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Crim. 25 février 2025 n° 24-83.675

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° X 24-83.675 F-D
N° 00202

LR 25 FÉVRIER 2025

CASSATION

M. BONNAL président,





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 25 FÉVRIER 2025


M. [T] [F] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, 12e chambre, en date du 24 novembre 2023, qui, pour destruction aggravée, refus de se soumettre aux opérations de relevés signalétiques et refus de se soumettre aux prélèvements biologiques, l'a condamné, pour les deux premières infractions, à huit mois d'emprisonnement dont quatre mois avec sursis et, pour la troisième, à deux mois d'emprisonnement avec sursis.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Dary, conseiller, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [T] [F], et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 21 janvier 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Dary, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Le Roch, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Poursuivi des chefs susvisés, M. [T] [F] a été relaxé du chef de destruction aggravée et déclaré coupable pour le surplus, par jugement du 7 novembre 2019.
3. Le procureur de la République a relevé appel de cette décision et M. [F] a formé un appel incident.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a, par arrêt contradictoire à signifier, déclaré coupable de destruction aggravée du bien d'autrui, de refus de se soumettre aux opérations de relevés signalétiques et de refus de se soumettre à un prélèvement biologique, alors « que l'huissier qui délivre une citation à la dernière adresse déclarée du prévenu appelant est tenu d'effectuer les diligences prévues par l'article 558, alinéa 2 ou 4 du code de procédure pénale ; qu'en l'absence d'accomplissement de celles-ci, la juridiction doit constater l'irrégularité de la citation ; que lorsque l'huissier de justice ne trouve personne au domicile indiqué dans la déclaration d'appel, l'huissier de justice soit adresse à l'intéressé une lettre recommandée avec accusé de réception lui faisant connaître qu'il doit retirer dans les plus brefs délais la copie de l'exploit signifié à l'étude, soit lui envoie une copie de l'acte par lettre simple accompagnée d'un récépissé soit laisse un avis de passage accompagné d'un récépissé ; que la citation délivrée à étude le 20 septembre 2023 à l'adresse déclarée dans l'acte d'appel mentionne que « l'avis de signification prévu à l'article 558 du code de procédure pénale a été adressé par lettre recommandée avec accusé de réception ou un avis de passage ayant été laissé ce jour à votre domicile, une lettre simple vous a été adressée accompagnée d'un récépissé à réexpédier ou à déposer à l'étude dans le délai imparti, conformément à la loi » ; que les mentions de cette citation, qui ne permettent pas de déterminer si l'huissier a adressé une lettre recommandée avec accusé de réception ou a envoyé une copie de l'acte par lettre simple ou a laissé un avis de passage, laissent incertain le point de savoir quelles diligences, au sens de l'article 558, alinéas 2 et 4, du code de procédure pénale, ont été réellement accomplies par l'huissier ; qu'en statuant par arrêt contradictoire à signifier à l'égard de monsieur [F] au motif que ce dernier n'a pas comparu, ni fourni d'excuse valable bien qu'ayant été régulièrement cité à l'adresse déclarée dans l'acte d'appel, lorsqu'il lui appartenait, étant légalement saisie par l'acte d'appel, de constater l'irrégularité de la citation et d'inviter le ministère public à faire citer le prévenu à son adresse déclarée, la cour d'appel a violé les articles 503-1 et 558 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 503-1 et 558 du code de procédure pénale :
5. L'huissier qui délivre une citation à la dernière adresse déclarée du prévenu appelant, conformément au premier de ces textes, est tenu d'effectuer les diligences prévues par les alinéas 2 ou 4 du second. En l'absence d'accomplissement de celles-ci, la juridiction doit constater l'irrégularité de la citation.
6. Pour statuer par arrêt contradictoire à signifier à l'encontre de M. [F], non comparant et non représenté, la cour d'appel a retenu que la citation a été délivrée à étude le 20 septembre 2023 à l'adresse déclarée par l'appelant dans son acte d'appel.
7. En statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés.
8. En effet, les mentions de la citation délivrée laissant incertain le point de savoir quelles diligences, au sens de l'article 558, alinéas 2 et 4, du code de procédure pénale, avaient été réellement accomplies, il lui appartenait, étant légalement saisie par l'acte d'appel, de constater l'irrégularité de la citation et d'inviter le ministère public à faire citer à nouveau M. [F] à son adresse déclarée.
9. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.




Crim. 25 février 2025 n° 24-83.998

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° Y 24-83.998 F-D
N° 00208

LR 25 FÉVRIER 2025

CASSATION

M. BONNAL président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 25 FÉVRIER 2025


L'officier du ministère public près le tribunal de police du Havre a formé un pourvoi contre le jugement dudit tribunal de police, en date du 22 mai 2024, qui a relaxé M. [R] [X] du chef de contravention au code de la route.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Chaline-Bellamy, conseiller, et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 21 janvier 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Chaline-Bellamy, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Le Roch, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [R] [X] a été poursuivi devant le tribunal de police pour stationnement très gênant d'un véhicule motorisé sur un trottoir, sur le fondement d'un procès-verbal de constatation de l'infraction.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. Le moyen critique le jugement attaqué en ce qu'il a relaxé M. [X] alors que, selon l'article 537 du code de procédure pénale, les procès-verbaux dressés pour des faits de nature contraventionnelle font foi jusqu'à preuve du contraire de ce qui y est inscrit, la preuve ne pouvant être rapportée que par écrit ou par témoins et qu'en relaxant le prévenu au motif d'indications écrites apportées par son épouse qui n'apportent pas la preuve contraire du constat opéré par le procès-verbal, le tribunal a violé les dispositions de ce texte.
Réponse de la Cour
Vu l'article 537 du code de procédure pénale :
4. Selon ce texte, les procès-verbaux dressés par les officiers et agents de police judiciaire font foi jusqu'à preuve contraire des contraventions qu'ils constatent et la preuve contraire ne peut être rapportée que par écrit ou par témoins.
5. Pour relaxer M. [X], le jugement attaqué retient que le procès-verbal de constatation de l'infraction est très lapidaire, ne donnant aucune indication ni sur le lieu précis de l'infraction, ni sur la caractérisation de celle-ci, et que les courriers de l'épouse de M. [X], utilisatrice du véhicule en cause, selon lesquels le véhicule était resté stationné le long et non sur le trottoir, apportent la preuve écrite contraire exigée par l'article 537 du code de procédure pénale.
6. En se déterminant ainsi, le tribunal a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé pour les motifs qui suivent.
7. En premier lieu, aucune disposition légale ou réglementaire n'impose l'indication dans le procès-verbal du lieu exact de commission de l'infraction reprochée de stationnement très gênant d'un véhicule motorisé.
8. En second lieu, la seule contestation de l'infraction par courriers de l'utilisatrice du véhicule en cause ne constitue pas une preuve par écrit contraire au procès-verbal dressé par un officier ou agent de police judiciaire qui fait foi jusqu'à preuve contraire de la contravention qu'il constate.
9. La cassation est par conséquent encourue.




Crim. 25 février 2025 n° 24-85.486

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° R 24-85.486 F-D
N° 00205

LR 25 FÉVRIER 2025

CASSATION

M. BONNAL président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 25 FÉVRIER 2025


L'officier du ministère public près le tribunal de police de Créteil a formé un pourvoi contre le jugement n° 492 dudit tribunal, en date du 12 septembre 2023, qui, dans la procédure suivie contre M. [M] [C] du chef de contravention au code de la route, a constaté l'extinction de l'action publique.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Thomas, conseiller, et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 21 janvier 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Thomas, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Le Roch, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte du jugement attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le 16 juillet 2019, une infraction d'excès de vitesse a été relevée par un appareil de contrôle automatisé à l'encontre du conducteur du véhicule immatriculé [Immatriculation 1] et constatée par procès-verbal.
3. M. [M] [C], titulaire du certificat d'immatriculation du véhicule, a, à réception de l'avis de contravention, formulé une requête en exonération en désignant un autre conducteur.
4. Le 7 janvier 2020, l'officier du ministère public du contrôle automatisé a émis un titre exécutoire à l'encontre de cet autre conducteur.
5. Il a ensuite procédé à l'annulation de ce titre le 19 janvier 2021 et transmis la procédure pour compétence à l'officier du ministère public de Douai.
6. Le 10 février 2021, ce dernier a transmis la procédure pour compétence à l'officier du ministère public de Créteil, lequel a pris des réquisitions d'ordonnance pénale le 31 janvier 2022.
7. Par ordonnance pénale du 22 avril 2022, notifiée le 25 juillet suivant, le tribunal de police a condamné M. [C] à 350 euros d'amende en sa qualité de responsable pécuniaire.
8. Le 11 août 2022, celui-ci a formé opposition à l'exécution de l'ordonnance pénale.
9. Le 10 mai 2023, l'officier du ministère public a pris des réquisitions de citation devant le tribunal de police.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
10. Le moyen unique critique le jugement attaqué en ce qu'il a, en méconnaissance des articles 9-2, 529-2 et 530 du code de procédure pénale, constaté la prescription de l'action publique, alors que la délivrance du titre exécutoire le 7 janvier 2020, moins d'un an après la constatation de l'infraction, a fait courir le délai de prescription de la peine, que son annulation, le 19 janvier 2021, a ouvert un nouveau délai de prescription de l'action publique, lequel a été interrompu ensuite par les actes du ministère public tendant à la mise en mouvement de l'action publique, l'ordonnance pénale et le jugement.
Réponse de la Cour
Vu les articles 133-4 du code pénal, 9, 9-2 et 530 du code de procédure pénale :
11. Il résulte de ces textes qu'en matière de contraventions donnant lieu au recouvrement de l'amende forfaitaire majorée prévue par l'article 529-2, alinéa 2, du code de procédure pénale, il suffit, pour que la prescription de l'action publique ne soit pas acquise, que le délai soit interrompu par la délivrance du titre exécutoire, qui fait courir la prescription de la peine, puis, après la réclamation du contrevenant, que la citation soit délivrée avant l'expiration du nouveau délai de prescription de l'action publique ouvert à la suite de cette réclamation.
12. Pour déclarer l'action publique éteinte, le jugement attaqué énonce qu'il ressort des éléments du dossier qu'il n'y a pas eu d'acte interruptif de prescription pendant le délai d'un an qui a suivi l'infraction et que le ministère public, qui invoque la prescription des peines de trois ans, confond les règles de prescription des contraventions et celles des peines.
13. En statuant ainsi, le tribunal a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.
14. En effet, d'une part, un titre exécutoire d'amende forfaitaire majorée a été émis moins d'un an après la constatation de l'infraction à l'encontre du conducteur désigné par le titulaire du certificat d'immatriculation, faisant courir le délai de prescription de trois ans de la peine.
15. Ensuite, la réclamation du conducteur désigné, qui a entraîné l'annulation du titre exécutoire émis à son encontre et la reprise des poursuites à l'encontre du titulaire du certificat d'immatriculation, a fait courir un nouveau délai de prescription de l'action publique d'un an, et celui-ci a régulièrement été interrompu par la transmission de la procédure à l'officier du ministère public compétent, par la procédure d'ordonnance pénale puis par la citation à comparaître devant le tribunal de police, de sorte qu'à la date où le tribunal a statué, le second délai de prescription de l'action publique n'était pas écoulé.
16. La cassation est par conséquent encourue.




Crim. 25 février 2025 n° 24-85.492

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° X 24-85.492 F-D
N° 00207

LR 25 FÉVRIER 2025

CASSATION

M. BONNAL président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 25 FÉVRIER 2025


L'officier du ministère public près le tribunal de police de Créteil a formé un pourvoi contre le jugement n° 489 dudit tribunal, en date du 12 septembre 2023, qui, dans la procédure suivie contre M. [D] [S] du chef de contravention au code de la route, a constaté l'extinction de l'action publique.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Thomas, conseiller, et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 21 janvier 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Thomas, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Le Roch, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure
1. Il résulte du jugement attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le 5 juin 2018, une infraction d'excès de vitesse a été relevée par un appareil de contrôle automatisé à l'encontre du conducteur du véhicule immatriculé [Immatriculation 1] et constatée par procès-verbal.
3. M. [D] [S], titulaire du certificat d'immatriculation du véhicule, a, à réception de l'avis de contravention, formulé une requête en exonération en désignant un autre conducteur.
4. Le 8 janvier 2019, l'officier du ministère public du contrôle automatisé a émis un titre exécutoire à l'encontre de cet autre conducteur.
5. Il a ensuite procédé à l'annulation de ce titre le 19 janvier 2021 et transmis la procédure pour compétence à l'officier du ministère public de Douai.
6. Le 10 février 2021, ce dernier a transmis la procédure pour compétence à l'officier du ministère public de Créteil, lequel a pris des réquisitions d'ordonnance pénale le 31 janvier 2022.
7. Par ordonnance pénale du 22 avril 2022, notifiée le 25 juillet suivant, le tribunal de police a condamné M. [S] à 250 euros d'amende en sa qualité de responsable pécuniaire.
8. Le 11 août 2022, celui-ci a formé opposition à l'exécution de l'ordonnance pénale.
9. Le 10 mai 2023, l'officier du ministère public a pris des réquisitions de citation devant le tribunal de police.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
10. Le moyen unique critique le jugement attaqué en ce qu'il a, en méconnaissance des articles 9-2, 529-2 et 530 du code de procédure pénale, constaté la prescription de l'action publique, alors que la délivrance du titre exécutoire le 8 janvier 2019, moins d'un an après la constatation de l'infraction, a fait courir le délai de prescription de la peine, que son annulation, le 19 janvier 2021, a ouvert un nouveau délai de prescription de l'action publique, lequel a été interrompu ensuite par les actes du ministère public tendant à la mise en mouvement de l'action publique, l'ordonnance pénale et le jugement.
Réponse de la Cour
Vu les articles 133-4 du code pénal, 9, 9-2 et 530 du code de procédure pénale :
11. Il résulte de ces textes qu'en matière de contraventions donnant lieu au recouvrement de l'amende forfaitaire majorée prévue par l'article 529-2, alinéa 2, du code de procédure pénale, il suffit, pour que la prescription de l'action publique ne soit pas acquise, que le délai soit interrompu par la délivrance du titre exécutoire, qui fait courir la prescription de la peine, puis, après la réclamation du contrevenant, que la citation soit délivrée avant l'expiration du nouveau délai de prescription de l'action publique ouvert à la suite de cette réclamation.
12. Pour déclarer l'action publique éteinte, le jugement attaqué énonce qu'il ressort des éléments du dossier qu'il n'y a pas eu d'acte interruptif de prescription pendant le délai d'un an qui a suivi l'infraction et que le ministère public, qui invoque la prescription des peines de trois ans, confond les règles de prescription des contraventions et celles des peines.
13. En statuant ainsi, le tribunal a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.
14. En effet, d'une part, un titre exécutoire d'amende forfaitaire majorée a été émis moins d'un an après la constatation de l'infraction à l'encontre du conducteur désigné par le titulaire du certificat d'immatriculation, faisant courir le délai de prescription de trois ans de la peine.
15. Ensuite, la réclamation du conducteur désigné, qui a entraîné l'annulation du titre exécutoire émis à son encontre et la reprise des poursuites à l'encontre du titulaire du certificat d'immatriculation, a fait courir un nouveau délai de prescription de l'action publique d'un an, et celui-ci a régulièrement été interrompu par la transmission de la procédure à l'officier du ministère public compétent, par la procédure d'ordonnance pénale puis par la citation à comparaître devant le tribunal de police, de sorte qu'à la date où le tribunal a statué, le second délai de prescription de l'action publique n'était pas écoulé.
16. La cassation est par conséquent encourue.




Crim. 25 février 2025 n° 24-85.473

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° B 24-85.473 F-D
N° 00203

LR 25 FÉVRIER 2025

CASSATION

M. BONNAL président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 25 FÉVRIER 2025


L'officier du ministère public près le tribunal de police de Créteil a formé un pourvoi contre le jugement n° 494 dudit tribunal, en date du 12 septembre 2023, qui, dans la procédure suivie contre M. [K] [Y] du chef de contravention au code de la route, a constaté l'extinction de l'action publique.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Thomas, conseiller, et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 21 janvier 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Thomas, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Le Roch, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure
1. Il résulte du jugement attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le 14 mai 2019, une infraction d'excès de vitesse a été relevée par un appareil de contrôle automatisé à l'encontre du conducteur du véhicule immatriculé [Immatriculation 3] et constatée par procès-verbal.
3. M. [K] [Y], titulaire du certificat d'immatriculation du véhicule, a, à réception de l'avis de contravention, formulé une requête en exonération en désignant un autre conducteur.
4. Le 14 octobre 2019, l'officier du ministère public du contrôle automatisé a émis un titre exécutoire à l'encontre de cet autre conducteur.
5. Il a procédé ensuite à l'annulation de ce titre le 19 janvier 2021 et transmis la procédure pour compétence à l'officier du ministère public de [Localité 2].
6. Le 10 février 2021, ce dernier a transmis la procédure pour compétence à l'officier du ministère public de [Localité 1], lequel a pris des réquisitions d'ordonnance pénale le 31 janvier 2022.
7. Par ordonnance pénale du 22 avril 2022, notifiée le 26 juillet suivant, le tribunal de police a condamné M. [Y] à 250 euros d'amende en sa qualité de responsable pécuniaire.
8. Le 11 août 2022, celui-ci a formé opposition à l'exécution de l'ordonnance pénale.
9. Le 10 mai 2023, l'officier du ministère public a pris des réquisitions de citation devant le tribunal de police.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
10. Le moyen critique le jugement attaqué en ce qu'il a, en méconnaissance des articles 9-2, 529-2 et 530 du code de procédure pénale, constaté la prescription de l'action publique, alors que la délivrance du titre exécutoire le 14 octobre 2019, moins d'un an après la constatation de l'infraction, a fait courir le délai de prescription de la peine, que son annulation, le 19 janvier 2021, a ouvert un nouveau délai de prescription de l'action publique, lequel a été interrompu ensuite par les actes du ministère public tendant à la mise en mouvement de l'action publique, l'ordonnance pénale et le jugement.
Réponse de la Cour
Vu les articles 133-4 du code pénal, 9, 9-2 et 530 du code de procédure pénale :
11. Il résulte de ces textes qu'en matière de contraventions donnant lieu au recouvrement de l'amende forfaitaire majorée prévue par l'article 529-2, alinéa 2, du code de procédure pénale, il suffit, pour que la prescription de l'action publique ne soit pas acquise, que le délai soit interrompu par la délivrance du titre exécutoire, qui fait courir la prescription de la peine, puis, après la réclamation du contrevenant, que la citation soit délivrée avant l'expiration du nouveau délai de prescription de l'action publique ouvert à la suite de cette réclamation.
12. Pour déclarer l'action publique éteinte, le jugement attaqué énonce qu'il ressort des éléments du dossier qu'il n'y a pas eu d'acte interruptif de prescription pendant le délai d'un an qui a suivi l'infraction et que le ministère public, qui invoque la prescription des peines de trois ans, confond les règles de prescription des contraventions et celles des peines.
13. En statuant ainsi, le tribunal a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.
14. En effet, d'une part, un titre exécutoire d'amende forfaitaire majorée a été émis moins d'un an après la constatation de l'infraction à l'encontre du conducteur désigné par le titulaire du certificat d'immatriculation, faisant courir le délai de prescription de trois ans de la peine.
15. Ensuite, la réclamation du conducteur désigné, qui a entraîné l'annulation du titre exécutoire émis à son encontre et la reprise des poursuites à l'encontre du titulaire du certificat d'immatriculation, a fait courir un nouveau délai de prescription de l'action publique d'un an, et celui-ci a régulièrement été interrompu par la transmission de la procédure à l'officier du ministère public compétent, par la procédure d'ordonnance pénale puis par la citation à comparaître devant le tribunal de police, de sorte qu'à la date où le tribunal a statué, le second délai de prescription de l'action publique n'était pas écoulé.
16. La cassation est par conséquent encourue.




Crim. 25 février 2025 n° 24-85.482

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° M 24-85.482 F-D
N° 00204

LR 25 FÉVRIER 2025

CASSATION

M. BONNAL président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 25 FÉVRIER 2025


L'officier du ministère public près le tribunal de police de Créteil a formé un pourvoi contre le jugement n° 502 dudit tribunal, en date du 12 septembre 2023, qui, dans la procédure suivie contre M. [Y] [N] du chef de contravention au code de la route, a constaté l'extinction de l'action publique.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Thomas, conseiller, et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 21 janvier 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Thomas, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Le Roch, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure
1. Il résulte du jugement attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le 28 février 2019, une infraction d'excès de vitesse a été relevée par un appareil de contrôle automatisé à l'encontre du conducteur du véhicule immatriculé [Immatriculation 3] et constatée par procès-verbal.
3. M. [Y] [N], titulaire du certificat d'immatriculation du véhicule, a, à réception de l'avis de contravention, formulé une requête en exonération en désignant un autre conducteur.
4. Le 5 août 2019, l'officier du ministère public du contrôle automatisé a émis un titre exécutoire à l'encontre de cet autre conducteur.
5. Il a procédé ensuite à l'annulation de ce titre le 19 janvier 2021 et transmis la procédure pour compétence à l'officier du ministère public de [Localité 2].
6. Le 10 février 2021, ce dernier a transmis la procédure pour compétence à l'officier du ministère public de [Localité 1], lequel a pris des réquisitions d'ordonnance pénale le 8 février 2022.
7. Par ordonnance pénale du 25 avril 2022, notifiée le 29 juillet suivant, le tribunal de police a condamné M. [N] à 300 euros d'amende en sa qualité de responsable pécuniaire.
8. Le 11 août 2022, celui-ci a formé opposition à l'exécution de l'ordonnance pénale.
9. Le 10 mai 2023, l'officier du ministère public a pris des réquisitions de citation devant le tribunal de police.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
10. Le moyen unique critique le jugement attaqué en ce qu'il a, en méconnaissance des articles 9-2, 529-2 et 530 du code de procédure pénale, constaté la prescription de l'action publique, alors que la délivrance du titre exécutoire le 5 août 2019, moins d'un an après la constatation de l'infraction, a fait courir le délai de prescription de la peine, que son annulation, le 19 janvier 2021, a ouvert un nouveau délai de prescription de l'action publique, lequel a été interrompu ensuite par les actes du ministère public tendant à la mise en mouvement de l'action publique, l'ordonnance pénale et le jugement.
Réponse de la Cour
Vu les articles 133-4 du code pénal, 9, 9-2 et 530 du code de procédure pénale :
11. Il résulte de ces textes qu'en matière de contraventions donnant lieu au recouvrement de l'amende forfaitaire majorée prévue par l'article 529-2, alinéa 2, du code de procédure pénale, il suffit, pour que la prescription de l'action publique ne soit pas acquise, que le délai soit interrompu par la délivrance du titre exécutoire, qui fait courir la prescription de la peine, puis, après la réclamation du contrevenant, que la citation soit délivrée avant l'expiration du nouveau délai de prescription de l'action publique ouvert à la suite de cette réclamation.
12. Pour déclarer l'action publique éteinte, le jugement attaqué énonce qu'il ressort des éléments du dossier qu'il n'y a pas eu d'acte interruptif de prescription pendant le délai d'un an qui a suivi l'infraction et que le ministère public, qui invoque la prescription des peines de trois ans, confond les règles de prescription des contraventions et celles des peines.
13. En statuant ainsi, le tribunal a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.
14. En effet, d'une part, un titre exécutoire d'amende forfaitaire majorée a été émis moins d'un an après la constatation de l'infraction à l'encontre du conducteur désigné par le titulaire du certificat d'immatriculation, faisant courir le délai de prescription de trois ans de la peine.
15. Ensuite, la réclamation du conducteur désigné, qui a entraîné l'annulation du titre exécutoire émis à son encontre et la reprise des poursuites à l'encontre du titulaire du certificat d'immatriculation, a fait courir un nouveau délai de prescription de l'action publique d'un an, et celui-ci a régulièrement été interrompu par la transmission de la procédure à l'officier du ministère public compétent, par la procédure d'ordonnance pénale puis par la citation à comparaître devant le tribunal de police, de sorte qu'à la date où le tribunal a statué, le second délai de prescription de l'action publique n'était pas écoulé.
16. La cassation est par conséquent encourue.




Crim. 25 février 2025 n° 24-85.488

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° T 24-85.488 F-D
N° 00206

LR 25 FÉVRIER 2025

CASSATION

M. BONNAL président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 25 FÉVRIER 2025


L'officier du ministère public près le tribunal de police de Créteil a formé un pourvoi contre le jugement n° 493 dudit tribunal, en date du 12 septembre 2023, qui, dans la procédure suivie contre M. [P] [R] du chef de contravention au code de la route, a constaté l'extinction de l'action publique.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Thomas, conseiller, et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 21 janvier 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Thomas, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Le Roch, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure
1. Il résulte du jugement attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le 18 mars 2018, une infraction d'excès de vitesse a été relevée par un appareil de contrôle automatisé à l'encontre du conducteur du véhicule immatriculé [Immatriculation 1] et constatée par procès-verbal.
3. M. [P] [R], titulaire du certificat d'immatriculation du véhicule, a, à réception de l'avis de contravention, formulé une requête en exonération en désignant un autre conducteur.
4. Le 21 août 2018, l'officier du ministère public du contrôle automatisé a émis un titre exécutoire à l'encontre de cet autre conducteur.
5. Il a ensuite procédé à l'annulation de ce titre le 19 janvier 2021 et transmis la procédure pour compétence à l'officier du ministère public de Douai.
6. Le 10 février 2021, ce dernier a transmis la procédure pour compétence à l'officier du ministère public de Créteil, lequel a pris des réquisitions d'ordonnance pénale le 31 janvier 2022.
7. Par ordonnance pénale du 22 avril 2022, notifiée le 25 juillet suivant, le tribunal de police a condamné M. [R] à 250 euros d'amende en sa qualité de responsable pécuniaire.
8. Le 11 août 2022, celui-ci a formé opposition à l'exécution de l'ordonnance pénale.
9. Le 10 mai 2023, l'officier du ministère public a pris des réquisitions de citation devant le tribunal de police.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
10. Le moyen unique critique le jugement attaqué en ce qu'il a, en méconnaissance des articles 9-2, 529-2 et 530 du code de procédure pénale, constaté la prescription de l'action publique, alors que la délivrance du titre exécutoire le 21 août 2018, moins d'un an après la constatation de l'infraction, a fait courir le délai de prescription de la peine, que son annulation, le 19 janvier 2021, a ouvert un nouveau délai de prescription de l'action publique, lequel a été interrompu ensuite par les actes du ministère public tendant à la mise en mouvement de l'action publique, l'ordonnance pénale et le jugement.
Réponse de la Cour
Vu les articles 133-4 du code pénal, 9, 9-2 et 530 du code de procédure pénale :
11. Il résulte de ces textes qu'en matière de contraventions donnant lieu au recouvrement de l'amende forfaitaire majorée prévue par l'article 529-2, alinéa 2, du code de procédure pénale, il suffit, pour que la prescription de l'action publique ne soit pas acquise, que le délai soit interrompu par la délivrance du titre exécutoire, qui fait courir la prescription de la peine, puis, après la réclamation du contrevenant, que la citation soit délivrée avant l'expiration du nouveau délai de prescription de l'action publique ouvert à la suite de cette réclamation.
12. Pour déclarer l'action publique éteinte, le jugement attaqué énonce qu'il ressort des éléments du dossier qu'il n'y a pas eu d'acte interruptif de prescription pendant le délai d'un an qui a suivi l'infraction et que le ministère public, qui invoque la prescription des peines de trois ans, confond les règles de prescription des contraventions et celles des peines.
13. En statuant ainsi, le tribunal a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.
14. En effet, d'une part, un titre exécutoire d'amende forfaitaire majorée a été émis moins d'un an après la constatation de l'infraction à l'encontre du conducteur désigné par le titulaire du certificat d'immatriculation, faisant courir le délai de prescription de trois ans de la peine.
15. Ensuite, la réclamation du conducteur désigné, qui a entraîné l'annulation du titre exécutoire émis à son encontre et la reprise des poursuites à l'encontre du titulaire du certificat d'immatriculation, a fait courir un nouveau délai de prescription de l'action publique d'un an, et celui-ci a régulièrement été interrompu par la transmission de la procédure à l'officier du ministère public compétent, par la procédure d'ordonnance pénale puis par la citation à comparaître devant le tribunal de police, de sorte qu'à la date où le tribunal a statué, le second délai de prescription de l'action publique n'était pas écoulé.
16. La cassation est par conséquent encourue.




Crim. 25 février 2025 n° 24-82.717

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° F 24-82.717 F-D
N° 00197

LR 25 FÉVRIER 2025

CASSATION PARTIELLE

M. BONNAL président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 25 FÉVRIER 2025


M. [S] [X] [W] [O], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Lyon, 4e chambre, en date du 12 avril 2024, qui a déclaré irrecevable son appel du jugement du tribunal correctionnel ayant annulé les citations directes délivrées à la [1] et à Mmes [D] [P] et [T] [K].
Un mémoire personnel et un mémoire en défense ont été produits.
Sur le rapport de Mme Thomas, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la [1] et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 21 janvier 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Thomas, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Le Roch, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Par actes d'huissier de justice délivrés les 30 mars et 2 avril 2021, M. [S] [X] [W] [O] a fait citer directement devant le tribunal correctionnel Mmes [D] [P] et [T] [K], médecins du travail, et la [1] ([1]) pour répondre des infractions de violation du secret professionnel et recel de cette infraction.
3. Par jugement du 15 novembre 2021, le tribunal a annulé les citations directes, ordonné la restitution de la consignation versée le 30 juin 2021 par M. [W] [O] et condamné celui-ci à verser à Mme [K] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale.
4. M. [W] [O] a, seul, relevé appel de cette décision et régulièrement déposé, devant la cour d'appel, des conclusions tendant à voir rejeter les exceptions de nullité soulevées par les personnes prévenues et voir statuer sur l'action publique et sur l'action civile.
Examen des moyens
Sur le second moyen
5. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a, en méconnaissance des articles 6, § 1, de la Convention europé
1°/ que, si la partie civile n'a la faculté d'appeler que quant à ses intérêts civils, il n'en est ainsi qu'à la condition que les premiers juges aient statué sur le fond ; que, s'ils se sont limités à se prononcer sur la validité de l'acte de poursuite, sans statuer au fond, la cour d'appel se trouve saisie, par le seul appel de la partie civile, non seulement des intérêts civils mais également de l'action publique qui a subsisté ;
2°/ qu'en déclarant irrecevable son appel des dispositions du jugement déclarant nulles les citations, la cour d'appel a privé le demandeur, partie civile à l'initiative des poursuites, de son droit d'accès au juge.
Réponse de la Cour
Vu l'article 497 du code de procédure pénale :
7. Si, d'après ce texte, la faculté d'appeler n'appartient à la partie civile que quant aux dispositions relatives à ses intérêts civils, cette restriction aux effets de son appel n'est pas applicable lorsqu'il n'a été statué par les premiers juges que sur la validité de la poursuite.
8. Saisie de l'appel de la partie civile du jugement du tribunal correctionnel prononçant l'annulation des citations directes délivrées à Mmes [P] et [K] et à la société [1], la cour d'appel a déclaré cet appel irrecevable, comme ayant pour objet de critiquer la décision des premiers juges sur l'action publique.
9. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.
10. En effet, il lui incombait, en réponse aux conclusions de la partie civile, de statuer sur la régularité des citations directes délivrées aux trois personnes prévenues, puis, le cas échéant, en cas d'infirmation du jugement prononçant leur nullité, de statuer tant sur l'action publique que sur l'action civile.
11. La cassation est par conséquent encourue.
Portée et conséquences de la cassation
12. La cassation n'aura lieu que sur les dispositions de l'arrêt ayant déclaré l'appel irrecevable en ce qu'il a pour objet de critiquer la décision des premiers juges sur l'action publique et dit que la somme versée à titre de consignation sera restituée à la partie civile. Les autres dispositions sont donc maintenues.




Crim. 25 février 2025 n° 23-86.544 B

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° V 23-86.544 F-B
N° 00201

LR 25 FÉVRIER 2025

CASSATION PARTIELLE

M. BONNAL président,





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 25 FÉVRIER 2025


M. [U] [I] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 8e chambre, en date du 25 octobre 2023, qui, pour publication d'enregistrement sonore ou visuel effectué sans autorisation à l'audience d'une juridiction, l'a condamné à 4 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils.
Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits.
Sur le rapport de Mme Merloz, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [U] [I], les observations de la SCP Doumic-Seiller, avocat de Mme [G] [T], MM. [F] [E] et [B] [V], et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 21 janvier 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Merloz, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Le Roch, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 4 mars 2021 une vidéo intitulée « tribunal de commerce de Nanterre : les manoeuvres collusives de trois juges et d'une greffière » a été publiée sur le profil [1] de M. [U] [I]. Cette vidéo contenait et commentait des enregistrements sonores des juges consulaires et du greffier, réalisés à l'occasion d'une audience du tribunal de commerce du 15 janvier précédent, ayant eu à connaître d'un contentieux de concurrence déloyale dans lequel M. [I] avait présenté une demande d'intervention volontaire à l'instance et avait produit des pièces.
3. L'audience avait donné lieu à deux suspensions. La première avait été ordonnée par la présidente de la formation de jugement, après que les parties avaient été entendues sur une fin de non-recevoir de l'intervention volontaire de M. [I], en vue d'échanger sur le sort des pièces versées par ce dernier. La seconde suspension avait fait suite à la demande d'un avocat de la défense et avait donné lieu à des échanges sur l'affaire entre les membres de la formation de jugement. Aucune décision n'avait été prise à l'issue des suspensions d'audience. L'affaire avait été mise en délibéré à la clôture des débats.
4. Le montage des échanges sonores mentionnait l'identité des juges et de la greffière qui s'exprimaient, contenait un texte expliquant la nature du litige ainsi que des commentaires critiques dénonçant le fait que les juges consulaires et la greffière avaient délibéré pendant ces temps de suspension d'audience.
5. Le 19 avril 2021, M. [I], qui a reconnu avoir publié ces enregistrements, a fait l'objet d'une convocation par officier de police judiciaire devant le tribunal correctionnel du chef de publication d'enregistrements sonores effectués sans autorisation au cours d'une audience juridictionnelle.
6. Par jugement du 7 juin 2022, le tribunal correctionnel a déclaré M. [I] coupable de ce chef, l'a condamné à 4 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils.
7. Le prévenu, puis le ministère public et les parties civiles, ont interjeté appel du jugement.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
8. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [I] coupable des faits d'enregistrement sonore sans autorisation au cours d'une audience juridictionnelle et a confirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions pénales et civiles, alors :
« 1°/ que la loi pénale est d'interprétation stricte ; que les dispositions de l'article 38 ter de la Loi du 29 juillet 1881 répriment la captation et la diffusion de la captation de la parole ou de l'image des audiences des juridictions administratives ou judiciaires ; que sauf à ajouter au texte d'incrimination, celui-ci ne permet pas de réprimer la captation d'images ou de sons provenant non de l'audience elle-même, mais d'un délibéré ; qu'en outre, ce texte n'a pour objet que de garantir la sérénité et la sincérité des débats judiciaires, qui conditionnent la manifestation de la vérité et contribuent ainsi à l'autorité et à l'impartialité du pouvoir judiciaire ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher si les propos tenus par des magistrats dont la captation a été reprochée à M. [I] relevaient du débat judiciaire public et contradictoire, la Cour d'appel a entaché sa décision d'une violation du texte précité, ensemble les articles 111-4 du Code pénal et les articles 591 et 593 du Code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
10. Pour confirmer le jugement ayant déclaré le prévenu coupable du chef de publication d'enregistrement sonore ou visuel effectué sans autorisation à l'audience d'une juridiction, l'arrêt attaqué, par motifs propres et adoptés, énonce que la Cour de cassation a précisé par arrêt du 24 mars 2020 (Crim., 24 mars 2020, pourvoi n° 19-81.769, publié au Bulletin) que « l'interdiction instituée par l'article 38 ter de la loi du 29 juillet 1881 qui commence dès l'ouverture de l'audience et se prolonge jusqu'à ce que celle-ci soit levée, s'applique pendant les périodes de suspension de l'audience ».
11. Les juges relèvent, en l'espèce, que les enregistrements ont été effectués pendant les suspensions d'audience qui ne sauraient être constitutives d'un délibéré dans la mesure où les débats n'étaient pas clôturés, l'affaire n'ayant pas encore été mise en délibéré, aucune décision n'ayant été rendue au terme des suspensions et personne d'autre que les juges ne pouvant assister au délibéré.
12. Ils observent que les premiers propos tenus l'ont été dans la continuité de l'audience suspendue, en présence du greffier, pour organiser l'audience en raison de la production de pièces par M. [I], sans qu'aucune décision n'ait été prise sur ce point à l'issue de la suspension, la question procédurale ayant été jointe au fond, et que la seconde a eu lieu à la demande d'un avocat, aucune décision n'ayant là encore été prise quant aux demandes des sociétés parties à la procédure, l'audience ayant été levée et l'affaire mise en délibéré.
13. Ils en concluent que c'est à tort que le prévenu soutient que les propos n'auraient pas été tenus à l'occasion de l'audience mais dans le cadre de délibérations qui ne feraient pas partie du débat judiciaire.
14. Ils observent enfin que le prévenu, qui n'a jamais contesté être l'auteur du montage et de la publication des enregistrements litigieux, connaissait parfaitement les circonstances de l'audience à laquelle il a assisté, les motifs des suspensions et la date du délibéré.
15. En se déterminant ainsi, et dès lors qu'il n'est pas contesté que les enregistrements poursuivis ont été effectués dans la salle d'audience, la cour d'appel a fait l'exacte application des textes visés au moyen pour les motifs qui suivent.
16. En premier lieu, l'interdiction instituée par l'article 38 ter de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse a pour objectif de garantir tant la sérénité des débats et, ainsi, une bonne administration de la justice, que le respect de la vie privée des participants aux procès, leur sécurité, ainsi que la présomption d'innocence des personnes poursuivies en matière pénale.
17. En second lieu, cette interdiction commence dès l'ouverture de l'audience et se prolonge jusqu'à ce que celle-ci soit levée, et s'applique pendant les périodes de suspension de l'audience, en ce compris les temps d'échanges entre la formation de jugement et le greffe, auraient-ils même lieu, comme cela est allégué en l'espèce, hors la présence du public et des parties, lesquels ne constituent pas un délibéré dès lors qu'aucune décision n'a été prise à leur issue et que l'affaire a été mise en délibéré à la clôture des débats. 18. Ainsi, le moyen doit être écarté.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
19. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a reçu Mme [T] et MM. [E] et [V] dans leurs constitutions de partie civile, a dit M. [I] responsable de leur préjudice et l'a condamné au paiement de la somme de 1 500 euros en réparation du préjudice qui aurait été subi par chacun d'entre eux, et de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 475-1 du code de procédure pénale, et l'a condamné au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'application en cause d'appel des dispositions de l'article 475-1 du code de procédure pénale, alors « que les infractions prévues et réprimées par l'article 38 ter de la Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ne portent atteinte qu'à l'intérêt général ; qu'en jugeant Mme [T] et MM. [E] et [V] recevables à se constituer parties civiles du chef de cette infraction, la Cour d'appel a violé le texte susvisé, ensemble les articles 2 et 591 du Code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
20. Le demandeur ne saurait faire grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement l'ayant condamné à indemniser les parties civiles en réparation de leur préjudice dès lors que l'incrimination prévue à l'article 38 ter de la loi du 29 juillet 1881 n'a pas pour objet exclusif la protection de l'intérêt public qui s'attache à l'autorité et l'impartialité de la justice mais également la protection du droit au respect de la vie privée des participants aux procès, leur sécurité ainsi que la présomption d'innocence des personnes poursuivies en matière pénale.
21. Dès lors, le moyen doit être écarté.
Mais sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
22. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [I] à la peine de 4 000 d'amende, alors :
« 1°/ d'une part, qu'en matière correctionnelle, le juge qui prononce une peine doit en justifier la nécessité au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale ; qu'en confirmant la condamnation de M. [I] à la peine de 4 000 euros d'amende sans s'être précisément expliquée sur la personnalité de l'exposant, sur sa situation personnelle ni sur le caractère proportionné de l'atteinte ainsi portée, la Cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 132-1 du Code pénal, 485, 512, et 593 du Code de procédure pénale ; »
Réponse de la Cour
Vu les articles 132-1 du code pénal, 485-1 et 593 du code de procédure pénale :
23. Selon les deux premiers de ces textes, en matière correctionnelle, une peine doit être motivée en tenant compte des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur et de sa situation familiale, matérielle et sociale.
24. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
25. Pour confirmer le jugement qui a condamné le prévenu à 4 000 euros d'amende, l'arrêt attaqué énonce que la peine est justifiée au regard de la personnalité de l'auteur, des circonstances de l'infraction et de la situation financière du prévenu, chef d'entreprise percevant 22 000 euros par an.
26. En se déterminant ainsi, sans mieux s'expliquer sur la situation personnelle, familiale et sociale de l'intéressé, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.
27. La cassation est par conséquent encourue de ce chef, sans qu'il y ait lieu d'examiner l'autre grief.
Portée et conséquences de la cassation
28. La cassation sera limitée à la peine dès lors que la déclaration de culpabilité n'encourt pas la censure.




Crim. 12 février 2025 n° 24-80.358

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° S 24-80.358 F-D
N° 00180

RB5 12 FÉVRIER 2025

CASSATION PARTIELLE

M. BONNAL président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 12 FÉVRIER 2025


M. [K] [V], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Grenoble, en date du 7 novembre 2023, qui, dans la procédure suivie, sur sa plainte, contre personne non dénommée des chef de harcèlement moral, dénonciation calomnieuse, faux public, abus de confiance et atteinte au secret des correspondances, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction et l'a condamné à une amende civile de 5 000 euros.
Des mémoires ampliatif et personnel ont été produits.
Sur le rapport de M. Gillis, conseiller référendaire, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [K] [V], et les conclusions de Mme Viriot-Barrial, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 janvier 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Gillis, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. [K] [V], notaire, a porté plainte et s'est constitué partie civile. Il a dénoncé des faits qui auraient été commis par ses associés M. [D] [E] et Mmes [G] [N] et [X] [W]. Selon lui, ceux-ci auraient commis des atteintes au secret des correspondances en accédant à ses courriels professionnels, une dénonciation calomnieuse en indiquant aux instances notariales qu'il aurait demandé à ses collaboratrices de cesser de travailler pour l'office notarié sous couvert d'arrêts maladies, des faux en écriture authentique en signant des actes inexacts et des abus de confiance en utilisant à des fins personnelles de l'argent de la société.
3. Par ordonnance du 11 avril 2023, le juge d'instruction a conclu au non-lieu contre quiconque d'avoir commis les infractions dénoncées et a condamné M. [V] au paiement d'une amende civile.
4. M. [V] a relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur les premier et troisième moyens du mémoire ampliatif et le premier moyen, pris en sa seconde branche, du mémoire personnel
5. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le deuxième moyen du mémoire ampliatif, le premier moyen, pris en sa première branche, et le second moyen du mémoire personnel Enoncé des moyens
6. Le deuxième moyen proposé pour M. [V] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction ayant retenu qu'il n'existe pas de charge suffisante contre M. [E], Mmes [N] et [W] du chef de faux en écriture publique ou authentique, alors :
« 1°/ que l'interdiction d'une double condamnation en raison des mêmes faits prévue par l'article 4-1 du Protocole n° 7 additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, ne trouve à s'appliquer, selon les déclarations et réserves accompagnant l'instrument de ratification de ce protocole par la France, que pour les infractions relevant en droit français de la compétence des tribunaux statuant en matière pénale ; qu'en retenant que les manquements déontologiques de monsieur [E] ont été sanctionnés par son ordre professionnel pour estimer qu'il n'existe pas de charge suffisante pour le renvoyer du chef de faux en écriture authentique devant la juridiction criminelle, la chambre de l'instruction a méconnu le sens et la portée de l'article 4-1 du Protocole n° 7 additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble l'article 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; que l'élément intentionnel du faux en écriture authentique procède de la conscience de son auteur d'altérer la vérité d'un acte authentique; qu'en retenant l'absence d'élément intentionnel du crime de faux en écriture authentique dénoncé, après avoir constaté que monsieur « [D] [E] quant à lui reconnaissait tant lors de cette inspection que lors de l'audience judiciaire avoir signé 10 actes qu'il n'avait pas reçus, étant précisé que dans sept hypothèses il n 'était pas présent à l'étude lors de la signature par les parties. Pour chacun de ses actes, il avait fait le choix de signer hors la présence et la réception de ces clients », la chambre de l'instruction s'est déterminée par des motifs contradictoires et n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 121-3, alinéa 1, 441-1, 441-4 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ;
3°/ qu'en exigeant une intention frauduleuse quand le crime de faux dans un acte authentique ne requiert que la conscience de son auteur d'altérer sciemment la vérité, la chambre de l'instruction a violé les articles 121-3, alinéa 1, 441-1, 441-4 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ;
4°/ que le préjudice auquel peut donner lieu un faux dans un acte authentique résulte nécessairement de l'atteinte portée à la foi publique et à l'ordre social par une falsification de cette nature ; qu'en estimant qu'aucun élément ne permettait d'établir un quelconque préjudice qui aurait résulté des faits reprochés à [D] [E], quand il était établi que le notaire n'avait pas signé les actes en présence des parties, la chambre de l'instruction a violé les articles 441-1 et 441-4 du code pénal. »
7. Le premier moyen proposé par M. [V] est pris de la violation de l'article 593 du code de procédure pénale.
8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance de non-lieu du chef de faux en écriture publique, alors :
1°/ que, en n'indiquant pas clairement les motifs pour lesquels il n'y a lieu à suivre de ces faits, pourtant établis par les courriels de Mme [Z] [C] et l'audition de celle-ci, et en ne statuant pas sur les faits de faux qui auraient été commis par Mmes [N] et [W], la chambre de l'instruction a insuffisamment motivé sa décision.
9. Le second moyen proposé par M. [V] est pris de la violation de l'article 441-4 du code pénal.
10. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance de non-lieu du chef de faux en écriture publique, alors :
1°/ que, en constatant que M. [E] et Mmes [N] et [W] ont signé a posteriori des actes reçus par des salariés non habilités, la chambre de l'instruction a caractérisé l'infraction de faux en écriture publique ;
2°/ que la chambre de l'instruction ne pouvait se fonder sur le fait qu'aucun préjudice résultant des faits reprochés à M. [E] n'était établi dès lors que le préjudice résultant de l'infraction de faux en écriture publique peut n'être qu'éventuel.
Réponse de la Cour
11. Les moyens sont réunis.
Vu les articles 441-4 du code pénal et 593 du code de procédure pénale :
12. Il résulte du premier de ces textes que le préjudice auquel peut donner lieu un faux dans un acte authentique résulte nécessairement de l'atteinte portée à la foi publique et à l'ordre social par une falsification de cette nature.
13. Il résulte du second que tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
14. Pour confirmer l'ordonnance de non-lieu du chef de faux en écriture authentique, l'arrêt attaqué retient que les faits reprochés à M. [E], à savoir que les actes argués de faux n'ont pas été signés par les parties en présence du notaire qui les a dressés, caractérisent un manquement du notaire à ses obligations d'information et de conseil.
15. Les juges ajoutent que ces manquements de M. [E] ont été sanctionnés disciplinairement et que, s'ils constituent une négligence, ils ne révèlent aucune intention frauduleuse permettant de caractériser l'élément intentionnel de l'infraction de faux en écriture authentique.
16. Ils retiennent également qu'aucun élément ne permet d'établir un préjudice qui aurait résulté des faits reprochés à M. [E].
17. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.
18. En premier lieu, le seul fait pour un notaire de signer un acte authentique en l'absence des parties à cet acte en ayant conscience que l'acte indique qu'il a été signé par les parties en présence du notaire caractérise l'élément intentionnel de l'infraction de faux en écriture authentique, sans qu'il soit nécessaire d'établir une intention frauduleuse.
19. En deuxième lieu, ce fait constitue une altération de la vérité dans un acte authentique, laquelle emporte nécessairement un préjudice.
20. En troisième lieu, le fait qu'un notaire ait été sanctionné disciplinairement pour des manquements professionnels n'interdit pas que ces manquements fassent l'objet de poursuites pénales dès lors qu'ils constituent des infractions.
21. En dernier lieu, les juges n'ont pas recherché si les actes reprochés à Mmes [N] et [W] pouvaient constituer l'infraction de faux en écriture authentique.
22. La cassation est par conséquent encourue.
Et sur le quatrième moyen du mémoire ampliatif
Enoncé du moyen
23. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction ayant retenu qu'il n'existe pas de charge suffisante contre M. [E] et Mmes [N] et [W] du chef de dénonciation calomnieuse, alors « qu'en se limitant à constater que « certaines récriminations formulées » par les associés de monsieur [V] dans leur plainte auraient été confirmées par les juridictions disciplinaires et judiciaires sans se prononcer sur l'ensemble de ces dénonciations quand la partie civile faisait valoir dans son mémoire que les intéressés avaient dénoncé un recours frauduleux à des arrêts maladie et que ce fait n'avait pas été retenu par les juridictions précitées, la chambre de l'instruction a omis de statuer sur l'ensemble des faits dénoncés et n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 212 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 593 du code de procédure pénale :
24. Tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
25. Pour confirmer l'ordonnance de non-lieu du chef de dénonciation calomnieuse, l'arrêt attaqué retient que les faits dénoncés ne sont pas établis dès lors qu'il résulte des poursuites disciplinaires exercées contre M. [V] que celui-ci a également commis des manquements, dont certains ont abouti à une sanction disciplinaire.
26. Les juges ajoutent que certaines des récriminations formulées par les associés de M. [V] étaient donc justifiées.
27. En se déterminant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. [V] qui faisaient valoir que les poursuites disciplinaires exercées contre lui ne visaient pas les faits pour lesquels il avait porté plainte au titre de la dénonciation calomnieuse, la chambre de l'instruction a insuffisamment justifié sa décision.
28. La cassation est encore encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
29. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives au non-lieu prononcé des chefs de faux en écriture authentique et de dénonciation calomnieuse et celles ayant condamné M. [V] au paiement d'une amende civile. Les autres dispositions seront donc maintenues.
30. Par conséquent, il n'y a pas lieu d'examiner le cinquième moyen du mémoire ampliatif.




Crim. 11 février 2025 n° 24-84.433

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° W 24-84.433 F-D
N° 00158

ODVS 11 FÉVRIER 2025

REJET

M. BONNAL président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 11 FÉVRIER 2025


Mme [H] [F] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-15, en date du 24 mai 2024, qui, pour contravention au code de la route, l'a condamnée à 600 euros d'amende et trois mois de suspension du permis de conduire.
Un mémoire personnel a été produit.
Sur le rapport de M. Leblanc, conseiller référendaire, et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 janvier 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Leblanc, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Mme [H] [F] a été déclarée coupable d'excès de vitesse par le tribunal de police et condamnée à 600 euros d'amende et à trois mois de suspension du permis de conduire.
3. L'intéressée a relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Le moyen est pris de la violation de l'article 593 du code de procédure pénale.
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté le moyen de nullité soulevé par la défense, au motif que le bon fonctionnement du cinémomètre est suffisamment établi par son homologation et sa vérification sans qu'il soit nécessaire de joindre à la procédure le carnet de métrologie, sans répondre aux conclusions qui soutenaient que le certificat d'examen de l'appareil étant périmé au jour du contrôle, son utilisation n'était possible que s'il avait été mis en service avant cette péremption.
Réponse de la Cour
6. Pour écarter le moyen de nullité qui soutenait que la péremption de l'homologation du cinémomètre utilisé pour le contrôle de vitesse imposait, pour s'assurer de la validité de ce dernier, de disposer du carnet métrologique de l'appareil afin d'établir si sa vérification primitive était antérieure à l'expiration de l'homologation, l'arrêt attaqué énonce que le bon fonctionnement du cinémomètre est suffisamment établi par les mentions du procès-verbal, dont résultent son homologation et sa vérification un peu plus de six mois avant les faits.
7. En statuant ainsi, et dès lors que l'homologation du cinémomètre et la date de la dernière vérification suffisent à établir son bon fonctionnement, la cour d'appel, qui n'avait pas à entrer dans les détails de l'argumentation de la prévenue, a justifié sa décision.
6. Dès lors, le moyen doit être écarté.
7. Et, par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.





Crim. 11 février 2025 n° 24-82.664

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° Y 24-82.664 F-D
N° 00161

ODVS 11 FÉVRIER 2025

REJET

M. BONNAL président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 11 FÉVRIER 2025


La société [1] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-13, en date du 20 mars 2024, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 21 juin 2022, pourvoi n° 20-86.857, publié au Bulletin), pour blessures involontaires, l'a condamnée à 70 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Charmoillaux, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [1], et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 janvier 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Charmoillaux, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [D] [K], salarié de la société [2] (la société [2]), a été blessé par une machine « ouvreuse-broyeuse » dans laquelle sa main a été happée alors qu'il tentait de remédier à un bourrage.
3. La société [2] et la société de droit espagnol [1], société mère et représentante légale de la première, ont été poursuivies des chefs de blessures involontaires et infraction à la réglementation sur l'hygiène et la sécurité des travailleurs.
4. Le tribunal correctionnel a, notamment, déclaré les sociétés [2] et [1] coupables des faits ainsi poursuivis, condamné la première à 30 000 euros d'amende et la seconde à 100 000 euros d'amende, et prononcé sur les intérêts civils.
5. Les deux sociétés prévenues et le ministère public ont relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé la culpabilité de la société [1] du chef de blessures involontaires, alors :
« 1°/ d'une part, que une personne morale ne peut être reconnue pénalement responsable de blessures involontaires que s'il est établi que son organe ou son représentant a commis une faute, pour son compte, et qu'un lien de causalité existe entre cette faute et les blessures déplorées ; qu'en retenant, pour reconnaitre l'exposante coupable du chef de blessures involontaires, que « ces négligences sont constitutives d'une faute de la société [1] qui, étant l'organe et le représentant de la société [2], au sens de l'article 121-2 du Code pénal, engage la responsabilité de celle-ci pour les blessures subies par [D] [K] et qui lui ont occasionné trois mois d'incapacité totale de travail » quand cette motivation établissait, au mieux, que la société [1] avait engagé la responsabilité pénale de sa filiale, la société [2], la Cour d'appel a statué par des motifs contradictoires, impropres et inopérants à établir la responsabilité pénale de la société [1] eu égard aux blessures de Monsieur [K] et n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 121-1, 121-2, 121-.3 et 222-19 du Code pénal et 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
2°/ d'autre part, que la responsabilité pénale d'une personne morale ne peut être engagée qu'à la condition que soit précisément identifié l'organe ou le représentant de la personne morale ayant commis l'infraction pour le compte de celle-ci ; qu'en se bornant, pour retenir la responsabilité pénale de la société [1], à affirmer que « s'il peut être regretté que [C] [G] [E], qui est le président de la société [1] depuis une période antérieure à l'accident subi par [D] [K], n'ait pas été entendu au cours de l'enquête, il n'en demeure pas moins qu'il a été cité, en qualité de représentant de cette société dès la première audience devant le tribunal correctionnel, puis devant la cour, mais ne s'est jamais présenté en personne », motif dont il ne s'infère en rien la désignation et l'identification de Monsieur [C] [G] [E] comme étant l'organe qui aurait commis l'infraction pour le compte de la société [1], la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 121-1, 121-2, 121-3, 222-19 du Code pénal ainsi que des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
3°/ de troisième part, qu'en retenant, pour reconnaitre l'exposante coupable du chef de blessures involontaires, que « s'il peut être regretté que [C] [G] [E], qui est le président de la société [1] depuis une période antérieure à l'accident subi par [D] [K], n'ait pas été entendu au cours de l'enquête, il n'en demeure pas moins qu'il a été cité, en qualité de représentant de cette société dès la première audience devant le tribunal correctionnel, puis devant la cour, mais ne s'est jamais présenté en personne », sans imputer de faute au président de la société [1] et donc sans justifier ni identifier l'organe ou représentant de cette société qui aurait commis la moindre faute de nature à engager la responsabilité de la personne morale, la Cour d'appel a statué par des motifs impropres et inopérants à établir la responsabilité pénale de l'exposante du chef de blessures involontaires et n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 121-1, 121-2, 121-3, 222-19 du Code pénal ainsi que des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
4°/ de quatrième part, qu'en ne s'expliquant pas, pour reconnaître l'exposante coupable du chef des blessures involontaires, sur l'existence d'une faute commise par un représentant ou un organe de la société [1] et pour son compte, la Cour d'appel a statué par des motifs impropres et inopérants à établir la responsabilité pénale de l'exposante du chef de blessures involontaires et n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 121-1, 121-2, 121-3 et 222-19 du Code pénal et des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
5°/ de cinquième part, qu'en ne s'expliquant pas, pour reconnaître l'exposante coupable du chef de blessures involontaires, sur l'existence d'un lien de causalité entre les blessures de Monsieur [K] et une faute commise par un représentant ou un organe de la société [1] et pour son compte, la Cour d'appel correctionnelle a statué par des motifs inopérants et impropres à établir la responsabilité pénale de l'exposante du chef de blessures involontaires et n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 121-1, 121-2, 121-3 et 222-19 du Code pénal et des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
6°/ de sixième part, que devant les juges du fond, la société [1] faisait valoir (conclusions, p. 13) que, pour identifier la personne disposant des pouvoirs et des moyens d'exercer des prérogatives de direction en matière d'hygiène ou de sécurité, il fallait se référer aux règles prescrites par la Loi espagnole à laquelle elle était soumise ; qu'en retenant, pour écarter ce moyen, que « le fait que la société [1] soit une société de droit espagnol est sans effet sur l'application du droit pénal français s'agissant de faits survenus sur le sol français et dont la victime était française » quand l'exposante ne s'opposait pas à l'application de la Loi pénale française s'agissant des éléments constitutifs des infractions poursuivies, mais prétendait uniquement que l'identification de l'organe ou du représentant doté, au sein de la société [1], du pouvoir et des moyens d'exercer les prérogatives de direction en matière d'hygiène et de sécurité devait être opérée au regard du droit espagnol, la Cour d'appel correctionnelle a statué sans répondre à ce chef déterminant des conclusions de la société [1] et n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 121-1, 121-2, 121-3 et 222-19 du Code pénal et des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
7. Pour déclarer la société [1] coupable de blessures involontaires, l'arrêt attaqué énonce qu'en l'absence de délégation de pouvoir au sein de la société [2], il appartenait, en qualité de représentante légale de cette dernière, à la société prévenue, elle-même représentée par son président M. [J] [G] [E], de s'assurer de l'application effective de la réglementation en matière d'hygiène et de sécurité des travailleurs.
8. Les juges exposent de quelle façon la société [1] n'a pas, en tant que présidente de la société [2], mis en oeuvre les mesures indispensables à assurer la sécurité des salariés de cette dernière et a notamment méconnu l'obligation, résultant de l'article R. 4324-1 du code du travail, d'équiper la machine concernée d'un dispositif empêchant l'accès à ses zones dangereuses.
9. Ils en déduisent que cette société a commis une négligence de nature à engager sa responsabilité pénale.
10. En l'état de ces seules énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision.
11. En effet, en premier lieu, les juges se sont déterminés par des motifs dépourvus d'insuffisance et de contradiction dont il résulte que M. [G] [E], représentant légal de la société [1], a commis pour le compte de cette dernière des manquements ayant occasionné les blessures subies par M. [K] en ne prenant pas, dans le cadre de la présidence de la société [2], les mesures nécessaires à la sécurité des travailleurs.
12. En second lieu, en l'absence de toute allégation par la société [1] d'une délégation de pouvoir confiant la responsabilité de la sécurité au travail à une personne autre que son représentant légal, les juges n'étaient pas tenus de rechercher si une telle délégation résultait du droit espagnol, les hypothèses non étayées de la prévenue sur ce point devant être considérée comme un détail de son argumentation.
13. Ainsi, le moyen doit être écarté.
14. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.




Crim. 11 février 2025 n° 24-82.869

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° W 24-82.869 F-D
N° 00157

ODVS 11 FÉVRIER 2025

REJET

M. BONNAL président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 11 FÉVRIER 2025


MM. [Y] [W] et [B] [G] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Papeete, chambre correctionnelle, en date du 18 avril 2024, qui, pour homicide involontaire, a condamné le premier à six mois d'emprisonnement avec sursis, 2 000 000 francs CFP d'amende et le second à 100 000 francs CFP d'amende et a prononcé sur les intérêts civils.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires ampliatif et personnel et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Joly, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi, avocat de MM. [Y] [W] et [B] [G], et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 janvier 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Joly, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. [D] [F], qui travaillait au sein de la société [3] est décédée d'un arrêt cardiaque sur son lieu de travail.
3. Le tribunal correctionnel a déclaré MM. [Y] [W] et [B] [G], gérants de la société, coupables du chef susvisé.
4. MM. [W] et [G] et le ministère public ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le premier moyen proposé pour M. [W], pris en sa sixième branche, et les premier, deuxième et troisième moyens proposés par M. [G]
5. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission des pourvois au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen proposé pour M. [W], pris en ses autres autres
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement qui a déclaré M. [W] coupable d'homicide involontaire, alors :
« 1°/ que de première part, le délit d'homicide involontaire nécessite un lien de causalité certain entre la faute du prévenu et le décès de la victime ; qu'en retenant qu'il existait un lien de causalité entre l'absence de visite médicale annuelle en 2016 et 2017 et le décès de la victime en se contentant d'affirmer péremptoirement que « l'employeur qui n'a pas fait subir la visite médicale d'embauche et qui n'a pas assuré le suivi médical auquel a droit tout salarié, en particulier lorsqu'il fait l'objet d'un suivi médical renforcé, commet une faute en relation avec le décès du salarié dû à un accident cardiaque en lien avec la pénibilité de son travail, qui n'avait fait l'objet d'aucune évaluation médicale » lorsqu'il était pourtant constant que les experts divergeaient sur l'existence d'un lien entre la présence de la victime dans l'entreprise et son décès, le second expert judiciaire près la cour d'appel de Versailles, spécialiste en cardiologie, ayant au contraire conclu que « le diagnostic de cardiopathie de l'obèse ne pouvait pas être fait dans le cadre d'une visite de médecine du travail » et que « le travail de manutentionnaire de Madame [F] ne l'exposait pas à un risque aggravé de mort subite cardiaque » et qu'il n'y avait pas de lien direct « entre le décès par mort subite cardiaque et l'activité physique modérée » ni « entre son décès et sa présence dans l'entreprise ; il aurait pu survenir de la même façon hors de l'entreprise dans n'importe quel délai », ce dont il résultait que l'existence d'un lien de causalité entre les fautes reprochées au prévenu et le décès de la victime n'était pas certain, de sorte que la cour d'appel a méconnu les articles 121-3, 221-6 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que de deuxième part, le dommage, élément constitutif de l'infraction, consiste non en une perte de chance de survie, mais dans le décès de la victime, ce qui suppose que la faute commise ait privé la victime de toute chance de survie ; qu'en l'espèce, en retenant que « l'absence de ces visites médicales obligatoires a concouru au dommage de [D] [F] en la privant de la possibilité de voir détecter la dégradation de son état de santé au travail » sans constater que l'absence de visite médicale annuelle aurait privé la victime de toute chance de survie, étant entendu que de surcroît, sa pathologie ne pouvait être détectée durant une visite médicale du travail, la cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs impropres à caractériser un lien de causalité certain entre les fautes retenues à l'encontre du prévenu et le décès de la victime, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 121-3 du code pénal, ensemble les articles 221-6 du même code, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
3°/ que de troisième part, les juges du fond sont tenus de répondre aux chefs péremptoires des conclusions dont ils sont régulièrement saisis ; qu'en l'espèce, le prévenu sollicitait, au terme du dispositif de ses conclusions régulièrement déposées, qu'il soit constaté que « le lien de causalité entre la survenance du décès de Mme [D] [F] et l'absence de visite annuelle de médecine du travail courant 2016, puis de l'impossibilité d'obtenir des services de médecine du travail en 2017 n'est pas établi, comme le démontre l'expertise sur pièces du Dr [P], Expert Judiciaire près la Cour d'Appel de Versailles » dès lors que l'avis technique médico-légal sur pièces avait conclu que « le diagnostic de cardiopathie de l'obèse ne pouvait pas être fait dans le cadre d'une visite de médecine du travail », que « le travail de manutentionnaire de Madame [F] ne l'exposait pas à un risque aggravé de mort subite cardiaque » et qu'il n'y avait pas de lien direct « entre le décès par mort subite cardiaque et l'activité physique modérée » ni « entre son décès et sa présence dans l'entreprise ; il aurait pu survenir de la même façon hors de l'entreprise dans n'importe quel délai » ce qui était de nature à ôter tout lien de causalité entre les fautes reprochées au prévenu et le décès de la victime ; qu'en s'abstenant de toute prise en compte de cet argument péremptoire, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 121-3, 221-6 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale.
4°/ que de quatrième part, en se bornant à relever que « l'expertise judiciaire du Dr [R] fournit les éléments d'appréciation suffisants et l'autopsie a confirmé l'état général mauvais de la victime décédée pendant son travail de nuit. Et il a été rappelé plus haut qu'il est reproché à [Y] [W] une violation manifestement délibérée de ses obligations dont il n'est pas supposé ignorer la teneur puisqu'elles font partie intégrante de sa responsabilité d'employeur. Or, la faute pénale de l'employeur n'a pas à être déterminante dans la survenance de l'accident mais il suffit qu'elle y ait contribué, ce qui est le cas en l'espèce » de sorte qu'il « a bien commis les manquements à ses obligations légales qui ont contribué au décès de [D] [F] », motifs impropres à établir le caractère certain du lien de causalité, et ne répondant pas aux conclusions régulièrement déposées qui invoquaient l'absence de spécialisation en cardiologie du docteur [R] et les lacunes de son expertise, en ce qu'il ne s'était pas interrogé sur le niveau d'effort représenté par les poids manutentionnés par la victime, ni si ce niveau d'efforts physique était, au regard des conditions de travail concrètes de la victimes, suffisant pour provoquer des troubles du rythme cardiaque pour être léthaux, la cour d'appel n'a pas davantage légalement justifié sa décision au regard des articles 121-3, 221-6 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale.
5°/ que de cinquième part, dès lors que le prévenu n'avait pas causé directement le dommage, et qu'il devait donc être relevé à sa charge une intention délibérée de violer la réglementation applicable, ou une faute caractérisée par la conscience d'exposer autrui à un risque d'une particulière gravité, la cour d'appel ne pouvait omettre de prendre en considération, pour l'appréciation de la faute, le fait qu'il n'était pas en charge de la gestion du personnel, qu'il avait été co-gérant avec Madame [H] et avec Monsieur [A], lesquels ont été relaxés, que le docteur [T], médecin du travail, n'avait jamais émis de réserve quant à l'état de santé de la victime, toujours déclarée apte au travail jusqu'à sa dernière visite médicale en mai 2015, que l'omission de l'organisation de la visite médiale annuelle en 2016 résultait d'une simple omission involontaire liée aux multiples mutations des salariés entre les sociétés [1] et [3] et que pour l'année 2017, les services de la médecine du travail s'étaient déclarés dans l'incapacité d'organiser les visites médicales avant 2018, autant d'éléments qui caractérisaient en réalité une simple négligence et étaient ainsi de nature à exclure le caractère volontaire de la violation de la réglementation applicable par le prévenu et sa conscience de la gravité du risque créé, sans priver sa décision de toute base légale au regard des articles 121-3 et 221-6 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour
Sur le moyen pris en sa cinquième branche
7. Pour retenir l'existence d'une violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité par défaut d'organisation d'une surveillance médicale spéciale, l'arrêt attaqué énonce, par motifs propres et adoptés, que la salariée, manutentionnaire, a été affectée à la société [2] et la société [3], changeant quatre fois de rattachement entre ces deux sociétés sur la période allant du 1er février 2015 à son décès.
8. Les juges ajoutent que les tâches d'impression des journaux ont été confiées à des sociétés différentes, notamment la société [2] et la société [3], pour éviter d'avoir un effectif important obligeant l'employeur à ouvrir un service médical interne, et que ce stratagème a été confirmé par les déclarations de M. [G] aux enquêteurs.
9. Ils rappellent que M. [W] a eu un rôle moteur dans la création et le fonctionnement de la société [3], dont il était le gérant, qu'il détenait le groupe formé notamment par cette société et la société [2] par différentes participations et que les décisions en matière financière, administrative et comptable étaient prises par le groupe et non par la société.
10. Ils indiquent que pour assurer le suivi médical des salariés qu'elle employait, la société [3] avait l'obligation d'adhérer à un service de santé au travail interentreprises, mais qu'elle n'avait présenté sa demande d'adhésion à un tel service que le 24 novembre 2017, alors que son immatriculation au registre du commerce et des sociétés remontait au 13 février 2015.
11. Ils retiennent qu'auparavant, en novembre 2016, l'administration du travail a engagé une procédure à l'égard d'une des sociétés du groupe, la société [2], qui a employé la salariée du 1er juillet 2015 au 1er avril 2016, et qui a été notamment sanctionnée pour défaut de paiement de ses cotisations ayant entraîné sa radiation du service de médecine du travail et pour absence de respect de l'obligation d'adhérer à un tel service, sanctions confirmées par les juridictions administratives en 2019.
12. Ils en déduisent que les manquements de M. [W] à ses obligations d'employeur relatives à la visite médicale périodique avaient été constatés par l'administration compétente.
13. Ils observent que le gestionnaire du compte de la société [3] a indiqué que le compte de cette société aurait permis le paiement des cotisations au service de médecine du travail, affirmant que si on lui avait donné des instructions pour effectuer ce paiement, il l'aurait fait.
14. En se déterminant ainsi, la cour d'appel, qui a souverainement constaté la violation manifestement délibérée par le prévenu d'une obligation particulière de sécurité qui ne laissait aucune marge d'appréciation à son débiteur, a légalement justifié sa décision.
15. Ainsi, le grief doit être écarté.
Sur le moyen, pris en ses quatre premières branches
16. Pour déclarer le prévenu coupable d'homicide involontaire par violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, l'arrêt attaqué énonce que selon l'autopsie, la salariée présentait une hypertrophie myocardique susceptible à elle seule d'occasionner dans des circonstances de stress ou d'effort, un trouble cardiaque mortel.
17. Les juges ajoutent que, selon l'expertise ordonnée dans le cadre de l'enquête, cette pathologie peut se diagnostiquer par des examens cardiologiques courants, simples et non invasifs.
18. Ils rappellent que, selon cette même expertise, la cardiopathie méconnue, découverte à l'autopsie, était de nature à provoquer des troubles du rythme cardiaque léthaux à l'effort et qu'il existait donc une présomption d'imputabilité entre les efforts physiques déployés durant le travail et le décès.
19. Ils indiquent que l'expertise relève qu'[D] [F], qui présentait une obésité pathologique et une hypertension artérielle, a travaillé plus de trois ans sans avoir eu de réévaluation de son aptitude à tenir son poste de manutentionnaire.
20. Ils retiennent qu'il existe selon cette expertise des éléments médicaux objectifs permettant d'évoquer une relation entre les conditions de travail et le décès du fait d'un suivi médical insuffisant, car non annuel, et d'une activité dangereuse à cause de l'hypertrophie myocardique non détectée.
21. Ils rappellent que selon le dernier médecin du travail auprès duquel [D] [F] a effectué une visite médicale périodique en 2015, cette salariée était sous surveillance médicale renforcée en raison de ses horaires de nuit et de son environnement de travail, ce qui induisait qu'elle était soumise à une visite médicale au minimum une fois par an pour vérifier son aptitude au poste occupé.
22. Ils considèrent que si M. [W] soutient que le lien entre les manquements à ses obligations d'employeur constatés par l'administration compétente et le décès de la salariée n'est pas médicalement établi, l'expertise et l'autopsie fournissent des éléments d'appréciation suffisants et qu'il suffit que la faute pénale ait contribué à l'accident, ce qui est le cas en l'espèce.
23. Ils en déduisent qu'en ne permettant pas à la victime de bénéficier de la visite médicale d'embauche et en n'assurant pas le suivi médical auquel a droit tout salarié, en particulier lorsqu'il fait l'objet d'un suivi renforcé, l'employeur a commis une faute en relation avec le décès de la salariée, dû à un accident cardiaque en lien avec la pénibilité de son travail, qui n'avait fait l'objet d'aucune évaluation médicale.
24. En l'état de ces seules énonciations, qui procèdent de son appréciation souveraine, la cour d'appel, qui n'avait ni à entrer dans le détail de l'argumentation des parties, ni à répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, s'agissant notamment de la perte de chance invoquée, a fait ressortir un lien de causalité certain entre la faute et le décès et justifié sa décision.
25. Ainsi, le moyen doit être écarté.
Sur le second moyen proposé pour M. [W]
Enoncé du moyen
26. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement qui a condamné M. [W] à la peine de six mois d'emprisonnement avec sursis et au paiement d'une amende de 2 000 000 francs CFP, alors :
« 1°/ que d'une part, en matière correctionnelle, le juge qui prononce une peine doit en justifier la nécessité au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale ; qu'en condamnant le prévenu à la peine de six mois d'emprisonnement assorti du sursis et à 2 000 000 F CFP d'amende sans se prononcer ni sur sa personnalité, ni sur sa situation matérielle, familiale et sociale, et lorsque celui-ci avait comparu à l'audience et que les juges auraient ainsi pu le questionner afin qu'il apporte des précisions sur chacun de ces éléments, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 130-1, 132-1 du code pénal, 485-1, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que d'autre part, en matière correctionnelle, le juge qui prononce une peine d'amende doit motiver sa décision au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité et de la situation personnelle de son auteur, en tenant compte de ses ressources et de ses charges ; qu'en condamnant le prévenu à la peine de 2 000 000 F CFP d'amende, sans s'expliquer sur ses ressources et ses charges, la simple référence abstraite à ses « facultés contributives » étant insuffisante, et lorsqu'il résulte des mentions de l'arrêt qu'il était présent à l'audience et aurait pu ainsi répondre aux questions posées par les juges, la cour d'appel n'a pas davantage légalement justifié sa décision au regard des articles 130-1, 132-1 et 132-20 du code pénal, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
27. Pour confirmer le jugement ayant condamné M. [W] à six mois d'emprisonnement avec sursis et une amende de 2 000 000 de francs CFP, l'arrêt attaqué énonce qu'il déclare être à la retraite, mais demeure le gérant de très nombreuses entreprises.
28. Les juges ajoutent que ces peines sont justifiées au regard de la gravité des faits commis pendant toute la période de la prévention dans ses fonctions d'employeur de la victime, alors même qu'il a une grande expérience de la gestion d'entreprise, au regard de son casier judiciaire, faisant état de condamnations en lien avec la direction de sociétés, et de sa situation matérielle, familiale et sociale.
29. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision pour les motifs qui suivent.
30. En premier lieu, elle a pris en compte les circonstances de l'infraction, la personnalité de son auteur ainsi que sa situation matérielle, familiale et sociale.
31. En second lieu, le demandeur au pourvoi, qui n'a pas fait état de la totalité de ces éléments devant la juridiction, ne saurait se faire un grief de ce que cette dernière ne l'ait pas interrogée sur ses ressources et ses charges avant de confirmer la peine d'amende fixée par le tribunal, dès lors qu'il se bornait devant la cour d'appel à demander la relaxe, sans contester la peine prononcée.
32. Ainsi, le moyen doit être écarté.
33. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.




Crim. 5 février 2025 n° 24-80.578

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° F 24-80.578 F-D
N° 00141

GM 5 FÉVRIER 2025

CASSATION

M. BONNAL président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 5 FÉVRIER 2025


M. [O] [M] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Limoges, chambre correctionnelle, en date du 20 décembre 2023, qui, pour conduite en état d'ivresse et refus de se soumettre aux vérifications tendant à établir l'état alcoolique, en récidive, l'a condamné à six mois d'emprisonnement dont trois mois avec sursis probatoire, l'annulation de son permis de conduire, douze mois d'interdiction de conduire un véhicule non équipé d'un dispositif d'antidémarrage par éthylotest.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Tessereau, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [O] [M], et les conclusions de M. Bougy, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 janvier 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Tessereau, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,



la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [O] [M] a été condamné des chefs susvisés par le tribunal correctionnel à six mois d'emprisonnement, dont trois mois avec sursis probatoire, une annulation du permis de conduire, et douze mois d'interdiction de conduire un véhicule non équipé d'un dispositif d'antidémarrage par éthylotest.
3. M. [M] et le ministère public ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de renvoi de l'affaire à une audience ultérieure, alors « que le prévenu ou son avocat a toujours la parole en dernier. Cette règle s'applique à tout incident dès lors qu'il n'est pas joint au fond ; qu'l résulte de l'arrêt attaqué qu'à l'audience des débats, le prévenu a présenté une demande de renvoi de l'affaire à une audience ultérieure, après avoir récuser son avocat ; que, selon l'arrêt attaqué, « après en avoir délibéré, la cour retient l'affaire, Monsieur le Substitut général y étant favorable » ; qu'en l'état de tels motifs ne permettant pas de s'assurer que le prévenu a eu la parole en denier sur cette exception de procédure, qui n'a pas été liée au fond, la cour d'appel a violé l'article 513 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 513, alinéa 4, du code de procédure pénale :
5. Selon ce texte, le prévenu ou son avocat auront toujours la parole les derniers. Cette règle s'applique à tout incident dès lors qu'il n'est pas joint au fond.



6. Il résulte de l'arrêt attaqué qu'à l'audience des débats, le prévenu a présenté une demande de renvoi qui a été rejetée, sans qu'il résulte de l'arrêt ou des notes d'audience que le prévenu, qui comparaissait sans être assisté d'un avocat, ait eu la parole en dernier, à l'occasion de l'examen de cette demande.
7. En prononçant ainsi, alors que l'incident n'avait pas été joint au fond, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.
8. La cassation est par conséquent encourue.




Crim. 5 février 2025 n° 24-81.806

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° R 24-81.806 F-D
N° 00138

GM 5 FÉVRIER 2025

REJET

M. BONNAL président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 5 FÉVRIER 2025

M. [G] [I] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 28 février 2024, qui a rejeté sa demande de restitution d'objets saisis.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Mallard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [G] [I], et les conclusions de M. Bougy, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 janvier 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Mallard, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.



Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le 7 juin 2021, une enquête préliminaire a été ouverte du chef de violences par conjoint.
3. Lors de la perquisition opérée au domicile de M. [G] [I], vingt-quatre armes lui appartenant ont été saisies, et placées sous scellés numérotés 1 à 24, ainsi que trois lots de cartouches, placés sous scellés numérotés 25 à 27.
4. La procédure a été classée sans suite le 22 août 2022.
5. Par arrêt du 8 novembre 2022, la chambre de l'instruction a ordonné la restitution à M. [I] des scellés n° 1 à 24.
6. Par requête du 4 juillet 2023, M. [I] a sollicité la restitution des scellés n° 25 à 27.
7. Le procureur de la République a rejeté cette requête.
8. M. [I] a formé un recours contre cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête de M. [I] tendant à la restitution des scellés n° 25 (« un sac musette contenant des boîtes de munition, cartouches, plomb et chargeurs »), n° 26 (« un sac Lidl de congélation contenant des boîtes de cartouches et munitions, une housse et un étui cuir marron ») et n° 27 (« un sac en toile contenant des boîtes de cartouches et munitions »), alors :
« 1°/ d'une part que lorsqu'aucune juridiction n'a été saisie, les juges du fond ne peuvent rejeter une demande de restitution de biens placés sous main de justice qu'à charge pour eux de constater positivement que cette restitution est de nature à créer un danger pour les personnes ou les biens ; qu'en se bornant, pour justifier le refus de restitution à M. [I] de munitions lui appartenant, saisies à son domicile à l'occasion d'une perquisition effectuée dans le cadre d'une enquête clôturée par un classement sans suite, à relever que cette restitution « est susceptible de rendre un certain nombre d'armes désormais en possession [de M. [I]] fonctionnelles », la chambre de l'instruction, qui n'a pas constaté avec certitude le danger que ferait courir aux personnes ou aux biens la restitution des munitions, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1er du Premier protocole additionnelle à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 41-4, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ d'autre part que la chambre de l'instruction, qui constatait que les affirmations de M. [I] quant à l'inoffensivité des munitions dont il sollicitait la restitution « ne sont pas vérifiées par une expertise en balistique versée en procédure » ne pouvait rejeter la demande de restitution sans ordonner elle-même une telle expertise en application de l'article 201 du code de procédure pénale, expertise que M. [I] n'avait aucun titre à requérir ; qu'en rejetant néanmoins la demande sans ordonner une telle expertise dont elle constatait elle-même qu'elle était indispensable pour déterminer si les munitions étaient en état d'utilisation nuisible aux biens ou aux personnes, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1er du Premier protocole additionnelle à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 41-4, 201, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
10. Pour rejeter la requête, l'arrêt attaqué énonce que la restitution des munitions saisies, alors que M. [I] a précédemment obtenu la restitution de vingt-quatre armes, est de nature à créer un danger pour les personnes ou les biens, en ce qu'elle est susceptible de rendre fonctionnelles un certain nombre d'armes désormais en sa possession.
11. En l'état de ces seules énonciations, dont il résulte que la restitution sollicitée était de nature à créer un danger pour la sécurité des personnes et des biens, la chambre de l'instruction a justifié sa décision.
12. Ainsi le moyen, inopérant en sa seconde branche, qui se borne à critiquer un motif surabondant de l'arrêt attaqué, ne peut être accueilli.
13. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.




Crim. 5 février 2025 n° 24-86.547

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° U 24-86.547 F-D
N° 00290

LR 5 FÉVRIER 2025

REJET

M. BONNAL président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 5 FÉVRIER 2025


M. [B] [M] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-1, en date du 22 octobre 2024, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants et association de malfaiteurs, en récidive, a rejeté sa demande de mise en liberté.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Diop-Simon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [B] [M], et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 5 février 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Diop-Simon, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Le Roch, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure
1. M. [B] [M], placé en détention provisoire le 29 juin 2022, a été renvoyé devant le tribunal correctionnel et maintenu en détention provisoire.
2. Le 10 juillet 2024, le tribunal correctionnel a renvoyé l'examen de l'affaire à une date ultérieure et a maintenu en détention M. [M]. Par arrêt du 5 août 2024, la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel a confirmé cette décision.
3. Par jugement du 27 août 2024, le tribunal correctionnel a déclaré recevable une demande de mise en liberté formée par l'intéressé le 6 août 2024 et ordonné sa mise en liberté et son placement sous contrôle judiciaire.
4. Le ministère public a relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a constaté l'absence de demande de mise en liberté formulée par Monsieur [M], rejeté les moyens soulevés par la défense, infirmé le jugement du tribunal correctionnel en toutes ses dispositions, dit que le maintien en détention provisoire confirmé par un précédent arrêt reprenait ses effets, et décerné mandat d'arrêt à l'encontre de Monsieur [M], alors :
« 1°/ d'une part qu'il appartient à la Cour d'appel, saisie de l'appel interjeté par le ministère public contre un jugement prononçant la mise en liberté du prévenu, de se prononcer à bref délai, peu importe l'appréciation qu'elle a du fond de l'affaire, à défaut de quoi le mandat de dépôt initial du prévenu ne peut retrouver son plein effet ; qu'il résulte de la procédure que le tribunal correctionnel a ordonné, par jugement du 27 août 2024, la remise en liberté de Monsieur [M] ; que le parquet a interjeté appel de cette décision le 28 août 2024 ; que la Cour d'appel ne s'est prononcée sur cet appel que le 22 octobre 2024, soit 55 jours et près de deux mois après avoir été saisie ; qu'il s'ensuit que les juges n'ont pas statué dans le délai de vingt jours fixé par la loi, ni a fortiori à bref délai, sur l'appel du procureur de la République, de sorte que le mandat de dépôt initial de Monsieur [M] ne pouvait recommencer à produire ses effets ; qu'en retenant à l'inverse, pour infirmer le jugement entrepris et dire que le maintien en détention provisoire confirmé par un précédent arrêt reprenait ses effets, que « les moyens évoqués par le conseil de [B] [M], tant sur la caducité de l'appel du ministère public que sur le dépassement du délai de vingt jours prévu par l'article 148-2 du code de procédure pénale, reposent sur l'existence préalable d'une demande de mise en liberté du prévenu » et qu' « en l'absence de toute demande de mise en liberté en l'espèce, les moyens tirés d'une éventuelle caducité de l'appel du ministère public comme de l'éventuel dépassement du délai de vingt jours prévu par l'article 148-2 du code de procédure pénale, sont inopérants », quand le fond du contentieux était sans effet sur l'obligation qui était la sienne de statuer à bref délai sur l'appel du jugement de mise en liberté dont elle était saisie ¿ fût-ce pour constater l'absence de demande de mise en liberté ab initio, la Cour d'appel a violé les articles 66 de la Constitution de 1958, 5 § 4 de la Convention européenne des droits de l'Homme et 148-2 du Code de procédure pénale ;
2°/ d'autre part et en tout état de cause qu'en infirmant le jugement entrepris et en disant que le maintien en détention provisoire confirmé par un précédent arrêt reprenait ses effets, cependant même qu'elle statuait près de deux mois après la formalisation de l'appel qui la saisissait, et donc au-delà du « bref délai » qu'elle était tenue de respecter, la Cour d'appel a violé les articles 66 de la Constitution de 1958, 5 § 4 de la Convention européenne des droits de l'Homme et 148-2 du Code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
6. Le demandeur ayant été mis en liberté sous contrôle judiciaire par le jugement du 27 août 2024, dont le ministère public a relevé appel, la cour d'appel n'était pas tenue d'examiner ce recours dans le délai de vingt jours prévu par l'article 148-2, dernier alinéa, du code de procédure pénale, qui ne s'applique que lorsque le prévenu est en détention provisoire.
7. Il en résulte que la cour d'appel, en statuant comme elle l'a fait, n'a pas encouru le grief du moyen.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a constaté l'absence de demande de mise en liberté formulée par Monsieur [M], rejeté les moyens soulevés par la défense, infirmé le jugement du tribunal correctionnel en toutes ses dispositions, dit que le maintien en détention provisoire confirmé par un précédent arrêt reprenait ses effets, et décerné mandat d'arrêt à l'encontre de Monsieur [M], alors :
« 1°/ d'une part que lorsque le sort d'une demande de mise en liberté dépend d'éléments dont la Cour d'appel ne dispose pas, il appartient à celle-ci de procéder aux vérifications nécessaires avant de rendre sa décision ; qu'au cas d'espèce, il est constant que, par un courrier daté du 29 juillet 2024, expédié le 1er août suivant par l'administration pénitentiaire et réceptionné le 6 août 2024 par les services du tribunal judiciaire de Melun, Monsieur [M] a sollicité du tribunal correctionnel qu'il accueille sa « demande de libération » ; que si ce courrier n'a pas été versé au dossier, rien ne permet d'indiquer que cette carence, soit est imputable au mis en cause, soit est imputable à une circonstance imprévisible et insurmontable, extérieure au service de la justice ; qu'il résulte des propres constatations de la Cour d'appel, d'une part que « [B] [M] a envoyé le 1er août 2024, depuis son lieu de détention, au "greffe pénal ? tribunal judiciaire de MELUN", un pli en recommandé avec accusé de réception, distribué le 6 août 2024 », et d'autre part que « le contenu de ce pli n'apparaît pas au dossier » et qu' « aucun courrier émanant de [B] [M] tamponné par un greffier n'est en procédure » ; que, devant ce constat, il appartenait aux juges d'ordonner les vérifications nécessaires afin que soit retrouvé le courrier litigieux ; qu'en se bornant toutefois à affirmer, pour infirmer le jugement entrepris et dire que le maintien en détention provisoire confirmé par un précédent arrêt reprenait ses effets, qu' « au vu des éléments du dossier, [?] aucune demande de mise en liberté n'a été enregistrée au greffe pénal du tribunal judiciaire de MELUN », sans procéder aux vérifications qui s'imposaient afin de déterminer quelle était la teneur du courrier effectivement parvenu au tribunal judiciaire, et dont le tribunal correctionnel a relevé qu'il s'agissait bien d'une demande de mise en liberté, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et a violé les articles 148-2, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
2°/ d'autre part que lorsque le sort d'une demande de mise en liberté dépend d'éléments dont la Cour d'appel ne dispose pas, il appartient à celle-ci de procéder aux vérifications nécessaires avant de rendre sa décision ; que si les vérifications envisagées se révèlent vaines ou impossibles, la remise en liberté de la personne détenue s'impose, sauf pour les juges à établir que cette vanité ou cette impossibilité résultent d'une manoeuvre du mis en cause dont la bonne foi doit être présumée ou d'une circonstance imprévisible et insurmontable extérieure aux services de la justice qu'il lui appartient de caractériser ; qu'au cas d'espèce, il est constant que, par un courrier daté du 29 juillet 2024, expédié le 1er août suivant par l'administration pénitentiaire et réceptionné le 6 août 2024 par les services du tribunal judiciaire de Melun, Monsieur [M] a sollicité du tribunal correctionnel qu'il accueille sa « demande de libération » ; que si ce courrier n'a pas été versé au dossier, rien ne permet d'indiquer que cette carence, soit est imputable au mis en cause, soit est imputable à une circonstance imprévisible et insurmontable, extérieure au service de la justice ; qu'à supposer même que les vérifications nécessaires apparaissaient d'emblée vaines ou impossibles, il demeure que sauf à violer la présomption de bonne foi dont bénéficie le mis en examen, les juges ne pouvaient infirmer le jugement entrepris et dire que le maintien en détention provisoire confirmé par un précédent arrêt reprenait ses effets sans établir soit l'existence d'une manoeuvre imputable au mis en cause, soit l'existence d'une circonstance insurmontable et imprévisible extérieure au service de la justice ; qu'en se bornant toutefois à postuler que, faute de présence du courrier original en procédure, il doit être considéré qu'aucune demande n'a été formulée, la Cour d'appel, qui n'a établi ni l'existence d'une manoeuvre imputable au mis en cause, ni l'existence d'une circonstance insurmontable extérieure au service de la justice, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 148-2, 591 et 593 du Code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
9. Pour infirmer le jugement qui avait estimé que M. [M] avait présenté une demande de mise en liberté, parvenue au tribunal de Melun le 6 août 2024, sur laquelle il n'avait pas été statué dans le délai de dix jours prévu par l'article 148-2 du code de procédure pénale, ce qui devait conduire à la mise en liberté du prévenu, la cour d'appel énonce qu'aucune demande de mise en liberté au nom de celui-ci n'a été enregistrée au tribunal judiciaire de Melun.
10. Les juges du second degré indiquent que le récépissé d'un envoi en recommandé, fait par le prévenu à cette juridiction, ne démontre pas que cette correspondance contenait une demande de mise en liberté.
11. Ils ajoutent que, si l'avocat du prévenu produit une lettre de celui-ci sollicitant sa mise en liberté, et la présente comme la copie du courrier envoyé à la juridiction, contenant une demande de mise en liberté, rien ne vient démontrer que ce document soit effectivement la copie du courrier contenu dans l'envoi en recommandé précité.
12. Ils en déduisent qu'aucune demande de mise en liberté n'a été présentée au nom du prévenu devant la juridiction du premier degré, et que les délais de l'article 148-2 du code de procédure pénale ne peuvent recevoir application.
13. En l'état de ces motifs, relevant de son appréciation souveraine et déduits des propres constatations auxquelles elle a procédé au vu des pièces de procédure, la cour d'appel a justifié sa décision.
14. Le moyen ne peut, dès lors, être accueilli.
15. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.




Crim. 4 février 2025 n° 24-86.512

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° F 24-86.512 F-D
N° 00270



4 FÉVRIER 2025
RB5




QPC INCIDENTE : RENVOI AU CC






M. BONNAL président,






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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 4 FÉVRIER 2025


M. [Z] [D] a présenté, par mémoire spécial reçu le 19 décembre 2024, une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi formé par lui contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, section 7-1, en date du 6 novembre 2024, qui l'a renvoyé devant la cour d'assises de Paris, spécialement composée, sous l'accusation d'association de malfaiteurs terroriste, assassinat et meurtres en bande organisée, en relation avec une entreprise terroriste.
Des observations ont été produites.
Sur le rapport de Mme Merloz, conseiller référendaire, les observations de la SCP Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de M. [Z] [D], et les conclusions de M. Dureux, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 4 février 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Merloz, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« Les dispositions des alinéas 1er à 4 de l'article 114 du code de procédure pénale, lorsqu'elles sont applicables par renvoi de l'article 283 du même code, lui-même applicable par renvoi de l'article 379-4 dudit code, en tant qu'elles ne prévoient pas la notification du droit au silence à une personne qui, condamnée par défaut devant la cour d'assises, dont l'arrêt de condamnation a été anéanti par l'effet de son arrestation, est interrogée pour la première fois par un magistrat instructeur sur les faits qui lui sont reprochés, dans le cadre d'un supplément d'information ordonné par le président de la cour d'assises, sont-elles entachées d'incompétence négative dans des conditions affectant le droit de se taire, les droits de la défense, ainsi que le principe d'égalité devant la loi ? ».
2. Les dispositions de l'article 114 du code de procédure pénale, dans leur version en vigueur au moment des faits, issue de la loi n° 2015-993 du 17 août 2015, sont applicables à la procédure et n'ont pas été déjà déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.
3. La question, ne portant pas sur l'interprétation de dispositions constitutionnelles dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.
4. La question posée présente un caractère sérieux pour les motifs qui suivent.
5. Ni l'article 114 du code de procédure pénale ni aucune autre disposition dudit code, dans leur version applicable au 11 février 2021, date de l'interrogatoire dont la nullité est alléguée, ne prévoient la notification du droit de se taire à la personne qui, condamnée par défaut devant la cour d'assises dont l'arrêt de condamnation est anéanti par l'effet de son arrestation, est interrogée pour la première fois par un magistrat instructeur dans le cadre d'un supplément d'information ordonné par le président de la cour d'assises.
6. En effet, d'une part, l'article 116 du code de procédure pénale, relatif à l'interrogatoire de première comparution de la personne qui comparait devant le juge d'instruction en vue de sa mise en examen et qui prévoit une telle notification, n'est pas applicable à la personne précitée dès lors qu'elle a le statut d'accusé.
7. D'autre part, la notification du droit de se taire n'est pas davantage prévue par l'article préliminaire du code de procédure pénale, dans sa version applicable aux faits, antérieure à la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 qui a introduit une telle exigence.
8. Or, la personne concernée peut être amenée à reconnaître les faits qui lui sont reprochés et ses déclarations seront portées à la connaissance de la juridiction de jugement.
9. Dès lors, en l'absence d'une notification préalable à celle-ci de son droit de se taire, il pourrait être porté atteinte à son droit de ne pas s'accuser.
10. En conséquence, il y a lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.




Crim. 4 février 2025 n° 24-84.475

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° S 24-84.475 F-D
N° 00099

SL2 4 FÉVRIER 2025

CASSATION

M. BONNAL président,







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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 4 FÉVRIER 2025


L'officier du ministère public près le tribunal de police d'Evry a formé un pourvoi contre le jugement dudit tribunal, en date du 18 décembre 2023, qui a relaxé Mme [J] [G] [N] du chef de contravention au code de la route.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Dary, conseiller, et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 janvier 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Dary, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure
1. Il résulte du jugement attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Mme [J] [G] [N] a fait l'objet, le 27 novembre 2021, d'un procès-verbal pour franchissement d'une ligne continue par le conducteur d'un véhicule.
3. L'intéressée a formé opposition à l'ordonnance pénale l'ayant condamnée à 135 euros d'amende et a été citée du chef susvisé.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. Le moyen est pris de la violation de l'article 537 du code de procédure pénale.
5. Le moyen critique le jugement attaqué en ce qu'il a relaxé Mme [G] [N], au bénéfice du doute, alors qu'aucune preuve contraire aux constatations du procès-verbal par écrit ou par témoin n'avait été apportée.
Réponse de la Cour
Vu l'article 537 du code de procédure pénale :
6. Il résulte de ce texte que les procès-verbaux établis par les officiers et agents de police judiciaire font foi jusqu'à preuve contraire des contraventions qu'ils constatent. Cette preuve ne peut être rapportée que par écrit ou par témoins.
7. Pour relaxer la prévenue qui faisait valoir que les fonctionnaires de police s'étaient trompés de véhicule et qu'elle n'avait pas franchi la ligne continue, le jugement attaqué énonce qu'il ne résulte pas des débats de l'audience et des pièces versées à la procédure que les faits reprochés à l'intéressée soient établis et qu'il convient de la relaxer au bénéfice du doute.
8. En statuant ainsi, sans constater que la preuve contraire aux énonciations du procès-verbal a été rapportée dans les conditions prévues par la loi, le tribunal de police a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.
9. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.




Crim. 4 février 2025 n° 23-85.556

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° W 23-85.556 F-D
N° 00109

SL2 4 FÉVRIER 2025

REJET

M. BONNAL président,






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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 4 FÉVRIER 2025


Mme [L] [G], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Basse-Terre, chambre correctionnelle, en date du 5 septembre 2023, qui l'a déboutée de ses demandes après relaxe de Mme [F] [K] du chef de diffamation publique envers un particulier et de M. [C] [E] du chef de complicité de ce délit.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de Mme Merloz, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi, avocat de Mme [L] [G], les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de Mme [F] [K], et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 janvier 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Merloz, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 9 octobre 2017, Mme [L] [G] a porté plainte et s'est constituée partie civile des chefs de diffamation publique envers un particulier et de complicité de ce délit en raison des propos publiés dans un article de la revue « Inter entreprises », en septembre 2017, dont Mme [F] [K] est la directrice de publication, intitulé « les lapins sacrifiés sur l'hôtel du profit » : « [1] fait partie de ces coopératives qui présentaient un passif au moment de la fusion dont les comptes sont devenus positifs en une nuit. Celui de [1] s'élevait à 70 000 euros. "Les comptes ont été trafiqués par [L] [G] avec la complicité du centre de gestion", déclare [C] [E], président de la [1] et administrateur de [2] à cette époque. »
3. Le juge d'instruction a renvoyé Mme [K] devant le tribunal correctionnel du chef de diffamation publique envers un particulier, en qualité de directrice de la publication, et M. [E], du chef de complicité de ce délit.
4. Le tribunal correctionnel a condamné les prévenus de ces chefs à 3 000 euros d'amende avec sursis, chacun, et a prononcé sur les intérêts civils.
5. Les prévenus, puis le ministère public, ont relevé appel de ce jugement.
Examen des moyens
Sur le second moyen
6. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a infirmé le jugement entrepris et relaxé M. [E] et Mme [K] des fins de la poursuite en retenant leur bonne foi, alors :
« 1°/ que de première part, en accordant le bénéfice de la bonne foi à Monsieur [E] en se bornant à indiquer qu' « il apparaît dès lors, au vu des éléments comptables certifiés par la commissaire aux comptes pour 2012 et de ceux connus et exposés par M. [E] en conseil d'administration pour le premier semestre 2013, du rôle joué par Mme [G] pour l'établissement des comptes 2013, que les propos incriminés de M. [E], qui sont dénués d'animosité personnelle et de défaut de prudence, reposent sur une base factuelle suffisante » (arrêt attaqué, p. 6), la cour d'appel, qui n'a pas énuméré et analysé précisément, comme elle y était pourtant tenue et comme cela lui était expressément demandé, chacune des pièces produites par le prévenu au soutien de l'exception de bonne foi, afin d'apprécier, au vu de ces pièces et de celles produites par la partie civile pour combattre cette exception, la suffisance de la base factuelle, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, 29 de la loi du 29 juillet 1881, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que de deuxième part, en accordant le bénéfice de la bonne foi à Madame [K], en sa qualité de directeur de la publication, aux motifs que « la bonne foi retenue a l'auteur des propos publiés dans un organe de presse bénéficie au directeur de la publication » (arrêt attaqué, p. 6), tandis que la reprise, par le journaliste, des propos tenus par un tiers, ne fait pas disparaître l'obligation à laquelle il est tenu d'effectuer des vérifications sérieuses pour s'assurer que ceux-ci reflètent la réalité des faits, ce d'autant plus en l'absence de tout respect du contradictoire, et sachant que plus l'allégation est sérieuse, plus la base factuelle doit être solide, la cour d'appel n'a pas davantage légalement justifié sa décision au regard des articles précités ;
3°/ que de troisième part, les imputations diffamatoires sont réputées de droit faites avec intention de nuire, de sorte qu'il appartient à l'auteur de telles imputations de rapporter la preuve de sa bonne foi ; que même dans le cadre d'un débat d'intérêt général, la bonne foi n'est admise qu'en présence d'une base factuelle suffisante, d'autant plus sévèrement appréciée que l'accusation est grave ; qu'en s'abstenant de relever l'existence d'un quelconque élément de nature à conférer une base factuelle à l'imputation diffamatoire faite à la partie civile de s'être rendue coupable du délit de falsification de comptes, condition essentielle pour faire prévaloir la liberté d'expression sur le droit au respect de la réputation d'autrui et accorder aux prévenus le bénéfice de la bonne foi, la cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs impropres à caractériser la bonne foi des prévenus, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 10 de la Convention européenne des droits de l'homme et 29, alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
4°/ que de quatrième part, en imputant notamment à la partie civile une infraction pénale, en l'espèce comme cela résulte des énonciations mêmes de l'arrêt attaqué, des falsifications de comptes, tout en reconnaissant le bénéfice de la bonne foi aux prévenus qui n'avaient pourtant usé d'aucune marque de prudence à l'encontre de la partie civile qui faisait l'objet de cette accusation grave, sans être atténuée par une formulation au conditionnel ou laissant entendre qu'il existe un doute sur leur véracité, de sorte que les propos dépassaient les limites admissibles de la liberté d'expression, la cour d'appel n'a pas davantage justifié sa décision au regard des articles précités ;
5°/ que de cinquième part, la cour d'appel, qui s'est contentée de se référer à certaines des pièces versées par les prévenus, pour justifier la base factuelle des imputations diffamatoires, n'a pas répondu au chef péremptoire des conclusions qui soulignaient que, comme l'avait retenu le tribunal correctionnel, les pièces produites ne faisaient aucunement état de manipulation ou falsification de comptes par Madame [G] (conclusions de partie civile, pp. 5 et suivantes), de sorte qu'elle n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
8. Pour infirmer le jugement et prononcer la relaxe des prévenus au bénéfice de la bonne foi, l'arrêt attaqué énonce que les propos incriminés tenus par M. [E], qui dénonçaient une falsification de comptes à laquelle se serait livrée Mme [G] pour que la société [1], qui présentait un passif au moment de la fusion, ait des comptes positifs en une nuit, concernent le sujet global des stratégies des sociétés coopératives d'élevage, de leur gestion et de leur pérennité et s'inscrivent dans un débat d'intérêt général en termes d'économie, de gouvernance de ces sociétés et d'autonomie alimentaire pour la Martinique.
9. Les juges ajoutent qu'il résulte des attestations et auditions de Mme [N] [T] et de M. [X] [T] que les opérations d'arrêté de comptes pour l'exercice 2013 de la société [1] ont été réalisées en urgence courant mai 2014 sous la direction de Mme [G] qui n'était pas la comptable ou une salariée de la [1] mais occupait le poste de responsable administrative et financière de [2] ; que Mme [G] était également présente lors de la réunion du conseil d'administration du 3 juin 2014 au cours de laquelle les comptes de l'exercice 2013 faisant apparaître un excédent après deux années de déficit ont été approuvés.
10. Ils observent encore que M. [E] a occupé entre 2012 et 2014 les fonctions de président du conseil d'administration de [1], ce qui lui donnait accès à l'ensemble des informations sur la réalité de la situation financière de cette société.
11. Ils relèvent en outre que les exercices 2011 et 2012 avaient été déficitaires, ce déficit ayant augmenté de manière significative puisqu'il avait doublé entre 2011 et 2012, et qu'il résulte également du procès-verbal du conseil d'administration du 30 septembre 2013 que M. [E] avait exprimé ses craintes d'une poursuite de la dégradation de la situation financière en raison notamment de l'insuffisance de l'activité de vente.


12. Ils en concluent que, au vu des éléments comptables certifiés par la commissaire aux comptes pour 2012 et de ceux connus et exposés par M. [E] en conseil d'administration pour le premier semestre 2013, ainsi que du rôle de Mme [G] dans l'établissement des comptes 2013, les propos incriminés de M. [E], qui sont dénués d'animosité personnelle et de défaut de prudence, reposent sur une base factuelle suffisante et que la bonne foi retenue au profit de ce dernier, auteur des propos publiés dans un organe de presse, bénéficie à Mme [K] en sa qualité de directrice de la publication.
13. En se déterminant ainsi, la cour d'appel, qui a répondu aux chefs péremptoires des conclusions des parties, a justifié sa décision pour les motifs qui suivent.
14. En premier lieu, l'existence de la bonne foi ne saurait être subordonnée à la preuve de la vérité des faits.
15. En deuxième lieu, après avoir exactement retenu que les propos s'inscrivaient dans un débat d'intérêt général concernant l'existence de pratiques condamnables au sein de la filière d'élevage à la Martinique, la cour d'appel, qui n'avait pas à énumérer chacune des pièces produites par le prévenu au soutien de l'exception de bonne foi, a, comme elle le devait, procédé à une analyse précise de celles-ci, retenant plus particulièrement le projet de fusion, les procès-verbaux du conseil d'administration de la [1] de septembre 2013 et de juin 2014, les éléments comptables certifiés pour 2012 et les attestations et auditions de Mme et M. [T], ainsi que celles produites par la partie civile pour combattre cette exception, et en a déduit, à juste titre, qu'elles constituaient une base factuelle suffisante aux propos poursuivis.
16. En troisième lieu, l'exception de bonne foi retenue au profit de l'auteur des propos bénéficie également au directeur de la publication.
17. En dernier lieu, il ne saurait être reproché aux prévenus un manque de prudence dans l'expression, ce critère devant être apprécié d'autant moins strictement que les propos s'inscrivent dans un débat d'intérêt général et reposent sur une base factuelle suffisante.
18. Ainsi, le moyen doit être écarté.
19. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.




Crim. 4 février 2025 n° 24-81.755

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° K 24-81.755 F-D
N° 00103

SL2 4 FÉVRIER 2025

CASSATION PARTIELLE

M. BONNAL président,





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 4 FÉVRIER 2025

M. [E] [K] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai, en date du 19 septembre 2023, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'importation de stupéfiants en bande organisée, infractions à la législation sur les stupéfiants, association de malfaiteurs, en récidive, et a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure.
Par ordonnance du 10 juin 2024, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Thomas, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [E] [K], et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 janvier 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Thomas, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Mis en examen des chefs susvisés le 17 juin 2022, M. [E] [K] a présenté, le 13 décembre suivant, une requête en annulation d'actes et de pièces de la procédure.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
3. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a été rendu à l'issue d'une audience au cours de laquelle l'avocat du mis en examen n'a pas eu la parole en dernier sur la demande de renvoi qu'il avait formée, alors « que la juridiction saisie d'une demande de renvoi doit, avant de statuer à son propos, entendre, spécifiquement sur cette demande, les réquisitions du ministère public et la défense, laquelle doit avoir la parole en dernier sur la demande de renvoi ; qu'au cas d'espèce, la Chambre de l'instruction a constaté qu'elle était saisie d'une demande de renvoi qu'elle a rejetée pour statuer au fond ; que toutefois les commémoratifs de l'arrêt se bornent à indiquer qu' « à l'audience, tenue en chambre du conseil. le 27 juin 2023. Ont été entendus - Madame [Y], en son rapport, - Maître [O], conseil de [E] [K], - le ministère public en ses réquisitions, - Maître [O] ayant eu la parole en dernier », mention dont il n'est pas précisé si elle concerne la demande de renvoi ou, après rejet de celle-ci, les débats au fond, ce qui ne permet pas de s'assurer du respect, s'agissant de la demande de renvoi, de la règle selon laquelle la défense doit avoir la parole en dernier à son sujet, en violation des articles 199, 591 et 593 du Code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
4. L'arrêt attaqué mentionne que, à l'audience, tenue en chambre du conseil le 27 juin 2023, ont été entendus Mme [Y], en son rapport, M. [O], avocat de M. [K], le ministère public, en ses réquisitions, M. [O] ayant eu la parole en dernier, qu'à l'issue des débats, l'affaire a été mise en délibéré et que le président a annoncé que l'arrêt serait rendu le 19 septembre 2023.
5. L'arrêt contient également des motifs au soutien du rejet d'une demande de renvoi présentée par M. [O]. Son dispositif rejette cette demande.
6. Il résulte seulement du rôle d'audience, signé par le greffier et le président, que l'affaire a été mise en délibéré au 19 septembre 2023.
7. Il se déduit de l'ensemble de ces éléments qu'il n'a pas été statué, au cours des débats, sur la demande de renvoi, que l'incident a été joint au fond et que l'avocat du requérant a eu la parole en dernier tant sur cette demande que sur le fond.
8. Dès lors, le moyen doit être écarté.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de renvoi et la requête en nullité de M. [K], alors :
« 1°/ d'une part que la Chambre de l'instruction doit statuer sur les demandes qui lui sont présentées au regard des pièces figurant au dossier tel qu'il se présente au jour où elle statue ; qu'en affirmant, pour rejeter la demande de renvoi présentée par Monsieur [K], que « la chambre de l'instruction est saisie d'une requête en nullité du 13 décembre 2022 », que « la cour est limitée dans l'examen de son recours par le dépôt de la requête », qu' « ainsi seules les pièces inclues au dossier au 13 décembre 2022 peuvent être prises en compte », et que « dès lors la demande de renvoi pour jonction de pièces jointes au dossier ultérieurement à ladite requête est sans objet », la Chambre de l'instruction a violé les articles 174, 197, 206, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
2°/ d'autre part que la Chambre de l'instruction doit statuer sur les demandes qui lui sont présentées au regard des pièces figurant au dossier tel qu'il se présente au jour où elle statue ; qu'en affirmant, pour rejeter le moyen tiré de l'absence des pièces issues du dossier souche, que « l'examen de la requête en nullité ne peut prendre en compte que les pièces versées en procédure au jour de la requête (D2635) [?] » et qu' « au jour de la requête, les pièces réclamées et invoquées par la défense n'étant pas encore au dossier et la procédure aux fins d'obtention de celles-ci n'ayant pas abouti, il ne peut être tiré de conséquence de leur absence ni de présomption d'une irrégularité de la procédure ainsi qu'il a été développé dans le paragraphe précédent », la Chambre de l'instruction, qui avait elle-même ordonné par arrêt avant-dire droit le versement de ces pièces au dossier, reconnaissant ainsi qu'elles étaient indispensables à la solution du litige, a violé les articles 174, 197, 206, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
3°/ enfin que la Chambre de l'instruction doit statuer sur les demandes qui lui sont présentées au regard des pièces figurant au dossier tel qu'il se présente au jour où elle statue ; qu'en affirmant, pour rejeter le moyen tiré de ce qu'une enquête préliminaire n'avait pu être régulièrement ouverte à raison de faits dont était déjà saisi un juge d'instruction, que « le réquisitoire introductif saisissant ledit magistrat JIRS n'a pas été joint à la présente procédure à la date de la requête en nullité », la Chambre de l'instruction, qui a ainsi refusé de prendre en compte les pièces qui avaient été versées aux débats depuis le dépôt de la requête en nullité, de surcroît en exécution du supplément d'information qu'elle avait elle-même ordonné par arrêt avant-dire droit, reconnaissant ainsi qu'elles étaient indispensables à la solution du litige, a violé les articles 174, 197, 206, 591 et 593 du Code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
10. Pour rejeter la demande de renvoi, l'arrêt attaqué énonce que celle-ci, motivée par l'attente de la jonction, au dossier de la procédure, de pièces issues d'un autre dossier qui a été ordonnée par arrêt du 7 février 2023, est sans objet, dès lors que l'examen de la chambre de l'instruction est limité par l'état du dossier à la date du dépôt de la requête en nullité, le 13 décembre 2022, sans possibilité de prendre en compte les pièces qui seraient versées postérieurement à cette date.
11. Pour rejeter ensuite les moyens de nullité des actes et pièces issus de l'autre dossier et de l'intégralité des actes subséquents, l'arrêt attaqué énonce que la régularité de pièces ne figurant pas au dossier de la procédure ne peut être contestée et que, au jour du dépôt de la requête en nullité, la procédure aux fins d'obtention des pièces invoquées par la défense n'ayant pas abouti, il ne peut être tiré de conséquence de leur absence ni de présomption d'une irrégularité de la procédure subséquente.
12. Les juges rappellent à toutes fins utiles qu'ils ne peuvent prendre en compte que les pièces versées en procédure au jour du dépôt de la requête en nullité.
13. C'est à tort que la chambre de l'instruction s'est crue tenue d'apprécier le mérite de la demande de renvoi ainsi que des moyens de nullité des actes et pièces issus d'un autre dossier au regard des seules pièces figurant au dossier de la procédure au jour du dépôt de la requête en nullité, alors que, s'il résulte des articles 206, 174, alinéa 1er, et 197 du code de procédure pénale que la chambre de l'instruction saisie d'une requête en nullité examine la régularité des pièces et actes de la procédure qui se trouvent dans le dossier déposé au greffe et tenu à la disposition des avocats des parties, ce principe n'est pas absolu, et la juridiction disposait également de la faculté de se faire communiquer les pièces versées au dossier postérieurement à cette date et, sous réserve de les avoir soumises au débat contradictoire, de statuer en considération de celles-ci.
14. L'arrêt n'encourt cependant pas la censure, dès lors qu'aucune disposition légale ou conventionnelle ne fait obligation à la chambre de l'instruction de statuer en fonction des pièces ayant rejoint le dossier du juge d'instruction au jour de son examen, peu important qu'elle ait auparavant infirmé, sur appel, la décision du juge d'instruction refusant le versement de ces pièces, les parties restant recevables à saisir la chambre de l'instruction d'une nouvelle requête en nullité de ces pièces complémentaires.
15. Le moyen doit, dès lors, être écarté.
Mais sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
16. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de renvoi et la requête en nullité de M. [K], alors « que les enquêteurs doivent faire connaître au juge d'instruction les motifs du placement d'une personne en garde à vue, même lorsque ce placement intervient en exécution d'une commission rogatoire ; qu'au cas d'espèce, il résulte de la procédure qu'aucun acte concomitant à la mesure de garde à vue litigieuse, et en particulier ni les avis à magistrat, ni les procès-verbaux établis par les enquêteurs, ne mentionnent les motifs de cette mesure et la qualification des faits reprochés à Monsieur [K], lesquels ne correspondaient au demeurant pas exactement aux termes de la commission rogatoire sur la base de laquelle le placement était intervenu ; qu'en affirmant, pour écarter le moyen de nullité tiré de ce défaut d'information, que le juge d'instruction aurait été « tenu régulièrement informé du déroulement de l'enquête » et aurait « délivré les autorisations de prolongation de garde à vue », motif impropre à caractériser que le juge d'instruction avait été avisé, lors du placement de Monsieur [K] en garde à vue, des motifs de ce placement, la Chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 63, 154, 591 et 593 du Code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 63 et 154 du code de procédure pénale :
17. Selon ces textes, l'officier de police judiciaire doit, dès le début de la garde à vue, informer le juge d'instruction des motifs et de la qualification des faits pour lesquels la personne est placée sous ce régime.
18. Pour écarter le moyen de nullité pris du caractère incomplet de l'avis donné au juge d'instruction, l'arrêt attaqué commence par énoncer que, le 8 juin 2022, ce magistrat a été informé des éléments réunis à l'encontre du requérant.
19. Les juges constatent ensuite que le procès-verbal d'interpellation de l'intéressé, le 14 juin suivant, rappelle l'étendue de la saisine des enquêteurs agissant pour l'exécution de la commission rogatoire délivrée le 25 février 2021, l'intéressé étant mis en cause pour l'ensemble des infractions visées, et que la garde à vue a été décidée notamment afin de garantir la mise en oeuvre des mesures destinées à faire cesser le crime ou le délit.
20. Ils estiment que le procès-verbal relatant l'avis du placement en garde à vue de l'intéressé au juge d'instruction, en ce qu'il se réfère à la mission contenue dans la commission rogatoire et vise les qualifications retenues par celle-ci, implique la connaissance, par le magistrat, des motifs du placement en garde à vue, de même que les autorisations de prolongation de garde à vue délivrées par le juge d'instruction, qui se réfèrent aux qualifications visées dans sa commission rogatoire, assurent de l'information de celui-ci.
21. En se déterminant ainsi, alors que ces éléments étaient insuffisants à établir que le juge d'instruction avait reçu l'information prescrite par la loi et nécessaire à l'exercice de ses prérogatives, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.
22. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.




Crim. 4 février 2025 n° 23-86.625

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° G 23-86.625 F-D
N° 00111

SL2 4 FÉVRIER 2025

REJET

M. BONNAL président,





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 4 FÉVRIER 2025

La société [4] anciennement [3] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes, chambre correctionnelle, en date du 12 octobre 2023, qui, pour travail dissimulé et emploi d'un étranger sans titre de séjour, l'a condamnée à 375 000 euros d'amende, une interdiction professionnelle définitive, a ordonné la publication de la décision, et a prononcé sur les intérêts civils.
Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Michon, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de la société [4] anciennement [3], les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat du [2] et de la [1], et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 janvier 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Michon, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. A la suite de six procédures diligentées par l'inspection du travail, la société de droit espagnol [3], devenue [4], et divers exploitants agricoles ont été cités devant le tribunal correctionnel des chefs rappelés ci-dessus.
3. Par jugement du 1er avril 2022, le tribunal a, notamment, déclaré la société demanderesse coupable et a prononcé sur les peines.
4. La société [4] et le ministère public ont relevé appel du jugement.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, le deuxième moyen, pris en ses sixième et septième branches, et le troisième moyen
5. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le deuxième moyen, pris en ses première à cinquième branches
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré la société [4] coupable d'exécution par personne morale d'un travail dissimulé commis à l'égard de plusieurs personnes courant février 2017 et jusqu'au 25 juin 2019 et d'emploi par personne morale d'un étranger non muni d'une autorisation de travail salarié du 1er février 2017 au 25 juin 2019 et a, en conséquence, prononcé des peines et a statué sur les intérêts civils, alors :
« 1°/ que seuls sont punissables les faits constitutifs d'une infraction à la date à laquelle ils ont été commis ; que l'article L. 8221-3, 3° du code du travail a été ajouté par l'article 99 de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018, entré en vigueur le 7 septembre 2018 ; qu'avant l'entrée en vigueur de ces dispositions, l'infraction de travail dissimulé par l'employeur se prévalant des dispositions applicables au détachement lorsque celui-ci exerce dans l'Etat sur le territoire duquel il est établi des activités relevant uniquement de la gestion interne ou administrative, ou lorsque son activité est réalisée sur le territoire national de façon habituelle, stable et continue, n'était pas réprimée et n'était pas punie des peines applicables au délit du travail dissimulé ; qu'en condamnant néanmoins la société [4] pour cette infraction, pour la période de février 2017 au 7 septembre 2018, la cour d'appel a violé l'article 112-1 du code pénal ;
2°/ qu'il appartient au juge répressif d'écarter l'application d'un texte d'incrimination de droit interne lorsque ce dernier méconnaît une disposition du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ou un texte pris pour l'application de celui-ci ; que l'article 56 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) consacre le principe selon lequel les Etats membres doivent garantir la libre prestation des services à l'intérieur de l'Union ; que cette liberté fondamentale comprend le droit pour un prestataire établi dans un Etat membre de détacher des travailleurs dans un autre Etat membre aux fins d'y prester un service ; que la directive 2014/67/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014, concernant le détachement de travailleurs, précise les règles en vigueur dans le pays d'accueil qui doivent s'appliquer aux travailleurs détachés et prévoit que la détermination du caractère véritable du détachement doit être réalisée en examinant si une entreprise exerce réellement des activités substantielles dans son état d'établissement en examinant, notamment, le lieu où est implanté le siège, où la société paye des impôts, le lieu de recrutement, le droit applicable aux contrats de travail conclus ; qu'en recherchant si la société avait une activité « habituelle, stable et continue » sur le territoire national, à savoir en France, c'est-à-dire en appliquant le critère de droit interne prévu à l'article L 8221-3 3° issu de la loi du 5 septembre 2018, et non une « activité substantielle » dans l'Etat d'établissement (Espagne), tandis qu'elle devait écarter l'application des dispositions de droit interne dès lors qu'elles méconnaissaient le droit européen, la cour d'appel a violé l'article 56 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, l'article 4 de la directive précitée et par fausse application l'article L 8221-3 3° du code du travail, et les articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;
3°/ que, subsidiairement, la cour d'appel ne pouvait se borner à énoncer que la société [4] ne pouvait « invoquer les dispositions et normes européennes » et devait motiver sa décision au regard des conclusions dont elle était saisie ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a, en toute hypothèse, méconnu l'article 593 code procédure civile ;
4°/ que, à supposer que le droit interne ait été applicable, ce qui est contesté, l'infraction de travail dissimulé sanctionnée par l'article L. 8221-3 du code du travail n'est caractérisée que si la personne morale dispose de structures pérennes sur le sol national ; qu'en l'espèce, pour juger que la société [4] avait commis l'infraction de travail dissimulé, la cour d'appel a retenu qu'elle avait une activité habituelle stable et continue, car elle avait développé une partie importante de son chiffre d'affaires en France, qu'une de ses filiales avait développé un service de mini bus, qu'elle réservait l'hébergement de ses salariés dans des campings et que des chefs d'équipes étaient chargés de renseigner le nombre d'heures effectué par les salariés ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas relevé l'existence d'infrastructures pérennes, en particulier de locaux, en France, de sorte qu'elle ne pouvait retenir l'infraction de travail dissimulé prévue par l'article L 8221-3 du code du travail ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a dès lors méconnu ce texte et l'article 593 du code de procédure pénale ;
5°/ que, en tout état de cause, la société [4] faisait valoir que les infractions de travail dissimulé pour défaut d'inscription au registre du commerce et des sociétés (L 8221-3 1° du code du travail) et pour défaut de déclaration sociale et fiscale (L 8221-3 2° du code du travail) ne pouvaient résulter de l'exercice, sur le territoire national, d'une activité habituelle, stable et continue, qui faisait partie de l'élément légal de l'infraction de travail dissimulé pour fraude au détachement prévue, uniquement par l'article L 8221-3 3° du même code ; qu'en retenant, pour entrer en voie de condamnation, que la société [4] avait une activité stable continue et permanente et qu'elle n'avait cependant jamais été inscrite à aucun registre et n'avait jamais fait déclaration en France, sans répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 593 du code de procédure pénale.»
Réponse de la Cour
7. Pour dire établi le délit de travail dissimulé par dissimulation d'activité, l'arrêt attaqué énonce notamment, par motifs propres et adoptés, que la société prévenue, qui n'a jamais été déclarée en France, y a développé une activité pérenne particulièrement lucrative puisqu'elle représentait entre 72 % et 77 % de son chiffre d'affaires entre 2016 et 2019, et qu'il est impossible de développer un tel chiffre d'affaires sans avoir, dans l'Etat concerné, une structure qui permette d'assurer une logistique commerciale et financière, qui assure le transport et l'hébergement des salariés, encadrés comme ils l'étaient par des chefs d'équipe présents en permanence sur les chantiers, outre une téléphonie assurant le relais.
8. Les juges ajoutent que la société embauchait des ouvriers, essentiellement de nationalité équatorienne, qui ne disposaient d'aucune compétence professionnelle spécifique, qui n'effectuaient pas un jour de travail en Espagne et qui étaient envoyés sur les exploitations agricoles françaises sitôt le contrat de travail signé.
9. Ils en déduisent que le siège espagnol de la société ne fait que masquer un détournement de la procédure française sur le détachement de travailleurs salariés, la société exerçant une activité permanente en France et recrutant des salariés spécialement destinés à être envoyés dans ce pays pour y travailler, sans créer d'établissement en France, contournant la législation du travail française, le travail dissimulé par dissimulation d'activité s'entendant, avant comme après le 7 septembre 2018, comme l'exercice d'une activité stable sans procéder aux déclarations nécessaires.
10. En statuant ainsi, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen pour les motifs qui suivent.
11. En premier lieu, le fait, pour une personne physique ou morale, d'exercer, en violation des règles sur le détachement, une activité stable sur le territoire national sans procéder aux déclarations requises constituait, avant même l'entrée en vigueur, le 7 septembre 2018, de l'article L. 8221-3, 3°, du code du travail, issu de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018, le délit de travail dissimulé, ledit article n'ayant eu pour objet, selon les travaux préparatoires de ladite loi, que de clarifier l'état du droit antérieur.
12. En deuxième lieu, ni l'article L. 1262-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, ni l'article L. 8221-3, 3°, précité, en ce qu'ils prévoient qu'un employeur ne peut se prévaloir des dispositions applicables au détachement de salariés lorsque son activité est réalisée sur le territoire national de façon habituelle, stable et continue ne sont contraires à l'article 56 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et à l'article 4 de la directive n° 2014/67/UE du 15 mai 2014, relative à l'exécution de la directive n° 96/71/CE concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services pour la détermination du caractère véritable du détachement.
13. En effet, l'article 4 précité de la directive n° 2014/67/UE prévoit qu'afin de déterminer si une entreprise exerce réellement des activités substantielles, autres que celles relevant uniquement de la gestion interne ou administrative, les autorités compétentes procèdent à une évaluation globale, portant sur une période prolongée, de tous les éléments de fait caractérisant les activités exercées par une entreprise dans l'État membre dans lequel elle est établie et, au besoin, dans l'État membre d'accueil.
14. En troisième lieu, la cour d'appel a, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des faits et sans insuffisance ni contradiction, relevé que, d'une part, les salariés ne pouvaient être considérés comme régulièrement détachés, d'autre part, qu'en raison du caractère habituel, stable et continu de l'activité exercée en France, celle-ci devait donner lieu à un enregistrement auprès du registre du commerce et des sociétés et à des déclarations auprès des organismes sociaux et des services des impôts.
15. Dès lors, le moyen doit être écarté.
16. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.




Crim. 4 février 2025 n° 24-80.567

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° U 24-80.567 F-D
N° 00102

SL2 4 FÉVRIER 2025

CASSATION PARTIELLE

M. BONNAL président,





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 4 FÉVRIER 2025


M. [H] [I] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai, en date du 14 novembre 2023, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'importation de stupéfiants en bande organisée et infractions à la législation sur les stupéfiants, blanchiment et association de malfaiteurs, en récidive, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure.
Par ordonnance du 29 avril 2024, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Thomas, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [H] [I], et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 janvier 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Thomas, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Mis en examen des chefs susvisés le 23 juin 2022, M. [H] [I] a présenté, le 20 décembre suivant, une requête en annulation d'actes et de pièces de la procédure.
Examen des moyens
Sur le sixième moyen
3. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le cinquième moyen
Enoncé du moyen
4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté le moyen de nullité de la géolocalisation du véhicule Volvo [Immatriculation 1], alors « que lorsqu'il a autorisé de manière anticipée le recours à une technique spéciale d'enquête, telle la géolocalisation d'un véhicule, le juge d'instruction doit actualiser sa motivation relative à la nécessité de la mesure au stade de la mise en oeuvre de celle-ci afin de garantir l'effectivité de son contrôle sur la persistance de cette nécessité ; qu'au cas d'espèce, il résultait de la procédure que si la géolocalisation du véhicule Volvo [Immatriculation 1] avait été autorisée le 15 mars 2021, elle n'avait été mise en oeuvre que le 4 juillet 2021 ; qu'en affirmant, pour rejeter le moyen de nullité tiré de l'absence d'actualisation du contrôle du juge au jour de la mise en oeuvre de la mesure, que « l'autorisation a été donnée par commission rogatoire du 15 mars 2021. Le dispositif a été mis en oeuvre le 4 juillet 2021, soit avant l'expiration du délai de 4 mois, celui-ci se terminant le 15 juillet 2021 » et que « le dispositif légal n'impose pas aux enquêteurs d'informer au préalable le magistrat instructeur de ce qu'ils souhaitent mettre en oeuvre l'autorisation préalablement reçue, le contrôle du magistrat ayant déjà été donné », quand cette circonstance remettait en cause l'effectivité du contrôle a priori opéré par le magistrat instructeur, la Chambre de l'instruction a violé les articles 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme, préliminaire, 591 et 593 du Code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
5. Pour rejeter le moyen pris de l'irrégularité de la mesure de géolocalisation du véhicule, l'arrêt attaqué énonce que cette mesure a été autorisée par commission rogatoire du 15 mars 2021, que le dispositif technique a été mis en place le 4 juillet 2021, soit avant l'expiration, le 15 juillet suivant, du délai d'autorisation de quatre mois, et qu'aucune prescription légale n'impose aux enquêteurs d'informer le juge d'instruction de leur souhait de mettre en oeuvre la mesure une fois l'autorisation reçue, le contrôle du magistrat ayant été effectué.
6. Les juges ajoutent qu'à la différence du cas des perquisitions nocturnes, l'autorisation donnée pour la géolocalisation par le juge d'instruction est circonscrite dans un délai déterminé par la loi qui assure le contrôle effectif de cette mesure.
7. C'est à tort que la chambre de l'instruction a considéré que l'autorisation du juge d'instruction expirait le 15 juillet 2021, alors que, ainsi que la Cour de cassation, qui a le contrôle des pièces de la procédure, est en mesure de le constater, la commission rogatoire a autorisé la mesure de géolocalisation pour une durée de quatre mois à compter de la mise en place du dispositif technique et non à compter de sa date.
8. L'arrêt n'encourt cependant pas la censure, dès lors que, d'une part, l'article 230-32 du code de procédure pénale ne pose aucune condition d'urgence à la réalisation de la mesure une fois qu'elle a été autorisée, d'autre part, après que le juge a constaté la nécessité de la mesure, le choix du moment de la pose du dispositif technique relève de l'appréciation des enquêteurs en fonction de l'état d'avancement de leurs investigations et de la recherche du moment le plus opportun, sans qu'il soit nécessaire que le juge en soit avisé.
9. Le moyen doit, dès lors, être écarté.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
10. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevables les moyens tendant à l'annulation des actes d'enquête accomplis par les militaires de gendarmerie du Centre de lutte contre les criminalités numériques (C3N), des « ordonnance(s) autorisant le recours à un dispositif de captation de données informatiques » du juge des libertés et de la détention près le Tribunal judiciaire de Lille et du juge d'instruction et de l'intégralité des actes, pièces ou mentions issus de la procédure « Encrochat » lilloise (n° de parquet 100-000163), alors « que la forclusion instaurée par l'article 173-1 du Code de procédure pénale ne vaut pas pour les moyens dont la personne mise en examen n'a eu connaissance que postérieurement au délai de six mois à compter de l'interrogatoire de première comparution ou des interrogatoires subséquents ; que tel est en particulier le cas pour les pièces qui, bien qu'antérieures à ces interrogatoires, n'ont été versées au dossier que postérieurement à ceux-ci ; qu'au cas d'espèce, la défense de Monsieur [I] sollicitait, dans un mémoire déposé le 31 août 2023, l'annulation de diverses pièces versées au dossier postérieurement au dépôt de la requête et à l'interrogatoire de Monsieur [I] ; qu'en déclarant irrecevables comme tardifs ces moyens, quand le délai de forclusion n'avait pas commencé à courir compte tenu de la date à laquelle la défense en avait eu connaissance, la Chambre de.l'instruction a excédé ses pouvoirs en violation de l'article 173-1 et des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 173-1 du code de procédure pénale :
11. Il résulte de ce texte que le délai de forclusion qui impose à la personne mise en examen, à peine d'irrecevabilité, de faire état des moyens pris de la nullité des actes accomplis avant son interrogatoire de première comparution dans le délai de six mois suivant la notification de sa mise en examen n'est pas opposable dans le cas où elle n'aurait pu les connaître, et qu'il en est de même s'agissant des moyens pris de la nullité des actes accomplis avant chacun de ses interrogatoires ultérieurs.
12. Pour déclarer irrecevables les moyens complémentaires proposés par mémoire, l'arrêt attaqué énonce que le requérant est forclos à les présenter, le délai de six mois depuis sa mise en examen étant expiré.
13. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé.
14. En effet, les actes et pièces critiqués, bien qu'antérieurs à la mise en examen de l'intéressé, n'ont été versés au dossier de la procédure que postérieurement. Il en résulte que, d'une part, celui-ci n'a pu en prendre connaissance qu'à ce moment, d'autre part, le point de départ du délai de forclusion de six mois devait être fixé à la date de l'interrogatoire susceptible de suivre le versement des éléments litigieux à la procédure.
15. Ainsi que la Cour de cassation, qui a le contrôle des pièces de la procédure, est en mesure de le constater, le requérant n'avait pas, en l'état du dossier transmis à la chambre de l'instruction, été interrogé après le versement des pièces litigieuses. Le délai de forclusion n'avait ainsi pas commencé à courir.
16. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Et sur les deuxième et troisième moyens
Enoncé des moyens
17. Le deuxième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté le moyen tiré de l'absence de versement en procédure des éléments de la procédure souche nécessaires au contrôle de la régularité de certains actes, alors « que la Chambre de l'instruction doit examiner la régularité de la procédure telle qu'elle se présente à elle au jour où elle statue ; qu'en affirmant, pour rejeter le moyen tiré de l'absence de versement en procédure des éléments de la procédure souche nécessaires au contrôle de la régularité de certains actes, que « la cour est limitée dans l'examen de son recours par le dépôt de la requête, qu'ainsi seules les pièces inclues au dossier au 20 décembre 2022 peuvent être prises en compte », refusant ainsi de tenir compte des pièces versées à la procédure depuis le dépôt de la requête, et dont elle avait elle-même ordonné le versement, la Chambre de l'instruction a méconnu son office et violé les articles 173, 197, 591 et 593 du Code de procédure pénale. »
18. Le troisième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté le moyen tiré de la nullité d'une enquête préliminaire ayant porté sur des faits dont un juge d'instruction était saisi, alors « que la Chambre de l'instruction doit examiner la régularité de la procédure telle qu'elle se présente à elle au jour où elle statue ; qu'en affirmant, pour rejeter le moyen tiré de la nullité d'une enquête préliminaire ayant porté sur des faits dont un juge d'instruction était saisi, que « le réquisitoire introductif saisissant ledit magistrat JIRS n'a pas été joint à la présente procédure à la date de la requête en nullité » (arrêt, p. 17) et qu' « en l'état de la procédure telle qu'elle résulte de la lecture du dossier au 20 décembre 2022, date de la requête, il n'apparaît aucune atteinte au principe de la saisine in rem » (arrêt, p. 19), refusant ainsi de tenir compte des pièces versées à la procédure depuis le dépôt de la requête, et en particulier du réquisitoire, dont l'analyse était essentielle à l'issue qui devait être réservée au moyen et qui avait rejoint la procédure depuis lors et était même reproduit dans le mémoire de l'exposant (mémoire CHINS, p. 3), la Chambre de l'instruction a méconnu son office et violé les articles 173, 197, 591 et 593 du Code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
19. Les moyens sont réunis.
Vu les articles 174, alinéa 1er, 197 et 206 du code de procédure pénale :
20. Il résulte de ces textes que, saisie d'une requête en nullité, la chambre de l'instruction examine la régularité des actes et pièces de la procédure qui se trouvent dans le dossier déposé au greffe et tenu à la disposition des avocats des personnes mises en examen, des parties civiles et des témoins assistés dans les conditions prévues par l'article 197 précité.
21. Pour refuser d'examiner le moyen de nullité pris du versement insuffisant des éléments provenant d'une information distincte, l'arrêt attaqué énonce que la chambre de l'instruction est limitée dans l'examen de la procédure par l'état de celle-ci à la date du dépôt de la requête en nullité et qu'ainsi, seules les pièces incluses au dossier à la date du 20 décembre 2022 peuvent être examinées.
22. Pour refuser d'examiner le moyen d'irrégularité de la procédure d'enquête préliminaire au motif qu'elle aurait porté sur des faits entrant déjà dans la saisine d'un juge d'instruction, l'arrêt attaqué énonce que le réquisitoire introductif saisissant ce magistrat n'a pas été joint à la procédure à la date de la requête en nullité et qu'en l'état de la procédure telle qu'elle résulte de la lecture du dossier à la date du 20 décembre 2022, il n'apparaît aucune atteinte au principe de la saisine in rem.
23. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé.
24. En effet, les moyens ainsi rejetés portaient sur la régularité d'actes et de pièces qui figuraient au dossier de la procédure en l'état où celle-ci avait été tenue à la disposition des avocats des parties au greffe de la chambre de l'instruction. Cette juridiction ne pouvait donc refuser de les examiner, y inclus les réquisitoires introductif et supplétifs pris dans une procédure distincte qui lui permettaient d'apprécier, sans aucune réserve tenant à l'état de la procédure examinée, si l'enquête préliminaire critiquée avait ou non porté sur des faits dont un juge d'instruction était déjà saisi.
25. La cassation est par conséquent encourue de ces chefs.
Et sur le quatrième moyen
Enoncé du moyen
26. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté le moyen tiré de la nullité de l'exploitation de données issues de l'utilisation et de l'exploitation de logiciels de rapprochement judiciaire, alors « que seuls peuvent utiliser un logiciel de rapprochement judiciaire les agents des services désignés par la loi qui sont individuellement désignés et spécialement habilités ; que cette habilitation ne peut se déduire ni d'une commission rogatoire ni d'une autorisation du procureur de la République donnant un accord à l'utilisation d'un tel logiciel pour les besoins des investigations ; qu'au cas d'espèce, il résulte de la procédure que les enquêteurs ont, au cours de l'enquête préliminaire et de l'information judiciaire, fait un usage répété de divers logiciels de rapprochement judiciaire, sans jamais justifier de leur habilitation à cette fin ; qu'en affirmant, pour rejeter le moyen tiré de cette absence de justification d'une habilitation individuelle spéciale, que l'habilitation résultait pour les actes accomplis en enquête préliminaire « de la délégation donnée par le substitut du procureur et l'officier de police judiciaire dans le cadre des dispositions de l'article 77-1-1 du Code de procédure pénale pour les besoins d'une procédure pénale » et pour les actes accomplis au cours de l'information « de la délégation donnée par le substitut du procureur et l'officier de police judiciaire dans le cadre de sa commission rogatoire pour les besoins d'une procédure pénale », la Chambre de l'instruction a violé les articles 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme, préliminaire, 230-25, R. 40-39, 591 et 593 du Code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 230-25 et 15-5 du code de procédure pénale :
27. Selon le premier de ces textes, peuvent seuls utiliser les logiciels de rapprochement judiciaire les agents des services désignés par la loi qui sont individuellement désignés et spécialement habilités.
28. Selon le second, issu de la loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur, immédiatement applicable à la procédure en application de l'article 112-2, 2°, du code pénal, la réalité de cette habilitation peut être contrôlée à tout moment par un magistrat, à son initiative ou à la demande d'une personne intéressée, et l'absence de mention en procédure d'une telle habilitation n'emporte pas, par elle-même, nullité de cette procédure. En conséquence, il appartient à la juridiction saisie en ce sens de vérifier la réalité de cette habilitation en ordonnant, le cas échéant, un supplément d'information.
29. Pour rejeter le moyen pris de l'irrégularité de l'utilisation de logiciels de rapprochement judiciaire, l'arrêt attaqué énonce que, conformément à l'article 230-25, 2°, du code de procédure pénale, les magistrats du parquet et les magistrats instructeurs peuvent utiliser des logiciels de rapprochement judiciaire pour les recherches relatives aux infractions dont ils sont saisis, qu'en conséquence, l'habilitation spéciale de l'agent résulte de la délégation donnée par le procureur de la République à l'officier de police judiciaire agissant sur le fondement de l'article 77-1-1 du même code, ainsi que de la délégation donnée par le juge d'instruction à l'officier de police judiciaire par commission rogatoire, en application de l'article 151 du code précité.
30. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.
31. En effet, il lui appartenait de procéder au contrôle de l'habilitation spéciale et individuelle des agents pour mettre en oeuvre des logiciels de rapprochement judiciaire, au besoin en ordonnant un complément d'information.
32. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.




Crim. 4 février 2025 n° 24-80.411

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° Z 24-80.411 F-D
N° 00101

SL2 4 FÉVRIER 2025

CASSATION PARTIELLE

M. BONNAL président,





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 4 FÉVRIER 2025


M. [V] [M] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai, en date du 14 novembre 2023, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'importation de stupéfiants en bande organisée, infractions à la législation sur les stupéfiants, blanchiment et association de malfaiteurs, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure.
Par ordonnance du 29 avril 2024, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Thomas, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [V] [M], et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 janvier 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Thomas, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Mis en examen des chefs susvisés le 23 juin 2022, M. [V] [M] a présenté, le 20 décembre suivant, une requête en annulation d'actes et de pièces de la procédure.
Examen des moyens
Sur le septième moyen
3. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le quatrième moyen
Enoncé du moyen
4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté le moyen tiré de l'irrégularité du contrôle douanier, alors :
« 1°/ que devant les juges du fond, Monsieur [M] soutenait que le contrôle douanier dont il avait fait l'objet était contraire aux articles 5, 6 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 77 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, 22 et 23 du règlement (UE) 2016/399, en ce que ce contrôle avait été effectué en dehors de toute raison plausible de soupçonner la commission d'une infraction ; qu'en se bornant à rappeler que l'inconstitutionnalité de ce contrôle ne pouvait être invoqué devant elle, et en précisant que les agents « ont de facto respecté les prescriptions du Conseil Constitutionnel », quand il lui incombait de s'interroger sur l'inconventionnalité du dispositif, lequel était immédiatement sanctionnable, la Chambre de l'instruction n'a pas répondu au moyen présenté par l'exposant et n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 5, 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme, 77 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne, 22 et 23 du règlement (UE) 2016/399, 60 du Code des Douanes, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
2°/ d'autre part qu'un contrôle douanier ne peut intervenir que s'il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner la commission d'une infraction ; qu'en se bornant à relever que les douaniers s'étaient faits doubler par deux Mercedes immatriculées en plaque [Immatriculation 1], qu'ils avaient procédé à un contrôle visuel permettant de constater la présence dans le second véhicule d'un individu légèrement couché porteur de lunettes fumées et de suspecter que les deux véhicules se suivent et qu'ils avaient constaté qu'à compter du contrôle visuel opéré, le premier véhicule distance largement le véhicule se faisant contrôler, motifs impropres à établir l'existence d'indices de commission d'infraction, la Chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 5, 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme, 77 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne, 22 et 23 du règlement (UE) 2016/399, 60 du Code des Douanes, 591 et 593 du Code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
5. Pour rejeter le moyen pris de l'irrégularité du contrôle douanier du 15 août 2019, l'arrêt attaqué énonce qu'il résulte du procès-verbal de synthèse que les agents, qui étaient en service de contrôle dynamique sur l'autoroute, se sont fait dépasser par deux véhicules de marque Mercedes immatriculés avec des plaques provisoires de garage, qu'ils se sont approchés du second véhicule pour effectuer un contrôle visuel, qu'à bord se trouvaient le conducteur et un passager à moitié couché porteur d'un vêtement à capuche et de lunettes solaires, qu'ils ont décidé de procéder au contrôle de ce véhicule, que, sur leurs injonctions, le conducteur a commencé par emprunter la voie de décélération de l'aire de repos puis, au dernier moment, a repris la voie autoroutière en accélérant vivement et leur a échappé.
6. Les juges relèvent encore que les agents verbalisateurs ont ajouté dans leur procès-verbal que le contrôle visuel auquel ils ont préalablement procédé leur a permis de constater que deux personnes se trouvaient à bord de chacun des deux véhicules, de suspecter que les deux véhicules roulaient de concert et de voir à ce moment le premier véhicule distancer très largement le second, ce qui les a décidés à engager le contrôle.
7. Les juges en déduisent que les constatations cumulées des agents ont constitué les indices leur ayant permis de suspecter un transport de stupéfiants de type « go fast ».
8. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application des textes visés au moyen, pour les motifs qui suivent.
9. D'une part, il ressort de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme que ne constitue pas une ingérence à la liberté d'aller et venir, garantie par l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme, la possibilité pour une personne d'être interpellée et soumise à une fouille préventive dans certaines zones dès lors qu'elle n'est nullement empêchée d'y pénétrer, d'y circuler et d'en partir (CEDH, décision du 15 mai 2012, Colon c. Pays-Bas, n° 49458/06).
10. D'autre part, l'article 60 du code des douanes dans sa version applicable à la date du contrôle litigieux ne méconnaît pas le droit à un procès équitable tel que garanti par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, compte tenu des garanties apportées par la jurisprudence.
11. Celle-ci a en effet précisé que cette mesure de contrainte ne peut s'exercer que le temps strictement nécessaire à la réalisation des opérations de visite, que les agents des douanes ne disposent pas d'un pouvoir général d'audition de la personne contrôlée, qu'ils ne sont pas autorisés à procéder à la visite d'un véhicule stationné sur la voie publique ou dans un lieu accessible au public hors la présence de son occupant, qu'ils ne peuvent procéder à une fouille à corps impliquant le retrait des vêtements, qu'ils doivent procéder à l'inventaire immédiat des indices recueillis lors du contrôle et les transmettre dans les meilleurs délais à l'officier de police judiciaire compétent pour qu'il procède à leur saisie et placement sous scellés et que la personne concernée par le contrôle peut, si elle fait l'objet de poursuites, faire valoir par voie d'exception la nullité de ces opérations.
12. Il n'est en l'espèce pas allégué que l'une ou plusieurs de ces garanties auraient été méconnues.
13. De troisième part, l'article 60 du code des douanes dans sa version applicable à la date du contrôle litigieux peut être regardé comme compatible avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme si les agents des douanes, avant de procéder à un tel contrôle, constatent l'existence de raisons plausibles de soupçonner la commission ou la tentative de commission d'une infraction, ou opèrent dans des zones et lieux présentant des risques particuliers de commission d'infractions douanières. Ces zones et lieux sont le rayon douanier et les bureaux des douanes, tels que définis par l'article 44, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2023-610 du 18 juillet 2023, et l'article 47 du code des douanes, ainsi que ceux énumérés par le premier alinéa de l'article 67 quater du même code.
14. En l'espèce, les juges ont analysé les constatations des agents des douanes effectuées préalablement à leur contrôle. Ils en ont souverainement déduit, par des motifs exempts d'insuffisance comme de contradiction, que ces constatations caractérisaient les indices de commission de l'infraction de transport de produits stupéfiants.
15. Enfin, il résulte des articles 77 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, 22 et 23 du règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) que l'absence de contrôle aux frontières intérieures ne porte pas atteinte à l'exercice des compétences de police par les autorités compétentes de l'Etat membre en vertu du droit national, dans la mesure où l'exercice de ces compétences n'a pas, lors de vérifications à l'intérieur du territoire, un effet équivalent à celui des vérifications aux frontières.
16. En particulier, l'exercice de ces compétences de police ne peut être considéré comme équivalent à l'exercice des vérifications aux frontières lorsque les mesures de police sont fondées sur des informations générales et l'expérience des services de police relatives à d'éventuelles menaces pour la sécurité publique et visent, notamment, à lutter contre la criminalité transfrontalière, ou sont réalisées sur la base de vérifications réalisées à l'improviste.
17. Ainsi, le contrôle des agents des douanes réalisé en l'espèce lors d'une mission de surveillance les ayant amenés à suspecter un transport de produits stupéfiants a relevé d'une telle mesure de police demeurant compatible avec les exigences du droit de l'Union.
18. Le moyen doit, dès lors, être écarté.
Sur le sixième moyen
Enoncé du moyen
19. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté le moyen de nullité de la géolocalisation du véhicule Volvo [Immatriculation 2], alors « que lorsqu'il a autorisé de manière anticipée le recours à une technique spéciale d'enquête, telle la géolocalisation d'un véhicule, le juge d'instruction doit actualiser sa motivation relative à la nécessité de la mesure au stade de la mise en oeuvre de celle-ci afin de garantir l'effectivité de son contrôle sur la persistance de cette nécessité ; qu'au cas d'espèce, il résultait de la procédure que si la géolocalisation du véhicule Volvo [Immatriculation 2] avait été autorisée le 15 mars 2021, elle n'avait été mise en oeuvre que le 4 juillet 2021 ; qu'en affirmant, pour rejeter le moyen de nullité tiré de l'absence d'actualisation du contrôle du juge au jour de la mise en oeuvre de la mesure, que « l'autorisation a été donnée par commission rogatoire du 15 mars 2021. Le dispositif a été mis en oeuvre le 4 juillet 2021, soit avant l'expiration du délai de 4 mois, celui-ci se terminant le 15 juillet 2021 » et que « le dispositif légal n'impose pas aux enquêteurs d'informer au préalable le magistrat instructeur de ce qu'ils souhaitent mettre en oeuvre l'autorisation préalablement reçue, le contrôle du magistrat ayant déjà été donné », quand cette circonstance remettait en cause l'effectivité du contrôle a priori opéré par le magistrat instructeur, la Chambre de l'instruction a violé les articles 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme, préliminaire, 591 et 593 du Code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
20. Pour rejeter le moyen pris de l'irrégularité de la mesure de géolocalisation du véhicule, l'arrêt attaqué énonce que cette mesure a été autorisée par commission rogatoire du 15 mars 2021, que le dispositif technique a été mis en place le 4 juillet 2021, soit avant l'expiration, le 15 juillet suivant, du délai d'autorisation de quatre mois, et qu'aucune prescription légale n'impose aux enquêteurs d'informer le juge d'instruction de leur souhait de mettre en oeuvre la mesure une fois l'autorisation reçue, le contrôle du magistrat ayant été effectué.
21. Les juges ajoutent qu'à la différence du cas des perquisitions nocturnes, l'autorisation donnée pour la géolocalisation par le juge d'instruction est circonscrite dans un délai déterminé par la loi qui assure le contrôle effectif de cette mesure.
22. C'est à tort que la chambre de l'instruction a considéré que l'autorisation du juge d'instruction expirait le 15 juillet 2021, alors que, ainsi que la Cour de cassation, qui a le contrôle des pièces de la procédure, est en mesure de le constater, la commission rogatoire a autorisé la mesure de géolocalisation pour une durée de quatre mois à compter de la mise en place du dispositif technique et non à compter de sa date.
23. L'arrêt n'encourt cependant pas la censure, dès lors que, d'une part, l'article 230-32 du code de procédure pénale ne pose aucune condition d'urgence à la réalisation de la mesure une fois qu'elle a été autorisée, d'autre part, après que le juge a constaté la nécessité de la mesure, le choix du moment de la pose du dispositif technique relève de l'appréciation des enquêteurs en fonction de l'état d'avancement de leurs investigations et de la recherche du moment le plus opportun, sans qu'il soit nécessaire que le juge en soit avisé.
24. Le moyen doit, dès lors, être écarté.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
25. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevables les moyens tendant à l'annulation des actes d'enquête accomplis par les militaires de gendarmerie du Centre de lutte contre les criminalités numériques (C3N), des « ordonnance(s) autorisant le recours à un dispositif de captation de données informatiques » du juge des libertés et de la détention près le tribunal judiciaire de Lille et du juge d'instruction et de l'intégralité des actes, pièces ou mentions issus de la procédure « Encrochat » lilloise (n° de parquet 20-100-000163), alors « que la forclusion instaurée par l'article 173-1 du Code de procédure pénale ne vaut pas pour les moyens dont la personne mise en examen n'a eu connaissance que postérieurement au délai de six mois à compter de l'interrogatoire de première comparution ou des interrogatoires subséquents ; que tel est en particulier le cas pour les pièces qui, bien qu'antérieures à ces interrogatoires, n'ont été versées au dossier que postérieurement à ceux-ci ; qu'au cas d'espèce, la défense de Monsieur [M] sollicitait, dans un mémoire déposé le 31 août 2023, l'annulation de diverses pièces versées au dossier postérieurement au dépôt de la requête et à l'interrogatoire de Monsieur [M] ; qu'en déclarant irrecevables comme tardifs ces moyens, quand le délai de forclusion n'avait pas commencé à courir compte tenu de la date à laquelle la défense en avait eu connaissance, la Chambre de l'instruction a excédé ses pouvoirs en violation de l'article 173-1 et des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 173-1 du code de procédure pénale :
26. Il résulte de ce texte que le délai de forclusion qui impose à la personne mise en examen, à peine d'irrecevabilité, de faire état des moyens pris de la nullité des actes accomplis avant son interrogatoire de première comparution dans le délai de six mois suivant la notification de sa mise en examen n'est pas opposable dans le cas où elle n'aurait pu les connaître, et qu'il en est de même s'agissant des moyens pris de la nullité des actes accomplis avant chacun de ses interrogatoires ultérieurs.
27. Pour déclarer irrecevables les moyens complémentaires proposés par mémoire, l'arrêt attaqué énonce que le requérant est forclos à les présenter, le délai de six mois depuis sa mise en examen étant expiré.
28. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé.
29. En effet, les actes et pièces critiqués, bien qu'antérieurs à la mise en examen de l'intéressé, n'ont été versés au dossier de la procédure que postérieurement. Il en résulte que, d'une part, celui-ci n'a pu en prendre connaissance qu'à ce moment, d'autre part, le point de départ du délai de forclusion de six mois devait être fixé à la date de l'interrogatoire susceptible de suivre le versement des éléments litigieux à la procédure.
30. Ainsi que la Cour de cassation, qui a le contrôle des pièces de la procédure, est en mesure de le constater, le requérant n'avait pas, en l'état du dossier transmis à la chambre de l'instruction, été interrogé après le versement des pièces litigieuses. Le délai de forclusion n'avait ainsi pas commencé à courir.
31. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.



Et sur les deuxième et troisième moyens
Enoncé des moyens
32. Le deuxième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté le moyen tiré de l'absence de versement en procédure des éléments de la procédure souche nécessaires au contrôle de la régularité de certains actes, alors « que la Chambre de l'instruction doit examiner la régularité de la procédure telle qu'elle se présente à elle au jour où elle statue ; qu'en affirmant, pour rejeter le moyen tiré de l'absence de versement en procédure des éléments de la procédure souche nécessaires au contrôle de la régularité de certains actes, que « la cour est limitée dans l'examen de son recours par le dépôt de la requête, qu'ainsi seules les pièces inclues au dossier au 20 décembre 2022 peuvent être prises en compte », refusant ainsi de tenir compte des pièces versées à la procédure depuis le dépôt de la requête, et dont elle avait elle-même ordonné le versement, la Chambre de l'instruction a méconnu son office et violé les articles 173, 197, 591 et 593 du Code de procédure pénale. »
33. Le troisième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté le moyen tiré de la nullité d'une enquête préliminaire ayant porté sur des faits dont un juge d'instruction était saisi, alors « que la Chambre de l'instruction doit examiner la régularité de la procédure telle qu'elle se présente à elle au jour où elle statue ; qu'en affirmant, pour rejeter le moyen tiré de la nullité d'une enquête préliminaire ayant porté sur des faits dont un juge d'instruction était saisi, que « le réquisitoire introductif saisissant ledit magistrat JIRS n'a pas été joint à la présente procédure à la date de la requête en nullité » (arrêt, p. 17) et qu' « en l'état de la procédure telle qu'elle résulte de la lecture du dossier au 20 décembre 2022, date de la requête, il n'apparaît aucune atteinte au principe de la saisine in rem » (arrêt, p. 19), refusant ainsi de tenir compte des pièces versées à la procédure depuis le dépôt de la requête, et en particulier du réquisitoire, dont l'analyse était essentielle à l'issue qui devait être réservée au moyen et qui avait rejoint la procédure depuis lors et était même reproduit dans le mémoire de l'exposant (mémoire CHINS, p. 3), la Chambre de l'instruction a méconnu son office et violé les articles 173, 197, 591 et 593 du Code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
34. Les moyens sont réunis.
Vu les articles 174, alinéa 1er, 197 et 206 du code de procédure pénale :
35. Il résulte de ces textes que, saisie d'une requête en nullité, la chambre de l'instruction examine la régularité des actes et pièces de la procédure qui se trouvent dans le dossier déposé au greffe et tenu à la disposition des avocats des personnes mises en examen, des parties civiles et des témoins assistés dans les conditions prévues par l'article 197 précité.
36. Pour refuser d'examiner le moyen de nullité pris du versement insuffisant des éléments provenant d'une information distincte, l'arrêt attaqué énonce que la chambre de l'instruction est limitée dans l'examen de la procédure par l'état de celle-ci à la date du dépôt de la requête en nullité et qu'ainsi, seules les pièces incluses au dossier à la date du 20 décembre 2022 peuvent être examinées.
37. Pour refuser d'examiner le moyen d'irrégularité de la procédure d'enquête préliminaire au motif qu'elle aurait porté sur des faits entrant déjà dans la saisine d'un juge d'instruction, l'arrêt attaqué énonce que le réquisitoire introductif saisissant ce magistrat n'a pas été joint à la procédure à la date de la requête en nullité et qu'en l'état de la procédure telle qu'elle résulte de la lecture du dossier à la date du 20 décembre 2022, il n'apparaît aucune atteinte au principe de la saisine in rem.
38. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé.
39. En effet, les moyens ainsi rejetés portaient sur la régularité d'actes et de pièces qui figuraient au dossier de la procédure en l'état où celle-ci avait été tenue à la disposition des avocats des parties au greffe de la chambre de l'instruction. Cette juridiction ne pouvait donc refuser de les examiner, y inclus les réquisitoires introductif et supplétifs pris dans une procédure distincte qui lui permettaient d'apprécier, sans aucune réserve tenant à l'état de la procédure examinée, si l'enquête préliminaire critiquée avait ou non porté sur des faits dont un juge d'instruction était déjà saisi.
40. La cassation est par conséquent encourue de ces chefs.
Et sur le cinquième moyen
Enoncé du moyen
41. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté le moyen tiré de la nullité de l'exploitation de données issues de l'utilisation et de l'exploitation de logiciels de rapprochement judiciaire, alors « que seuls peuvent utiliser un logiciel de rapprochement judiciaire les agents des services désignés par la loi qui sont individuellement désignés et spécialement habilités ; que cette habilitation ne peut se déduire ni d'une commission rogatoire ni d'une autorisation du procureur de la République donnant un accord à l'utilisation d'un tel logiciel pour les besoins des investigations ; qu'au cas d'espèce, il résulte de la procédure que les enquêteurs ont, au cours de l'enquête préliminaire et de l'information judiciaire, fait un usage répété de divers logiciels de rapprochement judiciaire, sans jamais justifier de leur habilitation à cette fin ; qu'en affirmant, pour rejeter le moyen tiré de cette absence de justification d'une habilitation individuelle spéciale, que l'habilitation résultait pour les actes accomplis en enquête préliminaire « de la délégation donnée par le substitut du procureur et l'officier de police judiciaire dans le cadre des dispositions de l'article 77-1-1 du Code de procédure pénale pour les besoins d'une procédure pénale » et pour les actes accomplis au cours de l'information « de la délégation donnée par le substitut du procureur et l'officier de police judiciaire dans le cadre de sa commission rogatoire pour les besoins d'une procédure pénale », la Chambre de l'instruction a violé les articles 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme, préliminaire, 230-25, R. 40-39, 591 et 593 du Code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 230-25 et 15-5 du code de procédure pénale :
42. Selon le premier de ces textes, peuvent seuls utiliser les logiciels de rapprochement judiciaire les agents des services désignés par la loi qui sont individuellement désignés et spécialement habilités.
43. Selon le second, issu de la loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur, immédiatement applicable à la procédure en application de l'article 112-2, 2°, du code pénal, la réalité de cette habilitation peut être contrôlée à tout moment par un magistrat, à son initiative ou à la demande d'une personne intéressée, et l'absence de mention en procédure d'une telle habilitation n'emporte pas, par elle-même, nullité de cette procédure. En conséquence, il appartient à la juridiction saisie en ce sens de vérifier la réalité de cette habilitation en ordonnant, le cas échéant, un supplément d'information.
44. Pour rejeter le moyen pris de l'irrégularité de l'utilisation de logiciels de rapprochement judiciaire, l'arrêt attaqué énonce que, conformément à l'article 230-25, 2°, du code de procédure pénale, les magistrats du parquet et les magistrats instructeurs peuvent utiliser des logiciels de rapprochement judiciaire pour les recherches relatives aux infractions dont ils sont saisis, qu'en conséquence, l'habilitation spéciale de l'agent résulte de la délégation donnée par le procureur de la République à l'officier de police judiciaire agissant sur le fondement de l'article 77-1-1 du même code, ainsi que de celle donnée par le juge d'instruction à l'officier de police judiciaire par commission rogatoire, en application de l'article 151 du code précité.
45. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.
46. En effet, il lui appartenait de procéder au contrôle de l'habilitation spéciale et individuelle des agents pour mettre en oeuvre des logiciels de rapprochement judiciaire, au besoin en ordonnant un complément d'information.
47. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.




Crim. 29 janvier 2025 n° 24-86.352

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° H 24-86.352 F-D
N° 00252

GM 29 JANVIER 2025

CASSATION

M. BONNAL président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 29 JANVIER 2025

M. [F] [G] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Orléans, en date du 17 octobre 2024, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de viols aggravés, a rejeté sa demande de mise en liberté.
Un mémoire personnel et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Bloch, conseiller référendaire, et les conclusions de M. Micolet, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 janvier 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Bloch, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. [F] [G] a été mis en examen des chefs de viol avec torture ou acte de barbarie et viol commis par une personne mise en contact avec la victime par réseau de communications électroniques.
3. Il a été placé en détention provisoire le 13 mai 2022.
4. Le 8 octobre 2024, il a saisi la chambre de l'instruction d'une demande de mise en liberté sur le fondement de l'article 148-4 du code de procédure pénale.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen est pris de la violation des articles préliminaire, 198 et 593 du code de procédure pénale.
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevables les pièces transmises par l'avocat de M. [G] la veille de l'audience de la chambre de l'instruction, alors que le code de procédure pénale ne précise pas que les pièces doivent être jointes au mémoire pour être recevables, et que celles-ci peuvent être transmises jusqu'au jour de l'audience.
Réponse de la Cour
Vu les articles préliminaire et 198 du code de procédure pénale :
7. Les dispositions du second de ces textes desquelles il résulte que les parties et leurs avocats sont admis à produire au plus tard la veille de l'audience des mémoires qu'ils communiquent au ministère public et aux autres parties, ne font pas obstacle à ce que des pièces, même non assorties d'un mémoire, soient déposées au greffe de la chambre de l'instruction la veille de l'audience par l'avocat de la personne mise en examen, pièces devant être visées par le greffier.
8. Pour déclarer irrecevables les pièces transmises par l'avocat de M. [G] la veille de l'audience, l'arrêt attaqué énonce que celles-ci ne sont adossées à aucun mémoire recevable de la part de cet avocat de sorte qu'elles ne sont pas elles-mêmes recevables.

9. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.
10. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.




Crim. 28 janvier 2025 n° 24-81.153 B

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° F 24-81.153 F-B
N° 00081

RB5 28 JANVIER 2025

CASSATION PAR VOIE DE RETRANCHEMENT SANS RENVOI

M. BONNAL président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 28 JANVIER 2025


M. [IT] [P], les sociétés [P] [3] et [2] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel d'Orléans, chambre correctionnelle, en date du 8 janvier 2024, qui, pour infractions au code de l'environnement, a condamné le premier, à trois mois d'emprisonnement avec sursis, 20 000 euros d'amende, la deuxième, à 150 000 euros d'amende, un an d'exclusion des marchés publics, la fermeture définitive d'un site, avec exécution provisoire, la troisième, à 100 000 euros d'amende, un an d'exclusion des marchés publics avec exécution provisoire, et a prononcé sur les intérêts civils.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits.
Sur le rapport de M. Coirre, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [IT] [P] et des sociétés [P] [3] et [2], les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de la société [1], MM. [G] [X], [Y] [I] [LJ], [L] [W], [RP] [N], [D] [B], [XG] [R], [YT] [HP], [KP] [PM], [LT] [MM], [S] [AG], [JM] [SJ], [C] [GW] et [YT] [JW], Mmes [FT] [YJ], [VT] [H], épouse [N], [UG] [XP], épouse [B], [V] [J], [ZM] [Z], [UP] [M], épouse [F], [EP] [VJ], épouse [HP], [O] [T], veuve [NP], [E] [DW], épouse [MM], [BX] [K], épouse [AG], [TM] [OT] et [A] [U], épouse [GW], et la commune de [Localité 7], et les conclusions de M. Tarabeux, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 décembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Coirre, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [IT] [P] est le gérant des sociétés [P] [3] ([3]) et [2] ([2]), spécialisées dans le traitement des déchets.
3. La direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) a relevé à leur encontre diverses infractions à
4. M. [P], ainsi que les sociétés [3] et [2], ont été poursuivis devant le tribunal correctionnel des chefs d'exploitation d'une ICPE sans autorisation, non enregistrée et non conforme à une mise en demeure.
5. Le tribunal a déclaré les prévenus coupables des faits leur étant reprochés.
6. Les prévenus et le ministère public ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur les premier et deuxième moyens, le quatrième moyen, pris en sa première branche, le cinquième moyen, pris en sa première branche, et le sixième moyen
7. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [P] et la société [3] coupables d'avoir commis le délit d'exploitation d'une installation classée pour la protection de l'environnement sans autorisation sur la commune de [Localité 5], alors « que le délit de l'article L. 173-1, § 1, 3°, du code de l'environnement ne peut être imputé qu'à la personne qui exploite l'installation classée sans les autorisations, enregistrement ou déclarations idoines ; que les prévenus ont été poursuivis pour avoir entreposer des déchets verts sur une parcelle agricole située sur la commune de [Localité 4], pour laquelle elle ne disposait d'aucune autorisation préfectorale au titre des ICPE ; que les prévenus alléguaient en appel qu'ils n'étaient pas les exploitants de ce site, dès lors qu'il était exploité par un agriculteur qui avait souhaité bénéficier de déchets verts en tant que fertilisants ; qu'en rejetant ce moyen de défense, aux motifs inopérants que les prévenus étaient les instigateurs du transfert de déchets verts sur l'exploitation de l'agriculteur et qu'ils savaient que l'épandage était soumis à des conditions spécifiques, ce qui ne remettait pas en cause le fait que les prévenus n'étaient pas les exploitants du site sur lequel les déchets ont été stockés, le seul exploitant de ce site étant l'agriculteur, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles L. 511-1, L. 173-1, § I, 3°, du code de l'environnement et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
9. Pour déclarer M. [P] et la société [3] coupables d'exploitation d'une ICPE sans autorisation l'arrêt attaqué énonce que le premier nommé a admis avoir fait évacuer, par la société [3], 2 500 m³ de déchets verts en provenance d'une ICPE exploitée par la société [2] vers une parcelle exploitée par un agriculteur tiers, afin d'être en règle lors d'un contrôle, annoncé par la DREAL, du site de l'ICPE.
10. Les juges relèvent que le prévenu ne peut prétexter que ces déchets ne sont plus sur le site qu'il exploite pour échapper à la responsabilité résultant d'une infraction dont il est l'instigateur.
11. Ils ajoutent que M. [P] admet que, si une partie des déchets a été transportée par l'agriculteur tiers, le déplacement du surplus a été opéré par la société [3], ce qui révèle une participation active de cette personne morale à l'élément matériel de l'infraction.
12. Ils observent que M. [P] reconnaît qu'il aurait dû vérifier que l'agriculteur avait une autorisation d'épandage et, en sa qualité de professionnel connaissant la réglementation, qu'il devait s'assurer que l'évacuation de ces déchets était conforme aux prescriptions administratives.
13. En se déterminant ainsi, par des motifs dont il résulte que les prévenus, qui exercent effectivement, à titre professionnel, une activité économique, ont exploité de fait, en y transférant des déchets, une ICPE dépourvue d'autorisation, la cour d'appel a justifié sa décision.
14. Dès lors, le moyen doit être écarté.
Mais sur le quatrième moyen, pris en sa seconde branche, et le cinquième moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé des moyens
15. Le quatrième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné la société [2] à payer une amende de 100 000 euros et a ordonné à son encontre, à titre de peine complémentaire, l'exclusion des marchés publics pour une durée d'un an, alors :
« 2°/ que selon l'article 471, alinéa 4, du code de procédure pénale, les sanctions pénales prononcées en application des articles 131-4-1 à 131-11 et 132-25 à 132-70 du code pénal peuvent être déclarées exécutoires par provision ; que l'article 131-10 du code de procédure pénale, auquel l'article précité renvoie, vise les interdictions concernant les personnes physiques ; qu'il s'en déduit que l'article 471, alinéa 4, précité ne permet pas l'exécution provisoire des interdictions qui sont prononcées à titre de peine complémentaires à l'encontre des personnes morales ; que dès lors en ordonnant l'exécution provisoire de l'interdiction de candidater à un marché, la cour d'appel a méconnu l'article 471 du code de procédure pénale. »
16. Le cinquième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné la société [3] à payer une amende de 150 000 euros et a ordonné à son encontre, à titre de peines complémentaires, l'exclusion des marchés publics pour une durée d'un an et la fermeture définitive de son site de [Localité 6] et a ordonné l'exécution provisoire de ces peines complémentaires, alors :
« 2°/ que selon 471 alinéa 4 du code de procédure pénale, les sanctions pénales prononcées en application des articles 131-4-1 à 131-11 et 132-25 à 132-70 du code pénal peuvent être déclarées exécutoires par provision ; que l'article 131-10 du code de procédure pénale vise les interdictions concernant les personnes physiques ; qu'il s'en déduit que l'article 471, alinéa 4, précité ne permet pas l'exécution provisoire des interdictions concernant les personnes morales ; que dès lors en ordonnant l'exécution provisoire de l'interdiction de candidater à un marché et de la fermeture définitive du site de [Localité 6], la cour d'appel a méconnu l'article 471 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
17. Les moyens sont réunis.
Vu l'article 471, alinéa 4, du code de procédure pénale :
18. Aux termes de ce texte, les sanctions pénales prononcées en application des articles 131-4-1 à 131-11 et 132-25 à 132-70 du code pénal peuvent être déclarées exécutoires par provision.
19. Il résulte de ces dispositions, en ce qu'elles ne visent pas l'article 131-39 du même code, que les peines prononcées à l'encontre des personnes morales en application de ce dernier texte ne peuvent être assorties de l'exécution provisoire.
20. En ordonnant l'exécution provisoire des peines d'exclusion des marchés publics et de fermeture définitive d'un site à l'encontre de la société [3], ainsi que, à l'encontre de la société [2], de celle d'exclusion des marchés publics, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et les principes ci-dessus énoncés.
21. La cassation est par conséquent encourue.
Portée et conséquences de la cassation
22. La cassation aura lieu par voie de retranchement et sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.
Examen de la demande fondée sur l'article 618-1 du code de procédure pénale
23. La déclaration de culpabilité de M. [P] et des sociétés [3] et [2] devenant définitive, il y a lieu de faire partiellement droit aux demandes formées en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale.




Crim. 21 janvier 2025 n° 22-87.145 B

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° C 22-87.145 FS-B+R
N° 00003

LR 21 JANVIER 2025

CASSATION PAR VOIE DE RETRANCHEMENT SANS RENVOI

M. BONNAL président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 21 JANVIER 2025


MM. [NL] [XG], [ZL] [FS], Mmes [SI] [CL], épouse [VE], et [OS] [YM], ainsi que Mme [HM] [GI], partie civile, ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-13, en date du 30 septembre 2022, qui, pour harcèlement moral, a condamné les deux premiers à un an d'emprisonnement avec sursis, 15 000 euros d'amende et une confiscation, et, pour complicité de harcèlement moral, la troisième à six mois d'emprisonnement avec sursis et une confiscation, la quatrième à trois mois d'emprisonnement avec sursis et une confiscation, et a prononcé sur les intérêts civils.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits.
Sur le rapport de M. Maziau, conseiller, les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de M. [ZL] [FS], les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [NL] [XG], les observations de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de Mme [SI] [CL], épouse [VE], les observations de la SCP Spinosi, avocat de Mme [OS] [YM], les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de Mme [HM] [GI], les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de MM. [EY] et [HU] [BC], Mme [UI] [H], épouse [BC], Mmes [VL] et [TE] [BC], les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la Fédération [5], l'Union [15], Mmes [Y] [HW], [ZT] [PL], M. [R] [PL], les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat du syndicat [1], M. [UK] [SN], Mme [ZB] [LY], épouse [XT], la fédération [2], les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat du Syndicat [10], l'Union [13], Association [6], la Fédération [3], la Fédération [14], la Fédération [4], Mmes [CX] [E], [UI] [D], [PT] [Z], [EL] [V], [IP] [BZ] [N], [NN] [J], [SI] [DT], [RO] [FA], [BF] [VR], [TY] [EG], [VC] [WS], [PG] [ZN], [MD] [UP], [TA] [GN], [FU] [MF] épouse [FW], [GD] [MF], [NR] [YU], [FF] [SV], [TR] [FH], [L] [YZ], [IX] [PV], [NB] [LL], [I] [FM], [VC] [AM], [GB] [BI], épouse [MF], [TR] [IB], [JH] [YS], [I] [IV], [RM] [HJ], [OS] [YH], [LR] [ZV], [TW] [XR], [GP] [CU], [BK] [F], épouse [VW], [L] [OO], [UZ] [MA], [CG] [SG], [TR] [XN], [T] [RJ], [TW] [JL], épouse [EK], [NY] [WU], [IK] [ZY], [HH] [DD], [GX] [LW], [WM] [IS], [FU] [VO], [TW] [YD], [GD] [MP], épouse [TO], MM. [YO] [K], [OA] [U], [UB] [G], [KZ] [O], [KS] [B], [UB] [JJ], [NG] [LE], [KB] [NT], [FO] [GV], [KI] [TC], [RA] [BH], [XY] [UX], [P] [HO], [KB] [PN], [OA] [MZ], [KF] [KD], [KB] [RH], [RU] [WK], [ID] [AE], [KB] [MS], [KP] [AK], [JO] [OM], [ZE] [VY], [CM] [TJ], [VJ] [YF], [YO] [BN], [W] [MF], [IG] [JR], [KB] [KX], [YO] [AD], [PI] [ET], [XL] [HC], [YK] [CY], [KF] [JW], [UB] [EN], [ZG] [WZ], [NE] [XE], [SB] [PB], [IV] [DG], [RW] [MK], [FC] [WF], [RF] [SX], [WX] [RC], [SP] [EH], [RW] [IV], [JC] [OH], [FO] [LT], [GG] [JE], [NL] [JY], [XL] [DA], [WX] [DY], [YO] [EV], [DM] [LJ], [W] [SD], [IN] [MU], [HA] [AZ], [KB] [EB], [XL] [VT], [JC] [TH], [ID] [US], [WX] [KF], [AP] [EE], [JO] [MX], [VJ] [AU], [ZG] [HR], [MM] [SG], [JC] [WP], [XL] [PP], [UB] [GT], [H] [NV], [ID] [CA], [M] [LC], [YA] [DV], [UB] [ZI], [DS] [XJ], [AP] [SK], [CS] [LG], [WD] [BW], [BE] [BX], [X] [OK], [II] [EI], [OU] [OW], [P] [DB], [ID] [KM], [KF] [BU],
les observations de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, Rameix, avocat de M. [DS] [AR], et les conclusions de M. Tarabeux, avocat général, les avocats ayant eu la parole en dernier, après débats en l'audience publique du 13 novembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Maziau, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, MM. Cavalerie, Seys, Mmes Thomas, Chaline-Bellamy, M. Hill, conseillers de la chambre, M. Violeau, Mme Merloz, M. Pradel, conseillers référendaires, M. Tarabeux, avocat général, Mme Sommier, greffier de chambre, et Mme Le Roch, greffier de chambre présent au prononcé,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. A la suite de la plainte déposée par le syndicat [12], en décembre 2009, du chef notamment de harcèlement moral contre la société [8] et trois de ses dirigeants, dénonçant les conditions dans lesquelles avaient été mis en oeuvre le plan NExT (« Nouvelle Expérience des Télécoms ») et son volet social, le programme ACT (« Anticipation et Compétences pour la Transformation »), annoncés en 2006, reposant sur une réduction des effectifs à hauteur de 22 000 salariés ou agents (ci-après indifféremment désignés comme salariés ou agents) sur environ 120 000, une information a été ouverte le 8 avril 2010.
3. La société [8], devenue la société [11] le 1er juillet 2013 (ci-après la société [8]), et plusieurs cadres dirigeants, dont le président-directeur général du groupe, M. [NL] [XG], ont été mis en examen, notamment, du chef de harcèlement moral ou complicité de ce délit.
4. Par ordonnance du 12 juin 2018, le juge d'instruction a notamment renvoyé devant le tribunal correctionnel du chef de harcèlement moral, commis entre 2007 et 2010, la société [8], M. [XG], ainsi que deux cadres dirigeants de l'entreprise, M. [ZL] [FS], directeur des opérations France au sein de la société [8], directeur exécutif délégué et président de la société [11], et M. [YK] [C], directeur des ressources humaines.
5. Il est reproché à ces prévenus, ainsi qu'à la société [8], d'avoir, entre 2007 et 2010, harcelé notamment trente-neuf salariés nommément désignés par « des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail des personnels, susceptible de porter atteinte à leur droit et à leur dignité, d'altérer leur santé physique ou mentale ou de compromettre leur avenir professionnel, en l'espèce en mettant en place, dans le cadre des plans NExT et ACT, une politique d'entreprise visant à déstabiliser les salariés et agents, à créer un climat professionnel anxiogène, en recourant notamment à des réorganisations multiples et désordonnées, des incitations répétées au départ, des mobilités géographiques et/ou fonctionnelles forcées, la surcharge de travail, la pression des résultats ou à l'inverse l'absence de travail, un contrôle excessif et intrusif, l'attribution de missions dévalorisantes, l'absence d'accompagnement et de soutien adaptés des ressources humaines, des formations insuffisantes voire inexistantes, l'isolement des personnels, des manoeuvres d'intimidation, voire des menaces et des diminutions de rémunération ».
6. Par la même ordonnance, le juge d'instruction a renvoyé devant le tribunal correctionnel, sous la prévention de complicité du délit de harcèlement moral reproché à la société [8] et aux dirigeants précités, Mme [SI] [CL], épouse [VE], directrice du programme ACT, directrice des ressources humaines France puis directrice adjointe des ressources humaines du groupe, Mme [OS] [YM], directrice des actions territoriales d'opérations France, M. [OF] [UD], directeur des ressources humaines France, et M. [DS] [AR], directeur de la direction territoriale Est puis directeur des ressources humaines France.
7. Il leur est reproché de s'être rendus complices du délit de harcèlement moral, au préjudice notamment des mêmes trente-neuf salariés, en ayant facilité sciemment la préparation et la consommation de celui-ci, par aide et assistance, en l'espèce, notamment, s'agissant de Mme [CL]-[VE], entre 2007 et 2010, « en organisant le suivi strict et concret des réductions d'effectifs, en mettant en place des outils de pression sur les départs tels que les réorganisations laissant des salariés et des agents sans poste, un management par les résultats, en encourageant les procédés visant à créer une instabilité pour les agents et salariés, et en organisant les incitations financières relatives à l'atteinte des objectifs de réduction d'effectifs », et, s'agissant de Mme [YM], entre 2007 et mars 2008, « en organisant le suivi strict et concret des réductions d'effectifs et en pratiquant un mode de management très directif encourageant la pression sur les départs ».
8. De très nombreuses parties civiles se sont constituées, dont Mme [HM] [GI].
9. Par jugement du 20 décembre 2019, le tribunal correctionnel a, sur l'action publique, prononcé des relaxes partielles concernant, d'une part, les faits commis du 1er janvier 2009 à fin 2010, s'agissant de MM. [XG], [FS] et [C] ainsi que Mme [CL]-[VE], d'autre part, ceux commis du 6 mai 2008 à fin 2010 s'agissant de M. [AR], et déclaré les prévenus coupables des délits qui leur étaient reprochés, entre janvier 2007 et décembre 2008, et a prononcé sur les intérêts civils.
10. Les prévenus ont interjeté appel, à l'exception de la société [8]. Le ministère public a interjeté appel incident ainsi que les parties civiles. M. [C] s'est désisté de son appel.
Examen des moyens
Sur le troisième moyen, pris en sa première branche, proposé pour M. [XG], le deuxième moyen proposé pour M. [FS], le deuxième moyen, pris en sa troisième branche, et le troisième moyen, pris en ses troisième et quatrième branches, proposés pour Mme [CL]-[VE], et le troisième moyen, pris en sa première branche, proposé pour Mme [YM]
11. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission des pourvois au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen, pris en sa première branche, proposé pour M. [XG], le premier moyen proposé pour Mme [CL]-[VE], et le troisième moyen proposé pour M. [FS]
Enoncé des moyens
12. Le moyen proposé pour M. [XG] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclaré coupable de harcèlement moral institutionnel, alors :
« 1°/ que les dispositions de l'article 222-33-2 du code pénal, telles qu'interprétées par la Cour de cassation, portent atteinte à la liberté d'entreprendre en ce qu'elles incriminent toute politique d'entreprise ayant simplement pour effet une dégradation des conditions de travail d'autrui, ladite dégradation devant seulement être susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, et aux droits collectifs des travailleurs, en ce qu'elles répriment toute politique syndicale ayant les mêmes effets ; qu'il y a lieu, dès lors, de renvoyer une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel et de constater, à la suite de la déclaration d'inconstitutionnalité qui interviendra, que l'arrêt attaqué se trouve privé de base légale au regard de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et des alinéas 6 et 8 du Préambule de la Constitution de 1946. »
13. Le moyen proposé pour Mme [CL]-[VE] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclarée coupable de complicité de harcèlement moral dans la limite de la prévention retenue par le jugement sauf à préciser que les faits ont été commis alors que la prévenue avait également la qualité de DRH France, l'a condamnée pénalement et a prononcé sur les intérêts civils, alors « que l'article 222-33-2 du code pénal, tel qu'interprété par une jurisprudence constante de la Cour de cassation, est contraire au principe de légalité des délits et des peines, au principe de non-rétroactivité des lois pénales plus sévères, au principe d'interprétation stricte de la loi pénale, à la nécessaire prévisibilité de la loi pénale et au principe de sécurité juridique, garantis par les articles 8 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, en ce qu'il réprime le harcèlement moral institutionnel commis antérieurement à la décision de la Cour de cassation l'ayant consacré, quand aucun justiciable ne pouvait alors savoir, ni à partir du libellé de l'article 222-33-2, ni à l'aide de l'interprétation qui en était donnée par les tribunaux, ni en recourant à des conseils éclairés, que certains de ses actes ou omissions étaient susceptibles d'engager sa responsabilité pénale et quelle peine il encourait de ce chef ; qu'il y a lieu, dès lors, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par l'exposante par mémoire distinct et motivé ; qu'à la suite de la déclaration d'inconstitutionnalité qui interviendra, l'arrêt attaqué se trouvera privé de base légale. »
14. Le moyen proposé pour M. [FS] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclaré coupable de harcèlement moral du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008, condamné à une peine d'un an d'emprisonnement assortie en totalité du sursis simple, ainsi qu'à une peine d'amende de 15 000 euros et à titre de peine complémentaire à la confiscation des scellés, et sur l'action civile, a rejeté les exceptions d'irrecevabilité des constitutions de partie civile soulevées par tous les prévenus appelants, notamment par M. [FS], confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré recevables les constitutions de partie civile des personnes physiques et morales mentionnées dans le tableau figurant pages 288 à 341 de l'arrêt attaqué, condamné M. [FS], solidairement avec M. [XG] et Mmes [VE] et [YM], à payer aux parties civiles mentionnées dans ce tableau les sommes figurant en dernière colonne, au titre des dommages et intérêts, condamné M. [FS], in solidum avec M. [XG] et Mmes [VE] et [YM], à payer aux parties civiles également mentionnées les sommes figurant en dernière colonne, au titre des dispositions de l'article 475-1 du code de procédure pénale, et ajoutant au jugement, condamné M. [FS], in solidum avec M. [XG] et Mmes [VE] et [YM], à payer aux parties civiles mentionnées dans le tableau les sommes figurant en dernière colonne, au titre des dispositions de l'article 475-1 du code de procédure pénale, en cause d'appel, alors « que les dispositions de l'article 222-33-2 du code pénal sont contraires aux principes de légalité des délits et des peines, d'interprétation stricte de la loi pénale et de non-rétroactivité de la loi pénale d'incrimination plus sévère, garantis par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, en ce qu'elles répriment le harcèlement moral institutionnel bien que le texte ne dispose rien de tel, que le principe d'interprétation stricte de la loi pénale empêche une interprétation extensive et qu'à supposer même que les deux arrêts de la Cour de cassation des 4 octobre 2016 et 5 juin 2018 puissent constituer des précédents jurisprudentiels, ils ne pouvaient, au regard du principe de non-rétroactivité de la loi pénale d'incrimination plus sévère, constituer la loi au sens matériel applicable aux faits incriminés pour avoir été rendus postérieurement à la période de prévention et à celle retenue par la cour d'appel allant du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008 ; qu'après renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité de M. [ZL] [FS], par un écrit distinct et motivé, au Conseil constitutionnel, et de la déclaration de non-conformité de ses dispositions à la Constitution qui s'ensuivra, l'arrêt attaqué aura perdu son fondement juridique. »
Réponse de la Cour
15. Les moyens sont réunis.
16. Par arrêts des 5 septembre et 17 octobre 2023, la Cour de cassation a dit n'y avoir lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité posées, d'une part, par M. [XG] et Mme [CL]-[VE], d'autre part, par M. [FS].
17. Il en résulte que les griefs sont devenus sans objet.
Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et cinquième branches, proposé pour M. [XG], le premier moyen, pris en sa première branche, proposé pour M. [FS], le deuxième moyen, pris en sa première branche, et le troisième moyen, pris en ses première et cinquième branches, proposés pour Mme [CL]-[VE], et le premier moyen, pris en sa première branche, proposé pour Mme [YM]
Enoncés des moyens
18. Le moyen proposé pour M. [XG] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclaré coupable de harcèlement moral institutionnel, alors :
« 2°/ que la loi pénale est d'interprétation stricte ; que le harcèlement moral ne peut être consommé que dans des relations interpersonnelles entre l'auteur de l'agissement et une ou plusieurs personnes déterminées ; qu'en retenant, pour déclarer M. [XG] coupable de harcèlement moral institutionnel à raison de faits « résultant, non pas de [ses] relations individuelles avec [les] salariés, mais de la politique d'entreprise [que les dirigeants] avaient conçue et mise en oeuvre » (arrêt, p. 127, § 2, alinéa 1), que « les décisions d'organisation prises dans le cadre professionnel peuvent, dans un contexte particulier, être source d'insécurité permanente pour tout le personnel et devenir alors harcelantes pour certains salariés » (arrêt, p. 129, § 1er), quand il ressort de cette analyse qu'elle a appliqué extensivement la loi pénale à des agissements qui n'étaient ni directement imputables au prévenu, ni dirigés contre des fonctionnaires ou des salariés déterminés, la cour d'appel a violé les articles 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 111-4 et 222-33-2 du code pénal ;
5°/ qu'en toute hypothèse, nul n'est pénalement responsable que de son propre fait ; qu'une "politique d'entreprise" constitutive de harcèlement moral institutionnel résulte de la délibération des organes collégiaux d'une société anonyme et ne peut engager la responsabilité pénale que de la personne morale, à l'exclusion de celle des personnes physiques occupant des postes de direction sauf à ce que soient caractérisés, à l'égard de ces dernières, des agissements répétés s'inscrivant dans une relation interpersonnelle avec des salariés déterminés ; qu'en déclarant M. [XG] coupable, comme auteur, du chef de harcèlement moral institutionnel, cependant qu'elle constatait que la politique d'entreprise poursuivie procédait d'« une décision arrêtée au plus haut niveau de pilotage de la société » (arrêt, p. 136, § 1), qu'« il n'exist[ait] aucun lien professionnel direct entre les [...] prévenus personnes physiques » et les plaignants, qu'« ils ne se connaissaient pas et n'[avaient] jamais travaillé ensemble » et que la responsabilité de M. [XG] « repos[ait] [...] sur une décision partagée » (jugement confirmé, p. 100, § 3 ; arrêt, p. 136, § 1) en ce que son « absence ou [son] refus de [...] participation [...] n'aurait pas permis la réalisation du délit » (jugement confirmé, p. 281), ce dont il résultait que seule la société [8] avait des relations directes avec chacun des fonctionnaires et salariés concernés et que, engagée par la délibération collégiale de ses organes, elle pouvait seule être déclarée coupable, la cour d'appel a violé les articles 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 121-1, 121-2 et 222-33-2 du code pénal. »
19. Le moyen proposé pour M. [FS] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclaré coupable de harcèlement moral du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008, condamné à une peine d'un an d'emprisonnement assortie en totalité du sursis simple, ainsi qu'à une peine d'amende de 15 000 euros et à titre de peine complémentaire à la confiscation des scellés, et sur l'action civile, a rejeté les exceptions d'irrecevabilité des constitutions de partie civile soulevées par tous les prévenus appelants, notamment par M. [FS], confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré recevables les constitutions de partie civile des personnes physiques et morales mentionnées dans le tableau figurant pages 288 à 341 de l'arrêt attaqué, condamné M. [FS], solidairement avec M. [XG] et Mmes [VE] et [YM], à payer aux parties civiles mentionnées dans ce tableau les sommes figurant en dernière colonne, au titre des dommages et intérêts, condamné M. [FS], in solidum avec M. [XG] et Mmes [VE] et [YM], à payer aux parties civiles également mentionnées les sommes figurant en dernière colonne, au titre des dispositions de l'article 475-1 du code de procédure pénale, et ajoutant au jugement, condamné M. [FS], in solidum avec M. [XG] et Mmes [VE] et [YM], à payer aux parties civiles mentionnées dans le tableau les sommes figurant en dernière colonne, au titre des dispositions de l'article 475-1 du code de procédure pénale, en cause d'appel, alors :
« 1°/ que l'article 222-33-2 du code pénal, dans sa rédaction en vigueur à l'époque des faits, ne sanctionne pas le « harcèlement moral institutionnel », défini par l'arrêt attaqué comme un harcèlement qui serait le résultat d'agissements répétés pouvant résulter de méthode de gestion ou de management, voire d'une véritable organisation managériale, lesquelles n'avaient pas nécessairement pour objet initial de dégrader les conditions de travail mais, qui ont eu pour objet final ou pour effet, dans leur mise en oeuvre, de dégrader les conditions de travail individuelles et collectives de salariés et d'agents non déterminés d'une entreprise ; qu'il sanctionne des agissements répétés à l'encontre d'une ou de plusieurs personnes déterminées ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'en décidant néanmoins que la disposition susvisée sanctionnerait le « harcèlement moral institutionnel », la cour d'appel a violé l'article susvisée. »
20. Le deuxième moyen proposé pour Mme [CL]-[VE] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclarée coupable de complicité de harcèlement moral dans la limite de la prévention retenue par le jugement sauf à préciser que les faits ont été commis alors que la prévenue avait également la qualité de DRH France, l'a condamnée pénalement et a prononcé sur les intérêts civils, alors :
« 1°/ que la complicité suppose un fait principal punissable ; que la loi pénale est d'interprétation stricte ; qu'est incriminé au titre du harcèlement moral dans le cadre du travail le fait de harceler autrui par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ce qui implique que soit identifiée une victime déterminée ; qu'en déclarant Mme [SI] [VE] coupable de complicité de harcèlement moral institutionnel qui n'est pas incriminé par l'article 222-33-2 du code pénal dès lors qu'il n'implique pas que soit identifiée une victime déterminée, la cour d'appel a méconnu ledit texte, ensemble le principe de légalité des délits et des peines et le principe d'interprétation stricte de la loi pénale. »
21. Le troisième moyen proposé pour Mme [CL]-[VE] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclarée coupable de complicité de harcèlement moral dans la limite de la prévention retenue par le jugement sauf à préciser que les faits ont été commis alors que la prévenue avait également la qualité de DRH France, l'a condamnée pénalement et a prononcé sur les intérêts civils, alors :
« 1°/ que la complicité suppose un fait principal punissable ; que la loi pénale est d'interprétation stricte ; que le harcèlement moral ne peut être consommé que dans des relations interpersonnelles entre l'auteur de l'agissement et une ou plusieurs personnes déterminées ; qu'en retenant, pour déclarer Mme [CL]-[VE] coupable de complicité de harcèlement moral institutionnel à raison de faits « résultant, non pas de [ses] relations individuelles avec [les] salariés, mais de la politique d'entreprise [que les dirigeants] avaient conçue et mise en oeuvre » (arrêt, p. 127, § 2, alinéa 1er), que « les décisions d'organisation prises dans le cadre professionnel peuvent, dans un contexte particulier, être source d'insécurité permanente pour tout le personnel et devenir alors harcelantes pour certains salariés » (arrêt, p. 129, § 1), quand il ressort de cette analyse qu'elle a appliqué extensivement la loi pénale à des agissements qui n'étaient ni directement imputables à la prévenue, ni dirigés contre des fonctionnaires ou des salariés déterminés, la cour d'appel a violé les articles 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 111-4 et 222-33-2 du code pénal ;
5°/ qu'en toute hypothèse la complicité suppose un fait principal punissable ; nul n'est pénalement responsable que de son propre fait ; qu'une « politique d'entreprise » constitutive de harcèlement moral institutionnel résulte de la délibération des organes collégiaux d'une société anonyme et ne peut engager la responsabilité pénale que de la personne morale, à l'exclusion de celle des personnes physiques occupant des postes de direction sauf à ce que soient caractérisés, à l'égard de ces dernières, des agissements répétés s'inscrivant dans une relation interpersonnelle avec des salariés déterminés ; qu'en déclarant Mme [CL]-[VE] coupable, comme complice, du chef de harcèlement moral institutionnel, cependant qu'elle constatait que la politique d'entreprise poursuivie procédait d'« une décision arrêtée au plus haut niveau de pilotage de la société » (arrêt, p. 136, § 1), qu'« il n'exist[ait] aucun lien professionnel direct entre les [...] prévenus personnes physiques » et les plaignants, qu'« ils ne se connaissaient pas et n'[avaient] jamais travaillé ensemble » et que la responsabilité de Mme [CL]-[VE] « repos[ait] [...] sur une décision partagée » (jugement confirmé, p. 100, § 3 ; arrêt, p. 136, § 1) ce dont il résultait que seule la société [8] avait des relations directes avec chacun des fonctionnaires et salariés concernés et que, engagée par la délibération collégiale de ses organes, elle pouvait seule être déclarée coupable, la cour d'appel a violé les articles 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 121-1, 121-2 et 222-33-2 du code pénal. »
22. Le moyen proposé pour Mme [YM] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclarée coupable de complicité de harcèlement moral, alors :
« 1°/ que, d'une part, lorsque le délit de harcèlement moral résulte de méthodes de management applicables à une communauté de salariés, les agissements répétés réprimés au titre de ce délit sont ceux qui s'individualisent à l'égard de chacun des salariés, seuls ceux-ci étant susceptibles d'entraîner directement la dégradation de leurs conditions de travail ; qu'en déclarant le délit de harcèlement moral caractérisé à l'égard des dirigeants de la société [8] en retenant, non pas la commission d'agissements individualisés commis à l'égard de chacun des salariés, mais la définition d'une politique d'entreprise applicable à l'ensemble du groupe, la cour d'appel a violé le principe d'interprétation stricte de la loi pénale et les articles 111-4, 222-33-2 du code pénal et 591 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
23. Les moyens sont réunis.
24. La cour d'appel a retenu que les prévenus s'étaient rendus coupables de harcèlement moral institutionnel ou de complicité de ce délit.
25. Le harcèlement moral institutionnel a été défini par l'arrêt attaqué, par motifs adoptés, comme des agissements définissant et mettant en oeuvre une politique d'entreprise ayant pour but de structurer le travail de tout ou partie d'une collectivité d'agents, agissements porteurs, par leur répétition, de façon latente ou concrète, d'une dégradation, potentielle ou effective, des conditions de travail de cette collectivité et qui outrepassent les limites du pouvoir de direction.
26. Les juges ont encore défini la politique d'entreprise comme la politique principale des ressources humaines, composante de la politique générale de la société, déterminée par la ou les personnes qui ont le pouvoir et la capacité de faire appliquer leurs décisions aux agents et de modifier les comportements de ceux-ci.
27. Les moyens posent la question de savoir si le harcèlement moral institutionnel, ainsi défini, entre dans les prévisions de l'article 222-33-2 du code pénal.
28. La Cour de cassation juge, de façon constante, et au visa de l'article 111-4 du code pénal, que le principe de légalité des délits et des peines impose l'interprétation stricte de la loi pénale (par exemple, Crim., 25 juin 2002, pourvoi n° 00-81.359, Bull. crim. 2002, n° 144). Il se déduit de cette exigence que si le juge ne peut appliquer, par voie d'analogie ou par induction, la loi pénale à un comportement qu'elle ne vise pas, en revanche, il peut, en cas d'incertitude sur la portée d'un texte pénal, rechercher celle-ci en considérant les raisons qui ont présidé à son adoption (Crim., 5 septembre 2023, pourvoi n° 22-85.540, publié au Bulletin).
29. L'article 222-33-2 du code pénal, dans sa version applicable aux faits de l'espèce, issue de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 dite loi de modernisation sociale, incrimine le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
30. Ce texte distingue ainsi les agissements qui ont pour objet une dégradation des conditions de travail de ceux qui ont un tel effet.
31. La caractérisation des agissements ayant pour effet une dégradation des conditions de travail suppose que soient précisément identifiées les victimes de tels agissements. En revanche, lorsque les agissements harcelants ont pour objet une telle dégradation, la caractérisation de l'infraction n'exige pas que les agissements reprochés à leur auteur concernent un ou plusieurs salariés en relation directe avec lui ni que les salariés victimes soient individuellement désignés. En effet, dans cette hypothèse, le caractère formel de l'infraction n'implique pas la constatation d'une dégradation effective des conditions de travail.
32. En outre, le terme « autrui » peut désigner, en l'absence de toute autre précision, un collectif de salariés non individuellement identifiés.
33. Cette interprétation est conforme à la portée que le législateur a souhaité donner à cette incrimination.
34. En effet, si les travaux préparatoires à la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 précitée n'abordent pas spécifiquement la question du harcèlement moral collectif ou institutionnel, ils font état de ce qu'il a été « pris connaissance avec attention » d'un avis de la Commission nationale consultative des droits de l'homme du 29 juin 2000 consacré au harcèlement moral au travail.
35. Cet avis a identifié trois formes possibles de harcèlement moral, soit le harcèlement individuel, pratiqué dans un but purement gratuit de destruction d'autrui et de valorisation de son propre pouvoir, le harcèlement professionnel organisé à l'encontre d'un ou plusieurs salariés, précisément désignés, destiné à contourner les procédures légales de licenciement et le harcèlement institutionnel qui participe d'une stratégie de gestion de l'ensemble du personnel.
36. Par ailleurs, saisi par le Premier ministre en vue de conduire une réflexion sur le harcèlement moral au travail, à la suite d'un premier débat à l'Assemblée nationale sur cette question, le Conseil économique et social a, dans un avis du 11 avril 2001, distingué « le harcèlement essentiellement individuel ou d'un petit groupe » du harcèlement « collectif, professionnel ou institutionnel, qui s'inscrit alors dans une véritable stratégie du management pour imposer de nouvelles règles de fonctionnement, de nouvelles missions ou de nouvelles rentabilités », en précisant que « le harcèlement moral pourra alors se développer au moment de restructurations, de fusions-absorptions des entreprises privées ou de changement d'orientation managériale » (avis du Conseil économique et social, 11 avril 2001, p. 52).
37. Dans ce même document, il a proposé de définir l'infraction de harcèlement moral au travail comme « tous agissements répétés visant à dégrader les conditions humaines, relationnelles, matérielles de travail d'une ou plusieurs victimes, de nature à porter atteinte à leurs droits et leur dignité, pouvant altérer gravement leur état de santé et pouvant compromettre leur avenir professionnel », précisant que cette définition rendait compte de l'ensemble des situations de harcèlement moral au travail.
38. Commentant les termes de la définition proposée « d'une ou plusieurs victimes », le Conseil économique et social a souligné que « si le harcèlement moral au travail atteint, le plus souvent, une seule personne qui devient la cible des agissements d'un seul ou de plusieurs auteurs, il n'est pas rare que le processus vise en même temps plusieurs victimes. C'est alors souvent le cas d'une stratégie globale pour imposer de nouvelles méthodes de management, pour obtenir la démission de personnels dont les caractéristiques (par exemple, l'âge) ne correspondent pas aux « besoins » de l'entreprise. Il peut s'agir aussi d'un comportement individuel abusif de l'employeur » (avis précité pp. 59 et 60).
39. Il résulte encore des travaux préparatoires que le législateur a souhaité adopter une définition de cette infraction, d'une part, « la plus large et la plus consensuelle possible » qui « s'inspire très largement de l'avis du Conseil économique et social », d'autre part, qui tienne compte de son caractère protéiforme et complexe (rapport à la commission des affaires sociales du Sénat, n° 275, 18 avril 2001, MM. Claude Huriet, Bernard Seillier, Alain Gournac et Mme Annick Bocandé).
40. Il s'ensuit que l'élément légal de l'infraction de harcèlement moral n'exige pas que les agissements répétés s'exercent à l'égard d'une victime déterminée ou dans le cadre de relations interpersonnelles entre leur auteur et la ou les victimes, pourvu que ces dernières fassent partie de la même communauté de travail et aient été susceptibles de subir ou aient subi les conséquences visées à l'article 222-33-2 du code pénal.
41. Ainsi, indépendamment de toute considération sur les choix stratégiques qui relèvent des seuls organes décisionnels de la société, constituent des agissements entrant dans les prévisions de l'article 222-33-2 du code pénal, dans sa version résultant de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002, et pouvant caractériser une situation de harcèlement moral institutionnel, les agissements visant à arrêter et mettre en oeuvre, en connaissance de cause, une politique d'entreprise qui a pour objet de dégrader les conditions de travail de tout ou partie des salariés aux fins de parvenir à une réduction des effectifs ou d'atteindre tout autre objectif, qu'il soit managérial, économique ou financier, ou qui a pour effet une telle dégradation, susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité de ces salariés, d'altérer leur santé physique ou mentale ou de compromettre leur avenir professionnel.
42. Les moyens doivent, dès lors, être écartés.
Sur le premier moyen, pris en ses troisième et quatrième branches, proposé pour M. [XG], le premier moyen, pris en ses troisième et quatrième branches, proposé pour M. [FS], le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche, et le cinquième moyen proposés pour Mme [CL]-[VE], et le premier moyen, pris en ses troisième et quatrième branches, proposé pour Mme [YM]
43. Le moyen proposé pour M. [XG] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclaré coupable de harcèlement moral institutionnel, alors :
« 3°/ qu'en affirmant, pour écarter le moyen tiré de l'imprévisibilité de l'interprétation retenue de la loi pénale à la date des faits poursuivis, que l'exigence de prévisibilité « s'applique à la loi et pas à la jurisprudence » (arrêt, p. 128, § 1, alinéa 3), quand la notion de "droit" utilisée à l'article 7 correspond à celle de "loi" qui figure dans d'autres articles de la Convention, englobe le droit d'origine tant législative que jurisprudentielle et implique des conditions qualitatives, entre autres celles de l'accessibilité et de la prévisibilité, la cour d'appel a violé les articles 7 de la Convention de sauvegarde, 111-3 et 112-1 du code pénal ;
4°/ que le principe de la légalité des délits et des peines interdit que le droit pénal soit interprété extensivement au détriment du prévenu ; qu'il en résulte que, faute au minimum d'une interprétation jurisprudentielle accessible et raisonnablement prévisible, les exigences de l'article 7 de la Convention de sauvegarde ne sauraient être regardées comme respectées ; qu'en retenant, par motifs éventuellement adoptés, que la jurisprudence antérieure et concomitante à la période de prévention avait admis la responsabilité pénale de dirigeants du chef de harcèlement moral à raison d'une politique d'entreprise, quand il en résultait au contraire une exigence dominante d'une intention de nuire et la limitation du harcèlement moral à des agissements s'inscrivant dans des relations interpersonnelles en sorte que, même en tant que professionnel qui pouvait s'entourer de conseils de juristes, il était difficile, voire impossible pour M. [XG] de prévoir l'extension de l'application du texte à une politique d'entreprise et donc de savoir, au moment où il les a commis, que ses actes pouvaient entraîner une sanction pénale, la cour d'appel a violé les articles 34 de la Constitution, 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 15, § 1, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 6, § 1, et 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 111-3, 111-4, 112-1 et 222-33-2 du code pénal. »
44. Le moyen proposé pour M. [FS] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclaré coupable de harcèlement moral du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008, condamné à une peine d'un an d'emprisonnement assortie en totalité du sursis simple, ainsi qu'à une peine d'amende de 15 000 euros et à titre de peine complémentaire à la confiscation des scellés, et sur l'action civile, a rejeté les exceptions d'irrecevabilité des constitutions de partie civile soulevées par tous les prévenus appelants, notamment par M. [FS], confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré recevables les constitutions de partie civile des personnes physiques et morales mentionnées dans le tableau figurant pages 288 à 341 de l'arrêt attaqué, condamné M. [FS], solidairement avec M. [XG] et Mmes [VE] et [YM], à payer aux parties civiles mentionnées dans ce tableau les sommes figurant en dernière colonne, au titre des dommages et intérêts, condamné M. [FS], in solidum avec M. [XG] et Mmes [VE] et [YM], à payer aux parties civiles également mentionnées les sommes figurant en dernière colonne, au titre des dispositions de l'article 475-1 du code de procédure pénale, et ajoutant au jugement, condamné M. [FS], in solidum avec M. [XG] et Mmes [VE] et [YM], à payer aux parties civiles mentionnées dans le tableau les sommes figurant en dernière colonne, au titre des dispositions de l'article 475-1 du code de procédure pénale, en cause d'appel, alors :
« 3°/ qu'il résulte des articles 111-3 du code pénal et 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que la répression pénale ne peut s'accomplir sur le fondement d'un texte qui n'était pas clair et n'a pas donné lieu, au moment des faits considérés, à une interprétation jurisprudentielle éclairante, de sorte que le justiciable ne pouvait raisonnablement prévoir que les actes qu'il a accomplis étaient répréhensibles ; qu'à supposer même, pour les besoins de la discussion, que l'article 222-33-2 du code pénal, dans sa rédaction applicable en la cause, puisse être interprété, en raison de son ambigüité, comme pouvant sanctionner le «harcèlement moral institutionnel» matérialisé par une politique générale d'entreprise ayant pour objet ou pour effet de dégrader les conditions de travail individuelles et collectives de salariés et d'agents non déterminés d'une entreprise, Monsieur [FS] ne pouvait être sanctionné pénalement sur le fondement de cette dernière disposition dont l'ambiguïté n'avait pas été levée, au moment des faits, par une interprétation jurisprudentielle ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel aurait donc, en toute hypothèse, violé les dispositions susvisées ;
4°/ qu'en se fondant, pour écarter « le moyen tiré de l'imprévisibilité au visa de l'article 7 de la Convention européenne de droits de l'homme », sur deux arrêts de la Cour de cassation en date des 4 octobre 2016 et 5 juin 2018 (arrêt, p. 128), soit postérieurs aux faits incriminés, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble les articles 111-3 du code pénal et 593 du code de procédure pénale. »
45. Le deuxième moyen proposé pour Mme [CL]-[VE] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclarée coupable de complicité de harcèlement moral dans la limite de la prévention retenue par le jugement sauf à préciser que les faits ont été commis alors que la prévenue avait également la qualité de DRH France, l'a condamnée pénalement et a prononcé sur les intérêts civils, alors :
« 2°/ en toute hypothèse, que la complicité suppose un fait principal punissable ; qu'une interprétation nouvelle et imprévisible d'un texte pénal par la jurisprudence, constitutive d'un revirement de jurisprudence, ne peut s'appliquer à des faits antérieurs à la décision qui la contient sans porter atteinte au principe de sécurité juridique garanti par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et au principe de prévisibilité juridique découlant de l'article 7 de la même Convention ; que Mme [SI] [VE] faisait valoir devant la cour d'appel n'avoir « pu se rendre complice de l'infraction de harcèlement moral telle qu'entendue par le tribunal, le harcèlement moral institutionnel n'existant pas à l'époque des faits qui lui sont reprochés - et la consécration de celui-ci ayant été imprévisible, cette consécration du harcèlement moral institutionnel ne saurait s'appliquer de manière rétroactive aux faits [qui lui étaient reprochés] » (écritures aux fins de relaxe, p. 38, dernier §) ; que pour déclarer Mme [SI] [VE] coupable de complicité de harcèlement moral, la cour d'appel a énoncé que « [v]ainement, la défense des prévenus oppose à la cour le moyen tiré de l'imprévisibilité au visa de l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme ; [qu'en] effet, cette exigence de prévisibilité s'applique à la loi et pas à la jurisprudence ; [que l]es prévenus ne peuvent invoquer pour s'abriter l'imprévisibilité du revirement de jurisprudence alors que l'interprétation du texte est au coeur de la construction du droit et relève de l'office du juge » (arrêt attaqué, p. 127, § 2 et 3) ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les principes de sécurité juridique et de prévisibilité juridique découlant des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble le principe de légalité des délits et des peines et de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère. »
46. Le cinquième moyen proposé pour Mme [CL]-[VE] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclarée coupable de complicité de harcèlement moral dans la limite de la prévention retenue par le jugement sauf à préciser que les faits ont été commis alors que la prévenue avait également la qualité de DRH France, l'a condamnée pénalement et a prononcé sur les intérêts civils, alors « qu'en se fondant, pour écarter « le moyen tiré de l'imprévisibilité au visa de l'article 7 de la Convention européenne de droits de l'homme », sur deux arrêts de la Cour de cassation en date des 4 octobre 2016 et 5 juin 2018 (arrêt, p. 128), soit postérieurs aux faits incriminés, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble les articles 111-3 du code pénal et 593 du code de procédure pénale. »
47. Le moyen proposé pour Mme [YM] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclarée coupable de complicité de harcèlement moral, alors :
« 3°/ qu'en tout état de cause, une interprétation jurisprudentielle nouvelle plus sévère ne peut trouver à s'appliquer aux prévenus faute d'avoir été raisonnablement prévisible au moment des faits ; que l'article 222-33-2 du Code pénal n'a jamais permis de condamner des agissements insusceptibles d'entraîner directement la dégradation des conditions de travail faute d'avoir été individualisés à l'égard des salariés ; qu'en déclarant pourtant les prévenus coupables de harcèlement moral pour avoir défini une politique d'entreprise s'appliquant de façon indifférenciée à une communauté de salariés et n'ayant qu'indirectement entraîné la dégradation de leurs conditions de travail, la cour d'appel a violé l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
4°/ qu'au surplus, en appliquant aux prévenus une interprétation jurisprudentielle plus sévère qui n'était pas raisonnablement prévisible au moment de faits, aux motifs erronés que « l'exigence de prévisibilité s'applique à la loi et pas à la jurisprudence » (arrêt, p. 128, § 3), la cour d'appel a encore violé l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
48. Les moyens sont réunis.
49. La Cour européenne des droits de l'homme juge que l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme n'a pas pour unique objet de prohiber l'application rétroactive du droit pénal au désavantage de l'accusé mais consacre aussi, d'une manière plus générale, le principe de la légalité des délits et des peines et celui qui commande de ne pas appliquer la loi pénale de manière extensive au détriment de l'accusé, notamment par analogie.
50. Elle en déduit qu'une infraction doit être clairement définie par la loi et que cette condition est satisfaite lorsque le justiciable peut savoir, à partir du libellé de la disposition pertinente et, au besoin, à l'aide de son interprétation par les tribunaux, le cas échéant après avoir recouru à des conseils éclairés, quelles actions et omissions engagent sa responsabilité pénale.
51. Elle précise, à cet égard, que la notion de « droit » utilisée à l'article 7 précité englobe le droit d'origine tant législative que jurisprudentielle et implique des conditions qualitatives, notamment celles d'accessibilité et de prévisibilité.
52. Pour autant, selon la Cour européenne des droits de l'homme, l'article 7 de la Convention ne saurait être interprété comme proscrivant la clarification graduelle des règles de la responsabilité pénale par l'interprétation judiciaire d'une affaire à l'autre, à condition que le résultat soit cohérent avec la substance de l'infraction et raisonnablement prévisible. A la différence des cas de revirement de jurisprudence, une interprétation de la portée d'une infraction qui se trouve être cohérente avec la substance de cette infraction doit, en principe, être considérée comme prévisible.
53. Pour déterminer si une interprétation large donnée de la loi par les juridictions internes était raisonnablement prévisible, la Cour européenne des droits de l'homme recherche si l'interprétation en question correspondait à une ligne perceptible de jurisprudence, ou si son application dans des circonstances élargies cadrait néanmoins avec la substance de l'infraction (en dernier lieu, CEDH, arrêt du 9 juillet 2024, Delga c. France, n° 8998/20).
54. En l'espèce, c'est à tort que, pour écarter les moyens pris de la méconnaissance du principe de prévisibilité juridique garanti par l'article 7 précité, la cour d'appel retient que ce principe s'applique à la loi et non à la jurisprudence.
55. C'est également à tort qu'elle s'appuie sur deux arrêts du 4 octobre 2016 (Crim., 4 octobre 2016, pourvoi n° 16-81.200) et du 5 juin 2018 (Crim., 5 juin 2018, pourvoi n° 17-87.524) précédemment rendus par la Cour de cassation dans la présente procédure dès lors que la prévisibilité de l'interprétation jurisprudentielle doit s'apprécier au moment des faits objet de la prévention.
56. L'arrêt n'encourt cependant pas la censure pour les motifs qui suivent.
57. D'une part, la Cour de cassation n'a jamais interprété l'infraction comme exigeant, dans toutes les situations, qu'un rapport de travail direct et individualisé entre la personne poursuivie pour harcèlement et sa ou ses victimes soit constaté, et que les agissements qui lui sont imputés soient identifiés salarié par salarié. Elle n'a pas davantage exclu que le harcèlement moral puisse revêtir une dimension collective.
58. D'autre part, si la notion de harcèlement moral institutionnel résultant de la mise en oeuvre d'une politique d'entreprise procède de l'application de l'incrimination à une situation factuelle nouvelle, elle ne constitue qu'une des modalités de harcèlement moral, infraction définie par l'article 222-33-2 du code pénal dans des termes visant à protéger les membres de la communauté de travail de toutes les formes de harcèlement, quel qu'en soit le mode opératoire.
59. Il se déduit de ces éléments, et des travaux préparatoires rappelés aux paragraphes 34 à 39, que l'application de l'incrimination à une situation nouvelle, qui ne constitue pas un revirement de jurisprudence, n'était pas imprévisible au sens de l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, de surcroît pour des professionnels comme les dirigeants du groupe [8], ayant la possibilité de s'entourer des conseils éclairés de juristes.
60. Il s'en infère que c'est sans méconnaître le principe de prévisibilité juridique que les juges du fond ont considéré que le harcèlement moral institutionnel entrait dans les prévisions de l'article 222-33-2 du code pénal et était dès lors susceptible d'être opposé aux prévenus.
61. Les moyens doivent être écartés.
Sur le deuxième moyen proposé pour M. [XG], le premier moyen, pris en sa deuxième branche, proposé pour M. [FS], le troisième moyen, pris en sa deuxième branche, et le quatrième moyen proposés pour Mme [CL]-[VE], le premier moyen, pris en sa deuxième branche, et le deuxième moyen proposés pour Mme [YM]
Enoncé des moyens
62. Le moyen proposé pour M. [XG] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclaré coupable de harcèlement moral, alors :
« 1°/ que nul n'est pénalement responsable que de son propre fait ; que la condamnation du chef de harcèlement moral suppose la caractérisation d'actes positifs accomplis par le prévenu et dirigés contre des salariés déterminés ; qu'en se fondant essentiellement, pour déclarer M. [XG] coupable de harcèlement moral, sur le fait qu'il avait maintenu un objectif de déflation des effectifs (arrêt, p. 135, dernier paragraphe, derniers alinéas ; p. 143, dernier alinéa) et qu'il s'était abstenu de réagir à des propos tenus par des tiers en février et en octobre 2006 (arrêt, p. 133, § 3 ; p. 134, § 1, alinéa 2), et en se déterminant ainsi par des motifs impropres à caractériser des agissements constitutifs de harcèlement sur la période de prévention, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 111-4, 121-1 et 222-33-2 du code pénal ;
2°/ que la condamnation du chef de harcèlement moral suppose la caractérisation d'actes réitérés accomplis par le prévenu et dirigés contre des salariés déterminés ; qu'en se fondant, pour entrer en voie de condamnation, sur les seuls propos « tout va bien, nous avons notre destin en main, à condition de mettre la pression » prêtés à M. [XG] et qui auraient été tenus en comité de direction le 25 février 2008 (arrêt, p. 132, alinéa 6), sans constater qu'ils auraient été réitérés et quand il résulte au surplus de ces constatations qu'ils n'étaient pas adressés à des fonctionnaires ou des salariés de l'entreprise, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 111-4, 121-1 et 222-33-2 du code pénal ;
3°/ qu'en retenant, pour entrer en voie de condamnation, que les formes de harcèlement avait été « pour partie décidées au niveau de l'équipe dirigeante de [[8]], sous l'égide du Codirg [comité de direction générale, composé de neuf membres], auquel participai[t] [NL] [XG] [?], et pour partie la conséquence directe de décisions de l'équipe dirigeante » (arrêt, p. 139, dernier paragraphe), sans établir l'existence d'agissements répétés directement imputables à M. [XG] à l'égard de chacun des fonctionnaires et salariés de [8], la cour d'appel a violé l'article 121-1 et 222-33-2 du code pénal et, par fausse application, l'article 222-33-2-2 du même code ;
4°/ qu'il n'y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre ; que le harcèlement moral reposant sur des agissements répétés ayant pour objet la dégradation des conditions de travail requiert la caractérisation de l'intention d'obtenir un tel résultat ; qu'en affirmant, en droit, que « l'intention [est] rapportée dès que l'auteur [a] conscience d'une possible dégradation des conditions de travail. Il faut et il suffit que "Le prévenu [ait] réalisé consciemment des actes coupables en pleine connaissance de leurs conséquences possibles" » (arrêt, p. 140, § 3) et en ne se fondant, en fait, que sur « [l]a conscience [par M. [XG]] de l'objet devenu harcelant et des effets créés par le climat anxiogène » (arrêt, p. 144, § 1, alinéa 2), la cour d'appel, qui s'est dispensée de caractériser l'intention du prévenu de dégrader les conditions de travail des personnels de [8], a violé les articles 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 121-3 et 222-33-2 du code pénal. »
63. Le moyen proposé pour M. [FS] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclaré coupable de harcèlement moral du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008, condamné à une peine d'un an d'emprisonnement assortie en totalité du sursis simple, ainsi qu'à une peine d'amende de 15 000 euros et à titre de peine complémentaire à la confiscation des scellés, et sur l'action civile, a rejeté les exceptions d'irrecevabilité des constitutions de partie civile soulevées par tous les prévenus appelants, notamment par M. [FS], confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré recevables les constitutions de partie civile des personnes physiques et morales mentionnées dans le tableau figurant pages 288 à 341 de l'arrêt attaqué, condamné M. [FS], solidairement avec M. [XG] et Mmes [VE] et [YM], à payer aux parties civiles mentionnées dans ce tableau les sommes figurant en dernière colonne, au titre des dommages et intérêts, condamné M. [FS], in solidum avec M. [XG] et Mmes [VE] et [YM], à payer aux parties civiles également mentionnées les sommes figurant en dernière colonne, au titre des dispositions de l'article 475-1 du code de procédure pénale, et ajoutant au jugement, condamné M. [FS], in solidum avec M. [XG] et Mmes [VE] et [YM], à payer aux parties civiles mentionnées dans le tableau les sommes figurant en dernière colonne, au titre des dispositions de l'article 475-1 du code de procédure pénale, en cause d'appel, alors :
« 2°/ que pour déclarer [ZL] [FS] coupable de harcèlement moral du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008, la cour d'appel a retenu que constituaient des agissements répréhensibles le maintien des objectifs fixés (essentiellement le nombre de départs), à titre impératif, dans des conditions, résultant des décisions prises par l'équipe dirigeante à laquelle appartenait Monsieur [FS] et de la mise en place du plan NExT, à l'origine d'un « climat d'insécurité permanente » et une déstabilisation des personnels, tenant à l'absence de remontées suffisantes, à la pression mise à l'échelon local sur les managers, à une « tentative de verticaliser les fonctions de ressources humaines » aboutissant à éloigner les salariés des ressources humaines et à laisser ceux-ci isolés face à un manager ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans établir ni l'existence d'agissements répétés directement imputables au prévenu à l'égard de chacun des salariés et agents visés dans la prévention, ni caractériser en quoi les agissements établis auraient eu pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de vie des victimes se traduisant par une altération de leur santé physique ou mentale, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article 222-33-2 du code pénal, dans sa rédaction applicable en la cause, ensemble l'article 593 du code de procédure pénale. »
64. Le troisième moyen proposé pour Mme [CL]-[VE] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclarée coupable de complicité de harcèlement moral dans la limite de la prévention retenue par le jugement sauf à préciser que les faits ont été commis alors que la prévenue avait également la qualité de DRH France, l'a condamnée pénalement et a prononcé sur les intérêts civils, alors :
« 2°/ que, en déclarant le délit de harcèlement moral caractérisé à l'égard des dirigeants de la société [8] ayant défini la politique d'entreprise incriminée, tout en constatant que la dégradation des conditions de travail des personnels résultait des comportements managériaux traduisant, sur le terrain, la mise en oeuvre de cette politique, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, en violation du principe de responsabilité pénale personnelle et des articles 121-1, 222-33-2 du code pénal et 591 du code de procédure pénale. »
65. Le quatrième moyen proposé pour Mme [CL]-[VE] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclarée coupable de complicité de harcèlement moral dans la limite de la prévention retenue par le jugement sauf à préciser que les faits ont été commis alors que la prévenue avait également la qualité de DRH France, l'a condamnée pénalement et a prononcé sur les intérêts civils, alors :
« 1°/ qu'en déclarant le délit de harcèlement moral caractérisé à l'égard des dirigeants de la société [8] notamment aux motifs que « la faute la plus importante a été de maintenir quoi qu'il en soit les objectifs [de réduction des effectifs], avec le passage d'un objectif indicatif à un objectif impératif » (arrêt, p. 135, § 7), lorsque la définition d'un objectif de réduction des effectifs, qu'il soit indicatif ou impératif, résulte d'un choix discrétionnaire de gestion qui relève par nature de l'exercice du pouvoir direction, la cour d'appel a violé les articles 222-33-2 du code pénal et 591 du code de procédure pénale ;
2°/ qu'en déclarant le délit de harcèlement moral caractérisé à l'égard des dirigeants de la société [8], en retenant d'un côté que « l'opportunité du chiffre de 22 000 départs était hors [du] champ d'appréciation [de la cour] tant sur l'élément matériel que moral, et qu'elle faisait partie du pouvoir de direction » et qu' « il n'est pas reproché [aux auteurs principaux] le nombre de départs ou d'embauches à réaliser pour améliorer la compétitivité de la société, mais bel et bien la méthode utilisée pour y parvenir » (arrêt, p. 134, § 4) et de l'autre que « la faute la plus importante a été de maintenir quoiqu'il en soit les objectifs, avec le passage d'un objectif indicatif à un objectif impératif » (arrêt, p. 135, § 7), la cour d'appel qui s'est prononcée par des motifs contradictoires n'a pas justifié sa décision au regard des articles 222-33-2 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ;
3°/ que la cassation de l'arrêt en ses dispositions relatives à la caractérisation du délit de harcèlement moral sera nécessairement étendue aux dispositions indivisibles de l'arrêt relatives à la déclaration de culpabilité de Mme [CL]-[VE] du chef de complicité de ce délit. »
66. Le premier moyen proposé pour Mme [YM] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclarée coupable de complicité de harcèlement moral, alors :
« 2°/ que, d'autre part, en déclarant le délit de harcèlement moral caractérisé à l'égard des dirigeants de la société [8] ayant défini la politique d'entreprise incriminée, tout en constatant que la dégradation des conditions de travail des personnels résultait des comportements managériaux traduisant, sur le terrain, la mise en oeuvre de cette politique, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, en violation du principe de responsabilité pénale personnelle et des articles 121-1, 222-33-2 du Code pénal et 591 du Code de procédure pénale. »
67. Le deuxième moyen proposé pour Mme [YM] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclarée coupable de complicité de harcèlement moral, alors :
« 1°/ qu'en déclarant le délit de harcèlement moral caractérisé à l'égard des dirigeants de la société [8] notamment aux motifs que « la faute la plus importante a été de maintenir quoiqu'il en soit les objectifs [de réduction des effectifs], avec le passage d'un objectif indicatif à un objectif impératif » (arrêt, p. 135, § 7), lorsque la définition d'un objectif de réduction des effectifs, qu'il soit indicatif ou impératif, résulte d'un choix discrétionnaire de gestion qui relève par nature de l'exercice du pouvoir direction, la cour d'appel a violé les articles 222-33-2 du Code pénal et 591 du Code de procédure pénale ;
2°/ qu'en déclarant le délit de harcèlement moral caractérisé à l'égard des dirigeants de la société [8], en retenant d'un côté que « l'opportunité du chiffre de 22 000 départs était hors [du] champ d'appréciation [de la cour] tant sur l'élément matériel que moral, et qu'elle faisait partie du pouvoir de direction » et qu' « il n'est pas reproché [aux auteurs principaux] le nombre de départs ou d'embauches à réaliser pour améliorer la compétitivité de la société, mais bel et bien la méthode utilisée pour y parvenir » (arrêt, p. 134, § 4) et de l'autre que « la faute la plus importante a été de maintenir quoiqu'il en soit les objectifs, avec le passage d'un objectif indicatif à un objectif impératif » (arrêt, p. 135, § 7), la cour d'appel qui s'est prononcée par des motifs contradictoires n'a pas justifié sa décision au regard des articles 222-33-2 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ;
3°/ que, lorsque le délit de harcèlement moral résulte de la commission d'agissements répétés ayant eu pour effet la dégradation des conditions de travail, il est nécessaire de constater la dégradation des conditions de travail de chacune des victimes à l'égard desquelles le prévenu est déclaré coupable ; qu'en déclarant les prévenus coupables de harcèlement moral pour avoir commis des agissements répétés ayant eu pour effet la dégradation des conditions de travail de « tous les salariés de tous les établissements du groupe dans lesquels étaient recherchés ou pratiqués la déstabilisation des salariés » (arrêt, p. 167, § 6), sans caractériser à l'égard de chacun la dégradation effective de leurs conditions de travail, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 222-33-2 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ;
4°/ que, lorsque le délit de harcèlement moral résulte de la commission d'agissements répétés ayant eu pour effet la dégradation des conditions de travail, il est nécessaire de constater que cette dégradation des conditions de travail est intervenue au cours de la période de prévention ; qu'en déclarant les prévenus coupables de harcèlement moral pour avoir commis des agissements répétés ayant eu pour effet la dégradation des conditions de travail de « tous les salariés de tous les établissements du groupe dans lesquels étaient recherchés ou pratiqués la déstabilisation des salariés » (arrêt, p. 167, § 6), sans rechercher si la dégradation de leurs conditions de travail était intervenue au cours de la période de prévention, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure de contrôler la légalité de sa décision au regard des articles préliminaire, 388, 512 du Code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
5°/ que, la cassation de l'arrêt en ses dispositions relatives à la caractérisation du délit de harcèlement moral sera nécessairement étendue aux dispositions indivisibles de l'arrêt relatives à la déclaration de culpabilité de Mme [YM] du chef de complicité de ce délit. »
Réponse de la Cour
68. Les moyens sont réunis.
69. Pour déclarer MM. [XG] et [FS] coupables de harcèlement moral pour la période retenue par le tribunal correctionnel, soit du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008, l'arrêt attaqué énonce qu'il convient de rechercher si ces prévenus peuvent se voir reprocher une telle infraction en raison non pas de leurs relations individuelles avec les salariés mais de la politique d'entreprise qu'ils ont conçue et mise en oeuvre.
70. Les juges précisent que si l'opportunité d'une telle politique, qui relève du pouvoir de direction, échappe à leur appréciation, ils doivent examiner la méthode utilisée pour la mettre en oeuvre afin de déterminer si elle excède le pouvoir normal de direction et de contrôle du chef d'entreprise.
71. Examinant l'objet du plan NExT, ils exposent, par motifs propres et adoptés, qu'afin d'assurer une croissance rentable à l'entreprise, ce plan était fondé, notamment, sur une politique de déflation des effectifs qui, alors que tel n'était pas le cas initialement, a eu, à partir d'octobre 2006, pour objet une dégradation des conditions de travail afin de contraindre les salariés à la mobilité ou au départ.
72. Ils constatent que cette politique, qui reposait sur la création d'un climat anxiogène, s'est concrétisée par la mise en oeuvre de trois agissements spécifiques : la pression donnée au contrôle des départs dans le suivi des effectifs à tous les niveaux de la chaîne hiérarchique, la prise en compte des départs dans la rémunération des membres de l'encadrement et le conditionnement de la hiérarchie intermédiaire à la déflation des effectifs lors des formations dispensées.
73. Ils observent que ces agissements, qui ont excédé très largement le pouvoir normal de direction et de contrôle du chef d'entreprise, se sont poursuivis et répétés au cours des deux années suivantes et qu'ils constituent, par leur nature même, autant d'agissements réitérés dont l'objet voulu était une dégradation des conditions de travail.
74. Ils relèvent que la faute la plus importante a été de passer d'un objectif indicatif à un objectif impératif devant être atteint « coûte que coûte », alors que les salariés, dans leur immense majorité fonctionnaires, ne pouvaient faire l'objet d'un licenciement économique, ce qui a créé un climat anxiogène pour la totalité du personnel, avec la validation du « crash program », destiné à accélérer le mouvement naturel de départs à la retraite, selon une décision arrêtée au plus haut niveau de pilotage de la société.
75. Ils soulignent également qu'en raison de la pression résultant de ces agissements, de façon indivisible avec ces derniers, les managers du niveau territorial local ont à leur tour employé diverses méthodes visées à la prévention pour contraindre leurs collègues à quitter l'entreprise ou à être mobiles, de telles méthodes ayant été soit décidées au niveau de l'équipe dirigeante de [8], sous l'égide du comité de direction générale (CODIRG), dont étaient membres MM. [XG] et [FS], soit la conséquence directe de décisions de l'équipe dirigeante.
76. Ils précisent que la responsabilité pénale personnelle des dirigeants poursuivis repose, d'une part, sur la décision partagée de mener une telle politique de déflation des effectifs à marche forcée fondée sur les agissements harcelants précités, d'autre part, sur une mise en oeuvre coordonnée de cette politique et, enfin, sur un suivi vigilant pendant trois ans.
77. Ils concluent que l'accélération impérative de la déflation des effectifs dans un délai contraint, les modalités utilisées, les « retombées en cascade » et le « ruissellement » sur les salariés de ces méthodes aux conséquences anxiogènes, sans égard pour leur sort, en dépit des alertes syndicales et en particulier de l'exercice par six syndicats d'un droit d'alerte en juillet 2007 pour « mise en danger de la santé des salariés », ont constitué des agissements répétés étrangers au pouvoir de direction et de contrôle.
78. Ils ajoutent que l'annonce de suicides, notamment quatre durant le seul mois de mai 2008, n'a pas empêché la poursuite du plan NExT et du programme ACT jusqu'à la fin de l'année 2008.
79. Sur la responsabilité personnelle des prévenus, s'agissant de M. [XG], ils relèvent qu'il a initié le plan de réduction massif des effectifs dans un délai très contraint et que, lors de la présentation dudit plan à l'association [7] ([7]) en octobre 2006, il a revendiqué son implication non seulement dans la fixation des objectifs de déflation mais aussi dans la mise en place des organes de contrôle et des méthodes de gestion nécessaires à sa mise en oeuvre, qui se traduiront sur le terrain par des comportements managériaux ayant pour objet de dégrader les conditions de travail.
80. Ils exposent qu'il a assuré un suivi de cette mise en oeuvre, donnant notamment des instructions de « pressions » qui se sont poursuivies, durant la période de prévention, en dépit des alertes et qui sont dans le prolongement de la demande faite en 2006 à M. [C] de réaliser un « crash program ».
81. Ils constatent que M. [XG] a décidé de maintenir cette politique de réduction d'effectifs et de mobilité interne, en dépit des dégâts humains, alors qu'il avait connaissance de la pyramide des âges et de la disparition du dispositif de congé de fin de carrière des fonctionnaires.
82. S'agissant de M. [FS], les juges relèvent que, au même titre que M. [XG], il a gardé le suivi et le contrôle des opérations tout au long de la période des faits délimitée par les premiers juges, a assuré ainsi une exécution effective de la déflation en veillant à ce que l'objectif soit réparti et décliné pour, et par, chacune des onze directions territoriales et, lors d'une interview en 2017, a reconnu mettre la pression « tout le temps », sans laisser de marge de manoeuvre et a eu connaissance des initiatives prises localement par les managers.
83. Ils en concluent que les faits précités démontrent de la part des deux prévenus une participation active à la commission de l'infraction qui va largement au-delà d'une simple fourniture d'instructions.
84. Enfin, pour caractériser l'élément intentionnel, ils relèvent, en substance, en s'appuyant notamment sur les propos tenus par MM. [XG] et [FS], leur expérience professionnelle antérieure et leur connaissance ancienne et approfondie de l'entreprise [8], qu'ils ont agi en connaissance de cause et avec lucidité, gardant le suivi de la politique de déflation et mesurant ses résultats.
85. Ils retiennent la connaissance par MM. [XG] et [FS] des effets négatifs du maintien de la méthode sur la santé des personnels du groupe et sur leurs conditions de travail, la dégradation de celles-ci étant illustrée de manière importante par différents rapports d'expertise qui ont mis en évidence une montée du stress, des tensions et du mal-être au travail, une dislocation/fragmentation des collectifs de travail en recomposition quasi permanente, des routines organisationnelles à se réapproprier, des états de détresse pour le personnel, des pertes de repères et une défaillance des systèmes de prévention des risques psychosociaux.
86. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a caractérisé à l'encontre de MM. [XG] et [FS] le délit de harcèlement moral, fait principal de la complicité reprochée à Mmes [CL]-[VE] et [YM], pour les motifs qui suivent.
87. En premier lieu, s'agissant de M. [XG], c'est par des motifs dénués d'insuffisance comme de contradiction, relevant de leur pouvoir souverain d'appréciation des faits, que les juges ont estimé que les agissements répétés qu'ils ont énumérés, qui se sont déroulés tout au long de la période de prévention et sont éclairés par des faits antérieurs à celle-ci, étaient constitutifs d'une stratégie délibérée de harcèlement conçue au plus haut niveau de l'entreprise, dont le prévenu a assuré par des actes positifs la mise en oeuvre, par la voie hiérarchique, au prix d'une dégradation assumée des conditions de travail de l'ensemble des agents, de sorte qu'ils ont, à juste titre, conclu que le prévenu s'était rendu coupable de l'élément matériel du délit de harcèlement moral par objet comme par effet.
88. En second lieu, s'agissant de M. [FS], les juges ont exactement déduit que les agissements de l'intéressé, tels qu'ils les ont souverainement appréciés, qui se sont étalés sur plusieurs années, et ont consisté à mettre en oeuvre, par des actes positifs, la politique d'entreprise définie au sein des instances dirigeantes de [8] qu'il a revendiquée et dont il a veillé à la déclinaison dans les entités du groupe relevant de sa direction, étaient également constitutifs de l'élément matériel du harcèlement moral, tant par l'objet de ses agissements que par leur effet.
89. En outre, en retenant que MM. [XG] et [FS] avaient connaissance des effets négatifs du maintien de la méthode adoptée sur la santé des agents du groupe et sur leurs conditions de travail, les juges ont caractérisé sans insuffisance l'élément intentionnel du délit pour chacun des prévenus.
90. Ainsi, les juges ont établi que les décisions prises par les prévenus ainsi que les propos publics qu'ils ont tenus au cours de la période de prévention, qui démontraient une conduite du groupe dépassant les limites admissibles de leur pouvoir de direction et de contrôle respectif, étaient constitutifs d'un harcèlement moral institutionnel.
91. Les moyens ne peuvent qu'être écartés.
Sur le troisième moyen, pris en ses deuxième à quatrième branches, proposé pour Mme [YM]
Enoncé du moyen
92. Le moyen proposé pour Mme [YM] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclarée coupable de complicité de harcèlement moral, alors :
« 2°/ que d'autre part, le prévenu ne peut être déclaré coupable de complicité de harcèlement moral, pour avoir mis en oeuvre la politique d'entreprise incriminée dans le service dont il assure la direction, qu'à l'égard des agents placés sous son autorité hiérarchique ; qu'en déclarant la prévenue coupable de complicité de harcèlement moral commis à l'égard de tous les salariés de tous les établissements du groupe dans lesquels étaient recherchés ou pratiqués la déstabilisation des salariés, tout en constatant qu'elle avait servi de relai ayant permis la diffusion de la politique d'entreprise (arrêt, p. 146, § 3), pour sa part uniquement au niveau des Directions territoriales, la cour d'appel a violé les articles 121-7, 222-33-2 du code pénal, ensemble l'article 591 du code de procédure pénale ;
3°/ qu'en outre, en déclarant la prévenue coupable de complicité de harcèlement moral commis entre le 1er janvier 2007 et le 31 décembre 2008, au préjudice notamment des salariés relevant des Directions Territoriales, sans constater que la dégradation de leurs conditions de travail est intervenue au cours de la période à laquelle elle assurait la direction de ce service, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 121-7, 222-33-2 du code pénal et de 593 du code de procédure pénale ;
4°/ qu'enfin déclarant que la prévenue avait sciemment facilité la consommation du délit de harcèlement moral aux motifs qu'elle n'a pas matérialisé son désaccord envers la politique d'entreprise auprès de son supérieur hiérarchique (arrêt, p. 155, in fine), la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne prévoit pas, a méconnue les articles 121-7, 222-33-2 du Code pénal, ensemble l'article 591 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
93. Pour confirmer le jugement et déclarer Mme [YM] coupable de complicité de harcèlement moral, l'arrêt attaqué, qui se réfère à sa motivation précédemment exposée relative à l'élément légal et aux contours de l'infraction reprochée, énonce que les pressions diverses ayant abouti à des mobilités fonctionnelles ou/et géographiques forcées n'ont pu prospérer que par des relais présents dans toutes les structures du groupe.
94. Les juges retiennent qu'à la stratégie ferme définie par le CODIRG s'est ajouté le suivisme des directions et services des ressources humaines dont les procédures et méthodes ont infusé dans toute la politique managériale.
95. Ils relèvent à ce titre le rôle de la prévenue auprès de M. [FS], notamment par sa participation à la convention du 20 octobre 2006 de l'[7] à la [9], où elle a affiché sa priorité de « réussir ACT ».
96. Ils soulignent que l'intéressée a notifié aux directeurs territoriaux et aux cadres supérieurs des objectifs de départs de l'entreprise à réaliser, qui ont eu pour effet de dégrader les conditions de travail des personnels.
97. Ils notent que Mme [YM] ne peut prétendre que le document trouvé dans l'ordinateur de son assistante, qui assigne à tous les acteurs de la chaîne managériale un nombre minimum de départs dans leurs « objectifs solidarité », constitue uniquement un document de travail sans impact concret, ou un simple cadrage global avec « un ordre de grandeur », alors qu'il a été diffusé, accompagné d'un courriel explicatif du 18 décembre 2006, de sorte que l'assignation à tous les échelons hiérarchiques et notamment aux managers locaux d'objectifs de départs, avec des réunions organisées très fréquemment pour « mettre la pression », a eu des conséquences dévastatrices en termes de harcèlement moral.
98. Ils relèvent que le fait que la prévenue ait notamment signé plusieurs courriers dans lesquels elle notifiait aux directeurs territoriaux le montant de leur part variable et revendiqué une marge de manoeuvre pour aboutir à des décisions plus favorables témoigne de la réalité de son pouvoir décisionnaire, aux côtés de M. [FS].
99. Les juges en concluent que la prévenue, présentée dans un document intitulé « note d'appréciation sur les N-1 du Comité de direction générale » à l'intention de M. [WA] [UV], successeur de M. [XG], comme une figure emblématique du mode de gestion « à la [ZL] [FS] », a décidé volontairement de faciliter la commission de l'infraction reprochée, en connaissance de cause, en notifiant des objectifs de départ élevés aux directeurs territoriaux, et en prônant des méthodes de management harcelantes, ce, en diverses occasions, y compris lors de formations, de sorte qu'elle s'est rendue complice du délit de harcèlement moral.
100. En se déterminant ainsi, par des motifs exempts d'insuffisance comme de contradiction, procédant de son appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause et des éléments de preuve produits au débat, la cour d'appel, qui a exactement relevé les éléments d'aide et d'assistance aux auteurs du harcèlement moral dont s'est rendue coupable l'intéressée, a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués.
101. En effet, en premier lieu, il importe peu que Mme [YM] ait été déclarée coupable de complicité de harcèlement moral à l'encontre de l'ensemble des salariés de [8] dès lors que ladite société ainsi que ses dirigeants ont été déclarés coupables pour des agissements ayant pour objet de dégrader les conditions de travail de l'ensemble des membres de cette communauté de travail.
102. En second lieu, il est également indifférent que les effets sur les conditions de travail invoqués soient survenus après qu'elle eut quitté ses fonctions.
103. Le moyen doit être rejeté.
Sur le troisième moyen, pris en sa deuxième branche, proposé pour M. [XG] et le sixième moyen, pris en sa première branche, proposé pour Mme [CL]-[VE]
Enoncé des moyens
104. Le moyen proposé pour M. [XG] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclaré coupable de harcèlement moral, alors :
« 2°/ que la cour d'appel a retenu, pour renvoyer M. [XG] des fins de la poursuite du chef de harcèlement à l'égard de Mme [FU] [A], Mme [RO] [KK], [TL] [FZ] et Mme [TW] [EK], que ces salariées et fonctionnaires, présentes dans l'entreprise sur la période de prévention, n'avait pas été victimes d'agissements répétés ayant pour objet la dégradation de leurs conditions de travail ; qu'en retenant au contraire, pour déclarer le même prévenu coupable de harcèlement moral institutionnel, qu'il avait commis des agissements ayant pour objet la dégradation des conditions de travail de « tous les agents de [8] » (arrêt, p. 136, § 1, alinéa 6 ; p. 167, § 3, pénultième alinéa), la cour d'appel, qui s'est contredite, a violé l'article 593 du code de procédure pénale. »
105. Le moyen proposé pour Mme [CL]-[VE] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclarée coupable de complicité de harcèlement moral dans la limite de la prévention retenue par le jugement sauf à préciser que les faits ont été commis alors que la prévenue avait également la qualité de DRH France, l'a condamnée pénalement et a prononcé sur les intérêts civils, alors :
« 1°/ que la cour d'appel a retenu, pour renvoyer Mme [CL]-[VE] des fins de la poursuite du chef de harcèlement à l'égard de Mme [FU] [A], Mme [RO] [KK], [TL] [FZ] et Mme [TW] [EK], que ces salariées et fonctionnaires, présentes dans l'entreprise sur la période de prévention, n'avaient pas été victimes d'agissements répétés ayant pour objet la dégradation de leurs conditions de travail ; qu'en retenant au contraire, pour déclarer la même prévenue coupable de complicité de harcèlement moral institutionnel, qu'elle avait commis des agissements ayant pour objet la dégradation des conditions de travail de « tous les agents de [8] » (arrêt, p. 136, § 1, alinéa 6; p. 167, § 3, pénultième alinéa), la cour d'appel, qui s'est contredite, a violé l'article 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
106. Les moyens sont réunis.
107. Les griefs, en ce qu'ils invoquent une irrégularité de l'arrêt qui n'est pas de nature à faire grief aux prévenus relaxés du chef de harcèlement moral ou de complicité de ce délit à l'égard de Mmes [TW] [EK], [FU] [A], [RO] [KK] et [TL] [FZ], sont irrecevables.
Sur le troisième moyen, pris en sa troisième branche, proposé pour M. [XG], et le sixième moyen, pris en sa seconde branche, proposé pour Mme [CL]-[VE]
Enoncé des moyens
108. Le moyen proposé pour M. [XG] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclaré coupable de harcèlement moral, alors :
« 3°/ qu'en confirmant, sur l'action publique, la déclaration de culpabilité prononcée par les premiers juges du chef de harcèlement moral commis à l'encontre de M. [S], tout en retenant, pour infirmer le jugement sur intérêts civils et débouter cette partie civile de ses demandes, que « le début des faits allégués remonte à 2011, soit postérieurement à la période de prévention retenue par le tribunal correctionnel et la cour [...], sans que le lien paraisse suffisant avec les plans NExT et ACT » (arrêt, p. 227, § 1, alinéa 2), ce dont il résultait pourtant que M. [XG] devait être renvoyé des fins de la poursuite, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction entre les motifs et le dispositif en violation de l'article 593 du code de procédure pénale. »
109. Le moyen proposé pour Mme [CL]-[VE] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclarée coupable de complicité de harcèlement moral dans la limite de la prévention retenue par le jugement sauf à préciser que les faits ont été commis alors que la prévenue avait également la qualité de DRH France, l'a condamnée pénalement et a prononcé sur les intérêts civils, alors :
« 2°/ qu'en confirmant, sur l'action publique, la déclaration de culpabilité prononcée par les premiers juges du chef de harcèlement moral commis à l'encontre de M. [S], tout en retenant, pour infirmer le jugement sur intérêts civils et débouter cette partie civile de ses demandes, que « le début des faits allégués remonte à 2011, soit postérieurement à la période de prévention retenue par le tribunal correctionnel et la cour [...], sans que le lien paraisse suffisant avec les plans NExT et ACT » (arrêt, p. 227, § 1,3), ce dont il résultait pourtant que Mme [CL]-[VE] devait être renvoyée des fins de la poursuite, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction entre les motifs et le dispositif en violation de l'article 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
110. Les moyens sont réunis.
111. L'arrêt attaqué a confirmé la déclaration de culpabilité de M. [XG] du chef de harcèlement moral, et celle de Mme [CL]-[VE] du chef de complicité de ce délit, sauf à l'égard de six membres du personnel au nombre desquels ne figure pas M. [ZG] [S].
112. La cour d'appel, en mentionnant dans la partie relative à l'action civile de M. [S] que « le début des faits allégués remonte à 2011 », ne s'est pas référée à la date des faits poursuivis, mais à celle de la manifestation du dommage subi par cette partie civile telle que son avocat l'avait exposée à l'audience.
113. Il en résulte que les griefs pris de la contradiction de motifs manquent en fait.
114. Dès lors, les moyens sont inopérants.
Mais sur le premier moyen proposé pour Mme [GI]
Enoncé du moyen
115. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a infirmé partiellement le jugement et a débouté Mme [GI] de ses demandes de dommages et intérêts et de frais irrépétibles, alors « que l'affaire est dévolue à la cour d'appel dans les limites fixées par l'acte d'appel et par la qualité de l'appelant ; qu'en infirmant le jugement entrepris notamment en ce qu'il avait condamné solidairement monsieur [C] et la société [8] devenue [11] SA à payer à madame [GI] la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et in solidum les mêmes prévenus à payer à madame [GI] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale, lorsque monsieur [C] s'étant désisté de son appel et la société [8] devenue [11] SA n'ayant pas interjeté appel, les dispositions civiles du jugement concernant ces prévenus étaient devenues définitives, la cour d'appel a violé l'article 509 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 500-1 et 509 du code de procédure pénale :
116. Il résulte de ces textes que l'affaire est dévolue à la cour d'appel dans la limite fixée par l'acte d'appel et par la qualité de l'appelant et que le désistement d'appel du prévenu, qui peut être rétracté, ne dessaisit le juge du second degré que si sa régularité a été constatée et qu'il en a été donné acte.
117. En l'espèce, il ressort des pièces de procédure que le tribunal correctionnel a déclaré Mme [GI] recevable en sa constitution de partie civile et a condamné solidairement l'ensemble des prévenus à lui verser les sommes de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts et de 1 500 euros en application de l'article 475-1 du code de procédure pénale.
118. Il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que l'ensemble des prévenus, à l'exception de la société [8], a interjeté appel de cette décision, que M. [C] s'est désisté de son appel le 24 septembre 2021, et que le président de la chambre des appels correctionnels a constaté, par ordonnance du 10 mars 2022, le désistement d'appel de l'intéressé.
119. Enfin, il ressort des mentions du dispositif de l'arrêt attaqué que la cour d'appel a infirmé partiellement le jugement sur l'action civile et, statuant à nouveau, a débouté Mme [GI], intimée, de ses demandes de dommages et intérêts et au titre des frais irrépétibles.
120. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.
121. En effet, les juges ne pouvaient débouter la partie civile de ses demandes au titre de l'action civile sans s'interroger sur l'incidence du désistement d'appel de M. [C] et de l'absence d'appel de la société [8] alors que le jugement ayant condamné solidairement les intéressés à indemniser Mme [GI] était devenu définitif à leur égard.
122. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
123. La cassation de l'arrêt ne concerne que les dispositions civiles relatives à Mme [GI]. Elle aura lieu par voie de retranchement, redonnant plein effet aux dispositions civiles du jugement la concernant.




Crim. 14 janvier 2025 n° 24-81.078

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° Z 24-81.078 F-D
N° 00030

ODVS 14 JANVIER 2025

REJET

M. BONNAL président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 14 JANVIER 2025


Mme [G] [L] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes, chambre correctionnelle, en date du 25 janvier 2024, qui, pour infractions au code de l'urbanisme, l'a condamnée à 3 000 euros d'amende, a ordonné la remise en état des lieux sous astreinte et a prononcé sur les intérêts civils.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de M. Rouvière, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi, avocat de Mme [G] [L], les observations de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de la commune de Cucuron, et les conclusions de M. Bigey, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 décembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Rouvière, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Mme [G] [L] est propriétaire d'un terrain sur lequel sont édifiés divers bâtiments.
3. Des procès-verbaux d'infraction ont été dressés les 6 février 2017, 5 mai 2017 et 17 février 2020.
4. Mme [L] a été poursuivie du chef de diverses infractions au code de l'urbanisme.
5. Le tribunal correctionnel l'a relaxée partiellement, déclarée coupable pour le surplus, condamnée à 3 000 euros d'amende, a ordonné la remise en état des lieux sous astreinte et a prononcé sur les intérêts civils.
6. Mme [L] et le procureur de la République ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche, le troisième et le quatrième moyens
7. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les exceptions de nullité qui lui étaient soumises, alors :
« 1°/ que d'une part, toute personne a droit au respect de son domicile ; que la visite d'une construction achevée constituant un domicile ne peut être mise en oeuvre sans l'accord de l'occupant et, à défaut d'un tel accord, sans autorisation du juge judiciaire ; qu'en l'espèce, pour rejeter l'exception de nullité du procès-verbal de constat du 5 juillet 2017, la cour d'appel a estimé que la nullité invoquée n'était pas fondée en raison du fait que les constatations pouvaient être faites depuis la voie publique, tandis qu'elle admettait que l'agent était bien entré dans le domicile de la prévenue, de sorte qu'elle n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a méconnu les articles 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, L. 461-1, L. 480-1 et L. 480-17 du code de l'urbanisme, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que d'autre part, en retenant, pour refuser d'annuler le procès-verbal du 5 juillet 2017, que les photographies et constatations effectuées ont été faites depuis l'extérieur de la propriété de la prévenue, tout en relevant que le procès-verbal indiquait expressément que « les photos ne peuvent être realisées convenablement vu la distance de la voie publique, du chemin de Blanqui », la cour d'appel s'est contredite et a de plus fort méconnu les articles précités ;
3°/ qu'enfin, est nul le procès-verbal de constatation d'une infraction à la législation relative au Code de l'urbanisme dressé à la suite d'une visite domiciliaire réalisée sans l'obtention du consentement de l'occupant des lieux, cet assentiment devant fait l'objet d'une déclaration écrite de la main de l'intéressé ; qu'en l'espèce, en écartant la nullité du procès-verbal du 5 mai 2017 aux motifs que la seule mention portée par l'agent au procès-verbal selon laquelle la prévenue aurait été en accord avec la visite domiciliaire suffirait à établir sa régularité et serait conforme aux recommandations ministérielles tandis qu'un accord manuscrit de sa part était requis, la cour d'appel a, une fois de plus, méconnu les articles 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, L. 461-1, L. 480-1 et L. 480-17 du code de l'urbanisme, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
4°/ qu'en outre, la nullité d'un acte de la procédure entraîne l'annulation par voie de conséquence des actes qui ont pour support nécessaire l'acte vicié ; qu'en l'espèce, l'irrégularité des procès-verbaux en date des 6 février 2017 et 5 mai 2017 entraînera la nullité du procès-verbal du 27 février 2020, celui-ci ayant pour support nécessaire des actes entachés d'irrégularité, conformément aux articles 174, 385, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
9. Pour écarter le moyen de nullité du procès-verbal du 6 février 2017, l'arrêt attaqué énonce qu'il résulte de celui-ci et des photographies jointes que les constatations ont été effectuées par le garde champêtre depuis l'extérieur de la propriété, comme l'indique la mention « les photos ne peuvent être réalisées convenablement, vu la distance de la voie publique, du chemin de Blanqui ».
10. Les juges ajoutent que, lors de l'audience, Mme [L] a indiqué avoir rencontré l'agent lors de sa venue et l'avoir invité à entrer.

11. Pour écarter le moyen de nullité du procès-verbal du 5 mai 2017, l'arrêt attaqué retient que celui-ci mentionne que cette visite « est en accord avec Mme [L] pour constater l'exécution de travaux sur une partie d'un hangar agricole transformé en habitation ».
12. Les juges relèvent que la prévenue, présente pendant les opérations de contrôle, a confirmé lors de l'audience ne pas s'y être opposée.
13. En l'état de ces énonciations, dénuées d'insuffisance comme de contradiction, et dès lors qu'avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, ni l'article L. 461-1 du code de l'urbanisme ni aucune autre disposition n'exigeaient une autorisation écrite préalable à la visite des lieux, la cour d'appel a justifié sa décision sans méconnaître les textes visés au moyen.
14. Ainsi, le moyen doit être écarté.
Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
15. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement en ce qu'il a rejeté l'exception de prescription de l'action publique, alors :
« 1°/ que, les dispositions de l'article 8 du code de procédure pénale, telles qu'interprétées par la jurisprudence de la Chambre criminelle en matière d'infractions au code de l'urbanisme, en ce qu'elles permettent de reporter le point de départ du délai de prescription de l'action publique à la date de l'achèvement de la dernière construction en ayant recours à la notion prétorienne d' « entreprise unique » ou d' « opération d'ensemble » dont les critères, imprécis et subjectifs, ne sont clairement définis ni par la loi ni par la jurisprudence, portent atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit et, plus précisément, méconnaissent le principe de la légalité des délits et des peines ainsi que le principe de clarté et de prévisibilité de la loi pénale et le principe d'égalité devant la loi, garantis par les articles 1er, 6, 7 et 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ainsi que la compétence confiée au législateur par l'article 34 de la Constitution ; que l'annulation par le Conseil constitutionnel saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité, en application de l'article 61-1 de la Constitution, de ces dispositions, privera de base légale l'arrêt attaqué. »
Réponse de la Cour
16. Par arrêt du 10 juillet 2024, la Cour de cassation a dit n'y avoir lieu à renvoi au Conseil constitutionnel de la question prioritaire de constitutionnalité présentée.
17. Le grief est par conséquent devenu sans objet.
18. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.




Crim. 14 janvier 2025 n° 23-85.490 B

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° Z 23-85.490 F-B
N° 00024

ODVS 14 JANVIER 2025

REJET

M. BONNAL président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 14 JANVIER 2025


La [1], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Riom, en date du 29 août 2023, qui a déclaré irrecevable son appel du jugement du juge des libertés et de la détention déclarant irrecevable sa requête en liquidation d'astreinte.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de M. Samuel, conseiller, les observations de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat de la [1], les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de la communauté d'agglomération du Puy-en Velay, et les conclusions de M. Bigey, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 décembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Samuel, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le procureur de la République a, sur requête de la [1] (la [1]) dénonçant des faits de pollution d'un cours d'eau en lien avec les dysfonctionnements d'un système d'épuration, saisi le juge des libertés et de la détention dans le cadre de la procédure de référé prévue par l'article L. 216-13 du code de l'environnement.
3. Par décision du 5 mai 2022, ce juge a ordonné à la communauté d'agglomération du Puy-en-Velay de mettre en oeuvre en urgence diverses mesures destinées à remédier aux faits dénoncés, et ce dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'ordonnance, sous astreinte de 1 000 euros par jour calendaire de retard.
4. Le 20 mars 2023, la [1] a déposé une requête en liquidation de l'astreinte auprès du juge des libertés et de la détention qui l'a déclarée irrecevable.
5. La [1] a relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur les premier et deuxième moyens
Enoncé des moyens
6. Le premier moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevable l'appel de la [1], alors « que fait grief à la partie intéressée et entraine la nullité de la procédure, l'absence de mise à disposition du dossier comprenant les réquisitions du ministère public au profit de son conseil pendant un délai de cinq jours francs avant l'audience, dans les matières autres que la détention provisoire ; que dès lors qu'il ne résulte pas des dispositions de l'arrêt que le dossier ait été mis à disposition des parties, la chambre de l'instruction a méconnu l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles préliminaire, 197, alinéa 3, et 802 du code de procédure pénale. »
7. Le deuxième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevable l'appel de la [1], alors :
« 1°/ que toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l'amélioration de l'environnement ; que selon l'article L. 216-13 du code de l'environnement, en cas de non-respect des prescriptions imposées au titre des articles L. 211-2, L. 211-3 et L. 214-1 à L. 214-6 dudit code, toute mesure utile, y compris l'interdiction d'exploiter l'ouvrage ou l'installation en cause, peut être ordonnée pour faire cesser le trouble, soit sur réquisition du ministère public agissant à la requête de l'autorité administrative ou d'une association remplissant les conditions fixées par l'article L. 142-2, soit même d'office par le juge d'instruction saisi des poursuites ou par le tribunal correctionnel ; qu'en l'absence de dispositions contraires et de caractère pénal de l'astreinte, mesure à caractère réel, et pour garantir l'effet utile des mesures prononcées, une association, recevable, en vertu dudit texte, à formuler une requête auprès du ministère public aux fins de prononcé desdites mesures, l'est également à solliciter la liquidation de l'astreinte destinée à garantir leur exécution auprès du juge de libertés et de la détention et à interjeter appel de sa décision ; que, pour déclarer irrecevable l'appel de la [1], la chambre de l'instruction a énoncé que « si les astreintes ainsi prononcées constituent des mesures à caractère réel destinées à faire cesser une situation illicite, et non des sanctions pénales, elles sont prononcées et liquidées par le juge pénal » et que « le procureur de la République, seul compétent pour saisir le juge des libertés et de la détention pour prendre "toute mesure utile" était, par conséquent, également seul compétent pour le saisir de tout problème d'exécution lié à ces mesures » ; qu'en statuant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles 1er et 2 de la Charte de l'environnement et l'article L. 216-13 du code de l'environnement ;
2°/ que si l'article 710 du code de procédure pénale prévoit que tous incidents contentieux relatifs à l'exécution sont portés devant le tribunal ou la cour qui a prononcé la sentence, il ne précise aucunement qui peut saisir la juridiction d'un incident contentieux ; qu'en énonçant néanmoins que « le procureur de la République, seul compétent pour saisir le juge des libertés et de la détention pour prendre "toute mesure utile" était, par conséquent, également seul compétent pour le saisir de tout problème d'exécution lié à ces mesures », la chambre de l'instruction a méconnu l'article 710 du code de procédure pénale ;
3°/ que l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Riom du 10 mai 2022 ayant prononcé des mesures sous astreinte avait énoncé que celle-ci avait été « Saisie par la [1] (43), L'autorité judiciaire était donc parfaitement fondée à mettre en oeuvre ce dispositif » ; qu'il en résulte que l'exposante avait, comme partie au litige, qualité à solliciter la liquidation de ladite astreinte ; qu'en déclarant néanmoins l'exposante irrecevable à agir et à interjeter appel, la chambre de l'instruction a méconnu l'article L. 216-13 du code de l'environnement, ensemble les articles 710 et 711 du code de procédure pénale ;
4°/ en toute hypothèse, que le tribunal ou la cour d'appel statue sur les incidents contentieux relatifs à l'exécution sur requête du ministère public ou de la partie intéressée ; que toute personne visée par une mesure d'exécution d'une décision pénale est recevable à présenter une requête soulevant des incidents relatifs à cette exécution ; que sont des parties intéressées au sens de l'article 711 du code de procédure pénale, les associations de protection de l'environnement agréées au titre de l'article L. 141-1 dudit code ainsi que les fédérations départementales des associations agréées de pêche et de protection du milieu aquatique et les associations agréées de pêcheurs professionnels; qu'en l'espèce, l'exposante était bénéficiaire des mesures prises pour la qualité de l'eau dans l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Riom du 10 mai 2022 ce qui en faisait une partie intéressée au sens de l'article 711 du code de procédure pénale, qu'en déclarant néanmoins l'exposante irrecevable à agir et à interjeter appel, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 710 et 711 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
8. Les moyens sont réunis.
9. Pour déclarer irrecevable l'appel de la [1], l'arrêt attaqué énonce que le cinquième alinéa de l'article L. 216-13 du code de l'environnement, qui ouvre le droit de faire appel, de façon restrictive, au procureur de la République ou à la personne concernée par les mesures, se rapporte à la décision sur le fond prise par le juge des libertés et de la détention, mais que ce texte ne prévoit aucun contrôle de l'exécution des mesures ainsi ordonnées, en particulier sur la liquidation d'une astreinte.
10. Les juges ajoutent que, si la procédure dite de référé environnemental n'est pas subordonnée à la caractérisation d'une faute de la personne concernée de nature à engager sa responsabilité pénale, il n'en demeure pas moins que seul le procureur de la République peut saisir le juge des libertés et de la détention de la requête visée à l'article L. 216-13 précité et que lui seul, ou la personne concernée par les mesures, peut faire appel de la décision prise à titre principal.
11. Ils précisent que si les astreintes ainsi prononcées constituent des mesures à caractère réel destinées à faire cesser une situation illicite, et non des sanctions pénales, elles sont prononcées et liquidées par le juge pénal.
12. Les juges relèvent encore qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions avec celles de l'article 710 du code de procédure pénale que seul le procureur de la République est compétent pour saisir le juge des libertés et de la détention afin de prendre toute mesure utile et régler toute difficulté d'exécution y afférente, éventuellement à la demande de la partie requérante.
13. La cour d'appel en conclut que la [1], à laquelle aucun texte ne confère la qualité de partie à la procédure de référé, n'est pas plus recevable à saisir le juge des libertés et de la détention en liquidation de l'astreinte qu'elle ne l'aurait été à le faire sur le fondement des dispositions de l'article L. 216-13 du code de l'environnement.
14. En statuant ainsi, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au deuxième moyen.
15. En effet, toute action relevant de la procédure engagée sur le fondement de l'article L. 216-13 du code de l'environnement ne peut être poursuivie que par le procureur de la République ou la personne concernée, qui est celle à l'encontre de laquelle il a été demandé au juge des libertés et de la détention d'ordonner toute mesure utile.
16. Dès lors, les moyens doivent être écartés, le premier étant inopérant, faute pour la [1] d'avoir la qualité de partie.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
17. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevable l'appel de la [1], alors « que l'article L. 216-13 du code de l'environnement en ce qu'il ne prévoit pas explicitement que les associations de protection de l'environnement agréées au titre de l'article L. 141-1 dudit code ainsi que les fédérations départementales des associations agréées de pêche et de protection du milieu aquatique et les associations agréées de pêcheurs professionnels sont recevables à solliciter la liquidation de l'astreinte assortissant des mesures de protection de l'environnement est contraire aux articles 1er et 2 de la Charte de l'environnement ; qu'il y a lieu, dès lors, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par l'exposante par mémoire distinct et motivé ; qu'à la suite de la déclaration d'inconstitutionnalité qui interviendra, l'arrêt attaqué se trouvera privé de base légale. »
Réponse de la Cour
18. Par arrêt distinct du 23 avril 2024, la Cour de cassation a dit n'y avoir lieu de transmettre cette question au Conseil constitutionnel. Il en résulte que le moyen est devenu sans objet.
19. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.




Crim. 14 janvier 2025 n° 23-84.130 B

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° W 23-84.130 FS-B
N° 00006

SL2 14 JANVIER 2025

REJET DÉCHÉANCE

M. BONNAL président,





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 14 JANVIER 2025


Les sociétés [2] et [1], parties intervenantes, M. [M] [P], les sociétés [4] et [3], ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, 11e chambre, en date du 11 mai 2023, qui les a condamnés, le troisième, pour infraction à la réglementation sur l'hygiène et la sécurité des travailleurs, les quatrième et cinquième, pour homicide involontaire et infraction à la réglementation sur l'hygiène et la sécurité des travailleurs, à diverses amendes et a prononcé sur les intérêts civils.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Joly, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de la société [2], les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société [3], les observations de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de M. [M] [P] et de la société [4], les observations de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de Mme [H] [K], agissant en son nom propre et en qualité d'ayant droit de [X] [K] et de Mme [B] [K], agissant en son nom propre, en qualité d'ayant droit de [X] [K] et en qualité de représentant légal de [G] [O], et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 19 novembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Joly, conseiller rapporteur, MM. Sottet, Samuel, Mme Goanvic, M. Coirre, Mme Hairon, M. Busché, conseillers de la chambre, MM. Leblanc, Charmoillaux, Rouvière, conseillers référendaires, M. Aubert, avocat général référendaire, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. [X] [K], salarié de la société [4], est décédé alors qu'il effectuait une opération de contrôle de maintenance d'une grue à tour louée par son employeur à la société [3], qui l'utilisait pour un chantier.
3. Le tribunal correctionnel a déclaré la société [4] et son président coupables, pour la première, d'exécution de travaux de maintenance sans respect par l'employeur des règles de sécurité et d'homicide involontaire pour avoir, notamment en s'abstenant d'établir un plan particulier de sécurité et de protection de la santé, causé la mort de [X] [K], pour le second, d'exécution de travaux de maintenance sans respect par l'employeur des règles de sécurité.
4. La société [3] a été déclarée coupable des mêmes chefs que la société [4].
5. La société [2], assureur de la société [3] et de la société [4], et son courtier, la société [1], sont intervenues à la procédure.
6. Le ministère public, les trois prévenus, les parties civiles et les sociétés [2] et [1] ont relevé appel de cette décision.
Déchéance du pourvoi formé par la société [1]
7. La société [1] n'a pas déposé dans le délai légal, personnellement ou par son avocat, un mémoire exposant ses moyens de cassation. Il y a lieu, en conséquence, de la déclarer déchue de son pourvoi par application de l'article 590-1 du code de procédure pénale.
Examen des moyens
Sur le moyen proposé pour la société [2]
8. Il n'y a pas lieu d'examiner ce moyen, que la société [2], par mémoire spécial, déclare retirer.
Sur le premier moyen, le deuxième moyen, pris en ses troisième à dixième branches, le troisième moyen proposés pour la société [4] et M. [M] [P] et le moyen proposé pour la société [3], pris en sa quatrième branche
9. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le moyen, pris en ses première, deuxième, troisième et cinquième branches, proposé pour la société [3], le deuxième moyen, pris en ses première et deuxième branches, et le quatrième moyen proposés pour la société [4] et M. [M] [P]
Enoncé des moyens
10. Le moyen proposé pour la société [3] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclarée coupable d'exécution de travaux de maintenance sans respect par l'employeur des règles de sécurité et d'homicide involontaire, alors :
« 1°/ qu'il résulte de la directive « Chantiers temporaires ou mobiles » n° 92-57 du 24 juin 1992, transposée aux articles L. 4532-2 et suivants du code du travail, que ne sont soumises à l'obligation d'élaboration d'un PSPPS que les entreprises qui concourent à la réalisation de l'ouvrage ; qu'ainsi, les entreprises prestataires de services qui interviennent sur les chantiers de bâtiment pour réaliser des prestations totalement dissociées des entreprises de construction participant à la réalisation de l'ouvrage final ne sont pas soumises à l'obligation d'élaboration d'un PPSPS ; que tel est le cas d'une opération de maintenance d'une grue, laquelle ne participe pas, par nature, à la construction de l'ouvrage ; qu'en retenant néanmoins, pour entrer en voie de condamnation, le défaut de rédaction d'un PPSPS comportant les instructions utiles relatives à cette opération de maintenance, lorsque cette opération, qui ne participait pas à la réalisation de l'ouvrage, n'avait pas à être intégrée dans le PPSPS, la cour d'appel a méconnu les articles L. 4532-2, L. 4532-9 du code du travail, tels qu'ils doivent être interprétés à la lumière de la directive dont ils sont issus, ainsi que les articles 221-6 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que s'entend par opération, au sens du code du travail, les travaux ou prestations de services réalisés par une ou plusieurs entreprises afin de concourir à un même objectif ; que les articles L. 4531-1 et suivants du code du travail relatifs aux principes de prévention n'envisagent que les obligations incombant aux maîtres d'ouvrages et aux entreprises participant à une opération de bâtiment, c'est-à-dire qui participent directement à la réalisation de l'ouvrage ; que la prestation de maintenance d'une grue à tour ne peut ainsi être considérée comme indissociable de l'opération de construction d'un ouvrage confiée à l'entreprise de gros-oeuvre et à ses sous-traitants, contraignant ainsi à la rédaction d'un PPSPS ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a de plus fort méconnu les articles L. 4532-2, L. 4532-9 du code du travail, tels qu'ils doivent être interprétés à la lumière de la directive dont ils sont issus, ainsi que les articles 221-6 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
3°/ qu'il résulte de l'article R. 4532-56 du code du travail que l'entrepreneur tenu de remettre un plan particulier de sécurité et de protection de la santé au coordonnateur ou au maître d'ouvrage, en application du premier alinéa de l'article L. 4532-9, dispose de trente jours à compter de la réception du contrat signé par le maître de l'ouvrage pour établir ce plan ; qu'il s'en déduit que seules les entreprises ayant un lien contractuel direct avec le maitre d'ouvrage sont tenues à l'élaboration d'un PSPPS ; que tel n'est pas le cas des prestataires de services qui n'ont aucun lien avec le maitre d'ouvrage ; que les prestations de maintenance de la société [4] n'avaient donc pas à être prévues dans le PSPPS ; qu'en relevant néanmoins le défaut de rédaction d'un PPSPS comportant les instructions utiles relatives à cette opération de maintenance, qui n'avait pas à être intégrée dans le PPSPS, la cour d'appel a encore méconnu les articles L. 4532-9, L. 4532-2 du code du travail, tels qu'ils doivent être interprétés à la lumière de la directive dont ils sont issus, ainsi que les articles 221-6 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
5°/ que les obligations édictées aux articles R. 4323-14, R. 4323-15, R. 4323-16, R. 4323-17 et R. 4323-18 du code du travail, relatives à la maintenance des équipements de travail et destinées à préserver la santé et assurer la sécurité des travailleurs, ne sont applicables qu'à l'employeur des salariés affectés « à la maintenance ou [au] démontage des équipements de travail » ; qu'en reprochant néanmoins à la SAS [3] de ne pas avoir fait état de cette opération de maintenance de la grue à tour dans son PPSPS, lorsque cette opération n'avait pas à y être intégrée par la société [3], la cour d'appel a encore méconnu les articles L. 4532-9, L. 4532-2 du code du travail, tels qu'ils doivent être interprétés à la lumière de la directive dont ils sont issus, ainsi que les articles 221-6 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
11. Le deuxième moyen proposé pour la société [4] et M. [P] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclarée coupable des faits d'exécution de travaux de maintenance sans respect par l'employeur des règles de sécurité et d'homicide involontaire par personne morale dans le cadre du travail et a déclaré M. [P], coupable des faits d'exécution de travaux de maintenance sans respect par l'employeur des règles de sécurité, alors :
« 1°/ qu'une coordination en matière de sécurité et de santé des travailleurs est organisée pour tout chantier de bâtiment ou de génie civil où sont appelés à intervenir plusieurs travailleurs indépendants ou entreprises, afin de prévenir les risques résultant de leurs interventions simultanées ou successives ; que sur ces chantiers, chaque entreprise appelée à intervenir à un moment quelconque des travaux, établit, avant le début des travaux, un PPSPS ; qu'un PPSPS ne doit dès lors être établi que dans l'hypothèse où sont appelés à intervenir plusieurs travailleurs indépendants ou entreprises ; que lors d'une visite trimestrielle de maintenance de grue à tour, l'opération de construction est suspendue et le grutier se trouve sous l'autorité et aux ordres du technicien excluant ainsi toute coactivité ou intervention simultanée ou successive de plusieurs travailleurs indépendants ou entreprises ; qu'en déclarant les exposants coupables pour avoir manqué à leur obligation d'établir un PPSPS à laquelle ils n'étaient pas tenus, faute d'intervention simultanée ou successive de plusieurs professionnels indépendants ou entreprise, la cour d'appel a méconnu les articles L. 4532-2, L. 4532-9, L.4741-1 et L. 4744-5 du code du travail, ensemble le décret n° 94-1159 du 26 décembre 1994 tel qu'interprété par la circulaire n° 96-5 du 10 avril 1996 et l'article 221-6 du code pénal ;
2°/ que sur les chantiers soumis à l'obligation d'établir un plan général de coordination, chaque entreprise, y compris les entreprises sous traitantes, appelée à intervenir à un moment quelconque des travaux, établit, avant le début des travaux, un plan particulier de sécurité et de protection de la santé ; que selon le décret n° 94-1159 du 26 décembre 1994, interprété à la lumière de la circulaire DRT n° 96-5 du 10 avril 1996, ne sont des entreprises au sens de ce texte que celles qui concourent à l'opération envisagée, les simples fournisseurs n'étant pas des sous-traitants au sens de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance ; que, dès lors, n'est pas une entreprise au sens de ce texte, l'entreprise qui se borne à assurer une prestation de maintenance d'une grue à tour, dont la durée est estimée à quelques heures au plus, mais qui ne participe pas à l'acte de construire ; qu'une telle entreprise ne peut, par conséquent, être considérée comme indissociable de l'opération de construction d'un ouvrage confiée à l'entreprise de gros-oeuvre et de sous-traitants et n'est donc pas soumise à l'obligation de rédiger un PPSPS ainsi que l'avaient fait valoir les exposants dans leurs écritures d'appel (p. 24) ; qu'en jugeant le contraire et en considérant que [4] et M. [P] avaient manqué à une obligation à laquelle ils n'étaient pas tenus (arrêt attaqué, pp. 40-41) pour les déclarer coupables, la cour d'appel a méconnu les articles L. 4741-1 et L. 4744-5 du code du travail, ensemble l'article L. 4532-9 du même code, le décret n° 94-1159 du 26 décembre 1994 tel qu'interprété par la circulaire n° 96-5 du 10 avril 1996 et l'article 221-6 du code pénal. »
12. Le quatrième moyen proposé pour la société [4] et M. [P] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclarée coupable des faits d'exécution de travaux de maintenance sans respect par l'employeur des règles de sécurité et d'homicide involontaire par personne morale dans le cadre du travail et a déclaré M. [P], coupable des faits d'exécution de travaux de maintenance sans respect par l'employeur des règles de sécurité, alors « qu'une infraction doit être définie par une loi précise, accessible et prévisible ; que les dispositions des articles L. 4744-5 et L. 4532-9 du code du travail, en ce qu'elles ne déterminent pas de manière claire et précise quelles entreprises, sur les chantiers soumis à l'obligation d'établir un plan général de coordination appelées à intervenir à un moment quelconque des travaux sont tenues d'établir, avant le début des travaux, un plan particulier de sécurité et de protection de la santé, sont contraires à l'article 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la cour d'appel, qui a prononcé une condamnation pénale sur le fondement d'un texte qui n'était ni clair, ni précis, ni prévisible, a méconnu l'article 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
13. Les moyens sont réunis.
14. Aux termes de l'article L. 4532-9 du code du travail, sur les chantiers soumis à l'obligation d'établir un plan général de coordination, chaque entreprise, y compris les entreprises sous-traitantes, appelée à intervenir à un moment quelconque des travaux, établit, avant le début des travaux, un plan particulier de sécurité et de protection de la santé. Ce plan est communiqué au coordonnateur.
15. Selon l'article R. 4532-64 du même code, ce plan particulier de sécurité et de protection de la santé doit décrire les travaux et processus de travail de l'entreprise pouvant présenter des risques pour la santé et la sécurité des autres intervenants sur le chantier, notamment lorsqu'il s'agit de travaux comportant des risques particuliers.
16. Il résulte de ces dispositions, d'une part, que l'obligation d'établir un plan particulier de sécurité et de protection de la santé concerne l'ensemble des entreprises dont les travaux concourent à la réalisation de l'opération de construction et n'est pas limitée à celles participant directement à la construction, d'autre part, que les entreprises soumises à cette obligation doivent inclure dans ce plan les risques particuliers que leur travaux et processus de travail comportent pour la sécurité des autres intervenants sur le chantier.
17. En l'espèce, pour déclarer les sociétés [4] et [3] coupables d'exécution de travaux de maintenance sans respect par l'employeur des règles de sécurité et d'homicide involontaire, l'arrêt attaqué énonce qu'il est constant que l'accident est survenu sur un chantier de bâtiment ou de génie civil relevant de l'obligation de faire établir un plan général de coordination en matière de sécurité et de protection de la santé.
18. Les juges ajoutent que les dispositions de l'article L. 4532-9 du code du travail sont générales et visent chaque entreprise appelée à intervenir à un moment quelconque des travaux.
19. Ils relèvent qu'il n'existe aucune exonération concernant une prestation de services, en l'espèce une opération de maintenance préventive, laquelle par son caractère obligatoire chaque trimestre concourt à l'opération de bâtiment ou de génie civil envisagée.
20. Ils constatent que la société [4] n'a établi aucun plan particulier de sécurité et de protection de la santé au titre de cette opération de maintenance d'une grue à tour pour laquelle elle devait intervenir tous les trois mois, sur un chantier prévu pour une durée initiale de vingt-cinq mois, soit au minimum huit fois.
21. Ils retiennent que le risque de survenance d'un accident lors d'une opération de maintenance d'une grue était déjà identifié au sein du groupe auquel appartiennent les sociétés [4] et [3] depuis 2011, puisque c'est à l'occasion d'un accident dont un technicien avait été victime lors d'une telle opération qu'une note de service a été rédigée.
22. Ils considèrent qu'en s'abstenant d'établir un plan particulier de sécurité et de protection de la santé relatif aux opérations de maintenance de la grue à tour, la société [4] a commis un manquement à une obligation de prudence ou de sécurité.
23. Ils constatent en outre que le plan particulier de sécurité et de protection de la santé établi par la société [3] n'a pas intégré les opérations de maintenance de la grue à tour dont elle était locataire et utilisatrice, consistant en des visites obligatoires trimestrielles et annuelles.
24. Ils indiquent que l'opération de maintenance en cause est par nature dangereuse puisqu'elle fait intervenir deux salariés de deux entreprises différentes, en sorte qu'il s'imposait de convenir de mesures de prévention communes et d'un mode opératoire prenant en compte les contraintes opérationnelles de chacun d'entre eux.
25. Ils considèrent qu'en n'intégrant pas cette opération de maintenance dans son plan particulier de sécurité et de protection de la santé, la société [3] a empêché le coordonnateur de sécurité de procéder à une évaluation des risques et de définir des mesures de prévention.
26. En statuant ainsi, par des motifs dont il résulte que le champ d'application de l'article L. 4532-9 du code du travail n'est pas limité à la construction, mais comprend l'ensemble des travaux concourant à la réalisation d'une telle opération, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen pour les raisons suivantes.
27. En premier lieu, il ressort de ce qui précède que les dispositions de ce texte, dont la violation constitue un délit en application de l'article L. 4744-5 du code du travail, déterminent de manière claire et précise les entreprises tenues d'établir un plan particulier de sécurité et de protection de la santé, de sorte qu'il n'y a pas lieu de les éclairer par la directive et la circulaire invoquées, et ne méconnaissent ainsi pas l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme.
28. En second lieu, l'interprétation de ce texte ne méconnaît pas davantage l'article 7 précité, dès lors qu'elle était prévisible en ce que, d'une part, elle découle des termes mêmes de la loi, d'autre part, elle a déjà été consacrée par un arrêt publié (Crim., 22 octobre 1986, pourvoi n° 85-96.499, Bull. crim. 1986, n° 303) rendu sur les dispositions similaires alors applicables du code du travail, qui n'a pas fait l'objet, depuis, d'un revirement de jurisprudence.
29. Ainsi, les moyens doivent être écartés.
30. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.




Crim. 8 janvier 2025 n° 23-84.483 B

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° E 23-84.483 FS-B
N° 00004

SL2 8 JANVIER 2025

CASSATION IRRECEVABILITÉ

M. BONNAL président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 8 JANVIER 2025



M. [N] [Z] a formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'assises du Lot-et-Garonne, en date du 9 juin 2023, qui, pour viols et violences, aggravés, viol, harcèlement moral et contravention de violences, l'a condamné à quinze ans de réclusion criminelle, six ans de suivi socio-judiciaire, cinq ans d'inéligibilité et 500 euros d'amende, ainsi que contre l'arrêt du même jour par lequel la cour a prononcé le retrait de l'autorité parentale et sur les intérêts civils.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Brugère, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [N] [Z], les observations de la SCP Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de Mme [G] [P], les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocats de Mme [R] [H], [T] [H] et [U] [H] pris en la personne de leur représentant légal Mme [R] [H], et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 14 novembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Brugère, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, Mme Leprieur, MM. Turbeaux, M. Laurent, M. Gouton, M. Tessereau, conseillers de la chambre, M. Mallard, Mmes Guerrini, Diop-Simon, conseillers référendaires, Mme Bellone, avocat général référendaire, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Les 15 et 16 juillet 2019, des plaintes ont été déposées pour viol, violences et harcèlement moral contre M. [N] [Z].
3. Il a été mis en examen et placé en détention provisoire.
4. Mis en accusation devant la cour d'assises, M. [Z] a été condamné, le 30 mars 2022, à quinze ans de réclusion criminelle et cinq ans de suivi socio-judiciaire. La cour a prononcé sur les intérêts civils.
5. L'accusé a relevé appel de ces décisions, le ministère public a formé appel incident.
Examen de la recevabilité du pourvoi formé le 13 juin 2023
6. M. [Z] ayant épuisé son droit à se pourvoir en cassation contre les arrêts attaqués par la déclaration faite par lui-même le 12 juin 2023, le pourvoi, formé en son nom par son avocat, le lendemain, est irrecevable.
7. Seul est recevable le pourvoi formé le 12 juin 2023.
Examen de la recevabilité du mémoire personnel
8. Le mémoire personnel de M. [Z], parvenu à la Cour de cassation le 11 août 2023, alors que le pourvoi a été formé le 11 juin précédent et qu'aucune dérogation n'a été accordée par le président de la chambre criminelle, est irrecevable par application de l'article 585-1 du code de procédure pénale.
Examen des moyens
Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [Z] coupable de viols, harcèlements moraux et violences, aggravés, viol, harcèlement moral et contravention de violences et l'a condamné à quinze ans de réclusion criminelle, six ans de suivi socio-judiciaire, cinq ans d'inéligibilité et 500 euros d'amende, alors :
« 1°/ d'une part que le président a le devoir de ne pas manifester son opinion sur la culpabilité de l'accusé ; qu'il résulte du procès-verbal des débats qu'il a été donné acte à la défense que « le Président a dit lors de l'interrogatoire de l'accusé : « c'est la vérité ce que vous déclarez au juge ? » « vous ne voulez pas avouer les viols ? » « montrez-moi que vous n'étiez pas votre état normal ? » et que « la Cour n'a pas souvenir de l'emploi de mots « j'ai du mal à formaliser qu'elles mentent » (Procès verbal des débats, pp. 21-22) ; qu'en refusant d'ordonner une enquête, ainsi qu'il était expressément demandé par la défense, consistant à tout le moins à écouter l'enregistrement sonore des débats qui avait été réalisé (Procès-verbal des débats, p. 3, § 9) pour vérifier si la formule « j'ai du mal à formaliser qu'elles mentent » avait bien été prononcée, la Cour a méconnu son office et n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 308, 327, 328, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les 308, alinéa 4, et 593 du code de procédure pénale :
10. Selon le premier de ces textes, l'enregistrement sonore des débats devant la cour d'assises peut être utilisé par cette juridiction jusqu'au prononcé de l'arrêt.
11. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
12. Pour rejeter les conclusions d'incident, tendant à ce qu'il soit donné acte de propos tenus par le président de la cour d'assises lors de l'interrogatoire de l'accusé et, au besoin, qu'il soit ordonné une enquête pour en vérifier l'exactitude, la cour a énoncé ne pas se souvenir, au sujet des parties civiles, de l'emploi des mots « j'ai du mal à formaliser qu'elles mentent ».
13. En prononçant ainsi, la cour n'a pas justifié sa décision.
14. En effet, il lui appartenait, avant de statuer sur l'incident, si elle n'avait pas conservé le souvenir des propos susceptibles de mettre en cause l'impartialité du président, dont il lui avait été demandé de donner acte, de diligenter une enquête, le cas échéant en écoutant l'enregistrement sonore des débats.
15. La cassation est, dès lors, encourue de ce chef sans qu'il y ait lieu d'examiner l'autre grief.
Portée et conséquences de la cassation
16. La cassation prononcée entraînera par voie de conséquence celle de l'arrêt civil.




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