Crim. 10 janvier 2023 n° 22-82.645 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° M 22-82.645 F-B
N° 00030
MAS2 10 JANVIER 2023
ANNULATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 10 JANVIER 2023
M. [O] [L] a formé un pourvoi contre l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 29 mars 2022, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de non-représentation d'enfant et soustraction par un parent à ses obligations légales, a déclaré irrecevable son appel de l'ordonnance du juge d'instruction le déclarant pénalement irresponsable.
Par ordonnance en date du 27 juin 2022, le président de la chambre criminelle a ordonné l'examen du pourvoi.
Un mémoire personnel a été produit.
Sur le rapport de Mme Thomas, conseiller, et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Thomas, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'ordonnance attaquée et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Une information judiciaire a été ouverte des chefs susvisés à la suite des plaintes déposées par les mères respectives des deux enfants mineurs de M. [O] [L], emmenés par celui-ci à l'étranger sans leur accord.
3. Interpellé lors de son retour sur le territoire national, M. [L] a été mis en examen.
4. Par ordonnance du 7 mars 2022, le juge d'instruction a dit qu'il résulte de l'information des charges suffisantes contre l'intéressé d'avoir commis les faits de sa mise en examen, déclaré l'intéressé pénalement irresponsable pour cause de trouble mental et dit n'y avoir lieu à suivre en l'état contre lui.
5. M. [L] a relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a, en violation des articles 1er, 6, 8, 9, 13 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1er du protocole additionnel à cette convention, 55 de la Constitution, 122-4 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, de la Convention de Genève sur les réfugiés du 28 juillet 1951 et de son protocole additionnel du 4 octobre 1967, déclaré irrecevable l'appel de M. [L], alors que toute personne a droit à un procès équitable, à un recours effectif, à la liberté de pensée et à la liberté d'expression, sans aucune distinction fondée sur les opinions personnelles, notamment politiques.
Réponse de la Cour
Vu l'article 186 du code de procédure pénale :
7. Il se déduit de ce texte que le président de la chambre de l'instruction ne détient pas le pouvoir de rendre une ordonnance de non-admission de l'appel relevé contre une ordonnance de déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.
8. Pour déclarer l'appel non admis, l'ordonnance attaquée retient que le droit d'appel est ouvert à la personne mise en examen contre les ordonnances et décisions visées à l'article 186 du code de procédure pénale, qu'en l'espèce, l'ordonnance de non-lieu, régie par l'article 177 du même code, n'entre pas dans les prévisions de l'article 186 précité et n'est donc pas susceptible d'appel.
9. En statuant ainsi, le président de la chambre de l'instruction a excédé ses pouvoirs.
10. En effet, d'une part, l'ordonnance dont appel, qui constate l'existence, contre la personne mise en examen, de charges suffisantes d'avoir commis les faits reprochés, et est motivée par référence aux dispositions de l'article 122-1 du code pénal, n'est pas une ordonnance de non-lieu telle que prévue à l'article 177 du code de procédure pénale, et il a été fait application des dispositions de l'article 186, dernier alinéa, du même code, sur la base de motifs erronés.
11. D'autre part, cette ordonnance, qui déclare l'intéressé pénalement irresponsable pour cause de trouble mental et qui, par application des dispositions des articles 706-128 et 706-122 à 706-127 du code de procédure pénale, est susceptible d'un appel devant la chambre de l'instruction dont l'examen relève d'une procédure spécifique, échappe aux prévisions de l'article 186, dernier alinéa, du même code.
12. L'annulation est dès lors encourue.
Portée et conséquences de l'annulation
13. Du fait de l'annulation prononcée, la chambre de l'instruction se trouve saisie de l'appel relevé par le demandeur.
Crim. 10 janvier 2023 n° 22-81.700
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° J 22-81.700 F-D
N° 00041
MAS2 10 JANVIER 2023
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 10 JANVIER 2023
M. [N] [M] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 6e section, en date du 15 février 2022, qui a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction déclarant irrecevable sa constitution de partie civile contre personne non dénommée du chef de violences.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Thomas, conseiller, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. [N] [M], et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Thomas, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. [N] [M] a porté plainte et s'est constitué partie civile pour des faits de violences volontaires commises sur sa personne le 1er août 2004 au sein de l'hôpital [1] à [Localité 2] par deux agents de service.
3. Par ordonnance du 13 juillet 2021, le doyen des juges d'instruction a déclaré sa plainte irrecevable.
4. M. [M] a relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de M. [N] [M], alors :
« 1°/ qu'il résulte de l'article 222-13 du code pénal, que les violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours sont punies de cinq ans d'emprisonnement et 75 000 € d'amende lorsqu'elles sont commises dans deux des circonstances prévues aux 1° et suivants de cet article ; qu'aux termes de l'article 222-13-7° du même code, constitue une des circonstances précitées le fait que ces violences aient été commises par une personne chargée d'une mission de service public dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa mission, tandis qu'aux termes de l'article 222-13-8° du même code, constitue également une des circonstances précitées le fait que ces violences aient été commises par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice ; qu'en l'espèce, pour déclarer irrecevable la constitution de partie civile de l'exposant, la chambre de l'instruction a énoncé que M. [M] dénonce des faits constitutifs d'une contravention ; qu'en statuant ainsi, tout en relevant qu'au soutien de sa plainte et de son mémoire, M. [M] exposait avoir été agressé par deux agents de l'hôpital [1], ce dont il résulte que les faits dénoncés par le plaignant étaient susceptibles de caractériser des violences volontaires ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours mais commises par plusieurs personnes chargées d'une mission de service public, agissant dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions, de sorte qu'en cet état, les agissements ainsi mentionnés dans la plainte relevaient d'une qualification correctionnelle, la chambre de l'instruction a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations ;
2°/ qu'il résulte de l'article 222-13 du code pénal, que les violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours sont punies de sept ans d'emprisonnement et 100 000 € d'amende lorsqu'elles sont commises dans trois des circonstances prévues aux 1° et suivants de cet article ; qu'en l'espèce, aux termes de son mémoire régulièrement déposé le 17 janvier 2022 à 13 h 24 au greffe de la chambre de l'instruction, l'exposant a notamment fait valoir d'une part qu'au moment de l'agression qu'il a subie, il était une personne vulnérable à raison de son âge, au sens de l'article 222-13-2° du code pénal (mémoire, page 10), d'autre part que les auteurs de l'agression étaient des agents de l'hôpital, comme tels des personnes chargées d'une mission de service public, au sens de l'article 222-13-7°du même code (mémoire, page 20), enfin qu'il avait été agressé par plusieurs personnes, au sens de l'article 222-13-8° du même code, s'agissant de deux agents du SMUR, (mémoire, pages 5 et 8) ; que, dès lors, en se déterminant par la circonstance que les faits dénoncés par le plaignant étaient constitutifs d'une contravention, pour en déduire qu'il n'était pas recevable, en application de l'article 79 du code de procédure pénale, à solliciter l'ouverture d'une information pénale, sans répondre à ces chefs péremptoires du mémoire de l'exposant faisant valoir qu'au moins trois des circonstances aggravantes prévues à l'article 222-13 du code pénal étaient en l'espèce réunies, ce qui, indépendamment de la durée de l'incapacité totale de travail causée par les violences litigieuses, était de nature à caractériser un des délits prévus par ce dernier texte et non la contravention de l'article R. 624-1 du même code, la chambre de l'instruction a violé l'article 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 85 et 593 du code de procédure pénale :
6. Il résulte du premier de ces textes que toute personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit peut en portant plainte se constituer partie civile devant le juge d'instruction compétent.
7. Tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
8. Pour confirmer l'irrecevabilité de la plainte avec constitution de partie civile de M. [M], la chambre de l'instruction retient que l'intéressé, qui dénonce des faits constitutifs d'une contravention, ne peut, par une constitution de partie civile, provoquer l'ouverture d'une information, droit réservé, par l'article 79 du code de procédure pénale, au procureur de la République.
9. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction, dont la décision équivalait, d'ailleurs, à un refus d'informer hors des cas limitativement prévus par l'article 86, alinéa 4, du code de procédure pénale, a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés, et n'a pas justifié sa décision.
10. En effet, d'une part, la plainte dénonçait des faits de violences susceptibles d'être aggravés a minima par la circonstance de pluralité d'auteurs, pouvant entraîner une qualification délictuelle sur le fondement de l'article 222-13 du code pénal, et la chambre de l'instruction ne pouvait se prononcer, sans instruction préalable, sur le caractère délictuel ou contraventionnel des faits dénoncés.
11. D'autre part, la chambre de l'instruction n'a pas répondu au mémoire régulièrement déposé devant elle par le plaignant, qui soutenait notamment que les circonstances aggravantes prévues à l'article 222-13, 2°, 7° et 8° du code pénal étaient constituées lors de son agression.
12. La cassation est dès lors encourue.
Crim. 10 janvier 2023 n° 22-82.733
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° H 22-82.733 F-D
N° 00028
MAS2 10 JANVIER 2023
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 10 JANVIER 2023
M. [V] [X] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 6 avril 2022, qui, dans l'information suivie contre lui du chef d'infractions à la législation sur les stupéfiants en récidive, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure.
Par ordonnance en date du 27 juin 2022, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Ménotti, conseiller, les observations de Me Laurent Goldman, avocat de M. [V] [X], et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Ménotti, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 12 mars 2021, les services de police, munis d'un mandat de recherche et d'un mandat d'arrêt visant M. [V] [X], se sont rendus dans un appartement où ils ont été reçus par la personne recherchée et sa compagne, Mme [P] [Y].
3. Constatant que trois pains de résine de cannabis se trouvaient posés bien en vue sur le plan de travail de la cuisine, les enquêteurs ont procédé à une saisie incidente et, agissant en flagrance, ont effectué une perquisition dans l'appartement, en la seule présence de Mme [Y], M. [X] ayant quitté les lieux avec les enquêteurs venus pour l'exécution des mandats. C'est dans ces conditions que les policiers ont découvert d'autres produits stupéfiants dans différents endroits de l'appartement qu'ils ont présentés à Mme [Y], laquelle a assisté à la pesée des produits, mais n'a pas signé le procès-verbal.
4. A la suite de l'information ouverte le 26 mars 2021, M. [X] a été mis en examen le 7 octobre suivant du chef précité.
5. Il a déposé une requête en nullité le 16 décembre suivant.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a écarté la nullité de la perquisition réalisée à son domicile, alors :
« 1°/ que les opérations de perquisition sont faites en présence de la personne au domicile de laquelle la perquisition a lieu ; qu'il résulte de la procédure que Mme [Y], en la seule présence de laquelle s'est déroulée la perquisition, après que M. [X], domicilié dans les lieux, ait été emmené par les fonctionnaires de police, était domiciliée dans un autre lieu,
de sorte qu'en retenant, pour tenir la perquisition pour régulière, qu'elle était occupante des lieux perquisitionnés et donc légitime à assister aux opérations de perquisition, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 57 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que les opérations de perquisition sont faites en présence de chaque personne domiciliée au lieu auquel la perquisition a lieu ; qu'en refusant d'annuler la perquisition réalisée hors sa présence au domicile de M. [X], emmené par les fonctionnaires de police avant le début de celle-ci, la chambre de l'instruction a méconnu l'article 57 du code de procédure pénale ;
3°/ qu'à peine de nullité, le procès-verbal de perquisition doit être signé par la personne au domicile de laquelle les opérations ont eu lieu ; qu'en retenant, pour écarter la nullité du procès-verbal de perquisition, qui n'avait pas été signé par Mme [Y], présente lors des opérations, que cette formalité ne serait pas prévue à peine de nullité, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 57 et 59 du code de procédure pénale ;
4°/ que l'absence de signature du procès-verbal de perquisition cause nécessairement un grief au requérant qui conteste la présence, à son domicile, des objets qui y ont été saisis ; qu'en retenant, pour écarter la nullité du procès-verbal de perquisition non signé par Mme [Y], que M. [X], qui contestait la présence à son domicile des objets saisis, ne justifierait pas d'une atteinte à ses intérêts puisque la perquisition avait été menée en présence de sa compagne, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 57, 59, 171 et 802 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches
7. Pour rejeter les griefs pris de l'absence de M. [X] lors de la perquisition effectuée à son domicile, l'arrêt attaqué énonce que les opérations ont eu lieu en présence de Mme [Y], compagne de M. [X], qui était au même titre que ce dernier occupante des lieux et donc légitime à assister aux opérations.
8. En statuant ainsi, et dès lors qu'il suffisait de recueillir l'assentiment de l'un des occupants des lieux, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application des dispositions visées au moyen.
9. Les griefs peuvent être écartés.
Mais sur le premier moyen, pris en ses troisième et quatrième branches
Vu l'article 57 du code de procédure pénale :
10. Il résulte de ce texte que le procès-verbal de perquisition doit être signé par la personne ayant assisté aux opérations.
11. Pour écarter l'argumentation de la défense tendant à voir déclarer nulle la perquisition effectuée le 12 mars 2021 en raison de l'absence de M. [X] lors des opérations et du défaut de signature de Mme [Y] sur le procès-verbal, l'arrêt attaqué énonce, d'une part, que la compagne de M. [X] était occupante des lieux au même titre que lui, et donc légitime à assister aux opérations de perquisition, et, d'autre part, que M. [X] ne justifie pas de l'atteinte portée à ses intérêts du fait de l'absence de signature de Mme [Y] sur le procès-verbal de perquisition.
12. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.
13. En effet, M. [X], comme toute partie, a qualité pour invoquer la méconnaissance de la formalité prise de l'absence de signature du procès-verbal de perquisition et saisie.
14. Par ailleurs, il est bien fondé à invoquer un grief résultant du défaut de signature du procès-verbal de perquisition dès lors qu'il a contesté la découverte des produits stupéfiants lors de son interrogatoire de première comparution.
Crim. 10 janvier 2023 n° 22-82.879
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° R 22-82.879 F-D
N° 00034
MAS2 10 JANVIER 2023
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 10 JANVIER 2023
M. [N] [I], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, en date du 15 février 2022, qui, dans l'information suivie sur sa plainte contre personne non dénommée, des chefs de discrimination, atteinte à la liberté individuelle, soustraction, détournement ou destruction de biens, traite d'êtres humains, soumission d'une personne vulnérable ou dépendante à des conditions d'hébergement indignes, a déclaré sans objet sa demande de mesure d'instruction.
Un mémoire personnel et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Seys, conseiller, et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Seys, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 29 mars 2021, M. [N] [I] a porté plainte et s'est constitué partie civile des chefs susvisés.
3. Par ordonnance du 12 mai suivant, le juge d'instruction a constaté le dépôt de la plainte avec constitution de partie civile.
4. Par déclaration du même jour, au visa de l'article 82-1 du code de procédure pénale, M. [I] a sollicité son audition.
5. Par requête enregistrée le 28 juin 2021, sur le fondement de l'article 81, alinéa 10, du code de procédure pénale, M. [I] a saisi directement la chambre de l'instruction de la demande précitée.
6. Postérieurement à cette saisine, le juge d'instruction a constaté l'irrecevabilité de la constitution de partie civile de M. [I], par une décision qui est frappée d'appel.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
7. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
8. Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir dit la requête en saisine directe sans objet, au motif que le juge d'instruction a rendu le 5 janvier 2022 une ordonnance d'irrecevabilité de constitution de partie civile, alors que cette plainte avait été précédée de plusieurs autres, adressées au procureur de la République, et que l'ordonnance précitée a été frappée d'appel.
Réponse de la Cour
Vu l'article 186, alinéa 2, du code de procédure pénale :
9. Il se déduit de ce texte que l'appel de la partie civile contre une ordonnance d'irrecevabilité de constitution de partie civile a un effet suspensif.
10. Pour dire, le 15 février 2022, sans objet la requête de M. [I] aux fins d'audition par le juge d'instruction, l'arrêt attaqué, après l'avoir déclarée recevable, énonce que ce magistrat avait rendu, le 5 janvier 2022, une ordonnance d'irrecevabilité de constitution de partie civile.
11. En se déterminant ainsi, alors que M. [I] avait, comme il le mentionnait dans son mémoire régulièrement déposé, relevé appel le 10 janvier 2022 de cette décision, qui, de ce fait, n'était pas définitive, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.
12. La cassation est par conséquent encourue.
Crim. 10 janvier 2023 n° 21-86.240
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° Y 21-86.240 F-D
N° 00033
MAS2 10 JANVIER 2023
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 10 JANVIER 2023
La société [1] et la caisse de retraite du personnel navigant de l'aéronautique civile, partie civile, ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-13, en date du 21 octobre 2021, qui, pour travail dissimulé, prêt illicite de main d'oeuvre, marchandage et discrimination, a condamné, la première, à 100 000 euros d'amende, a ordonné une mesure de confiscation et a prononcé sur les intérêts civils.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de M. Maziau, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société [1], les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la caisse de retraite du personnel navigant de l'aéronautique civile, et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Maziau, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le 29 décembre 2005, [H] [D], pilote d'hélicoptère, depuis décédé, a porté plainte et s'est constitué partie civile des chefs de travail dissimulé, marchandage de main d'oeuvre et discrimination, en exposant qu'ayant signé un contrat de travail avec la société [2] dont le siège social est situé à Jersey, il avait été débouté par le conseil de prud'hommes d'une action tendant à constater que la société [1] avait été son réel employeur et à réparer les conséquences de son licenciement qualifié d'abusif.
3. Par ordonnance en date du 18 janvier 2017, le juge d'instruction a renvoyé cette dernière société devant le tribunal correctionnel des chefs susvisés.
4. Par jugement du 9 avril 2018, le tribunal correctionnel a, sur l'action publique, rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société prévenue, requalifié
5. Statuant sur l'action civile, le tribunal correctionnel a déclaré recevable la constitution de partie civile de la caisse de retraite du personnel navigant de l'aéronautique civile (CRPN) et a condamné la société [1] à réparer tant son préjudice moral que son préjudice matériel, apprécié à 2 043 301 euros, sur la base des cotisations dues au titre de l'affiliation obligatoire de quatorze pilotes.
6. La société [1], la CRPN et le ministère public, notamment, ont relevé appel de cette décision.
Sur les premier, troisième, quatrième et cinquième moyens proposés pour la société [1]
7. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le deuxième moyen proposé pour la société [1]
Enoncé du moyen
8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré la société [1] coupable des chefs de prêt illicite de main d'oeuvre, de travail clandestin par dissimulation de salariés et de marchandage, alors :
« 1°/ que l'interdiction de cumuler les qualifications lors de la déclaration de culpabilité s'applique aux cas où un fait ou des faits identiques sont en cause et où l'une des qualifications, telle qu'elles résultent des textes d'incrimination, correspond à un élément constitutif ou une circonstance aggravante de l'autre, qui seule doit alors être retenue ; que le délit de prêt illicite de main d'oeuvre est un élément constitutif du délit de marchandage ; qu'en condamnant la société [1] du chef de ces deux infractions, la cour d'appel a méconnu les articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 4 du protocole n° 7 additionnel à la même Convention, l'article 14-7 du Pacte international de New-York relatif aux droits civils et politiques, ensemble le principe ne bis in idem ;
2°/ que l'interdiction de cumuler les qualifications lors de la déclaration de culpabilité s'applique aux cas où un fait ou des faits identiques sont en cause et où l'une des qualifications retenues, dite spéciale, incrimine une modalité particulière de l'action répréhensible sanctionnée par l'autre infraction, dite générale ; que les délits de prêt illicite de main d'oeuvre et de marchandage constituent des qualifications spéciales incriminant une modalité particulière du travail clandestin par dissimulation de salarié ; qu'en condamnant la société [1] du chef de ces trois infractions, la cour d'appel a méconnu les articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 4 du protocole n° 7 additionnel à la même Convention, l'article 14-7 du Pacte international de New-York relatif aux droits civils et politiques, ensemble le principe ne bis in idem. »
Réponse de la Cour
9. Par arrêt du 15 décembre 2021, la Cour de cassation a jugé que le moyen, qui invoque pour la première fois devant elle la violation du principe ne bis in idem en cas de poursuites concomitantes, est irrecevable (Crim., 15 décembre 2021, pourvoi n° 20-85.924, publié au Bulletin).
10. Cette règle ne méconnaît ni l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme qui est étranger aux règles de recevabilité des moyens devant la Cour de cassation ni l'article 6 de ladite convention, l'irrecevabilité devant cette juridiction des moyens nouveaux qui ne sont pas d'ordre public et qui ne naissent pas de l'arrêt attaqué n'apportant pas une limitation excessive au droit d'accès des requérants à un tribunal.
11. Il s'ensuit que le moyen est irrecevable.
Sur le septième moyen proposé pour la société [1]
Enoncé du moyen
12. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré recevable la constitution de partie civile de la CRPN, alors « que l'affiliation à la CRPN suppose l'affiliation à l'URSSAF ; que la cassation à intervenir sur le deuxième moyen résultant de ce que les salariés de la société [2] n'avaient pas à s'affilier à l'URSSAF entraînera la cassation par voie de conséquence sur le présent moyen. »
Réponse de la Cour
13. Il se déduit du rejet du deuxième moyen que ce moyen ne peut être accueilli.
Mais sur le sixième moyen proposé pour la société [1]
Enoncé du moyen
14. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement déféré sur la peine complémentaire de confiscation des scellés et objets saisis, alors « que hormis le cas où la confiscation, qu'elle soit en nature ou en valeur, porte sur un bien qui, dans sa totalité, constitue le produit de l'infraction, le juge, en ordonnant une telle mesure, doit apprécier le caractère proportionné de l'atteinte portée au droit de propriété de l'intéressé lorsqu'une telle garantie est invoquée ou procéder à cet examen d'office lorsqu'il s'agit d'une confiscation de tout ou partie du patrimoine ; qu'il incombe en conséquence au juge qui décide de confisquer un bien, après s'être assuré de son caractère confiscable en application des conditions légales, de préciser la nature et l'origine de ce bien ainsi que le fondement de la mesure et, le cas échéant, de s'expliquer sur la nécessité et la proportionnalité de l'atteinte portée au droit de propriété du prévenu ; qu'en confirmant le jugement déféré sur la peine complémentaire de confiscation des scellés et objets saisis sans préciser à quel titre ces biens ont été confisqués, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure de s'assurer que les exigences de motivation rappelées ci-dessus ont été respectées, n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 131-21 du code pénal ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1er du Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, 131-21 du code pénal et 593 du code de procédure pénale :
15. Il résulte des deux premiers de ces textes qu'hormis le cas où la confiscation, qu'elle soit en nature ou en valeur, porte sur un bien qui, dans sa totalité, constitue le produit ou l'objet de l'infraction, le juge, en ordonnant une telle mesure, doit apprécier le caractère proportionné de l'atteinte portée au droit de propriété de l'intéressé lorsqu'une telle garantie est invoquée ou procéder à cet examen d'office lorsqu'il s'agit d'une confiscation de tout ou partie du patrimoine.
16. Il incombe en conséquence au juge qui décide de confisquer un bien, après s'être assuré de son caractère confiscable au regard des conditions légales, de préciser la nature et l'origine de ce bien ainsi que le fondement de la mesure et, le cas échéant, de s'expliquer sur la nécessité et la proportionnalité de l'atteinte portée au droit de propriété du prévenu.
17. En application du dernier de ces textes, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
18. En confirmant, sans aucun motif, une confiscation des scellés et objets saisis ordonnée par le jugement, lui-même dépourvu de motivation, les juges n'ont pas mis la Cour de cassation en mesure de s'assurer que les exigences de motivation rappelées ci-dessus ont été respectées.
19. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Et sur le moyen unique proposé pour la CRPN
Enoncé du moyen
20. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a débouté la CRPN de sa demande de réparation du préjudice matériel causé par les délits de travail dissimulé par dissimulation de salariés, prêt illicite de main d'oeuvre et marchandages à l'encontre de la société [1], alors :
« 1°/ que la victime d'une infraction a droit à la réparation du préjudice personnel directement causé par l'infraction ; que l'action civile est recevable pour tous chefs de dommages, aussi bien matériels que corporels ou moraux, qui découleront des faits objets de la poursuite ; qu'il appartient aux juridictions du fond de réparer, dans les limites des conclusions des parties, le préjudice dont elles reconnaissent le principe et d'en rechercher l'étendue ; qu'à la suite de la condamnation de la société [1] pour travail dissimulé par dissimulation de salariés, prêt illicite de main d'oeuvre et marchandage, pour n'avoir pas payé les cotisations dues aux organismes sociaux pour les pilotes qui travaillaient pour elle, sous couvert d'une société étrangère, le tribunal correctionnel l'a condamnée à réparer tant le préjudice moral que le préjudice matériel causé à la CRPN par la perte de cotisations dues au titre de l'affiliation obligatoire des pilotes salariés à ladite caisse ; que, sur appel des prévenus comme de la CRPN contestant l'évaluation de son préjudice, la cour d'appel a infirmé partiellement le jugement entrepris, en estimant que la caisse ne pouvait prétendre à l'indemnisation d'un préjudice correspondant aux cotisations éludées, n'étant pas dans la même situation que les URSSAF ; que dès lors qu'il résulte des articles L. 426-1 du code de l'aviation civile et L. 6527-1 du code des transports lui ayant succédé que les pilotes d'aéronefs salariés sont obligatoirement affiliés à la CRPN qui perçoit les cotisations dues à ce titre et qu'elle constatait que « si [la société [1]] avait accompli les formalités, la CRPN aurait bénéficié de l'allocation obligatoire des salariés concernés et aurait perçu les cotisations » (arrêt, p. 32, §4), préjudice résultant directement du délit de travail dissimulé, en refusant d'indemniser la caisse pour la perte de ces cotisations, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations en violation des articles 1382 (devenu 1240) du code civil, 2, 3 et 464 du code de procédure pénale et L. 426-1 du code de l'aviation civile, transféré à l'article L. 6527-1 du code des transports ;
2°/ que, toute personne a droit à la réparation du préjudice personnel causé directement par l'infraction, peu important son statut ; qu'en refusant d'indemniser la CRPN aux motifs que cette caisse n'est pas dans la même situation que les URSSAF n'ayant pas de pouvoir de contrôle et de sanction, n'étant pas chargée d'une mission de service public et n'ayant pas de prérogative de puissance publique, quand le défaut de mission de service public ou de prérogatives de puissance publique que constitue le pouvoir de contrôle n'était pas de nature à exclure le préjudice matériel causé par la perte de cotisations qu'elle constatait et le droit à réparation qui en découlait, la cour d'appel a violé les articles 1382 (devenu 1240) du code civil, 2, 3 et 464 du code de procédure pénale et L. 426-1 du code de l'aviation civile, transféré à l'article L. 6527-1 du code des transports ;
3°/ que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ; que pour refuser l'indemnisation du préjudice correspondant au non-paiement de cotisations qui étaient dues, la cour d'appel a relevé que « les cotisations qu'elle aurait reçues au titre de l'affiliation des ‘salariés' identifiés par la caisse dans sa demande, n'auraient pas donné lieu à des prestations en retour au profit des pilotes en question, au jour de leur accession à la retraite » ; qu'en privant la CRPN de la réparation du préjudice résultant de l'absence de perception des cotisations dues pour les salariés non déclarés, au motif que ces salarié ne pourraient pas percevoir la retraite complémentaire résultant d'une affiliation inexistante, préjudice éventuel des salariés distinct de celui causé à la CRPN consistant dans la perte de cotisations du fait d'une faute de l'employeur, qui, par conséquent, ne peut pas tirer profit d'une telle situation pour voir limiter l'indemnisation de ladite caisse, la cour d'appel a encore violé les articles 1382 (devenu 1240) du code civil, 2, 3 et 464 du code de procédure pénale ;
4°/ que les cotisations dues par l'employeur sont destinées à alimenter les ressources de la caisse de retraite, gérant un régime de sécurité sociale au bénéfice des salariés actuellement à la retraite et non au salarié cotisant actuellement ; que la caisse est tenue d'assurer l'équilibre de ses ressources ; qu'en prenant en considération le fait que le préjudice de la caisse ne serait pas établi dès lors que les salariés pour lesquels les cotisations ont été éludées n'y sont pas affiliés et ne pourraient en retour bénéficier des prestations qu'offre cette affiliation, quand un tel fait n'excluait pas l'atteinte à l'équilibre financier du régime de retraite complémentaire, les droits des salariés étant seulement éventuels au moment du paiement des cotisations et restant inférieurs aux cotisations éludées, la cour d'appel a encore violé les articles 1382 (devenu 1240) du code civil, 2, 3 et 464 du code de procédure pénale ;
5°/ qu'en refusant d'indemniser la CRPN, aux motifs que les salariés qui n'avaient pas cotisé ne bénéficieraient pas des droits liés aux cotisations éludées, sans répondre aux conclusions de la CRPN qui soutenaient que les droits éventuels des salariés dissimulés par la prévenue resteraient en tout état de cause inférieurs aux cotisations éludées, pour lesquelles le droit à réparation subsistait, la cour d'appel a encore violé les articles 1382 (devenu 1240) du code civil, 2, 3 et 464 du code de procédure pénale ;
6°/ que la caisse qui gère le régime de retraite complémentaire du personnel de navigation de l'aéronautique civile auquel l'affiliation est obligatoire, a une mission d'intérêt général selon l'article L. 6527-2 du code des transports ; qu'elle est placée sous la tutelle du ministre de la sécurité sociale, selon le même article ; que l'organisation de ladite caisse est déterminée par la loi, que la moitié de ses administrateurs sont nommés par arrêté du ministre chargé de l'aviation civile et que participe à ses délibérations un commissaire du gouvernement selon l'article R. 426-2 du code de l'aviation civile ; que les ministres de la sécurité sociale et du budget peuvent annuler ses délibérations selon l'article R. 426-2 du code de l'aviation civile ; que le mode de calcul des cotisations est fixé par voie réglementaire selon l'article L. 6527-4 du code des transports reprenant les dispositions antérieures de l'article L. 426-1 du Code de l'aviation civile ; que les article R. 426-6 et suivants du code de l'aviation civile fixent l'assiette et les taux de cotisation au régime de retraite complémentaire ; que les majoration de retard sont fixées conformément aux dispositions du code de la sécurité sociale, selon l'article L. 426-5 du code de l'aviation civile ; qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions, que la CRPN est une personne de droit privé chargée d'une mission de service public ; que ladite caisse dispose de prérogatives de puissance publique, en ce qu'elle est habilitée à percevoir des cotisations de personnes obligées de s'affilier, sans considération de tout lien contractuel avec elle et qu'elle est tenue, même si elle ne dispose d'aucun pouvoir d'enquête et de sanction portant sur les employeurs qui ne versent pas les cotisations dues et en ce qu'elle a droit à des majorations de retard dans les conditions prévues par la loi, aggravées en cas de travail dissimulé ; que dès lors, en jugeant que la CRPN ne peut prétendre aux mêmes droits que les URSSAF, aux motifs qu'elle ne serait pas une personne chargée d'une mission de service public et n'aurait pas prérogatives de puissance publique, la cour d'appel a méconnu les articles L. 6527-1 et suivants du code des transports (antérieurement, L. 426-1 et suivants) et les article R. 426-2 à R. 426-10 du code de l'aviation civile ;
7°/ que serait-il considéré que la CRPN n'a pas de prérogatives de puissance publique, qu'elle n'en conservait pas moins le droit à l'indemnisation de son préjudice causé par le non-paiement des cotisations obligatoires, du fait de l'atteinte à la mission d'intérêt général qui lui est confiée ; que, dès lors, la cour d'appel a de plus ample méconnu les articles L. 6527-2 du code des transports, 1382 (devenu 1240) du code civil, 2 et 3 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 2 et 3 du code de procédure pénale et 1240 du code civil :
21. Il résulte des deux premiers de ces textes que le droit à réparation appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage, matériel ou moral, découlant des faits, objet de la poursuite.
22. En vertu du troisième, le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties.
23. Pour écarter la demande de la CRPN tendant à voir fixer son préjudice matériel à la somme de 12 707 888 euros, calculé sur la base des cotisations qu'elle aurait dû percevoir pendant la période de prévention, sur la base des rémunérations versées aux pilotes, telles qu'attestées par les virements bancaires effectués par la société [2], l'arrêt attaqué énonce que la société [1] a été déclarée coupable de faits de travail clandestin par dissimulation de salariés pour ne pas avoir effectué les déclarations obligatoires auprès des organismes de sécurité sociale notamment l'URSSAF.
24. Les juges observent que la CRPN étant une caisse de retraite, elle est susceptible de percevoir des cotisations mais aussi de servir en retour des prestations.
25. Ils en déduisent que les cotisations qu'elle aurait reçues au titre de l'affiliation des « salariés » identifiés par la caisse dans sa demande, n'auraient pas donné lieu à des prestations en retour au profit des pilotes en question, au jour de leur accession à la retraite.
26. Ils ajoutent que la CRPN n'est pas dans la même situation que le réseau des vingt-deux URSSAF régionales, réseau qui constitue le moteur du système de protection sociale avec pour mission principale la collecte des contributions sociales, sources de financement du régime général de la sécurité sociale.
27. Ils précisent à cet égard que si chaque URSSAF, investie de missions de contrôle, d'information et de prévention, dont les agents sont non seulement assermentés mais tenus au secret professionnel, constitue un organisme de droit privé chargé d'une mission de service public et investi à cette fin de prérogatives de puissance publique, qui l'habilitent à solliciter du juge pénal le paiement à titre de dommages-intérêts des cotisations éludées, la CRPN n'est pas une personne privée chargée d'une mission de service public et n'est nullement investie des prérogatives de puissance publique propres aux URSSAF.
28. En prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.
29. En effet, la CRPN, qui est investie par la loi de la mission d'intérêt général de percevoir les cotisations du régime complémentaire obligatoire de retraite des pilotes salariés, peu important qu'elle dispose ou non de prérogatives de puissance publique, justifie d'un préjudice résultant directement du défaut de paiement desdites cotisations que la société [1] aurait dû acquitter si elle avait régulièrement déclaré, en qualité de salariés, les pilotes qu'elle a employés.
30. La cassation est par conséquent de nouveau encourue.
Examen de la demande fondée sur l'article 618-1 du code de procédure pénale
31. Les dispositions de ce texte sont applicables en cas de rejet du pourvoi, qu'il soit total ou partiel. La déclaration de culpabilité de la société [1] des chefs susvisés étant devenue définitive, par suite de la non-admission des deuxième, troisième, quatrième et cinquième moyens de cassation proposés pour la société prévenue, il y a lieu de faire partiellement droit à la demande de la CRPN.
Crim. 10 janvier 2023 n° 21-85.524
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° V 21-85.524 F-D
N° 00031
MAS2 10 JANVIER 2023
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 10 JANVIER 2023
Les sociétés [6], [4], [3], [5], [8] et [9] Group ont formé des pourvois contre l'ordonnance n° 57 du premier président de la cour d'appel de Paris, en date du 15 septembre 2021, qui a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes à effectuer des opérations de visite et de saisie en vue de rechercher la preuve de pratiques commerciales prohibées.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Un mémoire, commun aux demandeurs, un mémoire en défense et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Seys, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat des sociétés [6], [4], [3], [5], [8] et [9] Group, les observations de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat du ministre chargé de l'économie, et les conclusions de M. Lemoine, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Seys, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'ordonnance attaquée et des pièces de procédure ce qui suit.
2. La société [9] Group a notamment pour filiales les sociétés [8], [6], [5], [4] et [3] (sociétés [9]), dont les activités s'exercent dans le domaine des assurances affinitaires (extensions de garantie), de l'abonnement à des programmes d'avantages, de la création de sites internet, et des services événementiels.
3. Sur demande du ministre chargé de l'économie, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a, le 8 septembre 2020, ouvert une enquête portant sur l'existence de pratiques commerciales trompeuses réprimées par les articles L. 121-2 et suivants du code de la consommation dans les secteurs d'activité susvisés.
4. Saisi par requête du 9 septembre 2020, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Paris, par ordonnance du 11 septembre suivant, au visa des articles L. 512-51 et suivants du code de la consommation, a autorisé le service national d'enquêtes (SNE) de la DGCCRF à pratiquer, avant le 15 novembre 2020, des opérations de visite et de saisie dans les locaux des sociétés [9] et de toutes celles du même groupe situées aux mêmes adresses, d'une part, [Adresse 2], d'autre part, [Adresse 1] à [Localité 7] (26), adressant délégation, à cette fin, au juge compétent du tribunal judiciaire de Valence.
5. Trois autres ordonnances ont été prises, à la suite, une première, le 21 septembre 2020, par le magistrat commis, une deuxième, rectificative, le 24 septembre suivant, par ce même juge, une troisième, rectificative, le 29 octobre 2020, par le magistrat saisi initialement, aux fins de prorogation du délai susvisé et désignation d'officiers de police judiciaire pour l'exploitation des données et documents saisis.
6. Les opérations de visite et de saisie se sont déroulées dans l'ensemble des locaux visés, les 24 et 25 septembre 2020.
7. Les sociétés [9] ont chacune relevé appel des quatre ordonnances ci-dessus.
Examen des moyens
Sur les premier et cinquième moyens
Enoncé des moyens
8. Le premier moyen critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a confirmé en toutes leurs dispositions les ordonnances rendues les 11 septembre et 29 octobre 2020 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Paris ainsi que celles rendues les 21 et 24 septembre 2020 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Valence, alors :
« 1°/ qu'en se bornant, pour rejeter les moyens tirés de la déloyauté des éléments produits par l'administration afin de justifier les visites et saisies ordonnées, à exercer un contrôle strictement formel de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention et ainsi relever que « le JLD affirme que les pièces présentées à l'appui de la requête (?) ont une origine apparemment licite et qu'elles peuvent être utilisées pour la motivation de la présente ordonnance » et qu' « il en résulte que le juge a effectué le contrôle conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation » (ordonnance attaquée, p. 23, in fine) ou encore que « le JLD s'est donc assuré que les agissements reprochés sont distincts de ceux inclus dans le périmètre de la transaction » (ordonnance attaquée, p. 24, 1er §), sans rechercher lui-même si la demande d'autorisation des visites était fondée, notamment en s'interrogeant sur l'apparence de licéité des pièces présentées à l'appui de celle-ci comme il le lui était demandé (conclusions, pp. 22-38), le premier président a méconnu son office de juge d'appel et a violé les articles L. 512-52 et L. 512-63 du code de la consommation, 561 du code de procédure civile, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ qu'en se bornant, pour rejeter le grief d'absence de justification et de nécessité des visites et saisies ordonnées, à exercer un contrôle strictement formel de l'ordonnance du JLD et ainsi relever que « le JLD dans sa décision précise « les agissements ont certainement été préparés selon des modalités secrètes et les documents nécessaires à la preuve de ceux-ci sont vraisemblablement conservés dans des lieux et sous une forme qui facilitent leur dissimulation ou leur destruction en cas de contrôle » » (ordonnance attaquée, p. 26, 2e §) pour immédiatement juger « qu'il en résulte que l'ordonnance du JLD du 11 septembre 2020 autorisant les visites domiciliaires était pleinement justifiée eu égard aux objectifs recherchés » (ibid.), sans rechercher lui-même si la demande d'autorisation des visites était fondée comme il le lui était demandé (conclusions, pp. 75-81), le premier président a méconnu son office de juge d'appel et a violé les articles L. 512-52 et L. 512-63 du code de la consommation, 561 du code de procédure civile, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
9. Le cinquième moyen critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a confirmé en toutes leurs dispositions les ordonnances rendues les 11 septembre et 29 octobre 2020 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Paris ainsi que celles rendues les 21 et 24 septembre 2020 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Valence, alors :
« 1°/ qu'en se bornant à constater, de manière inopérante, que les sociétés font partie d'un même groupe, pour dire que « les preuves et éléments fournis par l'administration sont suffisants pour justifier des opérations de visite et de saisie, et cela à l'encontre de l'ensemble des sociétés du groupe » (ordonnance attaquée, p. 26, in limine), sans caractériser de présomptions d'existence de l'infraction reprochée à l'encontre de chacune des sociétés du groupe, le premier président a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 512-52 du code de la consommation ;
2°/ qu'en retenant que « le Premier Président, statuant en appel, apprécie l'existence des présomptions de fraude, sans être tenu de s'expliquer autrement sur la proportionnalité de la mesure qu'il confirmait » (ordonnance attaquée, p. 26, 3ème §) pour rejeter la demande des exposantes en ce sens, le premier président a violé, par refus d'application, l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme, ensemble l'article L. 512-52 du code de la consommation. »
Réponse de la Cour
10. Les moyens sont réunis.
11. Pour confirmer l'ordonnance du juge des libertés et de la détention, l'ordonnance attaquée recense les éléments exposés dans la requête du SNE et détaille les secteurs d'activité visés par celle-ci.
12. Le premier président précise notamment qu'une précédente enquête, diligentée courant 2018, clôturée par une transaction signée le 5 juin 2019 avec les seules sociétés [8] et [5], filiales de la société [9] Group, a mis en évidence l'existence d'une méthode de vente trompeuse, ayant pour objectif d'amener les clients à acquérir, auprès de partenaires commerciaux, des produits dont l'acquisition était liée à des assurances affinitaires, commercialisées par les sociétés mises en cause.
13. Il relève que de nombreuses réclamations ont été formulées par des particuliers, dénonçant la poursuite de prélèvements bancaires sur leurs comptes malgré les demandes de résiliation faites auprès de l'une ou l'autre des sociétés susvisées.
14. Il observe qu'à l'occasion des investigations menées en 2018, a été découvert un protocole, en vigueur dans ces entreprises, définissant quatre niveaux de réclamations, seules celles de niveau quatre devant être traitées, les autres devant être ignorées ou différées selon divers procédés.
15. Après avoir exposé les liens capitalistiques et logistiques étroits entre les sociétés visées par la requête, il retient que, selon les éléments fournis par l'administration, tenant notamment à l'analyse de l'activité économique des entreprises concernées, d'une part, ce mode opératoire était susceptible d'être employé par les autres filiales de la société [9] Group, à savoir les sociétés [6], [4] et [3], d'autre part, de nouvelles réclamations, en nombre, dont il reprend certaines, à titre d'illustration, étaient parvenues à l'administration, postérieurement à la transaction susvisée.
16. Reprenant les motifs de l'ordonnance contestée, il ajoute que le premier juge, après analyse in concreto de la requête, a considéré que les éléments de preuve fournis étaient apparemment licites. Il relève que les pièces issues des précédents contrôles de 2018 et visées dans l'ordonnance contestée pouvaient être utilisées pour les nécessités de la seconde enquête.
17. Il observe enfin que l'administration n'est pas tenue de s'expliquer sur son choix de recourir à la procédure prévue aux articles L. 512-51 et suivants du code de la consommation, qui n'a pas de caractère subsidiaire.
18. Il se déduit de ce qui précède que le premier président, procédant à un examen des motifs retenus par le premier juge, a recensé les éléments produits par l'administration, relevé leur apparente licéité, décrit les secteurs d'activité concernés, constaté l'existence d'un faisceau d'indices de la mise en oeuvre de pratiques illicites, dont il a donné une description, par chacune des sociétés mises en cause.
19. En l'état de ces seuls motifs, exempts d'insuffisance comme de contradiction, le premier président, qui a répondu aux moyens péremptoires des conclusions dont il était saisi, a, sans méconnaître les principes conventionnels et légaux invoqués, souverainement apprécié, à partir de l'ensemble des éléments qui lui étaient soumis, d'une part, l'existence de présomptions d'agissement illicites à l'encontre de chacune des sociétés mises en cause, justifiant la mesure autorisée, d'autre part, la nécessité de celle-ci, en considération des impératifs de lutte contre de telles pratiques.
20. Les moyens seront donc écartés.
Sur le deuxième moyen
Énoncé du moyen
21. Le moyen critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a confirmé en toutes leurs dispositions les ordonnances rendues les 11 septembre et 29 octobre 2020 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Paris ainsi que celles rendues les 21 et 24 septembre 2020 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Valence, alors « qu'en retenant, pour considérer que les pièces n° 8 et 15 à 19 visées par le juge des libertés et de la détention n'étaient entachées d'aucune nullité, que les enquêtes de 2018 et 2020 étaient distinctes (ordonnance attaquée, p. 25, 2ème §), sans répondre au moyen tiré de ce que le périmètre de la transaction incluait les faits relatifs au traitement des demandes de résiliation, au regard notamment du procès-verbal d'infraction univoque du 5 mars 2019 (conclusions, p. 28, 29 et 30), de sorte que l'ordonnance ne pouvait autoriser des mesures d'enquête en vue d'établir l'existence d'infractions à l'encontre desquelles aucune poursuite n'était plus possible, sauf à violer l'effet extinctif de l'action publique attaché à la transaction, le premier président a méconnu l'article 593 du code de procédure pénale, ensemble les articles L. 523-4 et L. 523-1 du code de la consommation et L. 310-6-1 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
22. Pour écarter le grief pris de ce que l'objet des investigations autorisées recouvrait en partie celui des précédentes, menées en 2018 et ayant abouti à une transaction, l'ordonnance attaquée, après avoir énoncé que les réclamations visées par la requête du SNE étaient postérieures à ladite transaction, précise que ces deux enquêtes ne portaient pas sur les mêmes pratiques commerciales.
23. Le premier président relève en effet que la première enquête portait sur le délit de pratiques commerciales trompeuses constituées par le discours déloyal mis en place pour faire souscrire par les consommateurs un contrat d'assurances proposé par la société [8] ou d'abonnement à un programme de fidélité proposé par la société [5], alors que la seconde enquête concerne des soupçons de pratiques commerciales trompeuses sur le traitement des demandes de résiliation des consommateurs de tout ou partie d'un contrat portant sur diverses prestations de services offertes par le groupe [8].
24. En se déterminant ainsi, le premier président, qui a répondu aux moyens péremptoires des conclusions dont il était saisi, a suffisamment justifié sa décision.
25. Le moyen, qui de plus manque en fait en ce qui concerne les sociétés [6], [4] et [3], doit être écarté.
Sur le troisième moyen
Énoncé du moyen
26. Le moyen critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a confirmé en toutes leurs dispositions les ordonnances rendues les 11 septembre et 29 octobre 2020 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Paris ainsi que celles rendues les 21 et 24 septembre 2020 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Valence, alors « qu'en jugeant qu'aucune violation des principes directeurs du procès équitable ne pouvait être soulevée (ordonnance attaquée, p. 24), sans répondre au moyen péremptoire tiré de ce que l'administration aurait dissimulé les réclamations des consommateurs produites au soutien de sa demande d'autorisation des mesures de visite et de saisie, en méconnaissance du schéma de traitement qu'elle avait pourtant mis en place avec les sociétés exposantes et dans le but de diligenter de nouvelles poursuites à l'encontre des sociétés exposantes une fois la transaction exécutée par ces dernières (conclusions, pp. 22-25), le premier président n'a pas justifié sa décision et a violé l'article 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
27. Pour écarter le grief pris de la déloyauté de la DGCCRF dans l'administration de la preuve, l'ordonnance attaquée énonce que, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, le juge saisi a procédé à un contrôle de la licéité apparente des pièces et éléments produits par le SNE, afin de déterminer s'ils pouvaient être utilisés comme fondement de l'autorisation sollicitée.
28. Le premier président relève que les pièces concernées ont été annexées à la requête, qui en décrit la teneur, qu'elles sont mentionnées dans l'ordonnance contestée et que le premier juge, exposant leur contenu, a procédé à leur analyse.
29. Il ajoute que ce magistrat s'est par ailleurs assuré que les agissements reprochés sont distincts de ceux inclus dans le périmètre de la transaction.
30. En se déterminant ainsi, le premier président, qui a répondu aux moyens péremptoires des conclusions dont il était saisi, a suffisamment justifié sa décision.
31. Ainsi, le moyen ne peut être accueilli.
Sur le quatrième moyen
Énoncé du moyen
32. Le moyen critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a confirmé en toutes leurs dispositions les ordonnances rendues les 11 septembre et 29 octobre 2020 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Paris ainsi que celles rendues les 21 et 24 septembre 2020 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Valence, alors « que se trouve mise en cause au sens de l'article L. 512-64 du code de la consommation la personne visée par une demande d'autorisation de procéder dans ses locaux à des opérations de visite et de saisie sur le fondement de pièces saisies au cours d'une précédente visite domiciliaire effectuée chez un tiers ; qu'il en résulte que le procès-verbal et l'inventaire dressés à l'issue des opérations antérieures doivent être annexés tant à la requête qu'à l'ordonnance d'autorisation du juge des libertés et de la détention qui doit être notifiée au moment de la visite, assurant ainsi l'exercice du droit à un recours effectif de la personne mise en cause ; qu'en jugeant néanmoins régulières les ordonnances fondées sur des pièces saisies lors d'une précédente visite réalisée dans les locaux des sociétés [5], [8], [8] Group et [9] Group lorsque le droit au recours effectif des sociétés [6], [4] et [3] n'avait pas été effectivement garanti en l'absence de notification, au début des opérations de visite et de saisies du 24 septembre 2020, des ordonnances d'autorisation ainsi que des procès-verbaux et des inventaires relatifs aux opérations diligentées en octobre 2018, le premier président a violé les articles L. 512-64 du code de la consommation, 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme et 591 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
33. Pour écarter le grief pris de l'atteinte au droit à un recours effectif des sociétés mises en cause, l'ordonnance attaquée énonce que les diverses ordonnances des juges des libertés et de la détention ont été régulièrement notifiées aux occupants des lieux respectivement visés par ces décisions.
34. Le premier président ajoute qu'aucun texte n'impose à l'administration de notifier par ailleurs les pièces annexées à sa requête, auxquelles se réfère le premier juge saisi dans sa décision.
35. Il retient ensuite que les sociétés [6], [4] et [3] n'étaient pas concernées par la procédure de 2018.
36. C'est à tort que le premier président a jugé que les sociétés susvisées n'étaient pas concernées, dès lors que, visées par une demande d'autorisation de procéder dans leurs locaux à des opérations de visite et de saisie, présentée en 2020, fondée notamment sur des pièces saisies au cours d'une précédente visite domiciliaire effectuée en 2018 chez un tiers, elles se trouvaient mises en cause au sens des articles L. 512-52 et suivants du code de la consommation.
37. L'ordonnance attaquée n'encourt néanmoins pas la censure, pour les motifs qui suivent.
38. Le procès-verbal et l'inventaire dressés à l'issue d'opérations antérieures doivent être annexés tant à la requête qu'à l'ordonnance d'autorisation du juge des libertés et de la détention, qui doit être notifiée au moment de la visite, assurant ainsi l'exercice du droit à un recours effectif de la personne mise en cause.
39. Tel est le cas en l'espèce, car il se déduit des motifs de l'ordonnance attaquée, comme la Cour de cassation est en mesure de s'en assurer, que les pièces concernées (précédente ordonnance, procès-verbal et « protocole » saisi), annexées à la requête et décrites dans celle-ci, étaient visées dans l'ordonnance du juge des libertés et de la détention, qui en a, de plus, exposé la teneur dans sa décision.
40. Ainsi, le moyen n'est pas fondé.
41. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
Crim. 10 janvier 2023 n° 22-86.192
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° S 22-86.192 F-D
N° 00137
SL2 10 JANVIER 2023
CASSATION SANS RENVOI
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 10 JANVIER 2023
M. [GG] [U] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai, en date du 1er juin 2022, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs, notamment, d'importation de stupéfiants en bande organisée, infractions à la législation sur les stupéfiants et associations de malfaiteurs, en récidive, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant sa détention provisoire.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Dary, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [GG] [U], et les conclusions de M. Lemoine, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 janvier 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Dary, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. [GG] [U] a été mis en examen, notamment, des chefs susvisés, les 9 novembre 2019 et 20 août 2020 et placé en détention provisoire, dans le cadre de deux procédures distinctes qui ont été jointes par ordonnance du 21 juin 2021.
3. Par ordonnance du 3 mai 2022, le juge des libertés et de la détention, après avoir rejeté la demande de renvoi présentée par l'avocat de M. [U], a prolongé sa détention provisoire.
4. M. [U] a relevé appel de cette décision.
Sur le délai de transmission de la procédure à la Cour de cassation en violation de l'article 5, § 4, de la Convention européenne des droits de l'homme
5. Selon l'article 567-2 du code de procédure pénale, la chambre criminelle saisie d'un pourvoi contre un arrêt de la chambre de l'instruction rendu en matière de détention provisoire doit statuer dans les trois mois qui suivent la réception du dossier à la Cour de cassation, faute de quoi la personne mise en examen est mise d'office en liberté.
6. Si une telle sanction ne s'attache pas à l'éventuel dépassement du délai de vingt jours dans lequel, selon l'article 586 dudit code, le greffier doit mettre en état le dossier et le remettre au magistrat du ministère public, ni à l'exigence, résultant de l'article 587 du même code, que ce magistrat adresse immédiatement ledit dossier au procureur général près la Cour de cassation, lequel doit impérativement le transmettre dès qu'il lui parvient au greffe de la chambre criminelle, la personne mise en examen conserve le droit de déposer, à tout moment, une demande de mise en liberté, comme le prévoit l'article 148 de ce code, demande sur laquelle il doit être statué dans de brefs délais.
7. Il n'est pas allégué que tel n'aurait pas été le cas en l'espèce.
8. Il en résulte que le grief pris de la méconnaissance de l'article 5, § 4, de la Convention européenne des droits de l'homme doit être écarté.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité présentée par la défense et confirmé l'ordonnance du 3 mai 2022 par laquelle le juge des libertés et de la détention a prolongé la détention provisoire de Monsieur [U], alors :
« 1°/ que le juge des libertés et de la détention doit écarter, par une motivation suffisante, la demande de renvoi du débat contradictoire sollicitée par l'avocat de la personne mise en examen lorsque ce dernier fait état de son indisponibilité à la date initialement fixée pour le débat ; que méconnaît les droits de la défense, et en particulier le droit d'être assisté par le défenseur de son choix, la Chambre de l'instruction qui confirme l'ordonnance du juge des libertés et de la détention relative à la détention provisoire rendue à la suite d'une décision insuffisamment motivée d'une telle demande de report ; qu'au cas d'espèce, il résulte de la procédure et des propres constatations de la Chambre de l'instruction que le juge des libertés et de la détention était informé, dès le 27 avril 2022, soit cinq jours en amont de la tenue du débat contradictoire qui devait se tenir le 2 juin suivant et onze jours avant l'expiration du mandat de dépôt de Monsieur [U] le 8 juin 2022 à 24 heures, de l'indisponibilité de la défense ; qu'en retenant toutefois que la décision du juge des libertés et de la détention était suffisamment motivée, compte tenu de la nécessité de statuer dans les délais légaux, quand ce motif est inopérant à justifier le refus opposé par ce juge à la demande de renvoi, compte tenu du délai suffisant tant entre la demande et la date initialement fixée pour le débat qu'entre cette date et la date d'expiration du mandat de dépôt, la Chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 6, §3, c) de la Convention européenne des droits de l'Homme ;
2°/ que le juge des libertés et de la détention doit écarter, par une motivation suffisante, la demande de renvoi du débat contradictoire sollicitée par l'avocat de la personne mise en examen lorsque ce dernier fait état de son indisponibilité à la date initialement fixée pour le débat ; que méconnaît les droits de la défense, et en particulier le droit d'être assisté par le défenseur de son choix, la Chambre de l'instruction qui confirme l'ordonnance du juge des libertés et de la détention relative à la détention provisoire rendue à la suite d'une décision insuffisamment motivée d'une telle demande de report ; qu'au cas d'espèce, il résulte de la procédure et des propres constatations de la Chambre de l'instruction que le juge des libertés et de la détention était informé, dès le 27 avril 2022, soit cinq jours en amont de la tenue du débat contradictoire qui devait se tenir le 2 juin suivant et onze jours avant l'expiration du mandat de dépôt de Monsieur [U] le 8 juin 2022 à 24 heures, de l'indisponibilité de la défense ; qu'en retenant toutefois, pour dire la décision du juge des libertés et de la détention suffisamment motivée, que la défense n'avait pas démontré au juge des libertés et de la détention qu'elle n'avait pas été en mesure de le prévenir plus tôt de son indisponibilité, quand ce motif est inopérant à justifier le refus opposé par ce juge à la demande de renvoi, compte tenu du délai suffisant tant entre la demande et la date initialement fixée pour le débat qu'entre cette date et la date d'expiration du mandat de dépôt, la Chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 6, §3, c) de la Convention européenne des droits de l'Homme. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 6, § 3, c, de la Convention européenne des droits de l'homme et 593 du code de procédure pénale :
10. En vertu du premier de ces textes, tout accusé a droit notamment à se défendre lui-même ou avoir l'assistance d'un défenseur de son choix.
11. Aux termes du second, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
12. Pour rejeter le grief de nullité de l'ordonnance contestée, pris de l'insuffisance de la motivation du rejet de la demande de report du débat contradictoire, l'arrêt attaqué rappelle que, d'une part, le 12 avril 2022, l'avocat de M. [U] a été convoqué au débat contradictoire en vue de la prolongation de la détention provisoire de celui-ci, fixé au 2 mai suivant, d'autre part, par télécopie en date du 27 avril 2022, l'avocat a sollicité le renvoi du débat en raison de son indisponibilité, précisant qu'il serait disponible les 5 et 6 mai suivants, demande à laquelle le juge des libertés et de la détention a répondu, par courriel du 29 avril 2022, qu'au regard du délai de cinq jours ouvrables nécessaire à la convocation, il ne pouvait y faire droit.
13. Les juges relèvent, encore, que lors du débat contradictoire, M. [U], constatant l'absence de son avocat, a sollicité le report du débat auquel le juge des libertés et de la détention, dans son ordonnance de prolongation de la détention provisoire du 3 mai 2022, n'a pas fait droit, aux motifs de délais trop contraints pour permettre le renvoi et d'un manque d'anticipation de l'avocat, M. [U] n'acceptant d'être assisté que par l'avocat choisi et non par un autre membre de son cabinet.
14. Ils ajoutent que la décision du juge des libertés et de la détention a été motivée sur les seuls éléments invoqués par l'avocat dans sa télécopie du 27 avril 2022, en l'absence de tout justificatif, celui-ci n'ayant été produit que devant la chambre de l'instruction.
15. Les juges en concluent que le juge des libertés et de la détention, qui n'a d'autre obligation que d'apprécier la pertinence des motifs de la demande de report et qui, au vu de ceux retenus, a nécessairement procédé à la recherche d'une date de renvoi compatible à la fois avec les impératifs du service et les délais de procédure applicables, faisant alors le constat de l'impossibilité d'y faire droit, a ainsi régulièrement motivé sa décision et qu'il n'a été porté aucune atteinte aux droits de la défense ni au droit du justiciable d'être défendu par l'avocat de son choix.
16. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision pour les motifs qui suivent.
17. Le titre de détention expirant six jours après le débat contradictoire, celui-ci pouvait encore être reporté, sans qu'il y ait lieu d'observer à nouveau les formalités de l'article 114, alinéa 2, du code de procédure pénale, l'avocat du demandeur ayant été régulièrement convoqué pour la date initialement prévue.
18. Dès lors, la chambre de l'instruction ne pouvait, sans mieux s'en expliquer, approuver la motivation de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention qui faisait état de délais trop contraints et de l'absence de tout justificatif, pourtant produit devant elle.
19. La cassation est par conséquent encourue.
Portée et conséquences de la cassation
20. M. [U] doit être remis en liberté, sauf s'il est détenu pour autre cause.
21. Cependant, les dispositions de l'article 803-7, alinéa 1, du code de procédure pénale permettent à la Cour de cassation de placer sous contrôle judiciaire la personne dont la détention provisoire est irrégulière en raison de la méconnaissance des formalités prévues par ce même code, dès lors qu'elle trouve dans les pièces de la procédure des éléments d'information pertinents et que la mesure apparaît indispensable pour assurer l'un des objectifs énumérés à l'article 144 du même code.
22. En l'espèce, il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable que M. [U] ait pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont le juge d'instruction est saisi.
23. La mesure de contrôle judiciaire est indispensable aux fins :
- d'empêcher une pression sur les témoins, en ce que les faits s'inscrivent dans un contexte de criminalité organisée dans le port du [Localité 3] pour des importations de produits stupéfiants en quantités importantes ; que des séquestrations en lien avec ce trafic ont été constatées, ce qui caractérise à la fois la détermination des commanditaires et l'étendue de leurs moyens d'action ; que ce risque apparaît d'autant plus prégnant que des armes ont été découvertes et que l'intéressé a déjà été condamné pour des faits de violence aggravée ;
- de garantir le maintien de la personne mise en examen à la disposition de la justice, en ce que l'intéressé a été condamné à plusieurs reprises en son absence et que quatre révocations de sursis probatoires ont été prononcées à son encontre, ce qui montre ses difficultés à respecter un cadre contraint ; que, par ailleurs, l'ampleur des enjeux financiers attachés au trafic et ses relais à l'étranger lui offrent des moyens d'organiser sa fuite ;
- de mettre fin à l'infraction ou prévenir son renouvellement, en ce que les faits ont une dimension lucrative incontestable résultant notamment de la valeur des stupéfiants importés ; que si M. [U] fait état d'un projet d'insertion professionnelle susceptible de lui permettre de disposer de revenus propres et réguliers, ceux-ci seraient sans commune mesure avec les profits tirés de sa participation supposée au trafic.
24. Afin d'assurer ces objectifs, M. [U] sera astreint à se soumettre aux obligations précisées au dispositif.
25. Le magistrat chargé de l'information est compétent pour l'application des articles 139 et suivants et 141-2 et suivants du code de procédure pénale.
Crim. 5 janvier 2023 n° 22-86.098
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° Q 22-86.098 F-D
N° 00119
GM 5 JANVIER 2023
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 5 JANVIER 2023
[U] [F] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai, en date du 13 juillet 2022, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de viol, agression sexuelle et violences, aggravés, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction prolongeant son placement provisoire.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Pauthe, conseiller, les observations de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de M. [U] [F], et les conclusions de Mme Viriot-Barrial, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 janvier 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Pauthe, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 30 décembre 2021, [U] [F], mineur comme étant né le [Date naissance 1] 2006, a été mis en examen des chefs de viol incestueux commis sur un mineur de 15 ans, agression sexuelle incestueuse sur un mineur de 15 ans et violence sur un mineur de 15 ans sans incapacité, puis placé sous contrôle judiciaire par ordonnance du juge d'instruction, avec l'obligation de respecter une mesure de placement provisoire en application de l'article 331-2 du code de la justice pénale des mineurs.
3. Le même jour, il a été l'objet d'une ordonnance de placement provisoire à l'établissement de placement éducatif Pays-du-Hainaut.
4. Cette mesure de placement a été prolongée pour une durée de six mois par ordonnance du juge d'instruction en date du 30 juin 2022 dont il a été relevé appel, avec demande de comparution personnelle.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance en ce qu'elle avait ordonné la prolongation du placement de [U] [F] à l'EPE Pays-du-Hainaut missions hébergement diversifié pour une durée de six mois, alors « que lorsque la personne mise en examen comparaît devant la chambre de l'instruction, elle ne peut être entendue qu'après avoir été informée de son droit de se taire sur les faits qui lui sont reprochés ; qu'il ne ressort d'aucune mention de l'arrêt attaqué que [U] [F], mis en examen, qui comparaissait devant la chambre de l'instruction, ait été informé de son droit de se taire sur les faits qui lui sont reprochés ; que la chambre de l'instruction a ainsi violé l'article 199 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
6. Il se déduit de l'article 199, alinéa 4, du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021, que la personne mise en examen qui comparaît devant la chambre de l'instruction ne peut être entendue qu'après avoir été informée de son droit de se taire sur les faits qui lui sont reprochés.
7. Selon les mentions de l'arrêt attaqué, [U] [F], comparant devant la chambre de l'instruction saisie de l'appel formé contre l'ordonnance du juge d'instruction prolongeant la mesure de placement provisoire prise dans le cadre du contrôle judiciaire, n'a pas été averti de son droit de se taire.
8. Si c'est à tort que le mineur mis en examen n'a pas été informé de son droit de se taire sur les faits reprochés, l'arrêt n'encourt pas pour autant la censure, le défaut de notification du droit de se taire sur les faits étant sans incidence sur la régularité de la décision rendue en matière de mesure de sûreté.
9. Ainsi, le moyen doit être écarté.
10. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
Crim. 5 janvier 2023 n° 21-81.305
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° J 21-81.305 F-D
N° 00020
ECF 5 JANVIER 2023
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 5 JANVIER 2023
M. [M] [F] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens, chambre correctionnelle, en date du 20 janvier 2021, qui, pour escroqueries, blanchiment, travail dissimulé, association de malfaiteurs, l'a condamné à un an d'emprisonnement, 15 000 euros d'amende, a ordonné une mesure de confiscation et a prononcé sur les intérêts civils.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de M. Turcey, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [M] [F], les observations de Me Balat, avocat de M. [D] [O], et les conclusions de M. Valat, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Turcey, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. A l'issue d'une information judiciaire ouverte le 14 octobre 2014, concernant la revente sur internet de véhicules automobiles achetés en Belgique et dont le kilométrage avait été modifié, M. [M] [F] a été renvoyé devant le tribunal correctionnel qui, par jugement du 27 août 2019, l'a condamné pour escroqueries, blanchiment, travail dissimulé, association de malfaiteurs, à huit mois d'emprisonnement, a ordonné une mesure de confiscation et a prononcé sur les intérêts civils.
3. Il a relevé appel de cette décision. Le ministère public ainsi qu'une partie civile ont formé appel incident.
Examen des moyens
Sur les premier, deuxième, troisième et quatrième moyens, et sur le cinquième moyen, pris en ses troisième et quatrième branches
4. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le sixième moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [F] sur l'action civile, à payer diverses sommes à titre de dommages et intérêts aux parties civiles, alors « que seul peut être indemnisé le préjudice direct et personnel résultant des faits objet de la poursuite ; qu'en condamnant M. [F] à payer des dommages et intérêts aux parties civiles sans caractériser ni les prétendus préjudices ni le lien de causalité entre ceux-ci et les infractions retenues, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 2, 3, 593 du code de procédure pénale et 1382 devenu 1240 du code civil. »
Réponse de la Cour
6. Pour fixer le montant de l'indemnité propre à réparer le dommage subi par les parties civiles, après avoir condamné le prévenu du chef d'escroquerie au préjudice de chacune d'entre elles, les manoeuvres retenues par les juges consistant en la modification à la baisse du kilométrage affiché par les véhicules qu'elles ont ainsi été déterminées à acheter, l'arrêt énonce que les prévenus, dont M. [F], ont contesté les sommes allouées à chaque partie civile régulièrement constituée et reçue devant le tribunal correctionnel, sans pour autant apporter à la cour d'éléments permettant d'établir une appréciation erronée des juges du fond quant à l'indemnisation des préjudices de ces parties civiles.
7. Les juges du second degré, après avoir rappelé les circonstances des escroqueries dont le prévenu a été déclaré coupable, et les prétentions des parties civiles, ont motivé leur décision de manière distincte à l'égard de chacune d'entre elles, et conclu qu'en conséquence, les dispositions civiles du jugement déféré seront confirmées, sous les réserves reprises au dispositif de l'arrêt, les premiers juges ayant fait une juste appréciation des conséquences civiles des infractions poursuivies et réprimées.
8. En l'état de ces énonciations, la cour d'appel, qui n'a fait qu'user de son pouvoir d'apprécier souverainement, sans insuffisance ni contradiction, dans la limite des conclusions des parties, et des faits, objet de la poursuite, l'indemnité propre à réparer, pour chaque partie civile, les dommages résultant directement de l'infraction, a justifié sa décision.
9. Ainsi, le moyen doit être écarté.
Mais sur le cinquième moyen, pris en ses deux premières branches
Enoncé du moyen
10. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [F] en répression, à une peine d'emprisonnement d'un an sans aménagement, à une amende de 15 000 euros et a ordonné la confiscation des sommes de 2 039 euros et 6 200 euros saisies à son encontre, alors :
« 1°/ que le juge qui prononce une peine d'emprisonnement sans sursis doit en justifier la nécessité au regard des faits de l'espèce, de la gravité de l'infraction, de la personnalité de son auteur, de sa situation matérielle, familiale et sociale ainsi que du caractère inadéquat de toute autre sanction ; qu'en condamnant M. [F], à une peine d'emprisonnement d'un an sans sursis et sans aménagement, sans s'expliquer sur la situation matérielle, familiale et sociale du prévenu qu'elle devait prendre en considération pour fonder sa décision, ni sur le caractère inadéquat de toute autre sanction, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 132-19 du code pénal dans sa rédaction alors en vigueur ;
2°/ que si la peine prononcée n'est pas supérieure à deux ans, ou à un an pour une personne en état de récidive légale, le juge, qui décide de ne pas l'aménager, doit, soit constater une impossibilité matérielle de le faire, soit motiver spécialement sa décision au regard des faits de l'espèce et de la situation matérielle, familiale et sociale du prévenu ; que la cour d'appel a refusé d'aménager la peine d'un an d'emprisonnement prononcée à l'encontre du prévenu compte tenu de l'importance des faits qui se sont poursuivis durant plus de trois et demi et en raison du précédent sursis que la justice lui avait accordé le 9 juin 2015 et dont il n'a pas su s'emparer ; qu'en se déterminant ainsi sans constater une impossibilité matérielle d'aménager la peine et sans spécialement motiver sa décision au regard de la situation matérielle, familiale et sociale du prévenu, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 132-19 du code pénal dans sa rédaction alors en vigueur. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 132-19 et 132-25 du code pénal, 464-2 du code de procédure pénale dans leur rédaction issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, applicables à partir du 24 mars 2020, et 593 du code de procédure pénale :
11. Il se déduit du premier de ces textes que le juge qui prononce, en matière correctionnelle, une peine d'emprisonnement ferme doit, quels que soient le quantum et la décision prise quant à son éventuel aménagement, motiver ce choix en faisant apparaître qu'il a tenu compte des faits de l'espèce, de la personnalité de leur auteur, ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale. Il lui appartient d'établir, au regard de ces éléments, que la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine indispensable et que toute autre sanction est manifestement inadéquate.
12. Il résulte des deux premiers de ces textes que si la peine ferme d'emprisonnement prononcée est supérieure à six mois et inférieure ou égale à un an, la peine doit être aménagée si la personnalité et la situation du condamné le permettent, et sauf impossibilité matérielle.
13. Selon le troisième, la juridiction de jugement qui prononce une peine d'emprisonnement ferme supérieure à six mois ou inférieure ou égale à un an doit soit ordonner son aménagement en déterminant la mesure adaptée, soit, si elle ne dispose pas d'éléments lui permettant de déterminer celle-ci, ordonner la convocation du condamné devant le juge de l'application des peines, soit, s'agissant d'une peine d'au moins six mois, délivrer un mandat de dépôt à effet différé, soit, dans les cas prévus aux articles 397-4, 465 et 465-1 du code de procédure pénale, décerner un mandat de dépôt ou d'arrêt contre le condamné. Si le juge décerne un mandat d'arrêt ou de dépôt, à effet différé ou non, il doit motiver sa décision au regard des faits de l'espèce, de la personnalité et de la situation matérielle, familiale et sociale du condamné.
14. Pour condamner le prévenu à la peine d'un an d'emprisonnement, sans aménagement, l'arrêt attaqué énonce que ce dernier est âgé de 60 ans et a indiqué avoir repris son activité professionnelle depuis 2016, ayant la qualité de fonctionnaire selon ses déclarations, et peut être considéré comme socialement inséré, bénéficiant d'un emploi pérenne et d'une situation de famille stable.
15. Les juges relèvent que les antécédents judiciaires de M. [F] doivent être soulignés, et plus spécifiquement la condamnation prononcée le 9 juin 2015 pour blanchiment de fraude fiscale, travail dissimulé par achat et revente de véhicules sans immatriculation au répertoire des métiers ou au registre du commerce et des sociétés pour un total de 50 800 euros, et escroquerie par modification du compteur d'un véhicule automobile, faits commis entre le 1er janvier 2012 et le 30 septembre 2012, une peine de trois mois d'emprisonnement avec sursis ayant été prononcée.
16. Ils retiennent que cette précédente condamnation marque l'avertissement judiciaire dont a bénéficié le prévenu, la peine assortie du sursis simple devant conduire ce dernier à une réelle introspection afin de prendre conscience du caractère infractionnel de son comportement, et éviter ainsi tout risque de réitération ou de récidive, mais que, loin de manifester une volonté de s'affranchir de ses anciennes activités, le prévenu a affirmé au cours de l'enquête et de l'instruction qu'il entendait faire ce qu'il voulait, étant dans un pays libre.
17. Ils ajoutent qu'une telle attitude révèle incontestablement l'absence de prise de conscience du caractère non seulement délictueux des actes commis, mais par ailleurs de la dangerosité de ces actes, étant rappelé que certains véhicules présentés sous un meilleur jour que la réalité ont eu des défaillances techniques particulièrement graves.
18. Ils en concluent qu'une peine d'un an d'emprisonnement apparaît justifiée et adaptée tant au regard de la gravité des faits commis qu'à la personnalité de M. [F], et qu'aucun aménagement de cette peine ne sera ordonné compte tenu de l'importance des faits, lesquels se sont poursuivis durant plus de trois ans et demi, et en raison du précédent sursis que la justice avait accordé au prévenu et dont il n'a pas su s'emparer.
19. En se déterminant ainsi, d'une part, sans constater que la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendaient une peine d'emprisonnement ferme indispensable et que toute autre sanction était manifestement inadéquate, d'autre part, sans constater que la situation ou la personnalité du condamné ne permettaient pas l'aménagement de cette peine ou relever une impossibilité matérielle de le faire, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.
20. La cassation est par conséquent encourue.
Examen de la demande fondée sur l'article 618-1 du code de procédure pénale
21. Les dispositions de ce texte sont applicables en cas de rejet du pourvoi, qu'il soit total ou partiel. La déclaration de culpabilité de M. [F], demandeur au pourvoi partiellement rejeté, étant devenue définitive, par suite de la non-admission de ses premier, deuxième, troisième et quatrième moyens, il y a lieu de faire partiellement droit à la demande.
Crim. 5 janvier 2023 n° 21-87.442
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° E 21-87.442 F-D
N° 00023
ECF 5 JANVIER 2023
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 5 JANVIER 2023
La [1], partie poursuivante, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-13, en date du 25 novembre 2021, qui l'a déboutée de ses demandes après relaxe de M. [S] [X], Mme [B] [I], épouse [X], M. [T] [I] et Mme [L] [E], épouse [I], du chef notamment de blanchiment douanier.
Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Fouquet, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la [1], les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de M. [S] [X], Mme [B] [I], épouse [X], M. [T] [I] et Mme [L] [E], épouse [I], et les conclusions de M. Valat, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Fouquet, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. A compter de septembre 2013, la [1] (la [1]) a procédé à des investigations sur les activités de M. [S] [X] et son épouse Mme [B] [I], à la suite d'un renseignement selon lequel ce couple collectait d'importantes sommes en espèces provenant d'activités de contrebande de produits textiles auprès de grossistes, pour les transférer ensuite à l'étranger, sous couvert de fausses identités et via des bureaux de transferts électroniques.
3. Ont notamment été opérées des surveillances, au cours desquelles les enquêteurs ont indiqué avoir vu les époux [X], de manière quotidienne, se rendre dans des sociétés de grossistes ainsi qu'auprès d'établissements de transfert d'argent.
4. Le 28 novembre 2013, les agents des douanes ont exposé avoir vu les époux [X] se rendre au domicile de M. [T] [I], frère de Mme [X] et de son épouse, Mme [L] [E]. M. [X], porteur d'un sac en bandoulière semblant relativement lourd, était ressorti quelques minutes plus tard avec son sac manifestement plus rempli qu'à l'arrivée, avant de se rendre à l'adresse de la société [2], puis de procéder à quelques allers-retours auprès de différents magasins.
5. Les agents des douanes ont procédé au contrôle de l'intéressé et découvert la somme de 3 955 euros dans son portefeuille, son sac renfermant quant à lui une somme totale de 150 000 euros.
6. Ils ont alors procédé à la visite des domiciles de M. et Mme [X] et M. et Mme [I]. Des visites domiciliaires ont également été menées au sein de sociétés de transfert de fonds, dont les représentants ont confirmé, bordereaux à l'appui, que M. [X] leur avait déposé des sommes destinées à être transférées en Chine.
7. M. et Mme [X], ainsi que M. et Mme [I] ont été placés en retenue douanière.
8. L'enquête de la [1] a fait l'objet d'un reportage télévisé.
9. L'enquête judiciaire qui a suivi a été confiée au service national de la douane judiciaire.
10. A l'issue des investigations douanières et judiciaires, M. et Mme [X], ainsi que M. et Mme [I], ont été cités des chefs de blanchiment douanier, blanchiment et opération de banque effectuée à titre habituel par une personne autre qu'un établissement de crédit.
11. Par jugement en date du 9 juillet 2018, rendu par défaut, le tribunal correctionnel a déclaré les prévenus coupables des faits qui leur étaient reprochés et les a condamnés, chacun, à une peine d'emprisonnement de quatre ans, ainsi qu'à l'interdiction du territoire français pour une durée de dix ans.
12. Les époux [X] et [I] ont également été condamnés solidairement au paiement d'une amende douanière de 37 446 581 euros et la confiscation de scellés pour un total de 481 925 euros a été ordonnée.
13. Les prévenus ont formé opposition à cette décision.
14. Par jugement contradictoire en date du 25 septembre 2019, après avoir annulé une partie de la procédure, le tribunal correctionnel a relaxé les prévenus, ordonné des restitutions et rejeté les demandes de l'administration des douanes.
15. L'administration des douanes et le ministère public ont formé appel de cette décision.
Sur la recevabilité du pourvoi contestée en défense
16. Le mémoire en défense fait valoir que la déclaration de pourvoi n'indique pas l'identité de la personne ayant formé le pourvoi au nom de la [1].
17. Il résulte de la déclaration de pourvoi que, conformément aux dispositions de l'article 576 du code de procédure pénale, un inspecteur, agent poursuivant de la [1] a signé cette déclaration et que le greffier, qui l'a établie, a attesté la qualité du signataire.
18. Au surplus, la signature figurant sur la déclaration de pourvoi est identique à celles de la déclaration d'appel et du mémoire produit en appel au nom de l'administration des douanes par M. [M] [P], inspecteur à la [1].
19. Il en résulte que le pourvoi et le mémoire sont recevables.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
20. Le grief n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen, pris en ses autres branches
Enoncé du moyen
21. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a annulé, parmi les procès-verbaux établis par la [1], les PV n° 693 à 708 et les pièces annexes non numérotées, le PV n° 709 et les pièces jointes A1 et A2, le PV n° 710 et les pièces jointes A1, A2 et A3, les PV n° 711 à 713, le folio 2 à compter des mots : « nous y avons observé les faits suivants » du PV n° 714, les PV n° 715 à 722 et les pièces annexes non numérotées, le paragraphe intitulé : « concernant l'observation de l'activité de [B] [X] et de [S] [X] » dans les folios 2 à 5 et les folios 6 à compter du paragraphe : « confirmation de l'utilisation du boîtier téléphonique IMEI portant le numéro 864722013286850 par le couple [B] [I]/[S] [X] et de contacts téléphoniques avec les grossistes chinois », 7 et 8 du PV n° 723, le PV n° 727 et ses annexes non numérotées, les PV n° 728 à 731, le PV non numéroté du 3 décembre 2013 de remise à receveur des sommes saisies et le PV non numéroté du 3 décembre 2013 de constatation d'erreur matérielle quant aux sommes saisies, ainsi que la totalité des procès-verbaux établis par le [4] et a rejeté la demande de supplément d'information présentée par le conseil de M. et Mme [X], alors :
« 2°/ qu'en annulant la majeure partie des procès-verbaux établis par des agents de la [1] et, de manière subséquente, la totalité des procès-verbaux établis par des agents du [4] aux motifs que les premiers auraient été dressés en présence de journalistes et auraient constitué le support nécessaire des seconds, tout en relevant que rien ne permettait en l'état de déterminer à partir de quelle date les journalistes avaient été présents, ce dont il résultait qu'il n'était pas possible de s'assurer que des journalistes étaient présents lors de l'établissement des procès-verbaux par les agents de la [1], la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des articles 2, 9 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 11 et 28 du code de procédure pénale ;
3°/ qu'en constatant que rien ne permettait en l'état de déterminer à partir de quelle date les journalistes avaient été présents, tout en affirmant, par ailleurs, qu'il serait avéré sans conteste que les journalistes avaient filmé, voire enregistré, outre les opérations de surveillance et filatures, les réunions internes à la [1] et interviewé les enquêteurs et que tout porterait à croire que les procès-verbaux antérieurs à celui qui avait relaté l'interpellation de M. [X] avaient été effectués en partie, voire en totalité avec la présence des journalistes, caméra au poing, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs en violation de l'article 593 du code de procédure pénale ;
4°/ qu'en relevant que « tout porte à croire » que les procès-verbaux antérieurs à celui qui avait relaté l'interpellation de M. [X] avaient été effectués « en partie, voire en totalité » avec la présence des journalistes, caméra au poing, la cour d'appel, qui a ainsi été dans l'incapacité d'affirmer avec certitude que des procès-verbaux auraient été établis en présence de journalistes et de préciser avec exactitude quels étaient les procès-verbaux qui auraient été dressés en présence de journalistes, a entaché sa décision de motifs tout à la fois dubitatifs et ambigus en violation de l'article 593 du code de procédure pénale ;
5°/ qu'en refusant d'ordonner un supplément d'information pour déterminer à quel moment les journalistes avaient été présents aux motifs qu'il se heurterait à l'ancienneté du reportage et à la possibilité que les journalistes aient été présents mais n'aient pas filmé dans de bonnes conditions, tout en relevant que seule la communication des rushes du reportage, sous couvert d'un supplément d'information, aurait permis de vérifier à quel moment les journalistes avaient été présents, ce dont il résultait qu'elle devait ordonner ce supplément d'instruction dont elle reconnaissait elle-même la nécessité, la cour d'appel a violé les articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;
6°/ qu'en affirmant que les procès-verbaux n° 709 et 710 relatant respectivement l'audition de M. [R], gérant de la société [2], et l'audition de M. [Z], employé de la société [3], devaient être annulés, dès lors qu'ils auraient été en lien, sur un plan intellectuel et d'un point de vue chronologique, avec les actes précédents qui avaient été annulés, sans rechercher si ces actes constituaient le support nécessaire et exclusif de ces deux procès-verbaux d'audition, seul cas dans lequel ceux-ci devaient être annulés de manière subséquente, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 174, 385 et 802 du code de procédure pénale. ».
Réponse de la Cour
Sur le moyen, pris en ses deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches
22. Pour confirmer l'annulation des procès-verbaux établis par la [1] avant le 28 novembre 2013 en raison de la présence de journalistes lors des investigations menées, l'arrêt attaqué relève qu'aucun procès-verbal soumis à l'examen judiciaire ne porte mention de la présence de journalistes et que les visites domiciliaires ont été faites sous le régime de la flagrance, donc sans nécessité d'un quelconque assentiment de la part des personnes mises en cause et retenues.
23. Il énonce que rien ne permet en l'état de déterminer à partir de quelle date les journalistes ont été présents et que, concrètement, seule la communication des rushes du reportage, sous couvert d'un supplément d'information, aurait permis à la cour de vérifier à quel moment les journalistes ont été présents.
24. Il retient que ce supplément d'information, sollicité également par le conseil des époux [X], et écarté par les premiers juges, se heurte toutefois à l'ancienneté du reportage ainsi qu'à la possibilité que les journalistes aient été présents mais n'aient pas filmé dans de bonnes conditions.
25. Les juges ajoutent qu'il résulte en tout état de cause d'un des commentaires en voix off du reportage que celui-ci a « duré plus d'un an », le renseignement anonyme datant de septembre 2013 et que les journalistes ont filmé, voire enregistré, outre les opérations de surveillance et filatures, les réunions internes à la [1] et interviewé les enquêteurs, en vertu d'une véritable « immersion » selon le terme utilisé dans le reportage.
26. Ils constatent également que les agents des douanes ont été filmés pendant qu'ils préparaient le contrôle des époux [X], prévu pour deux jours plus tard, le 28 novembre 2013.
27. Ils exposent qu'il en découle la nullité des procès-verbaux n° 714 à 722, relatant des investigations antérieures au 28 novembre 2013 mais aussi celle du procès-verbal n° 727, la demande d'information faite à la sociétré [3], établissement de transfert de fonds, étant à mettre en lien avec la surveillance qui a permis de mettre en évidence les noms et adresses des bureaux de transfert électronique et qu'il est indifférent de dire que les procès-verbaux sont antérieurs au procès-verbal relatant l'interpellation de M. [X] en présence de journalistes, ou encore, qu'ils relèvent du pouvoir général d'obtention de documents par les agents des douanes en vertu de l'article 65 du code des douanes.
28. La cour d'appel en conclut que tout porte à croire, sachant que la [1] a refusé de communiquer les rushes malgré la sommation délivrée par le conseil des époux [X], que ces procès-verbaux ont été effectués en partie voire en totalité avec la présence des journalistes, caméra au poing, le « Protocole d'accord pour la réalisation d'un reportage », pièce obtenue par les époux [X] en réponse à leur sommation de communiquer les rushes, n'apportant aucune limitation à la présence des journalistes.
29. En statuant ainsi, par des motifs relevant de son appréciation souveraine, dont il résulte que, d'une part, le supplément d'information sollicité n'est plus possible, d'autre part, les éléments qui lui ont été soumis permettent d'affirmer la présence des journalistes lors des actes d'enquête auxquels a procédé la [1] antérieurement au 28 novembre 2013, la cour d'appel a justifié sa décision.
30. Ainsi, les griefs doivent être écartés.
Mais sur le moyen, pris en sa sixième branche
Vu l'article 174 du code de procédure pénale :
31. Il résulte du deuxième alinéa de ce texte que lorsqu'une juridiction constate la nullité d'un acte de la procédure, seuls doivent être annulés par voie de conséquence les actes et pièces qui ont pour support nécessaire l'acte entaché de nullité.
32. En l'espèce, pour annuler par voie de conséquence les procès-verbaux n° 709 et 710 dressés par les agents des douanes, relatant les auditions du gérant de la société de transfert [2] et d'un employé de la société de transfert [3], l'arrêt attaqué énonce que ces actes sont intervenus concomitamment aux actes viciés et qu'ils sont donc en lien avec eux, sur un plan intellectuel et même d'un point de vue chronologique.
33. En statuant ainsi, par des motifs dont il ne résulte pas que les procès-verbaux litigieux avaient pour support nécessaire les actes entachés de nullités, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.
34. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
35. La cassation à intervenir concerne les dispositions relatives à l'annulation des procès-verbaux n° 709 et 710 de la procédure de la [1].
36. La cassation concerne également les dispositions relatives à la relaxe des prévenus, ainsi qu'aux restitutions ordonnées et au rejet des demandes de l'administration des douanes et des droits indirects.
Civ.2 5 janvier 2023 n° 21-13.487 B
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 5 janvier 2023
Cassation partielle
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 24 F-B
Pourvoi n° U 21-13.487
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 JANVIER 2023
La société [5], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 21-13.487 contre l'arrêt rendu le 26 janvier 2021 par la cour d'appel d'Orléans (chambre des affaires de sécurité sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) du Centre-Val de Loire, dont le siège est [Adresse 4], venant aux droits de l'URSSAF du Centre,
2°/ au ministre chargé de la sécurité sociale, domicilié [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [5], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF du Centre-Val de Loire, venant aux droits de l'URSSAF du Centre, et l'avis de M. Gaillardot, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 15 novembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 26 janvier 2021), la société [5] (la société) a fait l'objet d'un redressement portant sur les années 2011 à 2013 par l'URSSAF du Centre-Val de Loire (l'URSSAF), à la suite d'un constat de travail dissimulé dressé par procès-verbal du 19 janvier 2015 transmis par la gendarmerie nationale.
2. La société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses trois premières branches
Enoncé du moyen
3. La société fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors :
« 1°/ qu'en application du principe d'unicité de la législation en matière de sécurité sociale et des articles 11 et 12 du règlement (CE) n° 883/2004 du 29 avril 2004 portant coordination des systèmes de sécurité sociale, les personnes auxquelles ce règlement est applicable, ne sont soumises qu'à la législation d'un seul État membre ; que selon l'article 11 3§ a) de ce règlement « a) la personne qui exerce une activité salariée sur le territoire d'un État membre est soumise à la législation de cet État, même si elle réside sur le territoire d'un autre État membre ou si l'entreprise ou l'employeur qui l'occupe a son siège ou son domicile sur le territoire d'un autre État membre » ; qu'en l'espèce à supposer, tel que l'a retenu la cour d'appel, que les salariés de la société [3] aient pour véritable employeur la société [5], cette circonstance n'était pas de nature à entraîner l'affiliation desdits salariés de nationalité portugaise à un régime de sécurité sociale français, sauf à constater qu'ils ne résidaient pas au Portugal et n'exerçaient pas leur activité au Portugal ; que pour décider que les salariés portugais de la société [3] devaient être affiliés en France, la cour d'appel a retenu qu'ils « exerçaient une activité de transport pour le compte de la société [5] de manière quasi-exclusive », que « la société [5] est dans l'incapacité de produire des contrats de sous-traitance démontrant le caractère équilibré de la relation entre les deux sociétés », que « la société [3] ne disposait d'aucune autonomie vis-à-vis de la société [5] sur le plan économique comme sur le plan de la gouvernance, assurée par les mêmes gérants », que le directeur de la société [3] était également salarié de la société [5], que « les salariés de la société [3] étaient en réalité dirigés par un salarié de la société [5] », que « [c'est] la société [5] qui contrôlait l'activité des chauffeurs », que « les chauffeurs de la société [3] recevaient des ordres des gérants eux-mêmes » et que « l'activité principale de la société [3] était réalisée en France ou dans d'autres pays, mais toujours au service de la société [5] » ; que cependant l'intégralité de ces constatations, retenant le lien de dépendance de la société [3] vis-à-vis de [5], sa qualité d'employeur et l'existence d'un prêt de main-d'oeuvre, n'étaient pas de nature à fixer le régime d'affiliation de sécurité sociale des salariés portugais de la société [3] en l'absence de constatation de leur résidence en dehors du Portugal et de l'exercice par lesdits salariés d'une activité sur un territoire autre que le Portugal ; qu'aussi en se fondant sur de tels motifs impropres à justifier l'affiliation en France de salariés disposant, comme constaté, de « contrats de travail signés entre des salariés portugais avec une société portugaise exerçant son activité au Portugal », sans avoir constaté que lesdits salariés résidaient en dehors du Portugal et n'exerçaient pas leurs activités au Portugal, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 111-2-2, L. 242-1 et L. 311-2 du code de la sécurité sociale, des articles L. 8221-1, L. 8222-1 et L. 8222-2 du code du travail et de l'article 11 du règlement (CE) n° 883/2004 du 29 avril 2004 portant coordination des systèmes de sécurité sociale pris en leur version applicable au litige ;
2°/ à titre subsidiaire, que l'article 13 § 1 a) du règlement n° 883/2004 du 29 avril 2004 prévoit que les personnes intervenant dans plusieurs pays membres sont soumises : « a) à la législation de l'État membre de résidence, si elle exerce une partie substantielle de son activité dans cet État membre » ; que le fait d'avoir un employeur français n'emporte pas affiliation automatique en France du salarié travaillant à titre principal sur le territoire d'un autre état membre ; qu'en admettant qu'il ressorte des constations de l'arrêt l'exercice par les salariés portugais de la société [3] de leur activité pour partie en dehors du Portugal, en se bornant, pour valider le chef de redressement, à faire état de l'existence selon elle d'un prêt de main-d'oeuvre en faveur de la société [5], du lien de dépendance de [3] à son égard et du fait que « l'activité principale de la société [3] était réalisée en France ou dans d'autres pays », sans rechercher si les salariés en cause exerçaient une partie substantielle de leur activité sur un territoire autre que le Portugal, ce que la société exposante contestait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 111-2-2, L. 242-1 et L. 311-2 du code de la sécurité sociale, des articles L. 8221-1, L. 8222-1 et L. 8222-2 du code du travail et des articles 12 et 13 du règlement n° 883/2004 du 29 avril 2004 portant coordination des systèmes de sécurité sociale pris en leur version applicable au litige ;
3°/ que selon l'article 11 §3 a) du règlement n° 883/2004 du 29 avril 2004, « a) la personne qui exerce une activité salariée sur le territoire d'un État membre est soumise à la législation de cet État, même si elle réside sur le territoire d'un autre État membre ou si l'entreprise ou l'employeur qui l'occupe a son siège ou son domicile sur le territoire d'un autre État membre » ; qu'en validant le redressement pour son entier montant aux motifs « [qu'] Il n'y a pas lieu, par ailleurs, de déduire de l'assiette des cotisations les salaires versés au personnel sédentaire de la société [3] basé au Portugal, dans la mesure où lesdits salariés étaient nécessairement occupés dans la même proportion que les chauffeurs à l'activité de la société [5] », quand un tel personnel portugais résidant et travaillant de manière sédentaire au Portugal ne pouvait être rattaché à la sécurité sociale française quel que soit son employeur et peu important qu'il soit affecté à l'activité d'un employeur dont le siège est établi en France, la cour d'appel a violé les articles L. 111-2-2, L. 242-1 et L. 311-2 du code de la sécurité sociale, des articles L. 8221-1, L. 8222-1 et L. 8222-2 du code du travail et des articles 11, 12 et 13 du règlement n° 883/2004 du 29 avril 2004 portant coordination des systèmes de sécurité sociale pris en leur version applicable au litige. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 11, paragraphe 3, 13, paragraphe 1, et 87, paragraphe 8, du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, et l'article 14, paragraphe 8, du règlement (CE) n° 987/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, fixant les modalités d'application du règlement n° 883/2004 :
4. Selon le premier de ces textes, sous réserve des articles 12 à 16, la personne qui exerce une activité salariée ou non salariée dans un État membre est soumise à la législation de cet État membre.
5. Selon le deuxième, dans sa rédaction initiale entrée en vigueur le 1er mai 2010, comme dans sa rédaction issue du règlement (UE) n° 465/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, entré en vigueur le 28 juin 2012, la personne qui exerce normalement une activité salariée dans deux ou plusieurs États membres est soumise à la législation de l'État membre de résidence, si elle exerce une partie substantielle de son activité dans cet État membre, ou à la législation de l'État membre dans lequel l'entreprise ou l'employeur qui l'emploie a son siège ou son domicile, si la personne n'exerce pas une partie substantielle de ses activités dans l'État membre de résidence.
6. Selon le quatrième, aux fins de l'application de l'article 13, paragraphe 1, du règlement n° 883/2004, une « partie substantielle d'une activité salariée ou non salariée » exercée dans un État membre signifie qu'une part quantitativement importante de l'ensemble des activités du travailleur salarié ou non salarié y est exercée, sans qu'il s'agisse nécessairement de la majeure partie de ces activités. Pour déterminer si une partie substantielle des activités est exercée dans un État membre, il est tenu compte, dans le cas d'une activité salariée, du temps de travail et/ou de la rémunération. Dans le cadre d'une évaluation globale, la réunion de moins de 25 % de ces critères indique qu'une partie substantielle des activités n'est pas exercée dans l'État membre concerné.
7. Il résulte du troisième, qui fixe les dispositions transitoires pour l'application du règlement (CE) n° 883/2004, que lorsque l'application de ce règlement conduit à déterminer une législation de sécurité sociale ne correspondant pas à celle applicable en vertu du titre II du règlement (CE) n° 1408/71 du 14 juin 1971, le travailleur concerné continue d'être soumis à la législation à laquelle il était soumis en vertu de ce dernier règlement, sauf s'il demande que la législation résultant du règlement (CE) n° 883/2004 lui soit appliquée (CJUE, arrêt du 19 mai 2022, INAIL et INPS c/ [6], C-33/21, point 67).
8. Pour dire bien fondé le redressement litigieux, l'arrêt retient qu'il est démontré qu'il existe un lien de subordination entre les salariés de la société portugaise sous-traitante embauchés pour la plupart entre 2008 et 2010 et la société, dans la mesure où la première ne disposait d'aucune autonomie vis-à-vis de la seconde sur le plan économique comme sur le plan de la gouvernance, assurée par les mêmes gérants. Il relève que les transferts de fonds entre les deux sociétés permettaient le financement de manière quasi exclusive du fonctionnement de la société sous-traitante, notamment le paiement des salaires.
9. L'arrêt retient également qu'il n'y a pas lieu de déduire de l'assiette des cotisations les salaires versés au personnel sédentaire de la société sous-traitante basé au Portugal, dans la mesure où ces salariés sont nécessairement occupés dans la même proportion que les chauffeurs à l'activité de la société.
10. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui incombait de le faire, si les salariés exerçaient leur activité dans un ou plusieurs États membres, quel était leur lieu de résidence, s'ils exerçaient une partie substantielle de leur activité dans l'État membre de résidence, ni si la législation de sécurité sociale qu'elle déterminait correspondait à celle applicable en vertu du titre II du règlement (CE) n° 1408/71 du 14 juin 1971, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Et sur le premier moyen, pris en ses cinquième et sixième branches
Enoncé du moyen
11. La société fait le même grief à l'arrêt, alors :
« 5°/ qu'en statuant sur la question de l'affiliation des salariés portugais intervenant pour la société [3] au régime général de sécurité sociale français sans les avoir appelés en la cause, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle au regard de l'article 14 du code de procédure civile ;
6°/ qu'en statuant sur l'obligation d'affiliation des salariés portugais de la société [3] au régime général de sécurité sociale français sans les avoir appelés en la cause, la cour d'appel a derechef violé les articles L. 311-2 et L. 311-3 du code de la sécurité sociale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 14 du code de procédure civile :
12. Il résulte de ce texte que nul ne peut être jugé sans avoir été entendu ou appelé.
13. Pour dire bien fondé le redressement litigieux, l'arrêt retient qu'il est démontré qu'il existe un lien de subordination entre les salariés de la société portugaise sous-traitante et la société, dans la mesure où la première ne disposait d'aucune autonomie vis-à-vis de la seconde sur le plan économique comme sur le plan de la gouvernance, assurée par les mêmes gérants.
14. En statuant ainsi, sans qu'aient été appelés en la cause les salariés intéressés, alors qu'elle était saisie d'un litige portant sur la qualification des relations de travail liant ces derniers à la société, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Crim. 5 janvier 2023 n° 21-87.017 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° T 21-87.017 F-B
N° 00021
ECF 5 JANVIER 2023
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 5 JANVIER 2023
M. [K] [W] et la société [2] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-12, en date du 26 octobre 2021, qui a autorisé l'exécution sur le territoire français d'une décision de confiscation prononcée par une juridiction étrangère.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires ont été produits.
Sur le rapport de M. Ascensi, conseiller référendaire, les observations de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de M. [K] [W] et de la société [2], et les conclusions de M. Valat, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Ascensi, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Par jugement définitif du tribunal pénal fédéral suisse du 1er octobre 2014, M. [K] [W] a été déclaré coupable des infractions prévues par le droit suisse de corruption d'agents publics étrangers, gestion déloyale et blanchiment d'argent.
3. Il a été condamné à une peine privative de liberté de trois ans dont dix-huit mois avec sursis assorti de la mise à l'épreuve, et le tribunal a ordonné la confiscation de plusieurs biens constituant le produit des infractions poursuivies.
4. Parmi ces biens figure un appartement situé [Adresse 1], à [Localité 3], appartenant à la société civile immobilière [2] qui n'était pas partie à la procédure, le jugement mentionnant cependant qu'il devait être notifié à cette société, après son entrée en force de chose jugée.
5. Le 21 juin 2012, ce bien avait fait l'objet d'une ordonnance de saisie pénale immobilière rendue par le doyen des juges d'instruction du tribunal judiciaire de Paris en exécution d'une demande d'entraide judiciaire internationale des autorités judiciaires suisses.
6. Le 29 novembre 2019, ces autorités ont adressé à l'autorité judiciaire française une demande d'entraide aux fins d'exécution de la confiscation de l'immeuble.
7. Par requête du 25 septembre 2020, le procureur national financier a saisi le tribunal correctionnel de Paris aux fins que soit ordonnée l'exécution de la confiscation du bien immobilier.
8. Le 28 septembre 2020, M. [W] a été avisé de l'audience du 4 novembre 2020.
9. Par jugement du 4 novembre 2020, le tribunal a ordonné l'exécution de la confiscation.
10. M. [W], puis le ministère public, ont interjeté appel de la décision.
Examen de la recevabilité du pourvoi formé par la société [2]
11. Aux termes de l'article 713-37 du code de procédure pénale l'exécution des décisions de confiscation prononcées par les autorités judiciaires étrangères est refusée : 1° si les faits à l'origine de la demande ne sont pas constitutifs d'une infraction selon la loi française ; 2° si les biens sur lesquels elle porte ne sont pas susceptibles de faire l'objet d'une confiscation selon la loi française ; 3° si la décision étrangère a été prononcée dans des conditions n'offrant pas de garanties suffisantes au regard de la protection des libertés individuelles et des droits de la défense ; 4° s'il est établi que la décision étrangère a été émise dans le but de poursuivre ou de condamner une personne en raison de son sexe, de sa race, de sa religion, de son origine ethnique, de sa nationalité, de sa langue, de ses opinions politiques ou de son orientation sexuelle ou identité de genre ; 5° si le ministère public français avait décidé de ne pas engager de poursuites pour les faits à raison desquels la confiscation a été prononcée par la juridiction étrangère ou si ces faits ont déjà été jugés définitivement par les autorités judiciaires françaises ou par celles d'un Etat autre que l'Etat demandeur, à condition, en cas de condamnation, que la peine ait été exécutée, soit en cours d'exécution ou ne puisse plus être ramenée à exécution selon les lois de l'Etat de condamnation ; 6° si elle porte sur une infraction politique.
12. S'agissant du deuxième de ces motifs de non-exécution, selon l'article 131-21 du code pénal, les biens appartenant à des tiers propriétaires de bonne foi ne sauraient être confisqués, y compris lorsqu'ils constituent l'objet ou le produit direct ou indirect de l'infraction (Crim., 7 novembre 2018, pourvoi n° 17-87.424, Bull. crim. 2018, n° 188).
13. Par ailleurs, selon l'article 713-38, alinéa 3, du code de procédure pénale, l'autorisation d'exécution ne peut avoir pour effet de porter atteinte aux droits licitement constitués au profit des tiers, en application de la loi française, sur les biens dont la confiscation a été prononcée par la décision étrangère. Toutefois, si cette décision contient des dispositions relatives aux droits des tiers, elle s'impose aux juridictions françaises à moins que les tiers n'aient pas été mis à même de faire valoir leurs droits devant la juridiction étrangère dans des conditions analogues à celles prévues par la loi française.
14. Les motifs de non-exécution par l'autorité judiciaire française des décisions de confiscation prononcées par les autorités judiciaires étrangères, énoncés par l'article 713-37 du code de procédure pénale précité, concernent soit la personne condamnée par les autorités judiciaires étrangères, soit le tiers propriétaire du bien confisqué.
15. Selon l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, ces personnes ont droit à ce que leur cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur leurs droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elles.
16. Leur droit au respect des biens est par ailleurs protégé par l'article 1er du premier Protocole additionnel à ladite Convention.
17. L'article 13 de la même Convention prévoit enfin que toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la Convention ont été violés a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles.
18. Il s'en déduit que la décision du tribunal correctionnel d'ordonner l'exécution d'une décision de confiscation prononcée par une autorité judiciaire étrangère, rendue en application des articles 713-36 à 713-41 du code de procédure pénale, doit être notifiée à la personne condamnée ainsi qu'au propriétaire du bien confisqué dont le titre est connu ou qui a revendiqué cette qualité au cours de la procédure.
19. Ces derniers peuvent interjeter appel du jugement dans le délai de dix jours à compter de la notification par déclaration au greffe du tribunal correctionnel, ou se pourvoir en cassation contre l'arrêt ordonnant l'exécution de la décision de confiscation.
20. En conséquence, le pourvoi de la société [2] est recevable.
Examen des moyens
Sur les deuxième et troisième moyens proposés pour M. [W] et le troisième moyen proposé pour la société [2]
21. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission des pourvois au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le premier moyen proposé pour la société [2]
Enoncé du moyen
22. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement déféré ayant autorisé l'exécution en France du jugement de confiscation rendu le 1er octobre 2014 par le tribunal pénal fédéral suisse, alors :
« 1°/ que l'exécution en France d'une décision de confiscation prononcée par une juridiction étrangère ne peut être autorisée qu'après que l'ensemble des personnes concernées par cette décision ont été mises en mesure de faire valoir leurs observations ; qu'en confirmant le jugement ayant autorisé l'exécution en France de la décision du tribunal pénal fédéral suisse de confisquer le bien immobilier appartenant à la SCI [2] sans avoir préalablement invité cette société à présenter ses observations, quand celle-ci n'avait pas été citée à comparaître devant le tribunal correctionnel et que, n'ayant pas reçu notification du jugement, elle avait été placée dans l'impossibilité d'exercer une voie de recours contre celui-ci, la cour d'appel a méconnu le droit de propriété, le droit à une procédure juste, équitable et contradictoire ainsi que le droit à un recours juridictionnel effectif, et a violé les articles 4 et 5 de la décision-cadre 2005/212/JAI du Conseil du 24 février 2005, 6 et 8 de la directive 2014/42/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014, 32 et 33 du règlement (UE) n° 2018/1805 du Parlement et du Conseil du 14 novembre 2018, lus en combinaison avec les articles 17 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ainsi que les articles 6, § 1, et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1er du premier Protocole additionnel à cette convention et l'article préliminaire du code de procédure pénale, ensemble le principe de primauté du droit de l'Union européenne ;
2°/ que conformément à l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne tel qu'interprété par la Cour de justice de l'Union européenne, en cas de doute sur l'interprétation des articles 4 et 5 de la décision-cadre 2005/212 du 24 février 2005, 6 et 8 de la directive 2014/42/UE du 3 avril 2014, 32 et 33 du règlement (UE) n° 2018/1805 du Parlement et du Conseil du 14 novembre 2018, lus en combinaison avec les articles 17 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, il appartiendra à la Cour de cassation de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle qui pourrait être ainsi rédigée : « les articles 4 et 5 de la décision-cadre 2005/212 du 24 février 2005, 6 et 8 de la directive 2014/42/UE du 3 avril 2014, 32 et 33 du règlement (UE) 2018/1805 du Parlement et du Conseil du 14 novembre 2018, lus en combinaison avec les articles 17 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, doivent-ils être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation nationale qui permet l'exécution, sur son territoire, d'une décision de confiscation prononcée par une juridiction d'un État non membre de l'Union européenne, sans que le tiers propriétaire du bien confisqué ne soit mis en mesure de présenter ses observations et, le cas échéant, de faire valoir un motif de refus d'exécution, et sans que cette personne ne dispose d'une voie de recours effective contre la décision d'autoriser l'exécution de la confiscation de son bien ? ». »
Réponse de la Cour
Vu les articles 6, § 1, et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, et 1er du premier Protocole additionnel à ladite Convention :
23. Les articles 713-36 à 713-41 du code de procédure pénale organisent, en l'absence de convention internationale en disposant autrement, l'exécution des décisions de confiscation prononcées par les autorités judiciaires étrangères, tendant à la confiscation des biens meubles ou immeubles, quelle qu'en soit la nature, ayant servi ou qui étaient destinés à commettre l'infraction ou qui paraissent en être le produit direct ou indirect ainsi que tout bien dont la valeur correspond au produit de cette infraction.
24. L'exécution de la confiscation peut être refusée pour l'un des motifs énoncés par l'article 713-37 du code de procédure pénale précité au § 11.
25. Par ailleurs l'article 713-38, alinéa 3, du code de procédure pénale dispose que l'autorisation d'exécution ne peut avoir pour effet de porter atteinte aux droits licitement constitués au profit des tiers, en application de la loi française, sur les biens dont la confiscation a été prononcée par la décision étrangère. Toutefois, si cette décision contient des dispositions relatives aux droits des tiers, elle s'impose aux juridictions françaises à moins que les tiers n'aient pas été mis à même de faire valoir leurs droits devant la juridiction étrangère dans des conditions analogues à celles prévues par la loi française.
26. L'exécution de la confiscation est autorisée par le tribunal correctionnel statuant sur requête du procureur de la République.
27. L'article 713-39 du code de procédure pénale dispose que, s'il l'estime utile, le tribunal correctionnel entend, le cas échéant par commission rogatoire, le propriétaire du bien saisi, la personne condamnée ainsi que toute personne ayant des droits sur les biens qui ont fait l'objet de la décision étrangère de confiscation.
28. Ces personnes peuvent se faire représenter par un avocat.
29. Ces dispositions sont toutefois prévues à titre de simple faculté.
30. De même, les articles 713-36 à 713-41 du code de procédure pénale ne prévoient pas que la décision du tribunal correctionnel autorisant l'exécution de la confiscation doive être notifiée à la personne condamnée et au propriétaire du bien confisqué, ni que cette décision puisse faire l'objet d'un recours de leur part.
31. Cependant, selon l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur leurs droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elles.
32. Par ailleurs, selon l'article 1er du premier Protocole additionnel à ladite Convention, toute personne a droit au respect de ses biens.
33. Enfin, l'article 13 de la même Convention prévoit que toute personne dont les droits et libertés reconnus dans cette Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles.
34. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il y ait lieu de transmettre une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne, dès lors que les textes de droit de l'Union visés au moyen ne sont pas applicables au litige, le principe qui suit.
35. Le jugement du tribunal correctionnel autorisant l'exécution d'une décision de confiscation prononcée par une autorité judiciaire étrangère doit être notifié à la personne condamnée et au tiers propriétaire du bien confisqué si son titre est connu ou s'il a revendiqué cette qualité au cours de la procédure.
36. Ces personnes sont recevables à interjeter appel de la décision dans un délai de dix jours par déclaration au greffe du tribunal correctionnel.
37. Elles ont droit à l'assistance d'un avocat au cours de l'instance d'appel, ainsi qu'à la communication en temps utile des pièces de la procédure.
38. En l'espèce, en confirmant le jugement du tribunal correctionnel ayant autorisé l'exécution de la décision de confiscation, sans avoir constaté que ce jugement avait été notifié à la société [2] dont le titre de propriété était connu, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé.
39. La cassation est par conséquent encourue.
Et sur le quatrième moyen proposé pour la société [2]
Enoncé du moyen
40. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement déféré ayant autorisé l'exécution en France du jugement de confiscation rendu le 1er octobre 2014 par le tribunal pénal fédéral suisse, alors :
« 1°/ que l'exécution de la confiscation ordonnée par une juridiction étrangère est refusée si les biens sur lesquels elle porte ne sont pas susceptibles de faire l'objet d'une confiscation selon la loi française ; que, selon la loi française, les biens qui constituent le produit direct ou indirect de l'infraction ne peuvent être confisqués que sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi ; que, dès lors, en confirmant le jugement déféré ayant autorisé l'exécution en France de la décision de confiscation du bien immobilier appartenant à la SCI [2] et d'une quote-part de 436/10105e des parties communes générales de cet immeuble rendue par le tribunal pénal fédéral suisse le 1er octobre 2014, quand il ne ressort ni des constatations de cette décision étrangère ni de la demande d'entraide pénale que ce tiers propriétaire serait de mauvaise foi, la cour d'appel a violé les articles 18 de la Convention de Strasbourg du 8 novembre 1990 et 713-37 du code de procédure pénale, ensemble les articles 6, § 2, de la directive 2014/42/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 et 131-21 du code pénal ;
2°/ que l'exécution de la confiscation ordonnée par une juridiction étrangère est refusée lorsqu'elle a été prononcée dans des conditions n'offrant pas de garanties suffisantes au regard de la protection des droits de la défense ; que tel est le cas lorsqu'elle porte sur un bien appartenant à un tiers qui n'a pas été mis en mesure de faire valoir ses droits devant la juridiction étrangère préalablement à la confiscation de son bien ; qu'en autorisant l'exécution en France de la décision de confiscation du bien immobilier appartenant à la SCI [2] rendue par le tribunal pénal fédéral suisse le 1er octobre 2014, lorsqu'il ne ressort ni des mentions de cette décision ni des informations contenues dans la demande d'entraide pénale internationale que ce tiers propriétaire ait été mis en mesure de faire valoir ses observations devant cette juridiction avant qu'elle ne prononce la confiscation de son bien, la cour d'appel a violé les articles 713-37 et 713-38 du code de procédure pénale, ensemble les articles 4 et 5 de la décision-cadre 2005/212/JAI du 24 février 2005 et les articles 6 et 8 de la directive 2014/42/UE du 3 avril 2014, lus en combinaison avec l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ainsi que les articles 6, § 1, de la Convention européenne et 1er du premier Protocole additionnel à cette Convention. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 713-37, 2° et 3°, et 713-38, alinéa 3, du code de procédure pénale, et 131-21, alinéa 3, du code pénal :
41. Selon le premier de ces textes, l'exécution des décisions de confiscation prononcées par les autorités judiciaires étrangères est refusée si les biens sur lesquels elles portent ne sont pas susceptibles de faire l'objet d'une confiscation selon la loi française, ou bien si la décision étrangère a été prononcée dans des conditions n'offrant pas de garanties suffisantes au regard de la protection des libertés individuelles et des droits de la défense.
42. Selon le troisième, les biens appartenant à des tiers propriétaires de bonne foi ne sauraient être confisqués, y compris lorsqu'ils constituent l'objet ou le produit direct ou indirect de l'infraction (Crim., 7 novembre 2018, pourvoi n° 17-87.424, Bull. crim. 2018, n° 188).
43. Le deuxième dispose que l'autorisation d'exécution ne peut avoir pour effet de porter atteinte aux droits licitement constitués au profit des tiers, en application de la loi française, sur les biens dont la confiscation a été prononcée par la décision étrangère. Toutefois, si cette décision contient des dispositions relatives aux droits des tiers, elle s'impose aux juridictions françaises à moins que les tiers n'aient pas été mis à même de faire valoir leurs droits devant la juridiction étrangère dans des conditions analogues à celles prévues par la loi française.
44. En l'espèce, pour confirmer l'autorisation d'exécution de la décision de confiscation, l'arrêt retient que M. [W] a été condamné pour corruption d'agents publics étrangers, gestion déloyale et blanchiment d'argent, que ces infractions sont prévues et réprimées par le droit pénal français, et qu'elles font encourir à leur auteur la peine complémentaire de confiscation définie par l'article 131-21 du code pénal.
45. Les juges retiennent par ailleurs que le jugement du tribunal pénal fédéral suisse a été prononcé dans des conditions offrant des garanties suffisantes au regard de l'exercice d'un droit de recours, garantie encore assurée par les dispositions de l'article 438 du code de procédure pénale suisse qui prévoit que la décision fixant l'entrée en force est sujette à recours, de sorte qu'aucune atteinte n'a été portée aux droits de la personne poursuivie.
46. Ils constatent par ailleurs que le jugement suisse contient des dispositions relatives au respect des droits des tiers, à savoir la communication à la société [2] du jugement, étant relevé que seul M. [W] est concerné par la confiscation.
47. En se déterminant ainsi, sans rechercher, à partir des constatations de fait de la décision étrangère, et au besoin en demandant aux autorités judiciaires suisses, par commission rogatoire, la fourniture des informations complémentaires nécessaires, si la société [2] était de bonne foi, ni mieux établir, selon les mêmes modalités, que cette société avait été mise à même de faire valoir ses droits devant la juridiction suisse dans des conditions analogues à celles prévues par la loi française, alors qu'il ressort des énonciations du jugement du tribunal pénal fédéral que la société [2] n'était pas partie à cette décision qui lui a été notifiée après qu'elle fut passée en force de chose jugée, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus énoncés.
48. La cassation est par conséquent à nouveau encourue.
Et sur le premier moyen proposé pour M. [W] et le deuxième moyen proposé pour la société [2]
Enoncé des moyens
49. Le moyen proposé pour M. [W] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a statué en chambre du conseil, après des débats s'étant déroulés selon les mêmes modalités, alors « que la publicité des débats judiciaires est une règle d'ordre public à laquelle il ne peut être dérogé que dans les cas limitativement déterminés par la loi ; qu'aucune disposition légale ne déroge à cette règle lorsque la juridiction correctionnelle est saisie d'une requête du procureur de la République tendant à l'exécution sur le territoire français d'une décision de confiscation prononcée par une juridiction d'un État non-membre de l'Union européenne, ou d'un recours formé contre un jugement autorisant l'exécution d'une telle décision ; que, dès lors, en examinant l'appel formé par M. [W] à l'encontre du jugement autorisant l'exécution de la décision de confiscation rendue par le tribunal pénal fédéral (Suisse) et en rendant son arrêt en chambre du conseil, la cour d'appel a méconnu les articles 6, § 1, de la Convention européenne, 400, 512, 711 et 713-36 à 713-41 du code de procédure pénale et le principe ci-dessus énoncé. »
50. Le moyen proposé pour la société [2] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a statué en chambre du conseil, après des débats s'étant déroulés selon les mêmes modalités, alors « que la publicité des débats judiciaires est une règle d'ordre public à laquelle il ne peut être dérogé que dans les cas limitativement déterminés par la loi ; qu'aucune disposition légale ne déroge à cette règle lorsque la juridiction correctionnelle est saisie d'une requête du procureur de la République tendant à l'exécution sur le territoire français d'une décision de confiscation prononcée par une juridiction d'un État non-membre de l'Union européenne, ou d'un recours formé contre un jugement autorisant l'exécution d'une telle décision ; que, dès lors, en examinant l'appel formé par M. [W] à l'encontre du jugement autorisant l'exécution de la décision de confiscation rendue par le tribunal pénal fédéral (Suisse) et en rendant son arrêt en chambre du conseil, la cour d'appel a méconnu les articles 6, § 1, de la Convention européenne, 400, 512, 711 et 713-36 à 713-41 du code de procédure pénale et le principe ci-dessus énoncé. »
Réponse de la Cour
51. Les moyens sont réunis.
Vu les articles 400 et 512 du code de procédure pénale :
52. Il résulte de ces textes que la publicité des débats judiciaires est une règle d'ordre public à laquelle il ne peut être dérogé que dans les cas limitativement déterminés par la loi.
53. Les articles 713-36 à 713-41 du code de procédure pénale, qui organisent l'exécution des décisions de confiscation prononcées par les autorités judiciaires étrangères, ne prévoient pas de dérogation à ce principe.
54. L'arrêt attaqué énonce que les débats se sont tenus en chambre du conseil et que l'arrêt a été rendu selon les mêmes modalités.
55. En statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé.
56. La cassation est par conséquent à nouveau encourue.
Crim. 4 janvier 2023 n° 22-85.982
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° P 22-85.982 F-D
N° 00099
MAS2 4 JANVIER 2023
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 4 JANVIER 2023
M. [Z] [T] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 7e section, en date du 27 septembre 2022, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs, notamment, d'arrestation, enlèvement, détention ou séquestration sans libération avant le septième jour en bande organisée, blanchiment et association de malfaiteurs, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention rejetant ses demandes de mise en liberté.
Des mémoires ont été produits.
Sur le rapport de M. Charmoillaux, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [Z] [T], et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 janvier 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Charmoillaux, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. [Z] [T] a été mis en examen des chefs susvisés et a été placé en détention provisoire.
3. Une première demande de mise en liberté, formée le 9 août 2022, a été communiquée le jour même au ministère public, qui a pris ses réquisitions le 10 août 2022.
4. Une seconde demande de mise en liberté, formée le 10 août 2022, a été communiquée le 12 août 2022 au ministère public, qui a pris ses réquisitions le 16 août 2022.
5. Le juge d'instruction a, par ordonnance du 24 août 2022, saisi le juge des libertés et de la détention qui a rejeté les demandes de mise en liberté par ordonnance du 6 septembre 2022.
6. M. [T] a relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté « le moyen de nullité », dit l'appel mal fondé et confirmé l'ordonnance du 6 septembre 2022 par laquelle le juge des libertés et de la détention a rejeté les demandes de mise en liberté formées par l'exposant, alors :
1°/ que le délai qui doit être pris en compte pour vérifier le respect de l'exigence de célérité formulée à l'article 5, § 4, de la Convention européenne des droits de l'homme a pour point de départ la date de formulation de la demande d'élargissement ou d'introduction du recours et pour terme la décision par laquelle il est définitivement statué sur la légalité de la détention de la personne détenue ; qu'il s'ensuit que dans le cas d'une demande de mise en liberté adressée au juge d'instruction, transmise au juge des libertés et de la détention qui la rejette, puis examinée par la Chambre de l'instruction sur l'appel de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention, le délai qui doit être pris en compte a alors pour point de départ la date de formulation de la demande de mise en liberté au juge d'instruction et pour terme la décision de la Chambre de l'instruction ; qu'il résulte de la procédure que l'avocat de Monsieur [T] a formé deux demandes de mise en liberté les 9 et 10 août 2022 ; qu'il a été statué sur ces demandes
par le juge des libertés et de la détention le 6 septembre 2022, soit 28 jours plus tard, puis par la Chambre de l'instruction sur appel de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention le 27 septembre 2022, soit 49 jours après la formulation de la première de ces demandes ; qu'en se bornant, pour rejeter la demande de remise en liberté d'office de Monsieur [T], à relever qu'il avait été statué sur sa demande par le juge des libertés et de la détention « dans un délai de 28 jours, délai non-contraire aux dispositions de la Convention européenne des droits de l'Homme », sans rechercher si le délai total de 49 jours s'étant écoulé entre la demande formée par l'exposant et la décision qu'elle rendait sur appel de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention, seul délai correspondant au délai de la procédure prise dans son ensemble, était lui-même compatible avec ces dispositions, la Chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des dispositions précitées, ensemble les articles 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
2°/ que lorsque le délai écoulé entre la date de formulation de la demande d'élargissement et la décision par laquelle il est définitivement statué sur la légalité de la détention de la personne détenue apparaît excessif au regard de l'exigence de « bref délai » posée par l'article 5, § 4, de la Convention européenne des droits de l'Homme, il appartient à la juridiction rejetant cette demande d'élargissement de justifier sa décision par des motifs exceptionnels permettant d'expliquer et de justifier cette lenteur ; qu'au cas d'espèce, il apparaît d'emblée que le délai entre la date de formulation des demandes de mise en liberté au juge d'instruction et la décision de la Chambre de l'instruction, soit 49 jours, est excessif au regard de l'exigence de « bref délai » ; qu'en outre les lenteurs dans le jugement des demandes de Monsieur [T] résultent uniquement des retards successifs dans le traitement de ces demandes par le juge d'instruction et le juge des libertés et de la détention et du retard dans la notification de l'ordonnance de ce dernier magistrat ; qu'en se bornant toutefois, pour ne pas faire droit au moyen tiré de la violation de l'article 5, § 4, de la Convention européenne des droits de l'Homme, à reprocher à Monsieur [T] de ne pas l'avoir saisie plus tôt, sans relever aucune circonstance exceptionnelle permettant d'expliquer et de justifier les lenteurs imputables au service de la justice, la Chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des dispositions précitées, ensemble les articles 148, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
3°/ que lorsque le délai écoulé entre la date de formulation de la demande d'élargissement et la décision par laquelle il est définitivement statué sur la légalité de la détention de la personne détenue apparaît excessif au regard de l'exigence de « bref délai » posée par l'article 5, § 4, de la Convention européenne des droits de l'Homme, il appartient à la juridiction rejetant cette demande d'élargissement de justifier sa décision par des motifs exceptionnels permettant d'expliquer et de justifier cette lenteur ; qu'au cas d'espèce, il apparaît d'emblée que le délai entre la date de formulation des demandes de mise en liberté au juge d'instruction et la décision de la Chambre de l'instruction, soit 49 jours, est excessif au regard de l'exigence de « bref délai » ; qu'en outre les lenteurs dans le jugement des demandes de Monsieur [T] résultent uniquement des retards successifs dans le traitement de ces demandes par le juge d'instruction et le juge des libertés et de la détention et du retard dans la notification de l'ordonnance de ce dernier magistrat ; que s'il résulte des dispositions de l'article 148, alinéa 5, du Code de procédure pénale, un droit pour la personne détenue à saisir directement la Chambre de l'instruction d'une demande de remise en liberté lorsqu'il n'a pas été statué sur celle-ci par le juge des libertés et de la détention dans le délai légal de trois jours ouvrables, on ne saurait toutefois reprocher à la personne détenue, de ne pas avoir volontairement dessaisi le juge des libertés et de la détention et de s'être ainsi privée d'un degré de juridiction pouvant potentiellement lui être favorable ; qu'en se bornant ainsi, pour ne pas faire droit au moyen tiré de la violation de l'article 5, § 4, de la Convention européenne des droits de l'Homme, à reprocher à Monsieur [T] de ne pas l'avoir saisie plus tôt, quand ce motif est inopérant à expliquer et justifier les lenteurs du service de la justice, lesquelles ne peuvent s'expliquer par la seule volonté de Monsieur [T] d'attendre la décision du juge des libertés et de la détention, la Chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 5, § 4, de la Convention européenne des droits de l'Homme, 148, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
4°/ que quand bien même il résulterait des dispositions de l'article 148, alinéa 5, du Code de procédure pénale, une obligation incombant à la personne détenue de limiter les délais de recours en saisissant immédiatement la Chambre de l'instruction, il résulte de l'analyse des délais de la présente procédure que si Monsieur [T] s'était conformé à cette obligation, la Chambre de l'instruction aurait statué au terme d'un délai excédant l'obligation de « bref délai » posée par l'article 5, § 4, de la Convention européenne des droits de l'Homme, de sorte qu'en statuant ainsi par un moyen inopérant en fait, la Chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 5, § 4, de la Convention européenne des droits de l'Homme, 148, 591 et 593 du Code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
8. Pour écarter le moyen tiré de la violation de l'article 5, § 4, de la Convention européenne des droits de l'homme et confirmer l'ordonnance ayant rejeté les demandes de mise en liberté de M. [T], l'arrêt attaqué énonce que l'intéressé pouvait en tout état de cause, faute de décision du juge des libertés et de la détention intervenue dans les délais prévus par la loi, saisir la chambre de l'instruction afin qu'il soit statué plus rapidement sur sa demande.
9. En l'état de ces seules énonciations, la chambre de l'instruction a justifié sa décision, sans méconnaître les textes visés au moyen.
10. En effet, en premier lieu, M. [T] ne saurait se faire un grief du retard pris pour statuer en première instance sur ses demandes de mise en liberté, dès lors qu'il a n'a pas exercé la faculté que lui donnait l'article 148, alinéa 5, du code de procédure pénale de saisir directement la juridiction du second degré, laquelle est alors tenue de se prononcer dans les vingt jours, à peine de mise en liberté d'office.
11. En second lieu, la chambre de l'instruction, qui a statué quatorze jours après l'appel formé par l'intéressé de l'ordonnance de rejet par le juge des libertés et de la détention de ses demandes de mise en liberté, a elle-même jugé dans le bref délai prescrit par l'article 194, alinéa 3, du code de procédure pénale.
12. Dès lors, le moyen doit être écarté.
13. Par ailleurs, l'arrêt est régulier, tant en la forme qu'au regard des dispositions des articles 137-3, 143-1 et suivants du code de procédure pénale.
Civ.2 15 décembre 2022 n° 21-15.696
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 15 décembre 2022
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 1320 F-D
Pourvoi n° V 21-15.696
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 DÉCEMBRE 2022
Le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° V 21-15.696 contre l'arrêt n° RG : 18/04080 rendu le 4 février 2021 par la cour d'appel d'Amiens (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à Mme [G] [L], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Chauve, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 novembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Chauve, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 4 février 2021), [E] [U] est décédé le [Date décès 1] 2015 à la suite de faits de vols d'argent et de produits stupéfiants, aggravés par des violences ayant entraîné la mort, dont MM. [H], [R] et [C] ont été déclarés coupables par une cour d'assises.
2. Sa s?ur, Mme [G] [L] a saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infractions aux fins d'indemnisation de son préjudice moral.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
3. Le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions fait grief à l'arrêt d'allouer à Mme [G] [L] la somme de 3 000 euros au titre de son préjudice moral, alors « qu'en toute hypothèse, le droit à réparation de la victime d'une infraction pénale, au titre de la solidarité nationale, doit être refusé ou réduit lorsque la victime a commis une faute en lien avec le dommage qu'elle a subi ; qu'en jugeant que le fait que M. [U] ait été revendeur de stupéfiants était sans lien avec l'agression dont il a été victime après avoir constaté que M. [H] s'était rendu chez lui pour lui acheter de la drogue et que c'est son « refus de vendre de l'héroïne opposée à M. [H], [?] qui a conduit celui-ci et MM. [R] et [C] à commettre les faits dans le but délibéré de voler la victime », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 706-3 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 706-3 du code de procédure pénale :
4. Il résulte de ce texte que la réparation par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions du dommage causé par des faits présentant le caractère matériel d'une infraction peut être refusée ou son montant réduit à raison de la faute de la victime, en relation de causalité directe et certaine avec le dommage.
5. Pour faire droit à la demande d'indemnisation de Mme [G] [L], victime par ricochet, l'arrêt relève que M. [H] s'est rendu au domicile de [E] [U] pour lui acheter des stupéfiants mais que suite au refus de vente de ce dernier, il y est revenu avec MM. [R] et [C], et que tous les trois l'ont agressé et lui ont volé de l'argent et de l'héroïne.
6. Il énonce ensuite qu'aucune faute ne peut être relevée à l'encontre de la victime consommateur et revendeur de produits stupéfiants dans une mesure inconnue, mais dont l'agression est sans rapport avec le trafic de stupéfiants, puisque précisément liée au refus de vente d'héroïne opposé à M. [H], refus qui a conduit celui-ci et MM. [R] et [C] à commettre les faits dans le but délibéré de voler la victime.
7. En statuant ainsi, alors qu'elle mettait en évidence que l'infraction trouvait son origine dans le commerce de produits stupéfiants, faisant ressortir ainsi un lien direct et certain entre le mode de vie et les activités délictueuses de [E] [U] et son décès, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé.
Civ.2 15 décembre 2022 n° 21-15.698
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 15 décembre 2022
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 1322 F-D
Pourvoi n° X 21-15.698
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 DÉCEMBRE 2022
Le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 21-15.698 contre l'arrêt n° RG : 18/04088 4 février 2021 par la cour d'appel d'Amiens (1ère chambre civile), dans le litige l'opposant à M. [N] [D], domicilié [Adresse 3], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Chauve, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 novembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Chauve, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 4 février 2021), [J] [D] est décédé le [Date décès 1] 2015 à la suite de faits de vols d'argent et de produits stupéfiants, aggravés par des violences ayant entraîné la mort, dont MM. [B], [C] et [V] ont été déclarés coupables par une cour d'assises.
2. Son frère, M. [N] [D] a saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infractions aux fins d'indemnisation de son préjudice moral.
Examen du moyen
Sur le moyen pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
3. Le Fonds de garantie des des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions fait grief à l'arrêt d'allouer à M. [N] [D] la somme de 3 000 euros au titre de son préjudice moral, alors « que qu'en toute hypothèse, le droit à réparation de la victime d'une infraction pénale, au titre de la solidarité nationale, doit être refusé ou réduit lorsque la victime a commis une faute en lien avec le dommage qu'elle a subi ; qu'en jugeant que le fait que M. [D] ait été revendeur de stupéfiants était sans lien avec l'agression dont il a été victime après avoir constaté que M. [B] s'était rendu chez lui pour lui acheter de la drogue et que c'est son « refus de vendre de l'héroïne opposée à M. [B], [?] qui a conduit celui-ci et MM. [C] et [V] à commettre les faits dans le but délibéré de voler la victime », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 706-3 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 706-3 du code de procédure pénale :
4. Il résulte de ce texte que la réparation par le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions du dommage causé par des faits présentant le caractère matériel d'une infraction peut être refusée ou son montant réduit à raison de la faute de la victime, en relation de causalité directe et certaine avec le dommage.
5. Pour faire droit, à la demande d'indemnisation du M. [N] [D], victime par ricochet, l'arrêt relève que M. [B] s'est rendu au domicile de [J] [D] pour lui acheter des stupéfiants mais que suite au refus de vente de ce dernier, il y est revenu avec MM. [C] et [V], et que tous trois, l'ont agressé et lui ont volé de l'argent et de l'héroïne.
6. Il énonce ensuite qu'aucune faute ne peut être retenue à l'encontre de la victime consommateur et revendeur de produits stupéfiants dans une mesure non connue, mais dont l'agression est sans rapport avec le trafic de stupéfiants, puisque précisément liée au refus de vente de l'héroïne opposé à M. [B], refus qui a conduit celui-ci et MM. [C] et [V] à commettre les faits dans le but délibéré de voler la victime.
7. En statuant ainsi, alors qu'elle mettait en évidence que l'infraction trouvait son origine dans le commerce de produits stupéfiants, faisant ressortir ainsi un lien direct et certain entre le mode de vie et les activités délictueuses de [J] [D] et son décès, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé le texte susvisé.
Civ.2 15 décembre 2022 n° 21-15.695
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 15 décembre 2022
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 1316 F-D
Pourvoi n° U 21-15.695
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 DÉCEMBRE 2022
Le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 21-15.695 contre l'arrêt n° RG : 18/04078 rendu le 4 février 2021 par la cour d'appel d'Amiens (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à M. [P] [U], domicilié [Adresse 3], défendeur à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Chauve, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 novembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Chauve, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 4 février 2021), [T] [U] est décédé le [Date décès 1] 2015 à la suite de faits de vols d'argent et de produits stupéfiants, aggravés par des violences ayant entraîné la mort, dont MM. [X], [C] et [B] ont été déclarés coupables par une cour d'assises.
2. Son fils, M. [P] [U] a saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infractions aux fins d'indemnisation de son préjudice moral.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
3. Le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions fait grief à l'arrêt d'allouer à M. [P] [U] la somme de 11 000 euros au titre de son préjudice moral, alors « qu'en toute hypothèse, le droit à réparation de la victime d'une infraction pénale, au titre de la solidarité nationale, doit être refusé ou réduit lorsque la victime a commis une faute en lien avec le dommage qu'elle a subi ; qu'en jugeant que le fait que M. [U] ait été revendeur de stupéfiants était sans lien avec l'agression dont il a été victime après avoir constaté que M. [X] s'était rendu chez lui pour lui acheter de la drogue et que c'est son « refus de vendre de l'héroïne opposée à M. [X], [?] qui a conduit celui-ci et MM. [C] et [B] à commettre les faits dans le but délibéré de voler la victime », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 706-3 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 706-3 du code de procédure pénale :
4. Il résulte de ce texte que la réparation par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions du dommage causé par des faits présentant le caractère matériel d'une infraction peut être refusée ou son montant réduit à raison de la faute de la victime, en relation de causalité directe et certaine avec le dommage.
5. Pour faire droit à la demande d'indemnisation de M. [P] [U], victime par ricochet, l'arrêt relève que M. [X] s'est rendu au domicile de [T] [U] pour lui acheter des stupéfiants mais que suite au refus de vente de ce dernier, il y est revenu avec MM. [C] et [B], et que tous les trois l'ont agressé et lui ont volé de l'argent et de l'héroïne.
6. Il énonce ensuite qu'aucune faute ne peut être relevée à l'encontre de la victime consommateur et revendeur de produits stupéfiants dans une mesure inconnue, mais dont l'agression est sans rapport avec le trafic de stupéfiants, puisque précisément liée au refus de vente d'héroïne opposé à M. [X], refus qui a conduit celui-ci et MM. [C] et [B] à commettre les faits dans le but délibéré de voler la victime.
7. En statuant ainsi, alors qu'elle mettait en évidence que l'infraction trouvait son origine dans le commerce de produits stupéfiants, faisant ressortir ainsi un lien direct et certain entre le mode de vie et les activités délictueuses de [T] [U] et son décès, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé.
Civ.2 15 décembre 2022 n° 21-15.697
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 15 décembre 2022
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 1321 F-D
Pourvoi n° W 21-15.697
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 DÉCEMBRE 2022
Le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° W 21-15.697 contre l'arrêt n° RG : 18/04082 rendu le 4 février 2021 par la cour d'appel d'Amiens (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à M. [P] [E], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Chauve, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 novembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Chauve, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 4 février 2021), [W] [E] est décédé le [Date décès 2] 2015 à la suite de faits de vols d'argent et de produits stupéfiants, aggravés par des violences ayant entraîné la mort, dont MM. [R], [N] et [U] ont été déclarés coupables par une cour d'assises.
2. Son frère, M. [P] [E] a saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infractions aux fins d'indemnisation de son préjudice moral.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
3. Le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions fait grief à l'arrêt d'allouer à M. [P] [E] la somme de 3 000 euros au titre de son préjudice moral, alors « qu'en toute hypothèse, le droit à réparation de la victime d'une infraction pénale, au titre de la solidarité nationale, doit être refusé ou réduit lorsque la victime a commis une faute en lien avec le dommage qu'elle a subi ; qu'en jugeant que le fait que M. [E] ait été revendeur de stupéfiants était sans lien avec l'agression dont il a été victime après avoir constaté que M. [R] s'était rendu chez lui pour lui acheter de la drogue et que c'est son « refus de vendre de l'héroïne opposée à M. [R], [?] qui a conduit celui-ci et MM. [N] et [U] à commettre les faits dans le but délibéré de voler la victime », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 706-3 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 706-3 du code de procédure pénale :
4. Il résulte de ce texte que la réparation par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions du dommage causé par des faits présentant le caractère matériel d'une infraction peut être refusée ou son montant réduit à raison de la faute de la victime, en relation de causalité directe et certaine avec le dommage.
5. Pour faire droit à la demande d'indemnisation de M. [P] [E], victime par ricochet, l'arrêt relève que M. [R] s'est rendu au domicile de [W] [E] pour lui acheter des stupéfiants mais que suite au refus de vente de ce dernier, il y est revenu avec MM. [N] et [U], et que tous les trois l'ont agressé et lui ont volé de l'argent et de l'héroïne.
6. Il énonce ensuite qu'aucune faute ne peut être relevée à l'encontre de la victime consommateur et revendeur de produits stupéfiants dans une mesure inconnue, mais dont l'agression est sans rapport avec le trafic de stupéfiants, puisque précisément liée au refus de vente d'héroïne opposé à M. [R], refus qui a conduit celui-ci et MM. [N] et [U] à commettre les faits dans le but délibéré de voler la victime.
7. En statuant ainsi, alors qu'elle mettait en évidence que l'infraction trouvait son origine dans le commerce de produits stupéfiants, faisant ressortir ainsi un lien direct et certain entre le mode de vie et les activités délictueuses de [W] [E] et son décès, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé.
Civ.3 14 décembre 2022 n° 21-21.316
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 14 décembre 2022
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 871 F-D
Pourvoi n° D 21-21.316
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 DÉCEMBRE 2022
Mme [X] [W], domiciliée [Adresse 4], a formé le pourvoi n° D 21-21.316 contre l'arrêt rendu le 30 mars 2021 par la cour d'appel de Fort-de-France (chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à la caisse de Crédit mutuel Marin, dont le siège est [Adresse 3],
2°/ à M. [S] [I], domicilié [Adresse 2],
3°/ à la société Radja, entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Abgrall, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme [W], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [I], de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la caisse de Crédit mutuel Marin, après débats en l'audience publique du 8 novembre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Abgrall, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 30 mars 2021), par acte du 22 janvier 2008, dressé par M. [I], notaire, Mme [W] a vendu une maison d'habitation à l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée Radja (la société Radja), représentée par son gérant, M. [Z], au prix de 130 000 euros.
2. Le même jour, la société Radja a revendu l'immeuble à la société civile immobilière Ninaukl, dont la gérante était la fille de Mme [W], qui représentait la société Ninaukl à l'acte, pour le prix de 240 000 euros, société à qui un prêt immobilier de 220 000 euros avait été accordé par la caisse du Crédit mutuel du Marin.
3. A la suite d'une enquête pénale initiée par le Crédit mutuel, qui se plaignait de la production de faux documents dans plusieurs dossiers de prêts, M. [Z] et M. [K], directeur du Crédit mutuel du Marin, ont été condamnés pour des faits d'escroquerie, faux et usage de faux par décisions des 8 septembre 2014 et 25 février 2016.
4. Par acte du 12 mars 2014, dénonçant un montage destiné à lui éviter la saisie immobilière de sa maison, Mme [W] a assigné la société Radja, M. [Z], M. [K], la caisse du Crédit mutuel du Marin et M. [I] en annulation des actes de vente sur le fondement du dol et subsidiairement en indemnisation.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. Mme [W] fait grief à l'arrêt de juger l'action en nullité de la vente sur le fondement du dol prescrite, alors :
« 1°/ que le délai de l'action en nullité d'une convention pour dol ne court que du jour où les manoeuvres ont été découvertes par celui qui s'en prévaut et non pas du jour de la signature de l'acte visé par la demande de nullité ; qu'en se bornant à retenir que le point de part du délai de prescription extinctive de l'action en nullité pour dol engagée par Mme [W] correspondait à la date de la vente immobilière litigieuse conclue avec l'Eurl Radja, dont M. [Z] était gérant et unique associé, soit le 22 janvier 2008, sans rechercher ni constater, comme elle était invitée à le faire, au regard notamment des multiples éléments issus des procédures pénales produits au débat, si Mme [W] n'avait pas été victime d'une escroquerie, avec faux et usage de faux imputables à MM. [K] et [Z], à l'occasion de la vente en cause, ce dont il se déduisait qu'elle n'avait pas été consciente de la tromperie qu'elle invoquait dès la conclusion de cette même vente frauduleuse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1116 et 1304 anciens du code civil ;
2°/ que le délai de l'action en nullité d'une convention pour dol ne court que du jour où les manoeuvres ont été découvertes par celui qui s'en prévaut et non pas du jour de la signature de l'acte visé par la demande de nullité ; qu'en énonçant, pour dire que le point de part du délai de prescription extinctive de l'action en nullité pour dol engagée par Mme [W] correspondait à la date de la vente immobilière litigieuse conclue avec l'Eurl Radja, dont M. [Z] était gérant et unique associé, soit le 22 janvier 2008, que « l'acte authentique de vente fait foi jusqu'à inscription de faux », cependant que Mme [W] ne contestait pas la véracité des mentions de cet acte, mais en demandait la nullité pour dol, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et violé les articles 1116 et 1304 anciens du code civil ;
3°/ que l'autorité de la chose jugée au pénal s'impose au juge civil relativement aux faits constatés qui constituent le soutien nécessaire de la condamnation pénale ; qu'en retenant que le point de part du délai de prescription extinctive de l'action en nullité pour dol engagée par Mme [W] correspondait à la date de la vente immobilière litigieuse conclue avec l'Eurl Radja, dont M. [Z] était gérant et unique associé, soit le 22 janvier 2008, sans rechercher ni constater, comme elle était invitée à le faire, si Mme [W] n'avait pas été victime d'une escroquerie, avec faux et usage de faux imputables à MM. [K] et [Z], à l'occasion de la vente en cause, conformément à des décisions pénales définitives régulièrement produites et invoquées dans les débats, ce dont il se déduisait l'existence de manoeuvres et de tromperie à l'égard de Mme [W], qui ne pouvait donc être consciente du dol qu'elle invoquait dès la conclusion de la vente frauduleuse, la cour d'appel a violé les articles 4 du code de procédure pénale et 1351 ancien, devenu 1355 du code civil, ensemble le principe de sécurité juridique ;
4°/ que le criminel tenant le civil en l'état, l'action pénale visant à établir et sanctionner des faits d'escroquerie, de faux et d'usage de faux est de nature à suspendre ou interrompre le délai de prescription de l'action en nullité pour dol relative aux mêmes faits ; qu'en se bornant à retenir que l'action en nullité pour dol engagée par Mme [W] devant le juge civil le 12 mars 2014 était prescrite au regard de la date de la vente litigieuse, sans rechercher ni constater, comme elle était invitée à le faire au regard notamment des décisions pénales définitives régulièrement produites et invoquées dans les débats, si les poursuites et actions pénales visant MM. [K] et [Z], ainsi que la constitution de partie civile de Mme [W] déclarée recevable à l'occasion de ces actions n'avaient pas eu pour effet de suspendre ou d'interrompre le délai de prescription extinctive de l'action en nullité pour dol en cause, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 4 du code de procédure pénale et 1304 ancien du code civil. »
Réponse de la Cour
6. En premier lieu, Mme [W] n'ayant pas invoqué, devant la cour d'appel, l'autorité de la chose jugée des décisions pénales, le moyen, pris en sa troisième branche, est nouveau, mélangé de fait et de droit.
7. En second lieu, ayant relevé que Mme [W] était bien présente en l'étude de M. [I], le 22 janvier 2008, et qu'elle avait signé, d'une part, en son nom, l'acte de vente authentique conclu entre elle et la société Radja moyennant le prix de 130 000 euros, d'autre part, en sa qualité de mandataire de la société civile immobilière Ninaukl, l'acte de vente conclu entre la société Radja et celle-ci moyennant le prix de 240 000 euros, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à des recherches qui ne lui étaient pas demandées et abstraction faite d'un motif surabondant relatif à la force probante de l'acte authentique, a souverainement retenu que Mme [W] avait eu connaissance de l'opération financière litigieuse le 22 janvier 2008, de sorte que son action, introduite le 12 mars 2014, était irrecevable.
8. Le moyen, pour partie irrecevable, n'est donc pas fondé pour le surplus.
Crim. 14 décembre 2022 n° 21-87.247
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° T 21-87.247 F-D
N° 01585
RB5 14 DÉCEMBRE 2022
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 14 DÉCEMBRE 2022
M. [G] [P] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre 5-6, en date du 23 novembre 2021, qui a prononcé sur sa requête en incident d'exécution.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Brugère, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [G] [P], et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 16 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Brugère, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le 20 septembre 2021, le ministère public a saisi la cour d'appel d'une requête en difficulté d'exécution de trois peines d'emprisonnement prononcées à l'encontre de M. [G] [P].
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. Le moyen critique l'arrêt attaqué statuant sur une difficulté d'exécution en ce qu'il a dit « que M. [G] [P] purge actuellement 19 ans de détention résultant de la confusion partielle à hauteur de cinq ans de la peine de neuf ans d'emprisonnement prononcée par arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 11 janvier 2016 (1), et de la peine de dix ans d'emprisonnement prononcée par arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 14 mars 2016 (2), soit 14 ans, et de l'exécution de la peine de cinq ans d'emprisonnement prononcée par arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 4 décembre 2018 (3) qui a été réactivée », alors :
« 1°/ que la procédure prévue par l'article 710 du code de procédure pénale ne peut permettre que de rectifier des erreurs purement matérielles contenues dans les décisions ou de régler des difficultés d'exécution des sentences, sans toutefois qu'il soit porté atteinte à la chose jugée et sans rien ajouter aux dites décisions ; que toute décision se prononçant sur une confusion des peines, devenue définitive, a autorité de la chose jugée ; qu'en considérant en l'espèce que M. [P] purge actuellement 19 ans de détention résultant de la confusion partielle à hauteur de 5 ans des peines 1 et 2, soit 14 ans, et de la peine 3, soit 5 ans, qui a été « réactivée », la Cour d'appel a ajouté aux dispositions des décisions du 28 juillet 2020 et du 6 juillet 2021 qui donnaient toutes deux une suite favorable aux demandes de confusion des peines sollicitée par M. [P] et ne prévoyaient aucune « réactivation » d'une peine prononcée antérieurement, en violation des articles 132-4 du code pénal, 710 du code de procédure pénale et 593 du même code ;
2°/ qu'en considérant comme elle l'a fait, que la peine de 5 ans d'emprisonnement prononcée le 4 décembre 2018 a été « réactivée », à l'issue de la première confusion accordée le 28 juillet 2020 qui aurait entraîné « la survie de la peine de 5 ans d'emprisonnement », la cour d'appel a statué aux termes d'une motivation incompréhensible et juridiquement infondée, aucune réactivation d'une peine prononcée par une juridiction correctionnelle n'étant prévue en procédure pénale, ni en droit pénal, méconnaissant de plus fort les textes susvisés ;
3°/ qu'en statuant ainsi, la Cour a méconnu l'autorité de chose jugée des décisions définitives en confusion des peines du 28 juillet 2020 et 6 juillet 2021, la première d'entre elles ayant accordé à M. [P] une confusion partielle, à hauteur de 5 ans, des peines de 9 ans et de 10 ans d'emprisonnement prononcée le 11 janvier 2016 et le 14 mars 2016, ramenant à 14 ans la peine à exécuter, la seconde ayant accordé à M. [P] une nouvelle confusion partielle à hauteur de 5 ans de ces peines ainsi confondues, avec la peine de 5 ans d'emprisonnement prononcée le 4 décembre 2018 ; qu'en considérant que la première confusion accordée par l'arrêt du 28 juillet 2020 aurait entraîné la survie de la peine de 5 ans, en ajoutant à ce qui a été jugé par l'arrêt dont s'agit qui ne prévoyait rien de tel, et que la confusion partielle de 5 ans accordée par l'arrêt du 6 juillet 2021 doit s'imputer sur le quantum total des trois peines, restreignant ainsi les droits consacrés par la décision du 28 juillet 2020 qui octroyait à M. [P] une confusion des deux premières peines à hauteur de 14 années, la cour d'appel a méconnu ce qui a été jugé, d'une part par l'arrêt du 28 juillet 2020, et d'autre part par l'arrêt du 6 juillet 2021 en violation des textes susvisés. »
Réponse de la Cour
4. Il résulte des pièces de procédure que trois condamnations ont été prononcées contre M. [P], par la cour d'appel d'Aix-en-Provence :
- neuf ans d'emprisonnement, par arrêt du 11 janvier 2016, pour des faits d'importation de stupéfiants, d'infractions à la législation sur les stupéfiants, et d'association de malfaiteurs, commis en 2012 et 2013 ;
- dix ans d'emprisonnement, par arrêt du 14 mars 2016, pour des faits d'infractions à la législation sur les stupéfiants et sur les armes et d'association de malfaiteurs, commis de 2011 à 2013 ;
- cinq ans d'emprisonnement, par arrêt du 4 décembre 2018, pour des faits d'association de malfaiteurs et de blanchiment du produit d'un trafic de stupéfiants, commis de 2007 à 2014.
5. Par arrêt du 28 juillet 2020, ladite cour d'appel a prononcé, à hauteur de cinq ans, la confusion des deux peines précitées de neuf et dix ans.
6. Par un premier arrêt du 6 juillet 2021, la même cour d'appel a ordonné la confusion des trois peines ci-dessus à hauteur de cinq ans. Par un second arrêt du même jour, elle a rejeté la requête de M. [P] qui soutenait que la peine prononcée en 2018 était comprise dans la requête en confusion de peines accordée le 28 juillet 2020.
7. En cet état, c'est sans méconnaître les textes visés au moyen que, par l'arrêt attaqué, la cour d'appel a jugé que le demandeur purge dix-neuf ans d'emprisonnement, résultant de la confusion partielle à hauteur de cinq ans des peines de neuf ans et de dix ans d'emprisonnement prononcées en 2016, soit quatorze ans, et de la mise à exécution de la peine de cinq ans d'emprisonnement prononcée en 2018, compte tenu des dispositions des décisions précitées, prononcées le 6 juillet 2021, devenues définitives, auxquelles elle n'a rien ajouté.
8. Le moyen ne peut, dès lors, être admis.
9. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
Crim. 14 décembre 2022 n° 22-80.104
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° Z 22-80.104 F-D
N° 01581
RB5 14 DÉCEMBRE 2022
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 14 DÉCEMBRE 2022
Mme [F] [S] [V], civilement responsable, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier, chambre spéciale des mineurs, en date du 10 décembre 2021, qui, dans la procédure suivie contre son fils [G] [D] du chef de vol aggravé, a prononcé sur les intérêts civils.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de M. Turbeaux, conseiller, les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de Mme [F] [S] [V], les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de Mme [L] [K] et de MM. [C] et [I] [K], et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 16 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Turbeaux, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Par jugement du 22 mars 2017, le tribunal pour enfants a déclaré [G] [D], né le [Date naissance 1] 1996, coupable d'un vol commis le 1er février 2013, aggravé par les circonstance de réunion et d'effraction dans un local d'habitation. Les mêmes faits ont été imputés à des coauteurs majeurs.
3. Sur l'action civile, le tribunal a déclaré M. [M] [D] et Mme [F] [S] [V] civilement responsables de leur fils [G] [D], et les a condamnés à payer à la partie civile, [W] [K], la somme de 1 235 500 euros en réparation de son préjudice matériel et 3 000 euros en réparation de son préjudice moral.
4. Le prévenu a relevé appel des dispositions pénales et civiles du jugement ; le ministère public et la partie civile ont formé appel incident.
5. Alors que la procédure était pendante devant la cour d'appel, [W] [K] est décédé, laissant pour lui succéder ses trois enfants, Mme [L] [K] et MM. [C] et [I] [K].
6. Par arrêt du 11 juin 2021, la chambre spéciale des mineurs de la cour d'appel de Montpellier a statué sur l'action publique, confirmé le jugement en qu'il avait déclaré les deux parents du prévenu civilement responsables, et a renvoyé l'examen des intérêts civils à une audience ultérieure.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première, cinquième et sixième branches
7. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches
Enoncé du moyen
8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré Mme [F] [S] [V], avec MM. [G] et [M] [D], entièrement responsable des préjudices matériel et moral résultant de l'infraction, et a condamné Mme [F] [S] [V], in solidum avec MM. [G] et [M] [D], M. [G] [D] étant lui-même condamné solidairement avec M. [B] [R] [U], M. [O] [E], M. [Y] [T], Mme [N] [H] et Mme [A] [J] – sous réserve de la limitation à 4 000 euros de la solidarité à l'égard de cette dernière – à payer à Mme [L] [K] et MM. [C] et [I] [K] la somme de 1 235 500 euros en réparation du préjudice matériel et celle de 3 000 euros en réparation du préjudice moral, alors :
« 2°/ que lorsque plusieurs fautes ont concouru à la production du dommage, la responsabilité de leurs auteurs se trouve engagée dans une mesure appréciée par le juge ; que constitue une telle faute le fait, pour la victime, de ne pas avoir pris les précautions utiles pour éviter le dommage ; qu'en l'espèce, les héritiers de [W] [K] prétendaient qu'une somme d'argent d'un montant 1 235 500 €, en billets de 500 €, 200 € et 100 €, agrafés et enveloppés dans du papier publicitaire, placés dans un carton, lequel avait initialement contenu un embrayage de véhicule, avait été volée à leur père [W] [K] lors du cambriolage de son domicile ; que le carton contenant les espèces n'était pas rangé dans un endroit sécurisé, mais posé sur le sol de l'une des pièces du domicile de [W] [K], sans même être dissimulé ; qu'aucun dispositif de sécurité destiné à éviter un vol dans cette maison n'avait été installé par [W] [K] ; que Mme [S] [V], civilement responsable de son fils mineur, déclaré coupable du vol avec cinq majeurs, faisait valoir que la victime avait ainsi commis une faute d'imprudence ayant contribué à la réalisation du dommage, diminuant son droit à réparation, dans la mesure où aucune précaution, même élémentaire ou de bon sens, n'avait été prise pour éviter le vol des espèces, en dépit de l'importance de la somme ainsi laissée à son domicile ; que la cour d'appel a constaté que « les victimes avaient commis une imprudence en entreposant une très importante quantité d'espèces dans une boîte à même le sol de l'une des pièces de leur maison » (arrêt, p. 15 § 6) ; qu'en jugeant toutefois que les époux [K] n'avaient « commis aucune faute ayant concouru à la production de leur dommage », au motif inopérant « que rien n'oblige quiconque à entreposer ses biens sous alarme ou dans un coffre pour éviter d'en être dépossédé », et tandis que les victimes n'avaient pris aucune précaution pour éviter le vol, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles 2 du code de procédure pénale et 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
3°/ que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en jugeant tout à la fois que les époux [K] « avaient commis une imprudence en entreposant une très importante quantité d'espèces dans une boîte à même le sol de l'une des pièces de leur maison » (arrêt, p. 15 § 6), et qu'ils n'avaient « commis aucune faute ayant concouru à la production de leur dommage » (arrêt, p. 15 § 8), la cour d'appel, qui s'est fondée sur des motifs contradictoires, a violé l'article 593 du code de procédure pénale ;
4°/ que la faute d'imprudence de la victime d'un vol d'une importante somme d'argent laissée en espèces à son domicile, consistant à ne prendre aucune précaution pour éviter le dommage, est en lien causal avec celui-ci ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que « les victimes avaient commis une imprudence en entreposant une très importante quantité d'espèces dans une boîte à même le sol de l'une des pièces de leur maison » (arrêt, p. 15 § 6) ; que cette faute était en lien causal avec le vol de ladite somme ; qu'en jugeant toutefois que les époux [K] n'avaient commis aucune faute ayant concouru à la production du dommage, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a ainsi violé les articles 2 du code de procédure pénale et 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
9. Pour déclarer [G] [D] et ses parents Mme [S] [V] et M. [D] entièrement responsables des préjudices subis par les parties civiles, l'arrêt attaqué énonce que les victimes ont certes commis une imprudence en entreposant une très importante quantité d'espèces dans une boîte à même le sol de l'une des pièces de leur maison, que cependant il n'est interdit à personne de détenir des objets de valeur à son domicile et que rien n'oblige quiconque à entreposer ses biens sous alarme ou dans un coffre pour éviter d'en être dépossédé.
10. Les juges relèvent qu'au cas d'espèce, il ne peut être retenu que les victimes ont commis une faute ayant concouru à la production du dommage, lequel a été exclusivement causé par l'action des auteurs du vol commis avec effraction à leur domicile alors qu'il n'existe aucun élément établissant que ces dernières auraient imprudemment donné des informations à des tiers au sujet de la présence des espèces qui leur ont été dérobées.
11. En l'état de ces énonciations résultant de son appréciation souveraine, dont il résulte que la négligence constatée n'a pris aucune part dans la réalisation du dommage subi par les victimes, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.
12. Ainsi, le moyen n'est pas fondé.
13. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.
Crim. 13 décembre 2022 n° 22-81.851 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° Y 22-81.851 F-B
N° 01552
SL2 13 DÉCEMBRE 2022
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 13 DÉCEMBRE 2022
M. [W] [H] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Grenoble, en date du 8 mars 2022, qui, dans l'information suivie contre lui du chef d'infractions à la législation sur les stupéfiants en récidive, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure.
Par ordonnance en date du 10 juin 2022, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Michon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [W] [H], et les conclusions de M. Lesclous, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Michon, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. [W] [H] a été mis en examen du chef précité le 9 avril 2021, dans le cadre d'une information judiciaire ouverte le 8 juillet 2018.
3. Par requête déposée le lundi 11 octobre 2021, il a soulevé la nullité de pièces de la procédure.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation de toutes les pièces se rattachant à la consultation du fichier LAPI concernant le véhicule Citroën C3, alors :
« 1°/ que seuls les agents des services de police individuellement désignés et dûment habilités par leur chef de service peuvent accéder au fichier de lecture automatisé des plaques d'immatriculation de véhicules (LAPI) ; qu'à défaut, la consultation de ce fichier peut résulter de réquisitions délivrées sur le fondement de l'article 77-1-1 du code de procédure pénale ; qu'en l'espèce il résulte de l'arrêt attaqué que selon un procès-verbal du 30 mars 2021 des renseignements ont été donnés sur les mouvements du véhicule Citroën immatriculé [Immatriculation 1], à partir des enregistrements effectués au fichier des immatriculations ; que l'arrêt attaqué constate également qu'il ne figure au dossier aucun procès-verbal relatif à la consultation du fichier LAPI ; qu'en refusant d'annuler les pièces se rattachant à la consultation du Fichier LAPI concernant ce véhicule, malgré l'absence au dossier d'acte justifiant que la consultation a été régulièrement faite par un agent régulièrement habilité ou sur des réquisitions conformes à l'article 77-1-1 du code de procédure pénale, l'arrêt attaqué a violé les articles L. 233-1, 233-2 du code de la sécurité intérieure, 5 de l'arrêté du 18 mai 2009 portant création d'un traitement automatisé de contrôles des données signalétiques de véhicules, 81, 170 du code de procédure pénale, 6 et 8 de la convention européenne des droits de l'homme ;
2°/ que le dossier de la procédure doit contenir toutes les pièces nécessaires à justifier de la régularité des actes accomplis ; que l'exposant demandait à la chambre de l'instruction de « constater que la consultation faite par les enquêteurs du fichier LAPI est irrégulière en ce qu'aucune pièce de la procédure ne mentionne l'identité de l'agent qui a procédé à cette consultation et n'établit point l'existence de l'habilitation et désignation spéciale de cet agent à cet effet » (mémoire de l'exposant devant la chambre de l'instruction, p. 7) ; qu'en énonçant que la « Cour de cassation a jugé que le demandeur n'est pas fondé à critiquer, par une requête en annulation, l'absence au dossier des pièces de l'information judiciaire initiale, dès lors qu'il dispose du droit de présenter une demande auprès du juge d'instruction à cette fin et d'interjeter appel de l'ordonnance de refus qui pourrait lui être opposé » (arrêt attaqué, p. 16) et qu'il « appartenait donc à M. [H] de demander la pièce manquante » (ibidem), la chambre de l'instruction a violé l'article 81 du code de procédure pénale ensemble l'article 5 de l'arrêté du 18 mai 2009 et les articles L. 233-1 et L. 233-2 du code de la sécurité intérieure. »
Réponse de la Cour
5. C'est à tort que les juges ont rejeté la demande de nullité de la consultation du système de lecture automatisé des plaques d'immatriculation de véhicules (LAPI) au motif que M. [H] n'avait pas présenté de demande d'acte tendant à voir verser aux débats les pièces justifiant de sa régularité.
6. En effet, il n'appartient pas à la personne mise en examen de demander la communication de pièces nécessaires à la régularité de la procédure, qui doivent y figurer et dont, le cas échéant, la chambre de l'instruction doit ordonner le versement.
7. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure, dès lors que la Cour de cassation, qui a le contrôle des pièces de la procédure, est en mesure de s'assurer que les actes d'investigation contestés ont été accomplis dans le cadre d'une commission rogatoire, laquelle autorisait, notamment, les enquêteurs à délivrer toutes réquisitions utiles à la manifestation de la vérité (D. 141/2), de sorte qu'en application des articles 99-3 et 99-4 du code de procédure pénale, la consultation du traitement automatisé de données que constitue le système LAPI était régulière.
8. Dès lors, le moyen doit être écarté.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation des vérifications opérées au fichier ADOC et de la mise sous surveillance d'un véhicule au fichier FOVeS, alors :
« 1°/ que l'article 99-4 du code de procédure pénale soumet aux réquisitions de l'officier de police judiciaire agissant pour les nécessités de l'exécution de la commission rogatoire la communication d'éléments utiles à la manifestation de la vérité issus d'un système informatique ou de traitement de données ; qu'en l'espèce l'arrêt attaqué constate qu'il résulte d'un procès-verbal de recherches qu'un officier de police judiciaire a consulté le fichier « accès au dossier des contraventions » (ADOC) et le système d'immatriculation des véhicules (SIV) et que le véhicule utilisé par M. [H] avait été placé sous surveillance au fichier « FOVES » des véhicules volés ; qu'en écartant néanmoins toute nullité au motif qu'aucun texte n'impose de réquisition judiciaire, l'arrêt attaqué a violé l'article 99-4 et les articles 6 et 8 de la convention européenne des droits de l'homme ;
2°/ que toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; qu'il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure proportionnée et nécessaire ; que l'article 4 de l'arrêté du 13 octobre 2004 portant création du système de contrôle automatisé n'autorise l'accès aux données à caractère personnel que pour les infractions relatives à la circulation routière ou les infractions faisant l'objet d'une amende forfaitaire ; que l'arrêté du 7 juillet 2017 relatif au fichier FOVES précise que ce fichier a pour finalité la découverte et la restitution des véhicules volés ou des objets perdus ou volés et la surveillance des véhicules signalés ; qu'en revanche ces arrêtés ne comportent aucune autorisation d'accéder aux données personnelles collectées pour la recherche d'autres infractions ou pour d'autres fins que celles qui sont précisées ; que l'article 6 de la loi n° 78-17 relative à l'informatique aux fichiers et aux libertés n'autorise la collecte de données personnelles que pour des « finalités déterminées, explicites et légitimes » ; que dès lors en l'absence de loi autorisant la consultation et l'utilisation des fichiers ADOC, SIV, et FOVES par un officier de police judiciaire pour les besoins d'une enquête ayant un objet ou une finalité autre que ceux limitativement énumérés par les arrêtés précités, la chambre de l'instruction ne pouvait refuser d'annuler tous les actes résultant de la consultation ou de l'utilisation desdits fichiers ; qu'elle a ainsi violé outre les textes susvisés l'article 81 du code de procédure pénale, les articles 6 et 8 de la convention européenne des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
10. Pour écarter le moyen de nullité, selon lequel les actes d'investigation contestés violent l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme en ce qu'ils n'ont fait l'objet ni de réquisitions judiciaires ni d'une information préalable du juge mandant, l'arrêt attaqué énonce notamment que les consultations litigieuses ressortent d'un procès-verbal du 2 mars 2021, lequel précise que l'officier de police judiciaire a agi en exécution d'une commission rogatoire.
11. Les juges ajoutent qu'aucun texte n'impose des réquisitions judiciaires ou une information préalable du juge mandant pour consulter le fichier d'accès aux dossiers de contraventions (ADOC) et mettre sous surveillance un véhicule au fichier des objets et véhicules volés (fichier FOVeS).
12. Ils précisent que la consultation du fichier ADOC et la mise sous surveillance du véhicule au FOVeS constituent une ingérence dans le droit du requérant à la vie privée mais sont prévues par la loi, poursuivent les buts légitimes de défense de l'ordre et de prévention des infractions pénales et apparaissent également proportionnées au but poursuivi.
13. En se déterminant ainsi, et dès lors que, d'une part, les articles 99-3 et 99-4 du code de procédure pénale, fondement légal des investigations opérées dans le cadre de la commission rogatoire, laquelle autorisait, notamment, toutes réquisitions utiles (D. 141/2), sont de nature législative et que, d'autre part, aucun des actes contestés ne nécessitait d'autorisation spécifique et préalable du juge d'instruction, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.
14. Dès lors, le moyen n'est pas fondé.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
15. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation du réquisitoire supplétif du 8 avril 2021, alors « qu'est nul le réquisitoire introductif ou supplétif qui ne supporte ni le visa des faits, ni la mention des pièces jointes, ni le visa d'enregistrement des pièces justifiant l'élargissement de la saisine du juge d'instruction ; que pour rejeter la demande d'annulation du réquisitoire supplétif du 8 avril 2021, la chambre de l'instruction a énoncé que ces réquisitions s'appuyaient « implicitement sur les pièces figurant au dossier auquel le procureur de la République a un accès permanent » (arrêt attaqué, p. 20) ; qu'en statuant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu l'article 80 du code de procédure pénale ensemble le principe de séparation des fonctions de poursuite et d'instruction. »
Réponse de la Cour
16. Pour écarter le moyen de nullité, selon lequel le réquisitoire supplétif ne remplirait pas les conditions essentielles de son existence légale, l'arrêt attaqué énonce notamment que, par ordonnance de soit-communiqué, en date du 8 avril 2021, le juge d'instruction a transmis le dossier au procureur de la République pour « réquisitions ou avis aux fins de réquisitions supplétives (extension de la période de prévention au 8 avril 2021) ».
17. Les juges ajoutent que, par mention manuscrite au bas de cette pièce, un substitut du procureur de la République a indiqué, en date du 8 avril 2021, qu'il requérait de bien vouloir instruire par toutes voies de droit contre personne non dénommée, jusqu'à cette date, pour des infractions à la législation sur les stupéfiants.
18. Ils précisent que ces réquisitions supplétives interviennent après les interpellations de MM. [H], [R] [Y] et [J] [T], et qu'elles s'appuient implicitement sur les pièces figurant au dossier, auquel le procureur de la République a un accès permanent, même si elles ne les visent pas, de telle sorte que la saisine du juge d'instruction apparaît circonscrite aux faits identiques commis jusqu'au 8 avril 2021.
19. Ils en déduisent que le réquisitoire supplétif satisfait aux conditions essentielles de son existence légale.
20. En se déterminant ainsi, et dès lors que le réquisitoire supplétif daté et signé visait les qualifications retenues et la date de fin de prévention, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.
21. Ainsi, le moyen doit être écarté.
22. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
Crim. 13 décembre 2022 n° 22-81.874
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° Y 22-81.874 F-D
N° 01560
SL2 13 DÉCEMBRE 2022
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 13 DÉCEMBRE 2022
M. [C] [M] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 5e section, en date du 26 janvier 2022, qui, dans la procédure d'extradition suivie contre lui à la demande du gouvernement turc, a émis un avis favorable.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Thomas, conseiller, les observations de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de M. [C] [M], et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 15 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Thomas, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Après une demande d'arrestation provisoire, le gouvernement turc a formé, le 5 février 2020, trois demandes d'extradition de M. [C] [M], ressortissant turc, aux fins d'exécution de diverses peines d'emprisonnement.
3. M. [M] a déclaré ne pas consentir à sa remise aux autorités requérantes.
Examen des moyens
Sur le second moyen
4. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit qu'il y a lieu d'émettre un avis favorable sur la demande d'extradition formée par le gouvernement de la République de Turquie à l'encontre de [C] [M] aux fins de l'exécution de peines ou mesures privatives de liberté de deux ans et onze mois d'emprisonnement, prononcée le 8 octobre 2008 par la 3e cour criminelle de première instance d'Izmir, alors « que lorsque l'extradition est demandée aux fins d'exécution d'une peine, il appartient à la chambre de l'instruction, au besoin d'office, de rechercher si cette peine est prescrite à la date de l'arrestation de la personne réclamée ; qu'en l'espèce, pour écarter la prescription de la peine prononcée par le tribunal d'Izmir le 8 octobre 2008, la chambre de l'instruction a énoncé que cette peine n'était pas prescrite à la date de la demande d'extradition émise par la Turquie soit le 6 février 2020 (arrêt, p. 11) ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, au besoin d'office, si cette peine était prescrite à la date de l'arrestation de M. [M], la chambre de l'instruction a privé sa décision des conditions essentielles de son existence légale, en violation des articles 10 de la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957, 593, 696-4, 5° et 696-15 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 10 de la Convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 et 696-4, 5°, du code de procédure pénale :
6. Il résulte de ces textes que l'extradition ne peut être accordée lorsque, d'après la loi de l'Etat requérant ou la loi française, la prescription de la peine est acquise antérieurement à l'arrestation de la personne réclamée.
7. Pour dire que la peine de deux ans et onze mois d'emprisonnement, prononcée le 8 octobre 2008 par la 3e cour criminelle de première instance d'Izmir, n'est pas, à quelques jours près, prescrite au regard de la loi française, l'arrêt attaqué énonce qu'il y a lieu de se situer à la date de la demande d'extradition.
8. Les juges constatent que cette demande a été transmise par note verbale du 5 février 2020 reçue au ministère des Affaires étrangères le lendemain et adressée au ministère de la Justice par lettre du 10 février suivant, et que la prescription de la peine, définitive depuis le 11 février 2014, n'a été acquise que le 11 février 2020.
9. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé.
10. En effet, il lui appartenait, pour se déterminer, de rechercher la date d'arrestation de la personne réclamée et d'examiner si la prescription de la peine pouvait, à cette seule date, être acquise au regard de la loi française.
11. En conséquence, l'arrêt ne répond pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale sur ce point.
12. La cassation est dès lors encourue de ce chef.
Crim. 13 décembre 2022 n° 21-85.800
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° V 21-85.800 F-D
N° 01561
SL2 13 DÉCEMBRE 2022
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 13 DÉCEMBRE 2022
M. [X] [O], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 31 août 2021, qui a infirmé l'ordonnance du juge d'instruction refusant d'informer sur sa plainte du chef de faux et a prononcé un non-lieu.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Michon, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [X] [O], et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 15 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Michon, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Dans le cadre d'une procédure d'urbanisme, M. [X] [O] a fait l'objet, les 3 octobre 2016 et 21 mars 2018, de deux procès-verbaux d'obstacle à l'exercice du droit de visite dressés par des agents de la commune d'[Localité 1].
3. M. [O] a été poursuivi pour cette infraction, et relaxé par arrêt infirmatif de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 16 décembre 2019, au motif qu'il n'était pas établi que le droit de visite des agents avait été exercé en conformité avec les dispositions de l'article L. 461-1 du code de l'urbanisme.
4. M. [O] a, parallèlement, déposé plainte pour faux s'agissant des deux procès-verbaux en question le 29 novembre 2018.
5. Le 30 septembre 2020, le juge d'instruction a rendu une ordonnance de refus d'informer.
6. M. [O] a interjeté appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à suivre contre quiconque du chef de faux, alors :
« 1/° que la juridiction d'instruction régulièrement saisie d'une plainte avec constitution de partie civile a le devoir d'instruire ; qu'en prononçant un non-lieu, après avoir infirmé le jugement ayant refusé d'informer et évoqué l'affaire, au seul vu des pièces jointes à la plainte de M. [O] et en l'absence de toute acte d'instruction propre à l'affaire, la chambre de l'instruction a violé les articles 1er, 85 et 86 du code de procédure pénale ;
2°/ que dans ses conclusions, M. [O] soulignait que le faux invoqué résultait de ce que les agents assermentés avaient retenu l'existence d'une infraction d'obstacle au droit de visite qui n'était caractérisée ni en droit ni en fait (son mémoire, p. 6 à 13 et not. p. 11) ; qu'en écartant toute infraction de faux « au sujet de la réalisation des travaux », sans répondre à ce moyen péremptoire, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale au regard de l'article 593 du code de procédure pénale ;
3°/ que constitue un faux toute altération frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice, accomplie par quelque moyen que ce soit, dans un écrit ou tout autre support d'expression de la pensée qui a pour objet ou qui peut avoir pour effet d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques ; qu'en écartant l'infraction de faux cependant qu'elle constatait que les procès-verbaux litigieux relevaient une infraction d'obstacle au droit de visite, pour laquelle l'exposant avait été pénalement poursuivi, cependant qu'il avait été définitivement jugé que les conditions légales d'une telle visite n'étaient pas réunies, la chambre de l'instruction a violé les articles 441-1 et 441-4 du code pénal. »
Réponse de la Cour
8. Pour infirmer l'ordonnance de refus d'informer, évoquer, et dire n'y avoir lieu à suivre contre quiconque, la chambre de l'instruction indique qu'il ne peut être d'emblée, sans examen plus approfondi, affirmé qu'aucune infraction de faux n'a été commise, et dit y avoir lieu à évoquer.
9. Elle précise ensuite qu'au regard des éléments rassemblés dans la procédure, les procès-verbaux argués de faux, bien que rédigés maladroitement, ne font que décrire les actions effectuées par les agents qui se sont présentés au domicile de M. [O], se voyant refuser l'entrée la première fois, et ne trouvant personne la seconde fois.
10. Elle ajoute que ces procès-verbaux ne contiennent aucune affirmation concernant la réalisation de travaux, et que, sur l'obstacle au droit de visite, M. [O] avait fait savoir qu'il s'opposait à la venue d'agents assermentés.
11. Elle en conclut qu'au regard des éléments rassemblés dans la procédure, l'infraction de faux n'est pas caractérisée.
12. En l'état de ces énonciations, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.
13. En effet, tout d'abord, elle pouvait, en application de la deuxième phrase de l'article 86, alinéa 4, du code de procédure pénale, se fonder sur les documents joints à la plainte par la partie civile pour en déduire qu'aucune infraction de faux n'avait manifestement été commise.
14. Ensuite, s'étant fondée sur des éléments qui figuraient dans la procédure, elle n'avait pas à solliciter les explications des parties sur ce point.
15. Enfin, elle a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé l'absence de mention mensongère dans les procès-verbaux objet de la poursuite, la circonstance que l'infraction d'obstacle au droit de visite n'ait pas été caractérisée n'entraînant pas nécessairement, en l'absence d'énonciations mensongères dans le procès-verbal, la fausseté de ce dernier.
16. Le moyen doit donc être écarté.
17. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
Crim. 13 décembre 2022 n° 22-82.189
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° R 22-82.189 F-D
N° 01556
SL2 13 DÉCEMBRE 2022
CASSATION SANS RENVOI
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 13 DÉCEMBRE 2022
M. [Y] [H] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre 5-2, en date du 24 janvier 2022, qui, pour injures publiques, l'a condamné à 5 000 euros d'amende.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Ménotti, conseiller, les observations de Me Carbonnier, avocat de M. [Y] [H], et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 15 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Ménotti, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. [G] [E], Président de la République, a porté plainte du chef d'injure publique, en raison de deux affiches apposées dans des lieux publics, réalisées à l'aide d'un photomontage : une première affiche, apposée le 19 juillet 2021, le représente sous les traits d'Adolf Hitler, avec une petite moustache et une mèche sur le front, vêtu de l'uniforme nazi, accompagné du logo LREM sous forme de croix gammée et du texte suivant : « obéis ; fais-toi vacciner » ; le cadre de cette affiche porte, en bas à gauche, la mention « affichage satirique et parodique » et, en bas à droite, la mention « [H] » ; la seconde affiche, apposée le 12 août 2021, comporte deux portraits placés en miroir, celui de gauche représentant [R] [N] et celui de droite représentant M. [E] revêtu du même uniforme et coiffé du même képi que celui de [R] [N], sous l'intitulé « il n'y a qu'un pass à franchir ».
3. M. [Y] [H] a reconnu être à l'origine de ces deux affichages.
4. Les juges du premier degré ont déclaré celui-ci coupable du délit d'injure publique envers le président de la République et l'ont condamné à une amende de 10 000 euros.
5. M. [H] a relevé appel de cette décision et le ministère public appel incident.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [Y] [H] coupable du délit d'injures envers le Président de la République, alors :
« 1°/ que la liberté d'expression constitue l'un des fondements essentiels d'une société démocratique et elle ne peut être soumise à des ingérences que dans les cas où celles-ci constituent des mesures nécessaires au regard de l'article 10, § 2, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il faut considérer l'ingérence litigieuse à la lumière de l'ensemble de l'affaire, y compris la teneur des propos reprochés aux requérants et le contexte dans lequel ceux-ci les ont tenus ; que la cour d'appel a elle-même relevé que « les affiches s'inscrivent clairement dans le débat d'intérêt général sur le passe vaccinal qui, contrairement à ce qu'indiquent les premiers juges, n'était pas clos par la seule décision du Conseil constitutionnel de l'été 2021 » (arrêt, p. 4, in fine) ; qu'en décidant pourtant d'entrer en voie de condamnation, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé les articles 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 23 alinéa 1er, 30, 31, 33, et 42 de la loi du 29 juillet 1881, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que la liberté d'expression constitue l'un des fondements essentiels d'une société démocratique et elle ne peut être soumise à des ingérences que dans les cas où celles-ci constituent des mesures nécessaires au regard de l'article 10, § 2, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il faut considérer l'ingérence litigieuse à la lumière de l'ensemble de l'affaire, y compris la teneur des propos reprochés aux requérants et le contexte dans lequel ceux-ci les ont tenus ; que M. [H] faisait valoir que les affiches visées par la prévention ouvraient un débat d'idée concernant M. [G] [E] en sa qualité de Président de la République, le contrôle de proportionnalité du message véhiculé devant être modulé au regard de ses fonctions politiques de premier plan, l'exposant inévitablement et consciemment à un contrôle attentif de ses faits et gestes tant par les journalistes que par la masse des citoyens (conclusions d'appel de M. [H], p. 21 et 22) ;qu'en décidant cependant d'entrer en voie de condamnation, sans s'expliquer sur ce point, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 23 alinéa 1er, 30, 31, 33, et 42 de la loi du 29 juillet 1881, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
3°/ que la liberté d'expression constitue l'un des fondements essentiels d'une société démocratique et elle ne peut être soumise à des ingérences que dans les cas où celles-ci constituent des mesures nécessaires au regard de l'article 10, § 2, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il faut considérer l'ingérence litigieuse à la lumière de l'ensemble de l'affaire, y compris la teneur des propos reprochés aux requérants et le contexte dans lequel ceux-ci les ont tenus ; que M. [H] faisait valoir que les affiches visées par la prévention étaient exposées sur des panneaux d'affichage « dédiés à la satire politique de plus de cinq ans » (conclusions d'appel de M. [H], p. 23 in medio) et qu'elles comportaient au surplus la mention explicite d'un « affichage satyrique et parodique » (ibidem) ; qu'en décidant cependant d'entrer en voie de condamnation, sans s'expliquer sur ce point, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 23 alinéa 1er, 30, 31, 33, et 42 de la loi du 29 juillet 1881, 591 et 593 du code de procédure pénale ; 4°/ que la liberté d'expression constitue l'un des fondements essentiels d'une société démocratique et elle ne peut être soumise à des ingérences que dans les cas où celles-ci constituent des mesures nécessaires au regard de l'article 10, § 2, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il faut considérer l'ingérence litigieuse à la lumière de l'ensemble de l'affaire, y compris la teneur des propos reprochés aux requérants et le contexte dans lequel ceux-ci les ont tenus ; que M. [H] faisait enfin valoir que les affiches visées par la prévention tendaient surtout, « à partir de l'altération de la réalité par le photomontage et/ou le dessin caricatural, à l'effet de provoquer le public par l'humour (souvent acide) et la dérision (souvent grinçante) » (conclusions d'appel de M. [H], p. 24) ; qu'en décidant cependant d'entrer en voie de condamnation, au seul motif que les affiches assimilent « l'actuel président de la république au plus haut dignitaire de l'Allemagne nazie, et au plus haut dignitaire du régime de Vichy » (arrêt, p. 4 in fine) sans mieux s'expliquer sur l'objectif caricatural des affiches, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, 23 alinéa 1er, 30, 31, 33, et 42 de la loi du 29 juillet 1881, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
5°/ que les propos doivent être appréciés au regard des circonstances intrinsèques et extrinsèques, de nature à révéler leur véritable sens ; que M. [H] faisait enfin valoir qu'il convenait de rechercher le véritable sens des affiches visées par la prévention en les appréciant dans leur ensemble, et en examinant non seulement le photomontage, mais encore sa combinaison avec le slogan, et sa publication sur un support précisant lui-même qu'il s'agit d'un affichage « satyrique et parodique » (conclusions d'appel de M. [H], p. 10 à 12) ; qu'en décidant cependant d'entrer en voie de condamnation, au seul motif que les affiches assimilent « l'actuel président de la république au plus haut dignitaire de l'Allemagne nazie, et au plus haut dignitaire du régime de Vichy » (arrêt, p. 4, in fine) sans s'expliquer sur les éléments intrinsèques et extrinsèques entourant les photomontages, seuls de nature à pouvoir révéler le véritable sens des affiches visées par la prévention, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, 23 alinéa 1er, 30, 31, 33, et 42 de la loi du 29 juillet 1881, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme :
7. La liberté d'expression ne peut être soumise à des ingérences que dans les cas où celles-ci constituent des mesures nécessaires au regard du paragraphe 2 de ce texte.
8. Pour dire établi le délit d'injure publique, l'arrêt attaqué énonce notamment que l'assimilation de l'actuel président à une figure emblématique du nazisme et au dirigeant du régime de Vichy est une injure.
9. Les juges ajoutent que, si les affiches s'inscrivent clairement dans le débat d'intérêt général sur le passe vaccinal, le droit de recourir à la satire n'autorisait pas pour autant M. [H] à assimiler M. [E] au plus haut dignitaire de l'Allemagne nazie et au plus haut dignitaire du régime de Vichy.
10. Ils en déduisent que M. [H] a dépassé les limites de la liberté d'expression au sens de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme.
11. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé et du principe ci-dessus énoncé.
12. En premier lieu, les photomontages en cause, pour outrageants qu'ils fussent vis-à-vis de l'actuel Président de la République, se sont inscrits dans le débat d'intérêt général et la polémique qui s'est développée au sujet du passe vaccinal contre le virus du Covid.
13. En second lieu, l'auteur s'est placé sur un mode satirique résultant, pour la première affiche, de la mention « affichage satirique et parodique » et, pour la seconde, du jeu de mots « il n'y a qu'un pass à franchir », de sorte que les affiches incriminées n'ont pas dépassé les limites admissibles de la liberté d'expression.
14. La cassation est par conséquent encourue.
15. Elle aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.
Crim. 13 décembre 2022 n° 21-87.435 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° X 21-87.435 FS-B
N° 01462
ODVS 13 DÉCEMBRE 2022
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 13 DÉCEMBRE 2022
M. [E] [X] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Poitiers, en date du 7 décembre 2021, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de torture et actes de barbarie aggravés et arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure.
Par ordonnance en date du 31 mars 2022, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Dary, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [E] [X], et les conclusions de M. Croizier, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Dary, conseiller rapporteur, Mmes Labrousse, Ménotti, MM. Maziau, Seys, Mme Thomas, conseillers de la chambre, M. Violeau, Mme Merloz, M. Michon, conseillers référendaires, M. Croizier, avocat général, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Dans le cadre de l'information judiciaire ouverte des chefs susvisés, le juge d'instruction a prescrit l'interception des communications téléphoniques sur la ligne attribuée à Mme [F] [S], compagne de M. [E] [X], alors en fuite au Maroc.
3. Interpellé, celui-ci a été mis en examen, le 23 novembre 2020, des chefs précités.
4. Par requête déclarée le 3 mars 2021, il a formé une demande d'annulation de la transcription des conversations interceptées entre le 31 août et le 30 septembre 2020.
Examen des moyens
Sur les deuxième et troisième moyens
5. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en nullité de M. [E] [X] tendant à voir prononcer la nullité des procès-verbaux portant retranscription des conversations téléphoniques des 3 août, 16 et 30 septembre 2020, entre sa compagne Mme [F] [S], et les différents cabinets d'avocats, alors « qu'en vertu du principe de confidentialité des échanges entre l'avocat et son client, qui est à la fois absolu et d'ordre public, la retranscription des conversations échangées entre l'avocat et son client, ne peut être effectuée que s'il existe, au préalable, des indices plausibles de participation de l'avocat à une infraction ; que M. [X] faisait valoir (requête en nullité, p. 3 et s) que les quatre procès-verbaux portant retranscription des conversations téléphoniques des 3 août, 16 et 30 septembre 2020, entre sa compagne, Mme [F] [S], qui intervenait pour son compte comme intermédiaire et différents cabinets d'avocats, n'avaient révélé aucune participation desdits avocats à des infractions et qu'il s'en inférait la nullité de ces procès-verbaux de retranscription ainsi que de toute la procédure subséquente; qu'en refusant pourtant de prononcer une telle nullité, en subordonnant expressément l'applicabilité de cette garantie de confidentialité à la désignation officielle de l'avocat dans le cadre d'une procédure pénale, la chambre de l'instruction a ajouté une condition à la loi, en violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, préliminaire, 100-5, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Sur les conversations transcrites entre les secrétaires des avocats et Mme [S] (cotes D 395 et D 396)
7. Pour rejeter le moyen d'annulation pris de l'irrégularité de la transcription de deux conversations interceptées sur la ligne téléphonique de Mme [S], l'arrêt attaqué retient qu'elles ne concernent pas des échanges avec des avocats mais avec leur secrétariat et qu'elles n'entrent pas dans le champ de l'interdiction de la loi.
8. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application des dispositions de l'article 100-5, alinéa 3, du code de procédure pénale.
Mais sur les conversations transcrites entre les avocats et Mme [S] (cotes D 397 et D 401)
Vu les articles 6, § 3, et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, 100-5 du code de procédure pénale, issu de la loi n° 2010-1 du 4 janvier 2010 :
9. Il résulte de ces textes que l'interdiction de la transcription des correspondances entre un avocat et son client, relevant de l'exercice des droits de la défense, s'étend à celles échangées à ce sujet entre l'avocat et les proches de celui-ci. Il n'en va autrement que s'il apparaît que le contenu et la nature des échanges sont propres à faire présumer la participation de cet avocat à une infraction.
10. Pour rejeter le moyen d'annulation pris de l'irrégularité de la transcription de deux autres conversations interceptées sur la ligne téléphonique de Mme [S], entre celle-ci et des avocats, qu'elle a successivement sollicités afin que l'un d'eux assure la défense de son compagnon, M. [X], l'arrêt attaqué retient qu'elles ne concernent pas la défense de la personne placée sous surveillance.
11. Les juges constatent que, pour l'un, il n'a été donné aucune suite à cet échange et que, pour l'autre, M. [X] n'était pas encore son client à la date de la communication.
12. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés pour les motifs qui suivent.
13. En premier lieu, il ressort des procès-verbaux de transcription de ces conversations, dont la Cour de cassation a le contrôle, qu'elles relèvent de l'exercice des droits de la défense de M. [X].
14. En second lieu, il ne résulte pas des conversations transcrites qu'elles sont de nature à faire présumer la participation de l'un ou l'autre des avocats à une infraction.
15. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Crim. 13 décembre 2022 n° 21-87.333 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° M 21-87.333 F-B
N° 01562
SL2 13 DÉCEMBRE 2022
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 13 DÉCEMBRE 2022
Mme [O] [W], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bastia, en date du 8 décembre 2021, qui, dans l'information suivie, sur sa plainte, contre personne non dénommée, des chefs de violation du secret des correspondances par une personne dépositaire de l'autorité publique et recel, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Michon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de Mme [O] [W], et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 15 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Michon, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Suite à une tentative d'assassinat survenue sur la personne de M. [T] [H] le 12 juillet 2014, M. [P] [B] et M. [J] [C] ont fait l'objet de perquisitions et ont été placés en garde à vue.
3. Lors de cette mesure, ils ont été assistés par Mme [O] [W], avocate.
4. Ni M. [C] ni M. [B] n'ont été déférés ou mis en examen à ce stade.
5. Le 24 juillet 2014, une information judiciaire a été ouverte.
6. Dans le cadre d'une commission rogatoire en date du 25 juillet 2014, la ligne téléphonique de M. [B] a fait l'objet d'une interception.
7. M. [C] a été, à nouveau, placé en garde à vue le 15 octobre 2014. Il a fait l'objet d'un premier mandat d'amener, a été laissé en liberté le 20 octobre 2014, puis a fait l'objet d'un nouveau mandat d'amener, a été mis en examen et placé en détention provisoire le 22 octobre 2014.
8. Plusieurs conversations entre M. [B] et Mme [W] ont été interceptées le 17 octobre 2014 et retranscrites le 21 octobre 2014.
9. Un procès-verbal de synthèse du 22 janvier 2015 y fait référence.
10. Par arrêt du 7 mars 2016, la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence a ordonné l'annulation ou la cancellation des pièces en cause, considérant que les interceptions ne révélaient pas d'indices de la participation de l'avocat à l'infraction.
11. Le 7 juin 2016, Mme [W] a déposé une plainte simple pour violation du secret des correspondances par une personne dépositaire de l'autorité publique et recel, qui a fait l'objet d'un classement sans suite le 7 juillet 2016.
12. Elle a déposé une plainte avec constitution de partie civile de ces mêmes chefs le 23 mars 2017.
13. Une ordonnance de non-lieu a été rendue le 14 juin 2021.
14. Mme [W] a interjeté appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
15. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance de non-lieu à suivre rendue le 14 juin 2021 par le juge d'instruction du tribunal judiciaire d'Ajaccio, alors :
« 1°/ que l'article 432-9 du code pénal incrimine le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, agissant dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa mission, d'ordonner, de commettre ou de faciliter, hors les cas prévus par la loi, le détournement, la suppression ou l'ouverture de correspondances ou la révélation du contenu de ces correspondances ; que l'élément intentionnel de ce délit est constitué par la seule volonté de l'auteur de porter atteinte au secret d'une correspondance, peu important les mobiles qui aient pu l'animer ; qu'après avoir retenu que l'élément légal de l'infraction d'atteinte au secret des correspondances était constitué par les procès-verbaux comportant les conversations tenues entre Me [W] et son client M. [P] [B] (arrêt attaqué, p. 7, 2ième §), la Chambre de l'instruction a retenu, pour dire que l'élément intentionnel n'était pas caractérisé, que la fonctionnaire de police ayant procédé aux interceptions avait déclaré ne pas avoir connaissance des éléments de l'enquête, agissant uniquement sur instructions des officiers de police judiciaire, et que le juge d'instruction qui avait ordonné les interceptions téléphoniques et versé les retranscriptions à la procédure avait considéré qu'il n'existait pas au moment de la conversation de relation client/avocat entre Me [W] et M. [B], faute de mise en examen de ce dernier, et que selon lui, la teneur des conversations interceptées était susceptible de constituer une violation par Me [W] du secret professionnel, celle-ci faisant état à un tiers du déroulement d'une garde à vue ; que la cour d'appel a également retenu que l'enquêteur ayant procédé à la retranscription des communications interceptées avait indiqué estimer que les conversations enregistrées ne lui avaient pas « paru avoir de rapport quelconque avec les droits de la défense de [P] [B] », et que le magistrat instructeur auquel il avait communiqué ces éléments lui avait indiqué que la retranscription des propos échangés pouvait s'effectuer dans un « cadre parfaitement légal », et qu'enfin, il n'apparaissait pas que les conservations interceptées auraient étaient relatives à la défense des intérêts de M. [B] ; qu'en statuant par de tels motifs, impropres à exclure l'élément moral de l'infraction objet de la plainte de Me [W], lequel découle de la seule conscience de l'auteur de porter atteinte au secret des correspondances, peu important le mobile l'y ayant conduit ni les circonstances, sauf cas expressément prévus par la loi, dans lesquelles l'interception des conversations litigieuses était intervenu, la Chambre de l'instruction a violé l'article 342-9 du code pénal, ensemble les articles 80-1 et 591 du code de procédure pénale, et l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'Homme ;
2°/ que les échanges entre un avocat et son client sont protégés quel qu'en soit l'objet, sous la seule réserve de l'existence de soupçons de participation de l'avocat à la commission d'une infraction ; qu'en écartant l'existence de charges suffisantes d'instruire du chef d'atteinte au secret des correspondances, quand il résultait de l'arrêt de la Chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 7 mars 2016 ayant annulé les retranscriptions litigieuses pour violation de l'article 100-5 du code de procédure pénale, que l'interception et la transcription des échanges entre Me [W] et son client était illégale, et quand elle relevait en outre que les interceptions litigieuses avaient été effectuées afin de conforter la thèse des enquêteurs selon laquelle M. [B] aurait tenu un « rôle central de logisticien » dans une « équipe de malfaiteurs faisant l'objet d'investigations », non en raison de soupçons de participation de l'avocate à l'infraction, la Chambre de l'instruction a encore méconnu l'article 342-9 du code pénal, ensemble les articles 80-1, 100-5 et 591 du code de procédure pénale, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'Homme ;
3°/ que constitue le délit d'atteinte au secret des correspondances le fait d'intercepter en connaissance de cause une conversation entre un avocat et son client, peu important les mobiles de l'auteur de cette interception et sans que le fait d'avoir exécuté un ordre ne puisse constituer un fait justificatif ou une excuse ; qu'en se fondant sur les motifs inopérants que l'interception des communications entre Me [W] et M. [B] avait été réalisée dans le cadre d'une commission rogatoire et que le juge d'instruction avait indiqué aux deux enquêteurs ayant procédé à cette interception et à la retranscription des propos échangés sur procès-verbaux que cette retranscription pouvait s'effectuer dans un « cadre parfaitement légal », la Chambre de l'instruction a violé l'article 342-9 du code pénal, ensemble l'article 122-4 du même code les articles 80-1, 100-5 et 591 du code de procédure pénale, et 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'Homme ;
4°/ que le juge ne doit pas dénaturer les pièces du dossier ; qu'en énonçant qu'il résultait des échanges téléphoniques entre Me [W] et son client (pièces D 3638 à D 3641) que le déroulement de la mesure de garde à vue de M. [C] y était évoqué, quand Me [W] s'était bornée à évoquer les différentes éventualités procédurales qui pourraient survenir sans évoquer le déroulement de la garde à vue de M. [C], la Chambre de l'instruction a dénaturé les procès-verbaux de transcription litigieux et énoncé un fait contraire aux pièces de la procédure ;
5°/ qu'il résulte des propres énonciations de l'arrêt attaqué (p. 7 ; ordonnance de non-lieu, p. 2-3) que l'officier de policer judiciaire ayant procédé à la transcription des communications entre Me [W] et son client, ainsi que le fonctionnaire de police , s'étaient rapprochés du juge d'instruction, en prétendant que ce dernier lui avait indiqué la retranscription des communications interceptées entre Me [W] et M. [B] pouvait être effectuée dans un « cadre parfaitement légal » ; qu'en s'abstenant de rechercher si le fait que les enquêteurs se soient rapprochés du juge d'instruction pour l'informer des éléments recueillis dans le cadre de l'interception des conversations entre Me [W] et son client et solliciter son avis sur la légalité de l'intégration de ces éléments à la procédure pénale en cours ne caractérisait pas l'existence d'indices graves ou concordants de la commission du délit d'atteinte au secret des correspondances, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 342-9 du code pénal, ensemble les articles 80-1 et 593 du code de procédure pénale, et l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'Homme. »
Réponse de la Cour
16. Pour confirmer l'ordonnance de non-lieu, l'arrêt attaqué relève notamment que la lecture des transcriptions litigieuses permet de constater qu'il n'est à aucun moment question de la défense des intérêts de M. [B] mais qu'il est au contraire fait référence à la situation d'autres personnes, certaines faisant manifestement l'objet d'actes d'information en cours au moment de l'interception, comme M. [C], dont le placement en garde à vue, à compter du 15 octobre 2014, est évoqué.
17. Les juges ajoutent que la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence n'a d'ailleurs pas indiqué que ces conversations relevaient « de l'exercice des droits de la défense », et qu'il ne saurait, en outre, être déduit de sa motivation que les transcriptions contestées caractériseraient l'élément intentionnel de l'infraction définie par l'article 432-9 du code pénal.
18. Ils en déduisent qu'il n'existe pas de charges suffisantes contre quiconque d'avoir eu l'intention de porter atteinte au contenu de correspondances protégées.
19. En l'état de ces énonciations, d'où il se déduit l'absence d'intention du juge d'instruction et des enquêteurs de porter atteinte au contenu des correspondances protégées, ce qui ne pourrait résulter que d'un détournement de procédure, la chambre de l'instruction, qui n'a pas dénaturé le contenu des transcriptions litigieuses, a justifié sa décision.
20. Ainsi, le moyen doit être écarté.
21. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
Crim. 7 décembre 2022 n° 22-83.328
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° D 22-83.328 F-D
N° 01529
GM 7 DÉCEMBRE 2022
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 7 DÉCEMBRE 2022
Le procureur général près la cour d'appel de Paris a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de ladite cour d'appel, 3e section, en date du 14 avril 2022, qui, dans la procédure suivie contre M. [G] [T] pour vol aggravé en récidive, a prononcé sur une demande de restitution.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Pauthe, conseiller, et les conclusions de M. Bougy, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Pauthe, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Par jugement du 8 janvier 2020, devenu définitif, M. [G] [T], renvoyé du chef de vol aggravé en récidive devant le tribunal correctionnel, a été déclaré coupable des faits et condamné, notamment, à une mesure de confiscation des scellés, dont deux véhicules automobiles dont la propriété est revendiquée par Mme [H] [W] qui a en sollicité la restitution auprès du procureur de la République le 27 janvier 2020.
3. Le procureur de la République a refusé de faire droit à cette demande sur le fondement de l'article 41-4 du code de procédure pénale par une décision du 14 octobre 2020 à l'encontre de laquelle Mme [W] a interjeté appel.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Le moyen est pris de la violation des articles 41-4, 591 et 593 du code de procédure pénale.
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré l'appel recevable, a constaté l'incompétence de la chambre de l'instruction et a renvoyé le ministère public et la requérante à mieux se pourvoir alors qu'étant saisie d'une décision du procureur de la République prononçant sur la restitution des biens confisqués en application de l'article 41-4 du code de procédure pénale, il appartenait à la chambre de l'instruction, en raison de la règle de l'unique objet, de s'assurer que les conditions posées par le texte susvisé permettaient ou non au procureur de restituer les biens réclamés, et notamment de vérifier si une juridiction avait ou non été saisie, et si elle l'avait été, de vérifier si cette juridiction avait ou non statué sur la restitution des objets placés sous main de justice.
Réponse de la Cour
6. Pour déclarer l'appel de Mme [W] recevable, constater l'incompétence de la chambre de l'instruction et renvoyer le ministère public et la requérante à mieux se pourvoir, l'arrêt attaqué relève que le jugement ayant infligé la peine complémentaire de confiscation des véhicules et de leurs accessoires est définitif sans avoir l'autorité de la chose jugée à l'égard de Mme [W] qui n'était pas poursuivie, n'a pas été condamnée, n'est pas intervenue à la procédure pour demander au tribunal correctionnel la restitution des véhicules saisis, n'a pas reçu signification de la décision et n'a pas exercé de recours contre le jugement de confiscation et qu'il s'agit donc de régler une difficulté d'exécution de la décision de confiscation soulevée par le propriétaire des véhicules confisqués.
7. Les juges ajoutent que l'article 41-4 du code de procédure pénale ne donne pas compétence au procureur de la République pour se prononcer sur une difficulté d'exécution dont la résolution relève, aux termes des dispositions de l'article 710 du même code, de la compétence du tribunal correctionnel qui a prononcé la sentence.
8. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision.
9. En effet, d'une part, le procureur de la République n'est compétent pour décider de la restitution des objets placés sous main de justice sur le fondement de l'article 41-4 du code de procédure pénale que lorsque la juridiction saisie a épuisé sa compétence sans avoir statué sur cette restitution. Tel n'est pas le cas lorsque la juridiction a ordonné la confiscation desdits objets.
10. D'autre part, il appartenait à la chambre de l'instruction de relever d'office l'incompétence de ce magistrat ayant statué sur la demande de restitution sans que la règle de l'unique objet puisse être invoquée.
Crim. 7 décembre 2022 n° 21-80.397
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° X 21-80.397 F-D
N° 01520
GM 7 DÉCEMBRE 2022
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 7 DÉCEMBRE 2022
M. [B] [H] a présenté une requête en interprétation de l'arrêt n° 1052 rendu par la chambre criminelle, le 7 septembre 2022, qui a statué sur les pourvois formés par MM. [V] [F], [P] [L] et la société [1] contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai, 6e chambre, en date du 9 novembre 2020, qui, pour fausse déclaration en douane ou manoeuvre afin d'obtenir un remboursement, une exonération, une réduction ou un avantage attaché à l'import, fait réputé importation sans déclaration de marchandises prohibées, a condamné, les deux premiers à 53 293 euros d'amende douanière, dans la limite de 15 196 euros pour M. [F], et le premier et la troisième à 1 057 313 euros d'amende douanière, dans la limite de 344 608 euros pour M. [F].
Sur le rapport de M. Wyon, conseiller, les observations la SARL Le Prado, Gilbert, avocats de M. [B] [H], après débats en l'audience publique du 9 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Wyon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. Il résulte des pièces de procédure que, par arrêt du 9 novembre 2020, la cour d'appel de Douai a déclaré la société [1], M. [L] et M. [F] coupables des infractions qui leur étaient reprochées, et a confirmé la relaxe de M. [H].
2. Sur les seuls pourvois de MM. [F] et [L] et de la société [1], la Cour de cassation a annulé l'arrêt attaqué en toutes ses dispositions.
3. Une telle annulation ne peut avoir d'effet qu'à l'égard des parties qui se sont pourvues, l'extension de l'annulation aux parties qui ne se sont pas pourvues devant être ordonnée expressément par la Cour de cassation selon les modalités prévues par l'article 612-1 du code de procédure pénale.
4. La relaxe prononcée par l'arrêt du 9 novembre 2020 à l'égard de M. [H], qui ne s'était pas pourvu en cassation, n'est donc pas remise en cause.
5. La requête n'est ainsi pas fondée.
Crim. 6 décembre 2022 n° 22-85.289
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° K 22-85.289 F-D
N° 01621
RB5 6 DÉCEMBRE 2022
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 6 DÉCEMBRE 2022
M. [O] [C] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux, chambre correctionnelle, en date du 28 juillet 2022, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs d'importation de stupéfiants, infractions à la législation sur les stupéfiants, importation, détention ou transport de marchandises prohibées, en récidive, et association de malfaiteurs, a rejeté sa demande de mise en liberté.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Sottet, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [O] [C], et les conclusions de M. Tarabeux, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 décembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Sottet, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le 17 juillet 2015, M. [O] [C] a été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour importation de stupéfiants, infractions à la législation sur les stupéfiants, importation, détention ou transport de marchandises prohibées, en récidive, et association de malfaiteurs.
3. Interpellé en exécution d'un mandat d'arrêt, il a été placé en détention provisoire le 12 mai 2021.
4. Le 9 février 2022, la cour d'appel de Bordeaux l'a condamné, notamment, à dix-huit ans d'emprisonnement et l'a maintenu en détention.
5. M. [C] s'est pourvu en cassation contre cette décision.
6. Son conseil a déposé une demande de mise en liberté le 14 avril 2022.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de mise en liberté de M. [C], alors « que tout jugement ou arrêt doit établir la régularité de la composition de la juridiction qui l'a rendu ; qu'à cette fin la minute des jugements et arrêts doit comporter le nom des magistrats qui les ont rendus ; qu'au cas d'espèce, l'arrêt attaqué indique que la Cour était composée, lors des débats tenus le 20 juin 2022 et lors du délibéré, de Madame Couhe, présidente, et de Madame Boulard-Paolini et Monsieur Deblois, conseillers ; qu'il résulte toutefois du rôle et des notes d'audience que ces mentions – contre lesquelles l'exposant a sollicité l'autorisation de s'inscrire en faux – sont inexactes puisque Monsieur [K] n'a pas siégé lors des débats ; que les mentions de l'arrêt ne satisfont donc pas aux exigences de l'article 486 du Code de procédure pénale, que la Cour a par conséquent violé ».
Réponse de la Cour
Vu les articles 485, 486, 512, 647-2, 647-3 et 647-4 du code de procédure pénale :
8. Il résulte des trois premiers de ces textes que tout jugement ou arrêt doit établir la régularité de la composition de la juridiction qui l'a rendu.
9. Les mentions de l'arrêt attaqué relatives à la composition de la cour d'appel lors des débats et du délibéré ont été arguées de faux par M. [C].
10. Le premier président de la Cour de cassation l'a autorisé à s'inscrire en faux contre lesdites mentions, et les significations prévues à l'article 647-2 du code de procédure pénale ont été régulièrement effectuées.
11. Le ministère public n'a pas répondu à la sommation du demandeur, prévue à l'article 647-3 du même code.
12. En conséquence, il se déduit de l'article 647-4 de ce code que les mentions arguées de faux doivent être considérées comme inexactes.
13. Par suite, l'arrêt, qui ne permet pas de déterminer quels sont les magistrats qui étaient présents lors des débats et qui ont participé au délibéré, ne remplit pas les conditions de son existence légale.
14. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Crim. 6 décembre 2022 n° 22-82.586
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
PACAUDIENCE DU 23 novembre 2022 ________________2022
CHAMBRE CRIMINELLE
CK 708-FR4FNuméro de pourvoi : T 21-87.017
Avocat(s) :
- obs. en demande de la société civile professionnelle L. POULET-ODENT
- obs. en défense
Avocat général : M. Valat
Conseiller rapporteur : M. Ascensi
M. [F] [C] et la société [2] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-12, en date du 26 octobre 2021, qui a autorisé l'exécution sur le territoire français d'une décision de confiscation prononcée par une juridiction étrangère.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires ont été produits.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Par jugement définitif du tribunal pénal fédéral suisse du 1er octobre 2014, M. [F] [C] a été déclaré coupable des infractions prévues par le droit suisse de corruption d'agents publics étrangers, gestion déloyale et blanchiment d'argent.
3. Il a été condamné à une peine privative de liberté de trois ans dont dix-huit mois avec sursis assorti de la mise à l'épreuve, et le tribunal a ordonné la confiscation de plusieurs biens constituant le produit des infractions poursuivies.
4. Parmi ces biens figure un appartement situé [Adresse 1], à [Localité 3], appartenant à la société civile immobilière [2] qui n'était pas partie à la procédure, le jugement mentionnant cependant qu'il devait être notifié à cette société, après son entrée en force de chose jugée.
5. Le 26 juin 2012, ce bien avait fait l'objet d'une ordonnance de saisie pénale immobilière rendue par le doyen des juges d'instruction du tribunal judiciaire de Paris en exécution d'une demande d'entraide judiciaire internationale des autorités judiciaires suisses.
6. Le 29 novembre 2019, les autorités judiciaires suisses ont adressé à l'autorité judiciaire française une demande d'entraide aux fins d'exécution de la confiscation de l'immeuble.
7. Par requête du 25 septembre 2020, le procureur national financier a saisi le tribunal correctionnel de Paris aux fins que soit ordonnée l'exécution de la confiscation du bien immobilier.
8. Le 28 septembre 2020, M. [C] a été avisé de l'audience du 4 novembre 2020.
9. Par jugement du 4 novembre 2020, le tribunal a ordonné l'exécution de la confiscation.
10. M. [C], puis le ministère public, ont interjeté appel de la décision.
Examen de la recevabilité du pourvoi formé par la société [2]
11. Il résulte de l'article 713-37 du code de procédure pénale que l'exécution des décisions de confiscation prononcées par les autorités judiciaires étrangères est refusée : 1° Si les faits à l'origine de la demande ne sont pas constitutifs d'une infraction selon la loi française ; 2° Si les biens sur lesquels elle porte ne sont pas susceptibles de faire l'objet d'une confiscation selon la loi française ; 3° Si la décision étrangère a été prononcée dans des conditions n'offrant pas de garanties suffisantes au regard de la protection des libertés individuelles et des droits de la défense ; 4° S'il est établi que la décision étrangère a été émise dans le but de poursuivre ou de condamner une personne en raison de son sexe, de sa race, de sa religion, de son origine ethnique, de sa nationalité, de sa langue, de ses opinions politiques ou de son orientation sexuelle ou identité de genre ; 5° Si le ministère public français avait décidé de ne pas engager de poursuites pour les faits à raison desquels la confiscation a été prononcée par la juridiction étrangère ou si ces faits ont déjà été jugés définitivement par les autorités judiciaires françaises ou par celles d'un Etat autre que l'Etat demandeur, à condition, en cas de condamnation, que la peine ait été exécutée, soit en cours d'exécution ou ne puisse plus être ramenée à exécution selon les lois de l'Etat de condamnation ; 6° Si elle porte sur une infraction politique.
12. S'agissant du deuxième de ces motifs de non-exécution, selon l'article 131-21 du code pénal, les biens appartenant à des tiers propriétaires de bonne foi ne sauraient être confisqués, y compris lorsqu'ils constituent l'objet ou le produit direct ou indirect de l'infraction (Crim., 7 novembre 2018, pourvoi n° 17-87.424, Bull. crim. 2018, n° 188).
13. Par ailleurs, selon l'article 713-38, alinéa 3, du code de procédure pénale, l'autorisation d'exécution ne peut avoir pour effet de porter atteinte aux droits licitement constitués au profit des tiers, en application de la loi française, sur les biens dont la confiscation a été prononcée par la décision étrangère. Toutefois, si cette décision contient des dispositions relatives aux droits des tiers, elle s'impose aux juridictions françaises à moins que les tiers n'aient pas été mis à même de faire valoir leurs droits devant la juridiction étrangère dans des conditions analogues à celles prévues par la loi française.
14. Les motifs de non-exécution par l'autorité judiciaire française des décisions de confiscation prononcées par les autorités judiciaires étrangères concernent, énoncés par l'article 713-37 du code de procédure pénale précité, concernent soit la personne condamnée par les autorités judiciaires étrangères, soit le tiers propriétaire du bien confisqué.
15. Selon l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, ces personnes ont droit à ce que leur cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur leurs droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elles
16. Leur droit au respect des biens est par ailleurs protégé par l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme.
17. L'article 13 de la Convention européenne des droits de l'homme prévoit enfin que toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles.
18. Il s'en déduit que la décision du tribunal correctionnel d'ordonner l'exécution d'une décision de confiscation prononcée par une autorité judiciaire étrangère, rendue en application des articles 713-36 à 713-41 du code de procédure pénale, doit être notifiée à la personne condamnée ainsi qu'au propriétaire du bien confisqué dont le titre est connu ou qui a revendiqué cette qualité au cours de la procédure.
19. Ces derniers peuvent interjeter appel du jugement dans le délai de dix jours à compter de la notification par déclaration au greffe du tribunal correctionnel, ou se pourvoir en cassation contre l'arrêt ordonnant l'exécution de la décision de confiscation.
20. En conséquence, le pourvoi de la société [2] est recevable.
Examen des moyens
Sur les deuxième et troisième moyens de M. [C], et le troisième moyen de la société [2]
21. Il ne sont pas de nature à permettre l'admission des pourvois au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur les premier moyen de la société [2]
Enoncé du moyen
22. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement déféré ayant autorisé l'exécution en France du jugement de confiscation rendu le 1er octobre 2014 par le tribunal pénal fédéral suisse, alors :
« 1°/ que l'exécution en France d'une décision de confiscation prononcée par une juridiction étrangère ne peut être autorisée qu'après que l'ensemble des personnes concernées par cette décision ont été mises en mesure de faire valoir leurs observations ; qu'en confirmant le jugement ayant autorisé l'exécution en France de la décision du Tribunal pénal fédéral suisse de confisquer le bien immobilier appartenant à la SCI [2] sans avoir préalablement invité cette société à présenter ses observations, quand celle-ci n'avait pas été citée à comparaître devant le tribunal correctionnel et que, n'ayant pas reçu notification du jugement, elle avait été placée dans l'impossibilité d'exercer une voie de recours contre celui-ci, la cour d'appel a méconnu le droit de propriété, le droit à une procédure juste, équitable et contradictoire ainsi que le droit à un recours juridictionnel effectif, et a violé les articles 4 et 5 de la décision-cadre 2005/212/ JAI du Conseil du 24 février 2005, 6 et 8 de la directive 2014/42/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014, 32 et 33 du règlement (UE) 2018/1805 du Parlement et du Conseil du 14 novembre 2018, lus en combinaison avec les articles 17 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ainsi que les articles 6 § 1 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1er du premier protocole additionnel à cette convention et l'article préliminaire du code de procédure pénale ;
2°/ que conformément à l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne tel qu'interprété par la Cour de justice de l'Union européenne, en cas de doute sur l'interprétation des articles 4 et 5 de la décision-cadre 2005/212 du 24 février 2005, 6 et 8 de la directive 2014/42/UE du 3 avril 2014, 32 et 33 du règlement (UE) 2018/1805 du Parlement et du Conseil du 14 novembre 2018, lus en combinaison avec les articles 17 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, il appartiendra à la Cour de cassation de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle qui pourrait être ainsi rédigée : « les articles 4 et 5 de la décision-cadre 2005/212 du 24 février 2005, 6 et 8 de la directive 2014/42/UE du 3 avril 2014, 32 et 33 du règlement (UE) 2018/1805 du Parlement et du Conseil du 14 novembre 2018, lus en combinaison avec les articles 17 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, doivent-ils être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation nationale qui permet l'exécution, sur son territoire, d'une décision de confiscation prononcée par une juridiction d'un État non membre de l'Union européenne, sans que le tiers propriétaire du bien confisqué ne soit mis en mesure de présenter ses observations et, le cas échéant, de faire valoir un motif de refus d'exécution, et sans que cette personne ne dispose d'une voie de recours effective contre la décision d'autoriser l'exécution de la confiscation de son bien ? ».
Réponse de la Cour
Vu les articles 6, § 1, et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, et 1er du premier protocole additionnel à la convention :
23. Les articles 713-36 à 713-41 du code de procédure pénale organisent, en l'absence de convention internationale en disposant autrement, l'exécution des décisions de confiscation prononcées par les autorités judiciaires étrangères, tendant à la confiscation des biens meubles ou immeubles, quelle qu'en soit la nature, ayant servi ou qui était destinés à commettre l'infraction ou qui paraissent en être le produit direct ou indirect ainsi que tout bien dont la valeur correspond au produit de cette infraction.
24. L'exécution de la confiscation peut être refusée pour l'un des motifs énoncés par l'article 713-37 du code de procédure pénale précité au § 11.
25. Par ailleurs l'article 713-38, alinéa 3, du code de procédure pénale, dispose que l'autorisation d'exécution ne peut avoir pour effet de porter atteinte aux droits licitement constitués au profit des tiers, en application de la loi française, sur les biens dont la confiscation a été prononcée par la décision étrangère. Toutefois, si cette décision contient des dispositions relatives aux droits des tiers, elle s'impose aux juridictions françaises à moins que les tiers n'aient pas été mis à même de faire valoir leurs droits devant la juridiction étrangère dans des conditions analogues à celles prévues par la loi française.
26. L'exécution de la confiscation est autorisée par le tribunal correctionnel statuant sur requête du procureur de la République.
27. L'article 713-39 du code de procédure pénale dispose que, s'il l'estime utile, le tribunal correctionnel entend, le cas échéant par commission rogatoire, le propriétaire du bien saisi, la personne condamnée ainsi que toute personne ayant des droits sur les biens qui ont fait l'objet de la décision étrangère de confiscation.
28. Ces personnes peuvent se faire représenter par un avocat.
29. Ces dispositions sont toutefois prévues à titre de simple faculté.
30. De même, les articles 713-36 à 713-41 du code de procédure pénale ne prévoient pas que la décision du tribunal correctionnel autorisant l'exécution de la confiscation doive être notifiée à la personne condamnée et au propriétaire du bien confisqué, ni que cette décision puisse faire l'objet d'un recours de leur part.
31. Cependant, selon l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur leurs droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elles
32. Par ailleurs, selon l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention, toute personne a droit au respect de ses biens.
33. Enfin, l'article 13 de la Convention européenne des droits de l'homme prévoit que toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles.
34. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il y ait lieu de transmettre une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne, dès lors que les textes de droit de l'Union visés au moyen ne sont pas applicables au litige, le principe qui suit.
35. Le jugement du tribunal correctionnel autorisant l'exécution d'une décision de confiscation prononcée par une autorité judiciaire étrangère doit être notifié à la personne condamnée et au tiers propriétaire du bien confisqué si son titre est connu ou s'il a revendiqué cette qualité au cours de la procédure.
36. Ces personnes sont recevables à interjeter appel de la décision dans un délai de dix jours par déclaration au greffe du tribunal correctionnel.
37. Elles ont droit à l'assistance d'un avocat au cours de l'instance d'appel, ainsi que de se voir communiquer en temps utile les pièces de la procédure.
38. En confirmant le jugement du tribunal correctionnel ayant autorisé l'exécution de la décision de confiscation, sans avoir constaté que ce jugement avait été notifié à la société [2] dont le titre de propriété était connu, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé.
39. La cassation est par conséquent encourue.
Et sur le quatrième moyen de la société [2]
Enoncé du moyen
40. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement déféré ayant autorisé l'exécution en France du jugement de confiscation rendu le 1er octobre 2014 par le tribunal pénal fédéral suisse, alors :
« 1°/ que l'exécution de la confiscation ordonnée par une juridiction étrangère est refusée si les biens sur lesquels elle porte ne sont pas susceptibles de faire l'objet d'une confiscation selon la loi française ; que, selon la loi française, les biens qui constituent le produit direct ou indirect de l'infraction ne peuvent être confisqués que sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi ; que, dès lors, en confirmant le jugement déféré ayant autorisé l'exécution en France de la décision de confiscation du bien immobilier appartenant à la SCI [2] et d'une quote-part de 436/10105e des parties communes générales de cet immeuble rendue par le Tribunal pénal fédéral suisse le 1er octobre 2014, quand il ne ressort ni des constatations de cette décision étrangère ni de la demande d'entraide pénale que ce tiers propriétaire serait de mauvaise foi, la cour d'appel a violé les articles 18 de la Convention de Strasbourg du 8 novembre 1990 et 713-37 du code de procédure pénale, ensemble les articles 6 § 2 de la directive 2014/42/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 et 131-21 du code pénal ;
2°/ qu'en tout état de cause, l'exécution de la confiscation ordonnée par une juridiction étrangère est refusée lorsqu'elle a été prononcée dans des conditions n'offrant pas de garanties suffisantes au regard de la protection des droits de la défense ; que tel est le cas lorsqu'elle porte sur un bien appartenant à un tiers qui n'a pas été mis en mesure de faire valoir ses droits devant la juridiction étrangère préalablement à la confiscation de son bien ; qu'en autorisant l'exécution en France de la décision de confiscation du bien immobilier appartenant à la SCI [2] rendue par le Tribunal pénal fédéral suisse le 1er octobre 2014, lorsqu'il ne ressort ni des mentions de cette décision ni des informations contenues dans la demande d'entraide pénale internationale que ce tiers propriétaire ait été mis en mesure de faire valoir ses observations devant cette juridiction avant qu'elle ne prononce la confiscation de son bien, la cour d'appel a violé les articles 713-37 et 713-38 du code de procédure pénale, ensemble les articles 4 et 5 de la décision-cadre 2005/212/JAI du 24 février 2005 et les articles 6 et 8 de la directive 2014/42/UE du 3 avril 2014, lus en combinaison avec l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ainsi que les articles 6 § 1 de la Convention européenne et 1er du premier protocole additionnel à cette Convention. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 713-37, 2° et 3°, et 713-38, alinéa 3, du code de procédure pénale, et 131-21, alinéa 3, du code pénal :
41. Selon le premier de ces textes, l'exécution des décisions de confiscation prononcées par les autorités judiciaires étrangères est refusée si les biens sur lesquels elles portent ne sont pas susceptibles de faire l'objet d'une confiscation selon la loi française, ou bien si la décision étrangère a été prononcée dans des conditions n'offrant pas de garanties suffisantes au regard de la protection des libertés individuelles et des droits de la défense.
42. Selon le troisième, les biens appartenant à des tiers propriétaires de bonne foi ne sauraient être confisqués, y compris lorsqu'ils constituent l'objet ou le produit direct ou indirect de l'infraction (Crim., 7 novembre 2018, pourvoi n° 17-87.424, Bull. crim. 2018, n° 188).
43. Le deuxième dispose que l'autorisation d'exécution ne peut avoir pour effet de porter atteinte aux droits licitement constitués au profit des tiers, en application de la loi française, sur les biens dont la confiscation a été prononcée par la décision étrangère. Toutefois, si cette décision contient des dispositions relatives aux droits des tiers, elle s'impose aux juridictions françaises à moins que les tiers n'aient pas été mis à même de faire valoir leurs droits devant la juridiction étrangère dans des conditions analogues à celles prévues par la loi française.
44. Pour confirmer l'autorisation d'exécution de la décision de confiscation, l'arrêt retient que M. [C] a été condamné pour corruption d'agents publics étrangers, gestion déloyale et blanchiment d'argent, que ces infractions sont prévues et réprimées par le droit pénal français, et qu'elles font encourir à leur auteur la peine complémentaire de confiscation définie par l'article 131-21 du code pénal.
45. Les juges retiennent par ailleurs que le jugement du tribunal pénal fédéral suisse a été prononcé dans des conditions offrant des garanties suffisantes au regard de l'exercice d'un droit de recours, garantie encore assurée par les dispositions de l'article 438 du code de procédure pénale suisse qui prévoit que la décision fixant l'entrée en force est sujette à recours, de sorte qu'aucune atteinte n'a été portée aux droits de la personne poursuivie.
46. Ils constatent par ailleurs que le jugement suisse contient des dispositions relatives au respect des droits des tiers, à savoir la communication à la société [2] du jugement, étant relevé que seul M. [C] est concerné par la confiscation.
47. En se déterminant ainsi, sans rechercher, à partir des constatations de fait de la décision étrangère, et au besoin en demandant aux autorités judiciaires suisses, par commission rogatoire, la fourniture des informations complémentaires nécessaires, si la société [2] était de bonne foi, ni mieux établir, selon les mêmes modalités, que cette société avait été mise à même de faire valoir ses droits devant la juridiction suisse dans des conditions analogues à celles prévues par la loi française, alors qu'il ressort des énonciations du jugement du tribunal pénal fédéral que la société [2] n'était pas partie à cette décision qui lui a été notifiée après qu'elle soit passée en force de chose jugée, a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus énoncés.
48. La cassation est par conséquent à nouveau encourue.
Et sur les premier moyen de M. [C] et deuxième moyen de la société [2]
Enoncé des moyens
49. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a statué en chambre du conseil, après des débats s'étant déroulés selon les mêmes modalités, alors que « la publicité des débats judiciaires est une règle d'ordre public à laquelle il ne peut être dérogé que dans les cas limitativement déterminés par la loi ; qu'aucune disposition légale ne déroge à cette règle lorsque la juridiction correctionnelle est saisie d'une requête du procureur de la République tendant à l'exé
50. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a statué en chambre du conseil, après des débats s'étant déroulés selon les mêmes modalités, alors que « la publicité des débats judiciaires est une règle d'ordre public à laquelle il ne peut être dérogé que dans les cas limitativement déterminés par la loi ; qu'aucune disposition légale ne déroge à cette règle lorsque la juridiction correctionnelle est saisie d'une requête du procureur de la République tendant à l'exécution sur le territoire français d'une décision de confiscation prononcée par une juridiction d'un État non-membre de l'Union européenne, ou d'un recours formé contre un jugement autorisant l'exécution d'une telle décision ; que, dès lors, en examinant l'appel formé par M. [C] à l'encontre du jugement autorisant l'exécution de la décision de confiscation rendue par le Tribunal pénal fédéral (Suisse) et en rendant son arrêt en chambre du conseil, la cour d'appel a méconnu les articles 6 § 1 de la Convention européenne, 400, 512, 711 et 713-36 à 713-41 du code de procédure pénale et le principe ci-dessus énoncé. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 400 et 512 du code de procédure pénale :
51. Il résulte de ces textes que la publicité des débats judiciaires est une règle d'ordre public à laquelle il ne peut être dérogé que dans les cas limitativement déterminés par la loi.
52. Les articles 713-36 à 713-41 du code de procédure pénale, qui organisent l'exécution des décisions de confiscation prononcée par les autorités judiciaires étrangères, ne prévoient pas de dérogation à ce principe.
53. L'arrêt attaqué énonce que les débats se sont tenus en chambre du conseil et que l'arrêt a été rendu selon les mêmes modalités.
54. En statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé.
55. La cassation est par conséquent à nouveau encourue.
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