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Com. 28 mai 2025 n° 23-18.638

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
HM


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 28 mai 2025



Rejet

M. VIGNEAU, président


Arrêt n° 293 F-D
Pourvoi n° J 23-18.638



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 28 MAI 2025
La société Assurance mutuelle des motards, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° J 23-18.638 contre l'arrêt n° RG 21/03910 rendu le 16 mai 2023 par la cour d'appel de Montpellier (chambre commerciale), dans le litige l'opposant :
1°/ au directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côtes d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône, domicilié [Adresse 3], agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques,
2°/ au directeur général des finances publiques, domicilié [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Vigneras, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Briard, Bonichot et Associés, avocat de la société Assurance mutuelle des motards, de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur général des finances publiques et du directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côtes d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, après débats en l'audience publique du 1er avril 2025 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Vigneras, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, et M. Doyen, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 16 mai 2023), la société Assurance mutuelle des motards (la société AMDM) a fait, au cours de l'année 2012, l'objet d'une vérification de compatibilité à l'issue de laquelle l'administration fiscale a retenu que la garantie « équipement du conducteur » prévue par le contrat d'assurance multirisques moto/scooter/auto commercialisé par la société devait être soumise à la taxe sur les conventions d'assurance (TSCA) au taux de 18 % prévu au 5° bis de l'article 1001 du code général des impôts.
2. Le 22 décembre 2017, la société AMDM a formé une réclamation contentieuse, sollicitant la restitution partielle de la TSCA payée au titre de la garantie « équipement conducteur » pour l'année 2015, au motif que cette garantie relevait de la TSCA au taux de 9 %.
3. L'administration fiscale ayant rejeté cette demande, la société AMDM l'a assignée en décharge partielle de la TSCA payée au titre de la garantie « équipement du conducteur ».
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. La société AMDM fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de décharge partielle de la TSCA payée au titre de la garantie « équipement du conducteur » pour l'année 2015, alors :
« 1° / qu'en application de l'article 1001 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable, le tarif de la taxe spéciale sur les contrats d'assurance est fixé à 18 % pour les assurances contre les risques de toute nature relatifs aux véhicules terrestre à moteur (5° bis) et à 9 % pour toutes autres assurances (6°), en se fondant, pour juger que la garantie "équipement du conducteur" constituait une assurance contre les risques de toute nature relatifs aux véhicules terrestre à moteur, au sens du 5° bis du texte précité, sur le seul critère de l'accident de la circulation, insuffisant à démonter le caractère indissociable des risques couverts par cette garantie de ceux couverts par les garanties principales, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article précité ;
2°/ que la garantie "équipement du conducteur" ne couvre que les effets de protection du conducteur et non les éléments du véhicule lui-même, de sorte qu'elle ne peut pas constituer une assurance contre les risques de toute nature relatifs aux véhicules terrestres à moteur, en décidant néanmoins que la garantie litigieuse entrait dans le champ d'application de l'article 1001-5° bis du code général des impôts, qui est d'interprétation stricte, s'agissant d'un texte dérogatoire qui fixe un taux de 18 %, alors que le taux de droit commun est de 9 %, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article précité ;
3°/ qu'en retenant, par motifs propres et adoptés, de l'analyse de l'article 3.4 des conditions générales du contrat d'assurance multirisque moto/scooter/auto, proposé par la mutuelle, que la dissociation entre la mise en jeu des garanties principes du contrat et la garantie "équipement du conducteur" ne serait pas possible, quand la garantie en question ne peut jouer qu'à l'occasion d'un accident de la circulation, qui est défini au lexique des conditions générales de la mutuelle comme un "événement non intentionnel, soudain, imprévu et extérieur à la victime ou au bien endommagé et constituant la cause des dommages corporels ou matériels", de sorte que les conditions générales permettent tout à fait la mise en jeu de la garantie "équipement du conducteur" sans la garantie responsabilité civile ou dommages matériels, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du contrat d'assurance et ainsi violé l'article 1103 du code civil. »
Réponse de la Cour
5. Aux termes de l'article 1001, 5° bis, du code général des impôts, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2014-1554 du 22 décembre 2014, le tarif de la TSCA est fixé à 18 % pour les assurances contre les risques de toute nature relatifs aux véhicules terrestres à moteur.
6. Ces dispositions s'appliquent lorsque la garantie, qui n'est pas nécessairement incluse dans un contrat d'assurance relevant de l'article L. 211-1 du code des assurances, joue à l'occasion d'un sinistre mettant en cause un véhicule terrestre à moteur. Il importe peu que la garantie ne couvre pas les éléments du véhicule lui-même.
7. Ayant constaté que la garantie « équipement du conducteur » proposée par la société AMDM, qu'elle soit mise en oeuvre concomitamment à la garantie responsabilité civile ou à la garantie dommages matériels ou de façon distincte de ces deux garanties, lorsque les dommages sont exclusivement subis par des tiers ou que le propriétaire du véhicule assuré n'est pas le conducteur, ne peut jouer qu'à l'occasion d'un accident de la circulation dans lequel le conducteur subit des dommages affectant son équipement, la cour d'appel en a exactement déduit, sans dénaturer le contrat d'assurance, que cette garantie était soumise au taux de 18 % prévu au 5° bis de l'article 1001 du code général des impôts.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.




Civ.3 28 mai 2025 n° 23-20.769 B

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 28 mai 2025



Cassation sans renvoi

M. BOYER, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 262 FS-B
Pourvoi n° A 23-20.769



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 MAI 2025
La société Lucas, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 4], [Localité 10], en la personne de sa gérante Mme [N] [U], domiciliée [Adresse 6], [Localité 9], a formé le pourvoi n° A 23-20.769 contre l'arrêt rendu le 15 juin 2023 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-2), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [P] [B], domicilié [Adresse 5], [Localité 8], pris en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Poly implant prothèse,
2°/ à la société Milo Finance, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], [Localité 11], représentée par Mme [X] [Y], mandataire, domiciliée [Adresse 7], [Localité 11],
3°/ à la société Ajilink, [Z] et Bonetto, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 1], représentée par M. [Z], prise en sa qualité mandataire ad hoc de la société civile immobilière Lucas,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Cassou de Saint-Mathurin, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société civile immobilière Lucas, de la SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, avocat de M. [B], ès qualités, et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 1er avril 2025 où étaient présents M. Boyer, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Cassou de Saint-Mathurin, conseiller référendaire rapporteur, Mme Abgrall, conseiller faisant fonction de doyen, MM. Pety, Brillet, Mmes Foucher-Gros, Guillaudier, conseillers, M. Zedda, Mmes Vernimmen, Rat, Bironneau, conseillers référendaires, M. Burgaud, avocat général référendaire, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 15 juin 2023), rendu en référé, la société civile immobilière Lucas (la SCI) a été constituée par la société Milo Finance, la société Poly implant prothèse et Mme [U] (la gérante), qui en est également la gérante.
2. Par lettre recommandée du 8 décembre 2021, M. [B], agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Poly implant prothèse, a demandé à la gérante de convoquer les associés de la SCI en assemblée générale sur un ordre du jour déterminé.
3. Face au refus de la gérante, il a assigné en référé la SCI et la société Milo Finance, prise en la personne de Mme [Y], son liquidateur judiciaire, aux fins de désignation d'un mandataire ad hoc chargé de convoquer l'assemblée générale requise.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. La SCI fait grief à l'arrêt de rejeter ses exceptions, notamment d'incompétence, de désigner un mandataire ad hoc, avec mission de convoquer les associés en assemblée générale pour qu'il soit délibéré sur les comptes de la SCI, de mettre la rémunération du mandataire à sa charge et de la condamner à verser au mandataire une certaine somme à titre de provision à valoir sur ses honoraires, alors « qu'en application de l'article 39 du décret n° 78-704 du 3 juillet 1978, l'associé d'une société civile qui conteste le rejet par le gérant de sa demande de convocation d'une assemblée générale peut solliciter la désignation d'un mandataire ad hoc du président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond, ou antérieurement au 1er janvier 2020, du président du tribunal de grande instance statuant au fond mais en la forme des référés ; qu'en l'espèce, il était stipulé dans les statuts de la SCI Lucas, conformément aux textes réglementaires, qu'une telle demande d'un associé visant à voir désigner un mandataire ad hoc devait être formée devant le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés ; qu'en jugeant néanmoins que la société Poly implant prothèse, représentée par son liquidateur, avait pu former cette demande devant le juge des référés plutôt que devant le juge statuant selon la procédure accélérée au fond, qui avait remplacé le juge du fond statuant en la forme des référés, au motif erroné qu'aucune disposition légale ou réglementaire ne prévoit que la question de la désignation d'un mandataire ad hoc relève de la procédure accélérée au fond, la cour d'appel a violé l'article 39 du décret n° 78-704 du 3 juillet 1978, ensemble l'article 481-1 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
5. M. [B], ès qualités, conteste la recevabilité du moyen, soutenant que la SCI soulève pour la première fois devant la Cour de cassation l'exception d'incompétence du juge des référés au profit du président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond tirée de l'application de l'article 39 du décret n° 78-704 du 3 juillet 1978.
6. Cependant, dans ses écritures d'appel, la SCI soulevait l'incompétence du juge des référés au profit du juge de la procédure accélérée au fond, invoquant une clause statutaire reprenant les dispositions de l'article 39 du décret précité.
7. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l'article 39 du décret n° 78-704 du 3 juillet 1978, dans sa rédaction issue du décret n° 2019-1419 du 20 décembre 2019 :
8. Selon ce texte, lorsque le gérant d'une société civile s'oppose à la demande d'un associé non gérant de provoquer une délibération des associés sur une question déterminée ou garde le silence sur cette demande, l'associé demandeur peut, à l'expiration du délai d'un mois à dater de sa demande, solliciter du président du tribunal judiciaire, statuant selon la procédure accélérée au fond, la désignation d'un mandataire chargé de provoquer la délibération des associés.
9. Pour statuer en référé sur la demande présentée par M. [B], ès qualités, tendant à la désignation d'un mandataire chargé de provoquer la délibération des associés de la SCI sur des questions déterminées, l'arrêt retient que la procédure en la forme des référés, prévue par les statuts de la SCI, a été supprimée et remplacée par la procédure accélérée au fond, de sorte qu'en l'absence de disposition légale ou réglementaire permettant d'emprunter cette nouvelle voie procédurale pour la demande en cause, M. [B], ès qualités, pouvait opter pour une procédure de référé compte tenu de l'urgence de la situation.
10. En statuant ainsi, alors que la désignation d'un mandataire chargé de provoquer la délibération des associés relève du seul pouvoir du président du tribunal judiciaire, statuant selon la procédure accélérée au fond, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
11. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
12. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
13. Il résulte de ce qui est dit aux paragraphes 8 à 10 que l'action de M. [B], ès qualités, qui a été présentée devant le juge des référés et non devant le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond, est irrecevable.




Civ.2 28 mai 2025 n° 23-21.674

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CH10


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 28 mai 2025



Cassation partielle

Mme MARTINEL, président


Arrêt n° 520 F-D
Pourvoi n° J 23-21.674




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 MAI 2025
La société SMACL assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 23-21.674 contre l'arrêt rendu le 27 juin 2023 par la cour d'appel de Grenoble (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société SCI [Adresse 3], société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 4],
2°/ à la société Mafe industrie, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Brouzes, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de la société SMACL assurances, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société SCI [Adresse 3], et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 avril 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, Mme Brouzes, conseiller référendaire rapporteur, Mme Isola, conseiller, et Mme Cathala, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la société SMACL assurances du désistement de son pourvoi en tant qu'il est dirigé contre la société Mafe industrie.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 27 juin 2023), un incendie a détruit partiellement des locaux appartenant à la société SCI [Adresse 3] (l'assurée), assurée auprès de la société SMACL assurances (l'assureur), et voisins de locaux occupés par la société Mafe industrie.
3. L'assureur s'étant prévalu d'une déclaration inexacte de l'assurée portant sur la surface assurée pour réduire son droit à indemnisation, celle-ci, ainsi que la société Mafe industrie, l'ont assigné devant un tribunal à fin de garantie.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. L'assureur fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes tendant à voir prononcer la nullité du contrat d'assurances, subsidiairement la déchéance de garantie, de dire que la garantie contractuelle est due et de le condamner à verser à l'assurée les sommes de 341 381,58 euros HT pour la reconstruction du bâtiment et 32 562 euros au titre de la perte des loyers, alors « que les parties peuvent soumettre à la cour d'appel de nouvelles demandes pour faire écarter les prétentions adverses ; qu'en déclarant irrecevables en raison de leur nouveauté en cause d'appel, les demandes formulées par l'assureur tendant à voir prononcer la nullité du contrat d'assurance et, subsidiairement la déchéance de garantie, cependant que celles-ci tendaient à faire écarter la prétention adverse de l'assurée visant à être indemnisée au titre de la garantie incendie, la cour d'appel a violé l'article 564 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 564 du code de procédure civile :
5. Aux termes de ce texte, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
6. Pour déclarer irrecevable l'assureur en ses demandes tendant à voir prononcer la nullité du contrat d'assurance et la déchéance de garantie, l'arrêt retient qu'en première instance, l'assureur a contesté la notion de surface développée et a sollicité l'application de la règle proportionnelle. Il ajoute que le fait d'exciper de la nullité ou de la déchéance de la garantie constitue une demande nouvelle et non un simple moyen avec un fondement juridique différent, dès lors qu'elle ne tend pas aux mêmes fins, puisqu'il s'agit alors de dénier sa garantie, alors que le principe de cette garantie n'était pas contesté en première instance.
7. En statuant ainsi, alors que les demandes nouvelles de l'assureur tendaient à faire écarter la prétention adverse en paiement des indemnités garanties par le contrat d'assurance, la cour d'appel a violé le texte susvisé.




Com. 28 mai 2025 n° 24-11.478

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
HM


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 28 mai 2025



Rejet

M. VIGNEAU, président


Arrêt n° 295 F-D
Pourvoi n° X 24-11.478



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 28 MAI 2025
Mme [W] [H], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° X 24-11.478 contre l'arrêt rendu le 12 janvier 2024 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 9), dans le litige l'opposant à la société Fidevhotel, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lefeuvre, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boullez, avocat de Mme [H], après débats en l'audience publique du 1er avril 2025 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Lefeuvre, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, et M. Doyen, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 janvier 2024) et les productions, le 18 juin 2017, Mme [H], avocate, a conclu une convention d'honoraires avec la société Fidevhotel, représentée par son représentant légal.
2. Face au refus de la société Fidevhotel de lui régler l'intégralité d'une facture émise le 21 juillet 2017, Mme [H] a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats de son barreau aux fins de voir fixer le montant de ses honoraires et d'obtenir le règlement du solde de cette facture.
3. La société Fidevhotel a formé un recours contre la décision du bâtonnier ayant accueilli la demande de Mme [H].
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Mme [H] fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité de la convention du 18 juin 2017, de rejeter sa demande en paiement formée à l'encontre de la société Fidevhotel et de la condamner à restituer une certaine somme à celle-ci, alors « qu'il résulte des articles L. 210-6 et R. 210-6 du code de commerce que les sociétés commerciales jouissent de la personnalité morale à dater de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés (RCS) ; que les personnes qui ont agi au nom ou pour le compte d'une société en formation, avant qu'elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale, sont solidairement et indéfiniment responsables des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits, lesquels sont alors réputés avoir été souscrits dès l'origine par la société ; qu'en présence d'un acte dans lequel il n'est pas expressément mentionné qu'il a été souscrit au nom ou pour le compte de la société en formation, il appartient au juge d'apprécier souverainement, par un examen de l'ensemble des circonstances, tant intrinsèques à cet acte qu'extrinsèques, si la commune intention des parties n'était pas qu'il soit conclu au nom ou pour le compte de la société et repris par elle, une fois immatriculée ; qu'en prononçant la nullité de la convention d'honoraires conclue par la société Fidevhotel, la veille de son immatriculation du seul fait qu'il n'était pas mentionné qu'elle avait été signée en son nom et pour son compte en tant que société en formation mais directement par elle-même, la cour d'appel qui n'a pas mis la Cour de cassation d'exercer le pouvoir souverain qu'elle tient de la loi, a violé les dispositions précitées. »
Réponse de la Cour
5. L'arrêt retient qu'il résulte des termes de la convention d'honoraires du 18 juin 2017 que celle-ci a été conclue par la société Fidevhotel elle-même, représentée par son gérant, cependant qu'elle n'était pas encore immatriculée au registre du commerce et des sociétés, cet événement étant intervenu le 19 juin 2017. Il en déduit que c'est à juste titre que la société Fidevhotel fait valoir que la convention n'a pas été signée en son nom et pour son compte en tant que société en formation mais directement par elle-même.
6. De ces constatations et appréciations, la cour d'appel, devant laquelle il n'était pas soutenu que la commune intention des parties était que l'acte fût conclu au nom ou pour le compte de la société en formation, a exactement déduit que la convention du 18 juin 2017 était nulle.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.




Civ.2 28 mai 2025 n° 23-11.307

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
AF1


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 28 mai 2025



Cassation partielle

Mme MARTINEL, président


Arrêt n° 511 F-D
Pourvoi n° R 23-11.307



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 MAI 2025
La société GMF assurances, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 23-11.307 contre l'arrêt rendu le 25 novembre 2022 par la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion (chambre civile), dans le litige l'opposant à M. [S] [D], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
M. [S] [D] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.
Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Cassignard, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société GMF assurances, de la SCP Alain Bénabent, avocat de M. [D], et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 avril 2025 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Cassignard, conseiller rapporteur, Mme Isola, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de la Réunion, 25 novembre 2022), M. [D], motocycliste, a été victime, le 11 septembre 2016, d'un accident de la circulation impliquant un véhicule assuré auprès de la société GMF assurances (l'assureur).
2. M. [D] a assigné l'assureur devant un tribunal de grande instance, en présence de la Caisse générale de sécurité sociale de la Réunion, en indemnisation de ses préjudices.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi incident, formé par M. [D]
Enoncé du moyen
3. M. [D] fait grief à l'arrêt de rejeter toutes demandes plus amples ou contraires, en cela incluse sa demande de capitalisation des intérêts produits par les sommes allouées par le juge, alors :
« 1°/ que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise ; que le juge doit ordonner la capitalisation des intérêts lorsque les conditions de celles-ci sont réunies, à savoir qu'une demande judiciaire en a été faite et que les intérêts ont couru pendant un an au moins ; que dans ses conclusions d'appel, M. [D] demandait la capitalisation des intérêts produits par les sommes qui lui seraient accordées par le juge et qui avaient couru pendant plus d'un an à la date de l'arrêt ; qu'en rejetant pourtant la demande de capitalisation des intérêts formée par M. [D], la cour d'appel a violé l'article 1342-3 (lire 1343-2) du code civil ;
« 2°/ que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise ; que le juge doit ordonner la capitalisation des intérêts lorsque les conditions de celles-ci sont réunies, à savoir qu'une demande judiciaire en a été faite et que les intérêts ont couru pendant un an au moins ; que dans ses conclusions d'appel, M. [D] demandait la capitalisation des intérêts produits par les sommes qui lui seraient accordées par le juge et que ceux-ci avaient couru pendant plus d'un an à la date de l'arrêt ; qu'en rejetant le surplus des demandes des parties sans nullement justifier le rejet d'une telle demande, la cour d'appel a privé sa décision de motifs, violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
4. Sous couvert de griefs tirés d'une violation des articles 1343-2 du code civil et 455 du code de procédure civile, le moyen ne tend qu'à critiquer une omission de statuer pouvant être réparée par la procédure prévue à l'article 463 du code de procédure civile.
5. Le moyen est, dès lors, irrecevable.
Mais sur le premier moyen du pourvoi principal, formé par l'assureur
Enoncé du moyen
6. L'assureur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à M. [D], après avoir alloué à ce dernier la somme de 176 406,07 euros à laquelle il convient de déduire la somme déjà perçue par lui de 185 291,71 euros correspondant à la créance de l'organisme social au titre du capital invalidité, arrérages échus compris, de sorte que le solde restant dû s'élève à zéro, la somme de 50 000 euros au titre de l'incidence professionnelle et de dire que les indemnités prononcées par l'arrêt produiront de plein droit intérêt au double du taux d'intérêt légal à compter du 29 octobre 2021 jusqu'au 25 novembre 2022, date de l'arrêt, alors « que la pension d'invalidité prévue par l'article L. 341-1 du code de la sécurité sociale indemnise, d'une part, les pertes de gains professionnels et les incidences professionnelles de l'incapacité, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent ; qu'il en résulte que si le montant de la pension d'invalidité excède celui accordé en réparation des préjudices subis au titre du poste de la perte de gains professionnels futurs, le reliquat doit s'imputer sur le poste de préjudice d'incidence professionnelle ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a alloué à M. [D], au titre de la perte de gains professionnels futurs, la somme de 176 406,07 euros mais, constatant que le montant de la pension invalidité déjà perçue par lui était de 185 291,71 euros, elle a dit que le solde restant dû s'élevait à zéro ; qu'en condamnant l'assureur au paiement de la somme de 50 000 euros au titre de l'incidence professionnelle sans déduire de ce poste le reliquat de la pension d'invalidité d'un montant de 8 885,64 euros (185 291,71 ¿ 176 406,07), la cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 341-1 du code de la sécurité sociale, l'article 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :
7. Il résulte du second de ces textes que le recours des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel.
8. La pension d'invalidité visé au premier de ces textes répare les postes de pertes de gains professionnels et d'incidence professionnelle.
9. Après avoir alloué à M. [D] la somme de 176 406,07 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs (PGPF) et rappelé qu'il a perçu une pension d'invalidité de 185 291,71 euros, l'arrêt retient que le solde restant dû au titre des PGPF s'élève à 0, sans imputer le reliquat de la pension d'invalidité sur la somme de 50 000 euros accordée au titre du poste d'incidence professionnelle.
10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes et le principe susvisés.
Et sur le second moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
11. L'assureur fait grief à l'arrêt de dire que les indemnités prononcées par l'arrêt produiront de plein droit intérêt au double du taux de l'intérêt légal à compter du 29 octobre 2021 jusqu'au 25 novembre 2022, date de l'arrêt, alors :
« 1°/ que, lorsqu'en application des articles L. 211-9 et suivants du code des assurances, l'assureur de responsabilité a formulé une offre d'indemnisation sérieuse mais tardive, la sanction du doublement du taux de l'intérêt légal a pour assiette l'indemnité offerte par l'assureur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que par courrier du 30 novembre 2021, la société GMF avait fait une offre d'indemnisation à M. [D] ; qu'en retenant, pour juger que la sanction constituée par le versement d'intérêts au double du taux légal avait pour assiette le montant des indemnités qu'elle allouait, que cette offre était tardive, la cour d'appel, qui n'a pas retenu qu'elle aurait été insuffisante, a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances ;
2°/ que, lorsque l'offre n'a pas été faite dans les délais impartis par l'article L. 211-9 du code des assurances mais qu'elle est suffisante, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur produit intérêt de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai applicable jusqu'au jour de l'offre ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que la société GMF avait fait une offre par courrier du 30 novembre 2021 ; qu'en retenant, pour juger que les indemnités produiraient des intérêts au double du taux légal à compter du 29 octobre 2021, date de la connaissance par l'assureur de la date de la consolidation de l'assuré, jusqu'au 25 novembre 2022, date de l'arrêt, la cour d'appel, qui n'a pas retenu que cette offre aurait été insuffisante, a derechef privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances :
12. Il résulte de ces textes que l'assureur qui garantit la responsabilité du conducteur d'un véhicule impliqué dans un accident de la circulation est tenu de présenter à la victime une offre d'indemnité comprenant tous les éléments indemnisables du préjudice et que lorsque l'offre n'a pas été faite dans les délais impartis par le premier texte, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêts de plein droit, au double du taux de l'intérêt légal, à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif.
13. Pour dire que les indemnités dues par l'assureur produiront de plein droit intérêt au double du taux de l'intérêt légal à compter du 29 octobre 2021 jusqu'au 25 novembre 2022, date de la décision, l'arrêt constate que le délai dont disposait l'assureur pour faire une offre expirait le 29 octobre 2021 et que l'offre définitive d'indemnisation adressée à M. [D] le 30 novembre 2021 est hors délai.
14. En se déterminant ainsi, en faisant courir les intérêts au double du taux de l'intérêt légal sur les indemnités fixées par l'arrêt, sans rechercher si l'offre présentée par l'assureur le 30 novembre 2021, dont il se prévalait, était manifestement insuffisante, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Portée et conséquences de la cassation
15. La cassation des chefs de dispositif condamnant l'assureur à payer à M. [D] la somme de 50 000 euros au titre de l'incidence professionnelle et disant que les indemnités prononcées par l'arrêt produiront de plein droit intérêt au double du taux de l'intérêt légal à compter du 29 octobre 2021 jusqu'au 25 novembre 2022, date de l'arrêt, n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'assureur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci.




Civ.2 28 mai 2025 n° 24-60.224

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2 / MDTRS
LM


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 28 mai 2025



Annulation partielle

Mme MARTINEL, président


Arrêt n° 534 F-D
Recours n° H 24-60.224








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 MAI 2025


M. [X] [I], domicilié [Adresse 1], a formé le recours n° H 24-60.224 en annulation d'une décision rendue le 25 novembre 2024 par l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel de Rennes.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Chauve, conseiller, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 avril 2025 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Chauve, conseiller rapporteur, Mme Isola, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. M. [I] a sollicité son inscription sur la liste des médiateurs de la cour d'appel de Rennes dans les matières civile et sociale.
2. Par une lettre du 28 novembre 2024, le magistrat coordonnateur de la médiation a informé M. [I] qu'au terme de sa délibération du 25 novembre 2024, la commission restreinte des médiateurs de cette cour d'appel n'a pas fait droit à sa demande d'inscription en raison de l'insuffisance, au sens des dispositions de l'article 2 du décret n° 2017-1457 du 9 octobre 2017, des documents et des éléments relatifs à sa formation et à son expérience produits par lui.
3. M. [I] a formé un recours à la suite de cette lettre.
Examen du grief relevé d'office
Vu l'article 9 du décret n° 2017-1457 du 9 octobre 2017 :
4. Il résulte de ce texte que la décision de refus d'inscription ou de réinscription doit être motivée et faire l'objet d'un procès-verbal pour pouvoir être notifiée.
5. Le procès-verbal de la commission restreinte ayant refusé la demande d'inscription de M. [I] ne comporte aucune motivation et les mentions figurant sur la lettre de notification de la décision ne peuvent y suppléer.
6. La décision de la commission doit, dès lors, être annulée en ce qui concerne M. [I].




Civ.2 28 mai 2025 n° 24-60.229

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2 / MDTRS
FD


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 28 mai 2025



Annulation partielle

Mme MARTINEL, président


Arrêt n° 536 F-D
Recours n° N 24-60.229



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 MAI 2025
Mme [X] [S], domiciliée [Adresse 1], a formé le recours n° N 24-60.229 en annulation d'une décision rendue le 19 novembre 2024 par l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel de Grenoble.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Chauve, conseiller, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 avril 2025 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Chauve, conseiller rapporteur, Mme Isola, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Mme [S] a sollicité son inscription sur la liste des médiateurs de la cour d'appel de Grenoble dans les matières civile, commerciale et sociale, ainsi que dans la rubrique spéciale pour les médiateurs familiaux.
2. Par une décision du 19 novembre 2024, contre laquelle Mme [S] a formé un recours, l'assemblée générale des magistrats du siège de cette cour d'appel a rejeté sa demande.
Examen du grief
Exposé du grief
3. Mme [S] fait valoir que la décision de l'assemblée générale de la cour d'appel de Grenoble est incohérente et incompréhensible. En effet, elle dispose du certificat d'aptitude à la profession de médiateur depuis 2024, exerce et réalise des centaines de médiations depuis ladite certification et est inscrite sur la liste des médiateurs de plusieurs cours d'appel depuis 2016. En outre, elle était inscrite sur la liste des médiateurs de la cour d'appel de Grenoble depuis deux ans.
Réponse de la Cour
Vu l'article 2 du décret n° 2017-1457 du 9 octobre 2017 :
4. Il résulte de ce texte qu'une personne physique ne peut être inscrite sur la liste des médiateurs près la cour d'appel que si elle justifie d'une formation ou d'une expérience attestant l'aptitude à la pratique de la médiation. Il s'en déduit que l'assemblée générale doit procéder à une appréciation globale de l'aptitude du candidat à la pratique de la médiation, au regard de ces deux critères.
5. Pour rejeter la demande de Mme [S], l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel retient que la candidate est déjà inscrite sur la liste de sept cours d'appel sans pour autant justifier d'une expérience qui la qualifie aux fonctions de médiatrice.
6. En statuant ainsi, en se fondant sur un critère étranger aux critères d'inscription tiré de l'inscription sur la liste de plusieurs cours d'appel et sans apprécier les mérites de cette candidature au regard du critère de la formation, l'assemblée générale des magistrats du siège a méconnu le texte susvisé.
7. La décision de cette assemblée générale doit, dès lors, être annulée en ce qui concerne Mme [S].




Civ.2 28 mai 2025 n° 25-60.004

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2 / EXPTS
LM


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 28 mai 2025



Rejet

Mme MARTINEL, président


Arrêt n° 529 F-D
Recours n° P 25-60.004





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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 MAI 2025

M. [V] [D], domicilié [Adresse 1], [Localité 2], a formé le recours n° P 25-60.004 en annulation d'une décision rendue le 7 novembre 2024 par l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel de Paris.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Chauve, conseiller, les observations orales de M. [D] et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 avril 2025 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Chauve, conseiller rapporteur, Mme Isola, conseiller doyen, Mme Nicolétis, avocat général, et Mme Cathala, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. M. [D] a sollicité son inscription sur la liste des experts judiciaires de la cour d'appel de Paris dans les spécialités traduction et interprétariat en langue arabe.
2. Par une décision du 7 novembre 2024, contre laquelle M. [D] a formé un recours, l'assemblée générale des magistrats du siège de cette cour d'appel a rejeté sa demande aux motifs que le dossier du candidat est incomplet en ce qu'il ne contient pas la justification du suivi d'une formation préparatoire à l'expertise, que le candidat dispose de diplômes inadaptés aux spécialités sollicitées et que son expérience professionnelle est insuffisante au regard des qualifications requises pour être inscrit sur les listes d'expert, et que, compte tenu des qualités professionnelles des différents candidats et des besoins des juridictions du ressort, ces besoins sont suffisamment satisfaits.
Examen du grief
Exposé du grief
3. M. [D] fait valoir qu'il a suivi de nombreuses formations en relation avec la traduction et l'interprétariat, notamment en décembre 2023 à l'OFPRA, que sa formation juridique est un atout pour une mission d'expert au service des juridictions, qu'il a suivi un double cursus arabophone et francophone, qu'il possède une expérience professionnelle de quinze années dans les domaines de la traduction et de l'interprétariat, notamment à l'ambassade du Sultanat d'Oman à [Localité 3] où il dirigeait la section relative à la traduction et à l'interprétariat, qu'il est l'auteur de nombreuses traductions juridiques et littéraires, qu'il est régulièrement sollicité pour des traductions et que les besoins de la juridiction ne sont pas satisfaits.
Réponse de la Cour
4. C'est par des motifs exempts d'erreur manifeste d'appréciation que l'assemblée générale, a décidé de ne pas inscrire M. [D] sur la liste des experts judiciaires de la cour d'appel.
5. Le grief ne peut, dès lors, être accueilli.




Civ.2 28 mai 2025 n° 24-60.245

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2 / MDTRS
CH10


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 28 mai 2025



Annulation partielle

Mme MARTINEL, président


Arrêt n° 531 F-D
Recours n° E 24-60.245




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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 MAI 2025

Mme [O] [E], domiciliée [Adresse 1], a formé le recours n° E 24-60.245 en annulation d'une décision rendue le 25 novembre 2024 par l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel de Rennes.
défenderesse à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Chauve, conseiller, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 avril 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, Mme Chauve, conseiller rapporteur, Mme Isola, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Mme [E] a sollicité son inscription sur la liste des médiateurs de la cour d'appel de Rennes en matière civile et dans la rubrique spéciale pour les médiateurs familiaux.
2. Par une décision du 25 novembre 2024, contre laquelle Mme [E] a formé un recours, la commission restreinte de l'assemblée générale des magistrats du siège de cette cour d'appel a rejeté sa demande au motif qu'elle produisait une attestation d'assurance excluant expressément la médiation.
Examen du grief relevé d'office
Vu l'article 9 du décret n° 2017-1457 du 9 octobre 2017 :
3. Il résulte de ce texte que la décision de refus d'inscription ou de réinscription doit être motivée et faire l'objet d'un procès-verbal pour pouvoir être notifiée.
4. Le procès-verbal de la commission restreinte ayant refusé la demande d'inscription de Mme [E] ne comporte aucune motivation et les mentions figurant sur la lettre de notification de la décision ne peuvent y suppléer.
5. La décision de la commission restreinte doit, dès lors, être annulée en ce qui concerne Mme [E].




Civ.2 28 mai 2025 n° 24-60.242

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2 / MDTRS
FD


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 28 mai 2025



Annulation partielle

Mme MARTINEL, président


Arrêt n° 537 F-D
Recours n° B 24-60.242



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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 MAI 2025
Mme [W] [L], domiciliée [Adresse 1], a formé le recours n° B 24-60.242 en annulation d'une décision rendue le 25 novembre 2024 par l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel de Rennes.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Chauve, conseiller, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 avril 2025 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Chauve, conseiller rapporteur, Mme Isola, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Mme [L] a sollicité son inscription sur la liste des médiateurs de la cour d'appel de Rennes.
2. Par une lettre du 28 novembre 2024, le magistrat coordonnateur de la médiation a informé Mme [L] qu'au terme de sa délibération du 25 novembre 2024, la commission restreinte des magistrats de cette cour d'appel n'a pas fait droit à sa demande d'inscription au motif que les documents produits à l'appui de la demande d'inscription, concernant la formation et l'expérience, sont insuffisants, au sens des dispositions de l'article 2 du décret du 9 octobre 2017 modifié par le décret du 29 janvier 2021, à établir que la candidate a acquis le niveau de compétence requis pour être agréée et inscrite sur la liste des médiateurs de la cour d'appel de Rennes.
3. Mme [L] a formé un recours à la suite de cette lettre.
Examen du grief relevé d'office
Vu l'article 9 du décret n° 2017-1457 du 9 octobre 2017 :
4. Il résulte de ce texte que la décision de refus d'inscription ou de réinscription doit être motivée et faire l'objet d'un procès-verbal pour pouvoir être notifiée.
5. Le procès-verbal de la commission restreinte ayant refusé la demande d'inscription de Mme [L] ne comporte aucune motivation et les mentions figurant sur la lettre de notification de la décision ne peuvent y suppléer.
6. La décision de la commission doit, dès lors, être annulée en ce qui concerne Mme [L].




Com. 28 mai 2025 n° 23-23.536

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
HM


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 28 mai 2025



Cassation partielle

M. VIGNEAU, président


Arrêt n° 286 F-D
Pourvoi n° G 23-23.536



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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 28 MAI 2025
1°/ M. [B] [V], domicilié [Adresse 3],
2°/ M. [M] [V], domicilié [Adresse 4],
ont formé le pourvoi n° G 23-23.536 contre l'arrêt rendu le 14 septembre 2023 par la cour d'appel de Papeete (chambre commerciale), dans le litige les opposant :
1°/ à Mme [K] [V], domiciliée [Adresse 2],
2°/ à la société Agence maritime de la Polynésie française (AMPF), société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1],
3°/ à Mme [T] [V], épouse [O], domiciliée [Adresse 5],
défenderesses à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ducloz, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de MM. [B] et [M] [V], de la SCP Foussard et Froger, avocat de Mmes [T] et [K] [V] et de la société Agence maritime de la Polynésie française, après débats en l'audience publique du 1er avril 2025 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Ducloz, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, et M. Doyen, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Papeete, 14 septembre 2023), la société à responsabilité limitée Agence maritime de la Polynésie française (la société AMPF) a pour associés Mmes [T] et [K] [V] et MM. [B] et [M] [V], Mme [T] [V] en étant la gérante.
2. MM. [B] et [M] [V] ont assigné la société AMPF et Mme [T] [V] aux fins de voir prononcer la révocation de cette dernière de ses fonctions de gérante.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa huitième branche
Enoncé du moyen
3. MM. [B] et [M] [V] font grief à l'arrêt de rejeter l'ensemble de leurs demandes, alors « que l'avenant qui modifie les conditions de la convention et peut faire de l'acte initial, autorisé car jugé conforme aux intérêts de la société, un acte déséquilibré qui privilégie les intérêts du gérant au détriment de la société, doit être soumis à la procédure des conventions réglementées et donc à l'approbation des associés ; qu'en jugeant qu'il ne pouvait être reproché à Mme [T] [V] une méconnaissance de la procédure des conventions réglementées au titre du bail conclu au nom de la société AMPF avec la SCI Fare Ute 9, dans laquelle étaient associés Mmes [T] et [K] [V], car le bail initial avait été soumis à l'approbation des associés et que les révisions de loyers n'avaient pas à être soumises à la procédure des conventions réglementées, quand les révisions de loyers devaient, elles aussi, recevoir l'approbation des associés, la cour d'appel a violé l'article L. 223-19 du code de commerce et l'article 19 des statuts de la société AMPF, ensemble l'article l'article L. 223-25 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 223-19 et L. 223-25 du code de commerce, applicables dans le territoire de la Polynésie française :
4. Selon le second de ces textes, le gérant est révocable par les tribunaux pour cause légitime, à la demande de tout associé.
5. Selon le premier, le gérant présente à l'assemblée un rapport sur les conventions intervenues directement ou par personnes interposées entre la société et l'un de ses gérants ou associés. L'assemblée statue sur ce rapport. Le gérant ou l'associé intéressé ne peut prendre part au vote et ses parts ne sont pas prises en compte pour le calcul du quorum et de la majorité.
6. Il résulte de ce texte que tant la conclusion que la modification de conventions entrant dans son champ d'application sont soumises à l'approbation de l'assemblée générale.
7. Pour rejeter la demande de MM. [B] et [M] [V] de révocation de Mme [T] [V] de ses fonctions de gérante, l'arrêt, après avoir relevé que, lors de l'assemblée générale du 6 mai 2000, les associés de la société AMPF avaient approuvé la conclusion d'un bail commercial entre cette société et la SCI Fare Ute 9, dont Mme [T] [V] était l'associée, moyennant un loyer de 330 000 francs des collectivités françaises du Pacifique, retient que seul le bail est une convention réglementée et que les deux révisions de loyer ultérieures auxquelles il a été procédé n'avaient pas à être approuvées par les associés de la société AMPF.
8. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que les révisions du loyer modifiaient le contrat de bail commercial et qu'elles auraient dû, en conséquence, être approuvées par les associés de la société AMPF, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé.




Com. 28 mai 2025 n° 24-13.182

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
JB


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 28 mai 2025



Cassation

M. VIGNEAU, président


Arrêt n° 291 F-D
Pourvoi n° Z 24-13.182



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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 28 MAI 2025
La société Forlam, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Z 24-13.182 contre l'arrêt rendu le 25 janvier 2024 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 9), dans le litige l'opposant à la société Sofico, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme de Lacaussade, conseiller, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de la société Forlam, de la SARL Cabinet Briard, Bonichot et Associés, avocat de la société Sofico, après débats en l'audience publique du 1er avril 2025 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme de Lacaussade, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, et M. Doyen, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 25 janvier 2024), le 16 octobre 2018, la société Sofico s'est engagée, sous diverses conditions suspensives, à céder à la société Forlam l'intégralité des actions composant le capital social de la société Vermigli.
2. Le 3 janvier 2019, après levée des conditions suspensives, l'acquisition a été réalisée et les parties ont signé le même jour une convention de garantie d'actif et de passif consentie par la société Sofico comportant, d'une part, diverses déclarations sur la situation de la société cédée, d'autre part, des engagements d'indemnisation au cas où apparaîtraient des suppléments de passif ou des diminutions d'actif postérieurement à l'acquisition par rapport aux comptes annuels 2017.
3. La société Sofico ayant contesté la réclamation formée après la cession par la société Forlam, cette dernière l'a assignée en réparation de son préjudice au titre du dol ainsi que sur le fondement de la garantie d'actif et de passif.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
5. La société Forlam fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de dommages et intérêts sur le fondement de la garantie d'actif et de passif, alors « qu'elle avait mandaté initialement la société Eight Advisory pour qu'elle procède à un audit de la comptabilité de la société Vermigli dans le cadre de l'acquisition de cette société ; que le tribunal de commerce avait ainsi relevé que "le cessionnaire a mandaté dans le cadre de ses due diligences une société de réputation internationale Eight Advisory" ; que la société Forlam avait pour sa part rappelé que "afin de confirmer l'offre comprise dans la lettre d'intention, Forlam a mandaté la société Eight Advisory pour qu'elle procède à des due diligences sur les problématiques identifiées par Forlam et reprises dans la lettre d'intention" ; que la société Sofico, enfin, avait rappelé que l'audit financier de la société Vermigli "a été mené par la société Eight Advisory, laquelle a rendu son rapport complet le 15 novembre 2018", de sorte que "l'évaluation des stocks et de la méthode de valorisation comptable faisaient partie des diligences que Eight Advisory devaient opérer" ; qu'en retenant que le rapport établi par la société Ernst & Young était affecté d'un défaut d'impartialité parce que cette société avait "été mandatée dans le cadre de l'acquisition de la société Vermigli", quand ce n'était pas la société Ernst & Young, mais la société Eight Advisory, qui avait été mandatée pour réaliser un audit financier de la société Vermigli dans le cadre de son acquisition, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code de procédure civile :
6. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
7. Après avoir relevé que la société Forlam se prévalait d'un rapport établi par la société Ernst & Young, l'arrêt retient que cette société ayant été mandatée par la cessionnaire lors de l'acquisition de la société Vermigli, il présente un défaut d'impartialité qui impose de l'écarter.
8. En statuant ainsi, alors que les parties s'accordaient, dans leurs conclusions, pour considérer que c'était la société Eight Advisory qui avait été chargée d'une mission d'audit financier lors de la procédure d'acquisition des actions de la société Vermigli, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé.
Et sur le moyen, pris en sa quatrième branche
Enoncé du moyen
9. La société Forlam fait le même grief à l'arrêt, alors « que les déclarations faites par le cédant dans les conventions de garantie d'actif et de passif constituent des garanties de conformité ; qu'en l'espèce, la société Sofico s'était engagée à indemniser la société Forlam "dans le cas où l'une quelconque des déclarations serait inexacte ou incomplète ou non respectée" ; qu'elle avait déclaré à l'article 3.1.3 de la convention de garantie d'actif et de passif que les comptes de référence étaient conformes aux principes comptables issus du plan comptable général français, qu'ils étaient "réguliers et sincères et donnaient une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de la société" ; qu'elle avait également déclaré à l'article 3.1.4.7 de la convention que "le volume et la valorisation des stocks et des encours de production de la société tels que mentionnés dans les comptes de référence représentent fidèlement l'état des stocks et encours à la date des comptes de référence" ; que la cour d'appel, par motifs propres et adoptés, a relevé l'irrégularité des comptes de la société Vermigli car le prix des produits finis était calculé en incluant le coût de la sous-activité, tandis que le coût de la sous-activité devait, selon le plan comptable général, être exclu de la valeur des stocks ; qu'en déboutant pourtant la société Forlam de sa demande de dommages et intérêts, pour la circonstance qu'elle n'aurait pas rapporté la preuve que les déclarations de la société Sofico étaient inexactes, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 1103 et 1231-1 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1103 et 1231-1 du code civil :
10. Aux termes du premier de ces textes les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
11. Selon le second, le débiteur d'une obligation contractuelle est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.
12. Pour rejeter la demande de dommages et intérêts de la société Forlam fondée sur la garantie d'actif et de passif, l'arrêt, après avoir relevé, d'une part, que, selon l'article 3.2.1 a) du contrat de garantie, le garant s'obligeait, dans le cas où l'une quelconque des déclarations serait inexacte ou incomplète ou non respectée à indemniser le bénéficiaire conformément au texte de la présente convention à hauteur de l'intégralité du préjudice réel et effectif subi par la société, d'autre part, que le cédant avait déclaré au paragraphe 3.1.4.7 que les stocks de la société qui figuraient dans les comptes de référence ne faisaient l'objet d'aucune sûreté, nantissement ou privilège d'aucune sorte consentie à un tiers, que le volume et la valorisation des stocks et des encours de production de la société tels que mentionnés dans les comptes de référence représentaient fidèlement l'état des stocks et encours à la date des comptes de référence et que les stocks de la société n'avaient subi, depuis la date des comptes de référence, aucune variation autre que le cours normal des affaires et que toute détérioration, dépréciation ou perte quelconque de la valeur commerciale des stocks ou des en-cours avait fait l'objet, dans les comptes de référence, de provisions normalement évaluées et calculées, retient que la société échouait à rapporter la preuve, dont elle avait la charge, que les déclarations de la société Sofico étaient inexactes.
13. En statuant ainsi, alors qu'elle relevait par ailleurs, par motifs propres et adoptés, que la société Sofico faisait valoir que le coût de la sous-activité avait été inclus dans l'évaluation des stocks et que les comptes de la société Vermigli établis par le cédant présentaient effectivement une inexactitude découlant notamment de ce que le prix de revient des produits finis était calculé en excluant une éventuelle charge de sous-activité, contrairement à la réalité, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés.




Civ.1 28 mai 2025 n° 24-13.173

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CR12


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 28 mai 2025



Cassation

Mme CHAMPALAUNE, président


Arrêt n° 364 F-D
Pourvoi n° Q 24-13.173



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 28 MAI 2025
M. [R] [C], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 24-13.173 contre l'arrêt rendu le 22 juin 2023 par la cour d'appel d'Orléans (chambre commerciale économique et financière), dans le litige l'opposant à la société Creatis, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SARL Corlay, avocat de M. [C], de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Creatis, après débats en l'audience publique du 1er avril 2025 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 22 juin 2023), par offre préalable acceptée le 13 avril 2015, la société Creatis (la banque) a consenti à M. [C] (l'emprunteur) un prêt de regroupement de crédits à la consommation.
2. À la suite de la défaillance de l'emprunteur dans le paiement des échéances, la banque a prononcé la déchéance du terme et l'a assigné en remboursement.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. L'emprunteur fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu de déchoir la banque de son droit aux intérêts conventionnels et, en conséquence, de le condamner à payer à celle-ci une certaine somme majorée des intérêts au taux conventionnel, alors « que nul ne peut se constituer de titre à soi-même ; qu'en application de l'article L. 311-12 du code de la consommation, pris dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, l'emprunteur peut se rétracter sans motifs dans un délai de quatorze jours calendaires révolus à compter du jour de l'acceptation de l'offre de contrat de crédit comprenant les informations prévues à l'article L. 311-18 et afin de permettre l'exercice de ce droit de rétractation, un formulaire détachable doit être joint à son exemplaire du contrat de crédit ; que la preuve par le prêteur de la communication à l'emprunteur du bordereau détachable de rétractation ne saurait résulter de la seule signature apposée par l'emprunteur sous une clause type par laquelle celui-ci reconnaît cette remise, une telle reconnaissance ne constitue qu'un simple indice, que le prêteur doit compléter par d'autres éléments pour établir l'exécution de son obligation envers l'emprunteur ; que cette preuve complémentaire ne peut être un acte unilatéralement établi par le prêteur, non signé par l'emprunteur, dont rien ne démontre qu'il a été effectivement adressé à ce dernier ; qu'en se fondant en l'espèce uniquement sur la copie de la liasse contractuelle qu'elle avait adressée le 13 avril 2015 à Monsieur [C]", liasse non signée dont rien n'établit qu'elle a été effectivement transmise et signée par Monsieur [C], la cour d'appel a violé l'article 1315 ancien du code civil (désormais 1363 du code civil) et le principe selon lequel nul ne peut se constituer de titre à lui-même, ensemble les articles L. 311-12 et R. 311-4 dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 311-12 et L. 311-48, alinéa 1er, du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 :
4. Aux termes du premier texte, l'emprunteur peut se rétracter sans motifs dans un délai de quatorze jours calendaires révolus à compter du jour de l'acceptation de l'offre de contrat de crédit comprenant les informations prévues à l'article L. 311-18. Afin de permettre l'exercice de ce droit de rétractation, un formulaire détachable est joint à son exemplaire du contrat de crédit.
5. Selon le second, le prêteur qui accorde un crédit sans remettre à l'emprunteur un contrat satisfaisant à la condition fixée à l'article L. 311-12 est déchu du droit aux intérêts.
6. En application de ces dispositions, il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu'il a satisfait à ses obligations précontractuelles. La signature par l'emprunteur de l'offre préalable comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur lui a remis le bordereau de rétractation constitue seulement un indice qu'il incombe à celui-ci de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires (1re Civ., 21 octobre 2020, pourvoi n° 19-18.971, publié). Un document émanant de la seule banque ne peut utilement corroborer la clause type de l'offre de prêt (1re Civ., 7 juin 2023, pourvoi n° 22-15.552, publié).
7. Pour retenir que la banque prouvait avoir exécuté son obligation de joindre à l'offre de crédit un formulaire détachable permettant l'exercice du droit de rétractation et rejeter la demande de déchéance du droit aux intérêts formée par l'emprunteur, l'arrêt retient que la clause par laquelle celui-ci a reconnu s'être vu remettre une offre préalable dotée d'un tel formulaire est corroborée par la production, par la banque, de la liasse contractuelle complète relative au crédit en cause et comportant l'exemplaire du contrat de prêt destiné à être conservé par l'emprunteur, en bas de la dernière page duquel figure le formulaire détachable de rétractation prévu à l'article L. 311-12, en tous points conforme aux prescriptions de l'article R. 311-4 et au modèle type figurant en annexe 6 du code de la consommation.
8. En statuant ainsi, alors que ces documents émanant de la banque n'étaient pas de nature à corroborer la clause type de l'offre de crédit, la cour d'appel a violé les textes susvisés.




Civ.3 28 mai 2025 n° 24-10.352 B

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 28 mai 2025



Cassation partielle

M. BOYER, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 264 FS-B
Pourvoi n° Y 24-10.352



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 MAI 2025

L'établissement public foncier d'Ile-de-France, dont le siège est [Adresse 14], a formé le pourvoi n° Y 24-10.352 contre l'ordonnance rendue le 9 novembre 2023 par le juge de l'expropriation du département des Yvelines siégeant au tribunal judiciaire de Versailles, dans le litige l'opposant à la société Immobilière Gabriel Wattelez, société anonyme, dont le siège est [Adresse 15], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Rat, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de l'établissement public foncier d'Ile-de-France, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Immobilière Gabriel Wattelez, et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 1er avril 2025 où étaient présents M. Boyer, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Rat, conseiller référendaire rapporteur, Mme Abgrall, conseiller faisant fonction de doyen, MM. Pety, Brillet, Mmes Foucher-Gros, Guillaudier, conseillers, M. Zedda, Mmes Vernimmen, Bironneau, M. Cassou de Saint-Mathurin, conseillers référendaires, M. Burgaud, avocat général référendaire, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'ordonnance attaquée (Versailles, 9 novembre 2023), la société Immobilière Gabriel Wattelez (la société Wattelez), propriétaire de parcelles situées dans le périmètre d'une zone d'aménagement concerté (ZAC), a mis en demeure la commune de [Localité 17] de procéder à leur acquisition.
2. Faute d'accord, la société Wattelez a saisi la juridiction de l'expropriation le 1er juillet 2023 aux fins de voir ordonner le transfert de propriété et fixer le prix du bien.
3. Se prévalant d'un arrêté du 12 avril 2023 déclarant d'utilité publique le projet d'aménagement de la ZAC et d'un arrêté de cessibilité des parcelles nécessaires à la réalisation de ce projet au profit de l'établissement public foncier d'Ile-de-France (l'EPFIF) du 20 octobre 2023, l'EPFIF a saisi le juge de l'expropriation aux fins que soit prononcé le transfert de propriété.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. L'EPFIF fait grief à l'ordonnance de refuser de prononcer le transfert de propriété des parcelles appartenant à la société Wattelez, alors « que l'ordonnance portant transfert de propriété est rendue par le juge de l'expropriation au vu des pièces constatant que les formalités prescrites par le livre I du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ont été accomplies ; que l'ordonnance, pour refuser l'expropriation des parcelles appartenant à la société anonyme Gabriel Wattelez retient que la procédure de délaissement introduite par cette société concernant lesdites parcelles ayant été diligentée antérieurement à la procédure d'expropriation, elle ne peut être considérée comme étant sans objet au jour de la signature de l'ordonnance d'expropriation ; qu'en se fondant sur cette circonstance inopérante et sans constater un manquement à l'accomplissement des formalités prescrites par le livre I du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, le juge de l'expropriation a excédé son pouvoir. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 221-1, R. 221-2 et R. 221-5 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique :
5. Aux termes du premier de ces textes, l'ordonnance portant transfert de propriété est rendue par le juge au vu des pièces constatant que les formalités prescrites par le livre Ier ont été accomplies.
6. Selon les deux suivants, le juge prononce l'expropriation des immeubles ou des droits réels déclarés cessibles par le préfet, au vu des pièces mentionnées à l'article R. 221-1, et refuse, par ordonnance motivée, de la prononcer, s'il constate que le dossier n'est pas constitué conformément aux prescriptions de cet article ou si la déclaration d'utilité publique ou les arrêtés de cessibilité sont caducs ou ont été annulés par une décision définitive du juge administratif.
7. La déclaration d'utilité publique et l'arrêté de cessibilité, par lequel est déterminée la liste des parcelles ou des droits réels immobiliers à exproprier, pouvant être contestés devant la juridiction administrative, le juge de l'expropriation se borne à vérifier que le dossier que lui a transmis l'autorité expropriante est constitué conformément aux prescriptions du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique (Cons. const., 16 mai 2012, n° 2012-247 QPC).
8. Il en résulte que, dès lors qu'une parcelle est visée par un arrêté de cessibilité, le juge de l'expropriation prononce, sous réserve de ce qui précède, le transfert de propriété, peu important que son propriétaire ait préalablement notifié à la collectivité publique ou à l'établissement public son souhait d'exercer son droit de délaissement.
9. Pour rejeter la demande de transfert de propriété du préfet, le juge de l'expropriation retient qu'une procédure de délaissement a été diligentée antérieurement à la procédure d'expropriation.
10. En statuant ainsi, le juge de l'expropriation a violé les textes susvisés.




Civ.3 28 mai 2025 n° 23-18.781 B

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 28 mai 2025



Cassation partielle

M. BOYER, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 263 FS-B
Pourvoi n° Q 23-18.781



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 MAI 2025
1°/ la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), société d'assurance mutuelle à cotisations variables, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ la société Cobeima, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 4],
ont formé le pourvoi n° Q 23-18.781 contre l'arrêt rendu le 24 mai 2023 par la cour d'appel de Rouen (1re chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Bois et matériaux, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],
2°/ à la societé Zurich Insurance Public Limited Company, société de droit étranger, dont le siège est [Adresse 1],
défenderesses à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Vernimmen, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics et de la société Cobeima, de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat des sociétés Bois et matériaux et Zurich Insurance Public Limited Company, et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 1er avril 2025 où étaient présents M. Boyer, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Vernimmen, conseiller référendaire rapporteur, Mme Abgrall, conseiller faisant fonction de doyen, MM. Pety, Brillet, Mmes Foucher-Gros, Guillaudier, conseillers, M. Zedda, Mmes Rat, Bironneau, M. Cassou de Saint-Mathurin, conseillers référendaires, M. Burgaud, avocat général référendaire, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 24 mai 2023), procédant à la réhabilitation de plusieurs logements, l'OPH Alcéane a confié la réalisation du lot bardage à la société Cobeima, assurée auprès de la SMABTP, qui s'est approvisionnée en chevrons de bois auprès de la société Bois et matériaux, assurée auprès de la société Zurich Insurance Public Limited Company (la société Zurich).
2. Une assurance dommages-ouvrage a été souscrite auprès de la SMABTP.
3. Constatant, après réception, l'instabilité de plusieurs panneaux de bardage, l'OPH Alcéane a déclaré le sinistre à la SMABTP.
4. Se prévalant du défaut de traitement des chevrons, la société Cobeima et la SMABTP, en sa double qualité, ont assigné, après le dépôt du rapport d'expertise, par actes des 20 et 25 mai 2020, les sociétés Bois et matériaux et Zurich en paiement sur le fondement de la garantie des vices cachés.
5. Le 1er décembre 2021, l'assureur dommages-ouvrage a versé une indemnité à l'OPH Alcéane.
6. Les sociétés Bois et matériaux et Zurich leur ont notamment opposé une fin de non-recevoir tirée de la prescription.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
7. La SMABTP, assureur de la société Cobeima, fait grief à l'arrêt de déclarer forcloses ses demandes formées contre les sociétés Bois et matériaux et Zurich sur le fondement de la garantie des vices cachés, alors « que le bref délai de l'action récursoire fondée sur la garantie des vices cachés, exercée par l'entrepreneur à l'encontre de son fournisseur, ne court pas à compter du jour de la révélation du vice à l'acquéreur, mais de la date où l'entrepreneur est lui-même assigné ou, en l'absence d'assignation, à la date où le paiement d'une somme d'argent lui est réclamé ; que la cour d'appel a énoncé que le délai de l'article 1648 du code civil court à compter de la découverte du vice, ou de sa connaissance certaine, et que la société Cobeima et la SMABTP avaient eu connaissance de l'origine du vice dès les notes d'analyse du cabinet Steen des 15 juin et 25 juillet 2017, de sorte que le délai de prescription avait commencé à courir le 25 juillet 2017 au plus tard et que, les assignations ayant été délivrées en mai 2020, le recours était « forclos » ; qu'en statuant ainsi, quand, s'agissant du recours de l'assureur subrogé dans les droits d'un entrepreneur contre le vendeur de la chose viciée, et son assureur, le délai de l'action récursoire du premier contre les seconds courait, en l'absence d'assignation de l'entrepreneur par le maître d'ouvrage ou l'assureur dommages-ouvrage qui l'avait indemnisé, à compter de la date à laquelle ces derniers avaient été en mesure de réclamer à l'entrepreneur une somme d'argent en indemnisation du préjudice causé par les vices cachés affectant les matériaux vendus, la cour d'appel a violé l'article 1648 du code civil. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
8. Les sociétés Bois et matériaux et Zurich contestent la recevabilité du moyen. Elles soutiennent que le moyen est nouveau et incompatible avec la thèse soutenue devant la cour d'appel.
9. Cependant, le moyen est de pur droit et n'est pas incompatible avec la thèse de la SMABTP, assureur de responsabilité de la société Cobeima, qui soutenait, dans ses conclusions d'appel, que le point de départ du délai de l'action fondée sur la garantie des vices cachés devait être fixé, en l'absence d'assignation, à la date de la réclamation d'un paiement à l'entrepreneur.
10. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l'article 1648, alinéa 1er, du code civil :
11. Aux termes de ce texte, l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.
12. Il est jugé, en matière d'action récursoire, que la prescription applicable au recours d'une personne assignée en responsabilité contre un tiers qu'il estime coauteur du même dommage a pour point de départ l'assignation qui lui a été délivrée, même en référé, si elle est accompagnée d'une demande de reconnaissance d'un droit (Ch. mixte., 19 juillet 2024, pourvoi n° 22-18.729, publié). Tel est le cas du recours d'un constructeur, assigné en responsabilité par le maître de l'ouvrage, contre un autre constructeur ou son sous-traitant (3e Civ., 14 décembre 2022, pourvoi n° 21-21.305, publié). De même, la prescription biennale de l'action récursoire en garantie des vices cachés court à compter de l'assignation (Ch. mixte, 21 juillet 2023, pourvois n° 20-10.763 ; n° 21-19.936, publiés).
13. L'action en garantie des vices cachés exercée à l'encontre du fournisseur ou de l'assureur de celui-ci par le constructeur ou son assureur, après indemnisation amiable du maître de l'ouvrage ou de l'assureur dommages-ouvrage subrogé dans les droits de ce dernier, tend à faire supporter par les premiers la dette de réparation du constructeur à l'égard du maître de l'ouvrage.
14. Il en résulte que le délai de prescription de cette action ne court pas à compter de la connaissance du vice par le constructeur mais à compter de l'assignation en responsabilité qui lui a été délivrée, ou, à défaut, à compter de l'exécution de son obligation à réparation.
15. Pour déclarer irrecevable la demande de la SMABTP, assureur de responsabilité de la société Cobeima, l'arrêt retient que cet assureur, qui a remboursé en exécution du contrat d'assurance l'indemnité que l'assureur dommages-ouvrage avait versée au maître de l'ouvrage, n'exerce pas une action récursoire après avoir été assigné, de sorte que, le délai biennal de l'article 1648 du code civil courant à compter de la découverte du vice par l'entreprise, soit en l'espèce, le 25 juillet 2017, date des conclusions de l'expert amiable, l'action en garantie des vices cachés introduite en mai 2020 est tardive.
16. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.




Com. 28 mai 2025 n° 23-16.603 B

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
MB


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 28 mai 2025



Cassation partielle

M. VIGNEAU, président


Arrêt n° 292 F-B
Pourvoi n° X 23-16.603
Aide juridictionnelle totale en demande au profit de Mme [L]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 12 avril 2023.



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 28 MAI 2025
Mme [J] [L], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° X 23-16.603 contre l'arrêt rendu le 17 novembre 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-9), dans le litige l'opposant :
1°/ au comptable public responsable du service des impôts des particuliers de [Localité 4] ville, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits du comptable public responsable de la trésorerie de [Localité 5], agissant sous l'autorité du directeur départemental des finances publiques des Alpes Maritimes et du directeur général des finances publiques,
2°/ au directeur général des finances publiques, dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Vigneras, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boucard-Capron-Maman, avocat de Mme [L], de la SCP Foussard et Froger, avocat du comptable public responsable du service des impôts des particuliers de [Localité 4] ville, venant aux droits du comptable public responsable de la trésorerie de [Localité 5], agissant sous l'autorité du directeur départemental des finances publiques des Alpes Maritimes et du directeur général des finances publiques et du directeur général des finances publiques, après débats en l'audience publique du 1er avril 2025 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Vigneras, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, et M. Doyen, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 17 novembre 2022), le 11 avril 2019, l'administration fiscale a délivré à Mme [L] une mise en demeure pour le recouvrement de cotisations d'impôt sur le revenu, cotisations sociales, majorations et pénalités dues au titre de l'année 1990.
2. Par un jugement du 16 juin 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté la requête de Mme [L] tendant notamment à la décharge de l'obligation de payer résultant de cette mise en demeure.
3. Parallèlement, Mme [L] a saisi un juge de l'exécution d'une demande d'annulation de la mise en demeure du 11 avril 2019.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. Mme [L] fait grief à l'arrêt de dire le juge de l'exécution incompétent pour statuer sur la prescription de la créance de l'Etat, de dire n'y avoir lieu en conséquence de la renvoyer à mieux se pourvoir en l'état du jugement du tribunal administratif de Nice du 16 juin 2022, de rejeter ses demandes et de la condamner à payer au comptable public du service des impôts des particuliers de [Localité 4] la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, alors « que la contestation relative à l'absence de la lettre de rappel, qui doit précéder le premier acte de poursuites devant donner lieu à des frais en vertu des dispositions de l'article L. 255 du livre des procédures fiscales, dans leur rédaction applicable à la cause, se rattache à la régularité en la forme de cet acte et non à l'exigibilité de l'impôt, si bien qu'il appartient au juge judiciaire d'en connaître ; qu'il en résulte, notamment, que le juge judiciaire est compétent pour se prononcer sur les mérites du moyen tiré de ce que le délai de prescription de l'action en recouvrement de l'administration fiscale n'a pu être interrompu par un commandement de payer faute d'avoir été précédé par la lettre de rappel prévue par les dispositions de l'article L. 255 du livre des procédures fiscales, dans leur rédaction applicable à la cause ; qu'en énonçant, par conséquent, pour dire le juge de l'exécution incompétent pour statuer sur la prescription de la créance de l'État, représenté par le comptable public du service des impôts des particuliers de [Localité 4] envers Mme [L] au titre de l'impôt sur le revenu 1990 et pour, en conséquence, dire n'y avoir lieu à renvoyer Mme [L] à mieux se pourvoir en l'état du jugement rendu par le tribunal administratif de Nice le 16 juin 2022, débouter Mme [L] de l'ensemble de ses prétentions et condamner Mme [L] à payer au comptable public du service des impôts des particuliers de [Localité 4] la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, que la contestation soulevée par Mme [L], tirée de ce que l'administration fiscale n'avait jamais procédé à l'envoi de la lettre de rappel préalablement au commandement de payer en date du 19 juin 2001 et tirée de ce qu'en conséquence, la créance fiscale était prescrite à la date du 5 janvier 2003, portait sur l'exigibilité de la dette fiscale au regard de la prescription et qu'il s'agissait d'une question de fond qui était de la seule compétence de la juridiction administrative, quand il appartenait au juge judiciaire de connaître de la contestation soulevée par Mme [L], tirée de ce que l'administration fiscale n'avait jamais procédé à l'envoi de la lettre de rappel préalablement au commandement de payer en date du 19 juin 2001 et de ce qu'en conséquence, le délai de prescription de l'action en recouvrement de l'administration fiscale n'avait pu être interrompu par le commandement de payer en date du 19 juin 2001, la cour d'appel a violé les dispositions de la loi des 16-24 août 1790 et les dispositions des articles L. 255 et L. 281 du livre des procédures fiscales, dans leur rédaction applicable à la cause. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 281 du livre des procédures fiscales :
5. Il résulte de ce texte que les recours contre les décisions prises par l'administration sur les contestations relatives au recouvrement des impôts portant sur la régularité en la forme de l'acte sont portés devant le juge de l'exécution.
6. La contestation relative à l'absence de la lettre de rappel qui, selon l'article L. 255 du livre des procédures fiscales, alors applicable, doit précéder le premier acte de poursuites devant donner lieu à des frais, se rattache à la régularité en la forme de cet acte et non à l'exigibilité de l'impôt, de sorte qu'il appartient au juge judiciaire d'en connaître.
7. Pour dire le juge de l'exécution incompétent pour statuer sur la contestation relative à la prescription de la créance de l'administration fiscale formée par Mme [L], l'arrêt retient que cette réclamation porte sur l'exigibilité de la dette fiscale au regard de la prescription, qui constitue une question de fond, relevant de la seule compétence de la juridiction administrative.
8. En statuant ainsi, alors que la contestation par laquelle la requérante soutenait qu'à défaut d'avoir été précédé de la lettre de rappel prévue à l'article L. 255 du livre des procédures fiscales, le commandement de payer du 19 juin 2001 délivré par l'administration fiscale était entaché d'irrégularité et n'avait, dès lors, pas pu interrompre la prescription de l'action en recouvrement, se rattachait à la régularité en la forme de l'acte, la cour d'appel a violé le texte susvisé.




Civ.3 28 mai 2025 n° 23-16.299

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 28 mai 2025



Cassation partielle sans renvoi

M. BOYER, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 260 F-D
Pourvoi n° S 23-16.299



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 MAI 2025
1°/ M. [E] [M],
2°/ Mme [B] [V], épouse [M],
tous deux domiciliés [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° S 23-16.299 contre l'arrêt rendu le 27 avril 2023 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre civile A), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [D] [P],
2°/ à Mme [R] [I],
tous deux domiciliés [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Cassou de Saint-Mathurin, conseiller référendaire, les observations de la SCP Françoise Fabiani-François Pinatel, avocat de M. et Mme [M], de la SARL Cabinet Briard, Bonichot et Associés, avocat de M. [P] et de Mme [I], après débats en l'audience publique du 1er avril 2025 où étaient présents M. Boyer, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Cassou de Saint-Mathurin, conseiller référendaire rapporteur, Mme Abgrall, conseiller faisant fonction de doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 27 avril 2023), par acte du 18 septembre 2017, M. et Mme [M] (les vendeurs) ont vendu à M. [P] et Mme [I] (les acquéreurs) une maison.
2. Se plaignant de problèmes d'évacuation des eaux usées, les acquéreurs ont, après expertise, assigné les vendeurs en réparation de leurs préjudices sur le fondement de la garantie des vices cachés.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses cinq premières branches
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen, pris en sa sixième branche
Enoncé du moyen
4. Les vendeurs font grief à l'arrêt de les condamner à payer aux acquéreurs diverses sommes sur le fondement de la garantie des vices cachés et de rejeter leur demande de nullité du rapport d'expertise et de désignation d'un nouvel expert, alors « que les dommages et intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit ; qu'en fixant le préjudice de jouissance à la somme de 32 130 euros, soit 472,50 euros x 68 mois, après avoir retenu que la période à indemniser allait de mars 2018 à octobre 2022, soit 56 mois, la cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1645 du code civil et le principe de la réparation intégrale du préjudice :
5. Il résulte de ce texte et de ce principe que les dommages-intérêts alloués en réparation des dommages dont est responsable le vendeur qui connaissait les vices de la chose doivent réparer le préjudice subi sans qu'il en résulte pour l'acquéreur ni perte ni profit.
6. Pour allouer aux acquéreurs la somme de 32 130 euros en réparation de leur préjudice de jouissance, l'arrêt retient que le trouble subi du fait des désordres doit être réparé à hauteur de 472,50 euros par mois sur une période de 68 mois, arrêtée au mois d'octobre 2022.
7. En statuant ainsi, alors qu'il s'était écoulé moins de 68 mois entre la date d'emménagement des acquéreurs dans la maison en octobre 2017, et la fin de la période indemnisée, soit le mois d'octobre 2022, la cour d'appel a violé le texte et le principe susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
8. La cassation ne s'étend pas aux chefs de dispositif condamnant les vendeurs à payer aux acquéreurs des sommes à d'autres titres qu'à celui du préjudice de jouissance et rejetant la demande de nullité du rapport d'expertise et de désignation d'un nouvel expert, dès lors que les motifs critiqués par le moyen, pris en sa sixième branche, ne sont pas le soutien de ces dispositions.
9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
10. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
11. Dès lors que les désordres préexistaient à la vente du 18 septembre 2017 et n'étaient toujours pas réparés en octobre 2022, les acquéreurs ont subi un préjudice de jouissance depuis leur emménagement dans la maison, en octobre 2017.
12. Les vendeurs seront, par conséquent, condamnés à payer aux acquéreurs en réparation de leur préjudice de jouissance la somme de 28 822, 50 euros ainsi calculée : 472,50 euros x 61 mois.




Com. 28 mai 2025 n° 24-13.902

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
JB


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 28 mai 2025



Rejet

M. VIGNEAU, président


Arrêt n° 298 F-D
Pourvoi n° H 24-13.902



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 28 MAI 2025
1°/ la société Morgane groupe,
2°/ la société C2g, société par actions simplifiée,
tous deux ayant leur siège [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° H 24-13.902 contre l'arrêt rendu le 2 avril 2024 par la cour d'appel d'Angers (chambre A, commerciale), dans le litige les opposant à la société Groupe télégramme médias, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la société Groupe télégramme développement, défenderesse à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, cinq moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lefeuvre, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat des sociétés Morgane group et C2g, de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société Groupe télégramme médias, venant aux droits de la société Groupe télégramme développement, après débats en l'audience publique du 1er avril 2025 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Lefeuvre, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, et M. Doyen, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 2 avril 2024), rendu sur renvoi après cassation (Com., 15 mars 2023, pourvoi n° 21-20.399), et les productions, le 21 juin 2012, la société Morgane groupe (la société MG) et la société Groupe télégramme développement (la société GTD) ont conclu un protocole d'accord cadre (le protocole), ayant pour objet l'entrée de la société GTD au capital de la société C2g, filiale de la société MG. En application de la première partie du protocole, la société GTD a acquis 47 % des actions de la société C2g, le solde étant détenu par la société MG. Par la deuxième partie du protocole, la société MG a consenti une promesse unilatérale de cession de 13 % des actions de la société C2g à la société GTD, cette dernière devant lever l'option dans les six mois de la tenue de l'assemblée générale approuvant les comptes clos au 31 décembre 2015. Dans la troisième partie du protocole, les sociétés MG et GTD ont conclu une promesse synallagmatique de cession de l'ensemble des actions de la société C2g encore détenues par la société MG, sous condition suspensive de la réalisation des deux étapes précédentes.
2. Le protocole d'accord prévoit que les titres de la société C2g doivent être évalués selon la méthode des fonds propres réévalués afin de déterminer la valeur de ses actifs, notamment ses filiales, et que, dans l'hypothèse où un différend apparaîtrait tant dans l'exécution que dans l'interprétation de la clause relative au prix, ce différend serait soumis à l'expertise du président de l'ordre régional des experts comptables de Bretagne, et, dans le cas où l'expert ainsi désigné ne voudrait ou ne pourrait pas statuer, les parties pourraient demander au président du tribunal de commerce la désignation d'un expert sur le fondement de l'article 1592 du code civil.
3. Le 8 mars 2016, la société MG a notifié à la société GTD la rétractation de sa promesse unilatérale. Le 28 juin 2016, la société GTD a notifié à la société MG son intention de lever l'option.
4. La société GTD, aux droits de laquelle est venue la société Groupe télégramme médias (la société GTM), a assigné la société MG, en présence de la société C2g, en exécution forcée de la promesse prévue par la deuxième partie du protocole.
5. Par un jugement du 17 avril 2018, le tribunal de commerce de Rennes a rejeté cette demande. Par un arrêt du 6 juillet 2021, la cour d'appel de Rennes a confirmé ce jugement et, y ajoutant, a dit que la promesse prévue par la troisième partie du protocole était nulle. Par un arrêt du 15 mars 2023, la chambre commerciale de la Cour de cassation a cassé et annulé cet arrêt. Saisie sur renvoi, la cour d'appel d'Angers a, par l'arrêt attaqué, infirmé le jugement du 17 avril 2018 et, statuant à nouveau et y ajoutant, a dit que le contrat de cession des 13 % des actions de la société C2C avait été valablement formé sur un prix devant être déterminé par un expert et a ordonné à la société MG de céder à la société GTD le nombre d'actions correspondant à 13 % du capital social de la société C2g. La cour d'appel a par ailleurs rejeté la demande de nullité de la promesse prévue par la troisième partie du protocole.
6. La société GTM a saisi le président du conseil régional de l'ordre des experts-comptables de Bretagne afin qu'il règle le différend sur le prix des actions de la société C2g. Par une lettre du 7 octobre 2024, l'expert désigné par le président de l'ordre a fait savoir qu'il refusait la mission qui lui était confiée.
Examen des moyens
Sur les premier, troisième et quatrième moyens
7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
8. Les sociétés MG et C2g font grief à l'arrêt de dire que le contrat de cession des 13 % des actions de la société C2g a été valablement formé sur un prix devant être déterminé par un expert conformément à la clause sur le prix, d'ordonner à la société MG de céder à la société GTM le nombre d'actions correspondantes dans un délai d'un mois à compter de sa signification et sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, de dire que passé ce délai, sa simple notification à la société C2g vaudrait ordre de mouvement, d'ordonner à la société C2g, dans un délai de deux mois à compter de sa signification et sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, d'enregistrer dans son registre de mouvements de titres et dans les comptes d'associés la cession du nombre d'actions correspondant à 13 % de son capital social, et de rejeter la demande de la société MG en nullité de la promesse synallagmatique de vente prévue à la troisième partie du protocole, alors :
« 1°/ qu'est nulle l'obligation contractée sous une condition faisant dépendre l'exécution de la convention d'un événement qu'il est au pouvoir de l'une ou l'autre des parties contractantes de faire arriver ou d'empêcher ; que le protocole d'accord cadre conclu le 21 juin 2012 entre la société MG et la société Bretagne Multimédia (GTD puis GTM) stipule que la promesse synallagmatique portant sur la troisième phase d'acquisition des titres de la société C2G était "subordonnée à la réalisation des conditions suspensives suivantes : - la réalisation définitive des opérations de mutations des titres visées à la 1er partie des présentes ; - la réalisation définitive de l'opération de cession des titres de la société C2G à la société Bretagne Multimédia, telle que visée à la 2e partie des présentes" ; que pour rejeter la demande des sociétés MG et C2G tendant à voir prononcer la nullité de la promesse synallagmatique correspondant à la troisième phase d'acquisition des titres de la société C2G, comme étant subordonnée à une condition potestative, et subséquemment à la caducité de la promesse unilatérale stipulée dans la deuxième phase, la cour d'appel a retenu que "la réalisation définitive de l'opération de cession de titres de la société C2G à la société Bretagne Multimédia prévue à la deuxième phase doit être une cession réellement réalisée, ce qui exigeait que non seulement ses conditions juridiques soient remplies, mais que les parties aillent au bout du processus, ce qui supposait, d'abord, que le promettant respecte sa promesse", et qu'en outre, "si la cession (?) dépendait juridiquement, dès lors que la promesse ne pouvait pas être efficacement rétractée, de la levée de l'option, celle-ci dépendait en réalité des performances des différentes filiales qui restaient sous le contrôle de la société MG, de la valorisation des titres de la société C2G qui dépendait de ces performances, du succès des négociations engagées entre les parties pour arrêter le prix et éviter de devoir faire régler leur différend par un tiers", ce dont elle a déduit que "la levée de l'option, si elle était laissée au choix de la société GTM, était néanmoins soumise à différents facteurs extérieurs, lesquels dépendaient en partie de la société MG. La cession effective ne reposait donc pas sur la seule volonté de l'acquéreur" ; qu'en statuant de la sorte, quand la société MG ne pouvait efficacement rétracter la promesse unilatérale de vente qu'elle avait consentie dans la deuxième phase du protocole d'accord du 21 juin 2012, de sorte que la société GTD pouvait la contraindre à vendre en dépit de sa rétractation, et qu'il dépendait du seul bon vouloir de cette société de lever ou non l'option qui lui avait été conférée, sans que les circonstances que cette décision discrétionnaire soit susceptible d'être influencée par les performances de la société, qui restait gérée par la société MG, ou par le fait que les parties aient à devoir faire régler leur différend relatif au prix par un tiers, ne soient de nature à retirer son caractère potestatif à la condition tenant à la réalisation de la deuxième phase de cession des titres de la société C2G, la cour d'appel a violé l'article 1134 (désormais 1103) du code civil, ensemble les articles 1170 et 1174 (désormais 1304-2) du même code ;
2°/ qu'en retenant que "si la cession (?) dépendait juridiquement, dès lors que la promesse ne pouvait pas être efficacement rétractée, de la levée de l'option, celle-ci dépendait en réalité des performances des différentes filiales qui restaient sous le contrôle de la société MG, de la valorisation des titres de la société C2G qui dépendait de ces performances, du succès des négociations engagées entre les parties pour arrêter le prix et éviter de devoir faire régler leur différend par un tiers", tout en constatant que la société GTD avait levé l'option malgré l'existence d'un litige sur le prix de la cession, et que les négociations sur le prix de la cession entre les parties avaient été un échec et que les parties restaient devoir soumettre leur différend à un tiers, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, et encore violé l'article 1134 (désormais 1103) du code civil, ensemble les articles 1170 et 1174 (désormais 1304-2) du même code. »
Réponse de la Cour
9. Après avoir énoncé qu'aux termes de l'article 1170 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, la condition potestative est celle qui fait dépendre l'exécution de la convention d'un événement qu'il est au pouvoir de l'une ou de l'autre des parties contractantes de faire arriver ou d'empêcher, l'arrêt retient que la réalisation définitive de l'opération de cession des actions de la société C2g prévue par la deuxième partie du protocole devait être une cession réellement réalisée, ce qui impliquait non seulement que les conditions juridiques d'une telle opération soient réunies mais aussi que les parties aillent au bout du processus, ce qui supposait, avant tout, que le promettant respecte sa promesse. L'arrêt ajoute que cette cession dépendait également du succès des négociations engagées par les parties pour arrêter le prix et éviter de devoir faire régler leur différend par un tiers, et qu'ainsi, si la levée d'option était laissée au choix de la société GTM, elle était néanmoins soumise à différents facteurs extérieurs.
10. De ces énonciations, constatations et appréciations, faisant ressortir que l'effectivité de la cession des actions de la société C2g prévue par la deuxième partie du protocole demeurait soumise à l'éventualité qu'un expert soit désigné pour fixer le prix, ce qui exposait dès lors cette cession au risque que l'expert désigné par le président de l'ordre ne puisse ou ne veuille faire l'estimation et qu'aucune des parties ne demande la désignation d'un expert sur le fondement de l'article 1592 du code civil, circonstances extérieures à la volonté des parties, la cour d'appel a exactement déduit que la promesse prévue par la troisième partie du protocole ne reposait pas sur une condition potestative au profit du cessionnaire.
11. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le cinquième moyen
Enoncé du moyen
12. Les sociétés MG et C2g font le même grief à l'arrêt, alors :
« 1°/ que lorsqu'une chose a fait l'objet d'une promesse unilatérale de vente, la levée d'option ne forme valablement le contrat de vente que si elle est effectuée en vue de conclure la vente aux conditions prévues par la promesse ; qu'en particulier, si le bénéficiaire lève l'option en vue de conclure la vente pour un prix déterminé, la vente n'est parfaite que si ce prix correspond au prix prévu par la promesse ; qu'en jugeant que le contrat de vente s'était formé le 28 juin 2016, jour de la levée de l'option, dès lors que le prix était déterminable au jour de la promesse, cependant qu'elle constatait par ailleurs que la société GTD avait levé l'option pour un prix de 174 290 euros et que la preuve de la conformité de ce prix à celui prévu par la promesse n'était pas rapportée par la société GTD, sur qui pesait la charge de la preuve, la cour d'appel a encore violé les articles 1134 (désormais 1103), 1583 et 1591 du code civil ;
2°/ que lorsque les parties à une promesse de vente ont confié à un tiers la mission de déterminer le prix de vente en application de l'article 1592 du code civil dans sa version applicable à l'espèce, qui prévoyait que "si le tiers ne veut ou ne peut faire l'estimation, il n'y a point de vente", la vente ne devient parfaite qu'au moment où l'évaluation du prix a été réalisée par ce tiers ; qu'en jugeant que la société GTD ayant levé l'option "au prix de 174 290 euros qui correspond, selon elle, au prix calculé conformément à la formule convenue", elle était "en droit d'obtenir la constatation judiciaire de la perfection du contrat consécutive à la levée de l'option", quand elle constatait que le prix de cession des titres de la société C2G devait "être déterminé par l'expert conformément à la clause sur le prix" , "dans le cadre prévu à l'article 1592" du code civil, ce dont il résultait que la vente ne pouvait être considérée comme parfaite qu'à la date à laquelle le prix aurait été évalué par cet expert, la cour d'appel a violé les articles 1134 (désormais 1103), 1583 et 1592 du code civil. »
Réponse de la Cour
13. C'est à bon droit que l'arrêt, après avoir énoncé qu'une promesse unilatérale de vente se transforme en vente dès que le bénéficiaire manifeste, dans le délai imparti, sa volonté d'acquérir la chose aux conditions proposées, soit au moment où la levée régulière de l'option parvient au promettant, et relevé que l'option dont bénéficiait la société GTD avait été régulièrement levée à un prix correspondant, selon elle, au prix calculé conformément à la formule convenue au protocole, retient que, dès lors que les parties sont en désaccord sur ce point, seul le recours à l'expert permettra de compléter le contrat, déjà formé par la rencontre des volontés des parties, dès lors que le prix était déterminable dès le jour de la promesse, et en déduit que le contrat de cession des 13 % des actions de la société C2g a été valablement formé le 28 juin 2016, jour de la levée de l'option par la société GTD, sur un prix devant être déterminé par l'expert conformément au protocole.
14. Le moyen n'est donc pas fondé.




Civ.2 28 mai 2025 n° 23-24.031

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
FD


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 28 mai 2025



Cassation partielle

Mme MARTINEL, président


Arrêt n° 518 F-D

Pourvois n° G 23-20.477 S 23-20.485 W 23-24.031 JONCTION





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 MAI 2025

I. 1°/ M. [ZT] [TI], domicilié [Adresse 14],
2°/ M. [FK] [TI], domicilié [Adresse 13] (Mexique),
ont formé le pourvoi n° G 23-20.477 contre un arrêt rendu le 29 juin 2023 par la cour d'appel de Bordeaux (2e chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Le Viaduc, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 15],
2°/ à la société Arlem, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 16],
3°/ à la société Barconnière, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 40],
4°/ à la société Mutuelle du Mans assurances (MMA), société anonyme,
5°/ à la société Mutuelle du Mans assurances mutuelles, société anonyme,
ayant toutes deux leur siège [Adresse 6],
6°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 17],
défenderesses à la cassation.
II. 1°/ Mme [Y] [F], épouse [M], domiciliée [Adresse 8],
2°/ Mme [YD] [U], épouse [Z], domiciliée [Adresse 22],
3°/ M. [R] [L], domicilié [Adresse 3],
4°/ M. [BP] [N], domicilié [Adresse 7],
5°/ M. [ZT] [K], domicilié [Adresse 37],
6°/ Mme [P] [DV], domiciliée [Adresse 28],
7°/ Mme [E] [IP], domiciliée [Adresse 19],
8°/ Mme [HA] [KF], domiciliée [Adresse 25],
9°/ M. [NK] [LV], domicilié [Adresse 10],
10°/ Mme [A] [IT], domiciliée [Adresse 2], assistée de sa curatrice Mme [X] [T],
11°/ Mme [V] [LD], épouse [PA], domiciliée [Adresse 31],
12°/ la société d'assurances mutuelles Mutuelle assurance instituteur France (MAIF), dont le siège est [Adresse 9],
13°/ Mme [X] [T], domiciliée [Adresse 26], agissant en qualité de curatrice de Mme [A] [IT],
ont formé le pourvoi n° S 23-20.485 contre le même arrêt, dans le litige les opposant :
1°/ à la société Le Viaduc, société civile immobilière,
2°/ à la société Arlem, société par actions simplifiée,
3°/ à M. [SN] [YY], domicilié [Adresse 30],
4°/ à M. [Y] [WN], domicilié [Adresse 21],
5°/ à M. [O] [B], domicilié [Adresse 29],
6°/ à Mme [GF] [UY], domiciliée [Adresse 39],
7°/ à Mme [J] [H], divorcée [KI], domiciliée chez [Adresse 35],
8°/ à M. [R] [G], domicilié [Adresse 4],
9°/ à M. [HD] [DA], domicilié [Adresse 24],
10°/ à M. [AP] [EP], domicilié [Adresse 11],
11°/ à Mme [I] [XI], domiciliée [Adresse 38],
12°/ à Mme [AC] [RT], domiciliée [Adresse 20],
13°/ à M. [CF] [C],
14°/ à Mme [OF] [JK], épouse [C],
tous deux domiciliés [Adresse 34],
15°/ à Mme [S] [MT], domiciliée [Adresse 33],
16°/ à M. [ZT] [TI],
17°/ à M. [FK] [TI],
18°/ à l'association Phil Music prestations, association loi 1901, dont le siège est chez M. [PD] [UD], [Adresse 1],
19°/ à la société MAAF assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 36],
20°/ à la société Ouest aspiration, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 12],
21°/ à la société Barconnière, société par actions simplifiée,
22°/ à la société MMA IARD, société anonyme,
23°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles,
24°/ à la société Axa France IARD, société anonyme,
25°/ à M. [OI] [W], domicilié [Adresse 32],
26°/ à Mme [VT] [D] [W], domiciliée [Adresse 5],
27°/ à M. [PY] [W], domicilié [Adresse 23],
28°/ à Mme [HV] [HY], domiciliée [Adresse 18],
tous quatre pris en leur qualité d'ayants droit de [BK] et [MP] [W], décédés,
29°/ à M. [R] [LA], domicilié [Adresse 27], pris en qualité d'héritier de [HV] [LA], décédée,
défendeurs à la cassation.
III. M. [O] [B], domicilié [Adresse 29], a formé le pourvoi n° W 23-24.031 contre le même arrêt, dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Le Viaduc, société civile immobilière,
2°/ à la société Barconnière, société par actions simplifiée,
3°/ à la société MMA IARD, société anonyme,
4°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles,
5°/ à la société Arlem, société par actions simplifiée,
6°/ à la société Axa France IARD, société anonyme,
défenderesses à la cassation.
Les sociétés Barconnière, MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, défenderesses au pourvoi n° S 23-20.485 ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Les demandeurs au pourvoi n° G 23-20.477 invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen unique de cassation.
Les demandeurs au pourvoi principal n° S 23-20.485 invoquent, à l'appui de leur recours, deux moyens de cassation.
Les défendeurs au pourvoi incident n° S 23-20.485 invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen unique de cassation.
Le demandeur au pourvoi n° W 23-24.031, invoque à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de M. Ittah, conseiller référendaire, les observations de Me Balat, avocat de M. [B], de la SCP Richard, avocat de MM. [ZT] et [FK] [TI], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mmes [F], [U], de MM. [L], [N], [K], Mmes [DV], [IP], [KF], de M. [LV], de Mme [IT], assistée de sa curatrice Mme [X] [T], de Mme [LD], de la société MAIF et de Mme [T], agissant en qualité de curatrice de Mme [A] [IT], de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Axa France IARD, de la SARL Cabinet François Pinet, avocat des sociétés Barconnière, MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat des sociétés Le Viaduc et Arlem, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 avril 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Ittah, conseiller référendaire rapporteur, Mme Isola, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° G 23-20.477, S 23-20.485 et W 23-24.031 sont joints.
Désistement partiel
2. Il est donné acte à Mmes [F], [U], [DV], [IP], [KF], [LD] et [IT], cette dernière assistée de Mme [T] sa curatrice, à MM. [L], [N], [K], [LV] et à la société MAIF du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mmes [UY], [H], [XI], [RT], [JK], [MT], MM. [YY], [WN], [B], [G], [DA], [EP], [C], [ZT] [TI] et [FK] [TI], M. [OI] [W], M. [PY] [W], Mme [VT] [W], Mme [HY], ces quatre derniers en leur qualité d'ayants droit de [BK] [W] et [MP] [W], tous deux décédés, M. [LA] en qualité d'héritier de [HV] [LA], décédée, l'association Phil Music prestations et les sociétés Arlem, MAAF assurances, Ouest aspiration et Axa France IARD.
Faits et procédure
3. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 29 juin 2023), la société Le Viaduc (la SCI) a fait édifier sur un terrain lui appartenant un bâtiment qui a fait l'objet d'une première extension.
4. La SCI a donné à bail ces locaux à la société Arlem qui, sous l'enseigne de « Home Box », les a affectés à son activité de location de boxes de rangement.
5. Pour les besoins de la construction d'une seconde extension, la société Barconnière, en réalisant des travaux de soudure, a projeté des étincelles dans le bâtiment d'origine qui ont déclenché un incendie qui a détruit totalement les locaux.
6. La société Arlem et la SCI, ainsi que plusieurs des locataires de boxes, dont M. [B], ont assigné la société Barconnière et son assureur, la société Covea Risks, aux droits de laquelle viennent les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, devant un tribunal de grande instance, à fin d'indemnisation.
7. Ces mêmes locataires ont également assigné, aux mêmes fins, la société Arlem et son assureur, la société Axa France IARD.
8. Les sociétés MAIF et Filia MAIF, aux droits de laquelle vient la société MAIF (l'assureur) ainsi que Mmes [F], [Z], [DV], [IP], [KF], [PA] et [IT] et MM. [L], [N], [K] et [LV], ses assurés, sociétaires de la mutuelle (les sociétaires), qui avaient loué des boxes, ont procédé de même.
9. MM. [TI], qui avaient également loué des boxes, sont intervenus à l'instance à fin d'indemnisation.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi n° G 23-20.477 formé par MM. [TI], le moyen du pourvoi n° W 23-24.031 formé par M. [B], le moyen du pourvoi provoqué des sociétés Barconnière, MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, le premier moyen et le second moyen, pris en ses des deux premières branches, du pourvoi n° S 23-20.485 formé par la société MAIF et les sociétaires
10. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches, du pourvoi n° G 23-20.477, et sur le moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi n° W 23-24.031, qui sont irrecevables, et sur le moyen, pris en ses troisième, quatrième et cinquième branches, du pourvoi n° G 23-20.477, le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi n° W 23-24.031, le premier moyen et le second moyen, pris en ses deux premières branches, du pourvoi n° S 23-20.485, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen, pris en sa troisième branche du pourvoi n° S 23-20.485
Enoncé du moyen
11. La société MAIF et les sociétaires font grief à l'arrêt de les débouter de toutes leurs demandes à l'encontre des sociétés Barconnière, MMA IARD, MMA IARD assurances mutuelles et de la SCI, et rejeter les demandes au titre d'un préjudice moral de Mmes [F], [DV], [IP], [KF], [IT] et [PA], et MM. [L], [N], [K] et [LV], alors « que le juge ne peut rejeter une demande au seul motif de l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies, dès lors qu'il a constaté l'existence de la créance en son principe ; qu'en l'espèce, il est constant qu'un incendie a intégralement détruit les locaux divisés en box, servant à entreposer les biens appartenant aux sociétaires ; que la cour d'appel a par ailleurs constaté qu'étaient versées aux débats, "pour chaque sociétaire, outre la quittance subrogatoire, (?) les conditions générales de la Police Raqvam" ; qu'en rejetant néanmoins les demandes de l'assureur dirigées contre les responsables du sinistre et celles des sociétaires tendant à la prise en charge de la franchise prévue par le contrat d'assurance au motif qu'au vu des éléments versés aux débats, "la cour ne dispose d'aucun élément de nature à attester que le montant de l'indemnisation correspond à la valeur du mobilier qui avait été stocké dans les box, ni aucun autre élément que le rapport d'expertise permettant de chiffrer la valeur des biens détruits et notamment aucune facture ou attestation", la cour d'appel, qui a refusé d'évaluer un préjudice dont elle a constaté l'existence en son principe, a violé l'article 4 du code civil ».
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code civil :
12. Il résulte de ce texte que le juge ne peut refuser d'évaluer un dommage dont il constate l'existence dans son principe.
13. Pour débouter l'assureur et les sociétaires de toutes leurs demandes à l'encontre des sociétés Barconnière, MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles et de la SCI, l'arrêt énonce que l'assureur qui agit sur le fondement de la subrogation légale ou conventionnelle ne bénéficie pas de plus de droits que ceux dont l'assuré disposait.
14. Il constate que l'assureur verse aux débats une expertise amiable contradictoire mais ajoute que la demande de condamnation à une indemnisation formée à l'encontre du responsable du sinistre ne saurait reposer uniquement sur un tel rapport qui ne serait pas corroboré par d'autres éléments de preuve du préjudice des assurés.
15. L'arrêt relève que l'assureur communique également, pour chacun de ses assurés, la quittance subrogative et les conditions générales de la police « risques autres que les véhicules à moteurs (RAQVAM) » mais ne produit pas de conditions particulières mentionnant la valeur déclarée du mobilier entreposé dans les boxes.
16. Il énonce ensuite que la correspondance entre le montant de l'indemnisation versée par l'assureur aux sociétaires et la valeur du mobilier qui avait été stocké par ces derniers dans les boxes n'est pas établie, et qu'aucun autre élément que le rapport d'expertise amiable ne permet de chiffrer la valeur des biens détruits, en l'absence, notamment, de factures ou d'attestations.
17. Il retient, en conséquence, que nonobstant l'indemnisation de ses sociétaires à hauteur de la somme de 116 035,43 euros au total, l'assureur n'établit pas la réalité des préjudices qu'il a accepté de garantir à due concurrence.
18. En statuant ainsi, en refusant d'évaluer le montant d'un dommage dont elle avait constaté l'existence en son principe, puisque l'incendie qui avait détruit totalement les locaux et les meubles s'y trouvant était établi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.




Civ.1 28 mai 2025 n° 23-20.341 B

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CR12


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 28 mai 2025



Cassation partielle

Mme CHAMPALAUNE, président


Arrêt n° 365 F-B
Pourvoi n° K 23-20.341


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 28 MAI 2025
La société CSNSP 431, société anonyme de droit portugais, dont le siège est [Adresse 3] (Portugal), a formé le pourvoi n° K 23-20.341 contre l'arrêt rendu le 25 avril 2023 par la cour d'appel de Montpellier (chambre commerciale), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société GenSun, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à la société Avancis GmbH, société de droit allemand, dont le siège est [Adresse 2] (Allemagne),
défenderesses à la cassation.
La société GenSun a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Corneloup, conseiller, les observations de la SAS Hannotin Avocats, avocat de la société CSNSP 431, de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de la société GenSun, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Avancis GmbH, après débats en l'audience publique du 1er avril 2025 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Corneloup, conseiller rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 25 avril 2023), par contrat du 19 avril 2013, la société Neoen Services International a confié à la société française GenSun la conception et la construction d'une centrale photovoltaïque à Coruche (Portugal). Ce contrat a été cédé, le 31 mai 2013, par la société Neoen Services International à sa filiale portugaise, la société CSNSP 431 (la société CSNSP).
2. La société GenSun a acquis les panneaux photovoltaïques auprès de la société de droit allemand Avancis selon un contrat qui comportait une clause attributive de compétence aux juridictions de Leipzig et une clause de choix de la loi allemande.
3. Le 22 février 2018, en raison de défauts de fabrication des panneaux et d'insuffisance de performances de la centrale, la société CSNSP a assigné la société GenSun et la société Avancis en résolution de la vente conclue entre elle-même et la société GenSun ainsi que de la vente conclue entre les sociétés Avancis et GenSun, en condamnation de la société Avancis à payer à la société GenSun une certaine somme en restitution du prix et en condamnation de la société GenSun à lui payer cette même somme. À titre subsidiaire, la société CSNSP a invoqué la garantie contractuelle, consentie par la société Avancis aux acquéreurs et propriétaires de ces modules, et sollicité la condamnation de la société Avancis à lui payer une certaine somme à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi lié à la sous-performance des modules.
4. La société Avancis a soulevé une exception d'incompétence en faveur des juridictions allemandes.
Examen des moyens
Sur le premier moyen du pourvoi incident
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le second moyen du pourvoi incident
Enoncé du moyen
6. La société GenSun fait grief à l'arrêt de déclarer le tribunal de commerce de Montpellier incompétent pour connaître de ses demandes à l'égard de la société Avancis, alors « que les compétences dérivées énoncées à l'article 8 du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, dit Bruxelles I bis, permettent de déroger à la compétence de la juridiction désignée par une clause attributive de juridiction conformément à l'article 25 de ce même règlement lorsque les diverses demandes portées devant la juridiction du domicile de l'un des codéfendeurs sont indivisibles ; qu'après avoir constaté que la société de droit portugais CSNSP 431 avait attrait la société de droit allemand Avancis et la société de droit français Gensun devant le tribunal de commerce de Montpellier, où cette dernière société était domiciliée, que les demandes formées par la société GenSun à l'encontre de la société Avancis relevaient du champ d'application de l'article 8.1 du règlement Bruxelles I bis puisqu'elles étaient connexes aux prétentions émises par la société CSNSP 431, comme de celui de l'article 8.2 de ce même règlement puisqu'il s'agissait de demandes en garantie, la cour d'appel, pour exclure la compétence des juridictions françaises pour connaître des demandes formées par la société GenSun à l'encontre de la société Avancis, s'est néanmoins bornée à retenir que ces deux sociétés auraient été liées par une clause attributive de juridiction en faveur des tribunaux civils de Leipzig (Allemagne) stipulée conformément à l'article 25 du règlement Bruxelles I bis ; qu'en s'abstenant ainsi de rechercher, comme il lui était pourtant demandé, si l'ensemble des demandes formées par les diverses parties au litige n'étaient pas indivisibles, ce qui était de nature à fonder la compétence des juridictions françaises pour connaître de l'entier litige au titre des règles de compétences dérivées, nonobstant la clause attributive de juridiction, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 8 du règlement Bruxelles I bis. »
Réponse de la Cour
7. La Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que les conditions d'application de l'article 17 de la convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, devenu l'article 25 du règlement (UE) n° 2015/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 (règlement Bruxelles I bis), doivent être interprétées à la lumière de l'effet de la prorogation de compétence, qui est d'exclure tant la compétence déterminée par le principe général consacré par l'article 2 que les compétences spéciales des articles 5 et 6 de la convention, devenus respectivement les articles 4, 7 et 8 du règlement Bruxelles I bis (CJCE, arrêts du 14 décembre 1976, Estasis Salotti/Ruewa, 24/76, point 7, et Segoura/Bonakdarian, aff. 25/76, point 6 ; CJUE, arrêt du 21 mai 2015, CDC Hydrogen Peroxide, C-352/13, points 59 à 61).
8. Selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, une clause attributive de juridiction, valable au regard de l'article 25 du règlement Bruxelles I bis et qui désigne le tribunal d'un État membre, prime les compétences dérivées de l'article 8 de ce règlement, même en cas d'indivisibilité du litige ou d'interdépendance des contrats (1re Civ., 20 juin 2006, pourvoi n° 05-16.706, Bull. 2006, I, n° 314 ; 1re Civ., 14 mars 2018, pourvoi n° 16-28.302, Bull. 2018, I, n° 53).
9. Après avoir constaté que le devis du 5 mars 2013, signé par la société GenSun, portant sur la vente par la société Avancis à la société GenSun des modules destinés à équiper la centrale de Coruche au Portugal, se réfère expressément aux conditions générales de vente annexées au devis, dont l'article 11.2 stipule que « tous les litiges découlant du contrat seront exclusivement soumis aux tribunaux civils ordinaires de Leipzig, en Allemagne », et énoncé qu'il est constant que les demandes de la société GenSun contre la société Avancis sont connexes, au sens de l'article 8, point 1, du règlement Bruxelles I bis, aux prétentions émises par la société CSNSP et que la société GenSun forme également une demande en garantie, au sens de l'article 8, point 2, du règlement Bruxelles I bis, contre la société Avancis, l'arrêt retient, pour déclarer le juge français incompétent, que la compétence de la juridiction du domicile de l'un des défendeurs, établis sur le territoire d'États membres distincts, ne confère pas à cette juridiction la connaissance de la demande incidente ou de la demande en garantie qu'un défendeur peut être amené à formuler contre un autre défendeur à l'instance, quand bien même ces demandes seraient liées aux demandes principales, en présence d'une convention attributive de juridiction conforme aux dispositions de l'article 25 du règlement Bruxelles I bis.
10. En l'état de ces énonciations, constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'effectuer la recherche invoquée par le moyen, que ses constatations rendaient inopérante, a légalement justifié sa décision.
11. En l'absence de doute raisonnable, il n'y a pas lieu de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne.
Mais sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
12. La société CSNSP fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable l'action directe qu'elle avait formée à l'encontre de la société Avancis sauf au titre de la mise en oeuvre de la « garantie produits », garantie contractuelle insérée dans le contrat liant la société Avancis à la société GenSun, et de la débouter de ses demandes à l'encontre de la société Avancis en ce qu'elles sont fondées sur cette « garantie produits », alors « que l'action directe intentée par le sous-acquéreur d'un bien à l'encontre du vendeur initial relève, pour les besoins du droit international privé, de la matière délictuelle ; que la loi applicable à une telle action dépend donc du règlement n° 864/2007 du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles dit Rome II ; que, pour désigner comme loi applicable la loi allemande, la cour d'appel a énoncé que l'action du sous-acquéreur contre le vendeur originaire serait « nécessairement déterminée par référence à la loi applicable au contrat originaire », elle-même déterminée par application du règlement Rome I relatif aux obligations contractuelles ; qu'en statuant ainsi, cependant que l'action relevait de la matière délictuelle et donc du règlement Rome II, la cour d'appel a violé l'article 1er du règlement Rome II. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 3 du code civil, les articles 1er, 4 et 14 du règlement (CE) n° 864/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (règlement Rome II), et l'article 1er du règlement (CE) n° 593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (règlement Rome I) :
13. Il résulte du premier texte qu'il incombe au juge, devant qui l'application d'une loi étrangère est revendiquée par l'une des parties et contestée par l'autre, de restituer aux faits leur exacte qualification et de trancher le litige en application de la loi qui lui est applicable.
14. Selon leur article 1er, ces règlements s'appliquent, dans les situations comportant un conflit de lois, respectivement aux obligations non contractuelles et aux obligations contractuelles en matière civile et commerciale.
15. L'article 4 du règlement Rome II dispose :
« 1. Sauf dispositions contraires du présent règlement, la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d'un fait dommageable est celle du pays où le dommage survient, quel que soit le pays où le fait générateur du dommage se produit et quels que soient le ou les pays dans lesquels des conséquences indirectes de ce fait surviennent.
2. Toutefois, lorsque la personne dont la responsabilité est invoquée et la personne lésée ont leur résidence habituelle dans le même pays au moment de la survenance du dommage, la loi de ce pays s'applique.
3. S'il résulte de l'ensemble des circonstances que le fait dommageable présente des liens manifestement plus étroits avec un pays autre que celui visé aux paragraphes 1 ou 2, la loi de cet autre pays s'applique. Un lien manifestement plus étroit avec un autre pays pourrait se fonder, notamment, sur une relation préexistante entre les parties, telle qu'un contrat, présentant un lien étroit avec le fait dommageable en question. »
16. Selon l'article 14 du règlement Rome II, les parties peuvent choisir la loi applicable à l'obligation non contractuelle par un accord postérieur à la survenance du fait générateur du dommage ou, lorsqu'elles exercent toutes une activité commerciale, par un accord librement négocié avant la survenance du fait générateur du dommage.
17. Il découle du considérant 7 des règlements Rome II et Rome I que le législateur de l'Union a cherché à assurer une cohérence du champ d'application matériel et des dispositions de ces règlements, tant dans leurs rapports réciproques que par rapport au règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (règlement Bruxelles I).
18. La Cour de justice de l'Union européenne en a déduit une exigence de cohérence dans l'application des règlements, qui ne saurait toutefois conduire à donner aux dispositions d'un règlement une interprétation étrangère au système et aux objectifs de celui-ci (CJUE, arrêt du 16 janvier 2014, Kainz, C-45/13, point 20).
19. S'agissant de l'action que le sous-acquéreur d'une marchandise achetée auprès d'un vendeur intermédiaire engage contre le fabricant en vue d'obtenir la réparation du préjudice résultant de la non-conformité de la chose vendue, la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit qu'il n'existe aucun lien contractuel entre le sous-acquéreur et le fabricant, celui-ci n'ayant assumé aucune obligation de nature contractuelle envers le sous-acquéreur, et que l'article 5, point 1, de la convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (convention de Bruxelles) doit être interprété en ce sens qu'il ne s'applique pas à un litige opposant le sous-acquéreur d'une chose au fabricant, qui n' est pas le vendeur, en raison des défauts de la chose ou de l'impropriété de celle-ci à l' usage auquel elle est destinée (CJCE, arrêt du 17 juin 1992, Handte / TMCS, C-26/91, point 16 et dispositif).
20. Elle a également dit pour droit que, dès lors que le sous-acquéreur et le fabricant doivent être considérés, aux fins de l'application du règlement Bruxelles I, comme n'étant pas unis par un lien contractuel, il y a lieu d'en déduire qu'ils ne peuvent être considérés comme étant « convenus », au sens de l'article 23, paragraphe 1, de ce règlement, du tribunal désigné comme compétent dans le contrat initial conclu entre le fabricant et le premier acquéreur (CJUE, arrêt du 7 février 2013, Refcomp, C-543/10, point 33).
21. Il y a lieu de transposer la qualification d'obligation non contractuelle, ainsi retenue pour la détermination de la juridiction compétente, à celle de la loi applicable, de sorte que la loi applicable à l'action directe du sous-acquéreur contre le fabricant doit être déterminée en application du règlement Rome II.
22. Une clause de choix de la loi applicable, stipulée dans le contrat initial conclu entre le fabricant et le premier acquéreur, auquel le sous-acquéreur n'est pas partie, et à laquelle celui-ci n'a pas consenti, ne constitue pas un choix de la loi applicable à l'obligation non contractuelle, au sens de l'article 14, paragraphe 1er, de ce règlement.
23. La loi applicable à l'action de la société CSNSP contre la société Avancis doit, dès lors, être déterminée en application de son article 4.
24. Pour déclarer irrecevable l'action de la société CSNSP contre la société Avancis, sauf au titre de la mise en oeuvre de la « garantie produits », et pour la débouter de ses demandes sur ce dernier fondement, l'arrêt retient, d'abord, que, lorsque le sous-acquéreur prétend exercer une action directe contre le vendeur originaire, le régime juridique de cette action, qu'il s'agisse de sa recevabilité ou de son bien-fondé, est nécessairement déterminé par référence à la loi applicable au contrat initial conclu entre le vendeur originaire et le vendeur intermédiaire, le principe étant que dans une chaîne de contrats translatifs de propriété, le sous-acquéreur ne fait qu'exercer l'action dont dispose le vendeur intermédiaire à l'encontre de son propre cocontractant.
25. Il relève, ensuite, que conformément à l'article 3 du règlement Rome I, le contrat initial est régi, en vertu d'une clause de choix de loi figurant à l'article 11.1 des conditions générales de vente de la société Avancis, par la loi allemande, laquelle, dans une chaîne de contrats, ne permet pas, en principe, à l'acheteur final de revendiquer un droit contractuel à l'encontre du vendeur initial.
26. En statuant ainsi, alors qu'il lui incombait de déterminer la loi applicable à l'action directe du sous-acquéreur contre le fabricant en vertu de l'article 4 du règlement Rome II, la cour d'appel a violé les textes susvisés.




Civ.3 28 mai 2025 n° 23-18.520

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
CC


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 28 mai 2025



Rejet

M. BOYER, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 252 F-D
Pourvoi n° F 23-18.520


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 MAI 2025
1°/ la société Bolzoni associés et Cie - cabinet Arch'Int, société de droit monégasque,
2°/ la société Prestige Project, société de droit monégasque,
toutes deux ayant leur siège [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° F 23-18.520 contre l'arrêt rendu le 9 mars 2023 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-4), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Le Mirador, société civile immobilière, société de droit suisse, dont le siège est [Adresse 4] (Suisse),
2°/ à la société Les Rousses, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 3],
3°/ à la société Royal Estate and Financial Investments, société de droit luxembourgeois, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la société civile immobilière Guynemer Beausoleil,
défenderesses à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Foucher-Gros, conseiller, les observations de la SCP Duhamel, avocat des sociétés Bolzoni associés et Cie, et Prestige Project, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Le Mirador, après débats en l'audience publique du 1er avril 2025 où étaient présents M. Boyer, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Foucher-Gros, conseiller rapporteur, Mme Abgrall, conseiller faisant fonction de doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 9 mars 2023), suivant une promesse synallagmatique de cession de parts sociales du 16 juillet 2014, la société Le Mirador s'est engagée, sous diverses conditions suspensives devant être réalisées avant le 5 décembre 2014, à acquérir le capital des sociétés civiles immobilières Les Rousses et Guynemer beausoleil (la société Guynemer), détentrices d'un permis de construire sur des parcelles leur appartenant, l'acte authentique devant être signé avant le 15 décembre 2014.
2. Une autorisation a été donnée à la société Le Mirador de signer sans délai avec les sociétés Bolzoni associés et Cie (la société Bolzoni), en sa qualité de maître de l'ouvrage délégué, et Prestige Project, en sa qualité de représentant du maître de l'ouvrage, tout contrat de démarrer et exécuter les travaux nécessaires aux fins d'éviter la péremption du permis de construire.
3. Le 28 juillet 2014, un protocole était conclu entre les sociétés Le Mirador, Bolzoni, Prestige Project, et L'Archi-tecte, maître d'oeuvre, la société Le Mirador s'engageant à verser à la société Bolzoni la somme de 800 000 euros, au plus tard le 26 septembre 2014, à charge pour celle-ci de régler l'ensemble des intervenants ayant effectué des opérations sur le chantier jusqu'à cette date.
4. Le 8 août 2014, la société Le Mirador a conclu avec la société Bolzoni un contrat de maîtrise d'ouvrage délégué et une convention d'ordonnancement pilotage et de coordination de travaux OPC, et avec la société Prestige Project une convention de représentation du maître de l'ouvrage et une mission de représentant du maître de l'ouvrage pour une phase n° 2, chacun des contrats stipulant une clause résolutoire en cas de défaut de réitération par la société Le Mirador de la promesse de cession.
5. Le 15 décembre 2014, la société Le Mirador s'est prévalue de la clause résolutoire.
6. Soutenant que les sociétés Les Rousses, Guynemer et Le Mirador avaient la qualité de maître de l'ouvrage et s'étaient valablement engagées envers elles, et que la résiliation des contrats par la société Le Mirador était abusive, les sociétés Bolzoni et Prestige Project les ont assignées en paiement de diverses sommes.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
7. Les sociétés Bolzoni et Prestige Project font grief à l'arrêt de rejeter l'ensemble de leurs demandes, alors :
« 1°/ que les juges ne peuvent méconnaître l'objet du litige ; que la cour d'appel a retenu que les sociétés Bolzoni et Prestige Project demandaient qu'il soit dit et jugé que la résiliation, par la société Le Mirador, des contrats signés entre les parties les 8 et 11 août 2014 était abusive, en faisant valoir dans les motifs de leurs conclusions que le caractère abusif de la rupture était admis implicitement par un précédent arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 30 septembre 2021, rendu dans le cadre de la même opération de construction et à raison de la même clause résolutoire que celle insérée dans leurs contrats, ayant annulé une clause résolutoire considérée comme potestative, mais que les sociétés Bolzoni et Prestige Project ne formulant aucune demande concernant la validité des clauses de ces contrats dont, au contraire, elles revendiquaient l'application, la cour n'était pas saisie de la discussion de l'éventuel caractère potestatif de la clause résolutoire et de son éventuelle nullité, non « reprise dans le dispositif des écritures sous la forme d'une prétention » ; qu'en statuant ainsi, tandis que dans leurs conclusions d'appel, les sociétés Bolzoni et Prestige Project faisaient valoir que la société Le Mirador avait abusivement rompu les contrats liant les parties, en se prévalant d'une clause résolutoire qui y était insérée et qui revêtait un caractère potestatif, sans en revendiquer la nullité en résultant, que ce soit dans les motifs ou dans le dispositif de leurs conclusions, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
2°/ que les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi ; que les sociétés Bolzoni et Prestige Project demandaient qu'il soit dit et jugé que la résiliation des contrats signés entre les parties par la société Le Mirador était abusive, à raison d'une clause résolutoire en réalité nulle compte tenu de son caractère potestatif résultant de ce que cette clause était subordonnée à la seule absence de réitération, par la société Le Mirador, de la promesse de cession d'actions du 16 juillet 2014, sans que cette société n'ait à justifier de la cause de non-réitération ni à établir qu'elle résultait de la non-réalisation de l¿une des conditions suspensives par un motif n'étant pas de son fait ; que la cour d'appel a considéré que les sociétés Bolzoni et Prestige Project ne formulaient aucune demande concernant la validité des clauses des contrats des 8 et 11 août 2014 dont, au contraire, elles revendiquaient l'application et qu'elle n'était donc pas saisie de la discussion de l'éventuel caractère potestatif de la clause résolutoire et de son éventuelle nullité développée dans le corps des conclusions mais non reprise dans le dispositif de ses écritures ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée par les conclusions des sociétés Bolzoni et Prestige Project, si le caractère potestatif de la clause résolutoire dont la société Le Mirador s'était prévalue pour résilier les contrats liant les parties conférait à cette résiliation un caractère abusif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 ancien devenu les articles 1103 et 1104 du code civil ;
3°/ qu' en toute hypothèse la clause résolutoire ne saurait être invoquée pour s'extraire indûment d'un contrat ; que la cour d'appel a constaté, d'une part, que les conventions conclues les 8 et 11 août 2014 entre la société Mirador et les sociétés Bolzoni et Prestige Project stipulaient une clause résolutoire prévoyant que ces conventions seraient résolues si la société Mirador ne réitérait pas la promesse de cession d'actions par ailleurs conclue avec les sociétés Immo Royal Partner et Royal Estate and Financial Investments et que seules les sommes prévues au protocole conclu le 28 juillet 2014 entre les sociétés Bolzoni et Prestige Project et la société Mirador seraient dues par celle-ci, et, d'autre part, que le 5 décembre 2014 la société Le Mirador avait notifié aux sociétés Royal Estate and Financial Investments et Immo Royal Partner que, faute de réalisation des conditions suspensives prévues dans la promesse de cession d'actions du 16 juillet 2014, celle-ci était caduque, de sorte qu'en l'absence de réitération de cette promesse de cession d'actions, la société Mirador avait à bon droit appliqué la clause résolutoire prévue par les actes du 8 et 11 août 2010 ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si le caractère abusif de la rupture résultait de ce que la clause résolutoire avait été mise en oeuvre en l'absence d'une quelconque faute des sociétés Bolzoni et Prestige Project et à raison de circonstances ¿ la réalisation des conditions suspensives prévues dans la promesse de cession d'actions ¿ qui leur étaient totalement étrangères et sur lesquelles elles n'avaient aucun contrôle, tandis que le protocole d'accord du 28 juillet 2014 témoignait de ce que les parties entendaient mener à son terme l'intégralité de l'opération de construire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 ancien, devenu les articles 1103 et 1104 du code civil. »
Réponse de la Cour
8. La cour d'appel, qui a constaté que les contrats conclus par la société Le Mirador avec les sociétés Bolzoni et Prestige Project comportaient une clause résolutoire en cas de défaut de réitération de la promesse de cession d'actions consentie à la première par les deux sociétés civiles immobilières Les Rousses et Guynemer, a relevé, sans modifier l'objet du litige ni être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que les secondes ne formulaient, dans le dispositif de leurs conclusions, aucune demande se rapportant à la validité de ces clauses, revendiquant au contraire l'application desdits contrats.
9. Ayant relevé que l'une des conditions suspensives de la promesse de cession d'actions n'était pas réalisée le 5 décembre 2014 et qu'aucune réitération de cette promesse n'était intervenue à cette date, elle en a déduit, sans être tenue de procéder à une recherche sur une éventuelle absence de faute des deux sociétés, que ses constatations rendaient inopérante, que la condition résolutoire prévue aux conventions devait recevoir application.
10. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision.




Civ.2 28 mai 2025 n° 24-60.222 B

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2 / EXPTS
CH10


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 28 mai 2025



Rejet

Mme MARTINEL, président


Arrêt n° 535 F-B
Recours n° E 24-60.222





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 MAI 2025

Mme [G] [U], domiciliée [Adresse 1], a formé le recours n° E 24-60.222 en annulation d'une décision rendue le 4 novembre 2024 par l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel de Bastia.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Chauve, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, avocat de Mme [U], et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 avril 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, Mme Chauve, conseiller rapporteur, Mme Isola, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Mme [U] a sollicité sa réinscription sur la liste des experts judiciaires de la cour d'appel de Bastia dans la spécialité interprétariat en langue portugaise.
2. Par une décision du 4 novembre 2024, contre laquelle Mme [U] a formé un recours, l'assemblée générale des magistrats du siège de cette cour d'appel a rejeté sa demande au motif qu'aux termes de l'article 237 du code de procédure civile, le technicien commis doit accomplir sa mission avec conscience, objectivité et impartialité, qu'il a pu être constaté que Mme [U] avait exprimé sa désapprobation suite aux réquisitions du procureur lors d'un débat devant le juge des libertés et de la détention, qu'une rupture de confiance s'est installée depuis avec les magistrats du ressort conduisant à ce que celle-ci soit moins nommée. Elle en conclut que la condition d'impartialité de l'expert fondamentale à l'exercice de sa mission n'est pas remplie.
Examen des griefs
Exposé du premier grief
3. Mme [U] fait valoir qu'elle n'est pas en mesure de vérifier la régularité de la composition de l'assemblée générale du 4 novembre 2024 ni de celle de la commission de réinscription.
Réponse de la Cour
4. L'article 2, II, de la loi n° 71-498 du 29 juin 1971 institue une commission en vue d'émettre un avis sur la candidature d'un expert qui sollicite sa réinscription.
5. L'article 12 du décret n° 2004-1463 du 23 décembre 2004 précise la composition de cette commission.
6. Enfin, l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel statuant sur une demande de réinscription est composée selon les modalités prévues à l'article 8 du décret du 23 novembre 2004.
7. La commission de réinscription et l'assemblée générale étant présumées s'être tenues selon les règles fixées par ces textes, il appartient à l'expert d'apporter la preuve contraire.
8. Mme [U] ne justifie pas d'irrégularités affectant la composition de la commission de réinscription et de l'assemblée générale.
9. Le grief ne peut, dès lors, être accueilli.
Exposé du deuxième grief
10. Mme [U] fait valoir que le principe de la contradiction n'a pas été respecté dans la mesure où ses observations n'ont été entendues que postérieurement à l'avis défavorable émis par ladite commission, qu'elle n'a pas été entendue devant l'assemblée générale, qu'elle n'a pas pu avoir accès à son dossier et que l'avis défavorable était entaché d'un défaut d'impartialité en ce que le magistrat à l'origine de la plainte siégeait dans la commission de réinscription.
Réponse de la Cour
11. Il résulte de l'article 14 du décret n° 2004-1463 du 23 décembre 2004 que la commission de réinscription n'est pas tenue d'entendre le candidat à la réinscription préalablement à l'émission de son avis sur les mérites de sa candidature, cette audition pouvant valablement être faite postérieurement, par un membre de la commission ou le rapporteur désigné par le premier président de la cour d'appel.
12. L'article 15, alinéa 2, de ce décret prohibe la participation des magistrats de la cour d'appel membres de la commission à la délibération de l'assemblée générale portant sur la réinscription des experts.
13. Il résulte du procès-verbal de l'assemblée générale du 4 novembre 2024 que la magistrate dont il était allégué qu'elle avait donné l'information sur le défaut d'impartialité de l'expert n'a pas participé à la délibération.
14. Le grief ne peut, dès lors, être accueilli.
Exposé des troisième et quatrième griefs
15. Mme [U] fait valoir que l'assemblée générale a commis une erreur manifeste d'appréciation en lui reprochant d'avoir exprimé une désapprobation lors d'un débat devant le juge des libertés et de la détention et que le motif du rejet n'est pas étayé.
Réponse de la Cour
16. C'est par des motifs exempts d'erreur manifeste d'appréciation que l'assemblée générale, qui a mis en mesure Mme [U] de connaître les raisons pour lesquelles sa demande a été rejetée, a décidé de ne pas la réinscrire sur la liste des experts judiciaires de la cour d'appel dans la rubrique interprétariat en langue portugaise.
17. Les griefs ne peuvent, dès lors, être accueillis.




Soc. 28 mai 2025 n° 25-40.006 B

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
COUR DE CASSATION


AJ1

______________________
QUESTION PRIORITAIRE de CONSTITUTIONNALITÉ ______________________




Arrêt du 28 mai 2025



IRRECEVABILITÉ

M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 698 FS-B
Affaire n° B 25-40.006






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 MAI 2025
Le conseil de prud'hommes de Béthune (section encadrement) a transmis à la Cour de cassation, suite au jugement rendu le 21 février 2025, la question prioritaire de constitutionnalité, reçue le 3 mars 2025, dans l'instance mettant en cause :
D'une part,
la société Lidl, société en nom collectif, dont le siège est [Adresse 2],


D'autre part,
Mme [K] [J], domiciliée [Adresse 1],
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, et l'avis de Mme Molina, avocat général, après débats en l'audience publique du 27 mai 2025 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, M. Flores, Mmes Deltort, Le Quellec, conseillers, Mmes Laplume, Rodrigues, Segond, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Mme [J] a été engagée en qualité de caissière employée libre-service par la société Lidl à compter du 3 juillet 1995. Au dernier état de la relation contractuelle, elle exerçait les fonctions de chef de magasin.
2. Victime d'un accident du travail, la salariée a été placée en arrêt de travail à compter du 2 décembre 2016 puis, en raison d'une rechute, du 13 mars 2017 au 23 janvier 2023.
3. La salariée a été licenciée pour inaptitude d'origine professionnelle et impossibilité de reclassement le 16 février 2023.
4. Elle a saisi la juridiction prud'homale afin, notamment, de solliciter la condamnation de son employeur à lui payer des rappels de salaire au titre des congés payés dus pendant son arrêt de travail pour la période du 13 mars 2018 au 23 janvier 2023.
Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité
5. Par jugement du 21 février 2025, le conseil de prud'hommes de Béthune a transmis une question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée : « les dispositions de l'article 37 de la loi n° 2024-364 du 22 avril 2024 et les arrêts du 13 septembre 2023 de la Cour de cassation sous les pourvois n° 22-17.340 à 22-17.342, 22-17.638, 22-10.529 et 22-11.106 portant sur le régime des congés payés sont contraires aux dispositions des articles 2,4,15 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République et de l'article 3 de la Constitution de 1958. »
Examen de la question prioritaire de constitutionnalité
6. L'article 37 de la loi n° 2024-364 du 22 avril 2024, portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union en matière d'économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal et en matière agricole, a modifié l'article L. 3141-5, 5°, du code du travail, qui dispose désormais que sont considérées comme périodes de travail effectif pour la détermination de la durée du congé les périodes pendant lesquelles l'exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d'accident du travail ou de maladie professionnelle.
7. Contrairement à d'autres dispositions de mise en conformité du droit des congés payés au droit de l'Union européenne de l'article 37 de la loi du 22 avril 2024, cette modification législative n'a pas d'effet rétroactif.
8. La demande en paiement de la salariée d'un rappel de salaire au titre des congés payés dont elle n'a pu bénéficier pendant son arrêt de travail en lien avec une rechute d'accident du travail portant sur la période du 13 mars 2018 au 23 janvier 2023, les dispositions précitées de l'article 37 de la loi n° 2024-364 du 22 avril 2024 ne sont pas applicables au litige.
9. Par ailleurs, si tout justiciable a le droit de contester la constitutionnalité de la portée effective qu'une interprétation jurisprudentielle constante confère à une disposition législative, sous la réserve que cette jurisprudence ait été soumise à la Cour suprême compétente, il n'existe pas, en l'état, d'interprétation jurisprudentielle constante relative à l'article 37 de la loi n° 2024-364 du 22 avril 2024, les jurisprudences visées par la question ne portant pas sur cette disposition législative.
10. La question prioritaire de constitutionnalité n'est donc pas recevable.




Civ.2 28 mai 2025 n° 24-11.006 B

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CH10


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 28 mai 2025



Cassation partielle

Mme MARTINEL, président


Arrêt n° 521 F-B
Pourvoi n° J 24-11.006





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 MAI 2025
La société [V] [I], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 24-11.006 contre l'arrêt rendu le 29 novembre 2023 par la cour d'appel de Rennes (5e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Assurances du crédit mutuel - IARD, société anonyme,
2°/ à la société Groupe des assurances du crédit mutuel, société anonyme,
ayant tous deux leur siège [Adresse 2],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Brouzes, conseiller référendaire, les observations écrites et orales de la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de la société [V] [I], celles de la SAS Boucard-Capron-Maman, avocat de la société Assurances du crédit mutuel - IARD et de la société Groupe des assurances du crédit mutuel, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 avril 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, Mme Brouzes, conseiller référendaire rapporteur, Mme Isola, conseiller, Mme Nicolétis, avocat général, et Mme Cathala, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 29 novembre 2023), la société [V] [I] (l'assurée), exploitante d'un fonds de commerce de débit de boissons et de restauration, a souscrit auprès de la société Assurances du crédit mutuel IARD (l'assureur) un contrat d'assurance multirisque professionnelle dénommé « Acajou Signature ».
2. A la suite d'un arrêté publié au Journal officiel le 15 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19, qui a édicté notamment l'interdiction pour les restaurants d'accueillir du public du 15 mars 2020 au 15 avril 2020, prorogée jusqu'au 2 juin 2020 par décret du 14 avril 2020, l'assurée a effectué une déclaration de sinistre auprès de l'assureur, qui a refusé de garantir le sinistre.
3. L'assurée a assigné l'assureur en indemnisation de ses pertes d'exploitation devant un tribunal de commerce.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. L'assurée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes dirigées contre l'assureur relatives à la mobilisation de la garantie perte d'exploitation et d'expertise, alors « que l'article 17.1 des conditions générales du contrat d'assurance souscrit par l'assurée stipule que l'assureur garantit les pertes pécuniaires subies du fait de « l'interruption ou de la réduction » de l'activité de l'assuré résultant « d'une mesure d'interdiction d'accès émanant des autorités administratives ou judiciaires, prises à la suite d'un événement extérieur à [son] activité et aux locaux dans lesquels [il] l'exerce » ; que cette clause ne soumet ainsi nullement la garantie qu'elle prévoit à la condition que la mesure d'interdiction d'accès édictée soit absolue à l'égard de toute personne et entraîne une impossibilité totale d'accéder aux locaux ; qu'en jugeant toutefois que cette interdiction d'accès signifiait « une défense absolue pour quiconque de pénétrer dans les locaux » et supposait « une impossibilité totale et matérielle d'accéder aux locaux », et en en déduisant que la clause ne permettait pas une couverture des pertes subies du fait des dispositions prises pour faire face à l'épidémie de covid-19, qui n'édictaient que des mesures de restriction d'accès aux restaurants, limitées à la clientèle, la cour d'appel a dénaturé les termes de l'article 17.1 des conditions générales du contrat d'assurance souscrit par l'assurée, en violation de l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
5. L'assureur conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que la critique est nouvelle et contraire à la thèse développée en appel par l'assurée.
6. Cependant, d'une part, le moyen, tiré de la dénaturation du contrat d'assurance, est né de la décision attaquée.
7. D'autre part, le moyen n'est pas contraire à la thèse soutenue devant les juges du fond, l'assurée ayant fait valoir, devant la cour d'appel, que la clause litigieuse était claire et non sujette à interprétation.
8. Le moyen est, dès lors, recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :
9. Pour dire que l'assureur n'est pas tenu à garantie, l'arrêt expose que la clause 17.1 est claire et ne requiert pas interprétation. Il estime que l'interdiction d'accès, non définie par le contrat, doit se comprendre comme une défense absolue pour quiconque de pénétrer dans les locaux.
10. Il ajoute que les mesures gouvernementales de lutte contre le Covid-19 ont édicté des restrictions d'accès aux restaurants limitées à la clientèle en autorisant les activités de livraison et de vente à emporter, sans avoir pour effet de rendre les locaux inaccessibles dès lors que les restaurants sont demeurés accessibles aux exploitants ou aux salariés, voire aux fournisseurs et que, sous certaines conditions, les clients ont pu venir chercher des commandes et même s'installer dans les établissements entre deux mesures gouvernementales sanitaires.
11. Il énonce que la notion de restriction d'accueil est différente de la notion d'interdiction d'accès, qui suppose une impossibilité totale et matérielle d'accéder aux locaux non caractérisée en l'espèce, et retient que le fait que l'assurée n'ait pas pu ou voulu faire de la vente à emporter pour s'adapter à la situation relève de sa décision et concerne son activité et ses difficultés d'exploitation, et non l'interdiction d'accès aux locaux.
12. En statuant ainsi, alors que le contrat d'assurance prévoit que sont garanties les pertes subies du fait de l'interruption ou de la réduction de l'activité de l'assuré résultant d'une mesure d'interdiction d'accès émanant des autorités administratives ou judiciaires, sans exiger une impossibilité totale et matérielle d'accéder aux locaux, la cour d'appel, qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a violé le principe susvisé.
Mise hors de cause
13. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause, à sa demande, la société Groupe des assurances du crédit mutuel, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.




Com. 28 mai 2025 n° 24-14.148 B

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
MB


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 28 mai 2025



Cassation sans renvoi

M. VIGNEAU, président


Arrêt n° 288 F-B
Pourvoi n° Z 24-14.148






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 28 MAI 2025
La société Vet'amazones, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° Z 24-14.148 contre l'arrêt rendu le 15 février 2024 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre civile), dans le litige l'opposant à Mme [X] [U], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ducloz, conseiller, les observations de la SCP Poupet & Kacenelenbogen, avocat de la société Vet'amazones, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme [U], après débats en l'audience publique du 1er avril 2025 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Ducloz, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, et M. Doyen, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt sur compétence attaqué (Montpellier, 15 février 2024), la société à responsabilité limitée Vet'amazones, qui a une activité de vétérinaire, a pour associées Mmes [U] et [R].
2. Mme [U] a été révoquée de ses fonctions de co-gérante.
3. Soutenant que cette révocation était abusive, Mme [U] a assigné la société Vet'amazones devant un tribunal judiciaire en paiement de dommages et intérêts en réparation de son préjudice. La société Vet'amazones a soulevé l'incompétence matérielle du tribunal judiciaire au profit du tribunal de commerce.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. La société Vet'amazones fait grief à l'arrêt de dire le tribunal judiciaire compétent, alors « que le tribunal de commerce est exclusivement compétent pour connaître de la contestation de la révocation de son mandat de gérant soulevée par l'associé d'une société à responsabilité limitée à l'encontre de celle-ci ; qu'en affirmant au contraire, pour rejeter l'exception d'incompétence soulevée par la société Vet'amazones au profit du tribunal de commerce de Rodez, que le tribunal judiciaire était compétent pour statuer sur une telle contestation compte tenu de la nature principalement civile de la profession de vétérinaire exercée par cette société même sous la forme commerciale, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article L. 721-3, 2°, du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 721-3, 2°, et L. 210-1 du code de commerce :
5. Selon le premier de ces textes, les tribunaux de commerce connaissent des contestations relatives aux sociétés commerciales. Selon le second, une société à responsabilité limitée est une société commerciale à raison de sa forme, quel que soit son objet.
6. Il résulte de la combinaison de ces textes qu'une contestation relative à une société à responsabilité limitée relève de la compétence exclusive des tribunaux de commerce.
7. Il n'est dérogé à cette compétence exclusive que dans l'hypothèse où ces contestations mettent en cause une personne non commerçante qui est extérieure au pacte social et n'appartient pas aux organes de la société, auquel cas cette personne dispose du choix de saisir le tribunal civil ou le tribunal de commerce, ou mettent en cause une société à responsabilité limitée constituée pour l'exercice d'une profession libérale réglementée, auquel cas ces contestations relèvent, en application de l'article L. 721-5 du code de commerce, de la compétence des seuls tribunaux civils.
8. Pour déclarer le tribunal judiciaire compétent, l'arrêt, après avoir relevé que Mme [U], associée de la SARL Vet'amazones, contestait la révocation de son mandat de gérante de cette société, retient que cette dernière, qui exerce une activité de vétérinaire, ne saurait être considérée comme exerçant à titre principal une activité commerciale dans la mesure où les règles gouvernant la profession de vétérinaire rattachent cette dernière à une activité civile et non commerciale. L'arrêt ajoute que Mme [U], vétérinaire, n'est pas commerçante et en déduit qu'elle dispose d'un droit d'option entre la juridiction civile et la juridiction commerciale.
9. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le litige, qui opposait l'associée de la SARL Vet'amazones à cette société, laquelle était constituée sous la forme d'une société commerciale et non sous la forme d'une société d'exercice libéral régie par les dispositions de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990, alors applicable, et qui était relatif à la révocation des fonctions de gérante de cette associée, portait sur une contestation relative à une société commerciale et relevait, en conséquence, de la compétence exclusive du tribunal de commerce, peu important que la société ait une activité civile et que la demanderesse à l'action n'ait pas la qualité de commerçant, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ces constatations, a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
10. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
11. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
12. Il résulte de ce qui précède que le litige opposant Mme [U] à la SARL Vet'amazones, qui a son siège social à [Localité 2] (Aveyron), et qui concerne la révocation de ses fonctions de gérante de cette société, porte sur une contestation relative à une société commerciale et, qu'en conséquence, le tribunal de commerce de Rodez est compétent pour en connaître.




Civ.2 28 mai 2025 n° 24-15.115

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CH10


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 28 mai 2025



Cassation partielle

Mme MARTINEL, président


Arrêt n° 522 F-D
Pourvoi n° A 24-15.115



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 MAI 2025
La Société anonyme de défense et d'assurance, société anonyme à directoire et conseil de surveillance, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° A 24-15.115 contre l'arrêt rendu le 14 mars 2024 par la cour d'appel de Versailles (chambre commerciale 3-1), dans le litige l'opposant à la société Magic Form Plaisir, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Brouzes, conseiller référendaire, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de la Société anonyme de défense et d'assurance, de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société Magic Form Plaisir, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 avril 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, Mme Brouzes, conseiller référendaire rapporteur, Mme Isola, conseiller, et Mme Cathala, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 14 mars 2024), la société Magic form plaisir (l'assurée), exploitante d'une salle de sport, a souscrit auprès de la Société anonyme de défense et d'assurance (l'assureur), un contrat d'assurance « multirisque professionnelle » incluant une garantie « perte d'exploitation après fermeture administrative ».
2. Un arrêté publié au Journal officiel le 15 mars 2020, portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19, a notamment édicté, pour les établissements relevant de certaines catégories, l'interdiction d'accueillir du public du 15 mars 2020 au 15 avril 2020, prorogée jusqu'au 2 juin 2020 par un décret du 14 avril 2020.
3. Soutenant avoir subi des pertes d'exploitation du fait de cette interdiction, l'assurée a effectué auprès de l'assureur une première déclaration de sinistre le 14 avril 2020 au titre du premier confinement, puis une seconde le 6 novembre 2020 au titre du second confinement.
4. L'assureur ayant refusé sa garantie, l'assurée l'a assigné devant un tribunal de commerce.
Examen des moyens
Sur le second moyen
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. L'assureur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à l'assurée la somme de 266 836 euros, sous déduction de la franchise contractuelle, et de dire que les intérêts au taux légal sur cette somme couraient à compter du 20 mai 2020, alors « que les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure ; que les intérêts moratoires au taux légal ne peuvent courir que sur une créance exigible ; qu'il résulte des motifs de l'arrêt attaqué que la somme de 266 836 euros que l'assureur a été condamné à payer, sous déduction de la franchise contractuelle, correspond à la prise en charge de pertes d'exploitation subies par l'assurée du 15 mars au 17 octobre 2020, au titre du premier sinistre, puis du 18 octobre 2020 au 17 octobre 2021, au titre du second sinistre ; qu'en fixant au 20 mai 2020 le point de départ des intérêts légaux sur l'intégralité de ladite somme de 266 836 euros, quand cette somme incluait des pertes d'exploitation survenues après cette dernière date, et quand ces pertes d'exploitation ultérieures, subies du 21 mai 2020 au 17 octobre 2021 par l'assurée, n'étaient pas encore réparables, et n'étaient donc pas encore susceptibles de donner lieu au versement d'une indemnité d'assurance au 20 mai 2020, la cour d'appel a violé l'article 1231-6 du code civil. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
7. L'assurée conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que la critique est nouvelle.
8. Cependant, le moyen, qui ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations des juges du fond, est de pur droit.
9. Le moyen est, dès lors, recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l'article 1231-6 du code civil :
10. Il résulte de ce texte que la prestation due par l'assureur en vertu des engagements qu'il a conventionnellement consentis produit des intérêts au taux légal à compter du jour de la sommation de payer ou d'un autre acte équivalent.
11. Pour dire que la somme mise à la charge de l'assureur portera intérêts à compter du 20 mai 2020, l'arrêt, après avoir jugé que l'assurée a connu deux sinistres successifs résultant de la fermeture de sa salle de sport en raison de la décision d'interdiction d'ouverture au public prise par les autorités le 14 mars 2020 et renouvelée jusqu'au 20 juin 2020, puis de celle prise le 18 octobre 2020 et renouvelée jusqu'au 9 juin 2021, constate qu'à la date du 20 mai 2020, l'assurée a mis en demeure l'assureur de l'indemniser de sa perte d'exploitation.
12. En statuant ainsi, alors que la mise en demeure du 20 mai 2020 ne portait que sur la garantie du premier sinistre déclaré le 14 avril 2020 et non sur celle du second sinistre déclaré le 6 novembre 2020, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
13. La cassation prononcée n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'assureur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause.




Com. 28 mai 2025 n° 24-13.435

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
HM


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 28 mai 2025



Cassation

M. VIGNEAU, président


Arrêt n° 297 F-D
Pourvoi n° Z 24-13.435



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 28 MAI 2025
La société La Bastide de [Adresse 4], société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 4], [Adresse 5], [Localité 1], a formé le pourvoi n° Z 24-13.435 contre l'arrêt rendu le 1er février 2024 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-9), dans le litige l'opposant à M. [G] [O], domicilié [Adresse 2], [Localité 3], agissant en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Chantier naval de Rovere et compagnie, défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lefeuvre, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société La Bastide de [Adresse 4], après débats en l'audience publique du 1er avril 2025 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Lefeuvre, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, et M. Doyen, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 1er février 2024), le 19 décembre 1996, MM. [B], [D] et [W] [Y] (les consorts [Y]) ont signé les statuts de la société civile immobilière la Bastide de [Adresse 4] (la SCI).
2. Par un acte du 23 décembre 1996, l'association Union des mutuelles d'Aix-en-Provence a vendu un immeuble à la SCI, cette dernière étant mentionnée à l'acte comme une « société en cours d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés de Salon de Provence, accomplissant cet acte dans le cadre des dispositions de l'article 1843 du code civil ».
3. Le 9 août 2007, la SCI a déposé ses statuts au registre du commerce et des sociétés.
4. Par un jugement devenu irrévocable du 16 novembre 2009, M. [B] [Y] a été condamné à payer une certaine somme à la société Chantier naval de Rovere et compagnie, représentée par M. [O], mandataire judiciaire.
5. Le 7 janvier 2010, M. [O], ès qualités, a, en vertu de cette décision, fait inscrire une hypothèque judiciaire sur le bien immobilier.
6. Soutenant que ce bien lui appartenait, la SCI a assigné M. [O], ès qualités, aux fins de voir ordonner la radiation de l'hypothèque judiciaire.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
7. La SCI fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement, de rejeter l'ensemble de ses demandes, de la condamner à faire procéder à la radiation aux hypothèques de l'acte du 16 novembre 2020, et de dire que, passé le délai d'un mois à compter de la signification du jugement, cette obligation serait assortie d'une astreinte provisoire, alors « que les personnes qui ont agi au nom d'une société en formation avant l'immatriculation sont tenues des obligations nées des actes ainsi accomplis, avec solidarité si la société est commerciale, sans solidarité dans les autres cas, à moins que la société, après avoir été régulièrement immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits, qui sont alors réputés avoir été dès l'origine contractés par celle-ci ; qu'en retenant, pour annuler l'acte de vente litigieux, qu'il "stipule qu'il est passé entre l'association Union des Mutuelles d'Aix-en-Provence et ¿la société dénommée La Bastide de [Adresse 4], Société Civile Immobilière [...] société en cours d'immatriculation au RCS'", et qu' "il est donc établi que l'acte a été conclu par la société, à une époque où elle n'avait pas la personnalité morale puisqu'elle n'a été immatriculée que le 9 août 2007, et non à son nom et pour son compte par les consorts [Y]", sans rechercher, comme elle y était invitée, s'il ne résultait pas de l'ensemble des circonstances et notamment des mentions de l'acte de vente que, nonobstant une rédaction défectueuse, la commune intention des consorts [Y] d'un côté, et du vendeur de l'autre, était que l'acte fût passé au nom ou pour le compte de la SCI La Bastide de [Adresse 4] en formation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1842 et 1843 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1843 du code civil :
8. Aux termes de ce texte, les personnes qui ont agi au nom d'une société en formation avant l'immatriculation sont tenues des obligations nées des actes ainsi accomplis, avec solidarité si la société est commerciale, sans solidarité dans les autres cas. La société régulièrement immatriculée peut reprendre les engagements souscrits, qui sont alors réputés avoir été dès l'origine contractés par celle-ci.
9. Il appartient au juge d'apprécier souverainement, par un examen de l'ensemble des circonstances, tant intrinsèques à l'acte qu'extrinsèques, si la commune intention des parties n'était pas que l'acte fût conclu au nom ou pour le compte de la société en formation.
10. Pour rejeter la demande de la SCI tendant à voir radier l'hypothèque judiciaire effectuée par M. [O], ès qualités, sur le bien immobilier et condamner celle-ci à faire procéder à la radiation aux hypothèques de l'acte du 16 novembre 2020, l'arrêt, après avoir relevé que l'acte de vente du 23 décembre 1996 stipulait qu'il était conclu par « la société dénommée La Bastide de [Adresse 4], société civile immobilière, [...] société en cours d'immatriculation au RCS », retient que cet acte a été conclu par la SCI à une époque où elle n'avait pas la personnalité morale, et non en son nom et pour son compte par les consorts [Y], ce dont il déduit qu'il est entaché de nullité.
11. En se déterminant ainsi, sans rechercher s'il ne résultait pas, non seulement des mentions de l'acte du 23 décembre 1996, mais aussi de l'ensemble des circonstances que, nonobstant une rédaction défectueuse, la commune intention des parties n'était pas que cet acte fût passé au nom ou pour le compte de la SCI en formation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.




Com. 28 mai 2025 n° 21-16.632 B

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
MB


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 28 mai 2025



Cassation

M. VIGNEAU, président


Arrêt n° 407 F-B
Pourvoi n° N 21-16.632




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 28 MAI 2025
Le directeur régional des finances publiques d'[Localité 3], domicilié [Adresse 5], agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, a formé le pourvoi n° N 21-16.632 contre l'arrêt rendu le 15 février 2021 par la cour d'appel de Toulouse (1re chambre, section 1), dans le litige l'opposant à Mme [K] [O] [S], domiciliée [Adresse 2], prise en qualité de légataire universel de [V] [T], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Maigret, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur régional des finances publiques d'[Localité 3], agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, de la SCP Le Guerer, Bouniol-Brochier, Lassalle-Byhet, avocat de Mme [S], prise en qualité de légataire universel de [V] [T], et l'avis de M. Bonthoux, avocat général, après débats en l'audience publique du 27 mai 2025 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Maigret, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, et M. Doyen, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 15 février 2021), [N] [T] est décédée le [Date décès 1] 2014 en l'état d'un testament instituant son frère, [V] [T], légataire universel.
2. La déclaration de succession a été déposée le 31 octobre 2014 et enregistrée le 14 avril 2015 par le service des impôts des entreprises de [Localité 4], sans paiement d'aucun droit, [V] [T], seul héritier, ayant considéré qu'en raison de sa cohabitation avec sa s?ur défunte, il bénéficiait de l'exonération prévue à l'article 796-0 ter du code général des impôts.
3. Par une proposition de rectification en date du 3 mai 2016, l'administration fiscale a envisagé à l'encontre de [V] [T] des rectifications en matière de droits d'enregistrement, au motif que la conclusion d'un pacte civil de solidarité, enregistré le 18 février 2002, ne permettait plus de le considérer célibataire, veuf, divorcé ou séparé au moment de l'ouverture de la succession, au regard de ce texte.
4. Après rejet de sa contestation par l'administration fiscale le 15 décembre 2016, [V] [T] a assigné celle-ci aux fins d'obtenir décharge des suppléments d'imposition au titre des droits de mutation à titre gratuit.
5. [V] [T] est décédé en cause d'appel, en l'état d'un testament instituant Mme [S] légataire universel, laquelle a repris l'instance.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
6. L'administration fiscale fait grief à l'arrêt de dire que [V] [T] devait bénéficier de l'exonération prévue à l'article 796-0 ter du code général des impôts et de déclarer non fondée sa décision de rejet en date du 15 décembre 2016 avec toutes conséquences de droit alors, « qu'il résulte des dispositions de l'article 796-0 ter du code général des impôts qu'est exonéré de droits de mutation par décès la part de chaque frère ou s?ur, célibataire, veuf, divorcé ou séparé de corps, à la double condition qu'il soit, au moment de l'ouverture de la succession, âgé de plus de cinquante ans ou atteint d'une infirmité le mettant dans l'impossibilité de subvenir par son travail aux nécessités de l'existence et qu'il ait été constamment domicilié avec le défunt pendant les cinq années ayant précédé le décès ; qu'il résulte des débats parlementaires que le législateur a voulu assimiler, en matière de droits de succession, le régime des partenaires liés par un pacte civile de solidarité (PACS) à celui des couples mariés, de sorte que le partenaire lié par un PACS ne peut plus être considéré comme étant célibataire à compter de la date de conclusion du PACS ; qu'en jugeant que l'administration ne rapporte pas la preuve qui lui incombe qu'une personne liée par un pacte civil de solidarité ne peut être considéré comme célibataire, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 796-0 ter du code général des impôts. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 515-4 du code civil et 796-0 ter du code général des impôts :
7. Selon le premier de ces textes, les partenaires liés par un pacte civil de solidarité s'engagent à une vie commune.
8. Selon le second, est exonérée de droits de mutation par décès, sous certaines conditions qu'il prévoit, la part de chaque frère ou s?ur, célibataire, veuf, divorcé ou séparé de corps domicilié avec le défunt pendant les cinq années ayant précédé le décès.
9. Il en résulte que l'exonération prévue par ce dernier texte ne peut bénéficier à une personne qui, au jour de l'ouverture de la succession, était liée à un tiers par un pacte civil de solidarité.
10. Pour dire que [V] [T] devait bénéficier de l'exonération prévue à l'article 796-0 ter du code général des impôts et déclarer non fondée la décision de rejet de sa réclamation, l'arrêt énonce que la législation fiscale est d'interprétation stricte et qu'aucune disposition légale ne définit le célibat en droit fiscal. Il ajoute que la situation de l'héritier à la date de l'ouverture de la succession y est appréhendée par référence au mariage, de sorte qu'une personne célibataire au sens de l'article 796-0 ter précité doit uniquement s'entendre de celle qui n'est pas mariée. Il en déduit que la circonstance que M. [T] est lié par un pacte civil de solidarité ne peut le priver du bénéfice de l'exonération prévue par ce texte.
11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.




Civ.3 28 mai 2025 n° 23-22.946

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL



COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 28 mai 2025



Cassation partielle sans renvoi

M. BOYER, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 259 F-D
Pourvoi n° S 23-22.946





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 MAI 2025
La société TP Colle, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° S 23-22.946 contre deux arrêts rendus les 23 juin 2022 et 21 septembre 2023 par la cour d'appel de Metz (respectivement 3ème chambre et chambre commerciale), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Manulor, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la société TLI,
2°/ à la société Mariotti et associés, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bironneau, conseiller référendaire, les observations de la SARL Ortscheidt, avocat de la société TP Colle, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Manulor, après débats en l'audience publique du 1er avril 2025 où étaient présents M. Boyer, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bironneau, conseiller référendaire rapporteur, Mme Abgrall, conseiller faisant fonction de doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Déchéance partielle du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 23 juin 2022, examinée d'office
1. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 978 du même code.
2. Il résulte de ce texte qu'à peine de déchéance, le demandeur à la cassation doit, au plus tard dans le délai de quatre mois à compter du pourvoi, remettre au greffe de la Cour de cassation un mémoire contenant les moyens de droit invoqués contre la décision attaquée.
3. La société TP Colle s'est pourvue en cassation contre deux arrêts rendus par la cour d'appel de Metz, l'un le 23 juin 2022, l'autre le 21 septembre 2023, mais aucun des moyens contenus dans le mémoire n'est dirigé contre le premier arrêt.
4. Il y a donc lieu de constater la déchéance du pourvoi en ce qu'il est formé contre l'arrêt du 23 juin 2022.
Faits et procédure
5. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 21 septembre 2023), la société TLI, aux droits de laquelle vient la société Manulor, a conclu avec la société TP Colle, pour la construction d'un centre commercial et de loisirs, un marché à forfait concernant le lot VRD.
6. Des travaux supplémentaires ont été exécutés.
7. La société TP Colle a assigné la société TLI en paiement de factures impayées.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
9. La société TP Colle fait grief à l'arrêt du 21 septembre 2023 d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société TLI à payer la somme de 183812,58 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du 7 octobre 2013 et de condamner la société Manulor, venant aux droits de la société TLI, à lui payer la seule somme de 94 113,99 euros TTC, alors « que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en retenant, pour apprécier l'existence d'un bouleversement de l'économie du contrat, que seuls quatre bâtiments ont été construits sur les six prévus initialement, sans répondre aux conclusions de la société TP Colle faisant valoir que la société TLI avait renoncé à réaliser le bâtiment 6 parce qu'elle avait vendu la parcelle pour la construction d'un drive et que la société TP Colle avait réalisé la voirie initialement prévue pour desservir le bâtiment 6 conformément au marché de base, de sorte que la société TLI avait vendu la parcelle avec les voiries déjà réalisées par la société TP Colle, ce dont il résultait que la renonciation de la société TLI à la construction du bâtiment n'avait pas eu pour effet de diminuer les travaux effectivement réalisés par la société TP Colle au titre du marché forfaitaire, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions, en violation de l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
10. La cour d'appel a constaté que seuls quatre bâtiments sur les six initialement prévus avaient été construits et que la comparaison entre les plans du projet et ceux réalisés à la demande de la société Manulor par un géomètre-expert établissait une différence de 20 % entre les surfaces initialement prévues et celles effectivement réalisées, s'agissant des éléments de surface et non pas des réseaux enterrés.
11. Puis elle a relevé que les diminutions de prix admises par la société TP Colle et le maître d'oeuvre et celles démontrées par les plans de M. [G], corroborés par le décompte de M. [I] et la situation de paiement n° 14, établissaient une diminution des quantités réalisées pour un total d'environ 24,50 % du prix du marché initial.
12. Elle en a souverainement déduit, sans être tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, que le bouleversement de l'économie du contrat était démontré et que la société Manulor était, par conséquent, fondée à demander la détermination du prix au regard des quantités réellement mises en oeuvre.
13. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
14. La société TP Colle fait le même grief à l'arrêt du 21 septembre 2023, alors « que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties, fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense ; que la partie qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs ; qu'en refusant d'assortir la condamnation prononcée des intérêts au taux légal à compter du 7 octobre 2013, motif pris que la société TP Colle ne réclamait pas les intérêts au taux légal sur sa créance, quand celle-ci sollicitait expressément, outre la condamnation de la SAS Manulor à lui payer la somme de 183 812,58 euros au titre de sa créance de travaux, la confirmation du jugement pour le surplus et n'était, en conséquence, pas tenue de réitérer dans le dispositif de ses conclusions la demande en paiement des intérêts au taux légal à compter du 7 octobre 2013, pour laquelle elle avait obtenu gain de cause en première instance, la cour d'appel a violé les articles 4 et 954 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 4 et 954, alinéa 6, du code de procédure civile :
15. Selon le premier de ces textes, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties, fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense.
16. Aux termes du second, la partie qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.
17. Pour limiter la condamnation de la société Manulor au seul paiement de la créance principale, l'arrêt retient que la société TP Colle ne réclame pas les intérêts au taux légal sur sa créance.

18. En statuant ainsi, alors que, dans le dispositif de ses conclusions, la société TP Colle demandait, outre le paiement d'une créance principale de 183 812,58 euros, la confirmation pour le surplus du jugement, lequel avait accordé les intérêts au taux légal depuis la mise en demeure, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
19. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
20. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
21. Pour les motifs exposés au paragraphe 18, il sera fait droit à la demande d'intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure.




Com. 28 mai 2025 n° 24-13.370

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
MB


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 28 mai 2025



Cassation

M. VIGNEAU, président


Arrêt n° 296 F-D
Pourvoi n° D 24-13.370



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 28 MAI 2025
1°/ La société Theo v2, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 4],
2°/ la société MJA, société d'exercice libéral à forme anonyme, dont le siège est [Adresse 1], en la personne de Mme [R] [V], agissant en qualité de liquidateur de la société Theo v2, ont formé le pourvoi n° D 24-13.370 contre l'arrêt rendu le 9 novembre 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 3), dans le litige les opposant à la société Les Petits [L], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lefeuvre, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat des sociétés Theo v2 et MJA, ès qualités, de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société Les Petits [L], après débats en l'audience publique du 1er avril 2025 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Lefeuvre, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, et M. Doyen, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Reprise d'instance
1. Il est donné acte à la société MJA, en sa qualité de liquidateur de la société Theo v2, de sa reprise d'instance.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 novembre 2023) et les productions, le 20 janvier 2016, la société Theo v2 a consenti un bail commercial à la « société LPL, SAS en cours de création, dont le siège social sera établi au [Adresse 3]. Représentée par sa présidente Madame [L] [C] qui s'engage à fournir sous 2 mois à compter de la signature du bail le Kbis de ladite société ».
3. L'article 40 des statuts de la société LPL, signés le 4 février 2016, stipule que « l'état des actes accomplis au nom de la société en formation, avec l'indication pour chacun d'eux de l'engagement qui en résulte pour la société, est annexé aux présents statuts (...) La signature des présents statuts emportera reprise de ces engagements pour la société, lorsque celle-ci aura été immatriculée au registre du commerce et des sociétés ».
4. La société LPL a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 14 mars 2016.
5. Le 29 août 2017, la société LPL a assigné la société Theo v2 en annulation du bail.
6. Le 30 mai 2024, la société Theo v2 a été mise en liquidation judiciaire, la société MJA étant désignée en qualité de liquidateur.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
7. La société Théo v2 et la société MJA, ès qualités, font grief à l'arrêt de déclarer nul le bail du 20 janvier 2016, de rejeter la demande principale de la société Theo v2 tendant à voir condamner la société LPL à lui payer la somme de 600 000 euros au titre des loyers restant dus jusqu'au 5 juillet 2019 ainsi que sa demande subsidiaire tendant à voir condamner la société LPL à lui payer la somme de 108 913 euros au titre du solde restant dû sur le préavis de six mois, et de la condamner à restituer à la société LPL la somme de 81 500 euros payée au titre du premier loyer trimestriel et du dépôt de garantie, avec intérêts au taux légal à compter du 19 décembre 2016, alors « que si l'acte accompli avant l'immatriculation d'une société commerciale ne mentionne pas expressément qu'il est passé "au nom" ou "pour le compte" de la société en formation, le juge est tenu d'apprécier, par un examen de l'ensemble des circonstances, tant intrinsèques à l'acte qu'extrinsèques, si la commune intention des parties n'était pas que l'acte fût conclu au nom ou pour le compte de la société en formation, la société pouvant ensuite, après avoir acquis la personnalité juridique, décider de reprendre les engagements souscrits ; qu'en affirmant que le contrat de bail conclu le 20 janvier 2016, bien qu'expressément visé en annexe des statuts de la société LPL signés le 4 février 2016, parmi les actes accomplis au nom de la société en formation et repris par cette société au jour de son immatriculation le 14 mars 2016, devait être annulé pour avoir été conclu par "par la société LPL, SAS en cours de création [?] représentée par sa présidente Mme [L]" et donc "par une personne dépourvue de toute existence juridique", sans rechercher s'il ne résultait pas des mentions de l'acte, mais aussi de l'ensemble des circonstances de la cause que, nonobstant cette rédaction, la commune intention des parties était que l'acte fût passé au nom ou pour le compte de la société en formation LPL, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 210-6 et R 210-6 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 210-6 et R. 210-6 du code de commerce :
8. Selon ces textes, les personnes qui ont agi au nom ou pour le compte d'une société en formation avant qu'elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits.
9. Il appartient au juge d'apprécier souverainement, par un examen de l'ensemble des circonstances, tant intrinsèques à l'acte qu'extrinsèques, si la commune intention des parties n'était pas que l'acte fût conclu au nom ou pour le compte de la société en formation.
10. Pour déclarer nul le bail du 20 janvier 2016, l'arrêt énonce qu'il résulte des articles 1842 et 1843 du code civil et L. 210-6 et R. 210-6 du code de commerce qu'avant son immatriculation, une société n'a pas la personnalité morale et qu'elle ne peut donc être représentée, de sorte qu'un acte conclu par une société avant son immatriculation, donc dépourvue d'existence juridique, est nul. Il retient que la formulation du contrat, selon laquelle le locataire est la société LPL, représentée par sa présidente, signifie sans ambiguïté que c'est cette société elle-même qui a conclu le contrat et non sa présidente agissant pour son compte, peu important qu'il ait été mentionné que cette société était en cours de création, cette mention ne modifiant pas l'indication de la société LPL, elle-même, comme partie contractante. L'arrêt en déduit que le bail conclu par une personne dépourvue de toute existence juridique est nul, la circonstance que ce contrat soit annexé aux statuts de la société LPL et qu'il fasse l'objet d'une mention de reprise après immatriculation de la société à l'article 40 de ces statuts étant inopérante comme ne permettant pas une régularisation a posteriori.
11. En se déterminant ainsi, sans rechercher s'il ne résultait pas, non seulement des mentions de l'acte, mais aussi de l'ensemble des circonstances que, nonobstant une rédaction défectueuse, la commune intention des parties n'était pas que l'acte fût passé au nom ou pour le compte de la société en formation LPL, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
12. La société Théo v2 et la société MJA, ès qualités, font le même grief à l'arrêt, alors « que la validité de l'acte passé pour le compte d'une société en formation n'implique pas, sauf les cas de dol ou de fraude, que la société effectivement immatriculée revête la même dénomination sociale que celle mentionnée dans l'acte litigieux ; qu'en relevant, pour déclarer nul le contrat de bail du 20 janvier 2016, la circonstance qu'il était annexé aux statuts de la société Les Petits Lascars dont la dénomination sociale était différente de celle mentionnée au contrat de bail [la société L.P.L], la cour d'appel a violé les articles L. 210-6 et R. 210-6 du code commerce. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 210-6 et R. 210-6 du code commerce :
13. Il résulte de ces textes que la validité de l'acte passé pour le compte d'une société en formation n'implique pas, sauf les cas de dol ou de fraude, que la société effectivement immatriculée revête la même dénomination sociale que celle mentionnée dans l'acte litigieux.
14. Pour déclarer nul le bail du 20 janvier 2016, l'arrêt retient encore que la circonstance que ce contrat soit annexé aux statuts de la société Les Petits [L], dont la dénomination sociale est différente de celle mentionnée au bail, et qu'il fasse l'objet d'une mention de reprise après immatriculation de la société à l'article 40 des statuts est inopérante car ne permettant pas de régulariser a posteriori cet acte.
15. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.




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