Crim. 24 août 1999 n° 99-83.836
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-quatre août mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller ROGER, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X...,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, en date du 5 mai 1999, qui l'a renvoyé devant la cour d'assises des ALPES-DE-HAUTE-PROVENCE pour tentative de viol sur mineure de quinze ans par personne ayant autorité ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 2 et 232 du Code pénal abrogé, 121-4, 121-5, 222-23 et 222-24 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"aux motifs que, le 22 septembre 1993, Y..., âgée de trois ans et demi a présenté une blessure au niveau du sexe, attestée par un certificat médical ; que l'enfant a constamment désigné X... comme l'auteur de cette blessure ; que le siège de la blessure se situe au niveau du sillon qui sépare la grande lèvre de la petite lèvre ; qu'une telle blessure résulte donc nécessairement d'une pression du doigt à l'entrée du sexe de l'enfant ; qu'il en résulte de fortes présomptions de tentative de pénétration sexuelle ;
"alors, d'une part, que le crime de tentative de viol suppose un commencement volontaire d'exécution de pénétration sexuelle ; que la seule circonstance de l'existence d'une petite déchirure de 1 cm de longueur dans le sillon qui sépare la grande lèvre de la petite lèvre, blessure ne se situant pas à l'entrée du sexe de la fillette, ne permet pas de conclure à une tentative volontaire de pénétration sexuelle ; qu'il s'ensuit que c'est à tort que la chambre d'accusation a retenu la qualification criminelle de tentative de viol ;
"alors, d'autre part, que le crime de tentative de viol suppose un élément de violence, contrainte, menace ou surprise ;
qu'en s'abstenant de caractériser le moindre acte qui serait constitutif de violence, contrainte, menace ou surprise, la chambre d'accusation n'a pas légalement justifié sa décision de renvoi devant une juridiction criminelle" ;
Attendu que les motifs de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la chambre d'accusation, après avoir exposé les faits, a relevé l'existence de charges qu'elle a estimé suffisantes contre X... pour ordonner son renvoi devant la cour d'assises sous l'accusation de tentative de viol commis sur une mineure de moins de quinze ans par une personne ayant autorité sur la victime ;
Qu'en effet, les chambres d'accusation apprécient souverainement si les faits retenus à la charge de la personne mise en examen sont constitutifs d'une infraction, la Cour de Cassation n'ayant d'autre pouvoir que de vérifier si, à supposer les faits établis, la qualification justifie la saisine de la juridiction de jugement ;
Que, dès lors, le moyen ne peut qu'être écarté ;
Et attendu que la chambre d'accusation était compétente, qu'il en est de même de la cour d'assises devant laquelle l'accusé a été renvoyé, que la procédure est régulière et que les faits, objet de l'accusation, sont qualifiés crime par la loi ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Milleville conseiller doyen, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Roger conseiller rapporteur, M. Challe conseiller de la chambre, Mmes de la Lance, Karsenty conseillers référendaires appelés à compléter la chambre conformément à l'article L. 131-7, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire ;
Avocat général : Mme Commaret ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;
Crim. 28 juillet 1999 n° 98-87.852
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-huit juillet mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire DESPORTES et les conclusions de M. l'avocat général LUCAS ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Liliane épouse Y..., partie civile,
contre l'arrêt n° 568 de la chambre d'accusation de la cour d'appel de ROUEN, en date du 26 novembre 1998, qui a confirmé l'ordonnance de refus d'informer et d'incompétence rendue par le juge d'instruction sur sa plainte pour déni de justice, entrave à la saisine de la justice, entrave à la manifestation de la vérité, abus d' autorité, obstruction à l'application de la loi, atteinte à la liberté individuelle, discrimination, faux en écritures publiques et recel ;
Vu l'article 575, alinéa 2, 1 et 4 du Code de procédure pénale ;
Vu le mémoire personnel produit ;
Sur les troisième, quatrième et cinquième moyens de cassation pris de la violation des articles 6 de la Convention Européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que la demanderesse ne saurait se faire un grief de ce qu'elle n'a pas reçu communication des pièces du dossier, dès lors que l'article 197 du Code de procédure pénale, lequel n'est pas contraire aux textes conventionnels visés aux moyens, n'autorise une telle communication qu'aux seuls avocats des parties ;
Attendu que, par ailleurs, le procureur général ne décidant pas du bien-fondé de l'accusation en matière pénale, le moyen pris de sa prétendue partialité est inopérant ;
D'où il suit que les moyens, irrecevables pour le surplus en ce qu'ils invoquent pour la première fois devant la Cour de Cassation de prétendues irrégularités de la procédure suivie devant le juge d'instruction, ne peuvent être admis ;
Sur les premier et deuxième moyens de cassation pris de la violation des articles 85 et 86 du Code de procédure pénale ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance de refus d'informer et d'incompétence rendue par le juge d'instruction d'Evreux, la chambre d'accusation retient qu'une partie des faits dénoncés ne relève pas de la compétence territoriale de ce magistrat et que, pour le surplus, la plainte, motivée par le montant, jugé excessif, d'une consignation mise à la charge de la demanderesse, "n'a d'autre objet que de faire grief à des magistrats du siège de la nature et du contenu" de leur jugement ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la chambre d'accusation a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
D'où il suit que les moyens ne peuvent être accueillis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Gomez président, M. Desportes conseiller rapporteur, MM. Farge, Ruyssen conseillers de la chambre, Mme Ferrari conseiller référendaire, appelé à compléter la chambre conformément aux dispositions de l'article L. 131-7, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire ;
Avocat général : M. Lucas ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;
Crim. 28 juillet 1999 n° 99-83.289
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-huit juillet mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller RUYSSEN, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LUCAS ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Y... Mustapha,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de PARIS, en date du 9 avril 1999, qui l'a renvoyé devant la cour d'assises de la SEINE-SAINT-DENIS sous l'accusation de vol avec arme ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-1, 121-4, 311-1 et 311-8 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a renvoyé Mustapha Y... devant la cour d'assises pour vol avec l'usage d'une arme ou sous la menace d'une arme ;
"aux motifs qu'il est résulté de l'information et plus particulièrement en ce qui concerne Mustapha Y... - du supplément d'information au cours duquel trois fonctionnaires de police l'ont formellement reconnu comme ayant été le passager du véhicule conduit par Mansour X... et d'où ont été jetés une arme, une cagoule, une paire de gants et le produit du vol au moment du contrôle routier dont ce véhicule a fait l'objet - charges suffisantes d'avoir commis le vol avec arme, objet de l'information ;
"alors que nul n'est responsable pénalement que de son propre fait et que la chambre d'accusation qui ne relevait aucun acte de participation au vol à main armée à l'encontre de Mustapha Y... ne pouvait, sauf à déduire cette participation d'un motif purement hypothétique, légalement prononcer sa mise en accusation pour le crime susvisé ;
"alors, qu'abstraction faite de la qualité de passager d'un véhicule qui, à elle seule, ne caractérise la participation à aucun crime, I'arrêt n'a relevé à l'encontre de Mustapha Y... aucun acte de participation consciente à une infraction quelle qu'elle soit" ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 311-1 et 311-8 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a prononcé la mise en accusation de Mustapha Y... pour vol avec l'usage d'une arme ou sous la menace d'une arme ;
"aux motifs qu'il est résulté de l'information et plus particulièrement en ce qui concerne Mustapha Y... - du supplément d'information au cours duquel trois fonctionnaires de police l'ont formellement reconnu comme ayant été le passager du véhicule conduit par Mansour X... et d'où ont été jetés une arme, une cagoule, une paire de gants et le produit du vol au moment du contrôle routier dont ce véhicule a fait l'objet - charges suffisantes d'avoir commis le vol avec arme, objet de l'information ;
"alors que les chambres d'accusation ont l'obligation de répondre aux chefs péremptoires des mémoires régulièrement déposés devant elles ; que, dans son mémoire Mustapha Y... faisait valoir :
"1 ) que les circonstances dans lesquelles avaient eu lieu les reconnaissances policières (contrôle de nuit en plein hiver et discordance dans les auditions des fonctionnaires de police) ne pouvaient que remettre sérieusement en question l'exactitude de la prétendue identification de Mustapha Y...,
"2) que la description du passager de la 205 Peugeot par le témoin Franck Z... qui l'avait pris en charge dans son véhicule ne correspondait pas à celle qui était faite par les officiers de police judiciaire de la BAC d'Argenteuil concernant celui qu'ils déclaraient être Mustapha Y..., celui-ci portant selon eux une moustache et étant vêtu d'un "sweet jaune" alors que l'individu auquel Franck Z... avait porté assistance ne portait ni barbe ni moustache et était vêtu, non pas d'un vêtement jaune, mais d'une "chemise unie claire" ;
"et, qu'en ne s'expliquant pas sur ces chefs péremptoires de conclusions, la chambre d'accusation a privé sa décision de base légale" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les motifs de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la chambre d'accusation, après avoir exposé les faits et répondu comme elle le devait aux articulations essentielles des mémoires dont elle était saisie, a relevé l'existence de charges qu'elle a estimé suffisantes contre Mustapha Y... pour ordonner son renvoi devant la cour d'assises sous l'accusation de vol avec arme ;
Qu'en effet, les chambres d'accusation apprécient souverainement si les faits retenus à la charge de la personne mise en examen sont constitutifs d'une infraction, la Cour de Cassation n'ayant d'autre pouvoir que de vérifier si, à supposer ces faits établis, la qualification justifie la saisine de la juridiction de jugement ;
Que, dès lors, les moyens ne peuvent qu'être écartés ;
Et attendu que la chambre d'accusation était compétente, qu'il en est de même de la cour d'assises devant laquelle l'accusé a été renvoyé, que la procédure est régulière et que les faits, objet principal de l'accusation, sont qualifiés crime par la loi ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Gomez président, M. Ruyssen, conseiller rapporteur, M. Farge conseiller de la chambre, Mme Ferrari, M. Desportes conseillers référendaires, appelés à compléter la chambre conformément à l'article L. 131-7, alinéa 2 du Code de l'organisation judiciaire ;
Avocat général : M. Lucas ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;
Soc. 13 juillet 1999 n° 97-41.577
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. X...,
en cassation d'un arrêt rendu le 17 janvier 1997 par la cour d'appel de Versailles (5e chambre, section B), au profit :
1 / de la société Rougnon frères, société à responsabilité limitée, dont le siège est 16 bis, rue Grange Dame Rose, zone industrielle de Vélizy, BP 89, 78143 Vélizy Cedex,
2 / de la société Disdero, société anonyme, dont le siège est 16 bis, rue Grange Dame Rose, zone industrielle de Vélizy, BP 89, 78143 Vélizy Cedex,
3 / de la société Ravier-Rousset-Cellier, société anonyme, dont le siège est 16 bis, rue Grange Dame Rose, zone industrielle de Vélizy, BP 89, 78143 Vélizy Cedex,
4 / de la société Gestionova, société à responsabilité limitée, dont le siège est 16 bis, rue Grange Dame Rose, zone industrielle de Vélizy, BP 89, 78143 Vélizy Cedex,
défenderesses à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 9 juin 1999, où étaient présents : M. Waquet, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Ransac, conseiller rapporteur, M. Lanquetin, conseiller, Mme Lebée, MM. Funck-Brentano, Leblanc, conseillers référendaires, M. de Caigny, avocat général, Mme Guenée-Sourie, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Ransac, conseiller, les observations de Me Choucroy, avocat de M. X..., de la SCP Le Griel, avocat des sociétés Rougnon frères, Disdero, Ravier-Rousset-Cellier et Gestionova, les conclusions de M. de Caigny, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué (Versailles, 17 janvier 1997) d'avoir sursis à statuer sur le litige prud'homal qui l'oppose à ses employeurs, les sociétés Rougnon frères, Gestionova, Ravier-Rousset-Cellier et Disdero, jusqu'à décision définitive sur l'action publique mise en mouvement à la suite de la plainte déposée par celles-ci, alors, selon le moyen, que, de première part, l'action engagée par le salarié à l'encontre de l'employeur devant la juridiction prud'homale et tendant à l'octroi de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et l'action engagée par l'employeur devant la juridiction pénale à l'encontre de son ancien salarié du chef d'escroquerie et tentative d'escroquerie, ne tendant pas aux mêmes fins, viole l'article 4 du Code de procédure pénale l'arrêt attaqué qui retient que cette action pénale serait susceptible d'influer sur la solution du litige prud'homal ; alors que, de seconde part, s'étant borné à énoncer que "les faits objet de la plainte avec constitution de partie civile déposé contre X le 25 juin 1996 par les sociétés Rougnon frères, Gestionova, Ravier-Rousset-Cellier et Disdero visant les conditions délictueuses dans lesquelles aurait été mis en oeuvre le licenciement économique de M. X..., c'est à juste titre que le conseil de prud'hommes a relevé que l'issue de l'action publique
d'ores et déjà mise en mouvement pas l'ouverture d'une information était susceptible d'influer sur la solution du litige prud'homal", sans indiquer le contenu précis de la plainte avec constitution de partie civile, contre X et non contre M. X..., ni constater que le salarié aurait, d'une manière ou d'une autre, été concerné par les conditions délictueuses dans lesquelles aurait été mis en oeuvre son licenciement, ne permettant pas ainsi à la Cour de Cassation d'exercer son contrôle, l'arrêt attaqué n'a pas légalement justifié sa solution au regard de l'article 4 du Code de procédure pénale ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que M. X... avait été chargé, dans l'exercice de ses fonctions de secrétaire général, de procéder à son propre licenciement pour motif économique, l'arrêt retient que l'action publique mise en mouvement sur plainte de ses employeurs a pour objet les conditions prétendument délictueuses dans lesquelles ce licenciement a été mis en oeuvre, en sorte que sa solution est susceptible d'influer sur celle du litige prud'homal ; que la cour d'appel a ainsi légalement justifié sa décision ;
Soc. 7 juillet 1999 n° 97-42.153
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Interimob, société anonyme, dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 21 mars 1997 par la cour d'appel de Paris (18e chambre, section C), au profit de M. Hubert de X..., demeurant ...,
défendeur à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 27 mai 1999, où étaient présents : M. Carmet, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président et rapporteur, MM. Ransac, Chagny, conseillers, MM. Frouin, Richard de la Tour, conseillers référendaires, M. de Caigny, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Carmet, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, avocat de la société Interimob, de Me Copper-Royer, avocat de M. de X..., les conclusions de M. de Caigny, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que la société Intérimob a engagé, le 1er février 1976, M. Hubert de X... comme directeur commercial ; qu'à la suite d'une cession d'actions, en janvier 1996, M. de Saint-Dizier est devenu président d'Intérimob ; que le 5 avril 1996, après mise à pied conservatoire, M. de Saint-Dizier a licencié M. de X... en invoquant qu'il se serait fait attribuer un contrat de travail prévoyant des clauses exorbitantes visant à obtenir des avantages démesurés, et qu'il aurait sciemment antidaté ce document et ainsi réalisé un faux ; que, le 2 août 1996, la société Intérimob ainsi que d'autres sociétés du groupe déposaient une plainte contre personne non dénommée pour abus de biens sociaux ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 21 mars 1997) d'avoir rejeté la demande de sursis à statuer, alors, selon le moyen, que l'obligation pour le juge civil de surseoir à statuer jusqu'à ce que la juridiction répressive se soit définitivement prononcée sur l'action publique s'applique aussi bien lorsque la plainte avec constitution de partie civile est intentée contre X... que lorsqu'elle est dirigée contre personne dénommée ; qu'en retenant, pour refuser de surseoir à statuer, que la plainte avec constitution de partie civile déposée par la société Interimob ne visait pas expressément M. de X..., la cour d'appel a violé l'article 4 du Code de procédure pénale ; alors, en second lieu, que la plainte avec constitution de partie civile faisait expressément mention du nom de M. de X... ; qu'elle fait état, en effet, "d'un contrat de travail signé entre M. Hubert de X... et la société Interimob, représentée par M. Alain de Saint-Léger, comportant des clauses exorbitantes portant préjudice à la société Interimob" et "au surplus antidaté" ; qu'elle précisait encore que ces faits avaient justifié "le licenciement pour faute lourde de M. de X..." ; qu'en retenant que la plainte avec constitution de partie civile ne visait pas expressément M. de X..., mais ne concernait nominativement que l'ancien dirigeant de la société, la cour d'appel a dénaturé les termes de la plainte avec constitution de partie civile déposée par la société Interimob et ainsi violé l'article
1134 du Code civil ; alors, en troisième lieu, que le juge civil a l'obligation de surseoir à statuer sur la demande dont il est saisi dès lors que le sort de l'instance civile dépend de l'issue d'une autre instance introduite devant le juge pénal ; qu'ayant constaté, en l'espèce, que la plainte avec constitution de partie civile énonçait "des faits d'abus de biens sociaux... mettant en cause" M. de X..., le juge civil devait rechercher si ces faits dont était saisi le juge pénal étaient de nature à priver M. de X... des indemnités de licenciement qu'il réclamait, peu important que la plainte ne soit pas essentiellement dirigée contre lui ; qu'en retenant, pour décider qu'il n'y avait pas lieu de surseoir à statuer, que les faits énoncés par la plainte ne mettaient en cause M. de X... "qu'à l'occasion de quelques lignes sur plus de trente pages" et qu'ils visaient "essentiellement" l'ancien dirigeant de la société, la cour d'appel a déduit un motif inopérant et ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article 4 du Code de procédure pénale ; alors, en quatrième lieu, qu'en l'état d'une plainte avec constitution de partie civile mettant en cause un salarié pour des faits d'abus de biens sociaux, le juge a l'obligation de surseoir à statuer sur la légitimité du licenciement du salarié fondé sur ces faits, quand bien même l'employeur n'aurait pas qualifié pénalement ces faits dans la lettre de licenciement et n'y aurait pas indiqué son intention de porter plainte contre le salarié ; qu'en retenant, pour exclure le sursis à statuer, que la lettre de licenciement n'énonçait pas l'intention de l'employeur de porter plainte, ni la qualification pénale des faits reprochés au salarié, la cour d'appel a déduit un motif inopérant et ainsi privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du Code civil, 4 du Code de procédure pénale ; alors, enfin, que constitue un abus de biens sociaux, le fait pour l'administrateur d'une société anonyme de se faire sciemment attribuer par cette dernière des rémunérations et avantages excessifs ; que, dans la lettre de licenciement, l'employeur reprochait précisément à M. de X... de s'être fait sciemment attribuer par l'ancien dirigeant de la société Interimob un contrat de travail prévoyant des clauses exorbitantes au regard de sa réelle situation dans la société ; qu'en retenant que la lettre de licenciement ne contenait aucun fait d'abus de biens sociaux, la cour d'appel a violé les articles 437 de la loi du 24 juillet 1966 et L. 122-14-2 du Code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel a relevé que la plainte avec constitution de partie civile ne visait pas le salarié, mais, pour l'essentiel, M. de Saint-Léger, un ancien dirigeant auquel elle imputait des faits d'abus de biens sociaux non énoncés dans la lettre de licenciement ; qu'elle a, dès lors, pu décider, sans encourir les griefs du moyen qu'il n'existait pas de lien suffisant entre l'action pénale et l'action civile, justifiant un sursis à statuer ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que l'employeur fait encore grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et les salaires correspondant à la période de mise à pied, alors, selon le moyen, que la lettre de licenciement énonce que, lors de l'entretien préalable, il avait été reproché au salarié de s'être fait attribuer, peu de temps avant la reprise de la société en 1996, un contrat de travail antidaté au 1er décembre 1987 et prévoyant des clauses exorbitantes ;
que la lettre précise ensuite que l'employeur avait souligné, lors de l'entretien préalable, les différents éléments révélant le caractère antidaté du document et que le salarié s'était borné à démentir l'employeur quant au caractère antidaté du contrat ; qu'en retenant qu'il ressortait de la lettre de licenciement que l'entretien préalable avait été l'occasion de découvrir la prétendue falsification du contrat de travail de M. de X... et que ce dernier aurait reconnu ce fait lors de l'entretien, la cour d'appel a dénaturé la lettre de licenciement du 5 avril 1996 et ainsi violé l'article 1134 du Code civil ; alors qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que le contrat de travail de M. de X... n'a été remis qu'en copie aux nouveaux dirigeants de la société Interimob au moment de sa reprise ; que, pour décider que le licenciement du salarié était sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a retenu que le contrat de travail produit seulement en copie par les parties ne lui permettait pas de savoir s'il constituait un faux imputable à l'employeur ou au salarié ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si le document remis par les anciens dirigeants n'était pas identique à celui qui avait été produit par les nouveaux dirigeants, ce qui aurait établi que ces derniers n'en avaient pas altéré le contenu, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1315 du Code civil et L. 122-8, L. 122-9 et L. 223-14 du Code du travail ; alors que, nul ne peut être tenu de produire un document dont il lui est impossible d'être en possession ; que le contrat de travail de M. de X... produit en copie par la société Interimob avait été conclu par l'ancien dirigeant de cette société avant la cession de cette dernière, de sorte que l'original de ce contrat n'avait jamais été en possession du cessionnaire ; qu'en reprochant à ce dernier de ne pas avoir produit l'original de ce contrat, la cour d'appel, qui a exigé de l'employeur une preuve impossible, a violé l'article 1315 du Code civil ; alors que constitue à lui seul une faute justifiant un licenciement le fait pour l'administrateur d'une société de s'être fait attribuer par cette société un contrat de travail antidaté contenant des avantages excessifs ; qu'en retenant, pour écarter la faute du salarié, que la société Interimob n'établissait pas que M.
de X... avait demandé l'application des fautes exorbitantes contenues dans le document litigieux, la cour d'appel a violé les articles L. 122-8, L. 122-9, L. 223-14 du Code du travail, 437 de la loi du 24 juillet 1966 ;
Mais attendu qu'appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis et sans commettre de dénaturation, la cour d'appel a constaté que les faits imputés au salarié n'étaient pas établis ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que l'employeur fait encore grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer des indemnités sur la base d'un salaire de référence résultant des rapports effectifs et réels entre les parties, alors, selon le moyen, que la société Interimob soutenait, dans ses conclusions d'appel, que l'article 33 de la Convention collective applicable disposait que l'indemnité conventionnelle de licenciement devait être "calculée sur la base d'un quart par année de service dans l'entreprise du salaire global brut mensuel défini à l'article 37, paragraphe 4" et définissait ce salaire comme celui résultant de "l'addition du salaire conventionnel (paragraphe 2 incluant l'ancienneté) et du salaire complémentaire (paragraphe 3" ; que la société Interimob poursuivait qu'il résultait des bulletins de paie du salarié qu'à la date du licenciement, le salaire global brut mensuel de M. de X... tel que défini par la Convention collective s'élevait à 27 173 francs ; qu'en retenant le salaire mensuel moyen de M. de X... était de 53 892 francs, sans répondre aux conclusions péremptoires de la société Interimob, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors qu'ayant constaté qu'aucune des parties au contrat de travail n'entendait faire application des clauses du contrat litigieux, la cour d'appel ne pouvait se fonder sur les stipulations de ce contrat pour fixer le salaire mensuel moyen à prendre en compte pour le calcul des sommes dues à M. de X... ; qu'en retenant, pour décider que le salaire mensuel moyen de ce dernier s'élevait à 53 892 francs, que le mode de calcul proposé par l'employeur ne correspondait pas aux termes du contrat de travail, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel, répondant aux conclusions, a retenu, à bon droit, que le salaire à prendre en considération était celui résultant du contrat de travail tel qu'exécuté entre les parties, faisant ainsi application de leur commune volonté ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le quatrième moyen :
Attendu que l'employeur fait enfin grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer au salarié une indemnité au titre des congés payés pour la période 1995, 1996, alors, selon le moyen, que l'acceptation d'un bulletin de paie par un salarié vaut présomption de paiement effectif au profit de l'employeur ; qu'en exigeant de l'employeur qu'il justifie du paiement effectif de la somme de 29 110 francs mentionnée sur le bulletin de salaire d'avril 1996 accepté sans protestation par le salarié, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et ainsi violé l'article 1315 du Code civil ;
Mais attendu qu'aux termes de l'article L. 143-4 du Code du travail l'acceptation sans protestation ni réserve d'un bulletin de paie par le travailleur ne peut valoir de la part de celui-ci renonciation au paiement de tout ou partie du salaire et des indemnités ou accessoires du salaire qui ne lui sont dus ; que, nonobstant la délivrance de fiches de paie, l'employeur doit prouver le paiement du salaire ;
Et attendu que la cour d'appel, qui a constaté que l'employeur ne justifiait pas avoir versé l'indemnité litigieuse a légalement justifié sa décision ;
Soc. 6 juillet 1999 n° 96-40.882 B n° 325
Sur le moyen unique :
Vu les articles 4 du Code de procédure pénale et L. 122-14-3 du Code du travail ;
Attendu que Mme X..., engagée en novembre 1981 par la société GMA Cora, devenue en dernier lieu vendeuse caissière, a été licenciée le 5 mars 1993 pour faute grave ; que l'employeur a porté plainte pour vol ; que la salariée a été relaxée par jugement rendu le 21 octobre 1993 par le tribunal correctionnel de Vesoul ; que par arrêt du 1er février 1994 la cour d'appel de Besançon, statuant sur le seul appel de la partie civile, a déclaré les faits de vol établis et a condamné la salariée à payer à l'employeur la somme de 800 francs à titre de dommages-intérêts ;
Attendu que, pour dire que le licenciement était abusif et condamner l'employeur à payer les indemnités de préavis, de licenciement et des dommages-intérêts pour rupture abusive, l'arrêt énonce que la décision civile de la cour d'appel n'entache nullement les effets du jugement pénal de relaxe opposable à tous ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, même prononcé sur le seul appel de la partie civile, l'arrêt du 1er février 1994, rendu par la juridiction correctionnelle qui déclare établis les faits de vol, est revêtu de l'autorité de la chose jugée, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Crim. 30 juin 1999 n° 98-84.152
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Dominique,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 13ème chambre, du 10 juin 1998, qui, sur renvoi après cassation, pour exercice sans déclaration du commerce de vin en gros, l'a condamné à des amendes et pénalités fiscales ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 19 mai 1999 où étaient présents : M. Gomez président, M. Challe conseiller rapporteur, MM. Schumacher, Martin, Pibouleau, Roger conseillers de la chambre, Mme de la Lance, MM. Soulard, Samuel conseillers référendaires ;
Avocat général : M. de Gouttes ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
Sur le rapport de M. le conseiller CHALLE, les observations de la société civile professionnelle MONOD et COLIN, et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général de GOUTTES ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 484 et 486 du Code général des impôts, 111-4 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Dominique X... coupable d'exercice sans déclaration du commerce de vins en gros ;
"aux motifs que, selon l'article 486 du Code général des impôts, les personnes désirant faire du commerce de vins en gros sont tenues de souscrire une déclaration préalable au bureau des déclarations de la Direction générale des douanes et droits indirects ; que, selon l'article 484 du même Code, est considéré comme marchand en gros, celui qui détient des vins qu'il a reçus ou achetés et qui sont destinés à l'expédition ou à la revente par quantités qui, pour le même destinataire ou le même acquéreur, sont supérieures à 90 litres ; qu'il est constant que les quantités de vins expédiées et reçues ou ayant fait l'objet d'une opération d'achat et revente étaient supérieures à 90 litres et que les prévenus avaient donc la qualité de marchands en gros ; que ces transactions n'avaient pas fait l'objet d'une déclaration préalable ; que Dominique X..., représentant de la Sodiex, a participé à l'achat et à la vente de ces vins et en a, par suite, fait le commerce ; que l'article 486 du Code général des impôts est applicable à tous ceux qui, à quelque titre que ce soit, se livrent au commerce des vins en gros ; que Dominique X... est intervenu en qualité de courtier et était tenu par suite de déclarer son activité dans les conditions prévues à l'article 486 précité ;
"alors que l'habitude ou la répétition est une condition légale de la définition de marchand de gros ; qu'en se bornant ainsi à constater, par des motifs communs à l'ensemble des prévenus, la quantité de vin ayant fait l'objet des opérations d'achat et de revente, sans rechercher, comme l'y invitait pourtant le demandeur, si ce dernier s'était livré de manière habituelle à de telles opérations portant chacune sur les quantités visées par la loi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trente juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;
Crim. 30 juin 1999 n° 98-84.201
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- La SOCIETE AZUR ASSURANCES, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 9ème chambre, en date du 17 juin 1998, qui, après relaxe définitive de Jack A... et d'Annick Y..., épouse Z... du chef de tentative d'escroquerie, l'a déboutée de ses demandes ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 19 mai 1999 où étaient présents dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Gomez président, M. Schumacher conseiller rapporteur, M. Martin conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. de Gouttes ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
Sur le rapport de M. le conseiller SCHUMACHER, les observations de Me PARMENTIER, et de Me ROGER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général de GOUTTES ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 113-3 du Code des assurances, 313-1, 313-7, 313-8, 121-4 et 121-5 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a relaxé Jack A... et Annick Y..., épouse Z..., des fins de la poursuite pour tentative d'escroquerie et débouté la SA Azur Assurances de son action civile de ce chef ;
"aux motifs propres que la prévention reproche aux intimés d'avoir substitué dans le cadre d'une procédure judiciaire les contenus des lettres recommandées avec accusé de réception pour faire croire que les chèques avaient été portés à leur date d'émission et tenter ainsi d'obtenir le paiement des indemnités d'assurances ;
qu'il convient tout d'abord de relever que l'objet de la procédure au cours de laquelle ont été produits ces documents était d'obtenir la désignation d'un expert et non de voir ordonner le paiement des indemnités ;
"alors que la production en justice par l'assuré, dans une instance l'opposant à l'assureur, de documents destinés à faire croire que le paiement des primes était intervenu en temps utile, caractérise le commencement d'exécution d'une tentative d'escroquerie ; que, pour relaxer les prévenus des fins de cette poursuite, la cour d'appel a énoncé que l'objet de la procédure devant le juge civil était limité à une demande d'expertise ; qu'en statuant ainsi quand il résultait des constatations de l'arrêt que les documents litigieux avaient été produits, ce qui suffisait à caractériser le commencement d'exécution d'une tentative d'escroquerie, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 113-3 du Code des assurances, 313-1, 313-7, 313-8, 121-4 et 121-5 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a relaxé Jack A... et Annick Y..., épouse Z..., des fins de la poursuite pour tentative d'escroquerie et débouté la SA Azur Assurances de son action civile de ce chef ;
"aux motifs propres que la prévention reproche aux intimés d'avoir substitué dans le cadre d'une procédure judiciaire les contenus des lettres recommandées avec accusé de réception pour faire croire que les chèques avaient été portés à leur date d'émission et tenter ainsi d'obtenir le paiement des indemnités d'assurances ;
qu'il convient tout d'abord de relever que l'objet de la procédure au cours de laquelle ont été produits ces documents était d'obtenir la désignation d'un expert et non de voir ordonner le paiement des indemnités ; qu'en outre, les premiers juges ont justement relevé qu'aucun élément déterminant ne permettait de trancher entre les deux thèses contradictoires en présence et que dans le doute, il convenait de relaxer les prévenus ;
"et aux motifs adoptés qu'il résulte du dossier et des débats, au cours de l'audience, qu'une secrétaire de l'entreprise, Mme X..., était chargée de rédiger les chèques en règlement des factures qui étaient ensuite signés par Annick Z... ; qu'elle se souvient avoir effectivement rédigé ces chèques en février, c'est-à-dire lorsque cela était nécessaire ; que ce fait est confirmé par le numéro des chèques ; que, cependant, par la suite, elle ne devait pas vérifier s'ils étaient effectivement encaissés par le créancier ; qu'elle affirme ne pas avoir rédigé de nouveaux chèques le jour de l'incendie ; que l'ensemble des témoins, qui ont été cités par la défense, affirment que le jour de l'incendie les prévenus se sont empressés, à titre de précaution, de faire établir des chèques de banque comme le leur avait conseillé leur autre assureur ; que les sociétés des prévenus n'apparaissent pas rencontrer de difficultés particulières ;
"alors que l'envoi à l'agent d'assurances de chèques en paiement de cotisations impayées pendant la période de suspension du contrat et après la survenance d'un incendie non encore déclaré à l'assureur caractérise le commencement d'exécution d'une tentative d'escroquerie ; que, pour relaxer les prévenus des fins de cette poursuite et débouter la Compagnie Azur Assurances de sa constitution de partie civile, la cour d'appel a retenu qu'en l'absence de tout élément de preuve déterminant, il existait un doute sur la réalité de l'infraction ; qu'en statuant ainsi, sans s'expliquer sur le témoignage de Mme X..., secrétaire, établissant que le matin même de l'incendie (16 avril 1996), elle avait constaté la présence dans le dossier "assurances" de l'entreprise, des deux chèques en paiement de primes et leurs enveloppes, qu'elle avait préparés les 7 février et 4 mars 1996, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et violé les textes susvisés" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, et en répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, exposé les motifs pour lesquels elle a estimé que la preuve de l'existence des infractions reprochées n'était pas rapportée à la charge des prévenus, en l'état des éléments soumis à son examen, et a ainsi justifié sa décision déboutant la partie civile de ses prétentions ;
D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trente juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;
Crim. 30 juin 1999 n° 98-84.155
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Gérard,
- X... Roland,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 9ème chambre, en date du 19 juin 1998, qui, après leur condamnation définitive des chefs d'abus de biens sociaux, banqueroute, présentation de comptes annuels infidèles, escroquerie et tentative d'escroquerie, a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 19 mai 1999 où étaient présents dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Gomez président, M. Schumacher conseiller rapporteur, M. Martin conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. de Gouttes ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
Sur le rapport de M. le conseiller SCHUMACHER, les observations de Me de NERVO, de Me ROGER et de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général de GOUTTES ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 460, 513, 591 à 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué (page 4) mentionne qu'à l'audience du 22 mai 1998 ont été entendus : "M. le conseiller Barrau en son rapport, Maîtres le Calvez et Dugueyt, avocats des parties civiles, en leurs plaidoiries, Maîtres Sanson et Barbier Audouze, avocats des intimés, en leurs plaidoiries, M. Millet, avocat général, en ses observations" ;
"alors que ces mentions ne permettent pas d'établir que les prévenus et leurs conseils ont eu la parole en dernier, comme l'imposent les dispositions du dernier alinéa de l'article 513 du Code de procédure pénale dans toute procédure intéressant les droits de la défense et se terminant par un jugement ou un arrêt" ;
Attendu que les demandeurs ne sauraient se faire un grief de ce qu'ils n'ont pas eu, ainsi que leurs avocats, la parole en dernier, dès lors que, l'action publique n'étant plus en cause, les dispositions de l'article 513, dernier alinéa, du Code de procédure pénale n'étaient pas applicables ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 180 et 183 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985, des articles 1382 et 1383 du Code civil, des articles 2, 591 à 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a condamné Roland et Gérard X... à payer solidairement à la banque Gallière la somme de 3 000 000 francs à titre de dommages et intérêts ;
"aux motifs que l'action en comblement de passif, reposant sur les fautes de gestion des dirigeants d'une personne morale, ne pouvait se confondre avec l'action distincte ouverte au profit de la victime d'une action pénale tendant à la réparation intégrale du préjudice directement causé par l'infraction ; que Gérard et Roland X... n'étaient personnellement soumis à aucune procédure collective ; que l'action dirigée par la banque à leur encontre devait être déclarée recevable ; que la banque Gallière avait accepté d'apporter sa caution au vu des faux bilans présentés par Roland et Gérard X... ; qu'elle avait subi un préjudice dont elle devait obtenir réparation (arrêt attaqué, page 7) ;
"alors que, si la liquidation judiciaire d'une société commerciale fait apparaître une insuffisance d'actif, les dispositions des articles 180 et 183 de la loi du 25 janvier 1985 donnent aux créanciers sociaux une action spécifique, l'action en comblement de passif, contre les dirigeants sociaux coupables de fautes de gestion ; que les dispositions susvisées ne se cumulent pas avec les articles 1382 et 1383 du Code civil ; qu'un créancier social est donc irrecevable à agir contre des dirigeants sociaux, déjà condamnés au titre de l'action en comblement de passif, pour obtenir réparation de fautes telles que des présentations de bilans inexacts qui, pour avoir une qualification pénale, n'en sont pas moins des fautes commises dans la gestion de la société" ;
Attendu que Gérard et Roland X... ont été définitivement condamnés pour abus de biens sociaux, banqueroute, présentation de comptes annuels infidèles, escroquerie et tentative d'escroquerie ; que la banque Gallière s'étant constituée partie civile du chef d'escroquerie, les prévenus ont fait valoir que cette intervention était irrecevable en raison de leur condamnation à combler le passif de la société dont ils étaient les dirigeants ;
Attendu que, pour écarter les conclusions des prévenus, la cour d'appel se prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en cet état, et dès lors que l'action en comblement de passif a un objet différent de l'action civile en réparation du préjudice résultant des infractions poursuivies, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
Que, dès lors, le moyen ne peut être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trente juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;
Crim. 30 juin 1999 n° 97-82.351 B n° 174
CASSATION sans renvoi sur le pourvoi formé par :
- X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Lyon, 4e chambre, en date du 13 mars 1997, qui, pour homicide involontaire, l'a condamné à 6 mois d'emprisonnement avec sursis et à 10 000 francs d'amende.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 4 et 319 de l'ancien Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le docteur X... coupable du délit d'homicide involontaire et en ce qu'il l'a condamné à la peine de 6 mois d'emprisonnement avec sursis, ainsi qu'au paiement d'une amende de 10 000 francs ;
" aux motifs que, s'agissant de la qualification d'homicide involontaire, il convient dans un premier temps, de rappeler les principes juridiques gouvernant la matière ; que diverses dispositions conventionnelles telles que l'article 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que l'article 6 du Pacte international sur les droits civils et politiques, que l'article 6 de la Convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990, reconnaissent l'existence, pour toute personne, et notamment l'enfant, d'un droit à la vie protégé par la loi ; qu'en droit interne, l'article 1er de la loi 75-17 du 17 janvier 1975 relative à l'interruption volontaire de la grossesse a précisé que " la loi garantit le respect de tout être humain dès le commencement de la vie ; (qu') il ne saurait être porté une atteinte à ce principe qu'en cas de nécessité et selon les conditions définies par la présente loi " ; que, par ailleurs, la loi 94-653 du 29 juillet 1994, relative au respect du corps humain, a rappelé dans l'article 16 du Code civil que " la loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie " ; que ces dispositions législatives ne sauraient être considérées comme de simples déclarations d'intention, dépourvues de tout effet juridique, alors que l'article 16-9 du Code civil indique que les dispositions de l'article 16 sont d'ordre public ; que de son côté, la Cour de Cassation, chambre criminelle, dans 2 arrêts rendus le 27 novembre 1996, a fait application de ces principes de droit international et de droit interne en précisant que la loi du 17 janvier 1975 n'admet qu'il soit porté atteinte au principe du respect de tout être humain dès le commencement de la vie, rappelé en son article 1er, qu'en cas de nécessité et selon les conditions et limitations qu'elle définit ; qu'elle a ajouté qu'eu égard aux conditions ainsi posées par le législateur, l'ensemble des dispositions issues de cette loi et de celles du 31 décembre 1979 relatives à l'interruption volontaire de grossesse n'étaient pas incompatibles avec les stipulations conventionnelles précitées ; qu'elle a par ailleurs rappelé que lors de la signature à New York le 26 janvier 1990 de la Convention relative aux droits de l'enfant, la France avait formulé une déclaration interprétative selon laquelle cette Convention ne saurait être interprétée comme faisant obstacle à l'application des dispositions de la législation française relative à l'interruption volontaire de grossesse ; que cette réserve démontre, a contrario, que ladite Convention était susceptible de concerner le foetus de moins de 6 semaines, délai légal en France de l'interruption volontaire de la grossesse ; qu'il en résulte que, sous réserve des dispositions relatives à l'interruption volontaire de la grossesse et celles relatives à l'avortement thérapeutique, la loi consacre le respect de tout être humain dès le commencement de la vie, sans qu'il soit exigé que l'enfant naisse viable, du moment qu'il était en vie lors de l'atteinte qui lui a été portée ;
" et aux motifs qu'au demeurant, la viabilité constitue une notion scientifiquement contingente et incertaine comme le reconnaît le prévenu lui-même qui, poursuivant actuellement des études aux Etats-Unis, a précisé devant la Cour que des foetus nés 23 ou 24 semaines après la conception avaient pu être maintenus en vie, alors qu'une telle hypothèse était totalement exclue quelques années auparavant ; que, dans la consultation établie par le professeur A...et produite par le docteur X..., il est fait état du rapport du professeur B... indiquant que l'embryon n'est que l'expression morphologique d'une seule et même vie qui commence dès la fécondation et se poursuit jusqu'à la mort, en passant par différentes étapes, sans que l'on sache à quel moment le zygote devient embryon, l'embryon foetus, le seul fait indiscutable étant le démarrage du processus de vie lors de la fécondation (consultation du professeur A..., p. 7) ; qu'ainsi, la viabilité lors de la naissance, notion scientifiquement contingente, incertaine, est de surcroît dépourvue de toute portée juridique, la loi n'opérant aucune distinction à cet égard ; qu'en l'espèce, il est établi que lors de l'échographie effectuée le 27 novembre 1991, suivie le même jour de la perte du liquide amniotique, la grossesse de Y..., épouse Z... se poursuivait normalement et que l'enfant qu'elle portait était en vie ; que lors de l'avortement thérapeutique réalisé le 5 décembre 1991, il a été constaté que, selon les mensurations de l'enfant comparée aux tables publiées, il était permis d'attribuer à ce foetus un âge de 20 à 21 semaines, qui pourrait même être supérieur dans la mesure où il n'est pas certain que ces tables prennent en compte la morphologie propre aux enfants d'origine vietnamienne, le docteur X..., interrogé sur ce point à l'audience, n'ayant pu fournir aucune précision supplémentaire ; que l'examen anatomo-pathologique avait permis de conclure que le poumon foetal présentait un âge de 20 à 24 semaines ; qu'il résulte de l'ensemble de ces indications que l'âge du foetus était de 20 à 24 semaines, ses mensurations incitant plutôt à incliner vers la branche basse de l'évaluation ; qu'en tout état de cause, l'âge de ce foetus était très proche de celui de certains foetus ayant pu survivre aux Etats-Unis comme l'a précisé le docteur X... ; que les photographies figurant au dossier sous la côte D 32 montrent un enfant parfaitement formé dont la vie a été interrompue par la négligence du prévenu ; que comme l'avait fait remarquer la cour d'appel de Douai dans son arrêt du 2 juin 1987, si l'atteinte portée à l'enfant avait provoqué une lésion n'entraînant pas sa mort, la qualification de blessures involontaires eût été retenue sans hésitation aucune ; qu'à plus forte raison, la qualification d'homicide involontaire doit être retenue s'agissant d'une atteinte ayant provoqué la mort de l'enfant ; qu'ainsi, tant l'application stricte des principes juridiques que les données acquises de la science, que des considérations d'élémentaire bon sens, conduisent à retenir la qualification d'homicide involontaire s'agissant d'une atteinte par imprudence ou négligence portée à un foetus âgé de 20 à 24 semaines en parfaite santé, ayant causé la mort de celui-ci ;
" 1° alors que le fait de provoquer involontairement une interruption de grossesse ne constitue pas le délit d'homicide involontaire sur le foetus ; qu'en décidant néanmoins le contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" 2° alors que, subsidiairement, le fait de provoquer involontairement une interruption de grossesse ne constitue pas le délit d'homicide involontaire sur le foetus, lorsque celui-ci n'était pas viable au moment de cette interruption ; qu'en déclarant néanmoins le docteur X... coupable du délit d'homicide involontaire sur le foetus porté par Y..., épouse Z..., en considérant que certains foetus du même âge avaient exceptionnellement pu naître viables, sans constater qu'en l'espèce, le foetus était certainement viable, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
" 3° alors que, très subsidiairement, le délit d'homicide involontaire suppose l'existence d'un lien de causalité directe entre la faute et le décès ; qu'en décidant néanmoins que le docteur X... avait commis le délit d'homicide involontaire, après avoir constaté que la mort du foetus avait été provoquée non par l'atteinte portée par le médecin à la poche des eaux, mais par l'avortement thérapeutique pratiqué ultérieurement, ce dont il résultait que le lien de causalité entre la faute reprochée au docteur X... et la mort du foetus n'était pas direct, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;
Vu l'article 111-4 du Code pénal ;
Attendu que la loi pénale est d'interprétation stricte ;
Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué qu'à la suite d'une confusion résultant de l'homonymie entre 2 patientes présentes dans le même service de gynécologie, X..., docteur en médecine, a procédé sur l'une d'elles, venue pour un examen de grossesse, à une intervention visant à extraire un stérilet ; que cet acte a provoqué une rupture de la poche des eaux rendant nécessaire l'expulsion du foetus ;
Attendu que X... a été poursuivi pour atteinte involontaire à la vie de l'enfant à naître ;
Attendu que, pour le déclarer coupable d'homicide involontaire, la juridiction du second degré relève que l'article 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques reconnaissent l'existence, pour toute personne, d'un droit à la vie protégé par la loi ; qu'elle souligne que la loi du 17 janvier 1975, relative à l'interruption volontaire de grossesse, pose le principe du respect de l'être humain dès le commencement de sa vie, désormais rappelé par l'article 16 du Code civil dans la rédaction issue de la loi du 29 juillet 1994 ; qu'ensuite elle énonce qu'en intervenant sans examen clinique préalable, le médecin a commis une faute d'imprudence et de négligence, qui présente un lien de causalité certain avec la mort de l'enfant que portait la patiente ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que les faits reprochés au prévenu n'entrent pas dans les prévisions des articles 319 ancien et 221-6 du Code pénal, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la cour d'appel de Lyon, en date du 13 mars 1997 ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi.
Crim. 30 juin 1999 n° 98-85.564
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire de la LANCE, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GERONIMI ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Z... Joël,
contre l'arrêt de la cour d'appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle, en date du 10 juin 1998, qui, pour abus de confiance et infraction à la législation sur les sociétés, l'a condamné à 10 mois d'emprisonnement avec sursis et 50 000 francs d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 433, 4 , de la loi du 24 juillet 1966, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable du délit de majoration frauduleuse d'apport et l'a condamné pénalement et civilement ;
"aux motifs qu' "il ressort des pièces de la procédure et notamment de l'expertise diligentée au cours de l'information que la valeur du fonds de commerce a été manifestement surévaluée dans le seul but d'éviter le dépôt de bilan des époux X... en mettant à la charge de la société Le Globe le passif de 2 012 000 francs que M. X... aurait été incapable d'honorer compte tenu des pertes importantes réalisées par le fonds de commerce ; (...) il a donc sciemment attribué à cet apport en nature une valeur supérieure à sa valeur réelle à des fins purement personnelles et en toute connaissance de cause ; (...) s'il ressort du rapport de l'expert que l'évaluation de l'apport en nature faite par Bruno Y... n'était pas adaptée aux circonstances économiques particulières de l'entreprise, force est de constater que preuve n'est pas rapportée de ce que Bruno Y... ait agi dans un but frauduleux, le choix de la méthode d'évaluation étant du commissaire aux apports ; la légèreté dont il a fait part en bâclant la mission qui lui avait été donnée et en ne s'en tenant qu'aux documents remis par les futurs associés, sans aller vérifier par lui-même et sur place les allégations de ceux-ci, est insuffisante pour caractériser l'intention frauduleuse..." ;
"alors que le délit de majoration frauduleuse d'apport implique le constat du caractère frauduleux de l'évaluation ; que l'arrêt attaqué, qui écarte ce caractère frauduleux en ce qui concerne le commissaire aux apports qui avait le libre choix de la méthode d'évaluation, et à qui l'ensemble des documents utiles à sa mission avait été remis, ne pouvait retenir la seule culpabilité de l'un des associés au motif qu'il avait sciemment attribué à l'apport une valeur supérieure à sa valeur réelle, sans constater le caractère frauduleux de cette attribution, par voie d'omission, de dissimulation ou de fausseté des documents remis au commissaire aux apports, privant ainsi sa décision de base légale" ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 314-1 du Code pénal, 1998, alinéa 2, du Code civil, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable d'abus de confiance et l'a condamné pénalement et civilement ;
"aux motifs qu'il avait fait effectuer des travaux pour le compte de la SA Le Globe, financés par l'association Maci Loisirs, sans autorisation du conseil d'administration ; qu'il avait garanti sans autorisation des prêts bancaires des époux X..., exploitants du fonds de commerce ; que "l'autorisation donnée par la CA du 22 février 1990, même si elle était générale, ne prévoyait nullement ce genre d'opérations. Quant aux autres autorisations qui ont pu être données par les conseils d'administration des 8 octobre et 6 décembre 1990, elles sont postérieures à ces agissements frauduleux..." ; qu'il avait procédé à des avances de fonds de Maci à Maci Loisirs dans le but de permettre à Maci Loisirs de refinancer à son tour la trésorerie déficitaire de la SA Le Globe ; qu'il ne peut se prévaloir de l'autorisation du conseil d'administration de Maci du 29 mai 1989 qui autorisait une avance de trésorerie à Maci Loisirs limitée à 500 000 francs ; que les avances faites par Maci Loisirs à la société Le Globe n'entraient pas dans le champ des autorisations des conseils d'administration des 8 octobre et 6 décembre 1990 ;
"alors qu'en s'abstenant de préciser les raisons pour lesquelles, selon elle, les mandats en cause excluaient de leur champ d'application les opérations critiquées, et en tout cas, en quoi les autorisations postérieures n'étaient pas de nature à ratifier les actes du mandataire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale" ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 1382 du Code civil, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement entrepris ayant condamné Joël Z... à payer à la société Maci Mutuelle la somme de 1 228 000 francs ;
"aux motifs que "Joël Z... ne peut se prévaloir d'une quelconque autorisation de la Maci à effectuer ces opérations au-delà de 500 000 francs" ;
"alors que le montant des réparations ne saurait excéder le préjudice ; que l'arrêt attaqué, qui relève que le mandataire avait été autorisé à effectuer des avances de trésorerie à hauteur de 500 000 francs, se devait de retrancher cette somme du montant des réparations accordées à la partie civile ; faute d'avoir tiré de ses constatations les conséquences légales qui en découlaient, il a privé sa décision de base légale" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué, partiellement reprises aux moyens, mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit des parties civiles, des indemnités propres à réparer les préjudices en découlant ;
D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Gomez président, Mme de la Lance conseiller rapporteur, M. Schumacher conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. Géronimi ;
Greffier de chambre : Mme Lambert ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;
Crim. 30 juin 1999 n° 98-83.699
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller PIBOULEAU, les observations de Me X... et de la société civile professionnelle BORE et XAVIER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GERONIMI ;
Statuant sur les pourvois formés par :
- Y... Robert,
- A... Jacques,
contre l'arrêt de la cour d'appel de DOUAI, 6ème chambre, en date du 10 février 1998, qui, pour importation de marchandises sans déclaration, les a condamnés à des pénalités douanières et au paiement des droits éludés ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
I - Sur le pourvoi de Robert Y... :
Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;
II - Sur le pourvoi de Jacques A... :
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 399, 414, 423, 451 à 459 du Code des douanes, 50 et 53 de la loi du 25 janvier 1985, 111-4, 121-1 du Code pénal, 509, 515, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué, statuant sur le seul appel des Douanes, a déclaré Jacques A... responsable du délit d'importation sans déclaration et l'a condamné in solidum avec son coprévenu à payer à l'administration des Douanes 23 320 francs au titre de la TVA éludée, 415 568 francs au titre des prélèvements dus, 447 320 francs à titre d'amende et 447 320 francs pour tenir lieu de confiscation ;
"aux motifs que la société française Meat International, représentée par son gérant Simon Z..., de nationalité hollandaise, avait acheté auprès d'une laiterie hollandaise, 20 tonnes de beurre qu'elle a revendues le 18 août 1986 à la laiterie A... et Rondeau et livrées directement dans les locaux des établissements Baert, client de Jacques A..., sans effectuer aucune déclaration à l'importation du beurre en France ; que Jacques A... avait été mis en relation d'affaires avec Simon Z... par l'intermédiaire de Robert Y..., son conseiller fiscal ; que cette importation s'inscrivait dans le cadre d'une opération frauduleuse mise en place à partir de la Hollande ; qu'en effet, les 20 tonnes de beurre importées en France avaient parallèlement fait l'objet d'une (fausse) déclaration d'exportation vers le Togo ; que cette opération, mise au point par Robert Y... et Simon Z..., avait pour finalité de récupérer le montant des restitutions liées à l'exportation du beurre vers un pays tiers ; que la seconde étape de ce plan de fraude, objet des présentes poursuites, était d'écouler le beurre, en France, sur un circuit parallèle et illégal ; qu'à cette fin, Robert Y... s'est mis en rapport avec Jacques A..., lequel sur les conseils du premier, a acquis les 20 tonnes de beurre facturées par la société Meat International ; que Simon Z... ayant exigé le paiement anticipé de la livraison, Jacques A... a émis entre le 13 mai et le 15 juillet 1986, neuf chèques, au nom de Y..., pour un montant total de 435 200 francs correspondant à une facture de 447 320 francs, la différence représentant une ristourne pour paiement anticipé ; que cette fraude a eu pour effet d'éluder, lors de l'importation de la marchandise en France, l'acquittement de la TVA au taux réduit soit 23 320 francs et le paiement de 415 568 francs de prélèvements ; que Robert Y... a mis en rapport Simon Z... et Jacques A... pour réaliser l'opération frauduleuse organisée par le premier ; que Jacques A... a participé activement à l'opération d'importation de la négociation du contrat à la livraison de la marchandise ; qu'il a financé l'opération par des paiements anticipés effectués à l'ordre d'un tiers (Robert Y...) et non de la société Meat International qui avait facturé la marchandise ; que Jacques A... savait, avant la livraison de la marchandise, que la Société Générale de Montargis, banque de Meat International, ne voulait plus travailler avec cette société, et avait refusé un règlement correspondant à une deuxième opération ; que le comportement de Jacques A... s'analyse en une participation à une entreprise de fraude ; que le montage réalisé par les prévenus exclut toute bonne foi de leur part ; que Jacques A... est un professionnel du commerce et que Robert Y... est "conseiller d'entreprise import-export" en France et en Belgique ; que, c'est à tort que le tribunal a relaxé ces professionnels du délit repris à la prévention ;
qu'à défaut d'appel du ministère public, la Cour ne peut se prononcer que sur les demandes des Douanes qu'elle estime justifiées (arrêt p. 5 à 7) ;
"alors que, d'une part, le délit d'intérêt à la fraude est intentionnel ; qu'à défaut de participation consciente à un plan de fraude préétabli ou de bénéfice indirect lié audit plan, le tiers acquéreur de bonne foi de marchandises dans le cadre d'une transaction apparemment régulière en droit interne ne saurait être déclaré responsable de la fraude secrètement commise par son vendeur au stade antérieur de l'importation en franchise de taxes desdites marchandises ;
"alors que, d'autre part, en l'absence d'appel du parquet, la Cour ne pouvait aggraver le sort de l'intimé relaxé en première instance et prononcer contre lui des pénalités douanières ayant un caractère répressif marqué ;
"alors, enfin, que la Cour a délaissé les conclusions péremptoires du prévenu sur l'extinction de la créance douanière faute pour l'Administration d'avoir déclaré sa créance à la procédure collective ouverte contre le prévenu après le fait générateur de l'infraction critiquée" ;
Sur le moyen pris en sa première branche :
Attendu que la cour d'appel, qui, par des motifs procédant d'une appréciation souveraine, relève que Jacques A... a participé activement à une entreprise de fraude dans des conditions excluant toute bonne foi de sa part, a caractérisé au regard de l'article 399 du Code des douanes la participation au délit d'importation sans déclaration dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
Sur le moyen pris en sa deuxième branche :
Attendu que, saisie du seul appel de l'administration des Douanes contre le jugement entrepris ayant relaxé le prévenu pour le délit douanier d'importation de marchandises sans déclaration, la cour d'appel, qui, après l'avoir déclaré coupable de ce chef, l'a condamné aux pénalités douanières de l'amende et de la confiscation, a justifié sa décision au regard de l'article 343 du Code des douanes sans encourir le grief allégué ;
D'où il suit que le moyen, pris en ses deux premières branches, ne peut être accueilli ;
Mais sur le moyen pris en sa dernière branche :
Vu l'article 593 du Code de procédure pénale, ensemble l'article 50 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Attendu que les juges doivent répondre aux chefs péremptoires des conclusions dont ils sont saisis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, sans répondre aux conclusions du prévenu, qui faisait valoir qu'ayant été déclaré en liquidation judiciaire postérieurement aux faits ayant motivé les poursuites, l'administration des Douanes était tenue, sous peine de forclusion, d'adresser sa déclaration de créance relativement aux droits fraudés entre les mains du représentant des créanciers conformément aux articles 50 et 53 de la loi du 25 janvier 1985, la cour d'appel, sans mieux s'en expliquer, a condamné l'intéressé, en plus des pénalités douanières, de l'amende et de la confiscation, au paiement des droits éludés, soit 23 320 francs au titre de la TVA et 415 568 francs au titre des prélèvements dus ;
Mais attendu qu'en cet état, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue et qu'en raison du caractère in solidum de la condamnation, elle doit s'étendre aux deux demandeurs aux pourvois ;
Par ces motifs,
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Douai, en date du 10 février 1998, en ses seules dispositions ayant condamné in solidum Robert Y... et Jacques A... à payer à l'administration des Douanes 23 320 francs au titre de la TVA et 415 568 francs au titre des prélèvements dus, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Versailles, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Douai, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Gomez président, M. Pibouleau conseiller rapporteur, M. Schumacher conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. Géronimi ;
Greffier de chambre : Mme Lambert ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;
Crim. 30 juin 1999 n° 98-84.183
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller SCHUMACHER, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GERONIMI ;
Statuant sur les pourvois formés par :
- Z... Christian,
- X... Monique, épouse Z...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de NIMES, chambre correctionnelle, en date du 12 juin 1998, qui, pour infractions à la législation sur les sociétés, banqueroute et escroqueries, les a condamnés, le premier, à 3 ans d'emprisonnement dont 30 mois avec sursis et mise à l'épreuve, la seconde, à 18 mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve, a prononcé à leur égard 8 ans d'interdiction de gérer et a statué sur les intérêts civils ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire produit commun aux demandeurs ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 425-4 de la loi du 24 juillet 1966, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 6. 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs, manque de base légale, renversement de la charge de la preuve ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Christian et Monique Z... coupables d'abus de biens sociaux ;
" aux motifs qu'il n'appartient pas, comme prétendu, au ministère public de rapporter la preuve que les fonds détournés auraient été utilisés contrairement à l'intérêt social, avec perte d'un gain pour la société, mais que les dirigeants sociaux, qui ne peuvent démontrer, comme en l'espèce, avoir utilisé les fonds dont s'agit dans l'intérêt de la société, sont présumés l'avoir fait dans leur intérêt personnel ;
" 1) alors que l'usage des biens d'une société n'est contraire aux intérêts de celle-ci qu'autant qu'elle est dépourvue de contrepartie ; que, dans leurs conclusions régulièrement déposées devant la cour d'appel, les demandeurs faisaient valoir que l'utilisation faite par eux des fonds de la société avait eu pour contrepartie des avantages importants non facturés à la société ;
qu'il en était ainsi, sans que cette liste soit exhaustive, notamment de la renonciation à la perception de salaire pour une somme fixée à 60 000 francs en ce qui concerne Monique Z... et pour une somme de 238 764 francs en ce qui concerne Christian Z..., de la mise à la disposition gratuite par eux de bâtiments leur appartenant en propre correspondant à une indemnité d'occupation de 120 000 francs, du versement d'une somme de 300 000 francs comptabilisée comme avance sur clients dont ils n'avaient pas demandé le remboursement à la société et qu'en se bornant à statuer par adoption des motifs des premiers juges et à faire état, de manière vague et imprécise, de ce que les dirigeants ne peuvent démontrer avoir utilisé les fonds dont s'agit dans l'intérêt de la société, la cour d'appel ne permet pas à la Cour de Cassation de vérifier s'il a ou non été répondu aux chefs péremptoires des conclusions des demandeurs en sorte que la cassation est encourue ;
" 2) alors que la présomption selon laquelle les fonds prélevés par les dirigeants sociaux l'ont nécessairement été dans leur intérêt personnel direct ou indirect n'est applicable qu'autant qu'il est expressément constaté que les prélèvements ont eu lieu de façon occulte ; qu'en l'espèce, ainsi que les demandeurs le faisaient valoir dans un chef de conclusions qui n'a pas été discuté par l'arrêt, les prélèvements ont donné lieu à une comptabilité précise ce qui exclut leur caractère occulte et que, dès lors, en faisant néanmoins application de la présomption ci-dessus énoncée en dehors du cas où elle est applicable, l'arrêt attaqué a renversé la charge de la preuve ;
" 3) alors qu'en tout état de cause, lorsqu'elle est applicable, la présomption selon laquelle l'utilisation des fonds sociaux par les dirigeants l'a été dans leur intérêt personnel, n'est pas irréfragable et cède devant la preuve contraire ; que cette preuve a été invoquée de manière circonstanciée par les époux
Z...
ainsi que cela a été ci-dessus rappelé et que, dès lors, en refusant d'examiner, point par point, les chefs de conclusions démontrant, comptes à l'appui, la réalité de l'utilisation par les dirigeants des biens de la société dans l'intérêt de celle-ci, la cour d'appel a méconnu le principe ci-dessus énoncé " ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit d'abus de biens sociaux dont elle a déclaré les prévenus coupables ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Mais sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-4 du Code pénal, 3, alinéa 1er, et 197 de la loi du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Christian et Monique Z... coupables de banqueroute ;
" aux motifs que les époux
Z...
contestent avoir fait, dans l'intention d'éviter ou de retarder l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, des achats au-dessus du cours en vue d'une revente à perte ; que, dès lors, entre le mois de juillet et d'octobre 1991, le recouvrement des créances ne se faisait qu'à 50 % en moyenne et que l'EURL a connu, au cours de cette période, un manque de trésorerie multiplié par 4 tandis qu'elle mettait fin à sa politique de diversification de sa clientèle pour se concentrer sur un seul client, EMEC CARNI, dont le volume des achats au mois d'août 1991, a représenté 99, 64 % de son chiffre d'affaires mensuel, il est clair que les dirigeants de droit et de fait de l'EURL, qui ne bénéficiaient pas non plus d'un système de garantie type COFACE, devaient être conscients que les possibilités de redressement de l'entreprise étaient nulles ; que, pour autant, loin de réduire ou de différer les achats, les époux
Z...
allaient se lancer au contraire dans une politique d'intensification de ceux-ci, qui devait les conduire à expédier, sans aucune garantie de paiement, à une société avec laquelle ils n'avaient jamais commercé jusque-là, et dont, à leurs dires, ils ignoraient tout, trois à quatre camions par semaine (soit 1 000 à 1 200 têtes de bétail par mois), ce qui représentait au mois d'août 1991 la presque totalité du chiffre d'affaires de la société ; qu'une telle attitude pour un négociant avisé tel que Christian Z... qui exerce avec son épouse le commerce de bestiaux depuis plus de vingt ans et écoule l'essentiel de sa production sur le marché italien, relève d'une volonté consciente et délibérée et ne saurait, ainsi que le soutiennent les prévenus, être assimilée à la définition d'une politique de vente maladroite, traduisant des prises de position erronées au départ ; qu'en considération de l'ensemble des éléments de la cause, la Cour est en mesure de dire que, dès le 1er septembre 1991, l'EURL se trouvait de fait en état de cessation de paiement, celui-ci ne pouvant être subordonné, comme l'expert le propose, à la réclamation purement casuelle d'un créancier, en l'espèce la caisse ORGANIC, qui aurait pu tout aussi bien la présenter à un autre moment ; que c'est ainsi en toute connaissance de cause et dans l'intention d'éviter ou de retarder l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire que les époux
Z...
se sont livrés à des achats de bestiaux au-dessus du cours en vue d'une revente à perte pour se procurer les liquidités nécessaires à la poursuite de leur activité ; qu'ainsi, M. Y..., négociant en bestiaux et ancien associé du prévenu au sein de la société BEVI-LOZERE précise-t-il dans son procès-verbal d'audition (cote D 591, page 3) : " A l'automne 1991, sur les marchés, le nommé Christian Z... a tout acheté au prix qui était demandé par les éleveurs ; il achetait des lots entiers ; il donnait le même prix pour les génisses que pour les broutards ; il faut savoir que, pour dix animaux mal achetés sur un camion, le bénéfice est annulé " ; qu'il n'importe que le système de la " retaille ", consistant pour l'acheteur mécontent de la qualité de la marchandise à réduire le montant de la facture dans une proportion pouvant atteindre 7 à 8 % de celle-ci, résulte de la pratique d'un usage commercial constant dès lors que les prévenus avaient intégré cette revente à perte dans leur activité de négoce dans l'intention d'éviter ou de retarder l'ouverture d'une procédure collective à leur encontre ;
" 1) alors que le délit de banqueroute suppose, pour être constitué, que la date de cessation des paiements soit légalement constatée par les juges du fond ; que ceux-ci ne peuvent conclure à l'état de cessation des paiements à une date déterminée qu'autant qu'ils ont, après analyse de documents précis, préalablement constaté que l'entreprise s'était trouvée, à ce moment, dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible et que, dès lors, en fixant en l'espèce la date de cessation des paiements au 1er septembre 1991 sans avoir auparavant procédé à une telle constatation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3, alinéa 1er, de la loi du 25 janvier 1985 ;
" 2) alors que l'article 197-1 de la loi du 25 janvier 1985, dont les dispositions sont d'interprétation stricte, incrimine au titre de la banqueroute la revente au dessous du cours et que l'arrêt qui s'est borné à faire état de prétendues reventes à perte sans constater que ces reventes aient été conclues au-dessous du prix du marché, a violé par fausse application le texte précité ;
" 3) alors que la perte de poids d'un animal au cours du transport est une contrainte du négoce de la viande et que le fait que cette perte entraîne une baisse de la facture appelée " retaille " ne peut être assimilée à une revente délibérée au-dessous du cours, le cours étant toujours fixé au poids et à la qualité " ;
Vu l'article 197-1 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Attendu que, selon ce texte, constitue notamment le délit de banqueroute le fait d'avoir effectué des achats en vue d'une revente au-dessous du cours, dans l'intention d'éviter ou de retarder l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ;
Attendu que, pour déclarer coupables de banqueroute Monique X... et Christian
Z...
, respectivement gérante de droit et gérant de fait de la société " Les monts d'Aubrac ", spécialisée dans le négoce de bestiaux, les juges relèvent que, postérieurement à la date de cessation des paiements de la société, dont ils fixent la date, les prévenus ont, dans l'intention d'éviter ou de retarder l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, acheté des bestiaux au-dessus du cours en vue d'une " revente à perte " ; qu'ils ajoutent qu'il n'importe que le système de la " retaille ", consistant pour l'acheteur mécontent de la qualité de la marchandise à réduire le montant de la facture dans une proportion pouvant atteindre 7 à 8 %, résulte de la pratique d'un usage commercial constant, dès lors que les prévenus avaient intégré cette revente à perte dans leur activité de négoce ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans caractériser l'existence de reventes au-dessous du cours, lesquelles ne se confondent pas avec des reventes à perte, notamment dans les cas où la pratique de la " retaille " avait été appliquée, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Et sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-1 du Code pénal, 405 de l'ancien Code pénal, 388, 485, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 6 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs, manque de base légale, excès de pouvoir, ensemble violation des droits de la défense ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Christian et Monique Z... coupables d'escroquerie et les a condamnés à verser d'importants dommages-intérêts aux parties civiles ;
" aux motifs, repris des premiers juges, qu'elle connaissait de graves difficultés financières, l'EURL a intensifié ses achats les quatre mois précédant l'ouverture de la procédure collective pour vendre à des clients sur la solvabilité desquels les époux
Z...
ne disposaient d'aucune garantie, ni renseignement fiable et qui, très rapidement, n'honoraient pas les créances ; qu'en conséquence, les prévenus, en poursuivant leurs opérations d'achats, se faisaient remettre des animaux par les éleveurs dont ils savaient pertinemment qu'ils ne pouvaient assurer le règlement, le crédit financier avancé par les époux
Z...
n'étant qu'imaginaire ;
que Christian Z..., connu depuis de nombreuses années dans le milieu du négoce des animaux bénéficiait d'une réputation auprès des vendeurs dont il a abusé pour, selon les cas, procéder à l'enlèvement avant tout paiement qu'il promettait ultérieurement par chèque, ou bien, en remettant un chèque ou une traite qu'il savait ne pouvoir honorer dans les délais indiqués au vendeur, voire ultérieurement ; qu'ainsi, Christian Z... trompait la confiance des éleveurs en leur indiquant avoir oublié son chéquier, ou en remettant un chèque ou une traite qu'il savait nécessairement être rejetés, n'ignorant pas qu'ils ne pouvaient être honorés à l'échéance, manoeuvres manifestement frauduleuses ;
" 1) alors que les tribunaux correctionnels ne peuvent légalement statuer que sur les faits visés dans la citation ou l'ordonnance qui les a saisis ; que Christian et Monique Z... étaient poursuivis pour avoir trompé en employant des manoeuvres frauduleuses, en l'espèce en laissant croire en l'existence d'un crédit imaginaire alors que l'EURL les Monts d'Aubrac était en état de cessation des paiements d'un certain nombre de victimes ; que cette incrimination incomplète ne permettait pas aux juges d'entrer en voie de condamnation à l'encontre des demandeurs du chef d'escroquerie sur le fondement de l'article 405 de l'ancien Code pénal et qu'en relevant d'office, en dehors de toute comparution volontaire des prévenus, l'abus de qualité vraie de négociant en bestiaux prêtée à Christian Z... et les manoeuvres frauduleuses, à nouveau prêtées à celui-ci, ayant prétendument consisté en des remises de chèques non approvisionnés, les juges du fond ont excédé leur pouvoir et méconnu, ce faisant, les droits de la défense ;
" 2) alors qu'il ne saurait y avoir d'escroquerie par simple mensonge et que, par conséquent, le fait, à le supposer établi, pour Christian Z..., en dehors de toute intervention de tiers, d'avoir indiqué à certains de ses cocontractants, avoir oublié son chéquier ou de leur avoir promis mensongèrement un chèque, n'est pas constitutif de manoeuvres frauduleuses au sens de l'article 405 de l'ancien Code pénal ;
" 3) alors qu'aux termes de l'article 121-1 du Code pénal, nul n'est responsable pénalement que de son propre fait et que les juges du fond, qui n'ont relevé à l'encontre de Monique Z... aucun fait de participation aux escroqueries prétendument commises par son époux, a violé le principe susvisé " ;
Sur le moyen de cassation en ce qu'il concerne Christian Z... ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits d'escroqueries dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Mais sur le moyen de cassation en ce qu'il concerne Monique X..., épouse Z... ;
Vu l'article 593 du Code de procédure pénale ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction dans les motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que la cour d'appel, qui a déclaré Monique X..., épouse Z..., coupable d'escroqueries sans caractériser sa participation aux faits poursuivis, n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Que, dès lors, la cassation est encourue ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les quatrième et cinquième moyens proposés, portant sur la peine et sur l'action civile ;
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes, en date du 12 juin 1998, et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Limoges, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Nîmes, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L. 131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Gomez président, M. Schumacher conseiller rapporteur, M. Martin conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. Géronimi ;
Greffier de chambre : Mme Lambert ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;
Crim. 30 juin 1999 n° 98-82.025
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller CHALLE, les observations de la société civile professionnelle Guy LESOURD et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GERONIMI ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Régis,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 9ème chambre, du 23 mars 1998, qui, pour fraude fiscale, l'a condamné à 1 an d'emprisonnement avec sursis et 50 000 francs d'amende, a ordonné l'affichage et la publication de la décision, et a prononcé sur les demandes de l'administration des Impôts, partie civile ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 287 et 1741 du Code général des impôts, 5 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré le prévenu coupable de fraudes fiscales pour avoir, prétendument, minoré chaque mois, du 1er janvier 1991 au 31 décembre 1991, les déclarations mensuelles de TVA que la société SA Sofither, soumise au régime normal d'imposition de la taxe sur le chiffre d'affaires, prévu par l'article 287, alinéa 1, du Code général des impôts, c'est-à-dire à la déclaration mensuelle de la base taxable, était tenue de souscrire ;
"alors, d'une part, que l'exception de prescription est d'ordre public et doit être examinée d'office en tout état de la procédure ; que la prescription de l'action publique, en matière de fraude à la TVA, lorsqu'une société est soumise au régime normal d'imposition et est tenue de souscrire des déclarations mensuelles, est de 3 ans révolus à compter de la date de chaque infraction ;
qu'en l'espèce, le prévenu était poursuivi pour avoir souscrit des déclarations de TVA minorées au cours de l'année 1991 ; que la citation devant le tribunal correctionnel étant en date du 17 janvier 1997, la prescription de l'action publique était acquise à la date d'engagement des poursuites et qu'il appartenait à la Cour de la constater d'office ;
"alors, d'autre part, qu'en matière de fraude fiscale, la plainte de l'Administration n'est pas interruptive de prescription ;
que, dès lors, la plainte de l'administration fiscale en date du 10 mai 1995 n'a eu aucun effet interruptif de prescription en sorte que, à la date de délivrance de la citation (17 janvier 1997), l'action publique était prescrite et que la Cour devait le constater" ;
Attendu qu'il ne résulte d'aucune énonciation de l'arrêt attaqué, ni d'aucunes conclusions que le demandeur ait excipé de la prescription de l'action publique devant la juridiction du second degré ;
que, si l'exception de prescription est d'ordre public et peut, à ce titre, être invoquée pour la première fois devant la Cour de Cassation, c'est à la condition que se trouvent dans les constatations des juges du fond les éléments nécessaires pour en apprécier la valeur ; que ces constatations, qu'il appartenait au demandeur de provoquer, font défaut en l'espèce ;
D'où il suit que le moyen, mélangé de fait, est nouveau et, comme tel, irrecevable ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 388, 427, 551 et 593 du Code de procédure pénale, 287 et 1741 du Code général des impôts, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré le prévenu coupable de fraudes fiscales pour avoir prétendument minoré, du 1er janvier au 31 décembre 1991, les déclarations mensuelles de TVA que la société Sofither, soumise au régime normal d'imposition de la taxe sur le chiffre d'affaires, prévu par l'article 287, alinéa 1, du Code général des impôts, était tenue de souscrire ;
"alors, d'une part, qu'en matière de taxe sur la valeur ajoutée, les poursuites ainsi que l'avis de la Commission des infractions fiscales, doivent énoncer le ou les faits poursuivis et viser, de manière différenciée, les mois au titre desquels les fraudes ont pu être commises, et que doivent être versés aux débats tous les éléments de preuve de nature à les établir ; que, dès lors que l'avis de la Commission des infractions fiscales ne visait aucun mois de manière différenciée et que la citation se bornait à alléguer l'existence d'une soustraction frauduleuse à l'établissement et au paiement de la TVA pour la période du 1er janvier 1991 au 31 décembre 1991, par la minoration, de la base taxable, sans que fût produit aucun élément de preuve établissant ces minorations et notamment sans verser aux débats les relevés mensuels prétendument minorés cependant que la société Sofither, soumise au régime normal d'imposition, était tenue de souscrire des déclarations mensuelles, c'est à tort que la Cour, infirmant la décision de relaxe dont l'avait fait bénéficier le premier juge, a déclaré le prévenu coupable des faits de fraudes fiscales qui lui étaient reprochés ;
"alors, d'autre part, qu'en matière de fraude à l'établissement de la TVA soumis au régime normal d'imposition, imposant une déclaration mensuelle des sommes soumises à l'impôt, l'infraction est constituée par chaque déclaration mensuelle comportant une minoration ; que, dès lors, pour que des poursuites soient légalement engagées, le parquet est tenu de chiffrer le montant des dissimulations commises mois par mois et d'en établir la réalité, et que les juges du fond doivent, à leur tour, pour caractériser l'infraction, établir, pour chaque mois, le montant qui aurait dû être déclaré et préciser celui de la minoration ; qu'en l'espèce où il résulte de la procédure que la citation ne comportait aucune précision quant au montant des minorations qui auraient été faites chaque mois et où, par ailleurs, les juges du fond se sont abstenus de préciser, pour chaque déclaration mensuelle, quel était le montant des sommes minorées, la cour d'appel n'a pas légalement caractérisé les infractions poursuivies et a prononcé une déclaration de culpabilité illégale ;
"alors, de troisième part, que l'administration fiscale avait expressément admis qu'aucune minoration n'avait été commise pour le mois de juillet 1991 en sorte qu'aucune déclaration de culpabilité ne pouvait être prononcée contre le prévenu de ce chef" ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 287 et 1741 du Code général des impôts, 593 du Code de procédure pénale, 7 de la loi du 20 avril 1810, défaut de motifs, manque de base légale, défaut de réponse à conclusions ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré le prévenu coupable de fraudes fiscales pour avoir prétendument minoré, du 1er janvier au 31 décembre 1991, les déclarations mensuelles de TVA que la société Sofither, soumise au régime normal d'imposition de la taxe sur le chiffre d'affaires, prévu par l'article 287, alinéa 1 du Code général des impôts, était tenue de souscrire ;
"aux motifs que Régis X..., en sa qualité de président-directeur général de la société Sofither, n'avait jamais contesté la réalité des minorations qui avaient été portées sur l'exercice clos le 31 décembre 1991 ; qu'il ne les avait pas niées dans les réponses adressées les 15 juillet et 3 août 1993 au fonctionnaire vérificateur et confirmées lors d'un entretien avec ce dernier, s'évertuant seulement à justifier certains écarts ; que, entendu par un officier de police judiciaire, il avait pu indiquer que, ayant obtenu tardivement les pièces comptables des années 89 et 90 de la part des anciens dirigeants, il avait pu se rendre compte de l'insuffisance de paiement de TVA pour l'année 1991 de 940 MF environ ;
"alors, d'une part, que ne permet pas à la Cour de Cassation d'exercer son contrôle sur la légalité de sa décision l'arrêt qui, pour condamner un prévenu du chef de minorations frauduleuses de la TVA, ne fonde l'existence des minorations des sommes sujettes à la TVA que sur des calculs d'assiette faits par l'Administration et sans répondre aux chefs péremptoires des conclusions contestant la matérialité même de ces minorations ;
qu'en l'espèce, le prévenu avait fait valoir que l'Administration était incapable de préciser quelle somme aurait dû figurer sur une quelconque des déclarations mensuelles et qui n'y aurait pas été portée et que, en raison de son activité, le bâtiment, la société Sofither n'était nullement tenue de procéder à la déclaration de son chiffre d'affaires mais à celle de ses encaissements ; qu'en se déterminant par les motifs susrapportés, en fondant la déclaration de culpabilité sur les seuls calculs d'assiette faits par l'Administration, sans répondre à ces moyens péremptoires des conclusions, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à la déclaration de culpabilité ;
"alors, d'autre part, que la déclaration faite par la prévenu à un officier de police judiciaire selon laquelle il avait pu se rendre compte de l'insuffisance de paiement de la TVA pour l'année 1991, et le fait qu'il n'avait jamais contesté, en sa qualité de président-directeur général de la SA Sofither, la réalité des minorations, n'impliquent nullement qu'il eût été l'auteur des minorations ; que, faute d'avoir précisé la part personnelle prise par le prévenu aux faits de fraudes prétendument commis par la SA Sofither, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision" ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-1 à 121-4 du Code pénal, 287 et 1741 du Code général des impôts, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation du principe de la rétroactivité in mitius et des droits de la défense ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré le prévenu coupable de fraude fiscale pour avoir prétendument minoré, chaque mois, du 1er janvier au 31 décembre 1991, les déclarations mensuelles de TVA que la société Sofither, soumise au régime normal d'imposition de la taxe sur le chiffre d'affaires, prévu par l'article 287, alinéa 1er, du Code général des impôts, était tenue de souscrire ;
"aux motifs que l'intention de frauder résultait des pratiques systématiques de la société Sofither que Régis X... n'avait pu ignorer ; qu'interrogé par la Cour, il avait admis que la cession des parts de la société Sofither avait été consentie sur le fondement d'une situation comptable mais assortie d'une convention de garantie de passif établi sur les comptes arrêtés au 31 décembre 1990 et que Régis X... avait nécessairement connu ces situation et comptes ; que la volonté de se soustraire à l'établissement, donc au paiement de la taxe, ressortait encore de l'importance des minorations de la base d'imposition et se déduisait bien plus d'écritures comptables que Régis X... ne contestait pas en leur donnant une justification inadmissible au regard de la loi comptable ; que le moyen pris par Régis X... de la mésintelligence survenue entre cédants et cessionnaires des parts de la société Sofither ne résistait pas à l'examen, la période retenue (1er janvier au 31 décembre 1991) coïncidant avec un exercice pendant lequel il tenait, depuis avril 1990, tant du pacte social que de la loi (article 113 de la loi du 24 juillet 1966), le pouvoir d'assumer, sous sa responsabilité, la direction générale de la société et, ainsi, de veiller à l'exactitude des déclarations fiscales déposées au nom de celle-ci ;
"alors, d'une part, que nul n'est responsable que de son propre fait et que seule est auteur de l'infraction la personne qui commet les faits incriminés ; qu'en l'espèce, il ne résulte d'aucune des énonciations de l'arrêt attaqué que le prévenu eût lui-même l'obligation d'établir les déclarations de TVA prétendument minorées et qu'il eût lui-même procédé aux minorations incriminées ; qu'ainsi, la déclaration de culpabilité est illégale ;
"alors, d'autre part, que les personnes morales étant pénalement responsables des infractions commises pour leur compte par leurs organes ou représentants, seuls pouvaient être déclarés coupables des minorations de TVA poursuivies, la société Sofither et l'auteur des déclarations minorées ; qu'ainsi, la Cour ne pouvait entrer en voie de condamnation à l'encontre du prévenu en sa seule qualité de président-directeur général de la société Sofither ; que, derechef, la déclaration de culpabilité prononcée à l'encontre du prévenu est illégale ;
"alors, de troisième part, que les pratiques de la société Sofither antérieures à la cession et imputables aux anciens dirigeants, à supposer - ce qu'il conteste - qu'elles eussent été connues du prévenu, ne peuvent, en aucun cas, caractériser une quelconque intention frauduleuse de celui-ci quant aux faits commis postérieurement à sa prise de fonctions, non plus que le fait qu'une convention de garantie de passif eût été passée entre cédants et cessionnaires ; que ces motifs inopérants ne caractérisent donc aucune intention frauduleuse qui lui soit imputable et ne donne aucune base légale à la déclaration de culpabilité ;
"alors, de quatrième part, qu'aucun texte n'impose au président-directeur général d'une société anonyme de veiller à l'exactitude des déclarations fiscales déposées au nom de celle-ci ;
que, derechef, ce motif inopérant ne donne pas de base légale à la déclaration de culpabilité" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'une vérification de la comptabilité de la société Sofither, dont Régis X... est le président depuis le 21 mai 1990, a fait apparaître que les déclarations mensuelles de chiffre d'affaires déposées au titre de la TVA, pour la période du 1er janvier au 31 décembre 1991, avaient été fortement minorées ;
Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable de fraude fiscale, la cour d'appel retient que l'insuffisance de la base taxable pour l'année 1991 est de 7 047 824 francs et que, en tenant compte des réclamations du contribuable, il reste une minoration inexpliquée de l'assiette de 3 522 931 francs ;
Que les juges relèvent qu'en sa qualité de président de la société Sofither, le prévenu n'a jamais contesté la réalité des minorations, s'efforçant seulement de justifier certains écarts ; qu'ils ajoutent que la volonté de Régis X... de se soustraire à l'établissement et au paiement de la TVA ressort de l'importance des minorations de la base d'imposition et se déduit d'écritures comptables qu'il ne conteste pas, en leur donnant une justification inadmissible au regard de la loi comptable ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, procédant de son appréciation souveraine, et dès lors que, d'une part, le juge répressif a le droit de puiser les éléments de sa conviction dans les constatations de fait du vérificateur dont il s'est préalablement assuré de l'exactitude et que, d'autre part, le prévenu, tenu pour responsable en sa qualité de dirigeant social des obligations fiscales de l'entreprise, n'invoque aucune délégation de pouvoirs accordée à un de ses préposés, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
D'où il suit que les moyens ne peuvent être admis ;
Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 272 du Livre des procédures fiscales et 111-3 du Code pénal, ensemble violation du principe de la légalité des délits et des peines et des droits de la défense ;
"en ce que l'arrêt attaqué a dit qu'il pourra être recouru à l'exercice de la contrainte par corps pour le paiement de l'amende ;
"alors que les juridictions répressives ne peuvent prononcer des condamnations par application des articles 1741 et 1771 à 1779 du Code général des impôts que pour le recouvrement des impôts directs fraudés ; qu'en prononçant à l'encontre du prévenu la contrainte par corps pour la soustraction frauduleuse au paiement de la TVA, impôt indirect, la cour d'appel a méconnu le texte précité et ordonné une mesure d'exécution coercitive non prévue par la loi" ;
Attendu qu'il ne ressort d'aucune mention de l'arrêt attaqué que les juges du second degré aient autorisé l'exercice de la contrainte par corps, sur le fondement de l'article L. 272 du Livre des procédures fiscales, pour le recouvrement de la TVA éludée ;
Qu'ainsi, le moyen, qui manque en fait, doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Gomez président, M. Challe conseiller rapporteur, M. Schumacher conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. Géronimi ;
Greffier de chambre : Mme Lambert ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;
Crim. 30 juin 1999 n° 98-82.009 B n° 170
CASSATION et CASSATION PARTIELLE par voie de retranchement sans renvoi sur les pourvois formés par :
- X... Marcel, Y... Jean-Pierre,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 9e chambre, du 19 mars 1998, qui, pour escroqueries et tentative, les a condamnés, chacun, à 2 ans d'emprisonnement avec sursis, à 3 ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille et a statué sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation proposé en faveur de Marcel X... et pris de la violation des articles 388, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 6 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs, manque de base légale, excès de pouvoir, ensemble violation des droits de la défense :
" en ce que l'arrêt attaqué a, requalifiant les faits, déclaré Marcel X... coupable d'escroquerie et de tentative d'escroquerie ;
" aux motifs que, c'est donc à bon droit que le tribunal a estimé que les infractions de corruption active et passive n'étaient pas caractérisées, et en a relaxé Renaud Z... et Jean-Pierre Y... ; qu'il a également justement apprécié que les faits commis par Marcel X... étaient dès lors, constitutifs des délits d'escroquerie et de tentative d'escroquerie ; qu'en effet, la qualité d'avocat de Marcel X... et donc sa connaissance présumée des procédures judiciaires, étaient de nature à imprimer à des allégations en définitive mensongères l'apparence de la sincérité et à convaincre Renaud Z..., alors " déstabilisé par son affaire ", selon l'expression de M. A..., puis les représentants de la société Peppers, sans doute peu familiers des arcanes de la procédure commerciale française, de la nécessité de corrompre l'administrateur judiciaire pour obtenir de la juridiction commerciale des décisions favorables ; qu'en dépit des affirmations contraires de la défense, cette requalification n'est pas incompatible avec les exigences d'un procès équitable, Marcel X... ayant pu s'expliquer durant toute l'information sur l'ensemble des éléments nécessaires à caractériser ces infractions ;
" alors que, s'il est loisible aux juridictions correctionnelles de modifier la qualification des faits et de substituer une qualification nouvelle à celle sous laquelle ils leur étaient déférés, c'est à la condition qu'il ne soit rien changé ni ajouté aux faits de la prévention et qu'ils restent tels qu'ils ont été retenus dans l'acte saisissant la juridiction à moins que le prévenu n'ait formellement accepté le débat sur les faits nouveaux ; qu'en l'espèce Marcel X... a été poursuivi pour complicité de corruption passive et qu'en substituant à l'objet de la prévention des incriminations d'escroquerie et tentative d'escroquerie qui comprennent des éléments différents et particulièrement l'existence de manoeuvres frauduleuses concernant l'usage de la qualité d'avocat et des allégations mensongères cependant que Marcel X... refusait expressément toute comparution volontaire sur ces faits nouveaux, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et méconnu les droits de la défense ;
" alors que la comparution volontaire qui permet aux juridictions correctionnelles d'élargir leur saisine telle qu'elle résulte de l'ordonnance de renvoi ou de la citation s'entend de la comparution volontaire du prévenu devant la juridiction de jugement et non au stade de l'information et que, dès lors, en faisant état de ce que Marcel X... avait pu s'expliquer " durant toute l'information " sur l'ensemble des éléments nécessaires à caractériser les infractions d'escroquerie et de tentative d'escroquerie, la cour d'appel a violé par fausse application les dispositions de l'article 388 du Code de procédure pénale " ;
Attendu que, pour requalifier en escroquerie et tentative, les faits initialement poursuivis sous les chefs de corruption active et passive, la cour d'appel se détermine par les motifs repris au moyen ;
Attendu, en cet état, que l'arrêt n'encourt pas les griefs allégués, dès lors que, la requalification ayant été prononcée par les premiers juges, Marcel X... avait la faculté de la discuter devant la cour d'appel ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen de cassation proposé en faveur de Marcel X..., et pris de la violation des articles 3 et 405 de l'ancien Code pénal, 111-4, 121-5 et 313-1 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Marcel X... coupable d'escroquerie et de tentative d'escroquerie ;
" aux motifs que, c'est donc à bon droit que le tribunal a estimé que les infractions de corruption active et passive n'étaient pas caractérisées, et en a relaxé Renaud Z... et Jean-Pierre Y... ; qu'il a également justement apprécié que les faits commis par Marcel X... étaient dès lors constitutifs des délits d'escroquerie et de tentative d'escroquerie ; qu'en effet, la qualité d'avocat de Marcel X... et donc sa connaissance présumée des procédures judiciaires, étaient de nature à imprimer à des allégations en définitive mensongères l'apparence de la sincérité et à convaincre Renaud Z..., alors " déstabilisé par son affaire ", selon l'expression de M. A..., puis les représentants de la société Peppers, sans doute peu familiers des arcanes de la procédure commerciale française, de la nécessité de corrompre l'administrateur judiciaire pour obtenir de la juridiction commerciale des décisions favorables ;
" alors que le mensonge de l'escroc doit exister antérieurement à la remise ; que, selon les constatations de l'arrêt au demeurant contestées par le prévenu, au moment où il a perçu la somme d'environ 180 000 francs de la part de Renaud Z... " pour faciliter les choses " c'est-à-dire pour obtenir de l'administrateur judiciaire " de prolonger au maximum la durée de la période d'observation pour éviter la mise en liquidation judiciaire, voire une éventuelle action en comblement de passif ou le prononcé d'une interdiction de gérer, et étudier les possibilités d'un plan de continuation ou de cession ", Marcel X... a été sincère puisqu'il était lui-même persuadé de pouvoir parvenir à ce résultat en faveur de ses clients et qu'il a fait des démarches précises en ce sens et que, dès lors, en faisant état d'allégations " en définitive " mensongères, I'arrêt attaqué a contredit ses propres constatations ;
" alors que l'usage d'une qualité vraie ne peut constituer à lui seul une manoeuvre frauduleuse dès l'instant où il n'a pas été constaté par les juges du fond que cet usage ait été abusif " ;
Attendu que, pour condamner le demandeur des chefs d'escroquerie et tentative, les juges du second degré prononcent par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il se déduit qu'abuse de sa qualité vraie l'avocat qui se fait remettre de l'argent en affirmant faussement à sa victime qu'il convient de corrompre l'administrateur judiciaire pour obtenir de la juridiction commerciale des décisions favorables, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Qu'ainsi, le moyen ne saurait être admis ;
Mais sur le troisième moyen de cassation proposé en faveur de Marcel X... et pris de la violation des articles 4 et 42 de l'ancien Code pénal, 112-1, alinéa 2, et 131-26. 3° du nouveau Code pénal :
" en ce que l'arrêt attaqué a prononcé à l'encontre de Marcel X..., sur le fondement de l'article 131-26 du Code pénal, l'interdiction de tous les droits civiques, civils et de famille ;
" alors que, seules peuvent être prononcées les peines légalement applicables à la date à laquelle l'infraction a été commise ; que l'article 42 de l'ancien Code pénal en vigueur à la date des faits, objet de la poursuite, et qui énumérait les droits civiques et politiques dont un condamné pouvait être privé, ne mentionnait pas l'interdiction de représenter ou d'assister une partie devant la justice ; que cette sanction n'est encourue que depuis le 1er mars 1994, date d'entrée en vigueur du nouveau Code pénal ; qu'elle était donc inapplicable à Marcel X..., les faits qui lui sont reprochés ayant été commis antérieurement à cette date et qu'en prononçant néanmoins cette sanction, la cour d'appel a méconnu le principe de non-rétroactivité des lois pénales et violé les textes visés au moyen " ;
Vu les articles 4 et 42, anciens du Code pénal, 112-1 et 131-26 du Code pénal ;
Attendu que, seules peuvent être prononcées les peines légalement applicables à la date à laquelle les faits constitutifs d'une infraction ont été commis ;
Attendu que, par l'arrêt attaqué, Marcel X..., déclaré coupable d'escroqueries et tentative, commises entre avril et août 1993, s'est vu infliger, notamment, l'interdiction, pour 3 ans, des droits énumérés à l'article 131-26 du Code pénal ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que l'interdiction du droit de représenter ou d'assister une partie devant la justice, prévue au 3° alinéa dudit article, ne pouvait être ordonnée à l'époque de la commission des faits, la cour d'appel a méconnu les textes et principe susénoncés ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; qu'elle interviendra par voie de retranchement ;
Et sur le premier moyen de cassation proposé en faveur de Jean-Pierre Y..., et pris de la violation des articles 405 ancien, 313-1, 313-7 du Code pénal, 8, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de prescription du délit d'escroquerie invoquée par Jean-Pierre Y... et a dit celui-ci coupable dudit délit, en répression l'a condamné à la peine de 2 ans d'emprisonnement en disant qu'il sera sursis à l'exécution de cette peine pour la totalité de sa durée et a condamné celui-ci à payer la somme de 1 400 000 francs à titre de dommages-intérêts ;
" 1° aux motifs que, sur l'exception de prescription soulevée par Jean-Pierre Y... au motif que le délit d'escroquerie était consommé à la date de la dernière remise des fonds, que celle-ci avait eu lieu le 31 mai 1991, et qu'un délai de plus de 3 ans s'était donc écoulé au moment des premières investigations entreprises sur ces faits ; que le procès-verbal de police du 30 juin 1994 constatant la réception des renseignements anonymes constituait le premier acte interruptif de cette prescription ; qu'il résultait des investigations effectuées sur commission rogatoire internationale et des explications des époux Y... que, le 31 mai 1991, Roger C... s'était rendu à l'agence de l'Unlon des banques suisses à Cointrin et lui avait remis un chèque de 1 200 000 francs français, émis sur la Société Générale à l'ordre de Jean-Pierre Y... qu'il avait commandé le matin même et en contrepartie duquel il avait remis à cette agence un chèque de 302 520 francs suisses tiré sur la banque Spar-Und-Leihkasse-Retsteim détentrice de son compte ; que ce chèque, qui apparaissait avoir été adressé par voie postale à son bénéflciaire, avait ensuite fait l'objet d'un endossement par procuration au profit de Marie-Claude Y..., laquelle, mandatée par son époux, s'était rendue à l'agence précitée le 13 juin suivant, qu'ayant à son tour endossé ledit chèque au profit de la banque, elle avait commandé 2 chèques, l'un de 200 000 francs à l'ordre de Jean-Pierre Y..., le second de 999 352, 85 francs (soit 1 000 000 francs moins les frais) à son propre bénéfice ; que ces 2 chèques, le premier tiré sur la Société Générale, le second sur la Caisse Nationale du Crédit agricole, avait été remis le jour même à Marie-Claude Y... ; que le chèque de 1 000 000 de francs avaient été déposé le 17 juillet 1991 sur le compte personnel des époux Y..., d'où la somme avait ultérieurement été transférée sur le compte de la SCP Y...- B...; que l'infraction n'avait donc été entièrement consommée qu'à cette date, le prévenu pouvant encore dans l'intervalle renoncer à percevoir les fonds litigieux ; que, comme le requérait le ministère public, l'exception sera en conséquence rejetée (arrêt p. 23) ;
" alors, d'une part, qu'en matière d'escroquerie le point de départ de la prescription de l'infraction est fixé au jour de la remise des fonds frauduleusement obtenus, c'est-à-dire, pour un chèque, au jour de sa remise à son bénéficiaire ; qu'en l'état des énonciations de l'arrêt suivant lesquelles " le 31 mai 1991, Roger C... s'est rendu à l'agence de l'UBS à Cointrin, où lui a été remis un chèque de 1 200 000 francs français émis sur la Société Générale à l'ordre de Jean-Pierre Y..., ce chèque... a ensuite fait l'objet d'un endossement de procuration au profit de Marie-Claude Y..., laquelle, mandatée par son époux, s'est rendue à l'agence précitée le 13 juin suivant, a à son tour endossé ledit chèque au profit de la banque " (p. 23), la prescription a commencé à courir au plus tard le 13 juin 1991 car la remise du chèque au bénéficiaire, Me Y..., était nécessairement antérieure à l'endossement porté sur ledit chèque en sorte que cette prescription de 3 ans était acquise lorsqu'est intervenu le procès-verbal du 30 juin 1994 constituant le premier acte interruptif de prescription et qu'en décidant du contraire la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi les textes visés au moyen ;
" alors, d'autre part, que la remise d'un chèque à son bénéficiaire qui constitue l'émission d'un chèque, emporte dessaisissement irrévocable du tireur au profit du bénéficiaire et transfert de la propriété de la provision dudit bénéficiaire en sorte que l'infraction à la supposer établie, avait été consommée à la date de la remise du chèque par Roger C... à Me Y..., laquelle remise avait eu lieu au plus tard le 13 juin 1991 pour être intervenue nécessairement avant l'endossement porté sur ledit chèque, lequel endossement démontrait la réalité de la remise des fonds, et déposé en banque à cette date et non le 17 juillet 1991, date à laquelle avait été porté au compte personnel des époux Y... un chèque de 1 000 000 de francs tiré sur la BNCA par l'UBS, tireur, au bénéfice de Jean-Pierre Y..., en sorte qu'il n'y avait plus remise des fonds par la victime, mais remise par une banque de ses propres fonds à Jean-Pierre Y..., et qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a encore violé les textes visés au moyen ;
" alors, de troisième part, que le prévenu avait nécessairement perçu les fonds lors de la remise du chèque par Roger C... emportant transfert de la provision à son profit, soit au plus tard le 13 juin 1993, date à laquelle de toute façon le chèque avait été payé par l'UBS à Marie-Claude Y... mandatée pour ce faire par son époux, selon l'arrêt, en sorte que l'infraction était bien consommée à cette date et non le 17 juillet 1991, le prévenu ne pouvant de toute façon plus renoncer à percevoir des fonds déjà versés en son nom le 13 juin 1991 à l'UBS, et que la cour d'appel a, de plus fort, violé les textes visés au moyen ;
" alors, de quatrième part, que, s'il importait de fixer exactement le point de départ de la prescription triennale, commençant à courir au plus tard le 13 juin 1991, la cour d'appel aurait dû rechercher, comme l'y invitaient les conclusions de Me Y... (p. 6), si Roger C... ne lui avait pas remis le chèquedonc les fonds le 31 mai 1991 en sorte que la prescription commençait à cette date ;
" alors, de cinquième part, que l'affirmation de l'arrêt attaqué suivant laquelle le chèque d'un montant de 1 200 000 francs ayant pour bénéficiaire Jean-Pierre Y... " a ensuite fait l'objet d'un endossement de procuration au profit de Marie-Claude Y... " (arrêt p. 23 in medio), est contredite par les mentions portées sur ce chèque (cote D. 1043) c'est-à-dire par l'endos " payez à l'ordre de Mme Y... ", qui est un endossement pur et simple, donc translatif, et par le cachet " ordre Union de banques suisses et reçu en espèces " sous la signature de Marie-Claude Y... ;
" 2° aux motifs des premiers juges, à les supposer adoptés, que le délit d'escroquerie n'était consommé qu'à la date de la dernière remise des fonds, laquelle était survenue en l'espèce le 17 juillet 1991, alors que le premier procès-verbal établi sur ces faits était daté du 30 juin 1994 et le réquisitoire introductif du 2 juillet 1994, soit moins de 3 ans après (jugement p. 18, in fine) ;
" alors que la prescription avait commencé à courir lorsque Roger C... avait remis le chèque à Jean-Pierre Y..., soit au plus tard le 13 juin 1991, la remise ayant nécessairement eu lieu avant l'endossement et le paiement du chèque par l'UBS ayant de toute façon matérialisé le transfert des fonds dans le patrimoine du bénéficiaire sans qu'il y eût lieu d'avoir égard aux actes qui avaient pu ultérieurement poursuivre l'exécution des titres escroqués et étant observé que le chèque porté en compte le 17 juillet 1991 était un chèque ayant pour tireur l'UBS, pour tiré la CNCA et pour bénéficiaire Marie-Claude Y... en sorte qu'il ne s'agissait pas de fonds remis par la victime prétendue ; qu'ainsi, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen " ;
Vu les articles 7 et 8 du Code de procédure pénale, 405, ancien, et 313-1 du Code pénal ;
Attendu qu'en matière d'escroquerie, la prescription court du jour où le délit est consommé par la remise de la chose frauduleusement obtenue ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Jean-Pierre Y... avait endossé, début juin 1991, au bénéfice de son épouse, un chèque de 1 200 000 francs reçu de Roger C..., victime de l'escroquerie ; que Marie-Claude Y..., après endossement de ce chèque, a reçu, le 13 juin 1991, en contrepartie, un chèque de 1 000 000 de francs, à son ordre, et un chèque de 200 000 francs, à l'ordre de son mari ; que le chèque de 1 000 000 de francs a été déposé, le 17 juillet 1991, sur le compte personnel des époux Y... ;
Attendu que, pour rejeter l'exception de prescription soulevée par Jean-Pierre Y..., la cour d'appel, après avoir précisé que le premier acte interruptif est du 30 juin 1994, énonce que l'infraction " n'a été entièrement consommée qu'au 17 juillet 1991, le prévenu pouvant encore, dans l'intervalle, renoncer à percevoir les fonds litigieux " ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que la présentation du chèque à l'encaissement, le 13 juin 1991 caractérisait la remise, les juges du second degré ont violé les textes et principe précités ;
D'où il suit que la cassation est, derechef, encourue ; qu'elle aura lieu, l'action publique étant éteinte contre Jean-Pierre Y..., sans renvoi ;
Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner le second moyen proposé en faveur de Jean-Pierre Y... :
CASSE ET ANNULE, l'arrêt susvisé du 19 mars 1998 de la cour d'appel de Versailles, 1° en toutes ses dispositions pénales et civiles concernant Jean-Pierre Y... ; 2° par voie de retranchement, en ses dispositions portant condamnation de Marcel X... à l'interdiction, pendant 3 ans, de représenter ou d'assister une partie devant la justice, toutes autres dispositions concernant ce demandeur étant expressément maintenues ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi.
Crim. 30 juin 1999 n° 97-85.764 B n° 175
REJET ET CASSATION PARTIELLE par voie de retranchement et sans renvoi sur les pourvois formés par :
- Z... Bernard, I... Dominique, B... Pierre, K... René, A... Jacques, mandataire du syndicat patronal ADECA, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 9e chambre, du 24 septembre 1997, qui a condamné Bernard Z..., à 2 ans d'emprisonnement avec sursis, 1 000 000 francs d'amende et 5 ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, pour malversation, Dominique I..., à 2 ans d'emprisonnement avec sursis, 300 000 francs d'amende et 3 ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, Pierre B..., à 2 ans d'emprisonnement avec sursis, 100 000 francs d'amende et 3 ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille et René K..., à 15 mois d'emprisonnement avec sursis et 2 ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, pour complicité de malversation, et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
I. Sur le pourvoi de Jacques A..., mandataire du syndicat patronal ADECA :
Attendu que le demandeur ne produit aucun mémoire à l'appui de son pourvoi ;
II. Sur les pourvois des autres demandeurs :
Vu les mémoires produits ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, le 7 mai 1991, le tribunal de commerce de Bobigny, dont le président était Pierre B..., dans sa formation présidée par René K... et dans laquelle siégeait Bernard Z..., a mis en redressement judiciaire la société Jules Zell, entreprise de plomberie, couverture et électricité, nommé René K... en qualité de juge commissaire et désigné Dominique I... aux fonctions d'administrateur judiciaire ;
Que, le 8 juillet 1991, sur requête de ce dernier, René K... a autorisé la cession de la branche électricité de la société Jules Zell à la société Martet-Mercier dont Bernard Z... était administrateur et détenait directement 29 % du capital et 20 % par l'intermédiaire de la " Compagnie financière de la Muette " dont il était actionnaire à 95 % ;
Que, le 12 juillet 1991, Bernard J..., relation d'affaires de Bernard Z..., a présenté une offre de reprise globale de la société Jules Zell et de ses trois filiales, et que, par jugement du 23 juillet 1991, le tribunal de commerce, dans la formation présidée par René K..., mais dans laquelle ne siégeait plus Bernard Z..., a ordonné la cession de l'entreprise et de ses filiales à Bernard J..., avec faculté de substitution, et désigné Dominique I... en qualité de commissaire à l'exécution du plan ;
Attendu que, le 30 juillet 1991, à la suite d'une réunion des conseils d'administration des filiales de la société Jules Zell, Bernard Z... a été nommé président de ces sociétés ; que, par la suite, le cessionnaire, Bernard J..., s'est substitué la société Nouvelle Zell, ayant notamment pour administrateur la Compagnie financière de la Muette, dont Bernard Z... était le président, lequel détenait 66 % du capital de la nouvelle société ;
Qu'enfin, le 29 août 1991, celui-ci a émis sur son compte personnel un chèque de 2 270 000 francs à l'ordre de Dominique I..., en règlement d'une partie du prix de cession ;
Attendu que, courant novembre 1991, le procureur de la République, informé des circonstances dans lesquelles était intervenue la cession de la société Jules Zell et de ses filiales, a présenté requête à la chambre criminelle de la Cour de Cassation aux fins de désignation d'une juridiction d'instruction ; qu'aussitôt Bernard Z... a renoncé à acquérir des actifs de la société Jules Zell et a été mis en congé de ses fonctions juridictionnelles ;
Qu'après instruction de l'affaire par la chambre d'accusation de la cour d'appel de Versailles, Bernard Z... a été renvoyé devant la juridiction correctionnelle pour malversation et Pierre B..., René K... et Dominique I..., pour complicité de ce délit ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Piwnica et Molinié, en faveur de Bernard Z... et pris de la violation des articles 207 de la loi du 25 janvier 1985, 88 de la loi n° 94-475 du 10 juin 1994, 111-2, 111-3 et 112-1 du Code pénal, 8 de la Déclaration des droits de l'homme, 7 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que, l'arrêt attaqué, après avoir constaté l'absence de loi de pénalité à la date de la commission des faits poursuivis, a néanmoins condamné le prévenu à une peine d'emprisonnement et à une peine d'amende ;
" aux motifs que, l'article 207 de la loi du 25 janvier 1985 qui définit l'incrimination du délit de malversation renvoyait aux peines de l'alinéa second de l'article 408 de l'ancien Code pénal mais que cet article 408 a été abrogé par l'entrée en vigueur du nouveau Code pénal à la date du 1er mars 1994 sans que la référence à l'article 408 ait été supprimée ; que c'est seulement l'article 88 de la loi du 10 juin 1994 qui a remplacé dans l'article 207 de la loi du 25 janvier 1985 la référence aux peines de l'article 408 ancien par la référence aux peines du nouvel article 314-2 du Code pénal ; que le défaut de coordination dans la mise en oeuvre des textes est donc avéré mais que cependant les 2 articles 408 et 314-2 précités sanctionnent une infraction dont les éléments constitutifs sont en tous points identiques ; que le premier réprimait l'abus de confiance " commis par une personne faisant appel au public afin d'obtenir la remise de fonds ou de valeurs " et que le second sanctionne l'abus de confiance commis " par une personne qui fait appel au public afin d'obtenir la remise de fonds ou de valeurs " ; que le délit d'abus de confiance réalisé par une personne qui fait appel au public n'a donc pas été abrogé par le législateur et que sauf à faire une interprétation abusive du principe de la légalité des délits et des peines, il n'apparaît pas qu'il puisse résulter du défaut de coordination des textes susvisés, aucune conséquence quant à l'applicabilité de l'article 207 de la loi du 25 janvier 1985 aux faits de la cause ; que, comme le relève le ministère public, la référence aux pénalités de l'article 408 puis à celles de l'article 314-2 du nouveau Code pénal traduit la volonté constante du législateur de réprimer le délit de malversation des mêmes peines que celles de l'abus de confiance aggravé dès lors que celui-ci se trouve pris en des termes exactement identiques ;
" alors qu'il résulte des dispositions des articles 8 de la Déclaration des droits de l'homme, 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et de l'article 112-1 deuxième alinéa, du Code pénal, que seules peuvent être prononcées les peines légalement applicables à la date de la commission des faits reprochés ; qu'en l'absence de pénalité prévue par la loi à la date de la commission des faits reprochés, aucune peine ne peut être prononcée ; qu'en l'espèce, les faits de malversation commis par les personnes ayant participé à la procédure collective, incriminés par l'article 207 de la loi du 25 janvier 1985 modifiée par la loi du 30 décembre 1985 ont été dépourvus de sanctions pénales entre le 1er mars 1994, date d'abrogation de l'ancien article 408 du Code pénal et le 1er octobre 1994, date d'entrée en vigueur de l'article 88 de la loi du 20 juin 1994 qui prévoit que le délit susvisé sera puni des peines prévues par l'article 314-2 du nouveau Code pénal ; qu'aucune disposition de la loi d'adaptation du 16 décembre 1992 ne vise le remplacement de l'article 207 susvisé pour sanctionner le délit de malversation ; que la référence faite à l'article 314-2 du nouveau Code pénal par l'article 88 de la loi du 10 juin 1994 démontre, qu'avant l'entrée en vigueur de cette disposition, aucune pénalité n'était encourue pour le délit précité suite à l'abrogation de l'article 408 de l'ancien Code pénal ; que, dès lors, la loi du 10 juin 1994 prise en son article 88 est une disposition pénale plus sévère rétablissant une pénalité qui, en tant que telle, ne peut rétroagir et s'appliquera uniquement aux faits commis postérieurement à son entrée ne vigueur ; qu'il s'ensuit que le 1er mars 1994, les faits de malversation reprochés au prévenu n'étaient plus susceptibles de poursuites pénales faute de sanction et ne pouvaient plus ensuite être appréhendés par les nouvelles dispositions plus sévères de l'article 88 précité ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées " ;
Sur le premier moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Waquet, Farge et Hazan, en faveur de Dominique I... et pris de la violation des articles 207 de la loi du 25 janvier 1985, 372 de la loi du 16 décembre 1992, 88 de la loi du 10 juin 1994, 111-3, 111-4, 112-1, 112-4, 314-2 du Code pénal, 6 du Code de procédure pénale, 7 de la Convention européenne des droits de l'homme :
" en ce que, l'arrêt attaqué a condamné Dominique I... du chef de complicité de malversation pour des faits qui auraient été commis courant 1991 ;
" aux motifs que, l'article 207 de la loi du 25 janvier 1985 renvoyait aux peines de l'alinéa 2 de l'article 408 de l'ancien Code pénal ; que cet article a été abrogé par l'article 372 de la loi du 16 décembre 1992 à compter du 1er mars 1994 sans qu'ait été modifié concomitamment l'article 207 précité ; que c'est seulement l'article 88 de la loi du 10 juin 1994 qui a remplacé dans l'article 207 la référence aux peines de l'article 314-2 du Code pénal aujourd'hui en vigueur ; que l'article 408 du Code pénal abrogé le 1er mars 1994 et l'article 314-2 du Code pénal en vigueur depuis cette date sanctionnent une infraction dont les éléments constitutifs sont en tous points identiques ; que le délit d'abus de confiance par personne faisant appel au public n'a donc pas été abrogé par le législateur ; qu'il n'apparaît pas qu'il puisse résulter du défaut de coordination des textes susvisés aucune conséquence quant à l'applicabilité de l'article 207 aux faits de la cause ; que la référence dans cet article 207 aux peines de l'article 408 du Code pénal puis de celles de l'article 314-2, traduit la volonté constante du législateur de réprimer le délit de malversation des mêmes peines que celles de l'abus de confiance aggravé ;
" alors, d'une part, qu'une disposition pénale nouvelle qui abroge le texte réprimant une infraction s'applique aux faits commis avant son entrée en vigueur et non définitivement jugés ; qu'en refusant d'appliquer l'article 372 de la loi du 16 décembre 1992, entrée en vigueur après la commission des faits mais avant qu'ils soient jugés, qui abrogeait l'article 408 du Code pénal réprimant le délit de malversation, l'arrêt attaqué a violé le principe de légalité des délits et des peines ;
" alors, d'autre part, que l'article 88 de la loi du 10 juin 1994 qui a modifié la rédaction de l'article 207 de la loi du 25 janvier 1985, pour substituer la référence de l'article 314-2 du Code pénal à celle de l'article 408 du Code pénal, n'est entré en vigueur, aux termes de l'article 89 de la loi, que le 1er octobre 1994 ; qu'il n'a aucun caractère interprétatif ; qu'en faisant rétroagir ces dispositions pour réprimer des faits commis antérieurement à leur entrée en vigueur, l'arrêt attaqué a derechef méconnu le principe de la légalité des délits et des peines et de la non-rétroactivité des lois répressives ;
" alors, enfin que, les articles 314-1 et 314-2 du Code pénal ne répriment pas les mêmes faits que ceux qui étaient définis par l'article 408 et ne prévoient pas les mêmes peines ; que, dès lors, en l'absence de toute intervention du législateur, l'arrêt attaqué ne pouvait substituer aux peines prévues par l'article 408 auxquelles l'article 207 de la loi du 25 janvier 1985 faisait exclusivement référence, celles prévues par l'article 314-2 du nouveau Code pénal " ;
Et sur le premier moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, en faveur de Pierre B... et pris de la violation des articles 207 de la loi du 25 janvier 1985, 266 de la loi du 16 décembre 1992, 111-2 et 112-1 du nouveau Code pénal, 6, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que, l'arrêt attaqué a rejeté l'exception d'illégalité des poursuites du chef de malversation ;
" que, les faits visés à la prévention sont antérieurs au 1er mars 1994 ; que l'article 207 de la loi du 25 janvier 1985 qui définit les éléments constitutifs du délit de malversation renvoyait aux peines de l'alinéa 2 de l'article 408 de l'ancien Code pénal ; que cet article 408 a été abrogé par l'article 372 de la loi du 16 décembre 1992 à compter de l'entrée en vigueur du nouveau Code pénal ultérieurement fixée au 1er mars 1994 par la loi du 19 juillet 1993 sans qu'ait été concomitamment modifié l'article 207 précité, la référence audit article 408 demeurant inchangée ; que c'est seulement l'article 88 de la loi du 10 juin 1994 qui a remplacé dans l'article 207 de la loi du 25 janvier 1985 la référence aux peines du deuxième alinéa de l'ancien article 408 du Code pénal par la référence aux peines de l'article 314-2 du Code pénal aujourd'hui en vigueur ; que le défaut de coordination dans la mise en oeuvre de ces textes est donc avéré ; que toutefois l'article 408 du Code pénal abrogé le 1er mars 1994 et l'article 314-2 du Code pénal en vigueur depuis cette date sanctionnent une infraction dont les éléments constitutifs sont en tous points identiques... ; que le délit d'abus de confiance par personne faisant appel au public n'a donc pas été abrogé par le législateur ; que, dès lors, sauf à faire une interprétation abusive du principe de la légalité des délits et des peines, il ne saurait résulter du défaut de coordination des textes susvisés aucune conséquence quant à l'applicabilité de l'article 207 de la loi du 25 janvier 1985 aux faits de la cause ; qu'ainsi que le relève le ministère public, la référence dans cet article 207 aux peines de l'article 408 du Code pénal puis de celle de l'article 314-2 traduit la volonté constante du législateur de réprimer le délit de malversation des mêmes peines que celles de l'abus de confiance aggravé ; que dès lors que celui-ci se retrouve repris dans des termes exactement identiques, la référence de l'article 207 aux textes successifs du Code pénal se trouve en substance inchangée ; que le moyen tiré de l'abrogation de la loi pénale et de l'absence d'élément légal fondant les poursuites sera en conséquence rejeté ;
" alors que, la cour d'appel ne pouvait, sans commettre d'excès de pouvoir et violer l'article 111-2 du nouveau Code pénal, considérer qu'en cas d'abrogation d'un texte comportant tout à la fois définition d'une infraction donnée ainsi que détermination de la peine applicable et auquel se référait quant à la pénalité une toute autre incrimination contenue dans une loi pénale annexe, présumer de ce que le texte se substituant à la loi abrogée parce qu'il incriminait les mêmes agissements que cette dernière en prévoyant toutefois des sanctions différentes se substituait nécessairement à l'ancien comme référence quant à la sanction applicable au délit prévu par la loi pénale annexe en l'absence de toute décision du législateur d'autant que ce dernier, dans une loi d'adaptation ayant pour objet précisément de substituer dans les différentes incriminations dont celles de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 faisant référence aux dispositions abrogées de l'ancien Code pénal, celles du nouveau Code, ne prévoyait pas que tel devait être le cas pour l'incrimination présentement en cause, à savoir l'article 207 de la loi susvisée " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour rejeter l'exception d'illégalité des poursuites tirée de l'absence de sanction applicable au délit de malversation prévu par l'article 207 de la loi du 25 janvier 1985, entre le 1er mars 1994, date d'entrée en vigueur de la loi du 16 décembre 1992, ayant abrogé l'article 408 ancien du Code pénal, et le 23 octobre 1994, date d'entrée en vigueur de la loi du 10 juin 1994, ayant remplacé dans l'article 207 de la loi précitée la référence à l'article 408 ancien, par celle à l'article 314-2 du Code pénal, l'arrêt attaqué, après avoir relevé que l'article 408, abrogé le 1er mars 1994 et l'article 314-2 en vigueur depuis cette date sanctionnent une infraction dont les éléments constitutifs sont identiques, énonce qu'il n'apparaît pas " qu'il puisse résulter du défaut de coordination des textes susvisés, aucune conséquence quant à l'applicabilité de l'article 207 de la loi du 25 janvier 1985 aux faits de la cause " ; que les juges ajoutent que la référence, dans cet article 207, aux peines de l'article 408 ancien du Code pénal, puis à celles de l'article 314-2 du même code, traduit la volonté du législateur de réprimer le délit de malversation des mêmes peines que celles de l'abus de confiance aggravé ;
Attendu qu'en cet état, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
Qu'en effet, il se déduit de l'article 207 ancien de la loi du 25 janvier 1985, selon lequel les malversations incriminées par cet article sont punies " des peines prévues par le 2e alinéa de l'article 408 du Code pénal ", que le législateur a, quant à la répression, entendu assimiler ces malversations aux faits d'abus de confiance définis par ce second texte ; qu'il s'ensuit que les dispositions de l'article 408, alinéa 2, ayant été reprises, à compter du 1er mars 1994, à l'article 314-2 du Code pénal, les peines prévues par ce texte ont, dès cette date, été applicables au délit prévu par l'article 207 précité ;
D'où il suit que les moyens ne sont pas fondés ;
Sur le deuxième moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Piwnica et Molinié en faveur de Bernard Z... et pris de la violation des articles 207 de la loi du 25 janvier 1985, 111 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que, l'arrêt attaqué a déclaré que Bernard Z... a participé à la procédure au sens de l'article 207 de la loi du 25 janvier 1985 et l'a déclaré coupable de ce délit ;
" aux motifs que, le fait pour un juge consulaire de participer au jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire constitue une participation à la procédure puisqu'il s'agit de l'acte fondateur de cette procédure qui détermine, s'il y a ou non lieu, à déclencher le mécanisme prévu par la loi du 25 janvier 1985 ; qu'il n'y a pas lieu de dissocier, au regard de l'article 207 susvisé, le jugement d'ouverture des autres actes de la procédure subséquents, sauf à permettre à un juge consulaire personnellement intéressé d'influer sur une décision juridictionnelle dont les effets économiques et financiers sont essentiels ; qu'il s'agit d'un seul bloc qui ne peut être scindé sans porter gravement atteinte à l'esprit de l'article 207 de la loi du 25 janvier 1985 ; que dès lors où Bernard Z... a participé en qualité de premier assesseur au jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la SA Jules Zell, il est établi qu'il a participé à la procédure au sens de l'article 207 susvisé ;
" alors que, l'audience au cours de laquelle est prononcée l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire constitue une condition préalable au délit de malversation prévu par l'article 207 de la loi du 25 janvier 1985 mais non la procédure elle-même au cours de laquelle l'infraction peut être commise ; que, dès lors, le fait de participer au jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire en qualité de juge consulaire exclut l'application de l'article 207 susvisé, réservé aux seuls organes désignés par le jugement d'ouverture ; qu'en décidant le contraire, les juges d'appel ont violé les textes susvisés " ;
Attendu que, pour écarter l'argumentation du prévenu qui soutenait qu'en siégeant à l'audience du tribunal de commerce ayant ouvert le redressement judiciaire de la société Jules Zell, il n'avait pas participé à la procédure au sens de l'article 207 de la loi du 25 janvier 1985, la juridiction du second degré énonce que " dissocier, au regard de l'article 207 visé à la prévention, le jugement d'ouverture et la procédure subséquente serait enlever toute portée à celui-ci dans la mesure où ce serait permettre à un juge consulaire, personnellement intéressé, d'influer sur une décision juridictionnelle dont les effets économiques et financiers sont essentiels et conditionnent la mise en place d'une procédure spécifique qui en découle directement, et qui a pour effet de faire du jugement d'ouverture et de la procédure elle-même un seul bloc qui ne peut être scindé, sans porter gravement atteinte à l'esprit de l'article 207 de la loi du 25 janvier 1985 " ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que l'audience au cours de laquelle les juges examinent la situation financière, économique et sociale du débiteur, et entendent le cas échéant le rapport du juge commis en application de l'article 13 du décret du 1er décembre 1985 et les représentants du comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel, constitue la première étape de la procédure de redressement judiciaire, au sens de l'article 207 de la loi précitée, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir le grief allégué ;
Qu'ainsi le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le troisième moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Piwnica et Molinié en faveur de Bernard Z... et pris de la violation des articles 122-3 du Code pénal, 207 de la loi du 25 janvier 1985, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que, l'arrêt attaqué a déclaré Bernard Z... coupable du délit de malversation pour des faits commis en 1991 et l'a condamné de ce chef à la peine de 2 années d'emprisonnement avec sursis et à la peine d'amende d'1 million de francs ;
" aux motifs que, l'élément moral du délit de malversation s'analyse en la conscience chez une personne qui s'est portée acquéreur des biens litigieux, de leur appartenance à un débiteur ayant fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire à laquelle il a participé ; que l'alinéa deuxième de l'article 207 de la loi du 25 janvier 1985 protège non pas l'intérêt particulier des créanciers lequel est visé en l'alinéa premier mais l'intérêt général qui exige que les juges consulaires et les mandataires de justice ne puissent en aucun cas se porter acquéreur des biens du débiteur lorsqu'ils ont participé à la procédure ; que Bernard Z... ne conteste pas avoir eu une telle conscience et que les démarches effectuées auprès du président du tribunal de commerce démontrent qu'il avait conscience d'enfreindre la loi ; que l'autorisation donnée par le président avant l'audience du 7 mai 1991 ne saurait valoir fait justificatif ;
" alors que, l'erreur sur le droit entraîne exonération de la responsabilité pénale si la personne qui s'en prévaut a demandé au juge consulaire chargé de présider l'audience d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire s'il existait, à ce stade de la procédure, une incompatibilité à exercer une fonction de juge consulaire avec une éventuelle participation dans les opérations de reprise ; qu'en l'espèce, la réponse positive formulée par le président du tribunal de commerce au prévenu l'a conduit à croire légitimement pouvoir siéger à l'audience du tribunal du 7 mai 1991 se prononçant sur l'ouverture de la procédure judiciaire de sorte que la responsabilité pénale ne pouvait être retenue " ;
Attendu qu'il ne résulte ni de l'arrêt attaqué ni de conclusions régulièrement déposées que le prévenu ait invoqué devant les juges du fond l'erreur sur le droit comme cause d'irresponsabilité pénale ;
Que, dès lors, le moyen est nouveau et comme tel irrecevable ;
Sur le quatrième moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Piwnica et Molinié en faveur de Bernard Z... et pris de la violation des articles 207 de la loi du 25 janvier 1985, 121-4 et 111-4 du Code pénal, 7 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que, l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable du délit de malversation et l'a condamné de ce chef ;
" aux motifs qu'il importe peu qu'à la date de la cession par Bernard Z... de l'ensemble de ses participations dans la SA Zell, les actes de cession du fonds de commerce de la SA Jules Zell n'eussent pas été signés et que le transfert de propriété ne fut pas encore intervenu, dans la mesure où l'article 207 de la loi du 25 janvier 1985 ne vise que le fait de se rendre acquéreur et qu'il suffit que l'intéressé, en toute connaissance de cause, procède aux démarches conduisant à l'acquisition des biens et se comporte en maître de ces biens ; qu'en l'espèce, à la date du 8 juillet 1991 concernant la cession du secteur électricité de Zell à la société Martet-Mercier, Bernard Z... détenait 49 % des parts de cette société, qu'à la date du 23 juillet 1991 à laquelle a eu lieu la cession des actifs de la SA Jules Zell au profit de Bernard J..., il était prévu une faculté de substitution d'acquéreur et que le 30 juillet 1991, Bernard Z... a été officiellement nommé président des 3 sociétés, filiales de la SA Jules Zell précédemment cédées à Bernard J... et qu'un chèque bancaire de 2 270 000 francs a été émis sur le compte personnel du prévenu pour régler une partie des actifs ; qu'ainsi, dès la fin juillet 1991, Bernard Z... était bien le maître du département électricité et des 3 filiales de la SA Jules Zell ;
" alors que le délit de malversation est une infraction qui exige un résultat et suppose qu'il y ait acquisition directe ou indirecte des biens du débiteur cédé ; que le simple fait de procéder à des démarches en vue d'un éventuel transfert de propriété n'est pas pénalement répréhensible tant au regard de l'infraction consommée que de la tentative, celle-ci n'était pas spécifiquement incriminée selon les dispositions de l'article 121-4 du Code pénal ; que, dès lors, aucune des mentions de l'arrêt ne constatant que le prévenu ait eu la qualité d'acquéreur lors des actes de cession, la déclaration de culpabilité est dépourvue de base légale " ;
Sur le deuxième moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Waquet, Farge et Hazan en faveur de Dominique I... et pris de la violation des articles 121-4, 121-5 du Code pénal, 207 de la loi du 25 janvier 1985, 592 et 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné Dominique I... du chef de complicité du délit de malversation commis par Bernard Z... ;
" aux motifs qu'il importe peu qu'à la date de cession par Bernard Z... de l'ensemble de ses participations dans la société anonyme Nouvelle Zell, les actes de cession du fonds de commerce de la SA Zell n'eussent pas été signés et que le transfert de propriété ne fût point encore intervenu ; qu'en effet, l'article 207 de la loi du 25 janvier 1985 incriminant le fait de " se rendre acquéreur pour son compte ", il suffit que l'intéressé en toute connaissance de cause procède aux démarches conduisant à l'acquisition des biens du débiteur et qu'il se comporte en maître de ses biens ; et aux motifs également que Bernard Z... ayant eu connaissance de l'éventualité de poursuites judiciaires décidait, après une rencontre avec le procureur de la République, de renoncer à l'opération et sur sa demande, était mis en congé de ses fonctions juridictionnelles ;
" alors, d'une part, que l'article 207 de la loi du 25 janvier 1985, qui fait obligation à la juridiction saisie de la poursuite de prononcer la nullité de l'acquisition, n'incrimine que le fait de se rendre acquéreur des biens du débiteur ; que, dès lors, la condamnation prononcée en l'absence de toute acquisition des biens du débiteur et sur le fondement des seuls démarches accomplies en vue d'une acquisition à laquelle l'auteur principal a librement renoncé est illégale ;
" alors, d'autre part, que la tentative de commettre un délit n'est punissable que dans les cas prévus par la loi ; que l'article 207 du 25 janvier 1985, qui réprime le seul fait de se rendre acquéreur des biens du débiteur, ne prévoit pas que la tentative sera également punissable ; que, dès lors, les démarches accomplies en vue d'une acquisition qui ne s'est pas réalisée ne sont punissables ni au titre du délit accompli, ni au titre de la tentative ;
" alors, en troisième lieu que, ni la prise de participation de Bernard Z... dans la société anonyme Nouvelle Zell, ni le paiement partiel des actifs effectué sur son compte personnel ne caractérisent un quelconque acte d'acquisition des biens du débiteur ; qu'ainsi, la condamnation prononcée est dépourvue de toute base légale ;
" et alors enfin, que la juridiction saisie ne peut également prononcer de condamnation sans avoir prononcé la nullité de l'acquisition " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour déclarer Bernard Z... coupable de malversation et Dominique I... complice de ce délit, la juridiction du second degré énonce que, dès lors que l'article 207 de la loi du 25 janvier 1985 incrimine le fait de " se rendre acquéreur pour son compte ", des biens du débiteur, il suffit que l'intéressé, après avoir procédé ou fait procéder aux démarches conduisant à l'acquisition de ces biens, se comporte en maître de ceux-ci ;
Que les juges relèvent que, d'une part, le juge commissaire, par ordonnance du 8 juillet 1991 a autorisé la cession du secteur électricité de la société Jules Zell à la société Martet-Mercier dont Bernard Z... détenait directement ou indirectement 49 % du capital, que, d'autre part, le 30 juillet 1991, après cession de l'ensemble des actifs de la société et de ses 3 filiales à Bernard J..., avec faculté de substitution, le prévenu a été nommé président de ces sociétés et qu'il a remis à Dominique I... un chèque bancaire de 2 270 000 francs en paiement d'une partie des actifs de la SA Jules Zell ;
Que les juges ajoutent qu'il est ainsi établi que Bernard Z... était bien, dès la fin juillet 1991, le maître du département électricité et des 3 filiales de la SA Jules Zell ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que le prononcé de la nullité de l'acquisition, prévue par l'article 207 de la loi du 25 janvier 1985, n'est pas une condition préalable à la condamnation pour malversation, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Sur le troisième moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Waquet, Farge et Hazan en faveur de Dominique I... et pris de la violation des articles 121-6, 121-7 du Code pénal, 207 de la loi du 25 janvier 1985, 592 et 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné Dominique I... du chef de complicité du délit de malversation commis par Bernard Z... ;
" aux motifs que la demande de K Bis n'était pas, pour Dominique I..., une obligation professionnelle légalement prescrite, mais une telle pratique apparaît habituelle ; que la carence de Dominique I... est pour le moins suspecte, alors qu'il devait, en professionnel averti, avoir connaissance du nom des magistrats ayant participé au jugement d'ouverture et ne pouvait ignorer la présence de Bernard Z... chez Martet-Mercier ; qu'il a participé à des réunions chez le président B..., pour attirer son attention sur la présence de Bernard Z... dans la reprise des actifs Zell ; que, néanmoins, rassuré par le président B..., il a encaissé le chèque bancaire de Bernard Z... destiné à assurer le financement d'une partie des actifs Zell ; qu'il apparaît, dans les procès-verbaux des conseils d'administration comme assistant Michel E... lorsque celui-ci soumet à l'agrément les cessions d'actions à Bernard Z... ; qu'il est resté silencieux à la suite de la lettre que lui a adressée l'expert H... ; que, dès lors, il ne peut être sérieusement contesté que Dominique I... a porté aide et assistance à Bernard Z... au moyen des actes positifs susvisés, et qu'en tout état de cause, en dépit de ses obligations légales et alors qu'il avait parfaitement connaissance du comportement frauduleux de celui-ci, au moins à compter du 24 ou 25 juillet 1991, il a volontairement omis de rendre compte au procureur de la République, que ce soit en juillet, en août ou en septembre 1991, de ses actes, l'avis du président B... ou de K... étant, en l'espèce, sans incidence ;
" alors, d'une part, que Dominique I..., qui, selon les constatations de l'arrêt, aurait eu connaissance du comportement frauduleux de Bernard Z... à compter du 24 ou 25 juillet 1991, n'a pu sciemment lui prêter aide et assistance pour l'autorisation de la cession du secteur électricité à Martet-Mercier, intervenue le 8 juillet 1991, ni pour celle de la cession du reste des actifs de la société Zell à Bernard J..., intervenue le 23 juillet 1991 ;
" alors, d'autre part, qu'il n'y a pas de complicité par abstention ; qu'ainsi, l'omission d'alerter le procureur de la République ne peut caractériser, à l'encontre de Dominique I..., qui n'y était pas légalement tenu, un acte positif d'aide ou d'assistance au délit de malversation qui aurait été commis par Bernard Z... ;
" alors, enfin, que l'encaissement du chèque destiné au paiement d'une partie des actifs de la société Zell, avec l'accord du président du tribunal de commerce, et la participation aux conseils d'administration des sociétés faisant l'objet du plan de cession autorisé par le tribunal, entrait directement et exclusivement dans les fonctions d'administrateur et de commissaire à l'exécution du plan de Dominique I... ; que, dès lors, l'arrêt attaqué, qui n'expose pas en quoi ces actes normaux de la fonction de Dominique I... pouvaient, en eux-mêmes, caractériser une quelconque aide ou assistance portée à Bernard Z..., est dépourvu de toute base légale " ;
Attendu que, pour déclarer Dominique I... coupable de complicité de malversation, la juridiction du second degré, par motifs propres et adoptés, énonce qu'après le jugement de cession de la société Jules Zell et de ses filiales, du 23 juillet 1991, le prévenu a commis l'essentiel des actes positifs constitutifs de l'aide et de l'assistance apportées à l'auteur principal ;
Que les juges retiennent notamment qu'il a préparé les cessions de parts des 3 filiales au profit de Bernard Z... ; qu'il a encaissé sur son compte professionnel le chèque bancaire de 2 270 000 francs destiné à assurer le paiement d'une partie des actifs de la société Jules Zell et que c'est dans son étude qu'a été passé, le 25 septembre 1991, l'acte de cession du département électricité de la société ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et abstraction faite du motif surabondant critiqué à la deuxième branche du moyen, la cour d'appel a caractérisé en tous ses éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnel, la complicité par aide et assistance du délit de malversation commis par Bernard Z... dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
Que, dès lors, le moyen ne peut être admis ;
Sur le deuxième moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, en faveur de Pierre B... et pris de la violation des articles 59 et 60 anciens du Code pénal, 121-7 du Code pénal, 207 de la loi du 25 janvier 1985, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Pierre B... coupable de complicité de malversation ;
" aux motifs que, contrairement à ce que soutient la défense, il apparaît que le président du tribunal de commerce de Bobigny... a, dès l'origine, prêté son concours à la réalisation des faits litigieux ; que René K... a assuré que depuis le début, Pierre B... lui avait demandé de le tenir informé, ce qu'il avait fait dès l'ouverture de la procédure ; que c'est à l'initiative de Pierre B... qu'a été désigné en qualité d'administrateur Dominique I... ainsi que l'a déclaré René K...... que lorsque dès le mois de juillet 1991 des " rumeurs " avaient commencé à circuler, ce dernier, conscient des risques qui se précisaient, avait déclaré à Bernard Z... au lendemain du jugement du 23 juillet 1991 qu'il ne s'opposait pas à son intervention sous réserve qu'il obtienne l'accord du président du tribunal Pierre B... ; que c'est dans ces conditions qu'a eu lieu la réunion contestée par la défense mais dont l'existence a été néanmoins établie de façon formelle lors de la confrontation devant le magistrat instructeur nonobstant les déclarations divergentes qui ont pu être faites antérieurement par les différents protagonistes à ce sujet ; que le témoin Bernard C... a lui aussi rapporté que lors d'une conversation téléphonique, Bernard Z... lui avait expliqué... qu'il ne pouvait rien faire sans avoir l'aval du président du tribunal et que par la suite, début août, il avait rencontré ce dernier qui lui avait déclaré avoir obtenu cet aval ; que ces déclarations de Bernard C... coïncident donc parfaitement avec celles de Bernard Z..., René K... et Dominique I... ; que M. G..., mandataire des créanciers lors de la même confrontation, a également déclaré qu'il était exact qu'entre le 24 et 26 juillet cette réunion a eu lieu... qu'il est établi, en outre, par les déclarations concordantes de Bernard Z..., René K... et Dominique I... qu'une deuxième série de réunions informelles a eu lieu en présence du président B... début septembre 1991 ; que son existence est au surplus confirmée par les déclarations de M. Doucede, greffier en chef du tribunal de commerce de Bobigny ;
" alors que la Cour, qui a ainsi déclaré établie la participation de Pierre B... à l'opération litigieuse sur le fondement exclusif des déclarations des coprévenus et de 2 personnes étroitement liées à celle-ci tout en reconnaissant qu'elles avaient fait l'objet de variations successives et divergentes de la part de leurs auteurs et sans aucunement répondre à l'argumentation péremptoire des conclusions de Pierre B... faisant état de ce que précisément les premières déclarations des coprévenus ne faisaient aucunement mention de l'existence de réunions et dénonçant par ailleurs les invraisemblances de fait entachant les déclarations subitement convergentes recueillies lors de la confrontation devant le juge d'instruction et portant tout à la fois sur les dates et les participants, n'a pas en l'état de cette insuffisance de motifs et de défaut de réponse aux conclusions satisfait à l'obligation qui est la sienne d'instruire à charge et à décharge ni par conséquent légalement justifié sa décision " ;
Sur le troisième moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, en faveur de Pierre B... et pris de la violation des articles 59 et 60 anciens du Code pénal, 207 de la loi du 25 janvier 1985, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Pierre B... coupable de complicité de malversation ;
" aux motifs qu'il apparaît que le président du tribunal de commerce de Bobigny a, dès l'origine, prêté son concours à la réalisation des faits litigieux ; que René K... a assuré que depuis le début Pierre B... lui avait demandé de le tenir informé ce qu'il avait fait dès l'ouverture de la procédure ; que c'est à l'initiative de Pierre B... qu'à été désigné en qualité d'administrateur Dominique I...... que c'est dans ces conditions qu'a eu lieu la réunion contestée par la défense entre le 24 et le 26 juillet mais dont l'existence a été néanmoins établie de façon formelle lors de la confrontation devant le magistrat instructeur nonobstant les déclarations divergentes qui ont pu être faites antérieurement par les différents protagonistes à ce sujet... qu'il est établi, en outre, par les déclarations concordantes de Bernard Z..., René K... et Dominique I... qu'une deuxième série de réunions informelles a eu lieu en présence du président B... début septembre 1991... que, dès lors, il est suffisamment établi que Pierre B... suivait attentivement la procédure litigieuse, que malgré ses dénégations systématiques, les réunions susvisées ont bien eu lieu en sa présence avec le rôle qui lui a été attribué et qui correspond bien en fait à sa personnalité telle qu'elle ressort du dossier, de président autoritaire connaissant toutes les affaires importantes de son tribunal, se targuant de régler les difficultés sérieuses ;
" alors que le délit de malversation incriminé par l'article 207 de la loi du 25 janvier 1985 consistant dans le fait pour une personne ayant participé à un titre quelconque à la procédure de redressement ou de liquidation d'une entreprise de se rendre acquéreur pour son compte directement ou indirectement des biens du débiteur ou de les utiliser à son profit, il s'ensuit que la complicité de cette infraction suppose, pour être caractérisée, la connaissance par le prévenu de cette participation de l'auteur principal à la procédure ce qui n'est aucunement constaté en l'espèce où la Cour ne s'est pas prononcée sur la question de savoir si Pierre B... savait que Bernard Z... avait siégé en qualité d'assesseur lors de la procédure d'ouverture ce que contestait précisément Pierre B... dans ses écritures, là encore délaissées par la Cour, et se référant aux déclarations du nommé Bernard Z... indiquant n'avoir jamais déclaré au président B... avoir siégé dans cette procédure " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction et répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a caractérisé en tous ses éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnel, la complicité du délit de malversation commis par Bernard Z... dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être accueillis ;
Sur le moyen unique de cassation proposé par Me Capron, en faveur de René K... et pris de la violation des articles 207, alinéa 2, de la loi du 25 janvier 1985, 121-7 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a condamné René K... à 15 mois d'emprisonnement avec sursis pour le délit prévu et réprimé par l'article 207, alinéa 2, de la loi du 25 janvier 1985 ;
" aux motifs qu'" il est (...) reproché à René K... de s'être rendu complice de l'infraction de malversation commise par Bernard Z..., dont il vient d'être démontré que l'ensemble des éléments constitutifs sont parfaitement établis ; qu'il convient donc de déterminer si René K... a, avec connaissance, aidé ou assisté Bernard Z... dans les faits qui ont préparé ou facilité l'infraction, ou dans ceux qui l'ont consommée en commettant des actes positifs (cf. arrêt attaqué, p. 18, 2° considérant) ; " que René K..., juge commissaire et président de chambre, qui apparaît particulièrement expérimenté, était le magistrat en charge du dossier de la SA Jules Zell ; que Bernard Z... avait, en conséquence, essentiellement besoin de son accord pour commettre la malversation en se portant acquéreur des biens du débiteur " (cf. arrêt attaqué, p. 18, 3° considérant) ; " qu'ainsi, le 8 juillet 1991, René K... a rendu l'ordonnance aux termes de laquelle le département électricité Zell était cédé à la société Martet-Mercier pour la somme de 170 650 francs ; que cette décision, d'une importance déterminante, a été prise de l'aveu même du prévenu, sans " aucun contrôle " sur le repreneur, le K bis n'ayant même pas été demandé ; qu'un tel comportement, de la part d'un magistrat expérimenté, ne peut manquer de surprendre, d'autant plus qu'à l'époque, la procédure Zell était la plus importante en cours devant le tribunal de commerce de Bobigny, et qu'aux dires de France Broos, juge consulaire au tribunal de commerce de Bobigny, les recherches sur le repreneur, notamment par le K bis, se faisaient antérieurement à la décision sur le plan de cession, ce K bis étant fourni soit par l'avocat du repreneur ou son représentant, soit par le mandataire de justice, et, à défaut, sollicité par le magistrat ", (cf. arrêt attaqué, p. 18, 4° considérant) ; " que, par ailleurs, Christian D..., président-directeur général de la société Martet-Mercier, ayant déclaré au magistrat instructeur que l'existence de Bernard Z... au sein de la société était un " secret de polichinelle ", que M. Y..., le contrôleur de gestion, missionné par l'administrateur, ne pouvait l'ignorer, et que Dominique I... le savait, il en résulte que René K..., saisi par requête de l'administrateur, ne pouvait pas ne pas être informé de la situation de Bernard Z..., lequel a, par ailleurs, toujours déclaré qu'il ne voulait pas que l'on ait pu penser qu'il menait une opération occulte ; que René K... apparaît plutôt avoir ainsi commis une négligence " volontaire " pour que l'attention ne soit pas officiellement appelée sur la situation de Bernard Z... ; qu'est ainsi établi le premier fait positif de complicité ayant permis de consommer l'infraction " (cf. arrêt attaqué, p. 18, 5° considérant) ; " que la formation juridictionnelle présidée par René K..., assisté des juges Michel F... et Yves X..., a, par décision du 23 juillet 1991, accordé à Bernard J... avec faculté de substitution le bénéfice de la cession des éléments d'actif de la société Zell et de ses filiales Battais, Etpm et Erpa, alors qu'il est établi, notamment par la déclaration de M. G..., que la procédure de faculté de substitution est " suffisamment rare pour rester de l'ordre de l'exceptionnel " (cf. arrêt attaqué, p. 18, 6° considérant, lequel s'achève p. 19) ;
" que René K... a reconnu, devant le magistrat instructeur, avoir été informé, dès le lendemain, par Bernard Z... de son intention de reprise des actifs Zell en substituant aussitôt J... ; qu'au lieu de s'opposer à une telle manoeuvre dont il connaissait le caractère frauduleux, en sa qualité de président de la chambre ayant rendu la décision susvisée et de magistrat indépendant et intègre, René K... a avoué avoir répondu à Bernard Z... qu'il devait obtenir l'autorisation du président B... et avoir participé, peu après, à une réunion dans le cabinet de ce dernier, qui a autorisé Bernard Z... à intervenir dans la procédure ", (cf. arrêt attaqué, p. 19, 1er considérant) ; " que, dès lors, il ne peut être sérieusement contesté que, tenu par la loi de veiller au bon déroulement de la procédure, René K..., par sa connaissance de l'intervention de Bernard Z... et par son accord à celle-ci, a permis la réalisation du délit de malversation ", (cf. arrêt attaqué, p. 19, 2° considérant) ;
" 1° alors que la complicité nécessite, pour être constituée, l'accomplissement d'un acte positif ; qu'en relevant, pour établir que René K... a été le complice de Bernard Z..., " qu'il apparaît plutôt avoir (...) commis une négligence " volontaire " pour que l'attention ne soit pas officiellement appelée sur la situation " de l'auteur principal, la cour d'appel, qui a déduit un motif dubitatif, et qui, par conséquent, ne justifie pas que René K... aurait commis un acte susceptible de caractériser sa complicité, a violé les textes susvisés ;
" 2° alors que les délibérations des juges sont secrètes ; qu'il s'ensuit qu'il n'est pas possible, lorsqu'une juridiction statue dans une formation collégiale, d'imputer la responsabilité du jugement à un des magistrats qui en ont délibéré, plutôt qu'à un autre ; qu'en relevant, pour établir que René K... a été le complice de Bernard Z..., qu'il a présidé la formation du tribunal de commerce de Bobigny qui, en arrêtant le plan de cession des actifs de la société Jules Zell, a permis l'infraction commise par Bernard Z..., la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" 3° alors que la complicité nécessite, pour être constituée, l'accomplissement d'un acte positif ; qu'en relevant, pour justifier que René K... a été le complice de Bernard Z..., que, postérieurement au jugement arrêtant le plan de cession de la société Jules Zell, René K..., loin de s'opposer au projet de Bernard Z..., lequel entendait se substituer au bénéficiaire du plan de cession, avait indiqué à celui-ci qu'il devait obtenir l'autorisation du président du tribunal de commerce de Bobigny, et qu'il avait participé à la réunion à l'issue de laquelle celui-ci avait approuvé la substitution projetée par Bernard Z..., la cour d'appel, qui se contredit quand, après avoir indiqué que René K... a renvoyé Bernard Z... à la décision du président du tribunal de commerce de Bobigny, elle énonce que René K... a approuvé l'initiative de Bernard Z..., a violé les textes susvisés " ;
Attendu que, pour déclarer René K... coupable de complicité de malversation, la cour d'appel relève que le prévenu, qui apparaît particulièrement expérimenté, était le magistrat en charge du dossier de la société Jules Zell dont Bernard Z... avait besoin de l'accord pour se porter acquéreur des biens du débiteur ; que les juges retiennent que, le 8 juillet 1991, il a rendu l'ordonnance aux termes de laquelle le département électricité de la société Jules Zell a été cédé à la société Martet-Mercier, dont le président a déclaré au juge d'instruction que la présence de Z... au sein de cette société était " un secret de polichinelle " ;
Que les juges relèvent, en outre, que la formation qu'il présidait a, par décision du 23 juillet 1991, accordé à Bernard J..., avec faculté de substitution, le bénéfice de la cession des éléments d'actif de la société Jules Zell et de ses filiales, et qu'ayant été informé, dès le lendemain, par Bernard Z..., de son intention de se substituer aussitôt à Bernard J..., René K..., au lieu de s'opposer à une telle manoeuvre dont il connaissait le caractère frauduleux, l'a invité à obtenir l'autorisation du président B... ;
Que les juges ajoutent que, " tenu par la loi de veiller au bon déroulement de la procédure, René K..., par sa connaissance de l'intervention de Bernard Z... et par son accord à celle-ci, a permis la réalisation du délit de malversation " ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors qu'en raison de ses fonctions de président de chambre au tribunal de commerce et de juge commissaire, le prévenu avait le pouvoir et le devoir de s'opposer à la reprise des actifs de la société Jules Zell et de ses filiales par Bernard Z..., la cour d'appel a caractérisé en tous ses éléments constitutifs la complicité de malversation dont elle l'a déclaré coupable ;
D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Mais sur le quatrième moyen de cassation, proposé par la société civile professionnelle Waquet, Farge et Hazan, en faveur de Dominique I... et pris de la violation des articles 112-1, 131-26, 408 ancien du Code pénal et 207 de la loi du 25 janvier 1985 :
" en ce que l'arrêt attaqué a prononcé à titre de peine complémentaire la privation, pour une durée de 3 ans, de tous les droits civiques, civils et de famille visés à l'article 131-26 du nouveau Code pénal ;
" alors que seules les peines légalement applicables à la date à laquelle les faits constitutifs de leur action ont été commis peuvent être prononcées ; que les faits reprochés ont été commis en 1991 ; que, dès lors, la cour d'appel ne pouvait condamner le prévenu à l'interdiction de représenter ou d'assister une partie en justice, visée au troisièmement de l'article 131-26 qui n'est entré en vigueur que le 1er mars 1994 et n'était pas visée dans l'énumération de l'article 42 du Code pénal ancien applicable à la date des faits ; que l'arrêt attaqué a ainsi violé les textes susvisés " ;
Et sur le cinquième moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Piwnica et Molinié, en faveur de Bernard Z... et pris de la violation des articles 112-1, 131-26 du Code pénal, 408 de l'ancien Code pénal, 207 de la loi du 25 janvier 1985 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que, après avoir déclaré le prévenu coupable du délit de malversation, l'arrêt confirmatif attaqué l'a condamné en répression à la peine de 2 ans d'emprisonnement assortie du sursis, à une amende de 1 000 000 de francs et, à titre de peine complémentaire, à l'interdiction de tous les droits énumérés à l'article 131-26 du nouveau Code pénal pour une durée de 5 ans ;
" alors que seules les peines légalement applicables à la date à laquelle les faits constitutifs d'une infraction ont été commis peuvent être prononcées ; que les faits reprochés ont été commis en 1991 et devaient être réprimés en application de l'ancien article 408 du Code pénal, de sorte que la cour d'appel ne pouvait condamner le prévenu à l'interdiction de tous les droits de l'article 131-26 du Code pénal nouveau parmi lesquels figure l'interdiction de représenter ou d'assister une partie en justice prévue au 3° de l'article qui n'est entré en vigueur que le 1er mars 1994 et n'était pas comprise dans l'énumération de l'article 42 du Code pénal ancien alors applicable, sans violer les textes susvisés " ;
Les moyens étant réunis ;
Vu l'article 112-1 du Code pénal ;
Attendu qu'aux termes de cet article, seules peuvent être prononcées les peines légalement applicables à la date à laquelle les faits constitutifs d'une infraction ont été commis ;
Attendu que Bernard Z..., déclaré coupable de malversation et Dominique I..., complice de ce délit commis courant 1991, ont été condamnés notamment à l'interdiction des droits civiques, civils et de famille, prévue par l'article 131-26 du Code pénal ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que la disposition de l'article 131-26. 3°, du Code précité, qui porte notamment sur le droit de représenter ou d'assister une partie devant la justice, n'est entré en vigueur que le 1er mars 1994 et que ce droit n'était pas compris dans ceux énumérés par l'article 42 du Code pénal alors applicable, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé ;
Que, dès lors, la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
I. Sur les pourvois formés par Jacques A..., mandataire du syndicat patronal ADECA, Pierre B... et René K... :
Les REJETTE ;
II. Sur les pourvois formés par Bernard Z... et Dominique I... :
CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 9e chambre, du 24 septembre 1997, en ses seules dispositions ayant prononcé contre Bernard Z... et Dominique I..., la privation du droit de représenter ou d'assister une partie devant la justice, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi.
Crim. 29 juin 1999 n° 98-85.043
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-neuf juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller GRAPINET et les conclusions de M. l'avocat général GERONIMI ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Lucien,
contre le jugement du tribunal de police de BRIOUDE, du 7 mai 1998, qui, pour plantations d'essences forestières irrégulières et refus d'exécution des travaux d'arrachage desdites plantations prescrits par l'autorité administrative, l'a condamné à deux amendes de 500 francs ;
Vu le mémoire personnel produit ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation de l'article 546, alinéa 4, du Code de procédure pénale
Attendu que les poursuites ayant été engagées sur citation du représentant du ministère public près le tribunal de police et non sur citation de l'administration des Eaux et Forêts, et le total des amendes prononcées contre le prévenu n'excédant pas le maximum de l'amende encourue pour les contraventions de la deuxième classe, le jugement attaqué a été qualifié, à bon droit, de jugement rendu en dernier ressort ;
Qu'il s'ensuit que le moyen ne peut être admis ;
Mais sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 6 et 9 du Code de procédure pénale et de l'article 1er de la loi d'amnistie du 3 août 1995 ;
Et sur le troisième moyen de cassation pris de la violation de l'article R. 126-6 du Code rural ;
Les moyens étant réunis ;
Vu l'article 112-1 du Code pénal ;
Attendu que la méconnaissance des prescriptions d'un arrêté réglementaire ou d'une injonction prise en application d'un tel arrêté cesse d'être punissable si ledit texte n'est plus en vigueur à la date de commission des faits reprochés ;
Attendu qu'il a été constaté par procès-verbal du 25 août 1995, que Lucien X... avait procédé à des semis ou plantations d'essences forestières en violation d'un arrêté préfectoral du 19 octobre 1986 ;
Qu'en vertu du même arrêté, le préfet l'a mis, le 13 mars 1996, en demeure de procéder, dans le délai d'un an, à la destruction desdites plantations ;
Attendu que, n'ayant pas procédé à l'arrachage dans le délai imparti, Lucien X... est poursuivi pour plantations non autorisées en zone réglementée et refus d'exécution de la mise en demeure de destruction desdites plantations ;
Attendu que le jugement attaqué le déclare coupable de ces deux contraventions ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'arrêté préfectoral du 19 octobre 1986, dont l'effet était limité à une période de deux ans à compter de sa publication, en vertu de l'article 3 bis du décret modifié du 13 juin 1961, alors applicable, n'était plus en vigueur à la date des faits poursuivis, le tribunal a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;
Qu'il s'ensuit que la cassation est encourue ; qu'elle aura lieu sans renvoi ;
Par ces motifs ;
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions le jugement susvisé du tribunal de police de Brioude, en date du 7 mai 1998 ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe du tribunal de police de Brioude et sa mention en marge ou à la suite du jugement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Gomez président, M. Grapinet conseiller rapporteur, MM. Roman, Mistral, Blondet, Ruyssen, Mme Mazars conseillers de la chambre, Mmes Ferrari, Agostini conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Géronimi ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre
Crim. 29 juin 1999 n° 98-85.788
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- A... Richard,
- LA COMPAGNIE LES ASSURANCES GENERALES DE FRANCE, partie intervenante,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, chambre correctionnelle, en date du 6 février 1998, qui, dans la procédure suivie contre le premier du chef d'homicide involontaire, a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 18 mai 1999 où étaient présents dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Gomez président, M. Grapinet conseiller rapporteur, M. Roman conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. de Gouttes ;
Greffier de chambre : Mme Ely ;
Sur le rapport de M. le conseiller GRAPINET, les observations de Me VUITTON, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général de GOUTTES ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 513, 520, 460, 591 et 593 du Code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense ;
"en ce qu'il résulte des mentions de l'arrêt que le ministère public a eu la parole le dernier ;
"alors que, aux termes de l'article 513, alinéa 4, du Code de procédure pénale, le prévenu ou son avocat auront toujours la parole les derniers ; qu'il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que le ministère public a été entendu le dernier en ses réquisitions ;
qu'en procédant ainsi, la cour d'appel n'a pas satisfait aux dispositions du texte précité ; que la méconnaissance de cette formalité substantielle porte nécessairement atteinte aux intérêts du prévenu" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que le jugement du 15 février 1996 déféré à la juridiction du second degré sur l'appel tant de la partie civile que du prévenu et de son assureur, a été rendu sur les seules dispositions concernant la réparation du préjudice économique des ayants droit de la victime directe de l'accident ; que l'action publique se trouvant éteinte en raison du caractère définitif des dispositions pénales du jugement du 14 mars 1994 ayant prononcé sur l'action publique et la réparation des préjudices moraux, Richard A... ne comparaissait devant la cour d'appel qu'en qualité d'appelant et d'intimé sur les seuls intérêts civils ;
Qu'ainsi, même en supposant, comme l'affirment les demandeurs, que la parole n'ait pas été donnée en dernier lieu à Richard A... ou à son avocat, lors des débats ayant eu lieu le 16 janvier 1998, la cour d'appel n'a pas méconnu les dispositions de l'article 513, alinéa 4, du Code de procédure pénale, ce texte, en application de l'alinéa précédent, laissant au président, en présence de plusieurs parties appelantes ou intimées, le soin de fixer l'ordre des débats ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du Code civil, 2, 3 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt confirmatif a condamné in solidum Richard A... et son assureur à verser à Christine Y..., veuve X..., agissant à titre personnel, la somme de 577 130,53 francs en réparation de son préjudice économique personnel à la suite du décès de son époux ;
"aux motifs adoptés que l'avis d'imposition de l'année 1993 doit être pris en considération, qui fait ressortir un revenu annuel de 82 342 francs pour la victime et de 23 694 francs pour son épouse ; que pour la veuve, compte tenu d'un prix de franc de rente de 12 013, c'est donc une somme de 49 405,12 francs x 12 soit 593 504,66 francs qui doit lui revenir, à laquelle il faut ajouter les frais funéraires et retrancher le capital décès versé par l'organisme social, soit un solde réel de 577 130,53 francs ;
"aux motifs propres que c'est à juste titre que le premier juge a calculé le préjudice économique personnel de la veuve en appliquant le taux de 60 %, non contesté par le demandeur, aux revenus nets du mari et a, aux termes d'un calcul qui n'appelle pas de critique, fixé le montant du préjudice économique personnel de la veuve à la somme de 577 130,53 francs ;
"alors que, si les juges du fond apprécient souverainement le préjudice causé par l'infraction, il ne saurait en résulter pour la victime et ses ayants droit ni perte ni profit ; que, dès lors, la cour d'appel, qui a fixé le préjudice économique personnel de la veuve en prenant en considération les seuls revenus de l'époux décédé, sans qu'il soit contesté que les revenus de la veuve ajoutés à ceux du mari aient profité aux deux époux, comme le soulignaient les appelants dans leurs conclusions, a violé les textes visés aux moyens" ;
Vu l' article 1382 du Code civil ;
Attendu que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ;
Attendu qu'appelée à statuer sur les conséquences dommageables d'un accident de chasse ayant entraîné la mort de Gilbert X... et dont Richard A..., déclaré coupable d'homicide involontaire, a été déclaré tenu à réparation intégrale, la juridiction du second degré était saisie de conclusions de ce dernier et de son assureur, la compagnie les Assurances Générales de France lui demandant de dire que, par leur appel limité au seul préjudice économique de Christine X..., veuve de la victime, résultant, pour celle-ci, du décès de son mari, il convenait de déterminer ce préjudice en tenant compte des revenus globaux du ménage et non point, ainsi que cela résultait des modalités de calcul mise en oeuvre par le premier juge, des seuls revenus professionnels du mari décédé ;
Attendu qu'en réponse à cette demande, l'arrêt attaqué, alors que le montant du prix de franc de rente viagère utilisé par le juge, soit 12,013, n'avait pas été discuté, énonce que "c'est à juste titre que le premier juge a calculé le préjudice économique personnel de la veuve en appliquant le taux de 60 %, non contesté par le demandeur, aux revenus nets du mari et a fixé le montant du préjudice économique personnel de la veuve à la somme de 577 130,53 francs" ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que le préjudice économique de la partie civile consécutif à la mort de son mari ne pouvait être établi que par référence aux revenus globaux antérieurs cumulés du couple, dès lors qu'il n'a pas été contesté que les deux époux contribuaient aux besoins du ménage, la cour d'appel a méconnu le texte et le principe ci-dessus rappelés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs,
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, en date du 6 février 1998, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Montpellier, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, sa mention en marge où à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-neuf juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;
Com. 29 juin 1999 n° 96-16.860
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) des Côtes-d'Armor, dont le siège est La Croix Tual, ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 11 avril 1996 par la cour d'appel de Rennes (1re chambre B), au profit de la société SOFI, société à responsabilité limitée, dont le siège est ...,
défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 18 mai 1999, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Leclercq, conseiller rapporteur, MM. Nicot, Léonnet, Poullain, Métivet, Mme Garnier, conseillers, M. Huglo, Mme Mouillard, M. Boinot, Mmes Champalaune, Gueguen, conseillers référendaires, M. Jobard, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Leclercq, conseiller, les observations de Me Blondel, avocat de la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) des Côtes-d'Armor, de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de la société SOFI, les conclusions de M. Jobard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la Caisse régionale de Crédit agricole des Côtes-d'Armor (la banque) a reçu la somme de 500 000 francs de la société SOFI en vue d'une augmentation de capital ;
que cette somme a, d'abord, été versée à un compte d'affectation spéciale, puis quelques jours plus tard a été virée sur le compte courant de la société Boivalor ; que celle-ci ayant déposé son bilan, quelques semaines plus tard, et l'augmentation projetée de son capital n'ayant pas été réalisée, la société SOFI a fait assigner la banque en remboursement de la somme versée et à des dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que la banque fait grief à l'arrêt de sa condamnation à restitution, alors, selon le pourvoi, d'une part, que nulle disposition légale n'impose à une banque de s'assurer que le projet d'augmentation de capital a lieu et que, selon l'article 61, alinéa 2, de la loi du 24 juillet 1966, dans sa rédaction applicable au litige, le retrait des fonds provenant des souscriptions peut être effectué par le mandataire de la société trois jours francs après leur dépôt sans que le banquier ait l'obligation d'informer le souscripteur de ce retrait ou d'obtenir son accord ; qu'en statuant dès lors comme elle le fait, en faisant peser sur le banquier des obligations n'ayant aucune source légale ou contractuelle et sans constater l'existence d'un usage en ce sens, la cour d'appel viole l'article précité, ensemble l'article 1382 du Code civil ; alors, d'autre part, que la cour d'appel ne pouvait affirmer que la banque avait agi dans son intérêt et à son seul profit pour combler partiellement le découvert de la société Boivalor, cependant que dans ses conclusions du 26 septembre 1994, la banque faisait valoir que par arrêt du 11 avril 1991 la chambre d'accusation de la cour d'appel de Rennes avait estimé que le Crédit agricole n'avait tiré aucun profit de l'opération ; qu'en effet, la chambre d'accusation avait retenu "que le bénéficiaire des fonds a bien été la société qui a pu ainsi assurer ses échéances de septembre et non pas la banque puisque durant cette même période, représentant des créanciers de la société Boivalor, on ne note pas de réduction sensible du découvert bancaire consenti à la société" ; d'où il suit qu'en statuant comme elle le fait, la cour d'appel méconnaît l'autorité s'attachant à ces constatations et appréciations et partant viole l'article 4 du Code de procédure pénale ; et alors, enfin, que le juge doit se prononcer à partir de certitudes sans pouvoir extrapoler ; que la cour d'appel constate que le virement litigieux a été effectué le 8 septembre, à la suite d'un entretien téléphonique entre le représentant de la société Boivalor et la banque ;
qu'elle constate encore que le 10 septembre la banque a eu connaissance de l'existence des pertes de la société Boivalor ; qu'en affirmant dès lors que la banque avait connaissance de la situation de la société Boivalor antérieurement au 10 septembre au motif péremptoire qu'au cours de l'entretien téléphonique antérieur à cette date " la situation de la société n'a pu qu'être évoquée", sans que cette affirmation au contenu imprécis soit étayée par le moindre élément de preuve, la cour d'appel ne justifie pas légalement son arrêt au regard de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que, selon l'arrêt, la banque, bien qu'informée de la destination des fonds, les a débloqués peu après leur dépôt en compte d'affectation spéciale sans s'assurer de la réalisation de l'augmentation de capital pour laquelle elle les avait reçus ;
qu'ainsi il a caractérisé la faute de la banque, indépendamment du motif visé par la troisième branche du moyen ;
Attendu, en second lieu, que la décision de non-lieu évoquée à la deuxième branche du moyen n'ayant pas autorité de chose jugée, le grief est inopérant ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Mais sur le second moyen, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 1382 du Code civil ;
Attendu que l'arrêt condamne la banque pour résistance abusive, à payer des dommages-intérêts pour un montant de 30 000 francs ;
Attendu qu'en statuant ainsi, sans caractériser la faute de la banque dans l'exercice de son droit d'ester en justice, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Crim. 29 juin 1999 n° 98-85.243
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-neuf juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller MAZARS, les observations de la société civile professionnelle GUIGUET, BACHELLIER et de la VARDE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GERONIMI ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Yves,
contre l'arrêt de la cour d'appel de RENNES, 3ème chambre, du 4 juin 1998, qui, pour infraction au Code de l'urbanisme, l'a condamné à 8 000 francs d'amende et a ordonné, sous astreinte, la mise en conformité de l'ouvrage ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 422-2, L. 480-4 et suivants du Code de l'urbanisme, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce qu'Yves X... a été déclaré coupable d'avoir exécuté des travaux en violation des lois et règlements ;
"aux motifs qu'Yves X... soutient que la notification de l'arrêté du 22 juin 1995 a été faite hors délai puisqu'intervenue le 26 juin 1995 alors que le maire aurait dû notifier sa décision au plus tard le 25 juin 1995 dès lors que le délai d'instruction est d'un mois, que les documents nécessaires ont été réceptionnés le 25 mai 1995, point de départ du délai d'un mois et que le maire n'avait pas à consulter l'architecte des Bâtiments de France et, par conséquent, à proroger au 25 juillet le délai d'instruction de la demande ; que la réalisation de garde-corps en aluminium, à l'encontre de l'interdiction prise par l'arrêté municipal du 22 juin 1995 imposant un matériau accompagnant l'architecture d'origine du bâtiment, constitue une infraction à l'article L. 422-2 du Code de l'urbanisme quelle que soit la date de notification de cette interdiction dès lors que ces garde-corps ont été réalisés postérieurement à cette notification et en tout cas au cours du délai d'instruction de la demande, avant l'expiration du délai prévu par l'article L. 422-2 du Code de l'urbanisme et alors que le maire avait manifesté son désaccord avec l'utilisation de ce matériau ;
"alors que la notification d'une opposition à une déclaration de travaux au-delà du délai d'instruction de celle-ci constitue le retrait d'une décision tacite de non-opposition ; qu'en jugeant que la réalisation de travaux en méconnaissance de la décision d'opposition constituait une infraction à l'article L. 422-2 du Code de l'urbanisme quelle que soit la date de notification de celle-ci bien que l'exécution de travaux malgré le retrait d'une décision tacite de non-opposition constitue une infraction différente de celle que constitue l'exécution de travaux au mépris d'une décision d'opposition à une déclaration de travaux, la cour d'appel a violé les textes ci-dessus mentionnés ;
"et alors qu'en s'abstenant de réfuter le moyen de défense du prévenu suivant lequel la consultation de l'architecte des Bâtiments de France à laquelle le maire d'Etel avait estimé devoir procéder sans y être obligé par une disposition législative ou réglementaire n'avait pu avoir pour effet de prolonger le délai d'instruction de la déclaration de travaux, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de Cassation, du fait de ce défaut de motifs, en mesure d'exercer son contrôle de la nature de la décision à laquelle le prévenu aurait contrevenu, n'a pas donné de base légale à sa décision" ;
Attendu qu'il ne résulte pas des mentions du jugement que le demandeur, qui a comparu devant le tribunal correctionnel, ait soulevé devant cette juridiction, avant toute défense au fond, l'exception préjudicielle tirée de l'illégalité de la prolongation du délai d'instruction de la déclaration préalable de travaux qu'il a invoquée par des conclusions déposées devant la juridiction du second degré ;
Que, si la cour d'appel a cru, à tort, devoir y répondre, le moyen, qui reprend cette exception devant la Cour de Cassation, est irrecevable par application de l'article 386 du Code de procédure pénale ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 480-4 et 480-5 du Code de l'urbanisme, 520 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce qu'Yves X... a été condamné à remettre l'immeuble en son état antérieur ;
"alors qu'il résulte des dispositions de l'article L. 480-5 du Code de l'urbanisme, qu'en cas de condamnation pour une infraction prévue par l'article L. 480-4 du même Code, la juridiction correctionnelle statue sur la démolition de l'ouvrage au vu des observations écrites ou après audition du maire ou du fonctionnaire compétent ; qu'aucune mention de l'arrêt qui a ordonné la démolition de l'ouvrage ni du jugement, n'établit que le maire, compétent en l'espèce, ait été entendu ou appelé à fournir ses observations écrites, formalité à laquelle ne sauraient suppléer les observations sur l'affaire adressées au procureur de la République par le préfet du Morbihan avant la saisine du tribunal correctionnel" ;
Attendu qu'il résulte des pièces de procédure que le préfet a adressé au procureur de la République ses observations écrites qui ont été jointes à la procédure et au vu desquelles la juridiction d'appel a ordonné la mise en conformité des ouvrages ;
Attendu qu'en cet état, l'arrêt attaqué, loin de méconnaître les dispositions de l'article L. 480-5 du Code de l'urbanisme, en a fait l'exacte application ;
Qu'en effet, ce texte, s'il exige l'audition du maire ou du fonctionnaire compétent, n'implique pas que, lorsque l'autorisation de travaux relève de la compétence du maire, celui-ci soit seul habilité, à l'exclusion du préfet, à fournir son avis sur les mesures de remise en état prévues par la loi ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Gomez président, Mme Mazars conseiller rapporteur, M. Roman conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. Géronimi ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;
Crim. 29 juin 1999 n° 98-83.960
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Jean-Pierre,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7ème chambre, du 10 mars 1998, qui, pour infraction au Code de l'urbanisme, l'a condamné à 50 000 francs d'amende et a ordonné, sous astreinte, la remise en état des lieux ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 18 mai 1999 où étaient présents dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Gomez président, M. Mistral conseiller rapporteur, M. Roman conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. de Gouttes ;
Greffier de chambre : Mme Ely ;
Sur le rapport de M. le conseiller MISTRAL, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général de GOUTTES ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 421-1, L. 422-2, L. 441-2 et L. 480-4 du Code de l'urbanisme, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le demandeur coupable de non-déclaration de travaux non soumis à l'obtention du permis de construire ;
"aux motifs que, le 1er février 1993, à Saint-Jean Cap Ferrat, un agent assermenté de la Direction départementale de l'Equipement a constaté par procès-verbal qu'avait été édifiée sur la propriété du prévenu, une clôture d'environ 77 mètres sans autorisation administrative préalable et qu'il est constant que le prévenu n'a déposé aucune demande préalable auprès des autorités administratives compétentes avant de procéder à l'édification de sa clôture ;
"alors qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 422-2 et L. 441-2 du Code de l'urbanisme dans leur rédaction issue de la loi du 6 janvier 1986, que l'édification de clôtures est soumise au régime de la déclaration préalable et non de l'autorisation et que, dès lors, l'arrêt attaqué encourt la censure pour violation de la loi" ;
Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable d'exécution de travaux sans déclaration préalable, la juridiction du second degré relève qu'il a ainsi installé, en limite d'une propriété lui appartenant, une clôture "sans autorisation administrative préalable" ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, et dès lors que, selon l'article L. 422-3 du Code de l'urbanisme, la déclaration préalable prévue pour de tels travaux vaut autorisation, à défaut d'opposition du maire dans le délai d'un mois, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 480-5, L. 480-7 et L. 480-13 du Code de l'urbanisme ;
"en ce que l'arrêt attaqué a ordonné la remise en état des lieux dans un délai de six mois sous astreinte de 400 francs par jour de retard ;
"alors qu'il résulte des dispositions de l'article L. 480-13 du Code de l'urbanisme que, lorsqu'une construction soumise à déclaration préalable a été irrégulièrement édifiée comme n'ayant pas fait l'objet d'une déclaration auprès du maire de la commune avant le commencement des travaux, le dépôt ultérieur d'une demande régulière non suivie d'opposition dans le délai d'un mois à compter de sa réception, fait obstacle à une mesure de démolition ou de remise en état des lieux ordonnée par le juge correctionnel, quand même cette régularisation serait intervenue alors que l'affaire était pendante devant la Cour de Cassation ; qu'il résulte des pièces produites par Jean-Pierre X... qu'une déclaration régulière de travaux a été enregistrée par le maire de la commune de Saint-Jean-Cap Ferrat le 8 juin 1998 et qu'aucune opposition n'ayant été formée par l'autorité compétente à la date du 6 juillet 1998, la Cour de Cassation est en mesure de casser la décision attaquée et d'appliquer directement la règle de droit en application de l'article L. 131-5 du Code de l'organisation judiciaire" ;
Vu les articles L. 480-5 et L. 480-13 du Code de l'urbanisme ;
Attendu qu'il résulte de ces textes que, lorsqu'une construction a été irrégulièrement édifiée sans autorisation, la délivrance ultérieure d'une autorisation tacite, si elle ne fait pas disparaître l'infraction consommée, fait obstacle à une mesure de démolition ou de remise en état des lieux tant qu'elle n'a pas été annulée ;
Attendu qu'après avoir déclaré Jean-Pierre X... coupable de l'infraction reprochée, la cour d'appel a ordonné, sous astreinte, la remise en état des lieux ;
Attendu que, depuis l'arrêt attaqué, Jean-Pierre X... a effectué une déclaration de travaux qui n'a fait l'objet d'aucune opposition dans le délai prévu par l'article L. 422-3 du Code de l'urbanisme ;
D'où il suit que la cassation est encourue ; qu'elle aura lieu par voie de retranchement et sans renvoi, la Cour de Cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit, ainsi que le permet l'article L. 131-5 du Code de l'organisation judiciaire, et de mettre fin au litige ;
Par ces motifs,
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, du 10 mars 1998, mais en ses seules dispositions relatives à la remise en état des lieux, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et attendu qu'il ne reste rien à juger ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-neuf juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;
Crim. 29 juin 1999 n° 98-81.174 B n° 159
REJET du pourvoi formé par :
- X... Daniel, Y... Marie-Claude, agissant en qualité d'aministrateur légal de son fils mineur Antoine Z..., A... Michel, B... Bruno, C... Claudine, D... Claude, E... Patrick, F... Pascal, F... Xavier, G... Joseph, H... Frédéric, I... Marcel, parties civiles,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, chambre correctionnelle, en date du 18 décembre 1997, qui les a déboutés de leurs demandes, après relaxe de Georges J... du chef d'infractions à la législation sur le démarchage.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 121-23 à L. 121-28 du Code de la consommation et notamment violation de l'article L. 121-22. 4° dudit Code, ensemble méconnaissance des exigences de l'article 593 du Code de procédure pénale, violation de l'article 1382 du Code civil :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a renvoyé le prévenu des fins des poursuites ;
" aux motifs que la société Rayconile dont Georges J... est gérant, pratique la publicité par édition de protège-annuaires, laquelle consiste à éditer des étuis plastiques sur lesquels sont imprimés des encarts publicitaires et qui sont envoyés à un nombre déterminé d'abonnés au téléphone selon une certaine périodicité ; que pour placer son produit auprès des artisans et commerçants annonceurs, elle les fait démarcher par ses représentants qui leur proposent un contrat précisant le coût de la publicité, ses modalités, le nombre d'envois prévus, les cantons dans lesquels ils seront envoyés ; que ces contrats ne comportent ni la mention d'une faculté de renonciation et donnent lieu à paiement avant l'expiration du délai de 7 jours ; que 12 commerçants ou artisans du canton de Fouesnant ayant souscrit de tels contrats ont soulevé leur nullité pour non-respect de la réglementation sur le démarchage à domicile ; que Georges J... conclut à sa relaxe en faisant valoir :
1° que ces contrats ont été souscrits par des professionnels pour développer leur activité commerciale et sont exclus du champ d'application de la loi du 22 décembre 1972 ;
2° que la jurisprudence dominante s'est prononcée en faveur de cette exclusion ;
3° que la loi ne s'applique pas lorsque la finalité de l'opération est la recherche du bénéfice et l'extension de l'activité commerciale ;
" et aux motifs encore, qu'il résulte des dispositions de l'article L. 122-22, alinéa 4, du Code de la consommation que ne sont pas soumises aux dispositions des articles L. 121-23 à L. 121-28 les ventes, locations ou locations-ventes de biens ou les prestations de service lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ou de toute autre profession ; que les plaignants exerçaient la profession de : menuisier-charpentier, boucher-charcutier, taxi, marbrier, électricien, coiffeur, ambulancier ou toiletteur pour chiens ; qu'ils ont acheté un espace publicitaire en rapport direct avec leur profession sur le protège-annuaire édité par la société Rayconile afin de faire connaître et de développer leur activité commerciale ou artisanale, d'accroître leur clientèle auprès des lecteurs ou utilisateurs de ces couvertures d'annuaires téléphoniques et d'accroître par ce biais leur marge bénéficiaire ; que ce faisant ils ont souscrit un contrat de publicité destiné à promouvoir et développer leur activité professionnelle ou artisanale et en rapport direct avec celle-ci, en sorte que ces contrats ne sont pas soumis aux dispositions des articles L. 121-23 à L. 121-28 du Code de la consommation et que Georges J..., par voie de conséquence, sera renvoyé des fins des poursuites ;
" alors qu'il ressort de l'article L. 121-22. 4° du Code de la consommation que ne sont pas soumises aux dispositions des articles L. 121-23 à L. 121-29 notamment les prestations de service lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation industrielle, commerciale ou artisanale ou de toute autre profession ; que l'exclusion ne peut s'appliquer que dans le cadre de la compétence professionnelle, spécialement de l'artisan et du commerçant, si bien que le rapport direct doit être nécessaire ou pertinent ; qu'il ressort du dossier et notamment des constatations des premiers juges dont le jugement a été infirmé, que l'ensemble des plaignants sont des commerçants ou des artisans dont le budget publicitaire est peu important, que leur seule qualité de commerçant ou d'artisan ne leur confère aucune compétence particulière pour apprécier la publicité spécifique qui leur était proposée par la société Rayconile ayant pour gérant le prévenu ; qu'en l'état de ces données, la Cour n'a pu, sans violer les textes visés au moyen, affirmer que les contrats en cause n'étaient pas soumis aux dispositions des articles L. 121-23 à L. 121-28 du Code de la consommation à partir du moment où les contrats de publicité souscrits étaient destinés à promouvoir et développer les activités professionnelles ou artisanales des plaignants en rapport direct avec leurs professions respectives " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la société Rayconile propose à des clients, qu'elle fait démarcher sur les lieux de leur activité professionnelle, un contrat de publicité consistant en l'insertion d'encarts imprimés sur un protège-annuaire diffusé localement ; que les 12 parties civiles demanderesses, artisans et commerçants, ont fait citer devant le tribunal correctionnel Georges J..., gérant de cette société, pour infractions à la législation sur le démarchage ;
Attendu que le prévenu a opposé que les contrats souscrits par les parties civiles étaient exclus du champ d'application des articles L. 121-21 et suivants du Code de la consommation sur le démarchage ; que les premiers juges, après avoir écarté ce moyen de défense, l'ont déclaré coupable des faits poursuivis ;
Attendu que, pour infirmer le jugement et relaxer le prévenu, la cour d'appel retient que les demandeurs ont passé le contrat de prestation de service publicitaire afin de faire connaître leur activité commerciale ou artisanale, accroître leur clientèle auprès des utilisateurs des couvertures d'annuaires téléphoniques et augmenter leur marge bénéficiaire ; que chacun des contrats, destiné à promouvoir et développer leur activité professionnelle, est ainsi en rapport direct avec celle-ci ;
Que les juges d'appel en concluent que, par application des dispositions de l'article L. 121-22. 4° du Code de la consommation, ces contrats ne sont pas soumis à la législation sur le démarchage ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel qui a souverainement apprécié le rapport direct entre la prestation de service proposée et l'activité professionnelle exercée par le souscripteur du contrat, a justifié sa décision au regard du texte précité ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.
Crim. 29 juin 1999 n° 98-85.621
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-neuf juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller MISTRAL, les observations de la société civile professionnelle Jean-Pierre GHESTIN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GERONIMI ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Jacques,
contre l'arrêt de la cour d'appel de COLMAR, chambre correctionnelle, en date du 8 avril 1998, qui, pour construction sans permis, l'a condamné à 50 000 francs d'amende et a ordonné, sous astreinte, la mise en conformité des lieux ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 480-4 et L. 480-5 du Code de l'urbanisme et de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a ordonné la remise en état des lieux dans le délai d'un mois à compter du jour où la décision est devenue définitive ;
"aux motifs qu'informé du renvoi de l'affaire et de la présente audience pour qu'il fasse ses observations en application de l'article L. 480-5 du Code de l'urbanisme, le maire d'Illzach a adressé un rapport de sa police municipale dans des formes analogues à la dénonciation initiale de l'irrégularité de la situation ;
qu'en conséquence, ce rapport d'un service placé sous l'autorité exclusive du maire et donc avec son approbation, équivaut à l'avis exigé par l'article L. 480-5 du Code de l'urbanisme comme préalable formel à toute décision sur la mise en conformité (arrêt attaqué page 4, alinéas 6, 7) ;
"1 ) alors que la remise des lieux en l'état ne peut être ordonnée qu'au vu des observations écrites ou après audition du maire ou du fonctionnaire compétent ; qu'un service de police municipale n'est pas habilité à représenter le maire et à exprimer en son nom un avis sur la mise en conformité des lieux ; que l'arrêt attaqué a néanmoins considéré que le rapport dressé par le service de police municipale de la commune d'Alsace était équivalent à l'avis du maire ou du fonctionnaire compétent ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
"2 ) alors que les observations écrites ou orales du maire ou du fonctionnaire compétent doivent porter sur la mesure de remise en conformité des lieux ou de démolition ; qu'en se bornant à relever que le maire de la commune d'Alsace avait adressé un rapport de sa police municipale sans préciser la teneur de ce rapport, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés" ;
Vu l'article L. 480-5 du Code de l'urbanisme ;
Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article susvisé qu'en cas de condamnation pour une infraction prévue par l'article L. 480-4 du même Code, la juridiction correctionnelle statue sur la mise en conformité de l'ouvrage, la démolition ou le rétablissement des lieux en leur état antérieur, au vu des observations écrites ou après audition du maire ou du fonctionnaire compétent ;
Attendu que la cour d'appel a ordonné la mise en conformité des lieux ;
Mais attendu qu'aucune mention de l'arrêt ou du jugement n'établit que le maire, le préfet ou son représentant aient été entendus ou appelés à fournir leurs observations écrites ; qu'ainsi, et alors qu'un rapport de police municipale ne saurait suppléer à cette formalité, a été méconnue une prescription essentielle dont l'inobservation a porté atteinte aux intérêts de la personne poursuivie ;
Que la cassation est, dès lors, encourue de ce chef ;
Par ces motifs,
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Colmar, du 8 avril 1998, mais seulement en ce qu'il a ordonné la remise en conformité des lieux, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi intervenue ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Metz, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Colmar, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Gomez président, M. Mistral conseiller rapporteur, M. Roman conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. Géronimi ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;
Crim. 29 juin 1999 n° 98-82.040
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-neuf juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller MISTRAL, les observations de la société civile professionnelle ROUVIERE et BOUTET, et de Me Le PRADO, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GERONIMI ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Y... Serge, partie civile,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de BORDEAUX, en date du 17 mars 1998, qui, dans la procédure suivie sur sa plainte contre Michel X... pour établissement d'une attestation inexacte, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction ;
Vu les mémoires produits en demande, en défense et en réplique ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 441-7, 441-10 du Code pénal, 161, alinéa 4-1 , de l'ancien Code pénal, 485, 575, alinéa 2-6 , 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de réponse à conclusions, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance du 20 janvier 1997 disant n'y avoir lieu à poursuivre Michel X... du chef d'établissement d'une fausse attestation ;
"aux motifs que le document établi le 13 novembre 1992 et signé parle professeur X... indiquait : "... M. Y... a manifesté un comportement inadapté au plan des relations verbales et de son attitude psychologique auprès de sa femme..." et aussi : "jusqu'au transfert au centre spécialisé de Château Rauzé de Mme A..., les visites de son époux se sont espacées et ont même spontanément cessé à partir du mois de mars 1990" ; qu'interrogé par le juge d'instruction sur la nature de son préjudice, Serge Y... indiquait que cette attestation avait "joué un rôle dans son divorce" ; que l'information permettait toutefois d'établir que cette pièce n'avait pas été produite dans le cadre de la procédure en divorce ; que Serge Y... supposait cependant que ce certificat avait été communiqué par le professeur X..., en son temps, au juge des tutelles ; que ce dernier expliquait qu'il n'en avait rien été et qu'il avait établi ce document à l'intention du docteur Z... et à la demande de celle-ci ; qu'il s'agissait de l'informer de la situation de la patiente hospitalisée dans son service, et dans l'intérêt de cette dernière ;
que, sur le contenu de l'écrit, il maintenait que "M. Y... a manifesté un comportement inadapté au plan des relations verbales et de son attitude psychologique auprès de sa femme, de l'ensemble du personnel soignant et des autres membres de la famille, entretenant des relations d'hostilité permanente, en contradiction avec la conduite appropriée du traitement" ; qu'il admettait en revanche que son attestation comportait des erreurs de dates, involontaires (14 mars 1990 au lieu de juin 1990 et 5 décembre 1990 au lieu de mars 1990) ; qu'il expliquait ces erreurs par le fait qu'il n'avait pas repris les fiches de situation de Marie-Christine Y... pour vérifier, affirmant que ces erreurs étaient involontaires ; que le professeur X... contestait tout caractère d'inexactitude aux faits relatés dans le certificat incriminé ; qu'il confirmait avoir décidé l'interdiction des visites de Serge Y... pendant plusieurs semaines avec l'accord du juge des tutelles ; que l'information a permis de vérifier la matérialité de cette interdiction ; que Serge Y... conclut à la réformation de l'ordonnance de non-lieu et au renvoi de Michel X... devant le tribunal correctionnel ; que ce dernier, mis en examen, conclut à la confirmation de l'ordonnance de non-lieu ; qu'à l'exception des erreurs de date reconnues par Michel X... et qui n'altèrent pas le fond du contenu de l'attestation, l'information n'a pas permis d'établir que les faits relatés dans le document incriminé constituaient des faits matériellement inexacts, ceux-ci ayant été par ailleurs confirmés par le docteur Z... ; qu'en conséquence, l'ordonnance de non-lieu est fondée en fait et en droit ;
"alors, d'une part, que l'arrêt qui est la reproduction littérale du réquisitoire du procureur général ne satisfait pas aux conditions essentielles de son existence légale, ce qui rend le pourvoi recevable dès lors qu'il n'est pas répondu aux articulations essentielles du mémoire régulièrement déposé faisant valoir que l'attestation établie par le professeur X..., dans le cadre de la procédure disciplinaire engagée à l'encontre du docteur Z..., avait été avec celle de cette dernière le fondement de la procédure de divorce (mémoire page 5 3) et que le professeur X... avait fait des déclarations mensongères, le docteur Y... démontrant ne jamais avoir cessé de voir son épouse ou même avoir espacé ses visites, éléments desquels il résultait que l'attestation litigieuse avait été sciemment établie par le professeur X... à l'encontre du docteur Y... à la suite de la plainte déposée par ce dernier contre le docteur Z... ; qu'ainsi, l'arrêt n'est pas légalement justifié ;
"alors, d'autre part, que la chambre d'accusation ne pouvait considérer que les erreurs de date reconnues par le professeur X... n'altéraient pas le fond du contenu de l'attestation litigieuse dès lors que le docteur Y... faisait valoir dans son mémoire régulièrement déposé, justificatifs à l'appui, qu'il avait régulièrement rendu visite à son épouse en respectant les règles imposées par le professeur X... et ce jusqu'au mois de décembre 1990, date à laquelle celle-ci avait quitté le centre de rééducation ; qu'il en résultait que les déclarations relatives au rythme des visites et à leur cessation spontanée avaient un sens totalement différent selon que l'on se plaçait en mars ou en décembre 1990 ; qu'en effet, dans le premier cas, il se serait agi d'une décision délibérée du docteur Y... de ne plus voir sa femme, ce qui n'était plus le cas dans le second puisque la malade avait quitté le centre de rééducation ; qu'ainsi, la chambre d'accusation n'a pas légalement justifié sa décision ;
"alors, encore, que la chambre d'accusation ne pouvait admettre que les erreurs de date reconnues par le professeur X... étaient involontaires dès lors qu'il résultait des éléments du débat que l'attestation litigieuse n'avait été établie que pour fournir au docteur Z... un témoignage lui permettant de se défendre dans le cadre de la plainte déposée contre elle par le docteur Y... auprès de l'Ordre des médecins ; que le document litigieux n'était pas un bilan d'hospitalisation comme le prétendait encore le professeur X..., document établi deux ans après le départ de Marie-Christine Y... du centre de rééducation ; tous ces éléments de fait, partie intégrante du débat, ne pouvaient être méconnus par la juridiction d'instruction qui a refusé de tirer les conséquences légales en découlant ; qu'ainsi et à nouveau, l'arrêt ne satisfait pas aux conditions essentielles de son existence légale, ce qui rend le pourvoi recevable et fondé ;
"alors, enfin, que la chambre d'accusation ne pouvait, sans violer les textes visés au moyen, affirmer que les faits relatés dans le document litigieux avaient été confirmés par le docteur Z..., celle-ci ayant, dans le cadre de la procédure disciplinaire engagée contre elle, spécifié qu'elle entendait par ce terme, non un trait de caractère, mais l'irrégularité des visites" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que, pour confirmer l'ordonnance de non-lieu entreprise, la chambre d'accusation, après avoir analysé l'ensemble des faits dénoncés dans la plainte et répondu aux articulations essentielles du mémoire produit par la partie civile appelante, a exposé les motifs pour lesquels elle a estimé qu'il n'existait pas de charges suffisantes contre quiconque d'avoir commis le délit reproché, ni toute autre infraction ;
Que le demandeur se borne à critiquer ces motifs, sans justifier d'aucun des griefs que l'article 575 du Code de procédure pénale autorise la partie civile à formuler à l'appui de son pourvoi contre un arrêt de chambre d'accusation en l'absence de recours du ministère public ;
Que, dès lors, le moyen est irrecevable, et qu'il en est de même du pourvoi, en application du texte précité ;
Par ces motifs,
DECLARE le pourvoi IRRECEVABLE ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Gomez président, M. Mistral conseiller rapporteur, M. Roman conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. Géronimi ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;
Crim. 29 juin 1999 n° 98-83.488
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Léon,
contre l'arrêt de la cour d'appel de POITIERS, chambre correctionnelle, du 12 mars 1998, qui, pour stationnement illicite de caravanes, l'a condamné à 2 000 francs d'amende et a ordonné, sous astreinte, l'enlèvement des véhicules ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 18 mai 1999 où étaient présents dans la formation prévue à l'article L. 131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Gomez président, M. Mistral conseiller rapporteur, M. Roman conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. de Gouttes ;
Greffier de chambre : Mme Ely ;
Sur le rapport de M. le conseiller MISTRAL, les observations de la société civile professionnelle Le BRET et LAUGIER, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général de GOUTTES ;
Vu les mémoires ampliatif, complémentaire, rectificatif et additionnel produits ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 34 et 37 de la Constitution, 111-3 du Code pénal, 6. 3 et 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, L. 160-1, alinéa 1er, 480-4 et suivants du Code de l'urbanisme, 385 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, violation des droits de la défense ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable comme tardive l'exception soulevée par Léon X... tendant à voir déclarer nulles les poursuites pour défaut de base légale ;
" aux motifs que le moyen tendant à voir déclarer les poursuites dépourvues de base légale s'analyse en une exception de nullité de la procédure engagée, laquelle exception est irrecevable comme tardive pour n'avoir pas été soulevée avant toute discussion au fond ;
" alors, d'une part, que les exceptions de nullité de la procédure doivent être entendues strictement, même en ce qui concerne leur régime, et concernent seulement les irrégularités atteignant les actes de la procédure ; qu'elles ne sauraient être étendues aux moyens de défense au fond, notamment quant à l'existence légale de l'incrimination, et que le prévenu est apte à discuter à tout moment ; que, dès lors, la cour d'appel, en analysant le moyen qui tendait à voir déclarer les poursuites dépourvues de base légale en une exception de nullité de la procédure et en déclarant tardive une exception de ce type, faute d'avoir été soulevée avant toute discussion au fond, a violé ensemble des textes visés au moyen et les droits de la défense ;
" alors, d'autre part, que le juge pénal a l'obligation essentielle d'examiner tout moyen pris d'un manque de base légale des poursuites qui lui est soumis par le prévenu, et, en particulier, celui pris d'une absence de précision par l'autorité réglementaire des infractions pour lesquelles il est pénalement recherché ; que, dès lors, l'arrêt attaqué, qui n'a pas examiné le moyen de défense de Léon X... objectant que les dispositions de l'article L. 160-1 du Code l'urbanisme ne définissaient pas les infractions réprimées, est entaché d'un manque de base légale " ;
Sur le premier moyen additionnel de cassation, pris de la violation des articles 111-3, 111-5 du Code pénal, 6. 3 et 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 385, 386 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, violation des droits de la défense ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable comme tardive l'exception soulevée par Léon X... tendant à voir déclarer nulles les poursuites pour défaut de base légale ;
" aux motifs que le moyen tendant à voir déclarer les poursuites dépourvues de base légale s'analyse en une exception de nullité de la procédure engagée, laquelle exception est irrecevable comme tardive pour n'avoir pas été soulevée avant toute discussion au fond ;
" alors qu'il appartient au juge pénal de relever d'office tout moyen qui est de nature à priver la poursuite de son fondement légal ; que, dès lors, à supposer même que le moyen pris par le prévenu de l'absence de base légale des poursuites serait tardif, la cour d'appel pouvait d'office déclarer l'absence de fondement des poursuites en tant que celles-ci se référaient à l'article L. 160-2, alinéa 1er, du Code de l'urbanisme, qui ne comportait la définition d'aucune incrimination, et a décidé, en violation des textes susvisés, que le moyen soulevé constituait une nullité de procédure irrecevable comme tardive " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour rejeter l'exception de nullité des poursuites présentée par le prévenu, qui soutenait que les textes visés à la prévention ne définissent pas l'infraction reprochée, les juges du second degré retiennent que cette exception n'a pas été soulevée avant toute défense au fond ;
Attendu qu'en statuant ainsi, et dès lors qu'il ne résulte ni des notes d'audience ni du jugement qu'une telle exception ait été soulevée avant l'interrogatoire du prévenu, la cour d'appel a justifié sa décision au regard de l'article 385 du Code de procédure pénale ;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 160-1, alinéa 1er, L. 480-4, L. 480-5, L. 480-7, R. 443-3 du Code de l'urbanisme, 112-1 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement en ce qu'il avait déclaré Léon X... coupable du délit de violation du plan d'occupation des sols pour le fait de stationnement de trois caravanes, et en ce qu'il avait ordonné l'enlèvement de ces trois caravanes dans le délai de trois mois, sous astreinte, passé ce délai, par jour de retard ;
" aux motifs que le stationnement de caravanes, matérialisant l'activité de camping-caravaning interdite au plan d'occupation des sols, est une infraction continue, répréhensible au titre du plan d'occupation des sols du 31 mai 1995, dès l'entrée en vigueur de celui-ci, sans qu'il y ait lieu de s'arrêter au moyen opposé du respect de l'existant et de l'effet rétroactif des textes pénaux, un stationnement de caravanes essentiellement mobiles ne caractérisant pas un ouvrage existant et l'admission du principe de caractère continu de certaines infractions ne faisant pas échec à celui de la non-rétroactivité des textes pénaux ;
" alors que Léon X... avait soutenu, dans ses conclusions d'appel, que ses trois caravanes avaient fait l'objet, à l'époque où le stationnement de celles-ci n'était aucunement rendu illicite par les dispositions du plan d'occupation des sols d'aménagements spécifiques, tels que le raccordement de ces caravanes aux réseaux d'eau et d'électricité, ainsi que leur assujettissement à la redevance d'enlèvement des ordures ménagères ; que lesdites écritures ajoutant que les nouveaux documents d'urbanisme ne pouvaient s'appliquer aux ouvrages, aménagements et occupations existants, la cour d'appel n'a pas justifié le rejet de ce moyen de défense en se bornant à relever que le stationnement illicite de caravanes constituait une infraction dite continue ; que l'arrêt attaqué, faute de rechercher, en l'état des aménagements dont profitaient ces trois caravanes, si celles-ci ne représentaient pas des installations déjà existantes, lesdits aménagements excluant la mobilité des caravanes, et auxquelles ne s'appliquaient pas les règles du nouveau plan d'occupation de sols, n'a pas donné de base légale à sa décision " ;
Sur le second moyen additionnel de cassation, pris de la violation des articles L. 160-1, alinéa 1er, L. 480-4, L. 480-5, L. 480-7, R. 443-3 du Code de l'urbanisme, 112-1 du Code pénal, 2 du Code civil, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement en ce qu'il avait déclaré Léon X... coupable de violation des dispositions du plan d'occupation des sols pour le fait de stationnement de trois caravanes et en ce qu'il avait condamné l'enlèvement de ces trois caravanes dans le délai de trois mois, sous astreinte, passé ce délai, par jour de retard ;
" aux motifs que le stationnement de caravanes, matérialisant l'activité de camping-caravaning interdite au plan d'occupation des sols, est une infraction continue, répréhensible au titre du plan d'occupation des sols du 31 mars 1995, dès l'entrée en vigueur de celui-ci sans qu'il y ait lieu de s'arrêter au moyen opposé du respect de l'existant et de l'effet rétroactif des textes pénaux, un stationnement de caravanes ne caractérisant pas un ouvrage existant et l'admission du caractère continu de certaines infractions ne faisant pas échec à celui de la non-rétroactivité des textes pénaux ;
" alors que le juge ne peut prononcer condamnation pour des faits qui n'étaient pas punissables lorsqu'ils ont été commis ; que la cour d'appel, constatant que, dès l'acquisition de son terrain en 1976, Léon X... avait laissé stationner trois caravanes et que ce stationnement n'était devenu répréhensible qu'au titre du plan d'occupation des sols du 31 mai 1995, ne pouvait, à partir de la seule notion de délit continu, sanctionner un fait qui n'était, au départ, pas délictueux et ne pouvant le devenir en vertu du principe de non-rétroactivité de la loi " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que Léon X... est poursuivi pour avoir, courant 1996, fait stationner trois caravanes sur un terrain en zone agricole protégée ;
Attendu que, pour le déclarer coupable de l'infraction reprochée, les juges énoncent, par motifs propres et adoptés, que les caravanes mobiles ne constituent pas un ouvrage existant, et que leur stationnement constitue une infraction continue matérialisant l'activité de " camping-caravaning " interdite par le plan d'occupation des sols du 31 mai 1995 ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, exempts d'insuffisance ou de contradiction, la cour d'appel, sans encourir les griefs allégués, a justifié sa décision au regard des textes visés au moyen ;
D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-neuf juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;
Crim. 29 juin 1999 n° 98-87.091
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-neuf juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller MISTRAL, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GERONIMI ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Gérard,
contre l'arrêt de la cour d'appel de BESANCON, chambre correctionnelle, en date du 6 octobre 1998, qui, pour construction sans permis, l'a condamné à 20 000 francs d'amende et a ordonné, sous astreinte, la mise en conformité des lieux ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 551, 565, 591 et 593 du Code de procédure pénale, violation des droits de la défense, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a rejeté l'exception de nullité de la citation délivrée à Gérard X... ;
"aux motifs adoptés des premiers juges que, si Gérard X... soutient que la citation est nulle pour violation des dispositions de l'article 551, alinéa 2, du Code de procédure pénale selon lequel "la citation énonce le fait poursuivi et vise le texte de loi qui le réprime", il s'avère qu'en l'espèce, la citation vise expressément les dispositions de l'article L. 480-4 du Code de l'urbanisme qui réprime non seulement l'absence de tout permis de construire mais également la non-conformité des travaux entrepris au permis effectivement délivré (Cass. Crim. 30 novembre 1982, n° 82-90.815) ; qu'au surplus, l'article 565 du Code de procédure pénale dispose que "la nullité d'un exploit ne peut être prononcée que lorsqu'elle a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la personne qu'il concerne" ; qu'en l'espèce, outre le fait que Gérard X... avait eu connaissance des non-conformités qui lui étaient reprochées dans le cadre de l'enquête, même s'il s'était borné à en prendre acte sans y donner de réponse, il suffit de se reporter à ses conclusions pour constater qu'il ne justifie pas que le libellé de la prévention lui ait porté un grief quelconque ;
"alors que, d'une part, une citation qui se borne à reproduire l'énoncé d'une incrimination sans exposer aucun fait précis ni même viser un quelconque procès-verbal d'infraction ne saurait valablement saisir le juge pénal, ce qui se trouve être le cas en l'espèce de la citation délivrée à Gérard X..., de sorte qu'en statuant ainsi sur des faits résultant d'un procès-verbal non visé par ladite citation, les juges du fond ont violé les règles d'ordre public afférentes à leur saisine ;
"et alors que, d'autre part, aux termes de l'article 6.3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne poursuivie doit être informée d'une manière détaillée de la nature et de la cause de la prévention dont elle est l'objet, de manière à pouvoir organiser efficacement sa défense, ce qui ne saurait être le cas lorsque lui est délivrée une citation qui ne se réfère à aucun fait précis, carence créant par là-même une incertitude sur la nature et l'étendue des poursuites qui porte nécessairement atteinte aux droits de la défense" ;
Attendu que, pour écarter l'exception régulièrement soulevée par le prévenu et tirée de la nullité de la citation à raison de son imprécision, la juridiction du second degré se prononce par les motifs reproduits au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, desquelles il résulte que l'intéressé était suffisamment informé des faits servant de base à la prévention et qu'il avait été mis en mesure de présenter ses moyens de défense à l'audience, la cour d'appel n'a pas méconnu les dispositions légales et conventionnelles visées au moyen, lequel ne peut, dès lors, qu'être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 480-4 du Code de l'urbanisme, 121-3 du nouveau Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Gérard X... coupable de réalisation de travaux non conformes au permis de construire ;
"aux motifs que la demande de permis de construire délivrée le 21 décembre 1994 émanait de Gérard X... et qu'il l'avait signée ; qu'il est manifeste que les prescriptions du permis de construire n'ont pas été respectées et que Gérard X... ne peut en rejeter la responsabilité sur son architecte ; que Gérard X... a toujours admis être le maître de l'ouvrage, bénéficiaire des travaux ;
qu'il apparaît dans la procédure s'être constamment immiscé dans la direction et la réalisation du chantier ; que c'est à bon droit et par une motivation que la Cour adopte que les premiers juges ont estimé qu'en ayant sciemment laissé s'exécuter des travaux illicites, Gérard X... est réputé coupable d'avoir commis l'infraction de réalisation de travaux non conformes au permis ;
"alors que l'article 121-3 du nouveau Code pénal posant le principe qu'il ne saurait y avoir de crime ou de délit sans intention de le commettre, la Cour, qui a ainsi retenu la responsabilité pénale de Gérard X... du chef de construction non conforme au permis de construire en retenant à son encontre la circonstance qu'il se serait immiscé dans la direction et la réalisation du chantier, sans pour autant relever d'éléments établissant que les travaux litigieux résulteraient précisément de cette immixtion et sans répondre à aucun des arguments des conclusions de Gérard X... faisant valoir que non seulement ces travaux avaient été décidés par l'architecte mais que, de plus, pour l'un d'entre eux, en l'occurrence le vélux, ils figuraient sur les plans de coupe établis par l'architecte et que la réalisation de la terrasse s'était avérée impossible faute de support suffisamment solide, n'a pas, en l'état de ses motifs manifestement entachés d'insuffisance et de défaut de réponse, justifié sa décision au regard du principe susvisé" ;
Attendu que Gérard X... est poursuivi pour avoir effectué des travaux de construction non autorisés par le permis qui lui avait été délivré ;
Attendu que, pour le déclarer coupable de cette infraction, la juridiction du second degré retient, par motifs propres et adoptés, que le prévenu, maître de l'ouvrage et bénéficiaire de la construction, s'est réservé l'exécution ou la commande de certains travaux et a contrôlé directement le déroulement du chantier ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, il est vainement fait grief à la cour d'appel de n'avoir pas caractérisé l'élément intentionnel des faits relevés à la charge du prévenu ;
Qu'en effet, la seule constatation de la violation en connaissance de cause d'une prescription légale ou réglementaire implique, de la part de son auteur, l'intention coupable exigée par l'article 121-3 du Code pénal ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Gomez président, M. Mistral conseiller rapporteur, M. Roman conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. Géronimi ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;
Crim. 29 juin 1999 n° 98-83.839 B n° 166
CASSATION sur les pourvois formés par :
- X... Jean-Jacques,
- Y... Alain,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, 7e chambre, du 19 mai 1998, qui, pour construction sans permis de construire, a condamné chacun d'eux à 30 000 francs d'amende, a ordonné, sous astreinte, la démolition des constructions et a dit n'y avoir lieu à statuer sur les demandes de mainlevée de l'arrêté d'interdiction des travaux.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation proposé pour Jean-Jacques X..., pris de la violation des articles L. 130-1, L. 160-1, L. 421-1, L. 480-1, L. 480-4, L. 480-5, L. 480-7 et R. 443-4 du Code de l'urbanisme, ensemble violation des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Jacques X... coupable d'avoir entrepris la construction d'une villa sans avoir obtenu au préalable un permis de construire et, en répression, l'a condamné à une amende de 30 000 francs ainsi qu'à la démolition de la construction litigieuse dans un délai de 8 mois à compter du jour où sa décision sera devenue définitive, et ce, sous astreinte de 300 francs par jour de retard passé ce délai ;
" aux motifs propres que, le 24 avril 1990, un agent assermenté de la direction départementale de l'équipement a constaté, qu'au lieudit la Madrague à Saint-Cyr-sur-Mer, étaient en cours, dans un espace boisé classé à conserver ou à créer au plan d'occupation des sols de la commune, des travaux sans qu'aucun permis de construire n'ait été délivré, à savoir une villa composée de 2 corps de bâtiment implantés en dénivelé sur une plate-forme où des arbres ont été abattus ainsi qu'une autre villa ; que par arrêté en date du 16 mai 1990, considérant que les travaux en infraction avaient été édifiés par Patrick Z..., le maire de la commune de Saint-Cyr-sur-Mer a mis en demeure ce dernier de cesser immédiatement les constructions en cours ; que Patrick Z... a fait valoir que, bénéficiaire d'un permis de construire délivré le 13 juillet 1979, pour 3 maisons individuelles faisant partie d'un programme d'ensemble qui n'avait jamais été interrompu pendant plus d'un an, il avait cédé, par acte notarié à la société civile " Bamara ", représentée par Jean-Jacques X..., un terrain bénéficiant du droit au permis de construire d'une maison individuelle d'une superficie hors oeuvre de 288, 14 mètres carrés ; que Jean-Jacques X..., soutenant de même que les travaux étaient effectivement et expressément prévus par une autorisation administrative, que l'implantation est conforme au permis, qu'il a obtenu une autorisation de défrichement, conclut de même à sa relaxe et à la mainlevée de l'arrêté interruptif de travaux ; que s'il est vrai que le permis de construire est attaché au projet qui a fait l'objet de la demande, et non à la personne de son titulaire et qu'il est possible de procéder à son transfert, il n'en demeure pas moins que ledit transfert n'est pas automatique et doit faire l'objet d'une décision prise par l'autorité compétente ; que le nom du titulaire du permis est un élément même de ce permis, permettant de connaître le responsable de la construction, la personne titulaire des droits et obligations afférents au permis ; que l'arrêté portant transfert d'un permis de construire est une décision administrative faisant grief susceptible d'être déférée par les tiers au juge de l'excès de pouvoir ; que si l'Administration se borne à constater par arrêté le changement du titulaire, elle peut toutefois légalement s'opposer au projet, notamment dans l'hypothèse où le transfert se fait au profit d'une personne morale, ou si le transfert demandé n'est que partiel alors même que le permis portait sur la construction de plusieurs bâtiments, le permis de construire étant indivisible ; qu'en l'espèce, il est constant qu'aucun transfert des permis de construire n'a été demandé, alors même qu'il résulte des propres déclarations de Patrick Z... que les constructions, objet des poursuites, faisaient partie d'un " programme d'ensemble " ; qu'un des permis a été " transféré " à une société immobilière ;
que les prévenus Alain Y... et Jean-Jacques X... ne peuvent valablement soutenir que les permis de construire leur ont été légalement transférés aux termes des actes notariés, alors même qu'un notaire n'a aucun pouvoir en matière de permis de construire, ce qu'ils ne pouvaient ignorer, et qu'au surplus le notaire en cause a pris soin de préciser dans ses actes que " si les acquéreurs se voyaient refuser le bénéfice de l'autorisation de construire ", la société venderesse s'engagerait à leur rembourser la totalité du prix de vente et des frais ; qu'enfin, l'autorité compétente a notifié au seul Patrick Z... l'arrêt interruptif de travaux démontrant ainsi qu'aucun réel transfert du permis et des droits et obligations à lui attachés n'avait été légalement effectué ; qu'il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré les prévenus Alain Y... et Jean-Jacques X... coupables du délit visé à la prévention ;
" alors, d'une part, que le transfert d'un permis de construire, qui ne constitue qu'une simple pratique administrative prévue par une circulaire du 16 mars 1973, non publiée au journal officiel, est de droit sauf péremption du permis initial ou transfert d'une personne physique à une personne morale rendant obligatoire l'intervention d'un architecte ; qu'en retenant Jean-Jacques X... dans les liens de la prévention alors que la construction en cause avait toujours fait l'objet d'un permis de construire définitif et faisait partie d'un ensemble de constructions n'ayant jamais été interrompue, la Cour n'a pas légalement justifié la déclaration de culpabilité ;
" alors, d'autre part, que subsidiairement, le juge correctionnel ne peut prononcer une peine en raison d'un fait qualifié délit qu'autant qu'il constate, dans sa décision, l'existence de tous les éléments constitutifs de l'infraction ; qu'en retenant Jean-Jacques X... dans les liens de la prévention sans constater la violation, en connaissance de cause, par celui-ci, des règles d'urbanisme relatives au permis de construire, la Cour a omis de caractériser l'élément moral de l'infraction en violation des textes susvisés ;
" aux motifs, à les supposer adoptés des premiers juges, d'une part que, Patrick Z... a cédé dans les mêmes conditions qu'aux époux Y... les droits à construire afférents à un terrain et portant sur une maison individuelle ; que le 24 avril 1990, il était constaté par procès-verbal que sur un terrain sis commune de Saint-Cyr lieudit " La Madrague " des travaux étaient en cours ; que parmi lesdits travaux la construction d'une maison d'habitation pour le compte de Jean-Jacques X... était en cours de réalisation et implantée sur une plate-forme de 500 mètres carrés tandis que, par ailleurs, une caravane de marque Tessereau était stationnée à proximité du chantier ; qu'il est établi par les pièces du dossier que Jean-Jacques X... a bien commis les infractions qui lui sont reprochées ; qu'en entreprenant une construction à un endroit différent de celui figurant sur les plans du permis de construire, la surface hors d'oeuvre étant différente de celle du permis de construire, la surface hors d'oeuvre nette étant différente et les volumes de bâtiment ne correspondant pas à ceux figurant dans les plans du permis de construire, Jean-Jacques X... a commis l'infraction qui lui est reprochée ;
" et aux motifs, à les supposer adoptés, d'autre part, qu'il ne saurait contester avoir procédé à l'abattage d'arbres en violation des lois en vigueur et laisser stationner une caravane sans autorisation administrative ;
" alors que, d'une part, Jean-Jacques X... faisait valoir dans ses conclusions d'appel du 17 mars 1998 que le non-respect d'une implantation ne peut être juridiquement établi qu'au regard des seuls documents dont la méconnaissance est susceptible de constituer une infraction, à savoir en l'espèce le document dit " situation-plan de masse " annexé à l'arrêté municipal du 10 août 1987 qui, étant antérieur à la vente du 18 avril 1990 ne comporte bien évidemment aucune limite parcellaire autre que celles délimitant l'ensemble de la propriété Z... soit une superficie de 549 267 mètres carrés tandis que le " plan de masse " auquel la direction départementale de l'Equipement s'est référée expressément ne comporte aucune cote chiffrée ; qu'en omettant de répondre à ces conclusions péremptoires de nature à établir que l'implantation de la construction ne pouvait être considérée comme étant différente de celle prévue par le permis de construire, la Cour a violé les textes susvisés ;
" alors, que d'autre part, Jean-Jacques X... faisait encore valoir dans ses conclusions d'appel qu'à la date de la délivrance du permis de construire autorisant la construction du bâtiment considéré, aucune mesure de protection spécifique ne pesait sur le terrain en cause et que, de surcroît, le bénéficiaire du permis de construire avait sollicité et obtenu le 8 novembre 1968 l'autorisation de procéder au défrichement de la totalité de sa propriété ; qu'en omettant de répondre à ces conclusions péremptoires, la Cour a, derechef, violé les textes susvisés ;
" alors, enfin, que Jean-Jacques X... se prévalait dans ses conclusions d'appel du fait que la " caravane " en cause constituait la " baraque de chantier " utilisée par l'entreprise lors des travaux et n'avait pas été utilisée plus de 3 mois ; qu'en délaissant de telles conclusions, la Cour a privé sa décision de toute base légale " ;
Sur le premier moyen de cassation proposé pour Alain Y..., pris de la violation des articles L. 130-1, L. 160-1, L. 421-1, L. 480-1, L. 480-4, L. 480-5, L. 480-7 et R. 443-4 du Code de l'urbanisme, ensemble violation des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Alain Y... coupable d'avoir entrepris la construction d'une villa sans avoir obtenu au préalable un permis de construire et, en répression, l'a condamné à une amende de 30 000 francs ainsi qu'à la démolition de la construction litigieuse dans un délai de 8 mois à compter du jour où sa décision sera devenue définitive, et ce, sous astreinte de 300 francs par jour de retard passé ce délai ;
" aux motifs propres que, le 24 avril 1990, un agent assermenté de la direction départementale de l'équipement a constaté, qu'au lieudit la Madrague à Saint-Cyr-sur-Mer, étaient en cours, dans un espace boisé classé à conserver ou à créer au plan d'occupation des sols de la commune, des travaux sans qu'aucun permis de construire n'ait été délivré, à savoir une villa composée de 2 corps de bâtiment implantés en dénivelé sur une plate-forme où des arbres ont été abattus ainsi qu'une autre villa ; que par arrêté en date du 16 mai 1990, considérant que les travaux en infraction avaient été édifiés par Patrick Z..., le maire de la commune de Saint-Cyr-sur-Mer a mis en demeure ce dernier de cesser immédiatement les constructions en cours ; que Patrick Z... a fait valoir que, bénéficiaire d'un permis de construire délivré le 13 juillet 1979, pour 3 maisons individuelles faisant partie d'un programme d'ensemble qui n'avait jamais été interrompu pendant plus d'un an, il avait cédé, par acte du 29 mars 1998 un terrain à Alain Y..., bénéficiant d'un permis de construire délivré le 13 juillet 1979 autorisant la construction d'une maison individuelle d'une superficie hors d'oeuvre de 288, 14 mètres carrés ; qu'à l'appui de sa demande, Patrick Z... fait valoir qu'il a transféré ses droits à construire et ne peut ainsi être tenu pour responsable des irrégularités éventuellement commises par ses acquéreurs ; qu'Alain Y... faisait valoir qu'il a bénéficié du transfert d'un permis de construire par acte notarié, que la violation de l'implantation invoquée, à la supposer établie, ne viole aucune servitude d'urbanisme, que le volume et la densité fixés par le permis ont été respectés, qu'aucun espace boisé classé n'a été violé, demande à la Cour d'ordonner la mainlevée de l'ordre d'interruption des travaux, aucune infraction n'ayant été commise par lui ; que s'il est vrai que le permis de construire est attaché au projet qui a fait l'objet de la demande, et non à la personne de son titulaire et qu'il est possible de procéder à son transfert, il n'en demeure pas moins que ledit transfert n'est pas automatique et doit faire l'objet d'une décision prise par l'autorité compétente ; que le nom du titulaire du permis est un élément même de ce permis, permettant de connaître le responsable de la construction, la personne titulaire des droits et obligations afférents au permis ; que l'arrêté portant transfert d'un permis de construire est une décision administrative faisant grief susceptible d'être déférée par les tiers au juge de l'excès de pouvoir ; que si l'Administration se borne à constater par arrêté le changement du titulaire, elle peut toutefois légalement s'opposer au projet, notamment dans l'hypothèse où le transfert se fait au profit d'une personne morale, ou si le transfert demandé n'est que partiel alors même que le permis portait sur la construction de plusieurs bâtiments, le permis de construire étant indivisible ; qu'en l'espèce, il est constant qu'aucun transfert des permis de construire n'a été demandé, alors même qu'il résulte des propres déclarations de Patrick Z... que les constructions, objet des poursuites, faisaient partie d'un " programme d'ensemble " ; qu'un des permis a été " transféré " à une société immobilière ;
que les prévenus Alain Y... et Jean-Jacques X... ne peuvent valablement soutenir que les permis de construire leur ont été légalement transférés aux termes des actes notariés, alors même qu'un notaire n'a aucun pouvoir en matière de permis de construire, ce qu'ils ne pouvaient ignorer, et qu'au surplus le notaire en cause a pris soin de préciser dans ses actes que " si les acquéreurs se voyaient refuser le bénéfice de l'autorisation de construire ", la société venderesse s'engagerait à leur rembourser la totalité du prix de vente et des frais ; qu'enfin, l'autorité compétente a notifié au seul Patrick Z... l'arrêt interruptif de travaux démontrant ainsi qu'aucun réel transfert du permis et des droits et obligations à lui attachés n'avait été légalement effectué ; qu'il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré les prévenus Alain Y... et Jean-Jacques X... coupables du délit visé à la prévention ;
" alors, d'une part, que le transfert d'un permis de construire, qui ne constitue qu'une simple pratique administrative prévue par une circulaire du 16 mars 1973, non publiée au journal officiel, est de droit sauf péremption du permis initial ou transfert d'une personne physique à une personne morale rendant obligatoire l'intervention d'un architecte ; qu'en retenant Alain Y... dans les liens de la prévention alors que la construction en cause avait toujours fait l'objet d'un permis de construire définitif et faisait partie d'un ensemble de constructions n'ayant jamais été interrompue, la Cour n'a pas légalement justifié la déclaration de culpabilité ;
" alors, d'autre part, que subsidiairement, le juge correctionnel ne peut prononcer une peine en raison d'un fait qualifié délit qu'autant qu'il constate, dans sa décision, l'existence de tous les éléments constitutifs de l'infraction ; qu'en retenant Alain Y... dans les liens de la prévention sans constater la violation, en connaissance de cause, par celui-ci, des règles d'urbanisme relatives au permis de construire, la Cour a omis de caractériser l'élément moral de l'infraction en violation des textes susvisés ;
" aux motifs, à les supposer adoptés des premiers juges, qu'en se rapportant aux plans annexés au dossier du tribunal, il est aisé de remarquer que l'infraction reprochée à Alain Y... est établie, à savoir : la construction exécutée par Alain Y... a été entreprise en totalité à un endroit différent de celui figurant dans les plans du permis de construire, la surface hors d'oeuvre nette étant différente et les volumes du bâtiment ne correspondant pas à ceux figurant dans les plans du permis de construire ; qu'ainsi, l'accumulation de faits, à savoir le non-respect du permis de construire, l'absence d'un permis de construire modificatif, un défaut de transfert du même permis de construire, établissent avec certitude qu'Alain Y... a commis les infractions qui lui sont reprochées ;
" alors qu'Alain Y... faisait valoir dans ses conclusions d'appel du 17 mars 1998 que " l'écart d'implantation de la construction était minime et s'expliquait par le fait qu'existait sur le secteur un périmètre de risques du sol, approuvé par arrêté préfectoral du 29 octobre 1981, en application de l'article 11-3 du Code de l'urbanisme et que, c'était suite à une étude géologique qu'il avait dû être décidé de déplacer l'implantation du bâtiment afin de tenir compte précisément de ce périmètre " et ajoutait qu'en tout état de cause, cette implantation différente ne violait aucune servitude d'urbanisme ; qu'en omettant de répondre à ces conclusions péremptoires de nature à justifier la relaxe du prévenu, la Cour a violé les textes susvisés " ;
Sur le second moyen de cassation proposé pour Jean-Jacques X... et Alain Y..., pris de la violation des articles L. 480-2 du Code de l'urbanisme, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté les demandes de Jean-Jacques X... et Alain Y..., prévenu de construction sans permis, tendant à voir ordonner la mainlevée des mesures d'interruption des travaux par le maire de la commune de Saint-Cyr-sur-Mer ;
" aux motifs, à les supposer adoptés que, par citation en date du 20 mars 1995, Alain Y... demande au tribunal de constater que la construction édifiée par ses soins bénéficie d'un permis de construire, de constater que les motifs de l'arrêté d'interruption des travaux du 16 mai 1990 ne reposent sur aucun fondement, en conséquence d'ordonner la mainlevée des mesures d'interruption des travaux ; que par voie de conclusions Jean-Jacques X... s'associe à cette demande ; qu'en l'espèce, le maire de Saint-Cyr-sur-Mer a exercé ses pouvoirs dans le cadre des dispositions des articles L. 480-1 et L. 480-2 du Code de l'urbanisme ; qu'il a agi en qualité d'autorité administrative de l'Etat ; que, dès lors, il était donc soumis, à ce titre, au pouvoir hiérarchique du préfet ; que force est de constater que l'action tendant à obtenir la mainlevée de l'arrêté interruptif des travaux a été mal dirigée ; que le maire de la commune de Saint-Cyr-sur-Mer a pris un arrêté interruptif des travaux à l'encontre de Patrick Z..., l'action devant être dirigée à l'encontre du préfet ; que l'action tendant à obtenir la mainlevée de l'interruption des travaux ordonnée par arrêté du 16 mai 1990 est irrecevable, qu'elle doit être rejetée ;
" alors que l'octroi ou le refus de mainlevée de la décision d'interruption des travaux ressortit à la compétence des tribunaux judiciaires même lorsque cette décision émane de l'autorité administrative ; qu'en déclarant que l'action tendant à la mainlevée de l'interruption des travaux ordonnée par arrêté du 16 mai 1990 devait être dirigée à l'encontre du préfet, la Cour a privé de toute base légale sa décision " ;
Les moyens étant réunis ;
Vu l'article L. 480-4 du Code de l'urbanisme ;
Attendu que le défaut de transfert du permis de construire au profit de l'acquéreur d'une parcelle n'entre pas dans les prévisions du texte susvisé ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que la direction départementale de l'Equipement du Var a constaté par procès-verbal du 24 avril 1990 qu'Alain Y... et Jean-Jacques X..., qui avaient chacun acquis d'une SCI une parcelle de terrain en vue de l'édification d'une maison d'habitation conformément au permis de construire obtenu par le vendeur, ont entrepris les travaux de construction sans avoir obtenu une décision de transfert dudit permis de construire à leur nom ;
Attendu que pour déclarer Alain Y... et Jean-Jacques X... coupables du délit de construction sans permis de construire, ordonner la démolition des ouvrages et dire en conséquence n'y avoir lieu à statuer sur la demande de mainlevée de l'arrêté interruptif des travaux, la juridiction du second degré retient que, si le permis de construire est attaché au projet qui a fait l'objet de la demande, et non pas à son titulaire, le transfert doit être obtenu par une décision administrative ; qu'elle relève que les 2 prévenus, qui ne pouvaient ignorer que l'acte de vente ne pouvait leur transférer le permis de construire, n'ont présenté aucune demande de transfert à l'administration compétente ; qu'elle en déduit qu'ils ne peuvent se prévaloir d'aucun permis de construire ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 19 mai 1998, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Montpellier.
Crim. 29 juin 1999 n° 98-81.962 B n° 164
CASSATION PARTIELLE sur les pourvois formés par :
- X... Jean-Pierre, le Comité national contre le tabagisme, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Angers, chambre correctionnelle, du 16 décembre 1997, qui, sur renvoi après cassation, dans les poursuites exercées contre Jean-Pierre et Jean-Claude X... pour publicité illicite en faveur du tabac, a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la société Régie publicitaire de mobilier urbain, qui assure l'exploitation commerciale de panneaux d'information et d'abribus appartenant à la société Jean-Claude X..., a, en exécution d'un contrat de publicité conclu avec la société de droit italien Oto Spa, assuré la diffusion, durant les mois de novembre et décembre 1992, d'une affiche publicitaire destinée à promouvoir les montres de marque " Camel Trophy", fabriquées et commercialisées par l'annonceur Oto Spa, depuis 1987, en vertu d'un contrat de licence de marque ;
Que le Comité national contre le tabagisme a fait citer les 2 sociétés françaises et leurs dirigeants respectifs, Jean-Pierre et Jean-Claude X..., les premières comme civilement responsables, sur le fondement des articles 3 et 8 de la loi du 9 juillet 1976, dans leur rédaction alors applicable, pour avoir réalisé une publicité indirecte illicite en faveur de la marque de cigarettes Camel ;
Attendu que les prévenus ont fait valoir que la publicité relevait de l'exception prévue par l'alinéa 2 de l'article 3 de la loi du 9 juillet 1976 modifiée, en faveur de certains produits mis sur le marché avant le 1er janvier 1990 par des entreprises juridiquement et financièrement distinctes de toute entreprise fabriquant, important ou commercialisant du tabac ou des produits du tabac ; que les juges du second degré, accueillant le moyen de défense de Jean-Pierre et Jean-Claude X..., les ont relaxés et ont débouté la partie civile de ses demandes ;
Attendu que, sur le pourvoi du Comité national contre le tabagisme, l'arrêt a été cassé, en ses seules dispositions civiles, aux motifs que la dérogation au régime de la publicité indirecte en faveur du tabac, désormais codifiée sous l'article L. 355-26, alinéa 2, du Code de la santé publique, est exclue pour les produits commercialisés, avant le 1er janvier 1990, par les entreprises qui, sans constituer juridiquement et financièrement une entité avec celle qui fabrique, importe ou commercialise du tabac ou un produit du tabac, se rattachent à cette dernière par un lien juridique ou financier, fût-il indirect ou occasionnel, et que la cour d'appel devait rechercher si la société ayant concédé la licence de marque à la société italienne était intéressée, directement ou indirectement, au commerce du tabac ou de ses produits, le lien né d'un contrat de licence de marque, quelle que soit sa date, étant de nature à mettre obstacle à la dérogation prévue ;
Attendu que la cour d'appel, désignée comme juridiction de renvoi, a déclaré caractérisée l'infraction à la charge de Jean-Pierre X... et mis Jean-Claude X... hors de cause ; qu'elle a déclaré irrecevables les demandes que le Comité national contre le tabagisme a présentées contre eux et les sociétés qu'ils dirigent ;
En cet état :
I. Sur le pourvoi formé par Jean-Pierre X... :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 11, 58, 92 à 98, 427, 802 et 593 du Code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, violation des droits de la défense, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'incident de communication de pièces soulevé par les appelants pour les débouter de leur demande de rejet de pièces et conclusions ;
" aux motifs qu'il n'est pas contesté que les pièces provenant d'une information pénale ont été versées aux débats par le CNCT pour les avoir obtenues alors qu'il était constitué partie civile dans la procédure ; que la partie civile peut produire en justice des pièces d'une information pénale dans laquelle elle s'est constituée, surtout si cette information a fait l'objet d'une ordonnance de renvoi ; que l'interdiction édictée par l'article 98 du Code de procédure pénale, qui fait défense de divulguer les pièces provenant de perquisitions à une personne non qualifiée par la loi pour en prendre connaissance, ne peut de toute façon valoir lorsqu'il s'agit de produire les pièces devant la juridiction pénale à qui il appartient d'apprécier la valeur des pièces qui lui sont soumises ; que les pièces dont le rejet est demandé ont été communiquées et versées en temps utile pour qu'elles puissent faire l'objet d'un débat contradictoire ;
" alors que, d'une part, l'article 98 du Code de procédure pénale interdisant formellement, sous peine des sanctions qu'il prévoit, la communication ou la divulgation à une personne non qualifiée par la loi pour en prendre connaissance, de documents provenant d'une perquisition sans l'autorisation de la personne mise en examen ou de ses ayants droit ou de son signataire ou de son destinataire, la Cour a violé le texte susvisé en refusant de rejeter des débats des documents provenant d'une perquisition effectuée dans le cadre d'une information concernant des faits distincts de ceux dont elle était saisie ;
" alors que, d'autre part, la Cour a violé l'article 6 la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui garantit à toute personne le droit à un procès impartial et à tout prévenu le droit de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense, en refusant de rejeter des débats des pièces communiquées par la partie civile la veille au soir de l'audience des débats qui n'ont pas été rouverts pour permettre aux prévenus de préparer leur défense " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt que le Comité national contre le tabagisme a versé au dossier des pièces qu'il a obtenues en sa qualité de partie civile dans une procédure distincte, étrangère aux prévenus, provenant d'une perquisition opérée par un juge d'instruction ; que Jean-Pierre X... a demandé, avant toute défense au fond, que ces documents soient écartés des débats, ainsi que ceux produits tardivement par le Comité ;
Attendu que, pour rejeter la demande, les juges énoncent que la partie civile a la faculté de produire en justice les pièces tirées d'une procédure d'instruction dans laquelle elle est constituée, clôturée par une ordonnance de renvoi devant la juridiction de jugement ; que les dispositions de l'article 98 du Code de procédure pénale, qui interdisent la communication d'un document provenant d'une perquisition, à une personne non qualifiée par la loi, ne font pas obstacle à la production d'une telle pièce devant le tribunal correctionnel, qui apprécie les preuves soumises à son examen ;
Que les juges ajoutent que les pièces contestées ont été communiquées aux parties en temps utile pour qu'elles puissent faire l'objet d'un débat contradictoire ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas méconnu les droits de la défense, a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 355-26 et L. 355-31 du Code de la santé publique dans leur rédaction issue de la loi du 9 juillet 1976 modifiée par la loi du 10 janvier 1991, 111-4, 121-3 et 121-7 du nouveau Code pénal, 2 et 593 du Code de procédure pénale, de l'article 30 du Traité de Rome et de l'article 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de réponse aux conclusions, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Pierre X... coupable de complicité de publicité indirecte en faveur du tabac ;
" aux motifs que le prévenu a reconnu qu'il avait accepté d'afficher la campagne litigieuse à la demande de la société Universal Média qui est une centrale d'achat d'espaces publicitaires et agissait pour le compte de la société de droit italien Oto, fabricant des montres " Camel Trophy" ; qu'en affichant une publicité pour un produit portant la marque " Camel " qu'il savait être une marque notoire de cigarettes, Jean-Pierre X... a sciemment procuré au responsable de la société Oto les moyens de commettre une infraction à la loi du 9 juillet 1976 ; que Jean-Pierre X... est mal fondé à invoquer une erreur de droit alors qu'il reconnaît avoir fait l'objet d'une mise en garde du CNCT et qu'il a répondu que les cigarettes " Camel " n'étaient aucunement concernées par la campagne publicitaire, ce qui est la démonstration d'une parfaite mauvaise foi de la part d'un professionnel de la publicité ; qu'il n'est pas sérieux de contester le fait que la marque " Camel Trophy" a été spécialement choisie pour bénéficier de la notoriété mondiale de la marque de cigarettes Camel et que tout l'impact publicitaire réside dans la présentation d'images destinées avant tout à maintenir cette notoriété ; qu'en particulier le graphisme du mot " Camel " figurant sur les affiches incriminées est en tout point identique à celui qui figure sur les paquets de cigarettes ; qu'il s'agit donc d'une publicité indirecte en faveur du tabac ; que Jean-Pierre X... invoque le bénéfice de la dérogation prévue par l'alinéa 2 de l'article 3 de la loi du 9 juillet 1976 modifiée, en faveur de certains produits mis sur le marché avant le ler janvier 1990 ; que la marque objet de la publicité incriminée, appartient à la société " Worlwide Brands Inc " (WBI), filiale d'une société holding du groupe Reynolds Tobacco, lequel fabrique, distribue et vend des cigarettes ; que cette considération suffit à convaincre Jean-Pierre X... de complicité de publicité indirecte en faveur du tabac par fourniture de moyens, en l'espèce par fourniture d'emplacements publicitaires ; qu'on peut, en outre, ajouter que les pièces versées aux débats démontrent que la promotion des " produits de diversification " par la société de droit américain Nabisco et ses filiales telles que la société RJ Reynolds Tobacco Company procède d'une volonté délibérée de tourner les législations nationales sur l'interdiction de la publicité en faveur du tabac, le moyen utilisé étant la création de sociétés-écran chargées uniquement, à l'exclusion du commerce et de la fabrication du tabac, de l'exploitation des marques commerciales notoires de tabac ou de cigarettes pour lesquelles la publicité est interdite (...) ; que le principe de l'autonomie des personnes morales n'est donc pas invoqué de bonne foi ; que l'exploitation de la marque " Camel Trophy" par la société Oto implique nécessairement l'existence entre cette société et le titulaire de la marque, d'un lien juridique ou financier qui, quelle que soit la date de sa création, est exclusif du bénéfice de la dérogation invoquée ; que les interdictions édictées par les dispositions susvisées du Code de la santé publique le sont pour la protection de la santé et s'appliquent sans discrimination à tous les produits et services concernés quelle que soit leur origine ; qu'elles sont nécessaires à la sauvegarde du droit à la santé dont l'intérêt prime celui du commerce ;
qu'elles ne sont donc contraires ni à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ni aux traités garantissant la libre circulation des biens et services ;
" alors que, d'une part, l'article 121-3 du nouveau Code pénal disposant qu'il n'y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre et l'article 121-7 dudit Code prévoyant que la complicité d'un crime ou d'un délit n'est punissable que si l'auteur a agi sciemment, c'est à dire en sachant qu'il aidait à la préparation ou à la consommation de telles infractions, la Cour a violé ces textes et privé sa décision de motifs en déduisant l'élément intentionnel du délit de complicité de publicité indirecte en faveur du tabac dont elle a déclaré le prévenu coupable, du seul fait que la partie civile l'avait averti du caractère illégal de la campagne publicitaire, alors qu'en l'état de la législation en vigueur, le demandeur pouvait légitimement penser au contraire, que la publicité était parfaitement licite comme la cour d'appel de Rennes l'avait d'ailleurs jugé ;
" alors que, d'autre part, aux termes du second alinéa de l'article 3 de la loi du 10 janvier 1991 dont les dispositions ont été reprises par le Code de la santé publique, l'interdiction de la publicité indirecte en faveur du tabac n'est pas applicable en cas de publicité en faveur d'un produit autre que le tabac mis sur le marché avant le 1er janvier 1990 par une entreprise juridiquement et financièrement distincte de toute entreprise qui fabrique, importe ou commercialise du tabac ou un produit du tabac ; que, dès lors, en l'espèce où les juges du fond qui ont constaté que la publicité litigieuse concernait des montres, n'ont pas contesté que, comme le soutenait le prévenu, les conditions prévues pour la mise en oeuvre de cette dérogation étaient remplies en l'espèce, la Cour a violé le texte précité en invoquant l'existence d'un hypothétique lien juridique et financier existant entre la société qui fabrique les montres et la société titulaire de la marque " Camel Trophy" pour en déduire l'illicéité de la publicité, la caducité de la dérogation à la règle de l'interdiction de la publicité indirecte en faveur du tabac prévue par le texte, ne s'appliquant qu'en cas de création d'un lien juridique ou financier entre l'entreprise qui a mis le produit autre qu'un produit du tabac sur le marché avant le 1er janvier 1990 et une entreprise qui fabrique, importe ou commercialise du tabac et non en cas de création de tels liens entre un fabricant de montres et la société titulaire d'une marque de cigarettes qui ne fabrique pas, n'importe pas et ne commercialise pas de produit du tabac, fut-elle liée à une telle société " ;
Attendu qu'après avoir retenu que la campagne d'affichage au profit des montres " Camel Trophy" constituait une publicité indirecte en faveur du tabac, non autorisée, les juges d'appel relèvent que la société Oto Spa fabrique et commercialise les montres sous cette marque en vertu d'un contrat de licence passé avec la société américaine Worlwide Brands Inc, filiale d'une société holding du groupe Reynolds Tobbaco, qui fabrique, distribue et vend des cigarettes ; que les juges en déduisent qu'un lien juridique et financier unit l'annonceur Oto Spa au fabricant de cigarettes, de sorte que la dérogation instituée par l'article L. 355-26 ne peut en l'espèce être invoquée ;
Attendu que, pour caractériser la complicité de publicité illicite en faveur du tabac à l'encontre de Jean-Pierre X..., les juges d'appel exposent qu'il a reconnu avoir accepté de diffuser la campagne publicitaire sur la demande d'une société agissant pour le compte du fabricant italien de montres ; qu'en permettant l'affichage d'une publicité en faveur d'un produit offert sous une dénomination qu'il savait être une marque de cigarettes, il a sciemment procuré à l'annonceur les moyens de commettre une infraction ; que les juges ajoutent qu'il ne peut invoquer une erreur sur le droit alors que, professionnel de la publicité, il avait reçu une mise en garde de la partie civile ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a fait l'exacte application de l'article L. 355-26 du Code de la santé publique et a caractérisé, en tous ses éléments, la complicité de publicité illicite imputée au demandeur ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
II. Sur le pourvoi formé par le Comité national contre le tabagisme :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 355-24 L. 355-26 et L. 355-31 du Code de la santé publique, 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué, sur ce point infirmatif, a relaxé Jean-Claude X... du chef d'infraction à la législation prohibant la publicité en faveur du tabac et débouté le CNCT de ses demandes de réparation civile formées à l'encontre du susnommé et de la SA Jean-Claude X... en qualité de civilement responsable ;
" aux motifs que, le 18 janvier 1982, la société Jean-Claude X... et la SA RPMU ont modifié leurs relations contractuelles concernant les mobiliers urbains comportant des supports publicitaires ; qu'ils ont mis un terme au mandat qui les liait pour conclure un contrat de commissionnaire ; que Jean-Pierre X... reconnaît que sa société devait contractuellement assumer la responsabilité totale de la prospection et de la gestion des contrats publicitaires ; qu'il n'est pas établi que la société Jean-Claude X..., dont la prestation se limitait à la fourniture d'emplacements publicitaires, ait été informée en temps utile de la nature de la publicité qui devait être affichée et ait eu la possibilité matérielle d'interrompre la campagne d'affichage qui avait été mise en oeuvre ; qu'il n'est pas non plus établi que Jean-Claude X... a participé aux faits reprochés ;
" alors qu'en sollicitant la confirmation du jugement en ce qu'il portait condamnation de Jean-Claude X... du chef d'infraction à la législation sur la publicité en faveur du tabac, les conclusions du CNCT invitaient expressément la Cour de renvoi à tirer toutes les conséquences, à l'instar des premiers juges, de ce que, conformément aux stipulations du contrat de commissionnement du 8 juillet 1975 et de ceux des avenants en vigueur à la date des faits, Jean-Claude X... jouissait d'un pouvoir de contrôle effectif sur la diffusion des campagnes d'affichage négociées pour son compte par la société RPMU, notamment par la faculté reconnue à " Jean-Claude X... Paris " d'empêcher, par exercice d'un droit de veto, la diffusion d'une publicité ; que, dès lors, en écartant toute responsabilité de Jean-Claude X... dans la diffusion de la campagne en faveur des montres " Camel Trophy", au seul motif de l'absence prétendue de preuve de ce que la société qu'il dirige ait été informée de la teneur illicite de cette publicité, suffisamment à temps pour en suspendre la diffusion, sans réfuter ou à tout le moins s'expliquer sur les circonstances relatées dans le moyen précité des conclusions du CNCT, lequel moyen était pourtant particulièrement dirimant puisque de nature à démontrer que l'inaction fautive de la société Jean-Claude X... et de son dirigeant avait contribué à la perpétration des faits délictueux, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs " ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, et en répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, exposé les motifs pour lesquels elle a estimé que la preuve de l'infraction reprochée n'était pas rapportée à la charge de Jean-Claude X..., en l'état des éléments soumis à son examen, et a ainsi justifié sa décision déboutant la partie civile de ses prétentions à son encontre ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du Code civil, 2, 388, 392, 485, 515, 551 et 593 du Code de procédure pénale, excès de pouvoir, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué, sur ce point infirmatif, a déclaré le CNCT irrecevable en ses demandes tendant à la condamnation à des dommages-intérêts de Jean-Pierre X... et de la société RPMU prise en qualité de civilement responsable de son dirigeant social ;
" aux motifs que Jean-Pierre X... déclare, dans ses conclusions, qu'il ne conteste pas avoir accepté d'afficher la campagne litigieuse à la demande de la société Universal Média ; qu'il reconnaît donc un acte de gestion qui, sur le fondement de l'article 113 de la loi du 24 juillet 1966, engage la société dont il est le président-directeur général ; qu'il n'est cependant nullement allégué qu'il a eu de par ses fonctions au sein de l'entreprise, un lien de subordination avec la société qu'il dirige qui puisse lui donner la qualité de préposé ; que la demande de dommages et intérêts était formée par le CNCT en première instance contre la SA RPMU prise en qualité de civilement responsable de son préposé ; que, dans ses conclusions d'appel, le CNCT demande pour la première fois la condamnation de la SA RPMU à lui payer la somme de 4 176 950 francs de dommages et intérêts en qualité de civilement responsable de son dirigeant social ; que, si dans son exploit introductif d'instance, le CNCT a assigné la SA RPMU pour qu'elle soit déclarée responsable du paiement des amendes auxquelles son dirigeant serait condamné, il a, par ailleurs, demandé sa condamnation au paiement de la somme de 4 176 950 francs de dommages et intérêts en qualité de civilement responsable de son préposé ; que cette distinction faite dans son assignation par la partie civile est exclusive de toute erreur matérielle et manifestait la volonté de demander la condamnation de la SA RPMU à des dommages et intérêts, en sa qualité précise de commettant de Jean-Pierre X..., ce qu'elle n'est pas ; que la demande de condamnation à des dommages et intérêts de la SA RPMU en qualité de civilement responsable de son dirigeant est donc nouvelle en appel et à ce titre irrecevable par application de l'article 515 du Code de procédure pénale ; qu'est irrecevable pour les mêmes raisons, la demande de condamnation de Jean-Pierre X... à des dommages et intérêts, demande qui, elle non plus, n'a pas été présentée en première instance et dont Jean-Pierre X... soulève l'irrecevabilité pour être nouvelle en appel ;
" alors que, dans le corps de la citation à comparaître devant le tribunal correctionnel de Quimper, délivrée à la diligence du CNCT à l'encontre de Jean-Pierre X... et de la SA RPMU celle-ci n'était désignée, et ce à plusieurs reprises, qu'en sa qualité exacte de civilement responsable de son dirigeant, Jean-Pierre X..., lui-même exclusivement désigné en cette qualité, de telle sorte que ne pouvait résulter que d'une erreur matérielle leur désignation en qualité respectivement de préposé de ladite société et de civilement responsable de son préposé dans le chef du dispositif du même acte tendant à l'allocation de dommages-intérêts à la partie civile, qui plus est à la suite du chef du dispositif relatif à l'action publique les désignant en leur exacte qualité respectivement de dirigeant social et de civilement responsable de son dirigeant ; que, dès lors, en décidant néanmoins que la rectification de cette erreur matérielle résultant des conclusions d'appel du CNCT où était sollicitée la condamnation à des dommages-intérêts de la société RPMU en qualité de civilement responsable de son dirigeant constituait en réalité une demande nouvelle, et comme telle irrecevable en appel, la Cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé l'ensemble des textes susvisés " ;
Vu l'article 515 du Code de procédure pénale ;
Attendu que ne constitue pas une demande nouvelle en cause d'appel, la demande de la partie civile qui, tendant aux mêmes fins que celle soumise aux premiers juges, repose sur un fondement juridique différent ;
Attendu que, par la citation directe qui a saisi le tribunal correctionnel de l'infraction poursuivie contre Jean-Pierre X..., président de la société Régie publicitaire de mobilier urbain, la partie civile, après avoir demandé que la société soit déclarée solidairement responsable du paiement de l'amende mise à la charge de son dirigeant, a sollicité la condamnation de celle-ci au paiement de dommages intérêts en sa qualité de civilement responsable de son préposé ;
Attendu que, devant la cour d'appel de renvoi, la partie civile a demandé la condamnation de la société en sa qualité de civilement responsable de son dirigeant social Jean-Pierre X... ; que la société a opposé une exception d'irrecevabilité de cette prétention sur le fondement de l'article 515, dernier alinéa, du Code de procédure pénale ;
Attendu que, pour déclarer la demande irrecevable comme nouvelle en cause d'appel, les juges du second degré énoncent que la distinction opérée par la partie civile dans l'assignation est exclusive de toute erreur matérielle et manifeste la volonté de celle-ci d'agir contre la société Régie publicitaire de mobilier urbain en tant que commettant du prévenu Jean-Pierre X..., ce qu'elle n'est pas ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que le tribunal correctionnel avait déjà été saisi, par la partie civile, d'une demande de condamnation, en qualité de civilement responsable, de la société dirigée par Jean-Pierre X... et que la modification du fondement de cette demande, ne pouvait lui conférer un caractère nouveau, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, l'arrêt de la cour d'appel d'Angers, du 16 décembre 1997, mais seulement en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande formée par la partie civile contre la société Régie publicitaire de mobilier urbain, toutes autres dispositions étant expréssement maintenues ;
Et pour qu'il soit jugé à nouveau, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Orléans.
Crim. 29 juin 1999 n° 98-81.326
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- Z...Michel,
- Y... Houchang,
contre l'arrêt de la cour d'appel de ROUEN, chambre correctionnelle, du 11 décembre 1997, qui, pour délit de blessures involontaires, les a condamnés chacun à 15 mois d'emprisonnement avec sursis et 50 000 francs d'amende, et a prononcé sur l'action civile ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 18 mai 1999 où étaient présents : M. Gomez président, M. Mistral conseiller rapporteur, MM. Roman, Grapinet, Blondet, Ruyssen, Mme Mazars conseillers de la chambre, Mmes Ferrari, Agostini conseillers référendaires ;
Avocat général : M. de Gouttes ;
Greffier de chambre : Mme Ely ;
Sur le rapport de M. le conseiller MISTRAL, les observations de Me Le PRADO, de la société civile professionnelle RICHARD et MANDELKERN et de la société civile professionnelle BARADUC et DUHAMEL, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général de GOUTTES ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires ampliatifs et additionnel produits en demande et le mémoire en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, proposé pour Houchang Y..., pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 1 et suivants, 157, 168, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué, pour reconnaître le prévenu coupable des faits visés à la prévention et le condamner à une peine de 15 mois d'emprisonnement avec sursis, et à 50 000 francs d'amende, constate qu'un expert, le Dr X..., ayant déposé un rapport mettant en cause le Dr Houchang Y..., s'est constitué partie intervenante à l'instance d'appel ;
" alors qu'en se fondant sur le rapport d'un expert qui s'est constitué partie intervenante à l'instance d'appel et a déposé des conclusions à l'encontre du Dr Houchang Y... au cours de l'instruction, la cour d'appel a violé les droits de la défense " ;
Sur le deuxième moyen de cassation, proposé dans les mêmes termes pour Michel Z...;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, s'il est vrai que l'arrêt attaqué mentionne dans son intitulé que le Dr X... est partie intervenante au procès alors que, au cours des débats, il a prêté serment comme expert et a été entendu en son rapport, cette discordance, qui est le résultat d'une erreur purement matérielle, n'a pu porter atteinte aux droits de la défense, dès lors qu'il ressort des autres énonciations de l'arrêt qu'à aucun moment de la procédure, l'expert n'est intervenu en qualité de partie ;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Sur le deuxième moyen de cassation, proposé pour Houchang Y..., pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 121-3, dans sa rédaction issue de la loi n° 96-393 du 13 mai 1996, 222-19, 222-29, alinéa 1er, 222-46 du nouveau Code pénal, 320 de l'ancien Code pénal, 388, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a reconnu le Dr Houchang Y... coupable d'une faute de maladresse, d'imprudence, d'inattention, de négligence et de manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou les règlements ayant causé à autrui une incapacité totale de travail pendant plus de 3 mois et l'a condamné à une peine de 15 mois d'emprisonnement avec sursis, ainsi qu'à une amende de 50 000 francs ;
" aux motifs que, le 1er janvier 1992, Laetitia A...a été victime d'un accident de la circulation qui lui a provoqué un traumatisme thoracique associant quatre fractures de côtes gauches, un pneumothorax gauche, ainsi qu'une contusion pulmonaire droite et gauche ; que, prise en charge par le SMUR, elle a été dirigée vers le centre de réanimation de l'hôpital de Fécamp ;
que, placée sous ventilation contrôlée, elle a subi un drainage pulmonaire ; que, dans les jours qui ont suivi son admission à l'hôpital, l'évolution de l'état de santé de Laetitia A...a été émaillée par divers incidents : apparition de fièvre à partir du deuxième jour d'hospitalisation, récidive du pneumothorax gauche le 3 janvier 1992 et désadaptation de la blessée à son respirateur et suspicion d'un épanchement au niveau de la cavité pleurale droite ayant nécessité un drainage de l'hémithorax droit le 3 janvier 1992 ;
qu'à partir du 6 ou 7 janvier 1992, l'état de santé de Laetitia A...a évolué favorablement, la blessée continuant à être ventilée ; que le 11 janvier 1992, une hernie diaphragmatique a été suspectée ; que Laetitia A...ayant présenté au cours de la journée du 12 janvier 1992 des épisodes diarrhéiques, des nausées et des maux de ventre, une intervention de type laparotomie exploratrice fut décidée dans la soirée ; qu'au cours de l'intervention, la patiente a été victime d'un arrêt cardiaque ; que, devant l'échec des manoeuvres de réanimation externes, une laparotomie a été effectuée et a mis en évidence l'absence d'hernie diaphragmatique et l'existence d'un pneumothorax suffocant traité aussitôt par drainage ; qu'à la suite de manoeuvres de massages internes, la pompe cardiaque a été relancée ; que, cependant, l'arrêt du coeur pendant une dizaine de minutes a provoqué une anoxie cérébrale générant des lésions irréversibles ; que, depuis, Laetitia A...a une vie végétative ; que, sont prévenus le Dr Michel Z..., chirurgien, et le Dr Houchang Y..., médecin anesthésiste ; que le premier expert judiciairement désigné, le Dr X..., chirurgien, a ainsi conclu son rapport :
1) si l'on excepte l'intervention réalisée le 12 janvier 1992 à l'hôpital de Fécamp, les soins apportés à Laetitia A...sont conformes à l'état actuel de la science ;
2) dans la réalité, l'intervention chirurgicale du 12 janvier 1992, au cours de laquelle Laetitia A...a souffert d'un arrêt cardiaque était inutile ;
3) il n'y avait aucune indication à réaliser une intervention suite aux blessures qu'a présentées Laetitia A...au cours de son accident de la voie publique du 1er janvier 1992 ;
4) tous les examens préopératoires, nécessaires et utiles avant la décision d'intervention du 12 janvier 1992, n'ont pas été réalisés ;
5) l'arrêt cardiaque peranesthésique de Laetitia A...le 12 janvier 1992 est la conséquence de son pneumothorax gauche suffocant dont elle souffrait, dont les effets ont été probablement potentialisés par ceux de l'injection de Diprivan rendue nécessaire par l'induction anesthésique, préalable à la laparotomie exploratrice projetée ;
6) l'état de la victime n'est pas susceptible d'amélioration. Il est plutôt susceptible d'aggravation ;
7) Laetitia A..., le 12 janvier 1992, a été à tort le fait d'une décision de laparotomie exploratrice, suite à un diagnostic erroné, le vrai diagnostic de l'affection parfaitement curable dont elle souffrait, en l'occurrence un pneumothorax gauche progressivement suffocant, ayant été méconnu ;
qu'à la suite de la remise au juge d'instruction, par le Dr Houchang Y..., des clichés radiographiques qu'il avait conservés, une seconde expertise a conclu :
1) au vu desdites radiographies, l'intervention chirurgicale pratiquée ne se justifiait pas et était même contre-indiquée ;
2) l'erreur de diagnostic réalisée pouvait être décelée facilement par l'étude desdites radiographies ; que, dans le corps de son rapport, l'expert a précisé que, d'une manière générale, une hernie diaphragmatique post-traumatique, suspectée, dans la mesure où elle est supportée cliniquement, " ne constitue pas en soi une urgence nécessitant une laparotomie extrêmement rapide. Il y a toujours le temps d'affirmer le diagnostic suspecté par des examens souvent très simples et non invasifs ; que, de même, selon l'expert, la précarité temporaire de la fonction respiratoire de la patiente devait rendre les praticiens particulièrement prudents, d'autant plus que, normalement, les blessures présentées suite à l'accident devaient guérir avec un minimum de séquelles voire l'absence de toute séquelle ; que l'analyse détaillée des clichés radiographiques du 11 janvier le confirme ; que les sept clichés du 12 janvier permettaient d'aboutir aux mêmes conclusions ; que le " caractère particulièrement explicite " des clichés radiographiques ne rendait même pas nécessaire, pour parvenir au diagnostic de pneumothorax suffocant, des examens complémentaires ; qu'une contre-expertise était ordonnée par le juge d'instruction à la demande des prévenus, confiée aux professeurs Pariente, Cupa et Chevrel, experts agréés par la Cour de Cassation ; que les conclusions de ces trois experts, tout à fait conformes à celles du Dr X..., ont été les suivantes :
1) les médecins, au moment des faits, devaient porter le diagnostic de pneumothorax et ne l'éliminer qu'après s'être assuré que ce n'en était pas un. L'hypothèse d'une rupture diaphragmatique étant beaucoup plus exceptionnelle, surtout quand elle ne surviendrait que secondairement, d'une part et, d'autre part, elle est rarement aussi compressive que dans le cas particulier. Elle n'est une urgence que s'il existe un étranglement des organes herniés, ce que rien ne laissait penser puisque le tableau clinique était, au contraire, celui d'une asphyxie ; que le diagnostic de pneumothorax, que devait fournir la ponction de l'hémithorax gauche, était donc celui à privilégier jusqu'à preuve du contraire ; que l'hypothèse d'une rupture diaphragmatique ne pouvait être envisagée qu'après avoir exclu la première ;
2) les examens complémentaires prescrits étaient destinées à établir le diagnostic de rupture diaphragmatique avec plus de certitude ;
que, malheureusement, leur qualité, quand ils sont faits au lit de malade grave, ne permet pas toujours de conclure, mais ce qui est visible sur ces examens milite contre une rupture diaphragmatique et permet d'affirmer l'existence d'un pneumothorax compressif au plus tard à 15 heures 30 le 12 janvier ; qu'en fait, plus qu'un examen radiologique, la ponction aurait dû résoudre le problème et ne présentait pas les risques invoqués par les médecins ;
3) les médecins, qui ont eu en charge cette patiente, ont commis une erreur de diagnostic et une faute thérapeutique, dues non pas à leur bonne volonté, qui a été tout à fait remarquable, mais à leur méconnaissance d'un certain nombre d'usages actuels, vu la rareté probablement à Fécamp, du syndrome auquel ils étaient exposés ;
que la faute majeure concerne, non pas l'interprétation erronée des radios, mais la décision d'opérer, qui n'aurait dû être prise qu'après avoir ponctionné l'hémithorax ; que, compte tenu des spécialités médicales, il nous semble que les deux médecins ont tous deux pris part à cette erreur puisque l'anesthésiste, aussi bien que le chirurgien, pouvait mettre une aiguille dans l'hémithorax, geste extrêmement simple qui se serait opposé forcément à la décision d'opérer puisqu'il aurait résolu au moins passagèrement le problème ;
4) l'état de santé actuel de la jeune fille est malheureusement dû à l'arrêt cardiaque prolongé qui s'est produit pendant cette intervention et qui ne se serait vraisemblablement pas produit si le pneumothorax avait été décomprimé d'urgence ; que l'accident cardiaque, en effet, aurait pu être évité en décomprimant l'hémithorax et en drainant la cavité pleurale ;
5) la séquence envisagée par les deux médecins a donc été l'inverse des règles habituelles et des règles de bon sens ; qu'il fallait d'abord décomprimer l'hémithorax, ne serait-ce que par une aiguille avant d'envisager l'intervention qui n'aurait dû venir qu'en cas d'échec de la première mesure ; que, surtout, le diagnostic de rupture diaphragmatique qu'ils ont envisagé donne rarement un tableau analogue à celui de la patiente d'une part et, d'autre part, ce diagnostic ne nécessite d'intervention d'urgence qu'en cas d'étranglement d'un viscère abdominal hernié dans le thorax ; qu'il n'y avait aucun élément en faveur de ce diagnostic ;
que, dans le corps de la discussion, ces experts ont relevé qu'il n'existait pas le 11 janvier d'image visible sur les clichés d'ascension des organes abdominaux dans le thorax ; qu'il n'existait aucun signe abdominal clinique anormal ; que les trois experts ont observé que les sept clichés du 12 janvier étaient très explicites ;
que, selon les experts, le quatrième cliché est " éloquent " : " A ce stade, le diagnostic de pneumothorax compressif est largement évident et aurait dû nécessiter la mise en place d'un drain intrapleural de toute urgence pour décomprimer les poumons et le coeur ", circonstances encore révélées par les 5ème et 6ème clichés qui traduisent l'aggravation du pneumothorax ; que les trois experts rappellent comme le premier que les ruptures diaphragmatiques ne sont nullement une urgence chirurgicale absolue mais qu'il en va tout autrement des pneumothorax suffocants ; que, même dans l'hypothèse de leur diagnostic " très peu vraisemblable ", la ponction thoracique était le geste qui s'imposait devant les signes de détresse respiratoire et les images évidentes des clichés successifs ; que les experts observent que les médecins ont recouru au contraire à une intervention d'urgence qui, du fait de la prémédication, mais beaucoup plus encore du fait de la détresse respiratoire qui s'accentuait, a entraîné un arrêt cardio-circulatoire ;
que les experts résument ainsi la situation : les médecins ont fait un diagnostic erroné qui est la cause de l'arrêt cardiaque et des séquelles que garde la victime ; que ces conclusions et discussions établissent bien la commission par les deux médecins de la faute de maladresse, imprudence, inattention, négligence visée à la prévention, faute commune selon les trois experts nationaux ; que les considérations générales à propos de la littérature médicale, qui avait été visée par le premier juge et qui est versée aux débats par la défense en cause d'appel ne sauraient aller à l'encontre des avis circonstanciés précisément rapportés à l'espèce de quatre experts réputés pour leur compétence ; que le lien de causalité est, de même, affirmé par les experts : le préjudice résulte de l'arrêt cardiaque qui, lui-même, est la conséquence de l'absence de soins du pneumothorax, situation encore aggravée par une intervention chirurgicale inutile ayant nécessité une prémédication nuisible ;
" 1) alors qu'en affirmant, d'une part, que le Dr Houchang Y... avait la qualité de chirurgien (arrêt p. 2, 1) et, d'autre part, qu'il avait la qualité d'anesthésiste (arrêt. 5, 4), la cour d'appel s'est prononcée par des motifs contradictoires, privant ainsi sa décision de motifs ;
" 2) alors que les juridictions répressives ne peuvent, sans transgresser les limites du litige, modifier les faits et la qualité des personnes poursuivies tels qu'ils sont fixés dans l'acte qui les saisit ; qu'en l'espèce, le Dr Houchang Y... a été renvoyé devant le tribunal correctionnel par une ordonnance du juge d'instruction en qualité de chirurgien prévenu du délit de coups et blessures involontaires ; qu'en décidant, néanmoins, que le Dr Houchang Y... avait engagé sa responsabilité pénale en qualité de médecin anesthésiste, sans constater qu'il avait accepté d'être jugé en cette qualité, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs ;
" 3) alors que ne constitue pas une faute pénale, la décision d'opérer consécutive à une erreur de diagnostic, lorsque cette décision s'explique par l'équivoque ou la complexité des symptômes et a été précédées d'examens préopératoires exclusifs d'une coupable négligence ; qu'en entrant, néanmoins, en voie de condamnation à l'encontre du prévenu, après avoir relevé que tous les clichés radiographiques préopératoires de la patiente nécessaires à l'établissement du diagnostic exact avaient bien été réalisés, sans rechercher, comme les experts l'avaient souligné, si la rareté du symptôme au CHU de Fécamp expliquait l'erreur de diagnostic ainsi commise, sans pour autant impliquer une maladresse fautive imputable au Dr Houchang Y..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
" 4) alors que n'est pas constitutif du délit de coups et blessures involontaires, l'erreur de diagnostic commise par un médecin qui est confronté à un syndrome exceptionnel eu égard à sa propre spécialité et aux moyens techniques dont il dispose ;
qu'en l'espèce, les juges du second degré, se rangeant à l'avis des experts, ont admis que la symptomatologie présentée par la patiente à laquelle était confronté le Dr Houchang Y... était exceptionnelle au CHU de Fécamp ; qu'en s'abstenant, néanmoins, de rechercher, comme elle y était conviée, si le prévenu n'avait pas été contraint d'opérer, après s'être heurté au refus du Dr Michel Z...de procéder au transfert de la patiente dans un établissement doté d'un scanner et d'un service de radiologie, dont le CHU de Fécamp était dépourvu, afin de dresser un diagnostic certain, de sorte que le Dr Houchang Y... n'avait commis aucune faute pénale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
" 5) alors que la responsabilité du médecin du chef du délit de blessures involontaires ne peut être engagée que si la survenance des blessures présente un lien de causalité certain avec le manquement qui lui est reproché ; qu'en s'abstenant, néanmoins, de rechercher, pour retenir la responsabilité pénale du Dr Houchang Y..., si à la lueur des conclusions expertales unanimes, l'arrêt cardiaque, dont a été victime Laetitia A..., était intervenu au cours de la seule phase d'anesthésie, de sorte que l'intervention chirurgicale pratiquée par le Dr Houchang Y... était étrangère à l'accident cardiaque, ce qui excluait tout lien de causalité entre l'intervention du chirurgien et les blessures, la cour d'appel a privé sa décision de base légale " ;
Sur le premier moyen de cassation, proposé pour Michel Z..., pris de la violation des articles 320 de l'ancien Code pénal, 222-19 du nouveau Code pénal, 1382 du Code civil, 485 et 593 du Code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le Dr Michel Z...coupable de blessures involontaires ;
" après avoir constaté que l'expert X... a conclu que Laetitia A...a fait à tort l'objet d'une décision de laparotomie exploratoire, suite à un diagnostic erroné, le vrai diagnostic de l'affection parfaitement curable dont elle souffrait, en l'occurrence, un pneumothorax gauche progressivement suffocant, ayant été méconnu et que les professeurs Pariente, Cupa et Chevrel, nommés pour procéder à la contre-expertise, ont conclu : " les médecins, qui ont eu en charge la patiente, ont commis une erreur de diagnostic et une faute thérapeutique dues non pas à leur bonne volonté, qui a été tout à fait remarquable, mais à leur méconnaissance d'un certain nombre d'usages actuels, vu la rareté, probablement à Fécamp, du syndrome auquel ils étaient exposés ;
que la faute majeure concerne, non pas l'interprétation erronée des radios, mais la décision d'opérer qui n'aurait dû être prise qu'après avoir ponctionné l'hémithorax ; que, compte tenu des spécialités médicales, il nous semble que les deux médecins ont tous deux pris part à cette erreur puisque l'anesthésiste, aussi bien que le chirurgien, pouvait mettre une aiguille dans l'hémithorax, geste extrêmement simple, qui se serait opposé forcément à une décision d'opérer puisqu'il aurait résolu au moins passagèrement le problème " ;
" aux motifs que les experts observent que les médecins ont recouru à une intervention d'urgence qui, du fait de la prémédication, mais beaucoup plus encore du fait de la détresse respiratoire qui s'accentuait, a entraîné un arrêt cardio-circulatoire ;
que les experts résument ainsi la situation : les médecins ont fait un diagnostic erroné qui est la cause de l'arrêt cardiaque et des séquelles que garde la victime ; que ces conclusions et discussions établissent bien la commission par les deux médecins de la faute de maladresse, imprudence, inattention, négligence visée à la prévention, faute commune selon les trois experts nationaux ; que les considérations générales à propos de " la littérature médicale ", qui avait été visée par le premier juge et qui est versée aux débats par la défense en cause d'appel, ne sauraient aller à l'encontre des avis circonstanciés précisément rapportés à l'espèce de quatre experts réputés pour leur compétence ; que le lien de causalité est, de même, affirmé par les experts : le préjudice résulte de l'arrêt cardiaque qui, lui-même, est la conséquence de l'absence de soins du pneumothorax, situation encore aggravée par une intervention chirurgicale inutile ayant nécessité une prémédication nuisible ;
" alors, d'une part, que le délit de blessures involontaires n'est constitué que s'il est le résultat d'une faute imputable au prévenu et que l'erreur de diagnostic, à l'origine de la décision de pratiquer l'intervention chirurgicale litigieuse sur la victime, qui incombe au seul chirurgien, le Dr Houchang Y..., et n'entre pas dans les compétences de l'anesthésiste, ne pouvait être retenue comme une faute personnelle de ce dernier ; qu'en statuant autrement, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;
" alors, d'autre part et subsidiairement, que le médecin n'est tenu que d'une obligation de moyens et non de résultat et qu'une simple erreur de diagnostic ne constitue pas une faute pénale ; qu'en conséquence, la cour d'appel ne pouvait déclarer le Dr Michel Z...coupable de blessures involontaires au seul motif que le diagnostic d'opérer était erroné " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Laetitia A...a été blessée lors d'un accident de la circulation ; qu'admise à l'hôpital de Fécamp, elle y a subi une intervention du type laparotomie exploratrice pratiquée par Houchang Y..., chirurgien, et avec l'aide de Michel Z..., anesthésiste ; qu'au cours de l'opération, un arrêt cardiaque de dix minutes a provoqué chez la victime une anoxie cérébrale irréversible avec coma et état végétatif ;
Que, poursuivis du chef de blessures involontaires, le chirurgien et l'anesthésiste ont été relaxés par le tribunal correctionnel ;
Attendu que, pour infirmer cette décision et condamner les deux praticiens pour blessures involontaires, la cour d'appel retient qu'il résulte des expertises médico-légales ordonnées par le juge d'instruction que les médecins, après avoir fait un diagnostic erroné, ont recouru à une intervention chirurgicale inutile ayant nécessité une prémédication nuisible et qui, du fait de la détresse respiratoire de la victime, a entraîné un arrêt cardio-circulatoire à l'origine des séquelles ;
Que les juges relèvent que la faute majeure commise par les deux médecins concerne la décision d'opérer, qui n'aurait dû être prise qu'après une ponction de l'hémithorax, geste simple qui aurait conduit à exclure l'intervention ;
Qu'après avoir ainsi qualifié ces fautes, les juges du second degré énoncent qu'elles sont à l'origine de l'arrêt cardiaque et des séquelles de la victime ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs procédant de l'appréciation par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, la cour d'appel, qui n'a pas fondé sa décision sur une simple erreur de diagnostic, a justifié sa décision ;
D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;
Mais sur le troisième moyen de cassation, proposé pour Houchang Y..., pris de la violation des articles 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 4 de l'ancien Code pénal, 112-1 du nouveau Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a reconnu le Dr Houchang Y... coupable d'une faute de maladresse, d'imprudence, d'inattention, de négligence et de manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou les règlements ayant causé à autrui une incapacité totale de travail pendant plus de 3 mois et l'a condamné à une peine de 15 mois d'emprisonnement avec sursis, ainsi qu'à une amende de 50 000 francs sur le fondement de l'article 222-19 du nouveau Code pénal ;
" 1) alors que les lois pénales nouvelles qui comportent des incriminations plus sévères ne sont pas rétroactives ; qu'en faisant néanmoins application au délit poursuivi de l'article 229-19 du nouveau Code pénal, qui comporte des incriminations plus larges que celles de l'article 320 de l'ancien Code pénal, et donc plus rigoureuses, à des faits commis, le 12 janvier 1992, soit avant l'entrée en vigueur, le 1er mars 1994, des dispositions nouvelles, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;
" 2) alors que les lois pénales nouvelles, qui comportent des incriminations plus sévères, ne sont pas rétroactives ; que l'article 320 de l'ancien Code pénal, en vigueur jusqu'au 28 février 1993, édictait une peine d'emprisonnement d'une année maximum et d'une amende de 20 000 francs ; que l'article 222-19 du nouveau Code pénal, entré en vigueur le 1er mars 1994, prévoit un emprisonnement de deux années et une peine d'amende de 200 000 francs ; que les faits poursuivis ayant été commis le 12 janvier 1992, le Dr Houchang Y... encourait uniquement les peines prévues par l'article 320 de l'ancien Code pénal ; qu'en le condamnant, néanmoins, à une peine d'emprisonnement de 15 mois avec sursis et une amende de 50 000 francs, peines supérieures à celles prévues par l'article 320 de l'ancien Code pénal, la cour d'appel a exposé sa décision à la censure de la Cour de Cassation " ;
Et sur le troisième moyen de cassation, proposé dans les mêmes termes pour Michel Z...;
Les moyens étant réunis ;
Vu l'article 112-1 du Code pénal ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que seules peuvent être prononcées les peines légalement applicables à la date à laquelle est commise l'infraction, lorsqu'elles sont moins sévères que les peines prévues par la loi nouvelle ;
Attendu que l'arrêt attaqué, après avoir déclaré Michel Z...et Houchang Y... coupables de blessures involontaires commises le 12 janvier 1992, les a condamnés chacun à 15 mois d'emprisonnement avec sursis ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors qu'à la date du délit retenu contre les demandeurs, le maximum de la peine prévue par l'article 320 de l'ancien Code pénal, alors applicable, était d'un an d'emprisonnement, la cour d'appel a méconnu le texte et le principe susénoncés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ; qu'elle sera limitée a la peine ;
Par ces motifs,
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Rouen, en date du 11 décembre 1997, en ses seules dispositions concernant la peine, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit jugé à nouveau, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de CAEN, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Rouen, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-neuf juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;
Crim. 23 juin 1999 n° 98-87.335
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-trois juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller PELLETIER, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Yann,
contre l'arrêt de la cour d'assises de l'ISERE, en date du 30 octobre 1998, qui, pour vol et séquestration aggravés et détérioration d'objets mobiliers appartenant à autrui, l'a condamné à 29 ans de réclusion criminelle et à l'interdiction, pendant 10 ans, des droits civils, civiques et de famille, ainsi que contre l'arrêt du même jour par lequel la Cour a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 224-4 alinéa 3 du Code pénal, 349 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce qu'il a été répondu affirmativement aux questions n° 8 et n° 9 posées comme suit :
Question n° 8 : " Yann X... est-il coupable d'avoir, à Z..., le 26 mars 1997, sans ordre des autorités constituées et hors les cas prévus par la loi séquestré Y... " ?
Question n° 9 : " Les faits spécifiés à la question n° 8 ont-ils eu lieu alors qu'Y... a été séquestrée comme otage pour préparer ou faciliter la commission du vol spécifié à la question n° 6 et qualifié à la question n° 7, et assurer l'impunité des auteurs de ces faits et sans que la victime soit volontairement libérée dans les sept jours " ?
" alors qu'il résulte de l'article 349 du Code de procédure pénale que la question relative à une cause de diminution de peine doit faire l'objet d'une question distincte de celles qui portent sur le fait principal et sur chacune des circonstances aggravantes ; que dès lors, la question n° 9, qui a interrogé la Cour et le jury à la fois sur une circonstance aggravante et sur une cause de diminution de peine, est entachée de complexité " ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 224-1 et 224-4 du Code pénal, 349, 366, 376 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt sur l'action publique énonce qu'il résulte de la déclaration de la Cour et du jury que Yann X... est coupable d'avoir à Z..., le 26 mars 1997, commis les crimes de vol avec tortures, séquestration en qualité d'otage pour préparer ou faciliter la commission d'un crime, favoriser la fuite, assurer l'impunité des auteurs et dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, commis le délit de détérioration grave d'objets mobiliers appartenant à autrui ;
" alors que les mentions de la feuille des questions et les énonciations de l'arrêt de condamnation doivent, à peine de nullité, être en concordance ; que tel n'est pas le cas en l'espèce puisqu'il ressort de la feuille des questions que la Cour et le jury n'ont pas été interrogés sur le point de savoir si la séquestration en qualité d'otage a eu pour but de favoriser la fuite des auteurs ; que dès lors, cette discordance prive la décision attaquée de toute base légale " ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 322-1 du Code pénal, 349 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce qu'il a été répondu affirmativement à la question n° 10 posée en ces termes : " Yann X... est-il coupable d'avoir, à Z..., le 26 mars 1997, détruit ou détérioré des objets mobiliers appartenant à Maurice Y... (délit connexe) ? " ;
" alors qu'aux termes de l'article 349 alinéa 1er du Code de procédure pénale, la Cour et le jury doivent se prononcer sur tous les éléments constitutifs de l'infraction ; qu'en l'espèce, la question n° 10 n'a pas interrogé la Cour et le jury sur le point de savoir si l'accusé avait " volontairement " détruit ou détérioré des objets mobiliers ; qu'il s'ensuit que Yann X... n'a pas été légalement déclaré coupable de ce délit et que la cassation est encourue derechef " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que la peine prononcée, supérieure à 20 ans de réclusion criminelle, trouvant son seul support légal dans les réponses affirmatives de la Cour et du jury aux questions n° 6 et 7, régulièrement posées, les interrogeant sur la culpabilité de Yann X... du chef de vol avec tortures, il n'y a pas lieu d'examiner les moyens proposés ;
Et attendu qu'aucun moyen n'est produit contre l'arrêt civil, que la procédure est régulière et que la peine a été légalement appliquée aux faits déclarés constants par la Cour et le jury ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Gomez président, M. Pelletier conseiller rapporteur, MM. Guilloux, Le Gall, Farge, Palisse, Mme Ponroy conseillers de la chambre, M. Sassoust, Mme Caron conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Launay ;
Greffier de chambre : Mme Lambert ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;
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