12 577 résultats

Crim. 7 septembre 2022 n° 21-85.236 B

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° H 21-85.236 F-B
N° 01055

MAS2 7 SEPTEMBRE 2022

REJET

Mme DE LA LANCE conseiller doyen faisant fonction de président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 7 SEPTEMBRE 2022




M. [M] [K] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, chambre correctionnelle, en date du 8 avril 2021, qui, pour exportation de marchandises prohibées, l'a condamné à quinze mois d'emprisonnement avec sursis, des amendes douanières et a ordonné des mesures de confiscation et de restitution.
Des mémoires, en demande et en défense, et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Fouquet, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. [M] [K], les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la direction générale des douanes et droits indirects et de la direction régionale des douanes et droits indirects de la Réunion, et les conclusions de M. Bougy, avocat général, après débats en l'audience publique du 22 juin 2022 où étaient présents Mme de la Lance, conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Fouquet, conseiller rapporteur, Mme Planchon, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Entre le 14 décembre 2012 et le 30 janvier 2014, les services des douanes ont procédé au contrôle de containers déclarés à l'export, notamment, par M. [M] [K], gérant de la société [2], ayant pour objet l'affrètement et l'organisation de transports, et ont saisi à cette occasion plusieurs tonnes de batteries automobiles usagées non dépolluées à destination de Madagascar.
3. Les batteries automobiles usagées faisant partie des marchandises dont l'exportation, que ce soit pour leur élimination ou leur valorisation, est en principe interdit, ces faits ont été dénoncés au procureur de la République en application des dispositions de l'article 40 du code de procédure pénale.
4. A l'issue de l'information judiciaire, M. [K] a été renvoyé devant le tribunal correctionnel des chefs de travail dissimulé, déclaration mensongère en vu de l'obtention par une personne publique d'un avantage indu, ainsi que pour le délit douanier de transfert et exportation de déchets dangereux.
5. Par jugement en date du 28 septembre 2018, le tribunal correctionnel a requalifié le délit douanier en violation d'une prohibition légale ou réglementaire d'exportation de marchandises, fait réputé exportation sans déclaration de marchandises prohibées, l'a déclaré coupable de ce chef, l'a relaxé pour le surplus et l'a condamné à quinze mois d'emprisonnement avec sursis, a prononcé à son encontre plusieurs amendes douanières et ordonné la confiscation notamment d'une somme de 9 690 euros saisie au domicile du prévenu.
6. M. [K] et le procureur de la République ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche
7. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
8. Le moyen, en sa première branche, critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a requalifié les faits d'exportation en contrebande de marchandises prohibées en violation d'une prohibition légale ou réglementaire de marchandises prohibées, a déclaré M. [K] coupable de cette infraction et, en répression, l'a condamné à un emprisonnement délictuel de quinze mois ainsi qu'à trois amendes solidairement avec d'autres de 8 500 euros, 2 250 euros et 3 750 euros et a ordonné la confiscation de tous les objets saisis et des scellés, alors :
« 1°/ que constitue un délit toute importation ou exportation sans déclaration de marchandises prohibées ; que le délit douanier précité suppose un fait d'importation ou d'exportation qui se définit comme le franchissement de la frontière douanière vers ou depuis la France ; qu'en constatant seulement la présence de containers dans la commune de [Localité 1] (Le Réunion) et non le franchissement d'une frontière douanière, la cour d'appel ne pouvait, sans violer les articles 369, 414, 428, 38, 39 et 40 du code des douanes et l'article 593 du code de procédure pénale, retenir à l'encontre de M. [K] l'infraction d'exportation sans déclaration de marchandises prohibées. »
Réponse de la Cour
9. Pour déclarer le prévenu coupable de violation d'une prohibition légale ou réglementaire d'exportation de marchandises, l'arrêt attaqué, après avoir rappelé que les services des douanes avaient saisi, dans des containers déclarés par M. [K] pour le compte de tiers à destination de Madagascar, plusieurs tonnes de batteries usagées ne figurant pas sur les déclarations, dont le caractère prohibé de l'exportation n'était pas contesté, retient qu'il ressort de la procédure pénale que M. [K], gérant et déclarant de la société [2] ayant pour objet l'affrètement et l'organisation de transports, se voyait confier en toute connaissance de cause l'organisation et la gestion complète administrative et douanière des dossiers d'exportation par des exportateurs qui le rémunéraient en espèces.

10. Les juges ajoutent que si le prévenu a contesté sa responsabilité aux motifs qu'il ignorait le contenu des containers et qu'il n'était tenu que d'une infraction fiscale, l'exception de bonne foi et l'absence d'intention ne sauraient être retenues dès lors qu'il ressort des dispositions de l'article 395 du code des douanes que les signataires des déclarations sont responsables des omissions, inexactitudes et autres irrégularités relevées dans les déclarations, et que le prévenu pouvait vérifier le contenu des containers, et en avait même l'obligation en application de l'article précité.
11. En l'état de ces énonciations, dont il résulte que le prévenu, en omettant de mentionner sur les déclarations à l'export les batteries usagées placées dans les containers, a méconnu les dispositions législatives et réglementaires portant prohibition d'exportation de ces marchandises, la cour d'appel a justifié sa décision.
12. En effet, ce seul constat suffit à caractériser l'élément matériel du délit prévu à l'article 428, 1, du code des douanes, réputé exportation sans déclaration de marchandises prohibées, sans qu'il soit nécessaire d'établir le franchissement d'une frontière douanière par la marchandise.
13. Ainsi, le moyen doit être écarté.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
14. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné la confiscation comme peine complémentaire de tous les objets saisis et des scellés et, en particulier, de l'argent saisi chez M. [K], alors :
« 1°/ que la peine de confiscation prononcée à titre complémentaire et non à titre principal ne peut porter, en application de l'article 430 du code des douanes que sur les marchandises qui ont été ou devaient être substituées dans les cas prévus aux articles 411, § 2, a, 417, § 2, c, et 423, 2°, sur les marchandises présentées au départ dans le cas prévu par l'article 424, 1°, sur les moyens de transport lorsque le conducteur refuse d'obéir aux injonctions visées à l'article 61, § 1 ; qu'en prononçant la confiscation des sommes d'argent dont M. [K] demandait la restitution, à titre de peine complémentaire, bien non prévu par l'article 430 précité, la cour d'appel a méconnu les articles 414 et 430 du code des douanes ;
2°/ qu'en matière correctionnelle toute peine doit être individualisée et motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de son auteur et de sa situation personnelle ; que, pour prononcer à l'encontre de M. [K] la confiscation des biens saisis, la cour d'appel s'est bornée à énoncer « qu'en application de l'article 414, alinéa 1, du code des douanes, la peine complémentaire de confiscation est confirmée », a ainsi méconnu les principes d'individualisation et de motivation des articles 132-1, alinéa 2, 132-1, alinéa 3, et 130-1 du code pénal et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
15. Pour confirmer la confiscation, notamment, de la somme de 9 690 euros saisie au domicile du prévenu, l'arrêt attaqué énonce qu'il est fait droit à la demande de restitution du prévenu de son mémoire et de son diplôme saisis lors de la perquisition diligentée à son domicile, mais que les sommes d'argent constituant le produit des infractions ne seront pas restituées.
16. Les juges ajoutent qu'en application de l'article 414, alinéa 1, du code des douanes, la peine complémentaire de confiscation est confirmée, étant précisé qu'il s'agit de tous les objets saisis et des scellés à l'exception du diplôme et du mémoire de M. [K] qui lui sont restitués.
17. En statuant ainsi, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.
18. En effet, d'une part, l'article 414, alinéa 1, du code des douanes autorise la confiscation du produit direct ou indirect de l'infraction douanière, peu important que l'arrêt qualifie à tort cette mesure de peine complémentaire.
19. D'autre part, le prononcé, par le juge correctionnel, de la confiscation douanière prévue à l'article 414 du code des douanes en répression des infractions de contrebande ou d'importation ou d'exportation sans déclaration de marchandises prohibées est soumis aux dispositions spécifiques de l'article 369 du code des douanes et échappe, par conséquent, aux prescriptions des articles 485 du code de procédure pénale et 132-1 du code pénal.
20. Dès lors, le moyen doit être écarté.
21. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.




Crim. 7 septembre 2022 n° 21-86.002

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° Q 21-86.002 F-D
N° 01049

MAS2 7 SEPTEMBRE 2022

REJET

Mme DE LA LANCE conseiller doyen faisant fonction de président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 7 SEPTEMBRE 2022

M. [D] [C] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-13, en date du 9 septembre 2021, qui, pour travail dissimulé, travail dissimulé et blanchiment aggravés, l'a condamné à quatre ans d'emprisonnement, a ordonné une mesure de confiscation et a prononcé sur les intérêts civils.
Des mémoires, en demande et en défense, et des observations complémentaires, ont été produits.
Sur le rapport de Mme Planchon, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [D] [C], les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de l'association [6], et les conclusions de M. Bougy, avocat général, les avocats ayant eu la parole en dernier, après débats en l'audience publique du 22 juin 2022 où étaient présents Mme de la Lance, conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Planchon, conseiller rapporteur, M. D'Huy, conseiller de la chambre, M. Bougy, avocat général, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le 31 janvier 2014, l'association [6] a déposé une plainte avec constitution de partie civile visant l'acquisition en France, par M. [D] [C], oncle de M. [R] [C], actuel dirigeant de l'Etat syrien, de biens immobiliers à l'aide de fonds provenant, notamment, de détournement de biens publics, commis à l'époque où l'intéressé, qui a occupé, notamment, le poste de chef des forces d'élite de la sécurité intérieure, entretenait une forte proximité avec le pouvoir syrien.
3. Le 4 avril 2014, une information a été ouverte des chefs de corruption passive par un agent public étranger et blanchiment, en bande organisée, la saisine du juge d'instruction ayant par la suite été étendue à des faits de travail dissimulé en bande organisée, blanchiment aggravé, complicité et recel de ces délits, et M. [C] a été mis en examen le 9 juin 2016 pour recel de détournement de fonds publics, blanchiment aggravé et travail dissimulé aggravé.
4. A l'issue de cette information, M. [C] a été renvoyé devant le tribunal correctionnel, d'une part, du chef de blanchiment aggravé pour avoir en France et à l'étranger, notamment en Suisse, à Curaçao, au Liechtenstein, au Luxembourg, en Grande-Bretagne et à Gibraltar, depuis 1984 et jusqu'au 9 juin 2016, commis le délit de blanchiment des infractions de détournement de fonds publics et de fraude fiscale aggravée, en l'espèce en dissimulant au moyen de l'interposition de tiers et de sociétés françaises ou étrangères, la constitution, l'entretien, la vente et en tous cas, la libre disposition d'un important patrimoine immobilier et mobilier illicitement acquis, avec cette circonstance que les faits ont été commis en bande organisée, d'autre part, du chef de travail dissimulé pour avoir en France, du 9 juin 2013 et jusqu'au 9 juin 2016, directement ou par personne interposée, eu recours sciemment aux services de personnels non déclarés et rémunérés en numéraire sans procéder aux déclarations devant être faites aux organismes de protection sociale ou à l'administration fiscale, avec cette circonstance que les faits ont été commis en bande organisée du 12 juillet 2014 et jusqu'au 9 juin 2016.


5. Les juges du premier degré, après avoir rejeté l'exception de prescription de l'action publique, ont relaxé le prévenu du chef de blanchiment aggravé, s'agissant des faits commis du 1er janvier 1984 au 14 mai 1996, l'ont déclaré coupable des autres chefs de poursuite, l'ont condamné à quatre ans d'emprisonnement et ont ordonné une mesure de confiscation de patrimoine par jugement en date du 17 juin 2020 à l'encontre duquel M. [C] et le ministère public ont interjeté appel.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, le deuxième moyen, pris en ses première, troisième, sixième, septième et huitième branches, et le quatrième moyen
6. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le deuxième moyen, pris en ses deuxième, quatrième et cinquième branches
Enoncé du moyen
7. Le moyen, en ses deuxième, quatrième et cinquième branches, critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [C] coupable de blanchiment de détournement de fonds publics, alors :
« 2°/ que le chef de l'Etat syrien est irresponsable pénalement sauf en cas de haute trahison ; que la cour d'appel ne pouvait donc caractériser l'existence d'une infraction principale en retenant l'existence d'un détournement de fonds publics commis par le chef de l'Etat syrien sans méconnaître les dispositions susvisées ainsi que l'article 91 de la Constitution syrienne et 68 de la Constitution française dans sa rédaction alors applicable ;
4°/ que l'article 169 de l'ancien code pénal alors applicable, réprimait le délit de détournement de fonds publics lorsqu'il était commis par des percepteurs et comptables, les ordonnateurs n'étant pas visés ; que la cour d'appel a rappelé que ce n'est que « depuis l'entrée en vigueur du nouveau code pénal » que l'incrimination a englobé « également les ordonnateurs » ; que les dispositions nouvelles plus sévères ne peuvent pas rétroagir ; qu'en jugeant cependant que « le fait que ce délit n'ait pas été incriminé dans le droit interne français dans son acception la plus large avant 1992 est sans incidence sur la caractérisation de l'infraction de blanchiment » en ce qu'« il suffit qu'il le soit en droit français » en 1992,

la cour d'appel a méconnu les articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 169 de l'ancien code pénal, 112-1, 324-1 et 432-15 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
5°/ que le délit de blanchiment exige, comme condition préalable, une infraction principale à l'origine des fonds ; qu'en énonçant qu'« en raison de l'autonomie du délit de blanchiment », « le fait que ce délit [de détournement de fonds publics] n'ait pas été incriminé dans le droit interne français dans son acception la plus large avant 1992 est sans incidence sur la caractérisation de l'infraction de blanchiment », la cour d'appel n'a pas justifié sa décision et a méconnu les dispositions susvisées. »
Réponse de la Cour
Sur le moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches
8. Pour déclarer le prévenu coupable du chef de blanchiment aggravé de fonds constituant le produit du délit de détournement de fonds publics, l'arrêt attaqué relève, notamment, que l'article 169 du code pénal en vigueur en France jusqu'en 1992 ne réprimait que « le percepteur, commis à une perception, dépositaire ou comptable public qui avaient soustrait des deniers publics », la jurisprudence, par le recours à la notion de gestion de fait, a élargi le champ des personnes punissables, qui a été étendu, par le nouveau code pénal à « toute personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, comptable public ou dépositaire public » englobant ainsi les comptables mais également les ordonnateurs, qu'il importe peu que le délit de détournement de fonds publics ne soit pas réprimé en droit syrien car il suffit, en raison de l'autonomie de l'infraction de blanchiment, qu'il le soit en droit français, ce qui est le cas en l'espèce.
9. Ils relèvent qu'il ressort des auditions de MM. [T] [G] [O], [P] [I] et [M] [S], que le départ de Syrie de M. [C] a été obtenu contre le versement d'une somme de 300 000 000 de dollars, 200 000 000 provenant des caisses de l'Etat syrien et 100 000 000 d'un prêt accordé par la Libye, qu'il résulte de la documentation relative aux comptes publics syriens, d'une part, que les frais de la présidence de la République syrienne, de l'ordre de 30 à 60 000 000 de dollars par an entre 1982 et 1987, ont augmenté en 1984 pour s'élever à 214 000 000 USD, d'autre part, que les importations en provenance de Libye sont passées de 37 600 000 livres sterling en 1983 à 1 240 000 000 de livres sterling en 1984 et que cette variation, qui est la conséquence du conflit Iran/Irak, peut parfaitement dissimuler un prêt de 100 000 000 USD consenti à la Syrie par la Libye laquelle disposait, en 1984, d'une marge d'autonomie financière.
10. S'agissant de l'augmentation des frais de la présidence de la République syrienne, les juges observent que si la défense invoque, pour la justifier, l'intégration des brigades de défense à la garde présidentielle, l'organisation des élections présidentielles de 1985 et le paiement, courant 1984, d'une partie de l'aide militaire russe, le financement des brigades de défense relève de la ligne budgétaire « ministère de l'intérieur » et la demande de remboursement par l'URSS de la dette syrienne n'est intervenue qu'en 1986.
11. La cour d'appel relève également que la ligne « erreurs ou omissions », censée corriger les erreurs comptables budgétaires, mentionne une somme de 61 000 000 USD en 1985 alors que les années suivantes, elle n'est plus que de 9 000 000 et qu'ainsi, entre 1985 et 1986, ont disparu 52 000 000 USD et conclut qu'en l'espèce, le versement d'une somme de 300 000 000 USD ressort des écarts significatifs relevés dans les chiffres des frais de la présidence et ceux des importations libyennes.
12. En prononçant ainsi, par des motifs relevant de son appréciation souveraine, dont il se déduit que la somme de 300 000 000 USD, constituée de fonds publics et remise au demandeur, provient de détournements commis par une personne qui en était nécessairement dépositaire au sens de l'article 169 du code pénal, la cour d'appel a justifié sa décision.
13. Il s'ensuit que les griefs ne sauraient être accueillis.
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
14. Pour écarter l'exception d'irresponsabilité pénale du chef de l'Etat syrien, l'arrêt attaqué énonce que l'infraction d'origine, qui concerne des fonds publics syriens, n'a pas été commise sur le territoire français et n'est pas l'objet des poursuites et qu'il importe peu, en raison du caractère autonome du délit de blanchiment, que son auteur bénéficie d'une cause personnelle d'irresponsabilité pénale, que si une juridiction française ne peut porter d'appréciation sur un acte émanant d'un Etat étranger souverain, c'est à la condition que cet acte constitue une prérogative de puissance publique ou un acte de souveraineté, qu'il ressort du dossier que la remise, en 1984, de fonds publics syriens par le chef d'Etat syrien à M. [D] [C] relevait du règlement à l'amiable d'un conflit privé entre deux frères, arbitré par leur mère, et qu'un tel don ne saurait être rattaché directement à la souveraineté et aux attributs de puissance publique de l'Etat syrien et bénéficier ainsi de l'immunité.




15. En prononçant ainsi, et dès lors que, d'une part, caractérise le délit de blanchiment, infraction générale, distincte et autonome, l'utilisation en France de fonds provenant de détournements de fonds publics commis à l'étranger, d'autre part, à supposer qu'elle soit invocable en l'espèce, l'irresponsabilité pénale du chef d'Etat syrien, prévue par l'article 91 de la Constitution syrienne applicable à la date des faits, n'interdit pas de qualifier les actes auxquels elle s'applique, la cour d'appel a justifié sa décision.
16. Dès lors, le moyen ne peut qu'être écarté.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
17. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré le prévenu coupable du délit de blanchiment de fraude fiscale, alors « que l'infraction de blanchiment de fraude fiscale impose que soit caractérisée une fraude fiscale ; qu'en application des articles 990 D et 990 E du code général des impôts, une société n'est pas soumise à la taxe de 3 % lorsqu'elle a communiqué l'identité de ses actionnaires qui sont assujettis à l'ISF ; que ces impositions – taxe de 3 % et ISF des actionnaires - ne se cumulent pas ; que M. [C] n'avait pas à déclarer l'ISF s'agissant de fonds détenus dans des sociétés payant la taxe de 3 % ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a méconnu les articles 990 D et 990 E du code général des impôts, 324-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
18. Pour déclarer le prévenu coupable du délit de blanchiment de fraude fiscale aggravée, l'arrêt attaqué relève que, outre l'impôt sur les grandes fortunes (IGF) créé en 1981, auquel étaient soumises les personnes physiques résidant à l'étranger à raison de leurs biens situés en France, remplacé, à compter du 1er janvier 1989, par l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), est également due, depuis le 1er janvier 1985, par les personnes morales ayant leur siège à l'étranger mais détenant des biens en France, une taxe annuelle égale à 3 % de la valeur de ces biens dont le paiement, jusqu'au 1er janvier 1993, exonérait les personnes physiques résidant à l'étranger de déclaration en France de leurs parts dans ces sociétés et de l'ISF sur ces biens.





19. Les juges ajoutent que cette exonération a été supprimée à compter du 1er janvier 1993, et que le tribunal sera approuvé en ce qu'il a constaté que cette exonération ne permettait pas de retenir, avant le 1er janvier 1993, une omission déclarative imputable au prévenu avant cette date.
20. La cour d'appel retient que le droit fiscal est d'interprétation stricte et adopte les motifs du tribunal qui a rappelé la doctrine fiscale selon laquelle les personnes physiques domiciliées fiscalement hors de France, actionnaires, porteurs de parts ou autres membres des entités juridiques qui ont été soumises à la taxe de 3 % sont assujetties aux droits de mutation à titre gratuit et à l'ISF sous réserve de conventions fiscales.
21. En prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision.
22. Il s'ensuit que le moyen ne peut qu'être écarté.
Sur le cinquième moyen
Enoncé du moyen
23. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a prononcé la confiscation des immeubles et des créances saisis, alors :
« 1°/ que la confiscation d'un bien ne peut être ordonnée sans que son propriétaire ne soit en mesure de présenter ses observations ; que la cour d'appel a relevé que le « condamné encourt également la confiscation prévue à l'article 131-21, alinéa 5, du code pénal » ; que cette disposition prévoit que le propriétaire doit être mis en mesure de s'expliquer sur les biens dont la confiscation est envisagée ; que la cour d'appel a constaté que « des personnes physiques ou morales apparaissent comme propriétaires en titre des biens saisis » et a cependant estimé que « les dispositions des alinéas 6 et 9 de l'article 131-21 du code pénal ne prévoient pas d'obligation de les mettre en mesure de présenter des observations » ; qu'elle a méconnu les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1er du Protocole n°1 annexé à la Convention européenne des droits de l'homme, 6 et 7 de cette Convention, 131-21, alinéa 5, et 324-7 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;








2°/ que la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 applicable le 31 décembre 2021 a ajouté un dernier alinéa à l'article 131-21 du code pénal prévoyant le droits des tiers propriétaires des biens confiscables de faire valoir leurs observations ; que l'article 112-1 du code pénal prévoit que les lois de pénalités rétroagissent lorsqu'elles sont plus douces et l'article 112-2 du code pénal prévoit l'application immédiate aux procédures en cours, des lois de procédure ; que dès lors la nouvelle disposition est applicable aux peines de confiscation prononcées par la cour d'appel et non définitives, en application des dispositions susvisées et des articles 112-1, 112-2 et du dernier alinéa de l'article 131-21 dans sa nouvelle rédaction résultant de la loi du 22 décembre 2021 ; qu'il en résulte que l'arrêt qui n'a pas fait application de ce texte doit être annulé ;
3°/ que la confiscation des biens immobiliers n'a été prévue par l'article 324-7 du code pénal réprimant le blanchiment qu'à compter de la loi du 15 mai 2001, et par l'article 131-21 du code pénal qu'à compter de la loi du 5 mars 2007 ; qu'en outre la confiscation des biens dont le condamné a la libre disposition résulte de la loi du 27 mars 2012 ; qu'en prononçant cependant la confiscation des biens immeubles pour tous les faits de blanchiment commis de mai 1996 à juin 2016 sans distinction, la cour d'appel a méconnu les articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1er du premier Protocole annexé à cette Convention, 112-1, 131-21, 324-7 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
4°/ que porte une atteinte disproportionnée au droit de propriété, la confiscation de biens régulièrement acquis avec des fonds d'origine licite ; que la cour d'appel qui a prononcé la confiscation de biens acquis de 1980 à 2007, soit antérieurement aux faits visés à la prévention et tandis que le prévenu établissait que « nombre des investissements (?) ont été financés par des prêts bancaires et non des fonds litigieux », a méconnu les dispositions susvisées ;
5°/ que la cour d'appel ne pouvait pas considérer que la peine de confiscation était proportionnée aux faits commis tout en constatant que « le montant des fonds ainsi blanchis n'a pu être déterminé » ; que dès lors la cour d'appel n'a pas justifié sa décision et a de nouveau méconnu les dispositions susvisées. »






Réponse de la Cour
Sur le moyen, pris en ses deux premières branches
24. Le demandeur, qui est seulement le bénéficiaire économique des sociétés propriétaires des biens dont la confiscation a été ordonnée et pour lequel il n'est pas démontré qu'il a la qualité de dirigeant de ces structures au nom desquelles il aurait pu agir, n'est pas recevable pour invoquer une atteinte aux droits de celles-ci résultant du prononcé des mesures de confiscation.
25. Dès lors, les griefs ne sauraient être accueillis.
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
26. Pour ordonner à l'encontre du prévenu une mesure de confiscation de patrimoine, l'arrêt attaqué relève, notamment, que, conformément aux dispositions des articles 131-21, alinéa 6, 324-7 et 324-9 du code pénal, la personne condamnée du chef de blanchiment encourt la peine complémentaire de confiscation de tout ou partie de ses biens ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, de ceux dont il a la libre disposition, qu'il n'est donc pas nécessaire d'établir un lien avec l'infraction commise, ni même que le bien considéré soit d'origine illicite et il est indifférent que le bien ait été acquis avant ou après la commission de l'infraction, qu'il convient de confirmer les peines complémentaires de confiscation de patrimoine portant sur des immeubles et des créances prononcées par le tribunal.
27. En prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision.
28. En effet, d'une part, l'article 324-7 du code pénal, dans sa rédaction issue de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001, prévoit à l'encontre des personnes physiques coupables de blanchiment, la peine de confiscation de tout ou partie des biens du condamné, laquelle n'exclut pas les biens immobiliers, l'absence de référence, dans l'article 131-21 du code pénal, à la confiscation de patrimoine étant sans emport et ne rendant pas ineffectives les dispositions de l'article 324-7 susvisé.
29. D'autre part, et en tout état de cause, le demandeur a été reconnu coupable de faits de blanchiment aggravé commis entre le 15 mai 1996 et le 9 juin 2016, soit, pour une partie, postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 qui a modifié l'article 131-21 du code pénal en introduisant la confiscation de patrimoine.
30. Ainsi, le grief ne saurait être accueilli.
Sur le moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches
31. Pour ordonner la confiscation de patrimoine portant sur les biens immobiliers, propriétés des sociétés Al Jinane, Elm investments NV, [7], Aym, [8], Alion hôtel, [4], sur une créance détenue par la SCI [Adresse 3] contre la ville de [Localité 5] et une créance de loyers dus par les locataires de l'immeuble situé [Adresse 1] appartenant à la société [8], l'arrêt attaqué énonce, notamment, que la cour confirmera les peines complémentaires de confiscations des immeubles et des créances saisis prononcées par le tribunal qui l'ont été par une juste application des dispositions en vigueur et par référence aux éléments tenant à la gravité concrète des faits et la situation personnelle du prévenu pour apprécier la proportionnalité de l'atteinte portée au droit de propriété, que les personnes physiques ou morales qui apparaissent comme propriétaires des biens saisis ne sont que des prête-noms ou des sociétés écrans afin d'en dissimuler le réel propriétaire, et que cette volonté de dissimulation de la véritable propriété des biens est étayée par l'utilisation de mécanismes complexes (recours à des sociétés offshores et à des comptes bancaires situés à l'étranger) jointe à sa toute puissance dans la gestion des sociétés dont il supportait personnellement les charges et disposait des moyens financiers en percevant les produits des loyers, des ventes et des expropriations, suffisent à caractériser la libre disposition des biens immobiliers et des créances.
32. Les juges ajoutent que si le montant des fonds ainsi blanchis n'a pu être déterminé, une somme de 300 000 000 USD a été, a minima, détournée des fonds publics syriens, que le prévenu détient en Espagne un patrimoine évalué à 600 000 000 d'euros, qu'il en résulte que les confiscations portant sur les biens immobiliers en France et sur les créances détenues par la société [Adresse 2] sur la ville de [Localité 5] et sur celles de la société [8] sur des locataires ne portent pas une atteinte disproportionnée à la situation personnelle et au droit de propriété du prévenu, qu'il en est de même de la confiscation en valeur du bien immobilier saisi à Londres à hauteur de 29 000 000 d'euros correspondant au produit de l'infraction justement évalué par le tribunal.
33. En prononçant ainsi, et dès lors qu'est inopérant le moyen pris en sa quatrième branche qui fait valoir que les biens ont été acquis antérieurement aux faits visés à l'aide de fonds d'origine licites, la cour d'appel a justifié sa décision.
34. Il s'ensuit que le moyen doit être écarté.
35. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.




Crim. 7 septembre 2022 n° 21-84.322 B

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° P 21-84.322 FS-B
N° 01045

MAS2 7 SEPTEMBRE 2022

CASSATION PARTIELLE

Mme DE LA LANCE conseiller doyen faisant fonction de président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 7 SEPTEMBRE 2022





Mme [X] [P], d'une part, et les sociétés [8], [5], [10] et [4], [6] et l'[7], parties intervenantes, d'autre part, ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-14, en date du 30 juin 2021, qui, pour aide à l'entrée et au séjour irrégulier, association de malfaiteurs, complicité d'obtention frauduleuse de document administratif, escroquerie et blanchiment, a condamné la première à trois ans d'emprisonnement avec sursis, 100 000 euros d'amende et a ordonné une mesure de confiscation.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires et des observations complémentaires ont été produits.

Sur le rapport de Mme Planchon, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de Mme [X] [P], des sociétés [8], [5], [10] et [4], de [6] et de [7], et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 22 juin 2022 où étaient présents Mme de la Lance, conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Planchon, conseiller rapporteur, MM. d'Huy, Wyon, Pauthe, Turcey, de Lamy, conseillers de la chambre, M. Ascensi, Mmes Fouquet, Chafaï, conseillers référendaires, Mme Chauvelot, avocat général référendaire, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Mme [X] [P], qui dirige trois établissements d'enseignement privé, [6] ([6]), association créée en 2011, l'[7] ([7]), société créée en août 2005, et le [2] ([2]), association créée le 18 février 2011, tous situés à la même adresse à [Localité 11], a été mise en cause comme étant l'organisatrice, au travers de ces établissements, d'une filière chinoise d'aide au séjour irrégulier en permettant à des ressortissants chinois de s'inscrire dans les écoles aux fins d'obtention du renouvellement de leur titre de séjour d'un an en qualité d'étudiant sur le territoire français moyennant des frais d'inscription d'un montant de 3 000 euros pour une formation purement fictive.
3. Par ailleurs, l'enquête puis l'information ouverte sur les agissements de l'intéressée ont permis de recueillir des éléments tendant à établir qu'elle aurait commis le délit d'escroquerie en présentant faussement l'[6] comme étant un organisme collecteur de la taxe d'apprentissage due par les entreprises, ce qui lui a permis de récupérer une somme de plus de 700 000 euros sur laquelle elle n'a reversé que la somme de 288 000 euros.
4. Les trois écoles utilisent des locaux loués à la société civile immobilière (SCI) [8] créée en 2005, dont les parts sont détenues par Mme [P], son frère M. [R] [P] et le fils de ce dernier, M. [H] [P].
5. Mme [P] est aussi propriétaire de trois autres SCI dont elle possède quatre-vingt-dix-neuf parts sur cent : la SCI [10], créée en 2010, propriétaire d'un débarras, d'un hangar et d'une remise situés à [Localité 12] et acquis pour un montant de 250 000 euros, la SCI [4], créée en 2011, propriétaire d'un appartement situé à [Localité 11], acquis pour un montant de 775 000 euros et la SCI [5], créée en 2010, propriétaire d'une maison située à [Localité 11] d'une valeur de 800 000 euros qui a servi à loger les étudiants des écoles.
6. Au terme des investigations, il a été procédé le 11 juin 2013 à l'interpellation de six personnes qui ont été mises en examen et renvoyées devant le tribunal. Pour sa part, Mme [P] a été renvoyée devant le tribunal des chefs susvisés, et notamment, du chef d'aide au séjour irrégulier, pour avoir à [Localité 9] courant 2012 et jusqu'au 11 juin 2013, en procédant à l'inscription de ressortissants chinois dans des écoles dont elle était gérante de droit ou de fait ou trésorière, en percevant pour ce faire des rémunérations illicites et non déclarées, en ne dispensant pas les cours nécessaires à la validation des inscriptions ou en présentant les démarches à suivre après inscription comme de simples formalités administratives aux fins d'obtention d'un titre de séjour sur le territoire français, facilité le séjour irrégulier en France de plusieurs dizaines de ressortissants chinois, avec cette circonstance que les faits ont été commis en bande organisée.
7. Par jugement en date du 19 mai 2017, le tribunal correctionnel a relaxé Mme [P] des chefs d'aide à l'entrée et au séjour irrégulier, de complicité d'obtention indue de documents administratifs et de faux et usage, a requalifié les faits d'escroquerie en bande organisée et de blanchiment en bande organisée en escroquerie et blanchiment, et par voie de conséquence le délit d'association de malfaiteurs, l'a déclarée coupable de ces délits, l'a condamnée à trois ans d'emprisonnement dont dix-huit mois avec sursis, 100 000 euros d'amende et a ordonné la confiscation de l'ensemble des biens saisis dont les immeubles appartenant aux sociétés [4] et [8] et a ordonné la restitution des sommes saisies sur les comptes bancaires des sociétés [5], [10] et [4] et de la somme de 208 000 euros découverte dans un coffre au nom du neveu de Mme [P].
8. Mme [P], la société [8], à titre principal, et le ministère public, dont l'appel est dirigé contre la seule Mme [P], ont relevé appel de cette décision.
Examen de la recevabilité des pourvois formés par les sociétés [5], [10] et [4], l'[6] et l'[7]
9. Les sociétés [5], [10] et [4], l'[6] et l'[7] n'étaient pas parties à la procédure au cours de laquelle des biens leur appartenant ont été saisis.
10. Ces structures, même si les trois premières ont toutefois obtenu la restitution, par le tribunal correctionnel, des fonds figurant au crédit des trois comptes dont elles sont titulaires, n'ont pas été intimées devant la cour d'appel qui a ordonné des mesures de confiscation concernant des biens dont elles sont propriétaires.
11. Le Conseil constitutionnel a jugé non conformes à la Constitution les dispositions de l'article 131-21 du code pénal prévoyant la confiscation des biens dont la personne condamnée a la libre disposition, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, après avoir relevé que ni ces dispositions ni aucune autre disposition ne prévoient que le propriétaire dont le titre est connu ou qui a réclamé cette qualité au cours de la procédure soit mis en mesure de présenter ses observations sur la mesure de confiscation envisagée par la juridiction de jugement aux fins, notamment, de faire valoir le droit qu'il revendique et sa bonne foi (Cons. Const., 23 avril 2021, décision n° 2021-899 QPC ; Cons. Const., 23 septembre 2021, décision n° 2021-932 QPC ; Cons. Const., 24 novembre 2021, décision n° 2021-949/950 QPC).
12. Le Conseil constitutionnel a, par ailleurs, d'une part, reporté au 31 mars 2022 la date de l'abrogation des dispositions contestées, d'autre part, décidé que les mesures prises avant la publication de la décision précitée ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité.
13. L'article 51 de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021, applicable à compter du 31 décembre 2021, a complété l'article 131-21 du code pénal par un dernier alinéa qui prévoit que lorsque la peine de confiscation porte sur des biens sur lesquels un tiers autre que le condamné dispose d'un droit de propriété, elle ne peut être prononcée si ce tiers dont le titre est connu ou qui a réclamé cette qualité au cours de la procédure n'a pas été mis en mesure de présenter ses observations sur la mesure de confiscation envisagée par la juridiction de jugement aux fins, notamment, de faire valoir le droit qu'il revendique et sa bonne foi.
14. Il résulte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme qu'en vertu des articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme et 1er du premier Protocole additionnel à ladite Convention, les personnes dont les biens sont menacés de confiscation doivent se voir conférer le statut de partie au procès dans le cadre duquel la confiscation peut être ordonnée (CEDH, arrêt du 16 avril 2019, Bokova c. Russie, n° 27879/13, § 55 ; CEDH, arrêt du 10 avril 2012, Silickiene c. Lituanie, n° 20496/02, § 50).
15. Pour sa part, la Cour de justice de l'Union européenne s'est prononcée à deux reprises sur des mesures de confiscation de biens appartenant à des tiers. Dans une première décision du 14 janvier 2021 (CJUE, arrêt du 14 janvier 2021, OM, C-393/19, § 1) elle a dit pour droit que, d'une part, l'article 2, § 1, de la décision-cadre 2005/212/JAI du Conseil du 24 février 2005 relative à la confiscation des produits, des instruments et des biens en rapport avec le crime, lu à la lumière de l'article 17, § 1, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une réglementation nationale qui permet la confiscation d'un instrument utilisé pour commettre une infraction de contrebande qualifiée, lorsque celui-ci appartient à un tiers de bonne foi, d'autre part, l'article 4 de la décision-cadre 2005/212, lu à la lumière de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux, doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une réglementation nationale qui permet la confiscation, dans le cadre d'une procédure pénale, d'un bien appartenant à une personne autre que celle qui a commis l'infraction pénale, sans que cette première personne dispose d'une voie de recours effective. Dans une décision du 21 octobre 2021 (CJUE, arrêt du 21 octobre 2021, C-845/19 et C-863/19), elle a dit pour droit, notamment, que l'article 8, §§ 1, 7 et 9, de la directive 2014/42/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014, lu en combinaison avec l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une réglementation nationale qui permet la confiscation, au profit de l'État, d'un bien dont il est allégué qu'il appartient à une personne différente de l'auteur de l'infraction pénale, sans que cette personne ait la faculté de se constituer partie à la procédure de confiscation.
16. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les personnes dont le titre est connu ou qui ont réclamé cette qualité au cours de la procédure sont recevables à interjeter appel ou à former un pourvoi en cassation contre la décision ordonnant la confiscation d'un bien leur appartenant.
17. En conséquence, il convient de déclarer recevables les pourvois formés par les sociétés [5], [10] et [4], l'[6] et l'[7].
Examen des moyens
Sur les premier, troisième, quatrième, cinquième, sixième et septième moyens proposés pour Mme [P] et le moyen proposé pour la société [8]
18. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission des pourvois au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le deuxième moyen proposé pour Mme [P]
Enoncé du moyen
19. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré Mme [P] coupable du délit d'aide au séjour irrégulier d'un étranger en France, alors :
« 1°/ que le délit d'aide au séjour irrégulier exige, à titre de condition préalable, que la personne étrangère se trouve en situation irrégulière sur le sol français ; qu'il s'ensuit que ce délit ne peut être constitué lorsque la personne étrangère séjourne régulièrement sur le territoire français au moment où l'aide lui est apportée ; que, dès lors, en retenant que la prévenue s'est rendue coupable de ce délit en fournissant, en connaissance de cause, de faux documents à des étudiants étrangers en situation régulière afin de leur permettre d'obtenir le renouvellement de leur titre de séjour qui venait à expiration, la cour d'appel a violé l'article L. 622-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction en vigueur à l'époque des faits, devenu l'article L.823-1 du même code ;
2°/ que le délit d'aide au séjour irrégulier exige, pour être caractérisé, que l'auteur des faits ait connaissance de l'irrégularité de la situation de la personne étrangère au moment où il lui apporte de l'aide ; que, dès lors, en entrant en voie de condamnation, sans constater que la prévenue, qui soutenait que les étudiants étrangers avaient justifié, lors leur inscription, être titulaires d'un titre de séjour en cours de validité, avait connaissance de l'irrégularité de leur situation au moment de la remise des documents litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 622-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction en vigueur à l'époque des faits, devenu l'article L. 823-1 du même code. »
Réponse de la Cour
20. Pour déclarer Mme [P] coupable du délit d'aide au séjour irrégulier, l'arrêt attaqué relève que les investigations ont permis d'établir qu'avant leur inscription, les étudiants avaient suivi une formation préalable dans d'autres établissements, étaient titulaires d'un titre de séjour en cours de validité et séjournaient régulièrement sur le territoire national, que la thèse de la défense selon laquelle l'article L. 622-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ne permettrait pas de poursuivre l'aide apportée à un étranger en situation régulière qui obtient le renouvellement de son titre de séjour grâce à de faux documents, vide les dispositions susvisées d'une partie de leur contenu et confond la notion d'entrée, qui n'est effective que lorsque l'étranger pénètre sur le territoire national et ne bénéficie donc à la date de son entrée d'aucun droit à un séjour, avec celle de séjour qui implique nécessairement une résidence continue sur le territoire national, l'article L. 622-1 visant ces deux situations sans poser comme condition exonératoire l'existence d'un séjour régulier antérieur, et qu'il en résulte que celui qui permet à un étranger de demeurer sur le territoire national, alors qu'il a connaissance de l'expiration de son titre de séjour régulier, et qui lui fournit, en toute connaissance de cause, des documents nécessaires pour lui permettre de bénéficier d'un titre de séjour qu'il n'obtiendrait pas sans ces faux documents, contrevient aux dispositions de l'article précité.
21. Ils retiennent que cette connaissance du caractère temporaire des titres de séjour remis lors de l'inscription et de la nécessité de donner aux étudiants de faux documents pour leur permettre de se maintenir sur le territoire, est établie par les pièces de la procédure qui démontrent, à l'exception de deux enseignements, le BTS MUC et le FLE, le caractère fictif des formations inventées dans le seul but de collecter des frais de scolarité en échange de certificats de scolarité et de relevés de notes de complaisance, l'absence de cours et le caractère simulé des examens résultant d'une stratégie délibérée de Mme [P] qui demandait des paiements en espèces pour dissimuler le chiffre d'affaires, ce dont il résulte que l'existence de ces formations factices ne peut avoir d'autre but que de procurer des faux documents utiles au renouvellement de titres de séjour.
22. Ils relèvent ensuite que la connaissance par Mme [P] de l'emploi des faux documents par les étudiants pour obtenir des titres de séjour est établie par les écoutes téléphoniques dans lesquelles ceux-ci expriment clairement la nécessité d'obtenir de tels documents à cette fin, l'école répondant à leurs demandes en les leur remettant pour faciliter leurs démarches administratives, que le caractère mensonger des inscriptions et leur utilisation à des fins frauduleuses sont démontrés par les tentatives de dissimulation de la prévenue qui, outre le fait qu'elle écourte les conversations téléphoniques et préfère une discussion de vive voix, gère seule l'inscription des élèves et la remise des notes qui échappe aux professeurs, à qui elle ne remet même pas les feuilles de présence, ce qui lui permet de maintenir la plus grande opacité et de piloter les résultats en fonction, non des mérites, mais de sa négociation avec chacun des étudiants, que le fait qu'à la date de remise des faux documents, les étudiants soient en situation régulière ne contrevient pas aux éléments constitutifs de l'infraction, caractérisée par la fourniture à cette seule fin auxdits étudiants des faux documents afin qu'ils renouvellent leur titre de séjour.
23. La cour d'appel retient qu'il est démontré qu'à la date de la remise des faux documents, la prévenue avait connaissance de l'expiration des titres de séjour des étudiants qui sollicitent des faux relevés de notes afin de pouvoir les fournir à la préfecture dans le but de renouveler leur titre de séjour et conclut qu'il n'y avait aucune ambiguïté pour elle sur le fait que ces documents étaient nécessaires à des étudiants qui, sans leur possession, verraient leur séjour sur le territoire français devenir irrégulier et qui les ont effectivement utilisés pour obtenir leur titre de séjour.
24. En prononçant ainsi, par des motifs relevant de son appréciation souveraine, desquels il résulte que la prévenue a fourni sciemment à des étudiants étrangers des faux documents que ceux-ci ont remis à l'appui d'un dossier de demande de renouvellement de titre de séjour aux fins d'obtenir indûment un nouveau titre leur permettant ainsi de séjourner irrégulièrement sur le territoire français, peu important que ces étudiants aient été en situation régulière au moment où l'aide a été fournie, la cour d'appel a justifié sa décision.
25. Dès lors, le moyen doit être écarté.
Sur le huitième moyen proposé pour Mme [P]
Enoncé du moyen
26. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné Mme [P] aux peines de trois ans d'emprisonnement avec sursis et de 100 000 euros d'amende et a prononcé la confiscation du bien immobilier appartenant à la société [8], alors :
« 1°/ qu'en matière correctionnelle, le juge qui prononce une peine doit motiver sa décision au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité et de la situation personnelle de son auteur, en se référant, dans sa décision, aux éléments qui résultent du dossier et à ceux qu'il a sollicités et recueillis lors des débats ;
qu'en l'espèce, pour condamner Mme [P] aux peines de trois ans d'emprisonnement avec sursis et de 100 000 euros d'amende et pour ordonner la confiscation du bien immobilier de la société [8] en tant qu'instrument de l'infraction, la cour d'appel s'est exclusivement fondée sur l'ampleur de la fraude, ses conséquences économiques, l'âge de la prévenue et l'arrêt des activités délictueuses ; qu'en prononçant ainsi, sans s'expliquer sur la personnalité de la prévenue et sur sa situation matérielle, familiale et sociale, alors que celle-ci était présente à l'audience et pouvait donc répondre à toute question permettant aux juges de s'informer sur sa situation personnelle, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 131-21, 132-1 et 132-20 du code pénal et 485-1 du code de procédure pénale ;
2°/ que le juge qui prononce une amende doit, en outre, motiver sa décision en tenant compte des ressources et des charges du prévenu, en se référant, dans sa décision, aux éléments qui résultent du dossier et à ceux qu'il a sollicités et recueillis lors des débats ; que, dès lors, en se fondant exclusivement, pour condamner Mme [P] au paiement d'une amende de 100 000 euros, sur le montant des gains prétendument réalisés grâce aux infractions dont elle a été déclarée coupable, sans s'expliquer sur le montant de ses charges, alors que celle-ci était présente à l'audience et pouvait donc répondre à toutes les questions des juges leur permettant d'évaluer sa situation financière, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 132-1 et 132-20 du code pénal et 485-1 du code de procédure pénale, ensemble l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention européenne des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
27. Pour condamner Mme [P] à trois ans d'emprisonnement avec sursis, 100 000 euros d'amende et ordonner des mesures de confiscation, l'arrêt attaqué relève, notamment, qu'il convient de confirmer la peine d'emprisonnement qui apparaît comme la réponse la plus adéquate et à même d'éviter tout risque de récidive, compte tenu de l'ampleur de la fraude, de ses conséquences économiques tant au titre de la taxe d'apprentissage que de l'aide au séjour irrégulier de dizaines de ressortissants chinois, pour l'essentiel, que cependant, en raison de l'âge de la prévenue, de l'arrêt des écoles, et notamment des cours fictifs, cette peine peut être entièrement assortie d'un sursis, l'équilibre de la sanction nécessitant de privilégier une sanction économique en augmentant les confiscations.
28. Les juges ajoutent, s'agissant de la peine d'amende, que Mme [P] a accumulé un patrimoine tout à fait conséquent, qu'outre l'escroquerie à la taxe d'apprentissage, dont le produit est égal à 429 000 euros, l'aide aux séjours irréguliers a généré au minimum un gain de 500 000 euros, que l'[6] a transféré sans aucun motif économique aux sociétés et à l'[7] la somme de 709 000 euros provenant, à hauteur de 429 000 euros, de la fraude à la taxe d'apprentissage, et à hauteur de 280 000 euros, du délit d'aide au séjour irrégulier, ces fonds ne pouvant avoir d'autre origine, tout comme la somme de 248 000 euros retrouvée dans le coffre de Mme [P] qui privilégiait un paiement en espèces, ce dont il résulte que le produit total des infractions imputables à Mme [P] est égal à 900 000 euros au minimum et qu'il y a lieu de confirmer la décision des premiers juges quant au prononcé d'une amende de 100 000 euros, compte tenu des gains réalisés.
29. Ils retiennent, s'agissant des peines de confiscation, que la sanction patrimoniale apparaît la plus adaptée dès lors que l'enrichissement constitue la finalité des délits et que deux biens immobiliers et les sommes détenues sur les comptes bancaires des sociétés et des écoles ont fait l'objet d'ordonnances de saisie pénale au profit de l'AGRASC.
30. Ils relèvent que si Mme [P] n'est effectivement actionnaire de la société [8] qu'à hauteur de 13 %, elle en a la libre disposition dès lors que les locaux de cette société sont loués aux trois écoles dont Mme [P], gérante, détermine seule l'utilisation de l'actif social, sans aucun contrôle de la régularité des baux dont elle est à la fois le bailleur et le preneur, que Mme [P] gère la société [8] dans son seul intérêt, en lui permettant de percevoir 543 500 euros de loyers de l'[6] en l'absence de tout contrat de bail, et en admettant que l'[7] et le [2] ne règlent que partiellement les loyers dus, ce qui démontre que les paiements par les écoles correspondent au reversement des sommes captées par les fraudes, que Mme [P] utilise l'argent de la société [8] pour ses besoins personnels en versant, sans contrepartie, les fonds de celle-ci aux autres sociétés qui lui appartiennent exclusivement, que la société [8] lui a également versé la somme de 341 000 euros alors qu'elle ne détient que 13 % des parts et qu'il n'est ni soutenu ni démontré que ce versement en sa faveur correspondrait à une distribution de dividendes et que cette société apparaît donc comme l'outil de transfert des fonds collectés par la fraude reversés directement ou indirectement par les trois sociétés à la prévenue qui en a donc la libre disposition.
31. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision sans méconnaître les textes visés au moyen.
32. Dès lors, le moyen ne peut qu'être écarté.
Sur le neuvième moyen proposé pour Mme [P]
Enoncé du moyen
33. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné la confiscation des fonds inscrits au crédit des deux contrats d'assurance-vie dont Mme [P] est titulaire et des sommes inscrites au crédit des comptes détenus par les sociétés [5], [10], [4], l'[7] et l'[6], alors :
« 1°/ que l'affaire est dévolue à la cour d'appel dans la limite fixée par l'acte d'appel et par la qualité de l'appelant ; qu'en ordonnant la confiscation des sommes inscrites sur les comptes bancaires des sociétés [5], [10], [4] et de l'[7], lorsque le tribunal correctionnel avait ordonné la restitution de ces fonds à ces sociétés et que le ministère public a interjeté appel incident contre Mme [P], la cour d'appel a violé les articles 500, 502, 509 et 515 du code de procédure pénale ;
2°/ que les juges qui prononcent la confiscation d'un bien en tant que produit direct ou indirect de l'infraction doivent établir l'origine frauduleuse de ce bien ; qu'en se bornant à énoncer, pour confirmer la confiscation des deux contrats d'assurance-vie pour des montants respectifs de 398 735 euros et de 116 047 euros, soit un montant total de 514 782 euros, que ces fonds sont « le produit direct de la fraude », sans mieux s'expliquer sur leur origine, alors que la prévenue soutenait qu'il ressortait du rapport d'expertise-comptable versé aux débats que « les apports financiers sur ces assurances ont principalement été réalisés en 2010 » et que ce rapport indique que les apports initiaux effectués en juin 2010 s'élèvent à 400 000 euros, ce dont il se déduisait qu'à hauteur de ce montant, les sommes inscrites sur ces assurances vie ne pouvaient provenir ni du délit d'aide au séjour irrégulier poursuivi commis « courant 2012 et 2013 », ni intégralement du délit l'escroquerie poursuivie, évalué par les juges d'appel à la somme totale de 429 313 euros pour une période comprise « entre courant 2010 et le 11 juin 2013 », la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 1er du Protocole n° 1 à la Convention européenne des droits de l'homme, 131-21, 132-1 du code pénal, 485, 485-1, 512, 593 du code de procédure pénale ;
3°/ que les juges qui prononcent la confiscation d'un bien en tant que produit direct ou indirect de l'infraction doivent établir l'origine frauduleuse de ce bien ; qu'en l'espèce, pour infirmer la restitution des sommes saisies sur les comptes des sociétés [5], [10] et [4] et en ordonner la confiscation, la cour d'appel a énoncé que ces sommes étaient « également le produit de la fraude, puisque les sommes reçues sont supérieures aux sommes confisquées
(38 774,39 euros confisqués pour la SCI [5] qui a reçu 86 000 euros, 2 949,17 euros contre 45 000 euros pour la société [10] et 16 923,14 euros pour la SCI [4] qui a reçu 240 000 euros de la SCI [8] » ; qu'en l'état de ces motifs qui n'établissent pas que les sommes confisquées proviennent des délits dont la prévenue a été déclarée coupable, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 1er du Protocole n° 1 à la Convention européenne des droits de l'homme, 131-21, 132-1 du code pénal, 485, 485-1, 512, 593 du code de procédure pénale ;
4°/ qu'enfin, il incombe au juge qui décide de confisquer un bien, après s'être assuré de son caractère confiscable en application des conditions légales, de préciser la nature et l'origine de ce bien ainsi que le fondement de la mesure et, le cas échéant, de s'expliquer sur la nécessité et la proportionnalité de l'atteinte portée au droit de propriété du prévenu ; qu'en se bornant à affirmer, pour confirmer la confiscation de la somme de 8 593,27 euros inscrite au crédit d'un compte bancaire dont l'[7] est titulaire, que cette somme est « le support du délit d'aide au séjour irrégulier », sans mieux s'expliquer sur le fondement de cette mesure de confiscation et sur l'origine de ces fonds, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 1er du Protocole n° 1 à la Convention européenne des droits de l'homme, 131-21, 132-1 du code pénal, 485, 485-1, 512, 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Sur le moyen, pris en sa première branche
34. Il résulte des pièces de procédure, et plus précisément de l'acte d'appel du ministère public, que celui-ci a interjeté appel des dispositions pénales du jugement ayant condamné Mme [P] à trois ans d'emprisonnement dont dix-huit mois avec sursis, 100 000 euros d'amende et ayant ordonné, à titre de peine complémentaire, la confiscation de l'objet de l'infraction et celle du produit de l'infraction, l'acte précisant que l'appel est dirigé contre Mme [P].
35. La cour d'appel a infirmé le jugement en ce qu'il a ordonné la restitution des sommes saisies sur les comptes des trois sociétés, qui sont également le produit de la fraude.
36. En prononçant ainsi, et dès lors que l'acte d'appel du ministère public inclut nécessairement l'appel des peines prononcées à l'encontre de Mme [P], y compris dans les limitations qui y ont été apportées par les restitutions ordonnées par le jugement, la cour d'appel a justifié sa décision.
37. D'où il suit que le grief doit être écarté.
Mais sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Vu l'article 593 du code de procédure pénale :
38. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
39. Pour ordonner la confiscation des deux contrats d'assurance-vie dont la prévenue est titulaire pour des montants respectifs de 398 735 euros et de 116 047 euros, l'arrêt énonce que le produit des délits a été estimé à 900 000 euros et qu'il a été mouvementé sur les comptes des sociétés et sur ceux de l'[6] et de l'[7] et au final sur les comptes de la prévenue, ces sommes étant directement confiscables sur ce fondement.
40. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la demanderesse qui faisait valoir que les sommes figurant sur ces contrats avaient été versées en 2010, soit antérieurement à la date des faits, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.
41. La cassation est, par conséquent, encourue de ce chef.
Et sur les premier et second moyens proposés pour les sociétés [5], [10] et [4], l'[6] et l'[7]
Enoncé des moyens
42. Le premier moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a prononcé la confiscation du solde de la somme de 108 163,36 euros sur le compte bancaire et le livret A de l'[6] ouverts à la [1], de la somme de 38 774,39 euros saisie sur le compte bancaire de la société [5] ouvert à la [13], de la somme de 12 949,12 euros saisie sur le compte bancaire de la société [10] ouvert à la [13], de la somme de 16 923,14 euros saisie sur le compte bancaire de la société [4] ouvert à la [13] et de la somme de 8 593,27 euros saisie sur le compte bancaire de l'[7] ouvert au [3], alors :
« 1°/ que les personnes dont les biens sont menacés de confiscation doivent se voir conférer le statut de partie au procès dans le cadre duquel la confiscation peut être ordonnée ; qu'en prononçant la confiscation de sommes d'argent appartenant à l'[6], aux sociétés [5], [10], [4] et à l'[7] en tant que produit des infractions dont elle déclarait Mme [P] coupable, lorsque ces sociétés, qui n'ont pas été citées à comparaître et ne sont pas intervenues volontairement à l'instance, n'ont pas été mises en mesure de faire valoir leurs observations et de contester effectivement cette peine affectant leur droit de propriété, la cour d'appel a violé les articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme et 1er du premier Protocole additionnel à cette Convention, ensemble l'article préliminaire du code de procédure pénale ;
2°/ qu'il résulte des articles 4 et 5 de la décision-cadre 2005/212 du 24 février 2005, et 8 de la directive 2014/42/UE du 3 avril 2014, lus à la lumière des considérants 33 et 38 de cette directive et des articles 17 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, que le tiers propriétaire du bien dont la confiscation est envisagée doit se voir offrir la possibilité de présenter ses observations sur la mesure de confiscation affectant son droit de propriété et disposer d'une voie de recours effective à l'encontre de celle-ci ; que, dès lors, en prononçant la confiscation de sommes d'argent appartenant à l'[6], aux sociétés [5], [10], [4] et à l'[7] en tant que produit des infractions dont elle déclarait Mme [P] coupable, lorsque ces sociétés, qui n'ont pas été citées à comparaître et ne sont pas intervenues volontairement à l'instance, n'ont pas été mises en mesure de faire valoir leurs observations et de contester effectivement cette peine affectant leur droit de propriété, la cour d'appel a violé les textes susvisés, ensemble le principe de primauté du droit de l'Union européenne ;
3°/ qu'enfin, conformément à l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne tel qu'interprété par la Cour de justice de l'Union européenne, en cas de doute sur l'interprétation des articles 4 et 5 de la décision-cadre 2005/212 du 24 février 2005, et 8 de la directive 2014/42/UE du 3 avril 2014, il appartiendra à la Cour de cassation de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle qui pourrait être ainsi rédigée : « les articles 4 et 5 de la décision-cadre 2005/212 du 24 février 2005, et 8 de la directive 2014/42/UE du 3 avril 2014, lus à la lumière des considérants 33 et 38 de cette directive et des articles 17 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, doivent-ils être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation nationale qui autorise les juridictions répressives internes à prononcer une peine de confiscation portant sur un bien dont le condamné a la libre disposition, sans avoir préalablement recueilli les observations du tiers propriétaire de ce bien ? ». »
43. Le second moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a prononcé la confiscation du solde de la somme de 108 163,36 euros sur le compte bancaire et le livret A de l'[6] ouverts à la [1], de la somme de 38 774,39 euros saisie sur le compte bancaire de la société [5] ouvert à la [13], de la somme de 12 949,12 euros saisie sur le compte bancaire de la société [10] ouvert à la [13], de la somme de 16 923,14 euros saisie sur le compte bancaire de la société [4] ouvert à la [13] et de la somme de 8 593,27 euros saisie sur le compte bancaire de l'[7] ouvert au [3], alors « que les droits du propriétaire de bonne foi doivent être réservés, même lorsque le bien constitue le produit direct ou indirect de l'infraction ; qu'en prononçant la confiscation de sommes inscrites au crédit des comptes bancaires détenus par l'[6], les sociétés [5], [10], [4] et l'IBSCP en tant que produit des infractions dont elle déclarait Mme [P] coupable, sans constater la mauvaise foi de ces sociétés, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 131-21, alinéa 3, du code pénal et de l'article 6, § 2, de la directive 2014/42/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014. »
Réponse de la Cour
44. Les moyens sont réunis.
Vu les articles 6, § 1, et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1er du premier Protocole additionnel à ladite Convention et 131-21 du code pénal dans sa rédaction issue de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021, applicable à compter du 31 décembre 2021 :
45. Il résulte des deux premiers de ces textes que toute personne dont le titre est connu ou qui a revendiqué cette qualité pendant la procédure a droit à ce que sa cause soit entendue par une juridiction ordonnant la confiscation d'un bien dont elle est propriétaire ou dont elle revendique la propriété.
46. Il résulte du quatrième de ces textes que lorsque la peine de confiscation porte sur des biens sur lesquels toute personne autre que le condamné dispose d'un droit de propriété, elle ne peut être prononcée si cette personne dont le titre est connu ou qui a réclamé cette qualité au cours de la procédure n'a pas été mise en mesure de présenter ses observations sur la mesure de confiscation envisagée par la juridiction de jugement aux fins, notamment, de faire valoir le droit qu'elle revendique et sa bonne foi.
47. Pour tenir compte des décisions rendues tant par la Cour européenne des droits de l'homme que par la Cour de justice de l'Union européenne rappelées aux paragraphes 14 et 15 du présent arrêt, outre le droit à exercer un recours contre la décision de confiscation consacré au paragraphe 16 de ce même arrêt, la personne propriétaire du bien dont la confiscation est envisagée, dont le titre est connu ou qui a réclamé cette qualité au cours de la procédure et qui est convoquée conformément aux dispositions de l'article 131-21 susvisées, bénéficie des droits suivants.
48. D'une part, si l'article D. 45-2-1 du code de procédure pénale, qui complète l'article 131-21 du code pénal, prévoit que la personne concernée a le droit de présenter elle-même ou par un avocat ses observations à l'audience, il résulte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme et de la Cour de justice de l'Union européenne qu'elle a le droit également de bénéficier de l'assistance d'un avocat tout au long de la procédure, en première instance comme en appel ou en cassation.
49. D'autre part, la juridiction correctionnelle qui statue sur la mesure de confiscation est tenue de s'assurer que lui ont été communiqués en temps utile outre les procès-verbaux de saisie, en cas de saisie spéciale, les réquisitions aux fins de saisie, l'ordonnance et les pièces précisément identifiées de la procédure sur lesquelles elle se fonde dans ses motifs décisoires.
50. Pour ordonner la confiscation des comptes bancaires des sociétés [5], [4] et [10] et de l'[6] et de l'[7], l'arrêt attaqué prononce par les motifs repris aux paragraphes 29 et 30 du présent arrêt.
51. Toutefois, la peine de confiscation ordonnée à l'encontre des biens dont sont propriétaires les sociétés [5], [4] et [10] et l'[6] et l'[7] a été prononcée sans que les demandeurs, ainsi que l'exige le dernier alinéa de l'article 131-21 du code pénal, issu de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021, applicable au 31 décembre 2021, aient été mis en mesure de présenter leurs observations sur la mesure de confiscation envisagée par la juridiction de jugement aux fins, notamment, de faire valoir le droit qu'ils revendiquent et leur bonne foi.
52. Si la cour d'appel n'encourt aucune censure pour avoir statué comme elle l'a fait au jour de sa décision, aucune disposition ne lui imposant d'entendre les observations des propriétaires des biens dont elle a ordonné la confiscation, l'arrêt attaqué doit cependant être annulé afin qu'il soit prononcé sur la peine de confiscation portant sur des biens dont sont propriétaires les sociétés [5], [4] et [10], l'[6] et l'[7] au regard des nouvelles dispositions de l'article 131-21 du code pénal, dans les conditions énoncées aux paragraphes 47 à 49 ci-dessus.
53. L'annulation est par conséquent encourue.
Portée et conséquence de la cassation
54. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives aux peines prononcées à l'encontre de Mme [P], les dispositions sur la culpabilité sont définitives.




Crim. 6 septembre 2022 n° 21-86.085

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° E 21-86.085 F-D
N° 01028

ODVS 6 SEPTEMBRE 2022

REJET

Mme INGALL-MONTAGNIER conseiller le plus ancien faisant fonction de président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 6 SEPTEMBRE 2022


La société [2] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-13, en date du 6 octobre 2021, qui, pour blessures involontaires ayant entraîné une incapacité inférieure à trois mois, l'a condamnée à 30 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Goanvic, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société [2], et les conclusions de M. Lesclous, avocat général, après débats en l'audience publique du 21 juin 2022 où étaient présents Mme Ingall-Montagnier, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Goanvic, conseiller rapporteur, M. Samuel, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Pour un chantier de construction, la société [2] a fourni à la société [1] une pelleteuse et son conducteur, M. [O] [V] [C].
3. Un salarié de la société [1] a été blessé par la chute d'un panneau en métal qui s'est détaché de la pelleteuse.
4. Les sociétés [2] et [1] ont été renvoyées devant le tribunal correctionnel du chef de blessures involontaires ayant entraîné une incapacité inférieure à trois mois causées par la violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité ou de prudence.
5. Les juges du premier degré les ont déclarées coupables de ce chef.
6. Les prévenues et le ministère public ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
7. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré sur l'action publique, a confirmé en toutes ses dispositions le jugement déféré qui a déclaré la société [2] coupable du chef de blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail inférieure ou égale à trois mois par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, alors :
« 1°/ que l'article 222-20 du code pénal exige, pour recevoir application, que soit constatée l'existence certaine d'un lien de causalité entre la faute du prévenu et le dommage ; qu'en retenant que, dès lors que l'accident ne résultait pas d'un dysfonctionnement de l'appareil de levage, il devait être considéré que le défaut d'organisation, de surveillance et de mise en oeuvre des mesures de sécurité sur le chantier ou en amont, de contrôle des qualifications avaient contribué à la situation dangereuse ayant rendu possible l'accident, et en ajoutant qu'il suffisait qu'une faute soit démontrée en relation avec ces manquements pour que le lien de causalité soit établi, la cour d'appel n'a pas identifié la ou les causes certaines de l'accident et n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 222-20 du code pénal ;
2°/ que dans des conclusions régulièrement déposées, la société [2] a fait valoir qu'il appartenait à la cour d'appel de vérifier si le prétendu défaut d'autorisation de conduite était, de manière certaine, uni par un lien de causalité avec le dommage ; qu'en se contentant de retenir qu' « il apparaissait ainsi que le défaut d'organisation, de surveillance et de mise en oeuvre des mesures de sécurité sur le chantier ou en amont, de contrôle des qualifications avaient contribué à la situation dangereuse ayant rendu possible l'accident » sans relever aucune erreur de conduite imputable à M. [V] [C] et, a fortiori, sans s'expliquer sur le lien de causalité existant entre les manquements spécifiquement reprochés à la société [2], s'agissant du contrôle des qualifications de M. [V] [C] en matière de conduite, et le dommage, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard de l'article susvisé ;
3°/ que dans des conclusions régulièrement déposées, la société [2] a fait valoir que la transmission des factures correspondant aux accessoires de levage ne permettait pas d'exclure que la défaillance d'un accessoire de levage ait été à l'origine de l'accident dans la mesure où, d'une part, les accessoires de levage avaient été remplacés par d'autres lors de la venue de l'inspecteur du travail le lendemain, d'où des constatations divergentes entre les services de police et l'inspection du travail et, d'autre part, la société [1] avait « elle-même indiqué, avant de transmettre ces factures, qu'il n'avait pas été possible d'identifier leurs numéros de série en raison de l'usure » ; qu'en se contentant d'écarter « l'hypothèse d'un dysfonctionnement de l'accessoire de levage » au seul motif que « la société [1] avait fait parvenir au magistrat instructeur les justificatifs des opérations de vérification des chaînes et élingues (courriers et factures du 20 janvier 2017) », sans s'expliquer sur les divergences de constatations des services de police et de l'inspection du travail et sur les déclarations de la société [1] s'agissant de l'usure du matériel, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision et a violé l'article 593 du code de procédure pénale ;
4°/ que dans des conclusions régulièrement déposées, la société [2] a fait valoir que les accessoires de levage avaient été mal fixés, non par M. [V] [C], mais par un salarié de la société [1], comme cela ressortait d'un certain nombre de témoignages ; qu'en se contentant de retenir qu' « il apparaissait ainsi que le défaut d'organisation, de surveillance et de mise en oeuvre des mesures de sécurité sur le chantier ou en amont, de contrôle des qualifications avaient contribué à la situation dangereuse ayant rendu possible l'accident », sans s'expliquer sur les témoignages en cause, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision et a violé l'article 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
9. Pour confirmer le jugement, l'arrêt attaqué énonce, par motifs propres et adoptés, que l'accident peut avoir une pluralité d'auteurs et qu'il s'est produit lors du déplacement, à l'aide du godet de la pelleteuse, d'un panneau de coffrage en métal d'un mètre carré pesant soixante kilos qui s'est décroché de la clavette d'une élingue fixée au crochet de la pelleteuse et a heurté la tête de la victime qui se trouvait dans une tranchée à proximité.
10. Les juges ajoutent que, selon le dirigeant de la société [2], le conducteur devait vérifier qu'aucun intervenant ne se trouvait à proximité de l'engin.
12. Ils retiennent qu'en application de l'article L. 1251-21 du code du travail, la société [2] devait délivrer à M. [O] [C], salarié intérimaire mis à sa disposition, une autorisation de conduite en opérant notamment un contrôle de ses connaissances et de son savoir-faire pour la conduite en sécurité de l'équipement de travail, qui correspond à la formation type CACES (certificat d'aptitude à la conduite en sécurité).
13. Ils retiennent qu'aucune autorisation de conduite n'a pourtant été délivrée et que le gérant de la société a reconnu que, compte-tenu des besoins en main-d'oeuvre et de l'opportunité d'un marché avec la société [1], il avait recruté M. [O] [C] en intérim sans faire de vérification particulière et sans lui assurer de formation.
14. Ils en concluent que la société [2] a délibérément violé ses obligations légales et pris le risque de l'accident, et que ces fautes ont un lien certain avec le dommage qu'elles ont indirectement causé.
15. En prononçant ainsi, par des énonciations relevant de son pouvoir souverain d'appréciation, qui répondent à l'ensemble des chefs péremptoires des conclusions et caractérisent l'existence d'un lien de causalité suffisant entre les fautes et le dommage, la cour d'appel, a justifié sa décision.
18. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.






Civ.2 31 août 2022 n° 20-17.213

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 31 août 2022



Cassation

M. PIREYRE, président


Arrêt n° 1013 F-D
Pourvoi n° Y 20-17.213

Aide juridictionnelle totale en défense au profit de Mme [H]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 31 mars 2021.




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 31 AOÛT 2022

Le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Y 20-17.213 contre l'arrêt rendu le 16 janvier 2020 par la cour d'appel de Papeete (chambre civile), dans le litige l'opposant à Mme [M] [H], domiciliée [Adresse 3], défenderesse à la cassation.
Mme [H] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bouvier, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, de Me Bouthors, avocat de Mme [H], et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 juillet 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Bouvier, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Papeete, 16 janvier 2020), Mme [H], victime de violences volontaires commises par M. [V], a saisi le président d'une commission d'indemnisation des victimes d'infractions (la CIVI) d'une demande d'indemnisation, à titre provisionnel, de son préjudice.
2. Par ordonnance du 11 mars 2019, le président de la CIVI a limité de moitié, au regard de son comportement fautif, le droit à indemnisation de Mme [H] tout en lui allouant une provision.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi principal formé par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions
Enoncé du moyen
3. Le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions fait grief à l'ordonnance de juger que le comportement fautif de Mme [H] au moment des faits devait limiter de moitié seulement son droit à indemnisation, alors « que seule la commission d'indemnisation des victimes d'infraction, et non son président, est compétente pour apprécier l'existence et l'étendue du droit à indemnisation de la victime ; qu'en confirmant l'ordonnance du président de la CIVI du tribunal de première instance de Papeete en ce qu'elle avait jugé que le comportement fautif de Mme [H] au moment des faits devait limiter de moitié seulement son droit à indemnisation, cependant que, que saisie de l'appel d'une ordonnance du président de la CIVI, elle ne pouvait sans excéder ses pouvoirs se substituer à celle-ci pour se prononcer sur ce point, la cour d'appel a violé les articles 706-3, 706-5 et 706-6 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 706-3 et 706-6 du code de procédure pénale :
4. Selon le premier de ces textes, la réparation, sous certaines conditions, du préjudice subi par une personne résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d'une infraction peut être refusée ou son montant réduit à raison de la faute de cette victime.
5. Il résulte du second que le président de la commission peut accorder, en l'absence de contestation sérieuse, une ou plusieurs provisions en tout état de la procédure.
6. Pour accorder à Mme [H] une certaine somme à titre provisionnel, l'arrêt, ayant relevé que le premier juge avait fait une juste appréciation des faits en retenant un partage égalitaire de responsabilité, en déduit qu'au regard du comportement de la victime, au moment des faits, son droit à indemnisation sera limité de moitié.
7. En statuant ainsi, alors que saisie de l'appel d'une ordonnance du président de la CIVI, elle ne pouvait, sans excéder ses pouvoirs, se substituer à celle-ci pour dire si la faute de la victime était de nature à exclure ou seulement limiter son droit à indemnisation, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Sur le moyen du pourvoi incident formé par Mme [H]
Enoncé du moyen
8. Mme [H] fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance du président de la CIVI ayant jugé que le comportement de la victime au moment des faits était fautif et conduisait à limiter de moitié son droit à indemnisation, alors « que pour limiter l'indemnisation prévue aux articles 706-3 et suivants du code de procédure pénale, le fait fautif de la victime doit être en relation directe de causalité avec son dommage ; qu'en l'état des conclusions très circonstanciées de la requérante démontrant que l'auteur des violences sur sa personne n'étaient nullement concerné par l'incident ayant précédemment opposé Mme [H] aux consorts [Z], lesquels n'avaient aucun lien avec M. [V], auteur des violences, lui-même défavorablement connu des services, qui sur le parcours de la voiture de l'exposante s'était gratuitement saisi d'une grosse pierre qu'il a lancée sur la voiture blessant grièvement l'exposante, la cour, en se déterminant comme elle l'a fait, n'a pas caractérisé le lien de causalité entre la faute qu'elle a retenue à l'encontre de la victime et le dommage de cette dernière, privant ainsi son arrêt de toute base légale au regard des articles 706-3, 706-5 et 706-6 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
9. La cassation prononcée sur le fondement du pourvoi principal rend sans objet le moyen du pourvoi incident.




Crim. 24 août 2022 n° 22-83.618

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° U 22-83.618 F-D
N° 01165

RB5 24 AOÛT 2022

REJET

Mme INGALL-MONTAGNIER conseiller le plus ancien faisant fonction de président,




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 24 AOÛT 2022


M. [U] [J] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 1er juin 2022, qui, infirmant, sur le seul appel de la partie civile, l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction, l'a renvoyé devant le tribunal correctionnel sous la prévention d'agression sexuelle aggravée.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Seys, conseiller, les observations de la SCP Krivine et Viaud, avocat de M. [U] [J], et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 août 2022 où étaient présents Mme Ingall-Montagnier, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Seys, conseiller rapporteur, M. d'Huy, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 6 décembre 2008, les parents de [D] [L], mineure de quinze ans, ont dénoncé les agressions sexuelles infligées à leur fille par un membre de la famille, M. [U] [J].
3. Après un classement sans suite, ils ont porté plainte et se sont constitués partie civile le 30 novembre 2010.
4. Une information judiciaire a été ouverte, clôturée par une première ordonnance de non-lieu du 27 mars 2017.
5. Par arrêt du 5 juillet 2017, la chambre de l'instruction a infirmé l'ordonnance et ordonné la poursuite de l'information.
6. À l'issue d'un interrogatoire de première comparution du 1er mars 2019, M. [J] a été placé sous le statut de témoin assisté du chef susvisé.
7. Une seconde ordonnance de non-lieu a été rendue le 26 mai 2020.
8. La chambre de l'instruction, par arrêt du 21 octobre 2020, a infirmé la décision contestée et ordonné un supplément d'information, dont elle a délégué l'exécution à un juge d'instruction, aux fins notamment de mise en examen de M. [J], laquelle a été réalisée par interrogatoire du 22 avril 2021.
9. L'arrêt de dépôt a été rendu le 24 janvier 2022.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses troisième et cinquième à septième branches, et sur les deuxième et troisième moyens
10. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième et quatrième branches
Enoncé du moyen
11. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit qu'il existe des charges suffisantes contre M. [J] d'avoir, courant février 2008, commis une atteinte sexuelle avec violence, menace, contrainte ou surprise sur [D] [L], en lui imposant des attouchements sur le sexe et la poitrine ainsi qu'en posant la main de la jeune fille sur son propre sexe, avec cette circonstance que les faits ont été commis sur une mineure de quinze ans comme étant née le [Date naissance 1] 1996 et par personne ayant autorité sur la victime, étant l'époux de la tante maternelle de la victime à laquelle il donnait des leçons scolaires, et renvoyé l'affaire devant le tribunal correctionnel de Marseille pour y être jugée conformément à la loi, alors :
« 1°/ que la chambre de l'instruction qui, saisie de l'appel d'une ordonnance de non-lieu, infirme cette ordonnance, évoque et ordonne un supplément d'information aux fins de mise en examen, doit statuer sur les moyens de nullité de la mise en examen soulevés par l'intéressé, seule la requête en nullité fondée sur l'absence d'indices graves ou concordants étant irrecevable ; qu'en énonçant, sur la régularité de la procédure, qu'elle n'avait pas compétence pour apprécier la régularité des actes d'information supplémentaires qu'elle avait elle-même ordonnés et qui ont été ainsi réalisés, et que la nullité éventuelle de ces actes ne pourrait être prononcée que par la chambre criminelle de la Cour de cassation (arrêt p. 9), la chambre de l'instruction a méconnu son office et a violé les articles 201, 204, 205, 206 du code de procédure pénale, et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
2°/ que la chambre de l'instruction qui, saisie de l'appel d'une ordonnance de non-lieu, infirme cette ordonnance, évoque et ordonne un supplément d'information aux fins de mise en examen, doit statuer sur les moyens de nullité de la mise en examen soulevés par l'intéressé, seule la requête en nullité fondée sur l'absence d'indices graves ou concordants étant irrecevable ; que le juge d'instruction informe la personne dont la mise en examen est envisagée de son droit de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire avant de procéder à son interrogatoire ; que la méconnaissance de cette formalité fait nécessairement grief à l'intéressé lorsqu'il a fait des déclarations au magistrat instructeur ; qu'en se déclarant incompétente pour statuer sur la régularité de la mise en examen dont la nullité éventuelle ne pourrait, selon elle, être prononcée que par la chambre criminelle de la Cour de cassation (arrêt p. 9), quand elle a elle-même constaté que lors de la mise en examen, le juge d'instruction n'avait pas informé l'intéressé de son droit de faire des déclarations, de répondre aux questions ou de se taire en méconnaissance de l'article 116 du code de procédure pénale et que M. [J] avait répondu aux questions posées et en se bornant à retenir qu'elle ne se référerait pas à ces déclarations pour fonder sa décision sur l'appréciation de charges suffisantes (arrêt p. 10), la chambre de l'instruction a violé les articles 116, 201, 204, 205, 206, 802 du code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
4°/ que le juge d'instruction ne peut informer qu'en vertu d'un réquisitoire du procureur de la République ; qu'il ne peut régulièrement mettre en examen une personne pour des faits dont il n'est pas saisi ; que dans son mémoire devant la chambre de l'instruction, M. [J] a fait valoir la nullité de sa mise en examen pour dépassement de la saisine in rem (mémoire déposé par Me [M] p. 2 et mémoire déposé par Me [X] p. 4) ; que doit être annulée, pour violation de l'article 80 du code de procédure pénale, la mise en examen de M. [J] pour avoir à Marseille et « jusqu'au 25 février 2011 » commis une atteinte sexuelle par violence sur Mademoiselle [D] [L], mineur de moins de quinze ans, née le [Date naissance 1] 1996 cependant que la partie civile a, dans sa plainte avec constitution de partie civile, daté les faits en février 2008 et que le réquisitoire introductif du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Marseille en date du 25 février 2011 a visé des faits d'agression sexuelle commis en 2008. »
Réponse de la Cour
12. Pour écarter les griefs de nullité de la mise en examen de M. [J], l'arrêt attaqué énonce que si le juge délégué par la chambre de l'instruction n'a pas informé l'intéressé de son droit de se taire au moment de sa mise en examen, il en résulte une omission dont seule la Cour de cassation peut apprécier les conséquences, la chambre de l'instruction étant alors seulement tenue de ne pas se référer aux déclarations ainsi recueillies.
13.Les juges indiquent par ailleurs que lorsque la chambre de l'instruction infirme une ordonnance du juge d'instruction, évoque et procède à un supplément d'information réalisé par un juge d'instruction qu'elle a délégué à cette fin, elle n'est pas compétente pour apprécier la régularité des actes supplémentaires d'information qu'elle a elle-même ordonnés et dont la nullité éventuelle ne peut être prononcée que par la Cour de cassation.
14. C'est à tort que la chambre de l'instruction a ainsi statué.
15. L'arrêt n'encourt cependant pas la censure.
16. En effet, d'une part, la notification du droit de se taire, faite à M. [J], témoin assisté, lors de son interrogatoire de première comparution le 1er mars 2019, n'avait pas à être renouvelée à l'occasion de sa mise en examen le 22 avril 2021.
17. D'autre part, l'intéressé, qui a pu discuter les éléments à charge et à décharge devant la chambre de l'instruction, a bien été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour des faits qui lui ont été notifiés lors de son interrogatoire de première comparution, inclus dans la saisine du magistrat instructeur comme de la chambre de l'instruction.
18. Ainsi, le moyen doit être écarté.
19. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.




Crim. 27 juillet 2022 n° 22-83.100

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° F 22-83.100 F-D
N° 01126



27 JUILLET 2022
ECF




NON LIEU À RENVOI






M. DE LAROSIÈRE DE CHAMPFEU conseiller le plus ancien faisant fonction de président,




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 27 JUILLET 2022

M. [E] [N] a présenté, par mémoire spécial reçu le 11 mai 2022, une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi formé par lui contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 4e section, en date du 22 avril 2022, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef d'agression sexuelle aggravée, a rejeté sa demande de mise en liberté.
Les observations complémentaires parvenues au greffe de la Cour de cassation le 18 juillet 2022, après le dépôt du rapport du conseiller commis, enregistré le 11 juillet 2022, sont irrecevables en application de l'article 590 du code de procédure pénale.
Sur le rapport de M. Laurent, conseiller, et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 27 juillet 2022 où étaient présents M. de Larosière de Champfeu, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Laurent, conseiller rapporteur, Mme Sudre, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi formulée :
« L'article 179, alinéa 4, du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016, méconnaît-il les dispositions de l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, garantissant le respect de la présomption d'innocence, et de l'alinéa 1er du Préambule de la Constitution de 1946, réaffirmant les droits et libertés consacrés par ladite Déclaration, dès lors qu'en fixant le point de départ du délai de comparution du prévenu maintenu en détention à la date à laquelle la décision le renvoyant devant le tribunal correctionnel est devenue définitive, la disposition contestée permet la détention provisoire, pour une durée illimitée, d'une personne n'ayant fait l'objet d'aucune déclaration de culpabilité ? »
2. La disposition législative contestée est applicable à la procédure et n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.
3. La question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.
4. La question posée ne présente pas un caractère sérieux, pour les raisons qui suivent.
5. D'une part, le juge d'instruction ne peut, au terme de l'information judiciaire, ordonner le maintien en détention de la personne renvoyée devant le tribunal correctionnel que par une ordonnance distincte, susceptible d'appel et spécialement motivée par référence aux 2°, 4°, 5° et 6° de l'article 144 du code de procédure pénale. La durée de cette détention, limitée à deux mois, ne peut être prolongée qu'à titre exceptionnel, par une décision mentionnant les raisons faisant obstacle au jugement de l'affaire dans ce délai, pour une nouvelle durée de deux mois, qui ne peut elle-même être renouvelée qu'une seule fois.
6. D'autre part, si le délai de deux mois ne commence à courir qu'à compter de la date à laquelle la décision de renvoi devant le tribunal correctionnel est devenue définitive, il doit être statué sur l'appel de l'ordonnance du juge d'instruction puis sur le pourvoi formé contre l'arrêt rendu par la chambre de l'instruction dans les délais prévus par les articles 186-4, 574-1 et 194-1 du code de procédure pénale, dont la méconnaissance est sanctionnée par la mise en liberté d'office de la personne détenue.
7. Enfin, celle-ci peut, à tout moment, que son renvoi devant le tribunal correctionnel soit ou non devenu définitif, présenter une demande de mise en liberté, à laquelle il doit être répondu, par une décision motivée, dans le délai fixé par l'article 148-2 du code de procédure pénale.
8. Ces dispositions assurent ainsi le respect de la présomption d'innocence et du principe de prohibition de toute rigueur qui ne serait pas nécessaire, au sens de l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
9. Par conséquent il n'y a pas lieu de renvoyer la question au Conseil constitutionnel.




Crim. 27 juillet 2022 n° 22-84.049

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° N 22-84.049 F-D
N° 01120

ECF 27 JUILLET 2022

CASSATION

M. DE LAROSIÈRE DE CHAMPFEU conseiller le plus ancien faisant fonction de président,




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 27 JUILLET 2022


M. [C] [O] a formé un pourvoi contre l'arrêt n° 131 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 22 juin 2022, qui a autorisé sa remise aux autorités judiciaires allemandes, en exécution d'un mandat d'arrêt européen.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Labrousse, conseiller, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [C] [O], et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 27 juillet 2022 où étaient présents M. de Larosière de Champfeu, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Labrousse, conseiller rapporteur, Mme Sudre, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. [C] [O] a fait l'objet d'un mandat d'arrêt européen délivré le 20 avril 2022 par le tribunal cantonal de Bad Kreuznach aux fins de poursuites pour des faits qualifiés de vols aggravés en bande organisée et escroquerie informatique, commis entre le 24 février et le 19 juillet 2020.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
3. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné la remise de M. [O] aux autorités judiciaires allemandes en exécution du mandat d'arrêt européen 2022/1449, alors « que le procureur général doit déposer ses réquisitions au plus tard la veille de l'audience de la chambre de l'instruction devant laquelle la procédure est écrite ; qu'en l'état des mentions de l'arrêt, qui se limitent à faire état des réquisitions écrites du procureur général en date des 3 et 23 mai 2022 et 13 juin 2022 sans préciser que ces réquisitions ont été déposées au dossier, la chambre de l'instruction a violé les articles 194 et 197 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 194, alinéa 1er, et 197, alinéa 3, du code de procédure pénale :
4. Selon ces textes le procureur général doit déposer ses réquisitions au plus tard la veille de l'audience de la chambre de l'instruction devant laquelle la procédure est écrite.
5. Le ministère public étant une partie nécessaire au procès pénal, le respect de cette exigence s'impose à peine de nullité et sa méconnaissance peut être invoquée pour la première fois devant la Cour de cassation.
6. Si l'arrêt attaqué mentionne que le procureur général a été entendu en ses observations, il ne résulte cependant ni des énonciations de l'arrêt ni des pièces de la procédure que le procureur général ait déposé au greffe ses réquisitions écrites en date du 13 juin 2022.
7. La cassation est en conséquence encourue.




Crim. 27 juillet 2022 n° 22-84.050

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° P 22-84.050 F-D
N° 01121

ECF 27 JUILLET 2022

CASSATION

M. DE LAROSIÈRE DE CHAMPFEU conseiller le plus ancien faisant fonction de président,




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 27 JUILLET 2022


M. [Z] [J] a formé un pourvoi contre l'arrêt n° 130 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 22 juin 2022, qui a autorisé sa remise aux autorités judiciaires allemandes, en exécution d'un mandat d'arrêt européen.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Labrousse, conseiller, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [Z] [J], et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 27 juillet 2022 où étaient présents M. de Larosière de Champfeu, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Labrousse, conseiller rapporteur, Mme Sudre, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. [Z] [J] a fait l'objet d'un mandat d'arrêt européen délivré le 7 janvier 2022 par le tribunal cantonal de Trèves aux fins de poursuites pour des faits qualifiés de vol en bande organisée et escroquerie informatique commis le 23 février 2020.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
3. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné le remise de M. [J] aux autorités judiciaires allemandes en exécution du mandat d'arrêt européen 2022/1390, alors « que le procureur général doit déposer ses réquisitions au plus tard la veille de l'audience de la chambre de l'instruction devant laquelle la procédure est écrite ; qu'en l'état des mentions de l'arrêt, qui se limitent à faire état des réquisitions écrites du procureur général en date des 3 et 23 mai 2022 et 13 juin 2022 sans préciser que ces réquisitions ont été déposées au dossier, la chambre de l'instruction a violé les articles 194 et 197 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 194, alinéa 1er, et 197, alinéa 3, du code de procédure pénale :
4. Selon ces textes le procureur général doit déposer ses réquisitions au plus tard la veille de l'audience de la chambre de l'instruction devant laquelle la procédure est écrite.
5. Le ministère public étant une partie nécessaire au procès pénal, le respect de cette exigence s'impose à peine de nullité et sa méconnaissance peut être invoquée pour la première fois devant la Cour de cassation.
6. Si l'arrêt attaqué mentionne que le procureur général a été entendu en ses observations il ne résulte cependant ni des énonciations de l'arrêt ni des pièces de la procédure que le procureur général ait déposé au greffe ses réquisitions écrites en date du 13 juin 2022.
7. La cassation est en conséquence encourue.




Crim. 27 juillet 2022 n° 22-80.887

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° A 22-80.887 F-D
N° 01125



27 JUILLET 2022
ECF




RENVOI






M. DE LAROSIÈRE DE CHAMPFEU conseiller le plus ancien faisant fonction de président,




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 27 JUILLET 2022

Mme [D] [K] a présenté, par mémoire spécial reçu le 16 mai 2022, une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi formé par elle contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 8e section, en date du 21 janvier 2021, qui, dans la procédure suivie contre M. [C] [I] des chefs, notamment, de détournement d'aéronef en bande organisée, évasion en bande organisée, a prononcé sur sa demande d'annulation d'actes de la procédure.
Sur le rapport de Mme Labrousse, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme [D] [K], et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 27 juillet 2022 où étaient présents M. de Larosière de Champfeu, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Labrousse, conseiller rapporteur, Mme Sudre, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« Les dispositions des articles 60-1, alinéa 3, 100-5, alinéa 4, 170, 171 et 173 du code de procédure pénale qui s'abstiennent de prévoir la possibilité pour un journaliste, qui n'est ni partie à la procédure ni témoin assisté, de saisir la chambre de l'instruction d'une requête en nullité d'actes de l'instruction portant atteinte à ses droits, sont-elles contraires au droit d'accès au juge, au droit à la liberté d'expression, au droit à la vie privée et au principe d'égalité consacrés par les articles 1, 2, 6, 11 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ? »
2. Les dispositions législatives contestées sont applicables à la procédure et n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.
3. La question posée présente un caractère sérieux, en ce que ni les dispositions contestées ni aucune autre disposition du code de procédure pénale ne permettent au journaliste, tiers à la procédure, de faire constater par une juridiction le caractère illégal des actes d'investigations réalisés en violation du secret des sources et d'ordonner la suppression des procès-verbaux les relatant.
4. Si les tiers, qui ne peuvent agir en annulation des actes irréguliers devant la juridiction pénale, disposent d'un recours en indemnisation devant la juridiction civile, en application de l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire, un tel recours ne permet cependant pas la suppression en procédure des actes litigieux.
5. Par ailleurs, le journaliste ne peut porter plainte et se constituer partie civile du chef de collecte de données personnelles de façon illégale que, si préalablement, la chambre de l'instruction a constaté, par une décision définitive, l'illégalité des investigations. Or, si la chambre de l'instruction n'a pas été saisie d'une telle nullité, le journaliste ne pourra jamais exercer une telle action.
6. Il s'ensuit que les dispositions contestées pourraient méconnaître le droit à un recours juridictionnel effectif.
7. En conséquence, il y a lieu de renvoyer la question au Conseil constitutionnel.







Crim. 27 juillet 2022 n° 22-80.363

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° F 22-80.363 F-D
N° 01131

ECF 27 JUILLET 2022

CASSATION PARTIELLE

M. DE LAROSIÈRE DE CHAMPFEU conseiller le plus ancien faisant fonction de président,


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 27 JUILLET 2022
M. [Y] [G] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Colmar, en date du 9 décembre 2021, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'importation de stupéfiants, infractions à la législation sur les stupéfiants et sur les armes et association de malfaiteurs, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure.
Par ordonnance en date du 17 février 2022, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Labrousse, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [Y] [G], et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 27 juillet 2022 où étaient présents M. de Larosière de Champfeu, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Labrousse, conseiller rapporteur, Mme Sudre, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 30 août 2019, les services de police ont obtenu, d'une source confidentielle, des informations selon lesquelles plusieurs personnes se rendaient très régulièrement en Espagne, au Maroc et aux Pays-Bas afin de s'approvisionner en résine de cannabis et en héroïne.
3. L'enquête préliminaire a abouti à la mise en cause de M. [Y] [G] intervenu en amont et en aval dans un rôle vraisemblable de superviseur.
4. Le 19 février 2020, une information judiciaire a été ouverte contre personne non dénommée dans le cadre de laquelle M. [G] a été interpellé le 14 janvier 2021, puis mis en examen des chefs susvisés le 18 janvier suivant.
5. Le 19 juillet 2021, ses avocats ont déposé deux requêtes en nullité qui ont été jointes.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en nullité, alors :
« 1°/ que le juge national chargé d'appliquer, dans le cadre de sa compétence, les dispositions du droit de l'Union a l'obligation d'assurer le plein effet de celles-ci en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire de la législation nationale ; que l'article 15, paragraphe 1, de la directive 2002/58/CE du 12 juillet 2002, interprété à la lumière du principe d'effectivité, impose au juge pénal national d'écarter des informations et des éléments de preuve qui ont été obtenus par une conservation généralisée et indifférenciée des données relatives au trafic et des données de localisation incompatible avec le droit de l'Union, dans le cadre d'une procédure pénale ouverte à l'encontre de personnes soupçonnées d'infractions, dès lors que ces personnes ne sont pas en mesure de commenter efficacement ces informations et ces éléments de preuve, provenant d'un domaine échappant à la connaissance des juges et qui sont susceptibles d'influer de manière prépondérante sur l'appréciation des faits ; que de surcroît, l'accès des autorités nationales compétentes aux données conservées doit être subordonné à un contrôle préalable effectué soit par une juridiction, soit par une entité administrative indépendante ayant la qualité de « tiers » par rapport à celle qui demande l'accès à ces données (CJUE, 6 octobre 2020, C-511/18, C-512/18 et C-520/18) ; qu'en écartant, au nom du principe de sécurité juridique et au motif que les investigations ont été régulièrement effectuées à l'époque, le moyen d'annulation fondé sur l'exception d'inconventionnalité de l'article L. 34-1 du code des postes et communications électroniques et ses textes réglementaires d'application, dans leur version en vigueur du 20 décembre 2013 au 31 juillet 2021 et au regard des impératifs de l'article 15, §1, de la directive 2002/58/CE du 12 juillet 2002, lu à la lumière de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union Européenne, la chambre de l'instruction a méconnu son office et violé l'article 15, paragraphe 1, de la directive précitée, ensemble les articles 174 et 206 du code de procédure pénale ;
2°/ qu'en écartant ce même moyen d'annulation au motif inopérant que les dispositions internes nouvelles, adoptées à la suite de l'arrêt de la Cour de Justice de l'Union Européenne précité et de l'arrêt consécutif du Conseil d'Etat du 21 avril 2021, ne sauraient rétroagir et invalider des investigations régulièrement effectuées antérieurement à leur entrée en vigueur, la cour d'appel a derechef violé l'article 15, paragraphe 1, de la directive précitée, ensemble les articles 174 et 206 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 15 de la directive 2002/58/CE modifiée du Parlement européen et du Conseil du 12 juillet 2002 concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques, lu à la lumière des articles 7, 8 et 11 ainsi que de l'article 52, paragraphe 1, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne :
7. Par arrêt en date du 12 juillet 2022, la Cour de cassation a énoncé les principes suivants (Crim., 12 juillet 2022, pourvoi n° 21-83.710, publié au Bulletin).
8. La personne mise en examen n'est recevable à invoquer la violation des exigences en matière de conservation des données de connexion que si elle prétend être titulaire ou utilisatrice de l'une des lignes identifiées ou si elle établit qu'il aurait été porté atteinte à sa vie privée, à l'occasion des investigations litigieuses.
9. L'article L. 34-1, III, du code des postes et des communications électroniques, dans sa version issue de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013, mis en oeuvre par l'article R. 10-13 dudit code, tel qu'il résultait du décret n° 2012-436 du 30 mars 2012, est contraire au droit de l'Union européenne en ce qu'il imposait aux opérateurs de services de télécommunications électroniques, aux fins de lutte contre la criminalité, la conservation généralisée et indifférenciée des données de connexion, à l'exception des données relatives à l'identité civile, aux informations relatives aux comptes et aux paiements, ainsi qu'en matière de criminalité grave, de celles relatives aux adresses IP attribuées à la source d'une connexion.
10. En revanche, la France se trouvant exposée, depuis décembre 1994, à une menace grave et réelle, actuelle ou prévisible à la sécurité nationale, les textes précités de droit interne étaient conformes au droit de l'Union en ce qu'ils imposaient aux opérateurs de services de télécommunications électroniques de conserver de façon généralisée et indifférenciée les données de trafic et de localisation, aux fins de la recherche, de la constatation et de la poursuite des infractions portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation et des actes de terrorisme, incriminés aux articles 410-1 à 422-7 du code pénal.
11. Les articles 60-1 et 60-2, 77-1-1 et 77-1-2, 99-3 et 99-4 du code de procédure pénale, dans leur version antérieure à la loi n° 2022-299 du 2 mars 2022, lus en combinaison avec le sixième alinéa du paragraphe III de l'article préliminaire du code de procédure pénale, permettaient aux autorités compétentes, de façon conforme au droit de l'Union, pour la lutte contre la criminalité grave, en vue de l'élucidation d'une infraction déterminée, d'ordonner la conservation rapide, au sens de l'article 16 de la Convention du Conseil de l'Europe sur la cybercriminalité du 23 novembre 2001, des données de connexion, même conservées aux fins de sauvegarde de la sécurité nationale.
12. Il appartient à la juridiction, lorsqu'elle est saisie d'une contestation sur le recueil des données de connexion, de vérifier que, d'une part, la conservation rapide respecte les limites du strict nécessaire, d'autre part, les faits relèvent de la criminalité grave, au regard de la nature des agissements en cause, de l'importance du dommage qui en résulte, des circonstances de la commission des faits et de la durée de la peine encourue.
13. En l'espèce, pour écarter la nullité des réquisitions litigieuses, prise de la non-conformité du droit français aux exigences européennes en matière de conservation des données de connexion, l'arrêt attaqué, après avoir rappelé la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, énonce que la loi nouvelle relative à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement, portant modification de l'article L. 34-1 du code des postes et télécommunications, publiée au journal officiel le 31 juillet 2021, a désormais adapté le droit français aux nouvelles exigences de l'Union.
14. Les juges en déduisent que, s'agissant de dispositions relevant de la procédure, elles ne sauraient rétroagir et invalider des investigations régulièrement effectuées antérieurement à leur entrée en vigueur.
15. En statuant ainsi, par des motifs inopérants, la chambre de l'instruction a méconnu les textes précités et les principes susénoncés.
16. En effet, s'agissant de la conservation des données, il lui appartenait de rechercher, comme précisé au paragraphe 8, pour quelles réquisitions M. [G] avait qualité à invoquer la violation des exigences de l'Union européenne en matière de conservation des données de connexion, puis, en second lieu, de procéder ainsi qu'il est exposé au paragraphe 12.
17. La cassation est dès lors encourue de ce chef, sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'accès aux données conservées, un tel grief n'étant pas d'ordre public et devant en conséquence avoir été soumis aux juges du fond pour être recevable devant la Cour de cassation (Crim., 12 juillet 2022, pourvoi n° 20-86.652, publié au Bulletin).
18. Il n'y a pas lieu non plus de renvoyer à la Cour de justice de l'Union européenne la question préjudicielle formulée par le demandeur dès lors que les conditions d'application du droit de l'Union européenne apparaissent suffisamment claires et précises pour ne laisser place à aucun doute raisonnable sur la manière de résoudre le problème soulevé.
Et sur le second moyen
Enoncé du moyen
19. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en nullité de la consultation du fichier de lecture automatisée des plaques d'immatriculation dit « LAPI », alors « qu'en se déterminant par des motifs insuffisants à établir que l'accès audit fichier a été le fait soit d'un agent régulièrement habilité au sens des articles L. 232-3 et L. 233-2 du code de la sécurité intérieure, soit d'un enquêteur autorisé par le procureur de la République, pour les besoins d'une procédure pénale, en vertu d'une réquisition prise à cette fin en application de l'article 77-1-1 du code de procédure pénale, soit d'un enquêteur agissant en vertu d'une commission rogatoire dont le contenu l'y autorisait, la chambre de l'instruction a violé les articles L. 233-1 du code de la sécurité intérieure, ensemble L. 233-2 du même code, 5 de l'arrêté du 18 mai 2009 portant création d'un traitement automatisé de contrôle des données signalétiques des véhicules, 593 du code de procédure pénale, ensemble 171 et 802 du même code. »

Réponse de la Cour
Vu les articles L. 233-1 du code de la sécurité intérieure, ensemble L. 233-2 du même code, 5 de l'arrêté du 18 mai 2009 portant création d'un traitement automatisé de contrôle des données signalétiques des véhicules et 593 du code de procédure pénale, ensemble 171 et 802 du même code :
20. D'une part, il résulte des articles précités du code de la sécurité intérieure et de l'arrêté du 18 mai 2009 pris pour leur application, que seuls les agents des services de police et de gendarmerie nationales ainsi que des douanes, individuellement désignés et dûment habilités par leur chef de service, peuvent accéder au traitement automatisé de contrôle des données signalétiques des véhicules collectées par les dispositifs fixes ou mobiles mis en oeuvre en application de ces textes.
21. D'autre part, tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
22. Pour écarter le moyen tiré de l'absence de précision permettant de s'assurer de l'habilitation des agents ayant consulté le fichier LAPI, l'arrêt retient qu'aucune disposition n'exige des services requis la rédaction de procès-verbaux en exécution desdites réquisitions et que les habilitations en cause sont des habilitations administratives qui n'ont pas à figurer en procédure.
23. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision.
24. En effet, si l'essentiel des consultations du fichier LAPI est intervenu en exécution de commission rogatoire, il ne résulte pas des procès-verbaux des 16 et 17 février 2020, dressés dans le cadre de l'enquête préliminaire, que l'accès à ce fichier a été le fait, soit d'un agent régulièrement habilité au sens des articles L. 232-3 et L. 234-2 du code de la sécurité intérieure, soit d'un enquêteur autorisé par le procureur de la République, pour les besoins d'une procédure pénale, en vertu d'une réquisition prise à cette fin en application de l'article 77-1-1 du code de procédure pénale.
25. La cassation est par conséquent à nouveau encourue.
Portée et conséquences de la cassation
26. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives au système LAPI ainsi que celles relatives aux données de connexion, les autres dispositions seront donc maintenues.




Crim. 12 juillet 2022 n° 22-82.770

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° X 22-82.770 F-D
N° 01106

GM 12 JUILLET 2022

CASSATION


Mme DE LA LANCE conseiller doyen faisant fonction de président,






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 12 JUILLET 2022


M. [M] [E] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai, en date du 28 février 2022, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de blanchiment aggravé, associations de malfaiteurs, transfert de capitaux sans déclaration et blanchiment douanier, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention le plaçant en détention provisoire.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Dary, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [M] [E], et les conclusions de M. Salomon, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 juillet 2022 où étaient présents Mme de la Lance, conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Dary, conseiller rapporteur, Mme Planchon, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Dans le cadre d'une information judiciaire, un mandat d'arrêt a été délivré, le 17 avril 2020, à l'encontre de M. [M] [E], mis à exécution par mandat d'arrêt européen le 20 juillet 2020.
3. Il a été remis par les autorités judiciaires néerlandaises aux autorités françaises le 11 février 2022, présenté au juge d'instruction et mis en examen des chefs précités.
4. Par ordonnance en date du 12 février 2022, le juge des libertés et de la détention a écarté son argumentation prise de la violation du principe de spécialité en raison de l'absence au dossier de la procédure de la décision de remise des autorités néerlandaises et a ordonné son placement en détention provisoire.
5. M. [E] a relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. Il est fait grief à l'arrêt attaqué de rejeter l'exception tirée de la nullité de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention, de refuser d'ordonner le versement en procédure de la décision de remise de M. [E] par les autorités néerlandaises et confirmé l'ordonnance ayant placé celui-ci en détention provisoire, alors :
« 1°/ que dans le cas où le demandeur fait valoir que ne figure pas en procédure la décision de remise des autorités judiciaires requises, il appartient à la chambre de l'instruction d'en demander le versement au dossier, une telle demande constituant une vérification au sens de l'article 194, alinéa 4, du code de procédure pénale, puis de rechercher si la personne mise en examen avait été placée en détention provisoire pour des chefs d'accusation pour lesquels ces autorités avaient ordonné, au moins pour partie, sa remise ; qu'en retenant, pour dire qu' « il n'y a pas lieu d'ordonner dans le cadre de la présente instance le versement en procédure de la décision de remise des autorités judiciaires néerlandaises », que la notification faite à M. [E] du mandat d'arrêt du 17 avril 2020 et du mandat d'arrêt européen du 27 juillet 2020 lui permettait « de contester toute discordance entre les faits objet de sa mise en examen et les faits ayant motivé sa remise », quand seule la lecture de la décision de remise des autorités néerlandaises aurait permis de s'assurer du respect du principe de spécialité, la chambre de l'instruction, qui a statué par des motifs inopérant à écarter la violation du principe de spécialité, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 695-18, 194, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que dans le cas où le demandeur fait valoir que ne figure pas en procédure la décision de remise des autorités judiciaires requises, il appartient à la chambre de l'instruction d'en demander le versement au dossier, une telle demande constituant une vérification au sens de l'article 194, alinéa 4, du code de procédure pénale, puis de rechercher si la personne mise en examen avait été placée en détention provisoire pour des chefs d'accusation pour lesquels ces autorités avaient ordonné, au moins pour partie, sa remise ; qu'en retenant, pour refuser de procéder à cette vérification, que M. [E] « ne développe aucune contestation précise et motivée et ne fait notamment pas état d'une mise en examen [?] pour un ou des chefs retenus en violation du principe de spécialité », quand seule la lecture de la décision de remise des autorités néerlandaises aurait permis de s'assurer du respect du principe de spécialité, de sorte que l'exposant ne pouvait matériellement pas développer de contestation précise et motivée faute de versement de cette décision en procédure, la chambre de l'instruction, qui a statué par des motifs inopérants à écarter la violation du principe de spécialité, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 695-18, 194, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
7. Vu les articles 27 de la décision-cadre n° 2002/584/JAI relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres, 695-18 et 593 du code de procédure pénale :
8. Il résulte du premier de ces textes, tel qu'interprété par la Cour de justice de l'Union européenne, qu'en présence d'une infraction autre que celle qui a motivé la remise, le consentement de la personne remise doit être demandé, conformément au paragraphe 4 dudit texte, et obtenu s'il y a lieu de faire exécuter une peine ou une mesure privatives de liberté. La personne remise peut être poursuivie et condamnée pour une telle infraction avant que ce consentement ait été obtenu, pour autant qu'aucune mesure restrictive de liberté n'est appliquée au cours de la phase de poursuite ou de jugement relative à cette infraction. L'exception visée à cet article 27, paragraphe 3, sous c), ne s'oppose toutefois pas à ce que la personne remise soit soumise à une mesure restrictive de liberté avant que le consentement soit obtenu, dès lors que cette mesure est légalement justifiée par d'autres chefs d'accusation figurant dans le mandat d'arrêt européen (CJUE, arrêt du 1er décembre 2008, Artur Leymann, C-388/08).
9. En vertu du deuxième, lorsque le ministère public qui a émis le mandat d'arrêt européen a obtenu la remise de la personne recherchée, celle-ci ne peut être poursuivie, condamnée ou détenue en vue de l'exécution d'une peine privative de liberté pour un fait quelconque antérieur à la remise et autre que celui qui a motivé cette mesure, sauf dans l'un des cas énumérés audit article.
10. Selon le troisième, tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
11. Dans le cas où le demandeur fait valoir que ne figure pas en procédure la décision de remise des autorités judiciaires requises, il appartient à la chambre de l'instruction d'en demander le versement au dossier, une telle demande constituant une vérification au sens de l'article 194, alinéa 4, du code de procédure pénale.
12. En l'espèce, pour écarter le moyen pris de la violation du principe de spécialité, l'arrêt énonce que M. [E] ne développe aucune contestation précise et motivée et ne fait notamment pas état d'une mise en examen pour un ou plusieurs des chefs retenus en violation dudit principe.
13. Les juges ajoutent que, d'une part, le mandat d'arrêt européen émis le 27 juillet 2020 vise les mêmes infractions que celles figurant dans le mandat d'arrêt délivré par le juge d'instruction le 17 avril précédent, d'autre part, lors de la notification de ce dernier le 11 février 2022, M. [E] a précisé avoir donné son accord pour sa remise par les autorités néerlandaises et en a reçu copie.
14. Ils en concluent qu'il était ainsi en capacité de contester toute discordance entre les faits objet de sa mise en examen et ceux ayant motivé sa remise.
15. En prononçant ainsi, par des motifs inopérants, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision.
16. En effet, il lui appartenait de demander le versement en procédure de la décision de remise des autorités judiciaires néerlandaises puis de rechercher si M. [E] avait été placé en détention provisoire pour des chefs d'accusation pour lesquels ces autorités avaient ordonné, au moins pour partie, sa remise.
17. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.




Crim. 12 juillet 2022 n° 21-83.805 B

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° B 21-83.805 FS-B
N° 00774

GM 12 JUILLET 2022

REJET

M. SOULARD président,






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 12 JUILLET 2022


M. [R] [Y] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 6e section, en date du 27 mai 2021, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de dégradation et violences aggravées en récidive, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure.
Par ordonnance du 13 septembre 2021, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Violeau, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de M. [R] [Y], et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 19 mai 2022 où étaient présents M. Soulard, président, M. Violeau, conseiller rapporteur, M. Bonnal, M. de Larosière de Champfeu, Mme Ménotti, Mme Leprieur, Mme Sudre, M. Maziau, Mme Issenjou, M. Turbeaux, Mme Labrousse, M. Seys, M. Dary, Mme Thomas, M. Laurent, conseillers de la chambre, Mme Barbé, M. Mallard, Mme Guerrini, M. Michon, conseillers référendaires, M. Aubert, avocat général référendaire, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 11 novembre 2019, M. [X] [L] a porté plainte pour des faits de violences avec arme.
3. Le 5 décembre 2019, le procureur de la République a autorisé, pour une durée de huit jours, la géolocalisation des lignes téléphoniques de MM. [R] [Y] et [K] [D], identifiés comme étant susceptibles d'être les auteurs de ces violences.
4. Le même jour, le juge des libertés et de la détention, sur la requête du procureur de la République, a autorisé la perquisition de leur domicile sans leur assentiment.
5. Le 13 décembre 2019, le juge des libertés et de la détention a autorisé la prolongation de la géolocalisation.
6. M. [Y] a été interpellé à son domicile le 7 janvier 2020, puis placé en garde à vue pour des faits de violences volontaires avec arme en réunion et de dégradation volontaire.
7. Au cours de la garde à vue, il a précisé avoir été ivre au moment des faits.
8. Après ouverture d'une information judiciaire, M. [Y] a été mis en examen des chefs de violences volontaires en état d'ivresse sans incapacité totale de travail et dégradation volontaire.
9. Le 8 juin 2020, il a saisi la chambre de l'instruction d'une requête en annulation de l'autorisation de géolocalisation en temps réel prise à son encontre, de l'autorisation de perquisition sans assentiment de son domicile et des actes subséquents.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche
10. Le grief n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen, pris en ses première et quatrième branches
Enoncé du moyen
11. Le moyen, en ses première et quatrième branches, critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à annulation de l'autorisation de géolocalisation en temps réel prise à l'encontre de M. [Y] et des actes subséquents, alors :
« 1°/ que l'article 230-33 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, est inconventionnel en ce qu'il donne compétence au procureur de la République, dont la mission est de diriger l'enquête et d'exercer, le cas échéant, l'action publique lors d'une procédure ultérieure, pour autoriser, sans un contrôle préalable par une autorité indépendante, une mesure de géolocalisation en temps réel - qui constitue une ingérence grave dans la vie privée du suspect - dans le cadre d'une enquête, en particulier dans le cadre d'une enquête préliminaire ; qu'en l'espèce, sur le fondement de ce texte, la géolocalisation en temps réel de la ligne téléphonique de M. [Y] a été autorisée, dans le cadre d'une enquête préliminaire, par décision du procureur de la République du 5 décembre 2019 ; qu'en rejetant la requête de l'exposant tendant à l'annulation de l'autorisation de cette mesure, la chambre de l'instruction a violé l'article 15, paragraphe 1, de la directive 2002/58/CE du 12 juillet 2002, telle que modifiée par la directive 2009/136/CE du 25 novembre 2009, lu à la lumière des articles 7, 8 et 11 ainsi que de l'article 52, paragraphe 1, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ensemble l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
4°/ que l'article 230-33 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, dispose que « la décision du procureur de la République, du juge des libertés et de la détention ou du juge d'instruction est écrite et motivée par référence aux éléments de fait et de droit justifiant que ces opérations [de géolocalisation] sont nécessaires » ; qu'il en résulte que la motivation de la nécessité des opérations de géolocalisation doit figurer dans la décision même du procureur de la République qui autorise ces opérations et, le cas échéant, dans la décision du juge des libertés et de la détention qui prolonge lesdites opérations ; qu'en se bornant à retenir que la nécessité de la mesure de géolocalisation en temps réel de la ligne téléphonique de M. [Y] était effective au moment de l'autorisation et s'était trouvée amplifiée par les faits de l'espèce, sans vérifier si les décisions du procureur de la République et du juge des libertés et de la détention, qui ont autorisé puis prolongé cette mesure, étaient motivées par référence aux éléments de fait et de droit justifiant que l'opération de géolocalisation était nécessaire, cependant que l'existence de cette motivation au sein même de ces décisions était contestée par M. [Y] dans sa requête en annulation, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale au regard de l'article 230-33 du code de procédure pénale et violé les articles 591 et 593 du même code. »
Réponse de la Cour
Sur le moyen, pris en sa première branche
12. Par arrêt de ce jour (Crim., 12 juillet 2022, pourvoi n° 20-86.652, publié au Bulletin), la Cour de cassation a jugé que le grief pris de la violation des exigences européennes en matière de conservation et d'accès aux données de connexion ainsi que de celles énoncées à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme n'est pas d'ordre public et doit avoir été soumis aux juges du fond pour être recevable devant la Cour de cassation.
13. En l'espèce, M. [Y] n'a pas soulevé devant la chambre de l'instruction le grief pris de la violation des textes susvisés.
14. En conséquence, le grief est irrecevable.
Sur le moyen, pris en sa quatrième branche
15. Pour rejeter le moyen de nullité pris de l'insuffisance de motivation de la mesure de géolocalisation, l'arrêt attaqué énonce, en substance, qu'indépendamment de la stabilité du domicile de M. [Y], il convenait, en vue d'éviter les risques de fuite, de déperdition des preuves et de concertation entre les protagonistes, de réaliser, dans la mesure du possible, une opération d'interpellations concomitantes.
16. C'est à tort que la chambre de l'instruction a rejeté ce moyen s'agissant de l'autorisation du procureur de la République, alors qu'il résulte des pièces de la procédure soumises au contrôle de la Cour de cassation qu'il s'est borné à autoriser le recours à cette mesure par une motivation stéréotypée sans se référer à des circonstances de fait.
17. L'arrêt n'encourt cependant pas la censure pour les motifs qui suivent.
18. En premier lieu, la nullité n'est pas encourue en application de l'article 802 du code de procédure pénale, dans la mesure où M. [Y] n'a ni justifié ni même allégué une atteinte à ses intérêts, aucune localisation en temps réel n'ayant été effectuée en vertu de l'autorisation délivrée par le procureur de la République.
19. En second lieu, ainsi que la Cour de cassation est en mesure de s'en assurer, l'ordonnance du juge des libertés et de la détention, qui analyse les éléments de fait et de droit justifiant la nécessité de la mesure, sur le fondement de laquelle M. [Y] a été géolocalisé, répond aux prescriptions de l'article 230-33 du code de procédure pénale.
20. Dès lors, le grief doit être écarté.
Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche et sur le second moyen
Enoncé des moyens
21. Le premier moyen, en sa troisième branche, critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à annulation de l'autorisation de géolocalisation en temps réel prise à l'encontre de M. [Y] et des actes subséquents, alors :
« 3°/ que pour qu'il puisse être recouru à une mesure de géolocalisation en temps réel dans le cadre d'une enquête, l'article 230-32 du code de procédure pénale exige que l'enquête porte sur un crime ou un délit puni d'au moins trois ans d'emprisonnement ; qu'en l'espèce, à la date à laquelle la géolocalisation en temps réel de la ligne téléphonique de M. [Y] a été autorisée, aucune des qualifications pouvant être retenues à son encontre ne lui faisait encourir une peine d'au moins trois ans d'emprisonnement ; qu'en rejetant néanmoins la requête de l'exposant aux fins d'annulation de l'autorisation de cette mesure de géolocalisation et des actes subséquents, la chambre de l'instruction a violé le texte susvisé et l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme. »
22. Le second moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à annulation de l'autorisation de procéder à des mesures de perquisition sans assentiment au domicile M. [Y] et des actes subséquents, alors « que pour qu'il puisse être recouru à une mesure de perquisition sans assentiment dans le cadre d'une enquête préliminaire, l'article 76, alinéa 4, du code de procédure pénale exige que l'enquête porte sur un crime ou un délit puni d'au moins trois ans d'emprisonnement ; qu'en l'espèce, à la date à laquelle la perquisition sans assentiment du domicile de M. [Y] a été autorisée, aucune des qualifications pouvant être retenues à son encontre ne lui faisait encourir une peine d'au moins trois ans d'emprisonnement ; qu'en rejetant néanmoins la requête de M. [Y] aux fins d'annulation de l'autorisation de cette perquisition et des actes subséquents, la chambre de l'instruction a violé le texte susvisé et l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
23. Les moyens sont réunis.
24. Pour écarter les moyens de nullité selon lesquels ni la mesure de géolocalisation ni la perquisition sans assentiment ne pouvaient être ordonnées au regard des faits susceptibles d'être reprochés à l'intéressé, l'arrêt attaqué énonce en substance que ces mesures ont été autorisées dans le cadre d'une enquête diligentée notamment des chefs de violences volontaires sans incapacité totale de travail avec arme, ces faits pouvant également être aggravés par la circonstance de la réunion.
25. Les juges relèvent que la géolocalisation était justifiée par la nécessité de procéder aux interpellations simultanées de MM. [Y] et [D].
26. En l'état de ces motifs dénués d'insuffisance et de contradiction, la chambre de l'instruction a justifié sa décision et n'a pas encouru les griefs allégués.
27. En effet, lorsque l'enquête est diligentée pour des faits punis d'au moins trois ans d'emprisonnement, conformément aux exigences des articles 76 et 230-32 du code de procédure pénale, les mesures prévues par ces dispositions peuvent être mises en oeuvre, quelles que soient les qualifications retenues à l'issue de l'enquête à l'égard de chacune des personnes impliquées.
28. Dès lors, les moyens doivent être écartés.
29. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.




Crim. 12 juillet 2022 n° 22-84.179 B

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° D 22-84.179 FS-B
N° 01100

GM 12 JUILLET 2022

IRRECEVABILITE


Mme DE LA LANCE conseiller le plus ancien faisant fonction de président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 12 JUILLET 2022


M. [G] [E] a exercé une voie de recours contre l'ordonnance du juge d'instruction du tribunal judiciaire de Nancy, en date du 1er juillet 2022, qui, dans la procédure suivie notamment contre lui des chefs de complicité d'enlèvement en bande organisée d'un mineur de quinze ans et association de malfaiteurs en vue de commettre un crime, s'est dessaisi au profit de la juridiction d'instruction de Paris.
Sur le rapport de M. Samuel, conseiller, et les conclusions de M. Salomon, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 juillet 2022 où étaient présents Mme de la Lance, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Samuel, conseiller rapporteur, Mme Planchon, M. Wyon, M. Maziau, M. Pauthe, M. Dary, M. de Lamy, M. Sottet, conseillers de la chambre, Mme Barbé, conseiller référendaire, M. Salomon, avocat général, et M. Maréville, greffier de chambre,



la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. L'ordonnance attaquée est rendue sur le fondement des dispositions des articles 663 et 706-18 et du code de procédure pénale.
2. M. [G] [E] a, dans le délai légal, formalisé une « déclaration d'appel » auprès du greffe de l'établissement pénitentiaire où il est détenu.
3. Cette « déclaration d'appel » a été retranscrite par le greffe du tribunal judiciaire de Nancy sous la forme d'une déclaration de pourvoi.
4. Les dispositions de l'article 706-22 du code de procédure pénale, qui prévoient qu'un recours peut être exercé contre une ordonnance rendue sur le fondement de l'article 706-18 du même code, viennent compléter celles de l'article 663 sans se substituer à celles-ci ou les exclure.
5. Le juge d'instruction n'étant pas saisi d'infractions à caractère terroriste, les dispositions relatives à la poursuite, l'instruction et le jugement des actes de terrorisme ne sont pas applicables. Seul l'est l'article 663 du code de procédure pénale.
6. Il résulte du troisième alinéa de l'article 186 du même code que les ordonnances rendues sur le fondement de l'article 663 peuvent faire l'objet d'un appel.
7. M. [E] ayant formalisé à cette fin une « déclaration d'appel » retranscrite à tort comme une déclaration de pourvoi, le pourvoi est irrecevable.
8. Il appartient à la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nancy de statuer sur cet appel.




Crim. 12 juillet 2022 n° 21-84.096 B

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° T 21-84.096 FS-B
N° 00772

GM 12 JUILLET 2022

REJET

M. SOULARD président,





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 12 JUILLET 2022


MM. [R] [K] et [S] [M] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, en date du 20 mai 2021, qui, dans l'information suivie contre eux des chefs notamment d'infractions à la législation sur les stupéfiants, association de malfaiteurs, en récidive, a prononcé sur leur demande d'annulation de pièces de la procédure.
Par ordonnance en date du 13 septembre 2021, le président de la chambre criminelle a joint les pourvois et prescrit leur examen immédiat.
Un mémoire, commun aux demandeurs, a été produit.
Sur le rapport de Mme Labrousse, conseiller, les observations de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de MM. [K] et [M], et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 mai 2022 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Labrousse, conseiller rapporteur, M. Bonnal, M. de Larosière de Champfeu, Mme Ménotti, Mme Leprieur, Mme Sudre, M. Maziau, Mme Issenjou, M. Turbeaux, M. Seys, M. Dary, Mme Thomas, M. Laurent, conseillers de la chambre, Mme Barbé, M. Violeau, M. Mallard, Mme Guerrini, M. Michon, conseillers référendaires, M. Petitprez, avocat général, et M. Maréville, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 30 septembre 2019, une enquête préliminaire a été ouverte à la suite de la réception par un service de police d'une carte de visite portant l'inscription « Uber Green » et proposant un service de livraison d'herbe de cannabis, joignable chaque jour à un numéro indiqué.
3. Les investigations, notamment téléphoniques, sur le fondement de l'article 77-1-1 du code de procédure pénale, ainsi que les surveillances ont permis de confirmer l'existence d'un trafic de stupéfiants.
4. Le 14 novembre 2019, le procureur de la République a ouvert une information judiciaire contre personne non dénommée des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants et association de malfaiteurs.
5. La poursuite des investigations, notamment des réquisitions aux opérateurs de télécommunications, a permis d'identifier MM. [S] [M] et [R] [K], qui ont été interpellés et mis en examen respectivement les 11 et 12 juin 2020.
6. Le 14 décembre 2020, ils ont présenté une requête conjointe en nullité de l'ensemble des réquisitions délivrées à ces opérateurs en exposant que tant la conservation des données de connexion que leur communication aux enquêteurs étaient contraires au droit de l'Union européenne.
Examen des moyens
Sur l'irrecevabilité du moyen en ce qu'il est proposé pour M. [M], relevée d'office et mise dans le débat
7. Il résulte des dispositions de l'article 173-1 du code de procédure pénale que, sous peine d'irrecevabilité, la personne mise en examen doit faire état des moyens pris de la nullité des actes accomplis avant son interrogatoire de première comparution dans un délai de six mois à compter de cet interrogatoire, sauf dans le cas où elle n'aurait pu les connaître.
8. En l'espèce, M. [M] a été mis en examen le 11 juin 2020 de sorte que le délai de forclusion, prévu à l'article précité, expirait le vendredi 11 décembre 2020.
9. C'est, dès lors, à tort que la chambre de l'instruction a déclaré recevable la requête en nullité de l'intéressé, en date du 14 décembre 2020, au visa de l'article 4 de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 portant adaptation de règles de procédure pénale sur le fondement de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19.
10. En effet, la Cour de cassation juge que le délai de six mois imparti par l'article 173-1 du code de procédure pénale à la personne mise en examen pour faire état des moyens pris de la nullité des actes accomplis avant son interrogatoire de première comparution ou de cet interrogatoire lui-même, à compter de la notification de sa mise en examen, ne s'interprète pas comme un délai de recours et n'entre pas dans les prévisions de cet article (Crim., 9 février 2021, pourvoi n° 20-84.939).
11. Il s'ensuit que le moyen, en ce qu'il est présenté par M. [M], doit être déclaré irrecevable.
Sur le moyen en ce qu'il est présenté pour M. [K]
Enoncé du moyen
12. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en nullité tendant à l'annulation, d'une part, de l'ensemble des réquisitions portant sur les données à caractère personnel conservées par les opérateurs de communications électroniques, d'autre part, de l'ensemble des actes subséquents ayant trouvé leur support nécessaire dans ces actes irréguliers et a, en conséquence, ordonné le renvoi de la procédure au juge d'instruction, alors :
« 1°/ que le droit interne ne peut prévoir, aux fins de la lutte contre la criminalité grave et de la prévention des menaces graves contre la sécurité publique, qu'une conservation ciblée des données relatives au trafic et des données de localisation qui soit délimitée, sur la base d'éléments objectifs et non discriminatoires, en fonction de catégories de personnes concernées ou au moyen d'un critère géographique, pour une période temporellement limitée au strict nécessaire, ce qui exclut toute conservation généralisée et indifférenciée des données de trafic ou de localisation ; qu'en rejetant cependant la requête en nullité de M. [K], poursuivi des chefs de récidive de trafic de produits stupéfiants, d'association de malfaiteurs et de blanchiment, tendant à l'annulation des pièces obtenues au moyen de la conservation généralisée et indifférenciée de leurs données de trafic et de localisation, aux motifs que le droit de l'Union européenne ne s'opposait pas à cette conservation généralisée des données, la cour d'appel a violé l'article 15, § 1er, de la directive 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 juillet 2002, concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques, telle que modifiée par la directive 2009/136/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009, ensemble l'article 23, § 1er, du règlement 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, lu à la lumière des articles 7, 8 et 11 ainsi que de l'article 52, § 1er, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
2°/ que le droit interne ne peut prévoir, à des fins de lutte contre la criminalité, une conservation généralisée et indifférenciée de l'ensemble des données relatives au trafic et des données de localisation de tous les abonnés et utilisateurs inscrits concernant tous les moyens de communication électronique ; qu'en rejetant la requête en nullité de M. [K], poursuivi des chefs de récidive de trafic de produits stupéfiants, d'association de malfaiteurs et de blanchiment, tendant à l'annulation des pièces obtenues au moyen de la conservation généralisée et indifférenciée de ses données de trafic et de localisation, aux motifs que la conservation de l'ensemble de ses données ne portait pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée ou à la protection de ses données personnelles, la cour d'appel a statué par des motifs tout à la fois impropres et inopérants à justifier son arrêt, violant ainsi l'article 15, § 1er, de la directive 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 juillet 2002, concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques, telle que modifiée par la directive 2009/136/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009, ensemble l'article 23, § 1er, du règlement 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, lu à la lumière des articles 7, 8 et 11 ainsi que de l'article 52, § 1er, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
3°/ que le ministère public, dont la mission est de diriger la procédure d'instruction pénale et d'exercer, le cas échéant, l'action publique lors d'une procédure ultérieure, n'est pas une autorité indépendante compétente pour autoriser l'accès d'une autorité publique aux données relatives au trafic et aux données de localisation aux fins d'une instruction pénale ; qu'en jugeant le contraire pour rejeter l' exception de nullité de M. [K], aux motifs que « l'autorité judiciaire (?) comprend à la fois les magistrats du siège et du parquet », la cour d'appel s'est fondée sur des motifs impropres et inopérants à justifier son arrêt, violant ainsi l'article 15, § 1er, de la directive 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 juillet 2002, concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques, telle que modifiée par la directive 2009/136/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009, ensemble l'article 23, § 1er, du règlement 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, lu à la lumière des articles 7, 8 et 11 ainsi que de l'article 52, § 1er, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
4°/ que le juge pénal doit écarter des informations et des éléments de preuve qui ont été obtenus par une conservation généralisée et indifférenciée des données relatives au trafic et des données de localisation incompatible avec le droit de l'Union, dans le cadre d'une procédure pénale ouverte à l'encontre de personnes soupçonné
Réponse de la Cour
13. Par arrêt de ce jour, la Cour de cassation a énoncé les principes suivants (Crim., 12 juillet 2022, pourvoi n° 21-83.710, publié au Bulletin).
14. L'article L. 34-1, III, du code des postes et des communications électroniques, dans sa version issue de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013, mis en oeuvre par l'article R. 10-13 dudit code, tel qu'il résultait du décret n° 2012-436 du 30 mars 2012, est contraire au droit de l'Union européenne en ce qu'il imposait aux opérateurs de services de télécommunications électroniques, aux fins de lutte contre la criminalité, la conservation généralisée et indifférenciée des données de connexion, à l'exception des données relatives à l'identité civile, aux informations relatives aux comptes et aux paiements, ainsi qu'en matière de criminalité grave, de celles relatives aux adresses IP attribuées à la source d'une connexion.
15. En revanche, la France se trouvant exposée, depuis décembre 1994, à une menace grave et réelle, actuelle ou prévisible à la sécurité nationale, les textes précités de droit interne étaient conformes au droit de l'Union en ce qu'ils imposaient aux opérateurs de services de télécommunications électroniques de conserver de façon généralisée et indifférenciée les données de trafic et de localisation, aux fins de la recherche, de la constatation et de la poursuite des infractions portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation et des actes de terrorisme, incriminés aux articles 410-1 à 422-7 du code pénal.
16. Les articles 60-1 et 60-2, 77-1-1 et 77-1-2, 99-3 et 99-4 du code de procédure pénale, dans leur version antérieure à la loi n° 2022-299 du 2 mars 2022, lus en combinaison avec le sixième alinéa du paragraphe III de l'article préliminaire du code de procédure pénale, permettaient aux autorités compétentes, de façon conforme au droit de l'Union, pour la lutte contre la criminalité grave, en vue de l'élucidation d'une infraction déterminée, d'ordonner la conservation rapide, au sens de l'article 16 de la Convention du Conseil de l'Europe sur la cybercriminalité du 23 novembre 2001, des données de connexion, même conservées aux fins de sauvegarde de la sécurité nationale.
17. Il appartient à la juridiction, lorsqu'elle est saisie d'un moyen en ce sens, de vérifier, d'une part, que les éléments de fait justifiant la nécessité d'une telle mesure d'investigation répondent à un critère de criminalité grave, dont l'appréciation relève du droit national, d'autre part, que la conservation rapide des données de trafic et de localisation et l'accès à celles-ci respectent les limites du strict nécessaire.
18. S'agissant de la gravité des faits, il appartient au juge de motiver sa décision au regard de la nature des agissements de la personne poursuivie, de l'importance du dommage qui en résulte, des circonstances de la commission des faits et de la durée de la peine encourue.
19. Les articles 60-1 et 60-2, 77-1-1 et 77-1-2 du code de procédure pénale sont contraires au droit de l'Union uniquement en ce qu'ils ne prévoient pas préalablement à l'accès aux données un contrôle par une juridiction ou une entité administrative indépendante. En revanche, le juge d'instruction est habilité à contrôler l'accès aux données de connexion.
20. Une personne mise en examen n'est recevable à invoquer la violation de l'exigence précitée que si elle prétend être titulaire ou utilisatrice de l'une des lignes identifiées ou si elle établit qu'il aurait été porté atteinte à sa vie privée, à l'occasion des investigations litigieuses.
21. L'existence d'un grief pris de l'absence d'un tel contrôle est établie si l'accès aux données de trafic et de localisation a méconnu les conditions matérielles posées par le droit de l'Union. Tel est le cas si l'accès a porté sur des données irrégulièrement conservées, s'il a eu lieu, hors hypothèse de la conservation rapide, pour une finalité moins grave que celle ayant justifié la conservation, n'a pas été circonscrit à une procédure visant à lutter contre la criminalité grave et a excédé les limites du strict nécessaire.
22. En l'espèce, M. [K] ne justifie ni même n'allègue qu'il aurait été porté atteinte à sa vie privée par les réquisitions délivrées aux opérateurs téléphoniques tendant à obtenir les facturations détaillées et les géolocalisations de lignes téléphoniques dont il n'était ni le titulaire ni l'utilisateur. Il n'a dès lors pas qualité pour en solliciter la nullité.
23. En revanche, il est recevable à solliciter la nullité des investigations relatives aux données de connexion de la ligne dont il était l'utilisateur et auxquelles ont accédé les enquêteurs sur commission rogatoire du juge d'instruction.
24. C'est à tort, pour la raison exposée au paragraphe 14, que, pour ne pas faire droit à la nullité prise de la conservation irrégulière de ces données, l'arrêt énonce en substance que la lutte contre la criminalité grave justifie l'ingérence dans les droits fondamentaux au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel, sous réserve de proportionnalité au but poursuivi et que cette ingérence soit encadrée par la loi.
25. L'arrêt n'encourt néanmoins pas la censure pour les raisons suivantes.
26. En premier lieu, la chambre de l'instruction a énoncé que les faits, passibles d'une peine de dix ans d'emprisonnement, relevaient, par leur ampleur et leur structure, de la criminalité organisée.
27. Dès lors, ils relevaient de la criminalité grave.
28. En second lieu, la chambre de l'instruction a constaté que c'est exclusivement dans le cadre de l'enquête, dont l'objet était délimité précisément, que les enquêteurs ont sollicité, pour une période limitée, des informations alors détenues par les opérateurs de téléphonie concernant des lignes en lien direct avec les infractions motivant les investigations.
29. Il s'ensuit qu'agissant sur commission rogatoire du juge d'instruction, les enquêteurs pouvaient, sans méconnaître les dispositions conventionnelles invoquées au moyen, accéder aux données de trafic et de localisation régulièrement conservées pour la finalité de la sauvegarde de la sécurité nationale. 30. Le moyen ne peut dès lors être accueilli.
31. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.




Crim. 12 juillet 2022 n° 21-83.820 B

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° T 21-83.820 FS-B
N° 00771

GM 12 JUILLET 2022

REJET

M. SOULARD président,





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 12 JUILLET 2022


M. [F] [U] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Fort-de-France, en date du 8 juin 2021, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'importation et exportation de stupéfiants en bande organisée, infractions à la législation sur les stupéfiants, associations de malfaiteurs, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure.
Par ordonnance en date du 13 septembre 2021, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Labrousse, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [U], et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 mai 2022 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Labrousse, conseiller rapporteur, M. Bonnal, M. de Larosière de Champfeu, Mme Ménotti, Mme Leprieur, Mme Sudre, M. Maziau, Mme Issenjou, M. Turbeaux, M. Seys, M. Dary, Mme Thomas, M. Laurent, conseillers de la chambre, Mme Barbé, M. Violeau, M. Mallard, Mme Guerrini, M. Michon, conseillers référendaires, M. Petitprez, avocat général, et M. Maréville, greffier de chambre,



la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. A la suite de l'interception dans les eaux territoriales au large de la Martinique d'une embarcation dans laquelle étaient découvertes plusieurs dizaines de kilogrammes de cocaïne, une information judiciaire a été ouverte.
3. Le 6 novembre 2020, M. [F] [U] a été mis en examen des chefs précités.
4. Le 20 avril 2021, il a déposé une requête en nullité visant notamment les réquisitions des enquêteurs portant sur les données de trafic et de localisation de la téléphonie et les actes d'exploitation de ces données.
Examen des moyens
Sur les premier et deuxième moyens
5. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en nullité portant sur les réquisitions des enquêteurs portant sur les données de trafic et de localisation de la téléphonie et des actes d'exploitation de ces données, alors :
« 1°/ que l'article 15, paragraphe 1 de la directive 2002/58/CE du 12 juillet 2002 concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques, lu à la lumière des articles 7, 8 et 11 ainsi que de l'article 52, paragraphe 1, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, s'oppose à des mesures législatives prévoyant, aux fins de protection de la sécurité nationale ou de lutte contre les infractions graves, à titre préventif, la conservation généralisée et indifférenciée des données relatives au trafic et des données de localisation des communications par les fournisseurs des services de communication électronique ; que, dans son mémoire, le mis en examen invoquait la nullité de l'ensemble des opérations d'identification de personnes, dont lui-même, en lien avec les personnes soupçonnées par les enquêteurs d'avoir commis les infractions dont ils étaient saisis, par l'utilisation des données de trafic et de localisation des communications électroniques que les fournisseurs de services de communications électroniques, en l'espèce, les fournisseurs de téléphonie, sont tenus de conserver pendant un an, en application des articles L. 34-1 et R. 10-13 du code des postes et communications électroniques et des articles 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numériques imposant aux fournisseurs de communications électronique la conservations de toutes les données notamment de trafic et de localisation et l'article 1er du décret du 25 février 2011 pris pour son application, en ce que ces dispositions violaient le droit de l'Union européenne, et en particulier l'article 15 de la directive 2002/58/CE précitée ; qu'en considérant, pour rejeter le moyen de nullité, que le trafic de stupéfiants entrait dans la catégorie des infractions graves justifiant un stockage massif et indifférencié des données de trafic et de localisation gérées par les fournisseurs de communication électronique dans les conditions prévues par l'article 15 de la directive 2002/58, quand les dispositions légales et réglementaires précitées n'ont précisé ni quelles infractions graves justifiaient une obligation de conservation, ni les catégories de données à conserver, ni les personnes concernées, ni les autorités habilitées à définir les cas dans lesquels ce stockage s'impose, la chambre de l'instruction a méconnu l'article 15 de la directive 2002/58, lu à la lumière des articles 7, 8 et 11 ainsi que de l'article 52 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et 88-1 de la Constitution ;
2°/ qu'en vertu de l'article 8, § 2, de la Convention européenne des droits de l'homme, il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice du droit à la vie privée et au respect des correspondances que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ; qu'en estimant que la conservation en vue de leur exploitation dans le cadre des enquêtes pénales des données de trafic et de localisation des utilisateurs des moyens de communication électroniques étaient justifiées pour la recherche des infractions graves, quand le législateur n'a pas défini les catégories d'infractions graves justifiant une telle ingérence, ni l'autorité habilitée à se prononcer sur l'obligation de conserver de telles données, la cour d'appel a violé l'article 8, §2, de la Convention européenne des droits de l'homme ;
3°/ qu'en vertu de l'article 15 de la directive 2002/52/CE de la directive 2002/58/CE du 12 juillet 2002 concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques, les données de trafic et de localisation ne peuvent être exploitées que pour la fin qui a autorisé la conservation ; qu'en se référant à l'arrêt du Conseil d'Etat du 21 avril 2021, ayant jugé que l'obligation de conservation des données de connexion et de localisation pendant un an prévue par la législation et la réglementation nationale, était justifiée par les impératifs de protection de la sécurité nationale que constitue la lutte contre le terrorisme, conservation pourtant non subordonnée à une autorisation d'une juridiction ou d'une autorité indépendante, la chambre de l'instruction, qui a jugé que l'accès à ces données par les enquêteurs agissant sur commission rogatoire était justifié dans le cadre de la recherche des auteurs des infractions visées aux poursuites, pourtant sans lien avec le terrorisme, a violé l'article 15 de la directive 2002/58, lu à la lumière des articles 7, 8 et 11 ainsi que de l'article 52 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
4°/ qu'en vertu de l'article 15 de la directive 2002/58/CE du 12 juillet 2002 concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques, l'accès des autorités nationales compétentes aux données de trafic et de localisation conservées est subordonné à un contrôle préalable effectué soit par une juridiction soit par une entité administrative, tiers par rapport à l'autorité de poursuite, et à la condition que la décision de cette juridiction ou de cette entité intervienne à la suite d'une demande motivée de cette autorité de poursuite ; que, par ailleurs, en vertu de l'article 8, paragraphe 2, de la Convention européenne des droits de l'homme, l'exploitation de données de trafic et de connexion pour les besoins d'une enquête répressive ne peut intervenir que sur décision d'un juge indépendant et impartial ; que, dans son mémoire, le mis en examen contestait l'accès par les enquêteurs, agissant sur commission rogatoire, aux données de trafic et de localisation concernant différentes personnes, conservées par les fournisseurs de communication électronique, en ce que cet accès n'avait pas été autorisé par une juridiction ; que la chambre de l'instruction qui ne s'est pas prononcée sur ce moyen de nullité, a privé sa décision de base légale en violation des articles 198 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
7. Par arrêt de ce jour, la Cour de cassation a énoncé les principes suivants (Crim., 12 juillet 2022, pourvoi n° 21-83.710, publié au Bulletin).
8. L'article L. 34-1, III, du code des postes et des communications électroniques, dans sa version issue de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013, mis en oeuvre par l'article R. 10-13 dudit code, tel qu'il résultait du décret n° 2012-436 du 30 mars 2012, est contraire au droit de l'Union européenne en ce qu'il imposait aux opérateurs de services de télécommunications électroniques, aux fins de lutte contre la criminalité, la conservation généralisée et indifférenciée des données de connexion, à l'exception des données relatives à l'identité civile, aux informations relatives aux comptes et aux paiements, ainsi qu'en matière de criminalité grave, de celles relatives aux adresses IP attribuées à la source d'une connexion.
9. En revanche, la France se trouvant exposée, depuis décembre 1994, à une menace grave et réelle, actuelle ou prévisible à la sécurité nationale, les textes précités de droit interne étaient conformes au droit de l'Union en ce qu'ils imposaient aux opérateurs de services de télécommunications électroniques de conserver de façon généralisée et indifférenciée les données de trafic et de localisation, aux fins de la recherche, de la constatation et de la poursuite des infractions portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation et des actes de terrorisme, incriminés aux articles 410-1 à 422-7 du code pénal.
10. Les articles 60-1 et 60-2, 77-1-1 et 77-1-2, 99-3 et 99-4 du code de procédure pénale, dans leur version antérieure à la loi n° 2022-299 du 2 mars 2022, lus en combinaison avec le sixième alinéa du paragraphe III de l'article préliminaire du code de procédure pénale, permettaient aux autorités compétentes, de façon conforme au droit de l'Union, pour la lutte contre la criminalité grave, en vue de l'élucidation d'une infraction déterminée, d'ordonner la conservation rapide, au sens de l'article 16 de la Convention du Conseil de l'Europe sur la cybercriminalité du 23 novembre 2001, des données de connexion, même conservées aux fins de sauvegarde de la sécurité nationale.
11. Il appartient à la juridiction, lorsqu'elle est saisie d'un moyen en ce sens, de vérifier, d'une part, que les éléments de fait justifiant la nécessité d'une telle mesure d'investigation répondent à un critère de criminalité grave, dont l'appréciation relève du droit national, d'autre part, que la conservation rapide des données de trafic et de localisation et l'accès à celles-ci respectent les limites du strict nécessaire.
12. S'agissant de la gravité des faits, il appartient au juge de motiver sa décision au regard de la nature des agissements de la personne poursuivie, de l'importance du dommage qui en résulte, des circonstances de la commission des faits et de la durée de la peine encourue.
13. Les articles 60-1 et 60-2, 77-1-1 et 77-1-2 du code de procédure pénale sont contraires au droit de l'Union uniquement en ce qu'ils ne prévoient pas préalablement à l'accès aux données un contrôle par une juridiction ou une entité administrative indépendante. En revanche, le juge d'instruction est habilité à contrôler l'accès aux données de connexion.
14. Une personne mise en examen n'est recevable à invoquer la violation de l'exigence précitée que si elle prétend être titulaire ou utilisatrice de l'une des lignes identifiées ou si elle établit qu'il aurait été porté atteinte à sa vie privée, à l'occasion des investigations litigieuses.
15. L'existence d'un grief pris de l'absence d'un tel contrôle est établie si l'accès aux données de trafic et de localisation a méconnu les conditions matérielles posées par le droit de l'Union. Tel est le cas si l'accès a porté sur des données irrégulièrement conservées, s'il a eu lieu, hors hypothèse de la conservation rapide, pour une finalité moins grave que celle ayant justifié la conservation, n'a pas été circonscrit à une procédure visant à lutter contre la criminalité grave et a excédé les limites du strict nécessaire.
16. En l'espèce, M. [U] ne justifie ni même n'allègue qu'il aurait été porté atteinte à sa vie privée par les réquisitions délivrées aux opérateurs durant l'enquête ou sur commission rogatoire et tendant à obtenir les facturations détaillées et les géolocalisations des lignes téléphoniques dont il n'était ni titulaire ni utilisateur. Il n'a dès lors pas qualité pour en solliciter la nullité.
17. En revanche, il est recevable à solliciter la nullité des réquisitions portant sur les lignes téléphoniques dont il était l'utilisateur, auxquelles les enquêteurs n'ont eu accès que sur commission rogatoire du juge d'instruction.
18. C'est à tort que, pour ne pas faire droit à la nullité des procès-verbaux d'exploitation de facturations détaillées et de données géolocalisées concernant le requérant, l'arrêt énonce en substance que les articles L. 34-1 et R. 10-13 du code des postes et des communications électroniques, dans leur version en vigueur au moment des faits, prévoyaient une conservation ciblée des données de connexion.
19. En effet, une telle conservation n'existait pas en droit français.
20. L'arrêt n'encourt néanmoins pas la censure pour les motifs qui suivent.
21. D'une part, la chambre de l'instruction a, à juste titre, énoncé que les faits d'importation et d'exportation de plusieurs centaines de kilogrammes de cocaïne d'une grande pureté, en bande organisée, par une structure criminelle de dimension internationale, entrent dans le champ de la criminalité grave.
22. D'autre part, elle a également relevé que l'ingérence dans la vie privée du requérant constituée par les réquisitions aux opérateurs téléphoniques et l'exploitation des données d'identité, de trafic et de géolocalisation apparaissait tout à la fois nécessaire et proportionnée à la poursuite d'infractions pénales relevant de la criminalité grave.
23. Il s'ensuit qu'agissant sur commission rogatoire du juge d'instruction, les enquêteurs pouvaient, sans méconnaître les dispositions conventionnelles invoquées au moyen, accéder aux données de trafic et de localisation régulièrement conservées pour la finalité de la sauvegarde de la sécurité nationale.
24. Le moyen ne peut dès lors être accueilli.
25. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.




Civ.2 7 juillet 2022 n° 21-15.036

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CM


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 7 juillet 2022



Cassation

M. PIREYRE, président


Arrêt n° 777 F-D
Pourvoi n° C 21-15.036



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 JUILLET 2022
La société Matmut assurances, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° C 21-15.036 contre l'arrêt rendu le 11 février 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-6), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles,
2°/ à la société MMA IARD, société anonyme,
toutes deux ayant leur [Adresse 1] et venant aux droits de la société Covéa Fleet,
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Chauve, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Matmut assurances, de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat des sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 31 mai 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Chauve, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 11 février 2021), [G] [I], conducteur d'une motocyclette, est décédé dans un accident de la circulation dans lequel étaient impliqués un véhicule conduit par M. [K], assuré auprès de la société Matmut assurances (l'assureur), et un camion assuré auprès de la société Covea Fleet aux droits de laquelle viennent les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles.
2. Poursuivi notamment des chefs d'homicide involontaire, de circulation éloignée du bord droit de la chaussée, et de circulation sur la partie gauche d'une chaussée à double sens de circulation, M. [K] a été renvoyé de tous les chefs de la poursuite mais condamné sur le plan civil, in solidum avec son assureur, à payer différentes sommes aux ayants droit de [G] [I].
3. L'assureur a assigné les assureurs du camion impliqué pour obtenir leur condamnation à supporter une partie de l'indemnisation mise à sa charge.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. L'assureur fait grief à l'arrêt de dire qu'aucune fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée au criminel sur le civil ne pouvait être déduite de la relaxe prononcée le 11 février 2014 par le tribunal correctionnel de Marseille au bénéfice de M. [K], que ce dernier avait commis une faute de conduite, que M. [Y] et les sociétés MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA IARD ne seraient pas tenus à la contribution à la dette de réparation du préjudice corporel de [G] [I], alors « que les décisions définitives des juridictions pénales statuant au fond sur l'action publique ont au civil autorité absolue, à l'égard de tous, en ce qui concerne ce qui a été nécessairement jugé quant à l'existence du fait incriminé, sa qualification et la culpabilité ou l'innocence de ceux auxquels le fait est imputé ; que l'autorité absolue de la chose jugée au pénal s'attache tant au dispositif du jugement qu'aux motifs qui en sont le soutien nécessaire ; qu'en jugeant « qu'aucune fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée au criminel sur le civil ne peut être déduite de la relaxe prononcée le 11 février 2014 par le tribunal correctionnel de Marseille au bénéfice de M. [K] et que l'absence de faute pénale non intentionnelle au sens de l'article 121-3 du code pénal ne fait pas obstacle à l'exercice d'une action devant les juridictions civiles afin d'obtenir la réparation d'un dommage sur le fondement de l'article 1241 du code civil si l'existence de la faute civile prévue par cet article est établie », la cour d'appel a violé l'article 4-1 du code de procédure pénale, ensemble l'article 1351, devenu 1355 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1351, devenu 1355, du code civil, et l'article 4-1 du code de procédure pénale :
5. Si le second de ces textes permet au juge civil en l'absence de faute pénale non intentionnelle de retenir une faute civile, l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil posé par le premier de ces textes, reste attachée à ce qui a été définitivement décidé par le juge pénal sur l'existence du fait qui forme la base commune de l'action civile et de l'action pénale, sur sa qualification ainsi que sur la culpabilité de celui à qui le fait est imputé.
6. Pour rejeter la demande de l'assureur contre les assureurs du camion impliqué dans l'accident, l'arrêt rappelle d'abord qu'un tribunal correctionnel a renvoyé des fins de la poursuite M. [K] des chefs d'homicide involontaire avec cette circonstance qu'il avait omis délibérément de maintenir son véhicule près du bord droit de la chaussée, avant de se déporter et de circuler sur la partie gauche de la chaussée.
7. Il indique qu'en vertu de l'article 4-1 du code de procédure pénale, aucune fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée ne peut être déduite de la relaxe prononcée par le jugement.
8. Il relève ensuite qu'il résulte des constatations des services de police corroborées par les déclarations concordantes du chauffeur du camion impliqué dans l'accident et d'un tiers témoin que le véhicule de M. [K] s'est déporté par inadvertance vers la voie de gauche de la chaussée, sur laquelle circulait [G] [I]. Il en déduit que M. [K] a commis une faute de conduite de circulation sur la voie de gauche.
9. En statuant ainsi, la cour d'appel qui n'a pas caractérisé une faute civile de conduite distincte de celles pour lesquelles la relaxe a été prononcée, a violé les textes susvisés.




Civ.2 7 juillet 2022 n° 22-10.530

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2 / EXPTS
FD


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 7 juillet 2022



Annulation partielle

M. PIREYRE, président


Arrêt n° 761 F-D
Recours n° A 22-10.530





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 JUILLET 2022
Mme [P] [Z], domiciliée [Adresse 1], a formé le recours n° A 22-10.530 en annulation d'une décision rendue le 23 novembre 2021 par l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel de Reims.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Ittah, conseiller référendaire, après débats en l'audience publique du 31 mai 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Ittah, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Mme [Z] a sollicité son inscription sur la liste des experts judiciaires de la cour d'appel de Reims dans la rubrique « médecine générale » (F-01.14).
2. Par décision du 23 novembre 2021, contre laquelle Mme [Z] a formé un recours, l'assemblée générale des magistrats du siège de cette cour d'appel a rejeté sa demande.
Examen du grief
Exposé du grief
3. Mme [Z] fait valoir que l'assemblée générale a violé les articles 774, alinéa 2, du code de procédure pénale par fausse application et 776, 3°, du même code par refus d'application, en ce que cette dernière s'est fondée, pour considérer qu'elle ne satisfaisait pas aux conditions de moralité requises, exclusivement sur les condamnations figurant sur son casier judiciaire n° 1.
Réponse de la Cour
Vu les articles 774, alinéa 2, et 776, 3°, du code de procédure pénale :
4. Aux termes du premier de ces textes, le bulletin n° 1 du casier judiciaire n'est délivré qu'aux autorités judiciaires.
5. Selon le second, les administrations ou organismes chargés par la loi ou le règlement du contrôle de l'exercice d'une activité professionnelle ou sociale, dont l'exercice fait l'objet de restrictions expressément fondées sur l'existence de condamnations pénales ou de sanctions disciplinaires, peuvent se voir délivrer le bulletin n° 2 du casier judiciaire.
6. Il résulte de la combinaison de ces textes que lorsqu'elle dresse la liste des experts judiciaires conformément à l'article 2 de la loi n° 71-498 du 29 juin 1971, l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel, qui intervient alors comme autorité administrative, ne peut se fonder sur les mentions du bulletin n° 1 du casier judiciaire du candidat à l'inscription.
7. Pour refuser l'inscription de Mme [Z] sur le fondement de l'article 2, 1°, du décret n° 2004-1463 du 23 décembre 2004, en raison de faits contraires à l'honneur, à la probité et aux bonnes moeurs, l'assemblée générale s'est fondée exclusivement sur les condamnations qui figurent au bulletin n° 1 de son casier judiciaire, alors que le bulletin n° 2 porte la mention « néant ».
8. Il s'ensuit que la décision de cette assemblée générale doit être annulée en ce qui concerne Mme [Z].




Civ.2 7 juillet 2022 n° 20-20.807

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 7 juillet 2022



Cassation partielle sans renvoi

M. PIREYRE, président


Arrêt n° 795 F-D
Pourvoi n° E 20-20.807






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 JUILLET 2022
M. [B] [M], domicilié [Adresse 4],[Localité 3]é - Fort-de-France, a formé le pourvoi n° E 20-20.807 contre l'arrêt rendu le 30 juin 2020 par la cour d'appel de Fort-de-France (chambre civile), dans le litige l'opposant au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 2], défenderesse à la cassation.
Le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Ittah, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. [M], de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 31 mai 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Ittah, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 30 juin 2020), et les productions, M. [M] a été victime d'une agression par arme à feu, le 14 juin 2008.
2. Après le dépôt d'un rapport d'expertise judiciaire qui a fixé les différents postes de préjudice subis par M. [M], ce dernier a conclu, avec le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (le FGTI), deux constats d'accord qui ont été homologués par le président d'une commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI).
3. Aux termes du dernier accord conclu, seul restait réservé le poste des frais de logement adapté.
4. M. [M] a, de nouveau, saisi une CIVI pour que soit désigné un expert, afin, notamment, d'évaluer son besoin en tierce personne, avant et après consolidation, ainsi que ses dépenses de santé futures.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi principal, ci-après annexé
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen du pourvoi incident
Enoncé du moyen
6. Le FGTI fait grief à l'arrêt de fixer à 5 000 euros la provision de l'expert qui sera consignée par lui dans le délai de deux mois du présent arrêt, alors « que les frais exposés devant les juridictions de première instance et d'appel statuant en matière d'indemnisation des victimes d'infractions sont à la charge du Trésor public ; qu'en condamnant le FGTI à consigner la somme de 5 000 euros à titre d'avance sur les frais de l'expertise qu'elle a ordonnée, la cour d'appel a violé les articles R. 91 et R. 93, II, 11°, du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles R. 91 et R. 93, II, 11°, du code de procédure pénale et 695, 4°, du code de procédure civile :
7. Il résulte des deux premiers textes susvisés que les frais exposés devant les juridictions de première instance et d'appel, statuant en matière d'indemnisation des victimes d'infractions, sont à la charge du Trésor public.
8. Selon le troisième, les dépens comprennent la rémunération des techniciens.
9. L'arrêt, qui ordonne une mesure d'expertise, met à la charge du FGTI les frais de consignation.
10. En statuant ainsi, alors que le FGTI ne pouvait être condamné aux dépens, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
11. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
12. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
13. Il résulte de ce qui est dit aux paragraphes 7 à 10 que les frais d'expertise seront avancés par le Trésor public.
14. La cassation prononcée des chefs ci-dessus n'emporte pas cassation du chef de dispositif de l'arrêt qui a réservé les dépens.




Crim. 29 juin 2022 n° 21-81.943

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° C 21-81.943 F-D
N° 00859

MAS2 29 JUIN 2022

CASSATION

M. SOULARD président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 29 JUIN 2022

M. [W] [B] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, 10e chambre, en date du 22 février 2021, qui, pour agressions sexuelles aggravées et consultation habituelle d'un service en ligne mettant à disposition l'image à caractère pornographique de mineurs, l'a condamné à deux ans d'emprisonnement, cinq ans de suivi socio-judiciaire, et a prononcé sur les intérêts civils.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Issenjou, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [W] [B], et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 1er juin 2022 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Issenjou, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le jugement du 22 novembre 2016 a déclaré coupable M. [W] [B] des infractions susvisées, l'a condamné à dix-huit mois d'emprisonnement dont douze mois avec sursis et mise à l'épreuve, devenu sursis probatoire, et a prononcé sur les intérêts civils.
3. Le ministère public, le prévenu et les parties civiles ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [B] coupable des faits d'agression sexuelle imposée à un mineur de 15 ans et de consultation habituelle d'un service de communication au public en ligne mettant à disposition l'image ou la représentation pornographique de mineur entre le 1er janvier 2015 et le 10 juillet 2015, alors :
« 1°/ que devant la chambre des appels correctionnels, le président ou l'un des assesseurs, par lui désigné, informe le prévenu de son droit, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire ; que cette information doit intervenir avant l'ouverture des débats et avant toute déclaration du prévenu sur les faits pour lesquels il est poursuivi ; que la méconnaissance de cette obligation lui fait nécessairement grief ; qu'en l'espèce, il ressort des notes d'audiences que M. [B] s'est d'abord exprimé à l'audience sur les faits qui lui étaient reprochés, indiquant « je n'ai jamais touché la petite ; les photos, oui, je reconnais » et qu'ensuite seulement le conseiller lui avait donné lecture de « l'avertissement légal » de l'article 406 du code de procédure pénale ; que l'arrêt, qui comporte la mention contraire mais inexacte, ainsi qu'il résulte de la procédure d'inscription de faux dirigée contre celle-ci, ne satisfait pas aux conditions de son existence légale et sera annulé par application des articles 406 et 512 du code de procédure pénale et de l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme ;
2°/ que l'appel est jugé à l'audience sur le rapport oral d'un conseiller ; que cette formalité, prescrite à peine de nullité, doit être accomplie avant toute déclaration des parties sur les chefs de prévention dont la cour est saisie ; qu'en l'espèce, il ressort des notes d'audiences que M. [B] s'est d'abord exprimé à l'audience sur les faits qui lui étaient reprochés, indiquant « je n'ai jamais touché la petite ; les photos, oui, je reconnais » et qu'ensuite seulement le conseiller a été entendu sur son rapport ; que l'arrêt, qui comporte la mention contraire mais inexacte, ainsi qu'il résulte de la procédure d'inscription de faux dirigé contre celle-ci, ne satisfait pas aux conditions de son existence légale et sera annulé par application des articles 406 et 512 du code de procédure pénale et de l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Vu les articles 406, 512, 647-2, 647-3 et 647-4 et 512 du code de procédure pénale :
5. Il résulte du premier de ces textes, que devant le tribunal correctionnel, le président ou l'un des assesseurs, par lui désigné, informe le prévenu de son droit, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire. La méconnaissance de l'obligation d'informer le prévenu du droit de se taire lui fait nécessairement grief.
6. En application du second de ces textes, ces dispositions sont applicables également devant la chambre des appels correctionnels.
7. Les mentions de l'arrêt attaqué relatives à l'information du prévenu de son droit de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire au cours des débats ont été arguées de faux par celui-ci.
8. La première présidente de la Cour de cassation a autorisé le demandeur à s'inscrire en faux contre lesdites mentions, et les significations prévues à l'article 647-2 du code de procédure pénale ont été régulièrement effectuées.
9. Les parties civiles n'ont pas répondu à la sommation du demandeur, comme le prévoit l'article 647-3 du même code et le ministère public a fait savoir qu'il n'entendait pas se servir de la pièce contestée, ni soutenir l'exactitude des mentions critiquées de l'arrêt.
10. En conséquence, il se déduit de l'article 647-4 que les mentions arguées de faux doivent être considérées comme inexactes.
11. Par suite, il ne résulte pas de l'arrêt attaqué que le prévenu, qui a comparu à l'audience de la cour d'appel du 11 janvier 2021, ait été informé de son droit, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire au cours des débats.
12. En statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.
13. La cassation est par conséquent encourue.




Crim. 29 juin 2022 n° 21-84.727

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° D 21-84.727 F-D
N° 01083



29 JUIN 2022
RB5




NON LIEU À RENVOI






M. DE LAROSIÈRE DE CHAMPFEU conseiller le plus ancien faisant fonction de président,




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 29 JUIN 2022


Mme [K] [Z] a présenté, par mémoire spécial reçu le 14 avril 2022, une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi formé par elle contre l'arrêt de la cour d'assises de la Haute-Vienne, en date du 24 juin 2021, qui a déclaré irrecevable son opposition à l'arrêt de ladite cour d'assises, du 25 septembre 2020.
Sur le rapport de M. Turbeaux, conseiller, les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de Mme [K] [Z], et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 29 juin 2022 où étaient présents M. de Larosière de Champfeu, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Turbeaux, conseiller rapporteur, Mme Leprieur, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« Les dispositions des articles 270 et 379-2 à 379-7 du code de procédure pénale sont-elles contraires à la Constitution au regard des articles 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, au Préambule de la Constitution de 1946, aux articles 1er et 34 de la Constitution ainsi qu'au droit à une procédure juste et équitable, aux droits de la défense, aux principes d'égalité devant la loi, devant la justice et devant la procédure pénale et au principe de dignité humaine, en ce qu'elles ne prévoient pas en matière criminelle, lorsque la partie civile défaillante n'a pas été informée de la date d'audience, la possibilité pour elle de former opposition ? ».
2. Les dispositions contestées, de nature législative, sont applicables à la procédure, et n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.
3. La question, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. 4. En effet, la partie civile dispose, en application de l'article 372 du code de procédure pénale, de la faculté, en cas d'acquittement, de demander réparation du dommage résultant de la faute de l'accusé, telle qu'elle résulte des faits, objet de l'accusation, et conserve ainsi, même quand elle n'a pas comparu devant la cour d'assises, statuant en premier ressort ou en appel, le droit d'agir en réparation du dommage que lui ont personnellement causé les faits, y compris lorsque son préjudice vient d'une atteinte à sa dignité.
5. De plus, la différence de situation, devant la cour d'assises, entre l'accusé et la partie civile, justifie que seul l'accusé, absent lors de son procès et jugé par défaut, soit de nouveau jugé devant la cour d'assises, chargée de procéder à un nouvel examen de l'affaire, au plan pénal et au plan civil.




Crim. 29 juin 2022 n° 22-80.453

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° D 22-80.453 F-D
N° 00860

MAS2 29 JUIN 2022

ANNULATION

M. SOULARD président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 29 JUIN 2022




M. [U] [Z] a formé un pourvoi contre l'ordonnance du président de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Nîmes, en date du 24 novembre 2021, qui a déclaré irrecevable son appel de l'ordonnance du juge de l'application des peines du 14 octobre 2021.
Un mémoire personnel a été produit.
Sur le rapport de Mme Issenjou, conseiller, et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 1er juin 2022 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Issenjou, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'ordonnance attaquée et des pièces de procédure ce qui suit.
2. L'ordonnance du juge de l'application des peines susvisée a accordé à M. [U] [Z] une réduction supplémentaire de peine de sept mois pour la période allant du 4 octobre 2017 au 4 octobre 2021.
3. M. [Z] a relevé appel le 18 octobre 2021 de cette décision qui lui a été notifiée le 15 octobre 2021.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Le moyen est pris de la violation des articles 712-11 et 801 du code de procédure pénale.
5. Le moyen critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a déclaré son appel irrecevable, alors que l'ordonnance du juge de l'application des peines lui a été notifiée le vendredi 15 octobre 2021 et que sa déclaration d'appel n'a pu être enregistrée au greffe de l'établissement pénitentiaire que le lundi 18 octobre 2021, les courriers, en maison d'arrêt, n'étant pas acheminés les samedi et dimanche.
Réponse de la Cour
Vu les articles 712-11 et 801 du code de procédure pénale :
6. Selon ces textes, le délai de vingt-quatre heures imparti pour interjeter appel d'une ordonnance concernant les réductions de peine, qui expirerait un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant.
7. L'ordonnance du juge de l'application des peines du 14 octobre 2021 a été notifiée, le vendredi 15 octobre 2021, à la personne condamnée. Celle-ci en a relevé appel le lundi 18 octobre 2021.
8. Pour déclarer irrecevable cet appel, le président de la chambre de l'application des peines retient que le délai de vingt-quatre heures prévu par l'article 712-11 du code précité a expiré le 16 octobre 2021.
9. En se déterminant ainsi, le président de la chambre de l'application des peines a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.
10. L'annulation est, en conséquence, encourue.




Crim. 28 juin 2022 n° 22-81.108

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° R 22-81.108 F-D
N° 1065



28 JUIN 2022
ECF




NON LIEU À RENVOI






M. BONNAL conseiller le plus ancien faisant fonction de président,



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 28 JUIN 2022


M. [H] [F] a présenté, par mémoire spécial reçu le 16 mai 2022, une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi formé par lui contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Amiens, en date du 4 février 2022, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 19 octobre 2021, n° 21-82.230), dans la procédure d'extradition suivie contre lui à la demande du gouvernement marocain, a émis un avis favorable.
Sur le rapport de Mme Thomas, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [H] [F], et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 juin 2022 où étaient présents M. Bonnal, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Thomas, conseiller rapporteur, Mme Ménotti, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« Les dispositions des articles 194, 197, 198 et 609-1 du code de procédure pénale, telles qu'interprétées par la Cour de cassation, sont-elles contraires au droit à un recours juridictionnel effectif et aux droits de la défense, garantis par l'article 16 de la Déclaration de 1789, en ce qu'elles dispensent une chambre de l'instruction, statuant comme cour de renvoi après cassation, de se référer et de répondre aux mémoires antérieurement déposés devant la chambre de l'instruction dont la décision a été annulée ? ».
2. Les dispositions législatives contestées sont applicables à la procédure et n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, à l'exception de celles de l'article 194, alinéa 4, du code de procédure pénale, applicables seulement en matière de détention provisoire.
3. La question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.
4. La question posée ne présente pas un caractère sérieux, dès lors que, si la Cour de cassation juge que la chambre de l'instruction statuant comme cour de renvoi après cassation n'est tenue de se référer et de répondre qu'au mémoire produit au cours de la procédure ainsi ouverte devant elle dans les conditions prévues par les articles 194 et suivants du code de procédure pénale, cette solution ne découle pas de considérations liées à l'étendue de la saisine de la juridiction statuant sur renvoi après cassation, mais tire seulement les conséquences du caractère écrit de la procédure en vigueur devant la chambre de l'instruction, laquelle s'oppose à ce que les mentions d'un arrêt annulé relatives au dépôt d'un mémoire devant la chambre de l'instruction primitivement saisie lui survivent et fassent, à défaut de notes d'audience, foi d'un tel dépôt.
5. En outre, cette solution, qui n'emporte aucune restriction au droit de déposer un mémoire devant la chambre de l'instruction statuant sur renvoi après cassation, ne heurte ni le droit à un recours juridictionnel effectif, ni les droits de la défense.
6. Dès lors, il n'y a pas lieu de renvoyer la question au Conseil constitutionnel.




Crim. 28 juin 2022 n° 21-84.895

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° M 21-84.895 F-D
N° 00838

ODVS 28 JUIN 2022

CASSATION

M. SOULARD président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 28 JUIN 2022


M. [K] [M] a formé un pourvoi contre le jugement du tribunal de police de Paris, en date du 12 mai 2021, qui, pour contravention au code de la route, l'a condamné à 135 euros d'amende.
Un mémoire personnel et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Michon, conseiller référendaire, et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 31 mai 2022 où étaient présents M. Soulard, président, M. Michon, conseiller rapporteur, M. Bonnal, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure
1. Il résulte du jugement attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [M] a été poursuivi devant le tribunal de police du chef de non-respect des distances de sécurité.
Examen des moyens
Sur les premier et second moyens
Enoncé des moyens
3. Le premier moyen fait grief au jugement attaqué de déclarer le prévenu coupable alors que le procès-verbal de constatation de l'infraction se borne à énoncer la qualification de l'infraction et ne comporte aucune indication sur les circonstances concrètes des faits et ce en violation des articles R. 412-12 du code de la route et 537 du code de procédure pénale.
4. Le second moyen critique le jugement attaqué en ce qu'il a déclaré le prévenu coupable des faits sans motiver sa décision, en violation des articles 485 et 459 du code de procédure pénale.

Réponse de la Cour
5. Les moyens sont réunis.
Vu l'article 593 du code de procédure pénale :
6. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
7. Pour déclarer le prévenu coupable de conduite d'un véhicule sans respect des distances de sécurité, le jugement attaqué énonce qu'il résulte des débats de l'audience et des pièces versées à la procédure que l'intéressé a bien commis les faits qui lui sont reprochés.
8. En se déterminant ainsi, le tribunal de police n'a pas justifié sa décision.
9. En effet, s'il résulte de la référence aux pièces de la procédure que le juge s'est nécessairement fondé sur le procès-verbal constatant la contravention, cette pièce, qui n'indique pas les circonstances matérielles concrètes, hormis le temps et le lieu, de nature à caractériser le non-respect, par un véhicule, de la distance de sécurité avec celui qui le précède, ne comporte pas de constatations, au sens de l'article 537 du code de procédure pénale, de nature à établir l'inobservation des prescriptions de l'article R. 412-12 du code de la route.
10. La cassation est par conséquent encourue.




Crim. 22 juin 2022 n° 21-81.083

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° T 21-81.083 F-D
N° 00809

GM 22 JUIN 2022

REJET

M. SOULARD président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 22 JUIN 2022


M. [Z] [U] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 1er février 2021, qui a déclaré irrecevable son recours formé contre la décision de refus de restitution rendue par le procureur de la République.
Un mémoire, ainsi que des obsevations complémentaires, ont été produits.
Sur le rapport de M. Pauthe, conseiller, les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle - Hannotin, avocat de M. [Z] [U], et les conclusions de Mme Mathieu, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 mai 2022 où étaient présents M. Soulard, président, M. Pauthe, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.



Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Par arrêt du 19 mai 2016, devenu définitif à la suite du rejet du pourvoi formé par lui, la cour d'assises du Var a condamné M. [U] à la peine de réclusion criminelle à perpétuité sans se prononcer sur le sort des objets placés sous main de justice durant l'information.
3. Saisi de plusieurs demandes de restitution formulées par l'intéressé, le procureur de la République a, le 18 mai 2020, rendu une décision ordonnant une restitution partielle, à l'encontre de laquelle le demandeur a formé deux recours adressés, par lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR) respectivement au procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence et à la cour d'assises du Var.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevables les recours formés par le demandeur contre la décision du 18 mai 2020 du procureur de la République, alors « que par un mémoire distinct, il est demandé à la Cour de cassation qu'elle transmette au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité suivante : « En ce qu'il ne prévoit pas que la notification de la décision de restitution ou de non-restitution doit comporter l'indication des voies et délais de recours, l'article 41-4, alinéa 2, du code de procédure pénale est-il contraire au droit à un recours juridictionnel effectif garanti par l'article 16 de la DDHC de 1789, les articles 6 et 13 de la CEDH ainsi qu'au droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la DDHC de 1789 ? » conduisant, par application des articles 61-1 et 62 de la Constitution à la perte du fondement juridique de l'arrêt attaqué.»
Réponse de la Cour
5. Par décision du 18 février 2022 (Cons. Const. 18 février 2022, décision n° 2021-970 QPC), le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution l'article 41-4 du code de procédure pénale.
6. Il en résulte que le moyen est devenu sans objet.


Sur le second moyen
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevables les recours formés par le demandeur contre la décision du 18 mai 2020 du procureur de la République, alors « que n'est pas tardif le recours formé par lettre postale expédiée dans le délai, peu important qu'elle soit parvenue à destination après l'expiration de celui-ci ; qu'ayant constaté que le délai de recours expirait le 27 juillet 2020 et que la seconde lettre adressée en recommandé AR par le demandeur était datée du 24 juillet mais avait été distribuée le 6 août, la cour ne pouvait déclarer le recours irrecevable sans constater en outre que la lettre aurait été envoyée après l'expiration du délai ; qu'ainsi, la cour a statué par un motif inopérant et entaché son arrêt d'un défaut de base légale au regard du principe général susvisé et des articles 41-4 alinéa 2 du code de procédure pénale et 4 de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles de procédure pénale sur le fondement de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19. »
Réponse de la Cour
8. Pour déclarer irrecevables les deux recours formés par le demandeur à l'encontre de la décision de refus de restitution du procureur de la République du 18 mai 2021, l'arrêt attaqué relève qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 41-4 du code de procédure pénale, le recours exercé contre la décision de non restitution devant le président de la chambre de l'instruction ou devant cette juridiction, doit être formé dans le délai d'un mois suivant sa notification, par déclaration au greffe ou par LRAR et qu'en application de l'article 4 de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 portant adaptation de règles de procédure pénale sur le fondement de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19, le délai de recours était en l'espèce de deux mois.
9. Les juges ajoutent que la décision du 18 mai 2020 ayant été portée à la connaissance de M. [U] le 27 mai 2020, le délai de recours contre cette décision expirait par conséquent le 27 juillet 2020.
10. Ils constatent que, si M. [U] a mentionné sur la première de ces lettres la date du 25 juillet 2020, il ressort des mentions, d'une part, du bordereau d'envoi en recommandé que ce courrier a été confié à la poste le 3 août 2020, d'autre part, du tampon d'arrivée apposé par le service courrier de la cour d'appel, qu'il a été reçu le 5 août 2020.
11. Ils soulignent, concernant le second courrier, que si M. [U] a mentionné sur la seconde de ces lettres la date du 24 juillet 2020, il ressort du tampon d'arrivée et de la mention du greffier de la cour d'assises du Var que ce courrier recommandé a été distribué le 6 août 2020.
12. La chambre de l'instruction conclut que les recours sont l'un comme l'autre irrecevables pour avoir été formés après l'expiration du délai de deux mois précité.
13. En déclarant irrecevables comme tardifs les deux recours formés par le requérant contre la décision de refus de restitution rendue le 18 mai 2020 par le procureur de la République et qui lui a été régulièrement notifiée le 27 mai 2020, les juges ont fait l'exacte application de la loi.
14. En effet, d'une part, les dispositions du code de procédure civile ne sont pas applicables à la matière pénale.
15. D'autre part, la date à prendre en considération pour déterminer le terme du délai pendant lequel un recours peut être formé contre une décision de refus de restitution rendue par le procureur de la République en application de l'article 41-4 du code de procédure pénale, est celle à laquelle la lettre recommandée avec demande d'avis de réception prévue par le troisième alinéa de ce texte parvient aux services du procureur de la République qui a rendu la décision contestée.
16. Le moyen sera en conséquence écarté.
17. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.




Crim. 22 juin 2022 n° 22-82.114

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° J 22-82.114 F-D
N° 01039

MAS2 22 JUIN 2022

CASSATION

Mme DE LA LANCE conseiller doyen faisant fonction de président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 22 JUIN 2022



L'association [4] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Dijon, en date du 16 février 2022, qui, dans l'information suivie contre elle des chefs de complicité d'exercice illégal de la profession de chirurgien-dentiste, abus de confiance et tromperie aggravée, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction la plaçant sous contrôle judiciaire.
Des mémoires ont été produits.
Sur le rapport de M. Wyon, conseiller, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de l'association [4], et les conclusions de M. Bougy, avocat général, après débats en l'audience publique du 22 juin 2022 où étaient présents Mme de la Lance, conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Wyon, conseiller rapporteur, Mme Planchon, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Dans le cadre d'une information ouverte sur les conditions de fonctionnement de ses centres dentaires de [Localité 2] et [Localité 1], l'association [4] a été mise en examen des chefs de complicité d'exercice illégal de la profession de chirurgien-dentiste, tromperie sur une prestation de services entraînant un danger pour la santé de l'homme, et abus de confiance.
3. Par ordonnance du juge d'instruction en date du 22 octobre 2021, l'association a été placée sous contrôle judiciaire, avec interdiction d'exercer des actes de chirurgie dentaire et d'employer des salariés pour effectuer ces actes, et assujettissement au contrôle d'un mandataire de justice pour une durée de six mois renouvelables.
4. L'association [4] a fait appel de cette décision.
5. Par ordonnance du 17 mai 2022, le président du tribunal judiciaire de Dijon a désigné la société [3], prise en la personne de Mme [E] [T], mandataire ad hoc, aux fins d'exercer les droits et actions du débiteur qui ne sont pas compris dans la liquidation judiciaire au cours de la procédure de liquidation judiciaire de l'association [4], laquelle a repris l'instance.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Énoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance de placement sous contrôle judiciaire de l'association [4], alors :
« 1°/ qu'il résulte des mentions de l'arrêt que, pour l'examen de l'affaire au fond, le ministère public n'a été entendu en ses réquisitions que sur la demande de renvoi dont l'examen avait été précédemment joint au fond ; qu'en statuant sans les réquisitions du ministre public sur le fond, la chambre de l'instruction a violé les articles 199 et 216 du code de procédure pénale ;
2°/ que devant la chambre de l'instruction, la personne mise en examen ou son avocat doivent avoir la parole en dernier ; qu'à supposer que le ministère public soit intervenu sur le fond autant que sur la demande de renvoi, cette intervention ayant eu lieu en dernier, après l'intervention de la défense, la chambre de l'instruction a violé les articles 199 du code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
3°/ qu'en tout état de cause, en mentionnant tout à la fois, s'agissant de l'examen du fond, que la défense a eu la parole en dernier et, ensuite, que le ministère public est intervenu sur la demande de renvoi, l'arrêt ne met pas la Cour de cassation en mesure de s'assurer du respect de l'ordre de parole et a été rendu en violation de l'article 593 du code de procédure pénale ;
4°/ qu'en toute hypothèse il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que la défense n'a eu la parole en dernier sur la demande de renvoi, ni à l'issue du débat portant sur cette demande, ni à l'issue de celui portant sur le fond auquel avait été joint l'incident ; que la chambre de l'instruction a violé les articles 199 du code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et 199 du code de procédure pénale :
7. Il se déduit de ces textes que, devant la chambre de l'instruction, la personne mise en examen ou son avocat doivent avoir la parole les derniers.
8. Il se déduit du second que les débats devant la chambre de l'instruction comportent l'audition du procureur général en ses réquisitions.
9. L'arrêt attaqué mentionne, sur la demande de renvoi, que l'avocat de la personne mise en examen a été entendu en ses observations, puis le président de la chambre de l'instruction en son rapport, et enfin le substitut général.
10. Il indique, sur le fond, que le président de la chambre de l'instruction a été entendu en son rapport, puis l'avocat de la personne mise en examen en sa plaidoirie, puis l'association [4] qui a eu la parole en dernier, et enfin le substitut général sur la demande de renvoi.


11. Ces mentions ne permettent pas à la Cour de cassation de s'assurer que le ministère public a été entendu sur le fond, ni que la défense a eu la parole en dernier sur la demande de renvoi comme à l'issue de l'ensemble des débats, et donc que les principes ci-dessus rappelés ont été respectés.
12. La cassation est par conséquent encourue.




Crim. 22 juin 2022 n° 21-83.036 B

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° R 21-83.036 F- B
N° 00816

GM 22 JUIN 2022

CASSATION

M. SOULARD président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 22 JUIN 2022


MM. [X] [H] et [W] [P] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers, chambre correctionnelle, en date du 28 avril 2021, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 25 novembre 2020, n° 19-85.205), pour banqueroute les a condamnés chacun à une amende de 10 000 euros, et a prononcé sur les intérêts civils.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Fouquet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [W] [P], les observations de la SARL Le Prado, avocat de M. [X] [H], les observations de de la SCP Spinosi, avocat de M. [E], des sociétés [1], [4], et les conclusions de Mme Mathieu, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 mai 2022 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Fouquet, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le 30 décembre 2008, la SCI [4] (la SCI) a acquis un terrain en vu de la réalisation d'un vaste programme immobilier, financé en totalité par un découvert en compte d'un montant de 1 400 000 euros.
3. Le 4 juin 2012, la société [1] et son gérant M. [V] [E], actionnaires de la SCI, ont déposé plainte auprès du procureur de la République pour abus de confiance. Ils ont reproché aux dirigeants de la SCI, MM. [W] [P] et [X] [H], d'avoir détourné une partie de la trésorerie au profit du Groupe [2], dont ils assuraient également la direction.
4. Par jugement du tribunal de grande instance en date du 15 octobre 2013, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte au profit de la SCI.
5. L'administrateur provisoire a transmis au procureur de la République le rapport d'expertise comptable établi par le cabinet [3], désigné par le tribunal dans le cadre de cette procédure, certaines irrégularités constatées par l'expert lui paraissant relever d'une qualification pénale.
6. A l'issue des investigations, MM. [P] et [H] ont été poursuivis devant le tribunal correctionnel, en qualité de dirigeants de fait ou de droit de la SCI, des chefs de banqueroute par emploi de moyens ruineux et tenue d'une comptabilité manifestement irrégulière ou incomplète.
7. Les juges du premier degré ont reconnu les prévenus coupables du délit de banqueroute pour les faits commis à compter de la date de cessation des paiements, reçu les constitutions de partie civile de M. [E], de la société [1], de la SCI et de La SCP [F]-[O], ès qualités de commissaire à l'exécution du plan et déclaré MM. [P] et [H] solidairement responsables de leurs préjudices.
8. Par arrêt en date du 3 juillet 2019, la cour d'appel, infirmant le jugement a relaxé les deux prévenus.
9. Sur pourvoi du procureur général, la Cour de cassation a cassé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant une autre cour d'appel.
Examen des moyens
Sur le premier moyen proposé pour M. [P], pris en sa troisième branche, les premier, deuxième et huitième moyens, pris en sa troisième branche proposés pour M. [H]
10. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen proposé pour M. [P] et le huitième moyen proposé pour M. [H], pris en leurs première et deuxième branches
Enoncé des moyens
11. Le premier moyen proposé pour M. [P], pris en ses deux premières branches, critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclaré coupable de l'infraction de banqueroute par comptabilité manifestement irrégulière ou incomplète pour l'exercice 2012 pour la période du 1er janvier au 1er juillet 2012, alors :
« 1°/ que l'article L. 654-2, 5°, du code de commerce incrimine le fait d'avoir tenu une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions légales ; qu'il appartient au juge répressif qui entre en voie de condamnation du chef de ce texte d'identifier la disposition légale en matière de comptabilité qui n'a pas été respectée par l'agent ; qu'en déclarant M. [P] coupable du délit de l'article L. 654-2, 5°, du code de commerce, sans identifier la disposition légale en matière de comptabilité qui aurait été violée, la cour d'appel a méconnu ce texte, ensemble les articles 111-3 du code pénal et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme garantissant le principe de légalité des délits et des peines ;
2°/ qu'il résulte de l'article L. 123-12 du code de commerce que les comptes annuels doivent être établis une fois par an, à la clôture de l'exercice, et que si les mouvements affectant le patrimoine de l'entreprise doivent être enregistrés chronologiquement, ils n'ont pas à l'être au jour le jour ; que la cour d'appel ayant constaté que M. [P] avait démissionné de ses fonctions de gérant de la SCI à compter du 1er juillet 2012 et jugé qu'aucun élément du dossier ne permettait de considérer qu'après cette date, il avait exercé une gérance de fait de cette société, il s'en déduisait qu'il n'appartenait pas à M. [P] d'établir la comptabilité de l'exercice clos le 31 décembre 2012 ; que la cour d'appel, qui a pourtant retenu la responsabilité pénale de celui-ci concernant l'infraction de banqueroute par comptabilité manifestement irrégulière et incomplète sur l'exercice 2012 en énonçant qu'il importait peu qu'il n'ait plus été en fonction à la clôture de l'exercice, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 123-12 et L. 654-2, 5°, du code de commerce. »
12. Le huitième moyen proposé pour M. [H], pris en ses deux premières branches, critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré coupable de l'infraction de banqueroute par comptabilité
« 1°/ que l'article L. 654-2, 5°, du code de commerce incrimine le fait d'avoir tenu une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions légales ; qu'il appartient au juge répressif qui entre en voie de condamnation du chef de ce texte d'identifier la disposition légale en matière de comptabilité qui n'a pas été respectée par l'agent ; qu'en déclarant M. [H] coupable du délit de l'article L. 654-2, 5°, du code de commerce, sans identifier la disposition légale en matière de comptabilité qui aurait été violée, la cour d'appel a méconnu ce texte, ensemble les articles 111-3 du code pénal et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme garantissant le principe de légalité des délits et des peines ;
2°/ qu' il résulte de l'article L. 123-12 du code de commerce que les comptes annuels doivent être établis une fois par an, à la clôture de l'exercice, et que si les mouvements affectant le patrimoine de l'entreprise doivent être enregistrés chronologiquement, ils n'ont pas à l'être au jour le jour ; que la cour d'appel ayant constaté que M. [H] ne pouvait se voir reprocher les faits de banqueroute que jusqu'au 13 septembre 2013, date de la cessation des paiements de la SCI, il s'en déduisait qu'il n'appartenait pas à M. [H] d'établir la comptabilité de l'exercice clos le 31 décembre 2013 ; que la cour d'appel, qui a pourtant retenu la responsabilité pénale de celui-ci concernant l'infraction de banqueroute par comptabilité incomplète et par absence de comptabilité sur l'exercice 2013, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 123-12 et L. 654-2, 5°, du code de commerce. »
Réponse de la Cour
13. Les moyens sont réunis.
14. Pour déclarer les prévenus coupables du délit de banqueroute par tenue d'une comptabilité manifestement irrégulière ou incomplète, l'arrêt attaqué énonce notamment qu'il résulte du pré-rapport et du rapport d'expertise comptable établi par le cabinet [3] que dès 2009 le terrain acquis le 30 décembre 2008 a été comptabilisé sous la rubrique « immobilisations corporelles » alors qu'il aurait du être comptabilisé dans le poste « stock et en cours » cette erreur ayant eu des répercussions en cascade sur la comptabilisation de la cession en VEFA à Nouveaux Logis.
15. Il relève également qu'il existe une discordance entre les dispositions fiscales figurant dans des actes de ventes de lots de terrains et la déclaration de TVA finale faite par la SCI et que si le cabinet [3] a estimé que la consultation d'un avocat fiscaliste était opportune compte tenu de la spécificité de l'activité de la société afin de valider la situation fiscale de la société, il n'en demeure pas moins qu'il existe une anomalie évidente résultant de la seule comparaison entre l'option fiscale choisie figurant dans l'acte de vente et l'option finalement exercée lors de la déclaration.
16. Il retient qu'il résulte de ces rapports que la comptabilité 2012 était irrégulière du fait du report erroné du résultat 2011 pour un montant de537,67 euros alors qu'il était de 16 330 euros dans le résultat financier de 2011 et que cette erreur grossière constitue un manquement grave aux règles et principes comptables de nature à donner une image fausse de la santé de la société.
17. Les juges ajoutent qu'il est constant qu'aucune comptabilité n'a été tenue en 2013, aucun élément comptable n'ayant été produit à l'administrateur provisoire puis à [3] dans le cadre des missions confiées par le tribunal de grande instance de Brive-La-Gaillarde.
18. Ils en déduisent que la procédure a permis d'établir que sur l'exercice 2012, la comptabilité de la SCI est irrégulière, les irrégularités constatées s'avérant manifestes par défaut de concordances entre les opérations comptables et leurs justificatifs ou par défaut de concordance d'une année sur l'autre.
19. La cour d'appel précise que M. [P] ayant démissionné de ses fonctions de gérant de la SCI à compter du 1er juillet 2012 et la cour ayant jugé qu'aucun élément du dossier ne permettait de considérer qu'après cette date, il avait exercé une gérance de fait, sa responsabilité pénale sera retenue concernant l'infraction de banqueroute par comptabilité irrégulière et incomplète sur l'exercice 2012, peu important qu'il n'ait plus été en fonction à la clôture de l'exercice mais qu'en revanche, le délit de banqueroute par absence de comptabilité pour l'année 2013 ne peut lui être imputée et que s'agissant de M. [H], il sera déclaré coupable en qualité de gérant de fait des infractions de banqueroute par comptabilité irrégulière et incomplète sur l'exercice 2012 et par absence de comptabilité sur l'exercice 2013 peu important les démarches judiciaires entreprises en vue de faire désigner un administrateur provisoire suite à la démission de M. [P].
20. En l'état de ces énonciations, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.
21. En effet, en premier lieu, l'article L. 654-2, 5°, du code de commerce, qui incrimine le fait d'avoir tenu une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions légales, sanctionne tout manquement manifeste aux obligations comptables commis par le prévenu dès lors qu'il se trouve obligé de tenir une comptabilité en vertu d'une disposition légale.
22. En conséquence, les demandeurs, qui n'ont pas contesté que la SCI dont ils étaient les gérants était soumise à l'obligation légale de tenir une comptabilité commerciale, ne sauraient se faire un grief de ce que la cour d'appel n'a pas précisé la nature des obligations comptables particulières méconnues.
23. En second lieu, l'obligation de tenir une comptabilité régulière en application de l'article L. 123-12 du code de commerce ne se limite pas à l'établissement des comptes annuels à la clôture de l'exercice, mais implique également l'enregistrement chronologique des mouvements affectant le patrimoine dans les livres comptables et l'inventaire périodique, de sorte que le délit de banqueroute par tenue d'une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière se trouve constitué avant ladite clôture lorsque sont constatés des manquements ou des irrégularités manifestes dans la tenue des livres comptables.
24. Ainsi, les moyens ne sont pas fondés.
Mais sur les deuxième, troisième, quatrième, cinquième, sixième et septième moyens proposés pour M. [P] et les troisième, quatrième, cinquième, sixième, septième et neuvième moyen proposés pour M. [H]
Énoncé des moyens
25. Le deuxième moyen proposé pour M. [P], critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré recevables les constitutions de parties civiles de M. [E], de la société [1], de la SCI [4] et de la SCP [F]-[O] ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la SCI et de l'avoir déclaré responsable, solidairement avec M. [H], des préjudices subis par M. [E], la société [1], la SCI [4] et les créanciers chirographaires au jour du jugement du 6 décembre 2018, alors :
« 1°/ que la société débitrice ne fait pas partie des personnes habilitées, en vertu de l'article L. 654-17 du code de commerce, à se constituer partie civile par voie d'action du chef du délit de banqueroute ; qu'à supposer même que la société débitrice soit admise à se constituer partie civile par voie d'intervention du chef du délit de banqueroute par comptabilité manifestement irrégulière ou incomplète, encore faut-il qu'elle justifie avoir personnellement souffert d'un dommage directement causé par cette infraction, comme l'exige l'article 2 du code de procédure pénale ; qu'en déclarant recevable la constitution de partie civile de la SCI [4] et en déclarant M. [P] responsable de son préjudice, sans préciser le préjudice occasionné à celle-ci, ni vérifier si ce préjudice – à le supposer établi – résultait directement de l'infraction de banqueroute par comptabilité manifestement irrégulière ou incomplète pour l'exercice 2012, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des textes précités et de l'article L. 654-2 du code de commerce ;
2°/ que si l'article L. 654-17 du code de commerce n'interdit pas aux actionnaires de se constituer partie civile par voie d'intervention du chef de banqueroute, c'est à la condition qu'ils invoquent un préjudice résultant directement de l'infraction et distinct tant du préjudice subi par la société débitrice que du montant de leur créance déclarée dans la procédure collective de cette dernière ; qu'en déclarant recevables les constitutions de parties civiles de la société [1] et de M. [E] – associés de la SCI [4] et en déclarant M. [P] responsable de leur préjudice, sans préciser le préjudice occasionné à la société [1] et à M. [E], ni vérifier si ce préjudice – à le supposer établi – résultait directement de l'infraction de banqueroute par comptabilité manifestement irrégulière ou incomplète pour l'exercice 2012 et était distinct tant du préjudice que la SCI [4] alléguait avoir subi que du montant de leur créance déclarée dans la procédure collective de cette dernière, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles L. 654-2 et L. 654-17 du code de commerce et 2 du code de procédure pénale ;
3°/ qu'en confirmant le jugement en ce qu'il a déclaré recevable la constitution de partie civile de la SCP [F]-[O] ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la SCI [4] et déclaré M. [P] responsable du préjudice subi par les créanciers chirographaires au jour du jugement, sans aucunement motiver sa décision sur ce point, qui était expressément contesté par M. [P] dans ses conclusions, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs et ainsi violé l'article 593 du code de procédure pénale. »
26. Le troisième moyen proposé pour M. [P], critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré recevables les constitutions de parties civiles de la SCI [4], de la société [1] et de M. [E] et de l'avoir déclaré responsable solidairement avec M. [H] du préjudice subi par ces derniers alors « que ne sont recevables à se constituer partie civile du chef de banqueroute que les personnes limitativement autorisées à le faire par l'article L. 654-17 du code de commerce que sont l'administrateur, le mandataire judiciaire, le représentant des salariés, le commissaire à l'exécution du plan, le liquidateur ou la majorité des créanciers nommés contrôleurs agissant dans l'intérêt collectif des créanciers ; qu'en déclarant recevables les constitutions de parties civiles de la SCI [4], de la société [1] et de M. [E] quand ceux-ci n'avaient pas l'une des qualités visées à l'article L. 654-17 du code de commerce, la cour d'appel a méconnu l'article L. 654-2 du code de commerce, ensemble l'article L. 654-17 du même code. »
27. Le quatrième moyen proposé pour M. [P], critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclaré responsable solidairement avec M. [H] du préjudice subi par la SCI [4], alors :
« 1°/ que la juridiction correctionnelle, saisie de l'action publique et de l'action civile, lorsqu'elle relaxe, ne peut que débouter la partie civile de son action ; qu'aux termes de ses écritures d'appel, la SCI [4] soutient que « son préjudice est lié à l'ensemble des actes commis par les deux prévenus qui ont retardé la date de cessation des paiements » ; que la cour d'appel a, dans l'arrêt attaqué, relaxé M. [P] pour avoir « évité ou retardé la procédure », faits compris dans la poursuite du chef de banqueroute par emploi de moyens ruineux ; qu'en déclarant M. [P] responsable civilement du préjudice subi par la SCI [4], la cour d'appel a méconnu l'article 2 du code de procédure pénale, ensemble le principe selon lequel la juridiction correctionnelle, saisie de l'action publique et de l'action civile, lorsqu'elle relaxe, ne peut que débouter la partie civile de son action ;
2°/ que les juges du fond, statuant sur les intérêts civils, doivent se prononcer dans les limites des conclusions dont ils sont saisis ; que si la cour d'appel a entendu condamner M. [P] à indemniser la SCI [4] pour le préjudice résultant du délit de banqueroute par tenue d'une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière, elle a alors statué ultra petita et méconnu ainsi l'étendue de sa saisine ensemble l'article 1240 du code civil ;
3°/ que l'action civile devant les juridictions répressives n'appartient qu'à ceux qui ont personnellement et directement souffert des faits, objet de l'infraction poursuivie ; que la SCI [4] demandait réparation du « préjudice économique lié à l'augmentation du passif entre la date de cessation de paiement réelle et la date retenue (?) ainsi que des frais qu'ont déclenché ce surplus de passif dans le plan de redressement » ; qu'en déclarant M. [P] responsable du préjudice subi par la SCI [4] sans rechercher si les préjudices invoqués, notamment les frais, étaient en relation directe avec les infractions reprochées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 2 et 3 du code de procédure pénale. »
28. Le cinquième moyen proposé pour M. [P], critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclaré responsable solidairement avec M. [H] du préjudice subi par la société [1], alors « qu' en déclarant M. [P] responsable du préjudice subi par la société [1] quand celle-ci demandait l'indemnisation résultant de ce « qu'en tant qu'associée la SARL [1] a dû s'investir dans la gérance de la SCI afin de la redresser et de la rendre in bonis, ce qui a constitué un coût ainsi que des dépenses importantes », préjudice qui, même à le supposer établi, n'était pas en lien de causalité directe avec les infractions pour lesquelles M. [P] a été condamné, la cour d'appel a méconnu les articles 2 et 3 du code de procédure pénale. »
29. Le sixième moyen proposé pour M. [P], critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclaré responsable solidairement avec M. [H] du préjudice subi par M. [E], alors « qu'il a demandé réparation du « préjudice moral car il a été berné par ses associés et la banque, qui ont passé des actes ayant amené à l'aggravation du passif sans le tenir informé » ; que le fait d'avoir « berné » M. [E] n'est ni un fait pour lequel M. [P] a été condamné ni même un fait pour lequel il a été poursuivi ; qu'en déclarant M. [P] responsable du préjudice subi par M. [E] quand le préjudice moral invoqué, même à le supposer établi, n'était pas en lien de causalité directe avec les infractions pour lesquelles M. [P] a été condamné ou même poursuivi, la cour d'appel a méconnu les articles 2 et 3 du code de procédure pénale. »
30. Le septième moyen proposé pour M. [P], critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclaré responsable solidairement avec M. [H] du préjudice subi par les créanciers chirographaires au jour du jugement, alors :
« 1°/ que les juges du fond, statuant sur les intérêts civils, doivent se prononcer dans les limites des conclusions dont ils sont saisis ; qu'en déclarant M. [P] responsable du préjudice subi par les créanciers chirographaires au jour du jugement quand ceux-ci ne s'étaient pas constitués partie civile, la cour d'appel a statué ultra petita et méconnu ainsi l'étendue de sa saisine ensemble l'article 1240 du code civil ;
2°/ que si l'article L. 654-17 du code de commerce n'interdit pas aux créanciers de se constituer partie civile par voie d'intervention, c'est à la condition que soit invoqué, par la partie intervenante, un préjudice distinct du montant de sa créance déclarée dans la procédure collective ouverte contre son débiteur et résultant directement de l'infraction ; qu'en déclarant M. [P] responsable du préjudice subi par les créanciers chirographaires au jour du jugement, sans rechercher s'il existait un préjudice distinct du montant des créances déclarées dans la procédure collective ouverte et résultant directement de l'infraction, la cour d'appel a méconnu l'article L. 654-17 du code de commerce, ensemble l'article L. 654-2 du même code. »
31. Le troisième moyen proposé pour M. [H], critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré recevables les constitutions de partie civile de la SCI [4], de la société [1] et de M. [E] et a déclaré M. [H] responsable solidairement avec M. [P] du préjudice subi par ces derniers, alors « que ne sont recevables à se constituer partie civile du chef de banqueroute que les personnes limitativement autorisées à le faire par l'article L. 654-17 du code de commerce que sont l'administrateur, le mandataire judiciaire, le représentant des salariés, le commissaire à l'exécution du plan, le liquidateur ou la majorité des créanciers nommés contrôleurs agissant dans l'intérêt collectif des créanciers ; qu'en déclarant recevables les constitutions de parties civiles de la SCI [4], de la société [1] et de M. [E] quand ceux-ci n'avaient pas l'une des qualités visées à l'article L. 654-17 du code de commerce, la cour d'appel a méconnu l'article L. 654-2 du code de commerce, ensemble l'article L. 654-17 du même code. »
32. Le quatrième moyen proposé pour M. [H], critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclaré responsable solidairement avec M. [P] du préjudice subi par la SCI [4], alors :
« 1°/ que la juridiction correctionnelle, saisie de l'action publique et de l'action civile, lorsqu'elle relaxe, ne peut que débouter la partie civile de son action ; qu'aux termes de ses écritures d'appel, la SCI [4] soutient que « son préjudice est lié à l'ensemble des actes commis par les deux prévenus qui ont retardé la date de cessation des paiements » que la cour d'appel a, dans l'arrêt attaqué, relaxé M. [H] pour avoir « éviter ou retarder la procédure », faits compris dans la poursuite du chef de banqueroute par emploi de moyens ruineux ; qu'en déclarant M. [H] responsable civilement du préjudice subi par la SCI [4], la cour d'appel a méconnu l'article 2 du code de procédure pénale, ensemble le principe selon lequel la juridiction correctionnelle, saisie de l'action publique et de l'action civile, lorsqu'elle relaxe, ne peut que débouter la partie civile de son action ;
2°/ que les juges du fond, statuant sur les intérêts civils, doivent se prononcer dans les limites des conclusions dont ils sont saisis ; que si la cour d'appel a entendu condamner M. [H] à indemniser la SCI [4] pour le préjudice résultant du délit de banqueroute par tenue d'une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière, elle a alors statué ultra petita et méconnu ainsi l'étendue de sa saisine ensemble l'article 1240 du code civil ;
3°/ que l'action civile devant les juridictions répressives n'appartient qu'à ceux qui ont personnellement et directement souffert des faits, objet de l'infraction poursuivie ; que la SCI [4] demandait réparation du « préjudice économique lié à l'augmentation du passif entre la date de cessation de paiement réelle et la date retenue (?) ainsi que des frais qu'ont déclenché ce surplus de passif dans le plan de redressement » ; qu'en déclarant M. [H] responsable du préjudice subi par la SCI [4] sans rechercher si les préjudices invoqués, notamment les frais, étaient en relation directe avec les infractions reprochées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 2 et 3 du code de procédure pénale. »
33. Le cinquième moyen proposé pour M. [H], critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclaré responsable solidairement avec M. [P] du préjudice subi par la société [1], alors « qu'en déclarant M. [H] responsable du préjudice subi par la société [1] quand celle-ci demandait l'indemnisation résultant de ce « qu'en tant qu'associée la SARL [1] a dû s'investir dans la gérance de la SCI afin de la redresser et de la rendre in bonis, ce qui a constitué un coût ainsi que des dépenses importantes », préjudice qui, même à le supposer établi, n'était pas en lien de causalité directe avec les infractions pour lesquelles M. [H] a été condamné, la cour d'appel a méconnu les articles 2 et 3 du code de procédure pénale. »
34. Le sixième moyen proposé pour M. [H], critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclaré responsable solidairement avec M. [P] du préjudice subi par M. [E], alors « que M. [E] a demandé réparation du « préjudice moral car il a été berné par ses associés et la banque, qui ont passé des actes ayant amené à l'aggravation du passif sans le tenir informé» ; que le fait d'avoir été « berné » n'est ni un fait pour lequel M. [H] a été condamné ni même un fait pour lequel il a été poursuivi ; qu'en déclarant M. [H] responsable du préjudice subi par M. [E] quand le préjudice moral invoqué, même à le supposer établi, n'était pas en lien de causalité directe avec les infractions pour lesquelles M. [H] a été condamné ou même poursuivi, la cour d'appel a méconnu les articles 2 et 3 du code de procédure pénale. »
35. Le septième moyen proposé pour M. [H], pris en ses deux premières branches, critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclaré responsable solidairement avec M. [P] du préjudice subi par les créanciers chirographaires au jour du jugement, alors :
« 1°/ que les juges du fond, statuant sur les intérêts civils, doivent se prononcer dans les limites des conclusions dont ils sont saisis ; qu'en déclarant M. [H] responsable du préjudice subi par les créanciers chirographaires au jour du jugement quand ceux-ci ne s'étaient pas constitués partie civile, la cour d'appel a statué ultra petita et méconnu ainsi l'étendue de sa saisine ensemble l'article 1240 du code civil ;
2°/ que si l'article L. 654-17 du code de commerce n'interdit pas aux créanciers de se constituer partie civile par voie d'intervention, c'est à la condition que soit invoqué, par la partie intervenante, un préjudice distinct du montant de sa créance déclarée dans la procédure collective ouverte contre son débiteur et résultant directement de l'infraction ; qu'en déclarant M. [H] responsable du préjudice subi par les créanciers chirographaires au jour du jugement, sans rechercher s'il existait un préjudice distinct du montant des créances déclarées dans la procédure collective ouverte et résultant directement de l'infraction, la cour d'appel a méconnu l'article L. 654-17 du code de commerce, ensemble l'article L. 654-2 du même code. »
36. Le neuvième moyen proposé pour M. [H], critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré recevables les constitutions de parties civiles de M. [E], de la société [1], de la SCI [4] et de la SCP [F]-[O] ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la SCI et a déclaré M. [H] responsable, solidairement avec M. [P], des préjudices subis par M. [E], la société [1], la SCI [4] et les créanciers chirographaires au jour du jugement du 6 décembre 2018, alors :
« 1°/ que la société débitrice ne fait pas partie des personnes habilitées, en vertu de l'article L. 654-17 du code de commerce, à se constituer partie civile par voie d'action du chef du délit de banqueroute ; qu'à supposer même que la société débitrice soit admise à se constituer partie civile par voie d'intervention du chef du délit de banqueroute par comptabilité incomplète ou absence de comptabilité, encore faut-il qu'elle justifie avoir personnellement souffert d'un dommage directement causé par cette infraction, comme l'exige l'article 2 du code de procédure pénale ; qu'en déclarant recevable la constitution de partie civile de la SCI [4] et en déclarant M. [H] responsable de son préjudice, sans préciser le préjudice occasionné à celle-ci, ni vérifier si ce préjudice – à le supposer établi – résultait directement de l'infraction de banqueroute par comptabilité manifestement irrégulière ou incomplète, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des textes précités et de l'article L. 654-2 du code de commerce ;
2°/ que si l'article L. 654-17 du code de commerce n'interdit pas aux actionnaires de se constituer partie civile par voie d'intervention du chef de banqueroute, c'est à la condition qu'ils invoquent un préjudice résultant directement de l'infraction et distinct tant du préjudice subi par la société débitrice que du montant de leur créance déclarée dans la procédure collective de cette dernière ; qu'en déclarant recevables les constitutions de partie civile de la société [1] et de M. [E] – associés de la SCI [4] et en déclarant M. [H] responsable de leur préjudice, sans préciser le préjudice occasionné à la société [1] et à M. [E], ni vérifier si ce préjudice – à le supposer établi – résultait directement de l'infraction de banqueroute par comptabilité manifestement incomplète ou absence de comptabilité était distinct tant du préjudice que la SCI [4] alléguait avoir subi que du montant de leur créance déclarée dans la procédure collective de cette dernière, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles L. 654-2 et L. 654-17 du code de commerce et 2 du code de procédure pénale ;
3°/ qu'en confirmant le jugement en ce qu'il a déclaré recevable la constitution de partie civile de la SCP [F]-[O] ès qualité de commissaire à l'exécution du plan de la SCI [4] et déclaré M. [H] responsable du préjudice subi par les créanciers chirographaires au jour du jugement sans justifier sa décision, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs et ainsi violé l'article 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
37. Les moyens sont réunis.
Vu les articles 654-17 du code de commerce, 2 et 593 du code de procédure pénale :
38. Il résulte du deuxième de ces textes que l'action civile en réparation du dommage causé par un délit n'appartient qu'à ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction.
39. Il se déduit des deux premiers qu'en outre, les créanciers et actionnaires de la société débitrice ne peuvent se constituer partie civile dans le cadre d'une procédure suivie du chef de banqueroute qu'à la condition d'invoquer un préjudice distinct du montant de leur créance déclarée dans la procédure collective ouverte contre leur débiteur.
40. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
41. En l'espèce, pour confirmer les dispositions civiles du jugement, après avoir infirmé partiellement celui-ci en relaxant les prévenus du chef de banqueroute par emploi de moyens ruineux et déclaré les prévenus coupables du seul chef de banqueroute par tenue d'une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière, l'arrêt attaqué énonce qu'il y a lieu de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a déclaré recevables les constitutions de parties civiles de la SCI [4] et des autres associés de cette SCI, à savoir la SARL [1] et M. [E] et en ce qu'elle a déclaré les prévenus responsables solidairement de leur préjudice.
42. En l'état de ces motifs, qui ne précisent pas le préjudice occasionné aux parties civiles découlant directement des faits de banqueroute par tenue d'une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière et, pour la SARL [1] et M. [E], distinct du montant de leur créance déclarée dans la procédure collective ouverte contre leur débiteur, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.
43. La cassation est par conséquent encourue.
Portée et conséquences de la cassation
44. La cassation sera limitée aux dispositions civiles de l'arrêt dès lors que la déclaration de culpabilité et les peines prononcées n'encourent pas la censure. Les autres dispositions seront donc maintenues.
Examen de la demande fondée sur l'article 618-1 du code de procédure pénale
45. Les dispositions de ce texte sont applicables en cas de rejet du pourvoi, qu'il soit total ou partiel. La déclaration de culpabilité de M. [H] étant devenue définitive par suite de la non admission du premier moyen proposé pour lui, seul contesté par M. [P], il y a lieu de faire droit à la demande de ce dernier.




Crim. 21 juin 2022 n° 22-81.230

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° Y 22-81.230 F-D
N° 00790

SL2 21 JUIN 2022

CASSATION PARTIELLE

M. SOULARD président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 21 JUIN 2022


L'officier du ministère public près le tribunal de police de Bordeaux a formé un pourvoi contre le jugement dudit tribunal, en date du 1er février 2022, qui a, notamment, déclaré M. [F] [L] coupable de conduite d'un véhicule dans des conditions ne permettant pas au conducteur de manoeuvrer aisément et l'a dispensé de peine.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Charmoillaux, conseiller référendaire, et les conclusions de M. Croizier, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 mai 2022 où étaient présents M. Soulard, président, M. Charmoillaux, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée, en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [F] [L] a été verbalisé pour des faits de conduite sans port de la ceinture de sécurité et d'usage d'un téléphone tenu en main par le conducteur d'un véhicule en circulation.
3. Il a été cité devant le tribunal de police de ces chefs.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Le moyen est pris de la violation de l'article 537 du code de procédure pénale.
5. Le moyen critique le jugement attaqué en ce qu'il a requalifié la contravention d'usage d'un téléphone tenu en main par le conducteur d'un véhicule en circulation en la contravention de conduite d'un véhicule dans des conditions ne permettant pas au conducteur de manoeuvrer aisément, au motif que l'infraction ne serait pas caractérisée sous la qualification poursuivie, sans constater que la preuve contraire aux énonciations du procès-verbal aurait été rapportée, alors que celles-ci font foi jusqu'à preuve contraire par écrit ou par témoins.
Réponse de la Cour
Vu l'article 537 du code de procédure pénale :
6. Selon ce texte, les procès-verbaux établis par les officiers et agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints font foi jusqu'à preuve contraire des contraventions qu'ils constatent. Cette preuve ne peut être rapportée que par écrit ou par témoins.
7. Pour dire non caractérisée la contravention d'usage d'un téléphone tenu en main par le conducteur d'un véhicule en circulation, et requalifier les faits en la contravention de conduite d'un véhicule dans des conditions ne permettant pas au conducteur de manoeuvrer aisément, le jugement attaqué énonce que les procès-verbaux ne relatent pas les circonstances concrètes dans lesquelles les infractions ont été relevées, alors que le prévenu affirme qu'il ne faisait que ramasser son GPS tombé au sol et que les agents verbalisateurs qui le suivaient n'ont pas pu matériellement constater l'usage d'un téléphone depuis leur position, du fait de l'absence de lunette arrière sur son véhicule.
8. En statuant ainsi, sans constater que la preuve contraire aux énonciations du procès-verbal a été rapportée dans les conditions prévues par la loi, le tribunal de police a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.
9. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
10. La cassation à intervenir sera limitée aux dispositions relatives à la contravention poursuivie d'usage d'un téléphone tenu en main par le conducteur d'un véhicule en circulation, à sa requalification en contravention de conduite d'un véhicule dans des conditions ne permettant pas au conducteur de manoeuvrer aisément et à la dispense de peine, dès lors que les dispositions relatives à la déclaration de la culpabilité et à la peine pour la contravention de conduite sans port de la ceinture de sécurité n'encourent pas la censure.




Crim. 21 juin 2022 n° 22-80.983

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° E 22-80.983 F-D
N° 00796

SL2 21 JUIN 2022

CASSATION

M. SOULARD président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 21 JUIN 2022


Le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Béthune a formé un pourvoi contre le jugement du tribunal de police, en date du 7 janvier 2022, qui a relaxé M. [W] [Y] des chefs de privation de soins et de nourriture à animal domestique, et a prononcé sur les intérêts civils.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Samuel, conseiller, et les conclusions de M. Croizier, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 mai 2022 où étaient présents M. Soulard, président, M. Samuel, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure
1. Il résulte du jugement attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [W] [Y] a été poursuivi devant le tribunal de police pour les contraventions, d'une part, de privation de soins, d'autre part, de privation de nourriture ou d'abreuvement, à un animal domestique ou à un animal sauvage apprivoisé ou captif par son éleveur, gardien ou détenteur.
3. Le juge l'a relaxé et a débouté la fondation 30 millions d'amis, partie civile, de ses demandes.
Examen des moyens
Sur les premier et deuxième moyens, et sur le troisième moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
4. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. Le moyen, en sa première branche, critique le jugement attaqué en ce qu'il a relaxé le prévenu du chef de la contravention de privation de soins par le gardien, éleveur ou détenteur d'un animal domestique ou d'un animal sauvage apprivoisé ou en captivité, alors :
1°/ que la contradiction de motifs équivaut à leur absence ; qu'en retenant, pour relaxer le prévenu, que les blessures constatées par le vétérinaire le 22 novembre 2020 pouvaient avoir été occasionnées à l'occasion de la fugue de la chienne le 23 novembre 2020, le tribunal, qui a ainsi postulé que les blessures constatées le 22 novembre 2020 pouvaient avoir pour origine un événement survenu le lendemain, s'est contredit et a ainsi méconnu les articles R. 215-4,I, 2°, du code rural et de la pêche maritime et 593 du code de procédure pénale.
Réponse de la Cour
Vu l'article 593 du code de procédure pénale :
6. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
7. Pour relaxer le prévenu de la contravention de privation de nourriture à animal domestique, le jugement énonce notamment que si, pour s'efforcer de démontrer la caractérisation de ladite contravention, il est indiqué que la chienne Nougat a été vue, le 22 novembre 2020, par un vétérinaire qui a établi une certificat relevant une « conjonctivite bilatérale, gale oreille bilatérale, plaie ergot postérieur gauche, plaie coussinet postérieur 3 / 5 gauche, et la présence de points de suture irrésorbables sur la cuisse gauche », il ressort des débats et des pièces versées à la procédure que la chienne a fait une fugue le 23 novembre 2020 et qu'à cette occasion, elle a pu se blesser et être infectée, ce qui est de nature à expliquer ces problèmes.
10. En se fondant, pour expliquer les constatations faites par le vétérinaire sur l'état du chien le 22 novembre, sur une fugue du 23 novembre, le tribunal n'a pas justifié sa décision.
11. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.




Crim. 21 juin 2022 n° 21-86.176

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° D 21-86.176 F-D
N° 00798

SL2 21 JUIN 2022

CASSATION

M. SOULARD président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 21 JUIN 2022


M. [Y] [G] a formé un pourvoi contre le jugement n°43 du tribunal de police de Compiègne, en date du 24 septembre 2021, qui, pour excès de vitesse, l'a condamné à 135 euros d'amende.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Sottet, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [Y] [G], et les conclusions de M. Croizier, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 mai 2022 où étaient présents M. Soulard, président, M. Sottet, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.



Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Un véhicule appartenant à M. [Y] [G] a été contrôlé le 17 janvier 2020 par un radar automatique à une vitesse de 105 km/h, sur une voie où la vitesse était limitée à 80 km/h.
3. M. [G] a été poursuivi devant le tribunal de police du chef susmentionné.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. Le moyen critique le jugement attaqué en ce qu'il a rejeté les exceptions de nullité, a déclaré M. [G] coupable d'une contravention d'excès de vitesse commise le 17 janvier 2020 et l'a condamé à une amende contraventionnelle de 135 euros, alors « que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; qu'en l'espèce, il résulte du jugement que M. [G] s'est vu délivrer le 24 janvier 2020 une amende forfaitaire à raison de faits qui auraient été commis le 17 janvier 2020 ; qu'il a été cité devant le tribunal de police le 23 juin 2021 pour une audience du 24 septembre 2021 ; qu'en se contentant, pour écarter l'exception de prescription soulevée par M. [G], d'indiquer que « il existe des actes interruptifs de la prescription au dossier », sans préciser les dates, l'objet et la nature des actes en question, le tribunal de police, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure de s'assurer que l'action publique n'était pas prescrite au moment où il a statué, a violé les articles 9, 9-2 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
4. Il résulte de l'examen des pièces de procédure que suite à la contravention d'excès de vitesse relevée le 17 janvier 2020, l'officier du ministère public de [Localité 3] a transmis le dossier pour compétence à son homologue de [Localité 2] le 3 juin 2020, et que, sur demande de ce dernier en date du 8 septembre 2020, M. [G] a été entendu par les services de police le 9 février 2021.
5. Le jugement attaqué ayant été prononcé le 24 septembre 2021, plusieurs actes d'enquête ont ainsi valablement interrompu la prescription.
6. Dès lors, le moyen est inopérant.
Mais sur le second moyen
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique le jugement attaqué en ce qu'il a déclaré M. [G] coupable d'une contravention d'excès de vitesse commise le 17 janvier 2020, et l'a condamné à une amende contraventionnelle de 135 euros, alors :
« 1°/ que nul n'est responsable pénalement que de son fait personnel ; que seul le conducteur d'un véhicule est responsable pénalement des infractions commises par lui dans la conduite dudit véhicule ; qu'en l'espèce, l'infraction ayant été constatée par un radar automatique, l'identité du conducteur du véhicule immatriculé EF 854 RF au moment des faits n'a jamais été établie ; qu'en déclarant néanmoins M. [G] coupable d'excès de vitesse, en raison de sa qualité de gérant de la société [1], titulaire du certificat d'immatriculation, après avoir relevé qu'il pouvait être l'un des conducteurs de ce véhicule et qu'il refusait d'indiquer l'adresse personnelle du salarié susceptible d'avoir conduit le véhicule au moment des faits, le tribunal, qui s'est déterminé par un motif hypothétique au mépris du caractère personnel de la responsabilité pénale, a violé les articles 121-1 du code pénal, L. 121-1 et R. 413-14 du code de la route, 593 du code de procédure pénale, ensemble l'article 6, § 3, de la Convention européenne des droits de l'homme ;
2°/ que le code de la route n'a institué à l‘égard des propriétaires de véhicules, relativement à la contravention d'excès de vitesse, aucune présomption légale de culpabilité mais seulement une responsabilité pécuniaire à moins qu'ils n'établissent qu'ils ne sont pas les auteurs véritables de l'infraction ; qu'en déclarant coupable d'excès de vitesse M. [G], poursuivi ès-qualité de gérant de la société [1] titulaire du certificat d'immatriculation du véhicule EF 854 RF, avec lequel l'excès de vitesse a été commis, le tribunal de police qui a retenu la responsabilité pénale de M. [G] au lieu de le déclarer simplement redevable du montant de l'amende encourue, a violé l'article L. 121-3 du code de la route, ensemble les articles 537 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L 121-1 du code de la route :
8. Il résulte de ce texte que seul le conducteur d'un véhicule est responsable pénalement des infractions commises par lui dans la conduite dudit véhicule.
9. Pour dire établie la contravention d'excès de vitesse, le jugement attaqué énonce que le prévenu ne conteste pas qu'il peut être l'auteur de l'infraction, et ne rapporte aucun élément utile autre que la désignation d'un second potentiel conducteur, dont il refuse de communiquer les coordonnées personnelles, tentant ainsi d'organiser son irresponsabilité pénale.
10. En prononçant ainsi, alors que la valeur probante du procès-verbal constatant l'infraction est limitée, en l'absence de verbalisation immédiate du contrevenant, à la caractérisation du comportement incriminé et à l'identification du véhicule en cause, l'identité du conducteur de ce dernier au moment des faits demeurant dès lors incertaine, le tribunal de police a méconnu le texte susvisé.
11. La cassation est, en conséquence, encourue.




Copyright © 2019, IA Droit