Crim. 11 mai 2022 n° 21-85.420 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° H 21-85.420 F-B
N° 00544
ECF 11 MAI 2022
CASSATION PAR VOIE DE RETRANCHEMENT SANS RENVOI
Mme DE LA LANCE conseiller doyen faisant fonction de président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 11 MAI 2022
Le procureur général près la cour d'appel de Bordeaux a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de ladite cour d'appel, en date du 9 septembre 2021, qui, dans l'information suivie contre M. [S] [V] des chefs d'escroquerie en bande organisée, transport, détention et mise en circulation de monnaie ayant cours légal contrefaisante ou falsifiée et association de malfaiteurs, a infirmé l'ordonnance de remise à l'AGRASC rendue par le juge d'instruction et ordonné la restitution.
Par ordonnance en date du 30 novembre 2021, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Ascensi, conseiller référendaire, et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 30 mars 2022 où étaient présents Mme de la Lance, conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Ascensi, conseiller rapporteur, M. Wyon, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt et des pièce de la procédure ce qui suit.
2. Par ordonnance du 3 mai 2021, le juge d'instruction a ordonné la remise à l'AGRASC aux fins d'affectation à la direction territoriale de la police judiciaire de [Localité 1] d'un véhicule automobile Volvo V40 et de ses accessoires appartenant à M. [S] [V].
3. L'avocat de ce dernier a interjeté appel de la décision.
Examen des moyens
Sur le moyen soulevé d'office et mis dans le débat
Vu les articles 99 et 99-2 du code de procédure pénale :
4. Il résulte du second de ces textes que les décisions de destruction, ou de remise à l'AGRASC aux fins d'aliénation ou d'affectation de biens meubles placés sous main de justice, rendues par le juge d'instruction, sont notifiées au ministère public, aux parties intéressées et, s'ils sont connus, au propriétaire ainsi qu'aux tiers ayant des droits sur le bien, qui peuvent les déférer à la chambre de l'instruction dans les conditions prévues aux cinquième et sixième alinéas de l'article 99.
5. Ce texte ne prévoit pas, contrairement à l'article 41-5 du code de procédure pénale applicable pendant l'enquête ou lorsqu'aucune juridiction n'a été saisie ou que la juridiction saisie a épuisé sa compétence sans avoir statué sur le sort des scellés, qu'à l'occasion de leur recours ces personnes peuvent demander la restitution des biens saisis ni que la chambre de l'instruction peut en ordonner d'office la restitution.
6. Par ailleurs, le deuxième alinéa du premier de ces textes donne compétence à la chambre de l'instruction pour directement statuer sur les requêtes en restitution seulement lorsque la requête a été formée conformément à l'avant-dernier alinéa de l'article 81 du même code et que le juge d'instruction s'est abstenu de statuer dans le délai d'un mois, le requérant pouvant alors saisir directement le président de la chambre de l'instruction qui statue conformément aux trois derniers alinéas de l'article 186-1 de ce code.
7. Enfin, interpréter l'article 99-2 du code de procédure pénale comme permettant à l'appelant des décisions de destruction, ou de remise à l'AGRASC aux fins d'aliénation ou d'affectation de biens meubles placés sous main de justice, rendues par le juge d'instruction, de saisir la chambre de l'instruction d'une demande de restitution des biens objet de ces décisions, porterait atteinte aux droits des parties intéressées, lesquelles s'entendent des personnes à qui la restitution est susceptible de faire grief (Crim., 8 juillet 1997, pourvoi n° 96-84.306, Bull. crim. 1997, n° 268), à qui les décisions de restitution rendues par le juge d'instruction doivent être notifiées et qu'elles peuvent déférer à la chambre de l'instruction en application de l'article 99 du code de procédure pénale.
8. Il s'en déduit qu'en cas d'appel de l'ordonnance de destruction, ou de remise à l'AGRASC aux fins d'aliénation ou d'affectation de biens meubles placés sous main de justice, rendue par le juge d'instruction, la chambre de l'instruction n'a pas le pouvoir de statuer sur la restitution des biens objet de ces décisions.
9. En l'espèce, après avoir infirmé l'ordonnance de remise à l'AGRASC rendue par le juge d'instruction en raison de l'atteinte disproportionnée portée au droit de propriété de M. [V], l'arrêt retient qu'il convient d'en ordonner la restitution à l'intéressé.
10. En se déterminant ainsi, alors que, saisie de l'unique objet du recours formé contre une ordonnance de remise à l'AGRASC aux fins d'affectation, elle ne pouvait pas prononcer sur la demande de restitution dont l'avait saisie le demandeur, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.
11. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
12. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.
Crim. 11 mai 2022 n° 22-81.215
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° H 22-81.215 F-D
N° 00705
MAS2 11 MAI 2022
REJET
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 11 MAI 2022
M. [M] [F] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 8e section, en date du 11 février 2022, qui a déclaré irrecevable son appel de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention ayant rejeté sa demande de mise en liberté.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Chafaï, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [M] [F], et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 11 mai 2022 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Chafaï, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. [M] [F] a été mis en examen des chefs d'importation de stupéfiants en bande organisée, infractions à la législation sur les stupéfiants, association de malfaiteurs, et placé en détention provisoire le 14 août 2020.
3. Par une ordonnance en date du 10 décembre 2021, notifiée le 14 décembre 2021, le juge des libertés et de la détention a rejeté la demande de mise en liberté formée par M. [F].
4. Ce dernier a formalisé une déclaration d'appel auprès du chef de l'établissement pénitentiaire le 31 janvier 2022.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
5. Le grief n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches
Enoncé du moyen
6. Le moyen, en ses deuxième, troisième et quatrième branches, critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré l'appel irrecevable et dit que M. [F] n'est pas détenu sans titre, alors :
« 2°/ que dénature les pièces du dossier en violation des articles 194, 591 et 593 du code de procédure pénale la chambre de l'instruction qui, pour écarter le moyen tiré de ce que M. [F] était détenu sans titre faute pour la chambre de l'instruction d'avoir examiné dans le délai légal l'appel qu'il avait interjeté à l'encontre de l'ordonnance de rejet de demande de mise en liberté du 10 décembre 2021 par courrier daté du 22 décembre 2021 et revêtu du cachet de la maison d'arrêt du 24 décembre 2021, énonce que « le courrier du 22 décembre 2021 ne contient pas la manifestation d'une intention de former un appel contre l'ordonnance du 10 décembre 2021 ayant rejeté sa demande de mise en liberté », quand il ressortait pourtant de ce courrier que M. [F] avait manifesté sans ambiguïté son souhait de « faire appel de la décision de refus de sortie » ;
3°/ que le délai dont dispose la chambre de l'instruction pour statuer sur l'appel d'une ordonnance de rejet de demande de mise en liberté court à compter de la réception par la maison d'arrêt de tout document manifestant la volonté de la personne détenue d'interjeter appel de cette ordonnance ; que les retards d'acheminement d'un tel document au greffe ne constituent pas une cause de prorogation de ce délai ; qu'au cas d'espèce, M. [F] produisait la lettre qu'il avait adressée pour faire part de sa volonté d'interjeter appel de l'ordonnance de rejet de demande de mise en liberté, revêtue du cachet du service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP) en date du 24 décembre 2021 ; qu'en affirmant que les délais d'audiencement n'avaient pas été violés dès lors que les circonstances dans lesquelles ce courrier avait été dirigé vers le SPIP plutôt que vers le greffe demeuraient inconnues, quand cette erreur d'orientation, interne à la maison d'arrêt, ne pouvait avoir d'incidence sur l'obligation d'audiencer dans les délais légaux l'appel de M. [F] contre le rejet de sa demande de mise en liberté, la chambre de l'instruction a derechef violé les articles 194, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
4°/ que la chambre de l'instruction est tenue de statuer sur l'appel interjeté contre une ordonnance de placement en détention provisoire dans les dix jours de cet appel, y compris pour le déclarer irrecevable, faute de quoi la personne concernée est mise d'office en liberté ; qu'en se plaçant, pour déterminer le point de départ de ce délai, au 31 janvier 2022, date de formalisation de la déclaration d'appel devant le greffe de la maison d'arrêt, quand il ressort des pièces de la procédure que M. [F] a manifesté sans ambiguïté sa volonté d'interjeter appel dans un courrier reçu par l'administration pénitentiaire le 24 décembre 2021, de sorte que sa décision est intervenue quarante-neuf jours après cet appel, la chambre de l'instruction a violé les articles 5, § 4, de la Convention européenne des droits de l'homme, 186, 194, 503, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
7. Pour déclarer l'appel irrecevable et dire que M. [F] n'est pas détenu sans titre, l'arrêt attaqué énonce que le courrier qu'il a adressé au greffe de l'établissement pénitentiaire le 22 décembre 2021 ne constitue pas, formellement, une déclaration d'appel auprès du chef de l'établissement pénitentiaire, au sens des dispositions de l'article 503 du code de procédure pénale.
8. Les juges retiennent que ce courrier a pour objet une demande de renseignements portant sur les démarches pouvant être effectuées par M. [F], en complément de celles qu'il écrit avoir déjà entreprises, afin de reconnaître son enfant.
9. Ils ajoutent que la mention relative au souhait de M. [F] de « faire appel de la décision de refus de sortie », sans autre précision, est dénuée de lien avec l'objet du courrier et qu'elle constitue une observation indéterminée, qui ne permet pas de considérer que son auteur a manifesté clairement l'intention de former un appel contre l'ordonnance par laquelle sa demande de mise en liberté a été rejetée le 10 décembre 2021.
10. Ils en concluent que le courrier du 22 décembre 2021, qui ne contient pas la manifestation d'une intention de former un appel contre l'ordonnance du 10 décembre 2021 ayant rejeté sa demande de mise en liberté, ne produit pas les mêmes effets qu'une déclaration d'appel, que M. [F] n'est pas détenu arbitrairement et que l'appel formé le 31 janvier 2022 est irrecevable car tardif.
11. En l'état de ces énonciations, et dès lors que le courrier adressé par le demandeur au greffe de l'établissement pénitentiaire, qui n'annonçait pas clairement son objet et était rédigé dans des termes ambigus, ne pouvait être regardé comme manifestant l'intention de M. [F] de faire appel, la chambre de l'instruction, qui n'a méconnu aucun des textes visés au moyen, a justifié sa décision.
12. Ainsi, le moyen doit être écarté.
13. Par ailleurs l'arrêt est régulier, tant en la forme qu'au regard des dispositions des articles 137-3 et 143-1 et suivants du code de procédure pénale.
Crim. 11 mai 2022 n° 21-83.373
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° H 21-83.373 F-D
N° 00546
ECF 11 MAI 2022
CASSATION
Mme DE LA LANCE conseiller doyen faisant fonction de président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 11 MAI 2022
La caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault, partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier, chambre correctionnelle, en date du 5 mai 2021, qui, dans la procédure suivie contre Mme [R] [Y], épouse [X], des chefs de faux et usage et escroquerie, après avoir annulé le jugement, a refusé d'évoquer et renvoyé le ministère public à mieux se pourvoir.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de M. Pauthe, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault, les observations de la SCP Richard, avocat de Mme [R] [Y], épouse [X], et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 30 mars 2022 où étaient présents Mme de la Lance, conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Pauthe, conseiller rapporteur, M. Wyon, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Par acte du 10 novembre 2016, Mme [R] [Y], épouse [X], a été citée des chefs susvisés devant le tribunal correctionnel qui, par jugement par défaut, l'a condamnée à un an d'emprisonnement, 30 000 euros d'amende et cinq ans d'interdiction professionnelle.
3. Saisi sur l'opposition de Mme [Y], le tribunal correctionnel a déclaré celle-ci coupable des délits de faux et usage et d'escroquerie, l'a condamnée à six mois d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils par jugement du 31 octobre 2018 à l'encontre duquel la prévenue a interjeté appel.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a constaté d'office la nullité du jugement entrepris, dit n'y avoir lieu à évocation, et a renvoyé le ministère public à mieux se pourvoir, alors :
« 1°/ qu'il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que la caisse primaire d'assurance malade (CPAM), partie civile, avait sollicité un renvoi aux fins, d'une part, de faire rechercher le dossier, et notamment d'effectuer des recherches auprès de l'huissier ayant délivré la citation et de la gendarmerie ayant procédé à l'enquête, et d'autre part, de proposer de communiquer le dossier constitué à l'appui de sa plainte adressée au procureur de la République, demande de renvoi reprise à son compte par le ministère public ; que nonobstant cette demande expresse de renvoi, la cour d'appel, passant outre tout complément d'information, a décidé d'examiner immédiatement l'affaire et de décider d'office la nullité du jugement, en se contentant d'affirmer « qu'il est vain d'espérer recouvrer les pièces perdues par l'effet de nouvelles démarches » ; qu'en statuant ainsi, sans s'en expliquer, quand aucun élément de la procédure ne permettait d'établir que des démarches auraient été entreprises auprès de l'huissier ayant délivré la citation ni auprès de la gendarmerie et qu'il était établi que la CPAM était disposée à transmettre copie du dossier qu'elle avait constitué à l'appui de sa plainte transmise au procureur de la République, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision, en violation des articles préliminaire, 593 du code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
2°/ qu'il appartient aux juges d'ordonner les mesures d'instruction dont ils reconnaissent eux-mêmes la nécessité ; qu'après avoir constaté l'absence du dossier transmis à la cour, de la citation signifiée à étude d'huissier à Mme [Y] le 10 novembre 2016 par un huissier de justice sur instruction du procureur de la République, et avoir relevé avoir demandé à la CPAM communication de la copie du dossier constitué à l'appui de sa plainte adressée au procureur de la République, que cette dernière se proposait de communiquer sur renvoi, la cour d'appel a néanmoins décidé de prononcer d'office la nullité du jugement sans avoir même recherché à exercer ses pouvoirs de recherche auprès de l'étude d'huissier ayant délivré la citation et de la gendarmerie ayant procédé à l'enquête, et sans avoir encore obtenu communication du dossier de la CPAM à l'origine des poursuites, laquelle se proposait de le faire sur renvoi ; qu'en statuant sans avoir ordonné les mesures d'instruction dont elle reconnaissait pourtant explicitement la nécessité, la cour d'appel a méconnu les articles 463 et 593 du code de procédure pénale ;
3°/ que toute contradiction de motifs équivaut à leur absence ; qu'il résulte des propres énonciations de l'arrêt attaqué que tant les termes du jugement du 23 novembre 2016 que ceux du jugement du 31 octobre 2018 mentionnaient que Mme [Y] était poursuivie pour des faits de faux et usage et d'escroquerie commis au préjudice de la CPAM de l'Hérault commis du 19 janvier 2011 au 13 juillet 2011 à la Grande-Motte, les faits qualifiés de faux étant définis dans des termes strictement identiques dans l'un et l'autre jugement, par la description précise et détaillée des faits reprochés, dont le jugement du 31 octobre 2018 avait considéré qu'ils étaient pleinement établis par le rapport de contrôle de la CPAM ; que pour conclure à la nullité du jugement, la cour d'appel affirme pourtant que les termes de la prévention tels que rappelés dans les deux jugements ne permettraient pas à la prévenue de « connaître sans ambiguïté la nature des faits qui lui sont reprochés et d'organiser sa défense », et que la cour « n'approche que de façon incertaine l'étendue de sa saisine », « et n'a pas la possibilité d'instruire sur les faits » ; qu'en prononçant ainsi quand il résultait de ses propres constatations que les falsifications frauduleuses commises par la prévenue au préjudice de la CPAM étaient très clairement définies par les termes de la prévention reproduits aux jugements et permettaient ainsi d'établir que la prévenue était suffisamment informée, sans ambiguïté, de la prévention retenue à son encontre et des faits qui lui étaient reprochés sur lesquels elle s'était d'ailleurs expliquée longuement dans ses conclusions, la cour d'appel n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences légales qui s'imposaient, en violation des dispositions de l'article 593 du code de procédure pénale ;
4°/ que les juges sont tenus de statuer sur les faits dont ils sont saisis par la citation ; que dès lors qu'il est établi et non contesté que Mme [Y] avait été citée à étude selon acte d'huissier en date du 10 novembre 2016 des chefs de faux et usage et d'escroquerie commis du 19 janvier 2011 au 13 juillet 2011 à la Grande-Motte, et que les termes de la prévention avaient été reproduits par le jugement litigieux, la cour d'appel ne pouvait, sans méconnaître les articles 388, 520, 591 et 593 du code de procédure pénale, prononcer d'office la nullité du jugement pour absence de saisine au seul motif que l'original de la citation ne figurait plus au dossier, quand il résultait de ses propres constatations que le tribunal avait bien été saisi de la poursuite régulièrement exercée par le procureur de la République, suivant les termes de prévention reproduits au jugement ;
5°/ que constitue un déni de justice au sens de l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme et 4 du code civil et, par conséquent, une décision incompatible avec un procès équitable le refus de statuer sur les faits de faux et usage et d'escroquerie dont elle était saisie, tels que rappelés par le jugement dont appel du 31 octobre 2018 ; qu'en relevant d'office la nullité du jugement et en disant n'y avoir lieu à évocation en raison de l'absence prétendue au dossier de « pièces nécessaires et notamment de l'acte introductif d'instance », sans avoir même recherché à obtenir les pièces en cause par un supplément d'information, après avoir pourtant reproduit les termes exacts et précis de la prévention tels qu'ils figurent au jugement dont les mentions font foi jusqu'à inscription de faux, sur lesquels la prévenue s'était contradictoirement expliquée, les juges d'appel ont excédé leurs pouvoirs et commis un déni de justice, privant la partie civile de son droit d'accès à un juge. »
Réponse de la Cour
Sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches
Vu l'article 593 du code de procédure pénale :
5. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
6. Pour annuler le jugement critiqué, refuser d'évoquer et renvoyer le ministère public à mieux se pourvoir, l'arrêt attaqué énonce que la cour soumet au débat le fait qu'elle se trouve dans l'incapacité, au regard des pièces qui lui ont été communiquées, de connaître l'étendue de sa saisine quant aux faits reprochés à Mme [Y].
7. Les juges relèvent que la citation à l'audience, signifiée à Mme [Y] le 10 novembre 2016 et mentionnée dans le jugement du 23 novembre 2016, ne figure pas au dossier transmis à la cour non plus que l'original de la procédure dont ne disposait pas non plus le tribunal correctionnel, que la défense a prétendu n'avoir jamais eu accès au dossier d'enquête, le tribunal correctionnel n'ayant statué que sur les pièces de la caisse primaire d'assurance maladie que celle-ci propose de communiquer et que le ministère public, à qui il incombe au premier chef de transmettre un dossier complet à la cour, n'a communiqué aucune pièce nouvelle en cours de délibéré.
8. Ils constatent que les préventions évoquées par le jugement rendu par défaut le 23 novembre 2016 et le jugement critiqué du 31 octobre 2018 se contredisent, la première décision mentionnant que la prévenue est poursuivie puis déclarée coupable d'un seul délit, le faux, puis des trois délits visés par la prévention, tandis que la seconde énonce de façon détaillée que Mme [Y] est poursuivie et déclarée coupable des chefs de faux et usage et d'escroquerie, mais affirme à tort que Mme [Y] a été déclarée coupable de trois délits par le premier jugement.
9. La cour d'appel conclut que la prévenue n'étant pas en mesure de connaître sans ambiguïté la nature des faits qui lui sont reprochés et d'organiser sa défense, il convient de relever d'office la nullité du jugement entrepris ayant statué sans disposer, notamment, de l'acte introductif d'instance, que toute évocation est interdite dès lors que le jugement annulé ayant statué en l'absence de toute saisine, l'irrégularité ne peut être réparée par une défense au fond et qu'il y a lieu de renvoyer le ministère public à mieux se pourvoir.
10. En prononçant ainsi, alors que, d'une part, les mentions des notes d'audience ne permettent pas de remettre en cause l'existence de l'acte de saisine du tribunal qui est confirmée par la mention du jugement du 31 octobre 2018, qui fait foi jusqu'à inscription de faux, selon laquelle le président a donné connaissance de l'acte qui a saisi le tribunal, d'autre part, la prévenue comparante n'a pas, dans ses conclusions régulièrement déposées devant elle, invoqué l'absence de la citation au dossier ni contesté avoir été informée des termes de la prévention telle qu'elle figure dans le jugement critiqué, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.
11. La cassation est par conséquent encourue.
Crim. 11 mai 2022 n° 20-86.594 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° N 20-86.594 F-B
N° 00551
ECF 11 MAI 2022
CASSATION
Mme DE LA LANCE conseiller doyen faisant fonction de président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 11 MAI 2022
La société [1] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Dijon, chambre correctionnelle, en date du 2 juillet 2020, qui, pour infractions à la législation sur les contributions indirectes, l'a condamnée à des amendes et pénalités fiscales et au paiement des droits fraudés.
Des mémoires, en demande et en défense, et des observations complémentaires, ont été produits.
Sur le rapport de Mme Pichon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société [1], les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la direction générale des douanes et droits indirects de Bourgogne, et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 30 mars 2022 où étaient présents Mme de la Lance, conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Pichon, conseiller rapporteur, M. Wyon, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le 23 juin 2011, l'administration des douanes et des droits indirects a initié un contrôle sur le fondement de l'article L. 34 du livre des procédures fiscales dans les locaux de la société [1], spécialisée dans la fabrication et le commerce de boissons alcoolisées, entrepositaire agréé au sens de l'article 302 G du code général des impôts.
3. Le 10 septembre 2013, un procès-verbal d'infraction à la réglementation sur les contributions indirectes a été établi et la société [1] a été citée devant le tribunal correctionnel pour avoir en 2008, 2009, 2010 et 2011, procédé à la tenue irrégulière de sa comptabilité matières, liquidé de manière non conforme les droits d'accises et fait circuler des produits ou biens relevant de la législation des contributions indirectes sans documents d'accompagnement ou marque fiscale conforme.
4. Par jugement en date du 25 octobre 2018, le tribunal correctionnel a constaté la prescription de l'ensemble des faits de la prévention antérieurs au 10 septembre 2010, relaxé partiellement la société pour les faits de circulation de produits ou biens relevant de la législation des contributions indirectes sans documents d'accompagnement ou marque fiscale conforme et pour certains des manquements relatifs à la tenue de la comptabilité matières, déclaré la prévenue coupable pour le surplus de la prévention et condamné celle-ci au paiement de six amendes fiscales d'un montant unitaire de 15 euros et à deux pénalités fiscales d'un montant unitaire de 530 432 euros.
5. La direction générale des douanes et droits indirects et la prévenue ont formé appel principal de cette décision, le procureur de la République, appel incident.
Examen des moyens
Sur les premier et deuxième moyens
6. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à retenir la prescription pour l'ensemble des infractions visées par la prévention, a déclaré la société [1] coupable du chef de liquidation non conforme d'impôts et de taxes : accises sur l'alcool, boisson ou produit alcoolique pour l'ensemble de la période de prévention soit pour les années 2008, 2009, 2010 et 2011 et l'a condamnée au paiement de la somme de 1 334 664 euros au titre de la pénalité fiscale et au paiement de la somme de 1 334 664 euros au titre des droits fraudés, alors « que l'action fiscale en matière de contributions indirectes devant le juge pénal se prescrit par un délai de trois ans, lequel est susceptible d'être interrompu par tout acte d'instruction ou de poursuite ; que tel n'est pas le cas du procès-verbal d'intervention visé par l'article L. 34 du livre des procédures fiscales, applicable en l'absence de tout soupçon de fraude, qui se borne à constater la remise des documents permettant l'exercice du contrôle ; qu'en retenant que le procès-verbal du 23 juin 2011 constatant la remise par le prévenu de différents documents permettant l'exercice du contrôle prévu par l'article L. 34 du livre des procédures fiscales était un acte interruptif de la prescription de l'action fiscale, la cour d'appel a méconnu les articles L. 235, et L. 236 du livre des procédures fiscales, 7 et 8 du code de procédure pénale, dans leur rédaction issue de la loi n° 2006-399 du 4 avril 2006. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 7 du code de procédure pénale, dans sa rédaction applicable à l'époque des faits :
8. Il résulte de ce texte que seul peut être regardé comme un acte d'instruction ou de poursuite le procès-verbal dressé par les agents de l'administration des douanes dans l'exercice de leurs attributions de police judiciaire et à l'effet de constater les infractions, à l'exclusion des actes de l'enquête administrative qui en ont constitué le prélude.
9. Pour rejeter l'exception de prescription soulevée par la prévenue, l'arrêt attaqué retient que l'action fiscale ayant le caractère d'une action publique son régime obéit à celui de cette dernière chaque fois qu'il n'y est pas dérogé, l'action publique et l'action fiscale se prescrivant en principe conformément au droit commun.
10. Après avoir indiqué que le délai de prescription est susceptible d'être interrompu par tout acte d'instruction ou de poursuite, il énonce que sont interruptifs de prescription les procès-verbaux de constat établis par l'administration des douanes dans la mesure où ils visent à établir l'existence d'une infraction et asseoir l'assiette des droits à recouvrer.
11. Les juges ajoutent qu'il en va ainsi également de tous les procès-verbaux portant saisies de documents et auditions de sachant dès lors qu'ils émanent d'agents compétents et qu'en application de ces principes, sont interruptifs de prescription les procès-verbaux d'intervention, d'audition et de réception de documents qui ont été notifiés et remis en copie au cours du contrôle.
12. Ils en déduisent qu'en l'espèce le procès-verbal du 23 juin 2011 d'audition et d'intervention qui constate la remise par le prévenu de différents documents permettant l'exercice du contrôle est un acte interruptif de prescription et que par suite la période de prévention qui sera examinée pour statuer sur l'éventuelle culpabilité de la prévenue concernera bien les années 2008, 2009, 2010 et 2011.
13. En statuant ainsi la cour d'appel a méconnu le texte précité et le principe susvisé.
14. En effet, le procès-verbal d'intervention établi par les agents des services des douanes, qui ne constatait aucune infraction, ni ne relatait aucun acte d'enquête portant sur une infraction préalablement révélée, n'était pas interruptif de prescription.
15. La cassation est par conséquent encourue.
Crim. 10 mai 2022 n° 21-86.686
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° G 21-86.686 F-D
N° 00528
RB5 10 MAI 2022
CASSATION
Mme INGALL-MONTAGNIER conseiller le plus ancien faisant fonction de président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 10 MAI 2022
L'officier du ministère public près le tribunal de police de Clermont-Ferrand a formé un pourvoi contre le jugement dudit tribunal, en date du 20 octobre 2021, qui a relaxé M. [B] [X] du chef d'usage de téléphone tenu en main par le conducteur d'un véhicule en circulation.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Sottet, conseiller, et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 mars 2022 où étaient présents Mme Ingall-Montagnier, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Sottet, conseiller rapporteur, M. Samuel, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte du jugement attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [B] [X] a été poursuivi du chef susmentionné, faits commis le 10 février 2020 à 17 heures 13, sur la D 212 à [Localité 1] (Puy-de-Dôme).
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. Le moyen critique le jugement attaqué en ce qu'il a relaxé le prévenu du chef d'usage d'un téléphone tenu en main par le conducteur d'un véhicule en circulation, au motif de l'insuffisante précision du procès-verbal de constatation de l'infraction, alors que les mentions dudit procès-verbal caractérisaient suffisamment la contravention.
Réponse de la Cour
Vu l'article 537 du code de procédure pénale :
4. Selon ce texte, les procès-verbaux établis par les officiers et agents de police judiciaire et les agents de police judiciaire adjoints font foi jusqu'à preuve contraire des contraventions qu'ils constatent. La preuve contraire ne peut être rapportée que par écrit ou par témoins.
5. Pour relaxer M. [X], le tribunal énonce notamment que le procès-verbal, contesté par le prévenu, qui a refusé de le signer, manque de précision sur l'heure de l'interpellation, la situation exacte du véhicule de la gendarmerie et du gendarme ayant constaté de visu l'infraction, et l'endroit précis où a été constatée cette dernière à Billom.
6. En prononçant ainsi, alors que, d'une part, le procès-verbal contesté mentionnait précisément la qualification, le lieu, la date et l'heure de l'infraction, d'autre part, le prévenu n'apportait pas la preuve contraire de ces mentions par écrit ou par témoins, le tribunal a méconnu le texte susvisé.
7. La cassation est par conséquent encourue.
Crim. 10 mai 2022 n° 22-82.379 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° X 22-82.379 F-B
N° 00676
ODVS 10 MAI 2022
REJET
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 10 MAI 2022
M. [D] [W] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 5e section, en date du 30 mars 2022, qui a autorisé sa remise aux autorités judiciaires belges, en exécution de deux mandats d'arrêt européens.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Charmoillaux, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [D] [W], et les conclusions de M. Lesclous, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 mai 2022 où étaient présents M. Soulard, président, M. Charmoillaux, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Deux mandats d'arrêt européens ont été émis par les autorités judiciaires belges contre M. [D] [W] en exécution, respectivement, d'une peine de cinq ans d'emprisonnement prononcée par arrêt du 4 décembre 2020 de la cour d'appel de Liège pour des faits, notamment, d'extorsion et blanchiment, et d'une peine de six mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits de violation du secret professionnel, dénonciation calomnieuse et outrage à magistrat, prononcée par arrêt du 10 octobre 2006 de la même cour, sursis révoqué à la suite de la première décision citée.
3. M. [W] a été interpellé sur le territoire français et les deux mandats d'arrêt européens lui ont été notifiés.
Examen des moyens
Sur les premier et deuxième moyens
4. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné la remise de M. [W] à l'autorité judiciaire du royaume de Belgique en exécution d'un mandat d'arrêt européen émis à son encontre le 3 février 2022 pour l'exécution d'une peine privative de liberté de cinq ans d'emprisonnement, fondée sur un arrêt de la cour d'appel de Liège du 20 avril 2021 déclarant non avenue une opposition contre un arrêt du 4 décembre 2020 des chefs d'extorsion, faux et usage de faux, blanchiment recel, blanchiment conversion, la peine restant à exécuter étant de mille huit cent vingt-cinq jours d'emprisonnement, alors :
« 1°/ qu'il est constant que la condamnation prononcée le 4 décembre 2020 l'a été hors la présence de M. [W], et sans appel possible par l'effet de la loi belge ; que l'article 14-5° du Pacte de 1966 sur les droits civils et politiques édicte le droit a un double degré de juridiction en matière pénale ; M. [W] faisait valoir que la référence de la décision cadre du 13 juin 2002 sur le mandat d'arrêt européen au respect des droits fondamentaux (paragraphe 10 du préambule à cette décision), impliquait le respect du pacte et de son article 14 ; qu'en se bornant à renvoyer au traité sur l'Union européenne, à la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et à la Convention européenne des droits de l'homme, la chambre de l'instruction a méconnu l'article 14-5° du Pacte précité, la décision-cadre du 13 juin 2002 et les droits de la défense ;
2°/ qu'il est constant que M. [W] n'a pas comparu en personne lors des débats ayant abouti à la condamnation prononcée à son encontre le 4 décembre 2020 ; que si le juge français d'exécution dispose désormais de la possibilité d'accorder la remise dès lors que l'intéressé a été informé « dans les formes légales et effectivement de manière non équivoque de la date et du lieu fixés pour le procès de la possibilité qu'une décision puisse être rendue à son encontre en cas de non-comparution » (article 695-22-1, 1°, du code de procédure pénale), cette possibilité ne peut être utilisée que si le défaut n'a pas placé l'intéressé de façon manifeste dans une situation disproportionnée face aux droits de la défense ; que faute d'avoir opéré cette recherche indispensable, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale au regard de l'article 695-22-1 du code de procédure pénale ;
3°/ que le texte précité prévoit que l'intéressé doit avoir été informé « dans les formes légales et effectivement de manière non équivoque » de la date et du lieu fixés pour son procès ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué lui-même que M. [W], qui n'a pas comparu en personne, n'a pas été cité à personne mais aurait été informé « officiellement et par d'autres moyens » de la date et du lieu du procès qui a mené à la décision ; que ces motifs imprécis ne permettent absolument pas de savoir si la double condition cumulative de l'article 695-22-1 d'une convocation dans les formes légales et effectives était remplie, et ne permet pas à la Cour de cassation d'exercer son contrôle ; qu'en usant d'une possibilité de remise dont il n'est pas acquis qu'elle était légalement acquise, la chambre de l'instruction a violé l'article 695-22-1, 1°, du code de procédure pénale ;
4°/ qu'en toute hypothèse, le juge français d'exécution ne saurait user de la faculté que lui ouvre ce texte lorsque le défaut (quelles qu'en soient les raisons) est combiné, par l'effet de la loi de l'Etat d'émission, à une absence d'appel, et en l'espèce un refus d'examiner à nouveau la décision sur opposition qui a été déclarée non avenue ; que cette double circonstance place nécessairement l'intéressé dans une situation disproportionnée au regard des droits de la défense, et interdisait la remise ; que la chambre de l'instruction a ainsi violé le texte précité outre les droits de la défense et l'article 695-11 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
6. Pour ordonner la remise de M. [W] aux autorités judiciaires belges, l'arrêt attaqué énonce qu'en application de l'article 695-22-1 du code de procédure pénale dans sa rédaction issue de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 applicable à l'espèce, l'absence de comparution de la personne à l'audience ayant donné lieu à sa condamnation est un motif facultatif de refus de remise en exécution d'un mandat d'arrêt européen.
7. Les juges relèvent qu'il ressort de l'arrêt du 4 décembre 2020 de la cour d'appel de Liège que M. [W] a été informé de l'audiencement de l'affaire et a participé aux audiences du 13 novembre 2019, du 15 janvier 2020, du 17 février 2020 et du 26 mai 2020, formant notamment trente-et-une requêtes aux fins de faire obstacle au jugement, donnant lieu à cinq arrêts de rejet de la Cour de cassation de Belgique.
8. Ils soulignent qu'à l'audience du 4 septembre 2020, après le rejet d'une dernière demande de renvoi fondée à la fois sur des motifs médicaux, sur une requête en dessaisissement et sur une plainte déposée contre un greffier de la juridiction et un avocat des parties civiles, l'avocat de M. [W] s'est retiré, se déclarant sans mandat pour représenter ce dernier en son absence.
9. Les juges ajoutent que l'opposition formée contre l'arrêt de condamnation rendu le 4 décembre 2020 à la suite de cette audience a été déclarée irrecevable, la cour d'appel relevant que la demande de renvoi présentée par M. [W] était fondée sur un certificat médical de complaisance, que sa non-comparution n'était pas justifiée par un motif légitime et que l'intéressé s'était lui-même privé du droit à une procédure contradictoire qu'il possédait alors et pouvait aisément exercer.
10. Ils en déduisent que M. [W] a été tenu au courant de la procédure, a été mis en mesure d'y participer, y a comparu pour solliciter des renvois, et a eu connaissance de la décision de condamnation, dont il a relevé opposition, l'arrêt du 20 avril 2021 déclarant celle-ci irrecevable ayant fait l'objet d'un pourvoi rejeté par la Cour de cassation de Belgique.
11. Les juges ajoutent que l'impossibilité de relever appel de la décision de condamnation en application de l'article 479 du code d'instruction criminelle belge a été validée par la jurisprudence interne belge.
12. En l'état de ces seules énonciations, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.
13. En effet, en premier lieu, l'opportunité d'un refus de remise rendu facultatif par l'article 695-22-1 du code de procédure pénale relève de l'appréciation souveraine des juges du fond.
14. En second lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le principe de reconnaissance mutuelle sur lequel est fondé le système du mandat d'arrêt européen repose lui-même sur la confiance réciproque entre les Etats membres quant au fait que leurs ordres juridiques nationaux respectifs sont en mesure de fournir une protection équivalente et effective des droits fondamentaux reconnus au niveau de l'Union, et qu'il n'appartient par conséquent pas à l'Etat d'exécution, hors du cas d'une défaillance systémique ou généralisée dans l'Etat d'émission, d'assurer un contrôle du respect des droits fondamentaux par ce dernier.
15. Dès lors, le moyen doit être écarté.
16. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.
Crim. 10 mai 2022 n° 21-84.286
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° Z 21-84.286 F-D
N° 00529
RB5 10 MAI 2022
CASSATION
Mme INGALL-MONTAGNIER conseiller le plus ancien faisant fonction de président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 10 MAI 2022
M. [O] [Z] a formé un pourvoi contre le jugement du tribunal de police des Sables-d'Olonne, en date du 20 avril 2021, qui, pour contravention au code de la route, l'a condamné à 150 euros d'amende.
Un mémoire personnel a été produit.
Sur le rapport de M. Leblanc, conseiller référendaire, et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 mars 2022 où étaient présents Mme Ingall-Montagnier, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Leblanc, conseiller rapporteur, M. Samuel, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Sur opposition à ordonnance pénale contraventionnelle, M. [O] [Z] a été cité devant le tribunal de police pour conduite d'un véhicule sans port de la ceinture de sécurité.
3. Par courriel adressé à la juridiction avant l'audience, l'avocate de M. [Z] a demandé le renvoi de l'affaire au motif qu'elle se trouvait en congé maternité. Le prévenu a par ailleurs indiqué qu'il ne pourrait se présenter à l'audience en raison de son état de santé et de la situation sanitaire.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Le moyen est pris de la violation des articles 410 et 593 du code de procédure pénale et des articles 6-1 et 6-3 de la Convention européenne des droits de l'homme.
5. Il critique le jugement attaqué en ce qu'il a déclaré le requérant coupable des faits et en répression l'a condamné à une amende contraventionnelle de 150 euros alors que le tribunal de police qui n'a pas répondu aux arguments évoqués dans la demande de renvoi, régulièrement présentée par la défense, n'a pas justifié sa décision.
Réponse de la Cour
Vu l'article 6, § 3, de la Convention européenne des droits de l'homme et l'article 593 du code de procédure pénale :
6. Il se déduit du premier de ces textes que les juges ne peuvent, sans motiver leur décision, refuser le renvoi d'une affaire sollicité avant l'audience par l'avocat du prévenu.
7. Selon le second, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
8. Il résulte du jugement qu'il a été donné lecture à l'audience du courrier électronique du conseil du prévenu demandant le renvoi.
9. Pour rejeter la demande de renvoi faute d'avoir été soutenue à l'audience, le juge énonce que le prévenu n'y était ni présent ni représenté. 10. En statuant ainsi, sans répondre à la demande de renvoi dont elle était saisie, la juridiction a méconnu les textes et le principe susvisés.
11. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Crim. 10 mai 2022 n° 21-83.522 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° U 21-83.522 FS-B
N° 00435
ECF 10 MAI 2022
REJET
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 10 MAI 2022
M. [R] [H] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-8, en date du 25 mai 2021, qui, pour exercice illégal de la médecine, l'a condamné à deux mois d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de M. Charmoillaux, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de M. [R] [H], les observations de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat du conseil départemental de l'ordre des médecins de la ville de Paris, et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 mars 2022 où étaient présents M. Soulard, président, M. Charmoillaux, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, M. Samuel, Mme Goanvic, MM. Sottet, Coirre, conseillers de la chambre, MM. Joly, Leblanc, Rouvière, conseillers référendaires, M. Quintard, avocat général, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. A la suite d'une séance de cryothérapie dispensée par l'institut de beauté exploité par la société [1], M. [D] [K] a subi des engelures lui ayant occasionné une incapacité totale de travail d'un mois et demi.
3. L'enquête a établi que la cryothérapie était pratiquée par la société [1] en dehors de toute supervision médicale, par des esthéticiennes ayant seulement suivi une formation assurée par l'installateur du matériel.
4. La société [1] et son gérant M. [R] [H] ont été poursuivis respectivement des chefs de blessures involontaires et d'exercice illégal de la médecine.
5. Le conseil départemental de l'ordre des médecins de la ville de [Localité 2] s'est constitué partie civile.
6. Le tribunal correctionnel a déclaré les deux prévenus coupables.
7. M. [H] et le ministère public ont relevé appel de la décision.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses deuxième, cinquième, septième et huitième branches
8. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen, pris en ses première, troisième, quatrième et sixième branches, et sur le second moyen
Enoncé des moyens
9. Le premier moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [H] coupable d'exercice illégal de la médecine et l'a condamné à deux mois d'emprisonnement avec sursis, et, sur l'action civile, l'a condamné à payer diverses sommes au conseil départemental de l'ordre des médecins de la ville de Paris, partie civile, alors :
« 1°/ que la prestation accomplie dans un but esthétique et de confort, sans visée thérapeutique n'est pas soumise à prescription médicale de sorte que son accomplissement ne saurait constituer un exercice illégal de la médecine ; que la cour d'appel, en se bornant à relever que la technique de la cryothérapie ne peut être pratiquée que par des médecins, en application de l'article 2, 4°, de l'arrêté du 6 janvier 1962 dans sa rédaction issue de l'arrêté du 13 avril 2007, et que le moyen selon lequel « la pratique de la cryothérapie alléguée ne consisterait?qu'en un cryosauna à but purement esthétique ne saurait prospérer dès l'instant que l'appareil utilisé a vocation à délivrer, par injection d'azote sous forme de gaz, des températures extrêmes, soit pouvant atteindre, par pic, jusqu'à 190°C, voire 196°C, avec une température moyenne de la machine? s'établissant, par séance, à -150°C » sans expliquer en quoi les températures extrêmes délivrées excluraient le but esthétique sans visée thérapeutique de la cryothérapie corps entier ou cryosauna, a privé sa décision de base légale au regard dudit arrêté ;
3°/ qu'un motif inopérant équivaut à un défaut de motifs ; que la cour d'appel, en relevant que M. [H] s'est effectivement livré aux traitements de maladies pour avoir recours à des décharges de responsabilité réservées en pareil matière de soins à des praticiens ou chirurgiens, a statué par des motifs inopérants pour justifier qu'il ne s'agissait pas simplement d'une prestation de bien-être à but esthétique sans visée thérapeutique et a violé l'article 593 du code de procédure pénale ;
4°/ que sont tout aussi inopérants les motifs suivant lesquels le contrat de prestation de service reprenait en son article 7 « contre-indications médicales » et que la société [1], au titre de ses arguments publicitaires se prévalait de témoignages de clients ayant eu recours à la cryothérapie et déclarant avoir été guéris de pathologies ; que la cour d'appel a encore violé l'article 593 du code précité ;
6°/ que la cour d'appel, qui a relevé « que seul un médecin est habilité à pratiquer un acte de cryothérapie, ayant pour effet d'emporter la destruction des téguments, quelque limitée qu'elle puisse être, des téguments » ne pouvait déclarer M. [H] coupable d'exercice illégal de la médecine sans constater que l'appareil utilisé par la société [1] aurait emporté la destruction de téguments et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2, 4°, de l'arrêté du 6 janvier 1962 dans sa rédaction issue de l'arrêté du 13 avril 2007. »
10. Le second moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [H], sur l'action publique, coupable d'exercice illégal de la médecine, et l'a condamné à deux mois d'emprisonnement avec sursis, et, sur l'action civile, l'a condamné à payer diverses sommes au conseil départemental de l'ordre des médecins de la ville de Paris, partie civile, alors « qu'il résulte des articles 49 et 56 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), tels qu'interprétés par la Cour de Justice de l'Union européenne (cf. notamment CJUE, arrêt du 19 mai 2009, Apothekerkammer des Saarlandes et autres, C-171/07 et C-172/07), que la liberté d'établissement et la libre prestation de services ne peuvent faire l'objet de restrictions justifiées par des raisons impérieuses d'intérêt général, que si ces mesures s'appliquent de manière non discriminatoire, sont propres à garantir de façon cohérente, la réalisation de l'objectif qu'elles poursuivent et ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre ; qu'en application des principes de primauté et d'effet direct du droit communautaire, il incombe au juge national, chargé d'appliquer les dispositions du droit communautaire, d'assurer le plein effet de ces normes en laissant au besoin inappliquée toute disposition contraire de la législation nationale ; qu'en déclarant M. [H] coupable d'exercice illégal de la médecine parce que la société [1] dont il était à l'époque le gérant, assurait une prestation de cryothérapie corps entier en raison de ce que cette prestation devait être encadrée par des médecins, voire autres professionnels de santé a écarté le moyen tiré de l'inconventionalité de toute interdiction de la cryothérapie quand l'Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé, dans son édition 2018 du guide « Qualification et positionnement réglementaire des dispositifs médicaux et dispositifs médicaux de diagnostic in vitro », à la question « Quel est le statut d'une cabine de cryothérapie ? » avait répondu « ? si un fabricant destine une cabine de cryothérapie uniquement à des fins non médicales telles que le bien-être, la récupération ou l'entraînement du sportif ou l'esthétique, le produit n'est pas un dispositif médical et ne requiert pas le marquage C au titre de la directive 93/42 CEE? », de sorte que les restrictions apportées, d'une part, étaient contraires aux libertés précitées et, d'autre part, à les supposer restreintes pour des motifs impérieux d'intérêt général, seraient totalement disproportionnées au but de protection de la santé publique avancé ; que la cour d'appel, en se fondant cependant sur les dispositions de l'article 2, 4°, de l'arrêté du 6 janvier 1962 dans sa rédaction issue de l'arrêté du 13 avril 2007, a méconnu la liberté d'établissement et la libre prestation de services garanties par les articles 49 et 56 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. »
Réponse de la Cour
11. Les moyens sont réunis.
12. Pour déclarer le prévenu coupable d'exercice illégal de la médecine, l'arrêt attaqué énonce que le procédé utilisé, qui soumet la personne à des températures négatives extrêmes ayant notamment entraîné chez M. [K] des brûlures profondes aux deuxième et troisième degrés, effet secondaire par ailleurs répertorié par un rapport de juin 2019 de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, relève de l'article 2, 4° de l'arrêté du 6 janvier 1962, qui réserve aux seuls docteurs en médecine les actes de physiothérapie, incluant la cryothérapie, aboutissant à la destruction, si limitée soit-elle, des téguments.
13. Les juges considèrent que la restriction apportée par ce texte à la liberté d'établissement et au principe de libre prestation de services garantis par les dispositions du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne est justifiée par la prévention des risques que le procédé en cause comporte au regard de la santé publique.
14. Ils relèvent par ailleurs que le prévenu a, dans la communication publicitaire de la société [1], allégué que la cryothérapie permettait de soulager les personnes atteintes de maladies dégénératives douloureuses et mis en avant des témoignages de clients déclarant avoir été guéris de pathologies réelles.
15. Ils ajoutent que si M. [H] et son personnel décrivent la pratique dispensée comme dépourvue de toute finalité de soin et visant exclusivement le bien-être, l'une des esthéticiennes de la société [1] a admis que la seule différence avec la cryothérapie thérapeutique était l'absence d'intervention d'un médecin.
16. Ils en déduisent que le prévenu s'est livré de manière habituelle, par l'intermédiaire de la société dont il était le gérant, au traitement de maladies, congénitales ou acquises, réelles ou supposées.
17. En l'état de ces seules énonciations, la cour d'appel, qui ne s'est pas prononcée par des motifs inopérants, a justifié sa décision et n'a méconnu aucun des textes visés aux moyens.
18. En premier lieu, elle a, par des motifs dépourvus d'insuffisance comme de contradiction, considéré à juste titre que le procédé utilisé, qui consistait en un acte de physiothérapie par cryothérapie aboutissant à la destruction, si limitée soit-elle, des téguments, relevait des actes dont l'article 2, 4°, de l'arrêté du 6 janvier 1962 réserve la pratique aux docteurs en médecine.
19. En second lieu, ce texte, qui apporte à la liberté d'établissement et au principe de libre prestation de services une restriction nécessaire et proportionnée à la poursuite d'un intérêt impérieux de protection de la santé publique, justifiée par les dangers particuliers liés à l'usage de ce procédé, ne méconnaît pas les articles 49 et 56 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne tels qu'interprétés par la Cour de justice de l'Union européenne.
20. Dès lors, les moyens doivent être écartés.
21. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
Crim. 10 mai 2022 n° 21-82.274
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° N 21-82.274 F-D
N° 00533
RB5 10 MAI 2022
CASSATION
Mme INGALL-MONTAGNIER conseiller le plus ancien faisant fonction de président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 10 MAI 2022
M. [N] [U], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes, chambre correctionnelle, en date du 12 février 2021, qui, dans la procédure suivie contre M. [E] [B] du chef de contravention de violences, a prononcé sur les intérêts civils.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Goanvic, conseiller, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de M. [N] [U], et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 mars 2022 où étaient présents Mme Ingall-Montagnier, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Goanvic, conseiller rapporteur, M. Samuel, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [N] [U] a été agressé sur son lieu de travail par M. [E] [B], employé dans la même entreprise.
3. Ce dernier a été poursuivi devant le tribunal de police qui l'a déclaré coupable de la contravention de violences.
4. La constitution de partie civile de M. [U] a été déclarée recevable et une expertise médicale a été ordonnée.
5. Statuant ultérieurement sur les demandes indemnitaires formées par la partie civile, le tribunal s'est déclaré incompétent pour statuer sur les demandes indemnitaires formées par la partie civile, au profit du pôle social de la juridiction.
6. M. [U] a relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a été prononcé à publicité restreinte, alors « que les audiences sont publiques ; que si la publicité restreinte a pu être admise pendant la période d'état d'urgence sanitaire, ce n'est que sous réserve d'une décision du président de la formation de jugement avant l'ouverture de l'audience la prononçant et d'une mention concernant l'affichage dans le tribunal ; qu'à défaut d'une telle décision et d'un tel affichage, dont il ne résulte ni des énonciations de l'arrêt ni de la procédure qu'ils soient intervenus, la règle d'ordre public de publicité devait prévaloir ; que l'arrêt a été prononcé en violation des articles 400 et 512 du code de procédure pénale, ensemble l'article 4 de l'ordonnance n° 2020-1401 du 18 novembre 2020. »
Réponse de la Cour
8. L'arrêt attaqué énonce qu'à l'audience publique du 15 janvier 2021, à laquelle M. [U], qui n'a pas comparu, était représenté par son conseil, la présidente a averti les parties que l'arrêt serait prononcé à l'audience du 12 février 2021 conformément à l'article 462 du code de procédure pénale.
9. Il précise qu'à cette date, l'arrêt a été prononcé à publicité restreinte.
10. En l'état de ces seules mentions, et dès lors qu'il résulte de l'article 4 de l'ordonnance n° 2020-1401 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière pénale, que, par dérogation aux règles de publicité définies par les articles 306 et 400 du code de procédure pénale, le président de la formation de jugement peut décider, avant l'ouverture de l'audience au cours de laquelle la décision doit être rendue, la publicité restreinte, l'arrêt n'encourt pas le grief allégué.
11. Ainsi, le moyen n'est pas fondé.
Mais sur le second moyen
Enoncé du moyen
12. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré la juridiction correctionnelle incompétente pour connaître des demandes indemnitaires formées par M. [U], au profit du pôle social du tribunal judiciaire de Nîmes, alors « que les dispositions propres à l'indemnisation des victimes d'infractions sont applicables aux victimes d'un accident du travail imputable à la faute intentionnelle de l'employeur ou de l'un de ses préposés ; qu'en déclinant sa compétence au profit du pôle social du tribunal judiciaire, motif pris de ce qu'il s'agissait d'un accident du travail dû à la faute intentionnelle d'un préposé de l'employeur, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article L. 452-5 du code de la sécurité sociale. »
Réponse de la cour
Vu les articles 2, 3 du code de procédure pénale et L. 452-5 du code de la sécurité sociale :
13. Selon les deux premiers de ces textes, l'action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction.
14. Selon le dernier, si l'accident est dû à la faute intentionnelle de l'employeur ou de l'un de ses préposés, la victime ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du livre IV code de la sécurité sociale.
15. Pour décliner la compétence de la juridiction répressive, l'arrêt énonce que M. [B] ayant été condamné pour des violences volontaires commises à l'encontre d'un copréposé sur le lieu et pendant le temps de travail et le caractère d'accident du travail de l'agression ayant été retenu, les demandes indemnitaires de la partie civile relèvent, en application de l'article L. 451-1 du code de la sécurité sociale, de la compétence exclusive du pôle social, compétent en matière d'indemnisation des dommages résultant d'un accident du travail, qu'ils soient ou non la conséquence d'une infraction intentionnelle, d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ou de sa faute inexcusable.
16. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que M. [U] avait été victime d'une faute intentionnelle d'un copréposé, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.
17. La cassation est encourue de ce chef.
Crim. 10 mai 2022 n° 21-86.891
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° F 21-86.891 F-D
N° 00536
RB5 10 MAI 2022
CASSATION
Mme INGALL-MONTAGNIER conseiller doyen faisant fonction de président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 10 MAI 2022
L'officier du ministère public près le tribunal de police des Sables-d'Olonne a formé un pourvoi contre le jugement dudit tribunal, en date du 20 octobre 2021, qui a prononcé sur la requête en incident contentieux présentée par M. [I] [N] dans la procédure suivie contre lui pour contravention au code de la route.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Sottet, conseiller, et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 mars 2022 où étaient présents Mme Ingall-Montagnier, conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Sottet, conseiller rapporteur, M. Samuel, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte du jugement attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [I] [N] a saisi le ministère public d'une contestation portant sur l'amende forfaitaire majorée consécutive à une contravention de conduite, sans port de la ceinture, d'un véhicule à moteur réceptionné avec cet équipement.
3. L'officier du ministère public a rejeté cette contestation.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Le moyen est pris de la violation de l'article 530 du code de procédure pénale.
5. Le moyen critique le jugement attaqué en ce qu'il a fait droit à la contestation de M. [N], alors que celle-ci avait été formée hors délai, le 6 décembre 2019, le ministère public ayant apporté la preuve que l'intéressé avait accusé réception, le 16 juin 2018, de la lettre 48 SI qui l'informait de l'amende forfaitaire majorée ayant sanctionné la contravention de conduite, sans port de ceinture de sécurité, d'un véhicule à moteur réceptionné avec cet équipement, constatée le 31 octobre 2017.
Réponse de la Cour
Vu les articles 530, alinéa 2, et 593 du code de procédure pénale :
6. Aux termes du premier de ces textes, dans les trente jours de l'envoi de l'avis invitant le contrevenant à payer l'amende forfaitaire majorée, l'intéressé peut former auprès du ministère public une réclamation motivée qui a pour effet d'annuler le titre exécutoire en ce qui concerne l'amende contestée. Cette réclamation reste recevable tant que la peine n'est pas prescrite, s'il ne résulte pas d'un acte d'exécution ou de tout autre moyen de preuve que l'intéressé a eu connaissance de l'amende forfaitaire majorée.
7. Il résulte du second que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
8. Pour faire droit à la réclamation de M. [N] et annuler en conséquence le titre exécutoire relatif à l'infraction relevée le 31 octobre 2017, le jugement attaqué énonce que la connaissance par l'intéressé de l'amende forfaitaire majorée prononcée n'est pas établie, la preuve de l'envoi d'un recommandé simple avec identification du numéro de celui-ci n'étant pas rapportée.
9. En se déterminant ainsi, sans se prononcer sur la preuve présentée par le ministère public au soutien de la connaissance par M. [N], plus de trente jours avant sa réclamation, de l'amende forfaitaire majorée contestée, le tribunal de police a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.
10. La cassation est par conséquent encourue.
Crim. 10 mai 2022 n° 22-81.043
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° V 22-81.043 F-D
N° 00671
ODVS 10 MAI 2022
REJET
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 10 MAI 2022
M. [S] [K] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 1er février 2022, qui l'a renvoyé devant la cour d'assises sous l'accusation de viol et agression sexuelle aggravés.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Coirre, conseiller, les observations de la SCP Richard, avocat de M. [S] [K], et les conclusions de M. Lesclous, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 mai 2022 où étaient présents M. Soulard, président, M. Coirre, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le juge d'instruction a renvoyé M. [S] [K] devant la cour d'assises des Bouches-du-Rhône des chefs susvisés.
3. M. [K] a interjeté appel de cette ordonnance.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
4. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
5. Le moyen est pris de la non conformité à la Constitution del'article 706-52, alinéa 5, et 706-52, alinéas 5 et 6, du code de procédure pénale.
6. Le moyen, en ses première et deuxième branches, critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné la mise en accusation de M. [K] devant la cour d'assises des Bouches-du-Rhône des chefs de viol et atteintes sexuelles sur mineur de quinze ans alors :
« 1°/ que selon l'article 706-52, alinéa 5, du code de procédure pénale, les parties, les avocats et les experts peuvent se voir refuser, sur décision discrétionnaire du juge d'instruction, de consulter l'enregistrement audiovisuel de l'audition d'un mineur victime de l'une des infractions mentionnées à l'article 706-47 du même code ; que l'arrêt attaqué a mis M. [K] en accusation des chefs de viol et atteintes sexuelles sur mineur de quinze ans, après qu'il s'est vu refuser, sur le fondement de l'article 706-52 précité, de consulter l'enregistrement audiovisuel de M. [V], mineur de quinze ans, qui l'a mis en cause ; qu'à la suite de la déclaration à intervenir, par le Conseil constitutionnel, de la non-conformité à la Constitution de l'article 706-52, alinéa 5, précité, sur la question prioritaire de constitutionnalité posée par mémoire distinct et motivé, l'arrêt attaqué, qui a ordonné la mise en accusation de M. [K], se trouvera dépourvu de fondement juridique, et ce en application des articles 61-1 et 62 de la Constitution du 4 octobre 1958 ;
2°/ que selon l'article 706-52, alinéas 5 et 6, du code de procédure pénale, les parties, les avocats et les experts peuvent se voir refuser, sur décision discrétionnaire du juge d'instruction, de consulter la copie de l'enregistrement audiovisuel de l'audition d'un mineur victime de l'une des infractions mentionnées à l'article 706-47 du même code ; que l'arrêt attaqué a mis M. [K] en accusation des chefs de viol et atteintes sexuelles sur mineur de quinze ans, après qu'il s'est vu refuser, sur le fondement de l'article 706-52 précité, de consulter la copie de l'enregistrement audiovisuel de M. [V], mineur de quinze ans, qui l'a mis en cause ; qu'à la suite de la déclaration à intervenir, par le Conseil constitutionnel, de la non-conformité à la Constitution de l'article 706-52, alinéas 5 et 6, précité, sur la question prioritaire de constitutionnalité posée par mémoire distinct et motivé, l'arrêt attaqué, qui a ordonné la mise en accusation de M. [K], se trouvera dépourvu de fondement juridique, et ce en application des articles 61-1 et 62 de la Constitution du 4 octobre 1958. »
Réponse de la Cour
7. Par arrêt de ce jour, la Cour de cassation a dit n'y avoir lieu à transmettre au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité.
8. Par conséquent, le moyen, pris en ses première et deuxième branches, est devenu sans objet.
9. La procédure est régulière et les faits, objet principal de l'accusation, sont qualifiés crime par la loi.
Crim. 10 mai 2022 n° 21-84.389
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° M 21-84.389 F-D
N° 00530
RB5 10 MAI 2022
REJET
Mme INGALL-MONTAGNIER conseiller le plus ancien faisant fonction de président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 10 MAI 2022
La société [1] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux, chambre correctionnelle, en date du 26 mai 2021, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 25 juin 2019, n° 18-83.843), pour infractions au code de l'urbanisme, l'a condamnée à 10 000 euros d'amende et a ordonné la remise en état des lieux sous astreinte.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Coirre, conseiller, les observations de la SCP Gouz-Fitoussi, avocat de la société [1], et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 mars 2022 où étaient présents Mme Ingall-Montagnier, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Coirre, conseiller rapporteur, M. Samuel, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. La société [1] a été poursuivie devant le tribunal correctionnel des chefs d'exécution de travaux non autorisés par le permis de construire et en violation du plan local d'urbanisme (PLU), en l'espèce pour avoir diminué les espaces verts prévus au profit de cinq places de stationnement, pour avoir marqué au sol deux places supplémentaires de stationnement et en n'ayant pas procédé à la plantation d'arbres.
3. Les juges du premier degré l'ont déclarée coupable.
4. La société prévenue et le procureur de la République ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement déféré sur le rejet de l'exception tirée de la prescription, alors :
« 1°/ qu'en matière d'urbanisme, les infractions d'exécution de travaux non autorisés par le permis de construire et en méconnaissance du plan local d'urbanisme, s'accomplissent pendant tout le temps où les travaux sont exécutés et jusqu'à leur achèvement et le délai de prescription de l'action publique commence à courir à compter de l'achèvement des travaux ; que les travaux sont achevés lorsque l'immeuble est en état d'être affecté à l'usage auquel il est destiné ; que la prescription de l'action publique constitue une exception péremptoire et d'ordre public ; qu'il appartient au ministère public d'établir que cette action n'est pas éteinte par la prescription ; qu'en affirmant qu'il appartenait au prévenu d'apporter la preuve de la date réelle d'achèvement des travaux, la cour d'appel a violé les articles L. 160-1, L. 421-1, L. 480-4 du code de l'urbanisme, 7, 8, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ qu'en matière d'urbanisme, les infractions d'exécution de travaux non autorisés par le permis de construire et en méconnaissance du plan local d'urbanisme, s'accomplissent pendant tout le temps où les travaux sont exécutés et jusqu'à leur achèvement et le délai de prescription de l'action publique commence à courir à compter de l'achèvement des travaux ; que les travaux sont achevés lorsque l'immeuble est en état d'être affecté à l'usage auquel il est destiné ; que la prescription de l'action publique constitue une exception péremptoire et d'ordre public ; qu'il appartient à la juridiction de s'assurer du moment où les délits ont été consommés et de fixer le point de départ de la prescription ; qu'en affirmant d'une part, que la date à laquelle l'ouvrage était en état d'être affecté à l'usage auquel il était destiné, point de départ de la prescription était le 8 août 2013 et d'autre part, dans ses motifs relatifs à l'infraction aux dispositions du plan local d'urbanisme qu'il convenait de se référer à la date du 8 juillet 2013 comme date à laquelle l'ouvrage a été effectué à l'usage auquel il était destiné, la cour d'appel qui s'est contredite a violé les articles L. 160-1, L. 421-1, L. 480-4 du code de l'urbanisme, 7, 8, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
6. Pour écarter l'exception de prescription, l'arrêt attaqué énonce que la société [1] a été créée en vue de la construction de dix logements, qu'elle a repris, le 8 septembre 2011, le permis de construire précédemment accordé, le 28 octobre 2010, à la société [3].
7. Les juges ajoutent que les travaux n'ont pu être réalisés qu'entre le 28 octobre 2010, date de délivrance du permis de construire et le 8 août 2013, date de constatation des aménagements réalisés sans permis.
8. Ils retiennent que, par courrier reçu en mairie le 24 novembre 2011, la société [1] a sollicité la mairie aux fins d'obtenir des renseignements en vue de la construction de places de stationnement supplémentaires.
9. Ils relèvent que la date de la déclaration attestant de l'achèvement et de la conformité des travaux, établie le 30 décembre 2011 par le maître d'ouvrage et reçue en mairie le 12 juillet 2012, ne peut être retenue, s'agissant de travaux effectués illicitement qui l'ont été nécessairement postérieurement, faute de quoi aucune conformité des travaux n'aurait pu être certifiée.
10. Les juges soulignent qu'aucune demande de permis modificatif en vue de la création de places de stationnement supplémentaires n'a été déposée avant le 13 juillet 2012, malgré l'information portée à la connaissance de la société [1] par la mairie de [Localité 2] le 12 janvier 2012.
11. Ils rappellent qu'il résulte de la plainte de Mme [P] [O] qu'elle a acquis de la société [1], le 30 mai 2013, trois places de stationnement extérieur qui n'ont aucune existence administrative ou juridique comme ayant été construites sans permis.
12. Ils observent également que la date de constatation des infractions du 8 août 2013 est la seule date certaine à laquelle l'ouvrage était en état d'être affecté à l'usage auquel il était destiné. 13. Les juges ajoutent que la prescription a été interrompue par le procès-verbal du 12 août 2013 relatant les constatations du 8 août 2013, puis par un soit-transmis du procureur de la République du 12 novembre 2013, par l'audition du gérant de la société [1] le 14 octobre 2014, par une citation délivrée le 27 novembre 2015 pour une audience qui s'est tenue, après renvoi, le 4 mai 2016, par le jugement correctionnel du 7 septembre 2016, et enfin par un arrêt de la chambre des appels correctionnels du 24 mai 2018.
14. Ils en concluent que moins de trois ans se sont écoulés entre chacun des actes indiqués et que la prescription a ainsi été interrompue.
15. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a apprécié, sans insuffisance ni contradiction, abstraction faite d'une erreur matérielle portant sur la date du 8 juillet au lieu du 8 août, et sans inverser la charge de la preuve, la date à laquelle l'ouvrage était en état d'être affecté à l'usage qui lui était destiné, a justifié sa décision.
16. Dès lors, le moyen doit être écarté.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
17. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rectifié la date de prévention en ce sens que l'infraction d'exécution de travaux sans permis de construire a été commise entre le 28 octobre 2010 et le 8 août 2013, alors « que le juge ne peut statuer que sur les faits dont il est saisi, à moins que le prévenu n'accepte d'être jugé sur des faits distincts de ceux visés par la prévention ; que la citation à comparaître notifiée à l'exposante, qui saisissait la cour d'appel, mentionnait qu'elle était poursuivie pour des faits commis d'août 2013 à août 2015 ; qu'en se fondant sur des faits commis entre le 28 octobre 2010 et le 8 août 2013, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que l'exposante avait accepté d'être jugée sur ces faits nouveaux mais uniquement qu'il avait été mis en mesure d'en débattre et ne se s'y était pas opposé, a, sous couvert de rectification d'erreur matérielle, outrepassé les limites de sa saisine, violant ainsi l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, de l'article préliminaire et des articles 388, 511, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
18. Pour rectifier l'erreur matérielle sur la date des faits mentionnée dans la citation, l'arrêt attaqué énonce que celle-ci vise des faits commis entre août 2013 et août 2015, alors que les travaux n'ont pu être réalisés qu'entre le 28 octobre 2010, date de délivrance du permis de construire, et le 8 août 2013, date de constatation des aménagements réalisés sans permis.
19. Les juges ajoutent que la possible rectification d'erreur matérielle a été mise dans le débat à l'audience, que l'avocat de la société prévenue ne s'y est pas opposé et a pu en débattre contradictoirement et que, malgré l'erreur de date, le gérant de celle-ci n'a pu se méprendre ni sur la nature ni sur l'étendue des accusations portées contre elle lorsqu'il a été entendu sur l'infraction relevée par le procès-verbal du 12 août 2013, qu'il s'est expliqué sur les places de stationnement, sur le permis sollicité le 20 août 2010, sur l'incidence du PLU et de sa modification en 2012, toutes dates corroborant une date de prévention comprise entre le 28 octobre 2010 et août 2013.
20. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est bornée à rectifier une erreur matérielle de date après l'avoir soumise au débat contradictoire, n'a pas méconnu l'étendue de sa saisine.
21. Ainsi, le moyen n'est pas fondé.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
22. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré la société [1] coupable de l'infraction d'exécution des travaux non autorisés par le permis de construire, a condamné la société [1] à une peine de 10 000 euros, a ordonné un délai de six mois à compter de la présente décision la mise en conformité des lieux et des travaux avec le permis de construire délivré le 28 octobre 2010 et ce conformément à la page 3 de la notice descriptive en date du 20 août 2010 et a fixé à 50 euros par jour de retard l'astreinte à payer par la société [1] à défaut pour cette dernière d'avoir procédé ou fait procéder à la mise en conformité dans le délai imparti, alors :
« 1°/ que nul n'est pénalement responsable que de son propre fait ; qu'en se bornant à affirmer que la société [1] était entrepreneur et responsable des travaux, sans établir qu'à la date où la société exposante a récupéré le permis de construire soit le 8 septembre 2011 les travaux n'étaient pas d'ores et déjà terminés, la cour d'appel a violé l'article 121-1 du code pénal ;
2°/ que n'est pas pénalement responsable la personne qui justifie avoir cru, par erreur sur le droit qu'elle n'était pas en mesure d'éviter, pouvoir légitimement accomplir l'acte ; que l'exposante soutenait que par un courrier du 21 novembre 2010, elle avait écrit au maire afin de lui indiquer qu'elle s'était renseignée s'agissant de places de parkings supplémentaires et que M. [D] lui avait indiqué par téléphone qu'aucune demande était nécessaire dans la mesure ou c'était un parking privé et lui demander une confirmation écrite ; qu'elle soutenait qu'elle avait la certitude que les travaux ne nécessitaient aucune déclaration complémentaire ; qu'en refusant de considérer que la lettre du 21 novembre 2010 démontrait que la société [1] avait cru par erreur sur le droit que les places de parkings supplémentaires ne nécessitait aucun permis modification, la cour d'appel a violé l'article 122-3 du code pénal. »
Réponse de la Cour
23. Pour caractériser la responsabilité de la société prévenue, l'arrêt attaqué énonce qu'elle a sollicité la mairie de [Localité 2] par courrier reçu le 24 novembre 2011 pour obtenir des renseignements sur les formalités à accomplir pour la création de places de stationnement supplémentaires, qu'elle a reçu, le 12 janvier 2012, un courrier de la mairie l'invitant à déposer une demande de permis modificatif, qu'elle a fait une déclaration d'achèvement des travaux portant la date du 30 décembre 2011 reçue en mairie le 12 juillet 2012 et qu'elle n'a déposé une demande de permis modificatif que le 24 octobre 2013, soit après la constatation des infractions effectuée le 8 août 2013.
24. Les juges ajoutent que M. [C], gérant de la société prévenue, a déclaré qu'il lui restait de l'espace supplémentaire et qu'il avait donc voulu créer deux nouvelles places de stationnement et que l'élément matériel de l'infraction n'est pas contesté.
25. Pour exclure, par ailleurs, l'erreur de droit et caractériser l'élément intentionnel de l'infraction d'exécution de travaux sans permis de construire, l'arrêt attaqué énonce que la société [1] ne saurait se retrancher derrière la responsabilité de l'architecte qu'elle n'établit pas avoir mandaté pour déposer un permis modificatif.
26. Les juges ajoutent que cette société, qui avait interrogé la mairie par lettre reçue le 24 novembre 2011 sur les démarches à entreprendre pour construire des places de stationnement complémentaires, a fait fi de sa réponse du 12 janvier 2012 l'invitant à déposer un permis de construire modificatif avant la déclaration d'achèvement des travaux, et qu'elle ne saurait ainsi alléguer de sa bonne foi.
27. Ils relèvent également que la société prévenue, qui a envoyé une déclaration d'achèvement de travaux le 30 décembre 2011, n'a déposé une demande de permis de construire modificatif que le 24 octobre 2013, après la constatation de l'infraction le 8 août 2013, de sorte qu'elle ne pouvait ignorer en tant que professionnel, maître d'ouvrage, la nécessité d'effectuer les travaux conformément au permis de construire.
28. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé l'élément moral du délit d'exécution de travaux sans permis de construire, a justifié sa décision.
29. Dès lors, le moyen ne peut qu'être écarté.
Sur le quatrième moyen
Enoncé du moyen
30. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré la société [1] coupable de l'infraction d'exécution des travaux en infraction des dispositions du plan local d'urbanisme, a condamné la société [1] à une peine de 10 000 euros, a ordonné un délai de six mois à compter de la présente décision la mise en conformité des lieux et des travaux avec le permis de construire délivré le 28 octobre 2010 et ce conformément à la page 3 de la notice descriptive en date du 20 août 2010 et a fixé à 50 euros par jour de retard l'astreinte à payer par la société [1] à défaut pour cette dernière d'avoir procédé ou fait procéder à la mise en conformité dans le délai imparti, alors « que seuls sont punissables les faits constitutifs d'une infraction à la date à laquelle ils ont été commis ; qu'en affirmant que l'existence des infractions a été constatée le 8 juillet 2013 pour en déduire que la SCCV [1] avait méconnu le PLU modifié le 28 septembre 2012, sans déterminer, comme elle y était invitée, si les constructions reprochées à la société [1] n'avaient pas été achevées avant l'entrée en vigueur du PLU, approuvé le 28 septembre 2012, la cour d'appel a violé l'article L.610-1 du code de l'urbanisme et les article 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
31. Pour déclarer le prévenu coupable d'exécution de travaux en méconnaissance du PLU, l'arrêt attaqué énonce que ce plan a été modifié et publié le 12 octobre 2012 et que la conformité d'une construction au PLU s'apprécie par rapport à celui qui est en vigueur lors de la délivrance du permis de construire, lequel, daté du 28 octobre 2010, n'a en l'espèce pas été délivré pour les places de stationnement supplémentaires.
32. Les juges ajoutent que la date de la déclaration d'achèvement des travaux du 30 décembre 2011, voire celle de la réception de ce document par la mairie, le 12 juillet 2012, ne saurait être retenue, les travaux réalisés illicitement l'ayant été postérieurement, dans la mesure où la conformité au permis de construire n'aurait pu être certifiée.
33. Ils relèvent que la demande de permis modificatif en vue de la création de places de stationnement supplémentaires a été déposée le 24 octobre 2013 alors que, le 30 mai 2013, des places de stationnement sans existence juridique, puisque sans permis, ont été vendues à Mme [O].
34. Ils concluent que la date du 8 août 2013, postérieure à la modification du PLU intervenue le 28 septembre 2012, doit être retenue comme étant la date des constatations effectuées et celle à laquelle l'ouvrage était en état d'être affecté à l'usage auquel il était destiné.
35. En l'état de ces énonciations relevant de son appréciation souveraine, d'où il résulte que les travaux ne pouvaient être considérés comme achevés avant l'entrée en vigueur du PLU modifié le 28 septembre 2012, la cour d'appel a justifié sa décision.
36. Ainsi, le moyen n'est pas fondé.
Sur le cinquième moyen
Enoncé du moyen 37. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné un délai de six mois à compter de la présente décision la mise en conformité des lieux et des travaux avec le permis de construire délivré le 28 octobre 2010 et ce conformément à la page 3 de la notice descriptive en date du 20 août 2010 et a fixé à 50 euros par jour de retard l'astreinte à payer par la société [1] à défaut pour cette dernière d'avoir procédé ou fait procéder à la mise en conformité dans le délai imparti, alors « que seul le bénéficiaire des travaux irréguliers ou de l'utilisation irrégulière du sol peut être condamné à des mesures de démolition, de mise en conformité ou de réaffectation ; qu'en condamnant la société [1] à la mise en conformité des lieux, peu important que le bien ne lui ait plus appartenu, la cour d'appel a violé les articles L. 480-5 et L. 480-7 du code de l'urbanisme et 591 et 593 du code de procédure pénale.
Réponse de la Cour
38. Pour ordonner la mise en conformité des lieux sous astreinte, l'arrêt attaqué énonce que la société [1] a été constituée en vue de la construction de dix logements et de leur vente en l'état futur d'achèvement, que le permis de construire, initialement délivré le 28 octobre 2010 à la société [3], lui a été transféré le 8 septembre 2011.
39. Les juges ajoutent que la société prévenue a sollicité la mairie, par lettre reçue le 24 novembre 2011, pour construire des places de stationnement supplémentaires, qu'elle a fait une déclaration d'achèvement des travaux datée du 30 décembre 2011 reçue en mairie le 13 juillet 2012, puis qu'elle a déposé des demandes de permis modificatifs les 24 octobre 2013 et 15 octobre 2014.
40. Ils relèvent également que, par acte notarié du 30 mai 2013, Mme [O] a acquis auprès de la société [1] trois places de stationnement construites sans permis.
41. Ils retiennent enfin que les mesures de restitution suivent le bien en quelque main qu'il passe et peuvent être exécutées alors que le bien a été cédé à un tiers de bonne foi, que la société [1] ne saurait s'opposer à la mise en conformité des travaux avec le permis de construire initial au motif que le bien ne lui appartient plus, que le préfet de la Gironde a sollicité la mise en conformité, la situation n'étant pas régularisable, et que les constructeurs troublent l'ordre public par la violation des règles d'urbanisme en ne préservant ni l'environnement ni les conditions d'occupation des sols et de l'espace.
42. En statuant ainsi, par des motifs dont il résulte que la société prévenue, promoteur immobilier et propriétaire de l'ouvrage, était le bénéficiaire des travaux, la cour d'appel a justifié sa décision.
43. Dès lors, le moyen doit être écarté.
44. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
Crim. 21 avril 2022 n° 21-86.170
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° X 21-86.170 F-D
N° 00653
21 AVRIL 2022
ECF
NON LIEU À RENVOI
M. DE LAROSIÈRE DE CHAMPFEU conseiller le plus ancien faisant fonction de président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 21 AVRIL 2022
M. [J] [G] a présenté, par mémoire spécial reçu le 1er février 2022, une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi formé par lui contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 18e chambre, en date du 4 octobre 2021, qui, pour violences aggravées, l'a condamné à deux mois d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils.
Sur le rapport de M. Laurent, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [J] [G], et les conclusions de M. Bougy, avocat général, après débats en l'audience publique du 21 avril 2022 où étaient présents M. de Larosière de Champfeu, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Laurent, conseiller rapporteur, Mme Slove, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
Il est demandé de « renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité tirée de la non-conformité aux droits de la défense tels qu'ils sont constitutionnellement garantis par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et au principe d'égalité protégé par les articles 1er et 6 de la Déclaration des droits de l'homme et 1er de la Constitution des dispositions combinées des articles 503-1 et 558, alinéas 2 et 4, du code de procédure pénale, permettant la convocation du prévenu appelant à son domicile déclaré par lettre simple (article 558, alinéa 4), et ce sans que le retour du récépissé prévu par l'article 558, alinéa 4, du code de procédure pénal ne soit nécessaire pour produire les effets d'une signification à personne. »
2. Les dispositions législatives contestées sont applicables à la procédure et n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.
3. La question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.
4. La question posée ne présente pas un caractère sérieux, pour les raisons qui suivent.
5. En premier lieu, les dispositions législatives contestées, qui, d'une part, laissent au prévenu appelant le choix de l'adresse à laquelle il entend recevoir les citations et significations lui étant destinées, d'autre part, imposent à la cour d'appel de vérifier que l'huissier de justice s'est transporté à cette adresse et, n'y ayant trouvé personne, a accompli les diligences prévues par l'article 558, alinéas 2 et 4, du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009, sont conformes à l'objectif de valeur constitutionnelle d'une bonne administration de la justice et ne portent pas une atteinte disproportionnée aux droits de la défense.
6. En second lieu, le choix fait par l'huissier de justice d'envoyer à la personne qu'il n'a pu rencontrer à son adresse déclarée la lettre simple prévue par l'article 558, alinéa 4, du code de procédure pénale, plutôt que la lettre recommandée avec demande d'avis de réception prévue par l'alinéa 2 du même article, n'affecte pas les droits du destinataire et ne porte pas atteinte au principe d'égalité.
7. En effet, si l'huissier de justice a accompli les diligences prévues par les articles 503-1 et 558 du code de procédure pénale, le prévenu est jugé contradictoirement, qu'il ait été rendu destinataire d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou d'une lettre simple, aucune différence n'affectant le défaut de réception du courrier, quel que soit son mode d'expédition.
8. En conséquence il n'y a pas lieu de renvoyer la question au Conseil constitutionnel.
Crim. 21 avril 2022 n° 21-82.247
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° G 21-82.247 F-D
N° 00515
MAS2 21 AVRIL 2022
CASSATION
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 21 AVRIL 2022
Mme [M] [R] et M. [P] [G] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 9e chambre, en date du 26 mars 2021, qui, pour traite des êtres humains, travail dissimulé, emploi d'un étranger non muni d'une autorisation de travail salarié, infractions à la législation des étrangers, les a condamnés, chacun, à deux ans d'emprisonnement avec sursis probatoire, a ordonné une mesure de confiscation, et a prononcé sur les intérêts civils.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Un mémoire ampliatif, commun aux demandeurs, et un mémoire en défense ont été produits.
Sur le rapport de Mme Barbé, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [M] [R] et M. [P] [G], les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de l'association Comité contre l'esclavage moderne et M. [N], et les conclusions de M. Salomon, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 mars 2022 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Barbé, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Par jugement du 21 octobre 2019, le tribunal correctionnel a notamment condamné Mme [M] [R] et M. [P] [G] pour traite des êtres humains, travail dissimulé, emploi d'un étranger non muni d'une autorisation de travail salarié, infractions à la législation des étrangers, chacun à deux ans d'emprisonnement délictuel avec sursis et mise à l'épreuve, devenu sursis probatoire, d'une durée de trois ans. Il a ordonné la confiscation des scellés et prononcé sur les intérêts civils.
3. Mme [R], M. [G], la partie civile ont relevé appel principal de cette décision, le ministère public appel incident à l'encontre des deux prévenus.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de renvoi sollicitée par les avocats de Mme [R] et M. [G], alors :
« 1°/ que la règle selon laquelle le prévenu ou son conseil ont toujours la parole en dernier est applicable à tout incident qui n'est pas joint au fond ; qu'en l'espèce il ressort des mentions de l'arrêt que, lors de l'audience consacrée aux débats, la cour après avoir délibéré sur la demande de renvoi, a retenu l'affaire ; que pourtant lors des débats sur cette demande de renvoi qui ont précédé la décision ainsi prise sur le siège, distincte de la décision au fond, les prévenus ou leurs conseils n'ont pas eu la parole en dernier, en violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et des articles 513 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que tout accusé a droit à disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ; qu'en rejetant la demande de renvoi fondée sur la communication tardive des conclusions des parties civiles sans motiver sa décision, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale et a violé les articles préliminaires et 593 du code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
3°/ que tout accusé a droit à disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ; que la communication d'écritures la veille de l'audience ne permet pas au prévenu de disposer du temps nécessaire pour y répondre ; qu'en rejetant la demande de renvoi fondée sur le caractère tardif de la communication des conclusions des parties civiles, la chambre de l'instruction a violé les articles préliminaire et 593 du code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
4°/ que tout accusé a droit à disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense et de se défendre lui-même ; qu'en rejetant la demande de renvoi fondée sur l'heure tardive et la fatigue de M. [G] et Mme [R], respectivement âgés de 80 et 76 ans, au seul motif que « les prévenus avaient souhaité se déplacer malgré les certificats médicaux déposés tardivement devant la cour », la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale et a violé les articles préliminaire et 593 du code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 513, alinéa 4, du code de procédure pénale :
5. Selon ce texte, le prévenu ou son avocat auront toujours la parole les derniers. Cette règle s'applique à tout incident dès lors qu'il n'est pas joint au fond.
6. Il résulte des mentions de l'arrêt attaqué qu'il a été statué, au cours des débats, sur la demande de renvoi présentée par la défense, pour la rejeter, sans que les prévenus, présents à l'audience, aient eu la parole en dernier, sur cette demande.
7. En prononçant ainsi, alors que l'incident n'avait pas été joint au fond, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.
8. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Crim. 21 avril 2022 n° 22-80.943
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° M 22-80.943 F-D
N° 00655
21 AVRIL 2022
ECF
IRRECEVABILITÉ
M. DE LAROSIÈRE DE CHAMPFEU conseiller le plus ancien faisant fonction de président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 21 AVRIL 2022
M. [V] [H] a présenté, par mémoire spécial reçu le 17 mars 2022, une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi formé par lui contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Montpellier, en date du 20 janvier 2022, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de violation de domicile, infractions à la législation sur les stupéfiants, importation de stupéfiants et association de malfaiteurs, en récidive, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant sa détention provisoire.
Sur le rapport de M. Laurent, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [V] [H], et les conclusions de M. Bougy, avocat général, après débats en l'audience publique du 21 avril 2022 où étaient présents M. de Larosière de Champfeu, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Laurent, conseiller rapporteur, Mme Slove, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« L'article 115 du code de procédure pénale tel qu'interprété par la Cour de cassation comme ne prévoyant l'envoi des convocations et notifications « qu'aux avocats nommément désignés par les parties, ce dont il se déduit que le juge d'instruction n'est tenu de délivrer un permis de communiquer qu'à ces derniers » à l'exclusion de leurs collaborateurs ou associés, est-il conforme aux droits de la défense garantis par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, au principe d'égalité devant la justice posé par l'article 6 de la même Déclaration et à l'objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice qui résulte des articles 12, 15 et 16 de la Déclaration de 1789 ? ».
2. Selon les termes de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis est présenté dans un mémoire distinct et motivé.
3. Il s'ensuit que, lorsque la question prioritaire de constitutionnalité est soulevée à l'occasion d'un pourvoi, le mémoire qui la présente doit être déposé dans le délai d'instruction de ce pourvoi.
4. Selon l'article 567-2 du code de procédure pénale, lorsque le pourvoi est formé contre un arrêt de la chambre de l'instruction ou de la chambre correctionnelle de la cour d'appel rendu en matière de détention provisoire, le demandeur ou son avocat doit, à peine de déchéance, déposer son mémoire exposant les moyens de cassation dans le délai d'un mois à compter de la réception du dossier, sauf délai supplémentaire de huit jours accordé à titre exceptionnel par le président de la chambre criminelle. Après l'expiration de ce délai, aucun moyen nouveau ne peut être soulevé par lui et il ne peut plus être déposé de mémoire.
5. En application du principe énoncé au paragraphe 3, le mémoire additionnel posant une question prioritaire de constitutionnalité doit être déposé, sous peine d'irrecevabilité, dans le délai prévu à l'article 567-2 précité.
6. En l'espèce, le dossier de la procédure est parvenu au greffe de la Cour de cassation le 10 février 2022.
7. Un mémoire ampliatif a été déposé le 10 mars 2022.
8. Le mémoire spécial contenant la présente question prioritaire de constitutionnalité n'a été reçu que le 17 mars 2022, après l'expiration, le 10 mars 2022, du délai d'un mois visé au paragraphe 4 et sans qu'un délai supplémentaire ait été accordé.
9. Il s'ensuit que, ce mémoire étant irrecevable, la question prioritaire de constitutionnalité doit être déclarée irrecevable.
Crim. 20 avril 2022 n° 22-90.003
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° J 22-90.003 F-D
N° 00635
20 AVRIL 2022
RB5
RENVOI NON-LIEU A RENVOI
M. BONNAL conseiller le plus ancien faisant fonction de président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 20 AVRIL 2022
La chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 3e section, par arrêt en date du 7 décembre 2021, reçu le 9 février 2022 à la Cour de cassation, a transmis une question prioritaire de constitutionnalité dans la procédure suivie contre M. [Z] [L] du chef d'infractions à la législation sur les stupéfiants.
Des observations ont été produites.
Sur le rapport de Mme Labrousse, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [Z] [L], et les conclusions de M. Desportes, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 20 avril 2022 où étaient présents M. Bonnal, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Labrousse, conseiller rapporteur, M. Maziau, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« Les dispositions combinées des articles 60-1, alinéa 2, 60-2, alinéas 1, 3 et 4, 99-3 et 99-4 alinéa 1er du code de procédure pénale, qui permettent aux officiers de police judiciaire sur commission rogatoire d'un magistrat instructeur dans le cadre d'une information judiciaire d'accéder à des données de connexion par le biais de réquisitions faites aux opérateurs de télécommunication, sont-elles inconstitutionnelles en ce qu'elles violeraient le droit au respect de la vie privée garanti par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ? ».
Sur la question en tant qu'elle vise les articles 60-1, alinéa 2, et l'article 60-2, alinéas 1, 3 et 4, du code de procédure pénale
2. Le Conseil constitutionnel est déjà saisi de cette question prioritaire de constitutionnalité, renvoyée par la Cour de cassation et mettant en cause, pour les mêmes motifs, la constitutionnalité desdits articles dans leur version issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 applicable au présent litige (Crim., 8 mars 2022, QPC n° 21-90.046).
3. Il convient, en conséquence, en application de l'article R. 49-33 du code de procédure pénale, de ne pas renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.
Sur la question en tant qu'elle vise les articles 99-3 et 99-4, alinéa 1er, du code de procédure pénale
4. Les dispositions législatives contestées, dans leur version issue, pour la première, de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 et, pour la seconde, de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004, sont applicables à la procédure et n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.
5. La question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.
6. La question posée présente un caractère sérieux en ce que les articles 99-3 et 99-4 du code de procédure pénale, qui autorisent le juge d'instruction à requérir la communication de données de connexion de nature à permettre de tirer des conclusions précises sur la vie privée de la ou des personnes concernées, quelle que soit la gravité des infractions poursuivies, sont susceptibles de porter une atteinte excessive aux droits et aux libertés protégés par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
7. En conséquence, il y a lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.
Crim. 20 avril 2022 n° 22-90.002
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° G 22-90.002 F-D
N° 00634
20 AVRIL 2022
RB5
NON LIEU À RENVOI
M. BONNAL conseiller le plus ancien faisant fonction de président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 20 AVRIL 2022
La cour d'appel de Nancy, chambre correctionnelle, par arrêt en date du 27 janvier 2022, reçu le 31 janvier 2022 à la Cour de cassation, a transmis une question prioritaire de constitutionnalité dans la procédure suivie contre Mme [X] [M] des chefs de détention de marchandise contrefaisante et de contrefaçon de marque.
Sur le rapport de Mme Thomas, conseiller, et les conclusions de M. Desportes, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 20 avril 2022 où étaient présents M. Bonnal, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Thomas, conseiller rapporteur, M. Maziau, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« Les dispositions des articles 63-1, 63-4-2, 56 et 57 du code de procédure pénale, lesquelles n'imposent pas la notification du droit au silence et l'assistance d'un avocat lors d'une perquisition à laquelle assiste la personne gardée à vue au cours de laquelle elle peut être amenée à faire des déclarations auto-incriminantes, méconnaissent-elles les droits et libertés constitutionnellement garantis, et plus particulièrement les articles 9 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ? ».
2. Les dispositions législatives contestées sont applicables à la procédure.
3. L'article 63-4-2 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 en vigueur à la date des faits, a déjà été déclaré conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif de la décision n° 2011-191/194/195/196/197 QPC du 18 novembre 2011 du Conseil constitutionnel.
4. Dès lors, le Conseil constitutionnel ne peut à nouveau être saisi de la conformité à la Constitution de cette disposition, sauf changement de circonstances qui n'est ni allégué ni établi.
5. Les articles 63-1, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-535 du 27 mai 2014, 56 et 57 du code de procédure pénale, dans leur rédaction issue de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016, en vigueur à la date des faits, n'ont pas déjà été déclarés conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.
6. En tant qu'elle concerne ces dernières dispositions, la question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.
7. La question posée ne présente pas un caractère sérieux, dès lors que la personne gardée à vue se voit notifier, dès le début de la mesure de garde à vue, le droit de se taire au cours de ses auditions, que l'objet d'une mesure de perquisition tend à la recherche d'indices de commission d'une infraction et non au recueil de déclarations de la personne gardée à vue, sous la réserve des réponses non incriminantes qu'elle peut faire aux questions posées sur le fondement de l'article 54, dernier alinéa, du code de procédure pénale en vue de la reconnaissance des objets saisis, qui ne constituent pas des auditions, et que le Conseil constitutionnel, comme la Cour de cassation, prohibent l'interrogatoire ou le recueil de déclarations de la personne qui serait réalisé en dehors du cadre légal de l'audition de garde à vue et ferait l'objet, dans la procédure, d'un acte de transcription des propos tenus à cette occasion.
8. Il n'y a donc pas lieu de renvoyer la question au Conseil constitutionnel.
Crim. 20 avril 2022 n° 21-84.888
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° D 21-84.888 F-D
N° 00481
SL2 20 AVRIL 2022
ANNULATION
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 20 AVRIL 2022
Mme [C] [Z] a formé un pourvoi contre l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rouen, en date du 9 juillet 2021, qui, dans l'information suivie contre elle du chef de violences aggravées, a dit n'y avoir lieu de saisir la chambre de l'instruction de son appel de l'ordonnance du juge d'instruction rejetant sa demande de contre-expertise.
Par ordonnance en date du 6 décembre 2021, le président de la chambre criminelle a ordonné la transmission du pourvoi à la chambre criminelle.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Thomas, conseiller, les observations de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de Mme [C] [Z], et les conclusions de M. Croizier, avocat général, après débats en l'audience publique du 22 mars 2022 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Thomas, conseiller rapporteur, M. Bonnal, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'ordonnance attaquée et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. À la suite d'un signalement pour suspicion de violences sur l'enfant [J] [F], une enquête, puis une information judiciaire ont été ouvertes, dans le cadre desquelles ont été successivement déposés un rapport d'examen médico-légal, puis un rapport d'expertise médico-légale.
3. La mère de l'enfant, Mme [C] [Z], mise en examen, a sollicité une contre-expertise.
4. Par ordonnance du 2 juin 2021, le juge d'instruction a rejeté sa demande.
5. Mme [Z] a formé appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu de saisir la chambre de l'instruction, alors « qu'en cas d'appel d'une ordonnance rejetant une demande de contre-expertise, rendue en application de l'article 167, alinéa 4, du code de procédure pénale, le président de la chambre de l'instruction ne peut décider s'il y a lieu ou non de saisir la chambre de l'instruction de cet appel, ainsi que le prévoit le second, mais peut seulement décider de sa non-admission dans les cas énumérés au premier et notamment lorsque l'appel est tardif ; qu'en décidant, par une ordonnance insusceptible de recours, qu'il n'y avait pas lieu de saisir la chambre de l'instruction de l'appel formé contre une ordonnance du juge d'instruction ayant rejeté une demande de contre-expertise, le président de la chambre de l'instruction a commis un excès de pouvoir, en violation des articles 167, 186, 186-1, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 186, dernier alinéa, et 186-1 du code de procédure pénale :
7. Il résulte de ces textes que, en cas d'appel d'une ordonnance rejetant une demande de contre-expertise, rendue en application de l'article 167, alinéa 4, du même code, le président de la chambre de l'instruction ne peut décider s'il y a lieu ou non de saisir la chambre de l'instruction de cet appel, ainsi que le prévoit le second, mais peut seulement décider de sa non-admission dans les cas énumérés au premier et notamment lorsque l'appel est tardif.
8. Pour dire que la chambre de l'instruction ne sera pas saisie de l'appel formé par Mme [Z] de l'ordonnance du juge d'instruction rejetant sa demande de contre-expertise médico-légale, l'ordonnance attaquée énonce qu'en présence de deux expertises médicales successives aboutissant à des conclusions concordantes, dont l'une effectuée par un médecin légiste qui n'a pas participé à la rédaction des recommandations de la Haute autorité de santé sur le syndrome du bébé secoué et l'autre effectuée par des experts qui ont argumenté leurs conclusions selon une méthode qui s'appuie sur des avis d'experts et une analyse de la littérature internationale encadrée par la Haute autorité de santé avec l'aide de méthodologistes, la demande de contre-expertise n'apparaît pas nécessaire à la manifestation de la vérité, d'autant que les conclusions des experts sont confortées par les éléments de l'enquête.
9. En statuant ainsi, alors que la décision statuant sur la demande de contre-expertise n'entre pas dans les prévisions de l'article 186-1 du code de procédure pénale, le président de la chambre de l'instruction a excédé ses pouvoirs.
10. L'annulation est de ce fait encourue.
11. Elle aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.
Crim. 20 avril 2022 n° 21-82.711
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° N 21-82.711 F-D
N° 00486
SL2 20 AVRIL 2022
REJET
M. SOULARD président,
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 20 AVRIL 2022
M. [G] [J], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Basse-Terre, en date du 4 février 2021, qui a confirmé l'ordonnance de non informer du juge d'instruction sur sa plainte du chef de recel.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Thomas, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [G] [J], et les conclusions de M. Croizier, avocat général, après débats en l'audience publique du 22 mars 2022 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Thomas, conseiller rapporteur, M. Bonnal, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 22 décembre 2016, M. [G] [J], détenteur d'intérêts dans le groupe [3], a porté plainte et s'est constitué partie civile de divers chefs, parmi lesquels celui de recel d'escroquerie au jugement, arguant de fraude la cession, sur décision en date du 1er juin 2001 du tribunal de commerce saisi du redressement judiciaire de la société [5] contrôlée par le groupe [3], au profit de la société [2], d'un ensemble immobilier hôtelier sis en Guadeloupe, les biens étant, depuis lors, susceptibles d'avoir été acquis par d'autres sociétés, parmi lesquelles les sociétés [1] et [4], en pleine connaissance, par leurs dirigeants, de l'origine frauduleuse des biens.
3. Par arrêt du 15 juin 2017, la chambre de l'instruction a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction de non informer du fait de la prescription des faits, sauf en ce qui concerne les faits de recel d'escroquerie, leur imprécision ne permettant pas de conclure à l'acquisition de la prescription les concernant.
4. Après audition de la partie civile, le juge d'instruction a, le 20 février 2020, rendu une nouvelle ordonnance de non informer sur les faits de recel d'escroquerie au jugement.
5. M. [J] a relevé appel de cette ordonnance.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
6. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance de non-lieu à informer, alors :
« 2/° qu'en retenant, par motifs propres, qu'il n'existe pas d'élément de preuve quant à la matérialité de l'infraction de recel qui pourrait être reprochée à la société [4], sans rechercher si le dirigeant de cette société, bénéficiaire d'une promesse de vente des actifs immobiliers de la société [2], n'avait pas été informé de leur origine frauduleuse, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale, au regard des articles 176 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
8. Pour confirmer l'ordonnance de non informer du juge d'instruction, l'arrêt attaqué énonce qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier de la procédure que la propriété des biens aurait été transférée à la société [1], qu'au contraire, les écritures de la partie civile font état de la non-réalisation de cette vente, de sorte qu'il n'existe pas d'élément de preuve quant à la matérialité de l'infraction de recel qui pourrait être reprochée à cette société, pas plus qu'à la société [4].
9. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction, qui s'est fondée sur des pièces figurant au dossier de la procédure, a justifié sa décision en ce qu'elle a conclu au non-lieu à informer ab initio sur le fondement de l'article 86, alinéa 4, deuxième phrase, du code de procédure pénale.
10. En effet, dès lors que la société [4] a exclusivement été mise en cause comme étant intervenue pour le compte de la société [1] afin de commercialiser les lots obtenus après division par celle-ci de l'ensemble immobilier en appartements, et que, par ailleurs, la partie civile affirme que la promesse de vente de ces biens dont était bénéficiaire cette société n'a jamais été suivie de la vente, mettant ainsi à néant la possibilité qu'elle ait obtenu les biens par le truchement frauduleux dénoncé, il s'en déduit que la société [4] n'a pu commettre, par suite, les faits de recel qui lui sont imputés.
11. Dès lors, le grief doit être écarté.
12. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.
Crim. 20 avril 2022 n° 21-81.992
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° F 21-81.992 F-D
N° 00493
SL2 20 AVRIL 2022
CASSATION
M. SOULARD président,
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 20 AVRIL 2022
M. [N] [O] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 4-10, en date du 11 décembre 2020, qui a prononcé sur sa requête en incident contentieux d'exécution.
Un mémoire personnel et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Dary, conseiller, et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 22 mars 2022 où étaient présents M. Soulard, président, M. Dary, conseiller rapporteur, M. Bonnal, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le 25 janvier 2018, M. [N] [O] a saisi le tribunal de police d'une requête en incident contentieux d'exécution, à la suite de la réception d'un avis d'opposition administrative du 15 janvier 2015 ayant pour objet le recouvrement de quarante amendes forfaitaires majorées relatives à des contraventions au code de la route et à raison duquel le requérant avait, le 11 janvier 2016, adressé à l'officier du ministère public une contestation qui a été rejetée.
3. Le tribunal, par jugement du 9 mai 2018, a déclaré la requête recevable, a dit bien fondée la décision de l'officier du ministère public de ne pas donner suite à la réclamation du requérant, celle-ci n'ayant pas été adressée dans les formes et délais prévus à l'article 530 du code de procédure pénale et a rejeté le surplus de sa requête comme ne relevant pas de sa compétence.
4. Le requérant et le ministère public ont relevé appel de cette décision.
5. M. [O] a régulièrement déposé des conclusions sollicitant de la cour d'appel qu'elle se prononce, d'une part, sur la prescription tant de l'action publique que des amendes forfaitaires majorées, d'autre part, subsidiairement, sur l'irrégularité de la procédure de recouvrement desdites amendes.
Examen des moyens
Enoncé des moyens
6. Le premier moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement entrepris, alors que, régulièrement saisi de conclusions, prises de la prescription tant de l'action publique que des amendes forfaitaires majorées, la cour d'appel a omis d'y répondre, en violation des articles 9 et 133-4 du code de procédure pénale.
7. Le deuxième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté les exceptions de nullités, en adoptant les motifs du premier juge alors que celui-ci n'avait pas statué sur de telles exceptions et que ne figure aucune mention en ce sens dans le jugement du 9 mai 2018, en violation des articles 455 et 458 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme.
8. Le troisième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré la requête en incident contentieux irrecevable, aux motifs que, n'ayant pas effectué le changement d'adresse sur son certificat d'immatriculation, le contrevenant s'est mis dans l'impossibilité de recevoir les actes de poursuite du Trésor Public s'agissant des deux contraventions visées en prévention, et ce, en violation des articles 455 et 458 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, alors :
1°/ que cet élément de fait ne résulte ni de la procédure ni du moindre document versé aux débats et qu'il n'a jamais été soulevé ni fait l'objet d'un débat contradictoire ;
2°/ que la requête était recevable en application de l'article 530 du code de procédure pénale tel qu'interprété par la Cour de cassation ;
3°/ qu'une requête en incident contentieux est recevable lorsque le demandeur prétend que l'avis d'amende forfaitaire majoré ne lui pas été envoyé ; qu'il appartient au juge de vérifier la preuve de cet envoi.
Réponse de la Cour
9. Les moyens sont réunis.
Vu les articles 427 et 593 du code de procédure pénale :
10. Selon le premier de ces textes, le juge ne peut fonder sa décision que sur des preuves qui lui sont rapportées au cours des débats et contradictoirement discutées devant lui.
11. Aux termes du second, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
12. Pour confirmer le jugement ayant déclaré la requête en incident contentieux recevable et la rejeter, l'arrêt attaqué, tout abord, adopte les motifs du premier juge en ce qu'il a rejeté les exceptions de nullité.
13. Le juge retient, ensuite, sur le fond, que, n'ayant pas effectué le changement d'adresse sur son certificat d'immatriculation, le contrevenant s'est mis dans l'impossibilité de recevoir les actes de poursuite du Trésor Public s'agissant des deux contraventions visées en prévention.
14. Il en conclut que la requête en incident contentieux de M. [O] est irrecevable.
15. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés pour les motifs qui suivent.
16. En premier lieu, le juge n'a pas répondu aux chefs péremptoires de conclusion dont il était saisi l'invitant à statuer sur la prescription, d'une part, de l'action de l'action publique, d'autre part, des peines d'amendes forfaitaires majorées.
17. En deuxième lieu, il a confirmé par une formule générale d'adoption de motifs le rejet d'exceptions tendant à l'annulation d'un supplément d'information et à l'anéantissement subséquent de la procédure, sans lien avec le dossier et sur lesquelles le premier juge ne s'était pas prononcé, n'en étant pas saisi.
18. En troisième lieu, en retenant, sur le fondement de l'article 530 du code de procédure pénale, que, n'ayant pas effectué le changement d'adresse sur son certificat d'immatriculation, le contrevenant s'était mis dans l'impossibilité de recevoir les actes de poursuite du Trésor Public s'agissant des deux contraventions visées dans la prévention, la cour d'appel s'est déterminée sur la base d'un élément de fait ne figurant pas en procédure et n'ayant fait l'objet d'aucun débat contradictoire.
19. En quatrième lieu, la cour d'appel s'est contredite en confirmant le jugement ayant déclaré la requête en incident contentieux d'exécution irrecevable alors que le premier juge l'avait, en réalité, déclaré recevable.
20. La cassation est par conséquent encourue de ces chefs.
Crim. 20 avril 2022 n° 22-80.633 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° Z 22-80.633 FS- B
N° 00554
GM 20 AVRIL 2022
REJET
M. BONNAL conseiller le plus ancien faisant fonction de président,
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 20 AVRIL 2022
M. [J] [B] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 10e section, en date du 28 décembre 2021, qui, dans l'information suivie contre lui du chef de blanchiment, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention le plaçant en détention provisoire.
Un mémoire personnel a été produit.
Sur le rapport de M. Michon, conseiller référendaire, et les conclusions de M. Lemoine, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 avril 2022 où étaient présents M. Bonnal, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Michon, conseiller rapporteur, Mme Ménotti, M. Maziau, Mme Labrousse, M. Seys, M. Dary, Mme Thomas, conseillers de la chambre, M. Violeau, conseiller référendaire, M. Lemoine, avocat général, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. [J] [B] a été mis en examen du chef susvisé le 14 décembre 2021.
3. Il a été placé en détention provisoire par ordonnance du 16 décembre 2021.
4. M. [B] a relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le second moyen
5. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation de l'ordonnance de placement en détention provisoire, alors :
1°/ que l'article 81, alinéa 7, du code de procédure pénale était applicable et faisait obligation au juge d'instruction de saisir le service pénitentiaire d'insertion et de probation ;
2°/ que l'absence d'enquête sociale a violé le principe de liberté prévu notamment aux articles 5 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire et 137 du code de procédure pénale.
Réponse de la Cour
7. Pour rejeter la demande de nullité tirée de l'absence d'enquête sociale rapide, la chambre de l'instruction indique que les articles 41, alinéa 4, et 81, alinéa 7, du code de procédure pénale ne prévoient l'obligation de diligenter une telle enquête que pour les personnes âgées de vingt-et-un ans ou moins, et que M. [B] était âgé de vingt-neuf ans.
8. Ils en déduisent que cette formalité n'était pas requise.
9. C'est à tort que les juges ont indiqué qu'il n'existait pas d'obligation de diligenter une enquête sociale rapide en raison de l'âge de M. [B], dès lors que l'article 81, alinéa 7, du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, applicable à la date du défèrement, ne comporte plus de condition d'âge.
10. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure, dès lors que l'intéressé, assisté d'un avocat, qui n'a pas soulevé l'absence d'enquête sociale rapide devant le juge des libertés et de la détention, a renoncé à s'en prévaloir.
11. Dès lors, le moyen n'est pas fondé.
12. Par ailleurs, l'arrêt est régulier tant en la forme qu'au regard des articles 137-3 et 143-1 et suivants du code de procédure pénale.
Crim. 20 avril 2022 n° 22-80.649
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° S 22-80.649 F-D
N° 00562
GM 20 AVRIL 2022
REJET
M. BONNAL conseiller le plus ancien faisant fonction de président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 20 AVRIL 2022
M. [T] [E] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Reims, en date du 30 décembre 2021, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de blanchiment aggravé, aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour irrégulier d'un étranger en France, en bande organisée, faux et usage, association de malfaiteurs, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention rejetant sa demande de mise en liberté.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Dary, conseiller, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. [T] [E], et les conclusions de M. Lemoine, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 avril 2022 où étaient présents M. Bonnal, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Dary, conseiller rapporteur, Mme Ménotti, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée, en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. [T] [E] a été mis en examen des chefs susvisés et placé en détention provisoire à effet du 20 novembre 2020.
3. Il a formé une demande de mise en liberté le 7 décembre 2021 qui a été rejetée par ordonnance du juge des libertés et de la détention du 15 décembre 2021.
4. Il a relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de mise en liberté de M. [E], alors :
« 1°/ que la chambre de l'instruction ne pouvait, sauf à commettre un traitement discriminatoire à raison de sa nationalité, se fonder sur la seule situation irrégulière en France de M. [E] pour en déduire l'existence de risques de non-représentation en justice ; qu'en statuant ainsi, elle n'a pas justifié sa décision au regard des articles 144 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ qu'en se bornant à retenir qu'il convient d'éviter que M. [E] soit tenté de reprendre ses activités illicites, sans mieux caractériser, au-delà de cette seule tentation, objectivement le risque de réitération des infractions qui lui sont reprochées, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision au regard des articles 144 et 593 du code de procédure pénale ;
3°/ que la chambre de l'instruction ne pouvait, sans se contredire ou mieux s'en expliquer, affirmer qu'il convient de conserver les preuves et d'éviter les concertations frauduleuses entre M. [E] et ses coauteurs ou complices, après avoir relevé que l'avis de fin d'information avait été délivré le 17 décembre 2021, que M. [E] avait reconnu les faits qui lui sont reprochés et qu'il faisait valoir que tous ses documents avaient été saisis à l'occasion des perquisitions pratiquées à son domicile ; qu'en statuant ainsi, elle a méconnu l'article 593 du code de procédure pénale ;
4°/ que la chambre de l'instruction ne pouvait se borner à affirmer, de manière purement abstraite, générale et stéréotypée, que ni le contrôle judiciaire, ni l'assignation à résidence avec surveillance électronique ne présentent un degré de coercition suffisants pour parvenir aux objectifs qu'elle a retenus ; qu'en prononçant ainsi, elle a méconnu de l'article 144 du code de procédure pénale.»
Réponse de la Cour
6. Pour confirmer l'ordonnance du juge des libertés et de la détention rejetant la demande de mise en liberté de M. [E], l'arrêt retient, tout d'abord, que l'intéressé ne justifie d'aucun projet de sortie rassurant, l'offre d'hébergement dont il dispose se situant à proximité de l'environnement de commission des infractions, et qu'il ne justifie d'aucun moyen d'existence, ensuite, qu'il est en situation irrégulière depuis une décennie et a conservé des attaches familiales dans son pays d'origine où il pourrait s'enfuir en se procurant des faux papiers auprès des réseaux qu'il connaît, enfin, qu'il ne dispose d'aucune garantie sérieuse de représentation, étant sans emploi déclaré et installé dans l'illégalité qui constitue son mode de vie.
7. Les juges en concluent qu'un placement sous contrôle judiciaire ou une assignation à résidence sous surveillance électronique ne sauraient permettre d'empêcher la réitération des infractions, de garantir sa représentation et, l'information n'étant pas terminée, tant de conserver des preuves et indices que d'empêcher une concertation frauduleuse avec les co-auteurs et complices.
8. Ces énonciations mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la chambre de l'instruction a répondu aux articulations essentielles du mémoire dont elle était saisie, s'est déterminée par des considérations de droit et de fait répondant aux exigences des articles 143-1 et suivants du code de procédure pénale et s'est expliquée sur le caractère insuffisant des obligations du contrôle judiciaire et de l'assignation à résidence avec surveillance électronique.
9. D'où il suit que le moyen doit être écarté.
10. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
Crim. 20 avril 2022 n° 20-87.248 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° Y 20-87.248 FS-B
N° 00393
RB5 20 AVRIL 2022
CASSATION PARTIELLE REJET
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 20 AVRIL 2022
Les sociétés [4], [4], [2] et [6], ont formé des pourvois contre l'ordonnance du premier président de la cour d'appel de Paris, en date du 9 décembre 2020, qui a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant le rapporteur général de l'Autorité de la concurrence à effectuer des opérations de visite et de saisies en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles et rejeté leurs recours contre le déroulement des opérations effectuées en exécution de ladite ordonnance.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Seys, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [4], les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat des sociétés [6] et [2], les observations de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocats de la société [4], les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de l'Autorité de la concurrence, et les conclusions de M. Lesclous, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 mars 2022 où étaient présents M. Soulard, président, M. Seys, conseiller rapporteur, M. Bonnal, Mme Ménotti, M. Maziau, Mme Labrousse, M. Dary, Mme Thomas, conseillers de la chambre, MM. Violeau, Michon, conseillers référendaires, M. Lesclous, avocat général, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Par ordonnance du 3 avril 2019, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Paris, saisi par requête du rapporteur général de l'Autorité de la concurrence, a autorisé ce dernier, au visa de l'article L. 450-4 du code de commerce, à procéder à des opérations de visite et de saisie en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles et délivré commission rogatoire aux juges territorialement compétents hors du ressort du tribunal de Paris.
3. Cette décision visait les locaux des sociétés [4] (la société [3]), [4] (la société [7]), [6] et [2].
4. Deux autres ordonnances ont en outre été prises, par les juges des libertés et de la détention des tribunaux judiciaires de Bordeaux, le 4 avril 2019, et Créteil, le 8 avril 2019.
5. Les visites domiciliaires et les opérations de saisies documentaires ont donné lieu à l'établissement de plusieurs procès-verbaux, des 9 et 10 avril 2019 en ce qui concerne les opérations initiales, puis des 14, 15 et 28 mai 2019, s'agissant de l'exploitation des scellés.
6. Des recours ont été exercés par chacune des sociétés contre les ordonnances ci-dessus et le déroulement des opérations de visite et saisie.
Examen des moyens
Sur les premier, deuxième et quatrième moyens proposés pour la société [3], le premier moyen proposé pour la société [7] et les premier moyen et second moyen, pris en ses première et deuxième branches, proposés pour les sociétés [6] et [2]
7. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le troisième moyen proposé pour la société [3], le deuxième moyen proposé pour la société [7] et le second moyen, pris en ses troisième et quatrième branches, proposé pour les sociétés [6] et [2]
Énoncé des moyens
8. Le moyen proposé pour la société [3] critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a ordonné à l'Autorité de la concurrence la seule restitution des pièces saisies numérotées 2.20, 2.23 et 2.51 et a rejeté le surplus de son recours, alors « que l'ensemble des correspondances échangées entre un avocat et son client est couvert par le secret professionnel et se trouve, à ce titre, insaisissable, quelle que soit l'affaire à laquelle elles se rattachent ; qu'en l'espèce, pour rejeter les demandes de la société [3] tendant à l'annulation des saisies de documents couverts par le secret des correspondances entre avocat et client, identifiés et recensés par les soins de celle-ci dans les tableaux produits en pièces n° 13.00000 à 13.08365 (pour des dossiers ne relevant pas du droit de la concurrence), n°16.00000 à 16.00757 (pour des dossiers relevant du droit de la concurrence) et n° 23.00000 à 23.00074 (pour des correspondances « non localisées » par les agents), le délégué du premier président a estimé, d'une part, que les correspondances entre un avocat et son client n'étaient protégées par le secret professionnel, en matière d'atteinte à l'ordre public économique, qu'à la condition d'avoir été émises ou adressées par un avocat indépendant de l'entreprise et pour l'exercice des droits de la défense « en rapport avec l'objet même de l'enquête déterminée d'après les indices d'infraction au droit de la concurrence », d'autre part, que les courriers identifiés par la société [3] et dont elle sollicitait la restitution ne correspondaient pas à un échange entre avocat et client concernant sa défense dans l'enquête ; qu'en statuant de la sorte, donc en ajoutant à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, prise de la restriction du secret des correspondances aux seuls échanges en rapport avec l'objet même de l'enquête déterminé d'après les indices d'infraction au droit de la concurrence, le délégué du premier président de la cour d'appel a violé les articles 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 et L. 450-4 du code de commerce, ensemble les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme. »
9. Le moyen proposé pour la société [7] critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a rejeté son recours tendant, à titre principal, à l'annulation des opérations de visite et saisie réalisées les 9 et 10 avril et 14 et 15 mai 2019 dans ses locaux et à la restitution de l'intégralité des pièces saisies et de leurs copies et, à titre subsidiaire, à l'annulation de la saisie des documents visés aux pièces n° 13, 14, 15 et 18, et à leur restitution, alors :
« 1°/ qu'il résulte de l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 qu'en toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses confrères à l'exception pour ces dernières de celles portant la mention « officielle », les notes d'entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel ; qu'il se déduit de ce texte que sont insaisissables par l'Autorité de la concurrence toutes les correspondances échangées entre l'entreprise sujette à une visite domiciliaire et son avocat, sans qu'il faille limiter la portée de cette insaisissabilité aux seules correspondances en relation avec l'exercice des droits de la défense, ni à celles dont l'objet est en relation avec celui de l'enquête pour les besoins de laquelle l'Autorité de la concurrence a été autorisée à procéder à une visite et saisie domiciliaires, ni enfin aux seuls documents dont l'avocat serait l'auteur ou l'expéditeur ; qu'en jugeant néanmoins qu'en matière d'atteintes à l'ordre public économique, les conseils des avocats à leurs clients ne peuvent bénéficier de cette protection qu'à la condition qu'ils aient été émis par un avocat indépendant de l'entreprise et pour l'exercice des droits de la défense en rapport avec l'objet même de l'enquête déterminée d'après les indices d'infractions au droit de la concurrence, puis en jugeant que tel n'était pas le cas des correspondances énumérées par les pièces n° 13, 13.1, 13.2 et 14 dont la société [7] sollicitait l'expurgation des scellés définitifs, le premier président a violé le texte susvisé en y introduisant des restrictions incompatibles avec sa rédaction, ensemble l'article 591 du code de procédure pénale et les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
2°/ qu'à supposer même que le champ d'application de l'insaisissabilité des correspondances entre un avocat et son client doive être limité à celles qui ont un lien avec l'exercice des droits de la défense, il n'en demeurerait pas moins que le premier président ne pouvait restreindre la portée de cette insaisissabilité aux seuls documents en rapport avec l'objet même de l'enquête mise en oeuvre par l'Autorité de la concurrence, de sorte qu'en se prononçant comme il l'a fait, le premier président a violé l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, ensemble l'article 591 du code de procédure pénale et les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
3°/ que la protection du secret des correspondances échangées entre un avocat et son client ainsi que celle du droit d'accès au juge ne peuvent être effectives qu'à la condition que l'autorité poursuivante s'interdise, par des moyens adéquats et contrôlables, de prendre connaissance de telles correspondances avant que l'entreprise ayant fait l'objet d'une visite domiciliaire ait été mise en mesure d'en contester la saisie et de faire trancher cette contestation par une juridiction ; qu'en l'espèce, la société [7] exposait dans ses écritures que seule une partie des documents appréhendés par les services de l'instruction de l'Autorité consécutivement à la visite domiciliaire effectuée en ses locaux avait été placée sous des scellés provisoires ; qu'elle rappelait en effet qu'après avoir émis une réquisition pour obtenir la communication de documents dont ils n'étaient parvenus à prendre une copie informatique et recueilli sur procès-verbal la déclaration du représentant de l'entreprise selon laquelle les documents réquisitionnés étaient eux aussi susceptibles de renfermer des correspondances protégées par le secret avocat-client, le rapporteur général de l'Autorité avait néanmoins, par un courrier du 18 avril 2019, expressément refusé de mettre en oeuvre une mesure de protection des documents réquisitionnés par leur placement sous un scellé provisoire, de sorte que les services de l'instruction de l'Autorité avaient ainsi eu tout loisir de consulter sans contrainte l'ensemble de ces documents ; que, pour rejeter le moyen par lequel la société [7] demandait de sanctionner l'atteinte irrémédiable ainsi portée par l'Autorité au secret des correspondances avocat-client à raison de son refus de mettre en oeuvre une mesure provisoire de protection des documents réquisitionnés, le premier président s'est borné à énoncer « qu'il résulte des termes des procès-verbaux que les agents ont régulièrement invité le représentant de la société [7] à désigner ceux des documents couverts par la confidentialité des communications entre avocats et clients » et que la société [7] ne rapportait pas la preuve de ce que les agents de l'Autorité aient été au-delà d'un examen sommaire des correspondances en cause « avant de décider de la saisie des correspondances, de leur conservation, ni du refus qu'ils auraient opposé à une demande précise de retrait de documents » ; qu'en se déterminant par de tels motifs impropres à écarter l'atteinte irrémédiable portée au secret des correspondances entre avocats et clients qui résultait du refus, lui-même dûment documenté, des services de l'instruction de placer les documents réquisitionnés sous des scellés provisoires, le premier président a violé l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, ensemble l'article 591 du code de procédure pénale et les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme. »
10. Le moyen proposé pour les sociétés [6] et [2] critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a rejeté les recours en annulation du procès-verbal établi le 9 avril 2019 à [Localité 1] et du procès-verbal établi le 10 avril 2019 à [Localité 8], sauf à ordonner à l'Autorité de la concurrence de restituer à la société [6] les seuls documents numérotés 253, 271, 305, 312, 314 et 509, alors :
« 3°/ que l'insaisissabilité des documents couverts par le secret professionnel s'étend à l'ensemble des correspondances échangées entre un avocat et son client et liées à l'exercice des droits de la défense et ne se limite pas à ceux qui relèveraient de l'exercice des droits de la défense dans le présent dossier de concurrence ; qu'en décidant au contraire que seuls étaient insaisissables les courriers émis ou adressés par un avocat « pour l'exercice des droits de la défense en rapport avec l'objet même de l'enquête déterminée d'après les indices d'infraction au droit de la concurrence » ou encore ceux « concernant la matière du droit de la concurrence ou se rapportant l'exercice des droits de la défense relatif à l'objet de l'enquête », le conseiller délégué a violé les articles 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 L. 450-4 du code de commerce, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
4°/ que la violation du secret professionnel intervient dès la saisie d'un document, et la restitution des documents irrégulièrement saisis dont l'Autorité de la concurrence a pu prendre connaissance et qu'elle a pu analyser ne suffit pas à rétablir la société dans ses droits ; que la pratique des scellés provisoires est précisément destinée à garantir le secret professionnel en écartant de la saisie les documents couverts par le privilège légal avant que l'Autorité de la concurrence ait eu la possibilité de les analyser ; qu'en décidant que l'Autorité avait pu refuser à la société [6] le droit de bénéficier de la procédure de scellés provisoires s'agissant de la saisie de la messagerie de Mme [J], sans que ce refus ne lui cause de préjudice, tandis qu'elle avait souligné que cette messagerie comportait des documents couverts par le secret professionnel, dont l'Autorité ne pouvait pas librement prendre connaissance, le conseiller délégué a méconnu les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 450-4 du code de commerce, 591 et 293 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
11. Les moyens sont réunis.
12. Pour rejeter les recours contre le déroulement des opérations de visite et saisie, pris des atteintes au secret de la correspondance avocat-client, l'ordonnance attaquée énonce que, si les conseils des avocats à leurs clients sont protégés par le secret professionnel et par principe insaisissables quel que soit le circuit de leur échange ou leur support, c'est cependant, en matière d'atteinte à l'ordre public économique, à la condition que soit caractérisée la preuve qu'ils sont émis ou adressés par un avocat indépendant de l'entreprise et pour l'exercice des droits de la défense en rapport avec l'objet même de l'enquête déterminée d'après les indices d'infraction au droit de la concurrence.
13. Le premier président, analysant les documents dont la saisie était contestée par la société [3], relève que les agents autorisés à rechercher les preuves des indices de pratiques anticoncurrentielles ne peuvent être restreints, a priori, par le volume des documents concernés et qu'il appartient aux entreprises de désigner avec suffisamment de précision ceux des documents dont l'objet relève du secret avocat-client qu'elles entendent opposer.
14. Il précise qu'après avoir placé l'ensemble des pièces saisies sous scellé provisoire, l'Autorité de la concurrence, qui a imparti à la société [3], pour formuler ses observations, un délai jusqu'au 29 avril 2019, limite repoussée au 6 mai, était fondée à refuser d'examiner et d'exclure de la saisie les documents qui n'étaient pas désignés précisément comme couverts par le secret susvisé.
15. Il ajoute que, connaissance prise des autres documents visés par la société [3] dans ses conclusions, aucun d'entre eux ne procède d'échanges entre avocat et client en lien avec l'enquête.
16. L'ordonnance attaquée, en ce qui concerne les saisies opérées dans les locaux de la société [7], énonce que les agents qui sont intervenus ont invité le représentant de cette société à désigner ceux des documents couverts par la confidentialité des communications entre avocats et clients et qu'il ne se déduit pas de la conduite et de la chronologie de la procédure que les agents n'ont pas adapté leurs demandes ou leurs refus à la désignation ou l'absence de désignation, par cette société, des documents dont elle contestait la saisie et n'ont pas écarté ceux d'entre eux qui intéressaient l'exercice des droits de la défense dans l'enquête en cours.
17. Le premier président relève qu'il n'est pas interdit aux agents de l'Autorité de la concurrence de procéder à un examen des documents appréhendés, alors que la société [7] n'allègue pas l'existence de circonstances dans lesquelles ces mêmes agents seraient allés au-delà de cet examen sommaire ou auraient rejeté une demande précise de retrait de documents.
18. Il ajoute que, connaissance prise par la juridiction, il ne s'évince pas des correspondances désignées par la société [7] la preuve que ces documents entrent dans la protection du secret de l'échange avocat-client en lien avec l'enquête.
19. En ce qui concerne la société [6], l'ordonnance attaquée énonce que la messagerie de Mme [J] étant hébergée sur un site basé au Luxembourg, l'obtention d'une copie d'une partie des messages électroniques n'a pas été possible immédiatement et que la société, qui a elle-même transmis plus tard à l'Autorité de la concurrence les documents concernés, ne démontre pas que l'absence de scellé provisoire lui aurait personnellement causé le moindre préjudice.
20. Le premier président, rappelant que cette société conteste les conditions dans lesquelles les agents de l'Autorité de la concurrence, procédant au tri des courriels extraits de cette même messagerie, ont retenu certains d'entre eux qui étaient pourtant protégés par la confidentialité avocat-client, relève que, connaissance prise desdits documents, la plupart d'entre eux ne concernent pas la matière du droit de la concurrence ou ne se rapportent pas à l'exercice des droits de la défense relatifs à l'objet de l'enquête, à l'exception de six d'entre eux qui, seuls, seront restitués.
21. S'agissant de la société [2], le premier président, rappelant que cette société reproche à l'Autorité de la concurrence de n'avoir retiré qu'une partie des courriers échangés entre la requérante et ses avocats et portant sur des problèmes juridiques sans rapport avec le droit de la concurrence, observe que, connaissance prise desdits documents, la plupart d'entre eux ne concernent pas la matière du droit de la concurrence ou ne se rapportent pas à l'exercice des droits de la défense relativement à l'objet de l'enquête
22. C'est à tort que le premier président retient que seuls sont insaisissables les documents qui relèvent de l'exercice des droits de la défense dans un dossier de concurrence, alors que c'est dans toutes les procédures où un avocat assure la défense de son client qu'est protégé le secret des correspondances échangées entre eux et qui y sont liées.
23. L'ordonnance n'encourt pour autant pas la censure, pour les motifs qui suivent.
24. D'une part, aucune des sociétés susvisées ne dénonçait une atteinte aux droits de la défense en dehors de la seule procédure concernée.
25. D'autre part, la confection des scellés provisoires est une faculté laissée à l'appréciation des enquêteurs.
26. Enfin, la présence, parmi les documents saisis, de pièces couvertes par le secret ne saurait avoir pour effet d'invalider la saisie de tous les autres documents.
27. Ainsi, les moyens seront écartés.
Sur le troisième moyen proposé pour la société [7]
Énoncé du moyen
28. Le moyen critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a rejeté le recours tendant, à titre principal, à l'annulation des opérations de visite et saisie réalisées les 9 et 10 avril et 14 et 15 mai 2019 et à la restitution de l'intégralité des pièces saisies et de leurs copies et, à titre subsidiaire, à l'annulation de la saisie des documents visés aux pièces n° 13, 14, 15 et 18, et à leur restitution, alors « qu'il résulte de l'article L. 611-15 du code de commerce que toute personne qui est appelée à la procédure de conciliation ou à un mandat ad hoc ou qui, par ses fonctions, en a connaissance est tenue à la confidentialité ; qu'en outre l'arrêté du garde des sceaux du 18 juillet 2018 portant approbation des règles professionnelles établies par le [5] et des mandataires judiciaires dispose que dans le cadre des missions et mandats qui leur sont confiés, l'administrateur judiciaire et le mandataire judiciaire sont tenus au secret professionnel dans les conditions prévues par les articles 226-13 et 226-14 du code pénal, ce secret couvrant tout ce qui est venu à leur connaissance dans l'exercice de leur activité ; qu'en l'espèce, la société [7] faisait valoir qu'elle avait fait l'objet de plusieurs procédures de conciliation et de mandat ad hoc ouvertes par le tribunal de commerce de Paris en 2018 et en 2019 dans le cadre de la prévention de ses difficultés financières et que, compte tenu du secret professionnel auquel était astreint l'administrateur judiciaire désigné successivement en qualité de conciliateur et de mandataire ad hoc, les correspondances et documents échangées entre elle et ce dernier ne pouvaient être régulièrement saisis par les services de l'instruction de l'Autorité ; qu'en énonçant, pour rejeter ce moyen, que « la procédure de l'article L. 450-4 du code de commerce dans le cadre de laquelle les documents de ces auxiliaires de justice ont été saisis n'investit pas les entreprises de la qualité pour opposer ce secret professionnel, de sorte que la société [7] n'est pas recevable à l'invoquer », alors que le secret professionnel auquel sont astreints les mandataires de justice dans le cadre des procédures de conciliation et de mandat ad hoc instituées par les articles L. 611-3 et suivants du code de commerce a précisément vocation à protéger l'entreprise concernée par ces procédures, le délégué du premier président a violé l'ensemble des textes susvisés, ensemble l'article 591 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
29. Contrairement à ce que soutient le moyen, l'obligation de confidentialité qui s'impose à toute personne appelée à une procédure de conciliation ou de mandat ad hoc, ou qui en a connaissance par ses fonctions, ou le secret professionnel applicable aux mandataires judiciaires, ne sont pas opposables aux enquêteurs de l'Autorité de la concurrence, en l'absence de disposition expresse.
30. De surcroît, les droits de l'entreprise concernée au regard d'un risque de divulgation, à des tiers, des documents saisis ou fournis par elle, sont protégés par les articles L. 463-4 et L. 463-6 du code de commerce.
31. Ainsi, le moyen sera rejeté.
Mais sur le second moyen, pris en sa cinquième branche, proposé pour les sociétés [6] et [2]
Enoncé du moyen
32. Le moyen critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a rejeté les recours en annulation du procès-verbal établi le 9 avril 2019 à [Localité 1] et du procès-verbal établi le 10 avril 2019 à [Localité 8], sauf à ordonner à l'Autorité de la concurrence de restituer à la société [6] les seuls documents numérotés 253, 271, 305, 312, 314 et 509, alors :
« 5°/ que la société [6] avait précisément fait valoir que de nombreux éléments de la messagerie de Mme [J] étaient étrangers au champ de l'ordonnance d'autorisation de visite et devaient donc être restitués ; qu'en rejetant le recours de ce chef, sans examiner ce moyen déterminant, le conseiller délégué qui a entaché sa décision d'un défaut de motifs, a violé les articles L. 450-4 du code de commerce, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 593 du code de procédure pénale :
33. Tout jugement, arrêt ou ordonnance doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
34. Pour contester la saisie de certains documents par les agents de l'Autorité de la concurrence, les sociétés [6] et [2], au soutien d'explications précises et d'un document électronique récapitulatif, ont fait valoir que certains des courriels saisis dans la messagerie de Mme [J], directrice des ressources humaines de cette dernière société, ayant trait à une activité commerciale dans le marché de la bière, étaient sans rapport avec l'objet de l'ordonnance, qui visait des comportements anticoncurrentiels affectant le marché des vins et spiritueux.
35. En rejetant le recours ainsi formulé, sans répondre aux moyens péremptoires des conclusions dont il était saisi, le premier président n'a pas justifié sa décision.
36. La cassation est de ce fait encourue.
Portée et conséquence de la cassation
37. La cassation à intervenir ne portera que sur les dispositions de l'ordonnance rejetant le recours contre les saisies effectuées sur la messagerie de Mme [J].
38. Les dispositions de l'article 618-1 du code de procédure pénale sont applicables en cas de rejet du pourvoi, qu'il soit total ou partiel.
Crim. 20 avril 2022 n° 21-81.889 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° U 21-81.889 FS-B
N° 00392
RB5 20 AVRIL 2022
CASSATION SANS RENVOI
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 20 AVRIL 2022
La société [2] SA a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 2e section, en date du 4 mars 2021, qui, dans l'information suivie contre elle des chefs, notamment, de financement d'entreprise terroriste, complicité de crimes contre l'humanité et mise en danger de la vie d'autrui, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction rejetant sa contestation de la recevabilité des constitutions de partie civile de MM. [J] [R], [RS] [J] [H], [K] [F], [I] [M], [T] [S] [B], [Y] [E] [A], [G] [D], [C] [U] [J], [V] [U] [N], [O] [WU], [W] [RR], [J] [P], [AR] [GL] et [L] [X] du chef de financement d'entreprise terroriste.
Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Labrousse, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de la société [2] SA, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de MM. [J] [R], [RS] [J] [H], [K] [F], [I] [M], [T] [S] [B], [Y] [E] [A], [G] [D], [C] [U] [J], [V] [U] [N], [O] [WU], [W] [RR], [J] [P], [AR] [GL] et [L] [X], et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 mars 2022 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Labrousse, conseiller rapporteur, M. Bonnal, Mme Ménotti, MM. Maziau, Seys, Dary, Mme Thomas, conseillers de la chambre, MM. Violeau, Michon, conseillers référendaires, M. Quintard, avocat général, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. La société [2] SA (la société [2]), de droit français, dont le siège social se trouvait à [Localité 5], a fait construire une cimenterie près de Jalabiya (Syrie), qui a été mise en service en 2010. Cette cimenterie était exploitée par une de ses sous-filiales, dénommée [3] (la société [3]), de droit syrien, détenue à plus de 98 % par la société mère.
3. Entre 2012 et 2015, le territoire sur lequel se trouve la cimenterie a fait l'objet de combats et d'occupations par différents groupes armés, dont l'organisation dite Etat islamique (EI).
4. Pendant cette période, les salariés syriens de la société [3] ont poursuivi leur travail, permettant le fonctionnement de l'usine, tandis que l'encadrement de nationalité étrangère a été évacué en Egypte dès 2012, d'où il continuait d'organiser l'activité de la cimenterie. Logés à [Localité 4] par leur employeur, les salariés syriens ont été exposés à différents risques, notamment d'extorsion et d'enlèvement par différents groupes armés, dont l'EI.
5. La cimenterie a été évacuée en urgence au cours du mois de septembre 2014, peu avant que l'EI ne s'en empare.
6. A la suite d'une plainte du ministre des finances du 21 septembre 2016 du chef de relations financières illicites entre la France et la Syrie, une enquête a été ordonnée qui a conclu que le groupe [2], en maintenant son activité en Syrie, avait contribué indirectement aux financements de groupes armés locaux dont certains sont considérés par la communauté internationale comme terroristes.
7. Parallèlement, le 15 novembre 2016, onze employés syriens de la société [3], ainsi que les associations [6] et [1] ([1]), ont porté plainte et se sont constitués partie civile auprès du doyen des juges d'instruction des chefs de financement d'entreprise terroriste, complicité de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité, exploitation abusive du travail d'autrui, négligence, mise en danger de la vie d'autrui.
8. Le ministère public, le 9 juin 2017, a requis le juge d'instruction d'informer sur les faits notamment de financement d'entreprise terroriste, de soumission de plusieurs personnes à des conditions de travail incompatibles avec la dignité humaine et de mise en danger de la vie d'autrui.
9. Par courriers adressés au magistrat instructeur les 14 mars 2018, 4 avril 2018 et 9 mai 2018, MM. [J] [P], [AR] [GL] et [L] [X], également anciens employés syriens de la société [3], se sont constitués partie civile par voie d'intervention sans préciser sous quelles qualifications pénales.
10. Le 28 juin 2018, le juge d'instruction a procédé à la mise en examen de la société [2] des chefs, notamment, de complicité de crimes contre l'humanité, financement d'entreprise terroriste, mise en danger de la vie d'autrui.
11. Par mémoire du 13 février 2020, la société [2] a contesté la recevabilité de la constitution de partie civile des quatorze anciens salariés du chef de financement d'entreprise terroriste en exposant qu'ils ne justifiaient pas d'un préjudice direct et personnel.
12. Par ordonnance du 8 avril 2020, le juge d'instruction a rejeté la requête de la société [2].
13. La société mise en examen a relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches
14. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le moyen, pris en ses autres branches
Enoncé du moyen
15. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance ayant rejeté la contestation, par la société [2], des constitutions de partie civile du chef de financement d'entreprise terroriste de MM. [R], [H], [F], [M], [B], [A], [D], [J], [N], [WU], [RR], [P], [Z] et [GK], alors :
« 3°/ qu'une constitution de partie civile qui porte sur des faits insusceptibles d'avoir causé un préjudice direct et personnel au plaignant est irrecevable les concernant, quand bien même ces faits seraient indivisibles de faits délictuels pour lesquels cette constitution de partie civile est par ailleurs recevable ; que, dès lors, en se fondant exclusivement, pour déclarer recevables les constitutions de partie civile du chef de financement d'entreprise terroriste des quatorze anciens salariés de la société [3], sur la possible existence d'un lien d'indivisibilité entre ces faits et ceux de mise en danger délibérée de la vie d'autrui pour lesquels la recevabilité de leurs constitutions de partie civile n'était pas contestée, la chambre de l'instruction s'est prononcée par des motifs inopérants et a violé les articles 2, 3, 85 et 87 du code de procédure pénale ;
4°/ que l'indivisibilité entre les éléments d'une prévention suppose qu'ils soient dans un rapport mutuel de dépendance, et rattachés entre eux par un lien tellement intime, que l'existence des uns ne se comprendrait pas sans l'existence des autres ; que le délit de mise en danger délibérée de la vie d'autrui supposant, pour être constitué, que l'exposition au risque immédiat de mort ou de blessure résulte de la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, seuls sont indivisibles de ce délit les faits qui ne peuvent se comprendre sans la violation de cette obligation ; qu'en l'espèce, pour retenir l'existence possible d'un lien d'indivisibilité entre les faits de mise en danger délibérée de la vie d'autrui et ceux de financement d'une entreprise terroriste poursuivis et en déduire la recevabilité des constitutions de partie civile contestées de ce dernier chef, la chambre de l'instruction a affirmé que « l'infraction de mise en danger délibérée de la vie d'autrui pour laquelle [2] SA est mise en examen est susceptible d'être caractérisée par le maintien de l'activité de l'usine exploitée par [3], dans un contexte de guerre civile survenue en Syrie et du contrôle de la zone géographique où se situait l'usine par des groupes terroristes », que « le maintien de cette activité n'a été possible que par le versement de rémunérations » à ces groupes et que ces versements étaient « de nature à caractériser l'infraction de financement de terrorisme » ; qu'en se déterminant ainsi, lorsque le délit de mise en danger poursuivi, qui consisterait, pour la société [2], à avoir exposé les salariés de l'usine exploitée par [3] à un risque de mort ou de blessures en violant les obligations particulières prévues par les articles R. 4121-1 et 2 et R. 4141-13 du code de travail, n'est pas susceptible d'être caractérisé par la seule poursuite de l'activité de cette usine, la chambre de l'instruction, qui n'a pas expliqué en quoi la violation supposée de ces obligations particulières de prudence et de sécurité « entre 2011 et juillet 2014 » ne pourrait être envisagée indépendamment des faits de financement de terrorisme poursuivis supposément commis « courant 2013 et 2014 » dans des lieux distincts, n'a pas justifié sa décision au regard des articles 2, 3, 85 et 87 du code de procédure pénale et 223-1 du code pénal ;
5°/ que dans son mémoire régulièrement déposé, la société [2] soutenait qu'il ne pouvait exister de lien d'indivisibilité entre les faits de mise en danger délibérée de la vie d'autrui et les faits de financement de terrorisme qui lui sont reprochés dès lors que les premiers sont antérieurs aux seconds et ces deux infractions n'ont pas été commises dans les mêmes lieux, selon les termes des mises en examen prononcées à son encontre ; qu'en retenant l'existence possible d'un lien d'indivisibilité entre ces faits, sans répondre à cette articulation essentielle du mémoire dont elle était saisie, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision au regard des articles 2, 3, 85 et 87 du code de procédure pénale et 223-1 du code pénal. »
Réponse de la Cour
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
16. Le moyen pose la question de savoir si les parties civiles recevables à se constituer par voie d'action du chef de mise en danger d'autrui le sont également du chef de financement d'une entreprise terroriste, dans l'hypothèse où il existerait un possible lien d'indivisibilité entre ces faits.
17. La Cour de cassation énonce, de façon constante, que, pour qu'une constitution de partie civile soit recevable devant la juridiction d'instruction, il suffit que les circonstances sur lesquelles elle s'appuie permettent au juge d'admettre comme possible l'existence du préjudice allégué et la relation directe de celui-ci avec une infraction à la loi pénale.
18. Elle juge également que, lorsqu'une information judiciaire a été ouverte à la suite d'une atteinte volontaire à la vie d'une personne, les parties civiles constituées de ce chef sont recevables à mettre en mouvement l'action publique pour l'ensemble des faits dont il est possible d'admettre qu'ils se rattachent à ce crime par un lien d'indivisibilité, peu important que ces faits ne soient pas susceptibles de leur causer un préjudice personnel et direct, au sens de l'article 2 du code de procédure pénale (Crim., 4 avril 2012, pourvoi n° 11-81.124, Bull. crim. 2012, n° 86).
19. L'indivisibilité des faits, qui suppose un lien tellement intime entre eux que l'existence des uns ne se comprendrait pas sans celle des autres (Crim., 31 mai 2016, pourvoi n° 15-85.920, Bull. crim. 2016, n° 165), commande en effet qu'ils fassent simultanément l'objet de poursuites, même en cas d'inaction du ministère public.
20. Cette règle s'impose notamment lorsque les faits indivisibles ne sont susceptibles de porter atteinte qu'à l'intérêt général lui-même. Tel est le cas du financement d'entreprise terroriste incriminé à l'article 421-2-2 du code pénal (Crim., 7 septembre 2021, pourvoi n° 19-87.367, publié au Bulletin).
21. Une interprétation différente, qui exclurait la possibilité pour la partie civile de saisir le juge d'instruction des faits indivisibles susceptibles de caractériser une infraction d'intérêt général, aurait pour conséquence de faire obstacle à la manifestation de la vérité relativement aux faits pour lesquels la partie civile est recevable à se constituer.
22. Dès lors, le grief doit être écarté.
Mais sur le moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches
Vu les articles 1, 2 et 85 du code de procédure pénale :
23. Il ressort de ces textes que, hors l'hypothèse d'indivisibilité, une constitution de partie civile n'est recevable devant la juridiction d'instruction que lorsque les circonstances sur lesquelles elle s'appuie permettent au juge d'admettre comme possible l'existence du préjudice allégué et la relation directe de celui-ci avec une infraction à la loi pénale.
24. Pour confirmer l'ordonnance du juge d'instruction rejetant la requête de la société [2] tendant à voir déclarer irrecevable la constitution de partie civile de quatorze anciens salariés de la société [3] du chef de financement d'entreprise terroriste, l'arrêt retient, d'une part, qu'il résulte de l'information judiciaire que l'infraction de mise en danger délibérée de la vie d'autrui, pour laquelle la société requérante est mise en examen, est susceptible d'être caractérisée par le maintien de l'activité de l'usine exploitée par [3], dans le contexte de la guerre civile survenue en Syrie et du contrôle de la zone géographique où se situait l'usine par des groupes terroristes, dont l'EI, ce, alors que des salariés étaient enlevés et séquestrés depuis 2012 et que l'ensemble des salariés expatriés avait été évacué depuis cette date.
25. Les juges ajoutent que le maintien de cette activité n'a été possible que par le versement de rémunérations via différents intermédiaires afin, d'une part, d'assurer l'approvisionnement de la cimenterie en matières premières par l'organisation EI ou tout autre groupe terroriste, d'autre part, de garantir la circulation des employés et des marchandises de celle-ci sur le territoire occupé par lesdites organisations terroristes et, enfin, de permettre la vente du ciment fabriqué sur place au bénéfice de l'organisation terroriste EI.
26. Ils relèvent que ce sont ces versements qui sont de nature à caractériser l'infraction de financement d'une entreprise terroriste pour laquelle la société requérante est mise en examen.
27. Ils en déduisent qu'en l'état de l'information judiciaire, l'existence d'un lien d'indivisibilité entre les faits de mise en danger délibérée de la vie d'autrui et de financement d'une entreprise terroriste apparaît possible dans la mesure où ce financement avait pour objet de permettre la poursuite de l'activité de l'usine dans des circonstances telles qu'elle exposait les salariés syriens à un danger pour leur vie ou, en tous cas, leur intégrité physique.
28. Ils en concluent que les salariés en cause, qui se sont constitués partie civile pour mise en danger délibérée de la vie d'autrui, que ce soit par la mise en mouvement de l'action publique ou ultérieurement par voie d'intervention, sont recevables à se constituer partie civile pour l'ensemble des faits, notamment ceux susceptibles de caractériser l'infraction de financement d'une entreprise terroriste, dont il est possible d'admettre qu'ils se rattachent au délit de mise en danger délibérée de la vie d'autrui par un lien d'indivisibilité.
29. En l'état de ces motifs, desquels il résulte que le financement d'entreprise terroriste n'a pas seulement servi à permettre les déplacements des salariés et qui ne caractérisent ainsi que l'existence d'un lien de la connexité, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.
30. La cassation est par conséquent encourue.
Portée et conséquences de la cassation
31. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.
Crim. 20 avril 2022 n° 21-83.925
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° H 21-83.925 F-D
N° 00485
SL2 20 AVRIL 2022
CASSATION
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 20 AVRIL 2022
La société nationale [8], venant aux droits de l'établissement public la [7], a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-13, en date du 20 mai 2021, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 8 août 2018, n° 17-81.957), pour marchandage, l'a condamnée à 30 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérês civils.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de Mme Labrousse, conseiller, les observations de la SARLU Cabinet Munier-Apaire, avocat de la société Nationale [8], les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société [4], les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat des defendeurs, et les conclusions de M. Croizier, avocat général, après débats en l'audience publique du 22 mars 2022 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Labrousse, conseiller rapporteur, M. Bonnal, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. La société [3], aux droits de laquelle vient la société [4], a conclu avec l'établissement public [7] (la [8]), dont elle était l'une des sous-filiales, une convention-cadre ainsi que des conventions locales confiant à la première des prestations de services en gare, comme l'accueil des voyageurs, l'assistance aux personnes à mobilité réduite, la gestion des salons grands voyageurs, le transfert des bagages.
3. A la suite de plusieurs procès-verbaux dressés par l'inspection du travail constatant l'intégration des salariés de la société [3] au sein de la [8] et après une enquête préliminaire, l'établissement public [8] ainsi que la société [4], ont été cités devant le tribunal correctionnel des chefs de prêt illicite de main d'oeuvre et marchandage, pour les années 2007 à 2011.
4. Les premiers juges les ont déclarés coupables de ces chefs pour les années 2007 à 2009 et les ont relaxés pour le surplus.
5. Les prévenus, certaines parties civiles et le ministère public ont relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
6. Le grief n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le moyen, pris en ses première, troisième et quatrième branches
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré la société nationale [8] coupable du délit de marchandage de 2007 à 2009 à [Localité 6], [Localité 5], [Localité 1] et [Localité 2], étant précisé pour ce dernier lieu, que les faits s'y sont produits de janvier à juin 2007 et en conséquence l'a condamnée à une amende et au paiement, aux parties civiles, de dommages et intérêts pour préjudice moral et à une somme au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale, alors :
« 1°/ que pour être constitué, le délit de marchandage nécessite notamment la constatation de l'existence d'un prêt de main d'oeuvre à but lucratif ; qu'en l'espèce, pour retenir le délit de marchandage à l'encontre de la société exposante, la cour d'appel s'est bornée à affirmer l'existence d'une fourniture de main d'oeuvre à but lucratif sans aucunement la caractériser ; qu'en statuant ainsi la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard des articles 121-2 et suivants du code pénal, L. 8234-1, L. 8231-1 du code du travail, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
3°/ qu'il y a contrat de sous-traitance licite lorsque l'entreprise sous-traitante intervient en tant qu'entreprise autonome assurant des prestations de service effectuées par des salariés pour effectuer des missions spécifiques relevant de son savoir-faire propre ; qu'en l'espèce, examinant les contrats litigieux, pour se prononcer sur l'infraction de prêt illicite de main d'oeuvre, la cour d'appel après avoir elle-même jugé qu'ils constituaient un contrat de sous-traitance licite, qualification excluant celle de prêt de main d'oeuvre, et par conséquent l'existence d'un délit marchandage, elle ne pouvait affirmer ensuite péremptoirement l'existence d'un contrat à but lucratif de fourniture de main d'oeuvre pour retenir la culpabilité de la société exposante pour délit de marchandage car en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 121-2 et suivants du code pénal, L. 8234-1, L. 8231-1 du code du travail, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
4°/ que le lien de subordination suppose l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; qu'il ne saurait y avoir délit de marchandage en l'absence de lien de subordination entre les salariés de l'entreprise sous-traitante prestataire de service et l'entreprise donneuse d'ordre ; qu'en l'espèce, il résultait des éléments aux débats l'absence de tout lien de subordination des salariés de la société [4] anciennement [3] à l'égard de la société [8], la société [3] ayant conservé la parfaite maîtrise et le contrôle de ses salariés restés sous sa subordination, ceux-ci ayant été seulement mis à disposition de la société [8] ; qu'il s'en inférait qu'il n'y avait pas eu de prêt de main d'oeuvre et que l'infraction de marchandage ne pouvait par conséquent être retenue à l'encontre de l'exposante ; qu'en jugeant le contraire, sans pour autant relever ni caractériser l'existence d'un lien de subordination des salariés de [3] à l'égard de [8], la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 121-2 et suivants du code pénal, L. 8234-1, L. 8231-1 du code du travail, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 8231-1 du code du travail et 593 du code de procédure pénale :
8. Aux termes du premier de ces textes, le marchandage, défini comme toute opération à but lucratif de fourniture de main-d'oeuvre qui a pour effet de causer un préjudice au salarié qu'elle concerne ou d'éluder l'application de dispositions légales ou de stipulations d'une convention ou d'un accord collectif de travail, est interdit.
9. Selon le second, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
10. Pour déclarer la [8] coupable de marchandage, l'arrêt attaqué, après l'avoir relaxée du chef de prêt illicite de main d'oeuvre, énonce que le caractère lucratif de l'opération est établi pour la société [3] par le versement d'une rémunération pour l'exécution des prestations et, pour la [8], par le non recrutement de salariés auxquels elle aurait dû accorder le bénéfice de la convention « relations collectives entre la [8] et son personnel ».
11. Les juges ajoutent que les salariés de la société [3], qui ne bénéficiaient pas des facilités de circulation accordées au personnel contractuel [8], ont dès lors subi un préjudice.
12. En se déterminant ainsi, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.
13. En effet, elle ne pouvait, sans se contredire, entrer en voie de condamnation du chef de marchandage et, à l'appui de la relaxe de la société prévenue du chef de prêt illicite de main d'oeuvre, relever que les tâches sous-traitées à l'entreprise [3] étaient spécifiques et bien définies, que les pièces du dossier ne permettaient pas d'affirmer que le prestataire n'exécutait pas les prestations en toute indépendance et qu'il ne pouvait être démontré que la rémunération forfaitaire ne correspondait qu'au coût de la main d'oeuvre nécessaire à la réalisation des prestations.
14. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
15. En application de l'article 612-1 du code de procédure pénale, et dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, la cassation aura effet à l'égard de la société [4] qui ne s'est pas pourvue.
Crim. 20 avril 2022 n° 21-85.142
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° E 21-85.142 F-D
N° 00491
SL2 20 AVRIL 2022
REJET IRRECEVABILITÉ CASSATION PARTIELLE
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 20 AVRIL 2022
MM. [U] [F] et [C] [E] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, en date du 17 juin 2021, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 7 août 2019, n° 18-86.418), dans l'information suivie contre eux des chefs d'escroquerie, blanchiment en bande organisée et association de malfaiteurs, a prononcé sur leurs demandes d'annulation d'actes de la procédure.
Par ordonnance en date du 4 novembre 2021, le président de la chambre criminelle a joint les pourvois et prescrit leur examen immédiat.
Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Thomas, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de MM. [U] [F] et [C] [E], les observations de Me Bouthors, avocat de M.[Z] [Y], les sociétés [1], [2] et [4], et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 22 mars 2022 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Thomas, conseiller rapporteur, M. Bonnal, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. [U] [F], mis en examen des chefs d'escroquerie, abus de confiance, blanchiment de ces délits en bande organisée et association de malfaiteurs, a saisi la chambre de l'instruction d'une requête en nullité de sa mise en examen.
3. Par arrêt du 15 février 2017, la chambre de l'instruction a annulé sa mise en examen des chefs d'abus de confiance et blanchiment en bande organisée de ce délit et rejeté le surplus de sa requête. Elle a également annulé la mise en examen d'une autre partie, M. [C] [E], des chefs de complicité d'abus de confiance et blanchiment en bande organisée de ce délit.
4. Par arrêt du 8 novembre 2017 (Crim., 8 novembre 2017, pourvoi n° 17-81.546), la Cour de cassation a cassé et annulé cet arrêt pour motifs insuffisants sur le rejet du surplus de la requête en nullité.
5. Entre-temps, M. [F] a, le 27 juin 2017, présenté une nouvelle requête aux fins d'annulation de six commissions rogatoires internationales délivrées par le juge d'instruction les 9 octobre 2015, 19 novembre 2015 et 22 mars 2016 à destination de [Localité 3] et les 15 mai 2016, 22 juin 2016 et 29 septembre 2016 à destination du Luxembourg, alléguant qu'elles trouvent leur support nécessaire dans les chefs de sa mise en examen annulés.
6. Par arrêt du 31 octobre 2018, la chambre de l'instruction a déclaré sa requête irrecevable. Elle a également déclaré recevables mais mal fondées des demandes d'annulation de M. [E] présentées par mémoires.
7. Par arrêt du 7 août 2019, la Cour de cassation a cassé et annulé cet arrêt en ses seules dispositions ayant déclaré irrecevable la requête en nullité de M. [F] du 27 juin 2017 et renvoyé l'affaire devant la chambre de l'instruction d'une autre cour d'appel.
Examen de la recevabilité des pourvois
8. M. [F], ayant épuisé, par l'exercice qu'il en avait fait une première fois le 22 juin 2021, le droit de se pourvoir contre l'arrêt attaqué, était irrecevable à se pourvoir une seconde fois le même jour contre la même décision. Seul est recevable le premier pourvoi formé le 22 juin 2021.
Examen des moyens
Sur le premier moyen proposé pour M. [F]
Enoncé du moyen
9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevable la requête de M. [F] en ce qu'elle porte sur les commissions rogatoires adressées à [Localité 3] et sur leurs pièces d'exécution, alors :
« 1°/ que n'est pas irrecevable, au sens de l'article 174, alinéa 1er, du code de procédure pénale, le moyen pris de la nullité d'une pièce qui ne figurait pas au dossier de l'information transmis à la chambre de l'instruction saisie d'une précédente requête en nullité, et dont la régularité n'a donc pas pu être examinée ; qu'en déclarant irrecevable la requête en date du 27 juin 2017 présentée par M. [F] en ce qu'elle sollicitait l'annulation de trois commissions rogatoires internationales délivrées les 9 octobre 2015, 19 novembre 2015 et 22 mars 2016 aux autorités judiciaires de [Localité 3], motifs pris que M. [F] était en mesure de solliciter l'annulation de ces pièces avant l'audience du 18 janvier 2017 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence saisie d'une précédente requête en nullité, lorsqu'elle constatait que ces trois commissions rogatoires internationales avaient été retournées les 9 juin et 1er juillet 2016, et qu'il ressort des mentions de l'arrêt rendu le 15 février 2017 par la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence que le dossier de la procédure a été reçu par son greffe le 19 février 2016, soit antérieurement au retour de ces pièces qui ne pouvaient donc pas figurer au dossier soumis au contrôle de cette juridiction, la chambre de l'instruction a violé les articles 170, 173, 174 et 197 du code de procédure pénale, ensemble les droits de la défense ;
2°/ qu'il résulte de l'article 174 du code de procédure pénale que les parties sont uniquement tenues, à peine d'irrecevabilité, de proposer à la chambre de l'instruction saisie sur le fondement de l'article 173 du même code les moyens de nullité portant sur la procédure qui lui est transmise ; que, dès lors, en se fondant exclusivement, pour déclarer irrecevable la requête en date du 27 juin 2017 présentée par M. [F] en ce qu'elle sollicitait l'annulation de trois commissions rogatoires internationales délivrées les 9 octobre 2015, 19 novembre 2015 et 22 mars 2016 aux autorités judiciaires de [Localité 3], ainsi que leurs actes d'exécution, sur le fait que ces pièces auraient été cotées avant le 9 janvier 2017, soit avant l'audience du 18 janvier 2017 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence saisie d'une précédente requête en nullité, sans echercher si ces pièces figuraient dans le dossier transmis à cette juridiction, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 170, 173, 174 et 197 du code de procédure pénale, ensemble les droits de la défense ;
3°/ qu'en énonçant, pour retenir que M. [F] était mal fondé à soutenir, au vu d'une capture d'écran d'une copie numérique, que les commissions rogatoires internationales délivrées les 9 octobre 2015, 19 novembre 2015 et 22 mars 2016 aux autorités judiciaires de [Localité 3] n'étaient pas au dossier à la date de l'audience du 18 janvier 2017 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, que « ces pièces ont été cotées avant le 9 janvier 2017, ainsi qu'en atteste un courrier du juge d'instruction adressé à cette date à une autre partie et coté D 22051, soit postérieurement aux cotes de dossier » correspondant auxdites commissions rogatoires internationales, lorsque, d'une part, il ne ressort pas des termes du courrier du 9 janvier 2017 que les commissions rogatoires litigieuses ont été versées au dossier avant l'audience du 18 janvier 2017, et que, d'autre part, leur présence au dossier à cette date ne pouvait être déduit du seul fait qu'elles portaient un numéro de cote inférieur à celui qui correspondait audit courrier, l'ensemble de ces pièces ayant pu être coté postérieurement à cette audience, la chambre de l'instruction s'est prononcée par des motifs inopérants et n'a donc pas justifié sa décision au regard des articles 170, 173, 174 et 197 du code de procédure pénale, ensemble les droits de la défense ;
4°/ que l'autorité de la chose jugée ne porte que sur ce qui a été définitivement jugé ; qu'en l'espèce, pour déclarer irrecevable « au regard de l'autorité de la chose jugée » la requête en date du 27 juin 2017 présentée par M. [F] en ce qu'elle sollicitait l'annulation de trois commissions rogatoires internationales délivrées les 9 octobre 2015, 19 novembre 2015 et 22 mars 2016 aux autorités judiciaires de [Localité 3], ainsi que leurs actes d'exécution, la chambre de l'instruction a énoncé que, dans son arrêt du 15 février 2017, la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence « a jugé que la nullité partielle de la mise en examen de M. [F] du chef d'abus de confiance n'affectait pas sa mise en examen des chefs d'escroquerie, blanchiment en bande organisée d'escroquerie et association de malfaiteurs, et qu'elle n'emportait pas annulation d'autres pièces, notamment les commissions rogatoires qui sont seules de nature à vérifier qu'il n'existe pas d'élément d'infraction, notamment de blanchiment, commise ou réputée commis en France, et que cette motivation a été approuvée par la Cour de cassation qui, dans un arrêt rendu le 8 novembre 2017, a rejeté le pourvoi que le conseil de M [F] avait formé sur ce point » ; qu'en se déterminant ainsi, lorsqu'il ne ressort ni des motifs ni du dispositif de l'arrêt rendu le 15 février 2017 par la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence que cette juridiction aurait constaté la régularité des trois commissions rogatoires litigieuses et de leurs pièces d'exécution, dont la présence au dossier examiné n'est pas même mentionné, la chambre de l'instruction a violé le principe ci-dessus énoncé. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 174 du code de procédure pénale :
10. Selon ce texte, lorsque la chambre de l'instruction est saisie d'une requête en annulation d'actes ou de pièces de la procédure, tous moyens pris de la nullité de la procédure qui lui est transmise doivent lui être proposés et à défaut, les parties ne sont plus recevables à en faire état, sauf le cas où elles n'auraient pu les connaître. Il s'en déduit que n'est pas irrecevable une requête en nullité de pièces qui ne se trouvaient pas au dossier transmis à la chambre de l'instruction dans le cadre de l'examen d'une précédente requête en nullité et qui sont susceptibles de trouver leur support nécessaire et exclusif dans les actes ou pièces précédemment annulés.
11. Pour déclarer irrecevable la requête en nullité portant sur les trois commissions rogatoires adressées par le juge d'instruction aux autorités de [Localité 3], l'arrêt attaqué énonce que les pièces y afférentes ont été cotées au dossier avant le 9 janvier 2017, ainsi qu'en atteste une lettre du juge d'instruction à une autre partie revêtue de cette date et portant une cote supérieure à celles des pièces relatives à ces commissions rogatoires.
12. Les juges ajoutent que le conseil de M. [F] n'a pas actualisé ses demandes dans les mémoires postérieurs à sa requête et alors même qu'il a sollicité à plusieurs reprises la copie des pièces de la procédure, délivrées pour la dernière fois à compter de la cote D 14074 le 12 décembre 2016.
13. Ils estiment que M. [F] est ainsi mal fondé à soutenir, au vu d'une capture d'écran d'une copie de la procédure numérique dont l'historique des dates de création n'est aucunement probant, que les commissions rogatoires en cause n'étaient pas au dossier à la date de l'audience, le 18 janvier 2017, de la chambre de l'instruction.
14. Ils en déduisent que, d'une part, dans son arrêt du 15 février 2017, la chambre de l'instruction a jugé que la nullité partielle de la mise en examen de M. [F] n'emportait pas annulation d'autres pièces, dont les commissions rogatoires litigieuses, d'autre part, cette motivation, approuvée par la Cour de cassation dans son arrêt rendu le 8 novembre 2017, a autorité de chose jugée.
15. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé, pour les raisons qui suivent.
16. Il lui appartenait de rechercher non la date de cotation des pièces au dossier, mais l'état du dossier transmis à la juridiction et mis à la disposition des avocats des parties en vue de son examen à l'audience du 18 janvier 2017.
17. Les motifs de l'arrêt du 15 février 2017 de la chambre de l'instruction ne suffisaient pas pour affirmer, en présence d'autres commissions rogatoires internationales antérieures déjà cotées au dossier, qu'ils se rapportaient aux commissions rogatoires litigieuses et entraînaient autorité de chose jugée sur ce point.
18. Au surplus, ainsi que la Cour de cassation, qui a le contrôle des pièces de la procédure, est en mesure de le constater, le dossier transmis à la chambre de l'instruction et mis à la disposition des avocats des parties en vue de son examen à l'audience du 18 janvier 2017 s'arrêtait à la cote D 17040-9 et n'incluait pas les deux premières commissions rogatoires adressées à [Localité 3].
19. Il s'en évince que, si le dossier soumis en cet état à la chambre de l'instruction comprenait la commission rogatoire du 22 mars 2016 et ses pièces d'exécution, de sorte que la juridiction a nécessairement estimé que l'annulation de ces actes par ricochet de l'annulation partielle de la mise en examen ne se justifiait pas, celle-ci n'a pu prononcer sur la nullité des commissions rogatoires délivrées les 9 octobre 2015 et 19 novembre 2015 et de leurs pièces d'exécution.
20. La cassation est par conséquent partiellement encourue de ce chef.
Sur le second moyen proposé pour M. [F]
Enoncé du moyen
21. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en nullité de M. [F] en ce qu'elle porte sur les commissions rogatoires adressées au Luxembourg et sur leurs pièces d'exécution, alors :
1°/ que la chambre de l'instruction est tenue d'annuler, au besoin d'office, l'ensemble des actes qui procèdent d'actes dont l'annulation a été prononcée dans la même procédure par une chambre de l'instruction saisie d'une précédente requête en nullité, et qui ne figuraient pas au dossier soumis à l'examen de cette juridiction ; que dès lors, en rejetant la demande d'annulation des trois commissions rogatoires internationales adressées par les autorités judiciaires françaises aux autorités luxembourgeoises, et de leurs pièces d'exécution, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si ces actes ne trouvaient pas leur support nécessaire dans les mises en examen de M. [F] des chefs d'abus de confiance et de blanchiment de ce délit dont la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence avait prononcé l'annulation par un arrêt du 15 février 2017, devenu définitif sur ce point à la suite de l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 8 novembre 2017 (pourvoi n°P17-81.546), alors qu'elle constatait que ces pièces « n'étaient pas au dossier à la date [d'audience de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence] du 18 janvier 2017 pour avoir été adressées le 15 mars 2017 », la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 174 du Code de procédure pénale ;
2°/ qu'en rejetant la demande d'annulation des trois commissions rogatoires internationales adressées par les autorités judiciaires françaises aux autorités luxembourgeoises, et de leurs pièces d'exécution, par des motifs insuffisants à établir que ces actes ne procèdent pas des mises en examen de M. [F] des chefs d'abus de confiance et de blanchiment de ce délit qui ont été annulées par un arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 15 février 2017, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 174 du Code de procédure pénale.
Réponse de la Cour
22. Pour rejeter la demande d'annulation des trois commissions rogatoires adressées aux autorités luxembourgeoises, l'arrêt attaqué énonce, s'agissant des deux premières, qu'elles ont eu pour objet, l'une, la remise des déclarations fiscales de M. [F] pour les années 2005 à 2010, l'autre, une perquisition au siège de la société [1] afin d'identifier son ou ses bénéficiaires économiques et de connaître les circonstances de l'acquisition des terrains en Corse et le rôle de M. [F] au sein de la structure ainsi que dans l'information sur la non-constructibilité des terrains et les échanges sur les paiements ordonnés.
23. Les juges ajoutent que s'il a été procédé à diverses saisies en exécution de ces deux commissions rogatoires, la personne mise en examen avait la faculté d'en solliciter la mainlevée ou le cantonnement.
24. Ils retiennent encore, s'agissant de la troisième commission rogatoire, qu'elle a porté sur la transmission des antécédents pénaux de M. [F] et des procédures menées par M. [Y] contre lui à Luxembourg et qu'elle n'évoque pas le flux financier suspect au titre duquel M. [F] avait été mis en examen du chef d'abus de confiance.
25. En l'état de ces énonciations, d'où il résulte que les commissions rogatoires litigieuses ont été délivrées pour l'instruction de l'ensemble des faits compris dans la saisine et qu'ainsi, elles ne trouvent pas leur support exclusif dans la mise en examen annulée des chefs d'abus de confiance et blanchiment de ce délit, la chambre de l'instruction a justifié sa décision.
26. Le moyen doit dès lors être écarté.
Sur le moyen proposé pour M. [E]
Enoncé du moyen
27. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré partiellement irrecevable la requête en nullité de M. [F] et l'a rejetée pour le surplus, alors « que l'ensemble des parties et leurs avocats doivent être avisés de la date d'audience de la chambre de l'instruction de renvoi saisie par un arrêt de cassation partielle afin d'être mis en mesure de déposer un mémoire et de présenter leurs observations sur les moyens de nullité dont cette juridiction est saisie et sur l'étendue des annulations à prononcer ; que la méconnaissance de cette règle fait nécessairement grief à la partie non convoquée qui n'a ni déposé de mémoire ni présenté d'observations, à tout le moins lorsque la décision de la juridiction de renvoi a pour effet de porter atteinte à ses intérêts ; qu'en l'espèce, saisie des pourvois formés par M. [F] et M. [E] à l'encontre d'un arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence prononçant sur leurs demandes en annulation d'actes de la procédure, la Cour de cassation, par un arrêt publié du 7 août 2019 (n°18-86.418), a cassé et annulé l'arrêt susvisé en ses seules dispositions ayant déclaré irrecevable la requête présentée par M. [F] en date du 27 juin 2017, par laquelle celui-ci sollicitait l'annulation de six commissions rogatoires internationales, et a renvoyé la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon ; qu'en déclarant partiellement irrecevable cette requête et en la rejetant pour le surplus, alors que, d'une part, M. [E] et son avocat n'avaient pas été avisés de la date d'audience, n'avaient pas déposé de mémoire et n'avaient pas été entendus, et que, d'autre part, sa décision portait atteinte aux intérêts de cette partie, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 174, 197 et 198 du code de procédure pénale, ensemble le principe du contradictoire et les droits de la défense. »
Réponse de la Cour
28. L'arrêt attaqué mentionne, parmi les parties à la procédure examinée par la chambre de l'instruction désignée sur renvoi, M. [E] en qualité de personne mise en examen. L'arrêt indique encore que la procureure générale a, le 6 août 2020, en vue de l'audience devant la chambre de l'instruction, expédié les notifications et lettre recommandée conformément à l'article 197 du code de procédure pénale.
29. Il résulte de ces mentions que, faute de toute inscription de faux à l'encontre de leurs énonciations, le demandeur et son avocat ont été avisés de la date d'audience devant la chambre de l'instruction.
30. Dès lors, en cet état, le moyen manque en fait et doit être écarté.
Crim. 13 avril 2022 n° 21-83.863
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° Q 21-83.863 F-D
N° 00461
GM 13 AVRIL 2022
REJET
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 13 AVRIL 2022
M. [V] [F] et Mme [D] [B], ont formé des pourvois contre l'arrêt n° 802 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, en date du 29 avril 2021, qui, dans la procédure suivie contre eux des chefs de pratiques commerciales trompeuses, escroquerie aggravée, blanchiment aggravé, blanchiment, association de malfaiteurs, abus de biens sociaux, faux et usage et travail dissimulé, a confirmé l'ordonnance de saisie pénale rendue par le juge des libertés et de la détention.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Un mémoire, commun aux demandeurs, ainsi que des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Planchon, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [V] [F], Mme [D] [B], et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 mars 2022 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Planchon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 19 avril 2019, le procureur de la République a diligenté une enquête préliminaire concernant les agissements de la société [5] qui a pour activité la vente aux consommateurs de panneaux photovoltaïques en vue de la revente de l'électricité ou pour leur consommation personnelle, dénoncés par les clients de celle-ci et la direction départementale de la protection des populations.
3. Une étude réalisée par ce service montre que la société [5] fait souscrire quasi systématiquement à ses clients des crédits en vue de l'achat au comptant d'une installation photovoltaïque dans des conditions qui rendent l'opération nécessairement déficitaire.
4. L'examen par les enquêteurs des flux financiers du compte ouvert au nom de la société [5] à la [1] a révélé le versement d'une somme totale de 5 145 230 euros en provenance de [2] et de [3], uniquement pour les mois de janvier, février et mars 2019, ce qui pourrait induire que le produit des infractions commises est susceptible d'atteindre des millions d'euros.
5. Le 13 juin 2019, les enquêteurs ont procédé à la saisie des sommes portées au crédit du compte joint dont sont titulaires les époux [F], d'un montant de 652 334,85 euros, correspondant au produit de la vente de leur résidence et sur requête du procureur de la République en date du 21 juin 2019, le juge des libertés et de la détention a ordonné le maintien de cette saisie par ordonnance du 24 juin 2019 à l'encontre de laquelle les époux [F] ont interjeté appel le 27 juin suivant.
6. Le 15 juillet 2019, le procureur de la République a ouvert une information contre personne non dénommée des chefs de pratiques commerciales trompeuses et escroquerie aggravée, faits commis entre le 1er mai 2016 et le 15 juillet 2019 et la saisine du juge d'instruction a été étendue, par plusieurs réquisitoires supplétifs, à des faits d'escroquerie, association de malfaiteurs, blanchiment aggravé, faux et usage, travail dissimulé en bande organisée et abus de biens sociaux, commis, non seulement dans le ressort de la JIRS de Lyon mais également en Suisse, au Maroc, en Roumanie, en Grand-Bretagne et aux Etats-Unis.
Examen du moyen
Sur le moyen pris en ses deuxième et troisième branches
7. Il n'est pas de nature à être admis en application de l'article 567-1 -1 du code de procédure pénale.
Sur le moyen pris en ses première et quatrième branches
Enoncé du moyen
8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné le maintien de la saisie de la somme de 652 334,85 euros inscrite au crédit du compte bancaire ouvert dans les livres de la [1] aux noms de Mme [B] et M. [F], alors :
« 1°/ qu'en en se bornant à retenir que les appelants étaient « susceptibles d'être impliqués » dans les faits commis dans le cadre des activités de la société [5] et de M. [B], sans caractériser des raisons plausibles de soupçonner qu'ils avaient participé à la commission de l'infraction, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 131-21 du code pénal, préliminaire et 706-141 du code de procédure pénale ;
4°/ qu'en cas d'appel d'une ordonnance de saisie pénale en valeur de l'objet ou du produit direct ou indirect de l'infraction, la chambre de l'instruction est tenue de s'assurer que la valeur totale des biens saisis n'excède pas le montant de l'objet ou du produit supposé des infractions ; qu'en se bornant, pour dire que le montant des sommes saisies était inférieur au produit supposé de l'infraction, à prendre en considération les saisies réalisées sur les comptes bancaires de M. et Mme [F]-[B], sans mentionner le montant des saisies pénales pratiquées à l'encontre des autres personnes mises en cause, notamment la société [5] et M. [B], la chambre de l'instruction, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur la légalité de sa décision, a violé les articles 131-21 du code pénal, préliminaire, 593, 706-21 du code pénal, préliminaire, 593, 706-141 et 706-141-1 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
9. Pour confirmer l'ordonnance de saisie de la somme de 652 334, 85 euros, l'arrêt attaqué énonce qu'à la date de cette décision, la société [5] était visée par plusieurs plaintes pour des faits susceptibles d'être qualifiés pratiques commerciales trompeuses et escroqueries, que les victimes identifiées au 3 juin 2019 avaient chiffré leur préjudice à un total de 706 659 euros tandis qu'au 30 mai 2019, les enquêteurs ont estimé, à partir de l'analyse des comptes d'Ecorénove, le montant des sommes versées par les sociétés de crédit [2] et [3] à 2 042 840 euros pour le mois de janvier 2019, 1 718 180 euros pour le mois de février 2019, 1 384 210 euros pour le mois de mars 2019 et à la somme de 677 700 euros, le montant des contrats de financement [3] ayant vocation à être crédité sur ce compte au 19 juin 2019.
10. Les juges ajoutent que la société [5] a été - ou devait être - payée d'au moins 5 822 900 euros correspondant au produit de contrats de financement ayant des objets frauduleux puisque souscrits par des clients dont le consentement avait pu être surpris par diverses manoeuvres.
11. Ils relèvent que Mme [B], épouse [F], la fille de M. [B], dirigeant d'Ecorénove, détient 166 des 500 parts de la société [7] qui elle-même possède 48,08 % de la société [5], qu'elle est salariée de la société [8] détenue à 90 % par son mari, M. [F] et à 10 % par son père.
12. Ils retiennent qu'en l'état de ces relations et de ces participations, Mme [B] est susceptible d'être impliquée dans les faits commis dans le cadre des activités de la société [5] et de M. [B], d'autant que des investigations ultérieures ont fait apparaître que M. [F], l'époux de Mme [B], a perçu plus de 17 000 euros en provenance de la société [4], appartenant à la nébuleuse [5], et que la société [8] dont il est le responsable a reçu de la part de la société [5] plus de 1 207 000 euros entre 2016 et 2018 pour, selon M. [X] [B], de simples prestations informatiques, alors que l'activité de [8] est le conseil.
13. La chambre de l'instruction conclut qu'il appartiendra au juge d'instruction de préciser, le cas échéant, l'exacte mesure de la participation éventuelle de Mme [B], épouse [F], installée avec son mari depuis l'été 2019 en Israël, aux faits dont il a été saisi mais qu'il doit être considéré que les faits dans lesquels l'intéressée, en l'état, est susceptible d'être directement et personnellement impliquée, ont généré un produit pouvant être à ce jour de plusieurs millions d'euros et qu'en conséquence, il apparaît que la saisie du solde créditeur de 652 334,85 euros du compte joint des époux [F], était justifiée au titre d'une saisie en valeur du produit de l'infraction dès lors que le montant de la somme saisie, même si on y rajoute la saisie réalisée du solde créditeur de 3 780,76 euros du compte bancaire ouvert au nom de Mme [B], épouse [F], à la banque [6] dont appel a été distinctement interjeté, était inférieur audit produit tel qu'estimé à la date de l'ordonnance critiquée.
14. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision.
15. En effet, d'une part, la saisie est justifiée par la constatation de l'existence d'indices de ce que les mis en cause ont commis les infractions, qui relève de l'appréciation souveraine des juges du fond.
16. D'autre part, la Cour de cassation, qui a le contrôle de la procédure, est en mesure de s'assurer que la valeur de l'ensemble des biens saisis d'un montant de près de 2 700 000 euros n'excède pas le montant du produit des infractions auxquelles les demandeurs sont susceptibles d'avoir participé, qui est estimé par l'arrêt attaqué à la somme de 5 822 900 euros.
17. Ainsi le moyen doit être écarté.
18. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
Crim. 13 avril 2022 n° 22-80.852
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° N 22-80.852 F-D
N° 00616
SL2 13 AVRIL 2022
REJET
Mme DE LA LANCE conseiller doyen faisant fonction de président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 13 AVRIL 2022
M. [H] [J] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai, en date du 23 décembre 2021, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs de viols en récidive et violences aggravées, a rejeté sa demande de mise en liberté.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Pauthe, conseiller, les observations de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de M. [H] [J], et les conclusions de Mme Zientara-Logeay, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 avril 2022 où étaient présents Mme de la Lance, conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Pauthe, conseiller rapporteur, Mme Planchon, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Par arrêt définitif de la chambre de l'instruction en date du 15 décembre 2020, M. [J], placé en détention provisoire le 15 juin 2018, a été mis en accusation et renvoyé devant la cour d'assises des chefs de viol par concubin en récidive et violences volontaires n'ayant pas entraîné d'incapacité supérieure à huit jours par personne ayant été concubin de la victime.
3. Le 15 décembre 2021, il a formé une demande de mise en liberté sur le fondement des dispositions de l'article 148-1 du code de procédure pénale.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de mise en liberté de M. [J], alors « que la chambre de l'instruction, à chacun des stades de la procédure, doit s'assurer, même d'office, que les conditions légales de la détention provisoire sont réunies, et notamment de l'existence d'indices graves ou concordants rendant vraisemblable la participation de la personne détenue aux faits reprochés ; qu'en rejetant la demande de mise en liberté de M. [J], sans s'assurer de l'existence d'indices graves ou concordants rendant vraisemblable sa participation à la commission des faits qui lui étaient reprochés, et qu'il contestait devant elle, la chambre de l'instruction a violé l'article 5, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
5. Pour rejeter la demande de mise en liberté, l'arrêt attaqué, après avoir rappelé le déroulement des faits de façon détaillée, énonce que M. [J] a été renvoyé devant la cour d'assises du Nord des chefs de viols et violences habituelles sur concubin en récidive légale par arrêt définitif de mise en accusation du 15 décembre 2020 et justifie le maintien en détention au regard des éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure. 6. En cet état et en l'absence d'élément nouveau permettant de remettre en cause l'existence de charges suffisantes retenues par l'arrêt de mise en accusation, la chambre de l'instruction, qui s'est assurée suffisamment de l'existence des conditions légales de détention de M. [J], n'a méconnu aucun des textes visés au moyen. 7. Dès lors, le moyen doit être écarté.
8. Par ailleurs l'arrêt est régulier, tant en la forme qu'au regard des dispositions des articles 137-3, 143-1 et suivants du code de procédure pénale.
Crim. 13 avril 2022 n° 21-81.090
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° A 21-81.090 F-D
N° 00466
GM 13 AVRIL 2022
CASSATION
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 13 AVRIL 2022
M. [J] [M], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Limoges, en date du 28 janvier 2021, qui, dans l'information suivie sur sa plainte, contre personne non dénommée, du chef de faux, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Turcey, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. [J] [M], et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 mars 2022 où étaient présents M. Soulard, président, M. Turcey, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 12 juin 2012, M. [M] a porté plainte et s'est constitué partie civile du chef de faux, en exposant que l'entreprise individuelle Victor avait produit en justice une facture inexacte et dont la date avait été modifiée, afin d'obtenir sa condamnation par la cour d'appel de Limoges, le 2 février 2011, à lui régler le solde de travaux qu'elle avait effectués.
3. Le 24 novembre 2016, une information judiciaire a été ouverte contre personne non dénommée du chef de faux.
4. Le 9 avril 2019, le dirigeant de l'entreprise Victor a été placé sous le statut de témoin assisté.
5. Par ordonnance du 24 juillet 2020, le juge d'instruction a dit n'y avoir lieu à suivre.
6. La partie civile en a relevé appel.
Examen des moyens
Sur les premier et second moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
7. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le second moyen, pris en ses première et quatrième branches
Enoncé du moyen
8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à suivre quiconque du chef de faux, alors :
« 1°/ qu'il appartient à la chambre de l'instruction, saisie in rem, d'examiner chacun des faits qui lui sont déférés sous toutes les qualifications possibles indépendamment de la qualification donnée par la partie poursuivante ; que la production de mauvaise foi à l'appui d'une action en justice, dans le but de surprendre la religion du juge, d'une facture mensongère, même non constitutive d'un faux au sens de l'article 441-1 du code pénal, peut caractériser le délit d'escroquerie au jugement ; qu'en se bornant à énoncer que les faits dénoncés n'étaient pas constitutifs de faux sans rechercher si ces faits ne révélaient pas une escroquerie au jugement, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale au regard de l'article 80 du code de procédure pénale, ensemble l'article 313-1 du code pénal ;
4°/ et en toute hypothèse, que le délit d'escroquerie suppose que la dupe ait cru à la véracité des manoeuvres et que celles-ci l'aient déterminée ; que la remise constituée par le prononcé d'un jugement, loin d'exclure le délit d'escroquerie, en constitue un élément nécessaire à sa constitution ; que le délit d'escroquerie au jugement, lorsqu'il est consommé, suppose, par hypothèse, que le juge ait considéré que les documents produits par l'escroc n'étaient pas des faux, n'étaient pas des documents frauduleux et que ce juge ait rendu sa décision en ayant, sous l'influence des manoeuvres, donné pleine valeur probante à ces documents ; que pour dire n'y avoir lieu à suivre la chambre de l'instruction a énoncé qu'« il n'y a pas lieu de revenir sur le litige civil, lequel a été définitivement tranché par la cour d'appel de Limoges, après qu'aient été débattues contradictoirement les pièces produites par les parties, dont la facture litigieuse, qui a fait alors l'objet d'un examen au fond » ; qu'en statuant ainsi, quand la croyance par les juges civils en la véracité des pièces produites devant eux, ne pouvait suffire à écarter la qualification d'escroquerie au jugement, la chambre de l'instruction a méconnu l'article 80 du code de procédure pénale, ensemble l'article 313-1 du code pénal. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 85 et 593 du code de procédure pénale :
9. La chambre de l'instruction doit prononcer sur chacun des faits dénoncés par la plainte avec constitution de partie civile et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties.
10. Pour confirmer l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction, l'arrêt attaqué énonce que la cour n'est saisie que d'une plainte pour faux, laquelle porte sur la modification de la date d'une facture.
11. Les juges relèvent qu'une facture n'est pas un titre mais une simple pièce soumise à discussion et à vérification, ce qui a été le cas en l'espèce puisque celle-ci a été discutée devant les juridictions civiles.
12. Ils retiennent que le prétendu faux ne porte pas sur une mention substantielle, car M. [M] ne conteste pas tant la date de la facture, manifestement erronée, que la réalité des travaux et des paiements qui y figurent.
13. Ils ajoutent que la modification de la date rendait apparemment la facture incohérente, et que le témoin assisté n'avait pas intérêt à cette modification.
14. En se déterminant ainsi, par des motifs concernant seulement le délit prévu par l'article 441-1 du code pénal, la chambre de l'instruction, qui a omis de statuer sur le délit d'escroquerie au jugement, alors que le mémoire régulièrement déposé par la partie civile faisait valoir que la production en justice de ce document, dont elle soutenait la fausseté de la date et du contenu, avait trompé la religion des magistrats, n'a pas justifié sa décision.
15. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Crim. 13 avril 2022 n° 20-86.092
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° S 20-86.092 F-D
N° 00464
GM 13 AVRIL 2022
CASSATION PARTIELLE
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 13 AVRIL 2022
M. [G] [L] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Nancy, chambre correctionnelle, en date du 13 novembre 2018, qui, pour complicité d'escroquerie, faux et usage, obtention indue de document administratif, recel et détention d'arme sans autorisation, l'a condamné à un an d'emprisonnement, a ordonné une mesure de confiscation et a prononcé sur les intérêts civils.
Un mémoire personnel a été produit.
Sur le rapport de M. d'Huy, conseiller, et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 mars 2022 où étaient présents M. Soulard, président, M. d'Huy, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [G] [L] a comparu devant le tribunal correctionnel pour répondre des infractions susmentionnées.
3. Par jugement du 12 décembre 2016, le tribunal correctionnel l'a déclaré coupable de l'ensemble des faits reprochés, l'a condamné à huit mois d'emprisonnement et a ordonné, à titre de peine complémentaire, la confiscation d'un véhicule BMW série 1, immatriculé [Immatriculation 1].
4. M. [L] a relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné la confiscation à titre de peine complémentaire du véhicule BMW série 1 immatriculé [Immatriculation 1] en précisant que cette peine complémentaire n'était prononcée qu'à l'égard de M. [L], alors :
« 1°/ que la confiscation porte sur tous les biens qui sont l'objet ou le produit direct ou indirect de l'infraction, à l'exception des biens susceptibles de restitution à la victime ; qu'en se bornant à énoncer que « véhicule BMW série 1 immatriculé [Immatriculation 1], [...] a été acquis grâce aux délits de faux et usage de faux commis par M. [G] [L] » sans exposer les considérations de fait permettant de s'assurer que le véhicule confisqué ait été acquis grâce aux documents d'identité litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale ;
2°/ le juge qui autorise ou ordonne la confiscation d'un bien acquis au moyen de fonds constituant l'objet ou le produit de l'infraction et de fonds licites, doit motiver sa décision, s'agissant de ces derniers, au regard de la nécessite et la proportionnalité de l'atteinte ainsi portée au droit de propriété ; qu'en se bornant à énoncer que « véhicule BMW série 1 immatriculé [Immatriculation 1], [...] a été acquis grâce aux délits de faux et usage de faux commis par M. [G] [L] » sans vérifier si ce véhicule avait acquis grâce à des fonds licite, indépendamment de l'utilisation frauduleuse des documents d'identité de Mme [W], la cour d'appel a méconnu, les article 593 du code de procédure pénale, ensemble les articles 131-21 du code pénal et 1er du protocole additionnel n° 1 à la Convention européenne des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 441-10, 4° et 131-21 du code pénal et 593 du code de procédure pénale :
6. Il résulte du premier de ces textes que la personne coupable de faux encourt la peine complémentaire de confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit, à l'exception des objets susceptibles de restitution.
7. Il résulte du deuxième qu'il incombe en conséquence au juge qui décide de confisquer un bien, après s'être assuré de son caractère confiscable en application des conditions légales, de préciser la nature et l'origine de ce bien ainsi que le fondement de la mesure.
8. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
9. Pour ordonner à titre de peine complémentaire la confiscation du véhicule BMW série 1 immatriculé [Immatriculation 1], la cour d'appel indique que ce véhicule a été acquis grâce aux délits de faux et usage de faux commis par M. [L] et ajoute que cette peine ne sera prononcée qu'à l'égard de celui-ci.
10. En prononçant ainsi, par des motifs qui ne précisent pas la nature et l'origine du bien confisqué ni n'expliquent en quoi il avait servi ou était destiné à commettre les infractions dont le prévenu a été déclaré coupable, ou encore en était le produit, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.
11. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
12. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives à la confiscation du véhicule BMW série 1 immatriculé [Immatriculation 1]. Les autres dispositions seront donc maintenues.
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