeurs à la cassation.
La société Maaf assurances a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bironneau, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de la société SMABTP, de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. et Mme [OR], Mme [A], M. [H], M. et Mme [D], M. et Mme [IR], M. et Mme [CR], M. [G], M. et Mme [B], M. [Y] [B], M. et Mme [L], la société civile immobilière Creil centre, MM.[M] [U] et [ED] [I], ès qualités, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société MAAF assurances, après débats en l'audience publique du 27 mai 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Bironneau, conseiller référendaire rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la société MAAF assurances (la MAAF) du désistement de son pourvoi incident en ce qu'il est dirigé contre les sociétés Park Renov, EMJ, prise en sa qualité de liquidateur de la société Park Renov, La Foncière, Royal et Sun Alliance Insurance, venant aux droits de la société Royal et Sun Global, Espace location, et M. [W], pris en sa qualité de liquidateur de la société G3I.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 juin 2023) et les productions, le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier situé au [Adresse 18] et [Adresse 8] a confié à la société La Foncière, maître d'ouvrage délégué, assuré auprès de la MAAF, des travaux de restructuration afin de réaliser des emplacements de parking destinés à la location.
3. Sont intervenues à ces opérations la société Park Renov, entreprise générale, assurée auprès de la MAAF, la société G3I, maître d'oeuvre, assurée auprès de la SMABTP, et la société Euparc, en charge de la conception et la réalisation des équipements automatisés du silo élévateur de voitures.
4. En raison du dysfonctionnement du monte-voiture, le parking a cessé d'être exploité trois ans après sa mise en service et la société Espace location, société preneuse, a mis fin aux baux régularisés avec les différents propriétaires.
5. M. et Mme [OR], Mme [A], M. [H], M. et Mme [D], M. et Mme [IR], M. et Mme [CR], M. [G], M. [AU] [B], Mme [LR] épouse [B], M. [J] [B], M. [Y] [B], M. et Mme [L], Mme [C] [BX] épouse [B], et la société Creil centre, propriétaires d'emplacements de stationnement, ont assigné les constructeurs et leurs assureurs aux fins d'indemnisation de leurs préjudices.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi principal
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen du pourvoi incident, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
7. La MAAF fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de réduction proportionnelle, alors « que lorsque les parties ne sont pas d'accord pour déterminer le montant de la prime qui aurait été dû si le risque avait été exactement et complètement déclaré, il appartient aux juges du fond de déterminer ce montant et de fixer la réduction qui doit être apportée à l'indemnité à raison des déclarations inexactes de l'assuré ; que pour débouter la MAAF de sa demande de réduction proportionnelle, la cour d'appel a énoncé qu'elle n'était pas en mesure de calculer la réduction proportionnelle sollicitée par la MAAF, aucune des parties ne fournissant d'éléments quant aux primes versées et à celles qui auraient été dues ; qu'en statuant ainsi cependant qu'il appartenait aux juges du fond de déterminer ce montant et de fixer la réduction qui devait être apportée à l'indemnité à raison des déclarations inexactes de l'assuré, la cour d'appel a violé l'article 113-9 du code des assurances. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 113-9, alinéa 3, du code des assurances :
8. En application de ce texte, lorsque le risque assuré n'a pas été exactement et complètement déclaré, il appartient au juge, saisi par l'assureur d'une demande de réduction proportionnelle d'indemnité, d'en déterminer le montant, le cas échéant après avoir invité les parties à fournir toute explication utile sur le taux des primes qui auraient été dues, si les risques avaient été complètement et exactement déclarés.
9. Pour rejeter la demande de réduction proportionnelle de l'indemnité due par la MAAF, l'arrêt retient qu'en l'absence d'éléments fournis par les parties quant aux primes versées et à celles qui auraient été dues, la réduction proportionnelle ne peut pas être calculée.
10. En statuant ainsi, alors qu'elle avait retenu que l'application de la règle proportionnelle était fondée en son principe, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Civ.3 10 juillet 2025 n° 23-20.491 B
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
CL
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 10 juillet 2025
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 348 FS-B
Pourvoi n° Y 23-20.491
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 JUILLET 2025
La société Eco bois, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Y 23-20.491 contre l'arrêt rendu le 17 mai 2023 par la cour d'appel de Colmar (1re chambre civile, section A), dans le litige l'opposant à la société du Bois d'Audrey et Delphine, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Davoine, conseiller référendaire, les observations de la SAS Zribi et Texier, avocat de la société Eco bois, et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 mai 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Davoine, conseiller référendaire rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, Mmes Pic, Oppelt, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mme Gallet, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, M. Sturlèse, avocat général, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, de la présidente et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 17 mai 2023), la société Paul Saenger et fils et la société civile immobilière Saenger, aux droits desquelles est venue la société civile immobilière du Bois d'Audrey et Delphine (la SCI), ont donné à bail commercial à la société Saenger, devenue la société Eco bois (la locataire), un terrain, des hangars et des bureaux à usage d'exploitation forestière, négoce de bois d'oeuvre et scierie.
2. Soutenant que la SCI avait amputé d'un tiers l'assiette du bail en y construisant un hangar et un parking loués à un tiers et empêché l'accès aux bâtiments loués, la locataire l'a assignée en résiliation du bail et en indemnisation.
Examen des moyens
Sur le quatrième moyen
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. La locataire fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme prescrite son action en résiliation du bail aux torts du bailleur, en ce qu'elle est fondée sur un manquement du bailleur à son obligation de délivrance et de jouissance paisible d'une surface supérieure à 30,74 ares, alors « que la prescription de l'action en résiliation du bail fondée sur le manquement du bailleur à son obligation de délivrance et de jouissance paisible ne peut commencer à courir qu'à compter de la cessation du manquement imputé au bailleur ; qu'en énonçant, pour déclarer partiellement prescrite l'action en résiliation du bail formée par la société Eco bois que « le délai de prescription de l'action en résiliation fondée sur le manquement du bailleur à son obligation de délivrance ou de jouissance paisible court à compter du jour de la connaissance de la réduction de la surface louée et de la difficulté à accéder au hangar », la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1709, 1719 et 2224 du code civil :
5. Aux termes du dernier de ces textes, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
6. Aux termes du premier, le louage des choses est un contrat par lequel l'une des parties s'oblige à faire jouir l'autre d'une chose pendant un certain temps, et moyennant un certain prix que celle-ci s'oblige de lui payer.
7. Selon le deuxième, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée et de lui en assurer la jouissance paisible pendant la durée du bail.
8. Ces obligations continues du bailleur sont exigibles pendant toute la durée du bail, de sorte que la persistance du manquement du bailleur à celles-ci constitue un fait permettant au locataire d'exercer l'action en résiliation du bail.
9. Pour déclarer l'action en résiliation partiellement prescrite, l'arrêt retient que le délai de prescription de l'action en résiliation fondée sur le manquement du bailleur à son obligation de délivrance ou de jouissance paisible court à compter du jour de la connaissance de la réduction de la surface louée et de la difficulté à accéder au hangar loué.
10. En statuant ainsi, alors que la réduction de l'assiette du bien loué persistait, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
11. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif déclarant irrecevable comme prescrite l'action en résiliation du bail aux torts du bailleur en ce qu'elle est fondée sur un manquement du bailleur à son obligation de délivrance et de jouissance paisible d'une surface supplémentaire à 30,74 ares entraîne la cassation des chefs de dispositif déclarant irrecevable comme prescrite l'action en responsabilité dirigée contre la SCI tendant à la réparation du dommage résultant de l'empiétement du bailleur pour une surface supplémentaire à 30,74 ares et condamnant la SCI à payer à la locataire une certaine somme au titre du préjudice résultant des loyers indus de juin 2011 à décembre 2019 et statuant sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, qui, procédant des mêmes motifs, s'y rattachent par un lien d'indivisibilité et de dépendance nécessaire.
Civ.3 10 juillet 2025 n° 23-16.488
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
CL
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 10 juillet 2025
Cassation partielle
Mme PROUST, conseillère doyenne faisant fonction de présidente
Arrêt n° 404 F-D
Pourvoi n° X 23-16.488
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 JUILLET 2025
Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 2], représenté par son syndic la société Foncia vallée du Rhône, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la société Foncia l'Immobilière, a formé le pourvoi n° X 23-16.488 contre l'arrêt rendu le 14 mars 2023 par la cour d'appel de Grenoble (2e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Cogedi, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La société civile immobilière Cogedi a formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Schmitt, conseillère référendaire, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat du syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 2], de la SCP Le Guerer, Bouniol-Brochier, Lassalle-Byhet, avocat de la société Cogedi, après débats en l'audience publique du 17 juin 2025 où étaient présentes Mme Proust, conseillère doyenne faisant fonction de présidente, Mme Schmitt, conseillère référendaire rapporteure, Mme Grandjean, conseillère faisant foction de doyenne, et Mme Letourneur, greffière de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des présidente et conseillères précitées, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 14 mars 2023), la société civile immobilière Cogedi (la SCI), propriétaire de lots dans un immeuble soumis au statut de la copropriété, a assigné le syndicat des copropriétaires de cet immeuble (le syndicat des copropriétaires) en annulation des résolutions n° 4 à 11 adoptées lors de l'assemblée générale du 12 juin 2018, autorisant la cession de parties communes à MM. [X] et [Z], la réalisation, par ces derniers, de travaux de restructuration des lots n° 4, 5, 6, 7, 8, 10, 11 et 12 situés aux quatrième et cinquième étages de l'immeuble en quatre lots n° 23, 24, 25 et 26, dont trois lots de duplex et un studio, et la modification de l'état descriptif de division.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi principal et sur le premier moyen du pourvoi incident
2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le deuxième moyen du pourvoi incident, pris en sa deuxième branche
3. La SCI fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en annulation de la résolution n° 11 de l'assemblée générale du 12 juin 2018, alors « qu'en se bornant à relever, de manière inopérante, pour refuser d'annuler la résolution n° 11, intitulée approbation du modificatif au règlement de copropriété et à l'état descriptif de division, que cette résolution est nécessaire du fait de la cession des parties communes, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'annulation des résolutions 5 à 9, autorisant des travaux de redistribution des cloisons et la création de duplex, ne remettait pas en cause le modificatif litigieux et n'entraînait pas ainsi l'annulation, par voie de conséquence, de cette résolution n° 11, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 11, alinéa 1er, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 et 71-2, alinéas 1er à 3, du décret n° 55-1350 du 14 octobre 1955 :
4. Selon le premier de ces textes, lorsque des travaux ou des actes d'acquisition ou de disposition sont décidés par l'assemblée générale statuant à la majorité exigée par la loi, la modification de la répartition des charges ainsi rendue nécessaire peut être décidée par l'assemblée générale statuant à la même majorité.
5. Selon le second, un lot est formé par toute fraction d'immeuble sur laquelle s'exercent ou peuvent s'exercer des droits réels concurrents, y compris la quote-part des parties communes, si elle existe et si elle est déterminée. Pour les bâtiments, constitue une telle fraction chaque local principal (appartement, boutique, local à usage commercial, professionnel ou industriel, etc.) et chaque local secondaire (chambre de service, cave, garage, grenier, etc.).
6. Pour rejeter la demande en annulation de la résolution n° 11 de l'assemblée générale du 12 juin 2018, l'arrêt retient que cette résolution est nécessaire du fait de la cession de parties communes.
7. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la résolution litigieuse n'avait pas pour objet de modifier l'état descriptif de division et la répartition des charges en conséquence de la restructuration des lots n° 4, 5, 6, 7, 8, 10, 11 et 12 et des parties communes acquises par MM. [X] et [Z] en quatre lots d'habitation n° 23, 24, 25 et 26, de sorte que l'annulation des résolutions n° 5 à 9 ayant autorisé ces travaux était de nature à priver cette modification d'objet, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Com. 9 juillet 2025 n° 23-23.484 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
JB
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 9 juillet 2025
Cassation partielle
M. PONSOT, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 406 F-B
Pourvoi n° B 23-23.484
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 JUILLET 2025
1°/ M. [O] [X], domicilié [Adresse 1],
2°/ Mme [L] [B] veuve [X], domiciliée [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° B 23-23.484 contre l'arrêt rendu le 12 octobre 2023 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-4), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Goupement foncier rural [Adresse 1], GFR, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à la société [Adresse 1], société civile d'exploitation agricole, dont le siège est [Adresse 1],
défenderesses à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lefeuvre, conseillère référendaire, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [X] et de Mme [B] veuve [X], de la SAS Boucard-Capron-Maman, avocat des sociétés Goupement foncier rural [Adresse 1], et [Adresse 1], après débats en l'audience publique du 27 mai 2025 où étaient présents M. Ponsot, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lefeuvre, conseillère référendaire rapporteure, Mme Graff-Daudret, conseillère, et M. Doyen, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence,12 octobre 2023), le capital social du Groupement foncier rural [Adresse 1] (le GFR [Adresse 1]) est réparti entre M. [U] [X], détenant 2873 parts en nue-propriété et 563 parts en pleine propriété, M. [O] [X] détenant 1 094 parts en nue-propriété et Mmes [P], [V] et [W] [X] détenant chacune 10 parts en pleine propriété. Mme [B] est usufruitière des parts détenues par M. [O] [X].
2. Les 21 mai 2021 et 31 janvier 2022, M. [O] [X] et Mme [B] ont assigné le GFR [Adresse 1] en annulation de plusieurs délibérations d'assemblées générales.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. M. [O] [X] et Mme [B] font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables leurs actions, alors « que l'action en nullité de délibérations d'assemblées générales, intentée au titre d'un abus de majorité, sans demande d'indemnisation du dommage subi par les actionnaires minoritaires, doit être dirigée contre la société elle même, et non contre les actionnaires majoritaires ; que la société est en mesure de défendre à une demande tendant à voir constater qu'une résolution d'une assemblée d'actionnaires a été prise contrairement à l'intérêt social, dans l'unique dessein de favoriser des membres de la majorité au détriment de membres de la minorité ; qu'en jugeant irrecevables les actions en annulation de délibérations d'assemblées générales pour abus de majorité aux motifs erronés que "bien qu'elle ne tende pas à la condamnation personnelle de l'associé majoritaire à dommages et intérêts, l'action en annulation d'une résolution fondée sur un abus de majorité tend à remettre en cause la validité du vote de cet associé majoritaire, par l'allégation de griefs dirigés contre ce dernier, tirés de ses motivations personnelles prétendument critiquables, auxquels il est seul en mesure de défendre" et qu'il "convient en conséquence de considérer, comme le fait l'appelant, que l'action en annulation pour abus de majorité, même non doublée d'une action en indemnisation contre l'associé majoritaire, nécessite la mise en cause de ce dernier a peine d'irrecevabilité de l'action", la cour d'appel a violé les articles 30 à 32 du code de procédure civile, ensemble les articles 1833 et 1844-10 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1844-10 du code civil et 32 du code de procédure civile :
4. Il résulte de la combinaison de ces textes que la recevabilité d'une action en nullité d'une délibération sociale pour abus de majorité n'est pas, en l'absence de demande indemnitaire dirigée contre les associés majoritaires, subordonnée à la mise en cause de ces derniers.
5. Pour déclarer irrecevables les actions en nullité intentées par M. [O] [X] et Mme [B], l'arrêt retient qu'une décision d'assemblée générale est un acte engageant la société, de sorte que l'action en nullité d'une telle décision doit être dirigée en premier lieu contre la personne morale. Il ajoute que, bien que ne tendant pas à la condamnation personnelle de l'associé majoritaire à payer des dommages et intérêts, l'action en nullité d'une délibération sociale fondée sur un abus de majorité tend à remettre en cause la validité du vote de cet associé, par l'allégation de griefs dirigés à son encontre, tirés de ses motivations personnelles prétendument critiquables, auxquels celui-ci est seul en mesure de défendre. Il en déduit que l'action en nullité d'une délibération sociale pour abus de majorité, même non doublée d'une action en indemnisation contre l'associé majoritaire, nécessite la mise en cause de ce dernier.
6. En statuant ainsi, alors que M. [O] [X] et Mme [B] se bornaient à demander l'annulation de délibérations d'assemblées générales du GFR [Adresse 1], de sorte que la recevabilité de leurs actions n'était pas subordonnée à la mise en cause des associés majoritaires, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Civ.1 9 juillet 2025 n° 23-23.066
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
LM
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 9 juillet 2025
Rejet
Mme CHAMPALAUNE, présidente
Arrêt n° 508 F-D
Pourvoi n° X 23-23.066
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUILLET 2025
La société Le Moulin, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 23-23.066 contre l'arrêt rendu le 23 novembre 2023 par la cour d'appel de Chambéry (2e chambre), dans le litige l'opposant à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) des Savoie, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Tréard, conseillère, les observations de Me Laurent Goldman, avocat de la société civile immobilière Le Moulin, de la SAS Boucard-Capron-Maman, avocat de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) des Savoie, après débats en l'audience publique du 27 mai 2025 où étaient présentes Mme Champalaune, présidente, Mme Tréard, conseillère rapporteure, Mme Guihal, conseillère doyenne, et Mme Vignes, greffière de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée de la présidente et des conseillères précitées, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 23 novembre 2023), les 16 novembre 2009 et 18 mai 2010, la caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Savoie (la banque) a consenti à la société civile immobilière Le Moulin (l'emprunteur), trois prêts immobiliers libellés en francs suisses, remboursables dans la même devise, destinés à l'acquisition d'une maison ancienne à usage d'habitation située en France et à la réalisation de travaux.
2. Le 17 février 2017, l'emprunteur a assigné la banque en annulation des clauses de remboursement en devises suisses, considérée comme abusives, et dommages et intérêts pour manquement à ses devoirs d'information et de mise en garde.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en ses deuxième à quatrième branches, et le second moyen, réunis
Enoncé du moyen
4. Par son premier moyen, l'emprunteur fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes tendant à juger abusives les clauses des prêts n° 237583, 237584 et 293532 relatives au risque de change et de rejeter ses demandes de dommages et intérêts pour manquement de la banque à son obligation d'information et de mise en garde, alors :
« 2°/ que, subsidiairement, la conclusion d'un prêt en devise, remboursable dans cette devise, par un résident français percevant ses revenus dans cette devise, mais destinant les fonds à financer un bien en euros, est susceptible, pendant toute la durée du prêt, d'engendrer un risque de change tant à raison de ce que la contre valeur du bien financé est en euros que de la possible modification de la devise de perception des revenus de l'emprunteur ; qu'en retenant, pour statuer comme elle l'a fait, que le risque de change était inexistant à la date du prêt à raison de ce que les associés de la société emprunteuse percevaient leurs revenus en francs suisses, de sorte qu'ils n'avaient pas besoin d'acquérir de devises pour procéder au remboursement des prêts, ce qui était inefficace à écarter l'existence d'un risque de change pendant toute la durée du prêt, la cour d'appel a violé l'article L. 132-1, devenu L. 212-1 et L. 241-1, du code de la consommation ;
3°/ que l'appréciation de la clarté des clauses se fait à l'aune du standard abstrait du consommateur moyen, c'est-à-dire un consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, et non au regard des compétences ou connaissances de l'emprunteur concerné ; qu'en se fondant, pour dire claires et compréhensibles les clauses du prêt, sur la circonstance inopérante que les associés de la société emprunteuse étaient des travailleurs frontaliers qui auraient une « parfaite connaissance » des incidences de la fluctuation du taux de change, de sorte que l'emprunteuse serait « notoirement avertie » de l'évolution dans le temps de la parité euros/francs suisses et de l'ampleur et de la portée des clauses des prêts quant au risque de change, la cour d'appel, qui n'a pas apprécié la transparence des clauses pour le consommateur moyen, a violé l'article L. 132-1, devenu L. 212-1 et L. 241-1, du code de la consommation ;
4°/ que, en tout état de cause, lorsqu'elle consent un prêt libellé et remboursable en devises à un résident français qui destine les fonds au financement d'une acquisition en euros, et ayant pour effet de faire peser le risque de change sur l'emprunteur, la banque est tenue de fournir à celui-ci des informations suffisantes et exactes lui permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d'évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, d'une telle clause sur ses obligations financières pendant toute la durée de ce même contrat, notamment en cas de dépréciation importante de l'euro ; qu'en se bornant à énoncer, après avoir relaté les clauses litigieuses, qu'elles étaient parfaitement intelligibles quant aux conséquences économiques relatives au risque de change, sans rechercher si la banque avait fourni à l'emprunteuse des informations suffisantes et exactes lui permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d'évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur ses obligations financières pendant toute la durée du contrat, dans l'hypothèse d'une dépréciation importante de l'euro, monnaie dans lequel le bien était acquis, ou d'une modification de la devise dans laquelle ses associés percevaient leurs revenus, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 132-1, devenu L. 212-1 et L. 241-1, du code de la consommation. »
5. Par son second moyen, l'emprunteur fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes tendant à juger abusives les clauses des prêts n° 237583 et 293532 relatives aux taux d'intérêt révisables et de rejeter ses demandes de dommages et intérêts pour manquement de la banque à son obligation d'information et de mise en garde, alors « qu'aux fins de respecter l'exigence de transparence d'une clause contractuelle fixant un taux d'intérêt variable, dans le cadre d'un contrat de prêt, cette clause doit permettre qu'un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, soit mis en mesure de comprendre le fonctionnement concret du mode de calcul de ce taux et d'évaluer ainsi, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques, potentiellement significatives, d'une telle clause sur ses obligations financières ; qu'en se bornant à relever, pour écarter leur caractère abusif de la clause fixant les conditions de variation du taux d'intérêt, que les documents des prêts étaient d'une parfaite clarté et permettaient à la société Le Moulin de comprendre les modalités de variation du taux d'intérêt, lesquelles dépendaient d'un indice objectif, indépendant de l'activité du prêteur, et susceptible de varier à la hausse comme à la baisse, au détriment comme à l'avantage de l'emprunteur, sans rechercher si la clause litigieuse avait mis en mesure l'emprunteuse de comprendre le fonctionnement concret du mode de calcul de ce taux et d'évaluer ainsi, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques, potentiellement significatives, d'une telle clause sur ses obligations financières, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 132-1, devenu L. 212-1 et L. 241-1, du code de la consommation. »
Réponse de la Cour
6. En application de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
7. Une société civile immobilière (SCI) agit en qualité de professionnel lorsqu'elle souscrit des prêts immobiliers pour financer l'acquisition d'immeubles conformément à son objet.
8. L'arrêt constate que la SCI a souscrit les trois emprunts immobiliers pour l'acquisition d'une maison ancienne à usage d'habitation et la réalisation de travaux.
9. Il en résulte qu'étant réputée agir conformément à son objet, la SCI a agi à des fins professionnelles et ne pouvait donc invoquer à son bénéfice les dispositions du code de la consommation relatives au caractère abusif de certaines clauses des contrats de prêt.
10. Par ce motif de pur droit, en ce qu'il ne se fonde sur aucune constatation qui ne résulterait de l'arrêt, suggéré par la défense, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1, du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié.
Soc. 9 juillet 2025 n° 24-16.142
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 9 juillet 2025
Rejet
Mme MONGE, conseillère doyenne faisant fonction de présidente
Arrêt n° 753 F-D
Pourvoi n° S 24-16.142
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 JUILLET 2025
La société Constructions Saint-Eloi, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 24-16.142 contre l'arrêt rendu le 5 avril 2024 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre, section 1), dans le litige l'opposant à M. [H] [I], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Laplume, conseillère référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Constructions Saint-Eloi, après débats en l'audience publique du 11 juin 2025 où étaient présentes Mme Monge, conseillère doyenne faisant fonction de présidente, Mme Laplume, conseillère référendaire rapporteure, Mme Cavrois, conseillère, et Mme Pontonnier, greffière de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée de la présidente et conseillères précitées, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 5 avril 2024), M. [I], salarié d'une entreprise de travail temporaire, a été mis à la disposition en qualité de soudeur-monteur de la société Constructions Saint-Eloi par contrat de mission du 29 novembre 2021 au 3 décembre 2021 au motif d'un surcroît d'activité.
2. Le 8 février 2022, le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande tendant à la requalification du contrat de mission en contrat à durée indéterminée.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. L'employeur fait grief à l'arrêt de requalifier le contrat de mission signé par le salarié à son bénéfice en contrat à durée indéterminée, de dire que la rupture du contrat de travail s'analysait en un licenciement nul et de le condamner à payer au salarié diverses sommes à titre d'indemnité de requalification du contrat de mission en contrat à durée indéterminée, d'indemnité de préavis et congés payés afférents et pour licenciement nul, alors « qu'il incombe à celui qui prétend qu'il a été employé dans le cadre d'un contrat de travail temporaire pour l'exécution de travaux dangereux, l'exposant à des poussières de métaux durs, d'en rapporter la preuve ; qu'en l'espèce, M. [I] sollicitait la requalification de son contrat de mission en contrat de travail à durée indéterminée avec l'entreprise utilisatrice, en soutenant qu'il avait été affecté au découpage d'un tube d'acier et qu'il avait de ce fait été en contact avec des poussières de métaux durs projetées ; qu'en faisant droit à sa demande au motif que la société Constructions Saint-Eloi ne communiquait pas une attestation d'une personne habilitée excluant toute émanation de poussières de métaux, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a violé l'article 1353 du code civil et les articles L. 1251-40, L. 1251-10, L. 4154-1 et D. 4154-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
5. Selon l'article L. 1251-10, 2°, du code du travail, il est interdit de recourir au travail temporaire pour effectuer certains travaux particulièrement dangereux figurant sur une liste établie par voie réglementaire, dans les conditions prévues à l'article L. 4154-1.
6. Selon l'article L. 4154-1 du même code, il est interdit de recourir à un salarié titulaire d'un contrat de travail à durée déterminée ou à un salarié temporaire pour l'exécution de travaux particulièrement dangereux figurant sur une liste établie par voie réglementaire.
7. Selon l'article D. 4154-1, 22°, du même code, il est interdit d'employer des salariés titulaires d'un contrat de travail à durée déterminée et des salariés temporaires pour l'exécution des travaux les exposant aux poussières de métaux durs.
8. Aux termes de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
9. En cas de litige portant sur le recours à un salarié temporaire en violation des dispositions des articles L. 1251-10, 2°, L. 4154-1 et D 4154-12 du code du travail, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve que les travaux ne font pas partie des travaux proscrits par ces articles.
10. La cour d'appel, qui, après avoir rappelé que l'exécution de travaux emportant une émanation de poussières de métaux durs figurait dans la liste des travaux interdits aux intérimaires, a constaté que, si par le procédé utilisé et décrit, une machine à rubans produit moins de bruit et de poussières qu'une meuleuse, la société utilisatrice ne communiquait pas d'attestation d'une personne habilitée excluant toute émanation de poussières de métaux, en a exactement déduit, sans inverser la charge de la preuve, qu'il convenait de requalifier le contrat de mission en contrat à durée indéterminée.
11. Le moyen n'est donc pas fondé.
Civ.1 9 juillet 2025 n° 24-50.014
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
LM
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 9 juillet 2025
Irrecevabilité
Mme CHAMPALAUNE, présidente
Arrêt n° 586 F-D
Affaire n° J 24-50.014
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUILLET 2025
M. [Z] [J], domicilié [Adresse 4], a formé la requête n° J 24-50.014 contre la décision rendue le 9 mai 2019 par le conseil de l'ordre des avocats à la Cour de cassation, dans le litige l'opposant :
1°/ au conseil de l'ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à la société Le Prado - Gilbert, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],
3°/ à la société Fabiani, Luc Thaler et Pinatel, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme de Cabarrus, conseillère référendaire, et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocate générale, après débats en l'audience publique du 24 juin 2025 où étaient présentes Mme Champalaune, présidente, Mme de Cabarrus, conseillère référendaire rapporteure, Mme Duval-Arnould, conseillère doyenne, et Mme Ben Belkacem, greffière de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée de la présidente et des conseillères précitées, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Par requêtes datées du 15 mars 2024, M. [J] a recherché la responsabilité civile du conseil de l'ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ainsi que de la société Potier de La Varde, Buk Lament et Robillot, devenue Buk Lament-Robillot, de la société Le Prado, devenue Le Prado - Gilbert, et de la société Fabiani, Luc Thaler et Pinatel, avocats aux Conseils.
2. À l'occasion de ce litige, il a demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les dispositions du deuxième alinéa de l'article 13 de l'ordonnance du 10 septembre 1817 qui réunit, sous la dénomination d'ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, l'ordre des avocats aux Conseils et le collège des avocats à la Cour de cassation, fixe irrévocablement le nombre des titulaires et contient des dispositions pour la discipline intérieure de l'ordre, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et certaines professions réglementées.
3. Par décision n° 2024-1104 QPC du 26 septembre 2024, le Conseil constitutionnel a relevé que ces dispositions ne revêtaient pas le caractère d'une disposition législative au sens de l'article 61-1 de la Constitution et en a déduit qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la question prioritaire de constitutionnalité portant sur ce texte.
4. Par arrêt du 19 mars 2025, pourvoi n° 24-50.014, les requêtes présentées par M. [J] ont été déclarées irrecevables.
5. Le 16 mai 2025, M. [J] a déposé une requête en omission de statuer sur cet arrêt ainsi qu'une nouvelle question prioritaire de constitutionnalité portant sur les dispositions du deuxième alinéa de l'article 13 de l'ordonnance du 10 septembre 1817.
6. Cette requête et cette question prioritaire de constitutionnalité déposées par M. [J] n'ayant pas été présentées par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, elles sont également irrecevables.
Soc. 9 juillet 2025 n° 24-21.874
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 9 juillet 2025
Cassation
Mme SOMMÉ, conseillère la plus ancienne faisant fonction de présidente
Arrêt n° 849 F-D
Pourvoi n° X 24-21.874
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 JUILLET 2025
La Société française des habitations économiques (la SFHE), société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° X 24-21.874 contre le jugement rendu selon la procédure accélérée au fond le 12 novembre 2024 par le président du tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence, dans le litige l'opposant au comité social et économique de la Société française des habitations économiques, dont le siège est [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ollivier, conseillère référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la Société française des habitations économiques, de la SARL Cabinet François Pinet, avocat du comité social et économique de la Société française des habitations économiques, après débats en l'audience publique du 2 juillet 2025 où étaient présentes Mme Sommé, conseillère la plus ancienne faisant fonction de présidente, Mme Ollivier, conseillère référendaire rapporteure, Mme Bouvier, conseillère, et Mme Thuillier, greffière de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des présidente et conseillères précitées, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (président du tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence, 12 novembre 2024), statuant selon la procédure accélérée au fond, par délibération du 22 avril 2024, le comité social et économique (le comité) de la Société française des habitations économiques (la SFHE) a voté le recours à une expertise pour risque grave sur le fondement des dispositions de l'article L. 2315-94 du code du travail.
2. Contestant la nécessité de l'expertise, la SFHE a fait assigner le comité devant le président du tribunal judiciaire par acte délivré le 2 mai 2024 aux fins d'annulation de la délibération du comité du 22 avril 2024.
3. Le comité a soulevé l'irrecevabilité de l'action de la SFHE en raison de sa tardiveté.
Recevabilité du pourvoi contestée par la défense
4. Le comité soutient que le pourvoi en cassation n'est ouvert qu'à l'encontre de la décision qui refuse de rétracter une décision constatant la caducité de sa saisine et que le pourvoi dirigé contre la décision constatant la caducité est irrecevable.
5. Cependant, d'une part le pourvoi est également dirigé contre le chef de dispositif du jugement déboutant la SFHE de ses demandes.
6. D'autre part, il résulte de la combinaison des articles 17 et 407 du code de procédure civile que le jugement de caducité fondé sur l'article 481-1 du code de procédure civile, qui est intervenu après un débat contradictoire, ne peut faire l'objet d'un recours en rétractation.
7. Le pourvoi est donc recevable.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche, en ce qu'il fait grief au jugement de prononcer la caducité de l'assignation
Enoncé du moyen
8. La SFHE fait grief au jugement de prononcer la caducité de l'assignation délivrée par elle, alors « que lorsqu'une demande est présentée par assignation, la date de saisine du juge s'entend de la date de cette assignation, et non de celle de la remise d'une copie de l'assignation au greffe ; qu'en l'espèce, le tribunal judiciaire a retenu que le délai de dix jours ouvert à l'employeur pour contester la délibération du comité social et économique du 22 avril 2024 avait commencé à courir le 23 avril 2024, pour s'achever le 2 mai 2024 au soir, soit dix jours plus tard ; qu'en affirmant cependant, pour prononcer la caducité de l'assignation, que si celle-ci avait bien été délivrée à la représentante du CSE le 2 mai 2024, la saisine du tribunal était néanmoins tardive dès lors que l'enrôlement de l'assignation, c'est-à-dire la transmission du second original de l'assignation, valant seule saisine du tribunal, n'avait été réalisée que le 6 mai 2024, soit postérieurement au délai de dix jours, le tribunal judiciaire a violé les articles L. 2315-86 et R. 2315-49 du code du travail et les articles 481-1 et 754 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
9. Le comité conteste la recevabilité du moyen. Il soutient qu'un moyen dirigé contre un chef de dispositif qui ne peut être critiqué par la voie du pourvoi, une autre voie de recours étant ouverte, est irrecevable, que le pourvoi en cassation n'est ouvert qu'à l'encontre de la décision qui refuse de rétracter une décision constatant la caducité de sa saisine et que le pourvoi dirigé contre la décision constatant la caducité est irrecevable.
10. Cependant, il résulte de la combinaison des articles 17 et 407 du code de procédure civile que le jugement de caducité fondé sur l'article 481-1 du code de procédure civile, qui est intervenu après un débat contradictoire, ne peut faire l'objet d'un recours en rétractation.
11. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles L. 2315-86 et R. 2315-49 du code du travail, et l'article 481-1 du code de procédure civile :
12. Selon l'article L. 2315-86 du code du travail, sauf dans le cas prévu à l'article L. 1233-35-1, l'employeur saisit le juge judiciaire dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat de la délibération du comité social et économique décidant le recours à l'expertise s'il entend contester la nécessité de l'expertise.
13. Aux termes de l'article R. 2315-49 du même code, pour chacun des cas de recours prévus à l'article L. 2315-86, l'employeur saisit le juge dans un délai de dix jours.
14. Selon l'article 481-1, 1° et 2°, du code de procédure civile, à moins qu'il en soit disposé autrement, lorsqu'il est prévu par la loi ou le règlement qu'il est statué selon la procédure accélérée au fond, la demande est formée, instruite et jugée dans les conditions suivantes : 1°
15. Il résulte des articles L. 2315-86 du code du travail et 481-1 du code de procédure civile que la demande en justice devant le président du tribunal judiciaire, statuant selon la procédure accélérée au fond, étant formée par assignation, la date de saisine du juge s'entend de celle de l'assignation.
16. Pour prononcer la caducité de l'assignation, le jugement retient que le délai de dix jours pour contester l'expertise a commencé à courir le 23 avril 2024 pour s'achever le 2 mai suivant, que si l'assignation a bien été délivrée le 2 mai 2024, en revanche son enrôlement, c'est-à-dire la transmission du second original de l'assignation, valant seule saisine du tribunal, n'a été réalisée que le 6 mai 2024, soit postérieurement au délai de dix jours.
17. En statuant ainsi, alors qu'il avait constaté que l'assignation remise au greffe avait été délivrée au comité le 2 mai 2024, soit moins de dix jours après le vote de la délibération, le tribunal judiciaire a violé les textes susvisés.
Et sur le moyen, pris en sa quatrième branche, en ce qu'il fait grief au jugement de débouter la SFHE de ses demandes
Enoncé du moyen
18. La SFHE fait grief au jugement de la débouter de toutes ses demandes, alors « que la caducité de l'assignation la prive d'effet si bien que le juge qui a prononcé la caducité de l'assignation ne peut statuer au fond sans excéder ses pouvoirs ; qu'en l'espèce, le tribunal a prononcé la caducité de l'assignation délivrée par la Société française des habitations économiques (SFHE), mais a également débouté la société française des habitations économiques (SFHE) de toutes ses demandes ; qu'il en résulte que le conseil de prud'hommes a excédé ses pouvoirs et violé les articles L. 2315-86 et R. 2315-49 du code du travail, ensemble les articles 481-1 et 754 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
19. Le comité conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que la critique est contraire à la position soutenue par la SFHE devant le juge du fond et qu'elle est nouvelle.
20. Cependant, le moyen, qui est né de la décision attaquée, est de pur droit.
21. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l'article 385 du code de procédure civile :
22. Selon ce texte, l'instance s'éteint à titre principal par l'effet de la péremption, du désistement d'instance ou de la caducité de la citation.
23. Après avoir prononcé la caducité de l'assignation, le jugement rejette les demandes de la SFHE.
24. En statuant ainsi, le président du tribunal judiciaire, qui a excédé ses pouvoirs, a violé le texte susvisé.
Civ.1 9 juillet 2025 n° 25-40.014
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
COUR DE CASSATION
CF
______________________
QUESTION PRIORITAIRE de CONSTITUTIONNALITÉ ______________________
Arrêt du 9 juillet 2025
RENVOI
Mme CHAMPALAUNE, présidente
Arrêt n° 584 FS-D
Affaire n° K 25-40.014
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUILLET 2025
Le premier président de la cour d'appel de Paris a transmis à la Cour de cassation, suite à l'ordonnance rendue le 21 avril 2025, la question prioritaire de constitutionnalité, reçue le 28 avril 2025, dans l'instance mettant en cause :
D'une part,
M. [X] [J], domicilié [Adresse 3], [Localité 2],
D'autre part,
le préfet de police de [Localité 1], domicilié [Adresse 4], [Localité 1],
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Mornet, conseiller, les observations de la SAS Zribi et Texier, avocat de M. [J], et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocate générale, après débats en l'audience publique du 24 juin 2025 où étaient présents Mme Champalaune, présidente, M. Mornet, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseillère doyenne, M. Jessel, Mme Kerner-Menay, conseillers, Mmes de Cabarrus, Dumas, Kass-Danno, conseillères référendaires, Mme Mallet-Bricout, avocate générale, et Mme Ben Belkacem, greffière de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, de la présidente et des conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. M. [J], de nationalité algérienne, a été placé en rétention administrative à plusieurs reprises et pour la dernière fois le 17 avril 2025, en exécution d'un arrêté d'expulsion du territoire français pris le 19 février 2016.
2. Par ordonnance du 18 avril 2025, le juge du tribunal judiciaire a prolongé la rétention administrative de M. [J].
3. M. [J] a relevé appel de cette ordonnance et saisi le premier président de la cour d'appel d'une question prioritaire de constitutionnalité sur la non-conformité de l'article L. 741-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) à la Constitution.
Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité
4. Par ordonnance du 21 avril 2025, le premier président de la cour d'appel a transmis une question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée : « Les dispositions des articles L. 741-1 et L. 741-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et droit d'asile, dans leur rédaction résultant de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024, notamment en ce qu'elles ne prévoient aucune limite à la réitération des mesures de rétention en exécution de la même mesure d'éloignement, portent-elles atteinte à la liberté individuelle et à la liberté d'aller et venir, au droit à la vie privée et au droit de mener une vie familiale normale ainsi qu'à l'autorité de la chose jugée par le juge judiciaire et sont-elles entachées d'incompétence négative dans des conditions qui affectent ces mêmes droits et libertés que la Constitution garantit ? »
Examen de la question prioritaire de constitutionnalité
5. Selon l'article L. 741-1, modifié par la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024,du CESEDA, l'étranger, qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1, peut être placé en rétention, pour une durée de quatre jours, lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.
6. Selon l'article L. 741-7 du CESEDA, la décision de placement en rétention ne peut être prise avant l'expiration d'un délai de sept jours à compter du terme d'un précédent placement prononcé en vue de l'exécution de la même mesure ou, en cas de circonstance nouvelle de fait ou de droit, d'un délai de quarante-huit heures. Toutefois, si ce précédent placement a pris fin en raison de la soustraction de l'étranger aux mesures de surveillance dont il faisait l'objet, l'autorité administrative peut décider d'un nouveau placement en rétention avant l'expiration de ce délai.
7. La disposition contestée est applicable au litige, qui concerne le renouvellement du placement en rétention en vue de l'exécution d'une même mesure d'éloignement.
8. Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, compte tenu des changements de circonstances intervenus depuis la décision n° 97-389 DC du 22 avril 1997.
9. La question posée présente un caractère sérieux en ce que la rétention administrative porte atteinte à la liberté individuelle et en ce que le Conseil constitutionnel porte une attention particulière à la durée de la rétention des personnes étrangères et à sa réitération en exécution de la même mesure. De plus, les juridictions du fond ont des interprétations divergentes de l'article L. 741-7 du CESEDA, qui n'ont pas été soumises à la Cour de cassation.
10. En conséquence, il y a lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.
Crim. 9 juillet 2025 n° 25-83.736
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° J 25-83.736 F-D
N° 01103
9 JUILLET 2025
SB4
QPC INCIDENTE : IRRECEVABILITÉ
Mme LABROUSSE conseiller le plus ancien faisant fonction de président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 9 JUILLET 2025
M. [I] [X] et Mme [M] [R], parties civiles, ont présenté, par mémoires datés des 4, 7 et 10 avril 2025, reçus les 10 avril et 9 mai 2025, une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion des pourvois formés par eux contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Reims, en date du 3 avril 2025, qui a renvoyé MM. [G] [F] et [Z] [O] devant le tribunal correctionnel sous la prévention d'homicide involontaire.
Sur le rapport de Mme Merloz, conseiller, les observations de la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de l'hôpital clinique [1] et les conclusions de M. Fusina, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 juillet 2025 où étaient présents Mme Labrousse, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Merloz, conseiller rapporteur, Mme Leprieur, conseiller de la chambre, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« Etant donné lorsqu'un individu intègre la Franc-maçonnerie, il s'engage de manière systématique à prêter secours et assistance à ses frères, est-il acceptable pour une bonne marche de la justice d'ignorer l'appartenance des différents intervenants notamment prévenus, témoins assistés et magistrats à une obédience maçonnique ? ».
2. Les mémoires personnels des demandeurs, en date des 4, 7 et 10 avril 2025, sollicitent à la fois la cassation de l'arrêt attaqué et la transmission au Conseil constitutionnel d'une question prioritaire de constitutionnalité.
3. Ces mémoires, qui ne sont pas spéciaux et ne portent pas la mention « question prioritaire de constitutionnalité », sont dès lors irrecevables au regard des dispositions des articles 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et R. 49-31 du code de procédure pénale.
4. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité est elle-même irrecevable.
Crim. 9 juillet 2025 n° 25-83.070
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° K 25-83.070 F-D
N° 01094
SB4 9 JUILLET 2025
NON-LIEU A STATUER
Mme LABROUSSE conseiller le plus ancien faisant fonction de président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 9 JUILLET 2025
M. [V] [H] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, 12e chambre, en date du 9 avril 2025, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs de violences aggravées et refus de se soumettre à des prélèvements biologiques et à des relevés signalétiques, a confirmé son maintien en détention.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Diop-Simon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [V] [H], et les conclusions de M. Fusina, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 juillet 2025 où étaient présents Mme Labrousse, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Diop-Simon, conseiller rapporteur, Mme Leprieur, conseiller de la chambre, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Vu l'article 606 du code de procédure pénale :
1. La détention provisoire de M. [V] [H] a pris fin le 13 juin 2025 par la mise en liberté de l'intéressé.
2. Il s'ensuit que le pourvoi est devenu sans objet.
Crim. 9 juillet 2025 n° 25-83.399
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° T 25-83.399 F-D
N° 01099
SB4 9 JUILLET 2025
NON-LIEU A STATUER
Mme LABROUSSE conseiller le plus ancien faisant fonction de président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 9 JUILLET 2025
M. [W] [Z] a formé un pourvoi contre l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction de Nouméa, en date du 13 décembre 2024, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de viol et violences, aggravés, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention disant n'y avoir lieu à statuer sur sa requête portant sur les conditions de détention.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Brugère, conseiller, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de M. [W] [Z], et les conclusions de M. Fusina, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 juillet 2025 où étaient présents Mme Labrousse, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Brugère, conseiller rapporteur, Mme Leprieur, conseiller de la chambre, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Vu l'article 606 du code de procédure pénale :
1. La détention provisoire de M. [W] [Z] a pris fin, le 16 juin 2025, par la mise en liberté de l'intéressé.
2. Il s'ensuit que le pourvoi est devenu sans objet.
Crim. 9 juillet 2025 n° 25-83.101
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° U 25-83.101 F-D
N° 01091
SL2 9 JUILLET 2025
NON-LIEU A STATUER
Mme LABROUSSE conseiller le plus ancien faisant fonction de président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 9 JUILLET 2025
M. [J] [D] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 6e section, en date du 8 avril 2025, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef de viol aggravé en récidive, a prononcé sur sa demande de mise en liberté.
Sur le rapport de Mme Chaline-Bellamy, conseiller, les observations de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de M. [J] [D], et les conclusions de M. Fusina, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 juillet 2025 où étaient présents Mme Labrousse, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Chaline-Bellamy, conseiller rapporteur, Mme Leprieur, conseiller de la chambre, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Vu l'article 606 du code de procédure pénale :
1. Par ordonnance en date du 27 mai 2025, le juge d'instruction a ordonné la mise en accusation de M. [J] [D] et son renvoi devant la cour d'assises et n'a pas remis l'intéressé en liberté.
2. En application de l'article 181 du code de procédure pénale, l'ordonnance de règlement rend caduc, nonobstant appel, le titre de détention sur les effets duquel l'arrêt attaqué s'est prononcé.
3. Il s'ensuit que le pourvoi est devenu sans objet.
Crim. 9 juillet 2025 n° 25-83.092
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° J 25-83.092 F-D
N° 01098
SL2 9 JUILLET 2025
NON-LIEU A STATUER
Mme LABROUSSE conseiller le plus ancien faisant fonction de président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 9 JUILLET 2025
M. [J] [N] a formé un pourvoi contre l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Cayenne, en date du 20 mars 2025, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de tentative de meurtre aggravé, vols en bande organisée avec arme ou avec violence, extorsion en bande organisée, a rejeté sa requête portant sur les conditions de détention.
Sur le rapport de M. Tessereau, conseiller, les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de M. [J] [N], et les conclusions de M. Fusina, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 juillet 2025 où étaient présents Mme Labrousse, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Tessereau, conseiller rapporteur, Mme Leprieur, conseiller de la chambre, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Vu l'article 606 du code de procédure pénale :
1. Il résulte de la situation pénale de M. [N] et de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 27 mai 2025, que le requérant a été placé sous contrôle judiciaire et mis en liberté le 8 juin 2025.
2. Il s'ensuit que le pourvoi est devenu sans objet.
Civ.1 9 juillet 2025 n° 25-40.010
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
COUR DE CASSATION
CF
______________________
QUESTION PRIORITAIRE de CONSTITUTIONNALITÉ ______________________
Arrêt du 9 juillet 2025
RENVOI
Mme CHAMPALAUNE, présidente
Arrêt n° 601 FS-D
Affaire n° F 25-40.010
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUILLET 2025
Le tribunal judiciaire de Bordeaux (2e chambre civile, pôle famille chambre des mineurs) a transmis à la Cour de cassation, suite au jugement rendu le 17 avril 2025, la question prioritaire de constitutionnalité, reçue le 24 avril 2025, dans l'instance mettant en cause Mme [W] [X], épouse [S], domiciliée [Adresse 1].
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Marilly, conseillère référendaire, et l'avis de Mme Picot-Demarcq, avocate générale, après débats en l'audience publique du 1er juillet 2025 où étaient présents Mme Champalaune, présidente, Mme Marilly, conseillère référendaire rapporteure, Mme Auroy, conseillère doyenne, Mme Poinseaux, M. Fulchiron, Mmes Dard, Beauvois, Agostini, conseillers, M. Duval, Mme Azar, M. Buat-Ménard, Mmes Lion, Daniel, Vanoni-Thiery, conseillers référendaires, Mme Picot-Demarcq, avocate générale, et Mme Tifratine, greffière de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, de la présidente et des conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Mme [X] et M. [S], qui avaient chacun un enfant issu d'une précédente union, se sont mariés le 1er juin 1991.
2. Mme [P]-[S], née le 13 mai 1979, fille de M. [S], a fait l'objet d'une adoption simple par M. [P], l'époux de sa mère, le 29 mai 2001.
3. Le 18 décembre 2023, Mme [X] a déposé une requête en adoption simple de Mme [P]-[S].
Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité
4. Par jugement du 17 avril 2025, le tribunal judiciaire de Bordeaux a transmis une question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée :
« L'article 345-2 du code civil porte-t-il atteinte au principe d'égalité devant la loi (Article 1 de la Constitution du 4 octobre 1958 et 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen) ? »
Examen de la question prioritaire de constitutionnalité
5. La disposition contestée est applicable au litige, qui concerne une demande d'adoption simple, par l'épouse de son père, d'un enfant majeur, préalablement adopté en la même forme par l'époux de sa mère.
6. Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.
7. La question posée présente un caractère sérieux en ce que la disposition contestée, qui prévoit qu'un enfant ne peut être adopté par plusieurs personnes si ce n'est par deux époux, deux partenaires liés par un pacte civil de solidarité ou deux concubins, pourrait être regardée comme portant atteinte au principe constitutionnel d'égalité prévu aux articles 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 et 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 27 août 1789, en ce qu'elle induit une différence de traitement entre les beaux-parents.
8. En conséquence, il y a lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.
Civ.1 9 juillet 2025 n° 23-20.479
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION ______________________
Décision du 9 juillet 2025
Rejet non spécialement motivé
Mme CHAMPALAUNE, présidente
Décision n° 10490 F-D
Pourvoi n° K 23-20.479
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUILLET 2025
La société [L] [O] & Sons General Trading & Contracting WLL, société de droit du Koweït, dont le siège est [Adresse 5] (Koweit), a formé le pourvoi n° K 23-20.479 contre l'arrêt rendu le 1er juin 2023 par la cour d'appel de Versailles (14e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Tractebel Engineering GmbH, société de droit allemand, dont le siège est [Adresse 2] (Allemagne),
2°/ à la société International Power SA, société de droit belge, dont le siège est [Adresse 3] (Belgique),
3°/ à la société Engie SA, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],
4°/ à la société Tractebel Engineering SA, société anonyme de droit belge, dont le siège est [Adresse 4] (Belgique),
défenderesses à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Ancel, conseiller, les observations écrites de la SCP Duhamel, avocat de la société [L] [O] & Sons General Trading & Contracting WLL, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat des sociétés Tractebel Engineering GmbH, International Power SA, Engie SA et Tractebel Engineering SA, après débats en l'audience publique du 27 mai 2025 où étaient présents Mme Champalaune, présidente, M. Ancel, conseiller rapporteur, Mme Guihal, conseillère doyenne, et Mme Vignes, greffière de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée de la présidente et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Les moyens de cassation, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société [L] [O] & Sons General Trading & Contracting WLL aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [L] [O] & Sons General Trading & Contracting WLL et la condamne à payer aux sociétés Tractebel Engineering GmbH, Tractebel Engineering SA, International Power SA et Engie SA et la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé publiquement le neuf juillet deux mille vingt-cinq par mise à disposition de la décision au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Civ.1 9 juillet 2025 n° 23-19.420
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 9 juillet 2025
Cassation partielle
Mme CHAMPALAUNE, présidente
Arrêt n° 505 F-D
Pourvoi n° J 23-19.420
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUILLET 2025
1°/ M. [N] [V],
2°/ Mme [K] [H], épouse [V],
tous deux domiciliés [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° J 23-19.420 contre l'arrêt rendu le 24 mai 2023 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-8), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Cofidis, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la société Groupe Sofemo, suite à la fusion-absorption ayant effet au 1er octobre 2015,
2°/ à la société Étude Balincourt, dont le siège est [Adresse 3], prise en qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Francenergy,
défenderesses à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Peyregne-Wable, conseillère, les observations de la SCP Poupet & Kacenelenbogen, avocat de M. et Mme [V], de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Cofidis, après débats en l'audience publique du 27 mai 2025 où étaient présentes Mme Champalaune, présidente, Mme Peyregne-Wable, conseillère rapporteure, Mme Guihal, conseillère doyenne, et Mme Vignes, greffière de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée de la présidente et conseillères précitées, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 24 mai 2023), le 25 mars 2016, par deux bons de commande distincts, M. et Mme [V] (les acquéreurs), ont conclu, dans le cadre d'un démarchage à domicile, avec la société Francenergy (le vendeur), un contrat de fourniture d'un onduleur central et de raccordement au réseau ERDF d'une installation existante, ces prestations étant stipulées à titre gratuit, outre la mise à disposition d'une certaine somme quatre-vingt-dix jours après la pose.
2. Les acquéreurs ont convenu en outre avec le vendeur de la fourniture et installation de douze panneaux photovoltaïques, destinés à une autoconsommation de l'électricité produite, moyennant le coût de 29 900 euros, financé par un prêt souscrit auprès de la société Cofidis (la banque).
3. À la suite d'une attestation de livraison et d'installation du 18 mai 2016, la banque a viré les fonds sur le compte du vendeur.
4. Le vendeur a fait l'objet une procédure de redressement judiciaire, converti en liquidation judiciaire le 8 janvier 2021.
5. Le 16 février 2021, après déclaration de leur créance, invoquant des irrégularités du contrat de vente et la mauvaise exécution de ses obligations par le vendeur, les acquéreurs ont assigné le liquidateur judiciaire du vendeur et la banque, aux fins, principalement d'annulation des contrats de vente et de crédit affecté, subsidiairement de leur résolution judiciaire.
Examen du moyen
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. Les acquéreurs font grief à l'arrêt de rejeter leur demande d'annulation des contrats, et de les condamner solidairement à restituer à la banque le capital emprunté déduction faite des échéances déjà prélevées sur leur compte, alors « que la nullité du contrat conclu hors établissement est encourue lorsque l'information relative au point de départ du délai de rétractation prévu par l'article L. 121-17 du code de la consommation est erronée ; que dans leurs conclusions d'appel les acquéreurs soutenaient que le bordereau de rétractation des deux bons de commande conclus le 25 mars 2016 comportait une irrégularité dès lors qu'il ne mentionnait pas que le point de départ du délai de rétractation était fixé à la date de réception du bien par les acheteurs ; que pour rejeter la demande d'annulation des contrats de vente en cause, la cour d'appel se borne toutefois à énoncer que l'article L. 121-21-1 du code de la consommation dispose que, lorsque les informations relatives au droit de rétractation n'ont pas été fournies au client dans des conditions conformes, le délai de rétractation est prolongé de douze mois à compter de l'expiration du délai initial pour en déduire qu'en l'espèce les acquéreurs pouvaient donc se rétracter jusqu'au 1er juin 2017, mais n'ont jamais entendu exercer cette faculté ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si ces bons de commande ne mentionnaient pas un point de départ erroné du délai de rétractation lequel courait à compter de la livraison du bien, de sorte que la nullité de ces contrats était encourue, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 121-17 et L. 121-18-1 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 121-17, I, 2°, et L. 121-18-1 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 :
7. Il résulte du second de ces textes que, lorsque les informations relatives à l'exercice du droit de rétractation mentionnées au premier ne figurent pas dans un contrat conclu hors établissement ou sont erronées, la nullité de ce contrat est encourue.
8. Pour rejeter la demande d'annulation des contrats formée par les acquéreurs, l'arrêt retient que l'article L. 121-21-1 du code de la consommation dispose que, lorsque les informations relatives au droit de rétractation n'ont pas été fournies au client dans des conditions conformes, le délai de rétractation est prolongé de douze mois à compter de l'expiration du délai initial, que les acquéreurs pouvaient se rétracter jusqu'au 1er juin 2017, mais qu'ils n'ont pas entendu exercer cette faculté.
9. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les bons de commande ne mentionnaient pas un point de départ erroné du délai de rétractation lequel courait à compter de la livraison du bien, de sorte que la nullité des contrats était également encourue, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Portée et conséquences de la cassation
Vu l'article 624 du code de procédure civile :
10. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt rejetant les demandes d'annulation des contrat de vente et de crédit affecté formées par les acquéreurs, les condamnant solidairement à restituer à la banque le capital emprunté, soit la somme de 29 900 euros, déduction faite des échéances déjà prélevées sur leur compte, entraîne la cassation des chefs de dispositif prononçant la résolution judiciaire des contrat de vente et de crédit affecté aux torts du vendeur qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
Civ.1 9 juillet 2025 n° 24-18.018 B
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CR12
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 9 juillet 2025
Rejet
Mme CHAMPALAUNE, présidente
Arrêt n° 498 FS-B
Pourvoi n° F 24-18.018
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUILLET 2025
M. [U] [P], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° F 24-18.018 contre l'arrêt rendu le 23 mai 2024 par la cour d'appel de Chambéry (2e chambre), dans le litige l'opposant à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Savoie, société coopérative à capital variable, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Tréard, conseillère, les observations écrites et orales de Me Laurent Goldman, avocat de M. [P], les observations écrites et orales de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Savoie, et l'avis de M. Salomon, avocat général, après débats en l'audience publique du 27 mai 2025 où étaient présents Mme Champalaune, présidente, Mme Tréard, conseillère rapporteure, Mme Guihal, conseillère doyenne, MM. Bruyère, Ancel, Mmes Peyregne-Wable, Corneloup, conseillers, Mme Robin-Raschel, conseillère référendaire, M. Salomon, avocat général, et Mme Vignes, greffière de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, de la présidente et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 23 mai 2024), le 11 février 2014, la société caisse régionale du Crédit agricole mutuel des Savoie (la banque) a consenti à M. [P] (l'emprunteur), lequel travaillait alors en Suisse, un prêt immobilier libellé en francs suisses, remboursable dans la même devise, destiné à l'acquisition d'un appartement, en France, et au financement de travaux.
2. À la suite d'échéances impayées et après mises en demeure restées vaines, la banque a prononcé la déchéance du terme de ce prêt le 6 août 2019.
3. Le 12 novembre 2020, l'emprunteur a assigné la banque en annulation du prêt et indemnisation de ses préjudices.
Examen des moyens
Sur le second moyen, pris en sa cinquième branche
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. L'emprunteur fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande aux fins de déclarer abusive la clause du contrat de prêt faisant peser le risque de change sur l'emprunteur, alors :
« 1°/ que la conclusion d'un prêt en devises, remboursable dans cette devise, par un résident français percevant ses revenus dans cette devise, mais destinant les fonds à financer un bien en euros, est susceptible, pendant toute la durée du prêt, d'engendrer un risque de change tant à raison de ce que la contre-valeur du bien financé est en euros que de la possible modification de la devise de perception des revenus de l'emprunteur ; qu'en retenant, pour écarter le caractère abusif de la clause de remboursement, qu'il n'existait aucun risque de change à la date du prêt à raison de ce que l'emprunteur percevait ses revenus en francs suisses, de sorte qu'il n'avait pas besoin d'acquérir des devises pour procéder au remboursement du prêt, ce qui n'était pas de nature à écarter l'existence d'un risque de change pendant toute la durée du prêt, la cour d'appel a violé l'article L. 132-1, devenu L. 212-1 et L. 241-1, du code de la consommation ;
2°/ que lorsqu'elle consent un prêt libellé et remboursable en devises à un résident français qui destine les fonds au financement d'une acquisition en euros, et ayant pour effet de faire peser le risque de change sur l'emprunteur, la banque est tenue de fournir à celui-ci des informations suffisantes et exactes lui permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d'évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, d'une telle clause sur ses obligations financières pendant toute la durée de ce même contrat, notamment en cas de dépréciation importante de l'euro ; qu'en se bornant à énoncer, après avoir relaté la clause litigieuse, que le mécanisme du remboursement en devises, suivant lequel l'emprunteur ne supporte le risque de change que si le remboursement nécessite d'acquérir des devises, était parfaitement décrit, sans rechercher si la banque avait fourni à l'emprunteur des informations suffisantes et exactes lui permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d'évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur ses obligations financières pendant toute la durée du contrat, dans l'hypothèse d'une dépréciation importante de l'euro, monnaie dans laquelle le bien était acquis, ou d'une modification de la devise dans laquelle M. [P] percevait ses revenus, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 132-1, devenu L. 212-1 et L. 241-1, du code de la consommation ;
3°/ qu'en tout état de cause, en se contentant d'énoncer par motifs éventuellement adoptés que l'emprunteur avait pu se convaincre de la portée de la clause de remboursement litigieuse en considération des informations, dont elle a rappelé la teneur, qui lui avaient été données dans l'offre de prêt et dans les deux notices d'informations relatives aux prêts en devises qu'il avait émargées, sans constater que la banque lui avait ainsi fourni des informations suffisantes et exactes lui permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d'évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, d'une telle clause sur ses obligations financières pendant toute la durée de ce même contrat, notamment en cas de dépréciation importante de l'euro, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 132-1, devenu L. 212-1 et L. 241-1, du code de la consommation ;
4°/ que, au demeurant, l'appréciation de la clarté d'une clause se fait à l'aune du standard abstrait du consommateur moyen, c'est-à-dire un consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, et non au regard des compétences ou connaissances de l'emprunteur concerné ; qu'en se fondant également par motifs éventuellement adoptés, pour dire que l'emprunteur avait pu se convaincre de la portée de la clause litigieuse, sur la circonstance inopérante qu'il était un travailleur frontalier rémunéré en francs suisses au moment de la souscription du prêt, la cour d'appel, qui n'a ainsi pas apprécié la transparence de la clause pour le consommateur moyen, a violé l'article L. 132-1, devenu L. 212-1 et L. 241-1, du code de la consommation ;
5°/ que les clauses d'un contrat de prêt libellé et remboursable en devises qui ont pour effet de faire porter le risque de change, sans qu'il soit plafonné, sur l'emprunteur, sont susceptibles de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant dudit contrat au détriment du consommateur, dès lors que le professionnel ne pouvait raisonnablement s'attendre, en respectant l'exigence de transparence à l'égard du consommateur, à ce que ce dernier accepte, à la suite d'une négociation individuelle, un risque disproportionné de change qui résulte de telles clauses ; qu'en se fondant encore par motifs éventuellement adoptés, pour écarter le caractère abusif de la clause de remboursement, sur la circonstance inopérante que ladite clause était susceptible de jouer au détriment comme à l'avantage de l'emprunteur, la cour d'appel a violé l'article L. 132-1, devenu L. 212-1 et L. 241-1, du code de la consommation. »
Réponse de la Cour
6. Aux termes de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, l'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.
7. Cette disposition transpose l'article 4 de la directive n° 93/13/CEE du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, qui précise, en son paragraphe 1, que le caractère abusif d'une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l'objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat, ou d'un autre contrat dont il dépend.
8. La Cour de justice a rappelé que, dans le cadre de l'exercice de la compétence d'interprétation du droit communautaire qui lui est conférée à l'article 234 du traité instituant la Communauté européenne, elle peut interpréter les critères généraux utilisés par le législateur communautaire pour définir la notion de clause abusive et a dit pour droit qu'il appartient au juge national de déterminer si une clause contractuelle telle que celle qui fait l'objet du litige au principal réunit les critères requis pour être qualifiée d'abusive au sens de l'article 3, paragraphe 1, de la directive (CJCE, arrêt du 1er avril 2004, Freiburger Kommunalbauten, C-237/02).
9. Après avoir énoncé que l'exigence de transparence des clauses contractuelles posée par la directive n° 93/13 ne saurait donc être réduite au seul caractère compréhensible sur les plans formel et grammatical de celles-ci, elle a encore dit pour droit, s'agissant de contrats de prêt prévoyant une devise étrangère comme monnaie de compte et son remboursement dans une autre devise nationale, que l'exigence selon laquelle une clause contractuelle doit être rédigée de manière claire et compréhensible, doit s'entendre comme imposant non seulement que la clause concernée soit intelligible pour le consommateur sur un plan grammatical mais également que le contrat expose de manière transparente le fonctionnement concret du mécanisme de conversion de la devise étrangère auquel se réfère la clause concernée ainsi que la relation entre ce mécanisme et celui prescrit par d'autres clauses relatives au déblocage du prêt, de sorte que ce consommateur soit mis en mesure d'évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques qui en découlent pour lui (CJUE, arrêt du 30 avril 2014, Kasler et Káslerné Rábai, C-26/13). Cette même exigence implique qu'une clause relative au risque de change soit comprise par un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, afin qu'il puisse non seulement avoir conscience de la possibilité de dépréciation de la monnaie nationale par rapport à la devise étrangère dans laquelle le prêt a été libellé, mais aussi évaluer les conséquences économiques, potentiellement significatives, d'une telle clause sur ses obligations financières (CJUE, arrêt du 20 septembre 2018, OTP Bank et OTP Faktoring, C-51/17) et ce pendant toute la durée de ce même contrat (CJUE, arrêt du 10 juin 2021, BNP Paribas Personal Finance, C-776/19 à C-782/19). Cette exigence suppose également que, dans le cas des contrats de crédit en devises, les établissements financiers fournissent aux emprunteurs des informations suffisantes pour permettre à ceux-ci de prendre leurs décisions avec prudence et en toute connaissance de cause, celles-ci devant au moins traiter de l'incidence sur les remboursements d'une dépréciation importante de la monnaie ayant cours légal dans l'État membre où l'emprunteur est domicilié et d'une hausse du taux d'intérêt étranger. L'emprunteur doit être clairement informé du fait que, en souscrivant un contrat de prêt libellé dans une devise étrangère, il s'expose à un risque de change qu'il lui sera, éventuellement, économiquement difficile d'assumer en cas de dévaluation de la monnaie dans laquelle il perçoit ses revenus (CJUE, arrêt du 20 septembre 2017, C-186/16, Andriciuc e.a., précité points 49 et 50).
10. La Cour de cassation fait régulièrement application de ces principes lorsqu'elle examine le caractère abusif de clauses insérées dans des contrats de prêts multidevises ou libellés dans une devise étrangère qui n'est pas la monnaie de paiement, exigeant des juges du fond qu'ils recherchent si la banque a bien fourni aux emprunteurs des informations suffisantes et exactes leur permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d'évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur leurs obligations financières pendant toute la durée du contrat, notamment dans l'hypothèse d'une dépréciation importante de la monnaie dans laquelle ils perçoivent leurs revenus par rapport à la monnaie de compte (1re Civ., 20 avril 2022, pourvoi n° 20-16.316, Bull., 1re Civ., 7 septembre 2022, pourvoi n° 20-20.826, 1re Civ., 18 septembre 2024, pourvoi n° 22-21.976).
11. En revanche, s'agissant de prêts consentis dans une devise étrangère et remboursables dans la même devise, souscrit par des emprunteurs percevant leurs revenus dans la même monnaie à la date de conclusion des contrats, la première chambre civile avait admis l'analyse d'une cour d'appel ayant considéré qu'il n'existait aucun risque de change dans de telles circonstances et qui en avait déduit que les clauses litigieuses ne présentaient pas un caractère abusif (1re Civ., 1er mars 2023, pourvoi n° 21-20.260, publié).
12. Cette analyse doit être amendée, en ce qu'elle appréciait le caractère clair et compréhensible de la clause contestée au regard d'un risque de change évalué uniquement au jour de la conclusion du prêt, sans prendre en compte celui auquel l'emprunteur s'exposait pendant toute la durée du contrat.
13. Lorsqu'un prêt, consenti dans une devise étrangère, stipule des clauses relatives à des modalités de remboursement comportant un risque de change pesant sur l'emprunteur, il convient, afin d'assurer une protection adéquate et efficace du consommateur conforme aux objectifs de la directive précitée, de prendre en compte l'ensemble des circonstances qui entourent la conclusion du contrat, ainsi que leur évolution, raisonnablement prévisible, jusqu'à son terme permettant de satisfaire l'exigence de transparence nécessaire à sa complète information. Tel est le cas, notamment, de celle tenant à la qualité de travailleur transfrontalier de l'emprunteur auquel le crédit est proposé et de celle tenant à l'objet du crédit affecté, tous deux rattachés, par leur domiciliation ou localisation, à un État dans lequel la monnaie ayant cours légal est différente de la monnaie de compte.
14. Il s'ensuit que l'établissement financier qui propose un prêt libellé en devises étrangères doit fournir à l'emprunteur des informations claires et compréhensibles pour lui permettre de prendre sa décision avec prudence et en toute connaissance de cause des risques inhérents à la souscription d'un tel prêt. Il lui incombe à ce titre d'exposer de manière transparente le fonctionnement concret du mécanisme contractuel proposé, sur toute sa durée, afin de permettre à l'emprunteur de mesurer, notamment, l'incidence sur les remboursements d'une dépréciation importante de la monnaie ayant cours légal dans l'État où le bien financé est situé et/ou dans lequel l'emprunteur est domicilié et viendrait à percevoir ses revenus au cours de l'exécution du contrat.
15. En l'espèce, après avoir relevé que la clause relative au remboursement des échéances constitue l'objet principal du contrat de prêt immobilier souscrit entre les parties et ne peut donc être considérée comme abusive que si elle n'est pas rédigée de façon claire et compréhensible, l'arrêt en reproduit les termes, dont il retient, d'abord, la clarté grammaticale.
16. Il énonce, ensuite, sur le fondement de l'interprétation qui en a été faite par la Cour de justice de l'Union européenne (arrêt du 30 avril 2014, Kasler et Káslerné Rábai, C-26/13), que l'exigence selon laquelle une clause contractuelle doit être rédigée de manière claire et compréhensible doit s'entendre comme imposant que le contrat expose de manière transparente le fonctionnement concret du mécanisme de conversion de la devise étrangère auquel se réfère la clause concernée ainsi que la relation entre ce mécanisme et celui prescrit par d'autres clauses relatives au déblocage du prêt, de sorte que ce consommateur soit mis en mesure d'évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles les conséquences économiques qui en découlent pour lui.
17. Il relève, par motifs propres et adoptés, que l'emprunteur, qui travaillait en Suisse au moment de l'emprunt et était rémunéré dans la devise de remboursement d'un emprunt bénéficiant d'un taux d'intérêt très attractif, a pu se convaincre de la portée de la clause litigieuse en considération des informations qui lui ont été données dans l'offre de prêt et dans les deux notices d'informations relatives aux prêts en devises qu'il a émargées, incluant le document d'information établi en application de la recommandation de l'autorité de contrôle prudentiel des banques du 6 avril 2012. Il constate que ces notices, dont il reproduit les termes, font état de ce que l'emprunteur de devises bénéficie d'un taux d'intérêt, fixé pour une période définie, qui n'est pas lié au marché financier français, et qui peut donc paraître particulièrement favorable selon la devise, et appellent son attention sur le fait que le taux n'est pas le seul élément qui intervient dans le coût de ce type de prêt, dans la mesure où, selon que, au moment des paiements d'intérêts et du remboursement en capital, la devise a monté ou baissé sur le marché des changes par rapport à l'euro, la perte éventuelle est intégralement à la charge de l'emprunteur, de même que le gain éventuel est intégralement à son profit, et qu'il est important pour l'emprunteur de garder ces éléments à l'esprit pendant toute la durée du prêt, le risque de change devant être apprécié lors de la demande de financement mais aussi sur le long terme, la situation personnelle de l'emprunteur pouvant évoluer notamment en cas de perte de revenus dans la devise, ces variations pouvant avoir pour son projet des conséquences financières importantes lors de la mise en place du financement, du paiement des échéances et d'un remboursement par anticipation. Il retient enfin que le mécanisme du remboursement en devise est parfaitement décrit : soit le remboursement se fait par utilisation de devises disponibles sur un compte spécifique, soit il se fait par l'achat de devises, le risque de change étant supporté par l'emprunteur dans ce dernier cas.
18. En l'état de ces seules constatations et appréciations, faisant ressortir que, par la clause de remboursement des échéances et la documentation l'accompagnant, la banque avait exposé à l'emprunteur, de manière claire et transparente, le fonctionnement concret du mécanisme contractuel proposé et ses conséquences, sur toute la durée du contrat, la cour d'appel, qui a procédé aux recherches prétendument omises, a, abstraction faite du motif erroné critiqué par la première branche, écarté à bon droit la demande tendant à voir constater le caractère abusif d'une clause relative à l'objet du contrat.
19. Le moyen, qui critique des motifs surabondants en ses quatrième et cinquième branches, ne peut donc être accueilli pour le surplus.
Sur la question préjudicielle
20. L'emprunteur suggère à la Cour de poser une question préjudicielle.
21. Les motifs du présent arrêt rendent sans objet cette question préjudicielle. Il n'y a, en conséquence, pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne.
Et sur le second moyen, pris en ses première à quatrième branches
22. L'emprunteur fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de dommages et intérêts au titre d'un manquement de la banque à son obligation d'information et de conseil, alors :
« 1°/ que lorsqu'elle consent un prêt libellé et remboursable en devises à un résident français qui destine les fonds au financement d'une acquisition en euros, et ayant pour effet de faire peser le risque de change sur l'emprunteur, la banque est tenue de fournir à celui-ci des informations suffisantes et exactes lui permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d'évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur ses obligations financières pendant toute la durée de ce même contrat, notamment en cas de dépréciation importante de l'euro ; qu'en retenant néanmoins, pour écarter tout manquement de la banque à son obligation d'information, qu'il n'existait aucun risque lié à la variation du taux de change s'agissant d'un emprunteur rémunéré directement dans la monnaie de paiement des échéances et que, au surplus, la question de la variation du taux de change était sans emport sur l'information que devait communiquer la banque à l'emprunteur au sujet des sûretés qu'elle prenait sur le bien financé, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
2°/ que, en tout état de cause, en se bornant à affirmer par motifs éventuellement adoptés, sur la base de mentions de l'offre de prêt et de deux notices d'informations qu'elle se contentait de citer, que l'information sur les prêts en devises et leurs risques spécifiques avait été portée à la connaissance de M. [P], sans constater que la banque avait fourni à celui-ci des informations suffisantes et exactes lui permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d'évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur ses obligations financières pendant toute la durée de ce même contrat, notamment en cas de dépréciation importante de l'euro, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
3°/ que, de surcroît, lorsqu'elle consent un prêt libellé et remboursable en devises à un résident français, travailleur frontalier, qui destine les fonds au financement d'une acquisition en euros, et ayant pour effet de faire peser le risque de change sur l'emprunteur, la banque est tenue de conseiller celui-ci sur les possibilités de souscription individuelle d'une assurance garantissant le risque de perte d'emploi ou s'assurer que son refus de souscrire une telle assurance est parfaitement éclairé et ne résulte pas d'un éventuel manque d'information ; que la cour d'appel qui, bien qu'elle ait constaté que l'emprunteur était, lors de la souscription du prêt litigieux, salarié en Suisse, s'est fondée, pour écarter toute responsabilité de la banque au titre de l'absence de souscription par l'emprunteur d'une assurance individuelle perte d'emploi, sur les circonstances inopérantes qu'il était, au moment de la conclusion du contrat, en capacité de faire face au prêt, qu'il n'avait déjà pas adhéré à l'assurance décès/incapacité avec perte d'emploi qui lui avait été proposée par la banque, que sa perte d'emploi en janvier 2017 était sans rapport avec la prétendue fragilité de l'emploi du transfrontalier et qu'il ne démontrait pas avoir informé la banque de cette perte d'emploi, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
4°/ qu'en retenant également par motifs adoptés, pour statuer comme elle l'a fait, que le risque de perte d'emploi n'était pas de nature différente selon que l'emprunteur travaille sur le territoire français ou à l'étranger et pouvait être raisonnablement appréhendé par un emprunteur quelconque normalement avisé, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
23. Ayant relevé, par des motifs propres et réputés adoptés non contraires aux siens, d'abord, qu'à la date de conclusion du contrat, l'emprunteur qui travaillait à temps plein en Suisse, sous contrat à durée indéterminée, percevait un salaire en francs suisses trois fois supérieur au montant fixe des mensualités du prêt, de sorte que l'octroi d'un prêt en devises aux mensualités constantes ne lui faisait supporter aucun risque de change tant qu'il demeurait rémunéré dans cette devise, ensuite que s'il avait été licencié de son précédent emploi le 31 janvier 2017, l'emprunteur était toujours domicilié en zone frontalière et qu'il était établi par la banque qu'il occupait depuis le 2 juillet 2020 un autre emploi en Suisse pour un salaire équivalent voire supérieur, enfin que l'emprunteur ne démontrait pas avoir informé la banque de cette perte d'emploi et que, dans l'intervalle, il n'avait pas justifié de ses revenus en francs suisses ou en euros par ses avis d'imposition, faisant ainsi ressortir que l'emprunteur ne justifiait pas du préjudice subi, tenant à la variation du taux de change qui aurait affecté la charge de ses remboursements au cours du prêt et en particulier entre 2017 et 2020, la cour d'appel a pu rejeter la demande indemnitaire dirigée contre la banque.
24. Le moyen, rendu inopérant par les appréciations souveraines qui précèdent, ne peut être accueilli.
Civ.1 9 juillet 2025 n° 25-50.014
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
COUR DE CASSATION
CF
______________________
QUESTION PRIORITAIRE de CONSTITUTIONNALITÉ ______________________
Arrêt du 9 juillet 2025
IRRECEVABILITÉ
Mme CHAMPALAUNE, présidente
Arrêt n° 585 F-D
Affaire n° E 25-50.014
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUILLET 2025
Le conseil de l'ordre des avocats à la Cour de cassation a transmis à la Cour de cassation, suite à l'avis rendu le 4 avril 2025, la question prioritaire de constitutionnalité, reçue le 5 mai 2025, dans l'instance mettant en cause :
D'une part,
M. [I] [P], domicilié [Adresse 2],
D'autre part,
la société Gaschignard, Loiseau, Massignon, société civile professionnelle, avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation, dont le siège est [Adresse 1],
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme de Cabarrus, conseillère référendaire, et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocate générale, après débats en l'audience publique du 24 juin 2025 où étaient présentes Mme Champalaune, présidente, Mme de Cabarrus, conseillère référendaire rapporteure, Mme Duval-Arnould, conseillère doyenne, et Mme Ben Belkacem, greffière de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée de la présidente et des conseillères précitées, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité
1. Par requête datée du 29 avril 2025, reçue le 5 mai 2025 par la Cour de cassation, M. [P] a recherché la responsabilité civile de la SCP Gaschignard, Loiseau, Massignon, avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation.
2. A l'occasion de ce litige, M. [P] a demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée :
« Première branche : « L'interprétation jurisprudentielle constante de la Cour de cassation par laquelle celle-ci s'est rendue compétente pour juger en pleine juridiction, en première et dernière instance, les contentieux en responsabilité civile des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, sur simple avis du Conseil de l'Ordre, porte-t-elle atteinte : - aux principes posés par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, de droit de libre accès à la justice, de droit à un procès impartial et équitable par un tribunal indépendant ; - au principe d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, tel qu'il découle directement des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; - au principe posé par l'article 13 de la Convention européenne des droits de l'homme de droit à un recours effectif ; - au principe de dualité des juridictions figurant au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ? »
Deuxième branche : « L'interprétation constante que donne le Conseil constitutionnel à la deuxième phrase de l'article 23-10 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique porte-t-elle atteinte au droit fondamental garanti par l'article 61-1 de la Constitution ? »
Examen de la question prioritaire de constitutionnalité
3. Le mémoire soutenu par M. [P] n'a pas été présenté par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation.
4. Au surplus, la question ne porte pas sur une disposition législative au sens de l'article 61-1 de la Constitution, les dispositions du deuxième alinéa de l'article 13 de l'ordonnance du 10 septembre 1817 étant issues du décret du 11 janvier 2002 mentionné ci-dessus (décision n° 2024-1104 QPC du 26 septembre 2024).
5. Enfin, la Cour de cassation n'a pas compétence pour se prononcer sur l'appréciation, par le Conseil constitutionnel, d'une disposition relative à la procédure d'audience suivie devant lui.
6. La question prioritaire de constitutionnalité n'est donc pas recevable.
Crim. 9 juillet 2025 n° 25-80.286
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° J 25-80.286 F-D
N° 01100
9 JUILLET 2025
SL2
QPC INCIDENTE : NON LIEU À RENVOI AU CC
Mme LABROUSSE conseiller le plus ancien faisant fonction de président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 9 JUILLET 2025
L'association tutélaire de gestion, ès qualités d'administrateur ad'hoc de [B] [J], partie civile, a présenté, par mémoire spécial reçu le 28 avril 2025, une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi formé par elle contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nîmes, en date du 18 novembre 2024, qui, dans la procédure suivie contre [E] [I] du chef de viol aggravé, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction.
Sur le rapport de M. Tessereau, conseiller, les observations de SAS Buk Lament-Robillot, avocat de l'association tutélaire de gestion, es qualité d'administrateur ad'hoc de [B] [J], et les conclusions de M. Fusina, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 juillet 2025 où étaient présents Mme Labrousse, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Tessereau, conseiller rapporteur, Mme Leprieur, conseiller de la chambre, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« Les dispositions de l'article L. 11-1 du code de la justice pénale des mineurs, en ce qu'elles prévoient, en leur alinéa 3, que le mineur de moins de treize ans n'est capable de discernement que s'il est apte à comprendre le sens de la procédure pénale dont il fait l'objet, méconnaissent-elles le principe de responsabilité garanti par l'article 4 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, l'objectif d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi découlant des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, imposant au législateur d'adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques ainsi que l'article 34 de la Constitution interdisant au législateur de méconnaître sa propre compétence ? ».
2. La disposition législative contestée est applicable à la procédure et n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.
3. La question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.
4. Le Conseil constitutionnel a jugé que la méconnaissance de l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ne peut, en elle-même, être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution. En effet, cet objectif se rattache à l'office du législateur et ne peut être regardé comme un « droit » ou une « liberté » au sens de ce texte.
5. En conséquence, la question prioritaire de constitutionnalité, en ce qu'elle invoque la méconnaissance de l'objectif précité, n'est pas recevable.
6. Par ailleurs, il résulte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel que la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit (Cons. const., 18 juin 2012, décision n° 2012-254 QPC). Il s'ensuit qu'il est nécessaire que l'application de la disposition elle-même puisse entraîner une atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, que cette atteinte ne résulte pas en réalité de l'application d'une autre disposition légale et qu'aucune disposition légale ne prévoie les garanties nécessaires.
7. Les dispositions critiquées de l'article 11-1, alinéa 3, du code de la justice pénale des mineurs ne créent, en elles-mêmes, aucune atteinte au principe de responsabilité et au droit de la partie civile d'obtenir réparation.
8. En conséquence, la question posée, en ce qu'elle invoque le principe de responsabilité et la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence, ne présente pas un caractère sérieux.
9. Il n'y a pas lieu, dès lors, de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.
Crim. 9 juillet 2025 n° 25-83.097
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° Q 25-83.097 F-D
N° 01092
SB4 9 JUILLET 2025
CASSATION
Mme LABROUSSE, conseiller le plus ancien, faisant fonction de président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 9 JUILLET 2025
M. [U] [J] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Fort-de-France, en date du 25 mars 2025, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'escroquerie aggravée, infractions à la législation sur la pharmacie et le médicament, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction le plaçant sous contrôle judiciaire.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Hill, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [U] [J], et les conclusions de M. Fusina, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 juillet 2025 où étaient présents Mme Labrousse, conseiller le plus ancien, faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Hill, conseiller rapporteur, Mme Leprieur, conseiller de la chambre, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 27 janvier 2025, M. [U] [J] a été mis en examen des chefs susvisés.
3. Par ordonnance du même jour, il a été placé sous contrôle judiciaire.
4. M. [J] a relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur les premier et troisième moyens
5. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevable le mémoire établi dans l'intérêt de M. [J] et confirmé l'ordonnance par laquelle le juge d'instruction l'a placé sous contrôle judiciaire, alors :
« 1°/ d'une part que les mémoires produits par les parties devant la chambre d'accusation sont recevables dès lors qu'ils ont été visés par le greffier au plus tard la veille de l'audience, peu importe que ce visa ait été apposé après l'horaire théorique de fermeture du greffe ; qu'au cas d'espèce, il résulte de la procédure que l'avocat de Monsieur [J] a adressé son mémoire à l'adresse structurelle de la Chambre de l'instruction la veille de l'audience à 16 heures 59 ; que le greffe a reçu ce mémoire électroniquement le même jour à 17 heures 00 ; qu'il l'a visé à 17 heures 01 ; qu'il s'ensuit que le mémoire litigieux, effectivement reçu et visé par le greffier la veille de l'audience, fût-ce après l'horaire de fermeture du greffe, était recevable ; qu'en retenant à l'inverse que « le mémoire, transmis à 17h01 le lundi 17 mars 2025, soit après la fermeture du greffe à 17h, et alors qu'un renvoi avait été accordé la semaine précédente pour laisser du temps à la défense de préparer le dossier et déposer un mémoire, doit être déclaré irrecevable », la Chambre de l'instruction, qui n'a ainsi pas répondu aux moyens et articulations essentielles du mémoire dont elle était pourtant régulièrement saisie, a violé les articles 198, D. 591, D. 592, 591 et 593 du Code de procédure pénale ; 2°/ d'autre part que si le droit de déposer un mémoire au soutien d'un recours peut être soumis à des conditions légales, les tribunaux doivent, en appliquant des règles de procédure, éviter un excès de formalisme qui porterait atteinte à l'équité de la procédure ; qu'en déclarant irrecevable le mémoire établi par la défense pour n'avoir pas été visé par le greffe de la Chambre de l'instruction la veille de l'audience avant l'heure théorique de fermeture du greffe, quand ce mémoire, envoyé et reçu électroniquement dans le délai légal, avait été effectivement visé par le greffier la veille de l'audience, une minute seulement après cet horaire théorique, mais avant sa fermeture effective, la Chambre de l'instruction a fait preuve d'un formalisme excessif et n'a ainsi pas répondu aux moyens et articulations essentielles du mémoire dont elle était pourtant régulièrement saisie, a violé les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme, préliminaire, 198, D. 591, D. 592, 591 et 593 du Code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 198 du code de procédure pénale :
7. Selon ce texte, sont recevables devant la chambre de l'instruction les mémoires produits par les parties qui ont été déposés au greffe de cette juridiction et visés par le greffier au plus tard la veille de l'audience.
8. Pour déclarer irrecevable le mémoire produit par l'avocat de la personne mise en examen, l'arrêt attaqué relève qu'il a été transmis le lundi 17 mars 2025, après la fermeture du greffe à 17 heures.
9. En prononçant ainsi, alors qu'il résulte des pièces de la procédure que le mémoire a été visé par le greffier la veille de l'audience à 17 heures 01, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.
10. D'où il suit que la cassation est encourue.
Com. 9 juillet 2025 n° 24-17.479
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
CB
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 9 juillet 2025
Désistement
M. PONSOT, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 396 F-D
Pourvoi n° V 24-17.479
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 JUILLET 2025
M. [X] [O], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 24-17.479 contre l'arrêt rendu le 22 février 2024 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-4), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Finance et tradition, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à la société Apridia invest, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ducloz, conseillère, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de M. [O], et de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de la société Finance et tradition, après débats en l'audience publique du 27 mai 2025 où étaient présents, M. Ponsot, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ducloz, conseillère rapporteure, Mme Graff-Daudret, conseillère, et M. Doyen, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. Par acte déposé au greffe de la Cour de cassation le 26 mai 2025, la SARL Le Prado - Gilbert, avocat à cette Cour, a déclaré, au nom de M. [X] [O], se désister du pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 22 février 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-4) au profit des sociétés Finance et tradition et Apridia invest.
3. Ce désistement est intervenu après le dépôt du rapport ; dès lors, aux termes de l'article 1026 du code de procédure civile, il doit être constaté par arrêt.
Crim. 9 juillet 2025 n° 25-83.070
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° K 25-83.070 F-D
N° 01101
9 JUILLET 2025
SB4
QPC INCIDENTE : IRRECEVABILITÉ
Mme LABROUSSE conseiller le plus ancien faisant fonction de président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 9 JUILLET 2025
M. [R] [H] a présenté, par mémoire spécial reçu le 22 mai 2025, une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi formé par lui contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, 12e chambre, en date du 9 avril 2025, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs de violences aggravées et refus de se soumettre à des prélèvements biologiques et à des relevés signalétiques, a confirmé son maintien en détention provisoire.
Sur le rapport de Mme Diop-Simon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [R] [H], et les conclusions de M. Fusina, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 juillet 2025 où étaient présents Mme Labrousse, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Diop-Simon, conseiller rapporteur, Mme Leprieur, conseiller de la chambre, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« Les dispositions combinées des articles 397-3 et 567-2 du code de procédure pénale (créées par la loi n° 81-82 du 2 février 1981 renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes), et 606 du code de procédure pénale, interprétées à la lumière de la jurisprudence dite du « nouveau titre de détention », qui ne permettent pas qu'il soit statué par la Chambre criminelle de la Cour de cassation sur un pourvoi inscrit à l'encontre d'un arrêt confirmatif de placement en détention provisoire lorsqu'un maintien en détention est ultérieurement prononcé, portent-elles atteinte au droit au recours effectif, tel qu'il résulte de l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ? ».
2. Le pourvoi ayant été déclaré sans objet par arrêt de ce jour, la question prioritaire de constitutionnalité doit être déclarée irrecevable, en l'absence d'instance en cours devant la Cour de cassation.
Com. 9 juillet 2025 n° 23-15.492 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
HM
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 9 juillet 2025
Cassation partielle
M. SOULARD, premier président
Arrêt n° 390 FS-B
Pourvoi n° Q 23-15.492
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 JUILLET 2025
La société Biophytis, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 23-15.492 contre l'arrêt rendu le 17 janvier 2023 par la cour d'appel de Paris (pole 5, chambre 16), dans le litige l'opposant à la société Negma Group LTD, société de droit des Iles Vierges britanniques, dont le siège est [Adresse 2] (Iles Vierges britanniques), défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ducloz, conseillère, les observations de la SAS Hannotin Avocats, avocat de la société Biophytis, de la SCP Duhamel, avocat de la société Negma Group LTD, et l'avis de M. Lecaroz, avocat général, après débats en l'audience publique du 27 mai 2025 où étaient présents M. Soulard, premier président, M. Vigneau, président, Mme Ducloz, conseillère rapporteure, M. Ponsot, conseiller doyen, Mme Graff-Daudret, M. Alt, Mme de Lacaussade, MM. Thomas, Gauthier, conseillers, Mmes Vigneras, Lefeuvre, M. Maigret, conseillers référendaires, M. Lecaroz, avocat général, et M. Doyen, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application des articles R. 431-1 et R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des premier président, président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 janvier 2023) et les productions, le 21 août 2019, la société Biophytis, société française de biotechnologie dont les titres sont admis aux négociations sur le marché de négociation multilatérale Euronext Growth, a conclu avec la société Negma Group LTD (la société Negma), société ayant son siège dans les Iles Vierges britanniques et ayant pour activité la fourniture aux entreprises cotées en bourse des fonds nécessaires à leur développement et à leur croissance, un contrat dénommé, selon sa traduction en français, « contrat d'émission et de souscription à des obligations remboursables en numéraire ou en actions nouvelles avec bons de souscription d'actions attachés » (ORNANE avec BSA).
2. Selon les stipulations de ce contrat, la société Negma s'engage à financer le développement de la société Biophytis par la souscription d'ORNANE avec BSA émises par cette société, pour un montant total de 24 millions d'euros libérable en huit tranches de trois millions d'euros chacune. La société Negma peut demander le remboursement des obligations souscrites dès le lendemain de la souscription et pendant les douze mois qui suivent, dans la limite de deux demandes par semaine, soit en numéraire soit par la conversion des obligations en actions, la société Biophytis disposant d'un délai de deux jours à compter de la demande de remboursement pour opter en faveur de l'un des modes de remboursement. Le taux de conversion des sommes à rembourser en actions s'effectue sur la base d'un prix par action égal à 92 % du plus bas des cours de bourse moyens quotidiens sur une période de dix jours de bourse. Il est prévu par ailleurs une pénalité financière si le cours de bourse est en-dessous du nominal du titre, lequel est de vingt centimes d'euros. Dans l'hypothèse d'un remboursement en numéraire, celui-ci est égal, par action, au montant nominal des actions converties divisé par le prix de conversion, le tout étant multiplié par le cours quotidien pondéré par les volumes de l'action à la date de conversion.
3. Les 26 août et 29 décembre 2019, la société Negma a libéré deux tranches de financement.
4. A compter du 27 août 2019 et jusqu'au 7 février 2020, la société Negma a formé quarante-deux demandes de remboursement de la première tranche de financement par la conversion des obligations souscrites en actions. Ces demandes ont été exécutées par la société Biophytis.
5. A compter du 12 février 2020 et jusqu'au 9 avril 2020, la société Negma a formé des demandes de remboursement en actions de la deuxième tranche de financement par la conversion des obligations souscrites en actions. Ces demandes n'ont été que partiellement exécutées par la société Biophytis.
6. Le 6 avril 2020, reprochant à la société Negma la revente systématique sur les marchés financiers des actions obtenues à la suite de la conversion de ses obligations et son effet baissier sur le cours de bourse de ses titres, la société Biophytis a résilié le contrat conclu le 21 août 2019.
7. Le 6 juin 2020, la société Negma a assigné la société Biophytis en paiement d'une somme au titre des compensations dues en exécution du contrat et en livraison de sept millions d'actions en conséquence de la conversion de ses obligations. La société Biophytis a, reconventionnellement, demandé, à titre principal, la nullité du contrat pour violation de la réglementation applicable aux prestataires de services d'investissement, en particulier de l'obligation d'être agréé, et la nullité du mécanisme de conversion des ORNANE avec BSA en arguant de son caractère potestatif, et, à titre subsidiaire, des dommages et intérêts en invoquant divers préjudices, dont ceux résultant du défaut d'agrément de la société Negma comme prestataire de services d'investissement.
Sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de rejeter la demande de nullité du contrat
Enoncé du moyen
8. La société Biophytis fait grief à l'arrêt de rejeter la demande d'annulation du contrat pour violation, par la société Negma, de la réglementation applicable aux prestataires de services d'investissement, alors « que la sanction de la réalisation d'une opération relevant d'une activité subordonnée à l'agrément de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution par un opérateur dépourvu d'agrément réside dans l'annulation de ladite opération ; qu'au cas présent, le premier juge a retenu, "surabondamment", au contraire, que "cette absence d'agrément ne serait pas de nature à entraîner la nullité du contrat pour violation par Negma de la réglementation applicable aux prestataires de services d'investissement" ; qu'en statuant ainsi, par motif éventuellement adopté du premier juge, la cour d'appel a violé les articles L. 321-1 et D. 321-1 du code monétaire et financier, l'article L. 532-1 du même code, ensemble les articles 1128, 1178 et 1179 du code civil, lus à la lumière de l'article 5 de la directive 2014/65. »
Réponse de la Cour
9. Il résulte de la combinaison des articles L. 321-1, L. 532-1 et L. 532-9 du code monétaire et financier que, sauf dispositions contraires, seuls les prestataires de services d'investissement agréés par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (l'ACPR) ou, s'agissant des sociétés de gestion de portefeuille, par l'Autorité des marchés financiers (l'AMF), peuvent fournir, à titre habituel, le service d'investissement de prise ferme.
10. Ainsi que l'énonce le considérant 37 de la directive 2014/65/UE du 15 mai 2014 concernant les marchés d'instruments financiers et modifiant la directive 2002/92/CE et la directive 2011/61/UE, dont les articles L. 532-1 et L. 532-9 du code monétaire et financier assurent la transposition, cette obligation d'agrément a pour objectif d'assurer la protection des investisseurs et la stabilité du système financier.
11. Si la méconnaissance de l'exigence d'agrément, au respect de laquelle les articles L. 532-1 et L. 532-9 du code monétaire et financier subordonnent la fourniture, à titre habituel, du service d'investissement de prise ferme, est de nature à engager la responsabilité civile de la personne qui a fourni ce service lorsqu'elle cause à son cocontractant un préjudice personnel et direct résultant de la privation des garanties attachées à l'agrément des prestataires de services d'investissement, elle ne peut avoir pour effet d'entraîner la nullité des contrats conclus.
12. L'arrêt retient, par motifs adoptés, qu'en tout état de cause, l'absence d'agrément de la société Negma n'est pas de nature à entraîner la nullité du contrat.
13. En l'état de ces seules énonciations, la cour d'appel a, à bon droit, rejeté la demande de nullité du contrat.
14. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
15. La société Biophytis fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'annulation de l'article 8.1 de l'annexe 4 au contrat conclu le 21 août 2019, alors :
« 1° / que l'opération d'equity line consiste, pour l'equity liner, à souscrire dans son intégralité à une émission réalisée par la société en besoin de financement, en transférant par la suite la charge de ce financement sur le marché secondaire, par un reclassement des titres ainsi souscrits sur le marché primaire ; qu'au cas présent, la cour d'appel, après avoir constaté l'accord des parties pour qualifier d'equity line l'opération en litige, a ensuite considéré, au stade de l'appréciation du caractère potestatif du mécanisme de calcul du prix de conversion des ORNANE en titres de capital et pénalités, que la revente des titres sur le marché secondaire serait hors du champ de l'analyse : "le choix d'assumer un risque de marché en revendant plus ou moins rapidement les actions résultant des conversions en réalisant d'éventuelles moins values ou plus-values est totalement étranger à la relation contractuelle entre les parties" ; qu'en statuant ainsi, par un motif contredisant la qualification de l'opération en discussion, la cour d'appel, qui ne s'est dès lors pas mise en mesure d'apprécier le caractère potestatif du mécanisme en litige, a violé les articles 1103, 1170 et 1174 du code civil ;
2° / que le juge appelé à vérifier le caractère potestatif d'un mécanisme contractuel donné doit apprécier les pouvoirs et facultés potentiels que donne, concrètement et dans les faits, ledit mécanisme au bénéfice du contractant, sans s'attacher aux termes du contrat ; qu'au cas présent, pour refuser d'intégrer à son analyse des vices potentiels du contrat conclu entre les parties la circonstance que la société Negma disposait d'une faculté d'influence considérable sur les cours de bourse de la société Biophytis servant de référence au calcul du taux de conversion devant bénéficier à la société Negma, la cour d'appel a retenu que cette faculté d'intervention ne serait pas inhérente à la relation contractuelle entre les parties, de sorte qu'elle constituerait une potentialité incidente, en quelque sorte non voulue par le contrat ; qu'en statuant ainsi par des motifs inopérants, la cour d'appel, qui a perdu de vue que la circonstance qu'une potentialité viciée n'ait pas été voulue ou identifiée dans le c?ur du contrat ne la soustrait pas au regard du juge de la potestativité, a violé les articles 1103, 1170 et 1174 du code civil ;
3° / que le juge appelé à vérifier le caractère potestatif d'un mécanisme contractuel doit s'attacher à appréhender ledit mécanisme contractuel, afin de déterminer le pouvoir potentiel du contractant sur l'équilibre contractuel ; que, dès lors que ce potentiel existe, la qualification de clause potestative peut être retenue, sans qu'une disqualification soit encourue du fait que d'autres événements, extérieurs à la volonté des parties, puissent expliquer a posteriori les éléments soumis au pouvoir extraordinaire de l'une des parties ; qu'au cas présent, la société Biophytis soulignait dans ses conclusions d'appel qu'en autorisant l'equity liner Negma à demander le remboursement des actions par conversion dès après la souscription et pendant un an, aux dates de son choix et jusqu'à deux fois par semaine, sur la base d'un prix de conversion déterminé par référence au cours le plus bas pendant les 10 jours de bourse précédent, cours décoté de 8%, étant rappelé que, du fait de l'importance de l'equity line mise en place, la société Negma allait se retrouver détenteur d'un nombre très significatif du flottant des titres de capital de la société Biophytis cotés, le contrat donnait potentiellement à la société Negma le pouvoir de fixer son propre prix de conversion, en intervenant à la baisse sur le cours pendant une période donnée, à la suite de quoi la société Negma notifierait la conversion, avant de laisser le cours reprendre son tracé, générant ainsi de substantielles plus-values ; que, pour toute réponse de ce chef, la cour d'appel a retenu qu'il ne serait "pas établi" que, dans les faits, les baisses du cours des actions Negma dans les périodes ayant précédé les notifications de conversion auraient été le fruit de cessions par Negma : "90. En outre, comme le tribunal l'a démontré dans sa décision, il n'est pas établi que la cession des titres opérés par la société Negma explique à elle seule la baisse du titre Biophytis sur le marché"; qu'en statuant ainsi par un motif inopérant, la cour d'appel, qui n'a pas nié l'existence d'une baisse des cours, donc, à tout le moins, le potentiel de potestativité que recelait la clause, a violé les articles 1103, 1170 et 1174 du code civil. »
Réponse de la Cour
16. Aux termes de l'article 1304-2 du code civil, est nulle l'obligation contractée sous une condition dont la réalisation dépend de la seule volonté du débiteur.
17. L'arrêt retient qu'en application des stipulations de l'article 8.1 de l'annexe 4 au contrat litigieux, la société Negma ne détermine pas seule et directement le prix de conversion en actions des obligations souscrites, celui-ci étant égal, par action, à « 92 % du plus bas cours quotidien moyen pondéré par les volumes d'action (tel que rapporté par Bloomberg) durant la période de fixation précédant la date de conversion. » L'arrêt ajoute qu'il n'est pas établi que la cession des titres opérés par la société Negma explique à elle seule la baisse du titre Biophytis sur le marché.
18. De ces seules énonciations et appréciations, dont il résulte que le prix de conversion en actions des obligations souscrites ne dépendait pas de la seule volonté de la société Negma, mais de circonstances objectives susceptibles d'être contrôlées judiciairement, la cour d'appel a exactement déduit que la clause litigieuse ne revêtait pas un caractère potestatif.
19. Le moyen, qui critique, en ses première et deuxième branches, des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus.
Sur le troisième moyen, pris en ses première, troisième, quatrième et cinquième branches
Enoncé du moyen
20. La société Biophytis fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement et, notamment, de dire que la société Negma n'avait pas manqué à ses obligations contractuelles, alors :
« 1° / que la position de l'AMF selon laquelle un equity liner doit s'abstenir d'interférer, par des cessions, sur le cours des titres de la société qu'il finance, pendant la période de référence servant à fixer le prix de conversion, s'applique à tout opérateur réalisant une opération d'equity line, quelle que soit sa qualité ou son statut ; qu'il importe peu, à cet égard, qu'il ne soit pas un professionnel régulé par l'AMF, autrement dit qu'il ne soit pas doté d'un agrément ; qu'au cas présent, la cour d'appel a retenu que le devoir d'abstention rappelé par la position-recommandation ne serait pas applicable à la société Negma, quand bien même elle reconnaissait avoir réalisé une opération d'equity line, dès lors qu'elle ne serait ni un prestataire de services d'investissement, ni un "intermédiaire, mais un "investisseur" : " [?] le contrat litigieux, même s'il a la nature d'un PACEO, est un contrat de financement obligataire dans lequel la société Negma est un investisseur et non un intermédiaire financier ou un prestataire de service d'investissement, de sorte que la société Biophytis ne justifie pas de l'application de cette position au litige" ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'ainsi que le soulignait la société Biophytis dans ses conclusions d'appel, le devoir d'abstention ne s'appliquait pas à raison de la qualité exacte de l'equity liner mais de l'opération d'equity line, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a violé les articles L. 621-1 et L. 621-6 du code monétaire et financier, les articles 1104, 1217, 1231-1 du code civil, ensemble les principes de loyauté et de bonne foi contractuelles ;
3° / que, dans ses conclusions d'appel, la société Biophytis soulignait que la société Negma, dont il est constant et non contesté qu'elle n'a jamais demandé le remboursement en numéraire des ORNANE, avait reconnu, sur sommation de communiquer, revendre systématiquement les actions obtenues à la suite des conversions et qu'il était d'ailleurs constant et non contesté, d'une part, qu'elle n'avait jamais procédé à la moindre déclaration de franchissement de seuil qui eût été nécessaire si elle avait conservé des titres, ayant perçu, de façon consolidée, jusqu'à 50% du capital de Biophytis, d'autre part, que la société Negma ne disposait pas ne serait-ce que d'une action, le 11 mai 2020, pour accéder à l'assemblée générale de Biophytis ; qu'il s'en déduisait que Negma avait bien acheté pour revendre et était bien un "intermédiaire" assujetti, en tant que tel, selon les termes de l'arrêt, à la position exprimée par l'AMF; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1104, 1217, 1231-1 du code civil, ensemble les articles L. 621-1, L. 621-6 et D. 321-1 du code monétaire et financier ;
4° / que la méconnaissance par un opérateur réalisant des prestations de services d'investissement de son obligation d'agrément, si elle n'est pas, par extraordinaire, sanctionnée sur le terrain de la nullité de l'opération conclue en violation du monopole des prestataires de services d'investissement agréés, engage à tout le moins la responsabilité de son auteur ; qu'au cas présent, il a été établi dans le cadre du premier moyen de cassation que la société Negma avait agi comme prestataire de services d'investissement, sans être agréé ; qu'à supposer que ce défaut d'agrément ne soit pas une cause de nullité de l'opération, elle n'en resterait pas moins une source de responsabilité pour la société Negma ; que la cour d'appel a retenu que, n'ayant pas agi comme prestataire de services d'investissement mais comme "investisseur", la société Negma ne pourrait voir sa responsabilité être engagée pour méconnaissance de la position de l'AMF ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est mépris sur la qualification de la société Negma, a violé les articles L. 321-1 et D. 321-1 du code monétaire et financier, ensemble l'article 1231-1 du code civil ;
5° / que l'equity liner doit s'abstenir d'interférer sur les cours des titres de conversion ; que manque à cette obligation, et engage sa responsabilité, l'equity liner qui ne respecte pas cette obligation d'abstention, peu important que ses interventions n'expliquent pas, à elles seules, les mouvements de cours ou qu'il ait nourri, en cédant les titres en cause, un autre calcul que celui que veut prévenir l'obligation d'abstention ; qu'au cas présent, pour écarter toute responsabilité de la société Negma du chef de la cession par l'equity liner des titres de conversion pendant les périodes choisies par la société Negma comme servant de référence au calcul des notifications qu'il adressait de manière discrétionnaire à la société Biophytis, la cour d'appel a indiqué que les baisses de cours pouvaient recevoir d'autres explications et que Negma aurait plutôt intérêt à une hausse des cours : "100. Enfin, cette position fût-elle opposable à la société Negma, il n'est pas possible, pour les motifs exposés plus haut et retenus par les premiers juges, que la vente par la société Negma des actions de conversion ait influé sur le cours de bourse ni que celle-ci avait un intérêt à la baisse du cours de l'action Biophytis" ; qu'en statuant ainsi par des motifs inopérants, la cour d'appel a violé les articles L. 321-1 et D. 321-1 du code monétaire et financier, ensemble les articles 1104, 1217, 1231-1 du code civil. »
Réponse de la Cour
21. La méconnaissance d'une position-recommandation de l'AMF, laquelle n'a pas de force obligatoire, ne peut, à elle seule, constituer une faute civile.
22. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé.
Mais sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de rejeter la demande de dommages et intérêts de la société Biophytis
Enoncé du moyen
23. La société Biophytis fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de dommages et intérêts, alors :
« 1° / que caractérise l'activité de prise ferme le fait, pour un opérateur, de s'engager à l'égard de l'émetteur à souscrire d'emblée à une émission d'instruments financiers envisagée par ledit émetteur pour assurer son financement, sans que ledit opérateur ne présente, directement et d'emblée, lesdits instruments financiers au marché, à charge, pour ledit opérateur, de se refinancer par la revente, à plus ou moins brève échéance, des instruments financiers en cause ; que l'engagement central de l'opérateur qui offre un service de prise ferme consiste donc, comme son nom l'indique, à s'obliger à souscrire intégralement à l'émission envisagée, la revente des titres n'étant destinée qu'à assurer le refinancement de l'opération ; qu'au cas présent, la société Negma s'était précisément engagée à l'égard de la société Biophytis à souscrire aux émissions d'ORNANE que celle-ci déciderait, pendant une période s'étalant sur plusieurs années et dans le cadre d'une enveloppe maximum décidée à l'avance, la société Negma étant rémunérée, outre par une commission modeste au regard des sommes en cause, par la perspective d'une revente avec bénéfice des titres de capital qui, après conversion des obligations en actions, devraient lui revenir ; que la cour d'appel, comme le premier juge, a récusé la qualification d'activité de prise ferme pour ces opérations au motif que ce qui serait central dans la prise ferme serait un prétendu engagement que l'opérateur souscrirait à l'égard de l'émetteur de rétrocéder les instruments financiers ("Attendu qu'en l'espèce, le contrat litigieux ne stipule aucun engagement de Negma relatif à la recherche, directe ou indirecte, de souscripteurs ou d'acquéreurs, aucun engagement de revente des actions résultant de la conversion des ORNANE souscrites dans un délai fixé, ni aucune obligation d'agir pour le compte de Biophytis ; qu'il en résulte que l'une des deux conditions caractérisant un service de prise ferme est manquante") et que le propre de la prise ferme serait l'intermédiation, la souscription initiale et le placement subséquent des titres étant, selon la cour, à la fois indissociables et à placer sur un pied d'égalité ("57. Selon cette définition, la prise ferme est une forme de placement qui relève des activités pour compte de tiers propre à l'activité d'intermédiation. 58. Le prestataire se présente alors comme un acheteur-revendeur : il se porte acquéreur des titres auprès d'un émetteur ou d'un cédant et il les revend auprès de ses clients. 59. Le service de prise ferme comprend deux volets : le financement et la revente, qui sont indissociables. 60. Si l'une ou l'autre des deux conditions fait défaut (souscription de titres, financement et revente auprès des souscripteurs ou acquéreurs), il ne saurait y avoir de service de prise ferme. 61. En l'espèce, il n'est pas contesté que le contrat ne fait nullement référence à un service de placement dont il ne reprend pas la terminologie. [?] 68. Il ressort ainsi des termes et de l'analyse du contrat qu'il n'entrait pas dans son économie générale un service de placement au sens des dispositions du code monétaire et financier précitées, de sorte que la condition essentielle pour le requalifier de contrat de prise ferme n'est pas remplie") ; qu'en statuant ainsi, cependant que la prise ferme se caractérise principalement par l'engagement pris à l'égard de l'émetteur de souscrire dans son intégralité à l'émission, avant toute idée de placement liée aux modalités de refinancement de l'opérateur, la cour d'appel, qui n'a pas respecté la définition de l'activité de prise ferme énoncée par les textes, a violé les articles L. 321-1 et D. 321-1 du code monétaire et financier, lus à la lumière des articles 4.1-2) de la directive 2014/65 et 6 de l'annexe I (section A) à la directive 2014/65 ;
2°/ que la qualification d'une activité, plus encore que celle d'un contrat, nécessite de s'attacher à ce que réalisent, concrètement, les acteurs concernés, sans s'attacher ni à la manière dont ils présentent ladite activité dans des contrats, ni à leur intention réelle ou supposée ; que, dès lors, si l'activité de prise ferme est caractérisée par la souscription puis la revente de titres sur le marché, la qualification d'une activité de prise ferme passe par l'établissement d'une revente dans les faits des titres, indépendamment des prévisions ou des intentions contractuelles ; qu'au cas présent, la cour d'appel étant appelée à qualifier de prise ferme une activité de la société Negma, le juge du fond devait s'attacher, ainsi qu'il y était invité, à ce qu'avait réalisé la société Negma, et en particulier au point de savoir si dans les faits la société Negma, qui avait systématiquement été remboursée en actions et non en numéraire, n'avait pas revendu à brève échéance toutes les actions Biophytis ainsi obtenues à titre de remboursement des obligations, s'assurant de ce chef l'essentiel de sa rémunération ; qu'au lieu de cela, la cour d'appel s'est référée, d'abord, exclusivement aux termes ainsi qu'à l'économie supposée du contrat tel que rédigé, avant de n'accepter d'intégrer à l'analyse que les intentions supposées des parties, mais en récusant totalement les réalisations concrètes et effectives de la société Negma, autrement dit l'exécution ; qu'en particulier, la cour d'appel n'a pas tenu compte de la circonstance que, d'une part, la société Negma n'avait jamais été remboursée de sa souscription initiale d'ORNANE qu'en actions et non en numéraire, d'autre part, n'ayant jamais effectué de déclaration de seuil, et conformément à une déclaration effectuée en réponse à une sommation de communiquer à valeur d'aveu, elle s'était défaite rapidement, dans les faits, des actions en cause, ce qui avait constitué l'essentiel de sa rémunération ; que la cour relève ainsi que "68. Il ressort ainsi des termes et de l'analyse du contrat qu'il n'entre pas dans son économie générale un service de placement au sens des dispositions du code monétaire et financier précitées de sorte que la condition essentielle pour le requalifier de contrat de prise ferme n'est pas remplie. 69. La société Biophytis soutient qu'il existe un décalage entre l'intention déclarée par les parties, telle qu'elle résulte de la terminologie utilisée dans le contrat, et leur intention réelle, telle qu'elle résulte de l'exécution du contrat. 70. Pourtant, rien ne démontre que la commune intention a été mal exprimée ni que les parties ont convenu en réalité d'un contrat d'une autre nature, étant rappelé que la question des modalités d'exécution du contrat par Negma est étrangère à la qualification du contrat. 71. Le contrat se présente en effet objectivement et dans l'esprit des parties comme un contrat de financement venant en remplacement d'un contrat de financement précédemment détenu par le fonds Braknor Fund, qu'au jour du contrat la société Biophytis avait déjà conclu et exécuté en 2017. 72. Il est établi que la société Biophytis n'avait aucune intention de conclure un contrat de service relevant du placement et rien ne laisse penser que la société Negma avait l'intention de s'engager dans une relation pour compte de tiers" ; qu'en statuant ainsi, par des considérations qui n'étaient, pour certaines, même pas admissibles au cas de la qualification d'un contrat, et encore moins d'une activité, la cour d'appel, qui a perdu de vue la spécificité des termes du litige, a violé les articles L. 321-1 et D. 321-1 du code monétaire et financier, lus à la lumière des articles 4.1-2) de la directive 2014/65 et 6 de l'annexe I (section A) à la directive 2014/65. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 321-1, 6-1, et D. 321-1, 6-1, du code monétaire et financier :
24. Selon le premier de ces textes, le service de prise ferme est un service d'investissement. Selon le second, constitue le service de prise ferme le fait de souscrire ou d'acquérir directement auprès de l'émetteur ou du cédant des instruments financiers, en vue de procéder à leur vente.
25. En premier lieu, si l'ancien article 312-5 du règlement général de l'AMF définissait le service de prise ferme comme le fait de souscrire ou d'acquérir auprès de l'émetteur ou du cédant des instruments financiers, en vue de procéder à leur placement, l'article D. 321-1, 6-1, du code monétaire et financier, issu du décret n° 2007-904 du 15 mai 2007, qui le remplace et applicable au litige, se réfère non plus au placement des instruments financiers souscrits ou acquis mais à leur vente. Il en résulte que le service de prise ferme n'exige pas l'engagement du prestataire de ce service de placer, pour le compte de l'émetteur ou du cédant, les instruments financiers souscrits ou acquis, et qu'il est constitué lorsque le prestataire de ce service s'engage, à l'égard de l'émetteur ou du cédant, à souscrire ou à acquérir des instruments financiers avec l'intention de les vendre soit à ses clients, soit sur les marchés financiers.
26. En deuxième lieu, la qualification d'un service de prise ferme, lequel est, en application des dispositions d'ordre public des articles L. 532-1 et L. 532-9 du code monétaire et financier, et sauf dispositions contraires, réservé aux prestataires de services d'investissement agréés par l'ACPR ou l'AMF, ne dépend pas exclusivement de la volonté exprimée par les parties ou de la dénomination qu'elles ont donné à leur convention, mais peut dépendre des conditions dans lesquelles cette convention a été exécutée.
27. En dernier lieu, et comme il a été dit au point 11, la méconnaissance de l'exigence d'agrément est de nature à engager la responsabilité civile de la personne qui fournit le service d'investissement de prise ferme lorsque cette méconnaissance cause à son cocontractant un préjudice personnel et direct résultant de la privation des garanties attachées à l'agrément des prestataires de services d'investissement.
28. Pour rejeter la demande de la société Biophytis en paiement de dommages et intérêts, l'arrêt retient, par motifs propres, que la prise ferme est une forme de placement, qu'elle comprend deux volets, le financement et la revente, qui sont indissociables, et qu'il ressort des termes et de l'analyse du contrat litigieux qu'il n'entrait pas dans son économie générale un service de placement au sens de l'article D. 321-1 du code monétaire et financier, de sorte que la condition essentielle pour le requalifier en contrat de prise ferme n'est pas remplie, et, par motifs adoptés, que le contrat ne stipule aucun engagement de la société Negma relatif à la recherche, directe ou indirecte, de souscripteurs ou d'acquéreurs, aucun engagement de revente des actions résultant de la conversion des ORNANE souscrites, ni aucune obligation d'agir pour le compte de la société Biophytis. L'arrêt retient encore que la société Biophytis n'avait aucune intention de conclure un contrat de service relevant du placement, et que rien ne laisse penser que la société Negma avait l'intention de s'engager dans une relation pour compte de tiers. L'arrêt ajoute que les modalités d'exécution du contrat litigieux sont étrangères à la qualification de ce contrat. L'arrêt en déduit que le contrat en litige est un contrat de financement obligataire dans lequel la société Negma est, non pas un prestataire de services d'investissement, mais un investisseur.
29. En statuant ainsi, alors que la qualification de service de prise ferme, d'une part, n'implique pas un engagement de placer les titres acquis, d'autre part, peut dépendre des conditions dans lesquelles le contrat a été exécuté, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Com. 9 juillet 2025 n° 23-23.856 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
HM
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 9 juillet 2025
Rejet
M. PONSOT, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 392 F-B
Pourvoi n° F 23-23.856
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 JUILLET 2025
M. [L] [I], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° F 23-23.856 contre l'arrêt rendu le 20 septembre 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 6), dans le litige l'opposant à la société Interfimo, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Graff-Daudret, conseillère, les observations de la SARL Cabinet Briard, Bonichot et Associés, avocat de M. [I], de la SCP Richard, avocat de la société Interfimo, et l'avis de M. Bonthoux, avocat général, après débats en l'audience publique du 27 mai 2025 où étaient présentes M. Ponsot, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Graff-Daudret, conseillère rapporteure, Mme Ducloz, conseillère, et M. Doyen, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillères précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 septembre 2023) et les productions, par un acte du 4 décembre 2012, la société Le Crédit Lyonnais a consenti à la société Cabinet [L] [I], géomètre-expert, en vue de financer l'acquisition d'un fonds professionnel libéral, un prêt, garanti par le cautionnement de la société Interfimo.
2. Le 29 novembre 2012, M. [J] et M. [I] se sont eux-mêmes rendus cautions de la société emprunteuse, au profit de la société Interfimo, respectivement à hauteur de 1 000 000 euros et 2 000 000 euros.
3. Par jugement du 24 janvier 2017, la société Cabinet [L] [I] a été placée en procédure de sauvegarde.
4. Le 5 avril 2018, après avoir exécuté son engagement de caution, justifiant, selon quittances subrogatives établies les 28 mars 2018 et 7 janvier 2019, s'être acquittée, respectivement, des sommes de 725 868,78 euros et 311.086,62 euros, soit un montant total de 1 036 955,40 euros, outre intérêts, la société Interfimo a assigné M. [J] et M. [I], respectivement, en paiement des sommes de 1 000 000 euros et 1 097 445,55 euros.
5. Un jugement du 25 septembre 2018 a arrêté un plan de sauvegarde au profit de la société débitrice principale.
6. La cour d'appel a considéré que l'engagement de caution de M. [J] était manifestement disproportionné à ses biens et revenus au moment de la conclusion du cautionnement, mais que ce dernier étant en capacité de faire face à son obligation lorsqu'il a été appelé, la société Interfimo pouvait se prévaloir de son engagement.
7. En conséquence, elle a rejeté la demande d'annulation de son cautionnement, formée par M. [I], qui invoquait une erreur affectant son propre engagement, découlant, selon lui, de la disproportion de l'engagement de son cofidéjusseur.
Examen des moyens
Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
9. M. [I] fait grief à l'arrêt de rejeter toutes ses demandes et de le condamner à payer à la société Interfimo la somme de 1 097 455,55 euros outre intérêts au taux légal à compter du 26 décembre 2018 et jusqu'à parfait paiement, avec capitalisation annuelle des intérêts, alors « que pour apprécier si le patrimoine de la caution lui permet de faire face à son obligation au moment où elle est appelée, le juge doit, en principe, se placer au jour où la caution est assignée ; que cependant si, à ce moment, le débiteur principal bénéficie de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde aboutissant à l'arrêt d'un plan de sauvegarde, l'appréciation doit être différée au jour où ce plan n'est plus respecté, l'obligation de la caution n'étant exigible qu'en cas de défaillance du débiteur principal ; que pour rejeter la demande de nullité de M. [I] et le condamner à payer une certaine somme à la société Interfimo, l'arrêt relève que si celui-ci entend démontrer une erreur affectant son propre engagement de caution découlant de la disproportion de l'engagement de son cofidéjusseur, cette argumentation ne saurait prospérer puisque la cour entre en voie de condamnation à l'égard de M. [J] ; que pour justifier la condamnation de M. [J] ainsi évoquée, l'arrêt a auparavant retenu que la caution ne saurait être déchargée quand, au moment où elle est appelée, son patrimoine lui permet de faire face à ses obligations, que l'assignation ayant été délivrée le 4 mai 2018, c'est à ce jour qu'il convient de se placer pour se livrer à cette appréciation, que l'intéressé disposait à ce moment-là d'un patrimoine composé a minima de revenus annuels de 120 000 euros provenant de son activité professionnelle et d'actifs dont la valeur était de loin supérieure au montant de la somme de 1 000 000 euros qui lui était réclamée, de sorte que la société Interfimo, qui démontre à suffisance que M. [J] était en capacité de faire face à son obligation lorsqu'il a été appelé en paiement, peut se prévaloir de l'engagement de caution de M. [J], bien qu'il ait été, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus ; qu'en statuant ainsi tout en relevant que le cabinet [L] [I], débiteur principal dont la procédure de sauvegarde avait été ouverte le 24 janvier 2017, bénéficiait d'un plan de sauvegarde, arrêté le 25 septembre 2018, en cours d'exécution, la cour d'appel, qui ne pouvait apprécier si le patrimoine de M. [J] lui permettrait de faire face à son obligation tant que ledit plan était respecté, a violé les articles L. 622-28 et L. 626-11 du code de commerce et l'article L. 341-4, devenu L. 332-1, du code de la consommation dans leur rédaction applicable en la cause. »
Réponse de la Cour
10. Aux termes de l'article 2291, alinéa 2, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, on peut aussi se rendre caution, non seulement du débiteur principal, mais encore de celui qui l'a cautionné.
11. Aux termes de l'article L. 341-4 du code de la consommation, applicable en la cause, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
12. Aux termes de l'article L. 626-11 du code de commerce, dans sa rédaction applicable en la cause, le jugement qui arrête le plan en rend les dispositions opposables à tous. A l'exception des personnes morales, les coobligés et les personnes ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie peuvent s'en prévaloir.
13. La sous-caution, qui garantit la créance de la caution à l'égard du débiteur principal et non la créance du créancier initial à l'égard de ce débiteur, ne peut se prévaloir des exceptions inhérentes à la dette du débiteur principal à l'égard de ce créancier.
14. Elle ne peut donc opposer à la caution, qui s'est fait garantir le remboursement de sommes payées par elle au créancier, le plan de sauvegarde arrêté au profit du débiteur principal.
15. Pour apprécier, au sens de l'article L. 341-4 du code de la consommation, si le patrimoine de la caution lui permet de faire face à son obligation au moment où elle est appelée, le juge doit se placer au jour où la caution est assignée.
16. Il résulte de la combinaison des articles L. 341-4 du code de la consommation et L. 626-11 du code de commerce précités que si, au moment où la caution est appelée, le débiteur principal bénéficie d'un plan de sauvegarde en cours d'exécution, l'appréciation de la capacité de la caution à faire face à son obligation doit être différée au jour où le plan n'est plus respecté, l'obligation de la caution n'étant exigible qu'en cas de défaillance du débiteur principal.
17. Cependant, il ressort des constatations de l'arrêt que le plan de sauvegarde a été adopté postérieurement à l'assignation de la sous-caution, de sorte que c'est à juste titre que la cour d'appel s'est placée à cette date pour apprécier la capacité de la cette dernière à faire face à son obligation.
18. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé.
Com. 9 juillet 2025 n° 24-10.428 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
JB
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 9 juillet 2025
Cassation partielle sans renvoi
M. SOULARD, premier président
Arrêt n° 389 FS-B
Pourvoi n° F 24-10.428
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 JUILLET 2025
La société Ile-de-France démolition, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° F 24-10.428 contre l'arrêt rendu le 16 novembre 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 9), dans le litige l'opposant à M. [O] [L]-[V], domicilié chez M. [S] [L] [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lefeuvre, conseillère référendaire, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Ile-de-France démolition, de la SAS Hannotin Avocats, avocat de M. [L]-[V], et l'avis de M. Bonthoux, avocat général, après débats en l'audience publique du 27 mai 2025 où étaient présents M. Soulard, premier président, Mme Lefeuvre, conseillère référendaire rapporteure, M. Vigneau, président, M. Ponsot, conseiller doyen, Mmes Graff-Daudret et Ducloz, M. Alt, Mme de Lacaussade, MM. Thomas et Gauthier, conseillers, Mme Vigneras, M. Maigret, conseillers référendaires, M. Bonthoux, avocat général, et M. Doyen, greffier de chambre,
La chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application des articles R. 431-1 et R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des premier président, président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 novembre 2023) et les productions, le 2 octobre 2019, la société Bronze a cédé l'intégralité des actions qu'elle détenait dans le capital de la société par actions simplifiée Ile-de-France démolition (la société IDF Démolition) à la société Green Acquisition.
2. L'article 23.2 des statuts de la société IDF Démolition stipule que « le directeur général peut être révoqué à tout moment et sans qu'un juste motif soit nécessaire, par décision du président. »
3. Lors d'une assemblée générale du 2 octobre 2019, les associés de la société IDF Démolition ont, à l'unanimité, nommé M. [L]-[V] en qualité de directeur géné
4. Le 26 juin 2020, la société Newco Green Holding, agissant en tant que présidente de la société IDF Démolition, a révoqué M. [L]-[V] de ses fonctions de directeur général.
5. Face au refus de la société IDF Démolition de lui régler certaines sommes au titre de la cessation anticipée de son mandat, M. [L]-[V] l'a assignée en paiement de dommages et intérêts.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
6. La société IDF Démolition fait grief à l'arrêt de dire que M. [L]-[V] a été révoqué sans juste motif de ses mandats de directeur général des sociétés IDF Démolition et D3 Environnement, de la condamner à lui payer certaines sommes au titre de la résiliation anticipée de ce mandat, de la perte de son véhicule de fonction et du caractère vexatoire et brutal de la révocation, et de dire que ces sommes produiront intérêt légal à compter de la date du prononcé du jugement, alors :
« 1°/ qu'il résulte de la combinaison des articles L. 227-1 et L. 227-5 du code de commerce que les statuts de la société par actions simplifiée fixent les conditions dans lesquelles la société est dirigée, notamment les modalités de révocation de son directeur général ; que les actes extra-statutaires ne peuvent y déroger ; qu'en affirmant, pour juger que M. [O] [L]-[V] avait été révoqué sans juste motif de ses mandats de directeur général des sociétés IDF Démolition et D3 Environnement et entrer en voie de condamnation, qu'il y avait lieu d'appliquer l'annexe 1 du procès-verbal de l'assemblée générale mixte de la société IDF Démolition en date du 2 octobre 2019 qui fixait des conditions de révocation dérogatoires aux statuts de la société IDF Démolition lesquels permettaient la révocation ad nutum et sans indemnités du directeur général, la cour d'appel a violé les articles L. 227-1 et L. 227-5 du code de commerce ;
2°/ que les actes extra-statutaires ne peuvent déroger aux stipulations des statuts d'une société par actions simplifiée relatives aux modalités de révocation de son directeur général quand bien même ils auraient été votés à l'unanimité des associés et dans les conditions requises pour modifier les statuts, dès lors que cette modification n'a, en définitive, pas été réalisée ; qu'en retenant le contraire, pour juger que M. [O] [L]-[V] avait été révoqué sans juste motif de ses mandats de directeur général des sociétés IDF Démolition et D3 Environnement et entrer en voie de condamnation, la cour d'appel a derechef violé les articles L. 227-1 et L. 227-5 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 227-1 et L. 227-5 du code de commerce :
7. Il résulte de ces textes que les statuts de la société par actions simplifiée fixent les conditions dans lesquelles celle-ci est dirigée, notamment les modalités de révocation de ses dirigeants. Si une décision des associés peut compléter les statuts sur ce point, elle ne peut y déroger, quand bien même aurait-elle été prise à l'unanimité.
8. Pour dire que M. [L]-[V] a été révoqué sans juste motif de son mandat de directeur général de la société IDF Démolition, l'arrêt relève que si les statuts de cette société prévoient une révocation ad nutum du dirigeant social, les associés de la société ont, lors de l'assemblée générale ayant désigné M. [L]-[V] en qualité de directeur général, approuvé des conditions de révocation différentes. Il retient que cette décision, prise à l'unanimité lors d'une assemblée générale, démontre la volonté expresse des associés de déroger aux statuts par une décision collective prise aux conditions requises pour modifier les statuts et qu'elle s'impose à la société, quand bien même les statuts n'auraient pas fait l'objet d'une modification, sans que soit méconnu le principe de primauté des statuts sur un acte extra-statutaire. L'arrêt en déduit que les dispositions des statuts de la société IDF Démolition ne peuvent être invoquées pour écarter la demande de M. [L]-[V] fondée sur la décision collective des associés organisant différemment les conditions de sa révocation et qu'il convient de faire application des conditions de révocation prévues par l'annexe au procès-verbal de l'assemblée générale du 2 octobre 2019.
9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
10. La cassation du chef de dispositif disant que M. [L]-[V] a été révoqué sans juste motif de son mandat de directeur général de la société IDF Démolition n'emporte pas celle du chef de dispositif condamnant la société IDF Démolition à payer la somme de 30 000 euros de dommages et intérêts à M. [L]-[V] au titre de sa révocation réalisée de manière vexatoire et brutale.
11 Tel que suggéré par la demanderesse au pourvoi, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
12. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond.
13. La décision de l'assemblée générale des associés de la société IDF Démolition du 2 octobre 2019 sur laquelle il fonde ses demandes contredisant l'article 23.2 de ses statuts, il y a lieu de rejeter la demande de M. [L]-[V] tendant à voir dire qu'il a été révoqué sans juste motif de son mandat de directeur général de la société IDF Démolition, à voir condamner la société IDF Démolition à lui payer, à titre de dommages et intérêts, la somme de 100 000 euros au titre de la résiliation anticipée de son mandat et la somme de 9 400 euros au titre de la perte de son véhicule de fonction, et à voir dire que ces sommes produiront intérêt légal à compter de la date du prononcé du jugement.
Com. 9 juillet 2025 n° 23-23.858
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
HM
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 9 juillet 2025
Rejet
M. PONSOT, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 393 F-D
Pourvoi n° G 23-23.858
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 JUILLET 2025
M. [L] [J], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 23-23.858 contre l'arrêt rendu le 20 septembre 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 6), dans le litige l'opposant à la société Interfimo, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Graff-Daudret, conseillère, les observations de la SARL Cabinet Briard, Bonichot et Associés, avocat de M. [J], de la SCP Richard, avocat de la société Interfimo, et l'avis de M. Bonthoux, avocat général, après débats en l'audience publique du 27 mai 2025 où étaient présents M. Ponsot, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Graff-Daudret, conseillère rapporteure, Mme Ducloz, conseillère, et M. Doyen, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 septembre 2023) et les productions, par un acte du 4 décembre 2012, la société Le Crédit Lyonnais a consenti à la société Cabinet [M] [I], géomètre-expert, en vue de financer l'acquisition d'un fonds professionnel libéral, un prêt, garanti par le cautionnement de la société Interfimo.
2. Le 29 novembre 2012, M. [J] et M. [I] se sont eux-mêmes rendus cautions de la société emprunteuse, au profit de la société Interfimo, respectivement à hauteur de 1 000 000 euros et 2 000 000 euros.
3. Par jugement du 24 janvier 2017, la société Cabinet [M] [I] a été placée en procédure de sauvegarde.
4. Le 5 avril 2018, après avoir exécuté son engagement de caution, justifiant selon quittances subrogatives établies le 28 mars 2018 et 7 janvier 2019, s'être acquittée, respectivement, des sommes de 725 868,78 euros et 311.086,62 euros, soit un montant total de 1 036 955,40 euros, outre intérêts, la société Interfimo a assigné M. [J] et M. [I], respectivement, en paiement des sommes de 1 000 000 euros et 1 097 445,55 euros.
5. Un jugement du 25 septembre 2018 a arrêté un plan de sauvegarde au profit de la société débitrice principale.
6. La cour d'appel a considéré que l'engagement de caution de M. [J] était manifestement disproportionné à ses biens et revenus au moment de la conclusion du cautionnement, mais que ce dernier étant en capacité de faire face à son obligation lorsqu'il a été appelé, la société Interfimo pouvait se prévaloir de son engagement.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
7. M. [J] fait grief à l'arrêt de rejeter toutes ses demandes et de le condamner à payer à la société Interfimo la somme de 1 000 000 euros outre intérêts au taux légal à compter du 26 décembre 2018 et jusqu'à parfait paiement, avec capitalisation annuelle des intérêts, alors « que pour apprécier si le patrimoine de la caution lui permet de faire face à son obligation au moment où elle est appelée, le juge doit, en principe, se placer au jour où la caution est assignée ; que cependant si, à ce moment, le débiteur principal bénéficie de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde aboutissant à l'arrêt d'un plan de sauvegarde, l'appréciation doit être différée au jour où ce plan n'est plus respecté, l'obligation de la caution n'étant exigible qu'en cas de défaillance du débiteur principal ; que pour condamner M. [J] à payer une certaine somme à la société Interfimo, l'arrêt retient que la caution ne saurait être déchargée quand, au moment où elle est appelée, son patrimoine lui permet de faire face à ses obligations, que l'assignation ayant été délivrée le 4 mai 2018, c'est à ce jour qu'il convient de se placer pour se livrer à cette appréciation, que l'intéressé disposait à ce moment-là d'un patrimoine composé a minima de revenus annuels de 120.000 euros provenant de son activité professionnelle et d'actifs dont la valeur était de loin supérieure au montant de la somme de 1 000 000 euros qui lui était réclamée, de sorte que la société Interfimo, qui démontre à suffisance que M. [J] était en capacité de faire face à son obligation lorsqu'il a été appelé en paiement, peut se prévaloir de l'engagement de caution de M. [J], bien qu'il ait été, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus ; qu'en statuant ainsi tout en relevant que le cabinet [M] [I], débiteur principal dont la procédure de sauvegarde avait été ouverte le 24 janvier 2017, bénéficiait d'un plan de sauvegarde, arrêté le 25 septembre 2018, en cours d'exécution, la cour d'appel, qui ne pouvait apprécier si le patrimoine de M. [J] lui permettrait de faire face à son obligation tant que ledit plan était respecté, a violé les articles L. 622-28 et L. 626-11 du code de commerce et l'article L. 341-4, devenu L. 332-1, du code de la consommation dans leur rédaction applicable en la cause. »
Réponse de la Cour
8. Aux termes de l'article 2291, alinéa 2, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, on peut aussi se rendre caution, non seulement du débiteur principal, mais encore de celui qui l'a cautionné.
9. Aux termes de l'article L. 341-4 du code de la consommation, applicable en la cause, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
10. Aux termes de l'article L. 626-11 du code de commerce, dans sa rédaction applicable en la cause, le jugement qui arrête le plan en rend les dispositions opposables à tous. A l'exception des personnes morales, les coobligés et les personnes ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie peuvent s'en prévaloir.
11. La sous-caution, qui garantit la créance de la caution à l'égard du débiteur principal et non la créance du créancier initial à l'égard de ce débiteur, ne peut se prévaloir des exceptions inhérentes à la dette du débiteur principal à l'égard de ce créancier.
12. Elle ne peut donc opposer à la caution, qui s'est fait garantir le remboursement de sommes payées par elle au créancier, le plan de sauvegarde arrêté au profit du débiteur principal.
13. Pour apprécier, au sens de l'article L. 341-4 du code de la consommation, si le patrimoine de la caution lui permet de faire face à son obligation au moment où elle est appelée, le juge doit se placer au jour où la caution est assignée.
14. Il résulte de la combinaison des articles L. 341-4 du code de la consommation et L. 626-11 du code de commerce précités que si, au moment où la caution est appelée, le débiteur principal bénéficie d'un plan de sauvegarde en cours d'exécution, l'appréciation de la capacité de la caution à faire face à son obligation doit être différée au jour où le plan n'est plus respecté, l'obligation de la caution n'étant exigible qu'en cas de défaillance du débiteur principal.
15. Cependant, il ressort des constatations de l'arrêt que le plan de sauvegarde a été adopté postérieurement à l'assignation de la sous-caution, de sorte que c'est à juste titre que la cour d'appel s'est placée à cette date pour apprécier la capacité de la sous-caution à faire face à son obligation.
16. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé.
Com. 9 juillet 2025 n° 24-17.644
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
HM
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 9 juillet 2025
Sursis à statuer
M. PONSOT, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 399 F-D
Pourvoi n° Z 24-17.644
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 JUILLET 2025
La directrice générale des finances publiques, représentée par l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction nationale d'enquêtes fiscales, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Z 24-17.644 contre l'ordonnance rendue le 3 juillet 2024 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 15), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Hekdo, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la société de droit belge Hekdo,
2°/ à M. [D] [H], domicilié [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Alt, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la directrice générale des finances publiques, représentée par l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction nationale d'enquêtes fiscales, de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de la société Hekdo, venant aux droits de la société de droit belge Hekdo, de M. [H], et l'avis de M. Lecaroz, avocat général, après débats en l'audience publique du 27 mai 2025 où étaient présents M. Ponsot, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Alt, conseiller rapporteur, Mme Graff-Daudret, conseillère, et M. Doyen, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 3 juillet 2024), un juge des libertés et de la détention (JLD) a, sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, autorisé des agents de l'administration fiscale à effectuer des opérations de visite et saisie dans des locaux situés à Paris, susceptibles d'être occupés par diverses personnes physiques et morales en vue de rechercher la preuve de fraudes fiscales. Les opérations se sont déroulées le 30 novembre 2022.
2. L'administration fiscale a relevé appel de cette ordonnance.
Examen du moyen
Sur le deuxième moyen, pris en ses trois premières branches
Enoncé du moyen
3. La directrice générale des finances publiques fait grief à l'ordonnance d'avoir annulé en toutes ses dispositions l'ordonnance n°47/2022 du juge des libertés et de la détention de Paris du 29 novembre 2022, alors :
« 1°/ que pour l'habilitation des agents de la direction générale des finances publiques, mentionnée aux I et III de l'article L. 16 B, le directeur général des finances publiques peut déléguer sa signature à un ou plusieurs fonctionnaires de l'administration centrale de la direction générale des finances publiques ayant au moins le grade d'administrateur civil ou un grade équivalent ou au directeur de la direction nationale d'enquêtes fiscales ou son adjoint ; qu'en décidant que Mme [S] ne pouvait être habilitée, faute de disposer du titre d'adjoint, ni d'exercer de telles fonctions à titre principal, cependant que la loi exige simplement que le délégataire dispose d'un grade suffisant, le premier président a pris en compte des critères étrangers à la loi ; que ce faisant, le premier président a violé l'article R. 16 B-1 du livre des procédures fiscales ;
2°/ que le grade est distinct de l'emploi ; le grade est le titre qui confère à son titulaire vocation à occuper l'un des emplois qui lui correspondent ; qu'en décidant que Mme [S] ne pouvait être habilitée, faute de disposer du titre d'adjoint, ni d'exercer de telles fonctions à titre principal, le premier président a raisonné au regard de critères, le titre et les fonctions, étrangers au statut de la fonction publique ; que ce faisant, le premier président a violé l'article L. 411-5 du code de la fonction publique ;
3°/ que pour l'habilitation des agents de la direction générale des finances publiques, mentionnée aux I et III de l'article L. 16 B, le directeur général des finances publiques peut déléguer sa signature à un ou plusieurs fonctionnaires de l'administration centrale de la direction générale des finances publiques ayant au moins le grade d'administrateur civil ou un grade équivalent ou au directeur de la direction nationale d'enquêtes fiscales ou son adjoint ; qu'en décidant que Mme [S] ne pouvait être habilitée, faute d'exercer à titre principal les fonctions d'adjoints, cependant qu'il suffisait qu'elle les exerce, le premier président a violé l'article R. 16 B-1 du livre des procédures fiscales. »
Réponse de la Cour
4. Aux termes de l'article R. 16 B-1 du livre des procédures fiscales, pour l'habilitation des agents de la direction générale des finances publiques, mentionnée aux I et III de l'article L. 16 B, le directeur général des finances publiques peut déléguer sa signature à un ou plusieurs fonctionnaires de l'administration centrale de la direction générale des finances publiques ayant au moins le grade d'administrateur civil ou un grade équivalent ou au directeur de la direction nationale d'enquêtes fiscales ou son adjoint.
5. L'ordonnance énonce que Mme [S] ne pouvait être délégataire de la signature du directeur général des finances publiques pour habiliter des agents, faute de disposer du titre d'adjoint, ni d'exercer de telles fonctions à titre principal.
6. Elle retient que l'article R. 16 B-1 précité ne prévoit pas que le directeur général des finances publiques puisse déléguer sa signature, outre au directeur de la direction nationale d'enquêtes fiscales, à un fonctionnaire de la direction nationale d'enquêtes fiscales autre que l'adjoint du directeur. Une telle disposition, eu égard aux finalités de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales qu'elle met en oeuvre revêt le caractère d'une formalité substantielle. L'irrégularité ainsi commise dans l'habilitation des agents chargés de diligenter les opérations de visite et saisie dans les locaux de la société appelante désignés par l'ordonnance d'autorisation fait donc nécessairement grief à cette société, dès lors que les agents ayant procédé auxdites visites domiciliaires ont été habilités par une autorité qui n'avait pas compétence pour ce faire.
7. L'ordonnance retient également que les articles précités instaurent une procédure judiciaire non contradictoire en première instance visant à autoriser des visites domiciliaires et prévoient des garanties procédurales essentielles pour le justiciable, dont le strict respect par l'administration contribue à garantir l'équilibre voulu par le législateur entre les nécessités de la lutte contre la fraude fiscale et les droits et libertés affectés par les visites domiciliaires, dont, au rang de ces garanties, compte tenu de ce caractère exorbitant et des prérogatives qui leur sont confiées, la procédure d'habilitation des agents chargés des visites domiciliaires par le directeur général des finances publiques.
8. Par un jugement (n° 24/1680) du 10 octobre 2024, rendu sur renvoi judiciaire d'un autre premier président, le tribunal administratif de Paris a décidé que les arrêtés du 21 octobre 2009, du 15 juillet 2013 et du 7 juillet 2014 par lesquels le directeur général des finances publiques a donné délégation à M. [B] et à Mme [S] à l'effet de signer, au nom du directeur général des finances publiques, les décisions habilitant des agents placés sous leur autorité à mettre en oeuvre les procédures prévues à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales sont entachés d'illégalité.
9. L'administration fiscale a formé un pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat à l'encontre de ce jugement.
10. L'arrêt du Conseil d'Etat à venir, portant notamment sur la légalité de l'arrêté du 21 octobre 2009 pris par le directeur général des finances publiques, portant délégation de sa signature « au profit de Mme [S], directrice départementale, et de M. [B], directeur départemental » et de l'arrêté du 7 juillet 2014 pris par le directeur général des finances publiques, portant délégation de sa signature « au profit de Mme [S], administrateur des finances publiques, affecté à la direction nationale des enquêtes fiscales », étant susceptible d'influer sur l'issue du présent litige, il y a lieu de surseoir à statuer sur le pourvoi jusqu'à ce que le Conseil d'Etat se soit prononcé.
Com. 9 juillet 2025 n° 24-16.379 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
MB
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 9 juillet 2025
Cassation sans renvoi
M. SOULARD, premier président
Arrêt n° 391 FS-B
Pourvoi n° Z 24-16.379
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 JUILLET 2025
1°/ Le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, domicilié [Adresse 4], agissant sous l'autorité de la directrice générale des finances publiques,
2°/ la directrice générale des finances publiques, domiciliée [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° Z 24-16.379 contre l'arrêt rendu le 2 avril 2024 par la cour d'appel de Versailles (chambre civile 1-1), dans le litige les opposant à Mme [Z] [V], domiciliée [Adresse 3], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Alt, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, agissant sous l'autorité de la directrice générale des finances publiques et de la directrice générale des finances publiques, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme [V], et l'avis de M. Lecaroz, avocat général, à la suite duquel le premier président a demandé aux avocats s'ils souhaitaient présenter des observations complémentaires, après débats en l'audience publique du 27 mai 2025 où étaient présents M. Soulard, premier président, M. Vigneau, président, M. Alt, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, Mmes Graff-Daudret, Ducloz, de Lacaussade, MM. Thomas, Gauthier, conseillers, Mmes Vigneras, Lefeuvre, M. Maigret, conseillers référendaires, M. Lecaroz, avocat général, et M. Doyen, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application des articles R. 431-1 et R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des premier président, président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 2 avril 2024) et les productions, [P] [V] a, de son vivant, procédé à diverses donations au profit de deux personnes en 1999, 2002 et 2005, pour lesquelles il s'est acquitté des droits de mutation à titre gratuit correspondants.
2. [P] [V] est décédé le [Date décès 2] 2016, en laissant pour lui succéder son épouse et sa fille unique, Mme [Z] [V]. Les 9 janvier et 14 mars 2017, à la suite d'une action exercée par Mme [V] en réduction des donations consenties par son père, celle-ci a signé avec chacune des deux donataires des protocoles d'accord prévoyant le versement d'une indemnité de réduction par chacune d'elles.
3. Le 28 juin 2019, Mme [V] a déposé deux réclamations contentieuses sollicitant la restitution de la totalité des droits de mutation à titre gratuit perçus au titre des deux dons manuels.
4. Les 20 et 29 août 2019, l'administration fiscale a accueilli intégralement ses demandes.
5. Par lettre du 6 juillet 2020, Mme [V] a présenté une demande en vue d'obtenir le versement d'une certaine somme au titre des intérêts moratoires afférents aux restitutions des droits de mutation à titre gratuit prononcées par l'administration fiscale, puis a assigné l'administration en paiement de cette somme.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. Le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris fait grief à l'arrêt d'accueillir les demandes de Mme [V], alors « que, lorsqu'un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts ; que les intérêts courent du jour du paiement et ne sont pas capitalisés ; que, par conséquent, pour bénéficier du versement des intérêts moratoires, le dégrèvement doit intervenir à la suite d'une réclamation contentieuse qui tend à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions ; qu'en jugeant que Mme [V] devait bénéficier du versement des intérêts moratoires, quand, au cas présent, aucune erreur n'a été commise dans la liquidation initiale des droits restitués et qu'ainsi les conditions de versement des intérêts moratoires n'étaient pas remplies; la cour d'appel a violé l'article L. 208 du livre des procédures fiscales (LPF). »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 190, alinéa 1 et L. 208, alinéa 1, ce dernier dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2023-322 du 29 décembre 2023, du livre des procédures fiscales :
7. Aux termes du premier de ces textes, les réclamations relatives aux impôts, contributions, droits, taxes, redevances, soultes et pénalités de toute nature, établis ou recouvrés par les agents de l'administration, relèvent de la juridiction contentieuse lorsqu'elles tendent à obtenir soit la réparation d'erreurs commises dans l'assiette ou le calcul des impositions, soit le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire.
8. Selon le second, quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts.
9. Il résulte de la combinaison des articles L. 190 et L. 208 susvisés que les dégrèvements prononcés par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à obtenir le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire n'ouvrent pas droit au versement par l'Etat au contribuable d'intérêts moratoires. Il n'en va autrement que si le dégrèvement intervient postérieurement au rejet, explicite ou né du silence gardé par l'administration au-delà du délai prévu à l'article R. 198-10 du livre des procédures fiscales, de la réclamation formée à cette fin.
10. Pour condamner l'administration fiscale à payer des intérêts moratoires à Mme [V], l'arrêt, après avoir relevé qu'elle avait, le 28 juin 2019, saisi cette administration d'une réclamation contentieuse aux motifs d'une réduction, pour atteinte aux règles relatives à la réserve héréditaire, des dons manuels consentis par [P] [V], et que l'administration fiscale avait, les 20 et 29 août 2019, prononcé des dégrèvements de droits de mutation à titre gratuit, retient que l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ne cantonne pas son application aux circonstances que l'erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions l'ait été dès l'origine par l'administration fiscale, de sorte qu'introduire cette condition pour sa mise en oeuvre en limiterait la portée. Il ajoute que ce texte s'applique dès la constatation d'une erreur dans l'assiette ou le calcul de l'imposition, peu important que l'administration fiscale ne soit pas à l'origine de celle-ci, et donc peu important que l'erreur soit initiale ou résulte de circonstances intervenues postérieurement au calcul initial de l'administration fiscale.
11. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la réclamation contentieuse, que l'administration avait accueillie dans le délai de l'article R. 198-10 du livre des procédures fiscales, visait à obtenir le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire, de sorte que la restitution effectuée par l'administration n'ouvrait pas droit au versement d'intérêts moratoires, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
12. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
13. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
14. Il résulte de ce qui est indiqué au paragraphe 8 que les sommes restituées à Mme [V] ne peuvent donner lieu au paiement d'intérêts moratoires.
15. Le jugement rejetant les demandes de Mme [V] doit, en conséquence, être confirmé.
Crim. 9 juillet 2025 n° 25-83.125
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° V 25-83.125 F-D
N° 01095
SB4 9 JUILLET 2025
REJET
Mme LABROUSSE conseiller le plus ancien faisant fonction de président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 9 JUILLET 2025
M. [N] [X] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 8 avril 2025, qui, dans l'information suivie contre lui notamment des chefs d'infractions aux législations sur les stupéfiants et sur les armes, association de malfaiteurs et blanchiment, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention le plaçant en détention provisoire.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Seys, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, avocat de M. [N] [X], et les conclusions de M. Fusina, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 juillet 2025 où étaient présents Mme Labrousse, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Seys, conseiller rapporteur, Mme Leprieur, conseiller de la chambre, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. [N] [X], assisté de l'avocat désigné par lui, a été mis en examen notamment des chefs susvisés le 20 mars 2025 et a comparu devant le juge des libertés et de la détention devant qui il a sollicité un délai pour préparer sa défense.
3. Il a été placé sous mandat de dépôt à durée déterminée, le débat contradictoire étant différé au 24 mars 2025 à 14 heures 30.
4. Le 21 mars 2025, l'avocat de l'intéressé a sollicité par courrier électronique la délivrance d'un permis de communiquer, qui lui a été adressé par voie dématérialisée le jour même.
5. Le 24 mars suivant, en début de matinée, l'avocat de M. [X] a adressé un courriel au greffe du juge d'instruction pour connaître le lieu de détention de l'intéressé, auquel il a été répondu.
6. Par un nouveau courriel reçu peu avant l'ouverture du débat contradictoire, cet avocat a informé le juge des libertés et de la détention qu'il ne se présenterait pas et qu'il appartenait à ce magistrat d'en tirer les conséquences.
7. Informé de l'absence de son défenseur, M. [X] a demandé le report du débat contradictoire.
8. Par ordonnance du 24 mars 2025, le juge des libertés et de la détention, rejetant cette demande, a ordonné le placement en détention provisoire de l'intéressé.
9. Ce dernier a relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
10. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité tirée de l'absence de mention du lieu de détention sur le permis de communiquer et, en conséquence, a ordonné la détention provisoire de M. [X] et l'a placé sous mandat de dépôt, alors :
« 1°/ que la délivrance d'un permis de communiquer sans mention du lieu de détention du client de l'avocat, qui empêche l'exercice effectif des droits de la défense, équivaut à un défaut de délivrance d'un tel permis ; en écartant toute méconnaissance des droits de la défense cependant que le permis de communiquer délivré à l'avocat de M. [X] ne mentionnait pas son lieu de détention, la chambre de l'instruction a violé les articles préliminaire et D 32-1-2 du code de procédure pénale et 6, § 3, de la Convention européenne des droits de l'Homme ; 2°/ que l'avocat doit disposer du temps nécessaire pour s'entretenir avec son client et préparer sa défense avant sa comparution devant le juge des libertés et de la détention ; en retenant, pour écarter toute méconnaissance des droits de la défense tiré de ce que l'avocat avait ignoré le lieu de détention de son client jusqu'au jour même de sa comparution devant le juge des libertés et de la détention, que l'avocat n'avait « pris attache avec le cabinet du juge d'instruction que le 24 mars 2025 à 09h 13 alors qu'elle détenait le permis de communiquer litigieux depuis le 21 mars à 18h11 », quand les 22 et 23 mars 2025 étaient un samedi et un dimanche si bien que l'avocat n'avait pas d'autre choix que d'attendre le lundi matin pour contacter utilement le greffe du juge d'instruction et connaître le lieu de détention de M. [X], la chambre de l'instruction a violé les articles préliminaire du code de procédure pénale et 6, § 3, de la Convention européenne des droits de l'Homme ;
3°/ que l'avocat doit disposer du temps nécessaire pour s'entretenir avec son client et préparer sa défense avant sa comparution devant le juge des libertés et de la détention ; la procédure pénale doit être équitable et contradictoire et préserver l'équilibre des droits des parties ; en retenant, pour écarter toute méconnaissance des droits de la défense, que, le 20 mars 2025, M. [X] « s'est vu remettre et a signé un avis d'audience à détenu pour le débat contradictoire du 24 mars 2025 portant la mention « détenu au centre pénitentiaire d'[Localité 1] » » et que l'avocat « était présent lors (de ce) débat » si bien qu'il « avait connaissance dès le 20 mars du lieu de détention de son client », cependant que l'avocat n'est pas tenu de consulter l'avis d'audience remis à son client pour le cas où le juge d'instruction omettrait de lui transmettre cette information, la chambre de l'instruction a violé les articles préliminaire du code de procédure pénale et 6, § 3, de la Convention européenne des droits de l'Homme ;
4°/ que l'avocat doit disposer du temps nécessaire pour s'entretenir avec son client et préparer sa défense avant sa comparution devant le juge des libertés et de la détention ; en retenant, pour écarter toute méconnaissance des droits de la défense, que l'avocat de M. [X] avait procédé à des diligences « particulièrement tardives » en attendant le lundi 24 mars à 10h29, « soit 50 minutes après » que le cabinet du juge d'instruction l'ait averti, à 9h39, du lieu probable d'incarcération de son client pour solliciter la confirmation du lieu de détention, cependant qu'il était établi que l'accès au parloir de la maison d'arrêt fermait à 11h si bien que, même si l'avocat avait contacté 50 minutes plus tôt la maison d'arrêt, il ne lui aurait pas été matériellement possible de se déplacer à la maison d'arrêt, situé hors du ressort du tribunal saisi, pour y rencontrer son client, la cour d'appel a violé les articles préliminaire du code de procédure pénale et 6, § 3, de la Convention européenne des droits de l'Homme ;
5°/ que l'avocat doit disposer du temps nécessaire pour s'entretenir avec son client et préparer sa défense avant sa comparution devant le juge des libertés et de la détention ; en jugeant suffisante la circonstance que l'avocate de M. [X] aurait pu se rendre à l'audience, malgré sa demande de renvoi, pour « s'entretenir en amont du débat » avec son client, cependant qu'une telle rencontre fugace en amont d'une audience ne peut pas suppléer l'impossibilité pour l'avocat de s'entretenir avec son client, la chambre de la cour d'appel a violé les articles préliminaire du code de procédure pénale et 6, § 3, de la Convention européenne des droits de l'Homme. »
Réponse de la Cour
11. Pour rejeter la demande de nullité du débat contradictoire et du titre de détention, prise de l'absence de mention du lieu de détention dans le permis de communiquer délivré à l'avocat de la personne détenue, et confirmer l'ordonnance de placement en détention provisoire, l'arrêt attaqué énonce que le permis de communiquer, qui a été délivré le jour où il a été demandé, ne mentionne pas le lieu de détention.
12. Les juges relèvent que, néanmoins, le mandat de dépôt à durée déterminée désigne clairement ce lieu, à savoir la maison d'arrêt d'[Localité 1], et qu'alors qu'il se trouvait encore devant le juge des libertés et de la détention, l'intéressé s'est vu remettre un avis d'audience pour le 24 mars à 14 heures 30, dont il a accusé réception par émargement, ledit avis mentionnant précisément qu'il était détenu dans l'établissement susvisé.
13. Ils retiennent que l'avocat de M. [X] était présent lors de ce débat contradictoire comme au moment de la décision d'incarcération provisoire, une convocation lui ayant été, à l'issue, remise en mains propres en vue du débat différé.
14. Ils en déduisent que le défenseur avait connaissance dès le 20 mars 2025 du lieu de détention de l'intéressé.
15. Ils ajoutent que l'avocat, après avoir été informé le 24 mars dans la matinée des horaires des parloirs avocats dans l'établissement considéré, n'a informé le juge des libertés et de la détention de son absence au débat contradictoire qu' à 13 heures 58, soit une demi-heure avant l'ouverture du débat.
16. Ils observent que le défenseur a fait le choix de ne pas se présenter devant le juge et de ne pas assister l'intéressé avec lequel il aurait pu s'entretenir avant ledit débat.
17. En l'état de ces seuls motifs, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen, dès lors qu'elle a constaté que l'avocat de M. [X], présent au débat à l'issue duquel l'intéressé a été placé sous mandat de dépôt à durée déterminée dans l'établissement pénitentiaire désigné par le magistrat saisi, avait eu connaissance de son lieu d'incarcération provisoire, puis s'était vu délivrer un permis de communiquer dans les formes et délais prévus par le code de procédure pénale.
18. Ainsi, le moyen doit être rejeté.
19. Par ailleurs, l'arrêt est régulier, tant en la forme qu'au regard des dispositions des articles 137-3, 143-1 et suivants du code de procédure pénale.
Copyright © 2019, IA Droit