Com. 2 avril 2025 n° 24-11.202
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
SH
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 2 avril 2025
Rejet
M. PONSOT, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 192 F-D
Pourvoi n° X 24-11.202
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 2 AVRIL 2025
M. [R] [F], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° X 24-11.202 contre l'arrêt rendu le 19 décembre 2023 par la cour d'appel de Grenoble (1re chambre civile), dans le litige l'opposant au directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône, domicilié [Adresse 2], agissant sous l'autorité de la directrice générale des finances publiques, défendeur à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Alt, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. [F], de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône, agissant sous l'autorité de la directrice générale des finances publiques, après débats en l'audience publique du 11 février 2025 où étaient présents M. Ponsot, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Alt, conseiller rapporteur, Mme Graff-Daudret, conseiller, et M. Doyen, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 19 décembre 2023), rendu sur renvoi après cassation (Com., 15 mars 2023, pourvoi n° 20-20.189), le 21 septembre 2012, l'administration fiscale a notifié à M. et Mme [F] une proposition de rectification de leur impôt de solidarité sur la fortune (ISF) au titre des années 2006 à 2010, estimant notamment qu'il y avait lieu d'inclure dans l'assiette taxable de cet impôt la valeur des parts qu'ils détenaient dans la société civile immobilière (SCI) La Parva, propriétaire d'un chalet et d'immeubles annexes situés à Courchevel, proposés à la location meublée.
2. Après rejet de sa réclamation, M. [F] a assigné l'administration fiscale afin d'obtenir la décharge partielle des droits supplémentaires réclamés.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
4. M. [F] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à la décharge des impositions à hauteur de 334 512 euros et à une restitution de droits à hauteur de 16 662 euros et de confirmer la décision de rejet de sa réclamation, alors :
« 1°/ que sont considérés comme des biens professionnels au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune les locaux d'habitation loués meublés ou destinés à être loués meublés par des personnes louant directement ou indirectement ces locaux, qui, inscrites au registre du commerce et des sociétés en qualité de loueurs professionnels, réalisent plus de 23 000 ¿ de recettes annuelles et retirent de cette activité plus de 50 % des revenus à raison desquels le foyer fiscal auquel elles appartiennent est soumis à l'impôt sur le revenu dans les catégories des traitements et salaires, bénéfices industriels et commerciaux, bénéfices agricoles, bénéfices non commerciaux, revenus des gérants et associés ; que des locaux loués meublés peuvent ainsi être qualifiés de biens professionnels exonérés d'ISF si le produit de leur location est soumis à l'impôt sur le revenu du redevable de l'ISF dans l'une des catégories précitées ; que cette condition s'apprécie exclusivement en la personne du redevable de l'ISF ; qu'en l'espèce, M. [F] faisait valoir dans ses conclusions d'appel que la SCI La Parva n'avait pas été assujettie à l'impôt sur les sociétés pour les revenus des locations meublées sur les années litigieuses 2008 à 2010, mais qu'au contraire il avait régulièrement déclaré en son nom personnel les résultats de l'activité locative dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux et offrait de le prouver en produisant les extraits du registre des commerces et des sociétés établissant qu'il était immatriculé en son nom personnel en tant que loueur de meublés professionnel, une attestation de son expert-comptable et une proposition de régularisation de TVA du 7 septembre 2012 au titre des locations meublées que lui avait adressée l'administration à son nom personnel ; que la cour d'appel a néanmoins affirmé que la SCI La Parva avait exercé à compter de 2004 l'activité de location de meublés, activité commerciale, de ce fait assujettie à l'impôt sur les sociétés, pour en déduire que "le produit de la location du chalet dont la SCI La Parva est propriétaire ne peut être soumis à l'impôt sur le revenu de M. [F] dans la catégorie ¿bénéfices industriels et commerciaux', étant relevé que M. [F] n'est redevable de cet impôt que sur les dividendes éventuellement distribués par la SCI dans la catégorie ¿revenus des capitaux mobiliers'" et in fine que "le produit de la location du chalet La Parva n'est pas soumis à l'impôt sur le revenu de M. [F], redevable de l'ISF, dans l'une des catégories visées à l'article 885 R du code général des impôts" ; qu'en se fondant ainsi sur la situation fiscale de la SCI La Parva pour en déduire celle de M. [F], quand il lui appartenait exclusivement de rechercher, comme elle y était invitée, si, concrètement, les revenus des locations meublées litigieuses n'avaient pas été soumis, durant les années litigieuses, à l'impôt sur le revenu de M. [F] dans l'une des catégories admises, en l'occurrence celle des bénéfices industriels et commerciaux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 885 R du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige ;
2°/ que le juge, tenu de motiver sa décision, doit préciser l'origine de ses constatations ; qu'en affirmant péremptoirement que la SCI La Parva avait exercé l'activité de location de meublés et que M. [F] n'avait été redevable de l'impôt sur le revenu que sur les dividendes éventuellement distribués par la SCI, sans à aucun moment préciser d'où elle tenait pour acquis de tels faits, qui étaient contestés, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que les biens nécessaires à l'exercice, à titre principal, tant par leur propriétaire que par le conjoint de celui-ci, d'une profession industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale sont considérés comme des biens professionnels ; qu'aux termes de la doctrine administrative publiée, le caractère de bien professionnel est reconnu lorsque la location ou la mise à disposition du bien, faite directement par son propriétaire ou par une société dont il détient des droits sociaux, ne prive pas en fait le propriétaire du bien ou des droits de la possibilité d'utiliser les biens pour les besoins exclusifs de son activité professionnelle exercée à titre principal ; qu'en l'espèce, M. [F] se prévalait dans ses conclusions d'appel de la doctrine administrative relative à l'exonération d'ISF pour les biens professionnels et faisait valoir qu'il avait bénéficié de la mise à disposition, par la SCI La Parva dont il détenait des parts, des immeubles de cette SCI pour les besoins de son activité principale de loueur de meublés professionnel ; qu'en se bornant à indiquer que "M [F] fait une analyse erronée de la doctrine administrative et ne justifie nullement remplir les conditions exposées par celle-ci pour soutenir que les titres de la SCI La Parva ne seraient pas imposables à l'ISF", sans expliquer concrètement quelles conditions n'étaient pas remplies dans le cas personnel de M. [F], la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et a privé sa décision de base légale au regard des articles 885 N du code général des impôts et L.80 A du livre des procédures fiscales ;
4°/ que les biens nécessaires à l'exercice, à titre principal, tant par leur propriétaire que par le conjoint de celui-ci, d'une profession industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale sont considérés comme des biens professionnels ; qu'aux termes de la doctrine administrative publiée, le caractère de bien professionnel est reconnu lorsque la location ou la mise à disposition du bien, faite directement par son propriétaire ou par une société dont il détient des droits sociaux, ne prive pas en fait le propriétaire du bien ou des droits de la possibilité d'utiliser les biens pour les besoins exclusifs de son activité professionnelle exercée à titre principal ; qu'en retenant, par motif présumé adopté, que M. [F] était "détenteur de parts de la SCI Parva et bénéficiaire, non pas à titre exclusif, mais de façon principale de cette activité de loueurs de meublés professionnels", pour en déduire qu'il ne justifiait pas des conditions lui permettant de se prévaloir de la doctrine administrative invoquée, quand cette doctrine ne conditionnait pas le bénéfice de l'exonération au caractère exclusif de l'activité professionnelle mais seulement au caractère principal de celle-ci, la cour d'appel a violé les articles 885 N du code général des impôts et L.80 A du livre des procédures fiscales. »
Réponse de la Cour
5. Aux termes de l'article 885 E, du code général des impôts, alors applicable, l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) est constituée par la valeur nette, au 1er janvier de l'année, de l'ensemble des biens, droits et valeurs imposables appartenant aux personnes visées à l'article 885 A, ainsi qu'à leurs enfants mineurs lorsqu'elles ont l'administration légale des biens de ceux-ci.
6. Selon le dernier alinéa de l'article 885 A du même code, alors applicable, les biens professionnels définis aux articles 885 N à 885 R du même code ne sont pas pris en compte pour l'assiette de l'ISF.
7. Aux termes de l'article 885 R du même code, alors applicable, sont considérés comme des biens professionnels au titre de l'ISF les locaux d'habitation loués meublés ou destinés à être loués meublés par des personnes louant directement ou indirectement ces locaux, qui, inscrites au registre du commerce et des sociétés en qualité de loueurs professionnels, réalisent plus de 23 000 euros de recettes annuelles et retirent de cette activité plus de 50 % des revenus à raison desquels le foyer fiscal auquel elles appartiennent est soumis à l'impôt sur le revenu dans les catégories des traitements et salaires, bénéfices industriels et commerciaux, bénéfices agricoles, bénéfices non commerciaux, revenus des gérants et associés mentionnés à l'article 62 du même code.
8. Les locaux loués meublés ne peuvent être qualifiés de biens professionnels exonérés d'ISF, au sens de ce texte, que si le produit de leur location est soumis à l'impôt sur le revenu du redevable de l'ISF dans l'une des catégories précitées.
9. Il résulte de la combinaison des articles 206, 2°, et 34 du code général des impôts que les sociétés civiles immobilières sont de plein droit assujetties à l'impôt sur les sociétés lorsqu'elles exercent une activité commerciale ou industrielle.
10. Après avoir relevé que la société La Parva avait exercé à partir de 2004 une activité consistant à proposer la location de logements meublés, l'arrêt retient exactement qu'à compter de cette date, cette société exerçait une activité commerciale et était par conséquent assujettie à l'impôt sur les sociétés, de sorte que les produits de la location du chalet dont elle est propriétaire ne pouvait plus être soumis à l'impôt sur le revenu de M. [F] dans la catégorie « bénéfices industriels et commerciaux ».
11. En l'état de ces énonciations et appréciations, la cour d'appel, qui n'avait pas à effectuer la recherche inopérante visée par la deuxième branche, a retenu à bon droit que les parts que M. [F] détenait dans la SCI La Parva ne constituaient pas des biens professionnels au sens de l'article 885 R du code général des impôts.
12. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
13. M. [F] fait le même grief à l'arrêt, alors :
« 1°/ que l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune est constituée par la valeur nette, au 1er janvier de l'année, de l'ensemble des biens, droits et valeurs imposables appartenant au redevable ; que les dettes sont prises en compte à la date de la naissance de l'engagement, et non à la date d'exigibilité ou du paiement ; qu'en l'espèce, M. [F] faisait valoir dans ses conclusions d'appel que la somme de 3 750 000 ¿ qui lui avait été versée par la SCI La Parva le 7 mai 2009 constituait une dette de sa part envers la SCI, car il ne s'agissait que d'une avance sur une vente potentielle ; que la cour d'appel a constaté que la somme de 3 750 000 ¿ virée par la SCI La Parva le 7 mai 2009 sur le compte personnel de M. [F] était une avance calculée sur ses parts du fait de la signature d'un compromis de vente d'un chalet ; qu'il en ressortait qu'en l'état d'une simple avance, M. [F] restait redevable, dès cette date du 7 mai 2009, d'une dette de restitution envers la SCI La Parva d'un même montant, tant que la vente n'était pas finalisée ; qu'en retenant néanmoins qu'il n'existait aucune dette au 1er janvier 2010, au motif que l'annulation du compromis de vente n'avait été conclue que par convention du 18 février 2010 qui prévoyait une restitution en avril 2011, quand l'existence de la dette préexistante de M. [F] ne dépendait pas de cette convention mais résultait du versement initial du 7 mai 2009, la cour d'appel a violé les articles 768 et 885 E du code général des impôts.
2°/ que l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune est constituée par la valeur nette, au 1er janvier de l'année, de l'ensemble des biens, droits et valeurs imposables appartenant au redevable ; que si la valeur prise en compte doit certes être celle au 1er janvier de l'année d'imposition litigieuse, elle peut être rétroactivement réévaluée en cas de survenance d'un acte ayant un effet rétroactif ; qu'en l'espèce, en retenant qu'il n'existait aucune dette au 1er janvier 2010, au motif que la convention d'annulation du compromis de vente du 30 avril 2009 n'avait été conclue que par convention du 18 février 2010 qui prévoyait une restitution en avril 2011, quand l'annulation du compromis était réputée produire effet rétroactivement à la date de conclusion dudit compromis, antérieure au 1er janvier 2010, la cour d'appel a violé les articles 768 et 885 E du code général des impôts. »
Réponse de la Cour
14. Il résulte des dispositions des articles 768 et 885 E, ce dernier alors applicable, que, pour être déductible de l'assiette de l'ISF, une dette doit être certaine au jour du fait générateur de l'impôt, soit au 1er janvier de l'année d'imposition et que cette déduction ne peut être rétroactive.
15. Ayant relevé que l'annulation du compromis de vente du 30 avril 2009 par la convention du 18 février 2010 prévoyait que la somme de 3 750 000 euros, versée à titre d'acompte à M. [F] serait restituée le 20 avril 2011, la cour d'appel en a exactement déduit qu'il n'existait au 1er janvier 2010 aucune dette dont le contribuable pouvait utilement se prévaloir.
16. Le moyen n'est donc pas fondé.
Com. 2 avril 2025 n° 22-13.297
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
JB
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 2 avril 2025
Cassation partielle
M. PONSOT, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 201 F-D
Pourvoi n° G 22-13.297
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 2 AVRIL 2025
L'Autorité des marchés financiers, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 22-13.297 contre l'ordonnance rendue le 2 mars 2022 par le premier président de la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 15), dans le litige l'opposant à M. [F] [E], domicilié chez son avocat le Cabinet Boutron-Marmion & associés [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Maigret, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de l'Autorité des marchés financiers, de la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de M. [E], après débats en l'audience publique du 11 février 2025 où étaient présents M. Ponsot, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Maigret, conseiller référendaire rapporteur, Mme Graff-Daudret, conseiller, et M. Doyen, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 2 mars 2022), pour les besoins d'une enquête, ouverte le 5 mai 2020 par le secrétaire général de l'Autorité des marchés financiers (AMF) portant sur le marché des titres Atos, Worldline et Ingenico, et sur le marché des titres Suez et Devoteam, susceptible de caractériser la communication et/ou l'utilisation d'une information privilégiée, un juge des libertés et de la détention a, le 14 décembre 2020, sur le fondement de l'article L. 621-12 du code monétaire et financier, autorisé les enquêteurs de l'AMF à procéder à une visite du domicile de M. [E], situé à Paris, et à la saisie de toute pièce ou document utile à la manifestation de la vérité.
2. Les opérations de visite et saisie se sont déroulées le 21 décembre 2020, en présence de M. [E], lequel a relevé appel de l'ordonnance d'autorisation et formé un recours contre le déroulement de la visite.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen, pris en sa quatrième branche
Enoncé du moyen
4. L'AMF fait grief à l'ordonnance de déclarer irrégulières et annuler les opérations de visite et saisies effectuées le 21 décembre 2020 au domicile de M. [E], et les opérations de saisie subséquentes en date du 24 février 2021 et de dire qu'elle devrait procéder à la restitution de l'ensemble des documents saisis à M. [E] sans possibilité d'en garder copie, alors « qu'en retenant que la remise à M. [E] d'une copie non signée était constitutive d'une difficulté majeure portant grief après avoir lui-même relevé que le juge des libertés et de la détention avait confirmé avoir rendu une ordonnance revêtue de sa signature, sans qu'il résulte de ses constatations, ni que cette ordonnance signée n'aurait pas été présentée par les enquêteurs au début des opérations litigieuses pour être notifiée verbalement à M. [E], ni qu'à l'exception de la signature et de différences de pure forme, la copie remise à ce dernier aurait été différente de l'original, et sans pour autant autrement expliquer en quoi il aurait ainsi été "porté grief" à M. [E], le premier président, qui a statué par voie de simple affirmation, n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile qu'il a violé. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
5. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé.
6. Pour déclarer irrégulières les opérations de visite et saisies effectuées le 21 décembre 2020 au domicile de M. [E], prononcer leur annulation ainsi que celle des opérations de saisie subséquentes du 24 février 2021 et dire que l'AMF devait procéder à la restitution de l'ensemble des documents saisis à M [E] sans possibilité d'en garder copie, l'ordonnance retient que le fait, non contesté, que l'ordonnance dont la « copie intégrale » avait été communiquée à M. [E] ne comportait pas la signature du magistrat, apparaît comme une difficulté majeure portant grief, même si M. [E] a signé le procès-verbal de notification sans réserve. L'ordonnance ajoute que l'officier de police judiciaire, garant de la procédure, qui a signé le procès-verbal de « transport, notification et remise de document », aurait dû en référer au magistrat dès la notification de l'acte.
7. En statuant ainsi, sans donner aucun motif à l'affirmation selon laquelle la difficulté constatée portait grief, le premier président n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
Soc. 2 avril 2025 n° 24-11.686
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 2 avril 2025
Cassation
Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 360 F-D
Pourvoi n° Y 24-11.686
Aide juridictionnelle totale en demande au profit de Mme [H]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 14 décembre 2023.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 AVRIL 2025
Mme [E] [H], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Y 24-11.686 contre le jugement rendu le 13 juin 2023 par le conseil de prud'hommes de Béthune (section activités diverses), dans le litige l'opposant à Mme [J] [D], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Cavrois, conseiller, les observations de la SCP Gaschignard, Loiseau, Massignon, avocat de Mme [H], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de Mme [D], après débats en l'audience publique du 5 mars 2025 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Cavrois, conseiller rapporteur, Mme Le Quellec, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (conseil de prud'hommes de Béthune, 13 juin 2023) rendu en dernier ressort, Mme [H] a été engagée en qualité de garde de nuit le 12 avril 2021 par Mme [D], par contrat à durée déterminée et à temps partiel à échéance du 30 avril 2021.
2. Le 8 septembre 2021, la salariée a saisi la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir diverses sommes au titre de l'exécution de son contrat de travail.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. La salariée fait grief au jugement de la débouter de sa demande tendant à constater l'existence d'heures effectuées et non payées, à condamner l'employeur à lui payer diverses sommes au titre des heures supplémentaires effectuées et non payées et congés payés afférents, et de la débouter de ses demandes subséquentes, alors « que la charge de la preuve relative au nombre d'heures effectuées est partagée entre le salarié et l'employeur ; qu'il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments, les éléments fournis par l'employeur devant être de nature à justifier les heures effectivement réalisées par le salarié ; qu'en retenant que le salarié qui réclame le paiement d'heures supplémentaires doit en rapporter la preuve" et que le dossier démontre bien dans sa totalité que l'employeur a respecté l'exécution de son obligation sur le paiement des heures effectuées" sans se prononcer sur la valeur probatoire du planning mensuel communiqué aux débats par Mme [H] afin de démontrer les heures litigieuses effectuées mais non rémunérées, ni constater la justification par l'employeur d'éléments de contrôle de la durée du travail, le conseil des prud'hommes, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :
4. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, l'employeur tient à la disposition de l'agent de contrôle de l'inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
5. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
6. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d' heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
7. Pour débouter la salariée de sa demande au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents, le jugement retient que le salarié qui réclame paiement d'heures supplémentaires doit en apporter la preuve et que le fait pour la salariée de produire un tableau récapitulatif des heures effectuées à partir de grilles personnelles n'est pas suffisant.
8. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la salariée présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre, le conseil de prud'hommes, qui a fait peser la charge de la preuve sur la seule salariée, a violé le texte susvisé.
Soc. 2 avril 2025 n° 23-22.738
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 2 avril 2025
Cassation partielle
Mme CAPITAINE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 344 F-D
Pourvoi n° R 23-22.738
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 AVRIL 2025
M. [V] [J], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 23-22.738 contre l'arrêt rendu le 9 mars 2022 par la cour d'appel de Versailles (15e chambre), dans le litige l'opposant à la société Bull, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lacquemant, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [J], de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la société Bull, après débats en l'audience publique du 4 mars 2025 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lacquemant, conseiller rapporteur, Mme Nirdé-Dorail, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 9 mars 2022), M. [J] a été engagé en qualité de responsable juridique et affaires sociales par la société Bull à compter du 9 novembre 2010.
2. Le salarié a été placé en arrêt de travail pour maladie du 31 mars au 6 avril 2015 puis à compter du 10 avril 2015.
3. Déclaré inapte par le médecin du travail à l'issue de deux examens médicaux des 25 juillet et 1er septembre 2015, le salarié a été licencié le 8 février 2016 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
4. Il a saisi la juridiction prud'homale afin de contester son licenciement et obtenir le paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.
Examen des moyens
Sur les premier et deuxième moyens
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche, qui est irrecevable et sur les autres griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. Le salarié fait grief à l'arrêt de condamner l'employeur à la seule somme de 43 500 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que lorsqu'un licenciement est prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte prévues aux articles L. 1226-10 à L. 1226-12 du code du travail, le juge octroie au salarié, en l'absence de réintégration, une indemnité qui ne peut être inférieure à douze mois de salaires ; qu'en jugeant, après avoir retenu que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse pour être intervenu en violation de l'obligation de reclassement, qu'il y avait lieu d'allouer à M. [J] à ce titre la seule somme de 43 500 euros correspondant à moins de douze mois de salaire, selon ses propres constatations dont il ressortait que la rémunération fixe du salarié s'élevait à 60 000 euros par an, outre une part variable de 10 %, la cour d'appel a violé l'article L. 1226-15 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à loi n° 2016-1088 du 8 août 2016. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
7. L'employeur conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que celui-ci est nouveau ou contraire.
8. Cependant, le moyen est de pur droit. Il n'est pas contraire dès lors que le salarié sollicitait le paiement d'une indemnité en réparation du licenciement prononcé en méconnaissance des dispositions légales.
9. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l'article L. 1226-15 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :
10. Selon ce texte, en cas de licenciement prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte, prévues aux articles L. 1226-10 à L. 1226-12 du même code, le tribunal octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité ne peut être inférieure à douze mois de salaires.
11. Pour condamner l'employeur à payer au salarié la somme de 43 500 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt, après avoir constaté que l'employeur avait manqué à son obligation de reclassement, retient qu'en considération de l'ancienneté du salarié et de ses difficultés à retrouver un emploi équivalent, il convient d'évaluer à cette somme le préjudice subi par ce dernier.
12. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que le salaire brut mensuel s'élevait à 5 406 euros outre une part variable de rémunération, ce dont il résultait qu'elle avait alloué une indemnité d'un montant inférieur à douze mois de salaires, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
13. La cassation prononcée n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci.
Soc. 2 avril 2025 n° 23-21.796
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 2 avril 2025
Cassation partielle sans renvoi
Mme CAPITAINE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 351 F-D
Pourvoi n° S 23-21.796
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 AVRIL 2025
La société Forbo Sarlino, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 23-21.796 contre l'arrêt rendu le 28 juin 2023 par la cour d'appel de Reims (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. [X] [T], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Chiron, conseiller référendaire, les observations de la SARL Ortscheidt, avocat de la société Forbo Sarlino, de Me Isabelle Galy, avocat de M. [T], après débats en l'audience publique du 4 mars 2025 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Chiron, conseiller référendaire rapporteur, Mme Lacquemant, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 28 juin 2023), M. [T] a été engagé en qualité de chargé d'affaires à compter du 15 juin 2020 par la société Forbo Sarlino.
2. L'employeur a rompu la période d'essai le 19 juin 2020.
3. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes relatives à la rupture et à l'exécution du contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le second moyen
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. L'employeur fait grief à l'arrêt de déclarer recevable la demande en paiement du bonus individuel 2020 et de le condamner à payer au salarié une somme à titre de bonus individuel, alors « qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ; qu'elles ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire ; qu'une demande nouvelle en appel en paiement d'un bonus individuel n'est pas l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire d'une demande principale en versement de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail pendant la période d'essai ; qu'en déclarant recevable la demande nouvelle en appel formée par M. [T] en paiement d'un bonus individuel pour 2020, motif pris qu' ''au soutien de sa demande en paiement du bonus individuel, M. [X] [T] fait valoir que la période d'essai a été rompue avant que les objectifs n'aient été fixés. Cette demande formée en cause d'appel est donc l'accessoire de la demande principale, dans la mesure où le terme « accessoire » se définit comme quelque chose qui vient avec ou après ce qui est principal'', quand le paiement d'un bonus sollicité pour la première fois en appel, qui avait pour objet l'exécution du contrat de travail, constituait une demande nouvelle au regard de la demande initiale tendant à voir dire et juger que la société Forbo Sarlino avait commis un abus de droit dans la résiliation de la période d'essai et obtenir, en conséquence, sa condamnation au versement de dommages et intérêts au titre des préjudices subis, la cour d'appel a violé les articles 564 et 566 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 566 du code de procédure civile :
6. Aux termes de ce texte, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
7. Pour déclarer recevable la demande en paiement du bonus individuel 2020 et condamner l'employeur à payer une somme à ce titre, l'arrêt retient qu'au soutien de sa demande en paiement du bonus individuel, le salarié faisait valoir que la période d'essai avait été rompue avant que les objectifs n'aient été fixés, et en conclut que cette demande formée en cause d'appel était l'accessoire de la demande principale, dans la mesure où le terme ''accessoire'' se définit comme quelque chose qui vient avec ou après ce qui est principal.
8. En statuant ainsi, alors que la demande nouvelle formée en appel tendant au paiement d'une rémunération variable n'était pas l'accessoire, la conséquence, ou le complément nécessaire des demandes de dommages-intérêts pour rupture abusive de la période d'essai et remise tardive du contrat de travail soumises aux premiers juges, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
10. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
11. Il y a lieu de déclarer irrecevable la demande nouvelle formée en appel et tendant au paiement du bonus 2020, qui n'est pas l'accessoire, la conséquence, ou le complément nécessaire des prétentions initiales.
12. La cassation du chef de dispositif déclarant recevable la demande en paiement du bonus individuel 2020 et condamnant l'employeur à payer une somme à ce titre n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci.
Com. 2 avril 2025 n° 23-22.096
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
JB
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 2 avril 2025
Rejet
M. PONSOT, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 187 F-D
Pourvoi n° T 23-22.096
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 2 AVRIL 2025
La société Safram France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° T 23-22.096 contre l'arrêt n°RG 21/04853 rendu le 5 septembre 2023 par la cour d'appel de Montpellier (Chambre commerciale), dans le litige l'opposant :
1°/ à la direction régionale des douanes et droits indirects de [Localité 5], dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à la direction générale des doaunes et droits indirects, dont le siège est [Adresse 1],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Gauthier, conseiller, les observations de la SAS Hannotin Avocats, avocat de la société Safram France, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la direction régionale des douanes et droits indirects de [Localité 5], et de la direction générale des doaunes et droits indirects, après débats en l'audience publique du 11 février 2025 où étaient présents M. Ponsot, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Gauthier, conseiller rapporteur, Mme Graff-Daudret, conseiller, et M. Doyen, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 5 septembre 2023, n° RG 21/04853), la société Tradall fabrique en Suisse des extraits aromatiques, destinés à être incorporés dans la composition de boissons spiritueuses, fabriquées en France par la société Bacardi Martini production. A cette fin, elle importe, par l'intermédiaire de la société Safram France (la société Safram), en qualité de déclarant en douane sous mandat de représentation indirecte, ces extraits en France qui doivent être ajoutés, notamment, à de la vodka. Ils ont été déclarés à la sous-position tarifaire 3302 10 40, exemptés de droits de douane.
2. A la suite de contrôles opérés en 2013, l'administration des douanes a retenu que les marchandises importées par la société Tradall et la société Safram, relevant de la sous-position tarifaire 3302 10 10, étaient soumises à des droits de douane de 17,3 % et lui a notifié des infractions de fausses déclarations d'espèces.
3. L'administration des douanes a émis un avis de mise en recouvrement (AMR) que la société Safram a contesté. Après rejet de sa contestation, elle a assigné celle-ci afin d'obtenir l'annulation de l'AMR et la décharge de ces droits.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
5. La société Safram fait grief à l'arrêt de dire que les droits de douanes et la TVA incidente sont dus et de confirmer le jugement, notamment en ce qu'il a rejeté ses demandes tendant au prononcé de la nullité de la décision de redressement de l'administration des douanes du 13 août 2019 et à ce que soit ordonnée l'annulation de l'AMR, alors :
« 1°/ que l'espèce tarifaire d'un produit importé est déterminée au regard de la nomenclature combinée, laquelle définie des positions et des sous-positions ; qu'au cas particulier de la position relative aux substances odoriférantes et de la sous position définie au regard de la présence, dans le produit importé, de tous les agents aromatisants caractéristiques de la boisson finale, par hypothèse, ces agents aromatisants ne sont pas nécessairement des substances odoriférantes mais peuvent relever d'autres positions, sans quoi les substances odoriférantes importées présenteraient toujours l'ensemble des agents aromatisants du produit fini ; qu'au cas présent, la société Safram soulignait, dans ses conclusions d'appel, que les Flavor Keys importées ne constituaient qu'une partie des agents aromatisants entrant dans la composition de la boisson finale dans la mesure où la vodka, à laquelle ces Flavor Keys étaient mélangées, présentait elle aussi des agents aromatisants propres ; qu'en réponse, la cour d'appel a affirmé que les Flavor Keys litigieux faisant partie de la position relative aux substances odoriférantes (3302) cependant que la vodka correspondrait à une autre position (2208), ladite vodka, dont elle reconnaissait par ailleurs l'arôme propre, ne pourrait constituer un des agents aromatisants caractéristiques de la boisson finale (ici obtenue par un mélange de vodka et des Flavor Keys en question) ; qu'on lit ainsi dans l'arrêt attaqué : "Selon les notes explicatives du système harmonisé de la position 3302, les substances odoriférantes servent 'principalement à conférer aux boissons arôme, et dans une moindre mesure, saveur'. Ce classement ne comprend pas les alcools, classées au SH 2208, dont relève la vodka [?] qui peut être aromatisée, annexe I-31, étant dans ce cas, une vodka à laquelle a été conféré un arôme prédominant autre que celui des matières premières utilisées pour produire la vodka. L'article 5 b) de ce règlement précise que l'alcool éthylique d'origine agricole utilisé ne présente aucun goût détectable autre que celui de la matière première. [?] Il s'ensuit que l'arôme de la matière première de la vodka, qui ne peut être dénié (et ne l'est pas par l'administration douanière), ne constitue pas, au sens du tarif douanier, un agent aromatisant" ; qu'en statuant ainsi, en assimilant la notion d'agent aromatisant à celle de substances odoriférantes cependant que ni la nomenclature combinée, ni le système harmonisé, n'opèrent une telle assimilation, la cour d'appel a violé l'article 56 du code des douanes de l'Union, ensemble l'annexe I du règlement n° 2658/87 du Conseil du 23 juillet 1987 relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun, dans sa rédaction issue du règlement d'exécution n° 927/2012 de la Commission du 9 octobre 2012 ;
2°/ que les termes et l'objet du litige sont déterminés par les conclusions des parties ; qu'au cas présent, la société Safram soulignait, dans ses conclusions d'appel, que la notion d'agents aromatisants n'étant pas définie par la nomenclature combinée (comme par le système harmonisé), il convenait d'en apprécier le sens au regard des instruments communautaires qui définissaient notamment les notions voisines d'arômes et d'aromatisation, et, par conséquent, qu'au regard de ces définitions, la vodka, qui présentait un arôme propre, était un agent aromatisant ; qu'en réponse, la cour d'appel s'est bornée à affirmer que "L'absence de définition par les instruments communautaires [le tarif douanier commun] de la définition d'un agent aromatisant n'est pas utile à la solution du litige en ce que les parties ne s'opposent pas sur une telle définition, mais sur l'existence ou pas, d'un arôme dans la vodka au sens du tarif douanier" ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas respecté les termes du litige tels que définis par l'appelante, a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
3°/ que la notion d'agents aromatisants n'est pas définie par la nomenclature combinée, pas plus que par le système harmonisé ; que la notion d'arômes, comme celle d'aromatisation, sont cependant définies par les instruments communautaires ¿ nonobstant que lesdits instruments portent sur des denrées alimentaires brutes, leur intérêt résidant non dans leur objet mais dans les définitions consacrées ¿, de sorte que c'est au regard de ces définitions que doit être entendue la notion d'agent aromatisant déterminante de l'espèce tarifaire du produit importé ; qu'au cas présent, la société Safram soulignait, dans ses conclusions d'appel, que la notion d'agent aromatisant, définie par renvoi aux définitions consacrées par d'autres instruments communautaires, concernait tant les substances odoriférantes de la position 3302 que l'arôme propre de la vodka ¿ arôme reconnu par ces mêmes instruments communautaires ¿, de sorte que les Flavor Keys litigieuses ne pouvaient présenter tous les agents aromatisants du produit fini (encore une fois, obtenu par un mélange entre la vodka et lesdits Flavor Key) ; qu'en réponse, la cour d'appel, pour exclure toute idée de définition de la notion d'agent aromatisant par renvoi aux instruments communautaires, seuls instruments à proposer des définitions de la notion d'arôme ou du procédé d'aromatisation, a uniquement affirmé que "le règlement 1334/2008 du 16 décembre 2008 relatif, notamment, aux arômes, ne s'applique pas aux denrées alimentaires brutes" ; qu'en statuant ainsi, cependant que la notion d'agent aromatisant, ici déterminante du classement des produits importés, n'est pas définie par la nomenclature combinée (comme par le système harmonisé) mais que celles d'arômes et d'aromatisation font l'objet de définitions par les instruments communautaires ¿ peu important que ces définitions soient utilisées par des textes relatifs à des denrées ¿, la cour d'appel a violé l'article 56 du code des douanes de l'Union, ensemble l'annexe I du règlement n° 2658/87 du Conseil du 23 juillet 1987 relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun, dans sa rédaction issue du règlement d'exécution n° 927/2012 de la Commission du 9 octobre 2012 ;
4°/ que si le fait qu'une sous-position tarifaire soit définie par la présence de tous les agents aromatisants qui caractérisent le produit fini implique la connaissance de la destination des produits importés (leur mélange à un autre produit pour obtenir le produit fini), la seule connaissance de cette destination ne suffit pas à déterminer que le produit importé présente tous les agents aromatisants du produit fini ; que pour trancher le question de la présence ou non de tous ces agents aromatisants, la douane doit procéder à une analyse comparative des propriétés aromatiques des produits importés et des produits finis, sans que la simple lecture des composants de chacun des produits permette d'atteindre ce résultat, celui-ci nécessitant la réalisation d'analyses sensorielles ; qu'au cas présent, la société Safram soulignait, dans ses conclusions d'appel, que, la destination du produit importé faisant partie de la définition de la sous-position douanière litigieuses, il fallait apprécier la prétendue présence de la totalité des agents aromatisants dans le produit importé par rapport au produit fini, ce que ne permet pas le recours à un "avis" établi par simple lecture comparative des composants des produits importés et finis ; qu'en réponse, la cour d'appel a retenu que, chacun des Flavor Keys litigieux étant associé à un unique produit fini, la destination des produits importés pouvait être déterminée avant tout dédouanement, de sorte que ces Flavor Keys présenteraient "tous les agents aromatisants de chaque vodka concernée" ; qu'on lit ainsi dans l'arrêt attaqué : "Chaque flavor key correspond spécifiquement à une boisson du groupe Bacardi ; le nom commercial des flavor keys, qui figure sur les factures, indique le type de boisson finale élaborée avec chaque flavor key et les extraits de la comptabilité matière de la société Tradall confirment que chaque flavor key, utilisée seule ou combinée avec une autre, est associée à un seul type de produit final, de sorte que la destination des dites flavor keys, bien qu'appréciée au moment du dédouanement, est connue à ce moment-là. En l'occurrence, les quatre flavor keys [?] comprennent tous les agents aromatisants de chaque vodka concernée. [?] Cette analyse est confirmée par les rapports techniques du laboratoire de [Localité 4] en date des 2 et 5 septembre 2016 pour les flavor keys ERILPCF PCFLTR AT + 63,91 % 781-262 et Grey FLC LTR CA 60,3 % 440-5-93" ; qu'en statuant ainsi, en déduisant de la connaissance de la destination des produits importés leur composition, à savoir la prétendue présence de la totalité des agents aromatisants caractéristiques du produit fini, sans qu'aucune analyse comparative des propriétés aromatiques des produits importés et des produits finis ne soit réalisée, la cour d'appel a violé l'article 56 du code des douanes de l'Union, ensemble l'annexe I du règlement n° 2658/87 du Conseil du 23 juillet 1987 relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun, dans sa rédaction issue du règlement d'exécution n° 927/2012 de la Commission du 9 octobre 2012 ;
5°/ que le juge ne peut statuer par pure affirmation ; que le juge, saisi d'une action tendant à l'annulation d'un AMR en raison de l'absence de preuve de la réalité de l'infraction alléguée, doit vérifier qu'au regard des éléments de preuve produits aux débats, le déclassement opéré par la douane était justifié ; qu'au cas présent, la cour d'appel, après avoir affirmé que les Flavor Keys litigieuses auraient contenus tous les agents aromatisants caractéristiques du produit fini, a considéré que cette affirmation serait confirmée par "les rapports techniques du laboratoire de Lyon en date des 2 et 5 septembre 2016 pour les flavor keys ERILPCF FK LTR AT + 63,91 % 781-262 et Grey FLC LTR CA 60,3 % 440-5-93" ; qu'en statuant ainsi, cependant que l'infraction de fausse déclaration douanière portait sur quatre Flavor Keys et que les rapports techniques" n'en concernaient que deux, la cour d'appel a violé les articles 342 du code des douanes et 56 du code des douanes de l'Union, ensemble l'annexe I du règlement n° 2658/87 du Conseil du 23 juillet 1987 relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun, dans sa rédaction issue du règlement d'exécution n° 927/2012 de la Commission du 9 octobre 2012. »
Réponse de la Cour
6. La position 3302 de la nomenclature tarifaire figurant à l'annexe I du règlement n° 2658/87 du 23 juillet 1987 relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun, est relative aux « mélanges de substances odoriférantes et mélanges (y compris les solutions alcooliques) à base d'une ou de plusieurs de ces substances, des types utilisés comme matières de base pour l'industrie ; autres préparations à base de substances odoriférantes, des types utilisés pour la fabrication de boissons ». La sous-position 3302 10 10 concerne spécifiquement les préparations contenant tous les agents aromatisants qui caractérisent une boisson ayant un titre alcoométrique acquis excédant 0,5 % vol., tandis que la sous-position 3302 10 40 concerne les autres mélanges de substances odoriférantes ou mélanges à base d'une ou plusieurs de ces substances utilisés pour les industries de boissons.
7. L'annexe 1 du règlement n° 2019/787 du 17 avril 2019 concernant la définition, la désignation, la présentation et l'étiquetage des boissons spiritueuses, l'utilisation des noms de boissons spiritueuses dans la présentation et l'étiquetage d'autres denrées alimentaires, la protection des indications géographiques relatives aux boissons spiritueuses, ainsi que l'utilisation de l'alcool éthylique et des distillats d'origine agricole dans les boissons alcoolisées, définit la vodka comme une boisson spiritueuse élaborée à partir d'alcool éthylique d'origine agricole, obtenu par fermentation par la levure soit de pommes de terre ou de céréales ou des deux, soit d'autres matières premières agricoles, distillé de telle sorte que les caractéristiques organoleptiques inhérentes aux matières premières utilisées et aux sous-produits nés de la fermentation soient sélectivement atténuées.
8. Après avoir constaté que la société Tradall élabore en Suisse, en exécution d'un contrat de fabrication, des extraits aromatiques utilisés comme composants dans la production des différentes boissons et relevant des préparations de substances odoriférantes au sens du système harmonisé qui consistent en des mélanges à base de plantes à partir d'alcool, d'huiles essentielles et de mélanges de substances odoriférantes de types utilisés pour la fabrication de boissons et que le produit issu de ces mélanges est un extrait alcoolique aromatique classé à la position 3302, l'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, que les caractéristiques et propriétés objectives des marchandises importées ne peuvent être appréciées qu'en considération de la préparation finale, telle que précisée au moment du dédouanement, celle-ci devant contenir tous les agents aromatisants qui caractérisent une boisson. Il relève ensuite que la vodka, bien que pouvant présenter intrinsèquement des caractéristiques et propriétés organoleptiques, doit être exclue des agents aromatisants puisque, d'une part, la note 2 du chapitre 33 du système harmonisé exclut les alcools classés à la position 2208, position dont elle relève, en tant que substance odoriférante, d'autre part, la boisson finale au sens de la position 3302 est une vodka à laquelle a été conféré un arôme prédominant, qui caractérise ladite boisson et qui diffère de celui des matières premières utilisées pour produire la vodka, à savoir la vodka Eristoff, la vodka Gold Eristoff ou encore la vodka Grey Goose Cherry Noir ou la vodka.
9. L'arrêt relève encore que chaque extrait aromatique, dont le nom commercial indique le type de boisson finale, correspond spécifiquement à une boisson, ce qui est attesté par les factures et la comptabilité matière de la société Tradall, de sorte que leur destination est connue au moment du dédouanement et que les quatre extraits aromatiques dont la position tarifaire a été reprise par l'administration des douanes comprennent tous les agents aromatisants de chaque vodka concernée.
10. De ces énonciations, constatations et appréciations souveraines, la cour d'appel, qui n'a pas statué par affirmation ni modifié l'objet du litige, a pu déduire, sans qu'il soit nécessaire de recourir à une analyse sensorielle, que les extraits aromatiques importés par la société Tradall relevaient de la position tarifaire 3302 10 10.
11. Le moyen, inopérant en sa troisième branche en ce qu'il critique des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus.
12. Et en l'absence de doute raisonnable quant à l'interprétation du droit de l'Union sur les questions soulevées par le moyen, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice de la question préjudicielle de savoir s'il faut, « dans le cadre d'une qualification douanière qui suppose la démonstration de la présence, dans les produits importés, de tous les agents aromatisants caractéristiques du produit fini, outre la détermination de la destination des produits importés, procéder à une comparaison entre les agents aromatisants présents dans les produits importés et ceux présents dans les produits finis », celle-ci étant sans emport sur la solution du litige.
Com. 2 avril 2025 n° 23-22.094
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
JB
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 2 avril 2025
Rejet
M. PONSOT, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 188 F-D
Pourvoi n° R 23-22.094
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 2 AVRIL 2025
La société Tradall, de droit suisse, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3] (Suisse), a formé le pourvoi n° R 23-22.094 contre l'arrêt rendu le 5 septembre 2023 par la cour d'appel de Montpellier (chambre commerciale), dans le litige l'opposant :
1°/ à la direction régionale des douanes et droits indirects de [Localité 5], dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à la direction générale des douanes et droits indirects, dont le siège est [Adresse 1],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Gauthier, conseiller, les observations de la SAS Hannotin Avocats, avocat de la société Tradall, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la direction régionale des douanes et droits indirects de [Localité 5] et de la direction générale des douanes et droits indirects, après débats en l'audience publique du 11 février 2025 où étaient présents M. Ponsot, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Gauthier, conseiller rapporteur, Mme Graff-Daudret, conseiller et M. Doyen, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 5 septembre 2023, n° RG 21/04855), la société Tradall fabrique en Suisse des extraits aromatiques, destinés à être incorporés dans la composition de boissons spiritueuses, fabriquées en France par la société Bacardi Martini production. A cette fin, elle importe ces extraits en France qui doivent être ajoutés, notamment, à de la vodka. Ils ont été déclarés à la sous-position tarifaire 3302 10 40, exemptés de droits de douane.
2. A la suite de contrôles opérés en 2013, l'administration des douanes a retenu que les marchandises importées par la société Tradall et la société Safram, relevant de la sous-position tarifaire 3302 10 10, étaient soumises à des droits de douane de 17,3 % et lui a notifié des infractions de fausses déclarations d'espèces.
3. L'administration des douanes a émis un avis de mise en recouvrement (AMR) que la société Tradall a contesté. Après rejet de sa contestation, elle a assigné celle-ci afin d'obtenir l'annulation de l'AMR et la décharge de ces droits.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
5. La société Tradall fait grief à l'arrêt de dire que les droits de douanes et la TVA incidente sont dus et de confirmer le jugement, notamment en ce qu'il a rejeté ses demandes tendant au prononcé de la nullité de la décision de redressement de l'administration des douanes du 13 août 2019 et à ce que soit ordonnée l'AMR, alors :
« 1°/ que l'espèce tarifaire d'un produit importé est déterminée au regard de la nomenclature combinée, laquelle définie des positions et des sous-positions ; qu'au cas particulier de la position relative aux substances odoriférantes et de la sous position définie au regard de la présence, dans le produit importé, de tous les agents aromatisants caractéristiques de la boisson finale, par hypothèse, ces agents aromatisants ne sont pas nécessairement des substances odoriférantes mais peuvent relever d'autres positions, sans quoi les substances odoriférantes importées présenteraient toujours l'ensemble des agents aromatisants du produit fini ; qu'au cas présent, la société Tradall soulignait, dans ses conclusions d'appel, que les Flavor Keys importées ne constituaient qu'une partie des agents aromatisants entrant dans la composition de la boisson finale dans la mesure où la vodka, à laquelle ces Flavor Keys étaient mélangées, présentait elle aussi des agents aromatisants propres ; qu'en réponse, la cour d'appel a affirmé que les Flavor Keys litigieux faisant partie de la position relative aux substances odoriférantes (3302) cependant que la vodka correspondrait à une autre position (2208), ladite vodka, dont elle reconnaissait par ailleurs l'arôme propre, ne pourrait constituer un des agents aromatisants caractéristiques de la boisson finale (ici obtenue par un mélange de vodka et des Flavor Keys en question) ; qu'on lit ainsi dans l'arrêt attaqué : "Selon les notes explicatives du système harmonisé de la position 3302, les substances odoriférantes servent ¿principalement à conférer aux boissons arôme, et dans une moindre mesure, saveur'. Ce classement ne comprend pas les alcools, classées au SH 2208, dont relève la vodka [?] qui peut être aromatisée, annexe I-31, étant dans ce cas, une vodka à laquelle a été conféré un arôme prédominant autre que celui des matières premières utilisées pour produire la vodka. L'article 5 b) de ce règlement précise que l'alcool éthylique d'origine agricole utilisé ne présent aucun goût détectable autre que celui de la matière première. [?] Il s'ensuit que l'arôme de la matière première de la vodka, qui ne peut être dénié (et ne l'est pas par l'administration douanière), ne constitue pas, au sens du tarif douanier, un agent aromatisant" ; qu'en statuant ainsi, en assimilant la notion d'agent aromatisant à celle de substances odoriférantes cependant que ni la nomenclature combinée, ni le système harmonisé, n'opèrent une telle assimilation, la cour d'appel a violé l'article 56 du code des douanes de l'Union, ensemble l'annexe I du règlement n° 2658/87 du Conseil du 23 juillet 1987 relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun, dans sa rédaction issue du règlement d'exécution n° 927/2012 de la Commission du 9 octobre 2012 ;
2°/ que les termes et l'objet du litige sont déterminés par les conclusions des parties ; qu'au cas présent, la société Tradall soulignait, dans ses conclusions d'appel, que la notion d'agents aromatisants n'étant pas définie par la nomenclature combinée (comme par le système harmonisé), il convenait d'en apprécier le sens au regard des instruments communautaires qui définissaient notamment les notions voisines d'arômes et d'aromatisation, et, par conséquent, qu'au regard de ces définitions, la vodka, qui présentait un arôme propre, était un agent aromatisant ; qu'en réponse, la cour d'appel s'est bornée à affirmer que "L'absence de définition par les instruments communautaires [le tarif douanier commun] de la définition d'un agent aromatisant n'est pas utile à la solution du litige en ce que les parties ne s'opposent pas sur une telle définition, mais sur l'existence ou pas, d'un arôme dans la vodka au sens du tarif douanier" ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas respecté les termes du litige tels que définis par l'appelante, a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
3°/ que la notion d'agents aromatisants n'est pas définie par la nomenclature combinée, pas plus que par le système harmonisé ; que la notion d'arômes, comme celle d'aromatisation, sont cependant définies par les instruments communautaires ¿ nonobstant que lesdits instruments portent sur des denrées alimentaires brutes, leur intérêt résidant non dans leur objet mais dans les définitions consacrées ¿, de sorte que c'est au regard de ces définitions que doit être entendue la notion d'agent aromatisant déterminante de l'espèce tarifaire du produit importé ; qu'au cas présent, la société Tradall soulignait, dans ses conclusions d'appel, que la notion d'agent aromatisant, définie par renvoi aux définitions consacrées par d'autres instruments communautaires, concernait tant les substances odoriférantes de la position 3302 que l'arôme propre de la vodka ¿ arôme reconnu par ces mêmes instruments communautaires ¿, de sorte que les Flavor Keys litigieuses ne pouvaient présenter tous les agents aromatisants du produit fini (encore une fois, obtenu par un mélange entre la vodka et lesdits Flavor Key) ; qu'en réponse, la cour d'appel, pour exclure toute idée de définition de la notion d'agent aromatisant par renvoi aux instruments communautaires, seuls instruments à proposer des définitions de la notion d'arôme ou du procédé d'aromatisation, a uniquement affirmé que "le règlement 1334/2008 du 16 décembre 2008 relatif, notamment, aux arômes, ne s'applique pas aux denrées alimentaires brutes" ; qu'en statuant ainsi, cependant que la notion d'agent aromatisant, ici déterminante du classement des produits importés, n'est pas définie par la nomenclature combinée (comme par le système harmonisé) mais que celles d'arômes et d'aromatisation font l'objet de définitions par les instruments communautaires ¿ peu important que ces définitions soient utilisées par des textes relatifs à des denrées ¿, la cour d'appel a violé l'article 56 du code des douanes de l'Union, ensemble l'annexe I du règlement n° 2658/87 du Conseil du 23 juillet 1987 relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun, dans sa rédaction issue du règlement d'exécution n° 927/2012 de la Commission du 9 octobre 2012 ;
4°/ que si le fait qu'une sous-position tarifaire soit définie par la présence de tous les agents aromatisants qui caractérisent le produit fini implique la connaissance de la destination des produits importés (leur mélange à un autre produit pour obtenir le produit fini), la seule connaissance de cette destination ne suffit pas à déterminer que le produit importé présente tous les agents aromatisants du produit fini ; que pour trancher le question de la présence ou non de tous ces agents aromatisants, la douane doit procéder à une analyse comparative des propriétés aromatiques des produits importés et des produits finis, sans que la simple lecture des composants de chacun des produits permette d'atteindre ce résultat, celui-ci nécessitant la réalisation d'analyses sensorielles ; qu'au cas présent, la société Tradall soulignait, dans ses conclusions d'appel, que, la destination du produit importé faisant partie de la définition de la sous-position douanière litigieuses, il fallait apprécier la prétendue présence de la totalité des agents aromatisants dans le produit importé par rapport au produit fini, ce que ne permet pas le recours à un "avis" établi par simple lecture comparative des composants des produits importés et finis ; qu'en réponse, la cour d'appel a retenu que, chacun des Flavor Keys litigieux étant associé à un unique produit fini, la destination des produits importés pouvait être déterminée avant tout dédouanement, de sorte que ces Flavor Keys présenteraient "tous les agents aromatisants de chaque vodka concernée" ; qu'on lit ainsi dans l'arrêt attaqué : "Chaque flavor key correspond spécifiquement à une boisson du groupe Bacardi ; le nom commercial des flavor keys, qui figure sur les factures, indique le type de boisson finale élaborée avec chaque flavor key et les extraits de la comptabilité matière de la société Tradall confirment que chaque flavor key, utilisée seule ou combinée avec une autre, est associée à un seul type de produit final, de sorte que la destination des dites flavor keys, bien qu'appréciée au moment du dédouanement, est connue à ce moment-là. En l'occurrence, les quatre flavor keys [?] comprennent tous les agents aromatisants de chaque vodka concernée. [?] Cette analyse est confirmée par les rapports techniques du laboratoire de [Localité 4] en date des 2 et 5 septembre 2016 pour les flavor keys ERILPCF FK LTR AT + 63,91 % 781-262 et Grey FLC LTR CA 60,3 % 440-5-93" ; qu'en statuant ainsi, en déduisant de la connaissance de la destination des produits importés leur composition, à savoir la prétendue présence de la totalité des agents aromatisants caractéristiques du produit fini, sans qu'aucune analyse comparative des propriétés aromatiques des produits importés et des produits finis ne soit réalisée, la cour d'appel a violé l'article 56 du code des douanes de l'Union, ensemble l'annexe I du règlement n° 2658/87 du Conseil du 23 juillet 1987 relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun, dans sa rédaction issue du règlement d'exécution n° 927/2012 de la Commission du 9 octobre 2012 ;
5°/ que le juge ne peut statuer par pure affirmation ; que le juge, saisi d'une action tendant à l'annulation d'un AMR en raison de l'absence de preuve de la réalité de l'infraction alléguée, doit vérifier qu'au regard des éléments de preuve produits aux débats, le déclassement opéré par la douane était justifié ; qu'au cas présent, la cour d'appel, après avoir affirmé que les Flavor Keys litigieuses auraient contenus tous les agents aromatisants caractéristiques du produit fini, a considéré que cette affirmation serait confirmée par "les rapports techniques du laboratoire de Lyon en date des 2 et 5 septembre 2016 pour les flavor keys ERILPCF FK LTR AT + 63,91 % 781-262 et Grey FLC LTR CA 60,3 % 440-5-93" ; qu'en statuant ainsi, cependant que l'infraction de fausse déclaration douanière portait sur quatre Flavor Keys et que les "rapports techniques" n'en concernaient que deux, la cour d'appel a violé les articles 342 du code des douanes et 56 du code des douanes de l'Union, ensemble l'annexe I du règlement n° 2658/87 du Conseil du 23 juillet 1987 relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun, dans sa rédaction issue du règlement d'exécution n° 927/2012 de la Commission du 9 octobre 2012. »
Réponse de la Cour
6. La position 3302 de la nomenclature tarifaire figurant à l'annexe I du règlement n° 2658/87 du 23 juillet 1987 relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun, est relative aux « mélanges de substances odoriférantes et mélanges (y compris les solutions alcooliques) à base d'une ou de plusieurs de ces substances, des types utilisés comme matières de base pour l'industrie ; autres préparations à base de substances odoriférantes, des types utilisés pour la fabrication de boissons ». La sous-position 3302 10 10 concerne spécifiquement les préparations contenant tous les agents aromatisants qui caractérisent une boisson ayant un titre alcoométrique acquis excédant 0,5 % vol., tandis que la sous-position 3302 10 40 concerne les autres mélanges de substances odoriférantes ou mélanges à base d'une ou plusieurs de ces substances utilisés pour les industries de boissons.
7. L'annexe 1 du règlement n° 2019/787 du 17 avril 2019 concernant la définition, la désignation, la présentation et l'étiquetage des boissons spiritueuses, l'utilisation des noms de boissons spiritueuses dans la présentation et l'étiquetage d'autres denrées alimentaires, la protection des indications géographiques relatives aux boissons spiritueuses, ainsi que l'utilisation de l'alcool éthylique et des distillats d'origine agricole dans les boissons alcoolisées, définit la vodka comme une boisson spiritueuse élaborée à partir d'alcool éthylique d'origine agricole, obtenu par fermentation par la levure soit de pommes de terre ou de céréales ou des deux, soit d'autres matières premières agricoles, distillé de telle sorte que les caractéristiques organoleptiques inhérentes aux matières premières utilisées et aux sous-produits nés de la fermentation soient sélectivement atténuées.
8. Après avoir constaté que la société Tradall élabore en Suisse, en exécution d'un contrat de fabrication, des extraits aromatiques utilisés comme composants dans la production des différentes boissons et relevant des préparations de substances odoriférantes au sens du système harmonisé qui consistent en des mélanges à base de plantes à partir d'alcool, d'huiles essentielles et de mélanges de substances odoriférantes de types utilisés pour la fabrication de boissons et que le produit issu de ces mélanges est un extrait alcoolique aromatique classé à la position 3302, l'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, que les caractéristiques et propriétés objectives des marchandises importées ne peuvent être appréciées qu'en considération de la préparation finale, telle que précisée au moment du dédouanement, celle-ci devant contenir tous les agents aromatisants qui caractérisent une boisson. Il relève ensuite que la vodka, bien que pouvant présenter intrinsèquement des caractéristiques et propriétés organoleptiques, doit être exclue des agents aromatisants puisque, d'une part, la note 2 du chapitre 33 du système harmonisé exclut les alcools classés à la position 2208, position dont elle relève, en tant que substance odoriférante, d'autre part, la boisson finale au sens de la position 3302 est une vodka à laquelle a été conféré un arôme prédominant, qui caractérise ladite boisson et qui diffère de celui des matières premières utilisées pour produire la vodka, à savoir la vodka Eristoff, la vodka Gold Eristoff ou encore la vodka Grey Goose Cherry Noir ou la vodka.
9. L'arrêt relève encore que chaque extrait aromatique, dont le nom commercial indique le type de boisson finale, correspond spécifiquement à une boisson, ce qui est attesté par les factures et la comptabilité matière de la société Tradall, de sorte que leur destination est connue au moment du dédouanement et que les quatre extraits aromatiques dont la position tarifaire a été reprise par l'administration des douanes comprennent tous les agents aromatisants de chaque vodka concernée.
10. De ces énonciations, constatations et appréciations souveraines, la cour d'appel, qui n'a pas statué par affirmation ni modifié l'objet du litige, a pu déduire, sans qu'il soit nécessaire de recourir à une analyse sensorielle, que les extraits aromatiques importés par la société Tradall relevaient de la position tarifaire 3302 10 10.
11. Le moyen, inopérant en sa troisième branche en ce qu'il critique des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus.
12. Et en l'absence de doute raisonnable quant à l'interprétation du droit de l'Union sur les questions soulevées par le moyen, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice de la question préjudicielle de savoir s'il faut, « dans le cadre d'une qualification douanière qui suppose la démonstration de la présence, dans les produits importés, de tous les agents aromatisants caractéristiques du produit fini, outre la détermination de la destination des produits importés, procéder à une comparaison entre les agents aromatisants présents dans les produits importés et ceux présents dans les produits finis », celle-ci étant sans emport sur la solution du litige.
Soc. 2 avril 2025 n° 24-10.059
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 2 avril 2025
Cassation partielle
Mme CAPITAINE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 345 F-D
Pourvoi n° E 24-10.059
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 AVRIL 2025
M. [V] [P], domicilié [Adresse 2], exerçant sous l'enseigne « Ecuries de la Perelle », a formé le pourvoi n° E 24-10.059 contre l'arrêt rendu le 13 novembre 2023 par la cour d'appel de Rennes (8e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant à Mme [N] [F], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lacquemant, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [P], après débats en l'audience publique du 4 mars 2025 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lacquemant, conseiller rapporteur, Mme Nirdé-Dorail, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 13 novembre 2023), rendu sur renvoi après cassation (Soc., 14 décembre 2022, pourvoi n° 21-18.036), Mme [F] a été engagée en qualité d'enseignant/animateur, catégorie 2 coefficient 130, par M. [P] exerçant sous l'enseigne « Ecurie de la Pérelle », à compter du 9 septembre 2002. La relation de travail était régie par la convention collective nationale concernant le personnel des centres équestres du 11 juillet 1975.
2. Une rupture conventionnelle du contrat de travail a été conclue, qui a pris effet le 12 août 2014.
3. La salariée a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir le paiement de diverses sommes au titre de l'exécution du contrat de travail.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée des sommes correspondant à des rappels de salaires au titre de la requalification au coefficient 150 pour la période du 1er janvier 2010 au 30 septembre 2011 et au coefficient 167 pour la période du 1er octobre 2011 au 31 juillet 2014 et aux congés payés afférents, alors :
« 1°/ que selon l'article 16 de la convention collective nationale concernant le personnel des centres équestres du 11 juillet 1975, un salarié peut se voir attribuer trois fonctions au maximum d'une catégorie supérieure et au-delà, le salarié est classé à la catégorie immédiatement supérieure ; qu'en conséquence, pour bénéficier de la classification 150 correspondant à la catégorie 3 et à l'emploi d'enseignant, le salarié classé à un niveau inférieur doit exercer au moins quatre fonctions de cette catégorie ; que selon cette même convention collective, l'emploi d'enseignant de catégorie 3, qui correspond au coefficient 150, comprend cinq fonctions de base : entretien et maintenance, accueil, animation, gestion et enseignement ; qu'au titre de l'entretien et de la maintenance, l'enseignant de catégorie 3 ''assure, contrôle et évalue la mise en valeur des équidés d'école et optimise leur utilisation ; assure et organise la propreté de l'établissement'', qu'au titre de ''l'accueil'', il ''anticipe et analyse les besoins des publics et adapte les services offerts, vérifie et contrôle la qualité de l'accueil, participe aux relations extérieures de l'entreprise'', qu'au titre de l'animation, il ''planifie l'ensemble des activités 8 d'animation et en assure la coordination'' et est ''responsable de l'équipe d'animation'' et qu'au titre de la fonction supplémentaire de tutorat, il ''participe aux évaluations formatives et aux bilans pédagogiques'', ''est amené à gérer des comportements et des motivations'' et ''a un rôle régulateur lors de tensions'' ; qu'en l'espèce, pour juger que Mme [F] aurait dû bénéficier du coefficient 150 pour la période de mars 2010 à octobre 2011 et condamner M. [P] à un rappel de salaire à ce titre, la cour d'appel a constaté que Mme [F] veillait à la préservation de l'intégrité morale et physique des équidés, assurait et contrôlait la propreté de l'entreprise, organisait, assistait, contrôlait et planifiait la gestion des équidés (travail, repos, soins), qu'elle avait amélioré et développé les prestations en fonction des besoins recensés de la clientèle (enfants, adultes, compétiteurs, centres aérés), qu'elle avait eu la charge de l'enseignement au sein du centre, de la prise d'inscription à la délivrance des cours, avait été encadrant des cavaliers lors des compétitions notamment des championnats régionaux et nationaux, qu'elle assurait la continuité de l'enseignement des pratiques équestres dans un cadre de perfectionnement, qu'elle maîtrisait la pédagogie différenciée en fonction du public au sens de la convention collective et qu'elle exerçait la fonction supplémentaire de tutorat ; qu'elle en a déduit que Mme [F] cumulait trois fonctions du coefficient 150, celles d'entretien et de maintenance, d'accueil, d'animation et d'enseignement ; qu'en statuant ainsi, sans constater que Mme [F] assurait, contrôlait et évaluait la mise en valeur des équidés d'école et optimisait leur utilisation, qu'elle vérifiait et contrôlait la qualité de l'accueil, qu'elle participait aux relations extérieures de l'entreprise, qu'elle planifiait l'ensemble des activités d'animation, en assurait la coordination et était responsable de l'équipe d'animation et, qu'en tant que tutrice, elle devait participer aux évaluations formatives et aux bilans pédagogiques, était amenée à gérer des comportements et des motivations et avait un rôle régulateur lors de tensions, seuls constats de nature à établir qu'elle assurait les fonctions d'entretien et de maintenance, d'accueil, d'animation et de tutorat correspondant au coefficient 150 et à la catégorie 3 à laquelle elle prétendait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 16, 56 et 57 de la convention collective nationale concernant le personnel des centres équestres du 11 juillet 1975, ensemble la grille de classification des emplois et des classifications de cette même convention collective ;
2° / que selon l'article 16 de la convention collective nationale concernant le personnel des centres équestres du 11 juillet 1975, un salarié peut se voir attribuer trois fonctions au maximum d'une catégorie supérieure et au-delà, le salarié est classé à la catégorie immédiatement supérieure ; qu'en conséquence, pour bénéficier de la classification 167 correspondant à la catégorie 4 et à l'emploi d'enseignant responsable pédagogique, le salarié classé à un niveau inférieur doit exercer au moins quatre fonctions de cette catégorie ; que selon cette même convention collective, l'emploi d'enseignant responsable pédagogique de catégorie 4, qui correspond au coefficient 167, comprend cinq fonctions de base : entretien et maintenance, accueil, animation, gestion et enseignement ; qu'au titre de l'accueil, l'enseignant de catégorie 4 ''améliore et développe les prestations en fonction des besoins recensés de la clientèle'' et est ''capable de résoudre des difficultés liées aux relations humaines, que ce soit au sein de l'entreprise ou vis-à-vis de la clientèle'' ; qu'au titre de l'animation, il ''préconise des produits d'animation'' et ''programme les activités'' et qu'au titre de la fonction supplémentaire de tutorat, il ''indique des conduites, analyse des situations, identifie des problèmes et y remédie'' et ''a un rôle de médiateur'' ; qu'en l'espèce, pour juger que Mme [F] aurait dû bénéficier du coefficient 167 à compter d'octobre 2011 et condamner M. [P] à un rappel de salaire à ce titre, la cour d'appel a constaté que Mme [F] veillait à la préservation de l'intégrité morale et physique des équidés, assurait et contrôlait la propreté de l'entreprise, organisait, assistait, contrôlait et planifiait la gestion des équidés (travail, repos, soins), qu'elle avait amélioré et développé les prestations en fonction des besoins recensés de la clientèle (enfants, adultes, compétiteurs, centres aérés), qu'elle avait eu la charge de l'enseignement au sein du centre, de la prise d'inscription à la délivrance des cours, avait été encadrant des cavaliers lors des compétitions notamment des championnats régionaux et nationaux, qu'elle assurait la continuité de l'enseignement des pratiques équestres dans un cadre de perfectionnement, qu'elle maîtrisait la pédagogie différenciée en fonction du public au sens de la convention collective et qu'elle exerçait la fonction supplémentaire de tutorat ; qu'en statuant ainsi, sans constater que Mme [F] était capable de résoudre des difficultés liées aux relations humaines, que ce soit au sein de l'entreprise ou vis-à-vis de la clientèle, qu'elle était chargée de préconiser des produits d'animation et de programmer les activités et, qu'en tant que tutrice, elle devait indiquer des conduites, analyser des situations, identifier des problèmes, y remédier et tenir le rôle 10 de médiateur, seuls constats de nature à établir qu'elle assurait les fonctions d'accueil, d'animation et de tutorat correspondant au coefficient 167 et à la catégorie 4 à laquelle elle prétendait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 16, 56 et 57 de la convention collective nationale concernant le personnel des centres équestres du 11 juillet 1975, ensemble la grille de classification des emplois et des classifications de cette même convention collective ».
Réponse de la Cour
Vu les articles 16, 56 et 57 de la convention collective nationale concernant le personnel des centres équestres du 11 juillet 1975 :
5. Selon le premier de ces textes, chaque emploi comprend l'attribution de fonctions de base englobant des tâches minimum et éventuellement des fonctions supplémentaires. Un salarié peut se voir attribuer trois fonctions au maximum d'une catégorie supérieure. Au-delà, il est classé à la catégorie immédiatement supérieure.
6. Selon le deuxième, le coefficient 130 correspond à un emploi d'enseignant/animateur de la catégorie 2, le coefficient 150 à un emploi d'enseignant ou de secrétaire-comptable de la catégorie 3 et le coefficient 167 à un emploi d'enseignant/responsable pédagogique de la catégorie 4.
7. Selon le troisième, les emplois d'enseignant/animateur de catégorie 2, d'enseignant de catégorie 3 et de d'enseignant/responsable pédagogique de catégorie 4 comportent cinq fonctions de base : soins et valorisation des équidés, accueil, animation, gestion et enseignement ainsi que quatre fonctions supplémentaires : tutorat, formation, spécialisation, conception innovation. Les fonctions de base et les fonctions supplémentaires de chaque catégorie sont constituées de tâches définies par la convention collective.
8. Il résulte de ces textes qu'un salarié qui sollicite une classification supérieure à la sienne au seul motif qu'il effectue au moins quatre fonctions d'une catégorie supérieure à la sienne doit être classé dans la catégorie immédiatement supérieure alors même que les fonctions ainsi exercées relèveraient d'une catégorie encore supérieure.
9. Pour condamner l'employeur au paiement de rappel de salaires calculés sur la base du coefficient 150 de la grille conventionnelle pour la période du 1er janvier 2010 au 30 septembre 2011 et sur la base du coefficient 167 pour la période du 1er octobre 2011 au 31 juillet 2014, l'arrêt constate que la salariée veillait à la préservation de l'intégrité morale et physique des équidés, assurait et contrôlait la propreté de l'entreprise, organisait, assistait, contrôlait et planifiait la gestion des équidés, avait amélioré et développé les prestations en fonction des besoins recensés de la clientèle, avait la charge de l'enseignement au sein du centre, de la prise d'inscription à la délivrance des cours et avait été encadrante des cavaliers lors des compétitions, assurait la continuité de l'enseignement des pratiques équestres dans un cadre de perfectionnement et non simplement des bases des pratiques équestres mais également maîtrisait la pédagogie différenciée en fonction du public au sens de la convention collective, possédait un début d'expertise dans une activité d'enseignement, contrôlait et coordonnait l'organisation pédagogique et pouvait encadrer et animer une équipe pédagogique
10. L'arrêt en conclut que la salariée, dont l'emploi d'enseignant/animateur relevait de la catégorie 2 coefficient 130, cumulait trois fonctions du coefficient 150, celles d'entretien et de maintenance, d'accueil, d'animation et d'enseignement, outre la fonction supplémentaire de tutorat
11. Il relève que la salariée satisfaisait en outre aux conditions de diplôme et d'expérience requises pour le coefficient 167, à savoir le brevet d'Etat d'éducateur sportif du 1er degré option activités équestres (BEES1) obtenu le 2 octobre 2001 et dix ans d'expérience à ce niveau le 2 octobre 2011 en qualité d'enseignante animatrice.
12. Il en déduit qu'en cumulant plus de trois fonctions de la catégorie 3 et en satisfaisant à la condition de diplôme et d'expérience de la catégorie 4, la salariée réunissait les conditions pour être classée au coefficient 167 de cette catégorie à compter d'octobre 2011 et devait bénéficier pour la période de mars 2010 à octobre 2011 du coefficient 150.
13. En se déterminant ainsi, sans constater que la salariée effectuait l'intégralité des tâches constituant la fonction accueil d'une catégorie supérieure à celle de la catégorie 2 ou les tâches de la fonction animation d'une catégorie supérieure à la catégorie 2 et qu'elle exerçait les tâches définissant la fonction tutorat de la catégorie supérieure à la catégorie 2, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Portée et conséquences de la cassation
14. La cassation du chef de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur au paiement d'un rappel de salaires au titre de la requalification et congés payés afférents n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt le condamnant aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci.
15. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt concernant le rappel de salaires au titre de la requalification et congés payés afférents entraîne la cassation du chef de dispositif ordonnant la remise d'un bulletin de paie rectificatif et d'une attestation destinée à Pôle emploi conformes s'agissant des rappels de salaire prononcés, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
Crim. 1 avril 2025 n° 24-81.176 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° F 24-81.176 F-B
N° 00424
SB4 1ER AVRIL 2025
CASSATION SANS RENVOI
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 1ER AVRIL 2025
M. [X] [D] a formé un pourvoi contre l'arrêt n° 23 de la cour d'appel de Metz, chambre correctionnelle, en date du 25 janvier 2024, qui, pour infraction au code de l'environnement, l'a condamné à cinq mois d'emprisonnement avec sursis, a ordonné la remise en état des lieux sous astreinte, et a prononcé sur les intérêts civils.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de M. Coirre, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [X] [D], les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la Mairie du [Localité 2], et les conclusions de M. Bigey, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Coirre, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. La commune du [Localité 2] a déposé plainte contre M. [X] [D] pour avoir, à des fins de drainage, procédé sans autorisation au busage de l'affluent d'un cours d'eau traversant son exploitation agricole.
3. M. [D] a été poursuivi devant le tribunal correctionnel, notamment, du chef d'exécution sans autorisation de travaux nuisibles à l'eau ou au milieu aquatique.
4. La juridiction du premier degré a déclaré le prévenu coupable de ce délit et l'a condamné à cinq mois d'emprisonnement avec sursis, 5 000 euros d'amende, la remise en état des lieux sous astreinte avec exécution provisoire, et a prononcé sur les intérêts civils.
5. Le prévenu et le ministère public ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses troisième et quatrième branches, et le second moyen, pris en sa troisième branche
6. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le premier moyen, pris en ses autres branches
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [D] coupable des faits d'exécution sans autorisation de travaux nuisibles à l'eau ou au milieu aquatique, alors :
« 1°/ que l'article L. 173-1 I du code de l'environnement incrimine le fait, sans l'autorisation, l'enregistrement, l'agrément, l'homologation ou la certification mentionnés aux articles L. 214-3, L. 512-1, L. 512-7, L. 555-1, L. 571-2, L. 571-6 et L. 712-1 exigé pour un acte, une activité, une opération, une installation ou un ouvrage, de conduire ou effectuer cette opération ; qu'en faisant application, pour déclarer M. [D] coupable d'exécution sans autorisation de travaux nuisibles à l'eau ou au milieu aquatique, du régime institué aux articles L. 414-1 et suivants du même code s'agissant du Natura 2000 (arrêt p. 9) et notamment du tableau figurant sous l'article R. 414-27 (arrêt p. 10), cependant que l'article L. 173-1 I du code de l'environnement, fondement des poursuites (arrêt p. 3), ne fait aucune référence à l'autorisation mentionnée l'article L. 414-4, IV, du même code, la cour d'appel a violé par fausse application les articles L. 414-4 et R. 414-27 du code de l'environnement ;
2°/ que subsidiairement, la législation et réglementation propres aux sites Natura 2000, soumettant certains programmes et projets à autorisation en application des articles L. 414-4, IV, et R. 424-27 du code de l'environnement est distincte de la législation et réglementation prévues par les articles L. 214-3 et R. 214-1 du même code ; que les juges ne peuvent statuer que sur les faits dont ils sont saisis à moins que le prévenu n'accepte expressément d'être jugé sur des faits distincts de ceux visés par la prévention ; qu'en faisant application, pour déclarer M. [D] coupable d'exécution sans autorisation de travaux nuisibles à l'eau ou au milieu aquatique, du « régime »« institué aux articles L. 414-1 et suivants du même code s'agissant du Natura 2000 » qui est « dérogatoire » à celui prévu aux articles L. 214-1, L. 214-2, L. 214-3 et R. 214-1 du code de l'environnement (arrêt p. 9) et notamment du tableau figurant sous l'article R. 414-27 pour retenir que les travaux de drainage étaient soumis à autorisation dès lors qu'un point de rejet était situé en l'espèce en site Natura 2000 (arrêt p. 10), cependant que M. [D] a été poursuivi pour l'exécution sans autorisation administrative de travaux de drainage sur le fondement des articles L. 214-1, L. 214-3 et R. 214-1 du code de l'environnement (arrêt p. 3) soumettant à déclaration la réalisation de réseaux de drainage permettant le drainage d'une superficie supérieure à 20 ha mais inférieure à 100 ha, la cour d'appel a excédé sa saisine et a violé l'article 388 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 173-1, L. 214-1, L. 214-3 et R. 214-1 du code de l'environnement :
8. Il résulte de ces textes qu'est soumise à autorisation la réalisation de travaux permettant le drainage d'une superficie d'au moins 100 ha et à déclaration la réalisation de tels travaux sur une superficie supérieure à 20 ha mais inférieure à 100 ha.
9. Pour déclarer le prévenu coupable d'exécution sans autorisation de travaux nuisibles à l'eau ou au milieu aquatique, l'arrêt attaqué énonce, par motifs propres et adoptés, que la surface drainée sur les parcelles lui appartenant est de 5,80 ha.
10. Les juges observent qu'un régime dérogatoire, propre aux sites classés Natura 2000, est institué aux articles L. 414-1 et suivants du code de l'environnement.
11. Ils ajoutent qu'il résulte de l'article R. 414-27 du même code que la réalisation de réseaux de drainage est soumise à autorisation lorsqu'ils portent sur une superficie supérieure à un hectare pour la partie de la réalisation prévue à l'intérieur d'un site Natura 2000 ou lorsque le point de rejet se situe sur un tel site.
12. Ils relèvent que s'il n'est pas établi en l'espèce que le drainage réalisé porte sur une superficie supérieure à un hectare pour la partie se trouvant à l'intérieur d'un site Natura 2000, un point de rejet est situé sur un tel site, soit la sortie présente sur la parcelle n° [Cadastre 1].
13. Ils en déduisent que les travaux étaient soumis à autorisation préalable de l'autorité administrative compétente.
14. En statuant ainsi, alors que la nomenclature de l'article R. 414-27 du code de l'environnement, qui instaure un régime spécial d'autorisation et de déclaration propre aux sites Natura 2000, est distincte des seuils limitativement énumérés à l'article R. 214-1 du même code dont la méconnaissance est sanctionnée à l'article L. 173-1 de ce code, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés.
15. La cassation est par conséquent encourue.
Portée et conséquences de la cassation
16. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.
Crim. 1 avril 2025 n° 24-81.178
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° G 24-81.178 F-D
N° 00421
SB4 1ER AVRIL 2025
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 1ER AVRIL 2025
M. [Z] [N] a formé un pourvoi contre l'arrêt n° 24 de la cour d'appel de Metz, chambre correctionnelle, en date du 25 janvier 2024, qui, pour infraction au code de l'environnement, l'a condamné à trois mois d'emprisonnement avec sursis, a ordonné la remise en état des lieux, et a prononcé sur les intérêts civils.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de M. Coirre, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [Z] [N], les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la mairie [Localité 1], et les conclusions de M. Bigey, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Coirre, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le 22 septembre 2020, un inspecteur de l'environnement a constaté que des tuyaux avaient remplacé le lit d'un écoulement d'eau traversant des parcelles appartenant à M. [Z] [N].
3. Pour n'avoir pas déclaré ce busage, M. [N] a été poursuivi devant le tribunal correctionnel pour exécution sans autorisation de travaux nuisibles à l'eau et au milieu aquatique.
4. Cette juridiction l'a déclaré coupable de ce délit, l'a condamné à diverses peines, a ordonné la remise en état des lieux sous astreinte, avec exécution provisoire, ainsi qu'une mesure d'affichage, et a prononcé sur les intérêts civils.
5. Le prévenu et le ministère public ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses troisième à septième branches, et le second moyen, pris en sa troisième branche
6. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [N] coupable des faits d'exécution sans autorisation de travaux nuisibles à l'eau ou au milieu aquatique en ayant procédé à la mise en tuyau d'un cours d'eau, alors :
« 1°/ que la constitution de l'infraction prévue à l'article L. 173-1 I du code de l'environnement requiert le constat de l'existence d'un cours d'eau ; que constitue un cours d'eau un écoulement d'eaux courantes dans un lit naturel à l'origine, alimenté par une source et présentant un débit suffisant la majeure partie de l'année ; qu'en se fondant, pour déclarer M. [N] coupable d'exécution sans autorisation de travaux nuisibles à l'eau ou au milieu aquatique, en ayant procédé à la mise en tuyau d'un cours d'eau, sur la carte [2] jointe au procès-verbal de constatations établi par l'inspecteur de l'environnement (arrêt p. 10), sur les travaux de cartographie non encore réalisés en août 2020 et transmis aux enquêteurs en octobre 2020 et sur la carte des cours d'eau BCAE (arrêt p. 10) cependant que cette cartographie n'a pas de portée juridique et sans caractériser dans ses motifs la réunion des trois critères légaux établissant l'existence d'un cours d'eau à savoir l'écoulement d'eaux courantes dans un lit naturel à l'origine, son alimentation par une source et la présentation d'un débit suffisant la majeure partie de l'année, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard des articles L. 215-7-1, L. 214-3, R. 214-1, L. 173-1 du code de l'environnement, 593 du code de procédure pénale, ensemble l'article 1er du protocole n° 1 à la Convention européenne des droits de l'homme ;
2°/ que la constitution de l'infraction prévue à l'article L. 173-1 I du code de l'environnement requiert le constat de l'existence d'un cours d'eau ; que constitue un cours d'eau un écoulement d'eaux courantes dans un lit naturel à l'origine, alimenté par une source et présentant un débit suffisant la majeure partie de l'année ; qu'en déclarant M. [N] coupable d'exécution sans autorisation de travaux nuisibles à l'eau ou au milieu aquatique pour avoir procédé à la mise en busage d'un cours d'eau cependant qu'elle a constaté l'absence de source déterminée du cours d'eau (arrêt p. 11), partant l'absence de l'un des trois critères cumulatifs établissant l'existence d'un cours d'eau, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 215-7-1, L. 214-3, R. 214-1, L. 173-1 du code de l'environnement, ensemble l'article 1er du protocole n° 1 à la Convention européenne des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 215-7-1 du code de l'environnement :
8. Aux termes de ce texte, constitue un cours d'eau un écoulement d'eaux courantes dans un lit naturel à l'origine, alimenté par une source et présentant un débit suffisant la majeure partie de l'année. L'écoulement peut ne pas être permanent compte tenu des conditions hydrologiques et géologiques locales.
9. Pour déclarer M. [N] coupable d'exécution sans autorisation de travaux nuisibles à l'eau ou au milieu aquatique, l'arrêt attaqué énonce qu'il ressort d'une carte de l'[2] ([2]), ayant seulement valeur de renseignements, que l'écoulement où le busage a été réalisé est matérialisé par des traits bleus en pointillés, caractérisant des cours d'eau intermittents.
10. Les juges relèvent qu'un inspecteur de la police de I'eau a précisé que le trait bleu représentant les cours d'eau sur les cartes [2] faisait toujours foi pour déterminer le statut de cours d'eau.
11. Ils observent que des travaux de cartographie achevés postérieurement à la constatation des faits, réalisés sur la base de critères validés par la profession agricole, ont permis de confirmer ce statut.
12. Ils rappellent que, dans les cas où les critères majeurs énoncés par la loi ne permettent pas de déterminer avec certitude la qualification de cours d'eau, il peut être recouru à un faisceau d'indices.
13. Ils relèvent, à cet égard, que l'inspecteur de l'environnement, à partir d'une vue aérienne antérieure à la réalisation des travaux, a observé la présence d'une ripisylve, ce qui est confirmé par le référentiel hydrogéologique français qui montre un lit naturel à l'origine avec, dans le lit mineur du cours d'eau en cause, une couche d'alluvions quaternaires.
14. Ils en déduisent, nonobstant l'absence de source déterminée de ce cours d'eau, explicable par la période de sécheresse sévère, que les travaux ont été réalisés dans un cours d'eau.
15. En se déterminant ainsi, sans mieux justifier en quoi le faisceau d'indices pris en compte démontrait l'existence de deux des critères susmentionnés nécessaires à la caractérisation d'un cours d'eau, soit l'existence d'un débit suffisant la majeure partie de l'année alimenté par une source, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.
16. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Crim. 1 avril 2025 n° 23-82.468
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° Q 23-82.468 F-D
N° 00419
SB4 1ER AVRIL 2025
CASSATION PARTIELLE REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 1ER AVRIL 2025
M. [C] [J], partie civile, et la société [1], partie intervenante, ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Caen, chambre correctionnelle, en date du 24 mars 2023, qui, dans la procédure suivie contre M. [N] [U] du chef de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de M. Sottet, conseiller, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société [1], et les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [C] [J], et les conclusions de M. Bigey, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Sottet, conseiller rapporteur, M. Coirre, conseiller de la chambre, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. [C] [J], âgé de quinze ans, a été victime d'un accident de la circulation à la suite duquel M. [N] [U] a été déclaré coupable de blessures involontaires et responsable des blessures causées à la victime, qui a été reçue en sa constitution de partie civile.
3. Par jugement ultérieur sur l'action civile, le tribunal correctionnel a alloué diverses sommes à M. [J] en réparation de son préjudice corporel.
4. La société [1], assureur de M. [U], et les parties civiles ont relevé appel de ce jugement.
Examen des moyens
Sur le deuxième moyen, le troisième moyen, pris en sa troisième branche, proposés pour M. [J] et le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches proposé pour la société [1],
5. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen proposé pour M. [J] et le moyen, pris en sa première branche proposé pour la société [1],
Enoncé des moyens
6. Le moyen proposé pour M. [J] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a fixé les préjudices de M. [J] à la somme de 1 352 859,07 euros et a condamné M. [U] à payer à M. [J], en deniers ou quittances, la somme complémentaire de 822 129,06 euros en réparation de ces préjudices, provisions non déduites, alors « que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour la victime ; qu'en jugeant, pour limiter l'indemnisation des pertes de revenus de M. [J] à 600 euros par mois, qu'il serait « apte à effectuer une activité professionnelle sous une forme adaptée à son handicap », que « l'avenir professionnel de M. [C] [J] est celui d'un jeune homme exerçant des missions intérimaires ou un métier rémunéré aux alentours du salaire minimum qui est actuellement de 1 353,07 euros par mois », et que « l'accident du 4 juin 2015 n'a entraîné qu'une incapacité partielle à exercer un travail rémunéré à hauteur du SMIC », cependant qu'il résultait de ses propres constatations que M. [J], âgé de 15 ans à la date de l'accident, était inapte au métier de mécanicien agricole auquel il se destinait, qu'il avait stoppé sa scolarité, qu'il était « exclu, sans l'avoir intégré, du monde du travail » (arrêt, p. 5 et 6), et que, de fait, il n'exerçait pas d'activité professionnelle, la cour d'appel, qui devait réparer intégralement un préjudice de perte de revenus que la jeune victime n'avait pas à limiter dans l'intérêt du responsable en modifiant son orientation professionnelle, a violé le principe susvisé. »
7. Le moyen proposé pour la société [1] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a fixé les préjudices de M. [J] à la somme de 1 352 859,07 euros et la créance de l'organisme social à celle de 152 670,94 euros et a condamné la société [1] au doublement des intérêts au taux légal sur la somme de 683 400,95 euros à compter du 7 juin 2019 jusqu'au jour de la décision définitive, alors :
« 1°/ que si les juges du fond apprécient souverainement le préjudice causé par une infraction et le montant des dommages et intérêts attribués à celle-ci en réparation du préjudice résultant pour elle de l'infraction constatée, il en va différemment lorsque cette appréciation est déduite de motifs insuffisants, contradictoires ou erronés ; que l'incidence professionnelle doit être indemnisée en fonction de l'analyse de chacune des composantes de ce poste et non à compter d'une perte annuelle de revenus ou d'un taux donné de déficit fonctionnel permanent, le coût des incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle, en cas de séquelles en partie ou totalement invalidantes, ne pouvant être le décalque de la rémunération ; qu'en évaluant cependant ce préjudice à une part du salaire minimum évaluée à 20 %, la cour d'appel, qui a ainsi ce faisant considéré deux fois des pertes de gains professionnels par ailleurs indemnisées, s'est prononcée par des motifs ne permettant pas de s'assurer qu'elle a accordé une réparation sans perte ni profit pour la victime et méconnu les articles 2, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
8. Les moyens sont réunis.
9. Pour allouer à M. [J] la somme de 436 812 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs, l'arrêt attaqué énonce que la partie civile a eu un parcours scolaire moyen et envisageait une formation de mécanicien agricole avant l'accident.
10. Le juge ajoute que le rapport d'expertise mentionne une fatigabilité, une lenteur, des troubles de l'attention et de la concentration qui constituent des restrictions d'accès à l'emploi.
11. Il en déduit que M. [J], qui ne peut exercer une activité professionnelle que sous une forme adaptée à son handicap, présente une incapacité partielle à bénéficier d'une rémunération équivalente au SMIC.
12. Il chiffre en conséquence la perte de gains professionnels futurs à la somme mensuelle de 600 euros, qu'il totalise pour la période courant de la date de consolidation au jour de la décision, puis capitalise pour la période postérieure.
13. Pour allouer à M. [J] la somme de 141 862,39 euros au titre de l'incidence professionnelle, l'arrêt attaqué énonce que la partie civile va devoir exercer une activité professionnelle en milieu adapté et sera privée de toute possibilité de progression de carrière et d'épanouissement professionnel.
14. Le juge en conclut que ce poste de préjudice doit être évalué sur la base de 20 % du salaire minimum, soit 270,60 euros par mois, qu'il totalise pour la période courant de la date de consolidation au jour de la décision, puis capitalise pour la période postérieure.
15. En se déterminant ainsi, la cour d'appel, qui a réparé des préjudices distincts en retenant souverainement la méthode et le mode de calcul qui lui paraissaient appropriés, sans considérer que la victime devait minorer son préjudice, a justifié sa décision.
16. Dès lors, les moyens doivent être écartés.
Mais sur le troisième moyen, pris en ses première, deuxième et quatrième branches, proposé pour M. [J]
Enoncé du moyen
17. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné la société [1] au doublement des intérêts au taux légal sur la somme de 683 400,95 euros à compter du 7 juin 2019 jusqu'au jour de la décision définitive, les intérêts devant être capitalisés selon les modalités prévues par l'article 1343-2 du code civil, alors :
« 1°/ qu'une offre d'indemnité doit être faite à la victime qui a subi une atteinte à sa personne dans le délai maximum de huit mois à compter de l'accident ; que cette offre peut avoir un caractère provisionnel lorsque l'assureur n'a pas, dans les trois mois de l'accident, été informé de la consolidation de l'état de la victime ; qu'en faisant courir les intérêts doublés auxquels elle condamnait la société [1] depuis le 7 juin 2019, sans rechercher si une offre provisionnelle suffisante et comprenant tous les éléments indemnisables du préjudice avait été présentée à M. [J] dans les huit mois de l'accident survenu le 4 juin 2015, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances ;
2°/ que l'assureur est tenu de formuler une offre d'indemnisation comprenant tous les éléments indemnisables du préjudice ; qu'en jugeant que l'assureur pouvait se dispenser de formuler une offre d'indemnisation portant sur le préjudice professionnel, dès lors que les experts s'étaient estimé, en l'état, dans l'incapacité de déterminer le retentissement professionnel des séquelles conservées par M. [J], la cour d'appel a violé les articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances ;
4°/ qu'en toute hypothèse, en cas de circonstances non imputables à l'assureur, le juge peut uniquement réduire la pénalité prévue par l'article L. 211-13 du code des assurances ; qu'en excluant purement et simplement certains chefs de préjudice de l'assiette de la pénalité qu'elle infligeait, la cour d'appel a violé l'article L. 211-13 du code des assurances. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances :
18. Il résulte de ces textes que l'assureur qui garantit la responsabilité du conducteur d'un véhicule impliqué dans un accident de la circulation est tenu de présenter à la victime une offre d'indemnité comprenant tous les éléments indemnisables du préjudice et que lorsque l'offre n'a pas été faite dans les huit mois de l'accident, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêts de plein droit, au double du taux de l'intérêt légal, à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif.
19. Pour débouter M. [J] de sa demande d'assortir l'indemnité accordée d'intérêts au double du taux légal à compter du 4 février 2016 et limiter cette sanction à la somme de 683 400,95 euros, à compter du 7 juin 2019 jusqu'au jour de la décision définitive, l'arrêt attaqué énonce que l'expertise amiable sur la base de laquelle les parties ont chiffré leurs prétentions, dressée le 7 janvier 2019, a réservé les postes afférents au retentissement professionnel.
20. En statuant ainsi, sans rechercher si une offre provisionnelle suffisante et comprenant tous les éléments indemnisables du préjudice avait été présentée à la victime dans les huit mois de l'accident, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés.
21. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
22. La cassation sera limitée aux dispositions limitant la condamnation de la société [1] au doublement des intérêts au taux légal à la somme de 683 400,95 euros à compter du 7 juin 2019 jusqu'au jour de la décision définitive, dès lors que les autres dispositions n'encourent pas la censure.
Crim. 1 avril 2025 n° 24-82.627
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° G 24-82.627 F- D
N° 00423
SB4 1ER AVRIL 2025
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 1ER AVRIL 2025
La société [1] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Cayenne, chambre correctionnelle, en date du 26 mars 2024, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 21 mars 2023, pourvoi n° 22-82.343, publié au Bulletin), pour infractions au code de l'environnement, l'a condamnée à 100 000 euros d'amende avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils.
Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Rouvière, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de La société [1], les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de l'Office national des forêts, et les conclusions de M. Bigey, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Rouvière, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. A l'issue d'une opération conduite par l'Office national des forêts (ONF), la société [1], qui exploitait une mine aurifère sur le territoire de la commune de [Localité 2] (Guyane), a été poursuivie devant le tribunal correctionnel des chefs, d'une part, de déversement de substance nuisible dans les eaux souterraines, superficielles ou de la mer, d'autre part, de rejet en eau douce ou pisciculture de substance nuisible au poisson ou à sa valeur alimentaire.
3. Les juges du premier degré l'ont déclarée coupable, condamnée à 100 000 euros d'amende avec sursis, et ont prononcé sur les intérêts civils.
4. La prévenue et l'ONF, partie civile, ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté les exceptions de nullité soulevées par la société [1], sauf celle portant sur les prélèvements et analyses réalisées par le laboratoire [3], et a déclaré cette société coupable de déversement de substance nuisible dans les eaux souterraines, superficielles ou les eaux de la mer et de rejet en eau douce ou pisciculture de substance nuisible au poisson ou à sa valeur alimentaire, alors « qu'il appartient au président de la chambre des appels correctionnels, ou à l'un des assesseurs, par lui désigné, d'informer la personne morale poursuivie, en la personne de son représentant à l'audience, de son droit, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire ; qu'en l'espèce où il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué et des notes d'audience versées à la procédure que Mme [H] [F] et M. [G] [F], représentants légaux de la société [1] qui ont comparu, n'ont pas été informés, ès qualités, de leur droit de se taire au cours des débats, la cour d'appel a méconnu les articles 6 de la convention européenne des droits de l'homme, 406, 512 et 591 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 406 et 512 du code de procédure pénale :
6. Il résulte du premier de ces textes que devant le tribunal correctionnel, le président ou l'un des assesseurs, par lui désigné, informe le prévenu, sans distinction entre les personnes physiques et les personnes morales, de son droit, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire. La méconnaissance de l'obligation d'informer le prévenu du droit de se taire lui fait nécessairement grief.
7. En application du second, ces dispositions sont applicables également devant la chambre des appels correctionnels.
8. Il ne résulte pas de l'arrêt attaqué ni des notes d'audience que Mme [H] [F] et M. [G] [F], qui ont comparu à l'audience de la cour d'appel du 24 octobre 2023, en qualité de représentants légaux de la prévenue, aient été informés par le président ou l'un des assesseurs de leur droit de se taire au cours des débats.
9. La cassation est par conséquent encourue.
Crim. 1 avril 2025 n° 25-80.585
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° J 25-80.585 F-D
N° 00586
ODVS 1ER AVRIL 2025
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 1ER AVRIL 2025
M. [X] [E] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 30 décembre 2024, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs de viols, atteintes sexuelles, en récidive, et d'atteintes à l'intimité de la vie privée d'autrui, a rejeté sa demande de mise en liberté.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Coirre, conseiller, les observations de la SAS Zribi et Texier, avocat de M. [X] [E], et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 1er avril 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Coirre, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Détenu depuis le 29 octobre 2021, M. [X] [E] a été mis en accusation le 16 mai 2024 des chefs susvisés et renvoyé devant la cour d'assises.
3. Il a saisi la chambre de l'instruction d'une demande de mise en liberté sur le fondement de l'article 148-1 du code de procédure pénale.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de mise en liberté de M. [E], alors « que devant la chambre de l'instruction, la personne mise en examen, lorsqu'elle comparaît, ou son avocat doivent avoir la parole en dernier ; qu'il résulte des mentions de l'arrêt que seuls ont été entendus M. Pascal Faucher, conseiller, en son rapport, et M. Martin Viver-Darviot, substitut général, en ses réquisitions ; qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que M. [E], qui comparaissait par visioconférence, n'a pas eu la parole en dernier, la chambre de l'instruction a violé les articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme et 199 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et 199 du code de procédure pénale :
5. Il se déduit de ces textes que, devant la chambre de l'instruction, la personne mise en examen ou son avocat doivent avoir la parole les derniers.
6. L'arrêt attaqué énonce qu'à l'audience ont été entendus un conseiller de la chambre, en son rapport, puis l'avocat général en ses réquisitions, puis qu'à l'issue des débats, la décision a été mise en délibéré, sans préciser que M. [E] a eu la parole en dernier.
7. Ces mentions ne permettent pas à la Cour de cassation de s'assurer que le principe ci-dessus rappelé a été respecté.
8. Dès lors, la cassation est encourue de ce chef.
Crim. 1 avril 2025 n° 23-85.211
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° W 23-85.211 F-D N° 00420
SB4 1ER AVRIL 2025
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 1ER AVRIL 2025
Mme [P] [G] [D] et la société [1], partie intervenante, ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Papeete, chambre correctionnelle, en date du 17 août 2023, qui, pour blessures involontaires et infraction au code de l'environnement de la Polynésie française, a condamné la première à 300 000 francs CFP d'amende avec sursis, déclaré l'arrêt opposable à la seconde et a prononcé sur les intérêts civils.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Sottet, conseiller, les observations de la SAS Zribi et Texier, avocat de la société [1], les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de Mme [P] [G] [D], et les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de Mme [H] [J], M. [V] [X], et les conclusions de M. Bigey, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Sottet, conseiller rapporteur, M. Coirre, conseiller de la chambre, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Mme [H] [J] a été attaquée par un requin alors qu'elle participait à une sortie en mer organisée par Mme [P] [G] [D], guide de plongée.
3. Cette dernière a été poursuivie pour blessures involontaires et pour deux infractions au code de l'environnement de la Polynésie française.
4. Le tribunal correctionnel l'a déclarée coupable de chasse audiovisuelle de mammifère marin non autorisée, relaxée du surplus de la prévention, condamnée à 150 000 francs CFP d'amende avec sursis, a mis hors de cause la société [1], assureur de la prévenue, et prononcé sur les intérêts civils.
5. Le ministère public, Mme [G] [D], l'assureur et les parties civiles ont relevé appel du jugement.
Examen des moyens
Sur le premier moyen proposé pour Mme [G] [D]
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré la prévenue coupable d'avoir exercé une activité d'approche et d'observation des mammifères marins de catégorie A et B, espèces protégées reconnues vulnérables ou en danger par le code de l'environnement de Polynésie Française, en l'espèce notamment en exerçant à titre lucratif une activité d'observation des baleines sans avoir obtenu l'autorisation requise pour le navire utilisé, alors « qu'en vertu de l¿article A 2213-1 6° du code de l'environnement de la Polynésie française, la demande d'autorisation présentée par une personne physique ou morale pour la recherche et l'approche aux fins d'observation des baleines et autres mammifères marins mentionne le type d'embarcation utilisée et son identification et est accompagnée notamment du titre de navigation du navire, en précisant, en cas de transport de passagers, la validité du permis de navigation ; que l'autorisation accordée est temporaire et incessible ; qu'en jugeant que la prévenue ne justifiait plus d'une telle autorisation au jour de l'accident dès lors que la prorogation du permis de navigation du navire auquel était rattachée l'autorisation n'avait pas encore été formalisée, circonstance qui n'était pourtant pas par elle-même de nature à mettre à néant l'autorisation antérieurement délivrée pour une période expirant le 30 décembre 2019 au vu d'un permis de navigation alors en cours de validité, la cour d'appel a violé les articles LP 2213-1, LP 2300-2-III 4° et A2213-1-6 du code de l'environnement de la Polynésie française. »
Réponse de la Cour
7. Pour condamner la prévenue du chef susvisé, l'arrêt attaqué énonce que l'arrêté du ministre de la culture et de l'environnement du 27 juin 2019 autorisant la société [2], employeur de Mme [G] [D], à exercer une activité d'approche des baleines et autres mammifères marins liait expressément cette autorisation à la validité du permis de navigation du navire utilisé pour ladite activité.
8. Les juges ajoutent que ce permis, valide jusqu'au 23 août 2019, n'a été prorogé qu'à compter du 22 octobre 2019, et que l'accident est survenu le 21 octobre 2019.
9. Ils en déduisent que l'autorisation d'observation et d'approche des mammifères marins délivrée à Mme [G] [D] n'était pas en vigueur le jour des faits.
10. En prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision.
11. En conséquence, le moyen doit être écarté.
Sur le second moyen proposé pour Mme [G] [D]
Enoncé du moyen
12. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré la prévenue coupable de blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à trois mois sur la personne de Mme [J], alors « que, pour constater la faute caractérisée qu'elle a reproché à la prévenue d'avoir commise, la cour d'appel a retenu « surtout », selon ses termes, son manque de précautions lors de la troisième sortie des participants qu'elle a décidée malgré la présence du requin parata dans les environs des globicéphales dont l'observation a motivé la mise à l'eau ; qu'en statuant ainsi sans faire apparaître que la prévenue, malgré ses dénégations, avait connaissance au moment de la mise à l'eau du groupe de la présence d'un requin à proximité justifiant des mesures de précaution particulières, la cour d'appel n'a pas, par ces motifs insuffisants, légalement constaté la faute caractérisée qu'elle a imputée à Mme [G], en violation des articles 593 du code de procédure pénale et 121-3 et 222-19 du code pénal. »
Réponse de la Cour
13. Pour déclarer la prévenue coupable du chef susvisé, l'arrêt attaqué énonce, dans son exposé des faits, que tous les participants à la sortie en mer ont remarqué, dès après la première mise à l'eau, la présence à proximité d'un requin, que l'un d'eux, inquiet, a interpellé le guide, qui lui a répondu que ce requin ne mordait pas, et qu'aucune consigne de sécurité supplémentaire n'a été donnée avant la troisième mise à l'eau, au cours de laquelle Mme [J] a été attaquée par l'animal.
14. Les juges ajoutent que Mme [G] [D], du fait de son expérience, savait que cette espèce de requin était capable d'attaques imprévisibles.
15. Ils concluent qu'en décidant sans précaution particulière, en présence d'un requin à proximité, d'une troisième mise à l'eau, la prévenue a exposé Mme [J] à un risque d'une particulière gravité qu'elle ne pouvait ignorer.
16. En prononçant ainsi, par des motifs qui établissent l'existence d'une faute caractérisée par laquelle Mme [G] [D] a créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage subi par la victime, la cour d'appel a justifié sa décision.
17. Ainsi le moyen doit être écarté.
Sur les premier et second moyens proposés pour la société [1]
Enoncé des moyens
18. Le premier moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de mise hors de cause de la société [1], alors :
« 1°/ que l'assureur ne doit l'indemnité qu'autant que les conditions de la garantie sont réunies lors de la survenance du sinistre ; qu'il résulte de l'article 4.1.2.b. de la section 4 Coverage de la police d'assurance que ne sont garanties que les activités pratiquées par l'assuré dans le respect des règlementations imposant des «licences commerciales, permis d'exploitation et permis de travail délivrés dans [son] pays de résidence et/ou dans le pays où [elle] exerce [ses] activités professionnelles sont dûment respectés » ; que la cour d'appel a relevé que Mme [G] a organisé une activité d'approche et d'observation des baleines et a jugé que « peu importe qu'[P] [G] ait été mentionnée comme bénéficiaire de l'autorisation d'observation puisqu'à la date des faits celle-ci n'était pas valable faute d'avoir un permis de navigation en cours pour le navire » et elle l'a en conséquence déclarée coupable d'avoir exercé cette activité sans avoir obtenu l'autorisation requise pour le navire utilisé ; qu'en refusant néanmoins de prononcer la mise hors de cause de l'assureur au motif inopérant que l'assurée disposait à tout le moins des diplômes et autorisations professionnelles nécessaires pour encadrer une activité de randonnée palmée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations desquelles il découlait que l'assurée ne disposait pas de tous les permis nécessaires pour organiser l'activité en cause d'approche de baleines et a ainsi méconnu les dispositions des articles A 2213-1-4 et A 2213-1-5 du code de l'environnement de Polynésie française et de l'article 1103 du code civil ;
2°/ qu'en tout état de cause, en énonçant d'une part, que l'autorisation d'observation dont bénéficiait l'Eurl de Mme [G] n'était pas valable faute d'avoir un permis de navigation en cours pour le navire et d'autre part, que Mme [G] était en règle disposant des diplômes et autorisations professionnelles nécessaires pour encadrer l'activité réalisée le jour des faits, la cour d'appel s'est contredite et a ainsi violé l'article 593 du code de procédure pénale ;
3°/ qu'en tout état de cause, en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si Madame [G] ne devait pas être titulaire d'une autorisation personnelle pour exercer l'activité d'observation des baleines, indépendante de celle accordée à l'EURL [2], la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles A 2213-1-4 et A 2213-1-5 du code de l'environnement de Polynésie française et de l'article 1103 du code civil ;
4°/ que, en tout état de cause, l'exigence de respect par l'assuré de la réglementation locale qui impose l'obtention de permis et de licences, figurant à l'article 4.1.2.b. de la section 4 Coverage de la police d'assurance, a trait à la réglementation applicable aux activités litigieuses pour lesquelles la couverture est demandée ; qu'il résulte des constatations de la cour d'appel que Mme [G] ne s'était pas bornée à guider la randonnée palmée mais avait également procédé à l'organisation complète « en son nom propre » de la « sortie baleine », y compris à la location du bateau Dive spirit 2 et à l'embauche d'une pilote pour ce même navire ; qu'en sa qualité d'organisatrice, elle avait autorisé une 3ème mise à l'eau, malgré la présence d'un requin longimane, conduisant à exposer [H] [J] à un danger d'une particulière gravité, manquement pour lequel elle a été condamnée et reconnue responsable des préjudices subis par les parties civiles ; qu'en décidant toutefois que l'article 4-2 b. de la police d'assurance n'imposait que la prise en compte des « diplômes et autorisations professionnelles nécessaires pour encadrer l'activité réalisée le jour des faits » « propres à Mme [P] [G] », quand cette dernière avait vu sa responsabilité engagée non seulement en qualité de guide de plongée mais également d'organisatrice de la sortie, la cour d'appel a violé les dispositions des articles A 2213-1-4 et A 2213-1-5 du code de l'environnement de Polynésie française et de l'article 1103 du code civil ;
5°/ qu'aux termes de l'article 4 de la police d'assurance souscrite par Mme [G] auprès de la société [1] exposante, celle-ci exige, pour que la couverture prévue au contrat s'applique, que « les licences commerciales, permis d'exploitation et permis de travail délivrés dans [son] pays de résidence et/ou dans le pays où [elle] exerce [ses] activités professionnelles sont dûment respectés ; qu'en énonçant que le défaut de permis de navigation du navire à jour est sans lien avec la stipulation du contrat susvisée qui énumère à travers les licences commerciales, permis d'exploitation et permis de travail, les conditions propres à [P] [G] pour réaliser l'activité assurée, lors même que le contrat ne restreignait pas les licences et permis qu'il vise aux seules conditions propres à la personne concernée, la cour d'appel a dénaturé le contrat d'assurance et ainsi violé les articles 1103 du code civil et 593 du code de procédure pénal,
6°/ que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motif ; qu'en reconnaissant Mme [G] coupable d'exercice à titre lucratif d'une activité d'observation des baleines sans avoir obtenu l'autorisation requise pour le navire utilisé, la cour d'appel ne pouvait sans se contredire dire que Mme [G] ne s'était pas livrée à titre lucratif à l'activité d'observation de baleines ; que dès lors, en décidant ainsi, en contradiction avec ses propres constatations, qu'il n'était pas établi que Mme [G] aurait exercé à titre professionnel l'activité d'observation des baleines, pour rejeter la demande de mise hors de cause de l'assureur qui invoquait l'application de l'article 4.1.2.b. de la section 4 Coverage de la police d'assurance et faisait valoir que l'assurée avait pratiqué son activité sans respecter la réglementation applicable et notamment sans obtenir les autorisations nécessaires pour son exercice, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 593 du code de procédure pénale. »
19. Le second moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de mise hors de cause de la société [1], alors :
« 1°/ que les conventions légalement formées tenant lieu de loi entre les parties, le juge ne peut refuser d'appliquer une clause d'exclusion formelle et limitée contenue dans la police d'assurance, dès lors qu'elle est claire et précise ; que l'article 1.b.2. figurant à la section des exclusions générales de la police d'assurance souscrite par Mme [G], prévoit l'absence de couverture des coûts ou frais liés « à une réclamation en responsabilité civile, découlant de ou associés à : 2. [?] la violation d'une loi ou d'un décret par l'Assuré, suite à une négligence grave de ce dernier » ; que la société [1] opposait à son assurée ces stipulations, dès lors que la responsabilité civile de celle-ci est engagée précisément dans le cas visé à l'article 1.b.2, à savoir pour avoir commis de graves négligences de nature à constituer une faute caractérisée ayant contribué à causer les blessures en cause, faits prévus et réprimés par des textes d'origine législative ; qu'en refusant néanmoins de faire application de la stipulation contractuelle, après avoir pourtant reconnu l'assurée coupable de ces faits, au motif inopérant que seule une infraction non intentionnelle a été retenue (arrêt p.20 §7), quand l'exclusion de garantie invoquée trouve précisément à s'appliquer dans le cas de négligence non intentionnelle, la cour d'appel a méconnu les articles 1103 du code civil, L.113-1 du code des assurances applicable en Polynésie française, 222-29 et 121-3 du code pénal ;
2°/ que, en tout état de cause, s'il était considéré que le raisonnement de la cour d'appel résultait de sa lecture du contrat, l'article 1.b.2. figurant à la section des exclusions générales de la police d'assurance souscrite par Mme [G], prévoit l'absence de couverture des coûts ou frais liés « à une réclamation en responsabilité civile, découlant de ou associés à : 2. [?] la violation d'une loi ou d'un décret par l'Assuré, suite à une négligence grave de ce dernier » ; que la société [1] opposait à son assurée ces stipulations, dès lors que la responsabilité civile de celle-ci est engagée précisément dans le cas visé à l'article 1.b.2, à savoir pour avoir commis de graves négligences de nature à constituer une faute caractérisée ayant contribué à causer les blessures en cause, faits prévus et réprimés par des textes d'origine législative ; qu'en refusant néanmoins de faire application de la stipulation contractuelle, après avoir pourtant reconnu l'assurée coupable de ces faits, au motif que seule une infraction non intentionnelle a été retenue (arrêt p.20 §7), quand l'exclusion de garantie invoquée, qui est claire et dénuée d'ambiguïté, trouve précisément à s'appliquer dans le cas d'une négligence non intentionnelle, la cour d'appel a méconnu les articles 1103 du code civil et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
20. Les moyens sont réunis.
21. Pour écarter la contestation de sa garantie par l'assureur et lui déclarer la décision opposable, l'arrêt attaqué énonce que le contrat couvre, notamment, les dommages survenus à l'occasion de l'organisation ou de l'accompagnement d'activités par des moniteurs ou guides de plongée, à condition que l'assuré respecte les licences commerciales, permis d'exploitation et permis de travail délivrés, pour l'activité de plongée professionnelle, dans son pays de résidence.
22. Les juges observent que Mme [G] [D] disposait des diplômes et autorisations nécessaires pour encadrer l'activité réalisée le jour des faits.
23. Ils ajoutent que l'absence de permis de navigation du navire est sans lien avec le dommage et sans incidence sur la garantie de l'assureur.
24. Ils constatent que la clause générale d'exclusion de garantie ne peut pas plus trouver application, la négligence grave de l'assurée correspondant à une infraction intentionnelle non retenue en l'espèce.
25. Ils concluent que l'activité exercée lors de l'accident entre dans le champ d'application du contrat et qu'aucun motif d'exclusion de garantie n'est démontré par l'assureur.
26. En prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision.
27. En effet, la négligence grave de l'assuré, qui suppose un acte délibéré commis avec la conscience du caractère inéluctable de ses conséquences dommageables, ne se confond pas avec la faute caractérisée, qui suppose la simple conscience du risque d'occasionner un dommage, retenue à l'encontre de la prévenue dans le cadre de la prévention de blessures involontaires.
28. Ainsi, les moyens doivent être écartés.
29. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
Crim. 1 avril 2025 n° 24-82.591
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° U 24-82.591 F-D
N° 00425
SB4 1ER AVRIL 2025
CASSATION PARTIELLE DECHEANCE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 1ER AVRIL 2025
La Caisse nationale suisse en cas d'accident, l'Office cantonal de l'assurance invalidité et l'etablissement public Les Transports publics genevois, parties intervenantes, ont formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry, chambre correctionnelle, en date du 22 novembre 2023, qui, dans la procédure suivie contre Mme [Z] [T] du chef de blessures involontaires aggravées, a prononcé sur les intérêts civils.
Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Hairon, conseiller, les observations de Me Haas, avocat de la caisse nationale suisse en cas d'accident (SUVA), l'Office Cantonal de l'assurance invalidité, l'établissement public Les Transports publics genevois dit TPG, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés avocat de M. [E] [N] et les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme [Z] [T], et de la société [1] et les conclusions de M. Bigey, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Hairon, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [E] [N] a été grièvement blessé dans un accident de la circulation provoqué par Mme [Z] [T], qui a été déclarée coupable de blessures involontaires aggravées et entièrement responsable des dommages.
3. Par jugement ultérieur sur les intérêts civils, le tribunal a alloué diverses sommes à M. [N], en réparation de ses préjudices, fixé les créances des organismes sociaux, la Caisse nationale suisse en cas d'accident (SUVA) et l'Office cantonal de l'assurance invalidité, et de l'employeur, l'établissement public Les Transports publics genevois (TPG), et déclaré sa décision opposable à la société [1], assureur de Mme [T].
4. L'ensemble des parties a relevé appel de cette décision.
Déchéance du pourvoi formé par l'établissement public TPG
5. L'établissement public TPG n'a pas déposé dans le délai légal, personnellement ou par son avocat, un mémoire exposant ses moyens de cassation. Il y a lieu, en conséquence, de le déclarer déchu de son pourvoi par application de l'article 590-1 du code de procédure pénale.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a fixé l'assiette du préjudice de M. [N] au titre de la perte de gains professionnels futurs à la somme de 360 822,03 francs suisses et, a, après avoir dit que les créances au titre des indemnités journalières et rentes post-consolidation s'imputeront sur les poste de gains professionnels futurs, puis de l'incidence professionnelle et enfin du déficit fonctionnel permanent, condamné Mme [T] à payer à la Suva la somme de 831 047,65 francs suisses et à l'Office cantonal de l'assurance invalidité celle de 135 426,21 francs suisses, avec intérêts au taux légal à compter du 28 avril 2018, alors « que le juge doit fixer et évaluer le préjudice corporel de la victime, servant d'assiette au recours des tiers payeurs, indépendamment des prestations indemnitaires que ces derniers ont versées à la victime; qu'en déduisant de la perte de gains professionnels futurs avant la retraite de la victime qu'elle avait évaluée à la somme de 1 002 905,19 francs suisses, les prestations servies par les tiers payeurs suisses, pour limiter à la somme de 22 008,87 euros l'assiette du recours de ces tiers payeurs sur ce poste de préjudice, la cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale, les articles 93 du règlement CEE 1408/71 du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non-salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la communauté, applicable selon l'accord du 21 juin 1999, entre les Etats membres de l'Union et la Confédération suisse, au recours subrogatoire des tiers payeurs suisses, 72 et 74 de la loi fédérale suisse sur la partie générale des assurances sociales du 6 octobre 2000 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 29 et 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 et 1240 du code civil :
7. Selon ces textes le juge, après avoir fixé l'étendue du préjudice résultant des atteintes à la personne et évalué celui-ci indépendamment des prestations indemnitaires qui sont versées à la victime, ouvrant droit à un recours subrogatoire contre la personne tenue à réparation ou son assureur, doit procéder à l'imputation de ces prestations, poste par poste.
8. Pour limiter à 22 008,87 francs suisses le préjudice de perte de gains professionnels futurs, pour la période du 1er mai 2018, date du licenciement, au 31 mai 2026, date de la retraite, l'arrêt attaqué énonce que les gains espérés de M. [N] s'élèvent à 1 002 905,19 francs suisses et que ce dernier a perçu une pension d'invalidité évaluée à 980 896,32 francs suisses.
9. Les juges, après avoir fixé ce préjudice à compter de la retraite à 215 303,22 francs suisses, évaluent à 237 322,03 francs suisses le montant total du préjudice de perte de gains professionnels futurs, mais ajoutent que compte tenu de l'offre faite par Mme [V] et son assureur, il y a lieu de retenir la somme de 360 822,03 francs suisses.
10. Ils indiquent par ailleurs que, par application de la répartition proportionnelle entre les organismes sociaux, les recours de ces derniers s'exerceront sur le poste de perte de gains professionnels futurs à hauteur de 311 136,83 francs suisses pour la SUVA et à hauteur de 49 685,20 francs suisses pour l'Office cantonal de l'assurance invalidité.
11. En se déterminant ainsi, la cour d'appel, qui ne pouvait fixer l'étendue du préjudice de perte de gains professionnels futurs en soustrayant les prestations indemnitaires versées à la victime ouvrant droit à un recours subrogatoire, a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.
12. La cassation est par conséquent encourue.
Portée et conséquences de la cassation
13. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives à la fixation du préjudice de perte de gains professionnels futurs et aux recours des organismes sociaux sur ce chef de préjudice. Les autres dispositions seront donc maintenues.
14. En application de l'article 612-1 du code de procédure pénale, et dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, la cassation aura effet à l'égard de M. [N], partie civile, qui ne s'est pas pourvu.
Crim. 1 avril 2025 n° 24-82.506
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° B 24-82.506 F-D
N° 00427
SB4 1ER AVRIL 2025
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 1ER AVRIL 2025
Les sociétés [5] et [3] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-9, en date du 20 mars 2024, qui, pour publicité directe ou propagande en faveur du tabac, de ses produits ou ingrédients, a condamné la première à 50 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Charmoillaux, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société [3] et de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société [5], les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de [2], et les conclusions de Mme Gulphe-Berbain, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Charmoillaux, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. La société [3], exploitant un site internet d'information sous la dénomination « [1] », a publié sur celui-ci une vidéo consacrée à un produit commercialisé par le groupe [5], intitulée « IQOS : la cigarette moins nocive de [5] ».
3. L'association [2] (le [2]) a fait citer les sociétés [5] et [3] devant le tribunal correctionnel du chef de publicité directe ou propagande en faveur du tabac, de ses produits ou ingrédients.
4. Le tribunal a déclaré les deux prévenues coupables du chef précité, a condamné la société [5] à 50 000 euros d'amende et la société [3] à 50 000 euros d'amende avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils.
5. La société [5], le ministère public, la société [3], sur les seules dispositions civiles, et le [2] ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le moyen proposé pour la société [3] et le premier moyen proposé pour la société [5]
6. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le troisième moyen proposé pour la société [5]
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré la société [5] coupable des faits reprochés sous la prévention de publicité directe ou propagande en faveur du tabac, d'un produit du tabac ou des ingrédients, commis entre mars 2017 et le 22 août 2019, à [Localité 4] et sur le territoire national, alors :
« 5°/ que les personnes morales sont responsables pénalement des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ; qu'en déclarant la société [5] coupable de publicité illicite en faveur d'un produit du tabac, à raison du reportage litigieux diffusé sur le site [1], sans indiquer quel organe ou représentant de la société aurait commis les faits litigieux, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision et a violé les articles 121-2 du code pénal et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 121-2 du code pénal et 593 du code de procédure pénale :
8. Il résulte du premier de ces textes que les personnes morales, à l'exception de l'Etat, sont responsables pénalement des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants.
9. Selon le second, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
10. Pour déclarer la société [5] coupable, l'arrêt attaqué énonce que la responsabilité de la personne morale prévenue, chargée de la conception et de la fabrication du produit litigieux objet du publi-reportage incriminé, est engagée au titre de sa participation personnelle comme coauteur de l'infraction de publicité illicite en faveur du tabac ou d'un produit du tabac.
11. En prononçant ainsi, sans déterminer par quel organe ou représentant de la société les manquements qu'elle a constatés ont été commis pour le compte de celle-ci, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.
12. La cassation est par conséquent encourue de ce chef, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs.
Portée et conséquences de la cassation
13. La cassation à intervenir ne concerne que les seules dispositions relatives à la culpabilité, à la peine et aux intérêts civils concernant la société [5]. Les autres dispositions seront donc maintenues.
14. En raison de la cassation prononcée, il n'y a pas lieu d'examiner les deuxième, quatrième, cinquième et sixième moyens de cassation proposés pour la société [5].
Crim. 1 avril 2025 n° 24-82.460
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° B 24-82.460 F-D
N° 00418
SB4 1ER AVRIL 2025
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 1ER AVRIL 2025
M. [K] [L] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre 5-1, en date du 11 mars 2024, qui, pour usurpation de titre, l'a condamné à dix ans d'interdiction professionnelle et a prononcé sur les intérêts civils.
Des mémoires, ampliatif, personnel et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Samuel, conseiller, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de M. [K] [L], les observations de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat des ordres des avocats des barreaux des Alpes de Haute-Provence, d'Aix-en-Provence, de Draguignan, de Nice, de Toulon et les conclusions de M. Bigey, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Samuel, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. L'ordre des avocats du barreau de Nice a cité directement M. [K] [L] devant le tribunal correctionnel notamment pour usurpation du titre de conseil juridique, lui reprochant d'avoir, en tant qu'élève-avocat, exploité un site internet de conseil juridique.
3. Le tribunal l'a relaxé de ce chef et a débouté de leurs demandes les ordres des avocats de quatre barreaux, reçus en leur constitution de partie civile.
4. Le ministère public et les parties civiles ont relevé appel de ce jugement.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, le deuxième moyen, pris en ses deuxième et quatrième à septième branches, et le quatrième moyen du mémoire ampliatif, et le premier moyen, pris en sa seconde branche, le deuxième moyen, pris en ses deuxième à quatrième branches, le troisième moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, le quatrième et le cinquième moyens du mémoire personnel
5. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen du mémoire personnel, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [L] coupable d'usurpation de titre et l'a condamné à titre de peine principale à une interdiction d'exercer la profession d'avocat pendant une durée de dix ans ainsi qu'au paiement d'une somme totale de 1 500 euros sur le fondement de l'article 475-1 du code de procédure pénale, alors :
1°/ que, selon l'article 513 du code de procédure pénale, l'appel est jugé à l'audience sur le rapport oral d'un conseiller et que cette formalité est préalable à tout débat ; qu'en statuant en ayant présenté le rapport de l'affaire après avoir interrogé le prévenu sur sa situation personnelle, faisant nécessairement grief aux intérêts de ce dernier, la cour d'appel a violé les articles préliminaire, 513 et 591 du code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.
Réponse de la Cour
7. Les énonciations de l'arrêt mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la formalité du rapport a précédé le débat au fond, conformément aux prescriptions de l'article 513, alinéa 1er, du code de procédure pénale. Il n'importe que ce rapport ait été accompli après que le prévenu a été interrogé sur sa situation personnelle.
8. Ainsi, le moyen doit être écarté.
Sur le deuxième moyen, pris en ses première et troisième branches, du mémoire ampliatif, et le deuxième moyen, pris en sa première branche, du mémoire personnel
Enoncé des moyens
9. Le deuxième moyen du mémoire ampliatif critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [L] coupable des faits d'usurpation de titre et, en conséquence, l'a condamné, à titre de peine principale, à une interdiction d'exercer la profession d'avocat pendant une durée de dix ans et a prononcé sur les intérêts civils, alors :
« 1°/ que la loi pénale est d'interprétation stricte ; que l'infraction d'usurpation de titre attaché à une profession règlementée par l'autorité publique, suppose qu'à la date des faits poursuivis, ce titre corresponde à une profession réglementée en tant que telle ; que le titre et la profession de conseil juridique ont l'un et l'autre disparu dans le cadre de la substitution de la profession d'avocat à celle de conseil juridique ; qu'en déclarant M. [L] d'avoir usurpé un titre qui n'existe plus, attaché à une profession qui n'existe plus, la cour d'appel a violé les articles 433-17 du code pénal et 74 de la loi du 31 décembre 1971 ;
3°/ que la loi pénale est d'interprétation stricte ; que l'élément matériel de l'infraction d'usurpation d'un « titre » est limité à l'utilisation du titre et ne s'étend pas ni à l'utilisation des attributs d'une profession, ni au fait de se prétendre en capacité d'exercer toute ou partie des activités professionnelles réservées au titulaire du titre ; qu'en se bornant, sans constater que M. [L] ou toute autre personne susceptible délivrer une prestation via le site se prétendait « conseil juridique », à relever qu'y figuraient les mentions « conseil et défense juridique pour problème » (p. 8) et « des références expresses aux missions d'un avocat (défense, représentation, photographie de robe d'avocat) de nature à apporter de la confusion dans l'esprit du public" (p. 8), ainsi que « des photos de colonnes de tribunal, de robe d'avocat, de dossiers, de jurisclasseurs et de balance » (p. 8 § 3), la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'élément matériel du délit d'usurpation de titre, a violé l'article 433-17 du code pénal et l'article 74 de la loi du 31 décembre 1971, ainsi que le principe susvisé. »
10. Le deuxième moyen du mémoire personnel fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré M. [L] coupable d'usurpation de titre, alors :
1°/ que le titre de conseil juridique résulte du décret n° 72-670 du 13 juillet 1972, abrogé par l'article 282 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 qui n'a pas prolongé l'existence du titre de conseil juridique ; que l'article 1er de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 a substitué une profession dont les membres portent le titre d'avocat à la profession de conseil juridique ; que le titre de conseil juridique n'existe plus en tant que tel ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles préliminaire et 591 du code de procédure pénale, 111-3, 111-4 et 433-17 du code pénal, 54,55 et 74 de la loi du 31 décembre 1971, 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme.
Réponse de la Cour
11. Les moyens sont réunis.
Sur les moyens, pris en leur première branche
12. Pour retenir que le délit d'usurpation du titre de conseil juridique est toujours en vigueur, l'arrêt attaqué énonce que la lecture même de l'article 74 de la loi du 31 décembre 1971 permet de constater que ce titre n'a pas disparu avec la fusion des professions de conseil juridique et d'avocat en 1992 puisqu'il est expressément visé et protégé par cet article.
13. En statuant ainsi, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés aux moyens.
14. En effet, l'article 74 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, dans sa version modifiée par l'ordonnance n° 2016-1809 du 22 décembre 2016, en vigueur depuis le 24 décembre 2016, punit des peines encourues pour le délit d'usurpation de titre prévu par l'article 433-17 du code pénal quiconque aura fait usage du titre de conseil juridique ou d'un titre équivalent pouvant prêter à confusion, sous réserve des dispositions, non applicables en l'espèce, du quatrième et du cinquième alinéas du paragraphe I de l'article 1er et du troisième alinéa de l'article 95 de ladite loi.
15. Dès lors, les moyens doivent être écartés.
Sur le moyen du mémoire ampliatif pris en sa troisième branche
16. Pour caractériser l'élément matériel du délit, l'arrêt attaqué énonce que M. [L] a créé un site internet sur lequel figurent, en première page, les mentions « conseil et défense juridique pour tout problème » et des photos de colonnes de tribunal, de robe d'avocat, de dossiers, de jurisclasseurs et de balance, puis, dans le corps du site, les termes « conseil et défense juridique » traduits en plusieurs langues.
17. Les juges ajoutent qu'un texte décrit les services proposés, tels que solutions juridiques, conseil et représentation pour des clients particuliers ou professionnels, français ou internationaux, qu'un formulaire de contact avec une adresse et deux numéros de téléphone est accessible pour une demande de devis gratuit et que des références d'intervention et des articles de presse tendent à accréditer l'expérience du professionnel et la qualité des services qu'il propose.
18. Ils en concluent que le prévenu a utilisé, sur son site public, le titre de conseil juridique, associé à des missions liées à la profession réglementée d'avocat, ce qui est de nature à créer, dans l'esprit du public, la confusion entre ce titre et cette profession réglementée.
19. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a constaté l'utilisation conjointe de termes de nature à entraîner, dans l'esprit du public, la confusion avec le titre de conseil juridique, n'a méconnu aucun des textes visés aux moyens.
20. Dès lors, les moyens doivent être écartés.
Sur le troisième moyen du mémoire ampliatif et le troisième moyen du mémoire personnel, pris en sa première branche
21. Le troisième moyen du mémoire ampliatif critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [L], à titre de peine principale, à une interdiction d'exercer la profession d'avocat pendant une durée de dix ans, alors « que la loi pénale est d'interprétation stricte ; que l'article 433-22 du code pénal prévoit une peine d'interdiction d'exercer l'activité professionnelle « dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle » l'infraction a été commise ; que l'application de cette peine suppose que l'activité professionnelle ait été effectivement exercée ; que l'arrêt ne constate pas que M. [L] exerçait, que ce soit par l'intermédiaire du site internet ou par ailleurs, la profession d'avocat qui s'est substituée à celle de conseil juridique ; qu'en lui infligeant la peine d'interdiction d'exercer la profession d'avocat pendant une durée de 10 ans, la cour d'appel a violé l'article 433-22 du code pénal. »
22. Le troisième moyen du mémoire personnel reproche à l'arrêt attaqué de l'avoir condamné à titre de peine principale à une interdiction d'exercer la profession d'avocat pendant dix ans, alors :
1°/ qu'il ressort de l'arrêt attaqué que M. [L] n'exerçait pas au moment des faits la profession d'avocat ; qu'il n'a donc pu commettre l'infraction dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice d'une profession qu'il n'exerçait pas ; que le non-exercice de cette profession constituait précisément la condition préalable ayant permis de commettre et caractériser l'infraction ; que par ailleurs la profession d'avocat n'est pas une fonction publique ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a entaché ses motifs de contradiction et violé les articles préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale, 111-3, 111-4 et 433-22 du code pénal, 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme.
Réponse de la Cour
23. Les moyens sont réunis.
24. Pour condamner le prévenu à dix ans d'interdiction d'exercer la profession d'avocat à titre de peine principale, l'arrêt attaqué énonce notamment que la gravité des faits commis au préjudice d'une profession réglementée, la personnalité de l'intéressé qui admet avoir glissé des mentions erronées dans son curriculum vitae pour faire « plus vendeur » mais peine à remettre en cause son comportement, et le risque important de renouvellement de l'infraction justifient le prononcé de cette peine.
25. En statuant ainsi, la cour d'appel a fait l'exacte application de l'article 433-22 du code pénal et n'a méconnu aucun des autres textes visés aux moyens.
26. En effet, ce texte dispose que l'interdiction d'exercer l'activité professionnelle dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise est encourue par les personnes physiques coupables de l'infraction d'usurpation de fonctions prévue à l'article 433-17 du code pénal. Cette peine complémentaire s'applique donc à la profession dont le titre a été usurpé.
27. Ainsi, les moyens doivent être écartés.
28. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
Crim. 1 avril 2025 n° 24-83.957
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° D 24-83.957 F-D
N° 00417
SB4 1ER AVRIL 2025
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 1ER AVRIL 2025
M. [W] [Z] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nîmes, en date du 11 juin 2024, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'infractions à la législation sur les armes et association de malfaiteurs, en récidive, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure.
Par ordonnance du 18 novembre 2024, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Charmoillaux, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [W] [Z], et les conclusions de M. Bigey, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Charmoillaux, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Mis en examen des chefs susvisés, M. [W] [Z] a déposé une requête en annulation de pièces de la procédure.
Examen des moyens
Sur le second moyen
3. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en nullité de M. [Z], alors « que la Chambre de l'instruction, saisie d'une demande d'annulation visant l'absence d'habilitation spéciale et individuelle des enquêteurs ayant consulté un logiciel de rapprochement judiciaire, est tenue de s'assurer, au besoin en ordonnant un supplément d'information, de la réalité de cette habilitation, sans pouvoir se satisfaire de la seule affirmation générale et préalable selon laquelle les enquêteurs qui procéderont à l'utilisation du logiciel seront habilités ; qu'au cas d'espèce, la défense faisait valoir que des enquêteurs avaient exploité le logiciel de rapprochement judiciaire dit « A.T.R.T », sans que la mention de l'habilitation spéciale et individuelle de ces derniers ne figure en procédure ; qu'en retenant, pour refuser d'annuler les actes relatant cette consultation, que « si le procès-verbal d'investigations rédigé le 5 mai 2022, durant l'enquête préliminaire, fait état de la simple autorisation par le magistrat du parquet d'utiliser l'ATRT, sans mentionner d'habilitation, il convient cependant de relever que l'enquêteur le rédigeant est le Marchal des logis-chef [I] [H], Officier de Police Judiciaire en résidence à [Localité 1], qui ultérieurement en tant que chef d'enquête certifiera l'habilitation des militaires devant se servir de ce logiciel », quand cette seule affirmation ne permet pas de contrôler que les enquêteurs qui ont effectivement utilisé le logiciel litigieux étaient bien habilités à cette fin, la Chambre de l'instruction a violé les articles 15-5, 230-20, 230-22 et 230-25, R. 40-39 du Code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
5. Vu les articles 15-5 et 593 du code de procédure pénale :
6. Il se déduit du premier de ces textes, immédiatement applicable à la procédure conformément à l'article 112-2, 2°, du code pénal, que si l'absence de mention de l'habilitation spéciale et individuelle permettant à un personnel de procéder à la consultation de traitements au cours d'une enquête ou d'une instruction n'emporte pas, par elle-même, la nullité de la procédure, il appartient à la juridiction saisie d'un grief tiré de cette absence de vérifier la réalité d'une telle habilitation en ordonnant, le cas échéant, un supplément d'information.
7. Tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
8. Pour écarter le moyen de nullité tiré du défaut d'habilitation de l'officier de police judiciaire ayant fait usage d'un logiciel de rapprochement judiciaire, l'arrêt attaqué énonce qu'il résulte du procès-verbal de saisine et direction d'enquête dressé le 20 juillet 2022 par M. [I] [H], officier de police judiciaire, consécutif à la réception de la commission rogatoire du magistrat instructeur, que, d'une part, « toutes les consultations des différents fichiers automatisés le seront par des agents expressément habilités », d'autre part, les enquêteurs sont « autorisés par le magistrat mandant à l'utilisation de tous les logiciels de rapprochement conformément aux dispositions des articles 230-22 du code de procédure pénale ».
9. Les juges en déduisent que la production de l'habilitation ne saurait être exigée en original, son existence étant établie et non contestable.
10. Ils ajoutent que si le procès-verbal d'investigations rédigé par M. [H] le 5 mai 2022, pendant l'enquête préliminaire, fait état de l'autorisation du magistrat du parquet sans mentionner d'habilitation, cet officier de police judiciaire a ultérieurement, en tant que chef d'enquête, certifié l'habilitation des militaires devant se servir de ce logiciel.
11. En se déterminant ainsi, par des motifs qui ne mettent pas la Cour de cassation en mesure de s'assurer que M. [H] était expressément et personnellement habilité à la consultation d'un logiciel de rapprochement quand il a rédigé le procès-verbal du 5 mai 2022, la chambre de l'instruction, à qui il appartenait le cas échéant d'ordonner un supplément d'information aux fins de vérifier la réalité de cette habilitation, n'a pas justifié sa décision.
12. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
13. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions ayant rejeté la demande d'annulation des pièces relatives à l'usage du logiciel de rapprochement judiciaire ATRT. Les autres dispositions seront donc maintenues.
Crim. 1 avril 2025 n° 24-80.124
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° N 24-80.124 F-D
N° 00426
SB4 1ER AVRIL 2025
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 1ER AVRIL 2025
M. [V] [T] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier, chambre correctionnelle, en date du 8 décembre 2023, qui, pour infractions au code de l'urbanisme, l'a condamné à 10 000 euros d'amende avec sursis et a ordonné la remise en état des lieux sous astreinte.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Leblanc, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boullez, avocat de M. [V] [T], et les conclusions de M. Bigey, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Leblanc, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [V] [T] a été poursuivi des chefs d'exécution de travaux sans permis de construire et en méconnaissance du plan local d'urbanisme.
3. Le tribunal correctionnel l'a relaxé pour une partie des travaux visés par la prévention, déclaré coupable du surplus et condamné à 3 000 euros d'amende.
4. Le ministère public a relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté l'exception de prescription de l'action publique, a déclaré M. [T] coupable des faits d'infraction aux dispositions du plan local d'urbanisme et d'exécution de travaux non autorisés par un permis de construire, l'a condamné à une amende délictuelle de 10 000 euros avec sursis et a ordonné la démolition et l'enlèvement des ouvrages (extension de la maison au-delà de 30 m2, clôture, dalle de béton) et la réaffectation du sol en vue du rétablissement des lieux dans leur état antérieur dans un délai de douze mois, alors « qu' un prévenu ne peut être jugé sur des faits antérieurs à ceux visés par la prévention sans l'avoir expressément accepté ; qu'il ressort de l'arrêt attaqué que M. [T] n'était poursuivi que pour des faits commis entre le 7 novembre 2017 et le 27 mars 2018, alors que de toute évidence les faits commis sont antérieurs à cette période (arrêt attaqué, p. 6) ; qu'en statuant cependant sur des faits antérieurs à ceux visés dans la prévention, sans constater que M. [T] avait accepté expressément d'être jugé sur des faits antérieurs à ceux visés dans la prévention, la Cour d'appel a violé les articles 388, 591 et 593 du Code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 388 du code de procédure pénale :
6. Il résulte de ce texte que les juges ne peuvent statuer que sur les faits dont ils sont saisis par la citation ou par l'ordonnance de renvoi, à moins que le prévenu n'accepte expressément d'être jugé sur des faits distincts de ceux visés à la prévention.
7. Pour déclarer le prévenu coupable d'infraction aux dispositions du plan local d'urbanisme et d'exécution de travaux non autorisés par un permis de construire, faits commis du 7 novembre 2017 au 27 mars 2018 et depuis temps n'emportant pas prescription, l'arrêt attaqué énonce notamment que les travaux litigieux ont été réalisés entre 2013 et 2017 et qu'ils étaient achevés le 7 novembre 2017, date d'une visite sur site d'un agent de la direction départementale des territoires et de la mer.
8. En statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé.
9. En effet, le juge d'appel, qui n'était saisi par la citation que de faits commis entre le 7 novembre 2017 et le 27 mars 2018, n'a pas recueilli l'accord exprès du prévenu d'être jugé sur des faits antérieurs à cette période.
10. Par ailleurs, la mention « depuis temps non couvert par la prescription » figurant dans la citation, qui n'a d'autre signification que celle d'affirmer que les faits de la poursuite ne sont pas prescrits, ne peut pas fonder une déclaration de culpabilité pour des faits antérieurs à la période de prévention.
11. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Crim. 1 avril 2025 n° 24-80.484 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° D 24-80.484 F-B
N° 00422
SB4 1ER AVRIL 2025
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 1ER AVRIL 2025
MM. [Y] [N], [G] [U], [T] [M] et Mmes [A] [B], [L] [D], [R] [W] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier, chambre correctionnelle, en date du 8 décembre 2023, qui, pour infractions au code de l'urbanisme, a condamné, le premier, à 700 euros d'amende, les deuxième et troisième, à 500 euros d'amende, a ordonné la remise en état des lieux sous astreinte, et a prononcé sur les intérêts civils.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de M. Rouvière, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de Mme [R] [W], et de la SCP Spinosi, avocat de MM. [G] [U], [Y] [N], [T] [M] et Mmes [A] [B], [L] [D], les observations de la SARL Gury & Maitre, avocat de la commune de [Localité 2], et les conclusions de M. Bigey, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Rouvière, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [K] [X] a conclu avec plusieurs personnes des contrats leur permettant de s'installer sur différentes parcelles de terres agricoles lui appartenant, situées sur le territoire de la commune de [Localité 2].
3. Des poursuites ont été engagées du chef d'infractions au code de l'urbanisme à l'encontre de M. [X] et de différents occupants, parmi lesquels MM. [T] [M], [Y] [N], [G] [U] et Mmes [R] [W], [L] [D] et [A] [B].
4. Le tribunal correctionnel a relaxé M. [X], déclaré MM. [M], [N], [U] et Mmes [W], [D] et [B] coupables, les a condamnés à des peines d'amende, a ordonné la remise en état des lieux à l'encontre de MM. [M], [N] et [U] et de Mme [D] et a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de la commune.
5. MM. [M], [N] et [U], le procureur de la République et la commune, partie civile, ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur les premier et deuxième moyens, le troisième moyen, pris en sa première branche, proposés pour Mme [W], les deuxième et troisième moyens et le quatrième moyen, pris en ses première et deuxième branches, proposés pour MM. [M], [N], [U] et Mmes [D] et [B]
6. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen proposé pour MM. [M], [N], [U] et Mmes [D] et [B]
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté l'exception de prescription de l'action publique qui lui était soumise, alors :
« 1°/ que de première part, il résulte des articles 7 et 8 du code de procédure pénale, tels qu'interprétés par la Cour de cassation, que le délai de prescription des délits de construction sans permis ou de construction non conforme court à compter du jour où l'ouvrage est en état d'être affecté à l'usage auquel il est destiné ; que les infractions commencent à se prescrire au jour de l'achèvement de chacune des opérations ; que lorsqu'est en jeu différentes infractions, comme ici concernant des prévenus distincts, chacun de ces délits se prescrit, indépendamment des autres, selon cette même règle ; qu'en déduisant, par des motifs au demeurant totalement péremptoires, pour écarter l'exception de prescription, que le prétendu effet interruptif de prescription constaté à l'égard de Monsieur [X] aurait un effet erga omnes à l'égard de tous les prévenus, en ce qu'ils seraient auteurs de délits connexes ou identiques, sans jamais le démontrer, pour en conclure par le biais d'un exemple unique que « le délit reproché à M. [X], dont il a été dit qu'il n'était pas couvert par la prescription de l'action publique, étant le même que celui reproché à Monsieur [N], ce dernier ne peut valablement opposer l'exception de prescription de l'action publique. Il en est de même pour tous les prévenus » (arrêt, pp. 28 et 29), la cour d'appel s'est prononcée par des motifs erronés et inopérants, en violation des règles d'ordre public de la prescription, ensemble les articles 7, 8, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que de deuxième part, le délai de prescription des infractions au code de l'urbanisme court à compter du jour où l'ouvrage est en état d'être affecté à l'usage auquel il est destiné ; que si, en cas de travaux successifs, la chambre criminelle considère que le point de départ du délai de prescription de l'ensemble des travaux peut être fixé au jour de l'achèvement des derniers d'entre eux, ce report est subordonné à la condition que les travaux successifs relèvent d'une entreprise unique et indivisible, ce qui suppose qu'ils soient destinés à un usage commun et soit constatée aux termes d'une motivation exempte d'insuffisance comme de contradiction ; qu'en décidant péremptoirement que la totalité des travaux reprochés à chacun des prévenus relèverait d'une entreprise unique indivisible, en sorte qu'aucun des travaux reprochés n'était prescrit, tout en constatant qu'avaient été réalisés de façon distincte, par des personnes différentes et à des périodes distinctes et sans démontrer en quoi les constructions litigieuses étaient indivisibles les unes des autres, la cour d'appel a de plus fort méconnu les règles d'ordre public de la prescription, ensemble les articles 7, 8, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
3°/ que de troisième part, le délai de prescription des infractions au code de l'urbanisme court à compter du jour où l'ouvrage est en état d'être affecté à l'usage auquel il est destiné ; que si, en cas de travaux successifs, la chambre criminelle considère que le point de départ du délai de prescription de l'ensemble des travaux peut ê
4°/ que de quatrième part et en tout état de cause, la notion d'indivisibilité entre des infractions de nature différente, utilisée de manière prétorienne pour étendre la compétence territoriale de la loi française, est sans effet sur le terrain de la prescription ; qu'elle suppose de toute façon d'analyser les rapports qu'entretiennent des infractions précises, et non deux séries d'infractions considérées comme un tout ; qu'en outre, cette indivisibilité suppose qu'il existe entre les différentes infractions un lien tellement intime que l'existence des uns ne se comprendrait pas sans celle des autres ; que s'est de nouveau prononcée par des motifs erronés et inopérants, et en tout état de cause insuffisants, en violation des textes précités, la cour d'appel qui a retenu un prétendu lien d'indivisibilité opéré entre différentes séries d'infractions, non démontré en l'espèce, et étant au demeurant sans conséquence juridique. »
Réponse de la Cour
8. Pour écarter l'exception de prescription de l'action publique, l'arrêt attaqué énonce que les faits ont été commis dans le même périmètre et que les parcelles sont matériellement raccordées les unes aux autres et, en bout de réseau, à M. [X], puisque ce dernier distribue l'électricité à chacun de ses locataires depuis un compteur unique.
9. Les juges ajoutent que l'activité consistant pour M. [X] à mettre à disposition des parcelles sur lesquelles il laisse s'édifier des constructions illégales se situe en un même lieu et se répète selon les mêmes modalités avec chaque locataire, dans le cadre d'une opération patrimoniale et économique unique.
10. Ils relèvent que M. [N] est installé depuis le 4 avril 2013, date qu'ils retiennent comme celle d'achèvement des travaux le concernant, soit moins de trois ans avant le procès-verbal d'infraction dressé le 13 mars 2015.
11. Les juges précisent que différents actes interruptifs de prescription sont ensuite intervenus, jusqu'à ce que la cour d'appel statue.
12. En l'état de ces seules énonciations, dont il ressort que les infractions reprochées tant à chacun des occupants des lieux qu'à M. [X], en sa qualité de bénéficiaire des travaux, entretenaient des rapports étroits analogues à ceux que la loi a spécialement prévus en matière de connexité, de sorte que les actes interruptifs de prescription accomplis à compter du 13 mars 2015, moins de trois ans après la date d'achèvement des derniers travaux, en avril 2013, ont produit effet à l'égard de tous les délits considérés et de tous leurs auteurs, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs formulés au moyen.
13. Dès lors, le moyen doit être écarté.
Sur le troisième moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, proposé pour Mme [W], et sur le quatrième moyen, pris en ses troisième et quatrième branches, proposé pour MM. [M], [N], [U] et Mmes [D] et [B],
Enoncé des moyens
14. Le moyen proposé pour Mme [W] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a condamné à la remise en état des lieux par la démolition et l'enlèvement des ouvrages, véhicules, résidences, déchets et matériaux, et leurs accessoires de la parcelle A [Cadastre 1] de la commune de [Localité 2], dans un délai de huit mois à compter de la date à laquelle l'arrêt rendu serait devenu définitif et sous astreinte de 200 euros par jour de retard, alors :
« 2°/ que la réparation doit être fixée dans les limites des conclusions des parties ; qu'en assortissant l'ordre de remise en état d'une astreinte de 200 € par jour de retard, d'un montant supérieur à celui sollicité par la partie civile, au motif que le juge n'est pas lié par les conclusions des parties en matière d'astreinte, la cour d'appel qui s'est fondée implicitement sur l'article L. 131-1 du code des procédures civiles d'exécution qui ne s'applique pas devant les juridictions répressives appelées à se prononcer sur l'action civile, a méconnu le principe sus-énoncé et les articles 10 et 464 du code de procédure pénale ;
3°/ qu'en tout état de cause, en fixant une astreinte à 200 € par jour de retard, sans tenir compte des ressources de Mme [W], qui a indiqué ne pas avoir les moyens financiers d'exécuter l'ordre de remise en état et du risque de la placer dans une situation financière irrémédiable en cas de liquidation de l'astreinte, compte tenu du délai fixé pour la remise en état, la cour d'appel a encore méconnu l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. »
15. Le moyen proposé pour MM. [M], [N], [U] et Mmes [D] et [B] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il les a déclarés solidairement responsables du préjudice subi par la commune de [Localité 2] et les a condamnés, à titre de réparation civile, chacun solidairement avec M. [X], à la remise en état des lieux par la démolition sous astreinte de 150 ou 200 euros par jour de retard, alors :
« 3°/ que de troisième part et en tout état de cause, la réparation doit être fixée dans les limites des conclusions des parties ; qu'en assortissant l'ordre de remise en état d'une astreinte de 150 ou 200 € par jour de retard, d'un montant supérieur à celui sollicité par la partie civile, au motif que le juge n'est pas lié par les conclusions des parties en matière d'astreinte, la cour d'appel qui s'est fondée implicitement sur l'article L. 131-1 du code des procédures civiles d'exécution qui ne s'applique pas devant les juridictions répressives appelées à se prononcer sur l'action civile, a méconnu le principe sus- énoncé et les articles 10 et 464 du code de procédure pénale ;
4°/ que de quatrième part et en tout état de cause, en fixant une astreinte à 150 ou 200 € par jour de retard, sans tenir compte des ressources de chacun des prévenus, qui avaient indiqué ne pas avoir les moyens financiers d'exécuter l'ordre de remise en état et du risque de la placer dans une situation financière irrémédiable en cas de liquidation de l'astreinte, compte tenu du délai fixé pour la remise en état, la cour d'appel a encore méconnu l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
16. Les moyens sont réunis.
17. Pour fixer à 200 euros par jour de retard le montant de l'astreinte assortissant la remise en état des lieux ordonnée à titre de réparation du préjudice subi par la commune, l'arrêt attaqué énonce que le juge fixe librement le montant de l'astreinte ordonnée pour assurer l'exécution de sa décision et peut donc le fixer à un taux supérieur à celui sollicité.
18. En statuant ainsi, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés aux moyens.
19. En effet, l'astreinte assortissant une mesure de remise en état des lieux ordonnée au titre de l'action civile ne constitue pas une réparation du dommage causé mais une mesure comminatoire, qui a pour objet de contraindre son débiteur à exécuter une décision juridictionnelle.
20. Il s'en déduit que le juge en fixe librement le montant sans être limité par les demandes des parties ni tenu de motiver sa décision au regard des ressources du débiteur.
21. Ainsi, les moyens ne peuvent qu'être écartés.
22. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
Civ.3 27 mars 2025 n° 23-22.444
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
CL
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 27 mars 2025
Cassation
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 171 F-D
Pourvoi n° W 23-22.444
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 MARS 2025
1°/ M. [N] [I],
2°/ Mme [R] [C], épouse [I],
tous deux domiciliés [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° W 23-22.444 contre l'arrêt rendu le 14 septembre 2023 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-5), dans le litige les opposant au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1], représenté par son syndic en exercice, la société Foncia [Localité 3], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], défendeur à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pons, conseiller référendaire, les observations de la SCP Poupet & Kacenelenbogen, avocat de M. et Mme [I], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat du syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1] à [Localité 3], après débats en l'audience publique du 25 février 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Pons, conseiller référendaire rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 14 septembre 2023), M. et Mme [I] ont acquis, le 7 décembre 2011, un immeuble situé [Adresse 2] à [Localité 3], contigu à l'immeuble situé au numéro [Adresse 1] de la même rue, soumis au statut de la copropriété, dont les canalisations d'évacuation des eaux pluviales et usées se piquent sur celles installées sur la façade de la propriété acquise par M. et Mme [I].
2. Soutenant que ces branchements étaient illicites et leur causaient divers troubles, M. et Mme [I] ont assigné le syndicat des copropriétaires de l'immeuble voisin (le syndicat des copropriétaires) afin qu'il modifie son système d'évacuation pour mettre fin aux empiètements constatés et qu'il les indemnise des préjudices subis.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. M. et Mme [I] font grief à l'arrêt de dire que leur immeuble est grevé d'une servitude d'évacuation des eaux usées par destination du père de famille au bénéfice de l'immeuble voisin, alors « que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que pour affirmer qu'une servitude d'évacuation des eaux usées par destination du père de famille a été constituée par un seul et même propriétaire sur les deux fonds des [Adresse 1] et [Adresse 2] à [Localité 3], la cour d'appel a énoncé qu'il ressortait de l'analyse de l'acte notarié du 7 novembre 1950 que celui-ci était à l'origine de la division du [Adresse 1] et du [Adresse 2] et que l'aménagement des canalisations des évacuations d'eaux usées existait déjà à cette date et n'avait donc pu être réalisé que par le propriétaire initial du fonds, pour en déduire qu'à la division du fonds, l'aménagement réalisé au départ par M. et Mme [Z] pour leurs seuls intérêts, avait donné naissance à une servitude venant grever l'une des parcelles issue de la division au profit de l'autre ; qu'en statuant ainsi, tandis qu'il ressortait des termes clairs et précis de l'acte authentique du 7 novembre 1950, s'agissant de l'origine de propriété, que l'immeuble sis [Adresse 2] était mentionné comme « appartenant à Mme [Z], pour lui avoir été attribué en pleine propriété » aux termes d'un acte notarié du 21 janvier 1905, cependant que l'immeuble situé au [Adresse 1], après avoir été la propriété d'[W] [Z], aux termes d'un acte notarié reçu le 19 avril 1896, appartenait par tiers en nue-propriété aux trois enfants et en usufruit seulement à [F] [J] veuve [Z], de sorte que l'acte du 7 novembre 1950 n'était pas à l'origine de division de deux immeubles en cause, la cour d'appel a violé l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis. »
Réponse de la Cour
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :
4. Pour rejeter les demandes de M. et Mme [I], l'arrêt retient que l'immeuble situé au n° [Adresse 1] appartenait à [W] [Z] depuis 1896, que celui situé au n° [Adresse 2] de la même rue appartenait à [F] [J] depuis 1905, qu'à compter de leur mariage sous le régime dotal, les deux immeubles dépendaient du patrimoine commun du couple, que, suite au partage le 30 avril 1940 de la succession d'[W] [Z], [F] [J] était restée propriétaire de l'immeuble situé au n° [Adresse 2] et détenait l'usufruit de l'immeuble situé au n° [Adresse 1], les trois enfants communs en détenant la nue-propriété, qu'à son décès, ses héritiers ont procédé au partage par un acte du 7 novembre 1950, son fils [P] se voyant attribuer l'immeuble situé au n° [Adresse 1] à l'exception du premier étage, et sa fille [S] le premier étage de l'immeuble situé au n° [Adresse 1] et la totalité de celui situé au n° [Adresse 2], cet acte décidant en outre de mettre l'immeuble situé au n° [Adresse 1] en copropriété, et que l'immeuble situé au n° [Adresse 2] a été vendu à M. et Mme [I] en 2011 par les héritiers de [S] [Z].
5. Il en déduit que les deux immeubles ont appartenu à des auteurs communs, que l'acte de partage du 7 novembre 1950 est à l'origine de la division des immeubles situés aux n° [Adresse 1] et [Adresse 2], et, constatant que l'aménagement des canalisations des évacuations d'eaux usées existait déjà à cette date et était apparent lors de la division des fonds, que les conditions d'une servitude par destination du père de famille sont réunies.
6. En statuant ainsi, alors que l'acte du 7 novembre 1950 mentionnait que l'immeuble situé au n° [Adresse 2] appartenait à [F] [J] pour lui avoir été attribué en pleine propriété par un acte notarié du 21 janvier 1905, et que l'immeuble situé au n° [Adresse 1] appartenait par tiers en nue-propriété aux trois enfants d'[W] [Z], qui en était le seul propriétaire, et en usufruit à [F] [J], sa veuve, la cour d'appel, qui a considéré que cet acte avait procédé à la division d'un fonds unique composé des immeubles situés aux n° [Adresse 1] et [Adresse 2], en a dénaturé les termes clairs et précis et a violé le principe susvisé.
Civ.2 27 mars 2025 n° 22-18.274
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 27 mars 2025
Interruption d'instance
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 277 F-D
Pourvoi n° T 22-18.274
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 MARS 2025
1°/ [B] [H], ayant été domicilié [Adresse 1], décédé le [Date décès 3] 2024,
2°/ Mme [M] [S], veuve [H], domiciliée [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° T 22-18.274 contre l'arrêt rendu le 7 avril 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-9), dans le litige les opposant à l'association syndicale libre Domaine de La Colle Saint-Pierre, représentée par son syndic en exercice, la société Groupe Foch immo, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Chevet, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de [B] [H] et de Mme [M] [S], veuve [H], de la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de l'association syndicale libre Domaine de La Colle Saint-Pierre, et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 février 2025 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Chevet, conseiller référendaire rapporteur, Mme Grandemange, conseiller, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. M. [B] [H] et Mme [M] [H] se sont pourvus en cassation le 27 juin 2022 contre un arrêt rendu le 7 avril 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence dans une instance les opposant à l'association syndicale libre Domaine de La Colle Saint-Pierre.
2. [B] [H] est décédé le [Date décès 3] 2024 à [Localité 4] (06) et son décès a été notifié à la défenderesse, l'association syndicale libre Domaine de La Colle Saint-Pierre, le 8 janvier 2025.
3. En application des articles 370 et 376 du code de procédure civile, l'instance est donc interrompue et il y a lieu d'impartir aux parties un délai pour effectuer les diligences nécessaires à la reprise de l'instance.
Civ.3 27 mars 2025 n° 23-22.395
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
FC
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 27 mars 2025
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 170 F-D
Pourvoi n° T 23-22.395
Aide juridictionnelle partielle en défense au profit de Mme [I] [A]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 12 mars 2024.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 MARS 2025
1°/ M. [S] [E], domicilié [Adresse 11], [Localité 14],
2°/ Mme [Y] [E], domiciliée [Adresse 10], [Localité 14],
ont formé le pourvoi n° T 23-22.395 contre l'arrêt rendu le 17 mai 2023 par la cour d'appel de Chambéry (2e chambre), dans le litige les opposant :
1°/ à Mme [I] [A], domiciliée [Adresse 8], [Localité 13],
2°/ à M. [B] [M], domicilié [Adresse 12], [Localité 7],
3°/ au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 15], [Localité 14], représenté par son syndic, Mme [I] [A], domicilié [Adresse 8], [Localité 13],
4°/ à M. [X] [N] [C],
5°/ à Mme [G] [K], domiciliée
tous deux domiciliés [Adresse 9], [Localité 14],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pons, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. [S] [E] et de Mme [Y] [E], de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de Mme [A] et de M. [M], après débats en l'audience publique du 25 février 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Pons, conseiller référendaire rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 17 mai 2023), M. [S] [E] et sa fille, Mme [Y] [E], propriétaires des parcelles cadastrées section A n° [Cadastre 1], [Cadastre 2] et [Cadastre 6] pour le premier et n° [Cadastre 3] et [Cadastre 4] pour la seconde, ont assigné le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 15], propriétaire de la parcelle voisine, cadastrée section A n° [Cadastre 5], ainsi que Mme [A] et M. [M], propriétaires des lots constituant cette copropriété, en reconnaissance de l'existence d'une servitude de passage conventionnelle et à défaut légale au profit de l'ensemble de leurs parcelles.
Examen des moyens
Sur le second moyen
2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
3. M. [S] [E] et Mme [Y] [E] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande, alors « que la servitude de passage est opposable à l'acquéreur de l'immeuble qui en est grevé s'il en connaissait l'existence au moment de l'acquisition ; qu'en déboutant les consorts [E] de leur demande de reconnaissance d'une servitude de passage sans rechercher, comme elle y était invitée, si les défendeurs ne connaissaient pas l'existence de cette servitude lors de leur acquisition et s'ils n'en avaient pas toujours respecté l'assiette, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 691 du code civil. »
Réponse de la Cour
4. Ayant relevé que, si une servitude conventionnelle avait été accordée en 1934 sur le fonds litigieux, lors d'un échange de parcelles entre les auteurs des propriétaires actuels, seul l'acte d'échange avait donné lieu à publication, sans que le passage de trois mètres soit mentionné, de sorte que les tiers n'avaient été informés que d'un échange et non de la constitution d'une servitude, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à de simples allégations dépourvues d'offres de preuve, quant à la connaissance de l'existence d'un titre constitutif ou récognitif de la servitude, a légalement justifié sa décision.
Civ.2 27 mars 2025 n° 24-70.009 B
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Demande d'avis n°T 24-70.009
Juridiction : le tribunal judiciaire de Strasbourg
OG41
Avis du 27 mars 2025
n° 15009 P+B
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
COUR DE CASSATION _________________________
Deuxième chambre civile
Vu les articles L. 441-1 et suivants du code de l'organisation judiciaire et 1031-1 et suivants du code de procédure civile ;
La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a rendu le présent avis sur le rapport de M. Hénon, conseiller, les conclusions de M. Grignon Dumoulin, premier avocat général, et les observations orales de Mme Tuffreau, avocat général référendaire.
Énoncé de la demande d'avis
1. La Cour de cassation a reçu le 13 novembre 2024, une demande d'avis formée le 6 novembre 2024 par le tribunal judiciaire de Strasbourg, en application des articles L. 441-1 et suivants du code de l'organisation judiciaire et 1031-1 et suivants du code de procédure civile, dans une instance opposant l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales d'Alsace à la société [1].
2. La demande est ainsi formulée :
« Suite à la modification de l'article L. 243-5 du code de la sécurité sociale et sa version en vigueur depuis le 1er janvier 2020, le sujet de la phrase passant d'un pluriel (« les créances privilégiées ») à un singulier (« toute créance privilégiée »), l'interprétation du seuil à partir duquel se déclenche l'obligation d'inscrire sa créance a-t-elle changé par rapport à la version antérieure du texte en vigueur au 19 novembre 2011, tel que cela ressortait notamment de l'arrêt du 13 octobre 2022 (N°21-12-471) ? »
Examen de la demande d'avis
3. Aux termes de l'article L. 243-5, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019, dès lors qu'elle dépasse un montant fixé par décret, toute créance privilégiée en application du premier alinéa de l'article L. 243-4 , due par un commerçant, une personne immatriculée au répertoire des métiers, une personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale, ou une personne morale de droit privé, doit être inscrite à un registre public tenu au greffe du tribunal de commerce ou du tribunal judiciaire au terme du semestre civil suivant sa date limite de paiement ou, le cas échéant, la date de notification de l'avertissement ou de la mise en demeure prévus à l'article L. 244-2 , lorsque la créance est constatée lors d'un contrôle organisé en application des dispositions de l'article L. 243-7. Le montant mentionné au présent alinéa est fixé en fonction de la catégorie à laquelle appartient le cotisant et de l'effectif de son entreprise.
4. Il résulte des travaux parlementaires de la loi du 22 mai 2019 que la modification de ce texte procède d'une volonté d'harmonisation avec les règles de publicité applicables au privilège du Trésor public, et de remédier à certaines difficultés concernant la modification des règles de publicité du privilège de la sécurité sociale, en conservant la notion de la date limite de paiement, à partir de laquelle s'apprécie la fin du semestre civil.
5. Il s'ensuit que la créance à prendre en considération pour l'appréciation du seuil prévu par l'article L. 243-5 du code de la sécurité sociale, dont les dispositions sont distinctes de celles de l'article R. 243-6 du même code, est celle correspondant, au terme d'un semestre civil, à l'intégralité des sommes dues à titre de cotisations, majorations de retard et pénalités dont la date limite de paiement est intervenue au cours de ce semestre.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
EST D'AVIS QUE pour l'application des articles L. 243-4 et L. 243-5 du code de la sécurité sociale, la créance à prendre en considération pour l'appréciation du seuil prévu par le dernier de ces textes est celle correspondant, au terme d'un semestre civil, à l'intégralité des sommes dues à titre de cotisations, majorations de retard et pénalités dont la date limite de paiement est intervenue au cours de ce semestre.
Fait à Paris et mis à disposition au greffe de la Cour le 27 mars 2025, après examen de la demande d'avis lors de la séance du 26 mars 2025 où étaient présents : Mme Martinel, président, M. Hénon, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller, Mme Tuffreau, avocat général référendaire, et Mme Gratian, greffier de chambre ;
Fait à Paris et mis à disposition au greffe de la Cour le vingt-sept mars deux mille vingt-cinq, après examen de la demande d'avis lors de la séance du 26 mars 2025.
Le conseiller rapporteur Le président
Le greffier de chambre
Civ.3 27 mars 2025 n° 23-10.860
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
CL
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 27 mars 2025
Rectification d'erreur matérielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 172 F-D
Requête n° E 23-10.860
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 MARS 2025
La troisième chambre civile de la Cour de cassation se saisit d'office en vue de la rectification d'une erreur matérielle affectant l'arrêt n° 14 prononcé le 9 janvier 2025 sur le pourvoi n° E 23-10.860 en cassation d'un arrêt rendu le 22 novembre 2022 par la cour d'appel de Fort-de-France (chambre civile), dans l'affaire opposant la Compagnie financière et immobilière Caraïbes, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], à :
1°/ la commune du [Localité 3], représentée par son maire en exercice domicilié en cette qualité en [Adresse 2],
2°/ l'Association foncière urbaine d'acajou, dont le siège est [Adresse 2].
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pons, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de la Compagnie financière et immobilière Caraïbes, de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la commune du [Localité 3], après débats en l'audience publique du 25 février 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Pons, conseiller référendaire rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. Une erreur matérielle a été commise dans la rédaction de l'arrêt n° 14 du 9 janvier 2025, pourvoi n° E 23-10.860, en ce qui concerne la date de l'arrêt cassé.
2. Il y a lieu, en application de l'article 462 du code de procédure civile, de réparer cette erreur.
Civ.2 27 mars 2025 n° 23-21.685 B
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 27 mars 2025
Interruption d'instance
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 295 F-B
Pourvoi n° W 23-21.685
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 MARS 2025
M. [R] [X], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° W 23-21.685 contre l'ordonnance n° RG : 21/00751 rendue le 12 octobre 2021 par le premier président de la cour d'appel de Bourges, dans le litige l'opposant :
1°/ à [V] [D], ayant été domicilié [Adresse 3], décédé le [Date décès 2] 2023,
2°/ aux héritiers de [V] [D], domiciliés [Adresse 3], pris collectivement conformément à l'article 533 du code de procédure civile,
défendeurs à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bohnert, conseiller référendaire, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de M. [K], de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de [V] [D], et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 février 2025 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Bohnert, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. M. [K] s'est pourvu en cassation le 11 octobre 2023 contre une ordonnance rendue le 12 octobre 2021 par le premier président de la cour d'appel de Bourges dans une instance l'opposant à [V] [D].
2. [V] [D] est décédé le [Date décès 2] 2023 et son décès a été notifié à M. [K]. Or la notification du décès du défendeur par l'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation constitué emporte interruption de l'instance.
3. En application des articles 370 et 376 du code de procédure civile, l'instance est dès lors interrompue et il y a lieu d'impartir aux parties un délai pour effectuer les diligences nécessaires à la reprise de l'instance.
Civ.3 27 mars 2025 n° 23-16.606
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 27 mars 2025
Radiation
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 163 F-D
Pourvoi n° A 23-16.606
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 MARS 2025
La société SA Company, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], représentée par la société Egide, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, en la personne de Mme [U] [X], agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire, dont le siège est [Adresse 6], a formé le pourvoi n° A 23-16.606 contre l'arrêt rendu le 4 avril 2023 par la cour d'appel de Toulouse (1re chambre, section 1), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Moutot Couronne, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 4],
2°/ au syndicat des copropriétaires du [Adresse 4], représenté par son syndic la société Fit gestion, dont le siège est [Adresse 1],
3°/ à la société Airclean, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 3],
4°/ à la société Technique et bâtiment, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], prise en la personne de son liquidateur judiciaire la société Angel-Hazan-[C], société civile professionnelle, représentée par Mme [C], ayant son siège [Adresse 5],
défendeurs à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pons, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société SA Company, représentée par la société Egide, ès qualités, de la SCP Alain Bénabent, avocat du syndicat des copropriétaires du [Adresse 4], de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société Technique et bâtiment, représentée par la société Angel-Hazan-[C], ès qualités, après débats en l'audience publique du 25 février 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Pons, conseiller référendaire rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. Par arrêt du 10 octobre 2024 n° 550 F-D, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, constatant l'interruption de l'instance consécutive à la mise en liquidation judiciaire de la société SA Company, a imparti aux parties un délai de quatre mois pour effectuer les diligences nécessaires à la reprise de l'instance et dit qu'à défaut de leur accomplissement dans ce délai, la radiation du pourvoi serait prononcée.
2. Ces diligences n'ayant pas été accomplies, il convient, en application de l'article 376 du code de procédure civile, de radier l'affaire.
Civ.3 27 mars 2025 n° 23-17.940 B
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
FC
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 27 mars 2025
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 173 FS-B
Pourvoi n° A 23-17.940
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 MARS 2025
1°/ M. [U] [O], domicilié [Adresse 5],
2°/ Mme [V] [X], domiciliée [Adresse 3],
3°/ M. [K] [X], domicilié [Adresse 1],
tous trois agissant en qualité d'ayant droit de [P] [J], épouse [O],
ont formé le pourvoi n° A 23-17.940 contre l'arrêt rendu le 26 janvier 2023 par la cour d'appel d'Amiens (1re chambre civile), dans le litige les opposant à la commune de Mers-les-Bains représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité en [Adresse 6], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Baraké, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. [U] [O], Mme [V] [X] et de M. [K] [X], de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de la commune de Mers-les-Bains, et l'avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 février 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Baraké, conseiller référendaire rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, Mmes Pic, Oppelt, conseillers, Mmes Aldigé, Gallet, Davoine, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, Mme Morel-Coujard, avocat général, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 26 janvier 2023), [N] [J], décédée le 16 janvier 1986 et laissant pour lui succéder quatre enfants, dont [P] [O], était propriétaire de trois parcelles cadastrées section AH n° [Cadastre 2] à [Cadastre 4], situées sur la commune de Mers-les-Bains (la commune).
2. Une délibération du conseil municipal du 2 mars 2016 a autorisé le maire à constater par arrêté l'appropriation de plein droit de ces parcelles regardées comme des biens sans maître, sur le fondement de l'article L. 1123-1 du code général de la propriété des personnes publiques. Leur incorporation au domaine privé de la commune a été décidée par arrêté du 24 mai 2016.
3. [P] [O], aux droits de laquelle viennent désormais M. [U] [O], Mme [V] [X] et M. [K] [X] (les consorts [O]-[X]), a assigné la commune en restitution de ces trois parcelles, au profit de l'indivision successorale de [N] [J].
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première et troisième à cinquième branches
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
5. Les consorts [O]-[X] font grief à l'arrêt de rejeter la demande de restitution par la commune, au profit de l'indivision successorale de [N] [J], des parcelles cadastrées section AH n° [Cadastre 2] à [Cadastre 4], alors « que sont considérés comme n'ayant pas de maître les biens qui font partie d'une succession ouverte depuis plus de trente ans et pour laquelle aucun successible ne s'est présenté ; qu'il est possible pour un successible de se présenter à une succession sans avoir préalablement exercé l'option successorale ; qu'en jugeant que la commune avait valablement approprié les parcelles litigieuses faute d'héritiers ayant expressément ou tacitement accepté la succession pendant le délai trentenaire, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne contient pas, a violé l'article L. 1123-1, 1°, du code général de la propriété des personnes publiques, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022. »
Réponse de la Cour
6. Selon l'article 713 du code civil, les biens qui n'ont pas de maître appartiennent à la commune sur le territoire de laquelle ils sont situés.
7. Selon l'article L. 1123-1, 1°), du code général de la propriété des personnes publiques, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022, sont considérés comme n'ayant pas de maître les biens autres que ceux relevant de l'article L. 1122-1 qui font partie d'une succession ouverte depuis plus de trente ans et pour laquelle aucun successible ne s'est présenté.
8. Doit être regardé, au sens du deuxième de ces textes, comme s'étant présenté à la succession le successible qui se manifeste dans le délai de trente ans suivant le décès du propriétaire pour réclamer la transmission successorale des immeubles concernés, et, ainsi, faire obstacle à leur appropriation publique.
9. Ayant relevé que [N] [J] était décédée le 16 janvier 1986, puis souverainement retenu que [P] [O] ne caractérisait pas l'acceptation tacite de la succession qu'elle invoquait, la cour d'appel, qui a ainsi fait ressortir qu'aucun successible ne s'était présenté avant l'expiration du délai trentenaire pour réclamer la transmission successorale des parcelles en litige, en a exactement déduit, sans ajouter une condition à la loi, que la demande de restitution devait être rejetée.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
Civ.2 27 mars 2025 n° 22-18.591 B
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 27 mars 2025
Rejet
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 296 F-B
Pourvoi n° N 22-18.591
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 MARS 2025
1°/ M. [K] [U],
2°/ Mme [F] [Z], épouse [U],
tous deux domiciliés [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° N 22-18.591 contre les arrêts rendus les 1er juillet 2021 et 17 février 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-9), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Cabinet D. Nardi gestionnaire immobilier, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à la société Sylvie Cohen - Pierre Tomas - Elisabeth Trullu, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 3],
défenderesses à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. et Mme [U], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Cabinet D. Nardi gestionnaire immobilier, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 février 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Déchéance du pourvoi en tant qu'il est dirigé contre l'arrêt du 1er juillet 2021, examinée d'office
1. En application de l'article 16 du code de procédure civile, avis a été donné aux parties.
Vu l'article 978 du code de procédure civile :
2. Le mémoire ampliatif ne contenant aucun moyen à l'encontre de l'arrêt du 1er juillet 2021, il y a lieu de constater la déchéance du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre cette décision.
Sur le pourvoi en tant qu'il est dirigé contre l'arrêt du 17 février 2022
Faits et procédure
3. Selon les arrêts attaqués (Aix-en-Provence, 1er juillet 2021 et 17 février 2022), par un jugement du 18 novembre 2013, un tribunal de grande instance a débouté M. et Mme [U] et M. et Mme [V] des demandes formées à l'encontre de la société Cabinet D. Nardi et la société Lafage transactions Century 21 et les a condamnés à payer à chacune des sociétés une certaine somme en application de l'article 700 du code de procédure civile.
4. Par un arrêt du 17 septembre 2015, une cour d'appel a confirmé le jugement et condamné in solidum M. et Mme [U] et M. et Mme [V] à payer à chacune des sociétés une certaine somme en application de l'article 700 du code de procédure civile.
5. Par un arrêt du 26 janvier 2017 (3e Civ., 26 janvier 2017, pourvoi n° 15-27.108), la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par M. et Mme [U] et M. et Mme [V] et les a condamnés à payer, à chacune des sociétés, une somme globale en application de l'article 700 du code de procédure civile.
6. Par acte du 5 février 2020, délivré par la SCP d'huissiers de justice Cohen-Tomas-Trullu, la société Cabinet D. Nardi a pratiqué une saisie-attribution au préjudice de M. et Mme [U] qui ont saisi un juge de l'exécution d'une contestation.
Examen des moyens
Sur le second moyen, pris en sa seconde branche
7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en sa première branche, et le second moyen, pris en sa première branche, réunis
Enoncé des moyens
8. M. et Mme [U] font grief à l'arrêt de les débouter de leur demande d'annulation de la saisie-attribution du 5 février 2020 qui ne pouvait porter que sur le titre exécutoire visé, alors « que la saisie-attribution ne peut être pratiquée que pour les condamnations figurant sur le titre exécutoire la justifiant ; qu'en l'espèce, pour débouter les époux [U] de leur demande d'annulation de la saisie-attribution du 5 février 2020 car cette saisie ne pouvait porter que sur les sommes dues en exécution de l'arrêt du 26 janvier 2017 de la Cour de cassation, seul titre exécutoire visé par l'acte, la cour d'appel a considéré que l'arrêt du 26 janvier 2017 avait rendu exécutoire l'arrêt du 17 septembre 2015 de la cour d'appel qui avait confirmé le jugement du 18 novembre 2013 ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L. 211-1 et R. 211-1 du code des procédures civiles d'exécution. »
9. M. et Mme [U] font grief à l'arrêt de rejeter la demande de nullité de la saisie-attribution diligentée par la société contre M. [U] selon procès-verbal de saisie du 5 février 2020 dénoncé le 10 février 2020, alors « que le procès-verbal de saisie-attribution contient à peine de nullité l'énonciation du titre exécutoire en vertu duquel la saisie est pratiquée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a débouté les époux [U] de leur demande en nullité de la saisie tout en relevant que la SCP d'huissier avait demandé le paiement de la moitié de l'article 700 alloué par le jugement du 18 novembre 2013 du tribunal de grande instance de Grasse et que le procès-verbal mentionnait aussi une condamnation au titre de l'article 700 prononcée par la cour d'appel d'Aix-en-Provence par un arrêt du 17 septembre 2015 ; qu'en statuant ainsi, bien que ledit jugement du 18 novembre 2013 et ledit arrêt du 17 septembre 2015 n'aient pas été visés dans la saisie-attribution du 5 février 2020, la cour d'appel a violé l'article R. 211-1 du code des procédures civiles d'exécution. »
Réponse de la Cour
10. Aux termes de l'article L. 211-1 du code des procédures civiles d'exécution, tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévue par le code du travail.
11. Selon l'article R. 211-1, 2° et 3°, du même code, le créancier procède à la saisie par un acte qui contient l'énonciation du titre exécutoire en vertu duquel la saisie est pratiquée et le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus, majorées d'une provision pour les intérêts à échoir dans le délai d'un mois prévu pour élever une contestation.
12. Il résulte de la combinaison de ces textes que le créancier ne peut poursuivre le recouvrement que des sommes dues en exécution du titre exécutoire, visé à l'acte, en vertu duquel la saisie est pratiquée.
13. Toutefois, l'erreur portant sur la somme réclamée dans l'acte de saisie, consistant à ce que le créancier a en outre réclamé, dans le décompte, le paiement de sommes dues en vertu d'autres titres qui ne sont pas visés à l'acte, n'est pas une cause de nullité de celui-ci et ne peut donner lieu qu'à la réduction du montant pour lequel la saisie est pratiquée.
14. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, l'arrêt, qui a constaté que, selon le procès-verbal, la saisie avait été pratiquée, au visa de la décision de la Cour de cassation du 26 janvier 2017, afin d'obtenir le paiement, outre des frais irrépétibles alloués par cette décision, des indemnités accordées par le tribunal et la cour d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, se trouve légalement justifié.
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
15. M. et Mme [U] font grief à l'arrêt de les débouter de leur demande d'annulation de la saisie-attribution du 5 février 2020 qui ne pouvait porter que sur le titre exécutoire visé, alors « que l'exécution forcée des condamnations résultant d'un jugement, confirmées en appel, est subordonnée à la signification de l'arrêt et du jugement ; qu'en l'espèce, pour débouter les époux [U] de leur demande, la cour d'appel a retenu que la signification de l'arrêt du 17 septembre 2015 confirmant expressément le jugement du 18 novembre 2013, s'agissant de la condamnation prononcée à l'encontre des consorts [U] au titre des dépens et des frais irrépétibles, avait rendu cette condamnation exécutoire sans qu'il y ait lieu d'exiger la signification du jugement la prononçant initialement ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 503 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
16. Aux termes de l'article L. 211-1 du code des procédures civiles d'exécution, tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévues par le code du travail.
17. Selon l'article 503 du code de procédure civile, les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu'après leur avoir été notifiés, à moins que l'exécution n'en soit volontaire.
18. Il résulte de la combinaison de ces textes que seul le titre exécutoire en vertu duquel la saisie est pratiquée doit être notifié au débiteur.
19. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, l'arrêt, qui a constaté que, selon le procès-verbal, la saisie avait été pratiquée au visa de la décision de la Cour de cassation du 26 janvier 2017, ce dont il résulte que le jugement du 18 novembre 2013 n'avait pas à être notifié, se trouve légalement justifié.
Civ.2 27 mars 2025 n° 22-12.787 B
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 27 mars 2025
Cassation partielle
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 272 FS-B
Pourvoi n° D 22-12.787
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 MARS 2025
La commune de [Localité 1], agissant par son maire en exercice domicilié en cette qualité [Adresse 3], a formé le pourvoi n° D 22-12.787 contre l'arrêt rendu le 2 décembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 2), dans le litige l'opposant à M. [J] [C], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Waguette, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la commune de [Localité 1], agissant par son maire en exercice, de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de M. [C], et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 février 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Waguette, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, Mme Grandemange, M. Delbano, Mmes Vendryes, Caillard, M. Brillet, conseillers, Mme Bohnert, M. Cardini, Mmes Techer, Latreille, Bonnet, Chevet, conseillers référendaires, Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 décembre 2021), rendu en référé, M. [C] est propriétaire sur la commune de [Localité 1] (la commune) d'une parcelle classée en zone naturelle et comprise dans un espace boisé classé d'après le plan local d'urbanisme (PLU) sur laquelle il a entrepris des travaux d'édification d'un mur de soutènement, de terrassement ainsi que de coupe et d'abattage d'arbres.
2. Le 22 décembre 2020, lui reprochant de contrevenir aux dispositions du PLU, la commune a assigné M. [C] devant le juge des référés d'un tribunal judiciaire à fin d'obtenir, sur le fondement de l'article 835 du code de procédure civile, l'arrêt des travaux en cours et la remise en état de la parcelle.
3. Par une ordonnance du 30 mars 2021, le juge des référés, considérant que la violation évidente des règles d'urbanisme et l'absence de remise en état, malgré mise en demeure, caractérisaient un trouble manifestement illicite par l'atteinte portée à un milieu naturel protégé, a ordonné, sous astreinte, à M. [C] d'interrompre les travaux en cours et de procéder à la remise en état de la parcelle et, à défaut d'exécution dans le délai imparti, a autorisé la commune à procéder d'office aux travaux de remise en état aux frais et risques du propriétaire.
4. M. [C] a relevé appel de cette décision.
5. Par un arrêt du 2 décembre 2021, une cour d'appel a infirmé l'ordonnance déférée en ce qu'elle autorise la commune à procéder aux travaux de remise en état aux frais et risques du propriétaire, a dit n'y avoir lieu à référé sur cette demande et a confirmé la décision pour le surplus.
6. La commune a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt.
7. Par un arrêt du 13 juin 2024 (2e Civ., 13 juin 2024, pourvoi n° 22-12.787), la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a renvoyé l'affaire, en application de l'article 1015-1 du code de procédure civile, à la troisième chambre civile pour avis sur la question suivante : - Le juge des référés, qui, saisi par une commune sur le fondement de l'article 835 du code de procédure civile, constate un trouble manifestement illicite du fait de travaux réalisés en violation des dispositions du plan local d'urbanisme (PLU), et ordonne au bénéficiaire de ces travaux de les interrompre et de remettre les lieux en état, peut-il autoriser la commune, à défaut d'exécution de la remise en état, à y procéder d'office aux frais et risques du bénéficiaire des travaux irréguliers ?
8. La troisième chambre civile de la Cour de cassation a rendu son avis le 5 décembre 2024.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
9. La commune fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à référé sur sa demande visant, à défaut d'exécution dans le délai de trois mois imparti à compter de la signification de la décision, à l'autoriser à procéder d'office aux travaux de remise en état aux frais et risques de M. [C], alors « que le président du tribunal judiciaire peut toujours, prescrire en référé les mesures de remise en état qui s'imposent pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; que le juge des référés qui constate l'exécution de travaux en violation manifeste des règles d'urbanisme a ainsi le pouvoir de prescrire au contrevenant la remise en état et d'autoriser la commune à y faire procéder d'office pour le cas où sa décision ne serait pas exécutée dans un délai déterminé, aux frais et risques du bénéficiaire des travaux irréguliers ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 835 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 835, alinéa 1er, du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2020-1452 du 27 novembre 2020 :
10. Il ressort de l'avis de la troisième chambre civile les éléments suivants :
11. Aux termes de l'article 835, alinéa 1er, du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
12. Le juge des référés peut ordonner, sur ce fondement, la cessation du trouble manifestement illicite résultant de l'exécution de travaux en violation des règles d'urbanisme (1re Civ., 14 mai 1991, pourvoi n° 89-20.492, Bull. 1991, I, n° 158) et apprécie souverainement, sous réserve de son caractère proportionné au regard des droits garantis par la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (3e Civ., 16 janvier 2020, pourvoi n° 19-10.375, publié), le choix de la mesure propre à faire cesser le trouble qu'il constate (2e Civ., 12 juillet 2012, pourvoi n° 11-20.687, Bull. 2012, II, n° 133 ; Com., 27 mai 2015, pourvoi n° 14-10.800, Bull., IV, n° 88).
13. Il peut, à ce titre, ordonner la démolition d'une construction, sauf si sa mise en conformité, acceptée par le propriétaire, permet le respect des règles d'urbanisme (Cons. constit., 31 juillet 2020, décision n° 2020-853 QPC) et assortir cette obligation de faire des mesures accessoires propres à en assurer l'effectivité, tel le prononcé d'une astreinte.
14. Enfin, la mesure de remise en état ou de démolition prononcée en référé est exécutoire de plein droit.
15. La poursuite de l'intérêt général qui s'attache au respect des règles d'urbanisme a conduit le législateur à adopter plusieurs dispositions afin de permettre à l'autorité compétente en matière d'urbanisme de procéder, elle-même, à défaut d'exécution par l'intéressé dans le délai prescrit, à la remise en état ou à la démolition judiciairement ordonnée.
16. Ainsi, l'article L. 480-9 du code de l'urbanisme autorise, lorsqu'une juridiction pénale a ordonné la démolition, la mise en conformité ou la remise en état et que celle-ci n'est pas achevée à l'expiration du délai fixé par le jugement, le maire ou le fonctionnaire compétent à procéder, d'office et sans nouvelle intervention judiciaire, à tous travaux nécessaires à l'exécution de la décision de justice aux frais et risques du bénéficiaire des travaux irréguliers ou de l'utilisation irrégulière du sol.
17. Par ailleurs, pour dispenser les communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) compétents en matière de plan local d'urbanisme de la nécessité de saisir le juge pénal, l'article L. 480-14 du code de l'urbanisme, créé par la loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003, leur a permis de saisir le juge civil aux fins de démolition ou de mise en conformité d'un ouvrage édifié sans l'autorisation exigée par le livre IV de ce code ou en méconnaissance de cette autorisation, dans les secteurs soumis à des risques naturels prévisibles. La loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 a étendu cette possibilité aux ouvrages édifiés ou installés sur l'ensemble du territoire communal.
18. Enfin, il résulte de l'article L. 481-1, IV, dernier alinéa, du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi n° 2024-322 du 9 avril 2024, que, lorsque des travaux entrepris et exécutés en méconnaissance ou sans autorisation d'urbanisme ou en méconnaissance des obligations imposées par le livre IV ou mentionnées à l'article L. 610-1 présentent un risque certain pour la sécurité ou pour la santé, l'autorité compétente peut mettre en demeure l'intéressé, sans intervention judiciaire préalable, de procéder aux opérations nécessaires à la mise en conformité de la construction, de l'aménagement ou de l'installation et, à défaut d'exécution dans le délai requis, être autorisée par jugement du président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond à procéder à la démolition complète des installations aux frais de l'intéressé.
19. Il ressort de ces dispositions qu'en conférant à l'autorité spécialement chargée de veiller au respect des règles d'urbanisme la possibilité de procéder, elle-même, à la remise en état ou à la démolition, lorsque l'intéressé ne s'est pas exécuté à l'expiration du délai qui lui avait été imparti, le législateur a entendu assurer, sous le contrôle du juge, l'effectivité et la rapidité des mesures, judiciairement ordonnées, propres à faire cesser l'atteinte constatée aux règles d'urbanisme.
20. Dès lors, le juge des référés qui ordonne, dans les conditions prévues par la loi, une mesure de remise en état ou de démolition pour faire cesser un trouble manifestement illicite résultant de la violation d'une règle d'urbanisme peut autoriser la commune, à défaut d'exécution par le bénéficiaire des travaux dans le délai prescrit, à y procéder d'office aux frais de l'intéressé.
21. En décider autrement, en cas de trouble manifestement illicite, porterait atteinte à l'objectif d'intérêt général de respect effectif des prescriptions d'urbanisme.
22. Cependant, sauf disposition légale contraire, l'exécution forcée d'une décision de justice exécutoire à titre provisoire n'ayant lieu qu'aux risques et périls de celui qui la poursuit, le juge des référés ne peut ordonner que celle-ci aura lieu aux risques du bénéficiaire des travaux irréguliers.
23. En l'espèce, pour dire n'y avoir lieu à référé sur la demande de la commune de [Localité 1], l'arrêt relève que les dispositions du code de l'urbanisme, non invoquées, ne sont pas applicables et retient que le juge des référés, qui ne peut que prononcer les mesures de remise en état qui s'imposent, excède ses pouvoirs en autorisant la commune à faire procéder d'office aux mesures, destinées à mettre fin au trouble manifestement illicite, sur la propriété même de M. [C] et à ses frais alors qu'aucune décision judiciaire n'est intervenue pour à la fois établir la violation de la règle de droit et ordonner les mesures de remise en état.
24. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté l'existence d'un trouble manifestement illicite et que l'autorisation de procéder aux travaux de remise en état aux frais du contrevenant et aux risques et périls de la commune était de nature à y mettre fin sans excéder les limites des pouvoirs du juge des référés, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
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