Crim. 7 mai 1998 n° 97-81.102 B n° 157
REJET du pourvoi formé par :
- X... Patrick,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 9e chambre, du 30 janvier 1997, qui, pour ingérence ou prise illégale d'intérêts, l'a condamné à 15 mois d'emprisonnement avec sursis et 200 000 francs d'amende, a prononcé son inéligibilité pendant 2 ans et a statué sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 388, 591 et 593 du Code de procédure pénale, ensemble des articles 175 ancien du Code pénal, 111-2, 111-4, 432-12 et 432-13 du Code pénal, défaut de motifs :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Patrick X... coupable d'ingérence, s'agissant des faits antérieurs au 1er mars 1994, et de prise illégale d'intérêts s'agissant des faits postérieurs au 1er mars 1994, pour avoir recruté comme agents municipaux et affecté à son usage personnel Reynald Y... et Roberte Y..., employés de la commune de Levallois-Perret, et condamné Patrick X... à 15 mois d'emprisonnement avec sursis, 200 000 francs d'amende outre une inéligibilité pendant 2 ans, ainsi qu'au paiement de dommages et intérêts au profit de la commune de Levallois-Perret ;
" aux motifs adoptés que l'enquête préliminaire a permis d'établir la matérialité des faits dénoncés par le maire de Levallois-Perret, en l'occurrence l'affectation de membres du personnel municipal comme employés de maison dans les résidences personnelles de son prédécesseur ; que, recrutés par l'intermédiaire d'Isabelle X... qui leur donnait des ordres, Reynald et Roberte Y... affectés au service information de la mairie ont été exclusivement employés dans la résidence secondaire de Patrick et Isabelle X... ; que les auditions ont confirmé que, sauf exception, les agents municipaux n'avaient jamais rencontré Reynald et Roberte Y... ; qu'il n'est pas contestable qu'il a pris un intérêt personnel en employant les services du personnel communal ; que le fait de recruter le personnel de maison constitue un acte, une entreprise ou une opération au sens de l'article 175, applicable pour les faits commis avant le 1er mars 1994, et 432-12 du Code pénal pour les faits commis à partir de cette date ; qu'ainsi l'infraction reprochée à Patrick X... est constituée en tous ses éléments ;
" et aux motifs propres que Patrick X... est poursuivi du chef d'ingérence et de prise illégale d'intérêt pour avoir pris, le 10 décembre 1992, un arrêté de nomination de Reynald Y..., en qualité d'agent technique non titulaire pour une durée de 1 an, le 31 décembre 1993, 2 arrêtés de nomination concernant Reynald et Roberte Y..., en qualité d'agents techniques non titulaires pour une durée de 1 an, le 20 septembre 1994, un arrêté nommant Roberte Y... en qualité d'agent technique non titulaire pour une durée de 1 an, bien que ces personnes n'aient pas exercé leurs fonctions au bénéfice de la commune de Levallois-Perret, mais étaient employés exclusivement au service personnel de Patrick X... ; que selon la plainte, Reynald et Roberte Y..., théoriquement affectés au service information de la ville, ont exclusivement travaillé dans la résidence secondaire de Patrick et Isabelle X... ; que selon l'enquête diligentée à la requête du ministère public, ils ont été embauchés par Isabelle X... par l'intermédiaire d'une agence spécialisée dans le recrutement de personnel de maison ; que rémunérés par la commune de Levallois-Perret en qualité d'agents techniques non titulaires en vertu de l'arrêté pris annuellement par Patrick X..., ils n'ont jamais travaillé dans les services municipaux ; que ces faits ne sont pas matériellement contestés ;
" alors que, premièrement, la décision de recrutement de Reynald et Roberte Y..., prise par Patrick X... en tant que maire de Levallois-Perret, ne pouvait révéler par elle-même une ingérence ou une prise illégale d'intérêts ; que les décisions de recrutement ne pouvaient avoir pour objet ou pour effet que de créer des droits et obligations entre Reynald et Roberte Y... et la commune de Levallois-Perret ; qu'elles impliquaient notamment l'obligation pour les époux Y... de travailler au service de la commune ; qu'en réalité l'ingérence ou la prise illégale d'intérêts ne pouvait résulter que de l'affectation de ces personnels au service de Patrick et Isabelle X... ; qu'en retenant que les arrêtés de recrutement (arrêtés du 10 décembre 1992, 31 décembre 1993 et du 20 septembre 1994) caractérisaient une ingérence ou une prise illégale d'intérêt, les juges du fond ont violé les textes susvisés ;
" et alors que, deuxièmement, s'il est vrai que les juges du fond ont constaté que Reynald et Roberte Y... avaient été affectés au service personnel de Patrick X..., les actes d'affectation qui pouvaient être éventuellement le siège d'une ingérence ou d'une prise illégale d'intérêts, n'ont pas été visés par la prévention ; qu'en effet, s'agissant de l'ingérence ou de la prise illégale d'intérêt, le titre de poursuite doit viser les actes révélateurs de l'infraction ; qu'en l'espèce la citation du 15 janvier 1996 s'est bornée à viser comme révélateur de l'ingérence ou de la prise illégale d'intérêts les arrêtés de recrutement ; qu'ainsi, l'arrêt attaqué, en tant qu'il se fonde sur l'affectation du personnel, a excédé les limites de la saisine du juge correctionnel et violé les textes susvisés, notamment l'article 388 du Code de procédure pénale ;
" et alors que, troisièmement, le dispositif de l'arrêt attaqué ne peut être considéré comme légalement justifié au regard de l'article 598 du Code de procédure pénale et de la théorie de la peine justifiée dès lors que le chef de l'arrêt relatif aux faits concernant Reynald et Roberte Y... étaient la base, entre autres, de la condamnation indivisible au paiement d'une somme d'argent, à titre de réparation, au profit de la commune de Levallois-Perret " ;
Attendu que, pour déclarer Patrick X... coupable d'ingérence ou prise illégale d'intérêts, les juges retiennent qu'en sa qualité de maire de Levallois-Perret, il avait la charge d'assurer la surveillance et l'administration du personnel communal et d'ordonnancer les dépenses afférentes aux emplois communaux ; qu'ils relèvent que le prévenu a embauché, au printemps 1986, Reynald Y... et son épouse Roberte, par l'intermédiaire d'une agence spécialisée dans le recrutement du personnel de maison, et a pris, en 1992, 1993 et 1994, des arrêtés de nomination des intéressés, en qualité d'agents techniques non titulaires, officiellement affectés au " service information " de la commune, alors que ceux-ci ont été employés exclusivement au service des époux X..., dans leur résidence secondaire ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, caractérisant en tous ses éléments constitutifs l'infraction reprochée, la cour d'appel, qui n'a pas excédé sa saisine, a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 388, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 175 du Code pénal ancien, 112-1, 432-12 et 432-13 du Code pénal, défaut de motifs :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Patrick X... coupable de conservation d'intérêts illégalement pris, pour avoir utilisé à des fins personnelles les services d'Ali Z..., à compter du 1er mars 1994 et condamné en conséquence Patrick X... à 15 mois d'emprisonnement avec sursis, 200 000 francs d'amende, 2 ans d'inéligibilité, ainsi qu'au paiement d'une somme de 771 289,91 francs au profit de la commune de Levallois-Perret ;
" aux motifs que le dernier arrêté portant intégration d'Ali Z... date du 21 janvier 1991 ; que les arrêtés postérieurs et notamment, l'arrêté du 13 septembre 1994 visé à la prévention, ne constituent que des arrêtés de gestion indiciaire ; qu'en ce qui concerne les avantages tirés par Patrick X... de l'affectation de cet employé à son service personnel, le délit de prise illégale d'intérêts se trouve prescrit ; que seule peut être retenue la conservation d'intérêts, visée par l'article 432-12 du Code pénal, pour la période postérieure au 1er mars 1994 ;
" alors que, premièrement, s'agissant d'Ali Z..., la prévention visait, et visait exclusivement, l'arrêté du 13 septembre 1994 à caractère collectif portant révision des indices de rémunération des agents d'entretien de la commune ; qu'ainsi, tenus de statuer dans les limites de l'acte de saisine, les juges du fond pouvaient seulement se demander si, en prenant un arrêté à caractère collectif réévaluant les indices de certains agents territoriaux, Patrick X... avait pris un intérêt illégal ou conservé un intérêt illégalement pris ; qu'en retenant à l'encontre de Patrick X... le fait d'avoir affecté à son service, postérieurement au 1er mars 1994, Ali Z..., fait étranger à la réévaluation des indices de rémunération des agents d'entretien, les juges ont méconnu les limites de leur saisine, violé les textes visés et notamment l'article 388 du Code de procédure pénale ;
" alors que, deuxièmement, la conservation d'un intérêt illégalement pris, délit institué par l'article 432-12 du Code pénal, entré en vigueur le 1er mars 1994, ne peut s'appliquer qu'aux intérêts illégalement pris postérieurement à cette date ; qu'en décidant le contraire les juges du fond ont violé les textes susvisés et notamment l'article 112-1 du Code pénal ;
" alors que, troisièmement, la conservation d'un intérêt illégalement pris suppose que la prise illégale de l'intérêt soit punissable ; que tel n'est pas le cas lorsque la prise illégale d'intérêts tombe sous le coup de la prescription ; qu'à cet égard encore l'arrêt attaqué a été rendu en violation des textes susvisés ;
" et alors que, quatrièmement, le dispositif de l'arrêt attaqué ne peut être considéré comme légalement justifié au regard de l'article 598 du Code de procédure pénale et de la théorie de la peine justifiée dès lors que le chef de l'arrêt relatif aux faits concernant Ali Z... est à la base, entre autres, de la condamnation indivisible au paiement d'une somme d'argent, à titre de réparation, au profit de la commune de Levallois-Perret " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'Ali Z..., entré en 1982 en qualité d'agent de service à la mairie de Levallois-Perret et officiellement affecté au cabinet du maire, a été en fait employé comme homme à tout faire au domicile des époux X... jusqu'aux élections municipales de juin 1995 et rémunéré par la ville en tant qu'agent d'entretien ;
Que, sur citation de l'intéressé pour des faits de prise illégale d'intérêts commis à compter du 13 septembre 1994, date de l'arrêté portant révision de la grille indiciaire des agents d'entretien territoriaux, la cour d'appel a requalifié les faits en conservation d'un intérêt illégalement pris ;
Attendu que le demandeur ne saurait, en cet état, se faire un grief de la requalification que les juges du second degré ont cru devoir opérer, dès lors que les faits constatés, à savoir l'emploi d'un agent communal à des fins privatives, constituaient bien le délit de prise illégale d'intérêts visé à la prévention lors de chaque ordonnancement des rémunérations mensuelles ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
REJETTE le pourvoi.
Crim. 7 mai 1998 n° 96-86.523
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le sept mai mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire de la LANCE, les observations de Me X... et de la société civile professionnelle PEIGNOT et GARREAU, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général AMIEL ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- A... Monique, épouse F...,
- F... Louis, contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 12ème chambre, en date du 18 novembre 1996, qui a condamné la première, pour abus de confiance, à 16 mois d'emprisonnement dont 12 avec sursis et mise à l'épreuve pendant 3 ans, le second, pour recel d'abus de confiance, à 6 mois d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit commun aux demandeurs et le mémoire en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 485, 512 et 592 du Code de procédure pénale ;
"en ce qu'il a été procédé à la lecture de l'arrêt par l'un des magistrats ayant participé aux débats et au délibéré ;
"alors que l'arrêt, qui ne précise pas le nom du magistrat ayant procédé à la lecture de la décision, ne met pas la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle sur la régularité de celle-ci, dans la mesure où il est impossible de savoir si ce magistrat a bien été l'un des juges composant la juridiction lors des débats et du délibéré" ;
Attendu qu'il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que la cour d'appel était composée, lors des débats et du délibéré, de M. B..., exerçant les fonctions de président, de M. Z... et de Mme Deurbergue, conseillers, et que, le 18 novembre 1996, il a été procédé à la lecture de la décision par l'un des magistrats ayant participé aux débats et au délibéré ;
Qu'il a été ainsi satisfait aux prescriptions des articles 485 et 512 du Code de procédure pénale ;
Que le moyen ne saurait donc être accueilli ;
Mais sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 901, 1315, 1341 du Code civil, 4, 406, 408 de l'ancien Code pénal, unique de la loi n° 92-685 du 22 juillet 1992, 373 de la loi du 16 décembre 1992, unique de la loi du 19 juillet 1993, 313-4, 314-1, 314-10 du nouveau Code pénal, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale, défaut et contradiction de motifs ;
"en ce que la cour d'appel a déclaré Monique F..., née A..., coupable du délit d'abus de confiance, en répression, l'a condamnée à 16 mois d'emprisonnement dont douze mois assortis d'un sursis avec mise à l'épreuve pendant trois ans avec obligation d'indemniser la victime, et, sur l'action civile, a condamné celle-ci à payer à Viviane E..., épouse C..., ès-qualité de tuteur de Marie du Y..., veuve D..., la somme de 1 971 805 francs à titre de dommages-intérêts, outre une certaine somme au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;
"1°) aux motifs qu'il était reproché à Monique F... d'avoir détourné un bronze Bugatti;
que les prévenus prétendaient que Marie D... en avait fait donation à Monique F... et qu'il n'était pas établi que cet objet lui avait été remis à titre de mandat;
qu'il résultait du témoignage de Germaine Troche que Marie D... lui avait dit qu'elle avait confié le bronze Bugatti à quelqu'un et qu'il avait été constaté qu'avant l'hospitalisation le bronze n'était plus dans son appartement;
que les dénégations des prévenus étaient, dès lors, peu crédibles (arrêt p. 5) ;
"alors, d'une part, qu'il appartient aux demandeurs au procès pénal, c'est-à-dire à la partie poursuivante et au ministère public, d'établir tous les éléments constitutifs de l'infraction et qu'en conséquence, s'agissant de poursuites pour avoir, courant 1990 et 1991, détourné deux statues Bugatti - en réalité un bronze unique représentant deux fauves - il appartenait aux demandeurs au procès pénal d'établir que le bronze avait été remis à Monique F... en vertu de l'un des contrats visés à l'article 408, ancien, du Code pénal, seul applicable s'agissant de faits remontant à 1990 et 1991, et non aux prévenus de faire la preuve de l'absence de l'un desdits contrats ;
qu'ainsi, en se bornant à affirmer que, selon un témoignage, Marie D... aurait confié le bronze à quelqu'un et qu'il avait été constaté que le bronze n'était plus dans l'appartement, en sorte que les dénégations des prévenus étaient peu crédibles, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé les textes visés au moyen ;
"alors, d'autre part, que le délit d'abus de confiance, au sens de l'article 408 ancien du Code pénal applicable en l'espèce, s'agissant de faits commis en 1990 et 1991, postule l'existence de l'un des contrats limitativement énumérés à ce texte et que l'absence de précision sur la nature du contrat, qui n'est pas indiquée par l'arrêt attaqué, ne permet pas à la Cour de Cassation d'exercer son contrôle ;
"alors, encore, qu'à supposer que les quelques énonciations de l'arrêt puissent suffire à déterminer que le bronze avait été remis en vertu de l'un des contrats visés à l'article 408 ancien du Code pénal, l'existence de ce contrat devait être prouvée d'après les règles du Code civil, s'agissant d'un bronze d'une valeur supérieure à 5 000 francs;
qu'ainsi, la cour d'appel, si tant est qu'elle ait retenu l'existence de l'un des contrats visés audit article, a violé les règles de preuve applicables en l'espèce ;
"alors, enfin, qu'il n'est reçu aucune preuve par témoin contre et outre le contenu aux actes;
qu'ainsi, la cour d'appel, en l'état de l'acte écrit du 28 août 1990 émanant de Marie D..., par lequel celle-ci certifiait avoir donné à ses amis, Louis F... et Monique F... le bronze Bugatti, qui constituait un écrit faisant la preuve du don manuel, ne pouvait écarter cet écrit sur la foi d'un témoignage méconnaissant encore les règles de preuve ;
"2°) aux motifs, des premiers juges - à les supposer adoptés, ce qui est expressément contesté - que Marie D..., qui était dans un état de confusion certain, ne pouvait avoir signé valablement un acte de donation pour une oeuvre à laquelle elle était attachée et qu'elle n'avait pas l'intention de vendre ou de donner comme en avait témoigné Germaine Troche (jugement p. 5 in limine) ;
"alors, d'une part, que l'état de confusion certain n'est pas caractéristique de l'insanité d'esprit qui, seule, eût pu permettre d'annuler la donation, constatée par acte du 28 août 1990, de sorte que l'arrêt attaqué n'est pas légalement justifié ;
"alors, d'autre part, que, dans ses conclusions d'appel (page 5), Monique F... avait fait valoir que l'expert désigné avait précisé ne pas pouvoir être très précis sur l'état de santé de Marie D... avant septembre 1990, celle-ci n'étant probablement plus en état de prendre des dispositions patrimoniales pendant l'été 1990 suivant les conclusions dubitatives de cet expert faisant référence à une attestation remise par un membre de la famille, médecin honoraire, ou à un ami de la famille et non de Marie D..., qui n'avait plus aucun contact avec lui, que le juge des tutelles, le 27 mai 1991, avait placé Marie D... sous le régime de la sauvegarde de justice, c'est-à-dire le régime de protection légale le plus léger, que d'autres témoignages versés aux débats précisaient que Marie D... était parfaitement saine d'esprit en sorte que celle-ci était pleinement consciente de ses actes lors de la remise du don manuel en mai 1990 et de la rédaction de l'acte manuscrit confirmant cette donation en août 1990;
qu'en ne répondant pas à ce moyen péremptoire des conclusions d'appel, fût-ce pour le réfuter, la cour d'appel a privé sa décision de motifs ;
"3°) aux motifs propres qu'il était reproché à Monique F... d'avoir détourné une somme d'argent appartenant à Marie D... pour acheter, le 2 novembre 1990, deux bagues;
que, dans une lettre du 12 juin 1991, Viviane C... (la partie civile) précisait que Monique F... avait accompagné Marie D... à la joaillerie Cartier pour faire l'acquisition de deux bagues d'un montant de 123 000 francs;
qu'une bague avait été retrouvée lors d'une perquisition effectuée le 2 novembre 1992;
qu'il était à noter que d'autres bijoux avaient disparu des coffres bancaires de Marie D... (arrêt p. 5) ;
"et aux motifs adoptés que Monique F... s'était présentée avec Marie D... chez Cartier et lui fera acheter deux bagues d'un montant de 123 000 francs (jugement, page 4 in fine et page 5, in limine) ;
"alors, d'autre part, que la cour d'appel, qui a constaté qu'il était reproché à Monique F... d'avoir détourné une somme d'argent appartenant à Marie D... et qui a énoncé, par motifs propres, que Monique F... avait accompagné Marie D..., pour faire l'acquisition des bagues, et qui a relevé, par motifs adoptés, que Marie D... avait acheté les deux bagues chez Cartier, ne pouvait, sans entacher par deux fois sa décision d'une contradiction puisque l'acquisition était le fait de Marie D..., retenir que Monique F... aurait détourné la somme d'argent nécessaire à cet achat ;
"alors, d'autre part, que ne relève pas les éléments caractéristiques du délit d'abus de confiance - au sens de l'article 408, ancien, du Code pénal ici applicable - la cour d'appel, qui ne précise pas le contrat en vertu duquel les objets auraient été remis, étant observé que le détournement d'argent - qui est expressément contesté - n'est pas au nombre, en tant que tel, des contrats limitativement énumérés audit texte ;
"alors, encore, que la commission du délit d'abus de confiance postule une remise et un détournement, lequel ne saurait résulter d'un simple défaut de restitution spontanée;
que la cour d'appel n'a pas caractérisé la remise de l'une des deux bagues à défaut d'avoir répondu aux conclusions de Monique F... (page 7) faisant valoir qu'aucun élément du dossier ne précisait que Marie D... aurait remis, à titre précaire, les bagues à Monique F... qui les aurait conservées frauduleusement, que Marie D... avait porté les bagues, - suivant témoignage versé aux débats -, lors d'un dîner après que celles-ci eurent été remises à Louis F..., en sorte que la première en avait conservé la détention, et n'a pas davantage caractérisé le détournement de l'autre bague, en l'état desdites conclusions soutenant que, pour le saphir bleu que Marie D... lui avait confié, Monique F... n'avait rien dissimulé pour avoir ouvertement placé ce bijou au coffre, fait savoir qu'elle le détenait et remis celui-ci sur simple demande étant observé que l'affirmation suivant laquelle d'autres bijoux auraient disparu d'un coffre est inopérante dès lors que la disparition n'est pas imputée au prévenu ;
"4°) aux motifs propres qu'en ce qui concernait les comptes bancaires, l'enquête avait établi des retraits d'un montant total de 456 477 francs sur le compte de Marie D... à la BNP et des retraits d'un montant de 693 326 francs au compte de Marie D... à la Société Générale;
que Monique F... connaissait bien Marie D... et que cette dernière venait souvent la voir à la BNP Jasmin pour la gestion de son patrimoine;
que Monique F... avait été licenciée de la BNP à la suite de l'ouverture d'un compte joint à la Société Générale sur lequel Monique F... avait la signature au mépris des règles déontologiques;
que des retraits d'un montant important notamment de 1988 à 1990 avaient été effectués par Monique F...;
que Monique F... avait expliqué les sorties d'espèces par le fait que Marie D... avait des besoins d'argent alors que celle-ci n'avait pas de nombreuses dépenses personnelles surtout après son hospitalisation (arrêt, pages 5 et 6) ;
"et aux motifs adoptés que Monique F... avait abusé de la faiblesse de Marie D... pour détourner les fonds dont disposait cette dame (jugement page 4 in fine) ;
"alors, d'une part, que la convention de compte-joint n'est pas au nombre des contrats visés à l'article 408 ancien du Code pénal, seul applicable en l'espèce, s'agissant des faits commis en 1990 et 1991, en sorte que le délit d'abus de confiance n'était pas constitué et qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;
"alors, d'autre part, que le seul retrait des fonds n'est pas constitutif du délit d'abus de confiance, au sens de l'article 408 ancien du Code pénal, et qu'en l'absence de toute précision sur la nature du contrat, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle ;
"alors, encore, que la cour d'appel, après avoir relevé que l'enquête avait établi des retraits de fonds d'un montant total de 456 477 francs sur le compte de Marie D... à la BNP, ne pouvait, sans répondre au moyen péremptoire des conclusions de Monique F... faisant valoir qu'aucun élément du dossier ne permettait d'avancer qu'elle avait détourné cet argent pour n'avoir ni procuration sur le compte et n'être pas guichetière et par la raison que l'ensemble des chèques justifiant ces retraits étaient signés de Marie D... (page 8), imputer ces retraits à Monique F... et a encore violé les textes visés au moyen ;
"alors, également, que la cour d'appel, qui a relevé que l'enquête avait établi des retraits d'un montant de 693 326 francs au compte de Marie D... à la Société Générale et constaté simplement que des retraits d'un montant important notamment de 1988 à 1990 avaient été effectués par Monique F... et que celle-ci avait effectué en mars 1991 un retrait de 185 000 francs et en avril 1991 un retrait de 193 173 francs, ne pouvait sans s'en expliquer, imputer l'ensemble des retraits à Monique F... sans même préciser le montant total des sommes par elle retirées et a ainsi privé sa décision de base légale ;
"alors, en outre, que le juge peut se prononcer sur les seuls faits visés à l'acte de saisine sauf s'il est constaté que le prévenu a accepté le débat sur des faits nouveaux;
qu'en visant, parmi les retraits de fonds effectués par Monique F..., des retraits de 1988 à 1990, bien que l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel concernait des faits commis courant 1990 et courant 1991, la cour d'appel a statué sur des faits concernant les années 1988 et 1989, non visés par l'ordonnance et sans constater que les prévenus auraient accepté ce débat en sorte qu'elle a violé les textes visés au moyen ;
"alors, enfin, que seuls sont punissables les faits constitutifs d'une infraction à la date à laquelle ils ont été commis et que le délit d'abus de faiblesse d'une personne vulnérable a été réprimé pour la première fois par l'article 313-4, nouveau, du Code pénal, entré en vigueur au 1er mars 1994 et applicable aux seuls faits commis postérieurement à cette date et non pas à ceux commis en 1990 et 1991" ;
Et sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 460, ancien, du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Louis F... coupable de recel d'objet obtenu à l'aide d'un abus de confiance, l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis, et l'a condamné solidairement avec Monique F... à payer à Viviane C..., agissant en qualité de tuteur de Marie D..., la somme de 1 971 805 francs à titre de dommages-intérêts ;
"aux motifs propres qu'il était reproché à Louis F... d'avoir recelé un bronze Bugatti et qu'il était poursuivi pour avoir recelé deux bagues lui ayant été livrées le 11 décembre 1990 (arrêt, page 5) ;
"et aux motifs adoptés que Louis F... avait une parfaite connaissance des agissements de son épouse (jugement page 5) ;
"alors, d'une part, que la cassation de l'arrêt en ce que Monique F... a été déclarée coupable du délit d'abus de confiance entraînera par voie de conséquence nécessaire la cassation de l'arrêt en ce que Louis F... a été déclaré coupable du délit de recel, aucun fait délictueux n'étant retenu contre les prévenus ;
"alors, d'autre part, que la cour d'appel n'a pas caractérisé le recel du bronze Bugatti imputé à Louis F... et ne pouvait considérer que ce dernier aurait recelé les bagues lui ayant été remises sans répondre au moyen des conclusions d'appel (page 7) faisant valoir que Louis F... les avait immédiatement données à Marie D... qui les portait au cours d'un dîner postérieur à la remise
- suivant témoignage versé aux débats ;
"alors, enfin, que la cour d'appel n'a pas davantage caractérisé l'intention frauduleuse et donc le fait que Louis F... aurait sciemment recelé le bronze, les bagues et même les sommes d'argent" ;
Les moyens étant réunis ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'avant l'entrée en vigueur du nouveau Code pénal, le délit d'abus de confiance n'était légalement constitué que s'il était constaté que les objets ou deniers avaient été remis au prévenu en exécution d'un des contrats énumérés à l'article 408 du Code pénal, alors applicable ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Monique F..., chargée de clientèle dans une banque, connaissait, depuis 1986, Mme D..., personne âgée, née en 1902, qui la consultait pour la gestion de son patrimoine;
que Marie D... lui a remis un bronze Bugatti, vendu 500 000 francs, deux bagues Cartier d'une valeur de 123 000 francs ;
qu'entre 1990 et 1991, des retraits de plus d'un million de francs ont été effectués sur deux comptes de Mme D... et sur un compte-joint ouvert aux noms de "Pennec-Laporte" ;
Attendu que, pour retenir le délit d'abus de confiance à la charge de Monique F... et celui de recel à la charge de Louis F..., la cour d'appel se borne à énoncer que, selon les dires de Marie D... à un témoin, le bronze Bugatti, vendu par les époux F..., avait été seulement confié à quelqu'un, avant son hospitalisation, qu'une des bagues Cartier achetée par celle-ci, accompagnée de la prévenue, a été retrouvée chez cette dernière, et que la preuve de la donation alléguée n'est pas rapportée;
qu'en ce qui concerne les comptes bancaires, des retraits importants et inexpliqués ont été établis, alors que Mme D... n'avait pas de nombreuses dépenses personnelles;
que Louis F..., qui connaissait les agissements de son épouse, a recelé le bronze et les bagues;
que la culpabilité des prévenus est établie ;
Mais attendu qu'en l'état de ces seuls motifs, et en l'absence de précisions sur la nature et les modalités des contrats en vertu desquels les biens et les fonds ont été reçus par la prévenue, les juges n'ont pas donné de base légale à leur décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens proposés, CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la cour d'appel de Paris, en date du 18 novembre 1996, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Schumacher conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, Mme de la Lance conseiller rapporteur, MM. Martin, Pibouleau, Challe, Roger conseillers de la chambre, MM. de Mordant de Massiac, Soulard conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Amiel ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;
Crim. 6 mai 1998 n° 96-86.298
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le six mai mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire POISOT, les observations de la société civile professionnelle GUIGUET, BACHELLIER et de la VARDE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LUCAS ;
Statuant sur les pourvois formés par :
- X... Gustave,
- contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de RENNES, en date du 22 septembre 1994, qui, dans l'information suivie contre lui du chef d'agressions sexuelles aggravées, a dit n'y avoir lieu à annulation d'actes de la procédure ;
- contre l'arrêt de ladite cour d'appel, 3ème chambre, en date du 5 novembre 1996, qui, dans la même procédure, l'a condamné à 2 ans d'emprisonnement dont 18 mois avec sursis, et a statué sur les intérêts civils ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire produit
I - Sur le pourvoi formé contre l'arrêt de la chambre d'accusation du 22 septembre 1994 :
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 63-4 du Code de procédure pénale, ensemble des droits de la défense ;
"en ce que la chambre d'accusation a rejeté la demande d'annulation de la procédure ;
"aux motifs qu'il résulte du procès-verbal dressé le 10 août 1993 à 9 heures 30 (cote D 17), que les droits de la personne gardée à vue, prévus par les articles 63-2 à 63-4 du Code de procédure pénale ont bien été notifiés à Gustave X... dès le début de sa garde à vue en application de l'article 63-1 du Code de procédure pénale ;
qu'ainsi, il a été avisé qu'à compter de la 20ème heure de garde à vue, il pourrait demander à s'entretenir avec un avocat conformément à l'article 231 de la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 instituant des dispositions transitoires;
qu'il a reconnu en avoir pris connaissance en signant les deux feuilles du procès-verbal clos le même jour à 10 heures;
qu'il ressort du procès-verbal d'interrogatoire coté D 16 que Gustave X... a été entendu à plusieurs reprises jusqu'au 11 août 1993 à 3 heures du matin, que de 3 à 5 heures, il a bénéficié d'un temps de repos dans les locaux de la brigade de gendarmerie, que de 5 à 8 heures, il a été procédé à un nouvel interrogatoire et que ce n'est qu'à l'issue de cet interrogatoire qu'il a d'une part renoncé à la visite médicale, d'autre part, demandé à s'entretenir avec son avocat Me Masson ainsi qu'il est mentionné à l'emplacement réservé à cet effet sur le procès-verbal des formalités de garde à vue (D 17 feuillet n° 2) que cet entretien a normalement eu lieu dans les locaux de la brigade le 11 août 1993 de 10 heures 30 à 11 heures, considérant qu'il ne peut être fait grief aux enquêteurs d'avoir procédé à un nouvel interrogatoire de Gustave X... au delà de la 20ème heure et sans qu'il ait pu s'entretenir avec son avocat dès lors que cette demande n'avait pas encore été régulièrement formalisée;
qu'il y a lieu d'ailleurs de retenir que postérieurement à cet entretien avec son avocat, Gustave X... a été réentendu de 11 heures à 12 heures par les gendarmes et a confirmé aux enquêteurs les déclarations qu'il avait faites auparavant ;
"alors qu'il résulte du procès-verbal de la notification de ses droits, qui a été faite le 10 août 1993 à 10 heures 15;
que Gustave X... a alors demandé à s'entretenir avec son avocat Me Masson à la 20ème heure de sa garde à vue commencée le 10 août à 8 heures 30;
qu'en ne prenant contact tardivement avec cet avocat que le 11 août 1993 à 9 heures 30 après avoir procédé à un nouvel interrogatoire du gardé à vue de 5 heure à 8 heure, les enquêteurs n'ont pas satisfait aux exigences de l'article 63-4 du Code de procédure pénale et ont porté atteinte aux droits de la défense" ;
Attendu que, pour rejeter la requête de Gustave X... en annulation de la procédure, les juges se prononcent par les motifs exactement repris au moyen ;
Qu'en cet état, et dès lors qu'il ne résulte d'aucune des mentions des procès-verbaux relatifs à la garde à vue que Gustave X... ait demandé, à l'expiration de la 20ème heure de cette mesure, à s'entretenir avec un avocat, la chambre d'accusation a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
Qu'ainsi, le moyen ne peut être admis
II - Sur le pourvoi formé contre l'arrêt de la cour d'appel du 5 novembre 1996 :
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 277-25 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Gustave X... coupable d'atteinte sexuelle sur la personne de Sandra Y... ;
"aux motifs propres et adoptés que la contradiction entre la date des faits avancés par la victime et celle indiquée par le prévenu n'a pas été résolue et, en tout état de cause, la lésion constatée par l'expert a été visible, selon celui-ci, plusieurs jours;
que la contestation sur la date des faits commis sur Sandra Lemennicier est sans fondement ;
"alors que dans ses conclusions d'appel, Gustave X... soutenait que l'expert qui a constaté les lésions vulvaires le 3 août 1993 n'aurait pu manquer de relever que les blessures remontaient à plusieurs jours, s'il en avait été l'auteur une semaine auparavant, le 28 juillet, date à laquelle il situait la visite que lui avait faite la jeune Sandra sous sa tente, et non pas le 2 août comme elle le prétendait qu'en négligeant de se prononcer sur la date des faits, et partant, de rechercher si le prévenu était bien l'auteur des lésions dont s'est plainte la jeune Sandra, la cour d'appel, qui a laissé sans réponse des conclusions déterminantes de la défense a violé l'article 593 du Code de procédure pénale" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts d'insuffisance et de contradiction et répondant aux conclusions dont elle était saisie, a caractérisé en tous ses éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine par les juges du fond des faits et circonstances de la cause ainsi que de la valeur des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Et attendu que les arrêts sont réguliers en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Guilloux conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Poisot conseiller rapporteur, M. Massé de Bombes, Mme Baillot, MM. Le Gall, Farge, Pelletier conseillers de la chambre ;
Avocat général : M. Lucas ;
Greffier de chambre : Mme Nicolas ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;
Crim. 6 mai 1998 n° 93-83.060
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le six mai mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller BLONDET, les observations de Me X..., et de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général de Z... ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- A... Michel, partie civile, contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de PARIS, en date du 28 avril 1993, qui, dans l'information suivie contre Bernard Y... pour atteinte à la vie privée et recel de ce délit, a confirmé l'ordonnance d'incompétence et de non-lieu partiel rendue par le juge d'instruction ;
Vu l'article 575, alinéa 2, 4°, du Code de procédure pénale ;
Vu les mémoires produits en demande, en défense et en réplique ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 368, 369, 460 du Code pénal, 2, 575, 591 à 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que la chambre d'accusation, ayant confirmé l'ordonnance d'incompétence ratione loci du juge d'instruction, sur le délit d'atteinte à la vie privée, a dit n'y avoir lieu à suivre sur le recel d'atteinte à la vie privée ;
"aux motifs que, courant 1989, Bernard Y... (membre d'une loge maçonnique de Tours) a saisi le président de la loge maçonnique du Mans du litige l'opposant à Michel A... (membre de cette loge) et lui a remis la cassette supportant les enregistrements des conversations téléphoniques échangées entre son épouse et Michel A... avec lequel elle entretenait une liaison adultère;
que les "frères" de la loge du Mans ont refusé de se saisir de ce litige et ont restitué la cassette à Bernard Y...;
que ce dernier a fait appel de cette décision auprès du "jury fraternel" de Paris;
que si la transcription dactylographiée des enregistrements téléphoniques a été transmise à la Chambre de Discipline de la Grande Loge de France, il est établi que les enregistrements en cause ont été écartés des débats suivis devant le jury fraternel;
que cette disposition ressort des termes mêmes de la sentence rendue par le jury fraternel de Paris, le 6 octobre 1990, laquelle précisait que les membres du jury "s'étaient déterminés au regard du rapport du frère enquêteur dont l'objectivité ne pouvait être mise en cause ainsi que des débats" et ajoutait, en ce qui concerne les enregistrements, que le jury en réprouvait "vivement l'utilisation" et "n'avait pas eu à en connaître" ;
qu'il résulte du document susvisé que si les responsables de la Grande Loge de France ont eu involontairement connaissance du contenu des enregistrements des conversations téléphoniques de Mme Y... avec Michel A..., il apparaît qu'ils ont refusé expressément d'utiliser ces enregistrements;
que dès lors, les éléments constitutifs du délit de recel d'atteinte à la vie privée n'étant pas réunis, l'ordonnance de non-lieu rendue de ce chef doit être confirmée ;
"alors que, d'une part, en se bornant à énoncer que le secret révélé de la vie privée du plaignant n'avait pas été exploité durant l'instance disciplinaire le concernant, sans autrement s'expliquer sur le chef d'inculpation distinct tiré du recel, matériellement lié à la détention illicite par l'organe disciplinaire des documents supportant ledit secret, la chambre d'accusation a exposé sa décision à la censure pour omission de statuer ;
"alors que, d'autre part, la cassation a intervenir sur le recel du délit d'atteinte à l'intimité de la vie privée s'étendra à l'infraction originaire connexe, laquelle, à ce dernier titre, relève de la compétence territoriale de la juridiction saisie" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que, pour confirmer l'ordonnance de non-lieu partiel entreprise, la chambre d'accusation, après avoir exposé les faits dénoncés dans la plainte de la partie civile et répondu aux articulations essentielles du mémoire déposé par celle-ci, a énoncé les motifs de fait et de droit dont elle a déduit qu'il ne résultait pas de l'information charges suffisantes contre quiconque d'avoir commis le délit de recel d'atteinte à l'intimité de la vie privée reproché ;
Que le moyen, qui, pris en sa première branche, se borne, sous le couvert d'une omission de statuer, à contester la valeur de ces motifs, ne contient aucun des griefs que l'article 575 du Code de procédure pénale autorise la partie civile à formuler à l'appui de son pourvoi contre les arrêts de la chambre d'accusation, en l'absence de recours du ministère public ;
qu'il est, dès lors, irrecevable ;
Que, par ailleurs, la chambre d'accusation, constatant que le délit principal d'atteinte à la vie privée reproché à Bernard Y... n'avait pas été commis dans le ressort de sa juridiction, où la personne mise en examen n'avait, de surcroît, pas sa résidence, s'est, à bon droit, déclarée incompétente pour en connaître ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Roman conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Blondet conseiller rapporteur, MM. Aldebert, Mistral, Mme Garnier, M. Ruyssen conseillers de la chambre, Mme Ferrari, M. Sassoust conseillers référendaires ;
Avocat général : M. de Gouttes ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;
Soc. 6 mai 1998 n° 96-43.293
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur les pourvois n° R 96-43.293 au n° Y 96-43.300 formés par l'institut éducatif "Le Clos Saint-Benoit", dont le siège est ..., en cassation de huit arrêts rendus le 30 avril 1996 par la cour d'appel de Dijon (chambre sociale) , au profit :
1°/ de Mlle Christine B..., demeurant Cité de Gaulle, bâtiment D, n° 3, 71120 Charolles,
2°/ de M. Salah C..., demeurant ..., bâtiment B, 71600 Paray-le-Monial,
3°/ de Mme Zaara X..., demeurant Pré Lecomte, bâtiment D, n° 33, 58500 Clamecy,
4°/ de M. Mostafa X..., demeurant Cité de Gaulle, bâtiment F, 71120 Charolles,
5°/ de M. Mohammed Y..., demeurant résidence Edison, 4 bis, rue Edison, bâtiment H, 78800 Houilles,
6°/ de Mme Véronique Y..., demeurant résidence Edison, 4 bis, rue Edison, bâtiment H, 78800 Houilles,
7°/ de M. Jean-Louis Z..., demeurant ...,
8°/ de M. A... Abboud, demeurant Cité de Gaulle, F 10, 71120 Charolles, defendeurs à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 11 mars 1998, où étaient présents : M. Waquet, conseiller doyen, faisant fonctions de président, M. Richard de la Tour, conseiller référendaire rapporteur, MM. Brissier, Mme Lemoine-Jeanjean, conseillers, Mme Bourgeot, conseiller référendaire, M. Martin, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Richard de la Tour, conseiller référendaire, les observations de la SCP Urtin-Petit et Rousseau-Van Troeyen, avocat de l'institut éducatif "Le Clos Saint-Benoit", les conclusions de M. Martin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu leur connexité, joint les pourvois n° R 96-43.293 à Y 96-43.300 :
Attendu que Mlle B... et sept autres salariés de l'institut éducatif "Le Clos Saint-Benoit" ont été licenciés pour incompétence professionnelle le 8 mars 1995;
que ces licenciements sont intervenus postérieurement à celui du directeur de l'établissement qui avait engagé les salariés et contre lequel l'Institut avait engagé une instance pénale pour abus de confiance;
que les salariés ont saisi la juridiction prud'homale pour contester le licenciement et obtenir le paiement de diverses indemnités;
que l'employeur a demandé à la juridiction de surseoir à statuer ;
Sur le premier moyen commun à tous les pourvois :
Attendu que l'institut éducatif "Le Clos Saint-Benoit" fait grief aux arrêts attaqués (Dijon, 30 avril 1996) de l'avoir débouté de ses demandes de sursis à statuer sur les prétentions formées par les salariés jusqu'à la décision à intervenir sur l'action pénale formée contre l'ancien directeur de l'établissement ayant recruté les salariés alors, selon le moyen, de première part, qu'en se bornant à statuer par voie de simple affirmation, sans autrement expliquer en quoi la décision pénale à intervenir n'aurait aucune influence sur l'appréciation à porter sur le licenciement en cause, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de motivation prévues à l'article 455 du nouveau Code de procédure civile et alors, de deuxième part, que les salariés ayant été recrutés dans des conditions illicites par le directeur poursuivi par l'institut employeur pour abus de confiance et détournement de pouvoir, la décision à intervenir sur cette action pénale était de nature à mettre en évidence la responsabilité personnelle du directeur, à l'exclusion de celle de l'institut et par suite était susceptible d'influer sur l'appréciation à porter sur le bien fondé du licenciement des salariés embauchés illégalement par le directeur, qu'en décidant le contraire, pour refuser de surseoir à statuer jusqu'à l'issue de l'action pénale, la cour d'appel a violé l'article 4 du Code de procédure pénale et alors, de troisième part, qu'en ne recherchant pas s'il n'était pas dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice de surseoir à statuer sur le licenciement des salariés recrutés par le directeur, jusqu'à la décision à intervenir sur l'action prud'homale en cours contre ce dernier, licencié pour faute grave pour avoir précisément embauché les salariés sans respecter les conditions exigées par la convention collective applicable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 378 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant constaté que le différend qui lui était soumis était né de la rupture du contrat de travail ayant lié les salariés à l'institut "Le Clos Saint-Benoit", la cour d'appel a pu décider, par une décision motivée, que l'action publique engagée à l'encontre de l'ancien directeur était sans incidence sur le règlement du litige qu'il n'y avait pas lieu de surseoir à statuer jusqu'à l'issue du contentieux sur le licenciement du même directeur;
que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen commun à tous les pourvois :
Attendu que l'institut "Le Clos Saint-Benoit" fait grief aux arrêts attaqués d'avoir décidé que le licenciement des salariés était sans cause réelle et sérieuse et de l'avoir condamné à leur payer des dommages-intérêts alors, selon le moyen, premièrement, qu'il résultait des constatations du jugement prud'homal entrepris, dont l'employeur avait demandé confirmation, que c'était Mlle B... elle-même qui, nonobstant la demande de l'employeur avait refusé de suivre la formation prévue obligatoirement par l'article A 52 02 de la convention collective nationale du 31 octobre 1951 applicable, en sorte que la rupture du contrat de travail pour absence de qualification et non-respect de la convention collective est imputable à la salariée, qu'en affirmant que la rupture du contrat de travail était imputable à l'employeur, sans s'expliquer sur le refus opposé par la salariée de suivre la formation exigée par l'employeur conformément à la convention collective nationale, et sans infirmer aucune des constatations précises du jugement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-14-5 du Code du travail et alors, deuxièmement, qu'il résulte des constatations des premiers juges que M. C... avait manqué à son obligation de suivre dans l'année suivant son recrutement la formation obligatoire imposée par la convention collective nationale du 31 octobre 1951 sans justifier ni même alléguer aucun cas de force majeure, seule susceptible de l'exonérer de cette formation, que le jugement dont l'employeur demandait la confirmation était imputable au salarié dont le manquement était caractérisé, qu'en décidant le contraire, sans infirmer aucune des conditions précises du jugement et notamment sans s'expliquer sur l'attitude fautive du salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-14-3 du Code du travail et alors, troisièmement, que constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement l'inaptitude du salarié aux fonctions dévolues contractuellement et résultant notamment d'une qualification insuffisante, qu'en l'espèce, il est constant que l'employeur reprochait aux salariés une insuffisance de qualification les rendant inaptes à leur poste, qu'il appartenait dés lors aux juges d'appel de prendre en compte cette inaptitude qui, si elle était établie, suffisait à justifier le licenciement, peu important, qu'ainsi que le retient la cour d'appel par un motif inopérant, que l'employeur ait lui-même recruté les salariés insuffisamment qualifiés au regard de la convention collective, cette circonstance étant impropre à elle seule à retirer tout fondement au licenciement rendu nécessaire du fait de l'incompétence des salariés à tenir leur emploi, qu'en statuant comme elle l'a
fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au sens de l'article L. 122-14-3 du Code du travail ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que les motifs de licenciement invoqués par l'employeur étaient les irrégularités, lors de l'embauche, tenant soit aux diplômes, soit au suivi d'une formation permettant l'obtention d'une qualification par les salariés, la cour d'appel a exactement décidé que l'employeur ne pouvait se prévaloir d'une situation dont il était responsable;
que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen commun aux pourvois n° V 96-43.296, W 96-43.297, X 96-43.298 et Y 96-43.299 :
Attendu que l'institut "Le Clos Saint-Benoit" fait encore grief aux arrêts attaqués de l'avoir condamné à payer aux salariés un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires alors, selon le moyen, qu'il appartient au salarié qui réclame le paiement d'heures supplémentaires de justifier la réalité de leur accomplissement en accord avec l'employeur, qu'en l'espèce, l'institut "Le Clos Saint-Benoit" contestait formellement la réalité et la nécessité des heures supplémentaires, qui, à les supposer accomplies, l'auraient été sans son accord, qu'en condamnant l'employeur à un rappel de salaires au titre des heures supplémentaires sans s'expliquer sur ces éléments de nature à exclure leur paiement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 121-5 du Code du travail ;
Mais attendu que dès l'instant où les heures supplémentaires figurent sur les bulletins de paie établis par l'employeur, celui-ci ne peut plus se dispenser de les payer;
que la cour d'appel qui a constaté que les heures supplémentaires réclamées figuraient sur les bulletins de salaires mais que la majoration de 25 % n'avait pas été payée, a légalement justifié sa décision;
que le moyen n'est pas fondé ;
Crim. 6 mai 1998 n° 97-84.660
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le six mai mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller FARGE et les conclusions de M. l'avocat général LUCAS ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Evelyne, partie civile, contre l'arrêt de la cour d'appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle, en date du 20 juin 1997, qui, après condamnation de Francis Y... pour acte attentatoire à la liberté individuelle, a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire personnel produit ;
Sur les moyens réunis, pris de la violation des articles 432-4 du Code pénal, 381, 513, 521, 591, 592 et 593 du Code de procédure pénale ;
Attendu que, se bornant à alléguer de prétendues irrégularités dans le déroulement des débats sur l'action publique, Evelyne X... ne critique pas les dispositions de l'arrêt relatives à ses intérêts civils ;
Qu'ainsi, les moyens ne sont pas recevables ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Guilloux conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Farge conseiller rapporteur, M. Massé de Bombes, Mme Baillot, MM. Le Gall, Pelletier conseillers de la chambre, M. Poisot conseiller référendaire ;
Avocat général : M. Lucas ;
Greffier de chambre : Mme Nicolas ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;
Crim. 6 mai 1998 n° 97-83.328
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le six mai mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller ALDEBERT, les observations de la société civile professionnelle RICHARD et MANDELKERN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général de B... ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- LI Robert,
- DOS SANTOS Marie-José, parties civiles, contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de PARIS, en date du 22 janvier 1997, qui, dans la procédure suivie, sur leur plainte, contre personnes non dénommées pour abus d'autorité, violences, arrestation et séquestration illégales, atteinte à la liberté, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction ;
Vu le mémoire produit ;
Vu l'article 575, alinéa 2, 7°, du Code de procédure pénale ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 114 et 184, alinéa 1, de l'ancien Code pénal, 432-4 et 432-8 du Code pénal, 201 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale, défaut de réponse à conclusions ;
"en ce que l'arrêt attaqué a décidé qu'il n'y avait pas lieu à suivre contre personne non dénommée sur la plainte avec constitution de partie civile de Robert C... et de Marie A... Santos des chefs d'abus d'autorité et séquestration arbitraire ainsi que d'atteinte à la liberté individuelle ;
"aux motifs que s'agissant des infractions dénoncées, il n'existe pas de charges suffisantes de culpabilité contre les fonctionnaires de police;
que ne peut davantage prospérer la plainte pour violences illégitimes et qu'à cet égard, en l'état des pièces de la procédure, il n'apparaît pas que des investigations complémentaires soient susceptibles de révéler l'existence de charges sérieuses à l'encontre des policiers ;
"alors que la chambre d'accusation s'est bornée à écarter la demande des parties civiles tendant à voir ordonner des investigations complémentaires pour établir le caractère illégitime des violences subies, sans statuer sur le chef péremptoire de leur mémoire par lequel elles demandaient à voir ordonner un supplément d'information également en vue de faire toute la lumière non seulement sur les faits constitutifs d'abus d'autorité, d'arrestation et séquestration arbitraire, ainsi que d'atteinte à la liberté individuelle qu'elles avaient dénoncés dans leur plainte mais, en outre, sur le caractère prémédité de l'intervention policière" ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 114 et 184, alinéa 1, de l'ancien Code pénal, 432-4 et 432-8 du Code pénal, 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 53 et suivants ainsi que 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale, défaut de réponse à conclusions ;
"en ce que l'arrêt attaqué a décidé qu'il n'y avait pas lieu à suivre sur la plainte avec constitution de partie civile de Robert C... et de Marie A... Santos du chef d'abus d'autorité ;
"aux motifs que les articles 184 ancien et 432-8 du Code pénal répriment le fait pour une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, agissant dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, de s'introduire ou de tenter de s'introduire dans le domicile d'autrui contre le gré de celui-ci hors les cas prévus par la loi;
que cette infraction n'est pas constituée en l'espèce, le restaurant exploité par les parties civiles, siège de l'intervention des fonctionnaires de police, ne constitue pas leur domicile mais un lieu ouvert au public;
que de surcroît, les fonctionnaires de police, dont l'intervention avait été requise pas Robert C..., n'y sont entrés que sur l'invitation de Robert C..., qui refusait de les rejoindre dans le couloir pour s'entretenir avec eux;
qu'au cours de l'information en effet, Robert C... a expliqué que les trois premiers fonctionnaires de police arrivés sur les lieux étaient entrés dans son restaurant à sa demande car il avait refusé de les rejoindre dans le couloir pour s'expliquer;
que cette intervention était légitime dès lors qu'elle avait eu lieu à la requête de tiers et avait pour but de mettre fin au tapage nocturne causé par le bruit de la perceuse dont Robert C... venait de faire usage dans le but manifeste de gêner les clients du restaurant voisin ;
"alors que constitue un domicile protégé par la loi tout lieu où une personne a le droit de se dire chez elle, quels que soient le titre juridique de son occupation et l'affectation donnée aux locaux, qui peuvent servir à l'exercice d'une profession;
que la chambre d'accusation ne pouvait dès lors décider qu'en faisant irruption dans le restaurant de Robert C... et de Marie A... Santos, les policiers n'avaient pas violé leur domicile ;
"alors qu'en justifiant sa décision par le fait que Robert C... avait déclaré au cours de l'information que les fonctionnaires de police étaient entrés dans son établissement à sa demande parce qu'il ne voulait pas les rejoindre dans le couloir, la chambre d'accusation s'est déterminée en contradiction avec la propre audition de l'intéressé lors de l'instruction, puisqu'il n'en résultait nullement qu'il aurait précisé avoir invité les policiers à pénétrer dans son restaurant ;
"alors que la chambre d'accusation ne pouvait légalement considérer que l'intervention des fonctionnaires de police dans l'établissement de Robert C... et de Marie A... Santos était justifiée par la nécessité de mettre fin au tapage nocturne qui venait d'être commis et dénoncé par un tiers, dès lors que l'enquête de flagrance ne pouvait s'appliquer à la contravention de tapage nocturne ;
"alors que la chambre d'accusation a omis de répondre au chef péremptoire du mémoire des parties civiles, qui l'invitaient à constater qu'en l'absence de preuve de la réalité de l'infraction dénoncée, que les policiers reconnaissaient n'avoir pas constatée eux-mêmes, l'intervention de ces derniers dans leur établissement n'était pas légitime" ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 186, 198 et 309 de l'ancien Code pénal, 222-11 et 222-12, 7° et 9° du Code pénal ainsi que 593 et 803 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale, défaut de réponse à conclusions ;
"en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'ordonner un supplément d'information et a décidé qu'il n'y avait lieu à suivre sur une plainte avec constitution de partie civile de Robert C... et de Marie A... Santos du chef de violences illégitimes et voies de fait commises par des agents et officiers de la police judiciaire ;
"aux motifs que les injures proférées publiquement à l'égard des policiers dans l'exercice de leurs fonctions par Robert C... et Marie A... Santos totalement surexcités à la vue de ces derniers comme a pu l'indiquer un client du restaurant, M. Z..., ainsi que le fait de les photographier au moment de leur intervention alors qu'ils agissaient dans le cadre de leurs fonctions, étaient de nature à les discréditer, à réduire leur autorité et à diminuer le respect dû à leur fonction et constituaient des outrages à agents justifiant qu'il fût procédé à l'interpellation de leurs auteurs;
que Robert C... et Marie A... Santos n'ont pas contesté s'être débattus lors de leur interpellation;
qu'à cet égard, il y a lieu de relever que le docteur H..., qui a examiné Robert C... le lendemain des faits, a déclaré que ce dernier et sa compagne, présente à l'entretien, avaient tous deux reconnus avoir eu la veille au soir des réactions très violentes ;
que les témoignages recueillis, notamment parmi les clients, tendent à confirmer que la force n'a été utilisée par les policiers qu'en raison de la résistance opposée par les parties civiles surexcitées et ne permettent pas de caractériser des violences délibérées et injustifiées de leur part à l'occasion de ces interpellations;
que les seules accusations des parties civiles, qui ne contestent pas s'être débattues, ne constituent pas des charges suffisantes à l'encontre des fonctionnaires de police qui ont procédé à leur interpellation pour justifier une mise en examen et il n'apparaît pas, en l'état des pièces de la procédure, que des investigations complémentaires soient susceptibles de révéler l'existence de charges sérieuses à l'encontre de ces derniers ;
"alors que la chambre d'accusation s'est bornée à relever que les violences exercées par les fonctionnaires de police auraient été justifiées par le simple fait que Robert C... et Marie A... Santos n'avaient pas voulu se laisser interpeller, sans répondre au chef péremptoire de leur mémoire par lequel ils objectaient non seulement que l'un des témoins présents dans leur établissement ( Cathy F...) avait formellement attesté que l'homme et la femme n'avaient pas cherché à porter des coups aux policiers et qu'à un moment, l'un d'eux avait pris la femme par les cheveux, mais, en outre, qu'il ressortait de l'information que, par cela seul qu'elle avait voulu prendre des photos, les policiers avaient traîné la femme à terre et lui avaient donné un coup de poing, ce qui démontrait que les violences policières n'avaient nullement été "strictement nécessaires à leur action", et qu'à tout le moins, une confrontation s'imposait ;
"alors que, en outre, la chambre d'accusation ne s'est pas davantage expliquée sur les conclusions des parties civiles faisant valoir que les mesures de coercition physiques dont Robert C... avait été victime bien qu'il n'eût pas tenté de s'enfuir et qu'aucun indice de dangerosité n'eût été relevé à son encontre, constituaient une infraction à l'article 803 du Code de procédure pénale, selon lequel "nul ne peut être soumis au port de menottes ou d'entraves que s'il est considéré soit comme dangereux pour autrui ou pour lui-même, soit comme susceptible de prendre la fuite" ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 114 de l'ancien Code pénal, 432-4 du Code pénal, L. 343 du Code de la santé publique et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a décidé qu'il n'y avait lieu à suivre sur la plainte avec constitution de partie civile de Robert C... et de Marie A... Santos du chef d'arrestation et séquestration illégales et d'atteinte à la liberté individuelle ;
"aux motifs que Robert C... soutient que son arrestation et son placement à l'infirmerie psychiatrique de la préfecture de police jusqu'au 3 août vers 10 heures 45 sont constitutifs de ces infractions ;
que les fonctionnaires de police ont procédé à l'interpellation de Robert C... et de Marie A... Santos pour justifier une mise en examen ;
qu'en l'espèce, aucun grief ne peut être formulé contre les policiers, qu'il résulte des éléments du dossier que l'excitation dont Robert C... a fait preuve était révélatrice d'une agitation psychique suffisamment importante et inquiétante pour faire craindre, après le départ des services de police, un danger pour la sécurité de M. et de Mme E... et c'est à bon droit que M. D..., en application des dispositions de l'article L. 343 du Code de la santé publique, a pris la décision de le faire examiner par un médecin en vue de son éventuel transfert à l'infirmerie psychiatrique de la préfecture de police;
que l'article précité autorise en effet à Paris les commissaires de police, en cas de danger imminent pour la sûreté des personnes, à prendre des mesures provisoires à l'égard de celles dont le comportement révèle un trouble mental à charge d'en référer dans les 24 heures au préfet, qui statue sans délai et prononce, s'il y a lieu, un arrêté d'hospitalisation d'office et, à cet égard, la Cour relève que le docteur X..., qui a examiné Robert C... dans la soirée du 2 août aussitôt son interpellation, n'a pu porter un diagnostic précis sur son état psychique, qualifié par ce praticien "d'interprétatif", et qu'il a estimé nécessaire de le faire conduire à l'infirmerie psychiatrique en vue d'un examen plus approfondi;
que dans ces conditions, Robert C... ayant été remis en liberté le 3 août en fin de matinée après un entretien approfondi avec le docteur H... avant l'expiration du délai de 24 heures, qu'aucun acte arbitraire et attentatoire à sa liberté individuelle n'a été commis ;
"alors qu'en considérant, d'une part, que Robert C... avait été interpellé en vue d'une mise en examen fondée sur la commission d'une infraction, et d'autre part, qu'il avait été appréhendé en application de l'article L. 343 du Code la santé publique en vue d'un internement psychiatrique en raison de son état prétendument dangereux, la chambre d'accusation s'est contredite et n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle sur la base légale de l'arrestation de Robert C... ;
"alors qu'il ressort des propres énonciations de la chambre d'accusation que M. D..., officier de paix à la sécurité publique affecté au commissariat du cinquième arrondissement, était incompétent pour prendre les mesures prévues par l'article L. 343 du Code de la santé publique, qui réserve aux seuls commissaires de police le pouvoir de prendre, à Paris, des mesures provisoires à l'encontre d'une personne dont le comportement est dangereux et révèle un trouble mental ;
"alors que la chambre d'accusation ne pouvait légalement décider que l'arrestation et la rétention de Robert C... à l'infirmerie psychiatrique étaient justifiées par son comportement dangereux et révélant un trouble mental, dès lors qu'il s'inférait tant de ces constatations que des pièces visées par elle, que le docteur Y..., médecin psychiatre ayant examiné Robert C... dans la soirée du 2 août, avait indiqué qu'il n'était ni violent, ni excité, et que le docteur G..., médecin psychiatre ayant vu Robert C... le lendemain des faits, avait formellement conclu qu'il ne présentait pas l'ombre d'une pathologie mentale imposant une hospitalisation, ce qui excluait toute présomption de dangerosité et de trouble psychique" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que, pour confirmer l'ordonnance de non-lieu entreprise, la chambre d'accusation, après avoir exposé les faits dénoncés par les parties civiles, a répondu aux articulations essentielles du mémoire déposé par celles-ci et, après avoir considéré comme inutile le supplément d'information demandé, a exposé les motifs par lesquels elle a estimé qu'il n'existait pas de charges suffisantes contre quiconque d'avoir commis les infractions reprochées, notamment, au regard des articles 224-1 et 432-4 du Code pénal, dès lors que, "l'excitation dont Robert C... a fait preuve était révélatrice d'une agitation psychique suffisamment importante et inquiétante pour faire craindre, après le départ de la police, un danger pour la sécurité" ;
Attendu que les moyens proposés, qui se bornent à discuter la valeur des motifs de fait et de droit retenus par les juges ne peuvent qu'être écartés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Roman conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Aldebert conseiller rapporteur, MM. Mistral, Blondet, Mme Garnier, M. Ruyssen conseillers de la chambre, Mme Ferrari, M. Sassoust conseillers référendaires ;
Avocat général : M. de Gouttes ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;
Crim. 6 mai 1998 n° 97-83.339
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le six mai mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller RUYSSEN, les observations de Me CHOUCROY et de Me COSSA, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général de X... ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Y... Jacques,
- LA SOCIETE RJ REYNOLDS Z... FRANCE, civilement responsable, contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 13ème chambre, en date du 15 mai 1997, qui, pour publicité illicite en faveur du tabac, a condamné le premier à 350 000 francs d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme qu'entre les mois de février et avril 1994, les acheteurs de cigarettes Winston se sont vu proposer, au moyen de prospectus figurant à l'intérieur des paquets, divers cadeaux en contrepartie de l'envoi de preuves d'achat de ce produit;
que Jacques Y... et la société RJ Reynolds Z... France, dont il est le directeur général, ont été cités, la seconde comme civilement responsable, pour publicité illicite en faveur du tabac ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 2, alinéa 1, de la loi d'amnistie du 3 août 1995, 12 de la loi n° 76-616 du 9 juillet 1976 dans sa rédaction issue de la loi n° 91-32 du 10 janvier 1991 devenu l'article L. 355-31 du Code de la santé publique et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception tirée de l'amnistie à raison de la peine encourue invoquée par le prévenu pour condamner ce dernier au paiement d'une amende de 350 000 francs ;
"aux motifs que le législateur a entendu exclure du bénéfice de l'amnistie les infractions pour lesquelles une peine ou une mesure autre que l'amende peut être prononcée, peu importe qu'il y eut encore utilité à les prononcer et quelle qu'en soit la nature ;
"que l'article L. 355-31 du Code de la santé publique, applicable aux faits de la cause, prévoit que le tribunal ordonne, s'il y a lieu, la suppression, l'enlèvement ou la confiscation de la publicité interdite aux frais des délinquants ;
"que dans ces conditions, les infractions à ce texte n'entrent pas dans le champ d'application de la loi d'amnistie ;
"alors qu'en disposant qu'en matière de publicité illicite en faveur du tabac la juridiction répressive ordonne s'il y a lieu, la suppression, l'enlèvement ou la confiscation de la publicité interdite aux frais du délinquant, l'article L. 355-31 du Code de la santé publique édicte une mesure à caractère réel destinée à faire cesser une situation illicite et non une sanction pénale;
que, dès lors, en excluant l'infraction susvisée du bénéfice de l'amnistie prévue par l'article 2 de la loi du 3 août 1995 bien que les faits aient été commis avant le 18 mai 1995 et qu'ils ne soient passibles que d'une peine d'amende, la Cour a violé les textes susvisés" ;
Attendu que, pour écarter l'exception d'extinction de l'action publique invoquée par le prévenu, qui soutenait que le délit, puni d'une simple peine d'amende, était amnistié de plein droit, la juridiction du second degré relève qu'en vertu de l'article L. 355-31 du Code de la santé publique, applicable aux faits de la cause, le juge peut également ordonner la suppression, l'enlèvement ou la confiscation de la publicité interdite aux frais des délinquants ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a fait l'exacte application de l'article 2 de la loi du 3 août 1995, portant amnistie ;
Que le moyen ne saurait, dès lors, être accueilli ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 355-25 du Code la santé publique, 121-1, 121-4, 121-7 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jacques Y... coupable de complicité de publicité interdite en faveur du tabac ;
"aux motifs que le bon de commande versé aux débats démontre que la société française de diffusion et de documentation (SFDD) a contracté avec Reynolds Tobacco France et que c'est cette société qui l'a chargée, le 1er février 1994, de la gestion de la campagne et qui a permis par la suite à la société Reynolds Tobacco Gmbh de préciser sur la cartonette que les réponses des consommateurs devaient être adressées à la SFDD ;
"que ce bon de commande révèle également que, si les factures SFDD ont été libellées à l'ordre de RJ Reynolds Tobacco Gmbh, le fournisseur a été invité "pour accélérer le paiement" à les adresser au service "comptabilité fournisseur RJ Reynolds Z... France" ;
"que les premiers juges ont ainsi caractérisé des actes d'aide et d'assistance à la commission d'une infraction constitutifs de la complicité ;
"qu'ils ont relevé, d'une part, que la société RJ Reynolds Z... France s'affirme depuis de nombreuses années comme responsable de la publicité et du marketing des produits Reynolds sur le territoire français, d'autre part, que le président du Conseil d'administration est domicilié en Grande-Bretagne et que Jacques Y... se présente toujours comme vice-président de la société et celui qui depuis douze ans est à la tête du troisième groupe de cigarettes en France ;
"qu'il apparaît ainsi comme titulaire d'une délégation de pouvoirs, celle-ci pouvant être tacite ;
"alors que, d'une part, aux termes de l'article 121-7 du Code pénal comme de l'article 60 de l'ancien Code pénal, la complicité n'est punissable que lorsque l'auteur a agi "sciemment", c'est-à-dire en connaissant l'existence de l'infraction principale;
qu'en l'espèce où les juges du fond n'ont aucunement constaté que le prévenu ait eu une telle connaissance avant ou au moment de la réalisation de l'infraction principale de publicité interdite en faveur du tabac et où ils ont seulement affirmé que la société dont il est le vice-président, avait participé à ce délit commis par une société étrangère appartenant au même groupe, l'arrêt attaqué, qui n'a pas constaté l'existence à la charge du prévenu de l'élément intentionnel à défaut duquel il n'existe pas de complicité punissable, a ainsi privé de toute base légale le chef de son arrêt qui a condamné le prévenu ;
"alors, d'autre part, que si une délégation de pouvoirs peut être tacite, la responsabilité pénale du vice-président d'une société au sein de laquelle aurait été commise une infraction, ne saurait être déduite de sa seule qualité à défaut de la constatation de tout acte positif de participation personnelle à la réalisation de l'infraction qu'il ait personnellement accompli;
qu'en se bornant à invoquer le titre de Jacques Y... pour entrer en voie de condamnation à son encontre, les juges du fond ont méconnu le principe de la personnalité de la responsabilité pénale" ;
Attendu que, pour déclarer Jacques Y... coupable du délit poursuivi, les juges du second degré retiennent que la société qu'il dirige, à laquelle les consommateurs devaient adresser leurs commandes, a participé à la mise en place, à la gestion et au financement de l'opération illicite organisée par le fabricant des cigarettes dont elle assure, habituellement, la publicité et la promotion des ventes en France ;
Qu'ils ajoutent, pour écarter l'argumentation de Jacques Y..., qui affirmait que l'infraction ne pouvait être imputée qu'au président du conseil d'administration de la société, que le prévenu exerce les fonctions de directeur général au sein de celle-ci et se présente lui-même comme étant à la tête du troisième groupe de cigarettes en France ;
Qu'en l'état de ces motifs, d'où il résulte que le prévenu a agi sciemment, et dès lors que, selon l'article 117 de la loi du 24 juillet 1966, les directeurs généraux disposent, à l'égard des tiers, des mêmes pouvoirs que le président, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
Que le moyen, qui n'est fondé en aucune de ses branches, ne peut, dès lors, qu'être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Roman conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Ruyssen conseiller rapporteur, MM. Aldebert, Mistral, Blondet, Mme Garnier conseillers de la chambre, Mme Ferrari, M. Sassoust conseillers référendaires ;
Avocat général : M. de Gouttes ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;
Crim. 5 mai 1998 n° 97-85.271 B n° 151
REJET du pourvoi formé par :
- le procureur général près la cour d'appel de Rouen,
contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre correctionnelle, en date du 3 septembre 1997, qui a relaxé El Hachemi X... et Pascal Y... des chefs d'évasion et de complicité de ce délit.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 132-73 et 434-27 du Code pénal, D. 173 et D. 283-4 du Code de procédure pénale ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 434-32 du Code pénal, D. 173 et D. 283-4 du Code de procédure pénale ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que, le 13 mai 1994, le juge d'instruction a requis l'extraction de la maison d'arrêt d'El Hachemi X..., mis en détention provisoire dans une information suivie contre lui pour trafic de stupéfiants ; que, dans la cour du palais de justice, où avait été garé le fourgon cellulaire transportant l'intéressé, celui-ci, alors placé sous la surveillance d'un seul policier, a pris la fuite et trouvé refuge dans un garage tenu par Pascal Y... ; qu'après avoir accepté de couper la chaîne de ses menottes ce dernier lui a permis de joindre, par téléphone, un ami avec lequel il a quitté les lieux pour se rendre au Maroc, d'où il a été extradé ;
Attendu que, devant la juridiction du second degré, saisie des poursuites exercées contre El Hachemi X... pour évasion avec violence et contre Pascal Y... pour complicité de ce délit, le ministère public a soutenu qu'en faisant briser par un tiers la chaîne de ses menottes, le premier s'était rendu coupable d'évasion avec effraction, au sens des articles 132-73 et 434-27 du Code pénal et que le second avait commis le délit de connivence, prévu par l'article 434-32 du même Code ;
Que, pour écarter cette argumentation et confirmer le jugement de relaxe entrepris, la cour d'appel retient, par motifs propres et adoptés, qu'aucun acte de violence n'est établi à la charge du prévenu, lequel n'a fait que profiter, après être sorti du fourgon cellulaire, d'un moment d'inattention du seul policier chargé de sa garde, qui avait lâché ses menottes ; qu'elle précise que l'intéressé a réussi à s'enfuir en passant par la grille d'enceinte du tribunal, alors ouverte, sans commettre aucun acte d'effraction ; qu'elle en déduit que son évasion est le résultat d'une simple ruse, exclusive du délit poursuivi ;
Que les juges ajoutent que l'intervention de Pascal Y..., au demeurant postérieure à la fuite consommée de son coprévenu, ne peut être sanctionnée, ni au titre de la complicité visée à la prévention, en l'absence de fait principal punissable, ni au titre de la connivence à évasion, aucun acte de nature à procurer au détenu le moyen de s'évader n'ayant été établi à son encontre ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
Qu'en effet, il résulte de la combinaison des articles 132-73 et 434-27 du Code pénal que le délit d'évasion par effraction n'est constitué que lorsque le détenu, gardé dans un endroit clos, brise le dispositif de fermeture qui fait obstacle à sa fuite ;
Que, tel n'ayant pas été le cas en l'espèce, le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.
Crim. 5 mai 1998 n° 97-83.944
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le cinq mai mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller ANZANI, et les conclusions de M. l'avocat général GERONIMI ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Jacques, partie civile, contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de METZ, en date du 12 décembre 1996 qui, sur sa plainte avec constitution de partie civile contre personne non dénommée des chefs de recel et usage de faux en écritures publiques, a confirmé l'ordonnance d'incompétence rendue par le juge d'instruction ;
Vu l'article 575, alinéa 2, 4°, du Code de procédure pénale ;
Vu le mémoire personnel produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 198 du Code de procédure pénale ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable le mémoire personnel produit par Jacques X..., les juges relèvent que celui-ci n'a pas été déposé au greffe de la chambre d'accusation, comme le prescrit l'article 198 du Code de procédure pénale, mais adressé par la partie civile à la juridiction du second degré, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que la faculté de transmettre un mémoire par lettre n'appartient, selon l'article précité, en son dernier alinéa, qu'au seul avocat n'exerçant pas dans la ville où siège la chambre d'accusation, l'arrêt attaqué n'encourt pas les griefs allégués au moyen, lequel ne saurait être accueilli ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 52 et 90 du Code de procédure pénale ;
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance d'incompétence rendue par le juge d'instruction, la chambre d'accusation relève que les faits dénoncés par la partie civile, à les supposer établis, ne sont susceptibles d'avoir été commis ni dans le ressort du tribunal de grande instance de Thionville, ni par des personnes résidant dans ce ressort ;
Attendu qu'en statuant ainsi, les juges ont justifié leur décision au regard des textes susvisés ;
Que, dès lors, le moyen ne peut qu'être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Milleville conseiller doyen, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, Mme Anzani conseiller rapporteur, MM. Pinsseau, Joly, Mmes Simon, Chanet conseillers de la chambre, Mme Batut, M. Desportes, Mme Karsenty conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Géronimi ;
Greffier de chambre : Mme Ely ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;
Crim. 5 mai 1998 n° 97-82.669 B n° 149
ACTION PUBLIQUE ETEINTE et REJET du pourvoi formé par :
- X...,
- Y...,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Poitiers, en date du 1er avril 1997, qui, sur le seul appel de la partie civile, infirmant l'ordonnance de non-lieu du juge d'instruction, les a renvoyés devant le tribunal correctionnel pour infraction au Code de l'urbanisme.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le pourvoi en ce qu'il concerne X... :
Attendu qu'il résulte d'un extrait régulier des actes de l'état civil de la commune de Paris, 16e arrondissement, que X... est décédé le 26 mai 1997 ;
Attendu qu'aux termes de l'article 6 du Code de procédure pénale l'action publique s'éteint par le décès du prévenu ;
Attendu, d'autre part, que s'il est de principe que, lorsque la décision attaquée a statué à la fois sur l'action publique et sur l'action civile et que le prévenu est décédé en cours de l'instance en cassation, la Cour de cassation reste compétente pour prononcer sur l'action civile, il en est autrement lorsque l'arrêt a été rendu par une juridiction d'instruction ; que les juges répressifs ne pouvant plus statuer sur l'action publique se trouvent, dès lors, incompétents pour connaître de l'action civile ;
Que tel étant le cas en l'espèce, il y a lieu de déclarer l'action publique éteinte et de constater que le pourvoi de X... est devenu sans objet en ce qui concerne l'action civile ;
Sur le pourvoi en ce qu'il concerne Y... :
Vu l'article 574 du Code de procédure pénale ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 2, 25 de la loi d'amnistie du 3 août 1995, L. 480-4 et suivants du Code de l'urbanisme, 6 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a ordonné le renvoi des prévenus devant la juridiction correctionnelle en écartant le jeu de l'amnistie ;
" alors que l'article 2 de la loi d'amnistie du 3 août 1995 dispose que sont amnistiés les délits pour lesquels seule une peine d'amende est encourue à l'exception de toute autre peine ou mesure ; qu'en excluant les faits poursuivis du bénéfice de cette loi au motif que les articles L. 480-4 et suivants du Code de l'urbanisme prévoient, outre une peine d'amende, la possibilité d'ordonner la publication et la démolition, bien que cette possibilité ne s'impose pas au juge et constitue une réparation civile, la cour d'appel a violé le texte susvisé " ;
Attendu que si l'article 2 de la loi précitée dispose que sont amnistiés les délits commis antérieurement au 18 mai 1995, pour lesquels seule une peine d'amende est encourue, tel n'est pas le cas des infractions au Code de l'urbanisme pour lesquelles, indépendamment de l'amende prévue par l'article L. 484-4 du Code de l'urbanisme, des mesures de publicité ou de mise en conformité ou de démolition de la construction irrégulièrement édifiée peuvent être ordonnées en application de l'article L. 480-5 dudit Code ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, 8, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a ordonné son renvoi des prévenus devant la juridiction correctionnelle ;
" aux motifs "qu'il a été procédé le 20 décembre 1988 et le 20 janvier 1989 par le juge d'instruction à des auditions de témoins qu'il n'y a donc pas prescription de l'action publique" ;
" alors que toute décision de justice doit être motivée ; que l'insuffisance ou la contradiction de motifs équivalent à une absence de motifs ; qu'en matière de délit la prescription est de 3 années révolues ; qu'en énonçant qu'il n'y avait pas prescription puisqu'il avait été procédé le 20 décembre 1988 et le 20 janvier 1989 à des auditions de témoins par le juge d'instruction, et en renvoyant les prévenus devant la juridiction correctionnelle pour des faits datant de 1982, sur une plainte de la partie civile datant de 1985, d'où il résultait que la prescription était encourue, la cour d'appel a privé sa décision de base légale " ;
Attendu que le moyen se borne à critiquer les motifs par lesquels les juges ont statué sur la prescription de l'action publique ; qu'il n'est dirigé contre aucune des dispositions de l'arrêt attaqué touchant à la compétence, ni contre aucune disposition définitive que le tribunal saisi de la poursuite n'aurait pas le pouvoir de modifier ;
Qu'en application de l'article 574 du Code de procédure pénale, un tel moyen est irrecevable ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme :
I. Sur le pourvoi en ce qu'il concerne X... :
Déclare l'action publique éteinte ;
Dit n'y avoir lieu à statuer sur le pourvoi ;
II. Sur le pourvoi en ce qu'il concerne Y... :
Le REJETTE.
Crim. 30 avril 1998 n° 98-80.142
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente avril mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller PIBOULEAU, les observations de Me BOUTHORS, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général le FOYER de COSTIL ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- B... Hassan, contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de PARIS, en date du 12 décembre 1997, qui, dans l'information suivie contre le susnommé, X... Salah et A...
Z... Marie du chef d'infractions à la législation sur les stupéfiants, a rejeté sa requête aux fins d'annulation d'actes de la procédure ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle du 4 mars 1998 prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 66 de la Constitution du 4 octobre 1958, 706-32, 590 et 593 du Code de procédure pénale ;
" en ce que la chambre d'accusation a rejeté la requête en annulation d'Hassan B... et ordonné le renvoi de la procédure devant le juge d'instruction ;
" aux motifs qu'en ce qui concerne l'opération d'acquisition de produits stupéfiants expressément prévue au bénéfice des officiers de police judiciaire et sous leur contrôle, des agents de police judiciaire, par les dispositions de l'alinéa 2 de l'article 706-32 du Code de procédure pénale, il résulte des éléments du dossier de procédure que si effectivement aucune autorisation n'a été accordée ni même, semble-t-il sollicitée, aucune irrégularité n'a été commise ;
qu'en effet, il résulte des pièces de procédure, qu'aucune acquisition n'a eu lieu ni a même reçu un commencement d'exécution, en l'état de simple contacts préliminaires non suivis d'effet puisque le nommé Hassan B... ne s'est pas présenté au premier rendez-vous et suite à un appel téléphonique, a refusé de se rendre à un second, ayant senti la présence de policiers dans le secteur ;
qu'aucun élément du dossier n'autorise à affirmer que si les policiers prévoyant que l'opération allait se concrétiser, ils n'auraient pas, ce qu'ils étaient encore en mesure de faire, sollicité l'autorisation du procureur de la République ;
qu'il apparaît en fait que l'idée d'une transaction a même été abandonnée après le refus d'Hassan B... et les investigations se sont alors poursuivies par une simple surveillance renouvelée qui a abouti à l'interpellation du suspect, hors de toute idée de rendez-vous puisqu'il en avait expressément rejeté l'idée ;
qu'il résulte de ce qui précède que la procédure a été régulière et qu'il n'y a lieu à annulation, nonobstant les arguments essentiels du mémoire et la référence à un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de Cassation visant un cas d'espèce différent ;
" alors que l'autorisation formelle et préalable de l'autorité judiciaire est nécessaire aux services qui se proposent d'acquérir des produits stupéfiants ;
qu'en l'état de l'offre dûment formulée par le service et de l'accord donné par son destinataire dont les conditions de prix ont été agréées, le commencement d'exécution de l'acquisition dont il s'agit était soumis à autorisation de l'autorité judiciaire, en l'espèce inexistant " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure, qu'interpellé le 26 avril 1995 à 23 heures 25 en possession de 65 cachets d'ecstasy, Salah X... a accepté, à la demande des policiers, de se mettre en rapport avec son fournisseur Hassan B... à partir d'un de leurs appareils téléphoniques ;
qu'ayant été ainsi contacté le 28 avril à 15 heures 30, Hassan B... est convenu avec son interlocuteur d'une rencontre qui a eu lieu le jour même à 16 heures 30 à l'issue de laquelle il a pris l'engagement de livrer au gardien de la paix Olivier Y... qui lui a été présenté à cette occasion comme un acheteur, de 500 cachets d'ecstasy au prix de 45 francs l'unité ;
qu'il ne s'est toutefois pas présenté au rendez-vous prévu pour la livraison et s'y est refusé malgré un nouvel appel téléphonique de Salah X..., en faisant valoir qu'il avait décelé la présence de policiers sur les lieux de la remise ;
qu'il a été appréhendé le 28 avril à 17 heures 55 en dehors de toute transaction, avec à bord de son véhicule 495 pilules d'ecstasy ;
Attendu qu'après sa mise en examen pour acquisition, détention, transport, offre et cession de stupéfiants, Hassan B... a saisi la chambre d'accusation d'une requête aux fins d'annulation de la procédure en faisant valoir que les services de police n'avaient pas obtenu l'autorisation du procureur de la République requise en application de l'article 706-32 du Code de procédure pénale, alors qu'ils avaient mis à la disposition de Salah X... à deux reprises un téléphone et organisé par son intermédiaire entre lui-même et le gardien de la paix Olivier Y... une transaction portant sur 500 cachets d'ecstasy ;
Attendu que, pour rejeter cette requête, la chambre d'accusation énonce que, suivant un procès-verbal coté D96, le procureur de la République avait autorisé les services enquêteurs à entrer en contact téléphonique avec le fournisseur de stupéfiants et qu'après le refus opposé par ce dernier de se présenter aux rendez-vous qui lui ont été proposés, son arrestation est intervenue à la suite d'une surveillance qui n'avait plus aucun rapport avec l'exécution de la transaction dont il avait abandonné le projet ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, et dès lors que l'autorisation prévue par l'article 706-32 du Code de procédure pénale pour exempter les fonctionnaires de police de la responsabilité pénale encourue en raison de leur participation à des infractions à la législation sur les stupéfiants, est sans incidence sur la validité de la procédure, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir le grief allégué ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Schumacher conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président, M. Pibouleau conseiller rapporteur, MM. Martin, Challe, Roger conseillers de la chambre, M. de Mordant de Massiac, Mme de la Lance, M. Soulard conseillers référendaires ;
Avocat général : M. le Foyer de Costil ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;
Crim. 30 avril 1998 n° 98-80.761
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente avril mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SOULARD, les observations de Me BLANC, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général le FOYER de COSTIL ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... René, contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de RIOM, en date du 13 janvier 1998, qui a ordonné son renvoi devant la cour d'assises du PUY-DE-DOME sous l'accusation de viols aggravés ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 112-2 du Code pénal, 6, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 7, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt a ordonné la mise en accusation de René X... devant la cour d'assises du Puy-de-Dôme pour avoir, de 1983 à 1985, commis des actes de pénétration sexuelle sur la personne de Marie-Charlotte X..., née en 1970, sur la plainte de celle-ci déposée en juin 1996 et pour avoir, en 1984, commis un acte semblable sur Alexandra Y..., alors mineure de quinze ans ;
"alors, d'une part, que ne sont pas applicables à la répression des infractions commises avant leur entrée en vigueur, même lorsque les prescriptions ne sont pas acquises, les lois relatives à la prescription de l'action publique quand elles ont pour résultat d'aggraver la situation de l'intéressé;
qu'en n'ayant pas déclaré prescrits des faits survenus entre 1983 et 1985, par application des lois du 10 juillet 1989 et du 4 février 1995 ayant reporté le point de départ de la prescription en matière de viol sur mineur commis par ascendant à la majorité de la victime, la chambre d'accusation n'a pas légalement justifié sa décision ;
"alors, d'autre part, et en tout état de cause, qu'en vertu de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue dans un délai raisonnable;
que l'article 7 du Code de procédure pénale, modifié par les lois du 10 juillet 1989 et du 4 février 1995, qui retarde le point de départ du délai de prescription en matière de viol commis sur une personne mineure par une personne ayant autorité sur elle à la majorité de la victime, est contraire à ladite Convention" ;
Sur le moyen pris en sa seconde branche ;
Attendu qu'il ne résulte ni de l'arrêt attaqué ni du mémoire régulièrement déposé par René X... que ce dernier ait soulevé devant la chambre d'accusation le moyen tiré de l'incompatibilité de l'article 7 du Code de procédure pénale avec les dispositions de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur le moyen pris en sa première branche ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, le 25 juin 1996, Marie-Charlotte X..., devenue majeure le 22 septembre 1988, a déposé plainte contre son père légitime, René X..., pour des viols dont elle aurait été victime de 1983 à septembre 1985 ;
qu'une amie, devenue majeure le 13 mars 1988, a également dénoncé en 1996, des agissements de même nature qui auraient été commis au mois d'août 1984;
qu'au soutien de leur plainte, elles ont invoqué les dispositions de l'article 7 du Code de procédure pénale modifié par les lois du 10 juillet 1989 et du 4 février 1995, qui ont reporté à la majorité des victimes le point de départ de la prescription ;
Attendu que le demandeur ne saurait faire grief à la chambre d'accusation de ne pas avoir, d'office, déclaré prescrits les faits reprochés, dès lors que le délai de prescription de l'action publique n'était pas écoulé lors de l'entrée en vigueur des lois précitées et que les faits ont été dénoncés par les victimes, dont la majorité a été acquise avant lesdites lois, dans les dix ans de leur majorité ;
D'où il suit que le moyen, nouveau, et comme tel, irrecevable en sa première branche, et non fondé pour le surplus, doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 332 de l'ancien Code pénal, 222-23 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a prononcé la mise en accusation de René X... devant la cour d'assises du chef de viol commis par un ascendant ou une personne ayant autorité sur une personne mineure de quinze ans ;
"aux motifs que Marie-Charlotte X... avait résumé les faits reprochés à son père en indiquant que celui-ci avait procédé sur elle à de nombreux attouchements et lui avait imposé des fellations et des introductions de doigt dans le sexe;
que, dans des déclarations ultérieures, elle avait situé les faits non en 1980-1981, mais en 1983-1985;
qu'Alexandra Y..., amie de la précédente, avait déclaré avoir subi les assauts du demandeur;
que René X... avait eu d'autres gestes déplacés;
que celui-ci avait constamment nié les faits;
que Mme Z..., ancienne amie de René X..., avait déclaré qu'une nuit, tous trois, son ami et sa fille, avaient participé à des ébats sexuels;
que Marie-Charlotte X... avait fait plusieurs tentatives de suicide ;
"Alors, d'une part, que le viol suppose la violence, la contrainte ou la surprise et l'absence de consentement de la victime, autant d'éléments que la chambre d'accusation n'a pas constaté avant de renvoyer René X... devant la cour d'assises ;
"alors, d'autre part, qu'en s'étant fondée sur les seules déclarations des victimes et notamment sur celles de Marie-Charlotte X..., laquelle avait modifié ses affirmations concernant la date des faits et avait attendu l'âge de 26 ans avant de les dénoncer, la chambre d'accusation a privé sa décision de motifs ;
"alors, enfin, qu'en s'étant fondée sur la circonstance que Marie-Charlotte X... avait fait plusieurs tentatives de suicide pour reconnaître l'existence de charges suffisantes contre le demandeur, la chambre d'accusation a statué par un motif inopérant" ;
Attendu que les motifs de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la chambre d'accusation, après avoir exposé les faits et répondu comme elle le devait aux articulations essentielles du mémoire dont elle était saisie, a relevé l'existence de charges qu'elle a estimées suffisantes contre René X... pour ordonner son renvoi devant la cour d'assises sous l'accusation de viols aggravés ;
Qu'en cet état, les juges ont justifié leur décision ;
Qu'en effet, les chambres d'accusation apprécient souverainement si les faits retenus à la charge de la personne mise en examen sont constitutifs d'une infraction et la Cour de Cassation n'a d'autre pouvoir que de vérifier, à supposer ces faits établis, si leur qualification justifie la saisine de la juridiction de jugement ;
Que, tel étant le cas en l'espèce, le moyen ne peut qu'être écarté ;
Et attendu que la chambre d'accusation était compétente;
qu'il en est de même de la cour d'assises devant laquelle le demandeur est renvoyé et que les faits, objet de l'accusation, sont qualifiés crime par la loi ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Schumacher conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président, M. Soulard conseiller rapporteur, MM. Martin, Challe, Roger conseillers de la chambre, M. de Mordant de Massiac, Mme de la Lance conseillers référendaires ;
Avocat général : M. le Foyer de Costil ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;
Crim. 28 avril 1998 n° 96-86.239
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-huit avril mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller PINSSEAU, les observations de la société civile professionnelle NICOLAY et de LANOUVELLE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général le FOYER de COSTIL ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Y... Régine, épouse Z..., contre l'arrêt de la cour d'appel de POITIERS, chambre correctionnelle, en date du 24 octobre 1996, qui, pour recel de vols aggravés, détention illégale de munitions de la 1ère catégorie et infraction à la loi du 30 novembre 1987 relative à la vente ou à l'échange d'objets mobiliers, l'a, après renvoi sur cassation, l'a condamnée à la peine de 3 ans d'emprisonnement dont 18 mois avec sursis, à la confiscation de munitions et a prononcé sur les intérêts civils et les restitutions ;
Vu le mémoire personnel produit ;
Sur sa recevabilité ;
Attendu que ce mémoire, faisant suite au pourvoi le 28 octobre 1996, n'est parvenu au greffe de la Cour de Cassation que le 8 janvier 1997, soit après l'expiration du délai d'un mois prévu par l'article 585-1 du Code de procédure pénale, et sans qu'ait été accordée la dérogation prévue par la loi ;
Qu'ainsi, il n'est pas recevable et ne saisit pas la Cour de Cassation des moyens qu'il pourrait contenir ;
Vu le mémoire ampliatif produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 382, alinéa 2, 460, 461 du Code pénal ancien, 321-1, 321-4 du nouveau Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut et insuffisance de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué, statuant sur renvoi après cassation, a porté à 3 ans d'emprisonnement dont 18 mois avec sursis la peine prononcée à l'encontre de la demanderesse, prévenue de recel de vols aggravés ;
"aux motifs que, quant aux recels de vols qui lui sont reprochés, il convient de relever que par sa profession de brocanteur, Régine Y... ne pouvait manquer de s'apercevoir que son stock s'accroissait d'objets qu'elle n'avait pas personnellement acquis, et dont son époux ne pouvait justifier qu'ils avaient régulièrement été achetés;
que, comme elle devait tenir les écritures et les enregistrements, elle savait le prix d'acquisition extraordinairement bas de lots entiers de meubles de valeur, et connaissait nécessairement de cette manière leur provenance suspecte;
que par ailleurs, il résulte des déclarations, en cours d'enquête, des autres protagonistes, et notamment de Patrice A..., que Régine Y... était présente certaines fois lors des apports des meubles volés, des transactions et des discussions intervenus au domicile des époux Z... et qu'elle peut difficilement soutenir qu'elle ignorait qu'il s'agissait de meubles volés;
que c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu sa culpabilité pour le délit de recel de vols aggravés ;
"alors qu'en se bornant à énoncer que la prévenue déclarée coupable de recel de vols aggravés, avait eu connaissance de l'origine frauduleuse des objets qu'elle détenait, sans préciser si elle avait eu également connaissance des circonstances aggravantes ayant accompagné les infractions qui ont servi à procurer les objets recelés, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Attendu que le moyen se borne à remettre en cause devant la Cour de Cassation l'appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve contradictoirement débattus, sur lesquels les juges d'appel, après avoir analysé les faits et les circonstances de la cause, ont fondé leur conviction, que Régine Y..., épouse Z... avait reçu et payé les meubles et objets acquis des auteurs des vols, en connaissance des circonstances dans lesquelles ils avaient été dérobés ;
Que le moyen ne saurait donc être admis ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 515, 593 du Code de procédure pénale, défaut et insuffisance de motifs, manque de base légale ;
"en ce que les juges du second degré, statuant sur les appels de la prévenue et du ministère public, ont ajouté au jugement entrepris en ordonnant la restitution de divers objets à l'une des parties civiles, Mme X..., non appelante et intimée ;
"aux motifs que Mme X..., présente à l'audience, demande la restitution d'objets se trouvant dans le garde-meubles Perier à Guitres ;
"alors que, saisis des seuls appels du prévenu et du ministère public, les juges du second degré ne pouvaient ainsi réformer au profit de cette partie civile, non appelante et intimée, le jugement entrepris auquel elle était censée avoir acquiescé;
qu'ainsi la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;
Attendu qu'en ordonnant au profit de la partie civile non appelante la restitution de divers objets placés sous main de justice, la cour d'appel n'a fait qu'appliquer les articles 478 et 484 du Code de procédure pénale, sans méconnaître les dispositions de l'article 515 dudit Code visé au moyen ;
Qu'ainsi, le moyen ne peut qu'être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Milleville conseiller doyen, faisant fonctions de président, M. Pinsseau conseiller rapporteur, M. Joly, Mmes Simon, Chanet, Anzani conseillers de la chambre, Mme Batut, M. Desportes, Mme Karsenty conseillers référendaires ;
Avocat général : M. le Foyer de Costil ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;
Crim. 28 avril 1998 n° 94-86.133
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-huit avril mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller CHANET, les observations de Me Le PRADO et de Me RICARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général le FOYER de COSTIL ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Patrice, contre l'arrêt de la cour d'appel de METZ, chambre correctionnelle, en date du 29 septembre 1994, qui, pour diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat public, l'a condamné à 25 000 francs d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;
1) Sur l'action publique :
Attendu que selon l'article 2, alinéa 2-5 , de la loi du 3 août 1995, sont amnistiés, lorsque, comme en l'espèce, ils sont antérieurs au 18 mai 1995, les délits prévus par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse;
qu'ainsi l'action publique est éteinte à l'égard du prévenu ;
Attendu cependant que selon l'article 21 de la loi d'amnistie précitée, la juridiction de jugement saisie de l'action publique reste compétente pour statuer sur les intérêts civils ;
2) Sur l'action civile :
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'alinéa 3, de l'article 513 du Code de procédure pénale dans sa rédaction issue de la loi du 4 janvier 1993 et des articles 460, 585 et 593 du même Code ;
"en ce que l'arrêt attaqué indique que l'avocat du prévenu, Patrice X..., a été entendu en sa plaidoirie avant les réquisitions du ministère public et la plaidoirie de la partie civile ;
"alors qu'aux termes du 3ème alinéa, de l'article 513 du Code de procédure pénale en sa rédaction issue de la loi du 4 janvier 1993, entrée en vigueur en application de l'article 49-1 de la loi du 24 août 1993, les parties ont la parole dans l'ordre prévu par l'article 460;
qu'il en résulte que la défense du prévenu doit être présentée après les réquisitions du ministère public et la demande de la partie civile;
qu'en l'espèce, les mentions de l'arrêt établissent que l'avocat de Patrice X... a dû présenter sa défense avant les réquisitions du ministère public et les observations de la partie civile ;
et que si l'arrêt énonce que le prévenu a eu la parole le dernier, ceci ne suffit pas à réparer l'atteinte portée aux intérêts de Patrice X... par l'obligation qu'il lui a été faite de présenter sa défense en premier" ;
Attendu que si l'arrêt mentionne que le prévenu a présenté sa défense avant les réquisitions du ministère public, dans l'ordre de parole prévu par les dispositions de l'article 513 du Code de procédure pénale, en leur rédaction antérieure à la loi du 4 janvier 1993, il précise que l'avocat du prévenu a eu la parole le dernier ;
Qu'en cet état, et dès lors que l'article 513 précité a été rétabli en sa rédaction initiale par la loi du 8 février 1995, l'irrégularité commise n'a pas été de nature à porter atteinte aux intérêts du demandeur ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation de l'article 31 de la loi du 29 juillet 1881, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a considéré que les propos incriminés relevaient de la qualification de diffamation envers un citoyen chargé d'un mandat public ;
"aux motifs que si le prévenu prétend que le délit de diffamation publique à l'encontre d'un citoyen chargé d'un mandat public n'est pas constitué, M. Y... n'étant visé qu'en sa qualité de simple particulier, le fait imputé ne constituant ni un acte ni un abus de fonction ou du mandat public, il s'avère que ce qui est visé dans la prévention, ce sont les titres et les sous-titres et non pas l'article qui les jouxte et traite des difficultés et de la gestion de la société A... ;
que ces titres et ces sous-titres visent nommément M. Y... en se référant expressément à ses mandats politiques, anciens et actuels ;
que, dès lors, ils mettent en cause M. Y... en tant que citoyen chargé d'un service ou d'un mandat public et non comme une simple personne privée ;
"alors que pour qu'il y ait diffamation envers un citoyen chargé d'un mandat public, il ne suffit pas que soient simplement mentionnées les fonctions ou mandats publics de la personne ainsi mise en cause mais encore faut-il qu'il soit établi que le fait imputé constituait un acte ou un abus dans l'exercice desdites fonctions ou mandats;
que la Cour, qui s'est ainsi uniquement attachée au rappel des fonctions et mandats de la partie civile pour considérer que le délit incriminé par l'article 31 de la loi du 29 juillet 1881 se trouvait constitué, sans examiner, comme l'y invitaient pourtant les conclusions de Patrice X..., si les imputations portaient bien sur des actes ou des abus attachés à ses fonctions ou ses mandats, a privé sa décision de toute base légale, d'autant que les seules imputations faites à un citoyen chargé d'un mandat public d'avoir laissé une ardoise de 200 millions à son successeur en évoquant l'hypothèse d'un délit d'initié susceptible d'avoir été commis dans le cadre d'une société d'économie mixte, personne morale de droit privé et donc aucunement dans le cadre des fonctions ou des mandats de Jean-Marie Y..., ne portait pas sur un acte ou un abus commis dans l'exercice desdits mandats ou fonctions" ;
Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 29 de la loi du 29 juillet 1881, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré constitué le délit de diffamation public ;
"aux motifs que si le prévenu prétend qu'en se bornant à émettre le principe de la responsabilité de Jean-Marie Y... dans le déficit de la A..., il ne lui impute pas de faits précis et que tout au plus, ses propos auraient pu recevoir la qualification d'injures publiques, il s'avère de toute évidence que les termes employés "laisser une ardoise de 200 millions" "avec en prime des relents de délit d'initié" constituent une imputation de fait précis de nature à porter atteinte à l'honneur et à la considération de Jean-Marie Y... ;
"alors que la diffamation suppose l'articulation d'un fait précis susceptible de faire l'objet d'une preuve et d'un débat contradictoire, ce qui ne saurait être le cas de l'imputation au représentant d'un actionnaire d'une personne morale d'avoir une responsabilité dans le déficit de celle-ci, quand bien même ce déficit serait présenté comme pouvant avoir une cause en partie délictueuse ;
qu'en effet, une telle imputation, parce qu'elle peut dès lors être formulée à l'encontre de tout actionnaire d'une telle personne morale et qu'elle revêt son caractère vague du fait de l'absence de toute autre indication, n'articule aucun fait précis pouvant permettre la mise en oeuvre de la procédure d'offre de preuve de la vérité des faits diffamatoires" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, Jean-Marie Y..., "ancien ministre, sénateur-maire de la ville de Z...", a fait citer directement devant le tribunal correctionnel Patrice X..., directeur de la publication du journal B..., pour diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat public, sur le fondement de l'article 31 de la loi du 29 juillet 1881;
que la citation a articulé le titre et le sous-titre d'un article publié, dans le numéro 1655 dudit journal, daté du 5 janvier 1994, ainsi libellés :
"Jean-Marie Y... a laissé une ardoise de 200 millions"; "Ancien président du conseil régional de Lorraine et ancien ministre de C..., le maire de Z... a fait un drôle de cadeau à son successeur Gérard Longuet. Avec, en prime, des relents de délit d'initié. Le scandale de la A... ne fait que commencer" ;
Attendu que pour déclarer le prévenu coupable de diffamation, l'arrêt attaqué énonce que les imputations d'avoir "laissé une ardoise de 200 millions" et de "relents de délit d'initié" dans la gestion d'une société de développement régional concernent des faits précis, portant atteinte à l'honneur et à la considération de Jean-Marie Y..., nommément désigné ;
que les juges ajoutent que les propos incriminés se réfèrent expressément aux mandats politiques, anciens et actuel, de Jean-Marie Y..., président du conseil régional, maire, ancien ministre ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
Que d'une part, l'allégation ou l'imputation d'un fait déterminé portant atteinte à l'honneur ou à la considération d'une personne entre dans les prévisions de l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881, même si elle est présentée sous une forme déguisée ou dubitative ou par voie d'insinuation ;
Que d'autre part, l'article 31 est applicable dès lors que l'une des qualités de la partie civile aurait été, au moins pour partie, le moyen d'accomplir, à les supposer vrais, les faits imputés;
que tel est le cas en l'espèce ;
D'où il suit que les moyens ne sauraient être admis ;
Sur le quatrième moyen de cassation pris de la violation des articles 35 de la loi du 29 juillet 1881, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'excuse de bonne foi invoquée par Patrice X... ;
"aux motifs que si le prévenu soutient que le bénéfice de la bonne foi doit lui être accordé au motif qu'il a mené une enquête personnelle et sérieuse, que le ton employé n'est pas excessif, qu'il n'a pas été animé par une intention de nuire à la partie civile mais celle d'informer le lecteur et d'attirer son attention sur des faits alarmants, il convient de souligner qu'il a manifestement manqué d'objectivité et de prudence dans le libellé de son titre et de son sous-titre;
que sa bonne foi ne saurait être retenue dans la mesure où dans un journal à diffusion nationale et au moyen de titres et sous-titres imprimés en gros caractères, il a imputé sans preuve des agissements délictueux, notamment "des relents de délit d'initié" à une personnalité très connue, qui a exercé et exerce encore un mandat public ;
"alors que la Cour qui, en faisant totalement abstraction des conclusions de Patrice X... faisant valoir que l'article résultait d'une enquête minutieuse et relatait une situation rigoureusement exacte - la Commission des opérations de bourse ayant au demeurant saisi le parquet de Z... de faits commis dans le cadre de la gestion de la A... - a écarté l'excuse de bonne foi invoquée par Patrice X... en lui faisant grief d'un manque d'objectivité et de prudence tenant au libellé de son titre et de son sous-titre et au motif qu'il aurait été imputé à Jean-Marie Y... des agissements délictueux, a, d'une part, entaché sa décision tout autant de défaut de réponse que d'insuffisance, la vivacité dans le ton pouvant à elle seule permettre l'excuse de bonne foi, que, d'autre part, dénaturé le sens et la portée de l'écrit qui lui était soumis, lequel, s'il rappelait la possibilité d'un délit d'initié, ne l'imputait ni directement ni indirectement à Jean-Marie Y..." ;
Attendu que pour rejeter l'exception de bonne foi invoquée en défense, l'arrêt énonce que le prévenu a manqué d'objectivité et de prudence dans le libellé de son titre et de son sous-titre;
que selon les juges, la bonne foi de Patrice X... ne saurait être retenue dans la mesure où dans un journal à diffusion nationale et au moyen de titre et de sous-titre imprimés en gros caractères, il a imputé sans preuve des agissements délictueux, notamment des "relents de délit d'initié", à une personnalité très connue qui a exercé et exerce encore un mandat public ;
Attendu que par ces énonciations, desquelles il résulte que le prévenu n'a pas apporté la preuve, qui lui incombait, de circonstances particulières propres à établir sa bonne foi, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Par ces motifs,
I - Sur l'action publique :
La DECLARE éteinte ;
II - Sur l'action civile :
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Milleville conseiller doyen, faisant fonctions de président, Mme Chanet conseiller rapporteur, MM. Pinsseau, Joly, Mmes Simon, Anzani conseillers de la chambre, Mme Batut, M. Desportes, Mme Karsenty conseillers référendaires ;
Avocat général : M. le Foyer de Costil ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;
Crim. 28 avril 1998 n° 97-82.627
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-huit avril mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller PINSSEAU, les observations de la société civile professionnelle Le GRIEL, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général le FOYER de COSTIL ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Z... Pierre, partie civile, contre l'arrêt de la cour d'appel de NIMES, chambre correctionnelle, en date du 8 avril 1997 qui, après avoir relaxé Abdelwhab X... des fins de la poursuite du chef de vol aggravé, l'a débouté de son action ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 311-1, 311-4, 311-14 du Code pénal, 463, alinéa 1, 485, 512 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a relaxé Abdelwhab X... des fins de la poursuite ;
"aux motifs qu'un vol a été commis par effraction au domicile de Pierre Z..., vol au cours duquel ont été dérobés un magnétoscope, deux appareils photos, une cinquantaine de cassettes audio, une vingtaine de CD et une quinzaine de cassettes vidéo;
qu'un voisin, Brahim A..., a formellement mis en cause Abdelwhab X... pour l'avoir vu s'éloigner du domicile chargé d'un sac à dos rempli et se mettre à courir lorsqu'il s'est aperçu de sa présence;
qu'au cours de la perquisition effectuée le jour même au domicile de Tahar X..., père du prévenu, où il demeure, les enquêteurs ont découvert un disque laser et une cassette vidéo formellement reconnus par Rolande Y..., compagne de Pierre Z...;
que cependant "il convient de relever la disproportion entre le nombre d'objets déclarés dérobés et celui très restreint, découvert;
que la nommée Rolande Y... ne fournit aucune indication sur les caractéristiques lui permettant de reconnaître ainsi les deux objets, le disque et la cassette, lesquels, sans marque distinctives, sont particulièrement répandus";
que "le mis en cause, qui ne conteste pas être vidéophile, nie les faits et déclare qu'à l'heure présumée de leur commission, il se trouvait à son domicile chez ses parents qui dormaient alors que lui-même regardait la télévision" ;
qu'aucune confrontation n'a été réalisée entre le prévenu et le témoin, qu'aucune vérification n'a été faite sur les effets vestimentaires qu'aurait porté le prévenu, selon le témoin", que le témoignage de Brahim A... "se révèle insuffisamment probant" et qu'il subsiste à tout le moins, un doute qui doit bénéficier au prévenu" ;
"alors que le juge ne peut, pour relaxer le prévenu, faire état du caractère incomplet de l'information et doit ordonner les mesures complémentaires d'instruction dont il reconnaît implicitement l'utilité;
qu'en l'espèce, en constatant, d'une part, "qu'aucune confrontation n'a été réalisée entre le prévenu et le témoin" et "qu'aucune vérification n'a été faite sur les effets vestimentaires qu'aurait porté le prévenu selon le témoin" et, d'autre part, que le témoignage de "Brahim A..., unique témoin, se révèle insuffisamment probant", la Cour a implicitement reconnu l'utilité de ces mesures de confrontation et de vérification et qu'en s'abstenant néanmoins de les ordonner, elle a privé se décision de toute base légale" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, par des motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction, justifié le débouté du demandeur de son action en dommages-intérêts ;
D'où il suit que le moyen, qui revient à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause contradictoirement débattus, ne peut qu'être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Milleville conseiller doyen, faisant fonctions de président, M. Pinsseau conseiller rapporteur, M. Joly, Mmes Simon, Chanet, Anzani conseillers de la chambre, Mme Batut, M. Desportes, Mme Karsenty conseillers référendaires ;
Avocat général : M. le Foyer de Costil ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;
Crim. 28 avril 1998 n° 98-80.744
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-huit avril mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire DESPORTES, les observations de Me de NERVO, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général le FOYER de COSTIL ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Z...
A... Pedro José, contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de PARIS, en date du 14 janvier 1998, qui, dans la procédure d'extradition suivie contre lui à la demande du Gouvernement espagnol, a émis un avis favorable ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, de l'article 10 de la Convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957, de l'article 62 de la Convention d'application de l'accord de Schengen du 19 juin 1990, de l'article 4 du Code civil, des articles 591 à 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et déni de justice ;
"en ce que l'arrêt attaqué a donné un avis favorable à l'extradition de Pedro Z...
A... ;
"aux motifs que, les faits litigieux remontaient à 1983;
que l'exposé des faits fourni par les autorités espagnoles permettait de vérifier la condition de double incrimination;
que, selon les dispositions de l'article 113 du Code pénal espagnol en vigueur au moment des faits et les dispositions de l'article 131 du nouveau Code pénal espagnol, la prescription n'était pas acquise en droit espagnol ;
qu'en droit français, la prescription était de dix ans;
que l'article 62 de la Convention de Schengen stipulait, qu'en ce qui concernait l'interruption de la prescription, seules étaient applicables les dispositions de la partie requérante;
que les autorités espagnoles avaient dressé la liste des actes interruptifs de prescription :
arrestation de José Miguel Y...
X... le 11 juillet 1988, puis arrestation en France de Pedro Z...
A..., puis ordonnance de mise en accusation contre ce dernier le 31 mai 1996;
que l'arrestation de José Y...
X... concernait les mêmes faits que ceux pour lesquels Pedro Z...
A... était poursuivi;
que la prescription avait donc été interrompue dès le 11 juillet 1988;
qu'il n'y avait pas lieu de mettre en doute les affirmations des autorités espagnoles sur le caractère interruptif, au regard de la législation espagnole, des actes énumérés dans les pièces produites;
que l'infraction n'avait pas de caractère politique ou militaire ;
"alors qu'il était tout à fait constant que les faits reprochés à Pedro Z...
A..., datant de 1983, étaient anciens de plus de dix ans et donc prescrits selon le droit français, sauf à retenir une cause d'interruption intervenue dans le délai de dix ans, conformément au droit espagnol;
que la chambre d'accusation ne pouvait en aucun cas se contenter d'affirmer qu'il "n'y avait pas lieu de mettre en doute les affirmations des autorités espagnoles" sur le caractère interruptif au regard de la législation espagnole de l'arrestation, en 1988, d'une autre personne que celle concernée par la procédure d'extradition ;
qu'il lui appartenait de vérifier ces affirmations, en précisant le contenu de la loi espagnole sur ce point, d'autant que Pedro Z...
A... faisait clairement valoir, dans son mémoire du 9 décembre 1997 (page 5, avant-dernier alinéa), qu'en droit espagnol, l'interruption de prescription supposait une procédure dirigée contre le coupable lui-même;
qu'en s'abritant purement et simplement derrière les affirmations de l'Etat requérant, elle a méconnu son office" ;
Attendu que le moyen revient à critiquer les motifs de l'arrêt qui se rattachent directement et servent de support à l'avis de la chambre d'accusation sur la suite à donner à la demande d'extradition ;
Qu'il est, dès lors, irrecevable en application de l'article 16 de la loi du 10 mars 1927 ;
Et attendu que l'arrêt a été rendu par une chambre d'accusation compétente et régulièrement composée;
que la procédure est régulière ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Milleville conseiller doyen, faisant fonctions de président, M. Desportes conseiller rapporteur, MM. Pinsseau, Joly, Mmes Simon, Chanet, Anzani conseillers de la chambre, Mmes Batut, Karsenty conseillers référendaires ;
Avocat général : M. le Foyer de Costil ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;
Crim. 28 avril 1998 n° 97-82.031
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-huit avril mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire BATUT, les observations de Me RICARD, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général le FOYER de COSTIL ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Jacky, contre l'arrêt de la cour d'appel de ROUEN, chambre correctionnelle, du 12 mars 1997, qui, pour agressions sexuelles aggravées, l'a condamné à 3 ans d'emprisonnement et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 112-2 du Code pénal, 7, alinéa 3, et 591 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a dit non prescrits les faits visés dans la prévention commis courant 1988 à l'encontre de Magalie Y... et courant 1989 ou 1990 à l'encontre de Céline Y..., déclaré Jacky X... coupable de ceux-ci et l'a condamné à la peine de trois ans d'emprisonnement, a, en conséquence reçu Céline Y... en sa constitution de partie civile, et ordonné la réouverture des débats à l'audience du 24 septembre 1997 afin de permettre à Magalie Y... devenue majeure en cause d'appel, de dire si elle entend reprendre l'instance engagée par son représentant et dans l'affirmative, préciser ses demandes ;
"aux motifs, sur la prescription de l'action publique, que "en matière de délit, la prescription de l'action publique est, en vertu de l'article 8, alinéa premier, du Code de procédure pénale, de trois années révolues ;
"il résulte des dispositions de la loi du 10 juillet 1989 qui ont modifié l'article 7 du Code de procédure pénale auquel se réfère l'article 8 dudit Code, que lorsque la victime est mineure et que l'infraction a été commise par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par une personne ayant autorité sur elle, le délai de prescription est réouvert ou court à nouveau à son profit, pour la même durée, soit trois années, à compter de sa majorité ;
"selon l'article 8, alinéa 2, du Code de procédure pénale dans sa rédaction issue de la loi du 4 février 1995, lorsque la victime est mineure et que le délit a été commis par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par une personne ayant autorité sur elle, le délai de prescription ne commence à courir qu'à partir de sa majorité ;
"l'article 112-2 4° du Code pénal en ce qu'il fixe le champ d'application dans le temps des lois de prescription, n'a pas eu pour effet de modifier sur ce point les lois de prescription promulguées avant son entrée en vigueur ;
"par ailleurs, le système mis en place par la loi du 4 février 1995 est semblable à celui qui résultait de la loi du 10 juillet 1989 et n'a donc pas aggravé la situation du prévenu ;
"il découle de l'ensemble de ces considérations que parmi les faits visés dans la citation, doivent être considérés comme prescrits ceux remontant à 1984 et 1986 compte tenu pour ces derniers de l'absence de précision sur la date de commission ;
"en revanche, les autres faits ne peuvent être considérés comme prescrits et le jugement doit donc être réformé de ce chef" ;
"alors que la prescription résultant d'une loi nouvelle plus sévère, et ayant donc pour effet d'aggraver la situation de l'intéressé, ne peut être appliquée à des faits commis avant son entrée en vigueur ;
qu'en l'espèce, lors des faits reprochés à Jacky X... commis en 1988 et 1989, la prescription applicable n'était que de trois ans, sans réouverture ou nouvelle prescription à la majorité de la victime comme l'ont prévu les lois postérieures du 10 juillet 1989 et du 4 février 1995, dont l'application aurait pour effet d'aggraver la situation de l'intéressé;
qu'en retenant cependant que la prescription, telle que résultant de la loi du 10 juillet 1989 n'était pas acquise, la cour d'appel a violé les articles 112-2 du Code pénal, 7, alinéa 3, et 591 du Code de procédure pénale" ;
Attendu que Jacky X... a été cité devant le tribunal correctionnel pour avoir, de 1984 à 1990, commis des agressions sexuelles sur les personnes de Céline Y..., née le 15 juillet 1974, et de Magalie Y..., née le 2 septembre 1978, sur lesquelles il avait autorité ;
que les victimes ont dénoncé les faits en mai 1995 ;
Attendu que, devant les juges du fond, le prévenu a soulevé la prescription de l'action publique, en faisant valoir qu'en vertu de l'article 112-2, 4 du Code pénal, les lois des 10 juillet 1989 et 4 février 1995, aggravant, en matière de prescription, la situation de certains auteurs de crimes ou de délits sur des mineurs, étaient inapplicables à des faits commis avant leur entrée en vigueur ;
Que, pour écarter cette argumentation, la cour d'appel énonce que l'article précité du Code pénal, en ce qu'il fixe le champ d'application dans le temps des lois de prescription, n'a pas eu pour effet de modifier sur ce point la loi du 10 juillet 1989 et que celle du 4 février 1995 n'a pas changé les modalités de prescription de l'action publique prévues par la précédente, concernant les crimes ou délits perpétrés sur des mineurs par un ascendant ou par une personne ayant autorité sur eux ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, les juges ont fait l'exacte application de la loi ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Milleville conseiller doyen, faisant fonctions de président, Mme Batut conseiller rapporteur, MM. Pinsseau, Joly, Mmes Simon, Chanet, Anzani conseillers de la chambre, M. Desportes, Mme Karsenty conseillers référendaires ;
Avocat général : M. le Foyer de Costil ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;
Crim. 22 avril 1998 n° 93-83.162
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-deux avril mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller BLONDET, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LUCAS ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Pierrot, contre l'arrêt de la cour d'appel de NIMES, chambre correctionnelle, en date du 1er juin 1993, qui, pour stationnement illicite de caravanes, l'a condamné à 2 000 francs d'amende, et a ordonné, sous astreinte, la remise en état des lieux ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 160-1, L. 480-4 et suivants, R. 442-2, R. 443-4 du Code de l'urbanisme, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné le prévenu pour avoir stationné trois caravanes "en contravention aux règlements d'urbanisme" ;
"alors que l'arrêt attaqué ne précise pas quel règlement d'urbanisme - arrêté municipal ou préfectoral, plan d'occupation des sols, texte réglementaire - le prévenu aurait méconnu;
qu'il ne constate ni que les caravanes aient été stationnées dans une zone interdite, ni que ce stationnement aurait été soumis à une autorisation dont le prévenu se serait affranchi;
qu'ainsi, l'arrêt attaqué dépourvu de tout motif ne peut légalement justifier la condamnation prononcée ;
"alors, au surplus, que l'arrêt attaqué ne répond pas aux conclusions régulièrement déposées, dans lesquelles le prévenu avait fait valoir qu'aucune infraction ne pouvait être retenue contre lui, le stationnement de caravanes étant antérieur à l'entrée en vigueur du POS et n'étant pas soumis à autorisation par application de l'article L. 443-4.d du Code de l'urbanisme, sa résidence principale étant implantée sur le terrain même où étaient stationnées les caravanes" ;
Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué et du jugement, qu'il confirme sur la culpabilité, que Pierrot X..., propriétaire d'un terrain à Villeneuve-lès-Avignon, est poursuivi pour avoir laissé stationner trois caravanes hors d'un terrain aménagé, sans autorisation administrative ou en zone interdite ;
Attendu que, pour le déclarer coupable de ce délit, la juridiction du second degré retient, par motifs adoptés, que la parcelle où sont stationnées les caravanes est située dans un "site classé" ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, d'où il résulte que l'illégalité du stationnement des caravanes procédait non des règles locales d'urbanisme, mais des règles nationales prévues par l'article R. 443-9 du Code de l'urbanisme, la cour d'appel, qui n'avait pas à répondre au moyen de défense inopérant, pris de l'article R. 443-4, d, du même Code, a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
Que le moyen, qui, pris en sa première branche, manque en fait, est, pour le surplus, inopérant et ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Roman conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président, M. Blondet conseiller rapporteur, MM. Pibouleau, Challe, Ruyssen, Roger conseillers de la chambre, Mme de la Lance, M. Soulard conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Lucas ;
Greffier de chambre : Mme Ely ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;
Crim. 21 avril 1998 n° 98-80.536
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt et un avril mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller CHANET, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LUCAS ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Y... Taïeb, contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de PARIS, du 22 janvier 1998, qui l'a renvoyé devant la cour d'assises de SEINE-SAINT-DENIS, sous l'accusation de tentatives de meurtre sur personnes dépositaires de l'autorité publique ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 221-1, 221-4, 4°, 121-4, 2°, 121-5 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs ;
"en ce que l'arrêt attaqué a renvoyé Taïeb Y... devant la cour d'assises, du chef de tentative de meurtre sur les personnes d'Yves X... et Fabrice Z..., deux militaires de la gendarmerie nationale dans l'exercice de leurs fonctions ;
"aux motifs que l'adjudant X... indiquait que Taïeb Y... avait tiré deux ou trois coups de feu en direction du garde Poisson, qu'il avait alors immédiatement riposté d'un seul coup de feu, et que Taïeb Y... avait à nouveau tiré en tombant;
que les déclarations du gendarme X... ont confirmé que Taïeb Y... avait, sur le palier, tiré deux balles en visant le garde Poisson, avant de se retrancher dans la chambre où il avait à nouveau fait feu à deux reprises et à bout touchant au travers du mur, l'adjudant X... ayant alors riposté par la porte entrouverte d'un seul coup de fusil à pompe ;
"alors, d'une part, qu'en affirmant, en se référant aux déclarations du gendarme X..., que Taïeb Y... aurait tiré deux ou trois coups de feu en direction du garde Poisson, que le gendarme X... aurait immédiatement riposté, et qu'ensuite Taïeb Y... aurait tiré à nouveau en tombant, tout en affirmant par ailleurs, en s'appuyant sur les déclarations du même gendarme X..., que Taïeb Y... aurait, sur le palier, tiré deux coups de feu en direction du garde Poisson, qu'il aurait ensuite, de l'intérieur de la chambre, tiré deux nouveaux coups de feu à travers le mur, et que ce n'est qu'à ce moment que le gendarme X... aurait riposté par un coup de feu, la chambre d'accusation a présenté deux versions contradictoires des faits dont elle déduit la prétendue volonté homicide, et a, dès lors, statué par des motifs contradictoires ;
"alors, d'autre part, que, s'agissant de la prétendue tentative de meurtre sur la personne du gendarme X..., Taïeb Y... faisait valoir, dans son mémoire régulièrement déposé le 31 décembre 1997, que le fait, pour un individu se trouvant dans une chambre, de tirer un coup de feu dans le mur de la chambre ne saurait caractériser une tentative de meurtre sur la personne se trouvant sur le palier, de l'autre côté du mur dont on sait qu'on ne le transpercera pas;
qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen péremptoire de la personne mise en examen, la chambre d'accusation a privé sa décision de motifs" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la chambre d'accusation, après avoir exposé les faits et répondu aux articulations essentielles du mémoire dont elle était saisie, a relevé, par des motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction, charges suffisantes contre Taïeb Y... pour ordonner son renvoi devant la cour d'assises sous l'accusation de tentatives de meurtre ;
Qu'en effet, les chambres d'accusation apprécient souverainement si les faits retenus à la charge de la personne mise en examen sont constitutifs d'une infraction et la Cour de Cassation n'a d'autre pouvoir que de vérifier, à supposer ces faits établis, si leur qualification justifie la saisine de la juridiction de jugement ;
Que, tel étant le cas en l'espèce, le moyen ne peut qu'être écarté ;
Et attendu que la chambre d'accusation était compétente, qu'il en est de même de la cour d'assises devant laquelle Taïeb Y... est renvoyé, que la procédure est régulière et que les faits, objet de l'accusation, sont qualifiés crime par la loi ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Pinsseau conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président, Mme Chanet conseiller rapporteur, M. Farge, Mmes Anzani, Garnier conseillers de la chambre, Mme Karsenty conseiller référendaire ;
Avocat général : M. Lucas ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;
Crim. 21 avril 1998 n° 98-80.502
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt et un avril mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller FARGE, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LUCAS ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- HUBER Y..., contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de COLMAR, en date du 4 décembre 1997, qui l'a renvoyé devant la cour d'assises du BAS-RHIN, sous l'accusation de recel de vol avec arme ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 111-4, 321-1 et 321-4 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a renvoyé le demandeur devant la cour d'assises sous l'accusation de recel de vol aggravé ;
"aux motifs que, le 29 novembre 1993, Francis C..., caissier à la société Sécuripost à Eckbolsheim, a été victime, en compagnie d'un collègue, d'un vol à main armée commis par deux individus qui s'étaient fait remettre le contenu des caisses, s'élevant à 8 109 828,20 francs, sous la menace de leurs armes;
que, Marie-Madeleine B... confirmait avoir appris par son concubin, Ernest Z..., que le hold-up de Sécuripost avait été commis par Enrico X... et Thierry A...;
qu'au domicile d'Enrico X... était découverte notamment une pince "coupe-boulons" qui, selon expertise, s'avérait être à l'origine de l'effraction des barres de protection de la fermeture par lesquelles les auteurs étaient rentrés ;
que, vers 6 heures, Enrico X... et Thierry A... déposaient au domicile de Jean-Jacques Huber à Hoenheim le véhicule automobile BMW gris métallisé d'Enrico X... qu'ils laissaient verrouillé dans le garage;
que les enquêteurs procédaient à l'interpellation de Jean-Jacques Huber, président directeur général de la SA du garage Astoria, avenue des Vosges à Strasbourg;
que Jean-Jacques Huber reconnaissait s'être emparé d'une somme d'environ 900 000 francs qu'il avait trouvée après avoir forcé la portière de la voiture BMW qu'Enrico X... lui avait demandé la permission de déposer dans le garage de son domicile privé à Hoenheim le 29 novembre 1993 à 6 heures du matin, "parce qu'il craignait un vol, notamment celui de son poste autoradio";
qu'Enrico X..., qui était venu déposer ce véhicule à l'heure dite, en compagnie de Thierry A..., aurait dû normalement le reprendre dès l'après-midi ;
que Jean-Jacques Huber utilisait ces fonds pour combler une partie du déficit de sa société et effectuer de nombreux travaux d'aménagement dans sa maison d'Hoenheim et dans plusieurs appartements faisant partie de son patrimoine personnel;
que Jean-Jacques Huber ne pouvait douter un instant que les fonds très importants qu'il avait découverts par effraction dans le véhicule qui lui était confié avaient une origine frauduleuse;
que ses déclarations initiales à la police sont d'ailleurs les suivantes : "dans un premier temps, je ne savais pas que cet argent provenait du hold-up commis au préjudice de la société de transport de fonds Sécuripost;
ce n'est que le lendemain en lisant le journal que j'ai fait le rapprochement;
j'ai eu du mal à le croire car Enrico X... et Thierry A... ne paraissaient pas avoir l'envergure pour commettre un tel méfait;
par contre, je reconnais que lorsque j'ai pris cet argent, j'étais convaincu que l'origine de cet argent était frauduleuse";
qu'en première comparution devant le juge d'instruction, Jean-Jacques Huber a expressément reconnu, qu'après avoir vu ces sacs, "style sacs de pommes de terre ou sacs postaux", les uns fermés par un cadenas, les autres présentant des déchirures faites par un couteau, il s'était dit "que probablement, cet argent provenait d'un hold-up" (D 2265);
que le recel est une infraction continue;
qu'il ressort des propres aveux du mis en examen Jean-Jacques Huber que celui-ci a su dès le premier jour que les fonds dont il s'emparait provenaient d'un hold-up et - au plus tard - le lendemain par quel vol à main armée précis lesdits fonds, qu'il conservait, avaient été obtenus ;
"alors que doit être annulé, aux termes de l'article 593 du Code de procédure pénale, l'arrêt de la chambre d'accusation prononçant la mise en accusation pour des crimes dont les éléments constitutifs ne résultent que de motifs insuffisants ou contradictoires ;
que le recel aggravé nécessite, pour être caractérisé, selon les dispositions de l'article 321-4 du Code pénal dont les dispositions doivent être interprétées strictement, que le receleur ait connaissance des circonstances réelles dont a été accompagnée l'infraction d'origine;
qu'il résulte du procès-verbal de première comparution de Jean-Jacques Huber (D 2264 à D 2267) auquel l'arrêt attaqué a prétendu se référer, que celui-ci n'a, à aucun moment, fait le rapprochement entre le vol à main armée commis au préjudice de Sécuripost et la présence de l'argent dans le véhicule d'Enrico X... entreposé dans son garage et dont il a soustrait frauduleusement 900 000 Francs et que, dès lors, en faisant état de ce que, selon ce procès-verbal de première comparution, Jean-Jacques Huber avait identifié le vol armé dont les fonds qu'il conservait provenaient, l'arrêt attaqué a statué par une contradiction de motifs évidente en sorte que la cassation est encourue" ;
Attendu que les motifs de l'arrêt attaqué, exactement reproduits au moyen, mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la chambre d'accusation, après avoir exposé les faits et répondu aux articulations essentielles du mémoire dont elle était saisie, a relevé, sans insuffisance ni contradiction, l'existence de charges suffisantes contre Jean-Jaques Huber pour ordonner son renvoi devant la cour d'assises sous l'accusation de recel de vol avec arme ;
Qu'en effet, il résulte des articles 214 et 215 du Code de procédure pénale que les chambres d'accusation apprécient souverainement si les faits retenus à la charge de la personne mise en examen sont constitutifs d'une infraction, en tous ses éléments légaux tant matériels qu'intentionnel, la Cour de Cassation n'ayant d'autre pouvoir que de vérifier, à supposer ces faits établis, si leur qualification justifie la saisine de la juridiction de jugement ;
Que, tel étant le cas en l'espèce, le moyen doit être écarté ;
Et attendu que la chambre d'accusation était compétente et qu'il en est de même de la cour d'assises devant laquelle Jean-Jacques Huber est renvoyé;
que la procédure est régulière et que les faits, objet de l'accusation, sont qualifiés crime par la loi ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Pinsseau conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président, M. Farge conseiller rapporteur, Mmes Chanet, Anzani, Garnier conseillers de la chambre, Mme Karsenty conseiller référendaire ;
Avocat général : M. Lucas ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;
Ch. mixte 10 avril 1998 n° 97-17.323 B n° 1
ARRÊT N° 2
Vu leur connexité, joint les pourvois nos 97-16.970,97-17.097, 97-17.272 et 97-17.323 ;
Sur le moyen unique des pourvois, pris en leurs diverses branches :
Vu les articles L. 411-1, L. 411-2 et L. 481-1 du Code du travail, ensemble l'article 31 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu qu'il résulte de ces textes qu'indépendamment du droit pour le procureur de la République de demander la dissolution d'un syndicat dans les conditions prévues par l'article L. 481-1 du Code du travail en cas d'infractions commises par ses dirigeants ou administrateurs, toute personne, qui justifie d'un intérêt à agir, est recevable à contester la qualité de syndicat professionnel d'une organisation dont l'objet ne satisfait pas aux exigences des articles L. 411-1 et L. 411-2 du Code du travail ;
Attendu qu'a été déclaré le 10 septembre 1996 un groupement se prévalant de la qualité de syndicat professionnel, dénommé Front national pénitentiaire (FNP), ayant pour objet de regrouper les fonctionnaires en civil ou en tenue ainsi que les contractuels sous statut de droit public dépendant du ministère de la Justice et de procéder à l'étude et à la défense des droits ainsi que des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu'individuels, des personnes visées par les statuts ; que l'Etat, représenté par le directeur de l'administration pénitentiaire, ainsi que la Fédération justice CFDT, l'Union générale des syndicats pénitentiaires CGT l'ont assigné aux fins de faire juger qu'il n'avait pas un objet conforme à l'article L. 411-1 du Code du travail et de lui interdire le droit de se prévaloir de la qualité de syndicat professionnel ; que le Syndicat de la magistrature, le Syndicat national des personnels de l'éducation surveillée Protection judiciaire de la jeunesse Fédération syndicale unitaire (SNPES-PJJ-FSU) et la Confédération générale du travail (CGT) sont intervenus volontairement dans l'instance ;
Attendu que pour déclarer irrecevables les demandes des syndicats et de l'employeur, la cour d'appel énonce que l'interdiction de se prévaloir de la qualité de syndicat professionnel ne saurait être prononcée dans d'autres conditions que celles expressément autorisées par l'article L. 481-1 du Code du travail et que les dirigeants du FNP n'ayant pas été condamnés pour la commission de l'infraction prévue à l'article L. 411-1 du Code du travail et le ministère public n'ayant pas requis la dissolution, la demande est irrecevable en application de l'article 31 du nouveau Code de procédure civile ; qu'elle ajoute que le juge civil ne peut contrôler ab initio le bien-fondé de la mise en oeuvre d'une liberté publique, que le principe de la légalité des délits et des peines a pour effet de délimiter strictement l'intervention du juge et que la demande, qui ne s'analyse pas seulement en une opération de qualification mais en une atteinte à l'existence même du syndicat professionnel, est irrecevable, le ministère public étant le seul titulaire de l'action dans le cadre d'une procédure pénale ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'article L. 481-1 du Code du travail était étranger au litige et que l'intérêt à agir des syndicats et de l'employeur n'était pas contesté, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Crim. 8 avril 1998 n° 97-80.610
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le huit avril mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire POISOT, les observations de la société civile professionnelle PEIGNOT et GARREAU, avocat en la Cour et les conclusions de M. l'avocat général COTTE ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Salim, contre l'arrêt de la cour d'appel de NIMES, chambre correctionnelle, du 12 décembre 1996, qui, pour extorsion de fonds, l'a condamné à 4 mois d'emprisonnement avec sursis, à une amende de 2 000 francs, a ordonné la confiscation de l'arme saisie et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 63-4 du Code de procédure pénale ;
Attendu que, pour écarter l'exception de nullité de la garde à vue, l'arrêt attaqué énonce que, si Salim Y... a, effectivement, demandé, au début de cette mesure, à exercer les droits prévus par l'article 63-4 du Code de procédure pénale, il a déclaré, ultérieurement, ne pas souhaiter s'entretenir avec un avocat ;
Qu'en l'état de ces énonciations, qui établissent qu'il n'a été porté aucune atteinte à l'exercice d'un droit, auquel Salim X... avait volontairement renoncé, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 53, 54 et 56 du Code de procédure pénale ;
Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué que, dès la réception d'une plainte déposée le 14 janvier 1996 contre Salim X... pour des faits d'extorsion de fonds sous la menace d'une arme commis les 11 et 12 janvier 1996, les enquêteurs, agissant suivant la procédure de flagrance, ont procédé à l'interpellation de l'intéressé et effectué une perquisition à son domicile ;
Attendu que, pour écarter l'exception de nullité de la perquisition soulevée par le prévenu au motif que la dénonciation tardive des faits rendait impossible le recours à la procédure de flagrance, l'arrêt attaqué énonce que la victime, impressionnée par les menaces de représailles proférées par Salim Y..., a hésité à porter plainte et ne s'est résolue à le faire que deux jours plus tard, à l'incitation d'un membre de sa famille, et que, dans ce contexte, l'interpellation et la perquisition, qui ont été effectuées dans un temps suffisamment proche de l'infraction, sont régulières ;
Qu'en caractérisant ainsi l'état de flagrance qui permettait de procéder à la perquisition contestée, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Qu'enfin, pour écarter, à bon droit, l'exception de nullité de la saisie d'une arme effectuée au cours de la perquisition, les juges relèvent que le procès-verbal de saisie des liasses de billets découvertes au domicile de Salim Y... n'avait pas à faire mention de cette arme, dès lors que celle-ci avait été placée sous un scellé distinct ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 593 du Code de procédure pénale ;
Attendu que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine par les juges du fond des faits et circonstances de la cause, contradictoirement débattus, ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Guilloux conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président, M. Poisot conseiller rapporteur, M. Massé de Bombes, Mme Baillot, MM. Joly, Le Gall, Mme Simon, M. Pelletier conseillers de la chambre, M. Sassoust conseiller référendaire ;
Avocat général : M. Cotte ;
Greffier de chambre : Mme Nicolas ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;
Soc. 8 avril 1998 n° 95-44.750
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
I - Sur le pourvoi n° D 95-44.750 formé par M. Robert X..., demeurant ... ;
II - Sur le pourvoi n° E 95-44.751 formé par la société Informatique du Galeizon, société à responsabilité limitée, dont le siège est à Lamelouze, 30110 La Grande Combe, en cassation du même arrêt rendu entre eux le 31 mai 1995 par la cour d'appel de Nîmes (Chambre sociale) ;
III - Sur le pourvoi n° F 95-44.752 formé par la société Informatique du Galeizon, société à responsabilité limitée, en cassation d'un arrêt rendu le 13 octobre 1993 par la cour d'appel de Nîmes (Chambre sociale) dans l'instance l'opposant à M. X..., défendeur à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 24 février 1998, où étaient présents : M. Merlin, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Texier, conseiller rapporteur, M. Finance, conseiller, Mme Trassoudaine-Verger, conseiller référendaire, M. Terrail, avocat général, Mlle Lambert, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Texier, conseiller, les observations de la SCP Urtin-Petit et Rousseau-Van Troeyen, avocat de M. X..., les conclusions de M. Terrail, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu leur connexité, joint les pourvois n°s D 95-44.750, E 95-44.751 et F 95-44.752 ;
Attendu que M. X... a été engagé verbalement en 1980 par M. Y..., gérant de la Compagnie informatique du Galeizon automatique logique électronique (CIGALE);
qu'il a été licencié pour faute grave le 6 décembre 1990, et a saisi la juridiction prud'homale en paiement de diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnités de licenciement, de rappels de salaires et de congés payés et de frais de déplacement ;
Sur les moyens réunis du pourvoi formé par la société CIGALE :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt attaqué (Nîmes, 31 mai 1995) de l'avoir débouté de ses demandes en violation, selon le pourvoi, des articles 1134, 1315, 2227 et 4 du Code civil, 4 du Code de procédure pénale, 15, 16, 132, 138, 139, 142, 144 du nouveau Code de procédure civile, L. 143-14, L. 122-9, R. 122-1, L. 122-14-4 à L. 122-14-6 et L. 122-8 du Code du travail ;
Mais attendu que, sous le couvert de griefs non fondés de violation de la loi et de dénaturation, le pourvoi ne tend qu'à remettre en discussion, devant la Cour de Cassation, les éléments de fait et de preuve qui ont été souverainement appréciés par les juges du fond;
qu'il ne saurait être accueilli ;
Sur le moyen unique du pourvoi formé par M. X... :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande en paiement d'une prime d'ancienneté et de l'indemnité conventionnelle de licenciement, alors, selon le moyen, que toute décision de justice doit être dûment motivée;
qu'en l'espèce, il résultait de l'arrêt partiellement avant-dire droit du 13 octobre 1993, que la convention collective de la métallurgie alésienne invoquée par M. X... pour réclamer le remboursement de ses frais de déplacement était applicable en l'espèce, ce que ne contestait pas l'employeur;
que, dès lors, la cour d'appel ne pouvait, sans contradiction, déclarer dans son arrêt postérieur du 31 mai 1995 la même convention collective inapplicable aux demandes d'indemnité de licenciement et de prime d'ancienneté;
que, ce faisant, elle a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la simple référence au compte APE ne suffisait pas à déterminer l'applicabilité de la convention collective de la métallurgie alésienne, compte tenu de l'activité réelle de l'entreprise, la cour d'appel, sans être liée par les motifs de l'arrêt avant-dire droit, a justifié sa décision;
que le moyen n'est pas fondé ;
Crim. 8 avril 1998 n° 98-80.351
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le huit avril mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller MASSE de BOMBES et les conclusions de M. l'avocat général COTTE ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Marc, contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de SAINT-DENIS de la REUNION, du 2 décembre 1997, qui l'a renvoyé devant la cour d'assises de la REUNION sous l'accusation de viols aggravés ;
Vu le mémoire personnel produit ;
Sur le moyen de cassation, pris de la violation des articles 63, 63-1, 63-2, 63-3, 63-4 du Code de procédure pénale ;
Attendu qu'en vertu de l'article 595 du Code de procédure pénale, Marc X... n'est pas recevable à faire état pour la première fois devant la Cour de Cassation des moyens de nullité de l'information qu'il n'a pas proposés à la chambre d'accusation statuant sur le règlement de la procédure ;
Sur le moyen de cassation, pris de la méconnaissance de l'article 593 du Code de procédure pénale ;
Attendu que les motifs de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la chambre d'accusation, après avoir exposé les faits, a relevé l'existence de charges qu'elle a estimées suffisantes contre Marc X... pour ordonner son renvoi devant la cour d'assises sous l'accusation de viols aggravés ;
Qu'en effet, les chambres d'accusation apprécient souverainement si les faits retenus à la charge de la personne mise en examen sont constitutifs d'une infraction; que la Cour de Cassation n'a d'autre pouvoir que de vérifier, à supposer ces faits établis, si leur qualification justifie la saisine de la juridiction de jugement ;
Que, tel étant le cas en l'espèce, le moyen ne peut qu'être écarté ;
Et attendu que la chambre d'accusation était compétente, qu'il en est de même de la cour d'assises devant laquelle l'accusé a été renvoyé, que la procédure est régulière et que les faits, objet de l'accusation, sont qualifiés crime par la loi ;
REJETTE le pourvoi; Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Guilloux conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président, M. Massé de Bombes conseiller rapporteur, Mme Baillot, MM. Joly, Le Gall, Mme Simon, M. Pelletier conseillers de la chambre, M. Poisot, Sassoust conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Cotte ;
Greffier de chambre : Mme Nicolas ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;
Civ.2 8 avril 1998 n° 95-22.095
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Patrice X..., demeurant ..., en cassation d'un jugement le 10 mars 1995 par le tribunal d'instance de Bordeaux, au profit :
1°/ de L'Association syndicale du Lotissement du Lac 33 Pian, prise en la personne de son syndic, l'Agence immobilière Lamy dont le siège est ...,
2°/ de la société UAP, dont le siège est ..., défenderesses à la cassation ;
en présence de :
la Compagnie Axa assurances région Aquitaine Bordeaux, dont le siège est avenue du Haut Levêque, Parc Technologique Europarc, 33600 Pessac, Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 11 mars 1998, où étaient présents : M. Laplace, conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président, M. Mucchielli, conseiller référendaire rapporteur, M. Buffet, Mme Borra, M. Séné, Mme Lardet, conseillers, M. Monnet, avocat général, Mlle Laumône, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Mucchielli, conseiller référendaire, les observations de la SCP Delaporte et Briard, avocat de M. X..., de la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat de la société UAP, les conclusions de M. Monnet, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Vu les articles 4 et 5 du Code de procédure pénale ;
Attendu selon le jugement attaqué, rendu en dernier ressort, que M. X... et son assureur, la compagnie Axa assurances région Aquitaine Bordeaux, ont assigné l'Association syndicale du Lotissement du Lac et sa compagnie d'assurances l'UAP en réparation du préjudice causé au véhicule par la présence d'une jardinière non balisée implantée dans le lotissement ;
Attendu que pour déclarer cette demande irrecevable, le jugement, après avoir énoncé qu'il résulte de la maxime "electa una via non datur recursus ad alteram" qu'une fois que la partie lésée a exercé son option entre la voie pénale et la voie civile, il ne lui est plus possible de revenir en arrière et d'abandonner la juridiction saisie pour s'adresser à l'autre, retient qu'en déposant plainte auprès de la brigade de gendarmerie, M. X... avait saisi la juridiction pénale de l'accident et que sa demande d'indemnisation indépendamment de son action pénale constitue une action autonome qui, en l'absence du résultat de l'action pénale, n'est pas recevable ;
Qu'en statuant ainsi, le Tribunal a violé les textes susvisés ;
Crim. 8 avril 1998 n° 97-83.314
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le huit avril mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire POISOT, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, et de Me LUC-THALER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général COTTE ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- NICOLAS X..., contre l'arrêt de la cour d'appel de RENNES, 3ème chambre, en date du 20 mai 1997, qui, pour agressions sexuelles aggravées, l'a condamné à 1 an d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 222-22, 222-28, 111-4 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable d'agression sexuelle sur mineur de quinze ans par une personne ayant autorité et l'a condamné pénalement et civilement ;
"aux motifs que celui-ci s'était livré à certains jeux à connotation sexuelle avec des enfants;
que la convergence des déclarations de ceux-ci, "l'appréciation des experts qui ont examiné les enfants, les attitudes du prévenu telles que décrites par le personnel de la colonie de vacances et par ses pensionnaires, l'analyse de sa personnalité ambivalente le conduisant à des comportements troubles dans un contexte de difficultés psychologiques anciennes et l'isolement affectif constituent un faisceau d'éléments dont il résulte qu'il a bien commis les faits reprochés par les cinq jeunes victimes" ;
"alors qu'en déclarant le prévenu coupable d'agression sexuelle sur mineur, sans caractériser à son encontre aucun acte de violence, contrainte ou surprise exigé par le texte susvisé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale" ;
Attendu qu'il résulte du jugement et de l'arrêt confirmatif attaqué, que Christian Y... a été poursuivi pour avoir commis, en juillet 1993, des agressions sexuelles, autres que le viol, sur des mineurs de 15 ans avec la circonstance qu'en sa qualité de directeur d'un centre de vacances, il avait autorité sur les victimes ;
Attendu que, s'il est vrai que pour déclarer le prévenu coupable de ces faits, les juges n'ont pas énoncé les circonstances propres à caractériser la violence, la contrainte ou la surprise, l'arrêt attaqué n'encourt pas pour autant la censure, dès lors que la peine prononcée est justifiée au regard des articles 227-25, 227-26 et 227-29 du Code pénal, lesquels n'exigent pas, pour la répression des infractions qu'ils définissent, l'existence de violence, contrainte ou surprise ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Guilloux conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président, M. Poisot conseiller rapporteur, M. Massé de Bombes, Mme Baillot, MM. Joly, Le Gall, Mme Simon, M. Pelletier conseillers de la chambre, M. Sassoust conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Cotte ;
Greffier de chambre : Mme Nicoclas ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;
Crim. 8 avril 1998 n° 98-80.393
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le huit avril mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller A..., les observations de Me Y... et de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général COTTE ;
Statuant sur les pourvois formés par :
- Z... Christian, prévenu,
- L'ASSOCIATION LA CIMADE,
- LE GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN DES EMIGRES (GISTI),
- L'ASSOCIATION FRANCE TERRE D'ASILE, parties civiles, contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, en date du 18 décembre 1997, qui a renvoyé le premier devant la cour d'assises des ALPES-MARITIMES, sous l'accusation de violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner par une personne dépositaire de l'autorité publique et a déclaré irrecevables les constitutions de parties civiles des trois autres ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Sur le pourvoi de Christian Z... :
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 216 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué ne vise qu'un mémoire déposé au greffe de la chambre d'accusation par Me Blumenkranz, avocat de Christian Z..., en date du 18 novembre 1997 à 16 heures 20 et visé par le greffier, tandis qu'il se réfère ensuite à deux mémoires produits ;
que ces mentions contradictoires qui ne mettent pas la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle, violent les dispositions des articles susvisés" ;
Attendu qu'il résulte des pièces de la procédure que l'avocat de Christian Z... a déposé, au greffe de la chambre d'accusation, trois mémoires dont le dernier le 18 novembre 1997 à 16 heures 20 ;
Attendu que l'arrêt attaqué vise ces mémoires en ses pages 17 et 18 et en expose les arguments qui ont pu être repris par les deux avocats de Christian Z... entendus lors de l'audience ;
Attendu qu'en cet état, la chambre d'accusation n'encourt pas le grief allégué ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 122-5, 222-8, 222-44, 222-45, 222-47 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a écarté la cause d'irresponsabilité pénale prise de la légitime défense et ainsi prononcé la mise en accusation de Christian Z... du chef de violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner commis par une personne dépositaire de l'autorité publique dans l'exercice de ses fonctions ;
"aux motifs que pour que l'utilisation d'une arme fût légitime pour assurer la défense de Christian Z..., il fallait que les coups de feu fussent tirés de manière à stopper la progression des véhicules susceptibles de le mettre en danger;
qu'à cet égard, il ne paraît pas que tel était le cas;
qu'en effet, la reconstitution a permis de montrer que les tirs à balle réelle ont été effectués latéralement et qu'ils n'étaient donc pas susceptibles d'atteindre le conducteur ni un organe mécanique vital mettant la voiture dans l'obligation de s'arrêter;
que cet élément est d'autant plus apparent que le troisième tir effectué ainsi que l'indique lui-même Christian Z..., alors que la voiture Passat l'avait légèrement dépassé et ainsi que la reconstitution et l'expertise l'ont montré, tir effectué, l'arme à la hanche, selon une trajectoire d'arrière en avant, de gauche à droite et légèrement de haut en bas alors que Christian Z... se trouvait debout à environ 1,80 mètre de la "Passat", le bout du fusil à 1,10 mètre de la victime;
qu'il sera d'autre part, observé que l'utilisation de l'arme, si elle a été très rapide par le policier expérimenté qu'est Christian Z..., supposait entre chaque tir une action manuelle sur le garde-main suivie d'une pression volontaire du doigt du tireur sur la queue de détente;
que ce temps, bref certes, pouvait éventuellement être mis à profit par Christian Z... pour mettre fin à son action alors que la progression concomitante des véhicules pouvait lui montrer que le danger était passé;
que les éléments susévoqués sont de nature à établir que les conditions de la légitime défense n'étaient pas réunies de manière certaine;
qu'en cet état, il convient de saisir la juridiction de jugement compétente afin de lui laisser apprécier les charges susévoquées ;
"alors, d'une part, que l'arrêt d'une chambre d'accusation prononçant la mise en accusation ne peut se fonder sur des motifs hypothétiques;
qu'en retenant pour prononcer le renvoi de Christian Z... devant la cour d'assises que ce dernier aurait pu éventuellement mettre fin à son action et que les conditions de la légitime défense n'étaient pas réunies de manière certaine, la chambre d'accusation a statué par des motifs purement hypothétiques, violant ainsi les textes susvisés ;
"et alors, d'autre part, que dans un mémoire régulièrement déposé, quoi que non expressément visé par l'arrêt, Christian Z... avait fait valoir, en raison de la vitesse des véhicules de 50 à 60 kms/heure, c'est-à-dire à une vitesse de 10 mètres par seconde et en raison du temps nécessaire pour manoeuvrer le garde-main de l'arme à feu dont s'est servi Christian Z..., cette manoeuvre a été faite dans un temps où la seconde voiture agresseur ne se trouvait pas encore au contact du policier mais au contraire le menaçait directement et qu'ainsi pendant la demi-seconde nécessaire au réarmement, la voiture qui a subi l'impact mortel a parcouru une distance d'environ 5 mètres;
qu'en conséquence, il existait une simultanéité d'action entre l'attaque et le coup de feu mortel, caractérisant la circonstance de la légitime défense;
qu'en se bornant à relever que l'utilisation d'une arme supposant entre chaque tir une action manuelle sur le garde-main pendant un temps qui pouvait éventuellement être mis à profit pour mettre fin à l'action, la cour d'appel qui n'a pas considéré la vitesse du véhicule en mouvement, n'a pas répondu à un chef péremptoire des conclusions dont elle était saisie, violation ainsi les textes susvisés" ;
Attendu que les motifs de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la chambre d'accusation, après avoir exposé les faits et répondu aux articulations essentielles des mémoires, notamment pour écarter l'exception tirée de la légitime défense, a relevé contre Christian Z... l'existence de charges qu'elle a estimé suffisantes pour ordonner son renvoi devant la cour d'assises sous l'accusation de violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner par une personne dépositaire de l'autorité publique dans l'exercice de ses fonctions ;
Qu'en effet, les chambres d'accusation apprécient souverainement si les faits retenus à la charge de la personne mise en examen sont constitutifs d'une infraction;
que la Cour de Cassation n'a d'autre pouvoir que de vérifier, à supposer les faits établis, si leur qualification justifie la saisine de la juridiction de jugement ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur les pourvois de la Cimade, de GISTI et de l'association France Terre d'Asile :
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation proposé pour chaque demandeur et pris de la violation des articles 2-1 et 593 du Code de procédure pénale, 225-2, 432-7, 221-1 à 221-4, 222-7, 222-8 du Code pénal, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevables les constitutions de partie civile du GISTI, de France Terre d'Asile et de la Cimade, à l'occasion de la poursuite et du renvoi aux assises de Christian Z..., du chef de violences volontaires ayant entraîné la mort de Todor X..., sans intention de la donner, par une personne dépositaire de l'autorité publique dans l'exercice de ses fonctions ;
"aux motifs que le comportement de Christian Z... ne peut être motivé par des considérations raciales ou d'appartenance ethnique ou nationale des victimes, dès lors qu'il n'a fait usage de son arme que pour mettre fin à l'action estimée dangereuse pour sa propre sécurité, d'individus qui refusaient illégalement le contrôle de police en forçant le barrage, et dont il ne pouvait que totalement ignorer la race, l'ethnie, la nationalité ou la religion, faute d'avoir pu les contrôler "alors, d'une part, que les associations faisaient valoir que les fonctions de Christian Z..., au sein de la direction dont il relevait, consistaient essentiellement à exercer un contrôle du flux migratoire transfrontières, et à refouler sur l'Italie les véhicules dont il estimait qu'ils étaient susceptibles de renfermer des personnes originaires de l'Europe de l'Est tentant de passer clandestinement la frontière, en évitant ainsi toute possibilité de solliciter le droit d'asile sur le territoire français;
que la chambre d'accusation reconnaît que le barrage de police avait été organisé pour vérifier si des étrangers ne tentaient pas de pénétrer illégalement sur le territoire français;
que, dès lors, en s'abstenant de rechercher si Christian Z... n'avait pas tenté de refouler ces véhicules qu'à raison de leur origine étrangère et dans l'exercice de sa mission consistant précisément à effectuer un tel refoulement, et que son comportement avait été nécessairement motivé par l'origine étrangère des habitants des véhicules, la chambre d'accusation n'a pas donné de base légale à sa décision "alors, d'autre part, que constitue une considération raciale le fait de régler son comportement en fonction de la qualité d'étranger de la personne que l'on a en face de soi, peu important que sa race, son ethnie, sa nationalité ou sa religion ne soient pas connues de façon précise" ;
Attendu que pour déclarer irrecevables les constitutions de parties civiles de la Cimade, du groupe d'information et de soutien des émigrés et de l'association France Terre d'Asile, la chambre d'accusation, après avoir rappelé les dispositions de l'article 2-1 du Code de procédure pénale, énonce que s'il est constant que Christian Z... "a organisé, avec son collègue, un barrage afin de vérifier si des étrangers ne tentaient pas de pénétrer illégalement sur le territoire national, il apparaît cependant très clairement qu'il n'a fait usage de son arme à feu que pour mettre fin à l'action d'individus qui refusaient illégalement le contrôle de police en forçant le barrage et dont il ne pouvait que totalement ignorer la race, l'ethnie, la nationalité ou la religion faute d'avoir pu les contrôler";
qu'elle en déduit que son comportement n'a pu être motivé par des considérations raciales ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs procédant de son appréciation souveraine, la chambre d'accusation a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que la chambre d'accusation était compétente;
qu'il en est de même de la cour d'assises devant laquelle Christian Z... a été renvoyé et que les faits, objet de l'accusation, sont qualifiés crime par la loi ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Guilloux conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président, M. Pelletier conseiller rapporteur, M. Massé de Bombes, Mme Baillot, MM. Joly, Le Gall, Mme Simon conseillers de la chambre, MM. Poisot, Sassoust conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Cotte ;
Greffier de chambre : Mme Nicolas ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;
Com. 7 avril 1998 n° 96-13.052
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la Banque française de L'Orient, société anonyme, dont le siège est ..., en cassation d'un arrêt rendu le 19 janvier 1996 par la cour d'appel de Paris (3e Chambre, Section B), au profit de M. François X..., pris en qualité de mandataire liquidateur de la société à responsabilité limitée Comptoir général métallurgique et inoxydable "COGEMI", demeurant ..., défenderesse à la cassation ;
M. X..., ès qualités, défendeur au pourvoi principal, a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 24 février 1998, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Dumas, conseiller rapporteur, M. Nicot, conseiller, M. Raynaud, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Dumas, conseiller, les observations de la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat de la Banque française de L'Orient, de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de M. X..., ès qualités, les conclusions de M. Raynaud, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt critiqué (Paris, 19 janvier 1996), que la société Comptoir Métallurgique et Inoxydable (la COGEMI) a été déclarée en redressement judiciaire le 2 décembre 1991 et mise en liquidation judiciaire le 6 avril 1992, M. François X... étant nommé liquidateur;
que celui-ci a assigné la Banque française de l'Orient (la BFO) en responsabilité civile, en lui reprochant d'avoir, par l'octroi de crédits abusifs, maintenu la COGEMI artificiellement en activité, créant ainsi une apparence de solvabilité pour les tiers en relation avec elle et concourant à l'aggravation de son passif, et en demandant qu'elle soit condamnée à lui verser une certaine somme à titre provisionnel ;
Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches, du pourvoi principal :
Attendu que la BFO fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande de sursis à statuer formulée dans l'attente de l'issue de la procédure pénale visant les fraudes effectuées dans la gestion de la société COGEMI, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la question de savoir si, comme le dénonçait la plainte pénale, les opérations commerciales ayant donné lieu à des effets tirés sur la société Y... Robert avaient une réalité ou étaient le fruit d'une fraude ourdie par les dirigeants des sociétés tireuse et tirée à son préjudice, commandait nécessairement celle de savoir si l'octroi des crédits par escompte desdits effets et même des crédits exceptionnels destinés à leur amortissement, après qu'il soient revenus impayés était le fruit d'une négligence imputable à elle ou d'une escroquerie commise à son préjudice;
qu'en refusant de surseoir à statuer sous prétexte que cette circonstance était indifférente à l'issue de l'instance pendante sur la responsabilité pour octroi de crédit abusif, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 4 du Code de procédure pénale, ensemble l'article 1382 du Code civil;
alors, d'autre part, qu'il résulte des constatations de l'arrêt que la plainte avec constitution de partie civile par elle déposée vise les agissements frauduleux qui seraient imputables notamment aux dirigeants de COGEMI;
qu'il résulte aussi de la copie de cette plainte qu'elle a relevé un ensemble d'agissements, ne se limitant pas aux seuls effets tirés sur la société Y... Robert, auxquels s'étaient livrés les dirigeants de COGEMI;
que ces éléments induisent que l'issue de la procédure pénale est de nature à fixer le rôle et la portée des fautes commises par les dirigeants de COGEMI dans la déroute de cette société tout autant que l'incidence de ces fautes sur le préjudice subi par la même société et par ses créanciers;
qu'en écartant toute incidence sur le présent litige d'une éventuelle réalité des faits dénoncés dans la plainte pénale sous prétexte que ces faits auraient été commis à son seul préjudice, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige et violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile;
alors, en outre, que, dans le même ordre d'idées, dans sa plainte avec constitution de partie civile, elle relève un ensemble d'agissements auxquels s'étaient livrés les dirigeants de COGEMI, ne se limitant pas aux seuls effets tirés par la société Y... Robert;
qu'en énonçant que "les faits dénoncés dans cette plainte sont relatifs à l'escompte d'effets tirés sur la société Y... Robert et revenus impayés ainsi qu'au crédit exceptionnel de 2,28 MF consenti par la banque pour l'amortissement à hauteur de 70 % de ces effets", la cour d'appel a dénaturé la copie de la plainte, violant ainsi l'article 1134 du Code civil;
alors, enfin, que la cour d'appel relève, à la fois, que la faute qui lui est reprochée consiste en son soutien abusif de l'activité artificiellement maintenue de COGEMI, que sur un passif de 24,5 MF sa créance de 12,15 MF est contestée et qu'il n'était pas démontré que les créances déclarées par les autres créanciers seraient la conséquence directe de sa faute;
qu'elle relève aussi que les créances déclarées par les autres créanciers, proposées à l'admission, est de 7,9 MF, et la condamne au paiement de cette somme à titre de dommages-intérêts provisionnels, estimant qu'elle doit réparation à hauteur de sa déclaration au passif, soit 12,15 MF, ce qui équivaut au montant global des créances déclarées par les autres créanciers;
qu'en procédant ainsi, la cour d'appel la condamne à réparer un préjudice dont l'instance pénale est de nature à démontrer qu'il peut être dû aux agissements frauduleux des dirigeants sociaux;
qu'en énonçant, dans ces conditions, que "l'issue de la procédure pénale ne peut nullement influer sur la solution du présent litige", la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 4 du Code de procédure pénale et 1382 du Code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'en retenant que, dans l'hypothèse où l'instruction pénale établirait la réalité des faits dénoncés, commis par les dirigeants de la COGEMI, voire par ceux des Y... Robert, au préjudice de la banque, cette circonstance serait sans incidence sur la réalité des négligences ou irrégularités qui pourraient être reprochées à la banque elle-même à l'occasion de l'octroi des crédits par escompte des effets ou du crédit exceptionnel destiné à leur amortissement, et que l'issue de la procédure pénale ne peut donc nullement influer sur la solution du présent litige, l'arrêt n'encourt pas les griefs contenus dans les première et quatrième branches du moyen ;
Attendu, en second lieu, que dès lors que l'objet du litige, fixé par l'acte introductif d'instance était de déterminer si la BFO avait ou non soutenu une entreprise dont elle connaissait la situation irrémédiablement compromise, la cour d'appel ne l'a pas méconnu en retenant qu'il importait peu de savoir si cette situation était due au fait des anciens dirigeants de la société COGEMI, ce qui rend vain le grief contenu dans la deuxième branche du moyen et inopérant celui de la troisième branche ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
Sur le second moyen, pris en ses cinq branches, du pourvoi principal ;
Attendu que la BFO reproche encore à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à M. X..., ès qualités, la somme de 7 945 044,88 francs, à titre de dommages-intérêts provisionnels, dans l'attente de la production de l'état définitivement arrêté du passif vérifié et de la fixation définitive de l'insuffisance d'actif, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'après avoir relevé que la faute qui lui est reprochée consiste en son soutien abusif de l'activité artificiellement maintenue de COGEMI, la cour d'appel constate à la fois que la créance de 12 150 949,69 francs déclarée par elle est contestée et qu'il n'était pas démontré que les créances déclarées par les autres créanciers seraient la "conséquence directe" de sa faute;
qu'en retenant néanmoins sa responsabilité pour la condamner au paiement de dommages-intérêts à titre provisionnel de 7 945 044,88 francs, montant des créances déclarées par les autres créanciers et proposées à l'admission, tout en excluant elle-même, en l'état, tout lien de causalité entre sa faute et le préjudice dont la réparation est ordonnée, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1382 du Code civil, ensemble les articles 99 et suivants de la loi du 25 janvier 1985;
alors, d'autre part, que, dans le même ordre d'idées, la cour d'appel ne peut, sans entacher sa décision d'une contradiction de motifs et violer l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, à la fois constater que les créances déclarées par les autres créanciers n'étaient pas la conséquence directe de la faute qui lui était reprochée et la condamner à payer à leur profit la somme de 7 945 044,88 francs destinées à être répartie entre ces mêmes autres créanciers;
alors, aussi, et subsidiairement, que l'arrêt constate que sa faute consistant à soutenir d'une manière abusive l'activité artificiellement maintenue de COGEMI se situe dans la période allant du 30 avril 1990 au 30 avril 1991 et qu'en avril 1990 les encours étaient de 7,83 millions de francs pour devenir 11,75 millions de francs au 30 avril 1991;
que l'arrêt ajoute que ses relations antérieures avec COGEMI étaient "normales" tout en relevant à la fois que les créances déclarées par les autres créanciers ne sont pas la conséquence directe de sa faute et que la créance déclarée par elle est contestée dans son intégralité;
qu'en résence de ces constatations, la cour d'appel, qui ordonne la prise en charge totale des déclarations de créances faites par les autres créanciers sans rechercher si ces créances étaient nées antérieurement à ses agissements dommageables à une période où le débiteur était déjà en état de cessation des paiements comme l'arrêt le constate par ailleurs, prive sa décision de toute base légale au regard de l'article 1382 du Code civil;
alors, en outre, qu'en fixant le montant de sa condamnation à hauteur de sa propre déclaration de créance, tout en constatant par ailleurs que les créances des autres créanciers n'étaient pas la conséquence directe de sa faute, la cour d'appel, qui était saisie uniquement de la détermination du préjudice consécutif à cette faute, substitue au principe de la réparation de ce préjudice celui de la non-admission de la créance déclarée par elle et qui relève de la compétence exclusive des organes de la procédure collective, violant ainsi les articles 50 à 54 de la loi du 25 janvier 1985;
alors, enfin, que la règle de l'égalité entre les créanciers dans les procédures collectives permet à chaque créancier de déclarer sa créance et de présenter tout moyen de droit de nature à la faire admettre au passif du débiteur;
qu'en la condamnant à réparer le préjudice à hauteur de sa créance déclarée, la cour d'appel l'oblige à ne plus rechercher que sa créance soit admise sous peine de se trouver obligée à verser des sommes supplémentaires qu'elle serait amenée à partager avec les autres créanciers auxquels elle n'a de surcroît causé aucun préjudice;
qu'en procédant ainsi, la cour d'appel a méconnu le principe de l'égalité entre les créanciers et violé les articles 50 et suivants de la loi du 25 janvier 1985 ;
Mais attendu qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni de ses conclusions que la BFO qui, s'agissant du dommage et du lien de causalité avec la faute qui lui était imputée, se prévalait de la participation d'autres créanciers qu'elle-même dans le financement de la COGEMI et de délits qu'auraient commis les dirigeants de celle-ci, ait soutenu les prétentions contenues dans le moyen;
que celui-ci est donc irrecevable;
que le moyen ne peut donc être accueilli ;
Et sur le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu que M. X..., pris en sa qualité de mandataire-liquidateur de la société COGEMI reproche à l'arrêt d'avoir limité le montant du préjudice collectif subi par l'ensemble des créanciers que doit réparer la BFO au montant de l'insuffisance d'actif qui sera définitivement constatée à hauteur seulement de sa production au passif, et d'avoir, en conséquence, limité la provision qu'il lui a allouée, ès qualités, alors, selon le pourvoi, que la cour d'appel retient que la banque a accordé à la COGEMI de manière inconsidérée mais consciente des crédits excessifs sans rapport avec l'importance de son activité réelle et ses facultés de remboursement créant ainsi aux yeux des tiers une apparence de solvabilité et a accru et maintenu ses concours alors qu'elle savait que la situation de la COGEMI était irrémédiablement compromise;
qu'elle a ainsi contribué à l'aggravation du passif de cette société;
qu'en l'état de ces constatations et énonciations dont il résulte que la banque est responsable du préjudice collectif subi par les créanciers de la COGEMI évalué au montant de l'insuffisance d'actif et qu'elle est dès lors tenue de le réparer intégralement, la cour d'appel, qui a limité le montant du préjudice que devait réparer la banque, au montant de l'insuffisance d'actif à hauteur seulement de sa production au passif, n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui en résultaient et a ainsi violé l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que le premier juge avait déclaré la BFO responsable de l'aggravation du passif de la société COGEMI jusqu'à concurrence du montant des encours qu'elle avait consentis à celle-ci;
que M. X..., ès qualités a demandé la confirmation du jugement;
qu'ayant obtenu gain de cause en appel, il n'est pas recevable à former un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel ;
Crim. 7 avril 1998 n° 97-81.792
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le sept avril mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller ALDEBERT, les observations de Me BOUTHORS et de Me BLONDEL, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général COTTE ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Jean-Marc, contre l'arrêt de la cour d'appel de PAPEETE, chambre correctionnelle, en date du 6 février 1997, qui, pour construction sans permis, l'a condamné à 200 000 francs pacifiques d'amende, a ordonné, sous astreinte, la démolition de la construction irrégulièrement édifiée et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, R. 931-5 du Code de l'organisation judiciaire, 591 à 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt a été rendu par la Cour de Papeete dans une formation comprenant le vice-président du tribunal de première instance en qualité de suppléant ;
"alors que, d'une part, les dispositions de l'article R. 931-5 du Code de l'organisation judiciaire sous couvert desquelles le vice-président du tribunal de première instance a siégé en qualité de conseiller suppléant sont contraires aux dispositions de l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sur l'indépendance et l'impartialité des juridictions ;
"alors que, d'autre part, à défaut d'une ordonnance du premier président rendue pour la mise en oeuvre de l'article R. 931-5 du Code de l'organisation judiciaire, le vice-président du tribunal de première instance ne pouvait légalement siéger dans une formation de la cour d'appel pour suppléer tel conseiller dont l'empêchement n'a pas été établi" ;
Attendu que la méconnaissance éventuelle des dispositions réglementaires du Code de l'organisation judiciaire est sans incidence sur la régularité de la composition de la cour d'appel qui relève des seules règles fixées par la loi ;
Qu'ainsi le moyen doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, de l'article 1er du protocole additionnel n°1 à ladite Convention, 111-3, 111-5 du Code pénal, D. 114-6, D. 114-9, D. 117-1 et D. 117-4 du Code de l'aménagement du territoire, 5 de la loi n° 91-6 du 4 janvier 1991, 2, 591 à 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que la cour d'appel a pénalement condamné le prévenu du chef de construction sans permis, a statué sur l'action civile et a ordonné la démolition des constructions litigieuses ;
"aux motifs qu'il ressort des plans et autres documents au dossier que la salle de détente a une hauteur totale de 8,35 m et se trouve implantée à 7 m de la limite Est, à 5,30 m de la limite Nord (selon procès-verbal de l'urbanisme ou selon constat d'huissier);
que le "fare potee" a une hauteur de 6 m et se trouve implanté à 4,15 m ou 4,60 m de la limite Nord;
que selon l'article D. 363-1 du Code de l'aménagement du territoire, la distance de reculement, sauf contiguïté, doit être au moins égale à la hauteur;
que par ailleurs l'article 16-3 du cahier des charges du lotissement impose une distance non inférieure à 4 m;
que ces dernières dispositions, d'ordre privé, ne peuvent emporter dérogation à celles dudit Code, en tout cas pas pour ce qui concerne la limite Nord hors lotissement;
que l'accord antérieurement donné par la SCI Alma sur la limite Est, comme celui donné par M. Y... sur la limite Nord, étaient des accords de contiguïté, à quoi les constructions litigieuses ne correspondent pas;
que l'accord en effet donné par l'association syndicale se réfère uniquement au cahier des charges, en méconnaissance du Code de l'aménagement ;
que le service de l'urbanisme, saisi d'une demande de régularisation, a émis le 5 mai 1995 une décision de refus;
que le propriétaire voisin lésé par les conséquences de l'infraction a un intérêt juridique protégé à les faire cesser;
qu'en l'occurrence il ressort du constat produit par la partie civile, avec ses photos annexes, que les constructions incriminées sont visibles du lot F 155 et en diminuent quelque peu la vue;
qu'il y a lieu dès lors de confirmer le jugement ;
"alors que, d'une part, en se déterminant de la sorte, la cour d'appel n'a pas recherché si les prescriptions, en l'espèce respectées, du cahier des charges du lotissement n'emportaient pas une dérogation limitée régulière et licite à la réglementation générale propre à l'aménagement du territoire, privant ainsi son arrêt de base légale ;
"alors que, d'autre part, en l'état de la demande de permis ayant recueilli un avis positif du maire de la commune, la Cour de Papeete a déduit l'existence d'un refus de permis de la position ultérieurement émise par les services de l'urbanisme sans préciser quelle était l'autorité compétente pour accueillir ou refuser un permis de construire, privant ainsi son arrêt de base légale ;
"alors, enfin, que la démolition ordonnée à titre de réparation civile au profit d'un coloti est elle-même illégale et disproportionnée en l'état de la conformité des constructions aux prescriptions du cahier des charges du lotissement et de la faiblesse constatée par l'arrêt de l'atteinte à la vue du coloti" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel par des motifs exempts d'insuffisance comme de contradiction et répondant aux conclusions dont elle était saisie, a caractérisé en tous ses éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnel, le délit de construction sans permis dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
Que le moyen qui revient à remettre en discussion les faits et circonstances de la cause souverainement appréciés par les juges du fond, après débat contradictoire, ne saurait être accueilli en ses 2 premières branches ;
Attendu, par ailleurs, qu'en ordonnant, sous astreinte, la démolition des constructions irrégulières, les juges d'appel n'ont fait qu'user de la faculté que leur accorde l'article L. 480-5 du Code de l'urbanisme ;
Que, dès lors, le moyen qui critique, en sa 3ème branche, cette décision, ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Milleville conseiller doyen, faisant fonctions de président, M. Aldebert conseiller rapporteur, MM. Schumacher, Martin, Grapinet, Mistral conseillers de la chambre, Mmes Batut, Ferrari conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Cotte ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;
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