Civ.3 13 avril 2022 n° 21-13.450
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 13 avril 2022
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 331 F-D
Pourvoi n° D 21-13.450
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 AVRIL 2022
La société Le Grignot, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 21-13.450 contre l'arrêt rendu le 11 février 2021 par la cour d'appel de Caen (deuxième chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Le Conquérant, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 3],
2°/ à la société Côté Port, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. David, conseiller, les observations de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de la société Le Grignot, de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société Le Conquérant, et après débats en l'audience publique du 8 mars 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. David, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 11 février 2021), le 20 octobre 1993, Mme [U], aux droits de laquelle se trouve la société civile immobilière Le Conquérant (la SCI), a donné en location à la société Le Grignot des locaux commerciaux à usage de crêperie-bar.
2. Le 17 mars 1999, la société Le Grignot a donné son fonds de commerce en location-gérance à la société Côté Port qui, courant 2004, a procédé au déplacement de la cuisine du rez-de-chaussée au premier étage et à la suppression d'un escalier.
3. Le 26 novembre 2009, la SCI a signifié à la société Le Grignot un commandement, visant la clause résolutoire insérée au bail, de remettre en place la cuisine et de rétablir l'escalier.
4. Le 24 décembre 2009, la société Le Grignot a assigné la SCI en annulation du commandement, puis a appelé la société Côté Port en garantie et paiement de dommages et intérêts.
5. Le 31 août 2010, terme de la location gérance, la société Côté Port a quitté les lieux, la société Le Grignot reprenant personnellement l'exploitation de son fonds.
Sur les premier et troisième moyens, ci-après annexés
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
7. La société Le Grignot fait grief à l'arrêt de condamner la société Côté Port à lui verser la seule somme de 9 454,45 euros au titre du matériel manquant, alors « que le juge ne peut refuser d'évaluer une créance dont il constate l'existence dans son principe ; que la cour d'appel a constaté que le contrat de location-gérance conclu entre la société Le Grignot et la société Côté Port prévoyait que le locataire-gérant devrait notamment remplacer à ses frais tous objets qui seraient perdus, volés ou détruits au cours du bail et qu'il devrait restituer en nature les objets loués dans l'état où le bailleur serait en droit de les exiger, tout objet manquant devant être remplacé par un autre de mêmes nature et qualité ; que la cour d'appel a constaté, d'une part, que la société Côté Port ne contestait pas le défaut de restitution d'un porte-manteau, d'un tirage à bière trois colonnes, d'un lot de pichets, un bain-marie quatre bacs, d'un ventilateur et d'un lot de moutarde, salière et poivrière, et d'autre part, qu'il résultait des constatations de l'huissier, que n'avaient notamment pas été restitués l'intégralité des étagères mentionnées au contrat de location gérance et un bac plonge ; qu'en déclarant, pour rejeter la demande d'indemnisation de la société Le Grignot à l'encontre de son locataire gérant du chef de l'absence de restitution de ces équipements, que la société Le Grignot ne versait aux débats aucun élément permettant de les chiffrer, cependant qu'il résultait de ses constatations que la demande d'indemnisation de la société Le Grignot à l'encontre de la société Côté Port était fondée en son principe, la cour d'appel a violé l'article 4 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code civil :
8. Il résulte de ce texte que le juge ne peut refuser de réparer le dommage dont il a constaté l'existence en son principe, motif pris de l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties.
9. Pour refuser d'indemniser la perte de divers matériels dont il a constaté le défaut de restitution par la société Côté Port, l'arrêt retient que la société Le Grignot ne verse pas aux débats les éléments de chiffrage du préjudice subi.
10. En refusant ainsi d'évaluer un dommage dont elle a constaté l'existence en son principe, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Mise hors de cause
11. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause la SCI, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.
Civ.3 23 mars 2022 n° 21-13.507
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 23 mars 2022
Cassation
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 285 F-D
Pourvoi n° R 21-13.507
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 MARS 2022
M. [S] [Y], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 21-13.507 contre l'arrêt rendu le 5 décembre 2019 par la cour d'appel de Bordeaux (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [C] [J], domiciliée [Adresse 3],
2°/ à la société Prévert, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 2],
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Echappé, conseiller doyen, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de M. [Y], après débats en l'audience publique du 15 février 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Echappé, conseiller rapporteur, Mme Andrich, conseiller, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 5 décembre 2019), une maison d'habitation a été édifiée sur un terrain appartenant à la société civile immobilière Prévert (la SCI), ayant pour associés Mme [J] et ses parents.
2. Après expertises ordonnées en référé, M. [Y] a assigné la SCI en indemnisation de sa participation à la construction de cette maison, qui a constitué le logement qu'il a partagé avec Mme [J] au cours de leur concubinage.
3. Mme [J] est intervenue volontairement à l'instance.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. M. [Y] fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'intervention de Mme [J], alors « que M. [Y] contestait la recevabilité de l'intervention volontaire de Mme [J] à titre personnel en raison de la relation de concubinage ayant existé entre eux, faute de lien suffisant avec ses prétentions principales concernant la seule SCI Prévert ; qu'en rejetant la contestation de la recevabilité de l'intervention volontaire de Mme [J] à titre personnel sans répondre aux conclusions de M. [Y] sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
5. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.
6. Pour déclarer recevable l'intervention volontaire de Mme [J], l'arrêt retient que la peine complémentaire prononcée à son encontre, par une juridiction pénale, ne lui interdit pas de gérer ou diriger une société civile immobilière.
7. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. [Y], qui contestait l'existence d'un lien suffisant entre l'intervention de Mme [J] et les prétentions originaires des parties, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
8. M. [Y] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « que le juge ne peut refuser de statuer en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties ; qu'ayant constaté l'intervention de M. [Y] dans la construction édifiée sur le terrain appartenant à la SCI Prévert, intervention que cette dernière reconnaissait, la cour d'appel a toutefois rejeté sa demande d'indemnisation au titre de la maîtrise d'oeuvre et de la main d'oeuvre en considérant qu' « aucun élément objectif ne permet d'apprécier le rôle exact joué par M. [Y] dans les opérations de construction et d'isoler ainsi sa participation réelle de celle des autres intervenants, nonobstant l'affirmation quelque peu péremptoire de l'expert selon laquelle il a entrepris une grande partie des travaux en pilotant leur exécution (?). En conséquence, la durée précise de l'intervention de M. [Y] sur le chantier de construction et les tâches précises réalisées ne peuvent être réellement définies. Insuffisamment motivée, la demande principale présentée par l'appelant sera rejetée » ; qu'en refusant d'estimer l'indemnisation de M. [Y] pour son implication dans la construction dont elle constatait la réalité, la cour d'appel a violé l'article 4 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code civil :
9. Il résulte de ce texte que le juge ne peut refuser de statuer en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies.
10. Pour rejeter les demandes de M. [Y], l'arrêt retient, notamment, qu'il semble avoir réalisé une partie des travaux de construction de la maison, de même que d'autres personnes, mais qu'aucun élément objectif ne permet d'apprécier son rôle exact et de le distinguer de celui des autres intervenants, et que ne peuvent être définies précisément la durée de son intervention et les tâches qu'il a réalisées.
11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Civ.2 10 février 2022 n° 20-15.748
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 10 février 2022
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 194 F-D
Pourvoi n° F 20-15.748
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 FÉVRIER 2022
La société L'Auxiliaire, mutuelle d'assurance des professionnels du bâtiment et des travaux publics, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° F 20-15.748 contre l'arrêt rendu le 12 février 2020 par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion (chambre commerciale), dans le litige l'opposant à la société Entreprise [P], entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Ittah, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société L'Auxiliaire, de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la société Entreprise [P], et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 janvier 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Ittah, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de la Réunion, 12 février 2020), la société Entreprise [P] a souscrit, le 17 juillet 1996, auprès de la société L'Auxiliaire, assureur spécialisé dans le bâtiment et les travaux publics (l'assureur) un contrat à effet du 9 février 1996 visant à la garantir au titre de sa responsabilité civile et de la garantie décennale.
2. Estimant que la société Entreprise [P] ne lui avait pas correctement déclaré l'importance de son activité, qui constituait l'assiette de calcul de ses cotisations, l'assureur l'a assignée devant un tribunal mixte de commerce en paiement d'un complément de cotisations, notamment au titre des années 2014 à 2016.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. L'assureur fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande tendant à obtenir de l'assuré le paiement de cotisations, alors « que lorsque le montant de la créance demeure seul à fixer, le juge est tenu de trancher le litige et ne peut s'y refuser en se fondant sur l'insuffisance de preuve ; qu'en déboutant l'assureur de sa demande en paiement de cotisations au prétexte qu'il n'établissait pas le bien fondé du taux appliqué, quand n'était pas discuté le principe même d'une créance de l'assureur sur l'assuré du chef d'un manquement du second à son obligation contractuelle de déclarer le chiffre d'affaires réalisé l'année précédente, et servant d'assiette au calcul des cotisations, la cour d'appel a violé l'article 4 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code civil :
5. Il résulte de ce texte que le juge ne peut refuser de statuer en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies.
6. Pour rejeter la demande de l'assureur, l'arrêt, après avoir rappelé que le montant des cotisations dépend, d'une part, du chiffre d'affaires de l'entreprise, d'autre part, d'un coefficient de sinistralité, relève que la société Entreprise [P] a déclaré un chiffre d'affaires inférieur à la réalité économique mais que cette insuffisance déclarative, volontaire, n'est, pour autant, pas de nature à justifier l'envolée des taux appliqués par l'assureur, à hauteur de 7,028 % en 2014, 7,168 % en 2015 et 8,531 % en 2016, qui demeure inexpliquée.
7. L'arrêt énonce encore que l'assureur n'établit toujours pas, au vu des sinistres et des cotisations, comment il est parvenu à un ratio de 136,9 %, pour l'application d'un coefficient de majoration de 1,75 %, soit un taux appliqué à l'activité de l'entreprise de 7,028 %.
8. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté l'existence d'un principe de créance au bénéfice de l'assureur, par suite de la déclaration par l'entreprise d'un chiffre d'affaires inférieur à la réalité, la cour d'appel, en refusant d'en évaluer le montant, a violé le texte susvisé.
Civ.1 26 janvier 2022 n° 20-10.115
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 26 janvier 2022
Cassation partielle
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 80 FS-D
Pourvoi n° G 20-10.115
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 26 JANVIER 2022
M. [O] [M], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° G 20-10.115 contre l'arrêt rendu le 14 novembre 2019 par la cour d'appel de Versailles (2e chambre, 2e section), dans le litige l'opposant à Mme [J] [X], divorcée [M], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Buat-Ménard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [M], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme [X], et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 novembre 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Buat-Ménard, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, M. Hascher, Mme Antoine, M. Vigneau, Mmes Poinseaux, Guihal, M. Fulchiron, Mmes Dard, Beauvois, conseillers, Mme Gargoullaud, M. Duval, Mmes Azar, Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, M. Sassoust, avocat général, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 14 novembre 2019), un jugement du 11 janvier 2010 a prononcé le divorce de Mme [X] et M. [M], mariés le 16 juillet 1982 sans contrat de mariage préalable.
2. Des difficultés sont survenues au cours des opérations de comptes, liquidation et partage de leurs intérêts patrimoniaux.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
3. M. [M] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de récompense au titre de l'encaissement de l'allocation compensatrice pour tierce personne par la communauté, alors « que constitue un bien propre à l'époux qui la perçoit l'allocation compensatrice pour tierce personne, pension incessible présentant un caractère exclusivement personnel destinée à compenser la perte d'autonomie de l'époux dont l'intégrité physique est altérée, par l'octroi d'une somme destinée à payer le salaire d'un aide à domicile ; qu'en affirmant au contraire que l'allocation compensatrice perçue par M. [M] n'avait pas de caractère propre dès lors qu'elle réparait un préjudice patrimonial permanent, la cour d'appel a violé l'article 1404 du code civil. »
Réponse de la Cour
4. Aux termes de l'article 1402, alinéa 1er, du code civil, tout bien, meuble ou immeuble, est réputé acquêt de communauté si l'on ne prouve qu'il est propre à l'un des époux par application d'une disposition de la loi.
5. L'article 1404, alinéa 1er, du même code dispose :
« Forment des propres par leur nature, quand même ils auraient été acquis pendant le mariage, les vêtements et linges à l'usage personnel de l'un des époux, les actions en réparation d'un dommage corporel ou moral, les créances et pensions incessibles, et, plus généralement, tous les biens qui ont un caractère personnel et tous les droits exclusivement attachés à la personne. »
6. Selon l'article 39, alinéa 1er, de la loi n° 75-534 du 30 juin 1975 d'orientation en faveur des personnes handicapées, dans sa rédaction issue de la loi n° 97-60 du 24 janvier 1997, applicable au litige, une allocation compensatrice est accordée à tout handicapé dont l'âge est inférieur à un âge fixé par décret et qui ne bénéficie pas d'un avantage analogue au titre d'un régime de sécurité sociale lorsque son incapacité permanente est au moins égale à un pourcentage fixé par décret, soit que son état nécessite l'aide effective d'une tierce personne pour les actes essentiels de l'existence, soit que l'exercice d'une activité professionnelle lui impose des frais supplémentaires.
7. Aux termes de l'article 1409 du code civil, la communauté se compose passivement, à titre définitif, des aliments dus par les époux et des dettes contractées par eux pour l'entretien du ménage et l'éducation des enfants, conformément à l'article 220.
8. Il résulte de la combinaison de ces textes que, si le droit à l'allocation compensatrice pour tierce personne dont bénéficie un époux commun en biens afin de lui permettre d'assurer le financement de l'aide effective d'une tierce personne pour les actes essentiels de l'existence nécessitée par son état d'incapacité, lequel est accordé en considération de sa situation personnelle, constitue un bien propre par nature, en revanche, les sommes versées pendant le mariage en exécution de ce droit tendent à compenser l'une des conséquences matérielles et financières de l'invalidité, ne présentent pas un caractère exclusivement personnel et sont destinées à contribuer au financement d'une dépense commune à titre définitif, de sorte qu'elles entrent en communauté.
9. La cour d'appel a relevé qu'il était établi, d'une part, que le 7 janvier 1999, la Cotorep avait reconnu à M. [M] un taux d'incapacité de 100 %, justifiant l'attribution d'une allocation compensatrice pour l'aide d'une tierce personne du 1er février 1999 au 1er février 2009, et qu'il avait perçu une certaine somme mensuellement à ce titre à compter de janvier 1999, révisée à compter du 1er juillet 2004, d'autre part, que les sommes afférentes à cette allocation avaient été encaissées par la communauté.
10. Il s'ensuit que, la communauté ayant encaissé des sommes n'ayant pas de caractère propre au sens de l'article 1404 du code civil, M. [M] ne peut prétendre à récompense à ce titre.
11. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié.
Mais sur le second moyen
Enoncé du moyen
12. M. [M] fait grief à l'arrêt de renvoyer les parties devant le notaire désigné pour fixer le montant de la récompense qui lui est due en raison du financement, à l'aide de ses fonds propres, du bien sis à [Localité 4], alors « qu'il appartient au juge qui fait droit à une demande de récompense d'en évaluer lui-même le montant ; qu'en renvoyant au notaire le soin de calculer le montant de la récompense due à M. [M] par la communauté au titre du financement du bien commun situé à [Localité 4] à l'aide de fonds propres, sans en fixer elle-même le montant, bien qu'elle disposât de tous les éléments pour le déterminer, la cour d'appel a violé l'article 4 et 1469 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code civil :
13. Il résulte de ce texte qu'il appartient au juge d'évaluer lui-même le montant d'une récompense.
14. Après avoir rappelé la demande de M. [M] tendant à se voir reconnaître titulaire d'une récompense envers la communauté d'un montant de 121 056,65 euros représentant le profit subsistant, au titre du financement, par des biens propres, de l'acquisition de la maison de [Localité 4], l'arrêt retient que la communauté lui doit récompense à ce titre et qu'il convient de renvoyer les parties devant le notaire désigné par le premier juge pour en voir fixer le montant, en considération du prix de vente de l'immeuble commun.
15. En statuant ainsi, en déléguant ses pouvoirs au notaire liquidateur, alors qu'il lui incombait de trancher elle-même la contestation qui lui était soumise, la cour d'appel, qui a méconnu son office, a violé le texte susvisé.
Civ.2 20 janvier 2022 n° 20-16.752
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 20 janvier 2022
Cassation partielle
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 83 F-D
Pourvoi n° X 20-16.752
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 JANVIER 2022
1°/ M. [U] [L],
2°/ Mme [J] [E], épouse [L],
tous deux domiciliés [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° X 20-16.752 contre l'arrêt rendu le 11 février 2020 par la cour d'appel de Nancy (1re chambre civile), dans le litige les opposant à la société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Ittah, conseiller référendaire, les observations de Me Laurent Goldman, avocat de M. et Mme [L], de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société Allianz IARD, et après débats en l'audience publique du 1er décembre 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Ittah, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 11 février 2020), M. [L] a souscrit, en 1992, auprès de la société AGF devenue Allianz Iard (l'assureur) un contrat d'assurance pour son habitation, comprenant une garantie en cas de vol.
2. M. et Mme [L] ont été victimes, en 2016, d'un cambriolage dans cette habitation.
3. Estimant l'offre d'indemnisation de l'assureur insuffisante, M. et Mme [L] l'ont assigné devant un tribunal de grande instance en indemnisation de leur sinistre ainsi qu'à leur payer des dommages-intérêts pour résistance abusive, notamment.
4. L'assureur leur a opposé une limitation de garantie figurant aux conditions générales du contrat, pour insuffisance de protection de leur habitation.
Examen des moyens
Sur le second moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexé
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. M. et Mme [L] font grief à l'arrêt de limiter la condamnation de l'assureur à leur payer la somme totale de 4 365,05 euros au titre de l'indemnisation consécutive au sinistre du mois de février 2016 et de les débouter de leur demande de dommages-intérêts pour résistance abusive dans la gestion du sinistre et de leur demande au titre du manquement de l'assureur à son obligation générale d'information alors « que les conditions générales d'une police d'assurance ne sont opposables au souscripteur que si celui-ci en a eu connaissance et les a acceptées ; que la cour d'appel qui, bien qu'elle ait constaté que l'exemplaire des conditions particulières versé aux débats n'était pas signé par les assurés, ce dont il résultait que la clause selon laquelle le souscripteur reconnaissait avoir reçu un exemplaire des conditions générales ne pouvait leur être opposée, s'est néanmoins fondée, pour dire que M. et Mme [L] avaient accepté cette clause de remise et ainsi juger que les conditions générales leur étaient opposables, sur la circonstance inopérante qu'ils avaient eux-mêmes produit ces conditions particulières au soutien de leur demande d'indemnisation, a violé les articles L. 112-2 et R. 112-3 du code des assurances, dans leur rédaction applicable en la cause. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 112-2, L. 112-3, et L. 112-4 du code des assurances :
7. Il résulte de ces dispositions qu'une clause de limitation de garantie doit avoir été portée à la connaissance de l'assuré au moment de son adhésion à la police ou, tout au moins, antérieurement à la réalisation du sinistre, pour lui être opposable.
8. Pour opposer aux assurés les conditions générales qui prévoyaient une réduction de l'indemnité de 50 % dans l'hypothèse d'un niveau de protection de l'habitation insuffisant, l'arrêt constate que les conditions particulières, qui ne sont pas signées par l'assuré, indiquent : « vous reconnaissez avoir reçu un exemplaire » des conditions générales.
9. L'arrêt ajoute que le seul fait que les assurés n'aient pas signé les conditions particulières ne peut permettre d'en conclure qu'ils ne les auraient pas acceptées, puisqu'ils ont produit leur propre exemplaire de ces dernières, et s'en sont prévalus, tant en première instance qu'en appel.
10. L'arrêt énonce encore que ces conditions particulières devaient simplement être signées par chaque partie sur chacune des deux pages et relève qu'il n'existait pas d'emplacement spécifique pour signer la mention relative à la reconnaissance, par l'assuré, de la remise d'un exemplaire des conditions générales.
11. Il retient, en conséquence, qu'en produisant ces conditions particulières au soutien de leur demande d'indemnisation, M. et Mme [L] avaient accepté l'ensemble des stipulations y figurant, concernant notamment la date d'effet du contrat, le montant de la cotisation, les garanties souscrites, les sommes garanties, et, surtout, la reconnaissance d'avoir reçu un exemplaire des trois livrets contenant les conditions générales.
12. En statuant ainsi, alors que l'assureur n'établissait pas qu'il avait porté à la connaissance de l'assuré les conditions générales du contrat avant la survenance du sinistre, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
13. M. et Mme [L] font le même grief à l'arrêt alors « que le juge ne peut refuser d'évaluer le montant d'un dommage dont il a constaté l'existence en son principe ; que la cour d'appel qui, bien qu'elle ait constaté qu'une bague en diamant avait été dérobée à M. et Mme [L], ce dont il résultait que le dommage existait en son principe, a néanmoins retenu, pour refuser de faire droit à leur demande indemnitaire, que la valeur du diamant et de la monture n'était pas connue et qu'aucun montant ne pouvait donc être retenu à ce titre, a refusé d'évaluer le montant du dommage et a ainsi violé l'article 4 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code civil :
14. Il résulte de ce texte que le juge ne peut refuser d'évaluer un dommage dont il constate l'existence dans son principe.
15. Pour juger qu'aucun montant ne peut être retenu au titre de l'indemnisation du vol de la bague de fiançailles, après avoir constaté que l'existence de cette bague était établie par des photographies et qu'un témoin attestait qu'il ne l'avait plus revue depuis le cambriolage, l'arrêt relève que, concernant la valeur de cette dernière, M. et Mme [L], qui ne disposent pas de facture, la fixent à la somme de 75 000 euros, en produisant uniquement un document daté du 21 juillet 2017 émanant d'un joaillier faisant état, pour un solitaire en or gris comportant un diamant de 4,04 carats, d'un prix net de 40 000 euros TTC.
16. L'arrêt retient que ce document ne peut pas servir à établir la valeur de la bague volée, en l'absence de correspondance avec cette dernière, qui était en or blanc avec un diamant central entouré de dix petits diamants, selon le descriptif donné par M. et Mme [L].
17. Il relève encore que dans différents courriers, M. [L] n'avait pas systématiquement évoqué un diamant de quatre carats.
18. L'arrêt ajoute qu'une spécialiste en joaillerie, à qui M. et Mme [L] se sont adressés, s'est déclarée dans l'incapacité d'estimer une pierre sans l'avoir vue et a précisé que, malheureusement, la photographie n'était d'aucun secours.
19. L'arrêt en déduit qu'il est impossible, au vu des seules photographies produites par M. et Mme [L] de connaître la valeur du diamant.
20. L'arrêt énonce enfin que M. et Mme [L] n'ayant pas donné suite à la proposition que cette même spécialiste leur avait faite d'effectuer une recherche pour connaître le prix payé pour la monture de la bague, il en résulte que la valeur de cette dernière demeure également inconnue.
21. En statuant ainsi, en refusant d'évaluer le montant d'un dommage dont elle avait constaté l'existence en son principe, puisque le vol de la bague était établi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
22. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt qui ont infirmé le jugement en ce qu'il avait condamné l'assureur à verser à M. et Mme [L] la somme de 44 210,48 euros au titre de l'indemnisation des conséquences du vol et qui ont condamné l'assureur à leur payer la somme de 4 365,05 euros, en lieu et place, entraîne la cassation du chef de dispositif de l'arrêt qui a confirmé le jugement en ce qu'il avait débouté ces derniers de leur demande de dommages et intérêts pour résistance abusive, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
Com. 17 novembre 2021 n° 19-21.059
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 17 novembre 2021
Rectification d'erreur matérielle
M. RÉMERY, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 782 F-D
Requête n° G 19-21.059
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 17 NOVEMBRE 2021
Se saisissant d'office, conformément à l'article 462 du code de procédure civile, en rectification d'erreur matérielle de l'arrêt n° 570 F-D du 30 juin 2021 dans une affaire opposant :
1°/ la société Marhaba MTA Général Trading LLC, dont le siège est [Adresse 3] (Émirats Arabes Unis),
2°/ la société Asco NV, dont le siège est [Adresse 4] (Belgique),
3°/ la société Zurich Insurance PLC, dont le siège est avenue [Adresse 7] (Belgique),
4°/ la société Axa Belgium, dont le siège est [Adresse 1] (Belgique),
5°/ la société Italiana Assicurazioni Trasporti SIAT, dont le siège est [Adresse 8] (Italie),
6°/ la société Allianz Versicherungs AG, dont le siège est [Adresse 5] (Allemagne),
7°/ la société Kravag Logistic Versicherung, dont le siège est [Adresse 6] (Allemagne),
ayant tous les six pour agent la société Bracht, Deckers & Mackelbert SA - BDM,
à :
- la société CMA CGM, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Fontaine, conseiller, après débats en l'audience publique du 28 septembre 2021 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Fontaine, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Vu l'article 462 du code de procédure civile :
1. Une erreur matérielle a été commise dans la rédaction de l'arrêt n° 570 F-D du 30 juin 2021, pourvoi n° G 19-21.059, en ce qu'il fait état, dans les motifs, page 4, de l'article 4 du code civil alors qu'il s'agit de l'article 4 du code de procédure civile.
2. Il y a lieu de réparer cette erreur.
Civ.2 14 octobre 2021 n° 20-13.565
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 14 octobre 2021
Cassation partielle
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 962 F-D
Pourvoi n° G 20-13.565
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 OCTOBRE 2021
M. [Q] [V], domicilié lieudit [Localité 1], [Adresse 3], a formé le pourvoi n° G 20-13.565 contre l'arrêt rendu le 3 décembre 2019 par la cour d'appel de Toulouse (3e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à la caisse régionale d'assurance mutuelle agricole (CRAMA) d'Oc-Groupama d'Oc, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Puy-de-Dôme, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la caisse locale deleguée pour la sécurité sociale des travailleurs independants,
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Rovinski, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [V], de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de la caisse régionale d'assurance mutuelle agricole (CRAMA) d'Oc-Groupama d'Oc, et après débats en l'audience publique du 8 septembre 2021 tenue dans les conditions prévues à l'article 5 de l'ordonnance n° 2020-1400 du 18 novembre 2020 par M. Pireyre, président, M. Rovinski, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 3 décembre 2019), M. [V] (la victime), entrepreneur en bâtiment, a été victime le 3 février 2009 d'un accident du travail lors de la visite des combles d'un immeuble appartenant à M. [X], cogérant de la société Les Vergers du Bosquet, assurée auprès de la société Groupama, pour l'établissement d'un devis de travaux. La victime a assigné le 8 mars 2013 la société Groupama d'Oc devenue la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles d'Oc et le régime social des indépendants Midi-Pyrénées devenue la Caisse locale déléguée pour la sécurité sociale de travailleurs indépendants pour obtenir l'indemnisation de ses préjudices.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
2. La victime fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande au titre de la perte de gains professionnels futurs alors « que l'indemnisation au titre de la perte de gains professionnels futurs répare la perte de gains consécutive à la perte par la victime de son emploi ; que le principe de réparation intégrale du préjudice impose aux juges du fond de se prononcer sur l'indemnisation à accorder à une victime dès lors qu'elle est considérée fondée en son principe ; que la cour d'appel a relevé qu'elle n'a pas repris son activité de métallier pour laquelle elle était qualifiée ; que selon l'expertise médicale réalisée, elle ne peut plus exercer son activité de métallier serrurier métallier et ne peut plus porter de charges, que placée en invalidité totale et définitive depuis le 1er juin 2013, elle n'a pas retrouvé d'emploi ; qu'elle avait évalué sa perte de gains en se fondant sur la grille de salaire dans le secteur de la métallurgie ; qu'en refusant de se prononcer sur l'indemnisation à lui accorder au motif qu'elle ne serait pas en mesure de déterminer si elle est totalement inapte à reprendre une activité et quel est le revenu de l'activité qu'elle est apte à reprendre, la cour d'appel a statué par une motivation inopérante et violé l'article 1382 devenu l'article 1240 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code civil et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :
3. Pour rejeter la demande d'indemnisation portant sur la perte de gains professionnels futurs, l'arrêt constate qu'âgée de 49 ans, la victime, qui exerçait le métier de métallier serrurier charpentier à son compte, pour un revenu annuel de 15 000 euros, n'a pas repris cette activité, l'expertise médicale indiquant qu'elle ne peut plus l'exercer et qu'elle ne peut porter de charges ou effectuer de gestes répétitifs ou nécessitant la force des deux bras, ni rester debout de façon prolongée. L'arrêt note qu'elle ne perçoit qu'une pension d'invalidité, qui s'élèverait à 698 euros par mois, sans qu'aucun justificatif ne soit versé, qu'elle pouvait exécuter des tâches administratives et de surveillance des salariés mais que, placée en invalidité totale et définitive depuis le premier juin 2013, elle n'avait pas retrouvé d'emploi.
4. L'arrêt ajoute que la victime ne produit pas ses avis d'imposition pour les années postérieures à 2013, ce qui ne permet pas de savoir si elle est totalement inapte à reprendre une activité et quel est le revenu de l'activité qu'elle est apte à reprendre.
5. Il conclut qu'ainsi, si le principe d'une perte de gains professionnels futurs paraît fondé, la victime ne fournit pas les éléments nécessaires à l'évaluation de son préjudice de ce chef.
6. En refusant ainsi d'évaluer le montant du dommage dont elle avait constaté l'existence en son principe, la cour d'appel a violé le texte et le principe susvisés.
Civ.2 14 octobre 2021 n° 19-19.486
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 14 octobre 2021
Cassation partielle
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 951 F-D
Pourvoi n° Y 19-19.486
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 OCTOBRE 2021
1°/ la société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ la société SCI Propexpo, société civile immobilière,
3°/ la société Viparis Nord Villepinte, société par actions simplifiée,
toutes deux ayant leur siège [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° Y 19-19.486 contre l'arrêt rendu le 29 janvier 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 2 , chambre 5), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Spie industrie et tertiaire, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], venant aux droits de la société SPIE Ile-de-France Nord-Ouest,
2°/ à la société Generali France, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], venant aux droits de la société Generali assurances,
défenderesses à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Guého, conseiller référendaire, les observations de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat des sociétés Allianz IARD, SCI Propexpo et Viparis Nord Villepinte, de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat des sociétés Spie industrie et tertiaire et Generali France, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 septembre 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Guého, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 janvier 2019), dans la nuit du 26 au 27 mai 2010, le local de production d'eau glacée du circuit de climatisation du parc des expositions de Paris-Nord Villepinte, dont la société Viparis Nord Villepinte (la société Viparis) exploite les installations, a été inondé.
2. Aux termes d'un contrat de maintenance-installation, la société Spie Île-de-France Ouest, aux droits de laquelle est venue la société Spie facilities puis Spie industrie et tertiaire (la société Spie) assurait l'entretien technique et d'exploitation des locaux.
3. Après avoir obtenu en référé la désignation d'un expert, les sociétés Viparis et SCI Propexpo ainsi que la société Gan Eurocourtage, devenue Allianz IARD (la société Allianz), cette dernière se disant assureur des deux premières et subrogée dans leurs droits, ont assigné la société Spie et son assureur, la société Generali, en remboursement des indemnités versées par la société Allianz aux sociétés Viparis et SCI Propexpo et en indemnisation des dommages restés à la charge de ces dernières.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. Les sociétés Allianz, SCI Propexpo et Viparis font grief à l'arrêt de débouter la société Allianz de ses demandes, en tant que subrogée, en responsabilité contre la société Spie et son assureur, la société Generali, alors « que la subrogation conventionnelle de l'assureur dans les droits de l'assuré résulte de la volonté expresse de ce dernier, manifestée concomitamment ou antérieurement au paiement reçu de l'assureur, ou postérieurement à celui-ci dès lors que dans des délais administratifs normaux ; que l'assureur n'a pas à établir que le paiement auquel il a procédé a été fait en exécution d'une obligation contractuelle de garantie pour se prévaloir des règles de la subrogation conventionnelle ; qu'en l'espèce, la société Allianz a indemnisé les sociétés SCI Propexpo et Viparis de leurs dommages par virements bancaires des 28 et 30 décembre 2011, pour des montants respectifs de 816 946 euro et 861 364 euros ; que deux quittances subrogatives ont été signées par les sociétés SCI Propexpo et Viparis et adressées par courrier à la société Allianz le 3 janvier 2012, soit dans des délais administratifs normaux ; que ces quittances indiquaient chacune que les assurées subrogeaient « la société Gan Eurocourtage [aux droits de laquelle vient la société Allianz] dans tous leurs droits et actions à l'encontre du ou des éventuels tiers responsables à concurrence » de l'indemnité d'assurance qui leur avait été versée ; que la société Allianz se prévalait ainsi des règles de la subrogation conventionnelle pour engager la responsabilité de la société Spie, dont la prestation de maintenance défectueuse était à l'origine des dommages subis par les sociétés SCI Propexpo et Viparis ; qu'en jugeant toutefois que « faute de démontrer [que les sociétés SCI Propexpo et Viparis étaient] ses assurées », la société Allianz ne saurait se réclamer du bénéfice de la subrogation, tandis que cette preuve n'avait pas à être rapportée dans le cadre de la subrogation conventionnelle, dont les conditions étaient remplies, la cour d'appel a violé l'article 1250 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1250 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable à la cause :
5. Aux termes de ce texte, la subrogation est conventionnelle lorsque le créancier recevant son paiement d'une tierce personne la subroge dans ses droits, actions, privilèges ou hypothèques contre le débiteur : cette subrogation doit être expresse et faite en même temps que le paiement.
6. Pour débouter la société Allianz de ses demandes, l'arrêt énonce que si la police reconnaît bien la qualité d'assurées aux sociétés du groupe Unibail-Rodamco, ni le bail emphytéotique, ni les autres pièces produites aux débats ne permettent d'établir l'appartenance des sociétés SCI Propexpo et Viparis à ce groupe et que faute de démontrer que ces deux sociétés sont ses assurées, la société Allianz ne saurait se réclamer du bénéfice de la subrogation et n'a donc pas la qualité pour agir.
7. En se déterminant ainsi, sans rechercher si les quittances subrogatives consenties par les sociétés SCI Propexpo et Viparis, dont se prévalait la société Allianz, n'emportaient pas subrogation conventionnelle dans les droits de celles-ci, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Et sur le second moyen
Enoncé du moyen
8. Les sociétés Allianz, SCI Propexpo et Viparis font grief à l'arrêt de débouter la société Viparis de ses demandes d'indemnisation en réparation de son préjudice non indemnisé par l'assureur, d'un montant de 313 399 euros, dirigées contre la société Spie et son assureur la société Generali, alors « que le juge ne peut refuser d'évaluer le montant d'un préjudice dont il a constaté l'existence en son principe ; qu'en l'espèce, la société Viparis sollicitait la réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de l'inondation du local de production d'eau glacée, survenue dans la nuit du 26 au 27 mai 2010, en raison des fautes commises par la société Spie dans l'exécution de sa prestation de maintenance ; que la cour d'appel a jugé que la société Spie était responsable des dommages causés à la société Viparis ; qu'en déboutant cependant la société Viparis de ses demandes indemnitaires au motif inopérant que « ni le rapport d'expertise ni les pièces produites par les appelantes ne permettent de déterminer le montant du préjudice subi par la société Viparis », la cour d'appel a violé l'article 4 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code civil :
9. Il résulte de ce texte que le juge ne peut refuser d'évaluer le montant d'un dommage dont il constate l'existence en son principe.
10. Pour débouter la société Viparis de sa demande de réparation de son préjudice non indemnisé par la société Allianz, l'arrêt retient que le sinistre est dû à une rupture de canalisation d'eau froide dans les locaux techniques de climatisation et que la société Spie, qui était chargée de l'entretien et du fonctionnement de l'ensemble des réseaux d'eau, a manqué à son obligation de résultat sans justifier d'un cas de force majeure, de sorte que sa responsabilité doit être retenue. L'arrêt énonce, par ailleurs, que l'expert n'a pas vérifié et individualisé les paiements que les sociétés SCI Propexpo et Viparis auraient chacune pu faire au titre des travaux nécessités par la remise en état des installations et que ni ce rapport, ni les pièces produites ne permettent de déterminer le montant du préjudice subi par la société Viparis.
11. En statuant ainsi, alors qu'il appartenait à la cour d'appel, qui avait constaté l'existence en son principe du préjudice découlant du sinistre et consistant dans le coût de remise en état des installations, de l'évaluer pour en déduire le montant des sommes éventuellement restées à charge de la société Viparis après perception de l'indemnité versée par la société Allianz, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Civ.1 13 octobre 2021 n° 19-26.284
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 13 octobre 2021
Cassation partielle
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 616 F-D
Pourvoi n° N 19-26.284
Aide juridictionnelle totale en défense au profit de Mme [B]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 27 novembre 2020.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 13 OCTOBRE 2021
M. [O] [J], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° N 19-26.284 contre l'arrêt rendu le 24 septembre 2019 par la cour d'appel de Grenoble (chambre des affaires familiales), dans le litige l'opposant à Mme [Y] [B], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Mme [B] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Poinseaux, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [J], de la SCP Alain Bénabent, avocat de Mme [B], et l'avis de Mme Marilly, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 6 juillet 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Poinseaux, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 24 septembre 2019), un jugement du 14 mai 2013 a prononcé le divorce de M. [J] et Mme [B], mariés sous le régime de la communauté légale, et ordonné la liquidation et le partage de leurs intérêts patrimoniaux.
2. Le 22 décembre 2015, Mme [B] a assigné M. [J] pour voir trancher les points de désaccord subsistant entre eux.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi principal, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen du pourvoi incident
Enoncé du moyen
4. Mme [B] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à voir admettre au profit de la communauté une récompense due par son ex-époux à raison du remboursement, par des deniers communs, d'un prêt personnel, alors « que le juge ne peut refuser d'évaluer une créance dont il a admis le principe et ne peut refuser de statuer en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties ; que la cour d'appel qui, après avoir expressément admis que « le principe de la créance de la communauté est établi », a retenu qu'il ne lui incombait pas de suppléer la carence des parties dans l'administration de la preuve et que l'exposante ne démontrait pas les éléments permettant de liquider ladite créance au regard de l'article 1469 du code civil l'a ainsi déboutée de sa demande en ce sens, violant ainsi les principes sus énoncés, ensemble l'article 4 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code civil :
5. Il résulte de ce texte que le juge ne peut refuser de statuer en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties.
6. Pour rejeter la demande de Mme [B], l'arrêt retient qu'il n'incombe pas à la juridiction de suppléer la carence des parties dans l'administration de la preuve et que celle-ci ne démontre pas les éléments permettant de liquider la créance au regard de l'article 1469 du code civil dont elle sollicite l'application.
7. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que Mme [B] produisait le contrat de prêt souscrit par M. [J] avant le mariage et sollicitait une récompense au titre de quatre-vingt-deux échéances prises en charge par la communauté, la cour d'appel, qui a refusé de calculer le montant de la récompense due à la communauté, a violé le texte susvisé.
Civ.1 13 octobre 2021 n° 19-24.008 B
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 13 octobre 2021
Cassation partielle
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 613 FS-B
Pourvoi n° P 19-24.008
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 13 OCTOBRE 2021
Mme [V] [E], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 19-24.008 contre l'arrêt rendu le 27 août 2019 par la cour d'appel de Colmar (5e chambre civile), dans le litige l'opposant à M. [U] [Q], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
M. [Q] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Vigneau, conseiller, les observations de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de Mme [E], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. [Q], et l'avis de Mme Marilly, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 6 juillet 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Vigneau, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, M. Hascher, Mmes Antoine, Poinseaux, Guihal, M. Fulchiron, Mme Dard, conseillers, Mmes Mouty-Tardieu, Gargoullaud, Azar, M. Buat-Ménard, Mme Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, Mme Marilly, avocat général référendaire, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 27 août 2019), un arrêt du 29 janvier 2013 a prononcé le divorce de M. [Q] et de Mme [E], mariés sous le régime de la communauté réduite aux acquêts.
2. Des difficultés s'étant élevées lors de la liquidation de leurs intérêts patrimoniaux, Mme [E] a assigné M. [Q] en partage.
Examen des moyens
Sur le troisième moyen du pourvoi incident, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen relevé d'office
4. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.
Vu les articles 1401, 1403 et 1437 du code civil :
5. Il ressort de ces textes que la communauté, à laquelle sont affectés les fruits et revenus des biens propres, doit supporter les dettes qui sont la charge de la jouissance de ces biens et que leur paiement ne donne pas droit à récompense au profit de la communauté lorsqu'il a été fait avec des fonds communs. Il s'ensuit que n'ouvre pas droit à récompense au profit de la communauté le paiement, au moyen des revenus bruts d'une exploitation agricole propre à un époux, des dépenses résultant de la gestion courante de celle-ci, tels le remplacement d'un matériel amorti ou l'entretien des biens mobiliers ou immobiliers affectés à l'exploitation.
6. Pour dire que M. [Q] doit une récompense à la communauté à raison de l'acquisition de matériel pour les besoins d'une exploitation agricole lui appartenant en propre, l'arrêt retient que celui-ci, dont une partie a accru le patrimoine de l'exploitation et l'autre a remplacé le matériel déjà présent lors du mariage, a été payé à l'aide des revenus de cette exploitation et non pas à l'aide des salaires de l'épouse.
7. En statuant ainsi, en reconnaissant à la communauté un droit à récompense pour l'ensemble du matériel acquis en cours d'union, alors qu'il ressortait de ses constatations que cette acquisition se rattachait partiellement à la gestion courante de l'exploitation, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Sur le second moyen relevé d'office
8. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.
Vu les articles 1485, 1404, alinéa 2, et 1406 du code civil :
9. Il résulte du premier de ces textes qu'à partir de la dissolution de la communauté, dans les rapports entre époux, chacun de ceux-ci supporte seul les dettes qui n'étaient devenues communes que sauf récompense à sa charge.
10. Aux termes du deuxième, forment des propres par leur nature, mais sauf récompense s'il y a lieu, les instruments de travail nécessaires à la profession de l'un des époux, à moins qu'ils ne soient l'accessoire d'un fonds de commerce ou d'une exploitation faisant partie de la communauté.
11. Selon le troisième, forment aussi des propres, sauf récompense s'il y a lieu, les biens acquis à titre d'accessoires d'un bien propre, ainsi que les valeurs nouvelles et autres accroissements se rattachant à des valeurs mobilières propres.
12. Pour inscrire au passif de la communauté le capital restant dû au titre des prêts contractés par les époux afin de financer l'acquisition de matériel pour les besoins de l'exploitation agricole de M. [Q], l'arrêt retient que ce matériel, dont une partie a accru le patrimoine de l'exploitation et l'autre a remplacé le matériel déjà présent lors du mariage, faisait partie du patrimoine propre de ce dernier.
13. En statuant ainsi, alors que seul le solde des emprunts afférents au remplacement d'un matériel amorti devait être supporté à titre définitif par la communauté à compter de sa dissolution, le solde relatif à l'acquisition du nouveau matériel devant être supporté par M. [Q], la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Sur le moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi principal
Enoncé du moyen
14. Mme [E] fait grief à l'arrêt de fixer à la somme de 215 957,27 euros la récompense due par M. [Q] à la communauté au titre de l'acquisition de matériel agricole propre et de fixer le passif commun à la somme de 378 534 euros, alors « que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'à ce titre, il ne peut fonder sa décision sur un rapport d'expertise non contradictoire et dont les conclusions étaient contestées par la partie à laquelle il était opposé ; qu'un rapport unilatéralement établi ne peut être pris en considération que s'il a été soumis à la discussion contradictoire et que si les juges ont appuyé leur décision sur d'autres éléments de preuve ; que pour déduire de la récompense due la valeur de reprises dues à M. [Q] au titre du matériel subrogé au matériel existant au jour du mariage, la cour d'appel s'est exclusivement appuyée sur un rapport d'expertise [S] établi non contradictoirement à la demande de M. [Q], sans qu'aucune autre pièce ne vienne le corroborer ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 16 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 16 du code de procédure civile :
15. Il résulte de ce texte que, si le juge ne peut refuser d'examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise au débat contradictoire, il ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties.
16. Pour déterminer l'avantage procuré à l'exploitation agricole de M. [Q], l'arrêt retient que le seul élément versé aux débats permettant d'évaluer la valeur du matériel à la date du mariage est une étude produite par celui-ci et émanant de l'association de gestion et de comptabilité avec lequel il est en relation de longue date. Il ajoute que, si l'étude n'a pas été menée contradictoirement, il s'agit d'un document précis et détaillé, qui se fonde sur des documents objectifs, à savoir les bilans comptables de l'exploitation en cause.
17. En statuant ainsi, en se fondant exclusivement sur un rapport d'expertise non judiciaire réalisé à la demande d'une partie, sans vérifier si ce rapport était corroboré par d'autres éléments de preuve, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Sur le quatrième moyen, pris en sa première branche, du pourvoi incident
Enoncé du moyen
18. M. [Q] fait grief à l'arrêt de fixer à la somme de 26 250 euros la récompense due par lui à la communauté au titre de l'édification d'un hangar sur un terrain lui appartenant en propre, alors « que le juge ne peut refuser de statuer en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies ; que M. [Q] soutenait sans être contredit avoir effectué lui même les travaux d'édification du hangar sur le terrain lui appartenant en propre, que seul le coût du matériel pouvait donner droit à récompense au profit de la communauté et qu'il convenait ici de déterminer la fraction de la plus-value du bien rattachable à l'utilisation de ces matériaux afin de déterminer le montant de la récompense due à la communauté ; qu'en retenant qu'il était impossible de déterminer la part de l'industrie personnelle de M. [Q], et en fixant le montant de la récompense due par M. [Q] à la communauté au titre de l'édification d'un hangar sur un terrain lui appartenant en propre à la valeur de ce hangar au jour de la dissolution de la communauté, la cour d'appel a violé l'article 4 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code civil :
19. Il résulte de ce texte que le juge ne peut refuser de statuer en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties.
20. Pour fixer le montant de la récompense due à la communauté par M. [Q] au titre de l'édification, pendant la durée du mariage, d'un hangar sur un terrain lui appartenant en propre, à la valeur de celui-ci, l'arrêt retient que le coût d'acquisition de ce bâtiment a été payé par les revenus de l'exploitation agricole et qu'il n'est pas possible de déterminer la part de l'industrie personnelle de M. [Q] dans la réalisation des travaux de construction et d'agrandissement de ce bâtiment.
21. En statuant ainsi, alors qu'il lui incombait d'évaluer la part de l'industrie personnelle de M. [Q] dans la réalisation des travaux, au besoin en recourant à une mesure d'expertise, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Et sur le cinquième moyen du pourvoi incident
Enoncé du moyen
22. M. [Q] fait grief à l'arrêt de fixer à la somme de 64 607 euros la récompense due par lui à la communauté pour le financement de la construction d'une maison sur un terrain lui appartenant en propre, situé [Adresse 2], alors « que tout jugement doit être motivé ; que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motif ; que M. [Q] faisait valoir qu'il avait effectué personnellement, avec l'aide de proches dont il produisait les attestations, les travaux de main d'oeuvre de la construction de la maison sur le terrain lui appartenant sis [Adresse 2], que la récompense réclamée par Mme [E] au titre de cette construction devait être diminuée de l'industrie ainsi déployée, et qu'il convenait donc de déterminer la fraction de la plus-value procurée au bien par cette construction qui était rattachable à l'utilisation des seuls matériaux financés par la communauté afin de déterminer le montant de la récompense due à celle-ci ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen déterminant et assorti d'éléments de preuve, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
23. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs.
24. Pour fixer à une certaine somme la récompense due par M. [Q] à la communauté pour le financement de la construction d'une maison sur un terrain lui appartenant en propre, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, qu'elle ne peut être moindre que le profit subsistant, d'après la proportion dans laquelle les fonds empruntés à la communauté ont contribué au financement de la construction.
25. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. [Q] qui soutenait qu'il avait effectué personnellement, avec l'aide de proches dont il produisait les attestations, les travaux de main d'oeuvre de la construction de cette maison et que la récompense réclamée par Mme [E] devait donc être diminuée de l'industrie ainsi déployée, de sorte qu'il convenait de déterminer, pour fixer le montant de la récompense, la fraction de la plus-value procurée au bien par cette construction qui était rattachable à l'utilisation des seuls matériaux financés par la communauté, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
Civ.3 30 septembre 2021 n° 19-24.931
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 30 septembre 2021
Cassation partielle
M. MAUNAND, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 693 F-D
Pourvois n° X 19-23.740 S 19-24.931 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 SEPTEMBRE 2021
I. 1°/ M. [E] [D], domicilié [Adresse 2] (Suisse),
2°/ La société d'aménagement foncier de la Plaine [D], dont le siège est [Adresse 3],
ont formé le pourvoi n° X 19-23.740 contre un arrêt rendu le 12 juillet 2019 par la cour d'appel de Saint-Denis (chambre des expropriations), dans le litige les opposant :
1°/ à la communauté d'agglomération du territoire de la Côte-Ouest, dont le siège est [Adresse 6],
2°/ au commissaire du gouvernement, Brigade des évaluations domaniales, domicilié [Adresse 1],
défendeurs à la cassation. La communauté d'agglomération du territoire de la Côte-Ouest, a formé le pourvoi n° S 19-24.931 contre le même arrêt rendu, dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [E] [D],
2°/ à la société d'aménagement foncier de la plaine [D],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs au pourvoi n° X 19-23.740 invoquent, à l'appui de leur recours, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.
La demanderesse au pourvoi n° S 19-24.931 invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation également annexés au présent arrêt ;
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Djikpa, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la communauté d'agglomération du Territoire de la Côte-Ouest, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [D] et de la société d'aménagement foncier de la Plaine [D], après débats en l'audience publique du 6 juillet 2021 où étaient présents M. Maunand, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Djikpa, conseiller référendaire rapporteur, M. Nivôse, conseiller, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° X 19-23.740 et S 19-24.931 sont joints.
Désistement partiel
2. Il est donné acte à M. [D] et à la Société d'aménagement foncier de la Plaine [D] (la [L]) du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le commissaire du gouvernement.
Faits et procédure
3. L'arrêt attaqué (Saint-Denis, 12 juillet 2019) fixe les indemnités revenant à M. [D] au titre de l'expropriation, au profit de la communauté d'agglomération du territoire de la Côte Ouest (le TCO), de plusieurs parcelles lui appartenant et sursoit à statuer sur les indemnités revenant à la [L], locataire des parcelles expropriées.
Examen des moyens
Sur les premier, deuxième et troisième moyens du pourvoi de M. [D] et de la [L] et sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième, troisième, quatrième et septième branches, et le second moyen du pourvoi du TCO, ci-après annexés
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en ses cinquième et sixième branches, du pourvoi du TCO
Enoncé du moyen
5. Le TCO fait grief à l'arrêt d'allouer à M. [D] la somme de 17 154 940 euros au titre de la valeur vénale du terrain et celle de 8 711 191,58 euros au titre de la valeur du tréfonds des parcelles expropriées et, partant, une indemnité de remploi de 2 594 377,44 euros et une indemnité totale de 28 460 509,02 euros, alors :
« 5°/ que lorsqu'un tréfonds est effectivement exploité à la date de référence, l'exproprié doit être indemnisé en considération de cet usage effectif, ce qui implique de tenir compte des bénéfices d'exploitation perdus ; que lorsque tel n'est pas le cas mais que ce tréfonds est exploitable à la date de l'ordonnance d'expropriation portant transfert de propriété, ou, à défaut, à la date du jugement indemnitaire, participant de la consistance du bien exproprié, il est à l'origine d'une plus-value du terrain de surface, laquelle ne peut pas être calculée en considération des bénéfices supposés d'une exploitation ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt et du jugement entrepris qu'à la date de référence, le 15 mai 2001, les gisements situés dans le sous-sol des parcelles expropriées n'étaient pas exploités puisque les contrats de fortage n'ont été conclus qu'en 2006 et que les autorisations préfectorales d'exploitation n'ont été délivrées que par arrêtés des 25 juillet et 27 août 2013 ; qu'en indemnisant, non (ainsi qu'elle l'indique) la plus-value, mais la perte de gains - à partir de ceux procurés par son exploitation puisque à partir du prix fixé dans les contrats de fortage en cours d'exécution - qu'était susceptible de procurer l'exploitation du sous-sol de la parcelle AB [Cadastre 6], qui était certes partiellement exploité à la date de la décision de première instance mais qui ne l'était pas à la date de référence, ce qui devait la conduire à raisonner en considération de sa consistance, de son caractère exploitable à la date du jugement entrepris, substituée à celle de l'ordonnance d'expropriation, et, dès lors, à n'indemniser que la plus-value que le gisement pouvait procurer au terrain de surface, la cour d'appel a violé l'article L. 322-1 du code de l'expropriation, ensemble l'article L 322-1 du même code ;
6°/ que lorsqu'un tréfonds est effectivement exploité à la date de référence, l'exproprié doit être indemnisé en considération de cet usage effectif, ce qui implique de tenir compte des bénéfices d'exploitation perdus ; que lorsque tel n'est pas le cas mais que ce tréfonds est exploitable à la date de l'ordonnance d'expropriation portant transfert de propriété, ou, à défaut, à la date du jugement indemnitaire, participant de la consistance du bien exproprié, il est à l'origine d'une plus-value du terrain de surface, laquelle ne peut pas être calculée en considération des bénéfices supposés d'une exploitation ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt et du jugement entrepris qu'à la date de référence, le 15 mai 2001, les gisements situés dans le sous-sol des parcelles expropriées n'étaient pas exploités puisque les contrats de fortage n'ont été conclus qu'en 2006 et que les autorisations préfectorales d'exploitation n'ont été délivrées que par arrêtés des 25 juillet et 27 août 2013 ; qu'en indemnisant, non (ainsi qu'elle l'indique) la plus-value, mais la perte de gains qu'était susceptible de procurer l'exploitation du sous-sol de la partie de la parcelle AB [Cadastre 6] et des parcelles AB [Cadastre 5], AB [Cadastre 7], AB [Cadastre 8], AB [Cadastre 9], AB [Cadastre 10] et AB [Cadastre 11] qui n'avait jamais été exploité - à partir de ceux procurés par l'exploitation de la partie du sous-sol de la partie de la parcelle AB [Cadastre 6] qui était exploitée puisque à partir du prix fixé dans les contrats de fortage en cours d'exécution - quand, ne pouvant tenir compte que du caractère exploitable de ce sous-sol à la date du jugement entrepris, elle ne pouvait indemniser que la plus-value que les gisements pouvaient procurer au terrain de surface, la cour d'appel a violé l'article L. 322-1 du code de l'expropriation, ensemble l'article L. 322-1 du même code. »
Réponse de la Cour
6. La cour d'appel n'a pas indemnisé la perte des gains qu'aurait pu procurer l'exploitation du gisement, mais a évalué la plus-value conférée aux parcelles expropriées par la présence d'un gisement exploitable, selon une méthode d'évaluation souverainement choisie, qui pouvait tenir compte, parmi les éléments d'appréciation retenus, des conditions d'exploitation des carrières déjà effectivement exploitées sur la parcelle AB [Cadastre 6].
7. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le quatrième moyen du pourvoi de M. [D] et de la [L]
Enoncé du moyen
8. M. [D] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'indemnisation au titre des constructions édifiées par la société Hyper jardin sur la parcelle AB [Cadastre 12], alors « que le juge de l'expropriation ne peut pas refuser d'indemniser l'exproprié au titre de constructions au prétexte d'une prétendue impossibilité de la chiffrer en l'absence d'indications sur les caractéristiques de celle-ci ; qu'en retenant, pour débouter M. [D] de sa demande indemnitaire au titre des constructions, qu'elles ne pouvaient donner lieu à indemnisation en l'absence d'éléments plus précis sur leur valeur et leur état, la cour d'appel qui a commis un déni de justice, a violé l'article 4 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code civil :
9. Il résulte de ce texte que le juge ne peut refuser de réparer le dommage dont il a constaté l'existence en son principe, motif pris de l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties.
10. Pour refuser d'indemniser la perte des constructions édifiées sur la parcelle AB [Cadastre 12], l'arrêt retient qu'elles ne sauraient, en l'absence d'éléments plus précis sur leur valeur et leur état, donner lieu à indemnisation du propriétaire.
11. En refusant ainsi d'évaluer le dommage dont elle constatait l'existence en son principe, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Civ.2 8 juillet 2021 n° 19-17.453
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 8 juillet 2021
Cassation partielle
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 720 F-D
Pourvois n° N 19-12.231 P 19-17.453 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 JUILLET 2021
I. La société Allianz Benelux NV, dont le siège est [Adresse 1] (Pays-Bas),
a formé le pourvoi n° N 19-12.231 contre un arrêt rendu le 31 janvier 2019 par la cour d'appel d'Orléans (chambre commerciale, économique et financière), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société LM Energie, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à la société AIG Europe, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], [Localité 1], prise en sa succursale néerlandaise AIG Europe Netherlands NV situé [Adresse 4] (Pays-Bas), et venant aux droits de la société AIG Europe Limited, venant elle-même aux droits de la société Chartis Europe Limited,
3°/ à M. [S] [I], domicilié [Adresse 5], pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société Rev'solaire,
4°/ à M. [R] [B], domicilié [Adresse 6] (Pays-Bas), pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société Alrack BV,
5°/ à la société AXA France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 7],
6°/ à la société SMA, société anonyme, dont le siège est [Adresse 8],
7°/ à la société Alrack BV, dont le siège est [Adresse 9] (Pays-Bas),
défendeurs à la cassation.
II. La société AIG Europe, société anonyme, prise en sa succursale néerlandaise AIG Europe Netherlands NV, venant aux droits de la société AIG Europe Limited, venant elle-même aux droits de la société Chartis Europe Limited,
a formé le pourvoi n° P 19-17.453 contre le même arrêt rendu, dans le litige l'opposant :
1°/ à la société LM Energie, société à responsabilité limitée,
2°/ à la société Allianz Benelux NV,
3°/ à M. [S] [I], pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société Rev'solaire,
4°/ à M. [R] [B], pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société Alrack BV,
5°/ à la société Axa France IARD,
6°/ à la société SMA, société anonyme,
7°/ à la société Alrack BV,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse au pourvoi n° N 19-12.231 invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
La demanderesse au pourvoi n° P 19-17.453 invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de Mme Guého, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de la société Allianz Benelux NV, de Me Occhipinti, avocat de la société LM Energie, de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de la société AIG Europe, prise en sa succursale néerlandaise AIG Europe Netherlands NV, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Axa France IARD, de Me Le Prado, avocat de la société SMA, et après débats en l'audience publique du 2 juin 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Guého, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° P 19-17.453 et N 19-12.231, qui attaquent le même arrêt, sont joints.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 31 janvier 2019), en 2011, la société LM Energie, qui a pour activité la production et la vente d'énergie électrique, a fait réaliser par la société Rev'solaire, assurée auprès de la société Sagena, une installation photovoltaïque comportant deux centrales de production composées de panneaux fabriqués par la société Scheuten, assurée auprès de la société Chartis Europe aux droits de laquelle est venue la société de droit néerlandais AIG Europe Netherlands (la société AIG), et équipés de boîtiers de connexion dont la fabrication avait été sous-traitée à la société Alrack BV (la société Alrack), assurée auprès de la société Allianz Benelux NV (la société Allianz).
3. Ayant été informée par la société Rev'solaire de la nécessité de mettre les panneaux hors tension en raison d'un risque d'incendie causé par un vice du matériel, la société LM Energie, après avoir obtenu en référé la désignation d'un expert, a assigné son assureur la société Axa France IARD, M. [I] en qualité de liquidateur de la société Rev'solaire et la société Sagena, aux fins de condamnation au paiement de certaines sommes au titre des frais de remplacement des panneaux et des pertes de recettes générées par les pertes de production.
4. La société SMA, venant aux droits de la société Sagena, a assigné en intervention forcée et en garantie les sociétés AIG, Alrack et Allianz et, la liquidation judiciaire de la société Alrack ayant été prononcée le 12 avril 2016, a appelé en la cause le liquidateur. 5. Dans ses conclusions, la société LM Energie a sollicité en outre la condamnation des sociétés AIG et Allianz, in solidum entre elles et avec la société SMA, à lui payer les mêmes sommes que celles auxquelles serait condamnée cette dernière, sur son action directe.
Examen des moyens
Sur le premier moyen du pourvoi n° P 19-17.453, pris en ses quatre premières branches, le troisième moyen du même pourvoi, pris en sa deuxième branche, le quatrième moyen du même pourvoi, pris en ses troisième et quatrième branches, et le premier moyen du pourvoi n° N 19-12.231, ci-après annexés
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen du pourvoi n° P 19-17.453 formé par la société AIG, pris en sa cinquième branche
Enoncé du moyen
7. La société AIG fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société LM Energie la somme de 442 922,57 euros au titre du remplacement des panneaux photovoltaïques en précisant que s'applique à cette condamnation la franchise contractuelle de 100 000 euros concernant la réparation des préjudices matériels alors « que le juge ne doit pas dénaturer les écrits sur lesquels il fonde sa décision ; que la clause C.9 des conditions particulières était intitulée « couverture responsabilité produit élargie (frais de montage et d'installation) et couverture rappel de produit » et stipulait qu'« en complément des dispositions de l'article 1.6.2 (dommages aux biens) et par dérogation partielle aux dispositions de l'article 4.4.2 (remplacement, correction et réparation de biens livrés) des conditions générales de la police, la présente assurance couvre ? en tenant compte des dispositions arrêtées dans la présente clause ? la responsabilité de l'assuré au titre des frais exposés ou appelés à être exposés par des tiers qui ne sont pas l'une des parties assurées en conséquence de produits défectueux livrés par l'assuré consistant en 1.1. frais de montage et d'installation : Les frais exposés suite à l'installation, au montage ou à l'assemblage d'un produit défectueux livré par l'assuré » ; qu'en se fondant pourtant sur cette clause pour retenir que la garantie de la société AIG Europe couvrirait la fourniture des produits remplaçant les produits livrés par son assurée, quand il en résultait clairement et précisément elle n'était relative qu'aux frais de montage et d'installation et non au coût des panneaux photovoltaïques et de leur remplacement, la cour d'appel a derechef violé le principe susvisé en dénaturant la police d'assurance qu'elle devait mettre en oeuvre. »
Réponse de la Cour
8. C'est par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, de la clause C.9.1 des conditions particulières du contrat souscrit par la société Scheuten, intitulée « couverture responsabilité produits élargie (frais de montage et installation) et couverture rappel de produit », que l'ambiguïté de ses termes rendait nécessaire, que la cour d'appel a retenu que la société AIG était tenue, par cet article qui dérogeait expressément aux conditions générales, de prendre en charge la fourniture et l'installation des produits au titre du remplacement de ceux qui étaient défectueux, soit en l'espèce le remplacement des panneaux photovoltaïques.
9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
Sur le deuxième moyen du pourvoi n° P 19-17.453 formé par la société AIG
Enoncé du moyen
10. La société AIG fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société LM Energie la somme de 9 003,33 euros au titre des charges d'exploitation afférentes au sinistre, en précisant que s'applique à cette condamnation la franchise contractuelle de 100 000 euros concernant la réparation des préjudices matériels, alors :
« 1°/ que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ; que la clause C.9 des conditions particulières de la police d'assurance étend la garantie aux frais de montage et d'installation exposés par des tiers en conséquence de produits défectueux livrés par l'assuré ; que l'article 5 de la clause C.9 stipulait que « la demande d'indemnisation devra se rapporter à des produits fabriqués et livrés après la date d'entrée en vigueur de la couverture et pour lesquels les frais correspondants ont été exposés dans un délai de deux ans après que ces produits ont été livrés » ; qu'en faisant partir ce délai de deux ans de l'attrait de l'assureur dans la procédure d'expertise ayant permis de connaître l'ampleur des frais pour lesquels la garantie était recherchée, quand les parties avaient clairement et précisément limité la garantie aux frais exposés pendant deux ans à partir du jour de livraison, la cour d'appel a violé l'article 1103 du code civil ;
2°/ que l'assureur peut opposer au tiers victime toute limitation de garantie stipulée dans la police d'assurance ; qu'en jugeant que la société AIG Europe devrait garantir les frais de montage et d'installation exposés par la société LM Energie en avril et mai 2014 pour le remplacement des installations, soit plus de deux ans après la livraison des biens de l'assuré dont elle constatait qu'ils avaient été installés en septembre 2011, au prétexte inopérant que cette limitation de garantie n'aurait pas été portée à sa connaissance, la cour d'appel a violé l'article L. 124-3 du code des assurances. » Réponse de la Cour
11. L'arrêt ayant constaté que les parties avaient expressément choisi de soumettre leur convention au droit néerlandais, le moyen, pris en sa seconde branche, en ce qu'il se réfère à l'application de dispositions du droit français pour déterminer l'opposabilité au tiers lésé d'une stipulation du contrat relative à l'étendue de la garantie, est inopérant.
12. Dès lors, le moyen, qui en sa première branche est également inopérant comme s'attaquant à des motifs surabondants, ne peut être accueilli.
Sur le quatrième moyen du pourvoi n° P 19-17.453 formé par la société AIG, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
13. La société AIG fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande tendant à voir ordonner la suspension du paiement de ses condamnations, alors « que le juge ne doit pas dénaturer les écrits sur lesquels il fonde sa décision ; qu'en estimant qu'il résulterait d'une consultation juridique produite au débat que l'assureur néerlandais ne pourrait se prévaloir de dispositions spécifiques à des dommages sériels telles que celle prévues à l'article 7 :954 du code civil néerlandais qu'à la condition que sa police d'assurance les prévoie, quand cette affirmation ne résulte nullement de la consultation visée, la cour d'appel a violé le principe susvisé. »
Réponse de la Cour
14. C'est par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, de la consultation juridique produite par la société AIG, que l'ambiguïté de ses termes rendait nécessaire, que la cour d'appel a retenu qu'il en résultait que l'assureur néerlandais ne pouvait se prévaloir de dispositions spécifiques à des dommages sériels qu'à la condition que sa police d'assurance les prévoie.
15. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
Mais sur le troisième moyen du pourvoi n° P 19-17.453 formé par la société AIG, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
16. La société AIG fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société LM Energie la somme de 208 538 euros au titre des pertes de production alors « que le juge ne doit pas dénaturer les pièces sur lesquelles il fonde sa décision ; que la clause G.24 des conditions particulières de la police d'assurance d'AIG Europe intitulée « Exclusion de la non-livraison ou de la livraison insuffisante d'énergie » exclut de la garantie « la responsabilité au titre d'un préjudice et/ou de frais ? ainsi que le préjudice en découlant ? du fait de l'absence de transport ou du transport insuffisant d'énergie solaire par des produits en verre/des panneaux solaires livrés par l'assuré ou sous sa responsabilité » ; qu'en jugeant que cette stipulation ne viserait que l'exclusion des conséquences sur la livraison d'énergie des malfaçons ou non-façons lors de la pose des panneaux et non de leur dysfonctionnement, distinction qui ne résultait pas de la clause G.24 ni du rapprochement de cette clause avec l'article C.15 comme elle le retient, la cour d'appel a violé le principe susvisé. »
Réponse de la Cour
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :
17. Pour condamner la société AIG à payer à la société LM Energie la somme de 208 538 euros au titre des pertes de production, l'arrêt énonce que la société AIG prétend sans fondement qu'en application de la clause G.24 des conditions particulières du contrat, elle ne garantirait pas les pertes de recettes subies par un tiers puisque cette clause, qui exclut toute assurance du fait de l'absence de transport ou du transport insuffisant d'énergie solaire, ne peut être comprise qu'au regard des dispositions de l'article C.15 de ces mêmes conditions générales, intitulé « préjudice financier », lequel indique quant à lui : « En complément de l'article 1.6 des conditions générales d'assurance, la présente assurance couvre également la responsabilité des assurés pour des dommages affectant le seul patrimoine subi par des tiers. Par « dommages affectant le seul patrimoine » on entend un préjudice autre qu'un préjudice en conséquence de dommages aux biens ou de dommages aux personnes, dans le cas où les produits livrés par l'assuré ne peuvent pas être utilisés convenablement, sous réserve que les produits livrés puissent être considérés comme défectueux ». L'arrêt retient qu'il résulte de la lecture combinée de ces deux textes que l'article C.15 des conditions générales prévoit expressément la réparation du préjudice financier résultant du caractère défectueux des produits tandis que l'article G.24 de ces mêmes conditions exclut la réparation des préjudices financiers résultant des insuffisances ou absences de production nées d'autres causes telles que malfaçons ou non façons lors de la pose des panneaux.
18. En statuant ainsi, alors que la clause G.24 des conditions particulières excluait de la garantie « la responsabilité au titre d'un préjudice et/ou de frais - ainsi que le préjudice en découlant - du fait de l'absence de transport ou du transport insuffisant d'énergie solaire par des produits en verre / des panneaux solaires livrés par l'assuré ou sous sa responsabilité », sans distinguer selon la cause et sans que le rapprochement avec la clause C.15 crée une ambiguïté, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de la clause G.24 et violé le principe susvisé.
Et sur le second moyen du pourvoi n° N 19-12.231 formé par la société Allianz, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches
Enoncé du moyen
19. La société Allianz fait grief à l'arrêt de suspendre uniquement le paiement des sommes de 208 538 euros et de 9 033 euros pendant une durée maximum de deux années qui pourra être réduite si l'assureur est à même de déterminer avant sa fin le montant de toutes les réparations qui lui sont réclamées au titre de ce dommage sériel et de procéder au paiement mis à sa charge et de dire qu'à l'issue de ce délai et si le paiement n'est pas intervenu, il appartiendra à toute partie intéressée, que ce soit LM Energie ou l'un des assureurs condamnés in solidum avec la société Allianz, de saisir le juge de l'exécution qui décidera si les conditions de cette suspension sont toujours réunies ou si le nombre de sinistres et les montants dus sont connus et permettent de lever la mesure de suspension pour permettre l'exécution de la condamnation, le cas échéant, au marc l'euro, alors :
« 2°/ que le juge est tenu de statuer sur le fond sur l'entier litige qui lui est soumis ; qu'en l'espèce, dans ce litige sériel, pour assurer l'égalité de traitement des victimes au regard de l'article 7 :954 ? 5° du code civil néerlandais, la cour d'appel, qui a rappelé le principe susvisé, devait elle-même statuer sur la limite de garantie due par la sté Allianz et dire que l'assureur prendra en charge l'indemnisation dans les limites de la proratisation prévue par cet article pour le cas où le total des indemnités dues aux victimes du sinistre sériel excéderait le plafond de la garantie souscrite et dans la limite de ce plafond sans pouvoir renvoyer les parties à saisir le juge de l'exécution pour qu'il décide deux ans plus tard, s'il y a lieu à prononcer une condamnation au marc l'euro; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a méconnu l'étendue de sa saisine, commis un excès de pouvoir négatif et violé ensemble, les articles 4 et 12 du code de procédure civile et L 311-1 du code de l'organisation judiciaire, par refus d'application, l'article L 213-6 du code de l'organisation judiciaire par fausse application et l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
3°/ que le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l'obscurité ou de l'insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice ; qu'en l'espèce en statuant comme elle l'a fait sans statuer elle-même sur le point en litige, la cour d'appel qui a renvoyé les parties à saisir dans deux ans le juge de l'exécution, a commis un déni de justice et violé l'article 4 du Code civil et l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
4°/ que conformément à l'article L 213-6 du code de l'organisation judiciaire, le juge de l'exécution connaît uniquement des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée ; qu'en l'espèce, après avoir elle-même constaté que le droit néerlandais obligeait l'assureur d'un sinistre sériel à suspendre tout paiement en faveur d'une (ou des) victime(s) lorsqu'il « existe un doute raisonnable sur le montant précis qui doit être réglé », la cour d'appel, qui n'avait pas épuisé sa saisine, devait en tirer les conséquences qui s'ensuivaient et, au besoin, réserver sa compétence pour statuer elle-même sur le montant précis qui devra être réglé pour l'indemnisation des préjudices immatériels de LM Energie, sans pouvoir, d'office décider de la déléguer au juge de l'exécution ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a commis un excès de pouvoir négatif et violé ensemble les articles L 213-6 et L 311-1 du code de l'organisation judiciaire et l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code civil et l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire :
20. Il résulte du premier de ces textes que le juge ne peut refuser de juger sous prétexte du silence, de l'obscurité ou de l'insuffisance de la loi.
21. Il résulte du second que le juge de l'exécution ne peut être saisi de difficultés relatives à un titre exécutoire qu'à l'occasion d'une mesure d'exécution forcée entreprise sur le fondement de ce titre.
22. Pour suspendre le paiement des sommes de 208 538 euros et de 9 033 euros pendant une durée maximum de deux années pouvant être réduite si l'assureur est à même de déterminer avant sa fin le montant de toutes les réparations qui lui sont réclamées au titre de ce dommage sériel et dire qu'à l'issue de ce délai et si le paiement n'est pas intervenu, il appartiendra à toute partie intéressée de saisir le juge de l'exécution qui décidera si les conditions de cette suspension sont toujours réunies ou si le nombre de sinistres et les montants dus sont connus et permettent la levée de la mesure de suspension et l'exécution de la condamnation, le cas échéant, au marc l'euro, l'arrêt rappelle ainsi les termes de l'article 7:954 du code civil néerlandais. Celui-ci dispose que « si, dans la mesure où l'assureur verse un montant inférieur au montant dont l'assuré est redevable et que ce dernier montant est supérieur à la somme assurée, le montant dû est proportionné au préjudice subi par chacune des personnes lésées et dans la mesure où il y a des personnes lésées dont le préjudice résulte d'un décès, d'un dommage corporel ou de tout autre dommage. Néanmoins, s'il n'est pas en mesure de déterminer, en se basant sur des motifs raisonnables, combien de demandeurs il y a et en quoi consiste le dommage global et donc quelle part proportionnelle doit être versée à chacun des demandeurs, l'assureur a le droit de suspendre le paiement jusqu'à ce que la part proportionnelle de chaque demandeur soit clairement connue. »
23. L'arrêt retient que de nombreux litiges sont en cours en rapport avec les boîtiers fabriqués par la société Alrack et qu'il est ainsi suffisamment démontré que les conditions de l'article 7:954 précité sont remplies en ce qui concerne l'indemnisation des préjudices immatériels de la société LM Energie.
24. L'arrêt ajoute que cependant, l'incertitude du droit néerlandais concernant la date à laquelle interviendra l'indemnisation, puisqu'il laisse l'assureur décider du moment auquel il estime connaître le montant global de l'indemnisation qui lui sera réclamé, heurte le principe d'ordre public français selon lequel le juge doit trancher l'entier litige qui lui est soumis.
25. L'arrêt en déduit que pour respecter la loi néerlandaise et l'ordre public français, la suspension des paiements dûs par la société Allianz sera ordonnée pendant un délai maximum de deux années, qui pourra être réduit si l'assureur néerlandais est en mesure de déterminer avant son expiration le montant des sommes qui lui est réclamé, et qu'à l'issue de ce délai, si l'indemnisation n'est pas intervenue, il appartiendra à toute partie intéressée de saisir le juge de l'exécution qui pourra exiger de la société Allianz les pièces démontrant qu'elle ne peut encore évaluer les sommes qui lui sont réclamées et décider au vu de leur examen, soit que les conditions de la suspension du paiement sont toujours réunies, soit qu'elles ne le sont plus et que le paiement doit intervenir.
26. En statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait, et non au juge de l'exécution, de se prononcer, au besoin après avoir ordonné un sursis à statuer, sur le montant précis des sommes qui devraient être réglées à la société LM Energie, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé le texte susvisé.
Mise hors de cause
En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause la société Axa France IARD, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.
Com. 30 juin 2021 n° 19-21.059
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 30 juin 2021
Cassation partielle
M. RÉMERY, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 570 F-D
Pourvoi n° G 19-21.059
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 30 JUIN 2021
1°/ la société Marhaba MTA Général Trading LLC, dont le siège est [Adresse 1] (Émirats Arabes Unis),
2°/ la société Asco NV, dont le siège est [Adresse 2] (Belgique),
3°/ la société Zurich Insurance PLC, dont le siège est [Adresse 3] (Belgique),
4°/ la société Axa Belgium, dont le siège est [Adresse 4] (Belgique),
5°/ la société Italiana Assicurazioni Trasporti SIAT, dont le siège est [Adresse 5] (Italie),
6°/ la société Allianz Versicherungs AG, dont le siège est [Adresse 6] (Allemagne),
7°/ la société Kravag Logistic Versicherung, dont le siège est [Adresse 7] (Allemagne),
ayant tous les six pour agent la société Bracht, Deckers & Mackelbert SA - BDM,
ont formé le pourvoi n° G 19-21.059 contre l'arrêt rendu le 2 mai 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-1), dans le litige les opposant à la société CMA CGM, société anonyme, dont le siège est [Adresse 8], défenderesse à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Fontaine, conseiller, les observations de la SCP Delvolvé et Trichet, avocat des sociétés Marhaba MTA Général Trading LLC, Asco NV, Zurich Insurance PLC, Axa Belgium, Italiana Assicurazioni Trasporti SIAT, Allianz Versicherungs AG et Kravag Logistic Versicherung, de Me Le Prado, avocat de la société CMA CGM, après débats en l'audience publique du 18 mai 2021 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Fontaine, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 2 mai 2019), par un connaissement émis le 2 mars 2013 à Durban (Afrique du Sud), mentionnant comme shipper la société sud-africaine FVC International (la société FVC) et comme Consignee et Notify Party la société Emirati Marhaba MTA General Trading LLC (la société Marhaba), la société CMA CGM a transporté du port [Localité 1] (Afrique du Sud) à celui de [Localité 2] (Émirats Arabes Unis) trois conteneurs renfermant des cartons de prunes fraîches.
2. Le 20 mars 2013, à l'arrivée du navire Flora Delmas, des dommages ont été constatés à la marchandise. L'expert désigné à la requête des intérêts facultés a conclu au non-respect des températures précisées sur le connaissement, à une perte de 54,70 % des prunes et à un préjudice de 48 265,30 USD.
3. Le 31 juillet 2013, la société Marhaba a signé une « quittance et lettre de subrogation » pour la somme de 43 947,24 USD reçue de ses assureurs, les sociétés Asco NV, Zurich Insurance PLC, Axa Belgium, Italiana Assicurazioni trasporti SIAT, Allianz Versicherungs AG et Kravag Logistic Versicherungs AG (les assureurs), au titre du dommage et des frais d'expertise.
4. Les assureurs et la société Marhaba ont assigné la société CMA CGM en indemnisation.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
5. La société Marhaba et ses assureurs font grief à l'arrêt de, confirmant le jugement, dire que la société Marhaba ne rapporte pas la preuve d'une franchise restée à sa charge et la débouter en conséquence de sa demande en paiement, dire que la preuve du quantum du dommage subi par la société Marhaba n'est pas établie et en conséquence les débouter de leurs demandes, alors « qu'il résulte des termes clairs et précis du rapport d'expertise que l'expert a fondé son évaluation sur des factures de vente émises par la société FVC, chargeur, à destination de la société Marhaba, reproduites en annexe du rapport ; qu'en retenant néanmoins, pour écarter l'évaluation faite par l'expert, que celui-ci s'était fondé uniquement sur des chiffrages établis unilatéralement par la société Marhaba, la cour d'appel a violé le principe selon lequel le juge ne peut dénaturer les documents de la cause. »
Réponse de la Cour
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :
6. Pour rejeter la demande en paiement, l'arrêt retient que l'expert s'est fondé uniquement sur des chiffrages établis unilatéralement par la société Marhaba.
7. En statuant ainsi, alors que pour calculer l'étendue des pertes l'expert s'était fondé sur les factures de vente établies par la société FVC, le chargeur, pour chacun des conteneurs envoyés à la société Marhaba, le destinataire, et non sur des chiffrages établis unilatéralement par cette dernière, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis du rapport et des factures, a violé le principe susvisé.
Et sur le moyen, pris en sa cinquième branche
Enoncé du moyen
8. La société Marhaba et ses assureurs font le même grief à l'arrêt, alors « qu'en toute hypothèse, le juge ne peut refuser de statuer en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies ; qu'en opposant à la société Mahraba, pour la débouter de sa demande tendant au paiement par la société CMA CGM de la fraction du préjudice restée à sa charge, que faute de verser aux débats la police d'assurance, le montant de la franchise restée à sa charge n'était pas justifié, la cour d'appel a violé l'article 4 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code civil :
9. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
10. Pour rejeter la demande de la société Marhaba en paiement de la contre-valeur en euros de la somme de 4 414,75 USD restée à sa charge, l'arrêt se borne à retenir que la franchise ainsi réclamée n'est pas établie, faute de communication du contrat d'assurance.
11. En statuant ainsi, tout en constatant que l'acte du 31 juillet 2013 subrogeant conventionnellement les assureurs mentionnait une indemnisation de la société Marhaba pour une certaine somme correspondant au montant du préjudice chiffré par l'expert, déduction faite d'une somme de 4 414,75 USD, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé.
Civ.3 17 juin 2021 n° 19-23.655
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 17 juin 2021
Cassation partielle
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 528 F-D
Pourvois n° P 19-22.743 E 19-23.655 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 JUIN 2021
La société Albingia, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],
a formé le pourvoi n° P 19-22.743 contre un arrêt rendu le 5 juin 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 2), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [L] [H], veuve [U], domiciliée [Adresse 2], prise tant en son nom personnel qu'en qualité d'ayant droit de M. [W] [U]
2°/ à Mme [S] [U], domiciliée [Adresse 3], prise en qualité d'ayant droit de M. [W] [U],
3°/ à M. [D] [U], domicilié [Adresse 2], pris en qualité d'ayant droit de M. [W] [U],
4°/ à Mme [E] [G], épouse [G], domiciliée [Adresse 4],
5°/ à M. [X] [G], domicilié [Adresse 5],
6°/ à Mme [T] [G], domiciliée [Adresse 2],
7°/ au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 6], dont le siège est [Adresse 7], représenté par son syndic le cabinet [W], dont le siège est [Adresse 7],
8°/ à la société Bati Pol, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 8],
9°/ à la société MAAF, société anonyme, dont le siège est [Adresse 9],
défendeurs à la cassation.
1°/ Mme [S] [U], prise en qualité d'ayant droit de M. [W] [U],
2°/ M. [D] [U], pris en qualité d'ayant droit de M. [W] [U],
3°/ Mme [L] [H], veuve [U], prise tant en son personnel qu'en qualité d'ayant droit de M. [W] [U],
ont formé le pourvoi n° E 19-23.655 contre le même arrêt, dans le litige les opposant :
1°/ au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 6],
2°/ à la société MAAF assurances, société anonyme,
3°/ à Mme [E] [G],
4°/ à Mme [T] [G],
5°/ à M. [X] [G],
6°/ à la société Albingia, société anonyme,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse au pourvoi n° P 19-22.743 invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Les demandeurs au pourvoi n° E 19-23.655 invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Schmitt, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Albingia, de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat des consorts [U], de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat du syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 6], de Me Le Prado, avocat des consorts [G], après débats en l'audience publique du 18 mai 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Schmitt, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° P 19-22.743 et E 19-23.655 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 juin 2019), après expertise, M. et Mme [U], propriétaires d'un appartement situé au 5e étage d'un immeuble soumis au statut de la copropriété, aux droits desquels se trouvent Mme [S] [U], M. [D] [U] et Mme [L] [U] (les consorts [U]), ont assigné Mme [E] [G], Mme [T] [G] et M. [X] [G] (les consorts [G]), propriétaires de l'appartement situé au-dessus, la société Bati-Pol, qui a réalisé des travaux dans l'appartement des consorts [G], ainsi que son assureur, la MAAF, et le syndicat des copropriétaires (le syndicat), ainsi que son assureur, la société Albingia, en indemnisation des préjudices résultant de dégâts des eaux.
Examen des moyens
Sur le moyen unique, pris en ses première et deuxième branches, du pourvoi n° P 19-22.743, sur le deuxième moyen, pris en ses première et deuxième branches, et sur le troisième moyen du pourvoi n° E 19-23.655, ci-après annexés
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen du pourvoi n° E 19-23.655
Enoncé du moyen
4. Les consorts [U] font grief à l'arrêt de juger les consorts [G] responsables uniquement des dommages subis dans la chambre n° 1 et des nuisances sonores dans la salle à manger de leur appartement, de juger le syndicat des copropriétaires responsable pour moitié des seuls dommages subis dans la cuisine de cet appartement et, en conséquence, de condamner in solidum les consorts [G] et la société MAAF à leur payer les seules sommes de 1 925,27 euros HT au titre du préjudice matériel, de 3 360 euros au titre du préjudice de jouissance et de 32 euros par mois jusqu'à l'achèvement des travaux de réfection de l'installation sanitaires préconisés par l'expert, et de condamner in solidum le syndicat et la société Albingia à leur payer les seules sommes de 198,03 euros HT au titre du préjudice matériel et de 320 euros au titre du préjudice de jouissance dans la cuisine, alors :
« 1°/ que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en l'espèce, en page 65 de son rapport du 13 mai 2013, l'expert judiciaire a conclu qu'il existait dans le salon, la salle à manger et le couloir de l'appartement du 5e étage des époux [U] des « dégradations des enduits et des peintures dues à la fuite du 7/12/2006 en provenance de la chute collective d'eaux du WC commun du 6e étage » et que ces désordres étaient imputables au syndicat des copropriétaires ; qu'en affirmant que « dans le salon et la salle à manger, l'expert n'a constaté aucune dégradation des peintures et enduits mais des fissures qui sont liées à l'ancienneté de l'immeuble et non aux travaux réalisés par les consorts [G] », la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis du rapport d'expertise judiciaire du 13 mai 2013, a violé l'article 1134 devenu 1103 du code civil, ensemble le principe susvisé ;
2°/ que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en l'espèce, en page 65 de son rapport du 13 mai 2013, l'expert a conclu qu'il existait dans la salle de bain de l'appartement des époux [U] des « dégradations des enduits et des peintures dues à des infiltrations d'eau en provenance des installations sanitaires de l'appartement [G] du 6e étage » et que ces désordres étaient imputables en totalité à la société Bati Pol ; qu'en affirmant qu'« aucune dégradation n'a été constatée par l'expert dans la salle de bain », la cour d'appel, qui a une nouvelle fois dénaturé les termes clairs et précis du rapport d'expertise judiciaire du 13 mai 2013, a derechef violé l'article 1134 devenu 1103 du code civil, ensemble le principe susvisé ;
3°/ que les juges du fond sont tenus de réparer le préjudice subi sans qu'il en résulte ni perte, ni profit pour la victime ; que, devant la cour d'appel, les consorts [U] faisaient valoir, preuve à l'appui, qu'ils n'avaient reçu aucune indemnisation de la part de la MAIF, leur assureur, pour les sinistres survenus dans leur appartement depuis 2006 et que si les travaux de reprise avaient pu être estimés, ils n'avaient en revanche pu être réalisés compte tenu de la multiplicité des dégâts des eaux déclarés et de l'humidité persistante en résultant ; que, par motifs adoptés des premiers juges, la cour d'appel a constaté que, « dans un courrier du 16 avril 2015, la MAIF, assureur des époux [U], confirme que le sinistre déclaré le 7 décembre 2006 a fait l'objet d'une évaluation des travaux de réfection mais qu'aucune indemnité n'a pu être versée du fait de la multiplication des dégâts des eaux et de l'impossibilité des travaux sur des supports humides » ; qu'en affirmant pourtant que les peintures et enduits du salon et de la salle à manger des consorts [U] ont été refaits après le sinistre déclaré le 7 décembre 2006 provenant de la chute collective, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil et le principe de la réparation intégrale ;
4°/ que les juges du fond sont tenus de motiver leur décision ; que, dans leurs conclusions, les consorts [U] faisaient valoir, preuve à l'appui, qu'ils n'avaient reçu aucune indemnisation de la part de la MAIF, leur assureur, pour les sinistres survenus dans leur appartement depuis 2006 et que si les travaux de reprise avaient pu être estimés, ils n'avaient en revanche pu être réalisés compte tenu de la multiplicité des dégâts des eaux déclarés et de l'humidité persistante en résultant ; qu'en se bornant à affirmer que les peintures et enduits du salon et de la salle à manger des consorts [U] avaient été refaits après le sinistre déclaré le 7 décembre 2006 provenant de la chute collective, sans s'expliquer sur les pièces sur lesquelles elle se fondait pour parvenir à cette conclusion, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
5. La cour d'appel a retenu, sans dénaturation, que, dans le salon et la salle à manger, l'expert n'avait constaté aucune dégradation des peintures et enduits, mais seulement des fissures qui étaient liées à l'ancienneté de l'immeuble et qu'en outre, aucune dégradation n'avait été constatée par l'expert dans la salle de bain, et que les dommages survenus dans la chambre n° 1 des consorts [U] provenaient du défaut d'étanchéité des installations sanitaires des consorts [G].
6. Ayant retenu, en se fondant sur l'avis de l'expert, une responsabilité partagée par moitié entre M. [T] et le syndicat des copropriétaires pour les dommages survenus dans la cuisine de M. et Mme [U], elle a pu en déduire, abstraction faite du motif surabondant relatif à la réfection des peintures et enduits du salon et de la salle-à-manger après le sinistre déclaré le 7 décembre 2006, que les consorts [G] devaient être déclarés responsables des seuls dommages subis dans la chambre n° 1 et le syndicat responsable pour moitié des seuls dommages subis dans la cuisine de l'appartement.
6. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur moyen unique, pris en sa troisième branche, du pourvoi n° P 19-22.743
Enoncé du moyen
7. La société Albingia fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement, aux seules exceptions de ce qu'il a déclaré irrecevable la demande des consorts [G] au titre du préjudice subi par le plancher de leur appartement dirigée à l'encontre du syndicat des copropriétaires et de ce qu'il a exclu l'application des franchises contractuelles prévues par les polices d'assurances de la société MAAF, assureur de la société Bati-Pol, et de la société Albingia, assureur du syndicat, alors « que toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance ; que quand l'action de l'assuré contre l'assureur a pour cause le recours d'un tiers, le délai de la prescription ne court que du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l'assuré ou a été indemnisé par ce dernier ; qu'une assignation en référé en vue de la nomination d'un expert constitue une action en justice ; qu'en l'espèce, le syndicat des copropriétaires a été assigné en référé par les consorts [U] le 24 décembre 2007, et n'a sollicité la garantie de la société Albingia que le 2 mars 2015 ; qu'en jugeant néanmoins que la société Albingia devait garantir les dommages survenus, sans expliquer quels événements avaient affecté le cours de la prescription biennale et de quelle manière, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 114-1 alinéa 2 du Code des assurances. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 114-1, alinéa 1er et 3, du code des assurances :
8. Selon ce texte, toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance ; quand l'action de l'assuré contre l'assureur a pour cause le recours d'un tiers, le délai de la prescription ne court que du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l'assuré ou a été indemnisé par ce dernier.
9. L'assignation en référé en vue de la désignation d'un expert constituant une action en justice, l'assuré doit mettre son assureur en cause dans les deux ans suivant la date de celle-ci.
10. Pour dire que la société Albingia serait tenue de garantir les dommages survenus, l'arrêt retient que la recevabilité de la demande des consorts [U] contre la société Albingia entraîne la recevabilité de la demande en garantie du syndicat contre son assureur par application de l'article L. 114-1, alinéa 2, du code des assurances aux termes duquel « quand l'action de l'assuré contre l'assureur a pour cause le recours d'un tiers, le délai de la prescription ne court que du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l'assuré ou a été indemnisé par ce dernier. »
11. En se déterminant ainsi, sans s'expliquer sur les événements ayant affecté le cours de la prescription biennale postérieurement à l'assignation en référé du syndicat en vue de la désignation d'un expert, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Et sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi n° E 19-23.655
Enoncé du moyen
12. Les consorts [U] font grief à l'arrêt de condamner in solidum les consorts [G] et la société MAAF à ne leur payer que les sommes de 3 360 euros au titre du préjudice de jouissance dans la chambre n° 1 et de 32 euros par mois jusqu'à l'achèvement des travaux de réfection de l'installation sanitaires préconisés par l'expert, de condamner in solidum le syndicat et la société Albingia à ne leur payer que la somme de 320 euros au titre du préjudice de jouissance dans la cuisine et de rejeter le surplus de leurs demandes, alors « que les juges du fond sont tenus de réparer le préjudice subi sans qu'il en résulte ni perte, ni profit pour la victime ; que, devant la cour d'appel, les consorts [U] soutenaient que les travaux réalisés par les consorts [G] dans la cuisine et les WC de leur appartement, à la fin de l'année 2005, avaient accentué depuis cette date le niveau de bruit perçu dans la salle à manger de leur propre appartement, justifiant l'allocation d'une indemnité réparatrice de 69 600 euros ; que la cour d'appel a constaté l'existence desdits troubles phoniques imputables aux consorts [G], au point qu'elle les a condamnés in solidum à « procéder à des travaux pour améliorer l'isolation phonique de leurs cuisine et wc dans un délai de six mois à compter de la signification du jugement puis sous une astreinte de 100 euros par jours de retard pendant deux mois » ; qu'en affirmant que les consorts [U] ne justifiaient pas en appel « avoir subi un trouble de jouissance de leur appartement lié aux nuisances phoniques dans leur salle à manger à concurrence de 69 600 euros », quand il ressortait de ses propres constatations, qu'en l'état, l'isolation phonique de la cuisine et des WC des consorts [G] était défaillante et occasionnait des nuisances sonores aux consorts [U], ce qui générait nécessairement un trouble de jouissance pour ces derniers, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil et le principe de la réparation intégrale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code civil :
13. Il résulte de ce texte que le juge ne peut refuser de réparer le dommage dont il a constaté l'existence en son principe, motif pris de l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties.
14. Pour rejeter la demande des consorts [U] au titre du préjudice de jouissance lié aux nuisances phoniques, l'arrêt retient que ceux-ci n'apportent en cause d'appel aucun élément nouveau de nature à remettre en cause la décision des premiers juges et ne justifient pas avoir subi un préjudice de jouissance lié aux nuisances phoniques dans leur salle-à-manger à concurrence de 69 600 euros.
15. En statuant ainsi, alors qu'elle avait retenu que les consorts [G] étaient responsables de l'aggravation des nuisances sonores dans la salle à manger de leurs voisins du dessous à 73,5 décibels, soit à un niveau supérieur à 70,2 décibels dans l'appartement témoin du même immeuble, du fait des travaux réalisés dans ces deux pièces, la cour d'appel, qui a refusé d'évaluer le montant d'un dommage dont elle a constaté l'existence en son principe, a violé le texte susvisé.
Soc. 27 mai 2021 n° 20-16.853
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC. / ELECT
LG
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 27 mai 2021
Cassation partielle et annulation
M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 632 F-D
Pourvois n° B 20-10.638 H 20-16.853 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 27 MAI 2021
I. La société Flexcité 93, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° B 20-10.638 contre le jugement rendu le 31 décembre 2019 par le tribunal d'instance d'Aulnay-sous-Bois (contentieux des élections professionnelles), dans le litige l'opposant :
1°/ à la CFDT-FGTE, transports environnement, syndicat général des transports Nord-Est francilien, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à l'union locale de la Seine-Saint-Denis CFE-CGC, 3°/ à l'union locale de la Seine-Saint-Denis CFTC, 4°/ à l'union locale des syndicats et sections syndicales CGT d'Aulnay-sous-Bois,
ayant toutes trois leur siège [Adresse 3],
5°/ à l'union départementale FO de la Seine-Saint-Denis, dont le siège est [Adresse 4],
6°/ au syndicat UNSA transport, dont le siège est [Adresse 5],
II. La société Flexcité 93, société par actions simplifiée unipersonnelle, a formé le pourvoi n° H 20-16.853 contre le jugement rendu le 16 juin 2020 par le tribunal judiciaire de Bobigny, dans le litige l'opposant aux mêmes parties.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi n° B 20-10.638, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt, et, à l'appui de son pourvoi n° H 20-16.853, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.
Les dossiers ont été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Pécaut-Rivolier, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Flexcité 93, après débats en l'audience publique du 31 mars 2021 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Pécaut-Rivolier, conseiller rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° B 20-10.638 et H 20-16.853 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon les jugements attaqués (tribunal d'instance d'Aulnay-sous-Bois, 31 décembre 2019 et tribunal judiciaire de Bobigny, 16 juin 2020), la société Flexcité 93 (la société) a invité les organisations syndicales à négocier un protocole préélectoral pour la mise en place du comité social et économique le 5 avril et le 15 avril 2019. Les négociateurs n'étant pas parvenus à un accord, la société a saisi le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (le Direccte), le 14 mai 2019, pour demander à ce que soit fixée la répartition des sièges et électeurs au sein des collèges.
3. Le Direccte n'ayant pas donné suite à la requête dans le délai légal de 2 mois, l'employeur a saisi le tribunal d'instance, le 30 juillet 2019, d'une requête aux mêmes fins.
4. Le tribunal d'instance a rendu sa décision le 31 décembre 2019, en fixant notamment à plus de 50 salariés l'effectif de la société. Par requête en date du 20 janvier 2020, la société a saisi à nouveau le tribunal judiciaire d'une rectification d'erreur matérielle sur certains éléments du calcul de l'effectif. Le tribunal, par décision du 16 juin 2020, a dit n'y avoir lieu à rectification d'erreur matérielle.
Examen des moyens
Sur le premier moyen du pourvoi n° B 20-10.638, pris en ses troisième, quatrième, cinquième et dixième branches, ci-après annexé
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation
Sur le premier moyen du pourvoi n° B 20-10.638, pris en sa sixième branche
Enoncé du moyen
6. La société fait grief au jugement de dire que son effectif est supérieur à cinquante salariés et d'ordonner que la délégation du personnel au comité social et économique comporte quatre titulaires et quatre suppléants, alors « que ne peuvent être considérées comme salariés mis à disposition d'une entreprise au sens de l'article L. 1111-2 du code du travail, faute de se trouver dans un lien de subordination, les salariés d'une société-mère qui sont dirigeants de filiales du groupe ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions en demande n° 2, la société FXT93 avait fait valoir que, salarié de la société mère du groupe (RATP), M. [K] avait été mis à la disposition de la société RATP DEV pour occuper le poste de directeur de filiale de la société FXT95 et de la société FXT93 et qu'il n'était soumis à aucun lien de subordination au sein de ces filiales de sorte qu'il n'avait pas à être comptabilisé dans les effectifs de la société FXT93 en tant que salarié mis à disposition ; que l'exposante avait également soutenu que tel était le cas aussi de M. [H], salarié de la société RATP Développement, devenu directeur de FXT93 à compter du 1er septembre 2019 ; qu'en retenant que l'inclusion dans les effectifs n'est pas conditionnée par l'existence d'un lien de subordination et qu'en conséquence M. [K] devait, au contraire, être comptabilisé à hauteur de 1 entre les mois de décembre 2018 et d'août 2019 inclus ainsi que M. [H] dans la même proportion pour les mois de septembre à novembre inclus, le tribunal d'instance a violé les articles L. 1111-2 et L. 2314-23 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1111-2 et L. 2314-32 du code du travail :
7. En application du premier de ces textes, les effectifs de l'entreprise sont calculés en fonction de la nature du contrat de travail des salariés. Ne sont pas comptabilisés dans les effectifs de l'entreprise, dans le cadre des élections professionnelles, l'employeur, les mandataires sociaux, ou les cadres dirigeants mis à disposition d'une filiale par la société mère pour y exercer les fonctions de direction et qui ne se trouvent pas sous un lien de subordination.
8. Pour retenir dans les effectifs de la société M. [K] et M. [H], salariés respectivement de la société mère du groupe RATP et de la société RATP développement, le jugement relève que l'inclusion, dans les effectifs d'une société, de salariés mis à disposition n'est pas subordonnée à l'existence d'un lien de subordination.
9. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que les deux salariés susvisés avaient été successivement mis à la disposition de la société Flexcité 93 par la société mère pour y exercer les fonctions de direction de la société, le tribunal, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés.
Et sur le second moyen du pourvoi n° B 20-10.638
Enoncé du moyen
10. La société fait grief au jugement de préciser que les quatre titulaires et les quatre suppléants composant la délégation du personnel au comité social et économique de la société seront élus sur des listes établies au sein de deux collèges, un collège ouvriers et employés, d'une part, un collège agents de maîtrise d'autre part, que le nombre de sièges attribués à chaque collège sera proportionnel à l'importance numérique de chaque collège au sein de l'entreprise, alors :
« 1°/ que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en l'espèce, il ressort de chacun des trois tableaux des effectifs de la société FTX93, pour la période de mai 2018 à avril 2019, pour la période de juillet, août et septembre 2019 et pour le mois d'octobre 2019, qui avaient été versés aux débats par cette dernière et qui figuraient, respectivement, sous les numéros 10, 22 et 26 de son bordereau de pièces, que le statut de chacun des salariés de l'entreprise était clairement mentionné ; qu'en affirmant que la société FXT93 ne produisait aucune pièce permettant de déterminer la qualification de chacun des salariés, le tribunal d'instance a dénaturé les tableaux des effectifs de l'entreprise qui avaient été régulièrement versés aux débats par l'exposante et visés dans son bordereau de communication des pièces, et violé le principe selon lequel le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;
2°/ que le juge ne peut refuser de statuer, en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties ; qu'il lui appartient d'ordonner la production de pièces supplémentaires ou, le cas échéant, d'ordonner une expertise ; qu'en retenant qu'à défaut de production de l'ensemble des contrats de travail et même de toute pièce permettant de déterminer la qualification de chacun des salariés, le tribunal n'était pas en mesure de procéder à la répartition chiffrée des sièges entre chaque collège, quand il lui appartenait d'ordonner la production de l'ensemble des contrats de travail des salariés ou des pièces de nature à déterminer la qualification de ces derniers, le tribunal d'instance a violé l'article 4 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code civil et l'article L. 2314-13 du code du travail :
11. Pour renvoyer les parties à calculer le nombre de sièges attribués à chaque collège en fonction de l'importance numérique de chaque collège, le jugement retient qu'à défaut de production de l'ensemble des contrats de travail et même de toute pièce permettant de déterminer la qualification de chacun des salariés, le tribunal n'est pas en mesure de procéder à la répartition chiffrée des sièges entre chaque collège.
12. En statuant ainsi, alors qu'il était saisi, faute d'accord préélectoral, en application de l'article L. 2314-13 du code du travail, d'une demande visant à répartir les sièges entre les collèges électoraux, et qu'il lui appartenait d'effectuer cette répartition en s'appuyant sur les pièces fournies par l'employeur, lesquelles comportaient un tableau mentionnant la qualification des salariés, et dans le cas où ces pièces lui paraissaient insuffisantes, de demander la production de justificatifs complémentaires, le tribunal a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
13. La cassation partielle des dispositions de la décision du 31 décembre 2019 entraîne, en application de l'article 625 du code de procédure civile, l'annulation du jugement du 16 juin 2020 statuant sur la requête en rectification d'erreur matérielle qui en est la suite nécessaire.
Civ.3 6 mai 2021 n° 20-10.144
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 6 mai 2021
Cassation
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 384 F-D
Pourvoi n° Q 20-10.144
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 MAI 2021
La société Le Mas d'U-Lys, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 20-10.144 contre le jugement rendu le 22 octobre 2019 par le tribunal d'instance de Montpellier, dans le litige l'opposant à Mme [F] [C], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Parneix, conseiller, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de la société Le Mas d'U-Lys, après débats en l'audience publique du 23 mars 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Parneix, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Montpellier, 22 octobre 2019), rendu en dernier ressort, Mme [C], locataire d'un logement meublé appartenant à la SCI Le Mas d'U-Lys, l'a assignée, après libération des lieux, en restitution du dépôt de garantie.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
2. La SCI Le Mas d'U-Lys fait grief au jugement de la condamner à payer une certaine somme à Mme [C], alors « que le juge a relevé que la comparaison des états des lieux d'entrée et de sortie signalait comme dégradations : « lattes cassées du clic clac » ; qu'en refusant toutefois d'indemniser ce préjudice dont il a constaté l'existence en son principe, à défaut de produire les pièces propres à son évaluation, le tribunal a violé l'article 4 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code civil :
3. Il résulte de ce texte que le juge ne peut refuser d'évaluer le montant d'un dommage dont il constate l'existence dans son principe.
4. Pour rejeter la demande au titre des réparations locatives, le jugement retient que la comparaison des états des lieux d'entrée et de sortie fait ressortir comme dégradations survenues au cours du bail : « lattes cassées du clic clac », et que la bailleresse, qui prétend retenir une certaine somme en remplacement de ce meuble, se contente de fournir comme justificatif un simple catalogue.
5. En statuant ainsi, le tribunal a violé le texte susvisé.
Com. 14 avril 2021 n° 19-18.452
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
CM
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 14 avril 2021
Cassation partielle
Mme MOUILLARD, président
Arrêt n° 364 F-D
Pourvoi n° Z 19-18.452
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 14 AVRIL 2021
La société [Personne géo-morale 1], société de droit anglais, dont le siège est [Adresse 1] (Royaume-Uni), a formé le pourvoi n° Z 19-18.452 contre l'arrêt rendu le 15 janvier 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société R&Y Augousti, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à la société Actis, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], en la personne de M. [R] [U], prise en qualité de mandataire judiciaire de la société R&Y Augousti,
3°/ à la société [Personne physico-morale 1], société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 4], en la personne de M. [N], prise en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société R&Y Augousti,
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bellino, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société [Personne géo-morale 1], de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de la société R&Y Augousti et de la société [Personne physico-morale 1], ès qualités, et l'avis de Mme Beaudonnet, avocat général, après débats en l'audience publique du 2 mars 2021 où étaient présentes Mme Mouillard, président, Mme Bellino, conseiller référendaire rapporteur, Mme Darbois, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 janvier 2018), la société [Personne géo-morale 1] (la société [Personne géo-morale 1]), ayant pour activité la vente, sous le nom commercial « Louise Bradley », de meubles et d'objets de décoration haut de gamme, a passé plusieurs commandes à la société R&Y Augousti (la société Augousti).
2. La société Augousti ayant eu des retards dans la fabrication et la livraison de commandes, la société [Personne géo-morale 1] a résilié toutes les commandes et l'a assignée en remboursement des acomptes ainsi qu'en paiement de dommages-intérêts, au titre, d'une part, des marges perdues sur la revente des articles pour lesquels elle avait reçu des commandes fermes de ses propres clients et, d'autre part, de la perte de la chance de réaliser des marges sur la revente d'articles n'ayant pas fait l'objet de telles commandes.
3. La société Augousti ayant été mise en redressement judiciaire puis ayant bénéficié d'un plan de continuation, la société [Personne géo-morale 1] a appelé en la cause la Selarl Actis, prise en la personne de M. [U], en qualité de mandataire judiciaire, et la SCP [Personne physico-morale 1], prise en la personne de M. [N], en qualité d'administrateur judiciaire, devenue commissaire à l'exécution du plan.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
4. La société [Personne géo-morale 1] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes de dommages-intérêts, alors « que le juge ne peut refuser d'évaluer le montant d'une créance dont il constate l'existence en son principe, en se fondant notamment sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties ; qu'en se bornant à relever, pour rejeter les demandes de dommages et intérêts formées par la société [Personne géo-morale 1], que l'étendue des préjudices n'était pas justifiée cependant que cette seule constatation était inopérante à exclure l'existence des préjudices dont il lui appartenait, même en cas d'insuffisance des éléments de preuve produits, de procéder à l'évaluation, au besoin en recourant à une mesure d'instruction, la cour d'appel a violé les articles 4 et 1147 du code civil, le second dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code civil :
5. Il résulte de ce texte que le juge ne peut refuser d'évaluer le montant d'un préjudice dont il a constaté l'existence en son principe, en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties.
6. Pour rejeter les demandes de dommages-intérêts de la société [Personne géo-morale 1], l'arrêt retient, s'agissant de la demande au titre des marges perdues sur les commandes fermes reçues de ses clients, que, si elle justifie de l'établissement d'avoirs au profit de ceux-ci concernant les produits qu'elle a commandés auprès de la société Augousti, elle ne fournit cependant aucun élément comptable susceptible de justifier du taux de marge invoqué et, s'agissant de la demande au titre de la perte de chance de revendre les produits destinés à être exposés dans ses points de vente, qu'elle ne produit aucun justificatif du taux de marge ni du taux d'écoulement des stocks invoqués. Il en déduit que la société [Personne géo-morale 1] ne justifie pas de l'étendue des préjudices dont elle se prévaut.
7. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté l'existence du préjudice invoqué par la société [Personne géo-morale 1], résultant de son manque à gagner sur les ventes que celle-ci n'avait pu réaliser en raison de la carence de la société Augousti, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Civ.3 8 avril 2021 n° 19-24.874
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION______________________
Audience publique du 8 avril 2021
Cassation
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 335 F-D
Pourvoi n° E 19-24.874
Aide juridictionnelle totale en demandeau profit de Mme U....Admission du bureau d'aide juridictionnelleprès la Cour de cassationen date du 26 septembre 2019
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 AVRIL 2021
Mme S... U... épouse N..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° E 19-24.874 contre l'arrêt rendu le 26 mars 2019 par la cour d'appel de Lyon (8e chambre), dans le litige l'opposant à la société Maxcar, société civile immobilière, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Parneix, conseiller, les observations de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de Mme U..., de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Maxcar, après débats en l'audience publique du 9 mars 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Parneix, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 26 mars 2019), la SCI Maxcar a donné à bail à Mme U... un appartement d'une superficie annoncée de 48 m² moyennant un loyer mensuel de 590 euros.
2. Soutenant que la superficie réelle du logement n'était que de 32,12 m², la locataire a assigné la bailleresse, sur le fondement de l'article 3-1 de la loi du 6 juillet 1989, en répétition d'un trop-perçu de loyer.
Examen du moyen
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui est irrecevable.
Mais sur le moyen unique, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. Mme U... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en répétition de l'indu, alors « que le juge ne peut refuser de statuer en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties ; qu'ayant relevé que Mme N... a été invitée par arrêt avant dire droit à produire un décompte émanant de la CAF du Rhône précisant les sommes versées au titre de l'APL à la SCI Maxcar au titre de ce bail et une autre attestation de ladite CAF sur le montant des droits à APL de Mme N... au vu du loyer tel que rectifié à la somme de 590 - 195,19 = 394,81 euros pour la période du bail, que si par l'intermédiaire de Mme N..., la CAF du Rhône, le 11 juin 2018, a versé une attestation de droits rappelant les sommes versées au titre de l'allocation logement directement au bailleur pendant la période s'échelonnant de mai 2014 à juin 2017, cette même caisse n'a pas satisfait à la demande complémentaire sollicitant de sa part l'estimation des sommes qu'elle aurait dû verser sur la base d'un loyer ramené à 394,81 euros du fait d'une diminution constatée de la surface du logement loué, et en déduire que la cour reste dans l'ignorance des sommes que l'ancienne locataire est en droit de revendiquer auprès de la société Maxcar, car comme la juridiction a eu l'occasion déjà de le dire, nul en France ne plaidant par procureur, le solvens que Mme N... prétend être ne peut agir en justice, même pour partie, en répétition au profit d'un tiers, fut-ce la CAF ayant versé des APL directement entre les mains du bailleur, la cour d'appel qui a reconnu le droit de créance de l'exposante en son principe au titre de la répétition de l'indu et partant sa qualité de solvens, et qui cependant refuse de faire droit à la demande, motif pris que la CAF n'a pas transmis l'estimation des sommes qu'elle aurait dû verser sur la base d'un loyer ramené à 394,81 euros du fait d'une diminution constatée de la surface du logement loué, a méconnu son office qui est de trancher le litige, fut-ce en recourant à une mesure d'instruction et elle a violé l'article 4 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code civil :
5. Il résulte de ce texte que le juge ne peut refuser de statuer en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties.
6. Pour rejeter la demande, l'arrêt retient que la Caisse d'allocations familiales n'a pas satisfait à la demande sollicitant de sa part l'estimation des sommes qu'elle aurait dû verser sur la base d'un loyer réajusté du fait de la diminution constatée de la surface du logement et que la cour reste dans l'ignorance des sommes que l'ancienne locataire est en droit de revendiquer auprès de la société Maxcar, car, nul en France ne plaidant par procureur, le solvens que Mme N... prétend être ne peut agir en justice, même pour partie, en répétition au profit d'un tiers, fut-ce la Caisse d'allocations familiales ayant versé des aides personnalisées au logement directement entre les mains du bailleur.
7. En statuant ainsi, en refusant de fixer, au besoin en recourant à une mesure d'instruction, le montant d'un indu de loyer dont elle avait reconnu le principe, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Civ.2 11 mars 2021 n° 20-12.319
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION______________________
Audience publique du 11 mars 2021
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 206 F-D
Pourvoi n° D 20-12.319
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 11 MARS 2021
M. R... Y..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° D 20-12.319 contre l'arrêt rendu le 5 décembre 2019 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre civile A), dans le litige l'opposant à la société Pacifica, société anonyme, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Martin, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. Y..., de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de la société Pacifica, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 27 janvier 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Martin, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 5 décembre 2019), rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 17 janvier 2019, pourvoi n° 17-26.710), M. Y..., qui avait souscrit auprès de la société Pacifica (l'assureur) un contrat d'assurance garantissant les accidents de la vie, a été victime d'une chute alors qu'il élaguait un arbre situé sur sa propriété.
2. Ayant refusé la proposition d'indemnisation de l'assureur, il l'a assigné en paiement des indemnités dues au titre du contrat.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. M. Y... fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande tendant à l'indemnisation par l'assureur de son préjudice relatif à la diminution de ses droits à la retraite, alors « qu'en application des articles 4, 5 et 12 du code de procédure civile, une cour d'appel ne peut, sans méconnaître son office, s'abstenir de statuer sur la demande dont elle est saisie ; qu'il en résulte que, dès lors qu'elle a constaté l'existence en son principe d'un préjudice, notamment de perte de droits à la retraite, elle ne peut refuser d'évaluer ce préjudice au prétexte qu'elle ne dispose pas d'élément chiffré suffisant pour en permettre l'évaluation ; qu'en l'espèce, les juges d'appel ont expressément constaté que M. Y... avait subi une perte de gains professionnels de 95 185,07 euros correspondant à ce qu'il aurait perçu en continuant à travailler jusqu'à 65 ans, âge de la retraite ; qu'en déboutant pourtant M. Y... de sa demande d'indemnisation de la diminution en conséquence de ses droits à la retraite, au seul motif de l'absence de toute projection de carrière et de toute pièce produite sur sa situation lors de l'arrêt de son activité professionnelle et sur sa situation postérieure, autrement dit, des éléments permettant l'évaluation de ce chef de préjudice, la cour d'appel a violé les textes susvisés. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code civil :
4. Il résulte de ce texte que le juge ne peut refuser de statuer sur une demande dont il admet le bien-fondé en son principe, au motif de l'insuffisance des preuves fournies par une partie.
5. Pour rejeter la demande formée par M. Y... au titre de la perte de droits à la retraite incluse dans le poste incidence professionnelle, et condamner l'assureur à lui payer la somme de 117 670,07 euros en réparation de ce poste de préjudice, l'arrêt énonce qu'en l'absence de toute projection de carrière, de toute pièce produite sur sa situation lors de l'arrêt de son activité professionnelle de nature à déterminer la différence entre la retraite qu'il aurait dû percevoir si le dommage n'avait pas eu lieu et celle qu'il percevra réellement, M. Y... ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un préjudice relatif à une diminution de ses droits à retraite et sera débouté de sa demande.
6. En statuant ainsi, alors qu'elle relevait que M. Y..., âgé de 55 ans au [...], fin de la période de perte de gains professionnels indemnisée, était en suspension de contrat pour longue maladie, avait obtenu depuis le 1er mars 2010 un titre de pension d'invalidité de catégorie 2 correspondant à une incapacité totale d'exercer une profession quelconque, ne percevait plus de salaire depuis le 1er juillet 2010 et retenait qu'il avait subi une perte de gains jusqu'à l'âge de 65 ans auquel il aurait pris sa retraite si l'accident ne s'était pas produit, ce dont il résultait, en l'absence d'éléments contraires, qu'il avait nécessairement subi une diminution de ses droits à la retraite, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres énonciations et a violé le texte susvisé ;
Civ.1 10 février 2021 n° 19-19.375
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION______________________
Audience publique du 10 février 2021
Cassation partielle
Mme BATUT, président
Arrêt n° 146 F-D
Pourvoi n° C 19-19.375
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 10 FÉVRIER 2021
Mme X... Q..., veuve L..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° C 19-19.375 contre l'arrêt rendu le 26 février 2019 par la cour d'appel de Rennes (1re chambre), dans le litige l'opposant à Mme K... Q..., veuve A..., domiciliée [...] , défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Mouty-Tardieu, conseiller référendaire, les observations de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de Mme X... Q..., de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de Mme K... Q..., après débats en l'audience publique du 15 décembre 2020 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Mouty-Tardieu, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 26 février 2019), Y... H... et C... Q..., son époux, sont respectivement décédés les [...] et [...], laissant pour leur succéder leurs filles, X... et K....
2. Un jugement du 19 janvier 2010 a ordonné le partage judiciaire des successions au cours duquel des difficultés sont survenues.
Examen des moyens
Sur le premier moyen et le second moyen, pris en ses deuxième et quatrième branches, ci-après annexés
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, pris en sa première branche, qui est irrecevable et sur les autres griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. Mme X... Q... fait grief à l'arrêt de dire qu'elle devra justifier au notaire du paiement des fermages dus en exécution du bail rural du 6 octobre 1970, reconduit tacitement, et qu'à défaut la renonciation de ses parents à la perception de ces fermages constituera une libéralité rapportable à la masse successorale, alors « qu'il appartient au copartageant qui sollicite le rapport à la succession de sommes dues à celle-ci par un autre copartageant d'apporter la preuve de l'existence et du montant de la dette litigieuse ; que dans ses conclusions d'appel, Mme L... contestait être débitrice de ses parents décédés au titre des fermages dus en exécution du bail rural en date du 6 octobre 1970 qu'il lui était demandé de rapporter depuis le 29 septembre 1969 ; qu'en affirmant que Mme L... devait rapporter à la succession du montant desdits fermages litigieux, motifs pris qu'elle ne démontrait pas avoir réglé lesdits fermages cependant qu'il incombait à Mme A... d'établir l'existence de la dette de sa soeur Mme X... L..., la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a violé l'article 1315 du code civil. »
Réponse de la Cour
5. La cour d'appel n'était pas saisie d'une demande tendant au rapport d'une dette à la succession mais d'une demande relative à une libéralité.
6. Le grief, qui méconnaît l'objet du litige, est donc inopérant.
Mais sur le second moyen, pris en sa cinquième branche
Enoncé du moyen
7. Mme X... Q... fait le même grief à l'arrêt, alors « que méconnaît son office le juge qui se dessaisit et délègue ses pouvoirs au notaire liquidateur ; qu'en jugeant que Mme L... devra justifier au notaire du paiement des fermages dus en exécution du bail rural en date du 6 octobre 1970, reconduit tacitement, la cour d'appel a méconnu son office et violé l'article 4 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code civil :
8. Il résulte de ce texte que le juge ne peut pas refuser de statuer en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties.
9. Pour dire que Mme X... Q... devra justifier au notaire du paiement des fermages dus en exécution du bail rural du 6 octobre 1970, reconduit tacitement, et qu'à défaut, la renonciation de ses parents à la perception de ces fermages constituera une libéralité rapportable à la masse successorale, l'arrêt retient que les pièces produites par celle-ci ne sont pas suffisantes pour établir la réalité du paiement.
10. En se dessaisissant et en déléguant ainsi ses pouvoirs au notaire liquidateur, alors qu'il lui incombait de trancher elle-même la contestation qui lui était soumise, la cour d'appel a méconnu son office et violé le texte susvisé.
Civ.1 3 février 2021 n° 19-17.740
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION______________________
Audience publique du 3 février 2021
Cassation partielle
Mme BATUT, président
Arrêt n° 124 F-D
Pourvoi n° A 19-17.740
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 3 FÉVRIER 2021
1°/ M. T... U...,
2°/ Mme G... C..., épouse U...,
domiciliés tous deux [...],
ont formé le pourvoi n° A 19-17.740 contre l'arrêt rendu le 8 avril 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Financière des voiles, société anonyme, dont le siège est [...] ,
2°/ à la société Sprimbarth cap Caraïbes, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , venant aux droits et obligations de la société Cap Caraïbes gestion,
défenderesses à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Serrier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de M. et Mme U..., de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Sprimbarth cap Caraïbes, après débats en l'audience publique du 8 décembre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Serrier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 avril 2019), par acte authentique du 22 novembre 2004, M. et Mme U... (les acquéreurs) ont acquis de la société groupe Alain Crenn, devenue société Financière des voiles (le promoteur-vendeur) un appartement en l'état futur d'achèvement dans un immeuble situé à [...], destiné à la location et permettant de réaliser une opération de défiscalisation, la société Cap Caraïbes gestion, aux droits de laquelle se trouve la société Sprimbarth cap Caraïbes (le gestionnaire), ayant été mandatée par eux pour réaliser la gestion locative du bien.
2. Faisant état d'un retard dans la mise en location du bien et d'une occupation du logement à titre de résidence secondaire qui ont conduit l'administration fiscale à procéder à un redressement pour un montant de 241 424 euros outre 18 465,25 euros d'intérêts moratoires, les acquéreurs ont assigné le promoteur-vendeur et le gestionnaire en responsabilité et indemnisation.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
3. Les acquéreurs font grief à l'arrêt de limiter à la somme de 21 948 euros le montant des dommages-intérêts, correspondant aux majorations appliquées par l'administration fiscale lors des rappels de droits, alors « que le juge est tenu d'évaluer le préjudice dont il a constaté l'existence en son principe ; qu'en refusant d'indemniser le préjudice tiré de la perte de chance de bénéficier d'un avantage fiscal dont elle avait pourtant constaté l'existence, la cour d'appel a commis un déni de justice, violant ainsi l'article 4 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code civil :
4. Il résulte de ce texte que le juge est tenu d'évaluer le préjudice dont il a constaté l'existence en son principe.
5. Pour limiter la condamnation du promoteur-vendeur et du gestionnaire au paiement des majorations appliquées par l'administration fiscale dans le redressement des acquéreurs, et rejeter la demande d'indemnisation au titre de la perte d'un avantage fiscal, l'arrêt retient que le préjudice subi par ces derniers ne constitue pas un préjudice direct mais une perte de chance de bénéficier d'un tel avantage, le rappel des droits correspondant au paiement de l'impôt auxquels ils étaient légalement tenus.
6. En statuant ainsi, en refusant d'indemniser le préjudice des acquéreurs tiré de la perte de chance de bénéficier d'un avantage fiscal dont elle avait constaté l'existence en son principe, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Et sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
7. Les acquéreurs font le même grief à l'arrêt, alors « que si le paiement d'un impôt légalement dû ne constitue pas un préjudice réparable, le paiement des intérêts et majorations de retard consécutifs au non-paiement de cet impôt est indemnisable, dès lors que le contribuable n'a pas acquitté à l'échéance l'impôt légalement dû à raison de la faute commise par la société qu'il avait mandatée pour réaliser une opération d'optimisation fiscale ; qu'en énonçant, pour limiter à la somme de 21 948 euros le montant des dommages-intérêts que le promoteur-vendeur et le gestionnaire devaient verser aux acquéreurs, que les intérêts de retard supportés ne constituaient pas un préjudice direct et n'étaient pas indemnisables dès lors qu'ils ne sanctionnaient pas le non-paiement de l'impôt mais compensaient seulement la perte subie par le Trésor public du fait de la perception différée de l'impôt, dont le montant était resté dans le patrimoine des contribuables et dont sa propre trésorerie n'avait pu bénéficier jusqu'à la rectification et le paiement des sommes dues, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
8. Il résulte de ce texte que si le contribuable n'a pas acquitté à l'échéance l'impôt légalement dû en raison du manquement du professionnel à ses obligations, la perte de chance de ne pas payer les intérêts de retard s'analyse en un préjudice réparable.
9. Pour rejeter la demande des acquéreurs au titre du préjudice lié aux intérêts de retard, l'arrêt retient que ceux-ci ne constituent pas un préjudice indemnisable dès lors qu'ils ne sanctionnent pas le non-paiement de l'impôt mais compensent seulement la perte subie par le Trésor public du fait de la perception différée de l'impôt, dont le montant est resté dans le patrimoine des contribuables et dont sa propre trésorerie n'a pu bénéficier jusqu'à la rectification et le paiement des sommes dues.
10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Civ.3 21 janvier 2021 n° 19-16.434
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
FB
COUR DE CASSATION______________________
Audience publique du 21 janvier 2021
Cassation partielle
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 94 F-D
Pourvoi n° F 19-16.434
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 21 JANVIER 2021
1°/ Mme O... G..., divorcée U..., domiciliée [...] ,
2°/ la société BTSG2, société civile professionnelle, dont le siège est [...] , prise en son établissement de [...] [...], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de Mme G..., divorcée U...,
ont formé le pourvoi n° F 19-16.434 contre l'arrêt rendu le 14 mars 2019 par la cour d'appel de Limoges (chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ à M. R... U..., domicilié [...] ,
2°/ à M. A... P..., domicilié [...] ,
3°/ à la société entreprise S..., société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
4°/ à la société [...] , société à responsabilité limitée, dont le siège est [...], [...], représentée par son liquidateur en la personne de Mme I... E...,
défendeurs à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Georget, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme G... et de la société BTSG2, ès qualités, de la SCP Boulloche, avocat de M. U..., de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de M. P... et de la société entreprise S..., après débats en l'audience publique du 1er décembre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Georget, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Limoges, 14 mars 2019), en 1998, Mme G..., architecte, a confié à M. U..., également architecte et alors son époux, la maîtrise d'oeuvre d'un projet de rénovation et d'extension d'une maison d'habitation.
2. M. U... a confié à :
- M. P..., les lots gros oeuvre, carrelage, maçonnerie extérieure et doublages intérieurs dans l'ancien ;
- la société entreprise S..., les lots charpente, couverture, isolation sous charpente, parquet et étanchéité ;
- la société [...], les lots plomberie et chauffage.
3. M. U... a quitté le chantier le 26 février 2003.
4. Mme G... et M. U... ont divorcé.
5. Se plaignant de différents désordres, retards et problèmes de paiement, Mme G... a assigné, après expertise, M. U..., M. P..., la société entreprise S... et la société [...] en responsabilité et réparation de ses préjudices.
6. Par jugement du 11 octobre 2016, Mme G... a été placée en liquidation judiciaire. La société BTSG a été nommée en qualité de liquidateur.
Examen des moyens
Sur le quatrième moyen, ci-après annexé
7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
8. Mme G... et la société BTSG, ès qualités, font grief à l'arrêt de rejeter la demande tendant à la nullité de l'expertise, de dire n'y avoir lieu à la réalisation d'une nouvelle expertise et, en conséquence, de limiter la condamnation in solidum de M. U... et M. P... à la somme de 23 000 euros en réparation des désordres survenus en raison de l'humidité dans la salle à manger et le cellier, de limiter la condamnation in solidum de M. U... et la société entreprise S... à la somme de 11 500 euros en réparation des dommages survenus en raison de l'humidité dans le couloir, l'isolation du bureau, l'état du bois de charpente et le défaut de couverture, de limiter la condamnation in solidum de M. U..., M. P... et la société entreprise S... à la somme de 7 000 euros en réparation des dommages liés à la porte-fenêtre du séjour et de rejeter la société BTSG, ès qualités, de ses demandes plus amples et contraires, alors :
« 1°/ que constitue une cause de nullité du rapport d'expertise devant être prononcée par le juge, tout élément de nature à faire sérieusement douter de l'impartialité de l'expert judiciaire ; qu'en affirmant que la situation de conflit d'intérêts dans laquelle se trouvait l'expert judiciaire, dont Mme G... soutenait qu'il travaillait pour les assureurs des défendeurs à l'action, ne pouvait servir de fondement qu'à une action en responsabilité de l'expert judiciaire de sorte que la nullité du rapport "ne saurait être prononcée sur ce fondement", la cour d'appel a violé l'article 237 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1er de la Convention européenne des droits de l'homme ;
2°/ que la partialité subjective de l'expert constitue une cause de nullité du rapport d'expertise quelle que soit la teneur de celui-ci ; qu'en retenant, pour refuser de prononcer la nullité du rapport d'expertise, que la lecture des conclusions de l'expertise ne permettait pas d'établir que l'expert avait fait montre de partialité, quand sa teneur n'était pas de nature à écarter la nullité encourue par le rapport d'expertise en raison de la partialité de l'expert, la cour d'appel a violé l'article 237 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1er de la Convention européenne des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
9. La demande de récusation d'un expert n'est pas recevable après le dépôt du rapport d'expertise.
10. La cour d'appel, devant laquelle la société BTSG, ès qualités, invoquait une « cause de récusation d'expert » sans soutenir que celle-ci aurait été révélée après le dépôt du rapport d'expertise, a constaté que celui-ci avait été déposé le 10 juillet 2013 et que Mme G... en avait sollicité l'annulation par actes des 18 et 19 mai 2015.
11. Il en résulte que la demande en annulation du rapport d'expertise devait être rejetée.
12. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié.
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
13. Mme G... et son liquidateur font grief à l'arrêt de rejeter la demande de la société BTSG, ès qualités, tendant à la condamnation de la société [...] à lui verser la somme de 3 723 829 euros en réparation de ses préjudices, alors « que le juge est tenu d'indemniser la victime des désordres dont il a constaté l'existence ; qu'en retenant, pour refuser d'indemniser la société BTSG, ès qualités, du montant des travaux de reprise des désordres relatifs à la tuyauterie de chauffage et au revêtement de la salle de bain, que la société BTSG ne produisait pas d'élément précis permettant le chiffrage de ces travaux, quand elle avait pourtant constaté l'existence de ces désordres imputables à la société [...] , la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code civil :
14. Il résulte de ce texte que le juge ne peut refuser d'évaluer un dommage dont il constate l'existence dans son principe.
15. Pour rejeter la demande d'indemnisation formée par la société BTSG, ès qualités au titre des désordres affectant la tuyauterie de chauffage et le revêtement de la salle de bain, l'arrêt retient l'absence d'élément précis permettant le chiffrage des travaux de reprise des désordres.
16. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a refusé d'évaluer le montant d'un préjudice dont elle constatait l'existence, a violé le texte susvisé.
Sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
17. Mme G... et son liquidateur font grief à l'arrêt de rejeter la demande tendant à voir condamner, sur le fondement de sa responsabilité contractuelle, M. U... à lui verser la somme de 3 273 829 euros, alors « qu'il appartient au débiteur d'une obligation d'information de rapporter la preuve de son exécution ; que, dans ses écritures d'appel, Mme G... faisait valoir que M. U..., architecte, avait manqué son devoir de conseil en ne l'informant pas du coût de la construction et des désordres l'affectant ; qu'en retenant, pour écarter tout manquement de l'architecte à son devoir de conseil, que faute de documents écrits, il n'était pas établi que M. U... ait manqué à son obligation de conseil envers Mme G..., quand il revenait à l'architecte d'établir la preuve de l'exécution de cette obligation, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1315 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1315, devenu 1353, du code civil :
18. Il résulte de ce texte qu'il incombe au débiteur de l'obligation de conseil de prouver qu'il a respecté cette obligation.
19. Pour rejeter la demande de la société BTSG, ès qualités, pour manquement de M. U... au devoir de conseil, l'arrêt retient que, faute de documents écrits, il est difficile d'établir que celui-ci aurait manqué à son obligation de conseil envers Mme G....
20. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Et sur le cinquième moyen
Enoncé du moyen
21. Mme G... et son liquidateur font grief à l'arrêt de rejeter la demande d'indemnisation du montant de l'assurance dommages-ouvrage et des frais de mission de maîtrise d'oeuvre nécessaires à la réalisation des travaux de reprise des désordres litigieux, alors « que la victime doit être indemnisée de toutes les dépenses qu'elle doit effectuer pour remédier à son dommage ; qu'en déboutant Mme G... de sa demande d'indemnisation du montant de l'assurance dommages-ouvrage et des frais de mission de maîtrise d'oeuvre nécessaires à la réalisation des travaux de reprise des désordres constatés, au motif inopérant qu'elle n'établissait pas avoir déjà souscrit une telle assurance, ni avoir payé M. U... dans le cadre de sa mission de maîtrise d'oeuvre, quand Mme G... ne sollicitait pas le remboursement de sommes qu'elle avait exposées dans le cadre des travaux entachés de désordres, mais l'indemnisation de sommes qu'elle devait payer pour la réalisation de travaux de reprise, peu important qu'elle ne les ait pas encore exposées dès lors qu'elle devait les supporter pour remédier aux désordres litigieux, la cour d'appel a violé l'article 1792 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1792 du code civil :
22. Aux termes de ce texte tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.
23. Pour rejeter la demande de Mme G... et de son liquidateur tendant à l'indemnisation du montant de l'assurance dommages-ouvrage et des frais de mission de maîtrise d'oeuvre nécessaires à la réalisation des travaux de reprise des désordres litigieux, l'arrêt retient que, d'une part, Mme G... n'a pas souscrit d'assurance dommages-ouvrage pour les travaux d'origine, d'autre part, s'agissant du remboursement des frais de maîtrise d'oeuvre, il n'est pas établi que M. U... ait été payé pour effectuer cette mission.
24. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à exclure l'indemnisation du coût de l'assurance dommages-ouvrage et des frais de maîtrise d'oeuvre afférents aux travaux de reprise, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Demande de mise hors de cause
25. Il n'y a pas lieu de mettre hors de cause MM. P... et U... et la société S..., dont la présence devant la cour de renvoi est nécessaire à la solution du litige.
Civ.2 26 novembre 2020 n° 19-19.520 B
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION______________________
Audience publique du 26 novembre 2020
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 1343 F-P+B+I
Pourvoi n° K 19-19.520
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 NOVEMBRE 2020
La caisse d'assurance retraite et de la santé au travail Sud-Est, dont le siège est 35 rue George, 13386 Marseille cedex 20, a formé le pourvoi n° K 19-19.520 contre l'arrêt rendu le 17 mai 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-8), dans le litige l'opposant à Mme U... W..., domiciliée [...], UK (Royaume-Uni), défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Renault-Malignac, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail Sud-Est, de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de Mme W..., et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 21 octobre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Renault-Malignac, conseiller rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 17 mai 2019), bénéficiaire d'une pension de retraite personnelle qui lui était versée par la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail du Sud-Est (la carsat), I... W... est décédé le 30 décembre 1998. La carsat, soutenant avoir été tenue dans l'ignorance de ce décès jusqu'au 31 mai 2012, a notifié à sa veuve, Mme W..., le 20 septembre 2013, une pénalité financière de 9 093 euros et lui a réclamé, le 4 octobre 2013, le remboursement d'un indu correspondant aux arrérages de pension versés sur le compte du bénéficiaire du 1er janvier 1999 au 30 avril 2012, d'un montant de 84 774, 22 euros.
2. Après avoir obtenu de la commission de recours amiable que la pénalité financière soit ramenée à 3 000 euros, Mme W... a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale. La carsat a formé à l'encontre de cette dernière une demande reconventionnelle en paiement de ces sommes.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses troisième, quatrième et cinquième branches, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
4. La carsat fait grief à l'arrêt, après avoir dit que la prescription quinquennale de l'action en répétition de l'indu engagée par elle envers Mme W... commençait à courir à compter du 1er juin 2012, de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que l'action en répétition de l'indu engagée par la carsat envers Mme W... est atteinte par la prescription quinquennale prévue par l'article 2224 du code civil, et renvoyé les parties devant les services administratifs et comptables de la carsat afin de déterminer le montant précis des sommes pouvant être répétées auprès de Mme W... par la caisse, et de la débouter du surplus de ses demandes alors « que l'action en répétition des arrérages d'une pension de vieillesse versés postérieurement au décès du bénéficiaire est soumise à la prescription de droit commun ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a admis que l'action de la carsat du Sud-Est en répétition d'arrérages de pension de vieillesse versés postérieurement au décès de son mari était soumise à la prescription quinquennale, laquelle n'avait commencé à courir qu'à compter du 1er juin 2012 ; qu'en jugeant que son action en répétition de l'indu était atteinte par la prescription quinquennale et en renvoyant les parties à déterminer le montant des sommes pouvant être répétées eu regard de la prescription, sans préciser pourquoi l'action de la carsat du Sud-Est serait atteinte par la prescription quinquennale ni quels arrérages de pension seraient concernés par cette prescription, la cour d'appel qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur le raisonnement qu'elle a adopté, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2224 nouveau du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 2224 du code civil, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, applicable au litige :
5. Selon ce texte, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
6. L'action en répétition des arrérages d'une pension de vieillesse perçus par un tiers postérieurement au décès de l'assuré revêt le caractère d'une action personnelle ou mobilière au sens de ce texte.
7. Pour dire atteinte par la prescription l'action en répétition de l'indu engagée par la carsat à l'encontre de Mme W..., l'arrêt se borne à énoncer que les parties s'accordent pour dire que la prescription applicable est celle de cinq ans prévue par l'article 2224 du code civil, que cette prescription ne commence à courir qu'à compter de la date à laquelle la carsat a eu ou aurait pu avoir connaissance du caractère injustifié du versement des arrérages de pension de vieillesse au profit de I... W..., que Mme W... ne rapportant pas la preuve qu'elle a informé la carsat du décès de son époux, il convient de se référer à la date du 1er juin 2012 et que la prescription a commencé à courir à compter de cette date.
8. En se déterminant ainsi, sans préciser en quoi l'action exercée par la carsat était prescrite, ni quels arrérages de pension réclamés par celle-ci étaient susceptibles d'être concernés par la prescription qu'elle retenait, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a privé sa décision de base légale.
Sur le premier moyen, pris en sa sixième branche
Enoncé du moyen
9. La carsat fait le même grief à l'arrêt, alors « que le juge doit trancher lui-même les contestations dont il est saisi sans pouvoir déléguer ses pouvoirs à autrui ; qu'en jugeant que faute pour la Carsat du Sud-Est de chiffrer la somme restant due au regard de la prescription au titre de son action en répétition de l'indu, elle n'avait pas vocation à remplir l'office de comptable ni à suppléer la carence des parties, puis en renvoyant les parties devant les services administratifs et comptables de la Carsat du Sud-Est afin de déterminer le montant précis des sommes non atteintes par la prescription pouvant être répétées auprès de Mme W... par la caisse, la cour d'appel, qui devait fixer elle-même le montant des sommes pouvant être répétées, a méconnu son office et violé l'article 4 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code civil :
10. Le juge ne peut refuser de statuer, en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties.
11. Pour renvoyer les parties devant les services administratifs et comptables de la carsat afin de déterminer entre elles les sommes pouvant être répétées auprès de Mme W..., l'arrêt relève que la carsat ne chiffre pas la somme restant due par Mme W... au regard de l'application de la prescription commençant à courir le 1er juin 2012 et que la cour n'a pas vocation, ni à remplir l'office de comptable, ni à suppléer la carence des parties.
12. En se dessaisissant ainsi et en déléguant ses pouvoirs à l'une des parties, alors qu'il lui incombait de trancher elle-même la contestation dont elle était saisie, la cour d'appel a méconnu son office et violé le texte susvisé ;
Et sur le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
13. La carsat fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à application de la pénalité financière, alors « que le montant de la pénalité prévue à l'article L. 114-17 du code de la sécurité sociale doit être fixée proportionnellement à la gravité des faits reprochés, en tenant compte notamment de leur caractère intentionnel ou répété, du montant et de la durée du préjudice et des moyens et procédés utilisés ; qu'en l'espèce, Mme W... a fait l'objet d'une pénalité financière de 9 093 euros en raison de son omission de déclaration du décès de son époux, qui a été ramenée à 3 000 euros en phase non contentieuse ; qu'en se fondant, pour réduire à néant cette pénalité, sur de considérations inopérantes tirées de son âge et de l'invocation par la carsat d'un règlement intérieur qui ne lui serait pas applicable, lorsque le montant de la pénalité devait être fixé en fonction de la seule gravité des faits constatés, de leur caractère intentionnel et répété, du montant et de la durée du préjudice et des moyens et procédés utilisés, la cour d'appel a violé les article L. 114-17 et R. 114-14 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
14. Mme W... conteste la recevabilité du moyen en faisant valoir que la carsat n'avait pas soutenu que le montant de la pénalité prévue à l'article L. 114-17 du code de la sécurité sociale devait être fixé proportionnellement à la gravité des faits reprochés, en tenant compte notamment de leur caractère intentionnel ou répété, du montant et de la durée du préjudice et des moyens et procédés utilisés, de sorte que le moyen serait nouveau, mélangé de fait et de droit.
15. Cependant, Mme W... ayant saisi la juridiction de sécurité sociale d'une contestation de la pénalité financière prononcée à son encontre et la carsat étant appelante du jugement qui avait accueilli cette contestation en réduisant à néant la pénalité, le moyen tiré des conditions dans lesquelles la juridiction pouvait en réduire le montant était nécessairement dans le débat.
16. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles L. 114-17 et R.114-14 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige :
17. Selon ces textes, le montant de la pénalité qu'ils prévoient est fixé, dans la limite d'un plafond, en fonction de la gravité des faits reprochés, en tenant compte notamment de leur caractère intentionnel ou répété, du montant et de la durée du préjudice et des moyens et procédés utilisés.
18. Pour annuler la pénalité prononcée à l'encontre de Mme W..., l'arrêt retient que, compte tenu de l'âge de cette dernière (85 ans) et de l'invocation par la carsat d'un règlement intérieur qui ne lui est pas applicable, il convient de modérer la pénalité à sa plus simple expression.
19. En statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser tant la nature et la gravité des faits reprochés que l'étendue de la responsabilité de l'intéressée, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Civ.2 26 novembre 2020 n° 19-10.523
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION______________________
Audience publique du 26 novembre 2020
Cassation partielle
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 1280 F-D
Pourvoi n° F 19-10.523
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 NOVEMBRE 2020
M. S... I... , domicilié [...] , a formé le pourvoi n° F 19-10.523 contre l'arrêt rendu le 12 novembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 3), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Maif, société anonyme, dont le siège est [...] ,
2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris, dont le siège est [...] ,
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Guého, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. I... , de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Maif, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 octobre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Guého, conseiller référendaire rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 novembre 2018), le 27 juin 2009, M. I... a été victime d'un accident de la circulation dans lequel était impliqué un véhicule assuré auprès de la société Maif (l'assureur).
2. Après avoir obtenu en référé l'organisation d'une expertise médicale, M. I... a assigné l'assureur en indemnisation de ses préjudices, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris.
Examen des moyens
Sur le second moyen, pris en sa quatrième branche, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. M. I... fait grief à l'arrêt de limiter la réparation du préjudice subi par lui au titre de la perte de gains professionnels futurs à la somme de 135 497,40 euros et au titre de l'incidence professionnelle à la somme de 40 000 euros, alors « que le juge, qui ne peut statuer que sur les dernières conclusions régulièrement déposées, doit viser celles-ci avec l'indication de leur date ; qu'en statuant au regard des dernières conclusions de la société Maif qui auraient été notifiées le 14 mai 2018, quand il ne résulte pas de la fiche de dossier détaillée RPVA que de telles conclusions aient été régulièrement déposées après celles datées du 22 juin 2017, la cour d'appel a violé les articles 455 et 954 du code de procédure civile, ensemble l'article 16 du même code. »
Réponse de la Cour
5. L'arrêt ayant rappelé les prétentions et moyens de l'assureur dont l'exposé est conforme à ses dernières conclusions régulièrement déposées le 22 juin 2017, la Cour de cassation est en mesure de s'assurer qu'en dépit du visa erroné de conclusions notifiées le 14 mai 2018, la cour d'appel n'a pas statué sur d'autres prétentions et ne s'est pas fondée sur d'autres moyens que ceux invoqués dans les dernières écritures déposées par l'assureur.
6. Le moyen est dès lors inopérant.
Sur le second moyen, pris en sa première branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de limiter la réparation du préjudice subi au titre de l'incidence professionnelle à la somme de 40 000 euros
Enoncé du moyen
7. M. I... fait grief à l'arrêt de limiter la réparation du préjudice subi par lui au titre de l'incidence professionnelle à la somme de 40 000 euros, alors « que tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; que la motivation inachevée équivaut au défaut de motivation ; qu'en l'espèce, l'arrêt mentionne, d'une part, « K..., ça te rappelle quelque chose ?» et d'autre part « Pour dévalorisation de degré 2 et pénibilité de degré 2, l'assistant donne 33 580. Pour dévalorisation de degré 2 et pénibilité de degré 3, l'assistant donne 51 770 », motifs qui reflètent des discussions inabouties entre magistrats de la juridiction collégiale ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a statué par une motivation inachevée, a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
8. Après avoir relevé que l'incidence professionnelle subie par M. I... était constituée par une dévalorisation et par une fatigabilité accrue, devant être évaluée à un degré moyen, dans l'exercice de sa profession, l'arrêt retient que compte tenu de son âge au jour de la consolidation et de la durée prévisible durant laquelle il subira cette incidence professionnelle, l'indemnisation de ce poste de préjudice doit être liquidée à la somme de 40 000 euros.
9. Par ces seules énonciations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision.
Mais sur le second moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
10. M. I... fait le grief à l'arrêt de limiter la réparation du préjudice subi par lui au titre de la perte de gain professionnels futurs à la somme de 135 497,40 euros et au titre de l'incidence professionnelle à la somme de 40 000 euros, alors « que le juge ne peut refuser d'évaluer le montant d'un préjudice dont il a admis l'existence en son principe en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties ; qu'en refusant d'évaluer le préjudice de M. I... résultant de sa perte de droits de retraite, en se fondant sur sa carence probatoire qui ne permettrait pas de déterminer le salaire moyen constituant l'assiette de calcul de la pension de retraite à laquelle il aurait pu prétendre sans la survenance de l'accident et le salaire moyen qui sera susceptible d'être effectivement pris en compte pour la liquidation de sa retraite, après avoir pourtant reconnu le principe de ce préjudice, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code civil :
11. Il résulte de ce texte que le juge ne peut refuser d'évaluer le montant d'un dommage dont il constate l'existence en son principe.
12. Pour rejeter la demande formée par M. I... au titre de la perte de droits à la retraite incluse dans le poste des pertes de gains professionnels futurs, et condamner l'assureur à lui payer la somme de 135 497,40 euros en réparation de ce poste de préjudice, l'arrêt, après avoir reconnu l'existence d'une perte de revenus futurs liée à la diminution de sa capacité de gains résultant de l'accident et fixé l'indemnisation due à ce titre en la capitalisant jusqu'à l'âge légal d'ouverture des droits à la retraite, énonce que dès lors que M. I... n'a produit aucun relevé de carrière émanant des services de l'Assurance vieillesse, il ne peut être procédé aux évaluations du salaire moyen constituant l'assiette de calcul de la pension de retraite à laquelle il aurait pu prétendre sans la survenance de l'accident et du salaire moyen qui sera susceptible d'être effectivement pris en compte pour la liquidation de sa retraite. Il en déduit que la carence probatoire de M. I... induit le rejet de ce chef de demande.
13. En statuant ainsi, en refusant d'évaluer le préjudice subi postérieurement à la date à laquelle elle fixait l'ouverture des droits à la retraite, dont elle constatait pourtant l'existence, résultant de la différence entre le montant de la pension de retraite à laquelle la victime aurait pu prétendre sans la survenance de l'accident et celui qu'elle percevrait effectivement, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Civ.3 5 novembre 2020 n° 19-22.724
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION______________________
Audience publique du 5 novembre 2020
Cassation partielle
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 781 F-D
Pourvoi n° T 19-22.724
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 NOVEMBRE 2020
La société Tournier père et fils, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° T 19-22.724 contre l'arrêt rendu le 2 juillet 2019 par la cour d'appel de Dijon (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société GES Etudes structures, société anonyme, dont le siège est [...] ,
2°/ à la société QBE Insurance Europe Limited, dont le siège est [...] , aux droits de laquelle vient la société QBE Europe SA/NV, dont le siège est [...] ),
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Nivôse, conseiller, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de la société Tournier père et fils, de Me Le Prado, avocat de la société GES Etudes structures et de la société QBE Europe, après débats en l'audience publique du 15 septembre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Nivôse, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 2 juillet 2019), la société Tournier père et fils (la société Tournier), chargée de la construction de trois bâtiments, a sous-traité à la société GES études structures (la société GES) le calcul des volumes d'acier utilisé pour l'établissement des devis au maître de l'ouvrage.
2. Estimant qu'une surconsommation d'acier résultait des erreurs de calcul de la société GES, la société Tournier l'a assignée en indemnisation, ainsi que son assureur, la société QBE insurance Europe limited, aux droits de laquelle vient la société QBE Europe SA/NV.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. la société Tournier fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement contre la société GES, alors « que le juge ne peut refuser d'indemniser un préjudice dont il a constaté l'existence en son principe en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies ; qu'en se fondant pour rejeter la demande de la société Tournier père et fils, sur les circonstances que le volume de surconsommation d'acier de près de 20 tonnes reconnu par la société GES études structures était imprécis et que le devis produit par l'exposante pour établir le prix des aciers n'était pas probant ni corroboré par aucune autre pièce, la cour d'appel a violé l'article 4 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code civil :
4. Il résulte de ce texte que le juge ne peut pas refuser d'évaluer un dommage dont il a constaté l'existence en son principe.
5. Pour rejeter la demande de la société Tournier, l'arrêt retient qu'il appartient à la société Tournier de démontrer, non seulement le principe, mais aussi l'étendue exacte et le montant du préjudice dont elle réclame l'indemnisation, qu'elle ne justifie pas de la surconsommation d'acier qu'elle invoque, qu'elle ne produit pas l'étude faite sur cette question par un économiste de la construction, que la surconsommation estimée par la société GES dans une lettre du 21 février 2014 manque de précision et que le seul élément qu'elle produit pour justifier du montant réclamé est un devis qu'elle a elle-même établi et qui est dépourvu de valeur probante.
6. En statuant ainsi, alors qu'elle avait retenu que la société GES avait commis une faute dans l'évaluation des volumes d'acier, la cour d'appel, qui a refusé d'évaluer le dommage dont elle constatait l'existence en son principe, a violé le texte susvisé.
Civ.3 22 octobre 2020 n° 19-10.324
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
CH.B
COUR DE CASSATION______________________
Audience publique du 22 octobre 2020
Cassation partielle
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 764 F-D
Pourvoi n° Q 19-10.324
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 OCTOBRE 2020
Mme U... E..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° Q 19-10.324 contre l'arrêt rendu le 6 novembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 4), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. A... T..., domicilié [...] ,
2°/ à la société Clairanne, société civile immobilière, dont le siège est [...] ,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Béghin, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de Mme E..., de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat de M. T... et de la société Clairanne, après débats en l'audience publique du 8 septembre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Béghin, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 novembre 2018), la société civile immobilière Clairanne (la SCI), propriétaire d'un fonds situé [...] , a formé tierce opposition à un arrêt irrévocable du 13 décembre 2016, en se prétendant propriétaire d'une maison que cette décision avait rattachée à l'immeuble situé [...] , ayant appartenu à Mme E.... Celle-ci a demandé subsidiairement le remboursement des taxes foncières dont elle s'était acquittée au titre de la maison litigieuse.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, ci-après annexé
2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le second moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
3. Mme E... fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande en remboursement des sommes qu'elle avait versées au titre des taxes foncières afférentes au bâtiment actuellement cadastré [...], alors « que le juge ne peut refuser de statuer en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevable la demande subsidiaire de Mme T... en remboursement des taxes foncières afférentes au bâtiment situé sur la parcelle [...], que celle-ci est, en l'état, non chiffrable dès lors que le montant dont Mme E... peut légitimement solliciter le remboursement dépend de la position de l'administration fiscale sur les conséquences qu'elle entend donner à cette situation ainsi qu'aux précisions quant au montant des sommes effectivement perçues au titre de cette maison, la cour d'appel a violé l'article 4 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code civil :
4. Il résulte de ce texte que juge ne peut refuser de statuer en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties.
5. Pour déclarer irrecevable la demande de Mme E... en remboursement de la taxe foncière afférente à la maison litigieuse, dont il a déclaré la SCI propriétaire, l'arrêt retient que la demande est non chiffrée et, en l'état, non chiffrable, son montant dépendant de l'administration fiscale.
6. En statuant ainsi, alors qu'ayant déclaré légitime la demande de Mme E..., il lui appartenait d'ordonner toute mesure nécessaire pour lui permettre de déterminer le montant de sa créance, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Civ.1 14 octobre 2020 n° 19-13.702 B
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION______________________
Audience publique du 14 octobre 2020
Cassation partielle
Mme BATUT, président
Arrêt n° 609 F-P+B
Pourvoi n° M 19-13.702
Aide juridictionnelle totale en demandeau profit de M. S....Admission du bureau d'aide juridictionnelleprès la Cour de cassationen date du 23 janvier 2019.
Aide juridictionnelle totale en défenseau profit de Mme T... K....Admission du bureau d'aide juridictionnelleprès la Cour de cassationen date du 26 juillet 2019.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 14 OCTOBRE 2020
M. H... S..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° M 19-13.702 contre l'arrêt rendu le 3 juillet 2018 par la cour d'appel de Riom (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme T... K..., épouse V...,
2°/ à Mme G... K..., épouse Q...,
domiciliées [...] ,
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Buat-Ménard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. S..., de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de Mme T... K..., après débats en l'audience publique du 1er septembre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Buat-Ménard, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 3 juillet 2018), P... W... et D... K..., mariés en 1947 sans contrat de mariage, sont décédés, respectivement, les [...] et [...], en laissant pour leur succéder leurs filles, G... et T..., P... W... laissant également pour lui succéder M. H... S..., son fils issu d'une première union.
Examen des moyens
Sur les premier et troisième moyens et le deuxième moyen, pris en sa première branche, ci-après annexés
2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation, et les deuxième moyen, pris en sa première branche, et troisième moyen, qui sont irrecevables.
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
3. M. S... fait grief à l'arrêt de limiter à 6 097,96 euros le montant de la récompense due par D... K... à la communauté au titre du financement d'un bien propre, alors « que lorsque le financement de l'acquisition d'un bien propre par la communauté n'a été que partiel, le profit subsistant doit être déterminé d'après la proportion dans laquelle les fonds empruntés à la communauté ont contribué au financement de l'acquisition du bien propre ; qu'en jugeant que le profit subsistant ne pouvait être calculé au prorata de la valeur totale du bien, la cour d'appel a violé l'article 1469 du code civil. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
4. Mme T... K... conteste la recevabilité du moyen aux motifs qu'il serait nouveau et mélangé de fait et de droit.
5. Le moyen reproche à la cour d'appel d'avoir jugé que le profit subsistant ne pouvait être calculé au prorata de la valeur totale du bien. Or, dans ses écritures d'appel, M. S... sollicitait la fixation de la récompense non à la dépense faite mais au profit subsistant, en proportion de la contribution de la communauté au financement de l'exploitation propre à D... K....
6. Le moyen, qui n'est pas nouveau, est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l'article 1469, alinéas 1 et 3, du code civil :
7. Aux termes de ce texte, la récompense est, en général, égale à la plus faible des deux sommes que représentent la dépense faite et le profit subsistant. Elle ne peut être moindre que le profit subsistant, quand la valeur empruntée a servi à acquérir, à conserver ou à améliorer un bien qui se retrouve, au jour de la liquidation de la communauté, dans le patrimoine emprunteur. Si le bien acquis, conservé ou amélioré a été aliéné avant la liquidation, le profit est évalué au jour de l'aliénation.
8. Il en résulte que, lorsque la valeur empruntée à la communauté a servi à acquérir un bien propre qui se retrouve partiellement, au jour de la liquidation de la communauté, dans le patrimoine emprunteur pour avoir été aliéné pour partie avant la liquidation, le profit subsistant, qui se détermine d'après la proportion dans laquelle les fonds empruntés à la communauté ont contribué au financement de l'acquisition du bien propre, est évalué en appliquant cette proportion, respectivement, au prix de vente de la portion du bien aliénée et à la valeur au jour de la liquidation de l'autre portion du bien.
9. Pour évaluer la récompense due par D... K... à la communauté au titre du remboursement de l'emprunt destiné à payer l'acquisition des deux tiers de l'immeuble situé à Rocles lui appartenant en propre au montant du capital emprunté, soit la somme 6 097,96 euros, l'arrêt retient, d'une part, que l'exception prévue par l'alinéa 3 de l'article 1469 du code civil ne peut recevoir application lorsque le bien acquis a été partiellement aliéné avant la date de la liquidation de la communauté et ne se retrouve pas intégralement dans le patrimoine propre du mari, d'autre part, que le financement n'ayant été que partiel, le profit subsistant ne peut être calculé au prorata de la valeur totale du bien.
10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Et sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
11. M. H... S... fait le même grief à l'arrêt, alors « que le juge ne peut refuser de juger en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies ; qu'en refusant d'appliquer la règle du profit subsistant au calcul de la récompense, au motif que la valeur du bien propre au jour de la dissolution de la communauté devait être déterminée par référence au prix qui pourrait être obtenu par le jeu normal de l'offre et de la demande et qu'un tel prix ne pouvait être déterminé par un expert, la cour d'appel a commis un déni de justice en violation de l'article 4 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code civil :
12. Selon ce texte, le juge qui refuse de juger, sous prétexte du silence, de l'obscurité ou de l'insuffisance de la loi, commet un déni de justice.
13. Pour évaluer à la dépense faite la récompense due par D... K... à la communauté au titre du remboursement de l'emprunt destiné à payer l'acquisition des deux tiers de l'immeuble de Rocles, l'arrêt retient qu'à supposer qu'il puisse être tenu compte de la valeur du bien à la dissolution de la communauté, cette valeur doit être déterminée par référence au prix qui pourrait être obtenu par le jeu normal de l'offre et de la demande, ce que le rapport d'expertise ne peut fournir.
14. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Civ.3 17 septembre 2020 n° 19-15.503
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
CF
COUR DE CASSATION______________________
Audience publique du 17 septembre 2020
Cassation
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 604 F-D
Pourvoi n° U 19-15.503
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 SEPTEMBRE 2020
M. TK... B..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° U 19-15.503 contre l'arrêt rendu le 1er octobre 2018 par la cour d'appel de Basse-Terre (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme H... B..., épouse T..., domiciliée [...] ,
2°/ à M. G... B..., domicilié [...] ,
3°/ à Mme M... B..., domiciliée [...] ,
4°/ à Mme D... B..., domiciliée [...] ,
5°/ à M. E... B..., domicilié [...] ,
6°/ à M. ZC... B..., domicilié [...] ,
7°/ à M. R... B..., domicilié [...] ,
défendeurs à la cassation.
Les consorts B... ont formé un pourvoi incident dirigé contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Les demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l"appui de leur recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Jessel, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. TK... B..., de Me Balat, avocat des consorts B..., après débats en l'audience publique du 16 juin 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Jessel, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 1er octobre 2018), les consorts B... ont assigné M. TK... B... en indemnisation des dégradations occasionnées à la maison qu'il occupe, mais dont ils se disent propriétaires pour en avoir hérité de A... Q..., qui l'avait construite sur un terrain appartenant au département de Guadeloupe avant de décéder en 2001.
Examen des moyens
Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
2. M. TK... B... fait grief à l'arrêt de déclarer les consorts B... recevables en leur demande en qualité de propriétaires de la construction, alors « que la présomption de propriétaire du dessus au profit du propriétaire du sol n'est susceptible d'être combattue que par la preuve contraire résultant d'un titre ou de la prescription acquisitive ; que l'arrêt attaqué constate que la maison litigieuse était édifiée sur un terrain appartenant au département, qu'en affirmant que cette construction était en propriété des consorts B..., sans constater l'existence d'un titre ou l'acquisition de la prescription, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 551 et suivants du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 551 et 555 du code civil :
3. Il résulte de ces textes que tout ce qui s'unit et s'incorpore à la chose appartient au propriétaire, de sorte que, lorsque des constructions ont été faites par un tiers avec des matériaux lui appartenant, le propriétaire du terrain a le droit d'en conserver la propriété, sauf à indemniser le tiers évincé.
4. Pour déclarer recevables les consorts B... en leur demande en qualité de propriétaires de la construction, l'arrêt retient qu'il est établi que la maison, située sur un terrain appartenant au département de la Guadeloupe, a été construite pour le compte de A... Q... dont les consorts B... sont les héritiers.
5. En se déterminant ainsi, sans constater que les consorts B... avaient acquis la propriété des constructions par titre ou possession, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Et sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. Les consorts B... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande indemnitaire, alors « que le juge ne peut refuser d'évaluer le préjudice dont il a constaté l'existence en son principe ; qu'en déboutant les consorts B... de leur demande d'indemnisation des dégradations de la maison, après avoir constaté que M. TK... B... ne contestait pas avoir engagé des travaux sur la maison ayant eu pour effet une dégradation de l'existant, la cour d'appel a violé ensemble les articles 4 du code de procédure civile et 4 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code civil :
7. Il résulte de ce texte que le juge ne peut refuser de réparer le dommage dont il a constaté l'existence en son principe, motif pris de l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties.
8. Pour rejeter la demande indemnitaire, l'arrêt retient que, si M. TK... B... ne conteste pas avoir engagé des travaux sur la maison à l'origine de dégradations, les devis produits à l'appui de la demande indemnitaire sont relatifs à des travaux de réhabilitation et non de remise en état.
9. En statuant ainsi, en refusant d'évaluer le dommage dont elle avait constaté l'existence en son principe, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Civ.3 10 septembre 2020 n° 19-13.507
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION______________________
Audience publique du 10 septembre 2020
Cassation
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 530 F-D
Pourvoi n° Z 19-13.507
Aide juridictionnelle totale en demandeau profit de Mme L....Admission du bureau d'aide juridictionnelleprès la Cour de cassationen date du 10 janvier 2019.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 SEPTEMBRE 2020
Mme V... L..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° Z 19-13.507 contre le jugement rendu le 29 juin 2018 par le tribunal d'instance de Perpignan, dans le litige l'opposant à M. O... K..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dagneaux, conseiller, les observations de la SCP Delvolvé et Trichet, avocat de Mme L..., de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de M. K..., après débats en l'audience publique du 3 juin 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Dagneaux, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (Perpignan, 29 juin 2018), rendu en dernier ressort, Mme L..., locataire d'un logement appartenant à M. K..., l'a, après la résiliation du bail, assigné en restitution du solde du dépôt de garantie et en réparation de divers préjudices causés par l'état de l'appartement.
Examen du moyen
Sur le moyen unique, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
2. Mme L... fait grief au jugement de rejeter ses demandes, alors « que le juge ne peut refuser de statuer en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties ; qu'en rejetant l'ensemble des demandes formulées par Mme L... au titre de ses préjudices, motif pris de ce qu'il se trouvait dans l'impossibilité d'établir les responsabilités éventuelles de chacun, le tribunal, qui a refusé de statuer sur les demandes dont il était saisi, a violé le principe susvisé et l'article 4 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code civil :
3. Il résulte de ce texte que le juge ne peut refuser de statuer en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties.
4. Pour rejeter les demandes de Mme L..., le jugement retient que l'entêtement des parties a conduit à un blocage de la situation pour en arriver à la constatation tardive de l'état d'insalubrité du logement et que, face à l'impossibilité d'établir les responsabilités éventuelles des uns ou des autres, le tribunal se refusant à arbitrer, l'ensemble des demandes est rejeté.
5. En statuant ainsi, le tribunal a violé le texte susvisé.
Civ.2 16 juillet 2020 n° 18-20.796
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
MY1
COUR DE CASSATION______________________
Audience publique du 16 juillet 2020
Cassation partielle
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 676 F-D
Pourvoi n° B 18-20.796
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 JUILLET 2020
M. I... R..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° B 18-20.796 contre l'ordonnance rendue le 29 mai 2018 par le premier président la cour d'appel d'Aix-en-Provence (sur contestation d'honoraires d'avocats), dans le litige l'opposant à M. H... L..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Talabardon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat de M. R..., de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. L..., et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 juin 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Talabardon, conseiller référendaire rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, et Mme Cos, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel (Aix-en-Provence, 29 mai 2018) et les productions, au cours de l'année 2014, M. R... a confié la défense de ses intérêts dans plusieurs affaires le concernant à M. L... (l'avocat) qui, en raison d'un différend sur sa rémunération dans deux dossiers, a saisi le bâtonnier de l'ordre d'une demande en fixation des honoraires lui restant dus.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
2. M. R... fait grief à l'ordonnance d'annuler la décision du bâtonnier rejetant la demande de l'avocat, de fixer les honoraires de celui-ci à la somme de 8 640 euros TTC, de dire qu'après déduction de la provision de 1 300 euros versée, il reste devoir à l'avocat la somme de 7 430 euros, qu'il sera condamné à lui payer en deniers ou quittances, et de rejeter ses propres demandes, alors « qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ; qu'en déclarant recevable le recours formé par Maître L... contre l'ordonnance rendue le 12 octobre 2016 par le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Draguignan et en fixant les honoraires prétendument dus par M. R... à Maître L... à la somme de 8 640 euros TTC, correspondant, d'une part, à « la procédure dirigée contre la SCI IMEFA 59 », de deuxième part, à « la procédure contre la société SOGECAP et la Société générale », de troisième part, à « la procédure l'opposant à la société Nexity » et, de quatrième part, à « la procédure contre la GMF suite à un accident de la circulation » (...) quand M. L... ne demandait au Bâtonnier que la fixation et le recouvrement de la somme de 5 246 euros TTC correspondant seulement aux honoraires relatifs à deux de ces quatre affaires, le premier président, qui a ainsi déclaré recevables et fait partiellement droit à des demandes nouvelles, a violé l'article 564 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
3. Si, dans ses conclusions soutenues à l'audience, M. R... soulignait que certaines des prétentions formées par l'avocat, au soutien de son recours contre la décision du bâtonnier rejetant sa demande en fixation de ses honoraires, étaient nouvelles, il n'a pas soulevé l'irrecevabilité de ces prétentions mais a conclu à leur rejet comme étant non-fondées.
4. Par ailleurs, l'article 564 du code de procédure civile ne conférant au juge que la simple faculté de relever d'office la fin de non-recevoir tirée de la nouveauté d'une demande en appel, laquelle n'est pas d'ordre public, il ne peut être fait grief au premier président de n'avoir pas relevé d'office l'irrecevabilité de certaines des prétentions de l'avocat comme étant nouvelles.
5. Dès lors, le moyen de cassation, pris de ce que certaines des demandes, auxquelles ce magistrat a partiellement fait droit, étaient irrecevables comme nouvelles, est lui-même nouveau, mélangé de fait et de droit et, comme tel, irrecevable.
Mais sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
6. M. R... formule le même grief contre l'ordonnance, alors « que tout jugement doit être motivé et que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motif ; qu'en l'espèce, M. R... faisait valoir dans ses conclusions qu'il résultait notamment du courriel qui lui avait été adressé par le cabinet de Maître L... le 3 avril 2014 (...) que les honoraires pour le dossier SOGECAP - Société générale avait été forfaitairement fixés à la somme de 1 500 euros et avaient été réglés (...) ; qu'en retenant néanmoins qu'« il n'est produit aucun document émanant de Me H... L... confirmant son accord » sur « une rémunération forfaitaire de 1 500 € par dossier » (...) sans répondre aux conclusions de M. R... sur ce point, le premier président a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 455 et 458 du code de procédure civile :
7. Tout jugement doit être motivé à peine de nullité et le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs.
8. Au soutien de sa défense devant le premier président de la cour d'appel, M. R... arguait de ce que, dans quatre des dossiers confiés à son avocat, il avait été convenu d'une rémunération forfaitaire et, pour en justifier, il produisait, en pièce n° 9 annexée à ses conclusions écrites, un courrier électronique que le cabinet de son conseil lui avait adressé le 3 avril 2014 pour lui confirmer que l'intervention de celui-ci lui avait été facturée à la somme globale de 1 500 euros TTC.
9. Pour écarter cette argumentation et faire partiellement droit aux prétentions de l'avocat, qui réclamait des honoraires en fonction des diligences accomplies, l'ordonnance retient que, si M. R... se prévaut d'un courrier qu'il a lui-même adressé à son conseil le 10 février 2014 pour soutenir que les affaires qu'il lui avait confiées devaient faire l'objet d'une rémunération forfaitaire de 1 500 euros par dossier, il ne produit aucun document, émanant de l'avocat, confirmant l'accord de celui-ci sur un tel mode de rémunération.
10. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions soutenues à l'audience, par lesquelles M. R... faisait valoir que le courrier électronique que lui avait adressé le cabinet d'avocat, le 3 avril 2014, était de nature à accréditer ses allégations quant à l'existence d'un accord de son conseil sur une rémunération forfaitaire de ses diverses interventions, le premier président n'a pas satisfait aux exigences des textes susvisés.
Et sur le moyen, pris en sa quatrième branche
Enoncé du moyen
11. M. R... formule le même grief contre l'ordonnance, alors « que le juge est tenu de trancher le litige dont il est saisi et ne peut se contenter de prononcer une condamnation en deniers ou quittances lorsqu'il existe une contestation sur le montant des sommes déjà versées ; qu'en retenant en l'espèce qu'en l'état de la contradiction existant entre les parties sur les sommes déjà réglées par M. R..., celui-ci « sout[enant] avoir réglé la somme totale de 5 100 euros » et Maître L... « ne reconnaiss[ant] que le paiement d'une somme de 1 300 € TTC » (...), il convenait de condamner M. R... à payer « en deniers ou quittances à Maître L... la somme de 7 340 € TTC (8 640 – 1 300) au titre du solde de ses honoraires », le premier président a méconnu son office, en violation des articles 4 du code civil et 4 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code civil :
12. Il résulte de ce texte que la juge ne peut refuser de statuer en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont soumises par les parties.
12. Après avoir fixé à 8 640 euros TTC le montant des honoraires dus à l'avocat pour son intervention dans quatre procédures, l'ordonnance énonce que M. R... soutient avoir déjà réglé la somme de 5 100 euros, quand l'avocat ne reconnaît le paiement que d'une somme de 1 300 euros. La décision en déduit qu'en l'état de cette contradiction, il convient de condamner M. R... à payer à l'avocat, « en deniers ou quittances », la somme de 7 340 euros TTC au titre du solde de ses honoraires.
13. En statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de trancher lui-même la contestation opposant les parties sur le montant des sommes déjà versées par M. R... et, partant, sur le solde d'honoraires restant du à l'avocat, le premier président, qui a méconnu son office, a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
14. La censure de l'ordonnance attaquée sur la deuxième branche du moyen unique proposé justifie la cassation de la décision en toutes ses dispositions autres que celles déclarant recevable le recours de l'avocat et annulant la décision du bâtonnier, contre lesquelles aucun grief n'a été articulé. En effet, si le courrier électronique du 3 avril 2014, sur lequel le premier président a omis à tort de se prononcer, ne concernait qu'une des procédures au titre desquelles l'avocat sollicitait la fixation de ses honoraires, M. R... invoquait cette pièce pour accréditer ses allégations selon lesquelles il avait été convenu d'une rémunération forfaitaire de son conseil dans l'ensemble de ces procédures.
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