Civ.2 7 avril 2022 n° 20-22.190
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 7 avril 2022
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 351 F-D
Pourvoi n° G 20-22.190
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 AVRIL 2022
Le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° G 20-22.190 contre l'arrêt rendu le 17 septembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 4), dans le litige l'opposant à M. [Z] [X], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Chauve, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. [X], et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 février 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Chauve, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 septembre 2020), M. [X], ayant été grièvement blessé dans une fusillade survenue quelques heures après sa participation à une expédition punitive dans un contexte de rixe entre cités, a saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infractions aux fins de réparation de ses préjudices.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexé
2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. Le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI) fait grief à l'arrêt attaqué de dire que le droit à indemnisation de M. [X] est entier, d'allouer à M. [X] une provision d'un montant de 50 000 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice corporel et d'ordonner une expertise médicale alors « que la réparation du dommage causé par les faits présentant le caractère matériel d'une infraction peut être refusée ou son montant réduit en raison de la faute de la victime en relation de causalité directe et certaine avec le dommage ; qu'en jugeant établi l'entier droit à indemnisation de M. [X], cependant qu'il résultait de ses propres constatations que, dans le cadre d'un conflit entre « cités », et quelques heures à peine avant de faire l'objet d'une fusillade, M. [X] avait participé à une expédition punitive à l'occasion de laquelle des coups de feu avaient été échangés, ce dont il résultait qu'il avait commis une faute en relation de causalité avec son dommage, la cour d'appel a violé l'article 706-3 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
4. Pour dire que le droit à indemnisation de M. [X] est entier, l'arrêt, retient que celui-ci a commis une faute en participant à une opération visant à retrouver des jeunes de la cité du Chemin Vert et à les frapper suite à un différend entre jeunes de cette cité et jeunes de la cité de l'Abreuvoir quelques heures avant la fusillade dont il a été victime, et relève que trois jeunes de la cité de l'Abreuvoir renvoyés devant la cour d'assises dans le cadre de cette affaire avaient été acquittés en appel et qu'aucune autre personne n'avait été mise en cause comme auteur de cette fusillade.
5. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu déduire que le FGTI, sur lequel pèse la charge de la preuve, ne démontrait pas que la faute de M. [X] était en relation directe et certaine avec son dommage.
6. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
Crim. 6 avril 2022 n° 21-84.581
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° V 21-84.581 F-D
N° 00425
MAS2 6 AVRIL 2022
CASSATION
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 6 AVRIL 2022
M. [J] [I] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, chambre correctionnelle, en date du 1er juillet 2021, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 16 octobre 2019, n° 18-83.637), pour agression sexuelle, atteintes sexuelles, aggravées, l'a condamné à cinq ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis probatoire, dix ans d'interdiction d'activité en lien avec les mineurs, et a prononcé sur les intérêts civils.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Mallard, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. [J] [I], et les conclusions de Mme Mathieu, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 mars 2022 où étaient présents M. Soulard, président, M. Mallard, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [J] [I] a été poursuivi pour avoir commis des atteintes sexuelles sur trois jeunes filles mineures.
3. Par jugement du 23 avril 2015, le tribunal correctionnel de Saint-Pierre de la Réunion a reconnu M. [I] coupable des faits commis sur une victime, [T] [N], a rendu une décision d'incompétence en raison de la nature criminelle des faits concernant deux autres victimes, [W] [U] et [E] [Y] [K], et a prononcé sur les intérêts civils.
4. M. [I] a formé un appel limité à la seule disposition par laquelle le tribunal a renvoyé le ministère public à mieux se pourvoir, et le ministère public a formé appel incident.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [I] coupable des faits d'atteinte sexuelle sur mineur de 15 ans sur [T] [N], d'atteinte sexuelle sur mineure de plus de 15 ans sur [E] [Y] [K], et d'agression sexuelle sur mineure de plus de 15 ans sur [W] [U], puis d'être entré en voie de condamnation, après avoir entendu, d'une part, [W] [U], non-appelantes du jugement, en qualité de partie civile, ainsi que son avocat, d'autre part, l'avocat de [T] [N] et de Mme [C] [B], alors :
« 1°/ que la victime, partie civile en première instance, non-appelante d'un jugement, n'est plus partie à l'instance d'appel et ne peut pas être entendue en cette qualité lorsque les dispositions civiles du jugement sont définitives ; qu'en donnant la parole à l'avocat de [T] [N] et de Mme [C] [B] en sa qualité d'avocat des parties civiles, tandis que celles-ci étaient non appelantes du jugement frappé d'appel par le prévenu, M. [I], en ses seules dispositions pénales, et par le ministère public, et en l'entendant en sa plaidoirie, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des dispositions des articles 509 du code de procédure pénale, ensemble l'article 513, alinéa 3, du même code ;
2°/ qu'en donnant la parole, d'une part, à [W] [U], en sa qualité de partie civile, d'autre part, à son avocat, tandis que le jugement n'avait été frappé d'appel que par le prévenu, M. [I], en ses seules dispositions pénales et par le ministère public, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des dispositions des articles 509 du code de procédure pénale, ensemble l'article 513, alinéa 3, du même code. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 509 et 513, alinéa 3, du code de procédure pénale :
6. Selon le premier de ces textes, l'affaire est dévolue à la cour d'appel dans la limite fixée par l'acte d'appel et la qualité de l'appelant.
7. Il se déduit du second que seuls le ministère public et les parties en cause ont la parole devant ladite cour.
8. La cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, saisie des seuls appels du prévenu sur la seule action publique, et du ministère public, a entendu une partie civile en cette qualité, assistée de son avocat, et l'avocat de deux autres parties civiles, avant de statuer, notamment, sur les intérêts civils.
9. En procédant ainsi, alors que lorsque les dispositions civiles du jugement sont devenues définitives, les parties civiles, constituées en première instance, qui ne sont plus parties en appel, ne peuvent comparaître à l'audience ou s'y faire représenter et ne peuvent être entendues qu'en qualité de témoins, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et des principes ci-dessus énoncés.
10. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Et sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
11. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a requalifié les faits d'atteinte sexuelle sur mineur de plus de 15 ans sur [W] [U] en agression sexuelle sur mineur de plus de 15 ans, a déclaré M. [I] coupable des faits d'agression sexuelle sur mineur de plus de 15 ans sur [W] [U], a condamné M. [I] à un emprisonnement délictuel de cinq ans et à des peines complémentaires et a prononcé sur les intérêts civils, alors :
« 1°/ que s'il appartient au juge de restituer aux faits poursuivis leur véritable qualification, il ne peut substituer des faits distincts à ceux de la prévention, à moins que le prévenu n'accepte expressément d'être jugé sur ces faits nouveaux ; qu'en l'espèce, ainsi que l'a constaté l'arrêt attaqué, M. [I] avait été cité devant le tribunal correctionnel pour des faits d'atteinte sexuelle sur [W] [U], mineure âgée de plus de 15 ans sans violence, contrainte ou menace ou surprise ; que la cour d'appel, qui n'a pas constaté que M. [I] aurait accepté d'être jugé pour les faits d'agression sexuelle sur [W] [U] qu'il aurait commis avec violence, contrainte, menace ou surprise, ne pouvait en conséquence se prononcer sur ces faits sans méconnaître l'article 388 du code de procédure pénale et l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
2°/ que s'il appartient aux juges répressifs de restituer aux faits dont ils sont saisis leur véritable qualification, c'est à la condition que le prévenu ait été mis en mesure de présenter sa défense sur la nouvelle qualification envisagée ; qu'il ne ressort pas de l'arrêt ou même des notes d'audience que M. [I] ait été mis en mesure de présenter sa défense sur la nouvelle qualification envisagée, l'arrêt se bornant à relever que les faits « peuvent être vus à l'aune d'une agression sexuelle avec contrainte et surprise » ; qu'en statuant ainsi la cour d'appel a méconnu l'article 388 du code de procédure pénale et l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
3°/ que la violence, la contrainte, la menace ou la surprise doivent être concomitantes à l'acte de nature sexuelle pour que l'infraction d'agression sexuelle soit caractérisée ; que, pour déclarer M. [I] coupable d'agression sexuelle sur [W] [U], la cour d'appel s'est bornée à relever les dires de cette dernière et à décrire le rapport et la relation entre eux sans relever l'usage de violence, de contrainte, de menace ou de surprise qui aurait été concomitante à l'acte de nature sexuelle, la seule mention d'une incapacité à réagir d'[W] [U] ne caractérisant pas l'un de ces moyens ; qu'en statuant ainsi, sans relever un élément matériel de l'infraction d'agression sexuelle, la cour d'appel a méconnu les articles 222-22 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
4°/ que lorsque les faits sont commis sur la personne d'un mineur, la contrainte morale mentionnée au premier alinéa du présent article ou la surprise mentionnée au premier alinéa de l'article 222-22 peuvent résulter de la différence d'âge existant entre la victime et l'auteur des faits et de l'autorité de droit ou de fait que celui-ci a sur la victime, cette autorité de fait pouvant être caractérisée par une différence d'âge significative entre la victime mineure et l'auteur majeur ; qu'en relevant seulement, d'une part, la confiance et l'amitié qui ne pouvaient suffire à caractériser l'existence d'une contrainte ou d'une surprise, d'autre part, une différence
d'âge inexacte, [W] [U] ayant 17 ans, et non 15 ans, au moment des faits ([Date naissance 1] 2013) pour être née en [Date naissance 1] 1996, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 222-22 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
5°/ que l'agression sexuelle constitue une infraction intentionnelle qui n'est établie que si l'auteur a eu la conscience de commettre un acte sexuel répréhensible ; qu'en se bornant à décrire la relation sexuelle entre M. [I] et [W] [U] en énonçant que celle-ci avait été dans l'incapacité de réagir, sans rechercher si M. [I] avait pu avoir conscience de commettre une infraction en proposant un rapport sexuel auquel [W] [U] n'avait pas réagi et n'avait donné aucun signe visible de refus, la cour d'appel a méconnu les articles 121-3, 222-22, du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 388 du code de procédure pénale :
12. Il résulte de ce texte que les juges ne peuvent statuer que sur les faits dont ils sont saisis à moins que le prévenu n'accepte expressément d'être jugé sur des faits distincts de ceux visés à la prévention.
13. M. [I], cité pour avoir commis une atteinte sexuelle sur un mineur de plus de 15 ans sans violence, contrainte, menace ou surprise sur la personne de [W] [U], a été condamné pour agression sexuelle commise sur cette victime.
14. En prononçant ainsi, sans constater que le prévenu avait accepté d'être jugé sur des faits d'agression sexuelle, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.
15. La cassation est par conséquent de nouveau encourue.
Crim. 6 avril 2022 n° 21-83.849
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
CN° Z 21-83.849 F-D
N° 00417
MAS2 6 AVRIL 2022
REJET
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 6 AVRIL 2022
M. [P] [F] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-8, en date du 2 mars 2021, qui, pour agressions sexuelles, violences, aggravées, l'a condamné à dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve devenu sursis probatoire, a rejeté sa demande de dispense d'inscription de la condamnation au bulletin numéro 2 du casier judiciaire, et a prononcé sur les intérêts civils.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Issenjou, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [P] [F], et les conclusions de Mme Mathieu, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 mars 2022 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Issenjou, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le tribunal correctionnel a reconnu M. [P] [F] coupable d'agressions sexuelles en état d'ivresse manifeste sur les personnes de [T] [M] et [R] [H], et de violences commises sur elles, avec menace d'une arme et en état d'ivresse manifeste, l'a condamné à dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve, a rejeté sa demande de non-inscription au bulletin numéro 2 du casier judiciaire et a prononcé sur les intérêts civils.
3. M. [F] et le ministère public ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur les premier et deuxième moyens
Enoncé des moyens
4. Le premier moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a statué par arrêt contradictoire à signifier à l'encontre de M. [F], et l'a déclaré coupable d'agressions sexuelles sur les personnes de [T] [M] et [R] [H] avec la circonstance que les faits ont été commis par une personne en état d'ivresse manifeste et de violences volontaires n'ayant pas entraîné d'incapacité de travail sur les personnes de [R] [H] et [T] [M] avec ces circonstances que les faits ont été commis avec menace d'une arme, en l'espèce une bouteille de verre, par une personne agissant en état d'ivresse, alors :
« 1°/ que l'huissier de justice doit délivrer la citation devant la cour d'appel à l'adresse déclarée par le prévenu appelant ; que pour statuer par arrêt contradictoire à signifier en application de l'article 503-1 du code de procédure pénale, la cour d'appel a constaté que bien que régulièrement cité à étude d'huissier, M. [F] n'avait pas comparu, ni fourni d'excuse et ne s'était pas fait davantage représenter ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte des mentions de la citation que le prévenu n'a pas été cité à l'adresse déclarée dans l'acte d'appel, la cour d'appel à qui il appartenait de constater l'irrégularité de la citation et d'inviter le ministère public à faire citer le prévenu à son adresse déclarée, a méconnu l'article 503-1 du code de procédure pénale et le principe ci-dessus énoncé, ensemble l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme ;
« 2°/ qu'à titre subsidiaire, l'huissier qui délivre une citation à la dernière adresse déclarée du prévenu appelant, conformément à l'article 503-1 du code de procédure pénale, est tenu d'effectuer les diligences prévues par l'article 558, alinéa 2 ou 4, dudit code, et qu'en l'absence d'accomplissement de celles-ci, la juridiction n'est pas valablement saisie ; que pour statuer par arrêt contradictoire à signifier en application de l'article 503-1 du code de procédure pénale, la cour d'appel a constaté que bien que régulièrement cité à étude d'huissier, M. [F] n'avait pas comparu, ni fourni d'excuse et ne s'était pas fait davantage représenter ; qu'en prononçant ainsi, alors que l'acte ne spécifiait pas si l'avis de passage de l'huissier avait été donné par lettre simple ou par lettre recommandée, la cour qui ne pouvait constater que le prévenu avait eu connaissance d'une citation régulièrement effectuée, et qualifier sa décision de contradictoire à signifier, a méconnu le sens et la portée des articles 558 et 503-1 du code de procédure pénale et le principe ci-dessus rappelé, ensemble l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme.»
5. Le deuxième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a statué par arrêt contradictoire à signifier à l'encontre de M. [F], et l'a déclaré coupable d'agressions sexuelles sur les personnes de [T] [M] et [R] [H] avec la circonstance que les faits ont été commis par une personne en état d'ivresse manifeste, et de violences volontaires n'ayant pas entraîné d'incapacité de travail sur les personnes de [R] [H] et [T] [M] avec ces circonstances que les faits ont été commis avec menace d'une arme, en l'espèce une bouteille de verre, par une personne agissant en état d'ivresse, alors « que subsidiairement à supposer que la procédure soit jugée régulière, le procès équitable implique le droit du prévenu de comparaître en personne, y compris en appel, devant la juridiction appelée à statuer sur sa culpabilité sauf renonciation à ce droit ou volonté de se soustraire à la justice ; que la renonciation au droit de comparaître en personne doit se trouver établie par des circonstances non équivoques et s'entourer d'un minimum de garanties correspondant à sa gravité ; que, même en cas de changement d'adresse en cours de procédure dont le prévenu n'a pas informé les autorités, celles-ci doivent entreprendre les démarches raisonnablement nécessaires afin d'assurer la comparution du prévenu ; qu'en retenant, pour statuer à l'encontre de M. [F] par arrêt contradictoire à signifier en application de l'article 503-1 du code de procédure pénale, que quoiqu'ayant été régulièrement cité à étude d'huissier le 6 novembre 2021, le prévenu est non comparant devant la cour et non excusé, cependant qu'une éventuelle absence d'indication au parquet d'un changement d'adresse par le prévenu appelant en cours de procédure d'appel ne dispensait pas les autorités de l'accomplissement des démarches raisonnablement nécessaires afin d'assurer la comparution du prévenu, dont la nouvelle adresse était facilement identifiable puisque l'huissier l'a trouvée lors de la signification de l'arrêt de condamnation et a informé M. [F] de cette décision, et ne pouvait valoir renonciation tacite de celle-ci au droit de comparaître, la cour d'appel, qui a restreint de façon injustifiée le droit de comparaître en personne devant elle, a violé les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et 591 du code de procédure pénale.».
Réponse de la Cour
6. Les moyens sont réunis.
7. Aux termes des articles 503-1, 553 et 558 du code de procédure pénale, la citation à l'adresse déclarée par le prévenu appelant est réputée faite à sa personne, à charge pour l'huissier de justice qui ne le trouve pas au domicile de mentionner dans l'exploit ses diligences et constatations, puis d'informer sans délai l'intéressé, soit par lettre recommandée, soit par avis de passage ou lettre simple accompagnés d'un récépissé à retourner signé.
8. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. [F], condamné par jugement du 18 octobre 2018, a interjeté appel. Ayant vainement tenté de lui délivrer, à son adresse déclarée, la citation à comparaître à l'audience de la cour d'appel du 19 janvier 2021, l'huissier de justice a indiqué que le domicile avait été confirmé par un voisin, que l'acte avait été déposé à son étude et qu'il avait adressé au prévenu une lettre simple conformément à l'article 558 du code de procédure pénale.
9. Pour statuer, en application de l'article 503-1 du code de procédure pénale, par arrêt contradictoire à signifier, la cour d'appel constate que le prévenu appelant, régulièrement cité à l'étude de l'huissier, l'avis de réception n'ayant pas été retourné, n'a pas comparu à l'audience, sans fournir d'excuse et ne s'est pas fait davantage représenter.
10. En l'état de ces énonciations, et dès lors qu'il résulte de l'acte lui-même que les formalités prévues par l'article 558 du code de procédure pénale ont été accomplies, peu important qu'il n'ait pas été fait retour du récépissé prévu par l'alinéa 4 de ce texte, la cour d'appel a fait l'exacte application des textes visés aux moyens, les dispositions de l'article 503-1 du code de procédure pénale, n'étant, par ailleurs, pas incompatibles avec celles de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.
11. Les moyens doivent, en conséquence, être écartés.
Sur les troisième, quatrième, cinquième et sixième moyens
Enoncé des moyens
12. Le troisième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [F] coupable d'agressions sexuelles sur les personnes de [T] [M] et [R] [H] avec la circonstance que les faits ont été commis par une personne en état d'ivresse manifeste, et de violences volontaires n'ayant pas entraîné d'incapacité de travail sur les personnes de [R] [H] et [T] [M] avec ces circonstances que les faits ont été commis avec menace d'une arme, en l'espèce une bouteille de verre, par une personne agissant en état d'ivresse, alors :
« 1°/ que tout jugement de condamnation doit constater l'existence de chacun des éléments constitutifs de chacune des infractions dont il déclare le prévenu coupable et de chacune des circonstances aggravantes qu'il retient à sa charge ; que la compréhension par la personne poursuivie de la décision de condamnation relève des exigences d'un procès équitable ; qu'en se bornant, pour déclarer M. [F] coupable d'agressions sexuelles sur les personnes de [T] [M] et de [R] [H] par une personne agissant en état d'ivresse manifeste et de violences n'ayant pas entraîné d'incapacité de travail sur les mêmes personnes avec menace d'une arme par une personne agissant en état d'ivresse, à relever que les faits étaient établis par les pièces de la procédure et notamment les déclarations des deux jeunes filles corroborées par la reconnaissance formelle du prévenu par les victimes, les déclarations des témoins, les expertises psychologiques des victimes, les déclarations du prévenu et les conclusions du rapport de son examen médico-psychologique puis à faire siens les motifs des premiers juges sans caractériser dans ses motifs propres les éléments constitutifs de chacune des infractions dont elle a reconnu le prévenu coupable à savoir l'acte sexuel matériellement commis par le prévenu à l'encontre de [R] [H], celui commis à l'encontre de [T] [M], l'état d'ivresse manifeste du prévenu, l'acte matériel de violence commis à l'encontre des deux jeunes filles, l'arme avec laquelle il les aurait menacées ainsi que le caractère volontaire de chacun de ces agissements, la cour d'appel, qui n'a pas établi en quoi les éléments constitutifs des trois infractions poursuivies étaient caractérisés à l'encontre de M. [F], n'a pas justifié légalement sa décision au regard des articles 222-28 et 222-13 du code pénal, 593 du code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
2°/ que tout jugement de condamnation doit constater l'existence de chacun des éléments constitutifs de chacune des infractions dont il déclare le prévenu coupable et de chacune des circonstances aggravantes qu'il retient à sa charge ; qu'en se bornant, pour déclarer M. [F] coupable d'agressions sexuelles et de violences volontaires par une personne agissant en état d'ivresse manifeste, à adopter les motifs des premiers juges lesquels n'ont pas caractérisé la circonstance aggravante de l'état d'ivresse manifeste du prévenu lors des faits,la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard des articles 222-28 et 222-13 du code pénal, 593 du code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.»
13. Le quatrième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [F] coupable d'agressions sexuelles sur la personne de [T] [M] par personne en état d'ivresse manifeste, alors :
« 1°/ que la présomption d'innocence fait obstacle à ce qu'une décision de condamnation puisse être fondée sur les seules déclarations de la plaignante ; qu'en déclarant M. [F] coupable d'agressions sexuelles sur la personne de [T] [M] en se fondant sur les seules déclarations incriminantes de celle-ci, non corroborées par le moindre élément extérieur objectif, et notamment par le moindre témoignage, « les déclarations de témoins » visés par l'arrêt ne concernant qu'un témoignage, celui de M. [O] [N], portant sur les seuls faits de violences, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard des articles préliminaire du code de procédure pénale et 6, § 2, de la Convention européenne des droits de l'homme ;
2°/ que l'atteinte sexuelle qui caractérise le délit d'agression sexuelle suppose un contact corporel entre l'auteur et la victime ; qu'en adoptant les motifs des premiers juges qui, pour déclarer M. [F] coupable d'agression sexuelle sur la personne de [T] [M], ont relevé que le prévenu avait tenté de l'embrasser à plusieurs reprises malgré l'opposition de la victime matérialisée par le fait de le repousser cependant que ce fait ne matérialisait aucun contact corporel entre le prévenu et la plaignante, la cour d'appel a violé les articles 111-3, 111-4, 222-22 et 222-28 du code pénal, 7 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
3°/ que les juges ne peuvent statuer que sur les faits dont ils sont saisis sauf à ce que le prévenu ait accepté expressément d'être jugé sur des faits distincts de ceux visés par la prévention ; qu'en retenant par motifs adoptés, pour déclarer M. [F] coupable d'agression sexuelle sur la personne de [T] [M], que le prévenu avait posé ses mains au-dessus de sa poitrine en prétextant regarder ses colliers et que cet agissement, en ce qu'il était accompagné de propos à connotation sexuelle explicite, caractérisait l'élément matériel du délit d'agression sexuelle cependant que la prévention n'a jamais visé le fait que M. [F] avait commis ces faits en tenant des propos à connotation sexuelle explicite, la cour d'appel a violé les articles 388 du code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
4°/ que les juges du fond doivent caractériser en quoi le contact avec une partie non sexuelle du corps d'autrui est constitutif d'une atteinte sexuelle ; qu'en retenant par motifs adoptés, pour déclarer M. [F] coupable d'agression sexuelle sur la personne de [T] [M], que le fait de poser les mains au-dessus de la poitrine en prétextant regarder les colliers caractérise, compte tenu des circonstances de faits, cet agissement étant accompagné de propos à connotation sexuelle explicite, l'élément matériel du délit d'agression sexuelle cependant que le fait de « poser les mains » sur une partie non sexuelle du corps, celle située au-dessus de la poitrine, ne suffit pas à démontrer l'existence d'une atteinte sexuelle et qu'il ne résulte d'aucune énonciation de l'arrêt que ce geste aurait été accompagné d'une manifestation physique à caractère sexuel de l'excitation sexuelle du prévenu, la cour d'appel, qui n'a pas suffisamment établi en quoi l'agissement reproché constituait une atteinte sexuelle, n'a pas justifié légalement sa décision au regard des articles 222-27 et 222-28 du code pénal, ensemble l'article 593 du code de procédure pénale ».
14. Le cinquième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [F] coupable d'agressions sexuelles sur la personne de [R] [H] par personne en état d'ivresse manifeste, alors :
« 1°/ que la présomption d'innocence fait obstacle à ce qu'une décision de condamnation puisse être fondée sur les seules déclarations de la plaignante ; qu'en déclarant M. [F] coupable d'agressions sexuelles sur la personne de [R] [H] en se fondant sur les seules déclarations incriminantes de celle-ci, non corroborées par le moindre élément extérieur objectif, et notamment par le moindre témoignage, « les déclarations de témoins » visés par l'arrêt ne concernant qu'un témoignage, celui de M. [N], portant sur les seuls faits de violences, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard des articles préliminaire du code de procédure pénale et 6, § 2, de la Convention européenne des droits de l'homme ;
2°/ que les juges du fond doivent caractériser en quoi le contact avec une partie non sexuelle du corps d'autrui est constitutif d'une atteinte sexuelle ; qu'en retenant par motifs adoptés, pour déclarer M. [F] coupable d'agression sexuelle sur la personne de [R] [H], que le fait de caresser la cuisse de celle-ci avec insistance caractérise l'élément matériel du délit sans justifier en quoi le fait de toucher la cuisse, partie non sexuelle du corps, était constitutif d'une atteinte sexuelle, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard des articles 222-27 et 222-28 du code pénal, ensemble l'article 593 du code de procédure pénale ».
15. Le sixième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [F] coupable de violences volontaires sur les personnes de [R] [H] et [T] [M] avec menace d'une arme par personne en état d'ivresse manifeste, alors :
« 1°/ que le délit de violences volontaires de l'article 222-13 du code pénal suppose la caractérisation d'un acte matériel de violence ; qu'en se bornant par motifs adoptés à relever, pour déclarer M. [F] coupable du délit de violences volontaires aggravées, que les violences avec arme reprochées au prévenu sont établies par les déclarations des deux mineures corroborées par le témoignage de M. [N] sans préciser en quoi consistait l'acte positif de violence commis par le prévenu, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article 222-13 du code pénal, ensemble l'article 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que l'insuffisance de motifs équivaut à l'absence de motifs ; qu'en relevant à l'encontre de M. [F] des violences avec arme cependant qu'il ressort des constatations mêmes de l'arrêt que M. [F] a été agressé par plusieurs personnes qui l'ont frappé (témoignages de M. [F], M. [X] [K] et M. [N]) et qu'il présentait des traces de ces violences lors de l'arrivée des policiers lesquelles ont fait l'objet d'un constat médical, que M. [K] a affirmé que M. [F] avait cassé une bouteille pour se défendre alors qu'il était agressé physiquement par plusieurs personnes et qu'enfin, M. [N] a déclaré que M. [F] avait brandi la bouteille en courant derrière « eux », ce qui n'établissait pas que les deux plaignantes étaient concernées, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article 222-13 du code pénal, ensemble l'article 593 du code de procédure pénale ;
3°/ que tout jugement de condamnation doit constater l'existence de chacun des éléments constitutifs de chacune des infractions dont il déclare le prévenu coupable et de chacune des circonstances aggravantes qu'il retient à sa charge ; qu'en relevant par motifs adoptés « des violences avec arme » à l'encontre de M. [F] sans caractériser l'arme utilisée et les circonstances de son utilisation, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article 222-13 du code pénal, ensemble l'article 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
16. Les moyens sont réunis.
17. Pour déclarer le demandeur coupable d'agressions sexuelles commises en état d'ivresse manifeste sur la personne de [T] [M] et de [R] [H], la cour d'appel, par motifs propres et adoptés, énonce qu'à plusieurs reprises, le prévenu a pris les mains de la première citée, a essayé à plusieurs reprises de l'embrasser sur la bouche, alors qu'elle le repoussait, tout en lui adressant des propos à connotation sexuelle et en mettant ses mains au-dessus de sa poitrine et qu'il a caressé la seconde de manière insistante au niveau de la cuisse, à plusieurs reprises alors qu'elle le repoussait.
18. Le jugement, dont les motifs sont adoptés, indique que M. [F] présentait, lors de son interpellation, une alcoolémie caractérisée par la présence de 0,39 milligramme d'alcool par litre d'air expiré, et que [T] [M] a décrit le prévenu comme étant sous l'empire de l'alcool ou fou.
19. Pour le déclarer coupable de violences, commises avec une arme, les juges retiennent que le demandeur, armé d'un tesson de bouteille en verre, a poursuivi sur la voie publique les victimes ce qui a causé chez elles un retentissement psychologique important, le déroulement des faits étant corroboré par des témoins.
20. En l'état de ces motifs dénués d'insuffisance, la cour d'appel, qui n'a pas excédé les termes de sa saisine et qui a pu souverainement écarter la version des faits donnée par le prévenu pour retenir celle des plaignantes, a justifié sa décision.
21. Ainsi, les moyens ne peuvent-ils être accueillis.
Sur le septième moyen
Enoncé du moyen
22. Le septième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande d'exclusion de la présente condamnation du bulletin numéro 2 du casier judiciaire sauf à préciser que la demande est irrecevable, alors « que le tribunal qui prononce la condamnation peut exclure expressément sa mention au bulletin numéro 2 dans le jugement de condamnation ; que ces dispositions ne sont pas applicables aux personnes condamnées pour l'une des infractions mentionnées à l'article 706-47 du code de procédure pénale ; que ce dernier texte ne vise pas les violences volontaires de l'article 222-13 du code pénal ; qu'en retenant, pour rejeter la demande d'exclusion de la présente condamnation au bulletin numéro 2 du casier judiciaire, que cette demande était irrecevable cependant que le délit de violences volontaires n'est pas visé par l'article 706-47 du code de procédure pénale, de sorte que la cour d'appel devait statuer sur le bien-fondé de la demande d'exclusion de la condamnation au bulletin numéro 2 du casier judiciaire de M. [F] concernant les faits de violences volontaires aggravées, la cour d'appel a violé les articles 775-1 et 706-47 du code de procédure pénale.»
Réponse de la Cour
23. Le prévenu a été reconnu coupable d'une agression sexuelle commise en état d'ivresse manifeste, infraction réprimée par l'article 222-28 du code pénal, qui figure dans la liste des infractions contenue à l'article 706-47 du code de procédure pénale. Selon l'article 775-1 du même code, la décision de condamnation pour l'une de ces infractions ne peut faire l'objet d'une dispense d'inscription au bulletin numéro 2 du casier judiciaire. En conséquence, c'est à bon droit que la cour d'appel a déclaré irrecevable la demande qui lui était présentée à cette fin.
24. Le moyen sera donc écarté.
25. Par ailleurs, l'arrêt attaqué est régulier en la forme.
Crim. 5 avril 2022 n° 22-80.282
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° T 22-80.282 F-D
N° 00556
5 AVRIL 2022
GM
NON LIEU À RENVOI
M. BONNAL conseiller le plus ancien faisant fonction de président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 5 AVRIL 2022
M. [U] [R] a présenté, par mémoire spécial reçu le 14 février 2022, une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi formé par lui contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai, en date du 21 décembre 2021, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de meurtre en bande organisée, vol aggravé en bande organisée et association de malfaiteurs, a ordonné des vérifications avant dire droit sur la prolongation de la détention provisoire.
Sur le rapport de M. Dary, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [U] [R], et les conclusions de M. Lemoine, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 avril 2022 où étaient présents M. Bonnal, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Dary, conseiller rapporteur, Mme Ménotti, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« L'interprétation jurisprudentielle constante que donne la chambre criminelle de la Cour de cassation aux articles 695-18 et 194, alinéa 4, du code de procédure pénale aux termes de laquelle, dans le cas où un demandeur fait valoir que ne figure pas en procédure la décision de remise des autorités judiciaires requises en application de l'article 27 de la décision cadre n° 2002/584/JAI relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures d'extradition, il appartient à la chambre de l'instruction d'en demander le versement au dossier, une telle demande constituant une vérification au sens de l'article 194, alinéa 4, du code de procédure pénale, puis de rechercher si la personne mise en examen avait été placée en détention provisoire pour des chefs d'accusation pour lesquels ces autorités avaient ordonné, au moins pour partie, sa remise, est-elle conforme à l'article 66 de la Constitution en ce que ce texte interdit à l'autorité judiciaire d'ordonner, de prolonger ou de maintenir une détention en prenant délibérément le risque qu'elle soit arbitraire ? ».
2. La disposition législative contestée est applicable à la procédure et n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.
3. La question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.
4. La question posée ne présente pas un caractère sérieux dès lors que, d'une part, la règle de la spécialité en droit de l'Union visant notamment à garantir les droits de la personne remise, il appartient à celle-ci d'alléguer devant la chambre de l'instruction la violation dudit principe, d'autre part, la chambre de l'instruction, saisie en appel, est tenue de statuer dans les plus brefs délais après, le cas échéant, avoir sollicité des autorités étrangères la décision de remise.
5. Dès lors, les dispositions critiquées, telles qu'interprétées par la Cour de cassation, ne méconnaissent pas l'article 66 de la Constitution.
6. Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.
Crim. 5 avril 2022 n° 22-80.282
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° T 22-80.282 F-D
N° 00559
GM 5 AVRIL 2022
REJET
M. BONNAL conseiller le plus ancien faisant fonction de président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 5 AVRIL 2022
M. [J] [G] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai, en date du 21 décembre 2021, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de meurtre en bande organisée, vol aggravé en bande organisée et association de malfaiteurs, a ordonné des vérifications avant dire droit sur la prolongation de la détention provisoire.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Dary, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [J] [G], et les conclusions de M. Lemoine, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 avril 2022 où étaient présents M. Bonnal, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Dary, conseiller rapporteur, Mme Ménotti, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée, en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Dans le cadre d'une information judiciaire ouverte des chefs susvisés, M. [J] [G], à la suite de l'émission d'un mandat d'arrêt européen, a été remis par les autorités espagnoles aux autorités françaises, le 23 décembre 2020.
3. Mis en examen des mêmes chefs, il a été placé en détention provisoire à effet du 24 décembre 2020.
4. Par ordonnance du 3 décembre 2021, le juge des libertés et de la détention a prolongé la détention de M. [G].
5. Il a relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné avant dire droit le versement au dossier de la décision de remise de M. [G] par les autorités espagnoles, sans statuer sur la légalité de sa détention, alors « que, par mémoire distinct, l'exposant sollicite le renvoi au Conseil constitutionnel d'une question prioritaire de constitutionnalité contestant la conformité à l'article 66 de la Constitution de l'interprétation jurisprudentielle constante que donne la chambre criminelle de la Cour de cassation aux articles 695-18 et 194, alinéa 4, du code de procédure pénale aux termes de laquelle, dans le cas où un demandeur fait valoir que ne figure pas en procédure la décision de remise des autorités judiciaires requises en application de l'article 27 de la décision cadre n° 2002/584/JAI relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures d'extradition, il appartient à la chambre de l'instruction d'en demander le versement au dossier, une telle demande constituant une vérification au sens de l'article 194, alinéa 4, du code de procédure pénale, puis de rechercher si la personne mise en examen avait été placée en détention provisoire pour des chefs d'accusation pour lesquels ces autorités avaient ordonné, au moins pour partie, sa remise ; que l'abrogation de ce texte qui interviendra sur la question prioritaire de constitutionnalité privera l'arrêt attaqué de base légale et entraînera sa cassation. »
Réponse de la Cour
7. La Cour de cassation ayant jugé, par arrêt de ce jour, que la question prioritaire de constitutionnalité déposée par le demandeur ne devait pas être transmise au Conseil constitutionnel, faute de caractère sérieux, le moyen est devenu sans objet.
Crim. 5 avril 2022 n° 22-80.185
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° N 22-80.185 F-D
N° 00525
RB5 5 AVRIL 2022
REJET
Mme INGALL-MONTAGNIER conseiller le plus ancien faisant fonction de président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 5 AVRIL 2022
M. [S] [W] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Metz, en date du 25 novembre 2021, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs, notamment, d'infraction à la législation sur les stupéfiants et association de malfaiteurs, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction disant n'y avoir lieu à saisir le juge des libertés et de la détention en vue de la révocation du contrôle judiciaire.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Rouvière, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [S] [W], et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 mars 2022 où étaient présents Mme Ingall-Montagnier, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Rouvière, conseiller rapporteur, M. Samuel, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Mis en examen des chefs précités, M. [S] [W] a été placé sous contrôle judiciaire, avec interdiction de quitter le territoire national.
3. Celui-ci ayant voyagé à l'étranger, le procureur de la République a requis la révocation du contrôle judiciaire, et le placement de M. [W] en détention provisoire.
4. Le juge d'instruction a dit n'y avoir lieu à saisir le juge des libertés et de la détention.
5. Le procureur de la République a relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen est pris de la violation des articles 5 de la Convention européenne des droits de l'homme et 194 du code de procédure pénale.
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a refusé d'ordonner la levée de plein droit du contrôle judiciaire et la mise en liberté de M. [W], alors « que la chambre de l'instruction saisie de l'appel du ministère public contre l'ordonnance du juge d'instruction qui a refusé de révoquer le contrôle judiciaire et de saisir le juge des libertés et de la détention pour placement en détention provisoire, statue en matière de détention provisoire et doit se prononcer dans les quinze jours de l'appel, faute de quoi la personne est remise en liberté, toute mesure de sûreté devant être levée ; qu'en décidant au contraire que la chambre de l'instruction se prononçant sur un tel appel du parquet, tendant à la mise en détention de l'intéressé, ne statuait pas en matière de détention pour refuser, le délai ayant été dépassé, de mettre M. [W] en liberté en levant toutes les mesures de contrôle judiciaire, l'arrêt attaqué a violé les articles 194, alinéas 3 et 4, du code de procédure pénale et 5 de la Convention européenne des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
8. Pour confirmer l'ordonnance refusant de saisir le juge des libertés et de la détention en révocation du contrôle judiciaire, sans en ordonner la mainlevée de plein droit, l'arrêt attaqué énonce, notamment, que M. [W] était libre lors du débat qui s'est tenu devant le juge d'instruction sur l'éventuelle révocation du contrôle judiciaire.
9. Les juges ajoutent que cette circonstance diffère de la situation du mis en examen qui est en détention provisoire lors du débat à l'issue duquel le parquet décide de relever appel de sa remise en liberté sous contrôle judiciaire.
10. Ils en déduisent que la chambre de l'instruction, qui était saisie en matière de contrôle judiciaire, bénéficiait d'un délai de deux mois pour statuer conformément aux dispositions de l'article 194, alinéa 2, du code de procédure pénale.
11. Ils en concluent que, ce délai étant respecté, il ne saurait y avoir de mainlevée de plein droit du contrôle judiciaire.
12. C'est à tort que les juges ont retenu que la chambre de l'instruction avait un délai de deux mois pour se prononcer, dès lors qu'ayant le pouvoir, en cas d'infirmation, de révoquer le contrôle judiciaire et de placer la personne mise en examen en détention provisoire, elle statuait non en matière de contrôle judiciaire, mais en matière de détention provisoire, de sorte que sa décision devait intervenir dans le délai de quinze jours prévu à l'alinéa 4 de l'article 194 du code de procédure pénale.
13. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure. En effet, la sanction du non-respect de ce délai réside dans la seule remise en liberté de la personne mise en examen, lorsqu'elle est détenue, et non dans la mainlevée de plein droit du contrôle judiciaire.
14. Ainsi, le moyen doit être écarté.
15. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
Crim. 5 avril 2022 n° 21-83.590
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° T 21-83.590 F-D
N° 00400
RB5 5 AVRIL 2022
CASSATION PARTIELLE
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 5 AVRIL 2022
L'association [2] ([2]) venant aux droits de l'association [1], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-11, en date du 16 avril 2021, qui l'a déboutée de ses demandes après relaxe de M. [O] [C] du chef d'atteintes à un système de traitement automatisé de données.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de M. Violeau, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de l'association [2] venant aux droits de l'association [1], les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [O] [C], et les conclusions de M. Lesclous, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 mars 2022 où étaient présents M. Soulard, président, M. Violeau, conseiller rapporteur, M. Bonnal, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le 19 novembre 2018, l'association [1], aux droits de laquelle est venue par la suite l'association [2], a déposé plainte pour des atteintes à son système de traitement automatisé de données (STAD), en suspectant M. [O] [C], prestataire qu'elle avait congédié de manière anticipée, le 5 octobre 2018.
3. A l'issue de l'enquête, M. [C] a été cité devant le tribunal correctionnel pour les infractions d'accès et maintien frauduleux dans un STAD ainsi qu'extraction frauduleuse de données contenues dans un tel système, entre le 5 octobre 2018 et le 8 octobre 2018, et modification frauduleuse de ces données le 5 octobre 2018.
4. Par jugement du 15 avril 2019, le tribunal correctionnel l'a condamné à 5 000 euros d'amende avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils.
5. Appel a été interjeté par le prévenu, la partie civile et le ministère public.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a débouté l'association [2] de ses demandes après relaxe de M. [C] des chefs d'accès frauduleux dans un système de traitement automatisé de données, de maintien frauduleux dans un système de traitement automatisé de données, de modification frauduleuse de données contenues dans un système de traitement automatisé et d'extraction frauduleuse de données contenues dans un système de traitement automatisé, alors :
« 1°/ que se rend coupable des infractions d'accès et de maintien frauduleux dans un système de traitement automatisé de données d'une entreprise et d'extraction frauduleuse de données, la personne qui sachant qu'elle n'y est pas autorisée accède frauduleusement par quelque moyen que ce soit à ce système, s'y maintient tout aussi frauduleusement et en extrait des données, le tout à l'insu de l'entreprise victime ; qu'en l'espèce, l'information permettait de constater le comportement intentionnel de M. [C] en ce qu'elle établissait que M. [C] avait accompli des actes frauduleux à l'encontre de la société [1] sans y avoir été autorisé par cette société ; qu'en particulier M. [C] avait affirmé avoir créé un compte type administrateur « [3] » pour la raison que dès le vendredi 5 octobre 2018, il avait constaté que son accès aux données informatisées de la société [1] avait été bloqué et qu'il ne pouvait plus utiliser son compte klamouri, qu'il avait réactivé ce compte klamouri via le compte sbraxe, afin d'avoir accès à la boite mail que la société avait mis à sa disposition pour l'exécution de sa mission dans l'entreprise et téléchargé un fichier de la société, le tout sans avoir reçu la moindre autorisation de la société ; qu'en ne retenant cependant pas M. [C] dans les liens de la prévention, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 323-1, 323-3, 323-5 du code pénal, 591 et 593 du code procédure pénale ;
2°/ que le fait de se créer un accès frauduleux au système de traitement des données d'une entreprise, à son insu, pour en récupérer tout aussi frauduleusement des données, démontre l'intention chez son auteur d'agir sans le consentement de la société et en parfaite conscience de commettre une infraction ; qu'il résulte de la procédure que M. [C] dès les 6 et 7 octobre 2018 avait accédé à distance au domaine de la société [1] en ayant recours à un mode opératoire complexe et parfaitement réfléchi ayant pour but d'extraire des données du système de traitement informatisé de l'entreprise, et en particulier de récupérer sa boîte mail ; que la mise en oeuvre de ce mode opératoire démontre la volonté et la conscience du prévenu de commettre de telles infractions ; qu'en concluant cependant à l'absence de preuve de l'intention frauduleuse du prévenu pour écarter les infractions qui lui étaient reprochées, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 323-1, 323-3, 323-5 du code pénal, 591 et 593 du code procédure pénale ;
3°/ que le comportement de la société [1] le 5 octobre 2018 ne pouvait laisser aucun doute à M. [C] sur le fait qu'elle avait mis définitivement fin à sa mission dans cette société et lui avait fait interdiction d'accéder à l'entreprise comme à ses données informatiques ; qu'en jugeant cependant qu'il n'était pas démontré que le prévenu avait eu clairement conscience, lors de ses agissements, que tous ses droits d'accès au système de traitement automatisé des données de l'entreprise lui avaient été complètement retirés dès le 5 octobre 2018, pour juger que les infractions d'atteinte au système de traitement automatisé de données de cette entreprise n'étaient pas constituées, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 323-1, 323-3, 323-5 du code pénal, 591 et 593 du code procédure pénale ;
4°/ que la contradiction de motifs équivaut à une absence de motifs ; que la cour d'appel a constaté, d'une part, que M. [C] avait affirmé avoir accédé frauduleusement par des moyens détournés au système de traitement automatisé des données de la société afin de se constituer des preuves à l'encontre de la société [1], pour assurer sa défense, ce qui signifiait donc que le prévenu avait compris et avait parfaitement conscience que la fin définitive de sa mission dans cette société était intervenue dès le 5 octobre 2018 et de ses conséquences, à savoir l'interdiction d'accéder aux données de la société et retrait de tous ses droits d'accès, et que d'autre part, elle a jugé, pour écarter les infractions qui lui étaient reprochées et en particulier l'intention chez celui-ci de les commettre, que le prévenu n'avait pas conscience lorsqu'il avait accomplis les actes litigieux de ce que la société [1] avait mis fin définitivement à ses droits d'accès aux données informatiques de la société ; que ce faisant la cour d'appel a statué par des motifs contradictoires et a ainsi violé les articles 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 2, 497 et 593 du code de procédure pénale :
6. Selon les deux premiers de ces textes, le dommage dont la partie civile, seule appelante d'un jugement de relaxe, peut obtenir réparation, doit résulter d'une faute démontrée à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite.
7. Aux termes du dernier, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
8. Pour relaxer le prévenu et débouter la partie civile, l'arrêt attaqué énonce que le secrétaire général d'[1] a brutalement notifié à M. [C], prestataire pour cette association depuis le 16 septembre 2015, la rupture de leurs relations professionnelles, le 5 octobre 2018, après réception du courrier de l'avocat de M. [C] revendiquant le statut de salarié.
9. Les juges retiennent que, si M. [C] a reçu interdiction de se connecter à son ordinateur professionnel, il a pu comprendre, comme il le soutient, dans ce contexte, qu'il était seulement interdit d'accès aux locaux de l'association et à son ordinateur fixe.
10. Ils relèvent que M. [C], depuis son domicile et postérieurement à cet entretien, a constaté que son compte « klamouri » avait été désactivé, mais que son compte d'administrateur « admlamouri » restait actif.
11. Les juges ajoutent que le prévenu a créé, par ce biais, un compte d'utilisateur à un autre nom que le sien pour se connecter à distance et réactiver son compte « klamouri » pour en extraire ses données de messagerie ainsi que l'annuaire du domaine [1].
12. Ils concluent que la notification tacite de la coupure de l'accès au système d'information de l'entreprise est insuffisante à établir son intention frauduleuse, au regard de la durée de la collaboration entre [1] et M. [C], du défaut de désactivation immédiate du compte d'administrateur du prévenu, ainsi que de l'absence de confirmation de la rupture, à la date des faits, de leurs relations par son employeur.
13. Les juges en déduisent qu'il demeure un doute sur son intention frauduleuse, s'agissant de manoeuvres ayant eu pour seul objet la récupération de données personnelles, comme moyen de preuve de son lien de subordination dans la perspective d'un éventuel litige prud'homal et dans ce contexte litigieux de rupture de collaboration assortie d'une notification imprécise de coupure des accès au système d'information.
14. En se déterminant ainsi, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision pour les motifs qui suivent.
15. En premier lieu, après avoir relevé que le prévenu avait créé un compte au nom d'un tiers pour réactiver le sien, dissimulant ainsi sciemment son action aux autres utilisateurs du STAD, dans le contexte de rupture brutale de relations professionnelles, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations.
16. En second lieu, il ne résulte pas des constatations de l'arrêt que les comportements poursuivis étaient justifiés par l'exercice des droits de la défense.
17. La cassation est par conséquent encourue.
Crim. 5 avril 2022 n° 21-85.763
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° E 21-85.763 F-D
N° 00557
5 AVRIL 2022
GM
NON LIEU À RENVOI SURSIS A STATUER
M. BONNAL conseiller le plus ancien faisant fonction de président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _______________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 5 AVRIL 2022
MM. [I] [C], [X] [F], [G] [S] [D], [W] [T] ont présenté, par mémoires spéciaux reçus le 28 février 2022, une même question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion des pourvois formés par eux contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nancy, en date du 9 septembre 2021, qui, dans l'information suivie contre eux des chefs notamment d'infractions à la législation sur les stupéfiants, importation de stupéfiants en bande organisée, blanchiment, association de malfaiteurs, infractions à la législation sur les armes, a prononcé sur leur demande d'annulation d'actes de la procédure.
Sur le rapport de Mme Labrousse, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocats des demandeurs, et les conclusions de M. Lemoine, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 avril 2022 où étaient présents M. Bonnal, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Labrousse, conseiller rapporteur, Mme Ménotti, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« En édictant les dispositions des articles 706-102-1 et 230-1 et suivants du code de procédure pénale – lesquelles permettent au procureur de la République, au juge d'instruction ou au juge des libertés et de la détention de procéder à la mise en place d'un dispositif technique ayant pour objet la captation de données informatiques, par le recours aux moyens de l'Etat soumis au secret de la défense nationale – le législateur a-t-il, d'une part, méconnu sa propre compétence en affectant des droits et libertés que la Constitution garantit, en l'occurrence, les droits de la défense, les principes de l'égalité des armes et du contradictoire ainsi que le droit à un recours effectif, en ce qu'il s'est totalement abstenu de prévoir des garanties légales suffisantes et adéquates concernant le recours à ces moyens, ne fixant aucun critère pour y recourir, et ne prévoyant aucun contrôle a priori ou a posteriori pour encadrer cette décision, laquelle apparaît ainsi purement discrétionnaire, au surplus, sans contrôle préalable par une juridiction indépendante lorsque la mesure est édictée par le seul procureur et, d'autre part, porté une atteinte injustifiée et disproportionnée à l'ensemble de ces mêmes droits et libertés que la Constitution garantit ? ».
2. Les dispositions législatives contestées sont applicables à la procédure et n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.
3. Le Conseil constitutionnel est déjà saisi de cette question prioritaire de constitutionnalité, renvoyée par la Cour de cassation et mettant en cause, pour les mêmes motifs, la constitutionnalité desdits articles (Crim., 1er février 2022, pourvoi n° 21-85.148).
4. Il convient, en conséquence, en application de l'article R. 49-33 du code de procédure pénale, de ne pas renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.
Crim. 5 avril 2022 n° 20-81.775 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° Z 20-81.775 FS-B
N° 00321
MAS2 5 AVRIL 2022
CASSATION SANS RENVOI
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 5 AVRIL 2022
Mme [I] [U] et la société [1], intervenant en qualité de mandataire liquidateur de la société [2], ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai, 6e chambre, en date du 10 février 2020, qui, pour travail dissimulé, a condamné, la première, à 5 000 euros d'amende, la seconde, à 50 000 euros d'amende.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
La chambre sociale de la Cour de cassation a rendu un avis en date du 15 décembre 2021.
Sur le rapport de Mme Labrousse, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de Mme [I] [U] et de la société [1], intervenant en qualité de mandataire liquidateur de la société [2], et les conclusions de M. Lemoine, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 février 2022 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Labrousse, conseiller rapporteur, M. Bonnal, Mme Ménotti, M. Maziau, M. Seys, M. Dary, Mme Thomas, conseillers de la chambre, M. Violeau, M. Michon, conseillers référendaires, M. Lemoine, avocat général, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. La société anonyme [2] a pour activité de collecter puis de traiter, pour le compte de marques ou d'enseignes, des données commerciales dites de « terrain » recueillies par des particuliers appelés « clicwalkers » qui, à partir d'une application gratuite téléchargée sur leur téléphone, effectuent pour le compte de cette société des missions.
3. Celles-ci peuvent consister à fournir des informations sur leurs habitudes de consommation, à émettre un avis ou prendre des photographies sur les supports de communication des clients ou enfin à vérifier dans les magasins la présence, le prix et la visibilité des produits, les supports commerciaux ou la qualité des prestations de service des entreprises clientes de la société.
4. La participation des « clicwalkers » aux missions s'effectue sur la base du volontariat.
5. Ces derniers perçoivent une gratification en points-cadeaux ou en numéraire versée après vérification par la société [2] du respect des modalités de la mission.
6. Au terme d'une enquête préliminaire ayant conclu que les « clicwalkers » devaient être assimilés à des salariés, la société [2] et Mme [I] [U], présidente et directrice générale de celle-ci, ont été poursuivies du chef de travail dissimulé par dissimulation d'emplois salariés, par défaut de déclaration nominative préalable à l'embauche, de déclarations sociales et fiscales et de remise de bulletins de paie, en raison des missions exécutées par vingt-huit salariés ayant perçu chacun plus de 600 euros en 2015 ou 2016.
7. Ni les « clicwalkers » visés à la prévention ni l'URSSAF ne se sont constitués parties civiles.
8. Par jugement en date du 24 mai 2018, le tribunal correctionnel a relaxé Mme [U] et la société [2] au motif que les « clicwalkers » ne pouvaient être considérés comme des salariés.
9. Le procureur de la République a formé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
10. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré Mme [U] et la société [2] coupables du délit de travail dissimulé par dissimulation d'emplois salariés, alors :
« 1°/ que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; qu'en l'espèce, la société [2], dont Mme [U] est la dirigeante, a mis en place une application mobile sur laquelle sont répertoriées diverses missions de très courte durée, s'inscrivant dans la vie quotidienne des consommateurs, consistant, pour le particulier qui y souscrit, appelé « clicwalker », à collecter des données ou à donner son avis sur un produit, une vitrine, une expérience client ou une pratique commerciale via cette application en contrepartie de quelques euros ou de points-cadeaux ; qu'en retenant, pour déclarer la société [2] et Mme [U] coupables de travail dissimulé par dissimulation d'emplois salariés, que les « clicwalkers » étaient liés par un contrat de travail à cette société, lorsqu'elle constatait que ceux-ci étaient libres d'accepter ou non les missions disponibles sur l'application et de les abandonner, qu'ils étaient également libres de gérer leur temps comme ils l'entendaient et qu'ils ne percevaient qu'une faible rémunération, ce dont il se déduisait qu'ils bénéficiaient d'une liberté totale exclusive d'un lien de subordination, dont l'exercice n'était pas même limité par un état de dépendance économique, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 1221-1 et L. 8221-5 du code du travail ;
2°/ que pour retenir l'existence d'un lien de subordination entre la société [2] et les « clicwalkers », la cour d'appel relève d'abord que les missions sont parfois très précises, ce dont elle déduit que la société dispose du pouvoir de donner des ordres et des directives aux « clicwalkers » puis ajoute que la société contrôle la bonne exécution de la prestation et dispose d'un pouvoir de sanction consistant à ne pas rémunérer le « clicwalker » et à ne pas rembourser les frais éventuellement exposés lorsque la mission n'a pas été exécutée conformément aux modalités prescrites ; qu'en prononçant ainsi, lorsque la société n'exerce aucun pouvoir de direction mais se borne à proposer des missions détaillées auxquelles les particuliers sont totalement libres de souscrire ou non après avoir pris connaissance du contenu de la mission, que le contrôle exercé, qui n'intervient qu'une fois la mission achevée, consiste uniquement à vérifier l'exécution de l'obligation contractuelle qui est la cause de la gratification, et que l'absence de rémunération sanctionne exclusivement le défaut d'exécution de cette obligation librement souscrite, la cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs impropres à caractériser un lien de subordination, n'a pas justifié sa décision au regard des articles L. 1221-1 et L. 8221-5 du code du travail ;
3°/ que les juges correctionnels ne peuvent statuer que sur les faits dont ils sont saisis, à moins que le prévenu n'accepte expressément d'être jugé sur des faits distincts de ceux visés à la prévention ; qu'en l'espèce, les exposantes sont poursuivies pour des faits supposément commis « entre courant juillet 2015 et courant juin 2016 » ; que, dès lors, en se fondant, pour retenir que la société [2] disposait d'un pouvoir de sanction et en déduire l'existence d'un lien de subordination, que, jusqu'en 2014, les conditions générales prévoyaient qu'un contributeur pouvait être banni et son compte fermé en cas de manquement répété aux spécificités techniques demandées ou à défaut de transmission des éléments dans les délais annoncés, la cour d'appel a violé les articles 388 et 512 du code de procédure pénale et méconnu le principe ci-dessus énoncé ;
4°/ que pour retenir que la société [2] disposait d'un pouvoir de sanction et en déduire l'existence d'un lien de subordination, la cour d'appel énonce que si la clause des conditions générales selon laquelle « en cas de manquement répété par le « clicwalker » quant aux spécificités techniques demandées ou à défaut de transmission des éléments dans les délais annoncés celui-ci pourra se voir exclu du réseau » a été supprimée en 2015, il est apparu dans les faits que, postérieurement à cette date, la société avait pu « bannir » certains utilisateurs tel qu'en atteste un courriel daté du 22 juillet 2015 signifiant à un « clicwalker » la clôture de son compte utilisateur pour avoir utilisé une photo non conforme ; qu'en se déterminant ainsi, lorsqu'il ne pouvait être déduit de la clôture du compte utilisateur de ce membre que la société prévenue détenait un pouvoir hiérarchique sur les « clicwalkers » dès lors que cette clôture ne sanctionnait pas un manquement dans l'exécution d'une mission ou d'une prestation de travail mais l'utilisation d'une photo non conforme, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles L. 1221-1 et L. 8221-5 du code du travail ;
5°/ que le contrat de travail ne peut exister qu'en présence d'une prestation de travail, laquelle consiste en une activité professionnelle, c'est-à-dire exercée de manière habituelle ou régulière afin d'en tirer des revenus ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les « clicwalkers », dont les compétences professionnelles n'étaient pas contrôlées et qui étaient libres d'accepter les missions proposées, étaient rémunérés de quelques euros par mission et que seuls 27 d'entre eux avaient perçu plus de 600 euros en 2015 ; qu'en retenant qu'un contrat de travail les liait à la société [2], lorsqu'il ressortait de ces constatations que les missions proposées l'étaient non en considération des aptitudes professionnelles des « clicwalkers » mais au regard de leur seule qualité de consommateurs et qu'elles n'étaient par ailleurs qu'occasionnelles et peu rémunératrices, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé la fourniture d'une prestation de travail, a violé les articles au regard des articles L. 1221-1 et L. 8221-5 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 8221-5 et L. 8224-1 du code du travail :
11. Il se déduit de ces textes que le délit de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié suppose que soit établie l'existence d'un lien de subordination.
12. La Cour de cassation juge que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné (Soc., 13 novembre 1996, pourvoi n° 94-13.187, Bull. 1996, V, n° 386).
13. L'existence d'une relation de travail salariée ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais dépend des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité professionnelle (Ass. plén., 4 mars 1983, pourvois n° 81-11.647 et 81-15.290, Bull. 1983, Ass. plén., n° 3 ; Soc., 19 décembre 2000, pourvoi n° 98-40.572, Bull. 2000, V, n° 437 ; Soc., 28 novembre 2018, pourvoi n° 17-20.079, publié au Bulletin).
14. En l'espèce, pour infirmer le jugement et caractériser notamment l'existence d'un lien de subordination entre la société prévenue et les « clicwalkers », l'arrêt énonce que les missions qui leur sont confiées ainsi que les consignes et directives pour les exécuter peuvent être très précises.
15. Les juges ajoutent que la société contrôle la bonne exécution de la prestation, afin de vérifier qu'elle correspond à la commande de son client.
16. Ils relèvent encore que ce contrôle s'accompagne d'un pouvoir de sanction puisque si la mission est rejetée, celui qui l'a exécutée ne sera pas rémunéré et ses frais ne seront pas remboursés.
17. Ils constatent enfin que même si les conditions générales de la plate-forme ne le prévoient plus depuis 2014, la mauvaise exécution répétée des missions a entraîné la clôture du compte de certains utilisateurs en 2015.
18. Ils en déduisent que les utilisateurs de la plate-forme exécutent une prestation de travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné et qu'ainsi la qualification de contrat de travail doit être retenue.
19. En prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.
20. En effet, n'exécute pas une prestation de travail sous un lien de subordination le particulier qui accepte, par l'intermédiaire d'une plate-forme numérique gérée par une société, d'exécuter des missions telles que décrites précédemment dès lors qu'il est libre d'abandonner en cours d'exécution les missions proposées, qu'il ne reçoit aucune instruction ou consigne lors de leur exécution, que la société ne dispose pas, pendant l'exécution de la mission, du pouvoir de contrôler l'exécution de ses directives et d'en sanctionner les manquements, quand bien même la correcte exécution des missions est l'objet d'une vérification par la société qui peut refuser de verser la rémunération prévue et le remboursement des frais engagés, en cas d'exécution non conforme.
21. Il s'ensuit que la cassation est encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
22. N'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, les faits n'étant susceptibles d'aucune autre qualification pénale, la cassation aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.
Crim. 30 mars 2022 n° 22-80.293
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° E 22-80.293 F-D
N° 00539
ECF 30 MARS 2022
REJET
Mme DE LA LANCE conseiller doyen faisant fonction de président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 30 MARS 2022
M. [L] [I] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Amiens, en date du 7 janvier 2022, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs, notamment, de blanchiment et association de malfaiteurs, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention le plaçant en détention provisoire.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Pauthe, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [L] [I], et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 30 mars 2022 où étaient présents Mme de la Lance, conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Pauthe, conseiller rapporteur, M. Wyon, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Dans le cadre d'une information ouverte le 22 mars 2021, M. [L] [I] a été mis en examen le 19 décembre 2021 des chefs susvisés.
3. Le 23 décembre 2021, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Compiègne, saisi par ordonnance du 20 décembre 2021 de M. [W], juge des enfants de ce même tribunal agissant en remplacement du juge d'instruction en charge du dossier, légitimement empêché, a placé M. [I] en détention provisoire.
4. Il a été relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité soulevée par M. [I] tirée de l'irrégularité de la désignation du magistrat ayant saisi le juge des libertés et de la détention qui a ordonné son placement en détention provisoire, alors :
« 1°/ que lorsque le juge d'instruction saisi du dossier est absent, malade ou autrement empêché, l'article 50, alinéa 4, du code de procédure pénale dispose que le tribunal judiciaire désigne l'un des juges du siège du tribunal pour le remplacer ; que la référence au tribunal judiciaire signifie, conformément aux termes de l'article R. 212-36 du code de l'organisation judiciaire, que cette compétence appartient à l'assemblée des magistrats du siège du tribunal ; qu'en l'espèce, selon les énonciations de l'arrêt attaqué M. [W] a été désigné, pour exercer les fonctions de juge d'instruction en remplacement du titulaire empêché, par deux ordonnances de la présidente du tribunal, en date du 9 novembre 2021 et du 17 décembre 2021 ; qu'en jugeant cette désignation régulière, sans constater que l'assemblée générale du tribunal avait désigné M. [W] pour exercer les fonctions de l'instruction, la chambre de l'instruction a violé l'article 50, alinéa 4, du code de procédure pénale ;
2°/ que lorsque le juge d'instruction saisi du dossier est empêché, le président du tribunal ne peut désigner un magistrat du siège pour le remplacer sans constater l'urgence et l'impossibilité de réunir l'assemblée des magistrats du siège ; qu'il résulte de l'arrêt rendu par la chambre de l'instruction que M. [W] a été désigné, pour exercer les fonctions de juge d'instruction, par deux ordonnances prises le 9 novembre 2021 et le 17 décembre 2021, par Mme [P], présidente du tribunal judiciaire de Compiègne ; qu'en jugeant cette désignation régulière, sans constater aucune urgence ni impossibilité de réunir l'assemble des magistrats du siège, la chambre de l'instruction a violé l'article 50, alinéa 4, du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
6. Pour retenir que M. [W] a fait l'objet d'une désignation régulière l'autorisant en qualité de juge d'instruction au tribunal judiciaire de Compiègne à saisir le juge des libertés et de la détention aux fins de placement en détention provisoire de M. [I], les juges relèvent, notamment, que la présidente du tribunal a, d'une part, par ordonnance du 9 novembre 2021, désigné M. [W] afin d'assurer le service de l'instruction pendant la période du 20 au 24 décembre 2021 et, d'autre part, par ordonnance de roulement du 17 décembre 2021, fixant la répartition des magistrats du siège dans les différents services du tribunal pour la période du 3 janvier au 3 juillet 2022, visé l'avis formulé le 8 novembre 2021 par l'assemblée générale des magistrats du siège et dit que les remplacements du juge d'instruction seront assurés selon l'ordre déterminé par cette assemblée générale qu'elle détermine conformément aux dispositions de l'article 50 du code de procédure pénale et que, en cas d'empêchement du juge d'instruction, la permanence sera assurée par l'un des juges des enfants, MM. [W] ou [U], ainsi que par les magistrats placés intervenant sur les fonctions pénales spécialisées.
7. En l'état de ces seules énonciations, et dès lors qu'il résulte du procès-verbal de l'assemblée générale des magistrats du siège du 8 novembre 2021, produit au dossier, que, notamment, sur le point de l'ordre du jour distinct de celui portant sur l'organisation de la juridiction en 2022, M. [W] a été désigné aux fonctions de juge d'instruction en remplacement de Mme [C], elle-même remplacée durant son congé de maternité par Mme [B], juge placé, la chambre de l'instruction a justifié sa décision.
8. Ainsi, le moyen doit être écarté.
9. Par ailleurs, l'arrêt est régulier tant en la forme qu'au regard des dispositions des articles 137-3 et 143-1 et suivants du code de procédure pénale.
Crim. 30 mars 2022 n° 21-82.427 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° D 21-82.427 F- B
N° 00374
GM 30 MARS 2022
REJET
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 30 MARS 2022
M. [E] [X] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 31 mars 2021, qui, dans la procédure suivi contre lui pour violences aggravées en récidive, mise en danger de la vie d'autrui et dégradations volontaires, a prononcé sur sa requête en restitution d'objet saisi.
Un mémoire, ainsi que des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Planchon, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [E] [X], et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 23 février 2022 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Planchon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Par jugement définitif du 4 mai 2020, le tribunal correctionnel de Grasse a déclaré M. [X] coupable de violences volontaires sur ascendants suivies d'incapacité inférieure à 8 jours en récidive, violences volontaires suivies d'incapacité inférieure à 8 jours par ancien concubin avec arme par destination en récidive, mise en danger de la vie d'autrui et dégradations volontaires du bien d'autrui et l'a condamné à dix-huit mois d'emprisonnement dont neuf mois avec sursis probatoire, sans toutefois statuer sur la restitution du véhicule Volkswagen, placé sous scellé durant l'enquête et avec lequel le demandeur, qui transportait également leur enfant commun âgé de deux ans, avait percuté volontairement le véhicule de son ancienne compagne.
3. Le 11 décembre 2020, le procureur de la République de Grasse a refusé de faire droit à la demande de restitution formulée par M. [X] qui a interjeté appel de cette décision.
Examen du moyen
Sur le moyen pris en ses sixième et septième branches
4. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le moyen pris en ses autres branches
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de restitution d'un véhicule saisi, présentée par M. [E] [X], alors :
« 1°/ que l'inconstitutionnalité et l'abrogation de l'article 41-4 du code de procédure pénale, qui permet de refuser la restitution de biens appartenant au prévenu, et qui ont été saisis pendant la procédure ayant abouti à sa condamnation, sans que leur confiscation qui pouvait être prononcée ait été ordonnée, invoquée par mémoire distinct que ne manquera pas de constater le Conseil constitutionnel entraînera l'annulation de l'arrêt attaqué par application des articles 61-1 et 62 de la Constitution ;
2°/ que les jugements définitifs ont autorité de la chose jugée ; que, par jugement du 4 mai 2020, le tribunal judiciaire de Grasse a condamné M. [X] à une peine d'emprisonnement, pour des violences volontaires ayant entraîné une ITT de moins de 8 jours sur son ancienne concubine, avec usage d'une arme et en récidive, commises le 30 avril 2020, à une peine de 18 mois d'emprisonnement dont 9 mois avec sursis ; que, par l'arrêt attaqué, la chambre de l'instruction a rejeté la requête en restitution du véhicule Tiguan que M. [X] avait utilisé le jour des faits en venant percuter le véhicule de son ex-concubine, en relevant que ce véhicule constituait l'arme par destination visées aux poursuites pour lesquelles il avait été condamné et ainsi l'instrument de l'infraction dont elle pouvait refuser la restitution et que la gravité des faits et la personnalité de M. [X] au moment des faits justifiaient de ne pas faire droit à la demande de restitution ; que, dès lors que le tribunal correctionnel saisi des poursuites n'avait pas condamné M. [X] à la peine de confiscation de ce véhicule, en refusant de le restituer au regard des critères de la peine, ce qui aboutissait à la confiscation de fait dudit véhicule que le tribunal correctionnel n'avait pas jugé nécessaire, la chambre de l'instruction a porté atteinte à l'autorité de la chose jugée par le tribunal correctionnel, en violation des articles 6 du code de procédure pénale ;
3°/ qu'en refusant la restitution au regard des critères de la peine et au vu des faits de violences volontaires par usage d'une arme par destination commis le 30 avril 2020, le véhicule étant considéré comme l'arme par destination utilisée au moment des faits et à ce titre l'instrument du délit dont la restitution pouvait être refusée, la chambre de l'instruction qui prononce ainsi une sanction à caractère punitif, équivalente à une confiscation, alors que M. [X] avait déjà été condamné pour les mêmes faits, a violé l'article 4 du Protocole n° 7 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
4°/ que portant atteinte au droit de propriété, la confiscation ou le refus de restitution de biens saisis doit être nécessaire et proportionné au but poursuivi ; que dès lors que le tribunal correctionnel n'avait pas jugé nécessaire de confisquer le véhicule de M. [X] dont il retenait pourtant la culpabilité pour violences volontaires par usage d'une arme par destination, le refus de restitution de ce véhicule, postérieurement au jugement de condamnation, fondé non sur la dangerosité intrinsèque du bien saisi mais sur le fait qu'il avait été utilisé pour commettre une infraction, sur la gravité des faits et sur la personnalité de M. [X] au moment des faits, ne pouvait être considéré comme nécessaire et proportionné au regard d'éléments que le tribunal correctionnel avait déjà appréciés ; que dès lors, en rejetant la demande de restitution qui ne pouvait être proportionnée au but poursuivi, la chambre de l'instruction a méconnu l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
5°/ qu'il appartient à la chambre de l'instruction à laquelle est déférée la décision de non-restitution de l'instrument de l'infraction rendue par le ministère public après que la juridiction de jugement saisie a épuisé sa compétence sans avoir statué sur la restitution des objets placés sous main de justice, d'apprécier, sans porter atteinte aux droits du propriétaire de bonne foi, s'il y a lieu ou non de restituer le bien au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur et de sa situation personnelle ; que, par ailleurs, les juges ne peuvent prendre en considération les condamnations ayant entraîné une réhabilitation de plein droit, sauf pour les besoins de la récidive ; qu'en prenant en considération, pour apprécier la personnalité M. [X], des condamnations dont le juge de l'application des peines avait rappelé dans sa décision à laquelle l'arrêt attaqué se réfère qu'elles étaient réhabilitées de plein droit, la chambre de l'instruction a méconnu l'article 133-16 du code pénal.»
Réponse de la Cour
Sur le moyen pris en sa première branche
6. Par décision du 3 décembre 2021 (Cons. Const. 3 décembre 2021, décision n° 2021-951 QPC), le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution l'article 41-4 du code de procédure pénale.
7. Il en résulte que le moyen est devenu sans objet.
Sur le moyen pris en sa deuxième branche
8. Le demandeur ne saurait se faire un grief de ce que la décision de non-restitution a porté atteinte à l'autorité de la chose jugée du jugement du tribunal judiciaire l'ayant condamné pour violences volontaires mais sans statuer sur la confiscation ou la restitution de son véhicule placé sous scellé pendant l'enquête, véhicule, instrument de l'infraction, visé comme arme par destination à la prévention.
9. En effet, en prononçant ainsi, la chambre de l'instruction n'a pas méconnu l'article 6 du code de procédure pénale dès lors que la demande en restitution, initiée par le demandeur, n'a pas le même objet que les poursuites engagées contre celui-ci qui ont abouti au jugement de condamnation du 4 mai 2020, aujourd'hui définitif.
10. En conséquence, le grief ne saurait être accueilli.
Sur le moyen pris en sa troisième branche
11. Il résulte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme que l'article 4 du protocole n° 7 à la Convention européenne des droits de l'homme est applicable seulement lorsque sont concernées deux procédures de nature « pénale », visant la même infraction, la seconde, qui doit être nouvelle, constituant une répétition des poursuites déjà jugées définitivement dans le même Etat par la première.
12. La Cour européenne des droits de l'homme se fonde, pour écarter l'application de ces dispositions, sur plusieurs critères tenant à la fois à la nature de la seconde procédure mais également à celle de la mesure qui a été prononcée à l'issue de celle-ci. Elle considère ainsi que ne peut avoir un caractère punitif une mesure prise à titre préventif (CEDH, arrêt du 8 novembre 2018, Serazin c. Croatie, n° 19120/15 ; CEDH, arrêt du 20 mars 2001, Hangl c. Autriche, n° 38716/97).
13. Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, la Cour juge que les sanctions imposées pour les mêmes faits par des autorités différentes dans le cadre de procédures distinctes sont considérées comme faisant partie de la même procédure dès lors qu'il peut être constaté entre elles un lien, matériel et temporel, suffisamment étroit, telle que la mesure prise dans le cadre de la seconde procédure qui est la suite directe de la décision de condamnation et ne comporte pas un nouvel examen de l'infraction ou du comportement en cause (CEDH, arrêt du 13 décembre 2005, Nilsonn c. Suède, n° 73661/01 ; CEDH, arrêt du 21 septembre 2006, Maszni c. Roumanie, n° 59892/00, §§ 68-70).
14. Il résulte de ce qui précède le principe suivant : la décision de refus de restitution d'une juridiction, saisie sur le fondement de l'article 41-4 du code de procédure pénale par une personne reconnue coupable d'avoir commis des infractions et condamnée pénalement par une décision distincte d'une juridiction répressive qui a omis de se prononcer sur la restitution de biens saisis au cours de l'enquête ou de l'information, ne peut être considérée comme une décision statuant sur des poursuites au sens de l'article 4 du Protocole n° 7 à la Convention.
15. Il s'ensuit que le grief ne peut être accueilli.
Sur le moyen pris en sa quatrième branche
16. Pour refuser de restituer son véhicule à M. [X], l'arrêt attaqué relève qu'il est insuffisant que l'intéressé fasse des efforts de réadaptation sociale relevés par le juge d'application des peines, alors que la période probatoire n'est pas terminée et qu'un amendement durable et définitif est loin d'être acquis, que ce magistrat relève aussi que si M. [X] n'est pas dangereux sur le plan psychiatrique selon l'expert, « son état nécessite un suivi thérapeutique strict afin de prévenir le risque de réitération », que ce risque est largement illustré par ses conduites addictives anciennes de consommation de stupéfiants qui lui ont valu deux condamnations, ainsi que par d'autres condamnations précédentes des chefs de violences avec arme et dégradation du bien d'autrui prononcées en 2004 et en 2005, laissant penser qu'il peut s'agir de faits commis selon le même mode opératoire que celui au moyen de son véhicule Tiguan, et enfin par la condamnation intervenue le 12 février 2020 pour violences commises sur Mme [S] qui lui a valu d'être en récidive légale retenue par le jugement du 4 mai 2020.
17. En l'état de ces énonciations, relevant de son pouvoir souverain d'appréciation, dont il résulte qu'elle a apprécié le caractère proportionné de l'atteinte ainsi portée au droit de propriété de l'intéressé au regard de la situation personnelle de ce dernier et de la gravité concrète des faits, la chambre de l'instruction a justifié sa décision.
18. Le grief ne peut qu'être écarté.
Sur le moyen pris en sa cinquième branche
19. Pour refuser de restituer son véhicule à M. [X], l'arrêt attaqué prononce par les motifs repris au paragraphe 16 de la présente décision.
20. En se déterminant ainsi, et dès lors qu'en application des dispositions combinées des articles 133-16 du code pénal et 769 du code de procédure pénale, la réhabilitation de plein droit d'une condamnation n'interdit pas à la juridiction de prendre en compte, lors de l'examen d'une demande de restitution d'un bien qui a servi à commettre les infractions, cet élément de personnalité figurant régulièrement au dossier de la procédure par sa mention au casier judiciaire, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.
21. Dès lors le moyen n'est pas fondé.
22. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.
Crim. 23 mars 2022 n° 21-83.549 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° Y 21-83.549 F-B
N° 00346
SL2 23 MARS 2022
REJET
M. DE LAROSIÈRE DE CHAMPFEU conseiller le plus ancien faisant fonction de président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 23 MARS 2022
Le procureur général près la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion a formé un pourvoi contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre correctionnelle, en date du 22 avril 2021, qui a prononcé sur une requête en incident contentieux.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Slove, conseiller, et les conclusions de M. Bougy, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 février 2022 où étaient présents M. de Larosière de Champfeu, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Slove, conseiller rapporteur, Mme Leprieur, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [E] [U] a été condamné le 3 juin 2019 par le tribunal correctionnel de Saint-Denis de la Réunion pour recel en récidive, à six mois d'emprisonnement, cette décision lui ayant été signifiée à personne le 8 juillet 2020.
3. Le juge de l'application des peines a été saisi le 31 août 2020 dans le cadre de l'article 723-15 du code de procédure pénale.
4. Le 6 décembre 2020, M. [U] a été placé en garde à vue pour des faits de viols sur mineur de quinze ans. Le 8 décembre 2020 cette procédure a fait l'objet d'un classement sans suite par le procureur de la République qui a mis à exécution la peine de six mois d'emprisonnement précitée sur le fondement de l'article 723-16 du code de procédure pénale.
5. M. [U] a saisi le tribunal correctionnel d'une requête en incident contentieux sur le fondement de l'article 710 du code de procédure pénale.
6. Les juges du fond ont déclaré cette requête recevable et l'ont rejetée.
7. M. [U] et le ministère public ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le second moyen
8. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré recevable la requête en incident contentieux d'exécution de peine présentée par M. [U], alors :
« 1°/ que la décision de mise à exécution par le ministère public d'une peine d'emprisonnement exécutoire en application de l'article 723-16 du code de procédure pénale ne saurait constituer un incident contentieux permettant la saisine de la juridiction correctionnelle sur le fondement de l'article 710 du code de procédure pénale, sauf à méconnaître les prérogatives essentielles du ministère public tirées des articles 707-1, 723-15-2 et 723-16, et relevant de la seule appréciation de ce dernier ;
2°/ qu'aucune disposition légale ne prévoit la possibilité de contester la décision de mise à exécution d'une peine d'emprisonnement ferme conformément aux exigences posées par l'article 723-16 du code de procédure pénale. Dès lors, en déclarant recevable la requête fondée sur l'article 710 du code de procédure pénale, la cour d'appel a privé de base légale sa décision et violé la loi. »
Réponse de la Cour
10. Pour déclarer la requête recevable, l'arrêt attaqué énonce que l'aménagement de la peine relève du droit des peines en application de l'article 723-15 du code de procédure pénale, l'article 723-16 du même code prévoyant la mise à exécution immédiate de la partie ferme de la peine prononcée par dérogation aux dispositions de l'article 723-15 précité, en cas d'urgence motivée soit par un risque de danger pour les personnes ou les biens établi par la survenance d'un fait nouveau, soit par l'incarcération de la personne dans le cadre d'une autre procédure, soit d'un risque avéré de fuite du condamné.
11. Les juges ajoutent que la contestation, par le condamné, des conditions de mise à exécution d'une peine par le ministère public constitue un incident d'exécution au sens de l'article 710 du code de procédure pénale, ce texte n'apportant aucune limitation à la notion d'incident. Ils précisent que la contestation formée en l'espèce par le condamné, portant sur la mise à exécution d'une peine, par le ministère public, sur le fondement de l'article 723-16 du code de procédure pénale, alors que le juge de l'application des peines est saisi dans le cadre de l'article 723-15 du même code, constitue un incident, au sens de l'article 710 précité, en l'absence de disposition particulière prévoyant une procédure spéciale.
12. En prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision.
13. En effet, tous les incidents contentieux relatifs à l'exécution des sentences pénales pour lesquels aucune autre procédure n'est prévue par la loi, tels que la contestation de la mise à exécution par le ministère public d'une peine d'emprisonnement, en application de l'article 723-16 du code de procédure pénale, relèvent des articles 710 à 712 du code de procédure pénale.
14. Dès lors, le moyen doit être écarté.
15. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.
Crim. 23 mars 2022 n° 21-82.958 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° F 21-82.958 F-B
N° 00349
SL2 23 MARS 2022
DECHEANCE REJET
M. DE LAROSIÈRE DE CHAMPFEU conseiller le plus ancien faisant fonction de président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 23 MARS 2022
[J] [K], M. [H] [T] et M. [W] [B] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'assises des mineurs de Paris, 3e section, en date du 18 avril 2021, qui, pour tentatives de meurtres, aggravés, les a condamnés, chacun, à dix-huit ans de réclusion criminelle.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires ont été produits.
Sur le rapport de M. Turbeaux, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de [J] [K], de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de M. [H] [T], et les conclusions de M. Bougy, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 février 2022 où étaient présents M. de Larosière de Champfeu, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Turbeaux, conseiller rapporteur, Mme Slove, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Quatre fonctionnaires de police, à bord de deux véhicules, ont été attaqués, à [Localité 1], par un groupe d'une quinzaine de personnes qui ont jeté dans leur direction des bouteilles incendiaires et des pavés.
3. [J] [K], mineur au moment des faits, MM. [H] [T] et [W] [B] ont été mis en examen et renvoyés, avec dix autres personnes, devant la cour d'assises des mineurs de l'Essonne, des chefs de tentatives de meurtres sur personnes dépositaires de l'autorité publique.
4. La cour d'assises a statué par arrêt du 4 décembre 2019.
5. [J] [K], MM. [T], [B] et le ministère public ont relevé appel de cette décision.
Déchéance du pourvoi formé par M. [B]
6. M. [B] n'a pas déposé dans le délai légal, personnellement ou par son avocat, un mémoire exposant ses moyens de cassation. Il y a lieu, en conséquence, de le déclarer déchu de son pourvoi par application de l'article 590-1 du code de procédure pénale.
Examen des moyens
Sur le troisième moyen proposé pour [J] [K], le premier moyen et le second moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches, proposés pour M. [T]
7. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le second moyen, pris en sa première branche, proposé pour M. [T]
8. La Cour de cassation ayant, par arrêt du 24 novembre 2021, dit n'y avoir lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel de la question prioritaire de constitutionnalité, le grief est devenu sans objet. Sur le premier moyen proposé pour [J] [K]
Enoncé du moyen
9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré [J] [K] coupable d'avoir, le 8 octobre 2016, tenté de donner volontairement la mort à quatre personnes dépositaires de l'autorité publique, l'a exclu du bénéfice de la diminution de peine prévue par l'article 20-2 de l'ordonnance du 2 février 1945 et l'a condamné à une peine de dix-huit ans de réclusion criminelle, alors :
« 1°/ que le jury de jugement est composé de six jurés lorsque la cour statue en premier ressort et de neuf jurés lorsqu'elle statue en appel ; qu'en l'espèce, à l'issue des débats, « la cour et les six jurés de jugement ainsi que les quatre jurés supplémentaires, conformément aux dispositions de l'article 296 du code de procédure pénale, sont entrés dans la chambre des délibérations » ; qu'en statuant, à hauteur d'appel, en présence de six jurés, la cour d'assises des mineurs a violé les articles 296 et 592 du code de procédure pénale, ensemble l'article 20 de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante ;
2°/ que le jury de jugement est composé de six jurés lorsque la cour statue en premier ressort et de neuf jurés lorsqu'elle statue en appel ; que tout jugement ou arrêt doit contenir la preuve de la composition régulière de la juridiction dont il émane ; qu'en l'espèce il ressort du procès-verbal des débats, tout à la fois que neuf jurés ont été désignés à l'ouverture des débats et que « la cour et les six jurés de jugement (?) sont entrés dans la chambre des délibérations » ; que du fait de ces mentions contradictoires, la cour d'assises des mineurs, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 296, 592 et 593 du code de procédure pénale, ensemble l'article 20 de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante. »
Réponse de la Cour
10. Si le procès-verbal des débats indique qu'à la clôture des débats, lors de la suspension d'audience, les six jurés de jugement sont entrés dans la salle des délibérations, le procès-verbal mentionne, dans l'ordre dans lequel ils ont été tirés, les noms des neuf jurés de jugement, tout en indiquant également la présence des neuf jurés de jugement lors de chaque reprise des débats, après les suspensions.
11. En cet état, la Cour de cassation est en mesure de s'assurer que le jury était légalement composé.
12. Ainsi le moyen, qui se fonde sur une simple erreur matérielle, ne peut qu'être écarté.
Sur le deuxième moyen proposé pour [J] [K]
Enoncé du moyen
13. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré [J] [K] coupable, d'avoir le 8 octobre 2016, tenté de donner volontairement la mort à quatre personnes dépositaires de l'autorité publique, l'a exclu du bénéfice de la diminution de peine prévue par l'article 20-2 de l'ordonnance du 2 février 1945 et l'a condamné à une peine de dix-huit ans de réclusion criminelle, alors « que chaque circonstance aggravante doit faire l'objet d'une question distincte ; que constitue une circonstance aggravante de la tentative de meurtre la circonstance que la victime était une personne dépositaire de l'autorité publique, dans l'exercice ou du fait de ses fonctions, lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l'auteur ; qu'en retenant une telle circonstance aggravante en répondant par l'affirmative à la question n° 2 se bornant à indiquer que la tentative de meurtre avait été commise sur des personnes dépositaires de l'autorité publique, dans l'exercice ou du fait de leurs fonctions, sans préciser la dernière exigence de ce texte, à savoir que cette qualité était « apparente ou connue de l'auteur », la cour d'assises d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 349 du code de procédure pénale, ensemble l'article 221-4 du code pénal. »
Réponse de la Cour
14. La deuxième question de la feuille de questions, est ainsi rédigée : « la tentative de meurtre, ci-dessus spécifiée a-t-elle été commise sur des personnes dépositaires de l'autorité publique, dans l'exercice ou du fait de leurs fonctions » ?
15. Si cette formulation omet de préciser que la qualité des victimes était apparente ou connue des auteurs, ainsi que le prévoit l'article 221-4, 4°, du code pénal, la cassation n'est toutefois pas encourue, dès lors que la feuille de motivation indique que la tentative de meurtre a été commise sur des personnes dépositaires de l'autorité publique, à savoir des fonctionnaires de la police nationale en service, dont la qualité était parfaitement apparente, ce dont il résulte que la cour et le jury ont été interrogés sur tous les éléments constitutifs de la circonstance aggravante retenue.
Sur le quatrième moyen proposé pour [J] [K]
Enoncé du moyen
16. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré [J] [K] coupable d'avoir, le 8 octobre 2016, tenté de donner volontairement la mort à quatre personnes dépositaires de l'autorité publique, l'a exclu du bénéfice de la diminution de peine prévue par l'article 20-2 de l'ordonnance du 2 février 1945 et l'a condamné à une peine de dix-huit années de réclusion criminelle, alors « que la tentative de meurtre suppose la commission d'un acte matériel positif de nature à causer la mort d'autrui ; qu'en bornant à retenir, d'une part, que « les faits constituent une scène unique de violence, qui doit être appréciée dans son ensemble, sans qu'il soit nécessaire de préciser les faits et gestes de chacun des participants à l'attaque », et, d'autre part, que [J] [K] était présent sur les lieux au moment de l'attaque, sans caractériser le moindre acte positif susceptible de causer la mort des victimes à l'encontre de celui-ci, la cour d'assises d'appel a statué par des motifs inopérants à caractériser une tentative de meurtre et n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 121-4, 121-5, 221-1 et 221-4 du code pénal, ensemble l'article 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
17. Pour déclarer l'accusé coupable de tentatives de meurtres aggravés, la feuille de motivation énonce que seize hommes vêtus de noir, dont les visages étaient dissimulés, sont arrivés groupés, en courant, à l'arrière d'un des véhicules de police, qu'ils étaient porteurs de pavés et d'une douzaine de cocktails Molotov déjà allumés, lancés à très courte distance dans l'habitacle du véhicule, qui s'est immédiatement embrasé, alors que deux policiers se trouvaient à l'intérieur.
18. Les juges énoncent que l'intention homicide des auteurs est établie par différents éléments, résultant notamment des auditions des parties civiles, des constatations effectuées par les enquêteurs, et des films de vidéosurveillance projetés à l'audience.
19. Ils ajoutent que l'attaque a duré quelques dizaines de secondes, qu'elle est l'oeuvre d'un groupe organisé et préparé, qui a manifestement effectué un repérage préalable.
20. Ils concluent à cet égard que les faits constituent donc une scène unique de violence, qui doit être appréciée dans son ensemble, sans qu'il soit nécessaire de préciser les faits et gestes de chacun des participants à l'attaque.
21. S'agissant de [J] [K] spécialement, la feuille de motivation énonce, notamment, que l'accusé reconnaît appartenir à la bande de la « Serpente », et énumère les éléments au titre desquels elle retient qu'il en est le meneur. Elle se fonde sur les déclarations de deux personnes, selon lesquelles, la veille des faits, [J] [K] a été vu préparer des cocktails Molotov, avec deux autres personnes dont le visage était dissimulé par des cagoules. Elle relève que parmi les attaquants filmés par un tiers, apparaît un individu dont la main gauche est totalement blanche, et que [J] [K] n'a pas contesté à l'audience que le 17 juillet 2016, il avait été opéré de la main gauche, après s'être blessé la veille avec un mortier d'artifice. Elle se réfère à la mise en cause de l'accusé par deux renseignements anonymes, mais aussi par un témoin anonyme et par deux témoins, l'un d'eux ayant maintenu à l'occasion d'une confrontation l'avoir reconnu à son physique, sans connaître son nom, parmi les fuyards, après l'attaque, mais aussi avoir appris par un tiers qu'il faisait partie des assaillants.
22. Elle conclut qu'au regard de l'ensemble de ces éléments, [J] [K] doit être déclaré coupable des faits de tentative de meurtre sur personnes dépositaires de l'autorité publique.
23. En statuant ainsi, la cour d'assises n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.
24. En effet, d'une part, lorsque des violences ont été exercées volontairement et simultanément, dans une intention homicide, par plusieurs accusés, au cours d'une scène unique, l'infraction peut être appréciée dans son ensemble, sans qu'il soit nécessaire pour les juges du fond de préciser la nature des violences exercées par chacun des accusés sur chacune des victimes.
25. D'autre part, les énonciations de la feuille de questions et celles de la feuille de motivation mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'assises, statuant en appel, a caractérisé les principaux éléments à charge, résultant des débats, qui l'ont convaincue de la culpabilité de [J] [K].
26. Par ailleurs la procédure est régulière et les peines ont été légalement appliquées aux faits déclarés constants par la cour et le jury.
Crim. 22 mars 2022 n° 22-90.001
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° H 22-90.001 F-D
N° 00474
22 MARS 2022
SL2
NON LIEU À RENVOI
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 22 MARS 2022
La chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, par arrêt en date du 30 décembre 2021, reçu le 10 janvier 2022 à la Cour de cassation, a transmis une question prioritaire de constitutionnalité dans la procédure suivie contre M. [Z] [V] des chefs d'importation de stupéfiants en bande organisée, infractions à la législation sur les stupéfiants, association de malfaiteurs et blanchiment.
Des observations ont été produites.
Sur le rapport de Mme Labrousse, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [Z] [V], et les conclusions de M. Croizier, avocat général, après débats en l'audience publique du 22 mars 2022 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Labrousse, conseiller rapporteur, M. Bonnal, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« L'interprétation jurisprudentielle constante que donne la chambre criminelle de la Cour de cassation aux articles 695-18 et 194, alinéa 4, du code de procédure pénale aux termes de laquelle, dans le cas où un demandeur fait valoir que ne figure pas en procédure la décision de remise des autorités judiciaires requises en application de l'article 27 de la décision-cadre 2002/584/JAI relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures d'extradition, il appartient à la chambre de l'instruction d'en demander le versement au dossier, une telle demande constituant une vérification au sens de l'article 194, alinéa 4, du code de procédure pénale, puis de rechercher si la personne mise en examen avait été placée en détention provisoire pour des chefs d'accusation pour lesquels ces autorités avaient ordonné, au moins pour partie, sa remise, est-elle conforme à l'article 66 de la Constitution en ce que ce texte interdit à l'autorité judiciaire d'ordonner, de prolonger ou de maintenir une détention en prenant délibérément le risque qu'elle soit arbitraire ? »
2. Les dispositions législatives contestées sont applicables à la procédure et n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.
3. La question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.
4. La question posée ne présente pas un caractère sérieux dès lors que, d'une part, la règle de la spécialité en droit de l'Union visant notamment à garantir les droits de la personne remise, il appartient à celle-ci d'alléguer devant la chambre de l'instruction la violation dudit principe, d'autre part, la chambre de l'instruction, saisie en appel, est tenue de statuer dans les plus brefs délais après, le cas échéant, avoir sollicité des autorités étrangères la décision de remise.
5. Dès lors, les dispositions critiquées, telles qu'interprétées par la Cour de cassation, ne méconnaissent pas l'article 66 de la Constitution.
6. Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.
Crim. 22 mars 2022 n° 21-85.819
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° R 21-85.819 F-D
N° 00335
MAS2 22 MARS 2022
ANNULATION
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 22 MARS 2022
M. [K] [W], partie civile, a formé un pourvoi contre l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 27 août 2021, qui a déclaré non-admis son appel de l'ordonnance du juge d'instruction ayant refusé d'informer sur sa plainte des chefs de prise illégale d'intérêts et soustraction de bien public.
Un mémoire personnel a été produit.
Par ordonnance en date du 4 novembre 2021, le président de la chambre criminelle a ordonné l'examen du pourvoi.
Sur le rapport de M. Violeau, conseiller référendaire, et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 février 2022 où étaient présents M. Soulard, président, M. Violeau, conseiller rapporteur, M. Bonnal, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'ordonnance attaquée et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. [K] [W] a porté plainte et s'est constitué partie civile le 23 janvier 2018 des chefs susvisés.
3. Le juge d'instruction a dit n'y avoir lieu à informer, par ordonnance du 19 mai 2021.
4. M. [W] en a relevé appel le 3 juin 2021.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen est pris de la violation de l'article 186, alinéa 4, du code de procédure pénale.
6. Le moyen critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a dit que l'appel ne serait pas admis en raison de son caractère tardif, alors :
1°/ que la déclaration inconstitutionnalité et l'abrogation de l'article 186 du code de procédure pénale que ne manquera pas de prononcer le Conseil constitutionnel à la suite de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée dans un mémoire séparé et motivé entraînera l'annulation de l'arrêt attaqué par application des articles 61-1 et 62 de la Constitution ;
2°/ que cet appel a été formé dans le délai de dix jours, la notification de l'ordonnance du juge d'instruction ayant été faite le 1er juin 2021.
Réponse de la Cour
Vu l'article 186, alinéa 6, du code de procédure pénale :
7. Il résulte de ce texte que le président de la chambre de l'instruction ne peut rendre une ordonnance de non-admission d'appel que lorsque l'appel a été formé après l'expiration du délai prévu au quatrième alinéa de ce texte.
8. Pour déclarer irrecevable, comme tardif, l'appel de l'ordonnance de refus d'informer, relevé par le demandeur le 3 juin 2021, l'ordonnance attaquée énonce que la décision du juge d'instruction a été notifiée à la partie civile le 21 mai 2021, selon la mention apposée et signée par le greffier au bas de ladite ordonnance.
9. En prononçant ainsi, alors que M. [W] a justifié de la remise tardive de la lettre recommandée le 31 mai 2021 en raison d'une défaillance du système d'acheminement du courrier entre le 22 et le 31 mai 2021, le président de la chambre de l'instruction a excédé ses pouvoirs.
10. En effet, le délai d'appel a été prorogé à concurrence de la durée de cet obstacle insurmontable pour l'intéressé, qui a été dans l'impossibilité d'exercer son recours en temps utile.
11. L'annulation est par conséquent encourue.
Crim. 22 mars 2022 n° 21-85.419
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° F 21-85.419 F-D
N° 00334
MAS2 22 MARS 2022
CASSATION
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 22 MARS 2022
M. [G] [V] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 9 septembre 2021, qui, dans l'information suivie contre lui, des chefs notamment d'escroquerie aggravée et d'association de malfaiteurs, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure.
Par ordonnance en date du 4 novembre 2021, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Michon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [G] [V], et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 février 2022 où étaient présents M. Soulard, président, M. Michon, conseiller rapporteur, M. Bonnal, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Mis en examen des chefs susvisés le 18 juin 2020, M. [G] [V] a déposé une requête en nullité le 18 décembre 2020.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête de la personne mise en examen aux fins de constatation de nullités de la procédure, alors « qu'en toute matière, la personne mise en examen ou sa défense doit recevoir la parole en dernier ; qu'il ne résulte d'aucune pièce de la procédure que l'avocat de la personne mise en examen, présent à l'audience, et qui a été entendu en ses observations, aurait eu la parole en dernier, l'arrêt démontrant au contraire que c'est le parquet général qui a parlé en dernier ; qu'ainsi, l'arrêt attaqué a été rendu en violation des droits de la défense, de l'article préliminaire du code de procédure pénale, de l'article 460 du code de procédure pénale et de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme et 199 du code de procédure pénale :
4. Il se déduit des dispositions de ces textes et des principes généraux du droit que, devant la chambre de l'instruction, la personne mise en examen, lorsqu'elle comparaît, ou son avocat, doivent avoir la parole en dernier.
5. L'arrêt attaqué mentionne qu'ont été entendus à l'audience l'avocat de la personne mise en examen en ses observations, le ministère public en ses réquisitions, puis qu'à l'issue des débats, l'affaire a été mise en délibéré.
6. Ces mentions ne permettent pas à la Cour de cassation de s'assurer que le principe ci-dessus rappelé a été respecté.
7. La cassation est par conséquent encourue.
Crim. 22 mars 2022 n° 21-82.225
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° J 21-82.225 F-D
N° 00329
MAS2 22 MARS 2022
CASSATION
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 22 MARS 2022
M. [F] [L] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Limoges, chambre correctionnelle, en date du 17 février 2021, qui, pour travail dissimulé, l'a condamné à 5 000 euros d'amende.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Seys, conseiller, les observations de Me Bouthors, avocat de M. [F] [L], et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 février 2022 où étaient présents M. Soulard, président, M. Seys, conseiller rapporteur, M. Bonnal, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Un contrôle réalisé par les agents de l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (ci-après URSSAF) en décembre 2017 auprès d'une entreprise de bâtiment a mis en évidence l'intervention, pour le compte de cette dernière, notamment des sociétés de droit portugais [1] et [3] SA et [2], toutes deux dirigées par M. [F] [L].
3. En l'absence de toute déclaration auprès des organismes sociaux français, des vérifications ont été entreprises pour déterminer si des cotisations sociales étaient versées au Portugal pour les salariés portugais, travaillant en France, de ces entreprises.
4. À l'issue, M. [L] a été poursuivi pour travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié.
5. Par jugement en date du 2 juillet 2020, le tribunal correctionnel, après relaxe partielle pour les faits les plus anciens, a déclaré l'intéressé coupable pour le surplus, l'a condamné à 10 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils.
6. M. [L], puis le procureur de la République, ont interjeté appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [L] coupable d'exécution d'un travail dissimulé du 1er mars 2014 au 31 décembre 2017 et l'a condamné à 5 000 euros d'amende, alors :
« 1°/ que l'infraction de travail dissimulé est une infraction matérielle dont les éléments constitutifs doivent être caractérisés ; que tel n'est pas le cas de la déclaration de culpabilité de l'entrepreneur sous-traitant, directement et seulement déduite du défaut de production d'un document administratif complémentaire (formulaire A1), quand il est établi que les sociétés du prévenu sont en règle auprès des services fiscaux et sociaux de l'Etat d'établissement (Portugal) ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, la cour a méconnu les exigences des articles L. 8222-1 et suivants du code du travail, ensemble l'article 593 du code de procédure pénale et le principe de la présomption d'innocence ;
2°/ qu'en s'abstenant de décrire et de qualifier des faits de nature à caractériser un travail dissimulé (nombre de salariés, etc.) et de préciser le gain escompté par la dissimulation poursuivie, la cour a de ce chef violé les articles L. 8222-1 et suivants du code du travail, ensemble l'article 593 du code de procédure pénale ;
3°/ que le délit de travail dissimulé est une infraction intentionnelle au sens de l'article 121-3 du code pénal ; qu'en se bornant à relever un simple manquement administratif en France quand les sociétés sous-traitantes portugaises étaient en règle auprès de leur Etat d'établissement en ce qui concerne les cotisations sociales et fiscales afférentes à leurs salariés respectifs, la cour n'a pas caractérisé l'élément intentionnel nécessaire pour entrer en voie de condamnation, ensemble l'article 593 du code de procédure pénale ;
4°/ que la référence abstraite à la nature des incriminations retenues et à la personnalité du prévenu n'est pas suffisante au regard des exigences de l'article 132-1 du code pénal imposant aux juridictions du fond de personnaliser les peines in concreto au regard notamment des ressources et des charges du prévenu ; qu'ainsi, la cour a méconnu le principe de personnalité des peines. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 593 du code de procédure pénale :
8. Selon ce texte, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
9. Pour déclarer M. [L] coupable de travail dissimulé, l'arrêt attaqué énonce que, selon les premiers juges, des salariés des entreprises portugaises [1] et [3] SA et [2] sont régulièrement détachés sur des chantiers français pour le compte du prévenu, leur employeur, et que les investigations entreprises ont montré qu'aucun certificat A1 n'avait été établi pour ces mêmes salariés.
10. Les juges ajoutent que si les déclarations émises par le service de sécurité sociale directe pendant la période du 21 janvier 2013 au 20 septembre 2018 indiquent que les sociétés [1] et [3] SA et [2] ont leur situation contributive régularisée vis-à-vis de la sécurité sociale, elles ne précisent pas si les travailleurs desdites entreprises sont concernés.
11. Ils en déduisent qu'en l'absence de certificats A1, les salariés détachés étaient soumis à la législation française et notamment aux dispositions de l'article L. 8221-5 du code du travail.
12. En se déterminant par des motifs insuffisants à caractériser l'élément matériel de l'infraction poursuivie, qu'elle ne pouvait déduire de la seule absence de production de certificats A1, seulement susceptible d'être sanctionnée par la pénalité administrative prévue par l'article L. 114-15-1 du code de la sécurité sociale, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.
13. La cassation est par conséquent encourue.
Crim. 22 mars 2022 n° 22-80.019 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° H 22-80.019 FS-B
N° 00469
SL2 22 MARS 2022
REJET
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 22 MARS 2022
M. [E] [H] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 5e section, en date du 13 décembre 2021, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'escroquerie et blanchiment, en bande organisée, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention le plaçant en détention provisoire.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Dary, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [E] [H], et les conclusions de M. Croizier, avocat général, après débats en l'audience publique du 22 mars 2022 où étaient présents M. Soulard, président, M. Dary, conseiller rapporteur, MM. Bonnal, Maziau, Mme Labrousse, M. Seys, Mme Thomas, conseillers de la chambre, MM. Violeau, Michon, conseillers référendaires, M. Croizier, avocat général, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 12 octobre 2021, le procureur de la République a ouvert une information judiciaire contre personne non dénommée des chefs d'escroquerie, recel d'escroquerie et blanchiment d'escroquerie, en bande organisée.
3. Le 22 novembre 2021, plusieurs personnes ont été interpellées dont M. [E] [H] qui, le 25 novembre suivant, a été mis en examen des chefs d'escroquerie et blanchiment, en bande organisée, et placé en détention provisoire par ordonnance du juge des libertés et de la détention dont il a relevé appel.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il confirmé l'ordonnance de placement en détention provisoire du 25 novembre 2021, alors :
« 1°/ que le juge d'instruction ne peut saisir le juge des libertés et de la détention aux fins de placement en détention provisoire qu'après avoir recueilli les réquisitions écrites et motivées du ministère public ; qu'ayant constaté, en l'espèce, que de telles réquisitions n'avaient pas été recueillies par le magistrat instructeur avant qu'il ne prenne la décision de saisir le juge des libertés et de la détention aux fins du placement en détention de M. [H], la chambre de l'instruction, en refusant néanmoins d'annuler l'ordonnance de placement prise par un juge des libertés et de la détention irrégulièrement saisi et donc incompétent pour en décider, au motif inopérant que cette absence de réquisitions écrites n'aurait causé aucun grief, a méconnu les articles 32, 82, 137-1, 145 et 593 du code de procédure pénale, ensemble les articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
2°/ que le juge des libertés et de la détention est saisi par ordonnance motivée du juge d'instruction qui doit lui transmettre le dossier de la procédure accompagné des réquisitions écrites et motivées du procureur de la République ; que l'absence de ces réquisitions écrites et motivées empêche le mis en examen de préparer utilement sa défense préalablement au débat contradictoire devant le juge des libertés et de la détention, et lui cause nécessairement grief ; qu'en l'espèce, la chambre de l'instruction a retenu qu'il était « constant que M. [H] a été placé en détention provisoire le 25 novembre 2021 sans que le procureur de la République de Paris ait pris de réquisitions écrites et alors que le juge d'instruction était tenu de saisir le juge des libertés et de la détention en lui transmettant le dossier de la procédure accompagné des réquisitions du procureur de la République » mais que la violation de ces formalités substantielles prescrites par la loi n'avait pas fait grief à M. [H] ; qu'en statuant ainsi, la chambre de l'instruction, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 82, 137-1, 145, 802 et 593 du code de procédure pénale ;
3°/ qu'en tout état de cause, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision, l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivalant à leur absence ; qu'en l'espèce, la chambre de l'instruction a retenu que l'absence des réquisitions écrites et motivées du procureur de la République au dossier transmis à la défense préalablement à la tenue du débat contradictoire devant le juge des libertés et de la détention n'avait pas fait grief à M. [H] aux motifs que « d'une part [?] le défaut de réquisitions du procureur de la République n'a pas eu pour effet de raccourcir le délai de présentation de M. [H] au juge des libertés et de la détention et d'autre part [?] ce dernier n'a pas entendu user de sa faculté de demander un délai pour préparer sa défense et reporter le débat contradictoire, comme la loi l'y autorisait » ; qu'en statuant ainsi, lorsque, d'une part, M. [H] a été présenté au juge des libertés et de la détention le jour même de sa saisine, laquelle aurait dû être postérieure à la prise des réquisitions du procureur de la République, intervenue le lendemain, et lorsque, d'autre part, en l'absence des réquisitions du procureur de la République au dossier, la défense n'a pu apprécier l'opportunité de demander un délai au regard d'un dossier complet, la chambre de l'instruction a statué par des motifs impropres à écarter l'existence d'un grief, et a privé sa décision de base légale au regard des articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 82, 137-1, 145, 802 et 593 du code de procédure pénale ;
4°/ que la chambre de l'instruction a encore retenu que l'absence des réquisitions écrites et motivées du procureur de la République au dossier transmis à la défense préalablement à la tenue du débat contradictoire devant le juge des libertés et de la détention n'avait pas fait grief à M. [H] aux motifs que « par ailleurs, le juge des libertés et de la détention de Paris a été saisi par une ordonnance motivée et circonstanciée du juge d'instruction qui sollicitait le placement en détention provisoire de M. [H]. Le débat contradictoire devant le juge des libertés et de la détention a eu lieu et les réquisitions du ministère public ont été entendues à cette occasion de sorte que le mis en examen a été informé des motifs justifiant la demande de placement en détention provisoire et a pu, assisté de son avocat, les débattre contradictoirement » ; qu'en statuant ainsi, lorsque, d'une part, des réquisitions orales faites au cours du débat contradictoire ne sauraient pallier l'absence de réquisitions écrites et motivées au dossier dont l'examen doit permettre d'apprécier l'opportunité de solliciter un délai pour préparer sa défense antérieurement à la tenue du débat contradictoire, et lorsque, d'autre part, l'ordonnance motivée du juge d'instruction ne saurait valablement remplacer les réquisitions du procureur de la République au regard des droits de la défense en l'absence de toute garantie d'identité entre elles et de toute précision quant à la teneur des réquisitions orales prises lors du débat contradictoire, la chambre de l'instruction a statué par des motifs inopérants et privé sa décision de base légale, en violation des articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 82, 137-1, 145, 802 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
5. Aux termes de l'article 82, alinéa 3, du code de procédure pénale, le procureur de la République, qui requiert le placement en détention, est tenu de prendre des réquisitions écrites et motivées par référence aux seules dispositions de l'article 144 du même code.
6. Cette formalité n'est pas prévue à peine de nullité, de sorte que sa méconnaissance ne saurait avoir d'incidence sur la régularité de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention.
7. En effet, d'une part, ce juge est saisi par une ordonnance motivée du magistrat instructeur tendant au placement en détention provisoire de la personne mise en examen, d'autre part, il statue à l'issue d'un débat contradictoire au cours duquel le procureur de la République est entendu en ses réquisitions orales auxquelles font suite les observations de la personne mise en examen et, le cas échéant, celles de son avocat.
8. Ainsi, le moyen doit être écarté.
9. Par ailleurs l'arrêt est régulier, tant en la forme qu'au regard des dispositions des articles 137-3 et 143-1 et suivants du code de procédure pénale.
Crim. 16 mars 2022 n° 21-82.912
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° F 21-82.912 F-D
N° 00312
RB5 16 MARS 2022
CASSATION
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 16 MARS 2022
M. [M] [I] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, 11e chambre, en date du 10 mars 2021, qui, pour escroquerie, l'a condamné à quinze mois d'emprisonnement avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils.
Un mémoire personnel a été produit.
Sur le rapport de Mme Fouquet, conseiller référendaire, et les conclusions de M. Valat, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 février 2022 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Fouquet, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Par jugement en date du 12 juin 2019, M. [M] [I] a été condamné du chef d'escroquerie à quatre mois d'emprisonnement, un an d'interdiction de gérer et deux ans d'inéligibilité. Le tribunal correctionnel a prononcé sur les intérêts civils.
3. M. [I], le procureur de la République et la partie civile ont formé appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a statué par contradictoire à signifier alors que le prévenu n'a pas été régulièrement cité à l'audience devant la cour d'appel en violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 503-1, 555 et 558 du code de procédure pénale.
Réponse de la Cour
Vu les articles 503-1 et 558 du code de procédure pénale :
5. Il résulte de ces textes que l'huissier qui délivre une citation à la dernière adresse déclarée du prévenu appelant, conformément à l'article 503-1 du code de procédure pénale, est tenu d'effectuer les diligences prévues par l'article 558, alinéa 2 ou 4, de ce code, et qu'en l'absence d'accomplissement de celles-ci, la juridiction doit constater l'irrégularité de la citation.
6. Pour statuer à l'audience du 10 février 2021 par arrêt contradictoire à signifier, la cour d'appel a constaté l'absence du prévenu qui n'a pas comparu, ni fourni d'excuse valable bien qu'ayant été régulièrement cité à l'adresse déclarée dans l'acte d'appel.
7. En statuant ainsi, alors que, les mentions de la citation délivrée et les pièces jointes laissant incertain le point de savoir quelles diligences, au sens de l'article 558, alinéas 2 et 4, du code de procédure pénale, avaient été réellement accomplies, il lui appartenait, étant légalement saisie par l'acte d'appel, de constater l'irrégularité de la citation et d'inviter le ministère public à faire citer M. [I] à son adresse déclarée, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés.
8. La cassation est par conséquent encourue.
Civ.2 10 mars 2022 n° 20-16.562
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 10 mars 2022
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 273 F-D
Pourvoi n° R 20-16.562
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 MARS 2022
La société Allianz global corporate & specialty SE, société européenne, dont le siège est [Adresse 5] (Allemagne), ayant une succursale en France dont le principal établissement est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 20-16.562 contre l'arrêt rendu le 5 mars 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-2), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [L] [I], domicilié [Adresse 4],
2°/ à la société BR associés, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 3], prise en la personne de Mme [H] [Y], en qualité de liquidateur des sociétés du groupe [S] et des sociétés Songar, Vicouma, Gestotel et de M. [U],
3°/ à la Caisse de garantie des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires, dont le siège est [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Guého, conseiller référendaire, les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société Allianz global corporate & specialty SE, de la SCP Marc Lévis, avocat de la Caisse de garantie des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires, après débats en l'audience publique du 25 janvier 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Guého, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la société Allianz global corporate & specialty SE du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. [I].
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 5 mars 2020), le 5 novembre 1998, M. [N], désigné en qualité d'administrateur provisoire de l'étude de M. [I], administrateur judiciaire, qui faisait l'objet de poursuites pénales, a déclaré à la Caisse de garantie des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires (la Caisse de garantie) un sinistre lié à la non-représentation des fonds dont il était comptable.
3. La Caisse de garantie a ensuite effectué une déclaration de sinistre auprès de ses deux assureurs, les sociétés Axa courtage et AGF. La société Allianz global corporate & specialty SE (l'assureur) est venue aux droits de la société Allianz global corporate & specialty, elle-même venant aux droits de la société AGF.
4. Un tribunal correctionnel a reconnu M. [I] coupable notamment de faux, et, sur l'action civile, l'a condamné à payer certaines sommes à la société BR associés, représentée par Mme [Y] (la liquidatrice), en qualité de liquidatrice des sociétés Groupe [S], Songar, Vicouma et Gestotel et de M. [U].
5. La liquidatrice, es qualités, a assigné la Caisse de garantie en règlement des sommes dues par M. [I] et la Caisse de garantie a appelé en garantie l'assureur.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. L'assureur fait grief à l'arrêt, confirmatif sur ce point, de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de la société BR associés, en qualité de liquidatrice judiciaire des sociétés Groupe [S], Songar, Vicouma et Gestotel et de M. [U], de déclarer recevable l'action de la société BR associés, es qualités, de condamner en conséquence la Caisse de garantie, au titre de la garantie de non-représentation de fonds avec garantie à hauteur de 80 % de l'assureur, à payer à la société BR associés en qualité de liquidatrice judiciaire de la société Groupe [S] la somme de 279 937,53 euros et en qualité de liquidatrice judiciaire des sociétés Songar, Vicouma et Gestotel et de M. [U] la somme de 50 883,64 euros et de condamner l'assureur à garantir la Caisse de garantie à hauteur de 80 % des condamnations prononcées contre elle, alors « que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que l'action à l'encontre de la Caisse de garantie, tendant à obtenir sa garantie au titre d'une non-représentation de fonds, se prescrit à compter de la connaissance, par le débiteur ou le créancier concerné, de la non-représentation des fonds, dès lors que ces fonds sont exigibles ; que l'exigibilité requise ne concerne que les fonds non représentés, et non la créance à l'encontre de la Caisse de garantie et découlant de la non-représentation des fonds ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que le point de départ de l'action du créancier des fonds non représentés ne commençait à courir qu'à compter de la date à laquelle la créance contre la Caisse de garantie était devenue exigible, soit le 17 septembre 2012, date à laquelle M. [I] s'était désisté de son appel contre le jugement rendu par le tribunal correctionnel d'Aix-en-Provence le 7 septembre 2011, le condamnant à payer diverses sommes à Mme [Y], ès qualités ; qu'elle a ajouté que la garantie de remboursement des fonds non représentés était indépendante de l'obligation garantie ; qu'en se prononçant ainsi, tandis que l'exigibilité posée comme condition à la naissance du droit à garantie concernait les fonds non représentés, et non l'obligation de M. [I] d'indemniser ses victimes des conséquences découlant de la non-représentation de fonds, de sorte que le point de départ de l'action de Mme [Y], ès qualités, contre la Caisse de garantie devait être situé à la date à laquelle elle avait eu connaissance de la non-représentation de fonds, et non de la date à laquelle elle avait obtenu une condamnation indemnitaire à l'encontre de M. [I], la cour d'appel a violé les articles L. 814-3 du code de commerce et 2224 du code civil. »
Réponse de la Cour
7. L'arrêt énonce à bon droit que la mise en jeu de la garantie légale instituée par l'article L. 814-3 du code de commerce suppose la démonstration par le demandeur, d'une part, de l'exigibilité de sa créance, d'autre part, de l'impossibilité pour le mandataire judiciaire de représenter les fonds qu'il a reçus, de sorte que le délai de prescription de l'action dirigée contre la Caisse de garantie ne commence à courir qu'à compter de la date à laquelle la créance est devenue exigible.
8. L'arrêt relève ensuite que la créance découlant de la non-représentation des fonds à la liquidatrice es qualités est devenue exigible le 17 septembre 2012, lorsque M. [I] s'est désisté de son appel contre le jugement du tribunal correctionnel, et que le délai de prescription n'a donc pas commencé à courir le 9 novembre 1998 ou le 30 juin 2000 comme le soutient l'assureur, dès lors qu'à ces dates l'action contre la Caisse de garantie, conditionnée par l'exigibilité de la créance, n'était pas encore née et ne pouvait donc pas se prescrire.
9. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement déduit que la prescription de l'action exercée contre la Caisse de garantie par la liquidatrice es qualités avait commencé à courir le 17 septembre 2012 et n'était pas acquise au jour de l'assignation des 2 et 4 septembre 2014.
10. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
11. L'assureur fait grief à l'arrêt, confirmatif sur ce point, de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de la Caisse de garantie à son encontre, de déclarer recevable la demande de garantie formée par la Caisse de garantie à son encontre et de la condamner en conséquence à garantir celle-ci à hauteur de 80 % des condamnations prononcées à son encontre par le jugement entrepris, soit la somme de 279 937,53 euros pour la procédure collective ouverte contre les sociétés du Groupe [S], et celle de 50 883,64 euros pour les procédures collectives ouvertes contre les sociétés Songar, Vicouma et Gestotel et M. [U], alors :
« 1°/ que les actions dérivant du contrat d'assurance se prescrivent par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance ; qu'en cas de sinistre, ce délai court à compter du jour où l'assuré en a eu connaissance ; que, dans le cas de l'assurance souscrite par la Caisse de garantie afin de la garantir, à hauteur de 80 %, des sommes dont elle doit elle-même garantie en cas de non-représentation de fonds par l'un de ses membres, le sinistre est constitué par la connaissance de cette non-représentation de fonds par la Caisse de garantie ; qu'il s'ensuit que l'action en exécution du contrat d'assurance se prescrit à compter de cette connaissance, et non du recours éventuel d'un tiers contre la Caisse, le sinistre étant constitué par la non-représentation de fonds elle-même, peu important qu'elle concerne plusieurs procédures collectives ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que l'action en garantie exercée par la Caisse de garantie à l'encontre de l'assureur, au titre du contrat d'assurance la couvrant à hauteur de 80 % pour la non-représentation de fonds imputable à M. [I] à l'égard des sociétés du groupe [S], des sociétés Songar, Vicouma et Gestotel et de M. [U], n'avait commencé à se prescrire qu'à compter du recours exercé contre la Caisse de garantie par le liquidateur judiciaire de ces derniers ; qu'en se prononçant ainsi, tandis que le point de départ de la prescription de l'action en garantie de la Caisse de garantie à l'encontre de la société Allianz Global Corporate & Specialty, en tant qu'assureur d'une partie de la non-représentation de fonds, se situait à la date de la connaissance de cette non-représentation par la Caisse, c'est-à-dire le 5 novembre 1998 à la suite de la déclaration effectuée par M. [N], administrateur provisoire de l'étude [I], ou au plus tard à la date du 30 juin 2000, date de dépôt du rapport d'expertise judiciaire chiffrant les sommes non représentées dans les procédures collectives concernées, la cour d'appel violé l'article L. 114-1 du code des assurances ;
2°/ qu'il est interdit au juge de dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que la date du dépôt du rapport d'expertise de MM. [G] et [B] le 30 juin 2000, dans le cadre de l'information judiciaire ouverte à la suite de l'incarcération de M. [I], ne constituait pas le point de départ de la prescription de l'action de la Caisse de garantie à l'encontre de l'assureur, dès lors que « l'article 6.1 de la police d'assurance n° 65.062.682, inséré dans la clause intitulée « fonctionnement de la garantie », stipule : « par sinistre, on entend la réclamation comportant ou énonçant une demande pécuniaire de réparation d'un préjudice et dont l'assuré est saisi par lettre recommandée ou par assignation entre la date de l'effet et la date de résiliation du présent contrat, quelle que soit la date du fait générateur » ; qu'en se prononçant ainsi, tandis que l'article 6.2 du contrat d'assurance précisait que « sont considérées également comme sinistres, les déclarations faites par l'assuré à l'assureur lorsque certains faits dont il a connaissance laissent supposer qu'il sera saisi d'une réclamation », la cour d'appel a dénaturé le contrat d'assurance, qui ne limitait pas la définition du sinistre à la réclamation adressée à la Caisse de garantie, et violé le principe interdisant au juge de dénaturer les documents de la cause ;
3°/ que la connaissance par l'assuré de la réalisation du risque garanti ne nécessite pas qu'il soit en mesure d'en identifier les causes ou d'en chiffrer les conséquences ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que la date de la déclaration de sinistre effectuée par M. [N] le 5 novembre 1998 ne pouvait pas constituer le point de départ de la prescription biennale de l'action en garantie de la Caisse de garantie à l'encontre de l'assureur dès lors que cette déclaration « était générale [et] visait un écart de trésorerie entre les états comptables et les états bancaires sans spécifier le nom des comptes ou des dossiers concernés par les agissements délictueux du mandataire judiciaire » ; qu'en se prononçant ainsi, tout en ayant constaté que la déclaration de M. [N] portait sur une non-représentation par M. [I] des fonds qui lui avaient été confiés dans le cadre de l'ensemble des procédures collectives où il avait été désigné en tant qu'organe, ce dont il résultait que le sinistre était connu de la Caisse de garantie, peu important qu'elle n'ait pas été en mesure, à cette date, de déterminer quelle était l'ampleur de la non-représentation de fonds dans les dossiers concernant le groupe [S], les sociétés Songar, Vicouma et Gestotel et M. [U], la cour d'appel a violé les articles L. 114-1 du code des assurances et L. 814-3 du code de commerce ;
4°/ qu'à supposer que la connaissance par l'assuré de la réalisation du risque garanti nécessite, s'agissant de l'assurance de non-représentation de fonds obligatoire souscrite par la Caisse de garantie, que le montant de cette non-représentation, pour les procédures collectives concernées, soit connu dans son ampleur, il appartenait à la cour de rechercher, comme elle y était invitée, si le rapport déposé par MM. [G] et [B] dans le cadre de la procédure pénale ouverte à l'encontre de M. [I] avait permis de chiffrer le montant de la non-représentation des fonds concernant les procédures dont Mme [Y], ès qualités de liquidateur judiciaire, avait pris la suite de M. [I] ; qu'en se bornant à écarter la prise en compte de ce rapport au motif que l'article 6.1 du contrat d'assurance définissait le sinistre comme la demande pécuniaire de réparation d'un préjudice adressée par un tiers à la Caisse de garantie, impropre à exclure que la Caisse avait eu connaissance du sinistre à tout le moins à compter du dépôt de ce rapport, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 114-1 du code des assurances et L. 814-3 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
12. Selon l'article L. 114-1, alinéa 3, du code des assurances, quand l'action de l'assuré contre l'assureur a pour cause le recours d'un tiers, le délai de la prescription biennale ne court que du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l'assuré ou a été indemnisé par ce dernier.
13. C'est, dès lors, à bon droit que la cour d'appel, pour déclarer recevable la demande de garantie formée par la Caisse de garantie contre son assureur, a, en application de ce texte, retenu que le délai de prescription biennal avait commencé à courir le 4 septembre 2014, date à laquelle la Caisse de garantie avait été assignée par la société BR associés es qualités en remboursement des fonds non représentés par M. [I].
14. Le moyen, qui en ses deuxième, troisième et quatrième branches s'attaque à des motifs surabondants, n'est, dès lors, pas fondé.
Crim. 9 mars 2022 n° 21-80.600 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° T 21-80.600 F- B
N° 00276
ECF 9 MARS 2022
CASSATION
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 9 MARS 2022
M. [J] [M] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Paris, en date du 24 septembre 2020, qui a prononcé sur sa demande de libération conditionnelle.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Laurent, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [J] [M], et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 2 février 2022 où étaient présents M. Soulard, président, M. Laurent, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [J] [M] a été condamné par : - la cour d'appel de Paris, le 27 janvier 1994, à la peine de dix ans d'emprisonnement et à une interdiction de séjour pendant dix ans pour des faits d'infractions à la législation sur les armes, usage de fausse plaque, recels, association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme, l'ensemble des faits ayant été commis en relation avec une entreprise individuelle ou collective troublant gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur, - la cour d'assises de Paris, le 19 juin 1997, à la réclusion criminelle à perpétuité assortie d'une période de sûreté de dix-huit ans pour des faits d'assassinats, de tentatives d'assassinats, de destruction du bien d'autrui par un moyen dangereux pour les personnes, l'ensemble des faits ayant été commis en relation avec une entreprise individuelle ou collective troublant gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur.
3. Il a déposé, le 25 octobre 2017, une demande de libération conditionnelle.
4. Saisie par ordonnance du juge de l'application des peines de Paris du 9 novembre 2017, la Commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté (CPMS) de Paris a rendu, le 24 avril 2018, une ordonnance relevant que M. [M] avait refusé son transfert vers le Centre national d'évaluation (CNE), a retenu que sa saisine était devenue sans objet et a constaté le désistement de M. [M] de sa demande de libération conditionnelle.
5. Par jugement du 20 novembre 2018, le tribunal de l'application des peines de Paris a rappelé qu'il lui appartenait le cas échéant et à lui seul de constater un éventuel désistement de demande d'aménagement de peine, ce qui n'était pas le cas en l'espèce, que l'ordonnance rendue ne constituait pas l'avis requis par l'article 730-2-1 du code de procédure pénale relatif à la dangerosité du condamné et a en conséquence à nouveau saisi la CPMS, en rappelant que les articles 730-2-1 et D. 527-4 du code de procédure pénale n'imposent pas nécessairement de saisir le CNE avant d'émettre un avis sur la dangerosité de la personne concernée.
6. Le vice-président de la CPMS de Paris a ordonné le placement de M. [M] au CNE, aux fins d'une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité et, le 14 février 2019, l'intéressé a de nouveau expressément fait connaître sa volonté de ne pas être transféré dans cet établissement, ce qui a conduit la CPMS à émettre, le 5 juillet 2019, un avis constatant le désistement de M. [M] de sa demande de placement au CNE et déduisant que sa saisine était devenue sans objet.
7. A la suite de l'intervention du procureur de la République antiterroriste auprès de la chambre de l'application des peines de Paris, celle-ci a fait savoir, le 27 novembre 2019, que nonobstant l'ordonnance précitée, la CPMS se réunirait finalement pour élaborer son avis sur la demande d'aménagement de peine de M. [M], avis rendu le 17 janvier 2020. C'est dans ces circonstances que l'affaire a été renvoyée au 13 mars 2020.
8. Par jugement en date du 12 mai 2020, le tribunal de l'application des peines compétent en matière de terrorisme a admis M. [M] au placement sous surveillance électronique probatoire à la libération conditionnelle pendant une durée de deux ans à compter du 28 mai 2020 et, sous réserve du bon déroulement de cette période probatoire, à la libération conditionnelle du 28 mai 2022 au 28 mai 2032.
9. Le ministère public a relevé appel de cette décision, avec effet suspensif.
Examen des moyens
Sur le second moyen
10. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
11. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de libération conditionnelle de M. [M], alors « que les dispositions de l'article 730-2-1 du code de procédure pénale conditionnent toute mesure de libération conditionnelle, au bénéfice d'un individu condamné pour des faits de terrorisme, d'une part, au prononcé d'une décision du tribunal de l'application des peines en ce sens, d'autre part, à la délivrance d'un avis par une commission chargée de procéder à une évaluation pluridisciplinaire de la dangerosité de l'individu ; que ces dispositions, qui s'inscrivent dans un mouvement de spécialisation de l'aménagement de peine en matière terroriste et n'ont aucunement pour effet de placer l'individu auquel elles s'imposent dans une situation plus favorable que le condamné de droit commun, s'analysent comme des dispositions spéciales, ayant vocation à se substituer au régime général prévu à l'article 730-2 du code de procédure pénale et non à s'y cumuler, dès lors que la demande de libération conditionnelle émane d'un individu condamné pour des faits de terrorisme ; qu'en refusant à M. [M] le bénéfice d'une mesure de libération conditionnelle au seul motif qu' « il n'a pas fait l'objet d'une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité réalisée dans un service spécialisé (?) et qu'il ne remplit donc pas l'ensemble des conditions légales pour pouvoir bénéficier d'une libération conditionnelle », lorsque l'article 730-2-1 du code de procédure pénale n'impose pas la réalisation d'une telle é
Réponse de la Cour
Vu les articles 730-2-1, D. 527-3 et D. 527-4 du code de procédure pénale :
12. Il résulte de ces textes que, lorsque la personne a été condamnée à une peine privative de liberté pour une ou plusieurs infractions mentionnées aux articles 421-1 à 421-6 du code pénal, à l'exclusion de celles définies aux articles 421-2-5 à 421-2-5-2 du même code, la libération conditionnelle ne peut être accordée par le tribunal d'application des peines qu'après avis de la CPMS compétente dans le ressort de la cour d'appel de Paris spécialement complétée, chargée de procéder à une évaluation pluridisciplinaire de la dangerosité de la personne condamnée. La saisine du CNE n'est qu'une simple faculté pour le président de la commission.
13. Pour rejeter la demande de libération conditionnelle de M. [M], la chambre de l'application des peines considère qu'il résulte des dispositions combinées des articles 730-2 et 730-2-1 du code de procédure pénale précités, que M. [M] doit à la fois faire l'objet d'une évaluation par le CNE et d'un avis de la CPMS afin que sa demande de libération conditionnelle soit valablement examinée.
14. Les juges constatent que, si la CPMS a bien rendu un avis conformément à l'article 730-2-1 susvisé, M. [M], condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour des faits de terrorisme, n'a pas fait l'objet d'une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité réalisée dans un service spécialisé du fait de son refus réitéré de se soumettre à cette évaluation et ne remplit donc pas l'ensemble des conditions légales pour pouvoir bénéficier d'une libération conditionnelle.
15. Les juges ajoutent que les dispositions de l'article 730-2-1 du code de procédure pénale, instaurées par la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, ne peuvent en aucun cas se substituer à l'article 730-2 du même code, une telle substitution étant de nature à aboutir, au regard des conditions d'octroi d'une libération conditionnelle, à une situation plus favorable pour le condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour des infractions à caractère terroriste que pour le condamné à la même peine pour une infraction de droit commun.
16. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé.
17. En effet, le régime de la libération conditionnelle instauré par ces dispositions, applicable aux condamnés pour certaines infractions de terrorisme, dérogatoire au droit commun et exclusif de celui-ci, ne conditionne pas l'octroi de la libération conditionnelle à l'évaluation de la personne détenue par le CNE.
18. Au demeurant, ces dispositions, en ce qu'elles permettent également au tribunal de l'application des peines de s'opposer à la libération conditionnelle si elle est susceptible de causer un trouble grave à l'ordre public, ne sont pas plus favorables que celles applicables au condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour une infraction de droit commun.
19. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Crim. 9 mars 2022 n° 21-82.580 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° V 21-82.580 F-B
N° 00287
ECF 9 MARS 2022
CASSATION
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 9 MARS 2022
M. [H] [P] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 8e chambre, en date du 6 avril 2021, qui, pour vol aggravé, l'a condamné à six mois d'emprisonnement et a prononcé sur les intérêts civils.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Turbeaux, conseiller, les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de M. [H] [P], et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 2 février 2022 où étaient présents M. Soulard, président, M. Turbeaux, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Par jugement du 8 décembre 2020, le tribunal correctionnel, après avoir rejeté des exceptions de nullité, a condamné M. [H] [P] pour vols, la récidive étant retenue à l'égard du plus ancien de ces délits, à huit mois d'emprisonnement, a ordonné la révocation du sursis prononcé par jugement du 2 mai 2019 par le tribunal correctionnel de Paris et a statué sur les intérêts civils.
3. M. [P] et le ministère public ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de nullité du procès-verbal de comparution immédiate, alors :
« 1°/ qu'en vertu de l'article 393 du code de procédure pénale, en cas de procédure de comparution immédiate, l'avocat ou la personne déférée lorsqu'elle n'est pas assistée par un avocat peut consulter sur-le-champ le dossier ; qu'en l'espèce, le prévenu a soulevé la nullité du procès-verbal de comparution immédiate pour défaut de consultation effective du dossier dès lors qu'il avait été remis à son conseil sous forme d'un CD-ROM sans mise à disposition du matériel adéquat pour le consulter ; qu'en rejetant ce moyen de nullité, au motif qu'aucune obligation légale ne prévoit que le conseil du prévenu puisse disposer d'un moyen de lecture du CD-ROM fourni par l'autorité judiciaire, sans rechercher si cette mise à disposition n'est pas rendue nécessaire dans le cadre d'une procédure de comparution immédiate, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles préliminaire et 393 du code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
2°/ qu'il ressort de la procédure que le procureur de la République a refusé d'entendre les observations présentées par le conseil de M. [P] lors d'une premier entretien auquel il a mis fin unilatéralement puis a décidé de le déférer lors d'un second entretien, sans la présence de son avocat qui a été prévenu tardivement et sans qu'il ait donc la possibilité de faire ses observations sur les éventuelles irrégularités du dossier et sur la nécessité de procéder à de nouveaux actes d'enquête ; que ce faisant, la procédure est entachée de nullité au regard des articles préliminaire et 393 du code de procédure pénale, et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 6, § 3, de la Convention européenne des droits de l'homme et 393 du code de procédure pénale :
5. Selon le premier de ces textes, toute personne poursuivie a le droit de disposer du temps et des facultés nécessaires à la préparation de sa défense.
6. Il résulte du second que, lorsque une personne est déférée devant le procureur de la République, en vue de sa comparution devant le tribunal correctionnel, selon la procédure de la comparution immédiate ou de la comparution différée, son avocat, ou la personne déférée elle-même, lorsqu'elle n'est pas assistée par un avocat, peut consulter sur le champ le dossier.
7. Pour répondre à l'exception de nullité de la comparution immédiate, soulevée par le prévenu au motif que, lors de son déferrement, son avocat n'avait pu consulter de manière effective le dossier de la procédure, qui lui avait été remis sous la forme d'un CD-ROM, sans mise à disposition d'un matériel permettant de le consulter, la cour d'appel énonce qu'aucune disposition légale ne prévoit la mise à disposition, par l'autorité judiciaire, d'un tel matériel au conseil du prévenu, lors d'un déferrement en vue d'une comparution immédiate.
8. En prononçant ainsi, alors que la libre consultation du dossier de la procédure implique la mise à disposition, de la personne déférée et de son avocat, du matériel nécessaire à sa lecture effective, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur le second moyen
Enoncé du moyen
9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de nullité de la procédure d'appel, alors :
« 1°/ que toute personne suspectée ou poursuivie et qui ne comprend pas la langue française a droit, dans une langue qu'elle comprend et jusqu'au terme de la procédure, à l'assistance d'un interprète et, sauf renonciation expresse et éclairée de sa part, à la traduction des pièces essentielles à l'exercice de sa défense et à la garantie du caractère équitable du procès ; qu'en l'espèce, en rejetant la demande de nullité du recours à la visioconférence pour l'audience devant la cour, tirée d'une absence de traduction de l'avis d'audience prévoyant ce recours, au motif que cet avis d'audience n'est pas visé par l'article D. 594-6 du code de procédure pénale, la cour d'appel a violé les articles préliminaire, 706-71 et 803-5 du code de procédure pénale, et 6, § 3, de la Convention européenne des droits de l'homme ;
2°/ qu'en rejetant la demande de nullité du recours à la visioconférence pour l'audience devant la cour, tirée d'une absence de traduction de l'avis d'audience, au motif inopérant que l'avocat du prévenu avait été informé du recours à la visioconférence, la cour d'appel a violé les articles préliminaire, 706-71 et 803-5 du code de procédure pénale, et 6, § 3, de la Convention européenne des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
Vu les articles préliminaire et 706-71 du code de procédure pénale :
10. Selon le premier de ces textes, la personne poursuivie, si elle ne comprend pas la langue française, a droit, dans une langue qu'elle comprend, à l'assistance d'un interprète, et, sauf renonciation expresse et éclairée de sa part, à la traduction des pièces essentielles à l'exercice de sa défense.
11. Il résulte du second qu'avec l'accord du prévenu, la comparution de celui-ci devant le tribunal correctionnel peut avoir lieu par télécommunication audiovisuelle.
12. Pour écarter le moyen de nullité, tiré de l'absence de traduction de l'avis informant le prévenu que sa comparution devant la cour d'appel aurait lieu par le recours à la visioconférence, l'arrêt attaqué énonce que, cet avis n'étant pas visé par les 1° à 4° de l'article D. 594-6 du code de procédure pénale, sa traduction écrite ou par le biais d'un interprète n'est pas obligatoire.
13. Les juges ajoutent qu'à titre surabondant, ils constatent que plus d'un mois avant la transmission de l'avis d'audience au prévenu, son avocat a été informé par le parquet général qu'il comparaîtrait par visioconférence, qu'ainsi les droits de M. [P] ont été préservés, l'avocat ayant pu faire toutes observations sur le recours à la visioconférence avant l'audience, de sorte que le prévenu ne peut se prévaloir d'un grief tiré de l'absence de traduction écrite ou de notification par le biais d'un interprète.
14. En prononçant ainsi, alors que, si l'avis sollicitant l'accord du prévenu pour comparaître devant la juridiction de jugement par visioconférence à l'occasion de son jugement sur le fond ne figure pas à l'énumération des paragraphes 1° à 4° de l'article D. 594-6 du code de procédure pénale, il n'en constitue pas moins une pièce essentielle à la garantie du caractère équitable du procès, ce qui impose sa traduction, lorsque le prévenu ne comprend pas le français, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés.
15. La cassation est par conséquent à nouveau encourue de ce chef.
Crim. 9 mars 2022 n° 21-83.557
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° H 21-83.557 F-D
N° 00283
ECF 9 MARS 2022
CASSATION PARTIELLE
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 9 MARS 2022
M. [U] [M] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre 5-2, en date du 13 avril 2021, qui, pour appels téléphoniques malveillants, envoi par la voie des communications électroniques de messages malveillants et refus de remettre aux autorités judiciaires ou de mettre en oeuvre la convention secrète de déchiffrement d'un moyen de cryptologie, l'a condamné à huit mois d'emprisonnement avec sursis probatoire et a prononcé sur les intérêts civils.
Des mémoires, ampliatif et personnel, et des observations complémentaires, ont été produits.
Sur le rapport de Mme Issenjou, conseiller, les observations de la SCP Le Griel, avocat de M. [U] [M], et les conclusions de M. Valat, avocat général, après débats en l'audience publique du 2 février 2022 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Issenjou, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [U] [M] a été poursuivi des chefs susvisés devant le tribunal correctionnel qui a rejeté des exceptions de nullité, l'a reconnu coupable, l'a condamné à huit mois d'emprisonnement avec sursis probatoire et a statué sur les intérêts civils.
3. Le prévenu et le ministère public ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur les premier, deuxième, troisième, cinquième, sixième et septième moyens du mémoire personnel, et sur le premier moyen du mémoire ampliatif
4. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le quatrième moyen du mémoire personnel, pris en ses première et troisième branches et sur le deuxième moyen du mémoire ampliatif
Enoncé des moyens
5. Le quatrième moyen du mémoire personnel est pris de la violation des articles préliminaire, 60-1, 427, 470, 512, 520, 591 et 593 du code de procédure pénale, 111-4 et 434-15-2 du code pénal, 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré le prévenu coupable de refus de remettre aux autorités judiciaires ou de mettre en oeuvre la convention secrète de déchiffrement d'un moyen de cryptologie, alors :
1°/ que la cour d'appel a statué sans caractériser tous les éléments constitutifs du délit,
3°/ que l'infraction en cause suppose que l'appareil en question soit effectivement verrouillé par une convention secrète de déchiffrement pouvant prendre la forme d'un mot de passe.
7. Le deuxième moyen du mémoire ampliatif critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [M] coupable d'avoir, ayant connaissance d'une convention secrète de déchiffrement d'un moyen de cryptologie susceptible d'avoir été utilisé pour préparer, faciliter ou commettre un crime ou un délit, refusé de la remettre ou de la mettre en oeuvre sur réquisition judiciaire prise dans le cadre d'une enquête préliminaire, de flagrance ou d'une information judiciaire, délit prévu et réprimé par les articles 434-15-2 et 434-44 du code pénal, alors « qu'en l'espèce, il était reproché à M. [M] d'avoir refusé de déverrouiller le téléphone et l'ordinateur portable qui auraient été utilisés pour passer des appels téléphoniques et envoyer des messages électroniques malveillants, faits qui ne caractérisent nullement le délit de l'article 434-15-2 précité, lequel concerne uniquement les moyens de cryptologie et nullement les codes d'accès au contenu d'un téléphone ou d'un ordinateur portable, et qu'en considérant néanmoins que ce refus était constitutif de ce délit, la cour d'appel a violé les textes susvisés. »
Réponse de la Cour
8. Les moyens sont réunis.
Vu les articles 434-15-2 du code pénal, 29 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, L. 871-1 et R. 871-3 du code de la sécurité intérieure :
9. Selon le premier de ces textes, toute personne ayant connaissance de la convention secrète de déchiffrement d'un moyen de cryptologie susceptible d'avoir été utilisé pour préparer, faciliter ou commettre un crime ou un délit, est tenue de remettre cette convention aux autorités judiciaires, ou de la mettre en oeuvre, sur les réquisitions de ces autorités, délivrées en application des titres II et III du Livre Ier du code de procédure pénale.
10. Selon le deuxième, un moyen de cryptologie est un matériel ou un logiciel conçu ou modifié pour transformer des données, qu'il s'agisse d'informations ou de signaux, à l'aide de conventions secrètes, ou pour réaliser l'opération inverse, avec ou sans convention secrète.
11. Selon les textes précités du code de la sécurité intérieure, une convention de déchiffrement s'entend de tout moyen logiciel ou de toute autre information permettant la mise au clair d'une donnée transformée par un moyen de cryptologie. Il en résulte que le code de déverrouillage d'un téléphone mobile peut constituer une clé de déchiffrement, si ce téléphone est équipé d'un moyen de cryptologie.
12. Pour déclarer le prévenu coupable, la cour d'appel a rappelé que le prévenu avait refusé de déverrouiller le téléphone découvert dans la chambre qu'il occupait.
13. Elle conclut que le refus du prévenu de remettre les codes de son téléphone portable et de son ordinateur portable, utilisés pour commettre les délits est constitutif de l'infraction prévue et réprimée par l'article 434-15-2 du code pénal, ces appareils ayant été utilisés pour commettre les délits reprochés sur le fondement de l'article 222-16 du code pénal.
14. En se déterminant ainsi, sans rechercher si les appareils en cause étaient équipés d'un moyen de cryptologie dont le prévenu avait connaissance, la cour d'appel a méconnu les textes et principes susvisés.
15. La cassation est en conséquence encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
16. La cassation sera limitée à la déclaration de culpabilité du chef du délit de refus de remettre aux autorités judiciaires ou de mettre en oeuvre la convention secrète de déchiffrement d'un moyen de cryptologie et à la peine prononcée dès lors que la déclaration de culpabilité des chefs d'appels téléphoniques malveillants et d'envoi par la voie des communications électroniques de messages malveillants, ainsi que les dispositions civiles, n'encourent pas la censure.
Crim. 9 mars 2022 n° 21-87.294
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° U 21-87.294 F-D
N° 00405
MAS2 9 MARS 2022
CASSATION SANS RENVOI
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 9 MARS 2022
M. [P] [W] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 8e section, en date du 3 décembre 2021,qui a déclaré irrecevable son appel de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention l'ayant placé en détention provisoire.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Guerrini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [P] [W], et les conclusions de Mme Mathieu, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 mars 2022 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Guerrini, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. [P] [W] a été mis en examen le 10 octobre 2021 des chefs de tentative d'importation de produits stupéfiants, participation à une association de malfaiteurs et blanchiment, et placé en détention provisoire à l'issue d'un débat différé le 13 octobre 2021.
3. Il a apposé, sur le procès-verbal de débat contradictoire ainsi que sous la mention de réception d'une copie de l'ordonnance de placement en détention provisoire, la mention manuscrite « je fais appel ».
4. Le 25 novembre 2021, le greffe du tribunal judiciaire de Bobigny a dressé un acte intitulé « acte d'appel ».
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevable l'appel interjeté par M. [W] contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bobigny du 13 octobre 2021 le plaçant en détention provisoire (c'est au prix d'une erreur matérielle, compte tenu de la discordance évidente entre les motifs de l'arrêt et son dispositif, que ce dernier dit l'appel « recevable »), alors :
« 1°/ que tout appel d'une ordonnance de placement en détention, qu'il soit assorti ou non d'une demande d'examen immédiat, peut être formé devant le juge des libertés et de la détention à l'issue du débat contradictoire relatif audit placement ; qu'en énonçant, pour dire irrecevable l'appel interjeté par M. [W] contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bobigny du 13 octobre 2021 le plaçant en détention provisoire par l'apposition, devant le juge des libertés et de la détention et son greffier, de la mention « je fais appel » sur l'ordonnance et le procès-verbal de débat, que l'appel contre une telle ordonnance ne pouvait être formé devant le juge des libertés et de la détention qu'en cas de demande d'examen immédiat, et que faute pour M. [W] d'avoir présenté une telle demande, son appel devait, à peine d'irrecevabilité, être interjeté selon les formes des articles 502 et 503 du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction a violé les articles 187-1, 194, 502, 503, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que la chambre de l'instruction est tenue statuer sur l'appel interjeté contre une ordonnance de placement en détention provisoire dans les dix jours de cet appel, y compris pour le déclarer irrecevable ; qu'en retenant que le délai imparti pour statuer n'avait pas couru dès lors qu' « aucun appel n'avait été interjeté », quand elle constatait elle-même que l'appel n'était pas inexistant mais tout au plus irrecevable, ce qu'elle aurait dû constater dans les dix jours de sa formation, la chambre de l'instruction a violé les articles 187-1, 194, 502, 503, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
3°/ que l'appel interjeté contre une ordonnance de placement en détention provisoire doit être transcrit sur le registre des appels sans délai, sauf circonstances imprévisibles et insurmontables qu'il appartient aux juges du fond de caractériser ; qu'au cas d'espèce, devant la chambre de l'instruction, M. [W] faisait valoir que son appel – quelle que soit sa recevabilité – avait été transcrit quarante-trois jours après avoir été formé, sans qu'il soit justifié de circonstances imprévisibles et insurmontables pour justifier un tel retard ; qu'en retenant que la règle relative à « la retranscription tardive d'un acte d'appel n'a pas vocation à s'appliquer en l'espèce » dès lors qu' « aucun appel n'avait été interjeté », quand elle constatait elle-même que l'appel n'était pas inexistant mais tout au plus irrecevable, de sorte qu'il devait être transcrit sans délai sauf à caractériser des circonstances imprévisibles et insurmontables, la chambre de l'instruction a violé les articles 187-1, 194, 502, 503, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
4°/ que devant la chambre de l'instruction, M. [W] faisait valoir que son appel dirigé contre l'ordonnance le plaçant en détention provisoire avait été examiné cinquante et un jours après avoir été formé, délai incompatible avec l'exigence d'examen à bref délai des recours formés en matière de détention posée par l'article 5, § 4, de la Convention européenne des droits de l'homme ; qu'en disant que M. [W] n'était pas détenu arbitrairement sans répondre à ce moyen, la chambre de l'instruction a violé l'article précité, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 502 du code de procédure pénale :
6. Il résulte de ce texte que la déclaration d'appel peut être faite au greffier de la juridiction qui a rendu la décision attaquée.
7. Pour dire l'appel de M. [W] irrecevable, l'arrêt attaqué énonce que la seule mention manuscrite apposée par la personne mise en examen sur l'ordonnance et les pages du procès-verbal de débat contradictoire selon laquelle elle manifeste sa volonté de faire appel ne remplit pas les conditions de formalité prévues aux articles 502 ou 503 du code de procédure pénale en ce qu'elle ne saurait constituer une déclaration formalisée devant le greffier au sens de ces dispositions, et qu'en conséquence, aucun appel au sens de ces mêmes dispositions n'a été interjeté à la date du 13 octobre 2021, de sorte que le délai imparti par l'article 194 du même code n'avait pas commencé à courir à cette date.
8. Les juges ajoutent que la cour n'est ainsi saisie que par un acte du tribunal judiciaire de Bobigny, établi sous la seule signature du greffier le 25 novembre 2021 par lequel celui-ci constate, à la lecture du procès-verbal de débat contradictoire, que l'intéressé a indiqué déclarer appel sur celui-ci ainsi que sur l'ordonnance de placement en détention provisoire.
9. Ils en déduisent que cet acte qui ne comporte pas la signature de l'appelant ou de son conseil et n'est signé que du greffier n'est pas conforme aux conditions de forme prescrites.
10. En se déterminant ainsi, alors que M. [W] en apposant la mention manuscrite « je fais appel », sur chaque page du procès-verbal de débat contradictoire et sur l'ordonnance de placement en détention provisoire, dont le greffier du juge des libertés et de la détention qui en est également signataire, avait nécessairement pris connaissance, avait ainsi déclaré à ce dernier, sa volonté d'interjeter appel de l'ordonnance de placement en détention provisoire, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé.
11. La cassation est par conséquent encourue.
Portée et conséquence de la cassation
12. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.
13. M. [W] ayant ainsi régulièrement déclaré faire appel de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention le 13 octobre 2021, la chambre de l'instruction en application des dispositions de l'article 194 du code de procédure pénale aurait dû statuer sur cet appel, dans le délai de dix jours, faute de quoi M. [W] doit être remis en liberté, s'il n'est détenu pour autre cause.
14. Cependant, les dispositions de l'article 803-7, alinéa 1, du code de procédure pénale permettent à la Cour de cassation de placer sous contrôle judiciaire la personne dont la détention provisoire est irrégulière en raison de la méconnaissances des formalités prévues par ce même code, dès lors qu'elle trouve dans les pièces de la procédure des éléments d'information pertinents et que la mesure apparaît indispensable pour assurer l'un des objectifs énumérés à l'article 144 du même code.
15. En l'espèce, il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable que M. [W] ait pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont le juge d'instruction est saisi.
16. La mesure de contrôle judiciaire est indispensable afin de :
- garantir le maintien de la personne mise en examen à la disposition de la justice, au regard de l'importance de la peine encourue et des moyens financiers, liés au trafic dans lequel il est mis en cause, de l'intéressé qui dispose par ailleurs d'un bien immobilier à l'étranger ;
- prévenir le renouvellement de l'infraction, l'intéressé pouvant occuper un rôle stratégique dans le cadre d'un réseau structuré de trafic de stupéfiants générant des bénéfices très importants, dont l'activité s'inscrit sur deux années, qui n'a cessé que du fait de l'interpellation des protagonistes ;
- empêcher une concertation frauduleuse entre la personne mise en examen et ses coauteurs ou complices et prévenir le risque de pression sur les témoins ou les victimes, en ce que des interrogatoires et des confrontations doivent être menés, les dernières interpellations dont celle de M. [W] étant relativement récentes, des témoins devant encore être entendus tandis que des représailles ont déjà eu lieu sur une des personnes mises en examen ;
17. Afin d'assurer ces objectifs, M. [W] devra se soumettre aux obligations précisées au dispositif.
18. Le magistrat chargé de l'information est compétent pour l'application des articles 139 et suivants et 141-2 et suivants du code de procédure pénale.
19. Le parquet général de cette Cour fera procéder aux diligences prévues par l'article 138-1 du code de procédure pénale.
Crim. 8 mars 2022 n° 21-87.065
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° V 21-87.065 F-D
N° 00388
8 MARS 2022
RB5
IRRECEVABILITÉ
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 8 MARS 2022
M. [C] [K] a présenté, par mémoire spécial reçu le 13 décembre 2021, une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi formé par lui contre l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris en date du 5 novembre 2021, qui a rejeté sa demande d'effacement de mention au fichier de traitement d'antécédents judiciaires.
Sur le rapport de M. Dary, conseiller, et les conclusions de M. Lesclous, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 mars 2022 où étaient présents M. Soulard, président, M. Dary, conseiller rapporteur, M. Bonnal, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« Les dispositions de l'article 230-8 du code de procédure pénale prévoyant que, en cas de décision de classement sans suite, les données à caractère personnel concernant les personnes mises en cause font l'objet d'une mention sauf si le procureur de la République ordonne l'effacement des données à caractère personnel, sont-elles conformes au droit au respect de la vie privée garantie par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ? ».
2. Lorsque la question prioritaire de constitutionnalité est soulevée à l'occasion d'un pourvoi en cassation, le mémoire personnel qui la présente doit être déposé dans la forme et les délais prévus aux articles 584 et suivants du code de procédure pénale.
3. M. [C] [K], demandeur non condamné pénalement par l'arrêt attaqué, a déposé personnellement un mémoire spécial, soulevant une question prioritaire de constitutionnalité, le 13 décembre 2021, au greffe de la Cour de cassation. Faute d'avoir été déposé dans le délai de dix jours suivant la déclaration de pourvoi, faite le 15 novembre 2021, au greffe de la juridiction qui a rendu la décision attaquée, ce mémoire n'est pas recevable, en application de l'article 584 du code de procédure pénale.
4. Dès lors, il ne saisit pas la Cour de cassation de la question prioritaire de constitutionnalité qu'il contient.
Crim. 8 mars 2022 n° 21-84.231
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° Q 21-84.231 F-D
N° 00265
SL2 8 MARS 2022
REJET
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 8 MARS 2022
M. [W] [L] [Y] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel d'Orléans, chambre correctionnelle, en date du 8 juin 2021, qui, pour atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui, menaces de mort réitérées, violences aggravées et appels téléphoniques malveillants, l'a condamné à dix-huit mois d'emprisonnement dont douze mois assortis du sursis probatoire, et a prononcé sur les intérêts civils.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Ménotti, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. [W] [L] [Y], et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er février 2022 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Ménotti, conseiller rapporteur, M. Bonnal, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Les 7 décembre 2020 et 5 janvier 2021, Mme [J] [R] a déposé plainte contre son mari, M. [W] [L] [Y], dont elle est séparée depuis juin 2020, pour menaces de mort réitérées, atteinte à l'intimité de sa vie privée résultant de la prise de clichés photographiques sans son consentement depuis l'extérieur de son domicile, blessures volontaires consistant en des gestes violents et des propos déplacés à son encontre et dégradation de bien appartenant à autrui du fait d'un jet de pierre ayant endommagé une fenêtre de toit de sa maison.
3. Les juges du premier degré ont relaxé l'intéressé du chef de dégradation de bien mais l'ont condamné pour le surplus.
4. Toutes les parties ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
5. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [W] [L] [Y] à la peine de 18 mois d'emprisonnement dont 12 mois assortis d'un sursis probatoire pendant 2 ans et ordonné que le condamné soit convoqué devant le juge de l'application des peines et le service pénitentiaire d'insertion et de probation conformément aux dispositions de l'article 474, afin que puisse être prononcée une mesure mentionnée au 1° du présent 1 conformément à l'article 723-15 du code de procédure pénale, alors :
1°/ que si la peine ferme d'emprisonnement prononcée est inférieure ou égale à six mois, elle doit être aménagée par la juridiction qui la prononce, sauf impossibilité résultant de la personnalité ou de la situation du condamné ; que la juridiction correctionnelle ne peut ordonner que le condamné soit convoqué devant le juge d'application des peines qu'en cas d'impossibilité résultant de la personnalité ou de la situation du condamné ; qu'en l'espèce, pour ordonner que M. [L] [Y] soit convoqué devant le juge de l'application des peines et le service pénitentiaire d'insertion et de probation, la cour d'appel a déclaré qu'elle ne disposait « pas des éléments lui permettant de déterminer la mesure d'aménagement adaptée », au motif que « si la situation sociale ou professionnelle du condamné doit conduire à envisager un aménagement de la partie ferme de la condamnation, l'absence d'élément et de consentement de l'hébergeant ne permet pas à la cour de le prononcer » ; qu'en renonçant ainsi à ordonner l'aménagement qui s'imposait à elle compte tenu de la durée de l'emprisonnement ferme prononcé, à raison d'un prétendue impossibilité qui ne tenait ni à la personnalité, ni à la situation du condamné mais au fait d'un tiers, la cour d'appel a violé les articles 132-19, al 3 et 132-25, al. 1 du code pénal ;
2°/ que si le prévenu est comparant, la juridiction doit l'interroger sur son hébergement et, le cas échéant, vérifier le consentement de l'hébergeant en ordonnant un ajournement de la peine aux fins d'investigations sur sa personnalité et sa situation ; qu'en l'espèce, tout en constatant que M. [L] [Y] était hébergé chez son père, la cour d'appel a cru pouvoir justifier son refus d'aménager la peine de 6 mois d'emprisonnement ferme qu'elle a prononcée et saisine du juge de l'application des peines pour déterminer s‘il existe une mesure d'aménagement adaptée au motif qu'elle ne disposait pas d'éléments et du consentement de l'hébergeant ; qu'en statuant de la sorte quand elle pouvait interroger M. [L] [Y], prévenu comparant, sur sa situation, et faire vérifier l'accord de son père à l'hébergement dans le cadre d'un éventuel aménagement de la peine d'emprisonnement prononcé contre lui en ordonnant un ajournement de la peine, la cour d'appel a violé les articles 132-19, al.3 et 132-25, al.1 du code pénal, ensemble l'article 132-70-1 du même code ;
3°/ que le choix de toute peine correctionnelle doit être motivé en tenant compte des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale ; que le tribunal qui prononce une peine d'emprisonnement sans sursis doit spécialement motiver sa décision au regard des faits de l'espèce et de la personnalité de leur auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale ; qu'il lui appartient d'établir, au regard de ces éléments, que la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine indispensable et que toute autre sanction est manifestement inadéquate ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a estimé que « c'est par une exacte appréciation que le tribunal a prononcé en répression des infractions commises une peine de 18 mois d'emprisonnement partiellement assortie d'un sursi probatoire, permettant de suivre et d'accompagner le condamnés dans son évolution et son analyse de ses comportements » après avoir relevé « la personnalité du prévenu dont l'insertion professionnelle est constante, mais dont le comportement ne manque pas de continuer à s'interroger » ainsi que différents éléments (situation professionnelle du prévenu, domiciliation chez son père, inscription au casier judiciaire d'une condamnation pour stage suite à une infraction routière, trouble dépressif, suivi médical interrompu, reconnaissance confuse des faits) ; qu'en l'état de ces motifs qui concernent exclusivement la personnalité du prévenu et ne tiennent pas compte des « circonstances de l'infraction », la cour d'appel a violé les articles 130-1, 132-1, 132-19, al.2 et al.4, du code pénal, 485 et 593 du code de procédure pénale ;
4°/ que le choix de toute peine correctionnelle doit être motivé en tenant compte des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale ; que le tribunal qui prononce une peine d'emprisonnement sans sursis doit spécialement motiver sa décision au regard des faits de l'espèce et de la personnalité de leur auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale ; qu'il lui appartient d'établir, au regard de ces éléments, que la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine indispensable et que toute autre sanction est manifestement inadéquate ; qu'en l'espèce, la cour d'appel qui n'a pas établi que la peine d'emprisonnement ferme était indispensable et que toute autre sanction était manifestement inadéquate, a violé les articles 130-1, 132-1, 132-19, al.2 et al.4 du code pénal, 485-1 et 593 du code procédure pénale. »
Réponse de la Cour
7. Pour condamner l'intéressé à la peine de dix-huit mois d'emprisonnement dont douze mois avec sursis probatoire, soit une peine ferme de six mois, l'arrêt attaqué énonce que la décision prise par l'intéressé d'arrêter les soins et son suivi psychiatrique ne manque pas d'inquiéter sur le recul et la conscience qu'il peut avoir du caractère particulièrement anormal et effrayant de son comportement et qu'au vu de ces éléments et de la personnalité du prévenu dont l'insertion professionnelle est constante, mais dont le comportement continue à interroger, il convient de considérer que c'est par une exacte appréciation que le tribunal a prononcé, en répression, une peine de dix-huit mois d'emprisonnement partiellement assortie d'un sursis probatoire, permettant de suivre et d'accompagner le condamné dans son évolution et son analyse de ses comportements.
8. Les juges ajoutent que, si la situation sociale et professionnelle du condamné doit conduire à envisager un aménagement de la partie ferme de la condamnation, l'absence d'élément et de consentement de l'hébergeant ne permet pas à la cour de le prononcer elle-même, de sorte qu'il convient d'ordonner la convocation de l'intéressé devant le juge de l'application des peines.
9. Par ces énonciations, qui satisfont aux exigences des articles 132-19 du code pénal et 464-2 du code de procédure pénale, la cour d'appel a justifié sa décision.
10. En effet, les juges, qui ont posé le principe d'un aménagement de peine dans les motifs de la décision, lesquels éclairent le dispositif, ont estimé ne pouvoir eux-mêmes y procéder, faute de consentement de l'hébergeur pressenti.
11. Enfin, les juges se sont prononcés par des motifs prenant en compte les circonstances de l'infraction, dont il résulte que la gravité de celle-ci et la personnalité de son auteur rendent cette peine indispensable et que toute autre sanction est manifestement inadéquate.
12. D'où il suit que le moyen doit être rejeté.
13. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.
Crim. 8 mars 2022 n° 21-84.811
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° V 21-84.811 F-D
N° 00267
SL2 8 MARS 2022
CASSATION
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 8 MARS 2022
M. [Z] [D] a formé un pourvoi contre le jugement du tribunal de police d'Orléans, en date du 23 mars 2021, qui, pour contravention au code de la santé publique, l'a condamné à 135 euros d'amende.
Un mémoire personnel et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Michon, conseiller référendaire, et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er février 2022 où étaient présents M. Soulard, président, M. Michon, conseiller rapporteur, M. Bonnal, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte du jugement attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. L'infraction de non-port d'un masque de protection dans un véhicule de transport collectif de voyageurs a été relevée à l'encontre d'une personne dont l'identité n'a pas été vérifiée se déclarant comme M. [Z] [D], né le [Date naissance 1] 2000 à [Localité 4], domicilié [Adresse 3].
3. Une ordonnance pénale a été délivrée à l'adresse indiquée à l'encontre de M. [D].
4. L'intéressé a formé opposition, contestant être l'auteur de l'infraction, faisant notamment valoir être né le [Date naissance 2] 1966 à [Localité 5] en Mauritanie.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen est tiré de la violation de l'article 593 du code de procédure pénale.
6. Il critique le jugement attaqué en ce qu'il a déclaré le prévenu coupable des faits par des motifs contradictoires en ce que l'intéressé est né le [Date naissance 2] 1966 à [Localité 5] en Mauritanie alors que l'infraction a été relevée contre une personne se déclarant née le [Date naissance 1] 2000 à [Localité 4].
Réponse de la Cour
Vu l'article 593 du code de procédure pénale :
7. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
8. Pour déclarer le prévenu coupable de la contravention de non-port du masque dans un véhicule de transport collectif de voyageurs, le jugement attaqué retient que, d'une part, la date de naissance relevée par l'agent verbalisateur résulte d'indications verbales du contrevenant et qu'elle n'a pas été vérifiée, d'autre part, les arguments de M. [D] selon lesquels il ne se trouvait pas dans le véhicule au moment de la constatation de l'infraction demeurent à l'état d'allégations, et ne sauraient constituer la preuve contraire exigée par l'article 537 du code de procédure pénale.
9. En se déterminant ainsi, par des motifs qui ne permettent pas d'établir que le prévenu est bien le contrevenant ayant fait l'objet du procès-verbal d'infraction, ce qui ne résultait pas des constatations de ce dernier, le tribunal de police n'a pas justifié sa décision.
10. La cassation est par conséquent encourue.
Crim. 8 mars 2022 n° 21-87.213 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° F 21-87.213 FS-B
N° 00384
RB5 8 MARS 2022
REJET
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 8 MARS 2022
M. [R] [H] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Angers, en date du 1er décembre 2021, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs notamment d'importation de stupéfiants, infractions à la législation sur les stupéfiants, association de malfaiteurs, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant sa détention provisoire.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Labrousse, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [R] [H], et les conclusions de M. Lesclous, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 mars 2022 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Labrousse, conseiller rapporteur, M. Bonnal, Mme Ménotti, MM. Maziau, Seys, Dary, Mme Thomas, conseillers de la chambre, MM. Violeau, Michon, conseillers référendaires, M. Lesclous, avocat général, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 15 mars 2021, M. [R] [H] a été mis en examen des chefs précités et placé en détention provisoire.
3. A l'issue de son interrogatoire de première comparution, il a désigné pour l'assister, pour la suite de la procédure, M. [Z] et son collaborateur M. [N].
4. M. [Z] a sollicité du juge d'instruction la délivrance d'un permis de communiquer pour lui-même et l'ensemble de ses collaborateurs.
5. Le juge d'instruction a adressé à M. [Z] un permis portant uniquement son nom et celui de M. [N].
6. Le 12 octobre 2021, M. [Z] a été convoqué devant le juge des libertés et de la détention pour un débat contradictoire en vue de la prolongation de la détention provisoire de M. [H] fixé au 8 novembre 2021 à 11 heures.
7. Le 3 novembre 2021, M. [Z] a informé le juge d'instruction que ni lui ni M. [N] n'étaient disponibles pour ce débat et a sollicité un permis de communiquer pour l'une de ses collaboratrices, Mme [M].
8. Par courriel du même jour, le juge d'instruction a rejeté cette demande au motif que Mme [M] n'avait pas été
9. Par courriel du 8 novembre 2021, à 10 heures 38, M. [Z] a sollicité le report du débat contradictoire.
10. Par ordonnance du même jour, à l'issue de ce débat durant lequel M. [H] n'était pas assisté d'un avocat, le juge des libertés et de la détention a rejeté la demande de renvoi et a prolongé la détention provisoire de l'intéressé.
11. M. [H] a relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
12. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 8 novembre 2021 prolongeant la détention provisoire de M. [H], alors :
« 1°/ que par mémoire distinct, l'exposant sollicite le renvoi au Conseil constitutionnel d'une question prioritaire de constitutionnalité contestant la conformité aux droits de la défense, au principe d'égalité devant la justice et au principe de bonne administration de la justice de l'article 115 du code de procédure pénale tel qu'interprété par la Cour de cassation comme ne prévoyant l'envoi des convocations et notifications « qu'aux avocats nommément désignés par les parties, ce dont il se déduit que le juge d'instruction n'est tenu de délivrer un permis de communiquer qu'à ces derniers » ; que l'abrogation de ce texte ou du moins de son interprétation qui interviendra sur la question prioritaire de constitutionnalité privera l'arrêt attaqué de base légale et entraînera sa cassation ;
2°/ qu'en vertu du principe de la libre communication entre la personne mise en examen et son avocat, résultant de l'article 6 § 3, b et c, de la Convention européenne des droits de l'homme, la délivrance d'un permis de communiquer entre une personne détenue et son avocat est indispensable à l'exercice des droits de la défense ; qu'il en découle que le défaut de délivrance de cette autorisation à chacun des avocats désignés, avant un débat contradictoire tenu en vue de l'éventuelle prolongation de la détention provisoire, fait nécessairement grief à la personne mise en examen ; que la collaboration est un mode d'exercice professionnel par lequel un avocat consacre une partie de son activité au cabinet d'un ou plusieurs avocats ; que le collaborateur libéral ne peut assister ou représenter une partie ayant des intérêts contraires à ceux d'un client du cabinet avec lequel il collabore ; qu'il s'ensuit que l'avocat collaborateur doit pouvoir disposer de tous les moyens d'assister et de représenter les clients de l'avocat avec lequel il collabore ; qu'en particulier les avocats collaborateurs doivent se voir délivrer un permis de communiquer dès lors que l'avocat pour lequel ils collaborent a été désigné, peu important que les collaborateurs n'aient pas été eux-mêmes désignés, la substitution d'un avocat par un collaborateur relevant de la libre organisation du cabinet ; qu'au cas d'espèce, devant la chambre de l'instruction, M. [H] faisait valoir que les droits de la défense avaient été méconnus devant le juge des libertés et de la détention faute de délivrance à Mme [M] et à l'ensemble des collaborateurs de M. [Z], avocat choisi, d'un permis de communiquer avant le débat de prolongation de détention provisoire ; qu'en affirmant, pour dire n'y avoir lieu à prononcer la nullité du débat contradictoire et confirmer l'ordonnance de prolongation de détention provisoire du même jour, que « la désignation d'un avocat n'emporte pas automatiquement désignation de l'ensemble de ses collaborateurs », de sorte que le juge d'instruction et le juge des libertés et de la détention avaient pu ne délivrer de permis de communiquer qu'à MM. [Z] et [N], avocats expressément désignés en fin d'interrogatoire de première comparution, et non aux autres collaborateurs de M. [Z], faute pour ceux-ci d'avoir été expressément désignés par M.[H], la chambre de l'instruction a violé les articles 6, § 3, de la Convention européenne des droits de l'homme, 115, 591, 593 et R. 57-6-5 du code de procédure pénale, 14-1 et 14-3 du règlement intérieur national de la profession d'avocat. »
Réponse de la Cour
Sur le moyen, pris en sa première branche
13. Par arrêt de ce jour, la Cour de cassation a renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité relative à l'article 115 du code de procédure pénale, tel qu'interprété par elle.
14. L'article 23-5, alinéa 4, de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel dispose que lorsque celui-ci a été saisi, le Conseil d'Etat ou la Cour de cassation sursoit à statuer jusqu'à ce qu'il se soit prononcé. Il en va autrement quand l'intéressé est privé de liberté à raison de l'instance et que la loi prévoit que la Cour de cassation statue dans un délai déterminé.
15. Tel est le cas en l'espèce.
16. Il est rappelé que, dans sa décision n° 2009-595 DC du 3 décembre 2009, le Conseil constitutionnel a jugé que si l'alinéa 4 de l'article précité peut conduire à ce qu'une décision définitive soit rendue dans une instance à l'occasion de laquelle le Conseil constitutionnel a été saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité et sans attendre qu'il ait statué, dans une telle hypothèse, ni cette disposition, ni l'autorité de la chose jugée ne sauraient priver le justiciable de la faculté d'introduire une nouvelle instance pour qu'il puisse être tenu compte de la décision du Conseil constitutionnel.
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
17. Si, en vertu du principe de la libre communication entre la personne mise en examen et son avocat, résultant de l'article 6, § 3, c, de la Convention européenne des droits de l'homme, la délivrance d'un permis de communiquer entre une personne détenue et son avocat est indispensable à l'exercice des droits de la défense, de telle sorte que le défaut de délivrance de cette autorisation à chacun des avocats désignés qui en a fait la demande, avant un débat contradictoire tenu en vue de l'éventuelle prolongation de la détention provisoire, fait nécessairement grief à la personne mise en examen, sauf s'il résulte d'une circonstance insurmontable, aucune disposition conventionnelle ou légale ne fait obligation au juge d'instruction de délivrer un permis de communiquer aux collaborateurs ou associés d'un avocat choisi, dès lors que ceux-ci n'ont pas été personnellement désignés par l'intéressé dans les formes prévues par l'article 115 du code de procédure pénale (Crim., 15 décembre 2021, pourvoi n° 21-85.670, publié au Bulletin).
18. Pour écarter l'exception de nullité de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention, prise de ce que le juge d'instruction n'a pas délivré de permis de communiquer à Mme [M], l'arrêt attaqué énonce que la désignation d'un avocat n'emporte pas automatiquement désignation de l'ensemble de ses collaborateurs et qu'en conséquence le juge d'instruction n'avait pas à délivrer un permis de communiquer à ceux des collaborateurs que le mis en examen n'a pas désignés.
19. Les juges ajoutent que, bien que les dispositions de l'article 115 du code de procédure pénale aient été rappelées à M. [Z] dans un courriel du 3 novembre 2021, force est de constater que M. [H] n'a pas procédé à la désignation de Mme [M].
20. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucune des dispositions visées au moyen.
21. Le moyen ne peut qu'être écarté.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
22. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 8 novembre 2021 prolongeant la détention provisoire de M. [H], alors « que fait grief au mis en examen l'impossibilité dans laquelle il s'est trouvé de répondre à l'argument tiré par le ministère public, pour s'opposer à une demande de renvoi, de l'expiration proche du mandat de dépôt, dès lors que l'absence de renvoi a fait perdre une chance au mis en examen de comparaître en présence de son avocat ; qu'en affirmant, pour écarter tout grief résultant de l'impossibilité dans laquelle s'est trouvé M. [H] de répondre aux arguments par lesquels le ministère public s'était opposé à sa demande de renvoi, qu'un tel renvoi ne permettrait pas la délivrance d'un permis de communiquer aux collaborateurs de M. [Z] et que ni M. [Z] ni M. [N], avocats désignés, n'avaient « fait savoir au juge des libertés et de la détention que l'un d'entre eux pourrait assister M. [H] dans l'hypothèse où l'audience serait renvoyé à l'un des jours précédant la date d'expiration du mandat de dépôt », motif impropre à écarter toute perte, par M. [H], d'une chance d'être assisté au cours du débat de prolongation en cas de renvoi de celui-ci, la chambre de l'instruction a violé les articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 145, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
23. Il se déduit des articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme que la personne qui comparait devant le juge des libertés et de la détention dans le cadre d'un débat contradictoire en matière de détention provisoire, ou son avocat, doivent avoir la parole les derniers.
24. La Cour de cassation juge que lorsque le ministère public est entendu, au cours du débat contradictoire, sur une demande de renvoi présentée par la personne mise en examen ou son avocat, ceux-ci doivent pouvoir prendre à nouveau la parole après les réquisitions sur cette demande. Lorsque tel n'est pas le cas, la nullité du débat contradictoire qui en résulte relève de l'article 802 du code de procédure pénale (Crim., 10 novembre 2021, pourvoi n° 21-85.182, publié au Bulletin).
25. L'existence d'un grief est établie lorsque le fait que la personne mise en examen n'ait pas eu la parole en dernier sur sa demande de renvoi, après les réquisitions du ministère public, lui a occasionné un préjudice.
26. Ce préjudice doit résulter de cette irrégularité elle-même. Il ne peut dès lors être caractérisé par le seul refus du juge des libertés et de la détention de faire droit à la demande de renvoi.
27. L'existence d'un préjudice doit être exclue s'il résulte des pièces de la procédure qu'aucun renvoi n'était possible en raison de la date d'expiration du mandat de dépôt.
28. Dans les autres hypothèses, il appartient à la chambre de l'instruction de rechercher, en premier lieu, si dans son mémoire devant la chambre de l'instruction, la personne détenue a allégué qu'elle aurait été en mesure d'opposer au ministère public une argumentation opérante puis, en second lieu, si l'ordonnance du juge des libertés et de la détention répond à cette argumentation.
29. Si tel n'est pas le cas, le grief est établi.
30. En l'espèce, le demandeur ne saurait se faire un grief de n'avoir pu faire valoir, en réponse aux arguments du procureur de la République, que, dans le cas où le débat contradictoire serait renvoyé, il renoncerait à se prévaloir du non-respect des délais de convocation, dès lors que le respect du délai prévu à l'article 114 du code de procédure pénale ne s'impose pas en cas de report du débat à la demande de l'avocat régulièrement convoqué, de sorte que cette argumentation était inopérante.
31. Il s'ensuit que le moyen doit être écarté.
32. Par ailleurs l'arrêt est régulier, tant en la forme qu'au regard des articles 137-3, 143-1 et suivants du code de procédure pénale.
Crim. 23 février 2022 n° 21-83.576
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° C 21-83.576 F-D
N° 00253
MAS2 23 FÉVRIER 2022
CASSATION
Mme DE LA LANCE conseiller doyen faisant fonction de président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 23 FÉVRIER 2022
M. [G] [H] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-11, en date du 25 mars 2021, qui, pour abus de confiance, l'a condamné à dix mois d'emprisonnement avec sursis, a ordonné une mesure de confiscation, et a prononcé sur les intérêts civils.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Fouquet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [G] [H], et les conclusions de M. Salomon, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 janvier 2022 où étaient présents Mme de la Lance, conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Fouquet, conseiller rapporteur, Mme Planchon, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [G] [H] a été condamné par jugement du 10 avril 2018 du chef susvisé.
3. Le prévenu, la partie civile et le procureur de la République ont formé appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de M. [H] de renvoi de l'affaire et l'a déclaré coupable d'abus de confiance, alors :
« 1°/ que le prévenu ou son avocat doivent toujours avoir la parole en dernier ; que cette règle s'applique à tout incident, dès lors qu'il n'est pas joint au fond ; qu'au cas d'espèce il résulte des énonciations de l'arrêt qu'à l'audience du 11 février 2021, avant que ne soit évoquée l'affaire, le conseil de M. [H] a sollicité, le renvoi de l'affaire à une audience ultérieure, M. [H] étant dans l'impossibilité, en raison de la crise sanitaire et de son état de santé de se déplacer en métropole pour assister à l'audience ; qu'en rejetant cette demande de renvoi, sans joindre l'incident au fond, et sans qu'il résulte des mentions de la décision que le conseil du prévenu a eu sur ce point la parole en dernier, la cour d'appel a violé les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 460, 513, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que la comparution en personne du prévenu à l'audience où il doit être jugé est un droit ; qu'en décidant en l'espèce, pour rejeter l'excuse de M. [H] qui sollicitait le renvoi de l'audience pour des raisons médicales, en raison de la crise sanitaire et de son état de santé le mettant dans l'impossibilité, résidant en Martinique, de voyager et de se rendre en métropole pour assister à l'audience, que la demande de renvoi devait être rejetée en raison de l'ancienneté des faits, du fait que le prévenu avait déjà été entendu en garde à vue et en première instance, du caractère chronique de la pathologie respiratoire du prévenu quand le contexte lié à la crise sanitaire s'avèrait durable, du caractère non dirimant de la contrainte de quarantaine alléguée et de l'absence de production d'un pouvoir de représentation du prévenu, la cour d'appel a statué par des motifs tous impropres à justifier sa décision et méconnu les règles du procès équitable en violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 410, 591, 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 513, alinéa 4, du code de procédure pénale :
5. Selon ce texte, le prévenu ou son avocat auront toujours la parole les derniers. Cette règle s'applique à tout incident dès lors qu'il n'est pas joint au fond.
6. Il résulte des mentions de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'il a été statué, au cours des débats, sur la demande de renvoi présentée par le prévenu, non-comparant, pour la rejeter, sans que son avocat, présent à l'audience, ait eu la parole en dernier.
7. En prononçant ainsi, alors que l'incident n'avait pas été joint au fond, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.
8. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Crim. 23 février 2022 n° 21-81.161 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° C 21-81.161 F-B
N° 00250
MAS2 23 FÉVRIER 2022
REJET
Mme DE LA LANCE conseiller doyen faisant fonction de président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 23 FÉVRIER 2022
M. [N] [C] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux, chambre correctionnelle, en date du 8 janvier 2021, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef de fraude fiscale et omission d'écritures en comptabilité, a prononcé sur les demandes de l'administration fiscale, partie civile.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de Mme Fouquet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de M. [N] [C], les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la [1], et les conclusions de M. Salomon, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 janvier 2022 où étaient présents Mme de la Lance, conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Fouquet, conseiller rapporteur, Mme Planchon, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Par jugement du 5 décembre 2019, le tribunal correctionnel a condamné M. [C] des chefs susvisés à trois mois d'emprisonnement avec sursis et trois ans d'interdiction de gérer. Les premiers juges ont reçu la constitution de partie civile de l'administration fiscale et ont déclaré le prévenu solidairement tenu, avec la société SASU [2] qu'il dirigeait, redevable légal de l'impôt fraudé, au paiement de cet impôt ainsi qu'à celui des pénalités fiscales y afférentes.
3. M. [C] a formé appel des seules dispositions relatives à la solidarité prononcée par cette décision.
Examen des moyens
Sur le second moyen
4. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a jugé M. [C] solidairement tenu avec la société SASU [2], au paiement des impôts fraudés ainsi qu'à
Réponse de la Cour
6. La solidarité fiscale, dont était seule saisie la cour d'appel, qui constitue une garantie pour le recouvrement de la créance du Trésor public, n'est pas une punition de nature pénale.
7. En conséquence, le demandeur ne saurait se faire un grief de ce qu'il n'a pas eu, ainsi que son avocat, la parole en dernier, dès lors que, l'action publique n'étant plus en cause, les dispositions de l'article 513, alinéa 4, du code de procédure pénale n'étaient pas applicables.
8. Ainsi le moyen doit être écarté.
9. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
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