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Civ.3 7 mai 2025 n° 23-10.871

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 7 mai 2025



Rejet

Mme TEILLER, président


Arrêt n° 244 F-D
Pourvoi n° S 23-10.871



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 MAI 2025
La société [Adresse 3], anciennement dénommée [Adresse 4], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 23-10.871 contre l'arrêt rendu le 22 septembre 2022 par la cour d'appel de Papeete (chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Karavelli, société en nom collectif, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ au syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 4], [Adresse 5],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pons, conseiller référendaire, les observations de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société [Adresse 3], de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société Karavelli, après débats en l'audience publique du 25 mars 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Pons, conseiller référendaire rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Papeete, 22 septembre 2022, RG n°19/00341), rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 16 mai 2019, pourvoi n° 18-13.349), et les productions, aux termes d'un protocole d'accord conclu le 7 avril 2011, la société [Adresse 3], a été autorisée par la société Karavelli, contre paiement, à réaliser un piquage sur deux réservoirs situés sur la terre Vaihiapa en vue de l'alimentation en eau, sur la base d'un volume théorique annuel, d'un immeuble soumis au statut de la copropriété, dénommé la résidence [Adresse 3].
2.La société Karavelli a assigné la société [Adresse 3] en paiement de certaines sommes au titre de ce protocole d'accord, puis a mis en cause le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 3] (le syndicat des copropriétaires).
Recevabilité du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 4], examinée d'office
Vu les articles 609 et 611 du code de procédure civile :
3. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 16 du code de procédure civile, il est fait application des textes susvisés.
4. Le pourvoi en cassation n'est recevable que contre une personne qui a été partie à l'instance ou au profit de laquelle une condamnation a été prononcée.
5. La société [Adresse 3] s'est pourvue en cassation contre le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 4] qui n'était pas partie à l'instance ayant donné lieu à l'arrêt attaqué.
6. En conséquence, le pourvoi n'est pas recevable en ce qu'il est dirigé contre le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 4].

Examen des moyens
Sur le second moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
8. La société [Adresse 3] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de nullité du protocole et de la condamner au paiement d'une certaine somme, alors :
« 1°/ que la vente de la chose d'autrui est nulle ; qu'il incombe au vendeur de prouver qu'il était le véritable propriétaire de la chose au moment de la vente ; qu'en retenant pourtant, pour rejeter la demande de nullité du protocole, qu'il appartenait « à la SARL [Adresse 3] de rapporter la preuve que la SNC Karavelli n'était pas propriétaire des réservoirs d'eau sur lesquels elle a été autorisée à se raccorder, et plus précisément, que la commune de [Localité 6] était, comme elle le soutient, le véritable propriétaire », et que la société [Adresse 3] ne parvenait pas à démontrer que la commune de [Localité 6] était propriétaire des installations, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction applicable en Polynésie française, ensemble l'article 1599 du même code ;
2°/ que la vente de la chose d'autrui est nulle ; qu'il incombe au vendeur de rapporter la preuve que l'acquéreur est protégé, au moment où il demande la nullité de la vente, contre tout risque d'éviction ; qu'en reprochant pourtant à la société [Adresse 3], pour justifier le rejet de la demande de nullité du protocole d'accord du 12 juillet 2006 [lire 7 avril 2011], de n'avoir pas « établi ni même allégué » un « risque d'éviction », la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction applicable en Polynésie française, ensemble l'article 1599 du même code ;
3°/ que la vente de la chose d'autrui est nulle ; qu'en jugeant, pour rejeter la demande de nullité du protocole d'accord du 12 juillet 2006 [lire 7 avril 2011], que la commune de [Localité 6] avait adressé à la société Karavelli un courrier le 23 novembre 2011 pour lui offrir de se rendre acquéreur des deux réservoirs litigieux, « ce dont il se déduit que la commune de [Localité 6] n'a jamais eu l'intention de revendiquer la propriété

de ces constructions et équipements », quand l'offre d'acquisition faite par la commune ne faisait pas obstacle à ce qu'elle revendique la propriété des deux réservoirs, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser l'absence de risque d'éviction, en violation de l'article 1599 du code civil. »
Réponse de la Cour
9. La cour d'appel a retenu que l'acte du 10 mars 2004, par lequel la société Vaihiapa avait convenu de mettre à disposition de la commune de [Localité 6] une parcelle pour y faire construire deux réservoirs d'eau dans le délai de deux ans, ne suffisait pas, en l'absence d'éléments justifiant de leur construction dans le délai qui lui avait été imparti, à établir que la commune soit propriétaire de ces installations, puis a relevé que celle-ci, par lettre du 23 novembre 2011, avait proposé à la société Karavelli de se rendre acquéreur de l'ensemble de son réseau d'adduction d'eau, en ce compris les deux réservoirs litigieux.
10. Ayant ainsi fait ressortir que les allégations de la société [Adresse 3], portant sur la seule propriété des réservoirs, ne permettaient pas d'établir que la société Karavelli, en fournissant au syndicat des copropriétaires l'eau faisant l'objet du protocole du 7 avril 2011, aurait vendu la chose d'autrui, c'est sans inverser la charge de la preuve ni être tenue de caractériser l'absence de risque d'éviction, qu'elle en a déduit, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les deuxième et troisième branches du moyen, que la société [Adresse 3] n'était pas fondée à exciper de la nullité du contrat de vente.
11. Le moyen n'est donc pas fondé
Sur le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
12. La société [Adresse 3] fait grief à l'arrêt de la condamner au paiement d'une certaine somme, alors « que la ratification de la promesse de porte-fort peut être tacite ; que, dans ses écritures d'appel, la société [Adresse 3] avait rappelé que la société Karavelli avait adressé plusieurs facturations au syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 4] [lire [Adresse 3]], qui les avait réglées ; qu'elle en déduisait que la société [Adresse 3] avait exécuté le protocole d'accord du 7 avril 2011, de sorte qu'elle ne pouvait plus être recherchée par la société Karavelli ; que la cour d'appel a constaté que le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 3] avait payé sa consommation d'eau auprès de la société Karavelli ; qu'en considérant toutefois qu'il n'était pas démontré que le syndicat des copropriétaires avait ratifié le protocole d'accord du 7 avril 2011, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1120 du code civil, dans sa rédaction applicable en Polynésie française. »
Réponse de la Cour
13. Ayant constaté, au vu des factures émises par la société Karavelli, que les paiements effectués par le syndicat des copropriétaires n'avaient jamais correspondu au volume d'eau théorique annuel prévu par le protocole du 7 avril 2011, mais seulement à sa consommation réelle, la cour d'appel a pu en déduire que, le syndicat des copropriétaires ne s'étant jamais conformé à l'engagement pris par la société [Adresse 3], il ne l'avait pas ratifié.
14. Le moyen n'est donc pas fondé.




Civ.2 7 mai 2025 n° 23-21.455 B

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 7 mai 2025



Rejet

Mme MARTINEL, président


Arrêt n° 424 F-B
Pourvoi n° W 23-21.455




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 MAI 2025

M. [U] [Y], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° W 23-21.455 contre l'arrêt rendu le 7 juillet 2023 par la cour d'appel de Nîmes (chambre civile - 2e chambre, section B), dans le litige l'opposant :
1°/ au Conseil national des barreaux (CNB), établissement d'utilité publique, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à l'ordre des avocats au barreau de Marseille, établissement d'utilité publique, dont le siège est [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Brouzes, conseiller référendaire, les observations de la SARL Corlay, avocat de M. [Y], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat du Conseil national des barreaux et de l'ordre des avocats au barreau de Marseille, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 mars 2025 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Brouzes, conseiller référendaire rapporteur, Mme Isola, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 7 juillet 2023), soutenant que M. [Y], qui exerce à [Localité 4] une activité de « mandataire d'assuré », se livre à des consultations juridiques en violation des dispositions des articles 4, 54 et suivants de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, le Conseil national des barreaux et l'ordre des avocats au barreau de Marseille ont saisi un juge des référés afin qu'il lui soit fait défense de se livrer à une activité de consultations juridiques et de rédaction d'actes, à peine d'astreinte.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. M. [Y] fait grief à l'arrêt de dire qu'il ne respecte pas les dispositions des articles 54 et suivants de la loi du 31 décembre 1971 modifiée par la loi du 31 décembre 1990 et en conséquence, de lui faire défense de se livrer à une activité de consultation juridique et de rédaction d'actes, dans le délai de 10 jours à compter de la signification de l'arrêt, sous peine d'une astreinte de 1 000 euros par infraction dûment constatée et de dire que l'astreinte courra sur une durée maximale de neuf mois à compter du onzième jour suivant la signification de l'arrêt, alors « que constitue une consultation juridique le fait de donner un « avis sur une situation soulevant des difficultés juridiques ainsi que sur la (ou les) voie(s) possible(s) pour les résoudre » ; qu'en considérant que le fait d'apprécier « en fonction de la situation personnelle de chacun de ses clients et de facteurs multiples (taux d'incapacité, âge, situation professionnelle et personnelle, recours des tiers payeurs...) l'indemnisation des divers postes de préjudice qui lui apparaît la plus juste en fonction des indemnisations habituellement accordées » était qualifiable de « consultation juridique », la cour d'appel a violé l'article 54 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réformes de certaines professions judiciaires et juridiques, l'annexe à l'article A. 211-11 du code des assurances ensemble l'article 835 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
4. Selon l'article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires qui s'imposent pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
5. En application de l'article L. 211-10 du code des assurances, l'assureur du conducteur responsable d'un accident de la circulation doit, à peine de nullité de la transaction susceptible d'intervenir avec la victime, informer celle-ci qu'elle peut, dès l'ouverture de la procédure d'offre obligatoire, se faire assister par un avocat de son choix.
6. L'article R. 211-39 de ce code prévoit que, pour satisfaire à cette obligation légale d'information, l'assureur doit encore accompagner sa première correspondance avec la victime d'une notice relative à l'indemnisation des victimes d'accident de la circulation.
7. Si le modèle type de cette notice, figurant en annexe à l'article A. 211-11 du même code, issu de l'arrêté du 20 novembre 1987, mentionne, au titre des « conseils utiles », que la victime peut confier la défense de ses intérêts à toute personne de son choix et devra se faire représenter par un avocat en cas de procès, aucune de ces dispositions réglementaires n'autorise un tiers prestataire, autre qu'un professionnel du droit ou relevant d'une profession assimilée, à exercer, à titre habituel et rémunéré, une activité d'assistance à la victime pendant la phase non contentieuse de la procédure d'offre obligatoire, si elle comporte des prestations de conseil en matière juridique, au sens de l'article 54 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971.
8. L'arrêt relève que M. [Y] proposait dans des « mandats de gestion et procuration » de représenter les victimes d'accidents de la circulation dans le processus d'indemnisation et d'assurer toute la gestion administrative du dossier, et que ces mandats lui donnaient l'autorisation de recevoir toutes correspondances et communications, d'y répondre en leur nom, de prendre les décisions relatives à l'organisation des expertises matérielles et corporelles, de recevoir les offres d'indemnisation, de les négocier, de les accepter ou de les refuser et de percevoir pour leur compte tous les règlements leur revenant.
9. Il constate qu'il résultait des pièces versées aux débats que M. [Y] analysait les propositions d'offres d'indemnisation des assureurs, qu'il rédigeait les réponses en formulant parfois une contre-proposition, qu'il prenait des décisions quant à l'orientation des expertises médicales amiables, qu'il analysait les rapports pour conseiller ses clients sur les suites à donner et qu'il était le seul interlocuteur des assureurs pendant la phase amiable.
10. L'arrêt retient que l'intéressé ne se limitait pas à une simple gestion administrative ou à une discussion purement technique aboutissant à un calcul automatique d'indemnités, mais qu'il appréciait en fonction de la situation personnelle de chacun de ses clients et de facteurs multiples tels que le taux d'incapacité, l'âge, la situation professionnelle et personnelle ou le recours des tiers payeurs, l'indemnisation des divers postes de préjudice qui lui apparaissait la plus juste en fonction des indemnisations habituellement accordées.
11. Ayant exactement déduit qu'une telle activité d'assistance exercée, fût-ce durant la phase non contentieuse de la procédure d'offre, à titre principal, habituel et rémunéré, comportait des prestations de conseil en matière juridique, au sens de l'article 54 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, la cour d'appel a souverainement apprécié la mesure propre à faire cesser le trouble manifestement illicite qu'elle constatait.
12. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.




Com. 7 mai 2025 n° 23-15.931 B

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
HM


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 7 mai 2025



Cassation partielle

M. PONSOT, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 253 F-B
Pourvoi n° S 23-15.931



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 7 MAI 2025
1°/ M. [J] [R], domicilié [Adresse 1],
2°/ Mme [O] [R], domiciliée [Adresse 2],
3°/ la Société d'ingenierie bâtiment [D] [R], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4],
ont formé le pourvoi n° S 23-15.931 contre l'arrêt rendu le 13 mars 2023 par la cour d'appel de Basse-Terre (2e chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ à Mme [I] [L], domiciliée [Adresse 3],
2°/ à la société Poirier, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 3],
défenderesses à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Maigret, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [J] [R], Mme [O] [R] et de la Société d'ingenierie bâtiment [D] [R], de la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de Mme [L] et de la société Poirier, après débats en l'audience publique du 11 mars 2025 où étaient présents M. Ponsot, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Maigret, conseiller référendaire rapporteur, Mme Graff-Daudret, conseiller, et M. Doyen, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 13 mars 2023), la Société d'ingénierie bâtiment [D]. [R] (la société [R]), SARL, a été constituée le 10 décembre 1986 par M. [Y] [R] et M. [G] [C]. A compter du 13 juillet 2004, son capital a été détenu par M. [Y] [R], son gérant, qui possédait 499 parts sociales sur 500, et par sa s?ur, Mme [X], qui détenait la part restante. Le 25 novembre 2010, Mme [L], compagne de M. [R], a été nommée co-gérante.
2. [Y] [R] est décédé le 23 février 2011, en laissant pour lui succéder, Mme [U] [C], son épouse, M. [J] [R], et Mme [O] [R], ses deux enfants, et Mme [L], légataire universelle en vertu d'un testament authentique du 14 janvier 2011 aux termes duquel il lui avait légué « la quotité disponible autorisée par l'article 913 du code civil. »
3. Mme [L] est demeurée gérante de la société [R] jusqu'au 30 juin 2015, date à laquelle elle a été remplacée dans ses fonctions par Mme [X].
4. Par une ordonnance du 22 janvier 2016, le juge des référés a ordonné une expertise comptable et de gestion de la société [R], à la demande de M. [J] [R] et de Mme [O] [R], agissant en leur nom propre et en leur qualité de tuteurs de Mme [U] [C], lesquels ont assigné à cette fin Mme [L] et la société [R], dont elle était encore gérante à la date de l'assignation, faisant état d'irrégularités de gestion apparues lors de l'assemblée générale qui s'était tenue le 1er octobre 2014.
5. Par une seconde ordonnance du 15 avril 2016, le juge des référés a confié à l'expert la mission de vérifier les écritures comptables de la société [R] pour les exercices 2010 à 2013 inclus, et d'examiner les relations de la société [R] avec Mme [L], au travers son entreprise personnelle Sima, avec la SCI Poirier, dont elle était associée, et avec Mme [E], sa nièce, qui était également associée puis gérante de la SCI Poirier. L'expert a déposé son rapport le 18 juin 2018.
6. Le 12 juin 2019, la société [R], M. [J] [R] et Mme [O] [R] ont assigné Mme [L] et la SCI Poirier afin de voir condamner Mme [L] notamment à payer à la société [R] diverses sommes.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
7. M. [J] [R] et Mme [O] [R] font grief à l'arrêt de les déclarer irrecevables en leurs demandes de condamnation formées à l'encontre de Mme [I] [L] pour le compte de la société [R] dans le cadre de l'action sociale ut singuli, alors que « l'action sociale ut singuli ne présente aucun caractère subsidiaire ; qu'en se bornant à retenir, pour juger irrecevable, pour défaut d'intérêt, l'action ut singuli exercée par les associés en réparation du préjudice subi par la société, que "l'action sociale ut singuli, exercée par les associés pour le compte de la société, est traditionnellement considérée comme une action subsidiaire" et que "M. [J] [R] et Mme [O] [R] ont agi pour le compte de la société en même temps que cette dernière, afin de solliciter l'indemnisation du même préjudice", quand les associés sont investis d'un droit propre d'agir en justice en réparation du préjudice subi par la société, qui n'est pas affecté par le seul exercice de son action par la société elle-même, la cour d'appel a violé l'article L. 223-22 du code de commerce, ensemble l'article 31 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 31 du code de procédure civile et L. 223-22, alinéa 3, du code de commerce :
8. Selon le premier de ces textes, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention ou pour défendre un intérêt déterminé.
9. Selon le second, les associés peuvent, soit individuellement, soit en se groupant dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, intenter l'action sociale en responsabilité contre les gérants.
10. Il en résulte que les associés sont investis d'un droit propre d'agir en réparation du préjudice subi par la société, lequel n'est pas affecté par l'exercice concomitant de son action par la société.
11. Pour déclarer irrecevable l'action ut singuli exercée par M. [J] [R] et Mme [O] [R] à l'encontre de Mme [L], l'arrêt, après avoir énoncé que l'action sociale ut singuli, exercée par les associés pour le compte de la société, est traditionnellement considérée comme une action subsidiaire, et relevé que M. [J] [R] et Mme [O] [R] ont agi pour le compte de la société en même temps que cette dernière, afin de solliciter l'indemnisation du même préjudice, retient que, dès lors, ceux-ci ne disposent d'aucun intérêt à agir en réparation d'un préjudice dont la société elle-même sollicite déjà la réparation.
12. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.




Civ.3 7 mai 2025 n° 24-15.027 B

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
CL


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 7 mai 2025



Cassation partielle

Mme TEILLER, président


Arrêt n° 250 FS-B
Pourvoi n° E 24-15.027



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 MAI 2025
M. [R] [H], domicilié [Adresse 4], [Localité 7], a formé le pourvoi n° E 24-15.027 contre l'arrêt rendu le 12 mars 2024 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre civile B), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [G] [X],
2°/ à Mme [B] [X],
tous deux domiciliés [Adresse 1], [Localité 7],
3°/ à la société SCI [Adresse 8], société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 7],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Choquet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [H], et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 mars 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Choquet, conseiller référendaire rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, Mme Oppelt, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mme Davoine, M. Pons, conseillers référendaires, M. Sturlèse, avocat général, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 12 mars 2024), M. [H], M. et Mme [X] et la société civile immobilière [Adresse 8] (la SCI) sont propriétaires, chacun, respectivement, des parcelles cadastrées section AR n° [Cadastre 2], [Cadastre 5] et [Cadastre 6]. Ils sont également propriétaires indivis du chemin du [Adresse 8], constituant la parcelle cadastrée section AR n° [Cadastre 3] desservant leurs propriétés.
2. M. et Mme [X] et la SCI ayant fait réaliser une rampe d'accès bétonnée permettant un accès plus direct à leurs fonds, après surélévation du chemin du [Adresse 8], M. [H] les a assignés pour obtenir la démolition de l'ouvrage et des aménagements réalisés ainsi que la réfection du chemin, et l'indemnisation de ses préjudices moral et de jouissance.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. M. [H] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, à l'exception de sa demande de dommages-intérêts en réparation de son trouble de jouissance, alors « que les constructions élevées sur un immeuble indivis par l'un des propriétaires deviennent propriété commune des coïndivisaires si leur démolition n'est pas demandée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que M. [H] était propriétaire indivis, pour moitié, de la parcelle sur laquelle M. et Mme [X] et la SCI [Adresse 8] ont bâti une rampe bétonnée sans l'accord de celui-ci ; qu'en rejetant néanmoins la demande de M. [H] aux fins de démolition de ladite rampe, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 551 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 544 et 551 du code civil :
4. Aux termes du premier de ces textes, la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.
5. Selon le second, tout ce qui s'unit et s'incorpore à la chose appartient au propriétaire.
6. Il en résulte que, si en matière d'indivision forcée, chacun des indivisaires a le droit d'user et de jouir du bien indivis, à la condition de ne pas en changer la destination sans le consentement unanime de tous les copropriétaires et de ne causer ni dommage ni trouble à la possession d'aucun d'eux, chacun d'eux peut, en vertu de son droit propre, demander la suppression totale des nouveaux ouvrages édifiés sans son consentement sur le fonds indivis, ne pouvant être contraint d'en devenir propriétaire.
7. Pour rejeter la demande en démolition de l'aménagement édifié sur la parcelle cadastrée section AR n° [Cadastre 3] et en remise en état du chemin, l'arrêt retient que M. et Mme [X] et la SCI n'ont modifié ni l'assiette du chemin ni son usage, dès lors qu'il a toujours vocation à desservir les fonds, et que la création de la rampe bétonnée ne prive pas M. [H] de l'accès à sa propriété ni ne le diminue, comme elle ne l'empêche pas d'emprunter la partie du chemin sur laquelle la rampe a été construite.
8. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que la rampe avait été édifiée sur une parcelle en indivision forcée, sans que M. [H] y ait consenti, la cour d'appel a violé les textes susvisés.




Com. 7 mai 2025 n° 23-21.508 B

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
HM


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 7 mai 2025



Cassation

M. PONSOT, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 245 F-B
Pourvoi n° D 23-21.508



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 7 MAI 2025
La société Tahiti art Maohi, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 23-21.508 contre l'arrêt rendu le 22 juin 2023 par la cour d'appel de Papeete (chambre commerciale), dans le litige l'opposant à Mme [K] [P], épouse [F], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme de Lacaussade, conseiller, les observations de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de la société Tahiti art Maohi, après débats en l'audience publique du 11 mars 2025 où étaient présents M. Ponsot, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme de Lacaussade, conseiller rapporteur, Mme Graff-Daudret, conseiller, et M. Doyen, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Papeete, 22 juin 2023), une assemblée générale ordinaire des associés de la société à responsabilité limitée Tahiti art Maohi (la société TAM), du 27 juillet 2016, a révoqué Mme [P] de ses fonctions de cogérante et a désigné M. [U] [P] en qualité de gérant unique, après avoir pris acte de la démission de M. [Z] [P] de son mandat de cogérant.
2. Contestant la révocation de son mandat de cogérante, Mme [P] a saisi le tribunal mixte de commerce en annulation de l'assemblée générale du 27 juillet 2016 ainsi que des assemblées postérieures, tenues les 1er septembre 2017, 27 juin 2018, 14 septembre 2019 et 18 septembre 2020 et, à titre subsidiaire, en paiement de dommages et intérêts.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
4. La société TAM fait grief à l'arrêt d'annuler l'assemblée générale ordinaire tenue le 27 juillet 2016 par ses associés et, par voie de conséquence, d'annuler les procès-verbaux des assemblées générales tenues les 1er septembre 2017, 27 juin 2018, 14 septembre 2019 et 18 septembre 2020, alors « que la nullité des actes et délibérations d'une société ne peut résulter que de la violation d'une disposition légale impérative relevant du Livre II du code de commerce, relatif aux sociétés commerciales, ou des lois qui régissent les contrats ; qu'aucun texte n'exige, a fortiori à peine de nullité, la consignation jusque dans le procès-verbal de l'assemblée générale du juste motif qui a provoqué la révocation d'un dirigeant social ; qu'en annulant néanmoins l'assemblée générale ordinaire du 27 juillet 2016 pour défaut de mention de la cause légitime de révocation de Mme [P], la cour d'appel a également violé l'article L. 235-1 du code de commerce, dans sa rédaction applicable en Polynésie française. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 235-1 du code de commerce, dans sa rédaction applicable en Polynésie française :
5. Selon ce texte, la nullité d'actes ou délibérations autres que ceux modifiant les statuts ne peut résulter que de la violation d'une disposition impérative du livre II relatif aux sociétés commerciales ou des lois qui régissent les contrats. Il en résulte que, sous réserve des cas dans lesquels il a été fait usage de la faculté, ouverte par une disposition impérative, d'aménager conventionnellement la règle posée par celle-ci, le non-respect des stipulations contenues dans les statuts n'est pas sanctionné par la nullité.
6. Pour annuler l'assemblée générale ordinaire du 27 juillet 2016 et les procès-verbaux des assemblées générales subséquentes, l'arrêt retient qu'il s'induisait de l'article 19-2° des statuts que la décision de révocation du gérant ou du cogérant devait être décidée par la majorité des associés représentant plus de la moitié des parts sociales, pour un juste motif, lequel devait nécessairement être rapporté au procès-verbal de l'assemblée générale et que tel n'était pas le cas puisque le procès-verbal ne comportait strictement aucune mention du motif retenu par la collectivité des associés pour révoquer le mandat de cogérant de Mme [P], de sorte que le juge n'était pas en mesure de s'assurer du bien-fondé de la décision de révocation.
7. En statuant ainsi, alors qu'aucune disposition impérative du livre II du code de commerce ne prévoit que le motif de révocation doit être rapporté au procès-verbal de l'assemblée générale révoquant le mandat du dirigeant social, la cour d'appel, qui n'a au demeurant pas constaté que la disposition statutaire prétendument méconnue procéderait de l'aménagement d'une faculté offerte par une disposition impérative de la loi, a violé le texte susvisé.
Et sur le moyen, pris en sa quatrième branche
Enoncé du moyen
8. La société TAM fait le même grief à l'arrêt, alors « que l'annulation d'une résolution pour abus de majorité suppose que la preuve soit rapportée par les associés minoritaires que la décision litigieuse est contraire à l'intérêt social et qu'elle a été prise dans l'unique dessein de favoriser les membres de la majorité à leur détriment ; qu'en considérant que la révocation de Mme [P] procédait d'un tel abus, motif pris que la société TAM ne produirait pas d'éléments concrets établissant que cette révocation était conforme à l'intérêt général de la société et non seulement conforme à l'intérêt des associés ayant voté en faveur de la révocation, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, ce en quoi elle a violé l'article 1315 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction applicable en Polynésie française :
9. Aux termes de ce texte, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
10. Pour annuler l'assemblée générale ordinaire du 27 juillet 2016 et les procès-verbaux des assemblées générales subséquentes, l'arrêt énonce qu'une décision sociale est constitutive d'un abus de majorité quand elle est prise contrairement à l'intérêt général de la société et dans l'unique dessein de favoriser les membres de la majorité des associés au détriment de la minorité puis retient que la société TAM ne produisait pas d'éléments concrets établissant que la révocation de la cogérante était conforme à l'intérêt général de la société et pas seulement conforme à l'intérêt des associés ayant voté pour cette révocation.
11. En statuant ainsi, alors que la preuve d'un abus de majorité incombe à la partie qui l'invoque, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé le texte susvisé.




Civ.3 7 mai 2025 n° 24-12.150

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
FC


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 7 mai 2025



Cassation

Mme TEILLER, président


Arrêt n° 236 F-D
Pourvoi n° C 24-12.150



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 MAI 2025
1°/ Mme [X] [S] épouse [C],
2°/ M. [E] [C],
tous deux domiciliés [Adresse 3],
ont formé le pourvoi n° C 24-12.150 contre l'arrêt rendu le 21 décembre 2023 par la cour d'appel de Bourges (chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ à la société d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) Bourgogne Franche-Comté, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à M. [W] [R], domicilié [Adresse 4],
3°/ à M. [Z] [P], domicilié [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, cinq moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Bosse-Platière, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. et Mme [C], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société d'aménagement foncier et d'établissement rural Bourgogne Franche-Comté, après débats en l'audience publique du 25 mars 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Bosse-Platière, conseiller rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bourges, 21 décembre 2023), après avoir reçu notification, le 31 juillet 2020, d'un acte de vente du 25 juillet 2020 par Mme [Y] à M. et Mme [C] d'un domaine composé d'une maison d'habitation, de bâtiments et de parcelles de terre, la société d'aménagement foncier et d'établissement rural Bourgogne Franche-Comté (la SAFER) a sollicité, le 7 août 2020, des précisions sur la description du bâti.
2. Le 2 septembre 2020, le notaire instrumentaire lui a adressé un nouveau formulaire d'information déclarative, précisant que, de convention entre les parties, les acquéreurs s'engageaient à procéder à la reconstruction de la maison d'habitation.
3. Le 7 octobre 2020, la SAFER a notifié au notaire sa décision d'exercer son droit de préemption sur une partie des biens vendus.
4. Le 27 octobre 2020, le notaire l'a informée de ce que Mme [Y] s'opposait à l'exercice partiel du droit de préemption et demandait soit qu'elle se porte acquéreur de l'ensemble des biens au prix initial soit qu'elle renonce à son droit de préemption.
5. Le 10 novembre 2020, la SAFER a informé le notaire de sa décision d'acquérir la totalité du domaine au prix mentionné dans l'acte de vente du 25 juillet 2020.
6. Le 1er avril 2021, M. et Mme [C] ont assigné la SAFER en annulation des décisions de préemption des 7 octobre et 10 novembre 2020.
7. Le 15 avril 2021, la SAFER a informé M. et Mme [C] de l'attribution des biens préemptés à M. [R] et à M. [P].
8. Le 8 octobre 2021, M. et Mme [C] ont assigné la SAFER, M. [R] et M. [P] en annulation des décisions de rétrocession de la SAFER. Les instances ont été jointes.
9. La SAFER a interjeté appel de la décision du tribunal judiciaire qui a annulé les décisions de préemption et de rétrocession.
Examen du moyen
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
10. M. et Mme [C] font grief à l'arrêt de constater que la cour n'était pas saisie d'un appel incident sur l'exercice hors délai du droit de préemption de la SAFER et, infirmant le jugement, de rejeter leurs demandes, alors « que la cour d'appel doit statuer sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et examiner les moyens au soutien de ces prétentions s'ils sont invoqués dans la discussion ; qu'une cour d'appel saisie par l'intimé de conclusions demandant la confirmation du jugement ayant prononcé la nullité d'une décision de préemption de la SAFER, doit examiner tous les moyens articulés au soutien de cette prétention, y compris ceux non retenus par le tribunal pour fonder sa décision d'annulation ; que pour refuser de se prononcer sur le caractère tardif de la décision de préemption de la SAFER, invoqué par M. et Mme [C], intimés, dans la partie discussion de leurs conclusions, au soutien de leur demande de confirmation du jugement qui avait prononcé l'annulation de cette décision de préemption, la cour d'appel a retenu que le jugement ayant indiqué, dans ses motifs, que la SAFER n'était pas forclose et M. et Mme [C] n'ayant pas formé appel incident ni demandé l'infirmation du jugement sur ce point, elle ne statuerait pas de ce chef ; qu'en refusant ainsi d'examiner ce moyen expressément invoqué dans la discussion des conclusions des exposants au soutien de leur demande de confirmation du jugement, la cour d'appel a violé l'article 954 du code de procédure civile, ensemble l'article 561 du même code. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 561 et 954, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, du code de procédure civile :
11. Selon le premier de ces textes, l'appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d'appel. Il est statué à nouveau en fait et en droit dans les conditions et limites déterminées aux livres premier et deuxième du code de procédure civile.
12. Selon le second, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions d'appel et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
13. Pour refuser de se prononcer sur le caractère tardif de la préemption exercée par la SAFER, comme le soutenaient M. et Mme [C] dans la partie discussion de leurs conclusions, l'arrêt retient que, bien que le jugement n'ait pas repris expressément dans son dispositif que « la SAFER n'était pas forclose en décidant d'exercer son droit de préemption le 7 octobre 2020 », ainsi qu'il était écrit dans les motifs de cette décision, il n'était pas impossible pour une partie de critiquer expressément ces motifs et que M. et Mme [C] n'ayant ni formé appel incident ni demandé une infirmation du jugement sur ce point, il n'y a pas lieu de statuer de ce chef.
14. En statuant ainsi, alors que M. et Mme [C], intimés, sollicitaient la confirmation du jugement, en se prévalant tant des moyens de nullité retenus par le premier juge que du moyen, écarté sans faire l'objet d'un chef de dispositif distinct, tiré de la tardiveté de l'exercice par la SAFER de son droit de préemption, ce dont il résultait qu'elle était valablement saisie de ce moyen bien que M. et Mme [C] n'aient pas formé d'appel incident, la cour d'appel a violé les textes susvisés.




Com. 7 mai 2025 n° 21-19.553

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
FM


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 7 mai 2025



Cassation partielle

M. VIGNEAU, président


Arrêt n° 231 FS-D
Pourvoi n° N 21-19.553



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 7 MAI 2025
1°/ M. [M] [R], domicilié [Adresse 6] (Espagne),
2°/ M. [L] [R],
3°/ Mme [U] [X], épouse [R],
tous deux domiciliés [Adresse 4],
4°/ la société Orga+, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2] (Luxembourg),
5°/ la société Digital People, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],
ont formé le pourvoi n° N 21-19.553 contre l'ordonnance rendue le 30 juin 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 15), dans le litige les opposant :
1°/ à la directrice générale des finances publiques, domiciliée [Adresse 1],
2°/ à la directrice générale des finances publiques, domiciliée [Adresse 5], représentée par l'administrateur des finances publiques chargé de la direction nationale d'enquêtes fiscales,
défenderesses à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, neuf moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Alt, conseiller, puis après avoir entendu M. [W] [T], secrétaire général de la Commission nationale de l'information et des libertés (CNIL), Mme [O] [N], cheffe du service des affaires régaliennes et des collectivités territoriales de la CNIL et M. [J] [V], juriste au service des affaires régaliennes et des collectivités territoriales de la CNIL, en leurs observations en application de l'article 1015-2 du code de procédure civile, après débat en l'audience publique du 26 novembre 2024 où étaient présents, M. Vigneau, président, M. Alt, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, Mmes Graff-Daudret, Ducloz, de Lacaussade, M. Thomas, conseillers, Mmes Vigneras, Lefeuvre, Tostain, M. Maigret, conseiller référendaires, M. Lecaroz, avocat général, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
Les débats se sont poursuivis en l'audience publique du 11 mars 2025, pour entendre M. Alt, conseiller, pour la suite de son rapport, les observations de la SARL Cabinet Briard, Bonichot et Associés, avocat de MM. [M] et [L] [R], de Mme [X], épouse [R], et des sociétés Orga+ et Digital People, de la SCP Foussard et Froger, avocat de la directrice générale des finances publiques, représentée par l'administrateur des finances publiques chargé de la direction nationale d'enquêtes fiscales, et l'avis de M. Lecaroz, avocat général, où étaient présents M. Vigneau, président, M. Alt, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, Mmes Graff-Daudret, Ducloz, de Lacaussade, M. Thomas, conseillers, Mmes Vigneras, Lefeuvre, Tostain, M. Maigret, conseillers référendaires, M. Lecaroz, avocat général, et M. Doyen, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.



Faits et procédure
1. Selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 30 juin 2021), un juge des libertés et de la détention a, sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, autorisé des agents de l'administration fiscale à effectuer des opérations de visite et saisies dans divers locaux situés au [Adresse 3] Paris, susceptibles d'être occupés par diverses personnes physiques et morales, dont M. [M] [R], Mme [X], M. [L] [R] (les consorts [R]) ou Mme [K] [P], en vue de rechercher la preuve de fraudes fiscales commises par la société de droit luxembourgeois Orga+ et la société Digital People.
2. Les opérations de visite et saisie se sont déroulées le 27 octobre 2020.
3. Les sociétés Orga+, Digital People et les consorts [R] ont relevé appel.
Sur le sixième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. Les sociétés Orga+, Digital People et les consorts [R] font grief à l'ordonnance de confirmer celle rendue le 26 octobre 2020 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Paris alors « que l'administration fiscale n'est pas une autorité pénale et que les visites domiciliaires ordonnées sur la base du livre des procédures fiscales ne sont pas des enquêtes pénales, mais des enquêtes fiscales ; en écartant l'application aux visites domiciliaires du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 concernant le Règlement général sur la protection des données (RGPD) au motif que ledit Règlement ne s'applique pas aux traitements de données par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection d'infractions pénales, d'enquête et de poursuite en la matière, le délégué du premier président a violé les considérants 31 et 71 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 concernant le Règlement général sur la protection des données (RGPD) et l'article 1er de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés modifiée et l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 2 et 23 du règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (le RGPD) et l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales :
5. Il résulte de ces textes que le traitement de données à caractère personnel mis en oeuvre par l'administration fiscale aux fins d'obtenir l'autorisation de procéder à des opérations de visite et saisie sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, qui a pour finalité d'obtenir le droit de procéder à une mesure d'enquête pouvant donner lieu à la constatation d'une infraction ou d'un manquement à la législation fiscale, dans le but de percevoir l'impôt et de lutter contre la fraude fiscale, entre dans le champ d'application matériel du RGPD.
6. Pour rejeter le moyen selon lequel l'administration a collecté des données à caractère personnel issues de bases de données ou de sites d'accès public en violation des règles du RGPD garantissant la protection des données, l'ordonnance énonce que ce règlement ne s'applique pas au traitement de données à caractère personnel effectué par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d'enquêtes et de poursuites en la matière ou d'exécution de sanctions pénales, y compris la protection contre des menaces pour la sécurité publique et la prévention de telles menaces, et que le droit de visite de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales vise à lutter contre la fraude fiscale, tout en respectant la liberté individuelle et le droit au recours juridictionnel effectif.
7. En statuant ainsi, le premier président a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
La cassation prononcée sur le sixième moyen, pris en sa première branche, entraîne la cassation, par voie de conséquence, du chef de dispositif déclarant régulières les opérations de visite domiciliaire datées du 27 octobre 2020, réalisées dans les locaux et dépendances situés [Adresse 3] à [Localité 7], qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.




Com. 7 mai 2025 n° 22-24.619 B

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
FM


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 7 mai 2025



Cassation partielle

M. VIGNEAU, président


Arrêt n° 234 FS-B
Pourvoi n° Q 22-24.619




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 7 MAI 2025

La société Banque populaire Mediterranée, société coopérative de banque à forme anonyme et capital variable, dont le siège est [Adresse 3], venant aux droits de la Banque populaire Côte d'Azur, a formé le pourvoi n° Q 22-24.619 contre l'arrêt rendu le 25 octobre 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-1), dans le litige l'opposant :
1°/ à la direction générale des douanes et droits indirects, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à la directrice régionale des douanes et droits indirects de [Localité 7], dont le siège est [Adresse 2],
3°/ au receveur interrégional des douanes et droits indirects de [Localité 6], dont le siège est [Adresse 4],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Tostain, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, avocat de la société Banque populaire Mediterranée, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la direction générale des douanes et droits indirects, de la directrice régionale des douanes et droits indirects de Nice et du receveur interrégional des douanes et droits indirects de Marseille, et l'avis de M. Lecaroz, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 mars 2025 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Tostain, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, Mmes Graff-Daudret, Ducloz, M. Alt, Mme de Lacaussade, MM. Thomas, Gauthier, conseillers, Mmes Vigneras, Lefeuvre, M. Maigret, conseillers référendaires, M. Lecaroz, avocat général, et M. Doyen, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procedure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 25 octobre 2022), la société Banque populaire Côte d'Azur, aux droits de laquelle vient la socié
2. Le 13 juin 2012, l'administration des douanes a notifié à la société un avis de mise en recouvrement (AMR) au titre du droit de passeport dû pour les années 2007 à 2011.
3. Après le rejet de sa réclamation, la société a assigné l'administration des douanes en annulation de l'AMR et en décharge des droits mis en recouvrement.
4. La société a demandé à la cour d'appel, à titre subsidiaire, de déclarer prescrits les droits réclamés pour les années 2007 et 2008.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
Enoncé du moyen
6. La société fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau et ajoutant, de valider l'AMR litigieux pour un montant de 1 274 360 euros, alors :
« 2°/ que l'AMR doit indiquer le fait générateur de la créance, sa nature, son montant et les éléments de sa liquidation, de sorte que le redevable se trouve en mesure d'en vérifier le bien-fondé ; que l'arrêt attaqué retient, par motifs propres et adoptés, que les annexes du procès-verbal de notification d'infraction du 18 janvier 2012, auxquelles l'AMR renvoie, font référence à la longueur et la puissance administrative des navires, de sorte que la société serait en mesure de connaître les modalités selon lesquelles l'administration a calculé son droit, quand bien même ces annexes ne mentionneraient que la somme globale due par année pour chaque navire ; qu'en statuant ainsi, quand il ressortait de ses constatations que la lecture ni de l'AMR, ni des documents auxquels il renvoyait, ne permettait à la société de vérifier le bien-fondé de la créance, la cour d'appel a violé l'article 345 du code des douanes ;
3°/ qu'il appartient à l'administration d'établir les bases de la liquidation de sa créance ; que pour écarter le moyen tiré de ce que l'AMR et les annexes du procès-verbal de notification d'infraction ne comportaient pas les précisions suffisantes quant aux modalités de calcul de la puissance administrative des moteurs, l'arrêt attaqué retient qu'il appartenait à la société de s'enquérir elle-même auprès de ses clients de la puissance administrative des navires en cause si elle entendait contester les valeurs retenues par l'administration ; qu'en statuant par ces motifs erronés, la cour d'appel a encore violé l'article 345 du code des douanes. »
Réponse de la Cour
7. Selon l'article 345, alinéa 3, du code des douanes, l'avis de mise en recouvrement indique le fait générateur de la créance ainsi que sa nature, son montant et les éléments de sa liquidation.
8. Par motifs propres et adoptés, l'arrêt relève que l'AMR litigieux fait référence au défaut de paiement du droit de passeport, notifié par procès-verbal du 18 janvier 2012 établi par la cellule d'intervention spécialisée de [Localité 5], portant sur les bateaux dont la liste et les éléments de taxation sont repris en annexes I, II, III jointes au procès-verbal. Il ajoute que ces annexes, visées par l'AMR, mentionnent la puissance fiscale totale des navires et leur longueur, puis la somme due par année, et retient que, si le tableau ne fait ressortir que le droit de passeport global dû par navire et par année, la référence à la longueur et à la puissance administrative de chaque navire permet toutefois au contribuable de connaître les modalités selon lesquelles l'administration a calculé son droit. Il retient encore que la société ne saurait reprocher à l'administration l'absence d'éléments plus précis dans la mesure où, n'étant que crédit-bailleur, elle ignore la puissance administrative des moteurs équipant les navires de ses clients dès lors qu'il lui appartenait, à partir de la puissance retenue par l'administration, de s'enquérir elle-même auprès de ses clients de la puissance des navires en cause si elle entendait contester celle retenue par l'administration. Après avoir rappelé qu'en application des articles 223 et 238 du code des douanes, le droit de passeport se calcule en additionnant le droit sur la coque, qui dépend de la longueur du navire, et le droit sur le moteur des navires ou taxe spéciale, déterminés à partir de la puissance administrative des moteurs, il en déduit que la société avait à sa disposition l'ensemble des éléments servant de base à la liquidation de la créance pour la calculer aisément.
9. En l'état de ces énonciations, constatations et appréciations, desquelles il résulte que la société avait été mise en mesure de vérifier la réalité de la créance dont le paiement lui était réclamé, la cour d'appel a retenu à bon droit que l'AMR était régulier.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
10. La société fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'une question-réponse contenue dans une foire aux questions sur un site internet pour être regardée comme une prise de position formelle de l'administration des douanes quant à l'interprétation ou à l'application d'un texte ; qu'elle faisait valoir que l'administration des douanes avait formellement pris position sur l'application des dispositions de l'article 238 du code des douanes dans une foire aux questions publiée sur son site internet le 5 janvier 2009, de sorte qu'en application de l'article 345 bis du même code, elle ne pouvait constater par voie d'avis de mise en recouvrement et recouvrer les droits en cause en prenant une position différente ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen péremptoire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »


Réponse de la Cour
11. Ayant retenu que le procès-verbal du 28 août 2006 ne constituait pas une prise de position formelle de l'administration, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, n'avait pas à rechercher si la réponse du 5 janvier 2009 confirmait la prise de position alléguée.
12. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le quatrième moyen
Enoncé du moyen
13. La société fait le même grief à l'arrêt, alors :
« 1°/ que le Conseil d'Etat, dans sa décision n° 405088 du 14 juin 2017, a dit pour droit que, quelles que soient les modalités de calcul de la valeur inférieure à 500 000 euros hors taxes faisant l'objet d'un contrat de location avec option d'achat ou de crédit-bail conclu avec une personne physique mentionnée à l'article 238 du code des douanes, il ne résulte ni des termes de cet article ni d'aucune autre disposition législative que cette valeur doive être diminuée d'une décote annuelle de 7 % ; que les dispositions en cause de la circulaire du 18 avril 2011 ont été annulées en raison du caractère forfaitaire de la décote ainsi prévue ; qu'en jugeant dès lors que l'administration était fondée, du fait de cette annulation, à revenir à la valeur de chaque navire telle qu'elle avait été déclarée, au lieu de vérifier si, pour l'exonération du droit, l'administration avait tenu compte de la dépréciation des navires pour apprécier leur valeur réelle, la cour d'appel, qui s'est méprise sur l'arrêt du Conseil d'Etat, a violé l'article 238 du code des douanes ;
2° / que l'annulation pour excès de pouvoir d'un acte administratif emporte l'annulation par voie de conséquence des décisions administratives consécutives qui sont intervenues en raison de l'acte annulé ; que l'arrêt attaqué constate que l'administration des douanes a appliqué, pour calculer la valeur des navires et déterminer ceux faisant l'objet d'une exonération de droit de passeport, une décote forfaitaire conformément aux dispositions de la circulaire du 18 avril 2011, annulées par une décision du Conseil d'Etat en date du 14 juin 2017 (n° 405088) ; qu'en refusant pourtant d'annuler l'avis de recouvrement litigieux, quand il ressortait de ses constatations qu'il avait été pris en raison d'une décision administrative annulée, la cour d'appel a méconnu l'autorité de la chose jugée qui s'attache à la décision du Conseil d'Etat du 14 juin 2017, en violation de l'article 1355 du code civil. »
Réponse de la Cour
14. D'une part, l'arrêt constate que, pour la liquidation des droits litigieux au titre de l'année 2010, l'administration des douanes n'a pas appliqué la décote forfaitaire prévue par la circulaire du 18 avril 2011 mais a pris en compte la valeur des navires déclarée par la société elle-même, correspondant à la valeur des navires lors de leur mise en location.
15. D'autre part, selon l'article 238, alinéa 3, du code des douanes, dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009, sont exonérées de droit de passeport les sociétés propriétaires d'un navire de plaisance ou de sport d'une valeur inférieure à 500 000 euros hors taxes faisant l'objet d'un contrat de location avec option d'achat ou de crédit-bail conclu avec une personne physique n'ayant pas sa résidence principale en France ou avec une personne morale ne disposant pas d'établissement en France, à l'exclusion de celles qui seraient contrôlées directement ou indirectement par une personne physique ayant sa résidence principale en France.
16. L'arrêt retient que, par sa décision du 14 juin 2017, le Conseil d'Etat a annulé les énonciations de la circulaire du 18 avril 2011 prévoyant l'application d'une décote annuelle sur le prix facturé pour le navire afin de tenir compte de sa dépréciation dès lors que, quelles que soient les modalités de calcul de la valeur inférieure à 500 000 euros hors taxes du navire faisant I'objet d'un contrat de location avec option d'achat ou de crédit-bail conclu avec une personne physique mentionnée à l'article 238 du code des douanes, il ne résulte ni des termes de cet article ni d'aucune autre disposition législative que cette valeur doive être diminuée d'une décote annuelle de 7 %.
17. Il énonce ensuite que l'article 238, alinéa 3, du code des douanes ne précise pas, pour son application, à quelle date autre que celle de la mise en location doit être appréciée la valeur du navire.
18. De ces énonciations, constatations et appréciations, la cour d'appel a déduit à bon droit que l'administration des douanes était fondée à retenir, pour l'application des dispositions de l'article 238, alinéa 3, du code des douanes, dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009, la valeur des navires déclarée par la société sans avoir à appliquer une décote pour vétusté.
19. Le moyen, qui manque en fait en sa seconde branche, n'est donc pas fondé pour le surplus.
Mais sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
20. La société fait le même grief à l'arrêt, alors « que la notification d'un procès-verbal de douane n'interrompt la prescription triennale que pour les faits qu'il concerne ; que pour dire que la créance douanière portant sur le droit de passeport exigible au titre des années 2007 et 2008 n'était pas prescrite, l'arrêt attaqué se fonde sur la circonstance que le procès-verbal du 18 janvier 2012 "indique expressément qu'il fait suite à celui du 5 février 2009 et qu'il porte sur la situation des navires en leasing appartenant à la banque" ; qu'en statuant par ces motifs inopérants, sans rechercher si le procès-verbal du 5 février 2009 constatait une créance douanière portant sur le droit de passeport au titre des années 2007 et 2008, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 341 bis et 354 du code des douanes. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 354 du code des douanes :
21. Selon ce texte, le droit de reprise de l'administration s'exerce pendant un délai de trois ans à compter du fait générateur. La prescription est interrompue par la notification d'un procès-verbal de douane.
22. Il en résulte qu'un procès-verbal de douane n'interrompt la prescription que pour les droits qu'il concerne.
23. Pour juger que la prescription a été interrompue à l'égard des droits de passeport dus au titre des années 2007 et 2008, de sorte que ces droits sont recouvrables, l'arrêt relève que le procès-verbal du 18 janvier 2012 indique expressément qu'il fait suite à celui du 5 février 2009 et qu'il porte sur la situation des navires en leasing appartenant à la société, puis retient que ces procès-verbaux visent chacun à établir l'existence des infractions et à asseoir l'assiette des droits à recouvrer et constituent des actes de poursuite qui ont donc valablement interrompu le délai de prescription triennale.
24. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, si le procès verbal du 5 février 2009 constatait une créance douanière portant sur les droits de passeport dus au titre des années 2007 et 2008, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.




Civ.1 7 mai 2025 n° 23-19.064

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CF


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 7 mai 2025



Cassation partielle

Mme CHAMPALAUNE, président


Arrêt n° 301 F-D
Pourvoi n° X 23-19.064



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 7 MAI 2025
1°/ Mme [R] [M],
2°/ M. [J] [N],
domiciliés tous deux [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° X 23-19.064 contre l'arrêt rendu le 4 avril 2023 par la cour d'appel de Poitiers (2e chambre civile), dans le litige les opposant à la société Cofidis, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, quatre moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de Me Balat, avocat de Mme [M] et de M. [N], de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Cofidis, et l'avis de Mme Cazaux-Charles, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 mars 2025 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 4 avril 2023) et les productions, après avoir, le 4 décembre 2014, à l'occasion d'un démarchage à domicile, conclu avec la société ECB (le vendeur) un contrat portant sur l'acquisition et la pose d'un garde-corps, Mme [N] et M. [M] (les emprunteurs) ont, selon offre préalable acceptée le 9 janvier 2015, souscrit auprès de la société Sofemo, aux droits de laquelle se trouve désormais la société Cofidis (la banque), un crédit affecté au financement de cette installation d'un montant de 19 450 euros.
2. Les 18 septembre 2015 et 11 mai 2016, les emprunteurs ont déposé plainte en dénonçant des faits, commis par un préposé du vendeur, de pratiques commerciales trompeuses, abus de faiblesse, escroquerie, faux et usage de faux.
3. Le 30 mars 2017, à la suite de la défaillance des emprunteurs dans le remboursement des échéances du prêt, la banque les a assignés en paiement. Les emprunteurs ont demandé, à titre reconventionnel, d'une part, l'annulation du contrat de crédit sur le fondement du dol, faisant notamment valoir que leur consentement avec été vicié en raison des manoeuvres frauduleuses du préposé du vendeur, d'autre part, l'indemnisation de leurs préjudices.
4. Par un jugement du 5 octobre 2023, un tribunal correctionnel a déclaré le préposé du vendeur coupable de pratiques commerciales agressives et d'abus de faiblesse, commis au préjudice des emprunteurs, et d'escroquerie, commise au préjudice de la banque.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale, alors « que si l'action civile en réparation du dommage causé par une infraction pénale peut être exercée devant une juridiction civile, il doit toutefois être sursis au jugement de cette action tant qu'il n'a pas été prononcé définitivement sur l'action publique lorsque celle-ci a été mise en mouvement ; qu'en écartant la demande de sursis à statuer présentée par M. [N] et Mme [M] au motif que seul le préposé de la société ECB se trouvait concerné par la procédure pénale en cours, cependant que celui-ci devait être tenu comme un intermédiaire de crédit engageant la responsabilité de la société Cofidis, laquelle se trouvait précisément recherchée devant la juridiction civile, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure pénale par refus d'application. »
Réponse de la Cour
6. C'est à bon droit que la cour d'appel, ayant constaté que l'instance dont elle était saisie n'était pas dirigée contre le préposé du vendeur, poursuivi devant le juge pénal, mais tendait à voir juger la banque responsable des manoeuvres dolosives du vendeur par l'intermédiaire duquel le crédit avait été souscrit, a rejeté la demande de sursis à statuer.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le quatrième moyen
Enoncé du moyen
8. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de les condamner solidairement à payer à la banque la somme de 19 450 euros, majorée des intérêts au taux légal, et de rejeter leurs demandes indemnitaires au titre du manquement de la banque à son devoir de mise en garde, alors « que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en écartant tout manquement de la société Cofidis (Sofema) à son devoir de mise en garde au motif "qu'il ressort de la fiche de renseignement qu'ils (les emprunteurs) ont eux-mêmes remplie, qu'ils avaient omis d'y mentionner les charges d'emprunt dont ils se prévalent désormais", cependant que dans ses conclusions, la société Cofidis admettait que cette fiche avait été pré-remplie, ce que confirmaient M. [N] et Mme [M] dans leurs écritures, la cour d'appel qui a remis en cause un fait admis par les deux parties, a violé l'article 4 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
9. Ayant retenu que les emprunteurs avaient signé une fiche de renseignements en la certifiant exacte, sans informer la banque de la souscription de précédents crédits affectés, de sorte qu'en l'absence d'anomalie apparente, celle-ci pouvait s'y fier pour considérer que le crédit était adapté à la situation financière des emprunteurs, la cour d'appel a pu, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par le moyen, rejeter la demande d'indemnisation fondée sur un manquement de la banque à son devoir de mise en garde.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
11. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables leurs demandes tendant à la condamnation de la banque à leur payer des indemnités égales aux sommes restant dues au titre du crédit litigieux augmentées de celles qui ont été payées par eux à l'établissement de crédit, et à les indemniser au titre de leur préjudice moral à hauteur d'une somme de 5 000 euros chacun, alors « que, dans leurs écritures d'appel, M. [N] et Mme [M] faisaient valoir, à titre subsidiaire, que la demande de dommages-intérêts formée en appel à raison du défaut de vérification par la société Cofidis de la régularité formelle du contrat principal constituait une demande tendant aux mêmes fins que la dispense de remboursement sollicitée en première instance au titre du même grief, de sorte que, tendant aux mêmes fins que la demande de première instance ayant interrompu la prescription, cette demande présentée en cause d'appel était recevable ; qu'en laissant sans réponse ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
12. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.
13. Pour déclarer irrecevables, comme prescrites, les demandes d'indemnisation formées contre la banque sur le fondement du manquement à son obligation de vérifier la régularité formelle du contrat principal avant de libérer le capital du crédit affecté, l'arrêt, après avoir retenu que le point de départ du délai quinquennal de prescription prévu à l'article 2224 du code civil devait être fixé au 10 novembre 2015, date d'échéance de la première mensualité du crédit affecté, écarte toute interruption du délai avant son expiration le 10 novembre 2020 en relevant qu'aucune demande indemnitaire, fondée sur l'absence de vérification de la régularité du contrat principal, n'avait été faite à l'occasion des conclusions, déposées devant le tribunal, du 19 octobre 2019.
14. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions des emprunteurs qui soutenaient que leur demande d'indemnisation tendait à la même fin que la demande par laquelle ils avaient, aux termes de leurs conclusions du 19 octobre 2019, sollicité une dispense de remboursement du crédit affecté compte tenu du manquement de la banque à son obligation de vérifier la régularité du contrat principal avant de verser au vendeur le capital du prêt, de sorte que le délai de la prescription avait été interrompu, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
Et sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
15. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de les condamner solidairement à payer à la banque la somme de 19 450 euros majorée des intérêts au taux légal et de rejeter leur demande d'annulation du contrat de crédit pour dol, alors « que le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manoeuvres ou des mensonges ; qu'en rejetant la demande d'annulation du contrat de crédit pour dol, faute de critique concernant ce contrat, tout en relevant que M. [N] et Mme [M] invoquaient à l'appui de cette demande le fait que le préposé de la société ECB, avec lequel avait été signé le contrat principal et par l'intermédiaire duquel ils avaient signé le contrat de crédit affecté, avait été renvoyé devant le tribunal correctionnel du chef d'escroquerie "pour les avoir trompés? en employant des manoeuvres frauduleuses et les avoir ainsi déterminés à remettre des fonds, valeurs ou bien quelconques à leur préjudice, en l'espèce en trompant la société Sofemo pour la déterminer à accorder aux consorts [N]-[M] un crédit finançant un garde-corps", ce dont il résultait que le préposé de la société ECB avait également représenté l'établissement de crédit lors de la signature du contrat de prêt et qu'à cette occasion il avait usé de manoeuvres dolosives, ce qui était soutenu par les emprunteurs, de sorte que le contrat de crédit était en réalité critiqué, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1116 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable en l'espèce. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
16. Aux termes de ce texte, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.
17. Il résulte de ce texte que le dol est également constitué s'il émane du vendeur ou du prestataire par l'intermédiaire duquel un crédit affecté au financement du bien ou du service a été conclu.
18. Pour rejeter les demandes d'annulation du contrat de crédit et d'indemnisation fondées sur l'existence de manoeuvres frauduleuses ayant vicié le consentement des emprunteurs, l'arrêt retient que le contrat principal de vente ne pouvait pas être annulé en l'absence du vendeur, que les manoeuvres dolosives invoquées à l'occasion de la conclusion du contrat de crédit, à savoir les fausses signatures et la présentation d'une fiche de dialogue insincère, n'étaient pas démontrées, que le grief tiré de ce que le prix du matériel commandé était excessif ne concernait que le contrat de vente et était indifférent s'agissant de la validité du contrat de crédit, que même si l'expert judiciaire concluait à la vulnérabilité des emprunteurs, ceux-ci étaient dotés d'une intelligence concrète et d'un sens des réalités et qu'en tout état de cause les manoeuvres dolosives n'étaient pas prouvées.
19. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le préposé du vendeur avait été renvoyé devant le tribunal correctionnel des chefs de pratiques commerciales agressives, escroquerie et abus de faiblesse et que les manoeuvres dolosives de l'intermédiaire de crédit ayant conduit les emprunteurs à conclure un contrat pour la fourniture et l'installation d'un garde-corps à un prix dont il était allégué qu'il était excessif pouvaient entraîner l'annulation du contrat de crédit affecté, la cour d'appel a violé le texte susvisé.




Civ.1 7 mai 2025 n° 23-13.923 B

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CF


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 7 mai 2025



Cassation partielle

Mme CHAMPALAUNE, président


Arrêt n° 272 FS-B
Pourvoi n° J 23-13.923



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 7 MAI 2025
La société My Money Bank, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° J 23-13.923 contre l'arrêt rendu le 26 janvier 2023 par la cour d'appel de Nîmes (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [W] [N],
2°/ à Mme [K] [G], épouse [N],
domiciliés tous deux [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
M. et Mme [N] ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.
Les demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Peyregne-Wable, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société My Money Bank, de la SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, avocat de M. et Mme [N], et l'avis de Mme Cazaux-Charles, avocat général, substituée à l'audience par M. Salomon, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 mars 2025 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Peyregne-Wable, conseiller rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, MM. Bruyère, Ancel, Mmes Tréard, Corneloup, conseillers, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, M. Salomon, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 26 janvier 2023), le 10 octobre 2006, la société My Money Bank, anciennement dénommée Ge Money Bank (la banque), a accordé un prêt immobilier à M. et Mme [N] (les emprunteurs), souscrit via un intermédiaire en opérations de banque, la société French Riviera Invest (la société FRI), dans le cadre d'une opération immobilière proposée par la société Apollonia.
2. Le 6 avril 2012, les emprunteurs ayant cessé de rembourser les échéances du prêt, la banque, après déchéance du terme, les a assignés en paiement.
Examen des moyens
Sur le premier moyen du pourvoi incident et sur le second moyen du pourvoi incident pris en sa première branche
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
4. La banque fait grief à l'arrêt de dire que les parties ont volontairement soumis le contrat de prêt aux dispositions du code de la consommation, de prononcer la déchéance de la banque du droit aux intérêts du prêt, de condamner les emprunteurs au remboursement, en deniers ou quittances, du seul capital emprunté et de les condamner à payer à la banque une certaine somme avec intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2010, alors :
« 1°/ que si les parties sont libres, sauf disposition contraire de la loi, de soumettre volontairement aux régimes de protection définis par le code de la consommation des contrats qui n'en relèvent pas, l'exercice de cette faculté doit résulter d'une manifestation de volonté claire et dépourvue d'équivoque ; que cette manifestation ne peut résulter de la seule référence faite dans le contrat aux dispositions du code de la consommation, quand bien même les parties auraient eu préalablement connaissance que le contrat ne relevait pas en principe du code de la consommation ; que, pour retenir néanmoins la soumission volontaire des parties du contrat de prêt au code de la consommation, la cour d'appel se borne à relever que la banque avait connaissance de ce qu'il était destiné à financer une activité professionnelle accessoire de loueurs de meublés laquelle échappait par nature aux dispositions du code de la consommation ; qu'en considérant ainsi que la seule référence faite dans le contrat aux dispositions du code de la consommation établit la volonté claire et dépourvue d'équivoque de soumettre le prêt à ce code, au regard de la connaissance préalable par le prêteur de ce que le contrat ne relevait pas en principe du code de la consommation, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à établir une telle manifestation de volonté claire et dépourvue d'équivoque, a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
2°/ que si les parties sont libres, sauf disposition contraire de la loi, de soumettre volontairement aux régimes de protection définis par le code de la consommation des contrats qui n'en relèvent pas, l'exercice de cette faculté doit résulter d'une manifestation de volonté claire et dépourvue d'équivoque ; que pour retenir la soumission volontaire des parties du contrat de prêt au code de la consommation, la cour d'appel relève que la banque avait connaissance de ce qu'il était destiné à financer une activité professionnelle accessoire de loueurs de meublés laquelle échappait par nature aux dispositions du code de la consommation ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les emprunteurs n'avaient pas dissimulé à la banque toutes leurs autres acquisitions de logement aux fins de location et, partant, leur statut de loueur meublé professionnel, la banque ayant été fondée à croire qu'ils ne bénéficiaient que du statut de loueur meublé non professionnel ainsi qu'il était mentionné sur la fiche de réservation produite qui a été jointe à la demande de prêt, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour
5. L'arrêt relève que les pièces annexées à la demande de prêt par les emprunteurs démontrent qu'ils ont donné connaissance à la banque de ce qu'il était destiné à financer une activité professionnelle accessoire de loueurs de meublés échappant par nature aux dispositions du code de la consommation et constate que la banque a eu communication de la fiche de réservation de l'appartement, du contrat de vente en l'état futur d'achèvement et du bail commercial avant d'émettre l'offre de prêt immobilier dans laquelle elle a expressément visé les articles L. 312-1 et suivants du code de la consommation, intégralement reproduits en page deux.
6. De ces énonciations, constatations et appréciations souveraines, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'effectuer la recherche invoquée par la seconde branche du moyen que ses constatations rendaient inopérante, a justement déduit que la banque avait volontairement soumis le contrat à ces dispositions par un acte dénué d'équivoque.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le second moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
8. La banque fait grief à l'arrêt de prononcer la déchéance de la banque du droit aux intérêts du prêt, de condamner les emprunteurs au remboursement, en deniers ou quittances, du seul capital emprunté et de condamner les emprunteurs à payer à la banque une certaine somme avec intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2010, alors :
« 1°/que les juges sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; qu'en l'espèce, dans ses écritures d'appel, au sujet de l'envoi de l'offre au domicile des emprunteurs par la banque, celle-ci soutenait que dans leur assignation du 3 décembre 2010, les emprunteurs avaient reconnu que les offres de prêt leur avaient été notifiées et qu'elles avaient été récupérées à leur domicile, ce qui constituait un aveu judiciaire ; qu'en retenant que la banque ne justifie pas qu'elle a respecté le formalisme exigé par l'article L. 312-7 du code de la consommation, sans répondre à cette articulation majeure des écritures d'appel de l'exposante, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2° / que l'envoi de l'offre oblige le prêteur à maintenir les conditions qu'elle indique pendant une durée minimale de trente jours à compter de sa réception par l'emprunteur ; que l'offre est soumise à l'acceptation de l'emprunteur et des cautions, personnes physiques, déclarées, l'emprunteur et les cautions ne pouvant accepter l'offre que dix jours après qu'ils l'ont reçue et l'acceptation devant être donnée par lettre, le cachet de la poste faisant foi ; que l'article L. 312-10 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, n'impose pas que la lettre d'acceptation soit postée à proximité du domicile de l'emprunteur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, si elle relève qu'une enveloppe versée aux débats porte le cachet de la poste "[Localité 1] ... 24/11/2006" et l'adresse du destinataire "GE Money Bank Centre d'acceptation ...[Localité 3]", considère néanmoins que la preuve de l'envoi de la lettre de l'acceptation n'est pas rapportée au motif que ce courrier a été posté loin du domicile des emprunteurs ; qu'en statuant ainsi, par un motif inopérant, quand l'article L. 312-10 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, n'impose pas que la lettre d'acceptation soit postée à proximité du domicile de l'emprunteur, la cour d'appel a violé ce texte ;
3°/ que l'envoi de l'offre oblige le prêteur à maintenir les conditions qu'elle indique pendant une durée minimale de trente jours à compter de sa réception par l'emprunteur ; que l'offre est soumise à l'acceptation de l'emprunteur et des cautions, personnes physiques, déclarées, l'emprunteur et les cautions ne pouvant accepter l'offre que dix jours après qu'ils l'ont reçue et l'acceptation devant être donnée par lettre, le cachet de la poste faisant foi ; que l'article L. 312-10 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, n'impose pas que la lettre d'acceptation soit matériellement postée par l'emprunteur lui-même ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, si elle relève qu'une enveloppe versée aux débats porte le cachet de la poste "[Localité 1] ... 24/11/2006" et l'adresse du destinataire "GE Money Bank Centre d'acceptation ...[Localité 3]", considère néanmoins que la preuve de l'envoi de la lettre de l'acceptation n'est pas rapportée au motif que ce courrier a été posté non par les emprunteurs directement mais par un intermédiaire ; qu'en statuant ainsi, par un motif inopérant, quand l'article L. 312-10 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, n'impose pas que la lettre d'acceptation soit matériellement postée par l'emprunteur lui-même, la cour d'appel a violé ce texte. »
Réponse de la Cour
9. Selon l'article L. 312-7 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, en matière de prêts immobiliers, le prêteur est tenu de formuler par écrit une offre adressée gratuitement par voie postale à l'emprunteur éventuel ainsi qu'aux cautions déclarées par l'emprunteur lorsqu'il s'agit de personnes physiques.
10. L'article L. 312-10 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 dispose :
« L'envoi de l'offre oblige le prêteur à maintenir les conditions qu'elle indique pendant une durée minimale de trente jours à compter de sa réception par l'emprunteur.
L'offre est soumise à l'acceptation de l'emprunteur et des cautions, personnes physiques, déclarées. L'emprunteur et les cautions ne peuvent accepter l'offre que dix jours après qu'ils l'ont reçue. L'acceptation doit être donnée par lettre, le cachet de la poste faisant foi. »
11. Après avoir rappelé que la preuve de l'envoi et de l'acceptation de l'offre de prêt conforme à ces dispositions incombait au prêteur et que l'inobservation de ce formalisme était sanctionnée de la déchéance de son droit aux intérêts, l'arrêt relève qu'aucune mention de réception par voie postale ne figure sur l'offre et que la banque ne justifie pas non plus que les emprunteurs aient donné leur acceptation par lettre, le cachet de la poste faisant foi.
12. De ces constatations, rendant inopérant le moyen invoqué dans les conclusions prétendument omises, la cour d'appel a exactement déduit que la banque, qui ne rapportait pas la preuve du respect du formalisme tant de l'envoi que du retour de l'offre par voie postale, devait être déchue du droit aux intérêts du prêt.
13. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le second moyen du pourvoi incident, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
14. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de rejeter leur demande de dommages et intérêts, alors « qu'il résulte de l'article L. 341-4, III du code monétaire et financier, que les établissements de crédit sont civilement responsables du fait des démarcheurs, agissant en cette qualité, auxquels elles ont délivré un mandat ; après avoir relevé que la société FRI avait agi en qualité de démarcheur dans le cadre du mandat que lui avait donné la banque en lui transmettant la demande de crédit des emprunteurs, l'arrêt relève que la responsabilité délictuelle de la banque au titre des fautes commises par son mandataire ne peut être engagée que si elle a elle-même commis une faute à l'origine du dommage subi par les emprunteurs ; en statuant ainsi quand la responsabilité de l'établissement de crédit est engagée de plein de droit du fait des démarcheurs, agissant en cette qualité, auxquels elle a donné mandat, la cour d'appel a violé l'article L. 341-4, III du code monétaire et financier et l'article 1384 devenu 1242 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 341-4, III du code monétaire et financier :
15. Selon ce texte, les établissements de crédit sont civilement responsables du fait des démarcheurs, agissant en cette qualité, auxquels ils ont délivré un mandat. Ils demeurent responsables du fait des salariés ou employés des personnes physiques ou des personnes morales qu'ils ont mandatés, dans la limite du mandat.
16. Cette disposition est issue de la loi n° 2003-706 du 1er août 2003 de sécurité financière. Elle était insérée dans un titre II intitulé « Sécurité des épargnants et des assurés ».
17. L'article L. 341-4 du code monétaire et financier tendait à généraliser les dispositions de l'ancien article L. 342-10 du même code, issu de l'article 11 de la loi n° 72-6 du 3 janvier 1972, relative au démarchage financier et à des opérations de placement d'assurance qui prévoyait que les établissements financiers, caisses d'épargne, agents de change étaient civilement responsables du fait des démarcheurs agissant en cette qualité auxquels ils avaient délivré une carte d'emploi et que, nonobstant toute convention contraire, ces démarcheurs étaient considérés comme leurs préposés au sens de l'article 1384 du code civil.
18. Selon le rapport n° 206 (2002-2003) fait au nom de la commission des finances du Sénat en 1re lecture, déposé le 12 mars 2003, le projet tendait à harmoniser un dispositif complexe et segmenté, résultant d'une accumulation de textes souvent anciens, qui, en laissant perdurer des interstices de vide juridique, nuisait à la compréhension des règles applicables et donc à la protection du démarché.
19. A la suite de l'examen du projet par l'Assemblée nationale, la référence à l'article 1384 du code civil a été supprimée, afin de ne pas subordonner la responsabilité du mandant à l'existence d'un lien de subordination entre celui-ci et le mandataire, sans qu'il résulte des travaux parlementaires une volonté d'amoindrir l'exigence de contrôle du premier sur le second, ni de réduire la protection du démarché.
20. Lorsque la loi de sécurité financière a été adoptée, la jurisprudence considérait que le mandant était responsable de plein droit des fautes quasi-délictuelles commises par le mandataire dans les limites des pouvoirs de représentation qui lui avaient été conférés (3e Civ., 29 avril 1998, pourvoi n° 96-17.540, Bulletin civil 1998, III, n° 87).
21. Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que l'article L. 341-4 III précité doit être interprété en ce sens qu'il déroge au droit commun du mandat tel qu'il résulte désormais de l'arrêt de chambre mixte du 29 octobre 2021 (pourvoi n° 19-18.470, publié), selon lequel, si le mandant est, en vertu de l'article 1998 du code civil, contractuellement responsable des dommages subis du fait de l'inexécution des engagements contractés par son mandataire dans les limites du mandat conféré, les manoeuvres dolosives du mandataire, dans l'exercice de son mandat, n'engagent la responsabilité du mandant que s'il a personnellement commis une faute, qu'il incombe à la victime d'établir.
22. Il en résulte que l'établissement de crédit est responsable de plein droit du fait des démarcheurs, agissant en cette qualité, auxquels il a donné mandat, sans pouvoir s'exonérer par la preuve d'une absence de faute.
23. Pour rejeter la responsabilité délictuelle de la banque du fait de son mandataire, après avoir rappelé que la mission confiée par la banque à la société FRI était, selon la convention de collaboration versée aux débats, de dispenser à la clientèle prospectée toutes informations sur les caractéristiques des produits, de sélectionner les clients et de transmettre à la banque les demandes de crédit et les justificatifs, l'arrêt retient que les emprunteurs invoquent des fautes commises dans le cadre de l'exécution du mandat, qu'ils n'établissent pas que la banque savait, à la date du prêt, que sa mandataire avait entièrement délégué la phase d'instruction des demandes de prêt à la société Apollonia, et qu'ils ne rapportent pas la preuve que leur préjudice aurait pour origine une faute que la banque, en sa qualité de mandante de la société FRI, aurait personnellement commise.
24. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.




Com. 7 mai 2025 n° 22-18.210 B

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
FM


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 7 mai 2025



Rejet

M. VIGNEAU, président


Arrêt n° 232 FS-B
Pourvoi n° Y 22-18.210



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 7 MAI 2025
1°/ M. [Z] [H], domicilié [Adresse 6] (Espagne),
2°/ M. [K] [H],
3°/ Mme [X] [R], épouse [H],
tous deux domiciliés [Adresse 4],
4°/ la société Orga +, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2] (Luxembourg),
5°/ la société Digital People, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],
ont formé le pourvoi n° Y 22-18.210 contre l'ordonnance rendue le 21 juin 2022 par la cour d'appel de Versailles (premier président), dans le litige les opposant :
1°/ à la directrice générale des finances publiques, domiciliée [Adresse 1],
2°/ à la directrice générale des finances publiques, domiciliée [Adresse 5], représentée par l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction nationale d'enquêtes fiscales,
défenderesses à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, neuf moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Alt, conseiller, puis après avoir entendu M. [M] [W], secrétaire général de la Commission nationale de l'information et des libertés (CNIL), Mme [F] [U], cheffe du service des affaires régaliennes et des collectivités territoriales de la CNIL et M. [O] [E], juriste au service des affaires régaliennes et des collectivités territoriales de la CNIL, en leurs observations en application de l'article 1015-2 du code de procédure civile, après débat en l'audience publique du 26 novembre 2024 où étaient présents, M. Vigneau, président, M. Alt, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, Mmes Graff-Daudret, Ducloz, de Lacaussade, M. Thomas, conseillers, Mmes Vigneras, Lefeuvre, Tostain, M. Maigret, conseiller référendaires, M. Lecaroz, avocat général, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
Les débats se sont poursuivis en l'audience publique du 11 mars 2025, pour entendre M. Alt, conseiller, pour la suite de son rapport, les observations de la SARL Cabinet Briard, Bonichot et Associés, avocat de MM. [Z] et [K] [H], et Mme [R], des sociétés Orga + et Digital People, de la SCP Foussard et Froger, de la directrice générale des finances publiques, représentée par l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction nationale d'enquête fiscales, et l'avis de M. Lecaroz, avocat général, où étaient présents M. Vigneau, président, M. Alt, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, Mmes Graff-Daudret, de Lacaussade, M. Thomas, conseillers, Mmes Vigneras, Lefeuvre, Tostain, M. Maigret, conseillers référendaires, M. Lecaroz, avocat général, et M. Doyen, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure
1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Versailles, 21 juin 2020), le juge des libertés et de la détention a, sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, autorisé des agents de l'administration fiscale à procéder à des opérations de visite et saisie dans des locaux et dépendances situés à [Localité 7], susceptibles d'être occupés par M. [Z] [H], Mme [R], M. [K] [H] (les consorts [H]) ou Mme [T] [J], en vue de rechercher la preuve de fraudes fiscales commises par eux, ainsi que par les sociétés Orga+, de droit luxembourgeois, et Digital People, dont M. [Z] [H] était administrateur et dirigeant.
2. Les opérations de visite et saisie ont été réalisées le 27 octobre 2020.
3. Les sociétés Orga+ et Digital People, ainsi que les consorts [H] ont relevé appel de l'ordonnance d'autorisation.
Examen des moyens
Sur les premier, deuxième, troisième, quatrième, sixième, septième, huitième et neuvième moyens et le cinquième moyen, pris en ses troisième, quatrième et cinquième branches
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le cinquième moyen, pris en sa première branche
5. Les sociétés Orga+, Digital People et les consorts [H] font grief à l'ordonnance de confirmer celle rendue le 17 octobre 2020 par le juge des libertés et de la détention, alors « que la direction nationale des enquêtes fiscales n'est pas autorisée à consulter ni exploiter les traitements ADONIS, DESIR et ADELIE pour obtenir le droit à pratiquer une visite domiciliaire, en jugeant que les arrêtés de création de chacun de ces traitements se réfèrent notamment aux missions de contrôle dévolues aux agents habilités de la direction générale des finances publiques (DGFIP) et qu'en conséquence la constitution d'un dossier par les agents de l'administration fiscale en vue de solliciter une visite domiciliaire peut procéder de l'exploitation des traitements automatisés précités, et en énonçant que le fichier FICOBA est ouvert aux agents de la DGFIP sans autre condition, le délégué du premier président a violé les considérants 31 et 71 et l'article 5 du règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 concernant le Règlement général sur la protection des données (RGPD) et l'article 1er de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés modifiées et l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, ainsi que les arrêtés du 5 avril 2002 (portant création du traitement ADONIS), du 6 juillet 2004 (portant création du traitement ADELIE), du 28 avril 1987 (portant création du traitement DESIR) et du 14 juin 1982 (portant création du traitement FICOBA). »
Réponse de la Cour
6. L'article 5 du règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 (le RGPD) dispose :
« 1. Les données à caractère personnel doivent être : (...) b) collectées pour des finalités déterminées, explicites et légitimes, et ne pas être traitées ultérieurement d'une manière incompatible avec ces finalités ; le traitement ultérieur à des fins archivistiques dans l'intérêt public, à des fins de recherche scientifique ou historique ou à des fins statistiques n'est pas considéré, conformément à l'article 89, paragraphe 1, comme incompatible avec les finalités initiales (limitation des finalités) ».
7. En premier lieu, selon l'article premier de l'arrêté du 28 avril 1987 relatif à la création d'un traitement informatisé de simplification de la gestion des informations de recoupement (SIR), la DGFIP est autorisée à créer ledit traitement. Selon l'article 2 de cet arrêté, le traitement a pour objet de permettre la gestion des informations de recoupement qui sont extraites de la documentation de la DGFIP ou communiquées à celle-ci par des tiers dans le cadre de leurs obligations légales. Selon l'article 3, l'exploitation des bulletins de recoupement est destinée à apporter une aide à l'organisation des opérations de contrôle sur pièces des dossiers fiscaux et aux opérations de recouvrement. Cet article précise que les bulletins de recoupement portent sur une personne à l'encontre de laquelle une procédure de contrôle ou de recouvrement est engagée.
8. Selon l'arrêté du 5 avril 2002 portant création d'un traitement automatisé d'informations nominatives dénommé « accès au dossier fiscal des particuliers » (ADONIS), la DGFIP est autorisée à mettre en oeuvre ce traitement sur internet et dans ses services. Ce traitement permet aux agents habilités de la DGFIP d'accéder aux dossiers des contribuables au titre des missions d'assiette, de contrôle, de recouvrement qui leur sont dévolues.
9. Selon l'arrêté du 6 juillet 2004 portant création d'un traitement automatisé d'informations nominatives dénommé « Accès au dossier électronique des entreprises » ( ADELIE), sa mise en oeuvre par la DGFIP est prévue à des fins de contrôle.
10. Selon l'arrêté du 24 juillet 2000 relatif à la direction nationale des enquêtes fiscales (DNEF), cette direction assure, pour l'ensemble du territoire national, conformément aux directives fixées par le directeur général des finances publiques et concurremment avec les autres services compétents : la recherche des renseignements nécessaires à l'assiette, au contrôle et au recouvrement des impôts et taxes de toute nature, la recherche et la constatation des manquements et infractions à la législation et aux réglementations fiscale et économique et la répression des infractions à ces législations et réglementations.
11. Il résulte de ces textes que les agents habilités peuvent exploiter ces traitements automatisés pour obtenir des éléments laissant présumer l'existence des agissements frauduleux dont la preuve est recherchée lors de la visite domiciliaire.
12. En second lieu, selon l'article 4 de l'arrêté du 14 juin 1982 encadrant le traitement « Gestion du fichier des comptes bancaires et assimilés » (FICOBA), les agents de la DGFIP sont autorisés, dans la limite des dérogations à la règle du secret professionnel prévues par la loi, à demander et à recevoir communication des informations gérées par le fichier des comptes bancaires et assimilés.
13. Selon les articles L.10 et L.10-0 A du livre des procédures fiscales, l'administration peut examiner l'ensemble des relevés de compte du contribuable sur les années au titre desquelles les obligations déclaratives n'ont pas été respectées. Selon les articles 164 FB et suivants du code général des impôts, annexe 4, les déclarations d'ouverture, de clôture ou de modification des comptes de toute nature et de location des coffres-forts incombent aux établissements, personnes physiques ou morales, qui gèrent ces comptes ou ces coffres-forts.
14. Il résulte de ces textes que les agents de la DGFIP sont autorisés, par des dispositions de niveau législatif, à accéder aux données contenues dans le traitement  FICOBA.
15. Dès lors, c'est à bon droit que le premier président a retenu que, pour rassembler des preuves au soutien d'une demande d'autorisation d'effectuer une visite domiciliaire, l'administration fiscale peut procéder à l'exploitation des traitements automatisés précités.
16. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le cinquième moyen, pris en sa deuxième branche



Enoncé du moyen
17. Les sociétés Orga+, Digital People et les consorts [H] font le même grief à l'ordonnance alors « que les traitements ADONIS, ADELIE, SIR et FICOBA ne peuvent être utilisés que par des agents habilités et alors que l'administration n'a pas communiqué les habilitations des agents de la direction nationale d'enquêtes fiscales, habilitations dont elle reconnaît qu'elles n'ont pas été "formalisées", qu'en se bornant à indiquer que les appelants ne caractérisaient pas l'absence d'habilitation de ces agents, sans procéder à la vérification de la régularité des habilitations, le délégué du premier président a violé les arrêtés du 5 avril 2002, du 6 juillet 2004, du 28 avril 1987 et du 14 juin 1982, ainsi que la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978.» 
Réponse de la Cour
18. Ayant constaté que les pièces litigieuses étaient issues de fichiers pouvant être consultés par des agents de l'administration fiscale en application des arrêtés rappelés aux points 7 à 10 et 12, et que la requête aux fins d'autorisation de visite domiciliaire était présentée par cette administration, le premier président en a exactement déduit que le moyen tiré du défaut de production, par l'administration fiscale, d'habilitation des agents concernés ne pouvait qu'être rejeté et qu'il n'y avait, par suite, pas lieu d'écarter, pour ce motif, les pièces en litige.
19. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le cinquième moyen, pris en sa sixième branche
Enoncé du moyen
20. Les sociétés Orga+, Digital People et les consorts [H] font le même grief à l'ordonnance alors « qu'en jugeant que l'administration avait pu mettre en oeuvre des traitements informatiques sui generis à [leur] égard et que la constitution d'un "dossier", qui constitue en réalité un fichier et un traitement au regard du règlement (UE) n° 2016/679 du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel, dit RGPD, pour solliciter une autorisation de visite domiciliaire, n'aurait à répondre à aucune autre base juridique que l'article L 16 B du livre des procédures fiscales, le délégué du premier président a violé ledit article ainsi que l'article 31 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.»


Réponse de la Cour
21. L'article 31 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 dispose :
« Sont autorisés par arrêté du ou des ministres compétents, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, les traitements de données à caractère personnel mis en oeuvre pour le compte de l'Etat et :
1° Qui intéressent la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique ;
2° Ou qui ont pour objet la prévention, la recherche, la constatation ou la poursuite des infractions pénales ou l'exécution des condamnations pénales ou des mesures de sûreté. »
22. Le traitement des données, réalisé par l'administration fiscale, pour demander l'autorisation de procéder à une visite domiciliaire au titre de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, qui ne constitue pas un traitement devant faire l'objet d'une autorisation au titre de l'article 31 précité, n'entre pas dans le champ d'application de ce texte.
23. Le moyen est donc inopérant.
Sur le cinquième moyen, pris en sa septième branche
Enoncé du moyen
24. Les sociétés Orga+, Digital People et les consorts [H] font le même grief à l'ordonnance, alors « que la mise en oeuvre de traitements informatiques sui generis à leur égard sans qu'ait été, au préalable, effectué une analyse d'impact relative à la protection des données (AIPD) exigée par l'article 35 du règlement (UE) n° 2016/679 du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel (RGPD), est illicite et rend illicite les éléments de preuve obtenus par ce dispositif, en jugeant que l'administration avait pu mettre en oeuvre des traitements informatiques sui generis à l'égard des appelants, sans que la constitution d'un tel traitement soit précédée d'une analyse d'impact relative à la protection des données, le délégué du premier président a violé l'article 35 du règlement (UE) n° 2016/679 du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel, dit RGPD et les critères dégagés par le Groupe de travail créé par l'article 29 sur la protection des données de la directive 95/46/CE du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données.»
Réponse de la Cour
25. La circonstance, à la supposer établie, que le traitement constitué en vue de présenter une demande au titre de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, doive être précédé, en application de l'article 35 du RGPD, d'une analyse d'impact relative à la protection des données, laquelle n'affecte pas la régularité de la détention par l'administration fiscale des données issues de ce traitement, est sans incidence sur la licéité de ces éléments de preuve présentés au soutien d'une requête fondée sur l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales.
26. Le moyen est donc inopérant.
Sur le moyen, pris en sa huitième branche
Enoncé du moyen
27. Les sociétés Orga+, Digital People et les consorts [H] font le même grief à l'ordonnance, alors « qu'en jugeant que les informations figurant d'une part au sein des arrêtés ADONIS, ADELIE, SIR et FICOBA, d'autre part sur la page Confidentialité / informations personnelles publiée sur le site de la DGFIP, enfin les informations diffusées par la CNIL sur le fichier FICOBA, étaient suffisantes, le délégué du premier président a violé les articles 13 et 14 du règlement (UE) n° 2016/679 du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel, dit RGPD ainsi que les dispositions du titre II de la loi dite "informatique et libertés" du 6 janvier 1978.»
Réponse de la Cour
28. L'insuffisance de l'information prévue aux articles 13 et 14 du RGPD fournie par le responsable du traitement à la personne concernée, laquelle n'affecte pas la régularité de la détention par l'administration fiscale des données issues de ce traitement, est sans incidence sur la licéité des éléments de preuve présentés au soutien d'une requête fondée sur l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales.
29. Le moyen est donc inopérant.
Sur le cinquième moyen, pris en sa neuvième branche
Enoncé du moyen
30. Les sociétés Orga+, Digital People et les consorts [H] font le même grief à l'ordonnance, alors « [qu'ils] ont fait valoir une divulgation des données personnelles à des tiers non autorisés par la communication des pièces en cause au juge des libertés et de la détention d'une part, et par la notification de l'ordonnance d'autorisation de visites et saisie mentionnant des données personnelles d'autre part, en jugeant néanmoins que ces données n'ont pas été communiquées à des tiers non autorisés, le délégué du premier président a violé l'article 5(1)(f) du règlement (UE) n° 2016/679 du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel, dit RGPD, l'article 4(6°) de la loi dite « informatique et libertés » du 6 janvier 1978, ainsi que l'article 7 de l'arrêté du 5 avril 2002 (portant création du traitement ADONIS), l'article 4 de l'arrêté 6 juillet 2004 (portant création du traitement ADELIE), l'article 7 de l'arrêté du 28 avril 1987 (portant création du traitement DESIR) et l'article 4 de l'arrêté du 14 juin 1982 (portant création du traitement FICOBA).»
Réponse de la cour
31. En premier lieu, le juge des libertés et de la détention ne peut être considéré comme un tiers non autorisé au sens des articles 5 (1) (f) du RGPD et 4(6°) de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978.
32. En second lieu, la communication de données personnelles à des tiers non autorisés par la notification de l'ordonnance d'autorisation, à la supposer établie, est sans incidence sur la légalité de cette ordonnance, qui lui est antérieure.
33. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le cinquième moyen, pris en sa dixième branche
Enoncé du moyen
34. Les sociétés Orga+, Digital People et les consorts [H] font le même grief à l'ordonnance alors « que le registre d'activité du fichier ADONIS versé aux débats par l'administration révélait que l'administration n'avait pas respecté les dispositions relatives à la durée de conservation prévues par l'arrêté du 5 avril 2002 portant création du traitement ADONIS, et que l'administration avait d'ailleurs, en l'espèce, utilisé des données du fichier ADONIS remontant bien au-delà de la durée de conservation prévue par l'arrêté précité, en jugeant, pour écarter le moyen des appelants, que l'obligation d'une tenue d'un registre des activités ne se confond pas avec les modalités d'exercice desdites activités, le délégué du premier président a violé l'article 30 du règlement (UE) n° 2016/679 du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel, dit RGPD, et l'arrêté du 5 avril 2002 portant création du fichier ADONIS. »
Réponse de la cour
35. Le non-respect, à le supposer établi, des dispositions de l'article 30 du RGPD, relatif à la tenue du registre des activités de traitement par le responsable de celui-ci, lequel n'affecte pas la régularité de la détention par l'administration fiscale des données issues de ce traitement, est sans incidence sur la licéité des éléments de preuve présentés au soutien d'une requête fondée sur l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales.
36. Le moyen est donc inopérant.
Sur le cinquième moyen, pris en sa onzième branche
Enoncé du moyen
37. Les sociétés Orga+, Digital People et les consorts [H] font le même grief à l'ordonnance alors « qu'en jugeant d'une part, [qu'ils] ne justifiaient pas de ce que l'administration serait tenue de fournir le fichier de journalisation, d'autre part, que le responsable du traitement des données personnelles n'était pas tenu de prévoir que les personnes concernées puissent accéder aux données relatives à la traçabilité des consultations de leur dossier, le délégué du premier président a violé l'article 15 du règlement (UE) n° 2016/679 du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel, dit RGPD. »
Réponse de la cour
38. Le non-respect, à le supposer établi, par l'administration, de l'obligation de fournir le fichier de journalisation et de prévoir que les personnes concernées puissent accéder aux données relatives à la traçabilité de leur dossier, lequel n'affecte pas la régularité de la détention par l'administration fiscale des données issues d'un traitement, est sans incidence sur la licéité des éléments de preuve présentés au soutien d'une requête fondée sur l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales.
39. Le moyen est donc inopérant.
40. Et, en l'absence de doute raisonnable quant à l'interprétation de l'article 84 du RGPD, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de la question préjudicielle suggérée par les sociétés Orga+, Digital People et les consorts [H].




Civ.2 7 mai 2025 n° 22-12.237

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CH10


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 7 mai 2025



Cassation partielle sans renvoi

Mme MARTINEL, président


Arrêt n° 406 F-D
Pourvoi n° F 22-12.237

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 MAI 2025
La société Le Fournil de l'horloge, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° F 22-12.237 contre l'arrêt rendu le 17 décembre 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-8), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Provence-Alpes-Côte d'Azur, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bonnet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Le Fournil de l'horloge, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF de Provence-Alpes-Côte d'Azur, et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 mars 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, Mme Bonnet, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 17 décembre 2021), la société Le Fournil de l'horloge (la société) a saisi un tribunal des affaires de sécurité sociale d'une opposition à une contrainte qui lui a été signifiée le 17 juillet 2012 par l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et des allocations familiales de Provence-Alpes-Côte d'Azur (l'URSSAF).
2. Le tribunal a déclaré l'opposition irrecevable, par un jugement du 25 avril 2017 dont la société a relevé appel.
Examen des moyens
Sur le second moyen
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. La société fait grief à l'arrêt de déclarer son opposition irrecevable en la forme pour cause de forclusion et de la débouter de l'ensemble de ses prétentions, alors « que le juge qui décide que la demande dont il est saisi est irrecevable excède ses pouvoirs en statuant au fond ; qu'en prononçant l'irrecevabilité de l'opposition formée par la société Le Fournil de l'horloge tout en la déboutant de l'ensemble de ses demandes, la cour d'appel a violé les articles 122 et 562 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 122 du code de procédure civile et R. 133-3, alinéa 3 du code de la sécurité sociale :
5. La cour d'appel qui déclare irrecevable l'opposition formée contre une contrainte décernée par un organisme de sécurité sociale, excède ses pouvoirs en statuant au fond.
6. Après avoir déclaré l'opposition de la société irrecevable, l'arrêt déboute celle-ci de ses demandes.
7. En statuant ainsi, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
9. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond.




Com. 7 mai 2025 n° 24-10.867

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
JB


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 7 mai 2025



Cassation

M. PONSOT, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 236 F-D
Pourvoi n° G 24-10.867



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 7 MAI 2025
La société CIC Ouest, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 24-10.867 contre le jugement rendu le 23 novembre 2023 par le tribunal de commerce d'Orléans, dans le litige l'opposant à M. [K] [Y], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Graff-Daudret, conseiller, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société CIC Ouest, après débats en l'audience publique du 11 mars 2025 où étaient présents M. Ponsot, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Graff-Daudret, conseiller rapporteur, Mme Ducloz, conseiller, et M. Doyen, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal de commerce d'Orléans, 23 novembre 2023), rendu en dernier ressort, par un acte du 10 avril 2020, M. [Y] s'est rendu caution solidaire envers la société CIC Ouest (la banque) de l'exécution d'une convention de découvert du compte courant de la société JM électricité (la société) ouvert dans les livres de la banque.
2. La société ayant cessé son activité, en laissant son compte courant en situation débitrice, la banque a assigné la caution en paiement.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. La banque fait grief au jugement de rejeter sa demande de condamnation de M. [Y] au titre de son engagement de caution, alors « qu'en présence d'un cautionnement solidaire, le créancier n'a pas à justifier de la défaillance du débiteur principal, la caution ayant renoncé au bénéfice de discussion ; qu'en exigeant du prêteur, pour le débouter de sa demande de condamnation de la caution solidaire, qu'il justifie avoir usé de toutes les voies de droit pour obtenir le règlement de sa créance à l'encontre du débiteur principal et que ce dernier é
Réponse de la Cour
Vu l'article 2298 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 :
4. Aux termes de ce texte, la caution n'est obligée envers le créancier à le payer qu'à défaut du débiteur, qui doit être préalablement discuté dans ses biens, à moins que la caution n'ait renoncé au bénéfice de discussion, ou à moins qu'elle ne se soit obligée solidairement avec le débiteur, auquel cas l'effet de son engagement se règle par les principes qui ont été établis pour les dettes solidaires.
5. Pour rejeter les demandes de la banque, le jugement, après avoir constaté que M. [Y] s'était porté caution solidaire, retient que, selon l'article 2288 du code civil, la mise en oeuvre du cautionnement est subordonnée à « la défaillance » du débiteur principal et que la banque ne prouve pas qu'elle a usé de toutes les voies de droit pour obtenir le règlement à l'encontre de la société débitrice principale.
6. En statuant ainsi, alors qu'il avait constaté que le cautionnement souscrit par M. [Y] était solidaire, le tribunal, qui n'a pas tiré les conséquences légale de ses propres constatations, a violé le texte susvisé.




Civ.3 7 mai 2025 n° 23-21.042

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 7 mai 2025



Cassation

Mme TEILLER, président


Arrêt n° 245 F-D
Pourvoi n° X 23-21.042



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 MAI 2025
Mme [P] [H], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° X 23-21.042 contre l'arrêt rendu le 19 avril 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 2), dans le litige l'opposant au syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2], représenté par son syndic M. [L] [G], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pons, conseiller référendaire, les observations de Me Occhipinti, avocat de Mme [H], après débats en l'audience publique du 25 mars 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Pons, conseiller référendaire rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 avril 2023), le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] (le syndicat des copropriétaires) a assigné Mme [H] en paiement d'un arriéré de charges de copropriété.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
2. Mme [H] fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture et de statuer au fond, alors « qu'une partie doit pouvoir répondre aux conclusions de son adversaire pour que le débat soit contradictoire ; que la cour d'appel a constaté que le syndicat avait déposé des conclusions le 13 janvier 2023, que l'ordonnance de clôture avait été rendue le 25 janvier 2023 et qu'il résultait d'un certificat médical du 17 janvier 2023 que le conseil de Mme [H] n'avait pas pu assurer ses obligations professionnelles dans des conditions optimales jusqu'au 28 février 2023 ; qu'en estimant ne pas devoir révoquer l'ordonnance de clôture car cet avocat aurait pu répondre aux conclusions du syndicat ou demander le report de la clôture avant la visite médicale du 17 janvier, sans pour autant constater que, dès le 13 janvier, l'avocate de Mme [H] savait qu'elle serait malade à compter du 17 et devait donc agir avant, la cour d'appel a privé Mme [H] de la possibilité de répondre aux conclusions du syndicat, violant ainsi les articles 16 et 803 du code de procédure civile et 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 16 du code de procédure civile :
3. Selon ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
4. Pour rejeter la demande de révocation de l'ordonnance de clôture, l'arrêt retient que le conseiller de la mise en état a adressé aux parties le 29 décembre 2022 un avis indiquant le calendrier retenu et fixant la clôture au 25 janvier 2023 à 13 heures, et que, si l'avocate de Mme [H] communique un certificat médical du 17 janvier de la même année indiquant que son état de santé ne lui permettait pas d'assurer ses obligations professionnelles dans des conditions optimales jusqu'au 28 février suivant, elle était en mesure, dès la réception des conclusions additionnelles du syndicat des copropriétaires le 13 janvier 2023 et avant sa visite médicale du 17 janvier, soit de saisir le conseiller de la mise en état d'un incident, soit de conclure au fond, soit de solliciter le report de la clôture voire la date de plaidoirie.
5. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir que Mme [H] avait disposé d'un temps suffisant pour répondre aux dernières conclusions du syndicat des copropriétaires ou demander un report de l'ordonnance de clôture, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.




Com. 7 mai 2025 n° 23-13.284

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
MB


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 7 mai 2025



Rejet

M. PONSOT, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 247 F-D
Pourvoi n° Q 23-13.284



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 7 MAI 2025
La société Esaris industries, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 23-13.284 contre l'arrêt rendu le 12 janvier 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 9), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Conesys holding, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à la société Aca nexia, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],
3°/ à la société Kpmg, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4], venant aux droits de la société Kpmg audit Sud-Ouest,
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Thomas, conseiller, les observations de la SAS Boucard-Capron-Maman, avocat de la société Esaris industries, de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Kpmg, venant aux droits de la société Kpmg audit Sud-Ouest, de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de la société Conesys holding, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Aca nexia, après débats en l'audience publique du 11 mars 2025 où étaient présents M. Ponsot, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Thomas, conseiller rapporteur, Mme Graff-Daudret, conseiller, et M. Doyen, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 janvier 2023), la société Esaris industries (la société Esaris), après avoir acquis, le 16 janvier 2018, la totalité des actions de la société ATI-Interco auprès de la société Conesys holding (la société Conesys), a, par lettre datée du 19 décembre 2018, mis en oeuvre la garantie d'actif et de passif convenue entre les parties.
2. La société Conesys ayant, par lettre du 4 mars 2019, contesté sa réclamation, la société Esaris l'a assignée et soulevé la tardiveté de cette contestation.
3. La société Conesys a appelé en garantie la société KPMG audit sud ouest, aux droits de laquelle vient la société KPMG, et la société Auditeurs et conseils, devenue la société Aca nexia, commissaires aux comptes de la société cédée lors de la cession.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. La société Esaris fait grief à l'arrêt de dire régulière et recevable la contestation de la société Conesys des réclamations formulées par la société Esaris et de rejeter l'ensemble de ses demandes, alors :
« 1°/ que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'en retenant la date du 11 février 2019 comme la date à laquelle aurait débuté le délai dont disposait la société Conesys pour prendre position sur la demande formulée par la société Esaris au titre de la garantie d'actif et de passif, après avoir constaté que les parties étaient convenues de retenir la date du 9 janvier (lire 7 janvier) 2019 comme étant celle de la réception de la réclamation adressée par la société Esaris à la société Conesys et donc du point de départ du délai de contestation imparti à la société Conesys, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1103 du code civil ;
2°/ que la renonciation ne se présume pas et ne peut résulter que d'actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer ; qu'en considérant que malgré l'accord intervenu entre les parties pour fixer le point de départ du délai de contestation au 7 janvier 2019, la date du 11 février 2019 devrait être retenue comme date à laquelle avait débuté le délai dont disposait la société Conesys pour prendre position sur la réclamation, parce que la société Esaris avait agréé à la demande de documents supplémentaires sans formuler d'opposition au report du point de départ du délai de contestation, annoncé par la société Conesys dans son courrier du 9 janvier 2019, motifs impropres à caractériser la renonciation claire et non équivoque de la société Esaris à se prévaloir de la date du 9 janvier (lire 7 janvier) 2019 fixée d'un commun accord comme point de départ du délai de contestation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1103 du code civil ;
3°/ que le silence ne vaut pas acceptation ; qu'en considérant que ressortirait de l'échange des courriers du 9 janvier 2019 de la société Conesys et du 29 janvier 2019 de la société Esaris un accord des parties pour faire débuter le délai de contestation de la réclamation à la date de réception des documents complémentaires adressés par la société Esaris, et que les parties auraient d'un commun accord décalé le point de départ du délai de contestation de la société Conesys au 29 janvier 2019, quand il s'évince de ses propres constatations que la société Esaris était restée silencieuse à propos du point de départ du délai de contestation après le courrier de la société Conesys du 9 janvier 2019 par lequel celle-ci prétendait que ce délai ne commencerait à courir qu'à la réception des informations et documents supplémentaires qu'elle réclamait, la cour d'appel a violé l'article 1120 du code civil ;
4°/ qu'en considérant que la société Esaris n'aurait pas adressé, avec la notification de sa réclamation, les pièces permettant à son cocontractant de prendre position en toute connaissance de cause comme le prévoit expressément le contrat, après avoir constaté que la réclamation de la société Esaris était fondée sur la circonstance que les comptes de l'exercice 2017 avaient été établis sur la base d'une dépréciation des stocks calculée à partir d'une consommation sur 6 ans au lieu de 5, mais que l'erreur ainsi dénoncée s'analysait en des erreurs matérielles affectant l'intitulé d'une colonne conso 5 ans" dans laquelle figuraient en réalité des moyennes de consommation calculées sur six ans et non sur 5, conformément à la méthode comptable utilisée depuis 2015 donc connue de la société Conesys et consistant à calculer la dépréciation des stocks sur une consommation de 6 ans, et que la société Esaris avait joint à la notification de sa réclamation une extraction du bilan de 2017 comportant la colonne litigieuse intitulée conso 5 ans", ce dont il résultait nécessairement que la lettre de notification et les pièces qui y étaient jointes permettaient parfaitement à la société Conesys de prendre position sur la réclamation et de défendre ses intérêts, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé l'article 1103 du code civil. »
Réponse de la Cour
5. Ayant, en premier lieu, constaté que les pièces et documents transmis par la société Esaris lors de sa réclamation initiale adressée le 19 décembre 2018 et reçue le 2 janvier 2019 par la société Conesys ne permettaient pas à celle-ci de prendre position sur la réalité des pertes invoquées, résultant de la dépréciation des stocks, retenu, en deuxième lieu, que les parties s'étaient accordées pour faire débuter au 7 janvier 2019 le délai de contestation de la réclamation formée par la société Esaris, et relevé, en troisième lieu, que les documents complémentaires demandés le 9 janvier 2019 par la société Conesys avaient été reçus par cette dernière le 11 février 2019, l'arrêt retient que la contestation adressée par cette dernière, le 4 mars 2019, l'a été dans le délai de vingt jours ouvrés prévu à l'article 16.2 de la garantie d'actif et de passif.
6. Le moyen qui, en ses différentes branches, ne tend qu'à remettre en cause les constatations et appréciations souveraines desquelles la cour d'appel a déduit que le délai contractuel prévu pour adresser la contestation avait été respecté, n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen
Enoncé du moyen
7. La société Esaris fait grief à l'arrêt de déclarer tardive sa réclamation concernant la dépréciation des stocks, de dire n'y avoir lieu de statuer sur ses réclamations concernant le client Adetel et les factures SNCF au regard de leur montant inférieur au montant minimum de mobilisation de la garantie d'actif et de passif et de rejeter en conséquence l'ensemble de ses demandes, alors « que la cassation à intervenir sur le premier moyen, du chef de dispositif par lequel la cour d'appel a dit régulière et recevable la contestation de la société Conesys des réclamations formulées par la société Esaris, emportera par voie de conséquence la cassation des chefs de dispositif par lesquels la cour d'appel a déclaré tardive la réclamation de la société Esaris concernant la dépréciation des stocks et a dit n'y avoir lieu de statuer sur les réclamations de la société Esaris concernant le client Adetel et les factures SNCF au regard de leur montant inférieur au montant minimum de mobilisation de la garantie d'actif et de passif en raison du lien d'indivisibilité et de dépendance nécessaire unissant ces chefs de dispositifs, en application de l'article 624 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
8. Le premier moyen étant rejeté, le second, qui invoque une cassation par voie de conséquence, est sans portée.




Civ.2 7 mai 2025 n° 23-19.930

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CH10


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 7 mai 2025



Cassation partielle

Mme MARTINEL, président


Arrêt n° 428 F-D
Pourvoi n° P 23-19.930

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 MAI 2025
Mme [D] [E], domiciliée [Adresse 4], a formé le pourvoi n° P 23-19.930 contre l'arrêt rendu le 30 mai 2023 par la cour d'appel de Grenoble (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ au centre hospitalier universitaire (CHU) de Grenoble-Alpes, établissement public de santé, dont le siège est [Adresse 5],
3°/ à la Caisse des dépôts et consignations,
4°/ à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL),
toutes deux ayant leur siège [Adresse 3],
5°/ à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Isère, dont le siège est [Adresse 1],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Philippart, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme [E], de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Axa France IARD, de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la Caisse des dépôts et consignations et de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 mars 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, Mme Philippart, conseiller référendaire rapporteur, Mme Isola, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 30 mai 2023), le 12 juin 2012, Mme [E] a été victime d'un accident de la circulation impliquant un véhicule automobile assuré par la société Axa France IARD (l'assureur).
2. Mme [E] a assigné l'assureur en indemnisation de ses préjudices, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère, du centre hospitalier universitaire de Grenoble, de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) et de la Caisse des dépôts et consignations.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
3. Mme [E] fait grief à l'arrêt de fixer son préjudice résultant de l'accident du 12 juin 2012, après déduction des prestations versées par les tiers payeurs, à la somme de 205 812,61 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs et, en conséquence, de condamner l'assureur à lui payer la somme de 275 174,66 euros en indemnisation de son préjudice, sauf à déduire les provisions versées, avec intérêts au taux légal à compter de la décision, alors « que les juges du fond, qui sont tenus d'évaluer l'indemnité au jour où ils statuent, doivent procéder, si elle est demandée, à l'actualisation au jour de leur décision de l'indemnité allouée à la victime, en fonction de la dépréciation monétaire ; que dans ses conclusions d'appel, Mme [E] reprochait au premier juge d'avoir indemnisé son préjudice au titre de la perte de gains professionnels futurs sans avoir procédé à l'actualisation du montant de ses salaires de manière à tenir compte de l'érosion monétaire, et elle demandait à la cour de procéder à cette actualisation ; qu'en allouant à Mme [E] la seule somme de 205 812,61 euros au titre de sa perte de gains professionnels futurs, sans procéder, comme il le lui était demandé, à l'actualisation de cette indemnité au jour de sa décision, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
4. L'assureur conteste la recevabilité du moyen. Il soutient qu'il est nouveau et mélangé de fait et de droit.
5. Cependant, Mme [E] faisait valoir, devant la cour d'appel, que le montant des salaires de référence devait être actualisé pour tenir compte de l'érosion monétaire.
6. Le moyen est, dès lors, recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :
7. En application de ce principe, il incombe au juge d'évaluer le préjudice à la date à laquelle il rend sa décision. Le préjudice économique subi par la victime doit être évalué au jour de la décision qui le fixe en tenant compte de tous les éléments connus à cette date et les juges du fond doivent procéder, si elle est demandée, à l'actualisation, au jour de leur décision, de l'indemnité allouée en réparation de ce préjudice en fonction de la dépréciation monétaire.
8. Pour évaluer les pertes de gains professionnels futurs de Mme [E], l'arrêt se fonde, pour la période allant de la consolidation au 1er novembre 2017, sur un salaire de référence correspondant à la moyenne des salaires perçues par la victime durant les quatre années précédent l'accident.
9. En statuant ainsi, sans se fonder sur le salaire auquel la victime aurait eu droit au jour de la décision, alors que Mme [E] avait conclu à la nécessité d'indexer son salaire antérieur afin de tenir compte de l'érosion monétaire pour les années 2016 et 2017, la cour d'appel a violé le principe susvisé.
Mise hors de cause
10. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause la CNRACL et la Caisse des dépôts et consignations, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.




Com. 7 mai 2025 n° 24-11.771

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
HM


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 7 mai 2025



Cassation

M. PONSOT, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 242 F-D
Pourvoi n° R 24-11.771



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 7 MAI 2025
1°/ Le directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur, domicilié [Adresse 2], agissant sous l'autorité de la directrice générale des finances publiques,
2°/ la directrice générale des finances publiques, domiciliée [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° R 24-11.771 contre l'arrêt n° RG 21/06718 rendu le 29 novembre 2023 par la cour d'appel de Bordeaux (4e chambre civile), dans le litige les opposant à la société Résidential mdb, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Alt, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la directrice générale des finances publiques et du directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur, agissant sous l'autorité de la directrice générale des finances publiques, de Me Brouchot, avocat de la société Résidential mdb, après débats en l'audience publique du 11 mars 2025 où étaient présents M. Ponsot, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Alt, conseiller rapporteur, Mme Graff-Daudret, conseiller, et M. Doyen, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 29 novembre 2023), la société Residential mdb est associée au sein de la société civile de construction attribution Les Hauts de la Vigne. Par un acte notarié du 19 juin 2015, cette dernière a acquis une maison à usage d'habitation destinée à être démolie pour devenir un terrain à bâtir. Dans cet acte, elle a pris l'engagement de construire dans un délai de quatre ans à compter de la date d'acquisition et, en conséquence, elle a bénéficié du régime de faveur prévu par l'article 1594-0 G du code général des impôts. Puis, par un acte du 15 octobre 2015, elle a cédé le bien à la société Solea. Le 26 octobre 2016, cette dernière a déposé une déclaration d'achèvement et de conformité des travaux.
2. Le 26 septembre 2019, considérant que l'engagement de construire n'avait pas été respecté dans les délais par la société Les Hauts de la Vigne, l'administration fiscale lui a adressé une proposition de rectification afin de lui réclamer les droits de mutation exigibles au taux de droit commun. Le 27 septembre 2019, elle a adressé la même proposition à la société Residential mdb, en sa qualité d'associée.
3. La société Residential mdb a contesté ces rappels et a assigné l'administration fiscale devant le tribunal judiciaire.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. L'administration fiscale fait grief à l'arrêt d'ordonner la décharge de l'intégralité des rappels de taxes, frais d'assiette et de recouvrement et intérêts de retard de la société Residential mdb, alors « qu'en application des dispositions de l'article 1594-0 G du code général des impôts, pour bénéficier du régime de faveur d'exonération de taxe de publicité foncière ou de droits d'enregistrement, il faut que : - l'acquéreur soit assujetti à la TVA au sens de l'article 256 A du CGI ; - que le terrain soit d'une certaine superficie variable en fonction du type de construction ; - que l'acquéreur prenne, dans l'acte d'acquisition, l'engagement de construire dans un délai de quatre ans et : - que les travaux soient réalisés avant l'expiration du délai de quatre ans ; qu'au cas présent, il a été constaté que la SCA Les Hauts de la Vigne a revendu le bien, quatre mois après son acquisition, à la SCI Solea, non assujettie à la TVA ; que cette dernière n'a pas repris, dans l'acte d'acquisition, l'engagement de construire ; que dès lors les conditions du régime de faveur n'étaient plus remplies ; qu'en jugeant pourtant qu'en l'espèce, il est établi que la société Les Hauts de la Vigne, assujettie à la TVA, a pris l'engagement de réaliser des travaux dans un délai de 4 ans ainsi qu'il est mentionné en page onze de l'acte authentique du 19 juin 2015 puis que la société Soléa, sous-acquéreur, a déposé la déclaration d'achèvement des travaux au sens de l'article 266 bis de l'annexe III au code général des impôts le 26 octobre 2016, pour en déduire que le régime de faveur ne pouvait pas être remis en cause, la cour d'appel a violé l'article 1594-0 G du CGI. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1594-0 G du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014, applicable au litige :
5. Selon ce texte, sont exonérées de taxe de publicité foncière ou de droits d'enregistrement les acquisitions d'immeubles réalisées par une personne assujettie au sens de l'article 256 A, lorsque l'acte d'acquisition contient l'engagement, pris par l'acquéreur, d'effectuer dans un délai de quatre ans les travaux conduisant à la production d'un immeuble neuf au sens du 2° du 2 du I de l'article 257, ou nécessaires pour terminer un immeuble inachevé. Cette exonération est subordonnée à la condition que l'acquéreur justifie à l'expiration du délai de quatre ans de l'exécution des travaux.
6. Pour rejeter la demande de l'administration fiscale, l'arrêt retient que les conditions du bénéfice de l'exonération prévues par l'article 1594-0 G du code général des impôts sont remplies dès lors qu'il est établi que la société Les Hauts de la Vigne, assujettie à la TVA, a pris l'engagement de réaliser des travaux de construction dans un délai de quatre ans et que la société Soléa, sous-acquéreur, a déposé la déclaration d'achèvement des travaux au sens de l'article 266 bis de l'annexe III du code général des impôts dans les délais.
7. En se déterminant ainsi sans rechercher, comme elle y était invitée, si la SCI Solea était assujettie à la TVA, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.




Civ.2 7 mai 2025 n° 23-11.782

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CH10


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 7 mai 2025



Cassation

Mme MARTINEL, président


Arrêt n° 420 F-D
Pourvoi n° H 23-11.782



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 MAI 2025
La société Axa France vie, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° H 23-11.782 contre l'arrêt rendu le 19 janvier 2023 par la cour d'appel de Versailles (3e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [J] [B], domiciliée [Adresse 1],
2°/ à M. [W] [Y], domicilié [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Martin, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Axa France vie, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [B] et de M. [Y], et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 mars 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Martin, conseiller rapporteur, Mme Isola, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 19 janvier 2023), [O] [Y] a adhéré à un contrat d'assurance de groupe souscrit par son employeur auprès de la société Axa France vie (l'assureur) prévoyant le doublement du capital décès en cas de décès accidentel.
2. Le 15 mars 2016, [O] [Y] est décédé sur son lieu de travail.
3. L'assureur a réglé à Mme [B], sa veuve, et à M. [Y], son fils, le capital dû au titre de la garantie décès du contrat.
4. Après avoir vainement mis en demeure l'assureur de leur verser le supplément de capital dû en cas de décès accidentel, Mme [B] et M. [Y] l'ont assigné devant un tribunal judiciaire afin d'obtenir sa condamnation à leur payer cette somme.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première, troisième, quatrième, cinquième et sixième branches
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
6. L'assureur fait grief à l'arrêt de dire que le décès de [O] [Y] présentait un caractère accidentel, de le condamner à en garantir les conséquences, et de le condamner à régler à Mme [B] et à M. [Y] une somme de 400 000 euros au titre de doublement dû au caractère accidentel du décès de leur auteur survenu le 15 mars 2016, et ce avec intérêts de droit à compter de l'acte introductif d'instance du 15 juin 2018, alors « qu'il appartient à celui qui sollicite le bénéfice d'une garantie assurantielle de faire la preuve de l'existence et du contenu de la garantie qu'il entend mobiliser ; qu'en relevant, pour allouer un capital de 400 000 euros à Mme [B] et à M. [Y] au titre de la garantie décès accidentel, qu'il n'était pas contesté que « le contrat litigieux » prévoyait le versement d'un capital équivalent à celui prévu par la garantie décès toutes causes confondues en cas de décès accidentel, et que la société Axa France vie ne versait aux débats qu'un exemplaire non signé des conditions particulières et générales du contrat, quand il incombait à Mme [B] et à M. [Y], demandeurs au versement d'un capital prévu en cas de décès accidentel de produire les documents contractuels sur lesquels ils fondaient leur demande afin de mettre le juge en mesure d'apprécier si les conditions du versement réclamé étaient remplies, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé les articles 1315 et 1134 du code civil, devenus les articles 1353 et 1103 du même code ».
Réponse de la Cour
Vu l'article 1315, devenu 1353, du code civil :
7. Selon ce texte, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
8. Pour dire que le décès de [O] [Y] présente un caractère accidentel et condamner l'assureur à en garantir les conséquences, l'arrêt constate que la clause contenue dans les conditions générales du contrat d'assurance définit le décès accidentel comme une atteinte corporelle provenant d'une cause extérieure.
9. L'arrêt relève, ensuite, que l'assureur, qui soutient que cette définition contractuelle est opposable à Mme [B] et M. [Y], verse aux débats des conditions générales et particulières non signées par le souscripteur et en déduit que cette clause ne leur est pas opposable.
10. L'arrêt ajoute que l'accident pourrait se définir, dans le langage courant, comme un événement fortuit et imprévisible qui affecte par hasard telle ou telle personne comme pourrait le faire une rupture d'anévrisme ou une crise cardiaque.
11. L'arrêt retient, enfin, qu'il ressort des éléments de preuve versés aux débats que, d'une part, [O] [Y] aurait présenté, avant son décès, des manifestations pouvant évoquer une crise d'épilepsie, d'autre part, sa mort est d'origine naturelle, vraisemblablement due à une rupture d'anévrisme cérébral, sans intervention extérieure et que ces éléments correspondent à l'acception courante du terme accident.
12. En statuant ainsi, alors que la charge de la preuve de la réunion des conditions de la garantie incombe à l'adhérent ou aux bénéficiaires du contrat d'assurance de groupe, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé le texte susvisé.




Civ.2 7 mai 2025 n° 25-40.005

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
COUR DE CASSATION


LC12

______________________
QUESTION PRIORITAIRE de CONSTITUTIONNALITÉ ______________________




Arrêt du 7 mai 2025



NON-LIEU A RENVOI

Mme MARTINEL, président


Arrêt n° 576 F-D
Affaire n° A 25-40.005






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 MAI 2025
Le tribunal de proximité du Creusot (juge de l'exécution) a transmis à la Cour de cassation, suite au jugement rendu le 7 février 2025, la question prioritaire de constitutionnalité, reçue le 13 février 2025, dans l'instance mettant en cause :
D'une part,
la société [4], société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],
D'autre part,
Mme [L] [I], épouse [F], domiciliée [Adresse 1],
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SAS Hannotin Avocats, avocat de la société [4], et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 mai 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Par jugement du 7 février 2025, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Chalon-sur-Saône (tribunal de proximité du Creusot) a transmis une question prioritaire de constitutionnalité.
2. Selon ce jugement, par acte sous seing privé du 23 août 2016, Mme [I] (la débitrice) a souscrit auprès de la [3] un prêt immobilier dans le cadre du financement de travaux garanti par le cautionnement solidaire de la société [4] (la caution).
3. A la suite de la défaillance de la débitrice, un juge de l'exécution a autorisé la caution, par une ordonnance du 18 septembre 2024, à prendre une inscription d'hypothèque provisoire.
4. Par lettre reçue le 21 octobre 2024, la débitrice a déclaré faire opposition à cette décision et les parties ont été convoquées à une audience.
Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité
5. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« Les dispositions de l'alinéa 1er de l'article L. 722-5 du code de la consommation, telles qu'interprétées par la jurisprudence (2e Civ., 28 mars 2024, pourvoi n° 22-12.797) portent-elles atteinte :
- au droit de propriété, tel qu'il résulte des articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, en ce qu'elles interdisent au créancier caution de prendre toute hypothèque judiciaire sur le bien immobilier d'un débiteur à partir de la recevabilité de la demande de surendettement, cependant que cette prise de sûreté est la façon la plus adaptée et juste, pour le créancier caution ayant financé l'entrée du bien immobilier dans le patrimoine du débiteur, de garantir son droit à paiement préférentiel sur le prix du bien immobilier, en cas de revente dudit bien ?
- la garantie de droits, telle qu'elle résulte de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, cette garantie comprenant à la fois le droit d'accès au juge et le droit à la sécurité juridique, en ce sens que les dispositions de l'alinéa 1er de l'article L. 722-5 du code de la consommation, telles qu'interprétées par la Cour de cassation, interdisent au créancier caution à la fois de saisir le juge pour garantir ses droits a minima et de bénéficier de la jurisprudence ancienne, antérieure, sur cette question ? »
Examen de la question prioritaire de constitutionnalité
6. Tout justiciable a le droit de contester la constitutionnalité de la portée effective qu'une interprétation jurisprudentielle constante confère à une disposition législative, sous la réserve que cette jurisprudence ait été soumise à la juridiction supérieure compétente.
7. En effet, le Conseil constitutionnel admet qu'une décision unique puisse constituer une jurisprudence constante (Cons. const., 4 décembre 2015, n° 2015-503 QPC éclairée sur ce point par le commentaire accessible sur le site internet du Conseil, pages 5 et 6).
8. Aux termes de l'article L. 722-2 du code de la consommation, la recevabilité de la demande emporte suspension et interdiction des procédures d'exécution diligentées à l'encontre des biens du débiteur ainsi que des cessions de rémunération consenties par celui-ci et portant sur les dettes autres qu'alimentaires.
9. Selon l'article L. 722-5 du même code, la suspension et l'interdiction des procédures d'exécution diligentées à l'encontre des biens du débiteur emportent interdiction pour celui-ci de faire tout acte qui aggraverait son insolvabilité, de payer, en tout ou partie, une créance autre qu'alimentaire, y compris les découverts mentionnés aux 10° et 11° de l'article L. 311-1, née antérieurement à la suspension ou à l'interdiction, de désintéresser les cautions qui acquitteraient des créances nées antérieurement à la suspension ou à l'interdiction, de faire un acte de disposition étranger à la gestion normale du patrimoine ; elles emportent aussi interdiction de prendre toute garantie ou sûreté.
10. Par un arrêt du 28 mars 2024 (2e Civ., 28 mars 2024, pourvoi n° 22-12.797, publié), la Cour de cassation, saisie du pourvoi formé par des débiteurs surendettés à l'encontre de l'arrêt d'une cour d'appel les ayant déboutés, dans un litige ne concernant pas un cautionnement, de leur demande d'annulation d'une hypothèque judiciaire provisoire, a jugé qu'il résulte de la combinaison des articles L. 722-2 et L. 722-5 du code de la consommation que lorsque la décision de recevabilité à la procédure de surendettement a été prononcée, il est interdit au créancier de prendre toute garantie, sûreté ou mesure conservatoire sur les biens du débiteur.
11. En l'état de cet arrêt qui ne concerne pas une caution, il n'existe pas d'interprétation jurisprudentielle constante de la Cour de cassation selon laquelle les dispositions de l'article L. 722-5 du code de la consommation interdiraient à une caution ayant payé une cré
12. En conséquence, il n'y a pas lieu de renvoyer la question au Conseil constitutionnel.




Com. 7 mai 2025 n° 24-12.460

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
FM


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 7 mai 2025



Cassation partielle

M. PONSOT, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 239 F-D
Pourvoi n° Q 24-12.460

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 7 MAI 2025
La société NSE, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Q 24-12.460 contre l'arrêt rendu le 24 janvier 2024 par la cour d'appel de Riom (3e chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant à M. [R] [K], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ducloz, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société NSE, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de M. [K], après débats en l'audience publique du 11 mars 2025 où étaient présents M. Ponsot, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ducloz, conseiller rapporteur, Mme Graff-Daudret, conseiller, et M. Doyen, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 24 janvier 2024), le 30 janvier 2019, M. [K] a mis fin à son mandat de membre du directoire de la société anonyme NSE SA (la société NSE), avec effet au 31 août 2019.
2. Le 7 octobre 2020, il a assigné la société NSE en paiement d'une somme au titre de sa rémunération variable pour la période allant du 1er janvier au 31 août 2019.
Examen des moyens
Sur le second moyen
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
4. La société NSE fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. [K] la somme de 39 923,33 euros au titre de la rémunération variable de son mandat, calculée sur la base des résultats de l'année 2019, alors « que le juge, lorsqu'il procède à l'interprétation d'un acte, doit rechercher quelle a été l'intention de ses auteurs ; qu'en se bornant à juger que l'absence de précision dans la note de synthèse ou les autres documents internes à la société NSE sur la question du versement de la rémunération variable au titre de l'année au cours de laquelle le mandataire quitte ses fonctions ne permettait pas à elle seule d'exclure le droit de M. [K] à obtenir ce versement, aucune disposition ne l'interdisant lorsque le départ du mandataire intervient avant la fin d'un exercice comptable, la cour d'appel, qui s'est abstenue de rechercher quelle avait été l'intention du conseil de surveillance, pourtant exclusivement compétent pour déterminer la rémunération des membres du directoire, sur le droit au versement de la rémunération variable d'un membre du directoire quittant ses fonctions en cours d'exercice comptable, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 225-63 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 225-63 du code de commerce :
5. Il résulte de ce texte que le conseil de surveillance a une compétence exclusive pour déterminer la rémunération des membres du directoire.
6. Pour condamner la société NSE à payer à M. [K] une somme au titre de la rémunération variable pour la période allant du 1er janvier au 31 août 2019, l'arrêt, après avoir relevé qu'il avait mis fin à son mandat de membre du directoire le 31 août 2019, retient que le procès-verbal de la réunion du conseil de surveillance de la société NSE du 1er février 2017 précise que les membres de ce conseil décident de fixer la rémunération des membres du directoire selon les modalités exposées dans une note de synthèse, laquelle indique, d'une part, que les membres du directoire bénéficient d'une rémunération variable due, pour la première tranche, si le résultat d'exploitation ressortant des comptes sociaux est supérieur ou égal à 500 000 euros et, pour la seconde tranche, si le résultat cumulé des filiales de la société NSE est supérieur ou égal à 500 000 euros, d'autre part, que cette rémunération variable est versée, à compter de l'exercice 2019, « au début du second semestre N+1 après approbation des comptes sociaux de l'exercice N », ceux-ci étant arrêtés au 31 décembre de chaque année et approuvés au plus tard le 30 juin suivant par l'assemblée générale des actionnaires. L'arrêt ajoute que l'absence de précision, dans la note de synthèse ou dans les autres documents internes de la société, sur la question du versement de la rémunération variable au titre de l'année au cours de laquelle le mandataire social quitte ses fonctions, ne permet pas à elle seule d'exclure le droit de ce mandataire à obtenir ce versement, et qu'aucun motif de principe ne s'oppose à ce que le bénéfice de la rémunération lui soit refusé pour l'année au cours de laquelle il a continué, pour partie, d'exercer ses fonctions.
7. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui incombait, s'il était de l'intention du conseil de surveillance de la société NSE de verser une rémunération variable prorata temporis aux membres du directoire cessant leur mandat en cours d'exercice, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.




Com. 7 mai 2025 n° 23-24.041 B

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
JB


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 7 mai 2025



Cassation partielle

Mme GRAFF-DAUDRET, conseiller faisant fonction de président


Arrêt n° 250 F-B
Pourvoi n° H 23-24.041



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 7 MAI 2025
La société Vandermersch holding, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° H 23-24.041 contre l'arrêt N° RG 22/11590 rendu le 24 août 2023 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-4), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Pharmabest, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à la société Plein Sud, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lefeuvre, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Briard, Bonichot et Associés, avocat de la société Vandermersch holding, de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société Pharmabest, après débats en l'audience publique du 11 mars 2025 où étaient présents Mme Graff-Daudret, conseiller faisant fonction de président, Mme Lefeuvre, conseiller référendaire rapporteur, Mme Ducloz, conseiller, et M. Doyen, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 24 août 2023) et les productions, lors d'une assemblée générale du 11 mai 2018, les associés de la société Pharmabest ont voté l'exclusion des sociétés Vandermersch holding (la société VH), Plein Sud et Teroma.
2. Par une ordonnance du 8 novembre 2018, le président d'un tribunal a désigné, sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil, un expert chargé de déterminer la valeur des actions Pharmabest détenues par les sociétés exclues en appliquant les règles et modalités de détermination de la valeur des droits sociaux prévues par les statuts de la société ou par toute convention liant les parties.
3. A la suite du désaccord des parties sur la détermination de l'exercice comptable à prendre en considération pour le calcul du prix de cession, l'expert leur a proposé une lettre de mission aux termes de laquelle, d'une part, il prévoyait d'effectuer deux chiffrages, l'un fondé sur les états financiers de la société Pharmabest arrêtés au 31 décembre 2017 et l'autre sur les états financiers arrêtés au 31 décembre 2018, d'autre part, il invitait, pour ce faire, les parties à lui fournir divers documents.
4. La société Pharmabest ayant refusé de communiquer certains documents à l'expert, les sociétés VH, Plein Sud et Teroma l'ont assignée aux fins de lui voir enjoindre de communiquer les pièces listées dans le tableau annexé à un courriel que celui-ci lui avait envoyé le 12 mai 2020. La société Pharmabest a demandé, à titre reconventionnel, l'annulation de certaines clauses de la lettre de mission.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa quatrième branche
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. La société VH fait grief à l'arrêt d'annuler certaines clauses de la lettre de mission, de rejeter sa demande de communication de pièces et d'inviter l'expert à établir et à communiquer son rapport définitif aux parties, alors « que l'expert évaluateur désigné en application de l'article 1843-4 du code civil détermine seul, à l'exclusion du juge, la valeur des parts sociales objet de sa mission ; qu'en l'espèce, l'expert désigné sur le fondement de ce texte par le président du tribunal de commerce de Marseille avec pour mission en particulier "de se faire remettre tous documents utiles à sa mission" et de "déterminer la valeur des actions Pharmabest détenues par Teroma SAS, Plein Sud SAS et VH SAS en appliquant les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par les statuts de la société ou par toute convention liant les parties" ; qu'en annulant certaines clauses de la lettre de mission, pourtant signée par les parties, et en refusant d'ordonner la production de pièces dont l'expert sollicitait la communication, en indiquant n'être, à défaut, pas en mesure d'accomplir sa mission, la cour d'appel, qui, en exerçant un contrôle a priori que la loi lui refuse, a entravé l'exercice par l'expert évaluateur du pouvoir d'appréciation que la loi lui confère, à lui seul et dans la seule limite des conventions des parties, a excédé ses pouvoirs et violé l'article 1843-4 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1843-4, I, du code civil :
7. Il résulte de ce texte que l'expert peut, afin de ne pas retarder le cours de ses opérations, retenir différentes évaluations correspondant aux interprétations de la convention respectivement revendiquées par les parties, à charge pour le juge, après avoir procédé à la recherche nécessaire de la commune intention des parties, d'appliquer l'évaluation correspondante, laquelle s'impose alors à lui.
8. Pour annuler les clauses de la lettre de mission du 29 avril 2019 par lesquelles l'expert affirme qu'il lui appartient de fournir tous les éléments aux magistrats afin qu'ils puissent fixer la valeur des parts sociales en fonction de la position de droit qu'ils auront retenue et se propose d'effectuer deux chiffrages, l'arrêt retient qu'il appartient à l'expert, saisi d'une contestation qu'il estime excéder ses pouvoirs sur l'interprétation des conventions liant les parties, de surseoir à la poursuite de ses opérations et d'inviter les parties à saisir le tribunal compétent afin de faire trancher préalablement le litige, puis de fixer lui-même la valeur des parts après que la décision judiciaire a été rendue sur l'interprétation des conventions. L'arrêt ajoute qu'en proposant une mission consistant à effectuer deux chiffrages et à fournir tous éléments d'information en vue d'une fixation de la valeur des parts par le tribunal, l'expert a méconnu les dispositions d'ordre public de l'article 1843-4 du code civil.
9. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a excédé ses pouvoirs en obligeant l'expert à demander aux parties de saisir un juge pour que celui-ci, en retenant une interprétation de la convention des parties, lui indique l'exercice comptable à prendre en considération pour procéder à l'évaluation des droits sociaux, a violé le texte susvisé.




Civ.3 7 mai 2025 n° 23-50.032

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
CL


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 7 mai 2025



Cassation partielle

Mme TEILLER, président


Arrêt n° 242 F-D
Pourvoi n° G 23-50.032



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 MAI 2025
M. [N] [H], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 23-50.032 contre l'arrêt rendu le 10 octobre 2023 par la cour d'appel de Caen (première chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [F] [M],
2°/ à Mme [R] [I],épouse [M],
tous deux domiciliés [Adresse 5],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Baraké, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boullez, avocat de M. [H], de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. et Mme [M], après débats en l'audience publique du 25 mars 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Baraké, conseiller référendaire rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 10 octobre 2023), M. [H] est propriétaire de deux près-marais qui, à la suite d'un remembrement ordonné par arrêté préfectoral du 18 avril 1989, constituent la parcelle cadastrée section ZI n° [Cadastre 3].
2. M. et Mme [M] sont propriétaires de parcelles cadastrées section ZI n° [Cadastre 2] et [Cadastre 4], qui correspondaient à deux mares séparées par une digue, leur titre d'acquisition du 7 avril 2010 mentionnant que leur parcelle ZI n° [Cadastre 2] est grevée d'une servitude de passage au profit, notamment, de la parcelle cadastrée section ZI n° [Cadastre 3].
3. Le 10 août 2010, le préfet de la Manche a déclaré ne pas s'opposer à la demande de M. et Mme [M] de réunir leurs deux plans d'eau, et ces derniers ont réalisé des travaux supprimant la digue et créant un nouveau passage empierré, sur leur parcelle cadastrée section ZI n° [Cadastre 4], pour accéder à la parcelle cadastrée section ZI n° [Cadastre 3].
4. M. [H] les a assignés en rétablissement de l'assiette et du mode de servitude antérieur.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. M. [H] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de rétablissement de l'assiette de la servitude de passage bénéficiant à son fonds, alors « que la modification de l'assiette de la servitude par application de l'article 701, alinéa 3, du code civil doit être préalablement autorisée par le juge, qui doit être saisi par le propriétaire du fonds servant d'une demande en ce sens ; qu'il s'ensuit que le propriétaire du fonds servant doit être condamné à rétablir les lieux en l'état lorsqu'il s'est fait justice à lui-même, en déplaçant de sa propre initiative l'assiette de la servitude de passage, sans avoir obtenu au préalable l'autorisation du juge, quand bien même les deux conditions de fond posées par l'article 701, alinéa 3 du code civil pour la modification de la servitude seraient réunies ; qu'en validant a posteriori la modification par M. et Mme [M] de l'assiette de la servitude de passage grevant leur fonds au profit de celui de M. [H], à défaut d'accord de sa part, sans avoir préalablement obtenu l'autorisation du juge, la cour d'appel a violé l'article 701, alinéa 3, du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 701, alinéa 3, du code civil :
6. Selon ce texte, si l'assignation primitive de la servitude devient plus onéreuse au propriétaire du fonds assujetti, ou si elle l'empêche d'y faire des réparations avantageuses, le propriétaire du fonds assujetti peut offrir au propriétaire de l'autre fonds un endroit aussi commode pour l'exercice de ses droits, et celui-ci ne peut pas le refuser.
7. Il est jugé que ces dispositions, de portée générale, n'exigent pas un accord du propriétaire du fonds dominant, la modification pouvant être autorisée par un juge (3e Civ., 18 mars 1987, pourvoi n° 85-16.-69, Bull. n° 57), mais que le propriétaire d'un fonds servant, qui modifie l'assiette primitive d'une servitude, sans l'accord préalable du propriétaire du fonds dominant ou autorisation judiciaire, ne peut invoquer l'article 701 du code civil (3e Civ., 8 juillet 2009, pourvoi n° 08-15.763, Bull. n° 177), à moins qu'il n'ait préalablement rétabli l'assiette d'origine de la servitude de passage (3e Civ., 18 janvier 2023, pourvoi n° 22-10.700, publié).
8. Pour rejeter les demandes de M. [H], l'arrêt retient que les dispositions de l'article 701, alinéa 3, du code civil permettent la modification de l'assiette d'une servitude, sans que soit exigé un accord entre les propriétaires concernés, dès lors que les conditions posées par ce texte sont réunies, comme en l'espèce, l'ancienne assiette de la servitude litigieuse empêchant M. et Mme [M] de faire des réparations avantageuses, et le nouveau passage présentant une commodité équivalente au précédent.
9. En statuant ainsi, sans constater un accord donné par le propriétaire du fonds dominant ou une autorisation judiciaire pour effectuer les travaux de déplacement de l'assiette de la servitude de passage dont elle reconnaissait l'existence, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé.




Com. 7 mai 2025 n° 24-11.772

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
HM


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 7 mai 2025



Cassation

M. PONSOT, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 243 F-D
Pourvoi n° S 24-11.772



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 7 MAI 2025
1°/ Le directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur, domicilié [Adresse 2], agissant sous l'autorité de la directrice générale des finances publiques,
2°/ la directrice générale des finances publiques, domiciliée[Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° S 24-11.772 contre l'arrêt n° RG 21/06721 rendu le 29 novembre 2023 par la cour d'appel de Bordeaux (4e chambre civile), dans le litige les opposant à la société Résidential mdb, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], venant aux droits de la société Résidential promotion, défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Alt, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la directrice générale des finances publiques et du directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur, agissant sous l'autorité de la directrice générale des finances publiques, de Me Brouchot, avocat de la société Résidential mdb, après débats en l'audience publique du 11 mars 2025 où étaient présents M. Ponsot, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Alt, conseiller rapporteur, Mme Graff-Daudret, conseiller, et M. Doyen, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 29 novembre 2023), la société Residential promotion est associée au sein de la société civile de construction attribution Les Hauts de la Vigne. Par un acte notarié du 19 juin 2015, cette dernière a acquis une maison à usage d'habitation destinée à être démolie pour devenir un terrain à bâtir. Dans cet acte, elle a pris l'engagement de construire dans un délai de quatre ans à compter de la date d'acquisition et, en conséquence, elle a bénéficié du régime de faveur prévu par l'article 1594-0 G du code général des impôts. Puis, par un acte du 15 octobre 2015, elle a cédé le bien à la société Solea. Le 26 octobre 2016, cette dernière a déposé une déclaration d'achèvement et de conformité des travaux.
2. Le 26 septembre 2019, considérant que l'engagement de construire n'avait pas été respecté dans les délais par la société Les Hauts de la Vigne, l'administration fiscale lui a adressé une proposition de rectification afin de lui réclamer les droits de mutation exigibles au taux de droit commun. Le 27 septembre 2019, elle a adressé la même proposition à la société Residential promotion, en sa qualité d'associée.
3. La société Residential promotion a contesté ces rappels et a assigné l'administration fiscale devant le tribunal judiciaire.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. L'administration fiscale fait grief à l'arrêt d'ordonner la décharge de l'intégralité des rappels de taxes, frais d'assiette et de recouvrement et intérêts de retard de la société Residential promotion, alors « qu'en application des dispositions de l'article 1594-0 G du code général des impôts, pour bénéficier du régime de faveur d'exonération de taxe de publicité foncière ou de droits d'enregistrement, il faut que : - l'acquéreur soit assujetti à la TVA au sens de l'article 256 A du CGI ; - que le terrain soit d'une certaine superficie variable en fonction du type de construction ; - que l'acquéreur prenne, dans l'acte d'acquisition, l'engagement de construire dans un délai de quatre ans et : - que les travaux soient réalisés avant l'expiration du délai de quatre ans ; qu'au cas présent, il a été constaté que la SCA Les Hauts de la Vigne a revendu le bien, quatre mois après son acquisition, à la SCI Solea, non assujettie à la TVA ; que cette dernière n'a pas repris, dans l'acte d'acquisition, l'engagement de construire ; que dès lors les conditions du régime de faveur n'étaient plus remplies ; qu'en jugeant pourtant qu'en l'espèce, il est établi que la société Les Hauts de la Vigne, assujettie à la TVA, a pris l'engagement de réaliser des travaux dans un délai de 4 ans ainsi qu'il est mentionné en page onze de l'acte authentique du 19 juin 2015 puis que la société Soléa, sous-acquéreur, a déposé la déclaration d'achèvement des travaux au sens de l'article 266 bis de l'annexe III au code général des impôts le 26 octobre 2016, pour en déduire que le régime de faveur ne pouvait pas être remis en cause, la cour d'appel a violé l'article 1594-0 G du CGI. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1594-0 G du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014, applicable au litige :
5. Selon ce texte, sont exonérés de taxe de publicité foncière ou de droits d'enregistrement les acquisitions d'immeubles réalisées par une personne assujettie au sens de l'article 256 A, lorsque l'acte d'acquisition contient l'engagement, pris par l'acquéreur, d'effectuer dans un délai de quatre ans les travaux conduisant à la production d'un immeuble neuf au sens du 2° du 2 du I de l'article 257, ou nécessaires pour terminer un immeuble inachevé. Cette exonération est subordonnée à la condition que l'acquéreur justifie à l'expiration du délai de quatre ans de l'exécution des travaux.
6. Pour rejeter la demande de l'administration fiscale, l'arrêt retient que les conditions du bénéfice de l'exonération prévues par l'article 1594-0 G du code général des impôts sont remplies dès lors qu'il est établi que la société Les Hauts de la Vigne, assujettie à la TVA, a pris l'engagement de réaliser des travaux de construction dans un délai de quatre ans et que la société Soléa, sous-acquéreur, a déposé la déclaration d'achèvement des travaux au sens de l'article 266 bis de l'annexe III du code général des impôts dans les délais.
7. En se déterminant ainsi sans rechercher, comme elle y était invitée, si la SCI Solea était assujettie à la TVA, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.




Com. 7 mai 2025 n° 23-23.850 B

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
FM


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 7 mai 2025



Cassation sans renvoi

M. PONSOT, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 237 F-B
Pourvoi n° Z 23-23.850

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 7 MAI 2025
La société Rambier aménagement, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Z 23-23.850 contre l'arrêt N° RG 21/07233 rendu le 19 septembre 2023 par la cour d'appel de Montpellier (chambre commerciale), dans le litige l'opposant :
1°/ à la directrice générale des finances publiques, domiciliée direction générale des finances publiques, [Adresse 1],
2°/ au directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône, domicilié [Adresse 3], agissant sous l'autorité de la directrice générale des finances publiques,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Gauthier, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Briard, Bonichot et Associés, avocat de la société Rambier aménagement, de la SCP Foussard et Froger, avocat de la directrice générale des finances publiques et du directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône, agissant sous l'autorité de la directrice générale des finances publiques, après débats en l'audience publique du 11 mars 2025 où étaient présents M. Ponsot, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Gauthier, conseiller rapporteur, Mme Graff-Daudret, conseiller, et M. Doyen, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 19 septembre 2023), le 2 mars 2007, la société Rambier aménagement (la société Rambier) a acquis un terrain en exonération des droits de mutation en se plaçant sous le régime de faveur prévu à l'article 1115 du code général des impôts.
2. La société Rambier a revendu le bien le 31 juillet 2013.
3. Le 10 décembre 2018, l'administration fiscale a notifié à la société Rambier une proposition de rectification remettant en cause le bénéfice de ce régime au motif que l'engagement de revendre dans un délai de quatre ans n'avait pas été respecté.
4. Après le rejet de sa réclamation contentieuse, la société Rambier a assigné l'administration fiscale aux fins de voir déclarer irrégulière, comme prescrite, la procédure de redressement, annuler la décision de rejet de sa réclamation et obtenir la décharge de l'imposition.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
5. La société Rambier fait grief à l'arrêt de juger que la procédure de redressement au titre des droits d'enregistrement de l'année 2007 prise par l'administration fiscale à son encontre n'est pas prescrite et de rejeter sa demande d'annulation de la décision de rejet du 15 mai 2020 prise par l'administration fiscale à son encontre, alors « que l'allongement du délai de prescription du droit de reprise ouvert à l'administration fiscale ne peut constituer une loi plus favorable applicable de manière rétroactive ; qu'en retenant que le principe de rétroactivité in mitius s'applique de manière générale à la matière fiscale, quand l'allongement de quatre à cinq ans du délai de prescription de l'action en recouvrement ouverte à l'administration tel qu'issu de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 ne constitue pas une disposition plus favorable au contribuable susceptible de faire l'objet d'une application immédiate aux engagements non échus, la cour a violé les articles 2 du code civil et 1115 du code général des impôts tel qu'issu de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 2 du code civil :
6. Selon ce texte, la loi ne dispose que pour l'avenir ; elle n'a point d'effet rétroactif.
7. Pour dire que la procédure de redressement de l'administration fiscale était régulière, l'arrêt, après avoir relevé qu'il résulte des jurisprudences judiciaire et administrative que s'applique à la matière fiscale le principe de la rétroactivité de la loi pénale plus douce, retient que l'extension, par la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010, du délai pour revendre de quatre à cinq ans, qui est favorable au contribuable, s'applique aux situations juridiques contractuelles antérieures au 11 mars 2010, date de son entrée en vigueur.
8. En statuant ainsi, alors que le principe de rétroactivité de la loi pénale plus douce, s'il s'applique à la matière fiscale, est cependant circonscrit aux seules pénalités fiscales constituant des sanctions qui présentent le caractère d'une punition et n'est ainsi pas applicable à une mesure qui n'a pas le caractère d'une peine, telle que l'allongement du délai de revente prévu l'article 1115 du code général des impôts, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Sur le moyen, pris en sa quatrième branche
Enoncé du moyen
9. La société Rambier fait le même grief à l'arrêt, alors « que l'administration ne peut jamais invoquer sa propre doctrine pour établir une imposition en violation de la loi ; qu'en retenant que le point de départ du délai de prescription de l'action en recouvrement des droits mis en suspens au titre de l'article 1115 du code général des impôts devait être fixé au cinquième anniversaire des engagements non échus à la date de l'entrée en vigueur de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 sur le seul fondement du BOI n° 7 C 2-11 du 18 avril 2011, la cour a violé les dispositions de l'article 1115 du code général des impôts dans sa version en vigueur à la date du fait générateur de l'impôt. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales :
10. Selon ce texte, il ne peut être procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration.
11. Il en résulte que les dispositions de ce texte n'ont ni pour objet ni pour effet de conférer à l'administration fiscale un pouvoir réglementaire ou de lui permettre de déroger à la loi et qu'elles ne peuvent être invoquées que par un contribuable qui conteste son imposition.
12. Pour rejeter les demandes de la société Rambier, l'arrêt retient que l'administration fiscale, dans sa doctrine administrative du 18 avril 2011 relative à l'interprétation des dispositions de la loi du 9 mars 2010, indique expressément qu'un engagement de revendre pris antérieurement à la loi du 9 mars 2010 bénéficiera du délai de cinq ans prévu par la loi et que la société Rambier est défaillante à rapporter la preuve de l'existence d'une doctrine administrative qui indiquerait que son délai a été interprété comme étant demeuré de quatre années.
13. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Et sur le moyen, pris en sa cinquième branche
Enoncé du moyen
14. La société Rambier fait le même grief à l'arrêt, alors « que faute de disposition relative à son application dans le temps, la loi ne dispose que pour l'avenir, sauf à être qualifiée de loi de procédure ou de loi interprétative du texte antérieur ; qu'en retenant que le report du point de départ du délai de prescription de l'action en recouvrement ouverte à l'administration, du quatrième au cinquième anniversaire de l'engagement souscrit au titre de l'article 1115 du code général des impôts, était applicable aux engagements pris antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 quoique non échus à cette date, sans rechercher si les dispositions litigieuses devaient être qualifiées de loi de procédure ou de loi interprétative, la cour a violé les dispositions des articles 2 du code civil et 1115 du code général des impôts tel qu'issu de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 2 du code civil et 1115 du code général des impôts :
15. Il résulte du premier de ces textes que la loi nouvelle, qui s'applique immédiatement aux effets à venir des situations juridiques non contractuelles en cours au moment où elle entre en vigueur, ne peut remettre en cause des obligations régulièrement nées à cette date et que la charge d'une imposition doit être appréciée au regard des conditions existant à la date du fait générateur de l'impôt.
16. Il résulte du second, dans sa rédaction issue de la loi n° 2007-211 du 19 février 2007 alors applicable, que pour être exonérées des droits et taxes de mutation, les personnes doivent faire connaître leur intention de revendre dans un délai de quatre ans.
17. Pour rejeter les demandes de la société Rambier, l'arrêt constate que celle-ci a acquis, le 2 mars 2007, une parcelle de terre en plaçant son acquisition sous le régime de l'article 1115 du code général des impôts et en s'engageant alors à revendre son bien dans un délai de quatre ans. Il retient que, si la revente du bien est intervenue le 31 juillet 2013, le délai imparti à la société avait été porté à cinq ans en application de la loi du 9 mars 2002 et avait donc pour terme le 2 mars 2012, ce dont il déduit que le droit de reprise de l'administration fiscale était expiré à la fin de la sixième année, soit le 31 décembre 2018.
18. En statuant ainsi, alors qu'au jour du fait générateur de l'imposition, le délai pour revendre était de quatre années, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
19. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile , il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
20. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
21. L'arrêt relève que la société Rambier a acquis un terrain le 2 mars 2007 en prenant l'engagement de le revendre dans un délai de quatre ans. Le terrain a été revendu le 31 juillet 2013.
22. Le 10 décembre 2018, l'administration fiscale a notifié à la société Rambier une proposition de rectification au titre des droits d'enregistrement concernant l'année 2007 en faisant valoir que le bien immobilier n'avait pas été vendu dans le délai requis.
23. Il résulte de ce qui précède que l'administration fiscale ne pouvait pas notifier une proposition de redressement au-delà du 31 décembre 2017.
24. Il y a donc lieu de confirmer le jugement en toutes ses dispositions.




Com. 7 mai 2025 n° 23-23.851

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
FM


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 7 mai 2025



Cassation partielle sans renvoi

M. PONSOT, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 238 F-D
Pourvoi n° A 23-23.851

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 7 MAI 2025
La société Foncière d'Oc, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° A 23-23.851 contre l'arrêt N° RG 21/07234 rendu le 19 septembre 2023 par la cour d'appel de Montpellier (chambre commerciale), dans le litige l'opposant :
1°/ à la directrice générale des finances publiques, domiciliée direction générale des finances publiques, [Adresse 1],
2°/ au directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône, domicilié [Adresse 3], agissant sous l'autorité de la directrice générale des finances publiques,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Gauthier, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Briard, Bonichot et Associés, avocat de la société Foncière d'Oc, de la SCP Foussard et Froger, avocat de la directrice générale des finances publiques et du directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône, agissant sous l'autorité de la directrice générale des finances publiques, après débats en l'audience publique du 11 mars 2025 où étaient présents M. Ponsot, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Gauthier, conseiller rapporteur, Mme Graff-Daudret, conseiller, et M. Doyen, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 19 septembre 2023), le 11 juin 2008, la société Foncière d'Oc a acquis un terrain en exonération des droits de mutation en se plaçant sous le régime de faveur prévu à l'article 1115 du code général des impôts.
2. La société Foncière d'Oc n'a pas revendu ce bien.
3. Le 15 juillet 2019, l'administration fiscale a notifié à la société Foncière d'Oc une proposition de rectification remettant en cause le bénéfice de ce régime au motif que l'engagement de revendre dans le délai de quatre ans n'avait pas été respecté.
4. Après le rejet de sa réclamation contentieuse, la société Foncière d'Oc a assigné l'administration fiscale aux fins de voir déclarer irrégulière, comme prescrite, la procédure de redressement, annuler la décision de rejet de sa réclamation et obtenir la décharge de l'imposition.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
5. La société Foncière d'Oc fait grief à l'arrêt de juger que la procédure de redressement au titre des droits d'enregistrement de l'année 2007 prise par l'administration fiscale à son encontre n'est pas prescrite, et de rejeter sa demande d'annulation de la décision de rejet du 15 mai 2020 prise par l'administration fiscale à son encontre, alors « que l'allongement du délai de prescription du droit de reprise ouvert à l'administration fiscale ne peut constituer une loi plus favorable applicable de manière rétroactive ; qu'en retenant que le principe de rétroactivité in mitius s'applique de manière générale à la matière fiscale, quand l'allongement de quatre à cinq ans du délai de prescription de l'action en recouvrement ouverte à l'administration tel qu'issu de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 ne constitue pas une disposition plus favorable au contribuable susceptible de faire l'objet d'une application immédiate aux engagements non échus, la cour a violé les articles 2 du code civil et 1115 du code général des impôts tel qu'issu de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 2 du code civil :
6. Selon ce texte, la loi ne dispose que pour l'avenir ; elle n'a point d'effet rétroactif.
7. Pour dire que la procédure de redressement de l'administration fiscale était régulière, l'arrêt, après avoir relevé qu'il résulte des jurisprudences judiciaire et administrative que s'applique à la matière fiscale le principe de la rétroactivité de la loi pénale plus douce, retient que l'extension, par la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010, du délai pour revendre de quatre à cinq ans, qui est favorable au contribuable, s'applique aux situations juridiques contractuelles antérieures au 11 mars 2010, date de son entrée en vigueur.
8. En statuant ainsi, alors que le principe de rétroactivité de la loi pénale plus douce, s'il s'applique à la matière fiscale, est cependant circonscrit aux seules pénalités fiscales constituant des sanctions qui présentent le caractère d'une punition et n'est ainsi pas applicable à une mesure qui n'a pas le caractère d'une peine, telle que l'allongement du délai de revente prévu par l'article 1115 du code général des impôts, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Sur le moyen, pris en sa quatrième branche
Enoncé du moyen
9. La société Foncière d'Oc fait le même grief à l'arrêt, alors « que l'administration ne peut jamais invoquer sa propre doctrine pour établir une imposition en violation de la loi ; qu'en retenant que le point de départ du délai de prescription de l'action en recouvrement des droits mis en suspens au titre de l'article 1115 du code général des impôts devait être fixé au cinquième anniversaire des engagements non échus à la date de l'entrée en vigueur de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 sur le seul fondement du BOI n° 7 C 2-11 du 18 avril 2011, la cour a violé les dispositions de l'article 1115 du code général des impôts dans sa version en vigueur à la date du fait générateur de l'impôt. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales :
10. Selon ce texte, il ne peut être procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration.
11. Il en résulte que les dispositions de ce texte n'ont ni pour objet ni pour effet de conférer à l'administration fiscale un pouvoir réglementaire ou de lui permettre de déroger à la loi et qu'elles ne peuvent être invoquées que par un contribuable qui conteste son imposition.
12. Pour rejeter les demandes de la société Foncière d'Oc, l'arrêt retient que l'administration fiscale, dans sa doctrine administrative du 18 avril 2011 relative à l'interprétation des dispositions de la loi du 9 mars 2010, indique expressément qu'un engagement de revendre pris antérieurement à la loi du 9 mars 2010 bénéficiera du délai de cinq ans prévu par la loi et que la société Foncière d'Oc est défaillante à rapporter la preuve de l'existence d'une doctrine administrative qui indiquerait que son délai a été interprété comme étant demeuré de quatre années.
13. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Et sur le moyen, pris en sa cinquième branche
Enoncé du moyen
14. La société Foncière d'Oc fait le même grief à l'arrêt, alors « que faute de disposition relative à son application dans le temps, la loi ne dispose que pour l'avenir, sauf à être qualifiée de loi de procédure ou de loi interprétative du texte antérieur ; qu'en retenant que le report du point de départ du délai de prescription de l'action en recouvrement ouverte à l'administration, du quatrième au cinquième anniversaire de l'engagement souscrit au titre de l'article 1115 du code général des impôts, était applicable aux engagements pris antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 quoique non échus à cette date, sans rechercher si les dispositions litigieuses devaient être qualifiées de loi de procédure ou de loi interprétative, la cour a violé les dispositions des articles 2 du code civil et 1115 du code général des impôts tel qu'issu de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 2 du code civil et 1115 du code général des impôts :
15. Il résulte du premier de ces textes que la loi nouvelle, qui s'applique immédiatement aux effets à venir des situations juridiques non contractuelles en cours au moment où elle entre en vigueur, ne peut remettre en cause des obligations régulièrement nées à cette date et que la charge d'une imposition doit être appréciée au regard des conditions existant à la date du fait générateur de l'impôt.
16. Il résulte du second, dans sa rédaction issue de la loi n° 2007-211 du 19 février 2007 alors applicable, que pour être exonérées des droits et taxes de mutation, les personnes doivent faire connaître leur intention de revendre dans un délai de quatre ans.
17. Pour rejeter les demandes de la société Foncière d'Oc, l'arrêt constate que celle-ci a acquis, le 11 juin 2008, une parcelle de terre en plaçant son acquisition sous le régime de l'article 1115 du code général des impôts et en s'engageant alors à revendre son bien dans un délai de quatre ans. Il retient que, si la société n'a pas revendu son bien, le délai de revente qui lui était imparti avait été porté à cinq ans en application de la loi du 9 mars 2002 et avait donc pour terme le 11 juin 2013, ce dont il déduit que le droit de reprise de l'administration fiscale était expiré à la fin de la sixième année, soit le 31 décembre 2019.
18. En statuant ainsi, alors qu'au jour du fait générateur de l'imposition, le délai pour revendre était de quatre années, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
19. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile , il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
20. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
21. L'arrêt relève que la société Foncière d'Oc a acquis un bien immobilier le 11 juin 2008 en prenant l'engagement de le revendre dans un délai de quatre ans. Ce bien immobilier n'a pas été revendu.
22. Le 15 juillet 2019, l'administration fiscale a notifié à la société Foncière d'Oc une proposition de rectification au titre des droits d'enregistrement concernant l'année 2008 en faisant valoir que le bien immobilier n'avait pas été vendu dans le délai requis.
23. Il résulte de ce qui précède que l'administration fiscale ne pouvait pas notifier une proposition de redressement au-delà du 31 décembre 2018.
24. Il y a donc lieu de confirmer le jugement en toutes ses dispositions.




Com. 7 mai 2025 n° 24-11.883

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
FM


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 7 mai 2025



Cassation

M. PONSOT, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 252 F-D
Pourvoi n° N 24-11.883



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 7 MAI 2025
M. [W] [B], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° N 24-11.883 contre l'arrêt rendu le 21 décembre 2023 par la cour d'appel de Nîmes (chambre civile, 1re chambre), dans le litige l'opposant au directeur régional des finances publiques de Provence Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône, dont le siège est [Adresse 1], agissant sous l'autorité de la directrice générale des finances publiques, défendeur à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Tostain, conseiller référendaire, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de M. [B], de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur régional des finances publiques de la Provence Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône, après débats en l'audience publique du 11 mars 2025 où étaient présents M. Ponsot, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Tostain, conseiller référendaire rapporteur, Mme Graff-Daudret, conseiller, et M. Doyen, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 21 décembre 2023) et les productions, le 14 décembre 2017, soutenant que M. [B] avait été détenteur d'un compte n° [XXXXXXXXXX06] auprès de la banque Pictet à [Localité 3] en Suisse, puis d'un compte n° [XXXXXXXXXX04] auprès de la banque Pictet à [Localité 5] aux Bahamas, à tout le moins depuis 2006 jusqu'en 2011, comptes qu'il n'avait pas déclarés en méconnaissance des dispositions de l'article 1649 A du code général des impôts, et qu'il n'avait pas répondu, malgré une lettre de mise en demeure, à la demande d'informations et de justifications sur l'origine et les modalités d'acquisition des avoirs figurant sur ces comptes qui lui avait été adressée en application de l'article L. 23 C du livre des procédures fiscales, l'administration fiscale lui a notifié : - une proposition de rectification portant mise en oeuvre, en application des articles L. 71 du livre des procédures fiscales et 755 du code général des impôts, de la taxation d'office desdits avoirs aux droits de mutation à titre gratuit calculés sur la valeur la plus élevée connue des avoirs figurant sur les comptes, soit au 30 juin 2007 sur le compte n° [XXXXXXXXXX06] ; - une proposition de rectification portant rappel d'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) au titre des années 2007 et 2008 après réintégration dans l'assiette imposable des avoirs figurant au 1er janvier de chacune de ces années sur le compte n° [XXXXXXXXXX06].
2. Après le rejet de sa réclamation contentieuse, M. [B] a assigné l'administration fiscale en annulation de la décision de rejet et en décharge des droits, impositions et pénalités mis en recouvrement.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa troisième branche, en tant qu'il fait grief à l'arrêt de rejeter la demande de décharge des droits de mutation à titre gratuit
Enoncé du moyen
3. M. [B] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de décharge des rappels d'ISF qui lui ont été réclamés au titre des années 2007 et 2008, tant en droits simples qu'en pénalités, et des droits d'enregistrement auxquels il a été soumis au titre de l'année 2017, alors « que l'administration fiscale ne peut imposer les avoirs figurant au cours d'une année donnée, sur un compte ouvert à l'étranger non déclaré, que si elle établit que le contribuable a ouvert, clos, ou utilisé ledit compte au cours de ladite année ; que l'utilisation du compte suppose que le contribuable ait effectué au moins une opération de crédit ou de débit sur ledit compte, au cours de l'année considérée, distincte du simple encaissement d'intérêt produits sur les sommes déjà déposées au titre des années précédentes (opération de crédit) et du paiement des frais de gestion pour la tenue du compte (opération de débit) ; qu'en jugeant que la taxation des avoirs figurant sur le compte [XXXXXXXXXX06] aux droits d'enregistrement était légalement justifiée aux seuls motifs qu'il résultait du fichier 01 de l'ordinateur de M. [P], lequel faisait l'objet d'une enquête préliminaire, une présomption de titularité par M. [B] sur le compte [XXXXXXXXXX06], sans avoir recherché si ce dernier avait ouvert, clos ou utilisé ledit compte au cours de l'année 2007, année au cours de laquelle figurait le montant le plus élevé des avoirs, taxé aux droits d'enregistrement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1649 A du code général des impôts. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
4. Le directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône, agissant sous l'autorité de la directrice générale des finances publiques, conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit.
5. Cependant, M. [B], qui contestait devant la cour d'appel être titulaire du compte n° [XXXXXXXXXX06], contestait nécessairement l'avoir ouvert, utilisé ou clos.
6. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles 1649 A du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 89-935 du 29 décembre 1989, et 344 A de l'annexe III du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 91-150 du 7 février 1991 :
7. Selon le premier de ces textes, les personnes physiques domiciliées ou établies en France sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes bancaires ouverts, utilisés ou clos à l'étranger.
8. Selon le second, la déclaration de compte jointe à la déclaration de revenus ou de résultats porte sur le ou les comptes ouverts, utilisés ou clos au cours de l'année ou de l'exercice, par le déclarant, l'un des membres de son foyer fiscal ou une personne rattachée à son foyer. Un compte bancaire est réputé avoir été utilisé par l'une de ces personnes dès lors que celle-ci a effectué au moins une opération de crédit ou de débit pendant la période visée par la déclaration, qu'elle soit titulaire du compte ou qu'elle ait agi par procuration, soit pour elle-même, soit au profit d'une personne ayant la qualité de résident.
9. Pour rejeter la demande de décharge des droits de mutation à titre gratuit, l'arrêt retient que M. [B] est présumé titulaire des comptes bancaires litigieux.
10. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui incombait, si ces comptes avaient été ouverts, utilisés ou clos par M. [B] au cours de la période en litige, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Et sur le moyen, pris en sa première branche, en tant qu'il fait grief à l'arrêt de rejeter la demande de décharge des rappels d'ISF
Enoncé du moyen
11. M. [B] fait le même grief à l'arrêt, alors « que l'administration fiscale ne peut taxer d'office sur le fondement de l'article L. 71 du livre des procédures fiscales un contribuable sur ses avoirs figurant sur un compte détenu à l'étranger qu'il n'aurait pas déclaré, que si elle établit préalablement à l'envoi d'une demande d'informations sur le fondement de l'article L. 23 C du même livre, qu'il a ouvert, clos ou utilisé ledit compte à l'étranger au cours des dix années précédant l'envoi de cette demande ; qu'elle ne peut taxer des avoirs figurant sur un compte, à l'ISF, selon la procédure de redressement contradictoire que si elle établit que le contribuable est titulaire de ce compte et que les avoirs y figurant lui appartiennent ; qu'en se fondant sur le procès verbal n° 2014/18305/FP 08, du 19 décembre 2014, issu de l'enquête préliminaire dont M. [M] [P] a fait l'objet, lequel retrace le contenu du fichier n° 1 de son ordinateur pour considérer qu'il établissait une présomption de titularité de M. [B] sur le compte [XXXXXXXXXX06], ce qui suffirait à justifier la taxation d'office des avoirs y figurant aux droits d'enregistrement, et leur imposition à l'ISF, bien qu'il n'existe en la matière aucune présomption, la cour d'appel a violé les articles L. 71 et L. 55 du livre des procédures fiscales, ensemble les articles 755 et 885 A du code général des impôts. »

Réponse de la Cour
Vu les articles 885 A et 885 E du code général des impôts, alors applicables, et l'article L. 55 du livre des procédures fiscales :
12. Selon le premier de ces textes, les personnes physiques ayant leur domicile fiscal en France sont soumises à l'impôt annuel de solidarité sur la fortune à raison de leurs biens situés en France ou hors de France, lorsque la valeur de ces biens est supérieure à un certain montant.
13. Aux termes du deuxième, l'assiette de l'ISF est constituée par la valeur nette, au 1er janvier de l'année, de l'ensemble des biens, droits et valeurs imposables appartenant aux personnes visées à l'article 885 A, ainsi qu'à leurs enfants mineurs lorsqu'elles ont l'administration légale des biens de ceux-ci.
14. Selon le dernier, lorsque l'administration des impôts constate une insuffisance, une inexactitude, une omission ou une dissimulation dans les éléments servant de base au calcul des impôts, les rectifications correspondantes sont effectuées suivant la procédure de rectification contradictoire. La charge de la preuve du caractère insuffisant des déclarations du contribuable pèse sur l'administration.
15. Il en résulte que l'administration fiscale ne peut réintégrer dans l'assiette de l'ISF des avoirs figurant sur un compte bancaire que si elle établit que ces avoirs composent le patrimoine du contribuable au 1er janvier de l'année considérée.
16. Pour rejeter la demande de décharge des rappels d'ISF, l'arrêt retient que les réponses des autorités suisses et des Bahamas aux demandes d'assistance administrative internationale, invoquées par M. [B], sont impuissantes à infirmer la présomption, résultant d'un procès-verbal d'exploitation d'un fichier informatique transmis par l'autorité judiciaire, qu'il est titulaire des comptes bancaires litigieux.
17. En statuant ainsi, alors qu'elle ne pouvait se fonder sur de simples présomptions de ce que M. [B] était titulaire des comptes litigieux pour retenir le bien-fondé de la réintégration des avoirs y figurant dans l'assiette de l'ISF dont il était redevable, mais devait constater que ces avoirs lui appartenaient, la cour d'appel a violé les textes susvisés.




Civ.3 7 mai 2025 n° 23-15.142 B

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
FC


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 7 mai 2025



Rejet

Mme TEILLER, président


Arrêt n° 248 FS-B
Pourvoi n° J 23-15.142



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 MAI 2025
1°/ la société SCEA de [Adresse 5], société civile d'exploitation agricole, dont le siège est [Adresse 5],
2°/ M. [N] [W], domicilié [Adresse 1],
3°/ Mme [I] [W], domiciliée [Adresse 3], venant aux droits de [L] [X] veuve [W],
ont formé le pourvoi n° J 23-15.142 contre l'arrêt rendu le 27 février 2023 par la cour d'appel d'Orléans (chambre civile - baux ruraux), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [H] [A], domicilié [Adresse 4],
2°/ à M. [S] [A],
3°/ à Mme [D] [T], épouse [A],
tous deux domiciliés [Adresse 2],
4°/ à la société [A] et fils, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, quatre moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Davoine, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société SCEA de [Adresse 5], de M. [N] [W], de Mme [I] [W], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de MM. [H] et [S] [A], de Mme [T], de la société [A] et fils, et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 mars 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Davoine, conseiller référendaire rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, Mme Oppelt, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, MM. Baraké, Pons, Choquet, conseillers référendaires, M. Sturlèse, avocat général, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 27 février 2023), par acte du 16 mai 1997, [O] [W], aux droits duquel est venue son épouse, [L] [X], a donné à bail à M. [S] [A] et Mme [D] [T], son épouse, (les preneurs) diverses parcelles de terre.
2. Le 13 décembre 2012, [L] [X] leur a délivré un congé à effet au 31 octobre 2014 aux fins de reprise pour exploitation par son fils, M. [N] [W], gérant de la société civile d'exploitation agricole de [Adresse 5] (la SCEA).
3. Les preneurs ont saisi un tribunal paritaire des baux ruraux en nullité du congé, autorisation de cession du bail à leur fils, M. [H] [A], et prorogation du bail jusqu'à leur départ en retraite.
4. Par un arrêt du 30 mars 2015, devenu irrévocable, une cour d'appel a validé le congé, ordonné la prorogation du bail jusqu'au 31 octobre 2016, fin de l'année culturale au cours de laquelle les preneurs auront atteint l'âge de la retraite, et rejeté leur demande en autorisation de céder le bail.
5. [L] [X] a délivré un nouveau congé pour le 31 octobre 2016 aux preneurs, qui ont quitté les lieux.
6. Le 25 mars 2019, les preneurs et M. [H] [A], invoquant un manquement de M. [N] [W] à son obligation d'exploiter personnellement les parcelles reprises, ont saisi un tribunal paritaire des baux ruraux en réintégration, autorisation de cession du bail et indemnisation.
7. Après le décès de [L] [X], Mme [I] [W], devenue propriétaire des parcelles, est intervenue volontairement à l'instance.
Examen des moyens
Sur le deuxième moyen, pris en ses deuxième à cinquième branches, sur le troisième moyen et sur le quatrième moyen
8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
9. La SCEA, M. [N] [W] et Mme [I] [W] font grief à l'arrêt de rejeter l'intégralité de leurs demandes, de dire que M. [N] [W] a manqué à son obligation d'exploiter personnellement les parcelles reprises et d'ordonner, en conséquence, la réintégration des preneurs dans l'exploitation des parcelles objet du bail à compter du 1er novembre 2016, alors « que le congé délivré pour le terme de la prorogation du bail, celle-ci ordonnée par le jugement ayant statué sur la contestation du congé initial, ne constitue que le renouvellement du précédent congé validé, et non un congé distinct pouvant être contesté devant le tribunal paritaire ; que le contrôle a posteriori de la reprise ne peut se fonder sur un motif déjà invoqué par le preneur dans le cadre du contrôle a priori ; qu'en retenant qu'un nouveau congé à fin de reprise avait été délivré le 22 avril 2015 à effet au 31 octobre 2016, non contesté par les preneurs, à la suite de l'arrêt du 30 mars 2015 ayant statué sur le congé délivré le 13 décembre 2012, de sorte que la reprise pouvait faire l'objet d'un contrôle a posteriori, quand ce congé, délivré pour le terme de la prorogation du bail, ne pouvait être contesté devant le tribunal paritaire ni au titre du contrôle a priori de la reprise, ni au titre du contrôle a posteriori, et que la reprise à la suite du congé délivré le 13 décembre 2012 ne pouvait être contestée dans le cadre d'un contrôle a posteriori, les consorts [A] ayant invoqué le motif tiré d'un défaut de participation à l'exploitation, déjà soumis au tribunal dans le cadre du contrôle a priori, la cour d'appel a violé l'article L. 411-66 du code rural et de la pêche maritime. »
Réponse de la Cour
10. Aux termes de l'article L. 411-66, alinéa 1er, du code rural et de la pêche maritime, au cas où il serait établi que le bénéficiaire de la reprise ne remplit pas les conditions prévues aux articles L. 411-58 à L. 411-63 et L. 411-67 du code rural et de la pêche maritime, le preneur a droit soit au maintien dans les lieux si la décision validant le congé n'a pas encore été exécutée, soit à la réintégration dans le fonds ou à la reprise en jouissance des parcelles avec ou sans dommages-intérêts, soit à des dommages-intérêts.
11. A défaut d'avoir contesté le congé devant le tribunal paritaire des baux ruraux dans le délai de quatre mois à compter de sa réception, le preneur, forclos à contester cet acte, ne peut, dans le cadre d'un contrôle a posteriori prévu par ce texte, se prévaloir de l'inobservation, dont il avait eu, à l'époque, connaissance, des obligations du bénéficiaire de la reprise édictées par l'article L. 411-59 du code rural et de la pêche maritime (3e Civ., 1er février 1995, pourvoi n° 92-20.843, Bull. n° 32).
12. Aux termes de l'article L. 411-58, alinéas 1er à 3, du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction antérieure au 31 décembre 2022, le bailleur a le droit de refuser le renouvellement du bail s'il veut reprendre le bien loué pour lui-même ou au profit de son conjoint, du partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité, ou d'un descendant majeur ou mineur émancipé. Toutefois, le preneur peut s'opposer à la reprise lorsque lui-même ou, en cas de copreneurs, l'un d'entre eux se trouve soit à moins de cinq ans de l'âge de la retraite retenu en matière d'assurance vieillesse des exploitants agricoles, soit à moins de cinq ans de l'âge lui permettant de bénéficier de la retraite à taux plein. Dans chacun de ces cas, le bail est prorogé de plein droit pour une durée égale à celle qui doit permettre au preneur ou à l'un des copreneurs d'atteindre l'âge correspondant. Un même bail ne peut être prorogé qu'une seule fois. Pendant cette période aucune cession du bail n'est possible. Le preneur doit, dans les quatre mois du congé qu'il a reçu, notifier au propriétaire, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, sa décision de s'opposer à la reprise ou saisir directement le tribunal paritaire en contestation de congé. Si le bailleur entend reprendre le bien loué à la fin de la période de prorogation, il doit donner de nouveau congé dans les conditions prévues à l'article L. 411-47 du code rural et de la pêche maritime.
13. Lorsque le bailleur a délivré, en application de ce texte, un nouveau congé pour reprendre le bien loué à la fin de la période de prorogation dont a bénéficié le preneur, le contrôle a posteriori de la reprise ne peut, lorsque le congé initial a été contesté par le preneur dans le cadre du contrôle a priori, se fonder sur un motif déjà invoqué par ce preneur, sauf en cas d'éléments nouveaux, qui étaient inconnus du preneur lors du contrôle a priori ou qu'il ne pouvait alors utilement opposer.
14. La cour d'appel a, d'abord, relevé qu'un nouveau congé aux fins de reprise avait été délivré le 22 avril 2015 pour le 31 octobre 2016, date de la fin de la période de prorogation et que le contrôle a priori de ce congé, qui n'avait pas été contesté par les preneurs, n'avait pas été exercé.
15. Elle a, ensuite, constaté que les preneurs soutenaient que M. [N] [W] avait manqué à son obligation d'exploiter personnellement les parcelles en consentant à son épouse un bail rural le 22 décembre 2016, faisant ainsi ressortir qu'ils invoquaient un fait nouveau, non connu d'eux durant l'instance en annulation du congé du 13 décembre 2012 comme dans les quatre mois du congé du 22 avril 2015.
16. Elle en a exactement déduit qu'elle pouvait vérifier, lors du contrôle a posteriori, si le bénéficiaire de la reprise se consacrait à l'exploitation du bien repris.
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
17. La SCEA, M. [N] [W] et Mme [I] [W] font le même grief à l'arrêt, alors « que la force majeure peut justifier un manquement du preneur à son obligation d'exploiter personnellement les biens repris ; que la fixation du seuil de surface de déclenchement du contrôle des structures postérieurement à la date d'effet du congé validé dans le cadre de l'instance ayant prononcé la prorogation du bail jusqu'à l'âge de la retraite des preneurs, qui a pour effet de priver le bénéficiaire de la reprise du régime de la déclaration préalable, présente un caractère irrésistible et imprévisible constitutif d'un cas de force majeure justifiant la non-exploitation personnelle des biens repris ; qu'en décidant que la détermination du seuil de surface de déclenchement du contrôle des structures ne peut constituer l'événement imprévisible et irrésistible entraînant pour M. [N] [W] l'obligation de faire exploiter les parcelles par un tiers, son épouse, alors qu'il lui était loisible de solliciter une autorisation d'exploiter, après avoir constaté que le seuil de surface déclenchant le contrôle des structures avait été fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles de la région Centre Val de Loire le 27 juin 2016, soit postérieurement à la date d'effet du congé validé dans le cadre de l'instance ayant prononcé la prorogation du bail jusqu'à l'âge de la retraite des preneurs, la cour d'appel a violé l'article L. 411-66 du code rural et de la pêche maritime, ensemble l'article L. 331-2 du même code. »
Réponse de la Cour
18. La cour d'appel a, d'abord, relevé que M. [N] [W] ne contestait pas qu'il n'avait pas mis personnellement le bien repris en valeur, le faisant exploiter par son épouse, de sorte qu'il avait manqué aux obligations imposées à l'article L. 411-59 du code rural et de la pêche maritime.
19. Après avoir constaté que la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014, ayant modifié l'article L. 331-2, II, du code rural et de la pêche maritime en prévoyant que, pour bénéficier du régime de la déclaration, les biens mis en valeur doivent être destinés à l'installation d'un nouvel agriculteur ou à la consolidation de l'exploitation du déclarant, dès lors que la surface totale de celle-ci après consolidation n'excédait pas le seuil de surface fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles, était entrée en vigueur le 15 octobre 2014, et que le schéma directeur régional des exploitations agricoles de la région Centre-Val de Loire, ayant fixé le seuil de surface visé par ce texte, était intervenu le 27 juin 2016, elle a, ensuite, retenu que dès la fin du mois de juin 2016, M. [N] [W] savait qu'il ne remplissait pas la condition pour bénéficier du régime de la déclaration relative au seuil de surface, et qu'ayant donné congé aux preneurs pour le 31 octobre 2016, il disposait d'un délai de quatre mois pour déposer une demande d'autorisation d'exploiter et qu'en cas de refus d'autorisation, il avait le loisir de renoncer à la reprise.
20. Elle en a exactement déduit que la détermination du seuil de surface de déclenchement du contrôle des structures ne pouvait constituer un événement imprévisible et irrésistible caractérisant un cas de force majeure exonérant M. [N] [W] de son obligation d'exploiter personnellement les parcelles reprises.
21. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
22. La SCEA, M. [N] [W] et Mme [I] [W] font grief à l'arrêt de dire que M. [H] [A] remplissait les conditions requises pour bénéficier de la cession du bail et d'ordonner en conséquence la réintégration de M. [S] [A] et de Mme [D] [T] dans l'exploitation des parcelles litigieuses à compter du 1er novembre 2016, avec cession de leurs droits à leur fils, alors « que le preneur qui a bénéficié d'une prorogation de son bail ordonnée au cours de l'instance en contestation du congé reprise délivré par le bailleur, ne peut solliciter l'autorisation de céder ce bail dans le cadre d'une action en contestation de la reprise, ultérieurement exercée sur le fondement de l'article L. 411-66 du code rural et de la pêche maritime ; qu'en décidant de faire droit, dans l'instance en contestation de la reprise initiée le 25 mars 2019 par les consorts [A], à la demande d'autorisation de cession du bail présentée par M. et Mme [A] au profit de leur fils, [H] [A], après avoir constaté que M. et Mme [A] avaient bénéficié d'une prorogation de leur bail jusqu'au 31 octobre 2016, ordonnée au cours de l'instance en contestation du congé pour reprise qui leur avait été délivré le 13 décembre 2012, la cour d'appel a violé l'article L. 411-66 du code rural et de la pêche maritime, ensemble l'article L. 411-35 du même code. »
Réponse de la Cour
23. Selon l'article L. 411-58, alinéas 1er à 3, du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction antérieure au 31 décembre 2022, le bailleur a le droit de refuser le renouvellement du bail s'il veut reprendre le bien loué pour lui-même ou au profit de son conjoint, du partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité, ou d'un descendant majeur ou mineur émancipé. Toutefois, le preneur peut s'opposer à la reprise lorsque lui-même ou, en cas de copreneurs, l'un d'entre eux se trouve soit à moins de cinq ans de l'âge de la retraite retenu en matière d'assurance vieillesse des exploitants agricoles, soit à moins de cinq ans de l'âge lui permettant de bénéficier de la retraite à taux plein. Dans chacun de ces cas, le bail est prorogé de plein droit pour une durée égale à celle qui doit permettre au preneur ou à l'un des copreneurs d'atteindre l'âge correspondant. Un même bail ne peut être prorogé qu'une seule fois. Pendant cette période aucune cession du bail n'est possible. Le preneur doit, dans les quatre mois du congé qu'il a reçu, notifier au propriétaire, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, sa décision de s'opposer à la reprise ou saisir directement le tribunal paritaire en contestation de congé. Si le bailleur entend reprendre le bien loué à la fin de la période de prorogation, il doit donner de nouveau congé dans les conditions prévues à l'article L. 411-47 de ce code.
24. Aux termes de l'article L. 411-66, alinéa 1er, du même code, au cas où il serait établi que le bénéficiaire de la reprise ne remplit pas les conditions prévues aux articles L. 411-58 à L. 411-63 et L. 411-67 ou que le propriétaire n'a exercé la reprise que dans le but de faire fraude aux droits du preneur, notamment s'il vend le bien, le donne à ferme, ou pratique habituellement la vente de la récolte sur pied d'herbe ou de foin, le preneur a droit, soit au maintien dans les lieux si la décision validant le congé n'a pas encore été exécutée, soit à la réintégration dans le fonds ou à la reprise en jouissance des parcelles avec ou sans dommages-intérêts, soit à des dommages-intérêts.
25. Il résulte de la combinaison de ces textes que, l'interdiction de toute cession du bail posée par l'article L. 411-58 précité étant limitée à la période de prorogation du bail, un preneur qui a bénéficié d'une telle prorogation peut, après l'expiration de celle-ci, se prévaloir des dispositions de l'article L. 411-66 précité pour demander sa réintégration avec cession du bail dans les conditions de l'article L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime.
26. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé.




Civ.2 7 mai 2025 n° 23-14.065

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CH10


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 7 mai 2025



Cassation partielle sans renvoi

Mme MARTINEL, président


Arrêt n° 421 F-D
Pourvoi n° P 23-14.065



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 MAI 2025
Mme [B] [G], domiciliée chez Mme [R] [L], [Adresse 2], a formé le pourvoi n° P 23-14.065 contre l'arrêt rendu le 26 janvier 2023 par la cour d'appel de Nîmes (chambre civile, 1re chambre), dans le litige l'opposant au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Chauve, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, avocat de Mme [G], de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 mars 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, Mme Chauve, conseiller rapporteur, Mme Isola, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 26 janvier 2023), Mme [G] a été victime d'une tentative d'assassinat dont les auteurs ont été déclarés pénalement et civilement responsables.
2. Elle a saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI) aux fins d'indemnisation de son préjudice.
3. Par un arrêt du 23 juin 2022, une cour d'appel a fixé le préjudice de Mme [G], notamment au titre de l'incidence professionnelle et du déficit fonctionnel permanent.
4. Saisie d'une requête en omission de statuer par le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI), elle a accueilli la demande et complété le dispositif de son arrêt en disant que des postes de déficit fonctionnel et d'incidence professionnelle alloués à Mme [G] devront être déduites les sommes perçues au titre de la pension d'invalidité de catégorie 2, versées depuis le 6 avril 2016.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses deux premières branches
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
6. Mme [G] fait grief à l'arrêt d'accueillir la requête en omission de statuer formée par le FGTI et de compléter le dispositif de l'arrêt du 23 juin 2022 en disant que des postes de déficit fonctionnel et d'incidence professionnelle alloués à Mme [G] devront être déduites les sommes perçues au titre de la pension d'invalidité de catégorie 2, versées depuis le 6 avril 2016, alors « que la pension versée à un assuré qui présente une invalidité réduisant dans des proportions déterminées sa capacité de travail ou de gain déterminées par rapport à la rémunération qu'il percevait dans la profession qu'il exerçait avant la constatation de son état, a pour objet exclusif de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle, c'est-à-dire ses pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'invalidité ; que par suite, la rente d'invalidité versée par une caisse de sécurité sociale ne peut être déduite que de ces deux postes de préjudice et non d'un poste de préjudice personnel, tel celui réparant le déficit fonctionnel permanent ; qu'en faisant droit cependant à la demande du FGTI de déduire des sommes allouées au titre de son déficit fonctionnel permanent les sommes perçues par elle au titre de la pension d'invalidité catégorie 2 qu'elle perçoit depuis le 6 avril 2016, la cour d'appel a violé l'article 706-9 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 706-3 et 706-9 du code de procédure pénale et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :
7. Il résulte du premier de ces textes que, sous certaines conditions, toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d'une infraction peut obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne.
8. Selon le second, la commission tient compte, dans le montant des sommes allouées à la victime au titre de la réparation de son préjudice, des prestations perçues par cette dernière, qu'il énumère, ainsi que des indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d'autres débiteurs au titre du même préjudice.
9. En l'absence de recours subrogatoire des tiers payeurs à l'égard du FGTI, leurs débours doivent être déduits poste par poste (2e Civ., 30 mars 2023, pourvoi n° 21-22.288, publié).
10. Par ailleurs, la Cour de cassation juge désormais que la pension d'invalidité indemnise les postes de pertes de gains professionnels et d'incidence professionnelle mais non celui du déficit fonctionnel permanent (2e Civ., 6 juillet 2023, pourvoi n° 21-24.283, publié).
11. Pour accueillir la requête en omission de statuer et dire que devront être déduites des postes de déficit fonctionnel permanent et d'incidence professionnelle les sommes perçues au titre de la pension d'invalidité de catégorie 2, versées depuis le 6 avril 2016, l'arrêt retient que la demande de déduction de la pension d'invalidité sur les postes de déficit fonctionnel permanent et d'incidence professionnelle est recevable et bien fondée.
12. En statuant ainsi, alors que la pension d'invalidité n'indemnise pas le déficit fonctionnel permanent, la cour d'appel a violé les textes et le principe susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
13. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, aliné
14. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
15. Il résulte de ce qui est dit aux paragraphes 7 à 10 qu'il convient de rejeter la demande tendant à voir déduire du poste du déficit fonctionnel permanent les sommes perçues au titre de la pension d'invalidité de catégorie 2, versées depuis le 6 avril 2016 mais de l'accueillir pour le poste de l'incidence professionnelle.
16. Par ailleurs, la cassation du chef de dispositif relatif à l'imputation des sommes allouées au titre de la pension d'invalidité n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant le FGTI au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, et laissant les dépens à la charge du Trésor public, justifiés par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause.




Civ.3 7 mai 2025 n° 23-15.394 B

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
CL


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 7 mai 2025



Rejet

Mme TEILLER, président


Arrêt n° 249 FS-B
Pourvoi n° G 23-15.394



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 MAI 2025
La société Nougat Chabert et Guillot, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° G 23-15.394 contre l'arrêt rendu le 23 février 2023 par la cour d'appel de Grenoble (chambre commerciale), dans le litige l'opposant à la société [Localité 2] 2008 II, société civile, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Aldigé, conseiller référendaire, les observations de la SCP Duhamel, avocat de la société Nougat Chabert et Guillot, de la SCP Krivine et Viaud, avocat de la société [Localité 2] 2008 II, et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 mars 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Aldigé, conseiller référendaire rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, Mme Oppelt, conseillers, Mme Schmitt, M. Baraké, Mme Davoine, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 23 février 2023, n° RG 21/04060), la société Nougat Chabert et Guillot (la locataire), preneuse à bail commercial de locaux à usage d'usine, de magasin et de bureaux, a sollicité le renouvellement du bail auprès de la société [Localité 2] 2008 II (la bailleresse).
2. La bailleresse a accepté le principe du renouvellement, mais les parties ne s'accordant pas sur le montant du loyer, la locataire a saisi le juge des loyers commerciaux en fixation du loyer du bail renouvelé à compter du 1er octobre 2018 à la valeur locative à la baisse.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches, et sur le second moyen
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
4. La locataire fait grief à l'arrêt de fixer le prix du bail renouvelé à une certaine somme, alors « que les obligations imposées au locataire au-delà de celles qui découlent de la loi ou des usages constituent un facteur de diminution de la valeur locative ; que si les loyers sont payables d'avance, sous quelque forme que ce soit et même à titre de garantie, les sommes excédant deux termes portent intérêt au profit du locataire, au taux pratiqué par la Banque de France pour les avances sur titres ; qu'en l'espèce, la société Nougat Chabert et Guillot faisait valoir que le loyer était payable « trimestriellement d'avance » et que le montant du dépôt de garantie était de « six mois » de loyer, de surcroît « majoré de la TVA » tandis qu'il n'y est pas soumis, soit au total plus de neuf mois de loyer HT d'avance ; qu'elle en déduisait que cette charge financière dépassant le montant usuel constituait « un motif justifiant une minoration de la valeur locative » ; que la cour d'appel a constaté que « l'article 8.3 [en réalité 8.4] du bail prévoit le versement d'un dépôt de garantie d'un montant équivalent à six mois de loyer TTC outre les charges » et que « le loyer [était] trimestriel payable d'avance le 1er jour du trimestre civil et le dépôt de garantie égal à deux termes de ce loyer » ; qu'elle en a déduit que « ce sont bien trois termes de loyers [qui] sont versés à la bailleresse par avance », que « ces stipulations ne sont pas contraires aux dispositions de l'article L. 145-40 du code de commerce », qu' « il ne s'agit pas d'une charge exceptionnelle et [qu'] il n'y a donc pas lieu de minorer la valeur locative à ce titre » ; qu'en statuant ainsi, tandis que les stipulations du bail obligeant de payer le loyer trimestriellement d'avance et de verser un dépôt de garantie de six mois de loyer TTC, soit au total plus de neuf mois de loyer HT d'avance, imposaient au locataire une obligation au-delà de celles qui découlent de la loi ou des usages, constituant ainsi un facteur de diminution de la valeur locative, la cour d'appel a violé les articles L. 145-33, L. 145-40 et R. 145-8 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
5. Selon les articles L. 145-33, 3°, et R. 145-8 du code de commerce, du point de vue des obligations respectives des parties, les obligations imposées au locataire au-delà de celles qui découlent de la loi ou des usages, sans contrepartie, constituent un facteur de diminution de la valeur locative.
6. Aux termes de l'article L. 145-40 du code de commerce, les loyers payés d'avance, sous quelque forme que ce soit, et même à titre de garantie, portent intérêts au profit du locataire, au taux pratiqué par la Banque de France pour les avances sur titres, pour les sommes excédant celle qui correspond au prix du loyer de plus de deux termes.
7. Dès lors qu'elle a pour contrepartie l'obligation légale du bailleur de payer au locataire des intérêts à un taux fixé par la loi, une stipulation d'un bail commercial qui met à la charge du locataire une obligation de payer en avance des sommes excédant celle correspondant au prix du loyer de plus de deux termes ne constitue pas en soi un facteur de diminution de la valeur locative.
8. La cour d'appel, qui a constaté qu'une clause du bail prévoyait le versement d'un dépôt de garantie d'un montant équivalent à six mois de loyers toutes taxes comprises outre les charges et que le loyer trimestriel était payable d'avance le premier jour du trimestre civil, ce dont il résultait que trois termes de loyers étaient versés à la bailleresse par avance, ce qui n'était pas interdit par l'article L. 145-40 du code de commerce, a, à bon droit, retenu que ces prévisions contractuelles n'entraînaient pas de minoration de la valeur locative.
9. Le moyen n'est donc pas fondé.




Civ.3 7 mai 2025 n° 23-15.395

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
CL


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 7 mai 2025



Rejet

Mme TEILLER, président


Arrêt n° 239 F-D
Pourvoi n° J 23-15.395



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 MAI 2025
La société Nougat Chabert et Guillot, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° J 23-15.395 contre l'arrêt rendu le 23 février 2023 par la cour d'appel de Grenoble (chambre commerciale), dans le litige l'opposant à la société Montélimar 2008, société civile, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Aldigé, conseiller référendaire, les observations de la SCP Duhamel, avocat de la société Nougat Chabert et Guillot, de la SCP Krivine et Viaud, avocat de la société Montélimar 2008, après débats en l'audience publique du 25 mars 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Aldigé, conseiller référendaire rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 23 février 2023, n° RG 21/04059), la société Nougat Chabert et Guillot (la locataire), preneuse à bail commercial de locaux à usage d'entrepôts, a sollicité le renouvellement du bail auprès de la société Montélimar 2008 (la bailleresse).
2. La bailleresse a accepté le principe du renouvellement.
3. La locataire a saisi le juge des loyers commerciaux en fixation du loyer du bail renouvelé.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches, et sur le second moyen
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
5. La locataire fait grief à l'arrêt de fixer le prix du bail renouvelé à une certaine somme, alors « que les obligations imposées au locataire au-delà de celles qui découlent de la loi ou des usages constituent un facteur de diminution de la valeur locative ; que si les loyers sont payables d'avance, sous quelque forme que ce soit et même à titre de garantie, les sommes excédant deux termes portent intérêt au profit du locataire, au taux pratiqué par la Banque de France pour les avances sur titres ; qu'en l'espèce, la société Nougat Chabert et Guillot faisait valoir que le loyer était payable « trimestriellement d'avance » et que le montant du dépôt de garantie était de « six mois » de loyer, de surcroît « majoré de la TVA » tandis qu'il n'y est pas soumis, soit au total plus de neuf mois de loyer HT d'avance ; qu'elle en déduisait que cette charge financière dépassant le montant usuel constituait « un motif justifiant une minoration de la valeur locative » ; que la cour d'appel a constaté que « l'article 8.4 du bail prévoit le versement d'un dépôt de garantie d'un montant équivalent à six mois de loyer TTC outre les charges » et que « le loyer [était] trimestriel payable d'avance le 1er jour du trimestre civil et le dépôt de garantie égal à deux termes de ce loyer » ; qu'elle en a déduit que « ce sont bien trois termes de loyers [qui] sont versés à la bailleresse par avance », que « ces stipulations ne sont pas contraires aux dispositions de l'article L. 145-40 du code de commerce », qu' « il ne s'agit pas d'une charge exceptionnelle et [qu'] il n'y a donc pas lieu de minorer la valeur locative à ce titre » ; qu'en statuant ainsi, tandis que les stipulations du bail obligeant de payer le loyer trimestriellement d'avance et de verser un dépôt de garantie de six mois de loyer TTC, soit au total plus de neuf mois de loyer HT d'avance, imposaient au locataire une obligation au-delà de celles qui découlent de la loi ou des usages, constituant ainsi un facteur de diminution de la valeur locative, la cour d'appel a violé les articles L. 145-33, L. 145-40 et R. 145-8 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
6. Selon les articles L. 145-33, 3°, et R. 145-8 du code de commerce, du point de vue des obligations respectives des parties, les obligations imposées au locataire au-delà de celles qui découlent de la loi ou des usages, sans contrepartie, constituent un facteur de diminution de la valeur locative.
7. Aux termes de l'article L. 145-40 du code de commerce, les loyers payés d'avance, sous quelque forme que ce soit, et même à titre de garantie, portent intérêts au profit du locataire, au taux pratiqué par la Banque de France pour les avances sur titres, pour les sommes excédant celle qui correspond au prix du loyer de plus de deux termes.
8. Dès lors qu'elle a pour contrepartie l'obligation légale du bailleur de payer au locataire des intérêts à un taux fixé par la loi, une stipulation d'un bail commercial qui met à la charge du locataire une obligation de payer en avance des sommes excédant celle correspondant au prix du loyer de plus de deux termes ne constitue pas en soi un facteur de diminution de la valeur locative.
9. La cour d'appel, qui a constaté qu'une clause du bail prévoyait le versement d'un dépôt de garantie d'un montant équivalent à six mois de loyers toutes taxes comprises outre les charges et que le loyer trimestriel était payable d'avance le premier jour du trimestre civil, ce dont il résultait que trois termes de loyers étaient versés à la bailleresse par avance, ce qui n'était pas interdit par l'article L. 145-40 du code de commerce, a, à bon droit, retenu que ces prévisions contractuelles n'entraînaient pas de minoration de la valeur locative.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.





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