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Soc. 23 octobre 2024 n° 22-23.260

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CH9


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 23 octobre 2024



Cassation partielle

Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 1063 F-D
Pourvoi n° N 22-23.260



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 OCTOBRE 2024
M. [Y] [O], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° N 22-23.260 contre l'arrêt rendu le 22 septembre 2022 par la cour d'appel de Versailles (15e chambre, chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société BASF France, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La société BASF France a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, quatre moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Seguy, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [O], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société BASF France, après débats en l'audience publique du 24 septembre 2024 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Seguy, conseiller rapporteur, Mme Panetta, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la société BASF France, défenderesse au pourvoi principal, du désistement de son pourvoi incident en ce qu'il est dirigé contre M. [O].
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 22 septembre 2022), M. [O] a été engagé en qualité d'agent technico-commercial, statut cadre, le 8 décembre 1994 par la société MBT France. Son contrat de travail a été transféré à la société BASF France (la société). En dernier lieu, il exerçait en Algérie et au Maroc les fonctions de « director construction chemicals Algeria and Morocco & Head of UGC Africa » et était soumis à une convention de forfait annuel de 216 jours de travail.
3. Licencié le 2 octobre 2017, il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.
Examen des moyens du pourvoi principal
Sur les deuxième, troisième et quatrième moyens
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, le second étant irrecevable et les deux autres n'étant manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement de rappel de salaire pour heures supplémentaires et de congés payés afférents, alors « qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 3121-45, dans sa version alors applicable, L. 3171-4 et D. 3171-10 du code du travail, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre de jours de travail effectués par le salarié dans le cadre d'une convention de forfait jours, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier des jours effectivement travaillés par le salarié ; qu'au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; qu'ainsi la preuve n'incombe spécialement à aucune des parties, et le juge ne peut, pour rejeter une demande de paiement de jours travaillés, se fonder sur l'insuffisance des preuves apportées par le salarié mais doit examiner les éléments de nature à justifier les jours effectivement travaillés par le salarié et que l'employeur est tenu de lui fournir ; que la cour d'appel qui, bien qu'elle ait constaté que le salarié versait aux débats une liste de mails professionnels lui ayant été adressés ou qu'il avait lui-même envoyés des dimanches ou des jours fériés entre 2014 et 2017, a néanmoins, pour dire les pièces du salarié non probantes et le débouter, en conséquence, de ses demandes, énoncé qu'il ne présentait pas d'élément suffisamment précis quant à des temps de travail ou journées de travail réalisées dépassant le forfait annuel en jours et non rémunérées afin de permettre à l'employeur d'y répondre utilement, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait d'une part que le salarié présentait, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre et, d'autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément sur le nombre de jours effectivement travaillés par ce salarié, faisant peser sur le seul salarié la charge de la preuve des jours travaillés en dépassement des 216 jours fixés par la convention de forfait jours, et a ainsi violé les textes susvisés. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 3121-45, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, L. 3171-4 et D. 3171-10, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2016-1553 du 18 novembre 2016, du code du travail :
6. Il résulte de la combinaison de ces textes qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre de jours de travail effectués par le salarié dans le cadre d'une convention de forfait en jours, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier des jours effectivement travaillés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Ainsi la preuve n'incombe spécialement à aucune des parties, et le juge ne peut, pour rejeter une demande de paiement de jours travaillés, se fonder sur l'insuffisance des preuves apportées par le salarié mais doit examiner les éléments de nature à justifier les jours effectivement travaillés par le salarié et que l'employeur est tenu de lui fournir.
7. Pour débouter le salarié de sa demande de paiement de sommes au titre des jours supplémentaires non rémunérés pour les années 2014 à 2017, l'arrêt retient qu'il produit une liste de courriels professionnels lui ayant été adressés ou qu'il a lui-même envoyés des dimanches ou jours fériés mais que celle-ci ne constitue pas un élément suffisamment précis quant à ses temps de travail ou journées de travail réalisés dépassant le forfait annuel en jours et non rémunérées.
8. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part, que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre et, d'autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément sur le nombre de jours effectivement travaillés par le salarié, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé les textes susvisés.




Soc. 23 octobre 2024 n° 22-23.028

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 23 octobre 2024



Cassation partielle

Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 1071 F-D
Pourvoi n° K 22-23.028




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 OCTOBRE 2024
1°/ La société Gifi, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 8],
2°/ la société Groupe Philippe Ginestet (GPG), société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 7],
ont formé le pourvoi n° K 22-23.028 contre l'arrêt rendu le 16 septembre 2022 par la cour d'appel de Rennes (8e chambre prud'homale), dans le litige les opposant :
1°/ à Mme [J] [R], domiciliée [Adresse 5],
2°/ à la société Mandataires judiciaires associés (MJA), société d'exercice libéral à forme anonyme, dont le siège est [Adresse 1], prise en la personne de M. [O] [G], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Lilnat,
3°/ à M. [X] [H], domicilié [Adresse 4], pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société Lilnat,
4°/ à l'UNEDIC, délégation AGS-CGEA [Localité 6], dont le siège est [Adresse 3],
5°/ à la société Asteren, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], prise en la personne de M. [O] [G], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Lilnat, en remplacement de la société Mandataires judiciaires associés,
défendeurs à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Brinet, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat des sociétés Gifi et Groupe Philippe Ginestet, de la SCP Boucard-Maman, avocat de la société Asteren, de M. [H], ès qualités, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [R], après débats en l'audience publique du 24 septembre 2024 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Brinet, conseiller rapporteur, M. Seguy, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 16 septembre 2022) et les productions, Mme [R] a été engagée en qualité d'employée libre-service auxiliaire par la société Giga Nantes le 4 juillet 2005. Son contrat de travail a été transféré à compter du 1er avril 2012 à la société Lilnat, exploitant un fonds de commerce sous l'enseigne Giga Store. Elle exerçait en dernier lieu les fonctions de directrice de magasin.
2. Le 4 mai 2017, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de la société Lilnat, convertie en liquidation judiciaire par jugement du 20 juillet 2017, la société MJA et M. [H] étant désignés en qualité de co-liquidateurs.
3. Par jugement du 26 juin 2017, le tribunal de commerce a arrêté un plan de cession de la société Lilnat à la société Groupe Philippe Ginestet (GPG) avec faculté de substitution au profit d'une ou plusieurs filiales à constituer, comprenant la cession de plusieurs fonds de commerce sous enseigne Tati, ou Giga Store. Le magasin dirigé par la salariée passait sous l'enseigne Tati.
4. Mise en arrêt maladie à compter du 28 mars 2017, la salariée a été déclarée inapte le 1er mars 2018 par le médecin du travail et licenciée pour inaptitude physique d'origine professionnelle le 19 avril 2018 par la société Tati Mag.
5. Le 10 juillet 2017, la salariée a saisi la juridiction prud'homale pour voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de son ancien employeur, la société Lilnat, lui reprochant des manquements à son obligation de sécurité entre 2013 et 2017 et a appelé à l'instance la « société GPG-Gifi », en sa qualité de repreneur.
6. La société Asteren, désignée le 1er juillet 2023 en remplacement de la société MJA en qualité de liquidateur de la société Lilnat, est intervenue à l'instance.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
7. Les sociétés Gifi et Groupe Philippe Ginestet font grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité des demandes formulées à leur encontre, alors « que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité ; qu'en l'espèce, les sociétés Groupe Philippe Ginestet et Gifi faisaient valoir que les demandes de Mme [R] étaient irrecevables à leur encontre puisqu'avant le plan de cession du 26 juin 2017, l'employeur de Mme [R] était la société Lilnat mise en liquidation le 20 juillet 2017 et que depuis le plan de cession, l'employeur de la salariée était la société Tati Mag, société juridiquement distincte des sociétés Groupe Philippe Ginestet et Gifi ; qu'en se bornant à relever, pour rejeter cette fin de non-recevoir, que le jugement du tribunal de commerce de Bobigny du 26 juin 2017 avait expressément ordonné la cession de la société Lilnat Giga Store, employeur de Mme [R], à la société GPG-GIFI, avec faculté de substitution au profit d'une ou plusieurs filiales à constituer dont GPG qui détiendrait directement ou indirectement la majorité du capital en ayant précisé que ''la société GPG et M. Philippe Ginestet demeurent solidairement responsables des engagements pris'' et qu'il ne pouvait donc être sérieusement soutenu dans ces conditions que la société GPG-GIFI était dépourvue de personnalité juridique, la cour d'appel, en ne recherchant pas à quelle société avait été effectivement transféré le contrat de travail de Mme [R] le 26 juin 2017, a privé sa décision de base légale au regard des articles 32 et 122 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 32 et 122 du code de procédure civile :
8. Il résulte de ces textes qu'est irrecevable toute prétention formée contre une partie n'ayant pas qualité à défendre.
9. Pour débouter les sociétés Groupe Philippe Ginestet et Gifi de leur fin de non-recevoir, l'arrêt retient que le jugement du tribunal de commerce de Bobigny du 26 juin 2017 a ordonné expressément la cession de la société Lilnat, employeur de Mme [R], à la SAS GPG GIFI, représentée par M. Philippe Ginestet, avec faculté de substitution au profit d'une ou plusieurs filiales à constituer dont la société Groupe Philippe Ginestet qui détiendrait directement ou indirectement la majorité du capital, précisant que la société GPG et M. Philippe Ginestet demeuraient solidairement responsables des engagements pris.
10. Il ajoute qu'il ne peut être sérieusement soutenu dans ces conditions que la société GPG GIFI est dépourvue de personnalité juridique et qu'il importe peu que la société Groupe Philippe Ginestet se soit présentée sous le nom commercial de l'un de ses établissements car cette circonstance ne la prive pas de la capacité d'ester en justice sous l'une ou l'autre de ces dénominations.
11. En se déterminant ainsi, sans rechercher comme il lui était demandé, à quelle société avait été effectivement transféré le contrat de travail de la salariée le 26 juin 2017, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Portée et conséquences de la cassation
12. Le premier moyen ne formulant aucune critique contre les motifs de l'arrêt fondant la décision de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de la salarié aux torts exclusifs de l'ancien employeur, la société Lilnat, de dire nulle la convention de forfait jours et de dire que la société Lilnat a manqué à son obligation de sécurité, la cassation ne peut s'étendre à ces dispositions de l'arrêt qui ne sont pas dans un lien de dépendance avec les dispositions de l'arrêt critiquées par ce moyen.




Soc. 16 octobre 2024 n° 23-15.031

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 16 octobre 2024



Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 1050 F-D
Pourvoi n° P 23-15.031




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 16 OCTOBRE 2024
M. [U] [T], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 23-15.031 contre l'arrêt rendu le 24 février 2023 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-1), dans le litige l'opposant à la société CMR Group, venant également aux droits de la société Financière Jumbo, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Rodrigues, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [T], de la SCP Françoise Fabiani - François Pinatel, avocat de la société CMR Group, après débats en l'audience publique du 18 septembre 2024 où étaient présentes Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Rodrigues, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 24 février 2023), M. [T] a été engagé en qualité de contrôleur de gestion, le 16 juin 2003, par la société CMR Group.
2. Promu directeur administratif et financier de cette société le 1er avril 2008, il a exercé ces mêmes fonctions, à partir d'avril 2012, au sein de la société Financière Jumbo, aux droits de laquelle vient désormais la société CMR Group.
3. Par deux avenants à son contrat de travail du 1er avril 2016, il a été positionné en qualité de cadre dirigeant de ces deux sociétés.
4. Il a été licencié par les deux sociétés le 1er septembre 2017.
5. Le 7 septembre 2017, il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
6. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande, dirigée contre les sociétés CMR Group et Financière Jumbo, en paiement de rappels de rémunération pour heures supplémentaires, congés payés et repos compensateurs afférents pour les années 2014, 2015 et 2016, alors « qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions des articles L. 3171-2 et L. 3171-4 du code du travail ; qu'en l'espèce, pour débouter M. [T], salarié soumis à une convention de forfait en jours nulle, de sa demande au titre des heures supplémentaires pour les années 2014 à 2016, la cour d'appel a retenu qu'il présentait, outre "des relevés de pointage sur la période du 1er janvier 2014 au 18 octobre 2017, sur lesquels sont mentionnés les jours travaillés au siège de l'entreprise et les heures d'arrivée le matin (uniquement le matin), les jours de déplacement, les jours de repos, RTT, jours fériés et congés payés, dont il ressort que le salarié arrive le plus souvent avant 8 heures (entre 7h30 et 8 heures)", tel que prévu par le règlement intérieur pour les salariés titulaires d'une convention de forfait, "un tableau de décompte des heures supplémentaires sur l'année 2014 (de septembre à décembre 2014), mentionnant le nombre d'heures de travail accomplies par semaine, le nombre d'heures supplémentaires réalisées, le salaire mensuel, le taux horaire, le taux horaire majoré à 25 %, le taux horaire majoré à 50 %, le total du montant majoré à 25 % des heures supplémentaires et le total du montant majoré à 50 % des heures supplémentaires [et] un tableau identique de décompte des heures supplémentaires sur l'année 2015 et un tableau identique de décompte des heures supplémentaires sur l'année 2016" ; qu'elle a cependant considéré que "M. [T], qui ne fournit pas de décompte de ses horaires journaliers de travail et produit des pièces rapportant tout au plus l'heure de sa prise de service et la date et l'heure d'envoi matinal ou d'envoi tardif de courriels (sans aucune précision sur les horaires accomplis entre l'envoi et/ou la réception de courriels le matin et/ou le soir), ne présente pas d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur d'y répondre en produisant ses propres éléments" ; qu'en statuant de la sorte quand il résultait de ses constatations, d'une part, que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, d'autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé les articles L. 3171-2 et L. 3171-4 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :
7. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
8. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
9. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
10. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement de rappels de salaire au titre des heures supplémentaires, congés payés et repos compensateurs afférents pour les années 2014, 2015 et 2016, l'arrêt relève que l'intéressé verse aux débats des relevés de pointage sur diverses périodes, sur lesquels sont mentionnés les jours travaillés et les heures d'arrivée le matin, les jours de déplacement, les jours de repos et de RTT, les jours fériés et les congés payés, ainsi que le règlement intérieur de la société CMR et des tableaux de décompte des heures supplémentaires sur les années 2014, 2015 et 2016, mentionnant le nombre d'heures de travail accomplies par semaine, le nombre d'heures supplémentaires réalisées, le salaire mensuel, le taux horaire et les taux horaires majorés.
11. Il retient que les extraits d'agenda électronique mentionnant les rendez-vous du salarié ne permettent pas, pour deux semaines précises, d'affirmer que le salarié aurait exécuté le temps de travail allégué avec les heures supplémentaires mentionnées sur son tableau de décompte, celui-ci ne précisant pas ses horaires de travail sur la semaine, ni même son amplitude horaire journalière.
12. L'arrêt conclut que le salarié, qui ne fournit pas de décompte de ses horaires journaliers de travail et produit des pièces rapportant tout au plus l'heure de sa prise de service et la date et l'heure d'envoi matinal ou d'envoi tardif de courriels, sans aucune précision sur les horaires accomplis entre l'envoi ou la réception de courriels le matin ou le soir, ne présente pas d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en produisant ses propres éléments.
13. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
14. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée entraîne la cassation, par voie de conséquence, du chef de dispositif déboutant le salarié de sa demande en paiement d'une indemnité pour défaut d'information et d'attribution de repos compensateurs obligatoires, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
15. La cassation n'emporte, en revanche, pas cassation des chefs de dispositif condamnant les deux employeurs aux dépens et au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de ceux-ci et non remises en cause.




Soc. 2 octobre 2024 n° 23-17.421

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 2 octobre 2024



Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 975 F-D
Pourvoi n° M 23-17.421
Aide juridictionnelle totale en demande au profit de M. [S]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 20 avril 2023.


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 OCTOBRE 2024
M. [O] [S], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° M 23-17.421 contre l'arrêt rendu le 27 octobre 2021 par la cour d'appel de Versailles (19e chambre), dans le litige l'opposant à la société Aldi marché [Adresse 2], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation.
La société Aldi marché [Adresse 2] a formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal, invoque à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident éventuel, invoque à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Le Quellec, conseiller, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [S], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Aldi marché [Adresse 2], après débats en l'audience publique du 4 septembre 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Le Quellec, conseiller rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Thuillier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 27 octobre 2021), M. [S] a été engagé en qualité de responsable de magasin, le 7 janvier 2003, par la société Aldi marché [Adresse 2]. Dans le dernier état de la relation contractuelle, soumise à la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, il occupait les fonctions de responsable logistique.
2. Licencié le 23 juin 2017, le salarié a saisi, le 6 septembre 2017, la juridiction prud'homale de demandes en paiement au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi incident éventuel de l'employeur, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de dire que la relation de travail n'était pas soumise à une convention de forfait en jours pour la période antérieure au 14 décembre 2016
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen du pourvoi principal du salarié, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes en paiement au titre du rappel de salaire sur heures supplémentaires, du travail dissimulé, du repos compensateur et du non-respect des temps de repos, alors « que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties ; qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; que satisfait à cette exigence le salarié qui produit au soutien de sa demande le décompte hebdomadaire de ses heures de travail ; qu'en retenant que le salarié ne produisait pas de décompte suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre, quand il résultait de ses constatations qu'était versé aux débats un décompte mentionnant semaine par semaine un nombre global d'heures de travail réalisées, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et violé l'article L. 3171-4 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :
5. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, l'employeur tient à la disposition des membres compétents de l'inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
6. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
7. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
8. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'un rappel de salaire pour heures supplémentaires, l'arrêt relève que, pour étayer ses dires, ce dernier produit un décompte mentionnant, semaine par semaine, un nombre global d'heures de travail réalisées, qui ne précise pas, au jour le jour, l'amplitude horaire ni les pauses méridiennes, ainsi que l'attestation d'une ancienne collaboratrice, qui indique que l'intéressé effectuait de très grosses journées de travail, qu'il était souvent là avant elle et partait après elle, alors qu'elle effectuait elle-même des journées de plus de dix heures. Il retient que cette attestation est particulièrement vague et imprécise. Il ajoute que le décompte produit par le salarié ne précise pas les heures effectuées au jour le jour, qu'il n'est en conséquence pas suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre utilement et qu'il n'est pas corroboré par une description des tâches expliquant la nécessité de réaliser de tels horaires, ni par aucune autre pièce.
9. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé les textes susvisés.
Et sur le moyen du pourvoi incident éventuel, pris en sa deuxième branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de dire que la relation de travail n'était pas soumise à une convention de forfait en jours pour la période postérieure au 14 décembre 2016
Enoncé du moyen
10. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que la relation de travail n'était pas soumise à une convention de forfait en jours, alors « que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en retenant que ''l'avenant du 14 décembre 2016 n'est pas conforme, car il prévoit un nombre de jours travaillés supérieur à celui autorisé'', sans avoir au préalable invité les parties à s'expliquer sur ce moyen qu'elle relevait d'office, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 16 du code de procédure civile :
11. Aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
12. Pour dire que le salarié n'était pas soumis à une convention de forfait en jours pour la période postérieure au 14 décembre 2016, l'arrêt retient que l'avenant du 14 décembre 2016 n'est pas conforme car il prévoit un nombre de jours travaillés supérieur à celui autorisé.
13. En statuant ainsi, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur le moyen relevé d'office tiré du dépassement du nombre maximal de jours travaillés autorisé, la cour d'appel a violé le texte susvisé.




Soc. 2 octobre 2024 n° 22-16.519 B

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CH9


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 2 octobre 2024



Cassation partielle

M. SOMMER, président


Arrêt n° 983 FS-B
Pourvoi n° K 22-16.519



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 OCTOBRE 2024
Mme [G] [H], domiciliée chez [Z] [U]-[O], [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 22-16.519 contre l'arrêt rendu le 18 mars 2022 par la cour d'appel de Fort-de-France (chambre sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à l'UNEDIC, délégation AGS CGEA de [Localité 4], dont le siège est [Adresse 5],
2°/ à la société BR associés, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 3], prise en qualité de mandataire liquidateur de la société Socofi,
3°/ à Mme [S] [R], domiciliée [Adresse 2], prise en qualité de mandataire ad hoc de la société Socofi,
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [H], et l'avis de Mme Moulina référendaire, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 septembre 2024 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, M. Flores, Mmes Deltort, Le Quellec, conseillers, Mmes Laplume, Rodrigues, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 18 mars 2022) et les productions, Mme [H] a été engagée en qualité d'assistante des ressources humaines par la société Multigros le 14 octobre 2013. Son contrat de travail a été transféré à la société Socofi (la société) le 4 juillet 2016.
2. Par des avenants à son contrat de travail des 4 juillet 2016 et 1er mars 2017, la salariée a été soumise à une convention de forfait en jours.
3. La relation de travail était régie par la convention collective nationale de commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001.
4. La salariée a été licenciée le 4 janvier 2018.
5. Elle a saisi la juridiction prud'homale le 24 avril 2018 afin de contester le bien-fondé de son licenciement et d'obtenir la condamnation de son employeur à lui verser diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.
6. Par jugement du 17 avril 2020, la société a été déclarée en liquidation judiciaire et la société BR associés a été désignée en qualité de liquidatrice.
7. L'UNEDIC, délégation AGS-CGEA de [Localité 4], est intervenue à l'instance d'appel.
8. Par jugement du 8 février 2022, la liquidation judiciaire de la société a été clôturée pour insuffisance d'actif et Mme [R] a été désignée en qualité de mandataire ad hoc avec pour mission de poursuivre les instances en cours.
Examen des moyens
Sur le deuxième moyen
9. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
10. La salariée fait grief à l'arrêt de disqualifier le licenciement pour faute grave en licenciement pour faute pourvu d'une cause réelle et sérieuse, de la débouter, en conséquence, de sa demande de fixer au passif de la société une somme à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse et de la débouter de sa demande en paiement d'une indemnité en l'application de l'article 700 du code de procédure civile, alors « que tout jugement doit être motivé ; que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; que Mme [H] faisait valoir dans ses écritures d'appel que les faits qui lui étaient reprochés par la lettre de licenciement sont tous prescrits, étant tous connus de la supérieure hiérarchique, Mme [P], plus de deux mois avant l'engagement de la procédure disciplinaire ; qu'en estimant que les faits commis par la salariée relevaient de la simple faute et que la salariée avait fait preuve de désinvolture et commis des actes d'insubordinations pour décider que le licenciement était pourvu d'une cause réelle et sérieuse, et ce, sans répondre à ces conclusions qui avaient une influence sur la solution du litige, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
11. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.
12. Pour disqualifier le licenciement pour faute grave en licenciement pour faute pourvu d'une cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que les faits commis par la salariée relèvent davantage de la simple faute et non pas de la faute grave. Il ajoute que, pour autant, les éléments produits par l'employeur et en particulier tous ceux établissant que, délibérément, la salariée s'est régulièrement affranchie du contrôle de sa supérieure hiérarchique, prouvent que la salariée a effectivement fait preuve de désinvolture dans l'exécution de ses obligations professionnelles et a commis des actes d'insubordination engendrant des conséquences dans le traitement des dossiers qui lui ont été confiés.
13. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la salariée qui soutenait que tous les faits qui lui étaient reprochés dans la lettre de licenciement étaient connus de sa supérieure hiérarchique, plus de deux mois avant l'engagement de la procédure disciplinaire et qu'ils étaient donc prescrits, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
14. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de fixer au passif de la procédure collective de la société des sommes au titre des bonus annuels 2017 et 2018 et des congés payés afférents, et de la débouter de sa demande relative à l'application de l'article 700 du code de procédure civile, alors « que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ; que, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ; que, lorsque les objectifs, permettant l'octroi et le calcul de la rémunération variable contractuellement prévue au profit du salarié, sont définis unilatéralement par l'employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, l'employeur a pour obligation de les fixer et de les porter à la connaissance du salarié en début d'exercice ; qu'il lui appartient dès lors de justifier non seulement d'avoir fixé les objectifs et de les avoir communiqués au salarié mais encore de justifier des éléments permettant de déterminer si ces objectifs avaient été ou non atteints ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'avenant au contrat de travail du 1er mars 2017 prévoit que Mme [G] [H] percevra un bonus individuel dont le montant sera lié à l'atteinte des objectifs qui lui auront été fixés. Pour une réalisation à 100 % de ces objectifs, Mme [G] [H] percevra un bonus annuel de 2 600,00 euros" ; qu'elle a relevé que la salariée réclamait le paiement de cette somme de 2 600 euros mais a considéré qu'elle ne fournissait à la juridiction aucun élément sur les objectifs qui lui ont été fixés pour l'année 2017 et sur la réalisation desdits objectifs, décidant alors que ces demandes au titre du bonus 2017, des congés payés sur la prime sur objectifs 2017, devaient être rejetées ; qu'elle a ajouté que, pour les mêmes motifs, sa demande au titre du bonus 2018 sur la période de préavis était également rejetée ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il appartenait à l'employeur de justifier des objectifs qu'il avait fixés et des éléments permettant de déterminer si ces objectifs avaient été ou non atteints, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1353 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1353 du code civil :
15. Aux termes de ce texte, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
16. Lorsque les objectifs sont définis unilatéralement par l'employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, celui-ci peut les modifier dès lors qu'ils sont réalisables et qu'ils ont été portés à la connaissance du salarié en début d'exercice.
17. Pour débouter la salariée de sa demande en paiement des bonus annuels 2017 et 2018, l'arrêt relève que l'avenant au contrat de travail du 1er mars 2017 prévoit que la salariée percevra un bonus individuel dont le montant sera lié à l'atteinte des objectifs qui lui auront été fixés, que pour la réalisation à 100 % de ces objectifs, la salariée percevra un bonus annuel de 2 600,00 euros. Il constate que si l'intéressée réclame le paiement de cette somme, elle ne fournit à la juridiction aucun élément sur les objectifs qui lui ont été fixés pour les années 2017 et 2018 et sur la réalisation desdits objectifs.
18. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé le texte susvisé.
Et sur le quatrième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
19. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de fixer au passif de la procédure collective de la société des sommes à titre de rappels de salaire pour heures supplémentaires, de pause payée prévue par la convention collective applicable, de pause payée pendant le préavis et de pause payée pendant les heures supplémentaires, outre les congés payés afférents sur ces sommes, à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la convention collective et de la débouter de sa demande relative à l'application de l'article 700 du code de procédure civile, alors « que selon l'article 5.7.2 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, étendue par arrêté du 26 juillet 2002 et modifiée par avenant n° 52 du 17 septembre 2015 relatif au forfait annuel en jours, le forfait en jours s'accompagne d'un suivi du nombre de jours ou demi-journées travaillées et du repos quotidien et hebdomadaire prévu ainsi que de la charge de travail ; que, selon ce texte, au moins une fois par an, le salarié en forfait jours bénéficie à l'initiative de sa hiérarchie d'un entretien portant sur sa charge et son amplitude de travail, sur l'organisation du travail dans l'entreprise ou l'établissement, sur l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle et familiale, ainsi que sur sa rémunération ; qu'il en ressort encore qu'un entretien doit également être proposé par la hiérarchie du salarié lorsque le document mensuel de décompte fait apparaître des anomalies répétées mettant en évidence des difficultés en matière de temps de travail et a pour objet d'examiner les mesures correctives à mettre en oeuvre ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que Mme [H] a signé l'avenant à son contrat de travail du 1er mars 2017 prévoyant spécifiquement que le contrat de travail est établi pour une durée de travail à temps complet. Compte tenu de la large autonomie dans l'organisation de son emploi du temps dont elle dispose, Mme [G] [H] relève pour le calcul de son temps de travail du forfait en jours. A ce titre [elle] est soumise aux dispositions de l'article L. 3121-45 du code du travail et de l'article 5.7.2 de la convention collective nationale de commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire et de son avenant du 17 septembre 2015 relatif au forfait annuel en jours (...)" ; qu'elle en a déduit que la salariée avait adhéré à cette convention de forfait en jours détaillée dans l'avenant au contrat de travail et était donc liée par les dispositions contractuelles ; qu'elle a, par ailleurs, constaté que la salariée avait échoué à démontrer qu'elle ne disposait d'aucune autonomie dans son emploi du temps et que son temps de travail excédait les prescriptions du forfait jours applicable ; qu'elle a, dès lors, rejeté les demandes au titre des heures supplémentaires de la salariée ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la mise en oeuvre de la convention de forfait en jours avait été effectivement accompagnée par un suivi, à travers notamment des entretiens, de la charge et de l'organisation du travail de la salariée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3121-46 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, L. 3121-64, II, 1° et 2°, du même code et 5.7.2 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 3121-46 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, L. 3121-64 II du même code, 5.7.2 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001 modifié par l'avenant n° 52 du 17 septembre 2015 :
20. Selon le premier de ces textes, un entretien annuel individuel est organisé par l'employeur avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année. Il porte sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié.
21. Aux termes du dernier de ces textes, le forfait en jours s'accompagne d'un suivi du nombre de jours ou demi-journées travaillés et du respect du repos quotidien et hebdomadaire prévu par le présent accord, ainsi que de la charge de travail. Ce suivi peut s'effectuer à l'aide d'un document tenu par le salarié sous la responsabilité de l'employeur. Ce document fait apparaître la qualification de chacune des journées ou demi-journées du mois, répartie en quatre catégories au minimum : travail, repos, congé payé, autre absence ; afin d'identifier les éventuelles difficultés en matière d'amplitude des journées de travail, le document indique également, lorsqu'un repos quotidien a été inférieur à douze heures consécutives, quelle en a été la durée. Il doit également comporter la possibilité pour le salarié d'ajouter toute information complémentaire qu'il jugerait utile d'apporter. Signé par le salarié, le document de décompte est remis mensuellement à sa hiérarchie, responsable de son analyse et des suites à donner, ainsi que de sa conservation. Un récapitulatif annuel est remis au salarié, dans les trois mois suivant la fin de la période. Au moins une fois par an, le salarié en forfait jours bénéficie à l'initiative de sa hiérarchie d'un entretien portant sur sa charge et son amplitude de travail, sur l'organisation du travail dans l'entreprise ou l'établissement, sur l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle et familiale, ainsi que sur sa rémunération. Un entretien doit également être proposé par la hiérarchie du salarié lorsque le document mensuel de décompte visé ci-dessus fait apparaître des anomalies répétées mettant en évidence des difficultés en matière de temps de travail. Cet entretien a pour objet d'examiner les mesures correctives à mettre en oeuvre. Un entretien supplémentaire peut en outre avoir lieu à tout moment de l'année à l'initiative du salarié si celui-ci rencontre des difficultés d'organisation de sa charge de travail l'amenant à des durées de travail trop importantes. Cette alerte doit aboutir à des décisions concrètes. Lorsqu'un entretien a été rendu nécessaire en raison de difficultés en matière de temps de travail, un bilan est effectué trois mois plus tard afin de vérifier que la charge de travail présente bien un caractère raisonnable. L'entreprise peut mettre en place d'autres modalités de suivi que le document ci-dessus, à condition de présenter les mêmes garanties.
22. Pour débouter la salariée de sa demande au titre des heures supplémentaires, l'arrêt relève que l'intéressée a signé l'avenant à son contrat de travail du 1er mars 2017 prévoyant spécifiquement que « le contrat de travail est établi pour une durée de travail à temps complet. Compte tenu de la large autonomie dans l'organisation de son emploi du temps dont elle dispose, Mme [H] relève pour le calcul de son temps de travail du forfait en jours. A ce titre [elle] est soumise aux dispositions de l'article L. 3121-45 du code du travail et de l'article 5.7.2 de la convention collective nationale de commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire et de son avenant du 17 septembre 2015 relatif au forfait annuel en jours (...) ». Il retient que la salariée a adhéré à cette convention de forfait en jours détaillée dans l'avenant au contrat de travail et en conclut qu'elle est donc liée par les dispositions contractuelles. Il ajoute qu'elle échoue, par ailleurs, à démontrer qu'elle ne disposait d'aucune autonomie dans son emploi du temps et que son temps de travail excédait les prescriptions du forfait en jours applicable.
23. En se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'il le lui était demandé, si les stipulations de l'accord collectif du 12 juillet 2001, modifié par avenant du 17 septembre 2015, qui sont propres à assurer la garantie du respect de la durée raisonnable de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires, avaient été effectivement mises en oeuvre par l'employeur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Portée et conséquences de la cassation
23. La cassation prononcée n'emporte pas cassation du chef de dispositif condamnant l'employeur au paiement des dépens justifié par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci non remises en cause.




Soc. 2 octobre 2024 n° 23-14.161

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 2 octobre 2024



Cassation partielle sans renvoi

Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 972 F-D
Pourvoi n° T 23-14.161


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 OCTOBRE 2024
La société Laboratoires M&L, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° T 23-14.161 contre l'arrêt rendu le 3 février 2023 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-1), dans le litige l'opposant à Mme [J] [O], domiciliée [Adresse 1], Biélorussie, défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, sept moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Deltort, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Laboratoires M&L, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de Mme [O], après débats en l'audience publique du 4 septembre 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Deltort, conseiller rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Thuillier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 3 février 2023), Mme [O] a été engagée en qualité d'ingénieur qualité meuble, statut cadre, coefficient 350 par la société Laboratoires M&L à compter du 5 novembre 2012 et a été soumise à une convention de forfait en jours depuis 2012.
2. Le 14 septembre 2017, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de demandes en résiliation judiciaire du contrat de travail et en paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture de ce contrat.
3. La salariée a été licenciée le 6 mars 2020 après prononcé d'un avis d'inaptitude.
Examen des moyens
Sur les premier, deuxième, troisième, cinquième, sixième et septième moyens
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le quatrième moyen
Enoncé du moyen
5. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée une certaine somme à titre de congés payés afférents à l'indemnité équivalente à l'indemnité compensatrice de préavis, alors « que l'indemnité prévue à l'article L. 1226-14 du code du travail, au paiement de laquelle l'employeur est tenu en cas de rupture du contrat de travail d'un salarié déclaré par le médecin du travail inapte à son emploi en conséquence d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, et dont le montant est égal à celui de l'indemnité prévue à l'article L. 1234-5 du code du travail, n'a pas la nature d'une indemnité de préavis et n'ouvre pas droit à congés payés ; qu'après avoir énoncé que le licenciement pour inaptitude était en lien avec l'accident du travail reconnu par un arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 16 décembre 2021 et alloué à la salariée l'indemnité spéciale de licenciement, la cour d'appel a accordé à Mme [O] la somme de 10 128,90 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis assortie d'une somme de 1 012,89 euros au titre des congés payés afférents ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 1226-14 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1226-10 et L. 1226-14 du code du travail :
6. Il résulte de ces textes que les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine au moment du licenciement.
7. L'indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue au second de ces textes n'a pas la nature d'une indemnité de préavis et n'ouvre pas droit à congés payés.
8. Ayant retenu que le licenciement était en lien avec l'accident du travail pour condamner l'employeur au paiement d'une indemnité spéciale de licenciement, la cour d'appel a également condamné l'employeur au paiement d'une somme à titre d'indemnité compensatrice de préavis assortie de congés payés.
9. En statuant ainsi, alors qu'elle avait reconnu que l'inaptitude de la salariée était, au moins pour partie, d'origine professionnelle, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
10. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
11. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie que la Cour de cassation statue au fond.
12. La cassation prononcée n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.




Soc. 18 septembre 2024 n° 23-14.187

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CL6


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 18 septembre 2024



Cassation partielle

M. FLORES, conseiller le plus ancien faisant fonction de président


Arrêt n° 913 F-D
Pourvoi n° W 23-14.187



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 SEPTEMBRE 2024
M. [L] [W], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° W 23-14.187 contre l'arrêt rendu le 2 février 2023 par la cour d'appel de Caen (1re chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Carrefour administratif France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ala, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. [W], de la SCP Spinosi, avocat de la société Carrefour administratif France, après débats en l'audience publique du 3 juillet 2024 où étaient présents M. Flores, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Ala, conseiller référendaire rapporteur, Mme Techer, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée en application des articles R. 431-7 et L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 2 février 2023), M. [W] a été engagé en qualité de manager métier le 18 décembre 2000 par la société Carrefour France.
2. Le 1er décembre 2001, son contrat de travail a été transféré à la société Carrefour administratif France.
3. Le 1er juin 2002, il est devenu assistant chef de projet senior, catégorie cadres et a été soumis à une convention de forfait en jours. Au dernier état de la relation contractuelle, il occupait les fonctions de manager process sans fonction d'encadrement.
4. La relation de travail est soumise à la convention collective nationale de commerces de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001.
5. Le salarié a été licencié par lettre du 12 novembre 2019.
6. Le 19 septembre 2020, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes se rapportant à l'exécution et à la rupture du contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le second moyen
7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
8. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes au titre des heures supplémentaires, du repos compensateur, du travail dissimulé, du manquement à l'obligation de sécurité et de dommages-intérêts pour exécution déloyale de la convention de forfait en jours, alors « que le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles ; qu'il résulte des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur ; que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires ; qu'il appartient au juge de contrôler, même d'office, si les stipulations de l'accord collectif applicable sont de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié ; que pour débouter le salarié de ses demandes en paiement d'heures supplémentaires pour les années 2017 à 2019, la cour d'appel s'est bornée à énoncer, par motifs adoptés, que les dispositions conventionnelles applicables étaient valables ; qu'en statuant ainsi, alors que les dispositions de l'article 5.7.2 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, qui dans le cas de forfait en jours, se limitent à prévoir, s'agissant du suivi de la charge et de l'amplitude de travail du salarié concerné, un entretien annuel avec le supérieur hiérarchique, ne sont pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié, ce dont elle aurait dû déduire que la convention de forfait en jours conclue en 2002 était nulle, la cour d'appel a violé l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article L. 212-15-3 du code du travail, alors en vigueur, interprété à la lumière de l'article 17, § 1, et 4 de la directive 1993/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
9. La défense conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient qu'il est contraire à la position soutenue devant les juges du fond.
10. Cependant, le salarié formait une demande de rappel au titre des heures supplémentaires en soutenant que les dispositions relatives à la convention de forfait en jours avaient été méconnues.
11. Le moyen, qui n'est ni contraire ni incompatible avec la position soutenue devant les juges du fond, est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article L. 212-15-3 III du code du travail, alors en vigueur, interprété à la lumière de l'article 17, § 1, et 4 de la directive 1993/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993 et des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne :
12. Le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles.
13. Il résulte des articles susvisés des directives de l'Union européenne que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur.
14. Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.
15. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, la cour d'appel a, par motifs adoptés, retenu que les dispositions conventionnelles applicables à la relation contractuelle étaient valables.
16. En statuant ainsi, alors les dispositions de l'article 5.7.2 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire dans leur rédaction antérieure à l'avenant du 10 avril 2003, qui dans le cas de forfait en jours, se limitent à prévoir, s'agissant du suivi de la charge et de l'amplitude de travail du salarié concerné, que l'employeur est tenu d'établir un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées et que le document peut être tenu par le salarié sous la responsabilité de l'employeur, ne sont pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié en sorte qu'il en résultait que la convention de forfait en jours était nulle, la cour d'appel a violé les textes susvisés.



Et sur le premier moyen, pris en sa cinquième branche
Enoncé du moyen
17. Le salarié fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; que le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences découlant des articles L. 3171-2, alinéa 1er, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail ; que pour dire que la demande au titre des heures supplémentaires n'était en tout état de cause pas fondée, la cour d'appel a retenu que le salarié faisait état du témoignage de son supérieur hiérarchique attestant de l'accomplissement de plus de 45 heures par semaine et avait produit un tableau de calcul de sa réclamation (portant sur la période d'octobre 2017 à septembre 2019) sur lequel il avait porté systématiquement pour toutes les semaines des années considérées un total d'heures par semaine de 45, y compris pendant les semaines comportant des absences pour congés payés, maladie, enfant malade, congés d'ancienneté, jours fériés, jours de repos supplémentaire pour RTT qu'il ne contestait pas avoir prises et que l'imprécision du témoignage du supérieur hiérarchique quant aux circonstances qui lui auraient permis de constater le volume d'heures réalisé par le salarié et quant aux horaires, la production d'un tableau sans indication d'horaires et manifestement non conforme à la réalité (puisque comportant non pas des erreurs ponctuelles mais systématiquement des mentions nécessairement mensongères quant aux horaires réalisés les semaines d'absence que le salarié n'avait pas pris soin de rectifier une fois mises en évidence ces incohérences) ne caractérisaient pas, en l'absence d'autres éléments susceptibles de préciser les horaires accomplis et de corroborer concrètement l'allégation énoncée en termes généraux et théoriques, des éléments précis qui permettaient à l'employeur de répondre en produisant ses propres éléments ; qu'en statuant ainsi, alors que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre et sans qu'il résulte de l'arrêt que ce dernier aurait produit le moindre élément de contrôle de la durée du travail, la cour d'appel a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié et, partant, violé l'article L. 3171-4 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :
18. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, l'employeur tient à la disposition de l'agent de contrôle de l'inspection du travail mentionné à l'article L. 8112-1 les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
19. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
20. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d' heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
21. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, l'arrêt retient qu'à l'appui de sa demande ce dernier fait état du témoignage de son supérieur hiérarchique énonçant que ce dernier effectuait plus de quarante-cinq heures par semaine et produit un tableau de calcul de sa réclamation (portant sur la période d'octobre 2017 à septembre 2019) sur lequel il a porté systématiquement pour toutes les semaines des années considérées un total de quarante-cinq heures par semaine, y compris pendant les semaines comportant des absences pour congés payés, maladie, enfant malade, congés d'ancienneté, jours fériés, jours de RTT qu'il ne conteste pas avoir prises.
22. L'arrêt en conclut que l'imprécision du témoignage quant aux circonstances qui lui auraient permis de constater le volume d'heures réalisé par le salarié et quant aux horaires, la production d'un tableau sans indication d'horaires et manifestement non conforme à la réalité (puisque comportant non pas des erreurs ponctuelles mais systématiquement des mentions nécessairement mensongères quant aux horaires réalisés les semaines d'absence que le salarié n'a pas pris soin de rectifier une fois mises en évidence ces incohérences) ne caractérisaient pas, en l'absence d'autres éléments susceptibles de préciser les horaires accomplis et de corroborer concrètement l'allégation énoncée en termes généraux et théoriques, des éléments précis qui permettaient à l'employeur de répondre en produisant ses propres éléments.
23. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part, que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, d'autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
24. La cassation des chefs de dispositif se rapportant au paiement de sommes au titre des heures supplémentaires, des repos compensateurs, de l'indemnité pour travail dissimulé, de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et exécution déloyale de la convention de forfait en jours, n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.




Soc. 4 septembre 2024 n° 23-16.283

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CH9


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 4 septembre 2024



Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 829 F-D
Pourvoi n° Z 23-16.283




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 SEPTEMBRE 2024

La société Claranor, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° Z 23-16.283 contre l'arrêt rendu le 31 janvier 2023 par la cour d'appel de Nîmes (5e chambre sociale PH), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [L] [W], domiciliée [Adresse 1],
2°/ à Pôle emploi [Localité 4] Joly Jean, dont le siège est [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Techer, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Claranor, de Me Descorps-Declère, avocat de Mme [W],après débats en l'audience publique du 19 juin 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Techer, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la société Claranor du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Pôle emploi.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 31 janvier 2023), Mme [W] a été engagée en qualité d'ingénieur support et développement, à compter du 22 août 2011, par la société Claranor. Le 6 janvier 2012, les parties ont conclu une convention de forfait en jours.
3. La salariée a saisi la juridiction prud'homale le 19 avril 2017 à l'effet d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail.
4. Le 31 août 2017, elle a été licenciée.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches
Enoncé du moyen
5. L'employeur fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité de la convention de forfait en jours conclue le 6 janvier 2012 et de le condamner à verser à la salariée une somme à titre de rémunération des heures supplémentaires, outre les congés payés afférents, alors :
« 3°/ qu'aux termes de l'article L. 3121-39 du code du travail dans sa rédaction, applicable au litige, antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 : "la conclusion de conventions individuelles de forfait, en heures ou en jours, sur l'année est prévue par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche. Cet accord collectif préalable détermine les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, ainsi que la durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi, et fixe les caractéristiques principales de ces conventions" ; que selon l'article L. 3121-40, "la conclusion d'une convention individuelle de forfait requiert l'accord du salarié. La convention est établie par écrit" ; qu'aucune disposition ne subordonne la validité de cet écrit à la reprise des mentions de l'accord collectif l'instituant ; qu'en retenant, pour annuler la convention de forfait en jours du 6 janvier 2012, que "pour être valable, ce dispositif doit prévoir des modalités de contrôle sur la charge de travail et des moyens d'assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié, notamment sous la forme de la tenue d'un entretien annuel portant précisément sur la charge de travail, l'organisation et l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale ainsi que sur la rémunération du salarié. A défaut de telles précisions dans le contrat de travail ou la convention individuelle de forfait subséquente, le forfait annuel en jours est nul et en conséquence inopposable au salarié." et que "la cour ne peut que constater la nullité de cette convention de forfait qui ne prévoit aucunement les modalités de contrôle sur la charge de travail et les moyens d'assurer la protection de la sécurité et de la santé de la salariée", subordonnant ainsi la validité de la convention individuelle de forfait à la reprise, dans l'écrit la constatant, des mentions exigées par la loi pour la seule validité de l'accord collectif en prévoyant le recours, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé les articles L. 3121-39 et L. 3121-40 du code du travail ;
4°/ qu'en statuant de la sorte quand il ressortait de ses propres constatations que l'accord national du 28 juillet 1998 dans la métallurgie, expressément visé par l'avenant du 6 janvier 2012, comportait en son article 14.2 les mentions et précisions exigées par la loi pour assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié, la cour d'appel a violé derechef les articles L. 3121-39 et L. 3121-40 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 3121-39 et L. 3121-40 du code du travail, dans leur rédaction issue de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, et l'article 14.2 de l'accord national du 28 juillet 1998 sur l'organisation du travail dans la métallurgie, dans sa rédaction issue de l'avenant du 3 mars 2006, étendu par arrêté du 6 juin 2006 :
6. Aux termes du premier de ces textes, la conclusion de conventions individuelles de forfait, en heures ou en jours, sur l'année est prévue par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche. Cet accord collectif préalable détermine les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, ainsi que la durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi, et fixe les caractéristiques principales de ces conventions.
7. Aux termes du deuxième, la conclusion d'une convention individuelle de forfait requiert l'accord du salarié. La convention est établie par écrit.
8. Selon le troisième, le forfait en jours s'accompagne d'un contrôle du nombre de jours travaillés. Afin de décompter le nombre de journées ou de demi-journées travaillées, ainsi que celui des journées ou demi-journées de repos prises, l'employeur est tenu d'établir un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées, ainsi que le positionnement et la qualification des jours de repos en repos hebdomadaires, congés payés, congés conventionnels ou jours de repos au titre de la réduction du temps de travail auxquels le salarié n'a pas renoncé dans le cadre de l'avenant à son contrat de travail visé au 2e alinéa ci-dessus. Ce document peut être tenu par le salarié sous la responsabilité de l'employeur. Le supérieur hiérarchique du salarié ayant conclu une convention de forfait défini en jours assure le suivi régulier de l'organisation du travail de l'intéressé et de sa charge de travail. En outre, le salarié ayant conclu une convention de forfait défini en jours bénéficie, chaque année, d'un entretien avec son supérieur hiérarchique au cours duquel seront évoquées l'organisation et la charge de travail de l'intéressé et l'amplitude de ses journées d'activité. Cette amplitude et cette charge de travail devront rester raisonnables et assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail des intéressés. A cet effet, l'employeur affichera dans l'entreprise le début et la fin de la période quotidienne du temps de repos minimal obligatoire visé à l'alinéa 7 ci-dessus. Un accord d'entreprise ou d'établissement peut prévoir d'autres modalités pour assurer le respect de cette obligation.
9. Pour dire la convention de forfait en jours nulle, l'arrêt énonce d'abord que, pour être valable, le dispositif du forfait en jours doit prévoir des modalités de contrôle sur la charge de travail et des moyens d'assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié, notamment sous la forme de la tenue d'un entretien annuel portant précisément sur la charge de travail, l'organisation et l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale ainsi que sur la rémunération du salarié. Il ajoute qu'à défaut de telles précisions dans le contrat de travail ou la convention individuelle de forfait subséquente, le forfait annuel en jours est nul et en conséquence inopposable au salarié.
10. Il constate ensuite que la salariée a été soumise à une convention de forfait par la voie d'un avenant au contrat de travail en date du 6 janvier 2012 ainsi libellé : « Suivant l'accord national du 28 juillet 1998 sur l'organisation du temps de travail dans la métallurgie, modifié par avenant du 29 janvier 2000, le décompte du temps de travail se fera en jours. Ce nombre est fixé à 218 jours par année civile, donnant droit à un certain nombre de RTT défini chaque année. Pour l'année 2012, ce nombre est fixé à 10 jours. »
11. Il énonce qu'il est de principe que la convention de forfait doit être suffisamment précise pour que le salarié soit mis en mesure de l'accepter de manière éclairée. Il énonce encore que l'article 14.2 de l'accord national du 28 juillet 1998 sur l'organisation du travail dans la métallurgie définit le régime juridique du forfait en jours et détermine les mentions obligatoires de la clause de forfait et les obligations de l'employeur sur le contrôle du temps et de la charge de travail de son salarié. Il précise que ce texte prévoit notamment : « Le contrat de travail définit les caractéristiques de la fonction qui justifient l'autonomie dont dispose le salarié pour l'exécution de cette fonction. Le contrat de travail détermine le nombre de jours sur la base duquel le forfait est défini. Une fois déduits du nombre total des jours de l'année les jours de repos hebdomadaire, les jours de congés légaux et conventionnels auxquels le salarié peut prétendre et les jours de réduction d'horaire, le nombre de jours travaillés sur la base duquel le forfait est défini ne peut excéder, pour une année complète de travail, le plafond visé à l'article L. 212-15-3, III, du code du travail. ».
12. Il retient que la convention de forfait en jours est nulle, en ce qu'elle ne prévoit pas les modalités de contrôle sur la charge de travail et les moyens d'assurer la protection de la sécurité et de la santé de la salariée et en ce que l'avenant ne détermine pas quelles sont les caractéristiques du poste dont la qualification n'est pas précisée et qui justifiaient une autonomie dans l'organisation de son emploi du temps, de sorte que l'employeur n'a pas mis la salariée en mesure d'accepter de manière suffisamment éclairée la clause de forfait jours.
13. En statuant ainsi, alors que l'avenant conclu par les parties le 6 janvier 2012 visait l'accord collectif national sur l'organisation du travail du 28 juillet 1998 conclu dans la branche de la métallurgie dont le respect était de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié soumis au régime du forfait en jours et fixait le nombre de jours travaillés, la cour d'appel, qui a ajouté des conditions, sur la régularité de la convention individuelle de forfait en jours, que la loi ne prévoit pas, a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
14. La cassation prononcée n'emporte pas cassation des chefs de dispositif statuant sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens, qui sont justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de l'employeur et non remises en cause.




Soc. 4 septembre 2024 n° 23-10.710

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CH9


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 4 septembre 2024



Cassation partielle

M. FLORES, conseiller le plus ancien faisant fonction de président.


Arrêt n° 817 F-D
Pourvoi n° S 23-10.710



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 SEPTEMBRE 2024
M. [R] [Y], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 23-10.710 contre l'arrêt rendu le 10 novembre 2022 par la cour d'appel de Nancy (chambre sociale, section 2), dans le litige l'opposant à la société Pharma Lab, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ala, conseiller référendaire, les observations de Me Ridoux, avocat de M. [Y], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Pharma Lab, après débats en l'audience publique du 19 juin 2024 où étaient présents M. Flores, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Ala, conseiller référendaire rapporteur, Mme Deltort, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 10 novembre 2022), M. [Y] a été engagé en qualité de responsable de zone par la société Cerp Lorraine à compter du 1er octobre 1988.
2. Une convention individuelle de forfait en jours a été conclue par avenant du 1er janvier 2001.
3. A compter du 1er septembre 2010, à la suite d'une opération d'absorption, le contrat de travail de M. [Y] a été transféré à la société Pharma Lab.
4. Le salarié a été licencié le 25 janvier 2017.
5. Le 24 janvier 2019, M. [Y] a saisi la juridiction prud'homale de demandes se rapportant à l'exécution et à la rupture du contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. Le salarié fait grief à l'arrêt de déclarer prescrites les demandes relatives aux heures supplémentaires antérieures au 24 janvier 2016, de constater que la rémunération servie a opéré paiement des heures supplémentaires qui lui sont dues, de le débouter de sa demande en paiement d'une certaine somme à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, outre les congés payés afférents, ainsi que d'une certaine somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'impossibilité de prise de repos compensateur, outre les congés payés afférents, alors « qu'aux termes de l'article L. 3245-1 du code du travail, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que la demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat ; qu'il résulte de la combinaison des articles L. 3242-1 et L. 3245-1 du code du travail que le délai de prescription des salaires court à compter de la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible ; que pour les salariés payés au mois, la date d'exigibilité du salaire correspond à la date habituelle du paiement des salaires en vigueur dans l'entreprise et concerne l'intégralité du salaire afférent au mois considéré ; que l'arrêt constate que M. [Y], qui a fait l'objet d'un licenciement par lettre du 25 janvier 2017, a saisi le conseil de prud'hommes le 24 janvier 2019 d'une action en paiement d'un rappel de salaire fondée sur l'invalidité de sa convention de forfait, ce dont il résulte que la saisine du conseil de prud'hommes le 24 janvier 2019, intervenue moins de trois ans à compter de la date d'exigibilité des salaires de janvier 2016 jusqu'au licenciement, a interrompu la prescription et que la demande de rappel de salaire pouvait porter sur la période de janvier 2014 à janvier 2017, correspondant aux trois années précédant la rupture du contrat ; qu'en jugeant l'action prescrite pour les demandes antérieures au 24 janvier 2016, la cour d'appel a violé les textes susvisés. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
7. L'employeur conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que le moyen est nouveau, mélangé de fait et de droit.
8. Cependant le moyen, qui ne repose sur aucun élément de fait qui n'ait été constaté par les juges du fond, est de pur droit.
9. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles L. 3242-1 et L. 3245-1 du code du travail, ce dernier dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 :
10. La durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance invoquée, l'action en paiement d'un rappel de salaire fondée sur l'invalidité d'une convention de forfait en jours est soumise à la prescription triennale prévue par l'article L. 3245-1 du code du travail.
11. Aux termes de l'article L. 3245-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.
12. Il résulte de la combinaison des articles L. 3245-1 et L. 3242-1 du code du travail que le délai de prescription des salaires court à compter de la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible. Pour les salariés payés au mois, la date d'exigibilité du salaire correspond à la date habituelle du paiement des salaires en vigueur dans l'entreprise et concerne l'intégralité du salaire afférent au mois considéré.
13. Pour déclarer prescrite la demande en paiement d'un rappel de salaire relative aux heures supplémentaires antérieures au 24 janvier 2016, l'arrêt, après avoir rappelé que l'employeur soutenait que la prescription, pour les demandes portant sur une période antérieure de trois ans à la saisine du conseil de prud'hommes, en date du 25 janvier 2019, était acquise, retient que la prescription de l'article L. 3245-1du code du travail court à partir du jour où le salarié a connu ou aurait dû connaître le fait qu'il invoque, à savoir l'existence d'heures supplémentaires par l'effet de l'inopposabilité de la convention de forfait en jours, que cette connaissance résulte du constat, à la fin de chaque année, de l'absence d'entretien sur son exécution, et l'accomplissement des heures de travail.
14. L'arrêt ajoute que la prescription a commencé à courir le 1er janvier 2015 pour l'année 2014, le 1er janvier 2016 pour l'année 2015, et le 1er janvier 2017 pour l'année 2016 et que pour 2014, l'action était prescrite le 1er janvier 2017, pour 2015, elle était prescrite le 1er janvier 2018, pour 2016, elle était prescrite le 1er janvier 2019, que le salarié ayant saisi le conseil des prud'hommes le 24 janvier 2019 et qu'aux termes de l'article 2248 du code civil, les juges ne peuvent pas suppléer d'office le moyen résultant de la prescription, la prescription opposée par l'employeur étant moins rigoureuse que celle résultant de l'application de la loi, l'action doit être considérée comme prescrite pour les demandes antérieures au 24 janvier 2016.
15. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le salarié avait été licencié le 25 janvier 2017, qu'il avait saisi la juridiction prud'homale le 24 janvier 2019 de demandes en paiement d'un rappel de salaire pour la période courant du mois de janvier 2014 au mois de janvier 2017, soit au titre des trois années précédant la rupture du contrat, ce dont elle aurait dû déduire que la demande de rappel de salaire pouvait porter sur l'intégralité de cette période, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur le second moyen
Enoncé du moyen
16. Le salarié fait grief à l'arrêt de constater que la rémunération servie a opéré paiement des heures supplémentaires, et de le débouter de sa demande en paiement d'une certaine somme à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, outre les congés payés afférents, ainsi que d'une certaine somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'impossibilité de prise de repos compensateur, outre les congés payés afférents, alors « que le versement d'un salaire supérieur au minimum conventionnel ne peut tenir lieu de règlement des heures supplémentaires ; que l'arrêt constate que le salarié est titulaire d'une créance de 13 617 euros, outre les congés payés y afférents, au titre des heures supplémentaires effectuées à compter du 25 janvier 2016 ; qu'en le déboutant de sa demande en paiement de cette somme, au motif que la rémunération qu'il avait perçue dans le cadre de la convention de forfait en jours était supérieure au salaire minimum conventionnel et avait dès lors emporté paiement des heures supplémentaires, outre les congés payés y afférents, réclamées par le salarié à la suite de l'inopposabilité de ladite convention, la cour d'appel a violé l'article L. 3121-28 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
17. L'employeur conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que le moyen est nouveau, mélangé de fait et de droit.
18. Cependant le moyen, qui ne repose sur aucun élément de fait qui n'ait été constaté par les juges du fond, est de pur droit.
19. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l'article L. 3121-22 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'article L. 3121-36 et l'article L. 3171-4 du même code :
20. Selon le premier de ces textes, les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire fixée par l'article L. 3121-10, ou de la durée considérée comme équivalente, donnent lieu à une majoration de salaire de 25 % pour chacune des huit premières heures supplémentaires. Les heures suivantes donnent lieu à une majoration de 50 %.
21. Selon le deuxième, à défaut d'accord les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire fixée par l'article L. 3121-27, ou de la durée considérée comme équivalente, donnent lieu à une majoration de salaire de 25 % pour chacune des huit premières heures supplémentaires. Les heures suivantes donnent lieu à une majoration de 50 %.
22. Selon le dernier, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
23. Il résulte de ces textes que le salarié, qui a été soumis à tort à un forfait annuel en jours, peut prétendre au paiement d'heures supplémentaires dont le juge doit vérifier l'existence et le nombre conformément aux dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail et que le versement d'un salaire supérieur au minimum conventionnel ne peut tenir lieu de règlement des heures supplémentaires.
24. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'une certaine somme à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, l'arrêt, après avoir constaté que le salarié avait accompli des heures supplémentaires, retient qu'il résulte de l'accord du 14 janvier 2016, rattaché à la convention collective nationale de la fabrication et du commerce des produits à usage pharmaceutique, parapharmaceutique et vétérinaire s'applique au contrat de travail, relatif aux salaires minima pour l'année 2016, que pour le niveau IX, soit le niveau du salarié indiqué sur ses bulletins de salaire, notamment pour 2016, la rémunération annuelle garantie était de 42 455 euros, soit 3 538 euros par mois.
25. L'arrêt ajoute qu'il ressort des bulletins de paie pour l'année 2016 que le salaire mensuel de base était de 5 104,08 euros en sorte que le différentiel est de 1 566,08 euros par mois, soit 18 792,96 euros pour l'année.
26. L'arrêt retient dès lors que la rémunération perçue par le salarié dans le cadre de la convention de forfait en jours a emporté paiement des heures supplémentaires, outre les congés payés afférents.
27. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
28. La cassation des chefs de dispositif se rapportant aux demandes en paiement de sommes à titre de rappels de salaire au titre des heures supplémentaires et au titre des repos compensateurs n'emporte pas celle des chefs de dispositifs condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à son encontre et non remises en cause.




Soc. 10 juillet 2024 n° 22-20.049 B

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 10 juillet 2024



Cassation partielle

M. SOMMER, président


Arrêt n° 785 FS-B
Pourvoi n° X 22-20.049



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 10 JUILLET 2024
M. [R] [V], domicilié [Adresse 1], [Localité 4], a formé le pourvoi n° X 22-20.049 contre l'arrêt rendu le 15 juin 2022 par la cour d'appel de Limoges (chambre économique et sociale), dans le litige l'opposant à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 3], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Deltort, conseiller, les observations de Me Balat, avocat de M. [V], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou, et l'avis de M. Gambert, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 juin 2024 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Deltort, conseiller rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen, MM. Pietton, Barincou, Seguy, Mmes Douxami, Panetta, Brinet, conseillers, Mme Prieur, M. Carillon, Mme Maitral, M. Redon, conseillers référendaires, M. Gambert, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Limoges, 15 juin 2022), statuant sur renvoi après cassation (Soc., 13 octobre 2021, pourvoi n° 19-20.561), M. [V] a été engagé en qualité d'agent administratif par la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou à compter du 13 mars 1992. Il a signé une convention de forfait en jours le 29 juin 2006.
2. Après avoir démissionné par lettre du 11 avril 2016, il a saisi la juridiction prud'homale le 9 décembre 2016 aux fins, notamment, d'obtenir la requalification de sa démission en prise d'acte aux torts exclusifs de l'employeur produisant les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, avec toutes conséquences de droit, ainsi que le paiement d'une somme au titre des congés payés et le prononcé de la nullité de la convention de forfait en jours.
Examen des moyens
Sur les premier et second moyens, réunis
Enoncé des moyens
3. En son premier moyen, le salarié fait grief à l'arrêt de déclarer prescrite et en conséquence irrecevable sa demande en paiement d'un rappel de salaire, outre congés payés afférents, alors « que si, lorsqu'elle s'inscrit dans le prolongement d'un autre contentieux soumis au juge prud'homal, l'action en rappel de salaire doit être introduite avant l'expiration du délai de trois ans décompté à partir de la date à laquelle les salaires auraient dû être versés et non pas à compter de celle à laquelle le salarié a eu connaissance de l'irrégularité motivant l'engagement de ce contentieux, la prescription de cette action en rappel de salaire est interrompue par la saisine de la juridiction prud'homale appelée à statuer sur ce contentieux ; qu'en considérant que la demande en paiement d'un arriéré de salaires formée par M. [V] au titre des années 2013 à 2016 constituait une demande additionnelle au contentieux principal relatif à la validité de la convention de forfait en jours, qui aurait due être formée à compter du jour où il avait eu connaissance de l'irrégularité motivant l'engagement du contentieux et dont la prescription n'avait pas été interrompue par la saisine de la juridiction prud'homale le 9 décembre 2016, cependant que, dans la mesure où la demande en paiement de salaires s'inscrivait dans le prolongement de la demande visant à ce que soit annulée la convention de forfait en jours signée par les parties le 29 juin 2006, la prescription de cette action en paiement avait nécessairement été interrompue par la saisine de la juridiction prud'homale le 9 décembre 2016, la cour d'appel a violé l'article L. 3245-1 du code du travail. »
4. En son second moyen, le salarié fait grief à l'arrêt de déclarer prescrite et en conséquence irrecevable sa demande en paiement de dommages-intérêts pour travail dissimulé, alors « que la prescription d'une action en paiement de dommages et intérêts pour travail dissimulé qui s'inscrit dans le prolongement d'un autre contentieux qui en établit de bien-fondé est interrompue par la saisine de la juridiction prud'homale appelée à statuer sur ce contentieux ; qu'en considérant que la demande en paiement de dommages et intérêts pour travail dissimulé formée par M. [V] au titre des années 2013 à 2016 constituait une demande additionnelle au contentieux principal relatif à la validité de la convention de forfait en jours, qui aurait due être formée à compter du jour où il avait eu connaissance de l'irrégularité motivant l'engagement du contentieux et dont la prescription n'avait pas été interrompue par la saisine de la juridiction prud'homale le 9 décembre 2016, cependant que, dans la mesure où la demande en paiement de l'indemnité litigieuse s'inscrivait dans le prolongement de la demande visant à ce que soit annulée la convention de forfait en jours signée par les parties le 29 juin 2006, la prescription de cette action avait nécessairement été interrompue par la saisine de la juridiction prud'homale le 9 décembre 2016, la cour d'appel a violé l'article L. 1471-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1471-1 et L. 3245-1 du code du travail dans leur rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 et 2241 du code civil :
5. D'abord, selon le premier de ces textes toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.
6. Selon le deuxième, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, la demande pouvant porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.
7. Ensuite, il résulte du troisième de ces textes que si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque deux actions, bien qu'ayant une cause distincte, tendent à un seul et même but, de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première.
8. Pour déclarer prescrites et en conséquence irrecevables les demandes du salarié, l'arrêt retient, d'abord, concernant la demande de rappel de salaires, outre congés payés afférents, que c'est par ses écritures notifiées le 14 décembre 2021 que le salarié a présenté, pour la première fois, devant la cour d'appel, des demandes au titre de l'exécution de son contrat de travail, s'agissant de la condamnation de la caisse à des rappels de salaire, au titre des années 2013 à 2016, alors que dès le 9 décembre 2016, jour de la saisine du conseil de prud'hommes, il invoquait les conditions de la rupture de son contrat de travail et l'inopposabilité de sa convention de forfait en jours, de sorte qu'il avait donc nécessairement connaissance, à cette date, du fait qu'il pouvait demander le paiement des heures supplémentaires qu'il considérait avoir effectuées au titre des années 2013 à 2016, et le rappel de salaire.
9. Il en déduit que l'interruption de prescription dont bénéficie la demande principale ne s'étend pas à la demande formée après l'expiration du délai de prescription et dont l'objet est différent, ce qui est bien le cas en l'espèce s'agissant de demandes fondées sur l'exécution du contrat de travail et non sur sa rupture.
10. Il énonce ensuite, concernant la demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, qu'il s'agit, comme précédemment, d'une demande relative à l'exécution de son contrat de travail, formée pour la première fois par des conclusions notifiées le 14 décembre 2021, n'ayant pas le même objet que les demandes principales relatives à la rupture de son contrat de travail, de sorte que c'est à bon droit que la caisse invoque la prescription de cette action, laquelle a été exercée par les écritures notifiées plus de deux ans après la connaissance qu'il avait eue de l'existence des faits lui permettant de l'exercer.
11. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que les demandes en paiement de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires outre congés payés afférents et d'indemnité pour travail dissimulé poursuivaient le même but que la demande initiale tendant à la nullité de la convention de forfait en jours, à savoir la sanction du manquement par l'employeur à ses obligations en matière de droit au repos et paiement des heures de travail effectuées, de sorte qu'elles étaient virtuellement comprises dans la demande initiale, ce dont elle aurait dû déduire que la prescription des demandes nouvelles avait été interrompue par la demande initiale, la cour d'appel a violé les textes susvisés.




Soc. 12 juin 2024 n° 23-12.428

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 12 juin 2024



Rejet

Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 604 F-D
Pourvoi n° J 23-12.428



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 JUIN 2024
M. [U] [M], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 23-12.428 contre l'arrêt rendu le 14 décembre 2022 par la cour d'appel de Montpellier (1re chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société KPMG, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La société KPMG, a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [M], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société KPMG, après débats en l'audience publique du 7 mai 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Flores, conseiller rapporteur, M. Rouchayrole, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 14 décembre 2022), M. [M] a été engagé en qualité d'assistant confirmé le 3 décembre 1999, par la société KPMG. Au dernier état de la relation de travail, le salarié, qui était soumis à un forfait en jours, exerçait les fonctions de directeur du bureau de [Localité 3].
2. La relation de travail est soumise à la convention collective nationale des cabinets d'experts-comptables et de commissaires aux comptes du 9 décembre 1974.
3. Licencié le 21 novembre 2014, le salarié a, le 24 septembre 2015, saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses trois dernières branches, et le second moyen du pourvoi principal du salarié
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement est un licenciement pour faute grave, de le débouter de ses demandes indemnitaires au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, et au titre de l'indemnisation de la perte de chance de recevoir des dividendes, alors « que l'article 4.2.1 de la convention collective des experts-comptables dispose que bien qu'administrativement et économiquement en état de dépendance, les relations du professionnel lié à un autre membre de l'ordre ou de la compagnie par un contrat de travail ne sauraient donc être identiques à celles d'un collaborateur, quelle que soit la nature des tâches qui lui sont confiées, en raison des règles déontologiques et professionnelles qui caractérisent un état d'indépendance dans son activité proprement dite et placent les relations disciplinaires sous l'autorité de l'ordre ou de la compagnie parallèlement au pouvoir de l'employeur" ; qu'en l'espèce, M. [M] faisait valoir que l'ordre des experts-comptables n'avait jamais été informé de l'engagement d'une procédure disciplinaire à son encontre, ni des motifs qui lui étaient reprochés, de sorte que la procédure disciplinaire n'avait pas pu intervenir sous son autorité" contrairement à ce qui était prévu par l'article 4.2.1 de la convention collective ; qu'en retenant qu'il ressortait de l'article 4.2.1 de la convention collective que s'il existe un pouvoir disciplinaire parallèle à celui de l'employeur, il ne s'agit pas d'une procédure obligatoire et que le conseil de l'ordre des experts-comptables ou la compagnie des commissaires aux comptes n'ont pas à être préalablement avisés de l'engagement d'une procédure de licenciement", quand une telle interprétation de l'article 4.2.1 de la convention collective conduit à traiter un membre de l'ordre des experts-comptables exactement comme n'importe quel autre collaborateur, ce qui est contraire à la lettre et à l'esprit du texte, la cour d'appel a violé l'article 4.2.1 de la convention collective des experts-comptables. »
Réponse de la Cour
6. Selon l'article 4.2.1 de la convention collective nationale des cabinets d'experts-comptables et de commissaires aux comptes, « Les membres de l'Ordre et de la Compagnie », qui s'intègre dans un article 4 « classification », et un article 4.2 « grille des membres de l'ordre des experts-comptables et de la compagnie des commissaires aux comptes (Annexe B) », quelle que soit sa fonction dans un cabinet, travailleur indépendant, mandataire social ou associé d'une personne reconnue par l'ordre ou la compagnie, personne physique ou personne morale, titulaire d'un contrat de travail conclu avec un autre membre de l'ordre ou de la compagnie, le membre de l'ordre ou de la compagnie exerce sa profession dans le respect de l'ordonnance du 19 septembre 1945 et des textes subséquents l'ayant complétée ou modifiée. L'état de subordination dans lequel il se trouve sur le plan des conditions de travail, et qui caractérise l'existence d'un contrat de travail nonobstant toute qualification contraire, ne saurait, pour autant, l'assimiler à un autre collaborateur du cabinet ; notamment, il engage sa responsabilité personnelle dans les actes professionnels en les signant. Bien qu'administrativement et économiquement en état de dépendance, les relations du professionnel lié à un autre membre de l'ordre ou de la compagnie par un contrat de travail ne sauraient donc être identiques à celles d'un collaborateur, quelle que soit la nature des tâches qui lui sont confiées, en raison des règles déontologiques et professionnelles qui caractérisent un état d'indépendance dans son activité proprement dite et placent les relations disciplinaires sous l'autorité de l'ordre ou de la compagnie parallèlement au pouvoir de l'employeur. La réglementation professionnelle a pour conséquence que certains travaux ne peuvent être effectués que par un membre de l'ordre ou de la compagnie et que la structure des effectifs est conditionnée par le nombre d'experts-comptables inscrits du cabinet. La radiation de la liste ou la suspension de l'inscription, pour motif disciplinaire, met fin au contrat de travail dont la qualification de membre de l'ordre ou de la compagnie est un élément substantiel absolu. Les experts-comptables et/ou commissaires aux comptes salariés inscrits exercent non une fonction mais une profession libérale caractérisée par l'indépendance technique, dont découlent la responsabilité personnelle dans les actes professionnels et la liberté d'organisation de son temps de travail, dans le respect des règles déontologiques soumises au contrôle de l'ordre et/ou de la compagnie.
7. La cour d'appel, qui a retenu que ces dispositions n'instituaient pas au profit du salarié une garantie de fond en cas de licenciement, a fait l'exacte application des dispositions conventionnelles.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le moyen du pourvoi incident de l'employeur
Enoncé du moyen
9. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que la convention de forfait est nulle et de le condamner au paiement d'une somme au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents, alors « que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires ; que tel est le cas de l'accord d'aménagement et de réduction du temps de travail KPMG du 22 décembre 1999, qui prévoit que toute personne autonome (...) détermine elle-même l'amplitude de son temps de travail, notamment dans le cadre de la négociation de ses objectifs en début d'exercice social ; le suivi de son activité est effectué, suivant les cas, sur la base des objectifs quantitatifs et qualitatifs négociés et/ou du volume d'activité défini conjointement avec sa hiérarchie" (article 4.2) ; l'ensemble du personnel autonome fait l'objet, suivant les cas et les départements : soit d'une procédure de détermination concertée des objectifs annuels et d'appréciation des résultats ; elle se caractérise par un entretien annuel dont l'objet est, notamment, d'apprécier les résultats de l'exercice écoulé au regard des objectifs convenus et de déterminer, de façon concertée entre appréciateur et apprécié, des objectifs quantitatifs et qualitatifs pour l'exercice social à venir ; soit, d'une procédure d'appréciation concertée du volume d'activité annuelle, qui se traduit concrètement par un entretien annuel destiné à déterminer conjointement ce volume d'activité pour l'exercice social à venir (...)" (article 4.3) ; les directeurs d'entité garantiront qu'aucun personnel autonome ne soit amené en prévision ou a posteriori à effectuer des horaires excédant les dispositions afférentes aux minima journaliers et hebdomadaires de repos stipulées à l'article L. 220-1 du code du travail" (art.4.4) ; que, pour dire la convention de forfait nulle et condamner l'exposante au paiement d'heures supplémentaires, la cour d'appel, se fondant sur les seules dispositions de l'article 4.4 de cet accord, a retenu qu'il n'était pas suffisamment précis sur les modalités de décompte des journées et demi-journées travaillées, les conditions de contrôle de l'accord ainsi que du suivi de l'organisation et de l'amplitude de travail ; qu'en statuant ainsi, elle a violé l'alinéa 11 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article L. 212-15-3 du code du travail alors applicable, son article L. 3121-39 dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 10 août 2016, interprétés à la lumière de l'article 17, paragraphes 1 et 4 de la directive 1993-104 CE du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17, paragraphe 1, et 19 de la directive 2003-88 CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ensemble l'article 4 de l'accord d'aménagement et de réduction du temps de travail KPMG du 22 décembre 1999. »
Réponse de la Cour
10. Selon l'article 4.4 « aménagements et réduction du temps de travail » de l'accord d'entreprise en date du 22 décembre 1999, les cadres autonomes font l'objet d'une convention annuelle de forfait en jours telle que mentionnée à l'article L. 212-15-3 nouveau. En conséquence ils bénéficient, en sus de leurs congés payés d'un repos d'aménagement et de réduction de temps de travail spécifique de dix jours ouvrés par an. Toutefois le nombre de jours ouvrés par chaque personne ne pourra excéder un maximum de deux cent dix-sept jours ouvrés par an quels que soient les hasards du calendrier. Ces congés supplémentaires pourront être pris sur l'exercice épargné dans un compte-épargne-temps à l'initiative du salarié dans la limite maximale de cinq jours ouvrés par an. Le complément éventuellement nécessaire en fonction du calendrier pour respecter le plafond précité sera attribué en jours de ponts préfixés dans le calendrier de l'exercice social. Les objectifs et budgets d'activités convenus en début d'année tiennent compte des congés payés légaux, des éventuels jours de congés pour ancienneté et de ces congés supplémentaires. Ces jours de repos ARTT font l'objet d'une prise en charge spécifique pour le personnel autonome dont la rémunération est majoritairement variable en fonction de leur facturation personnelle. Les dispositions ainsi convenues excluent la rétribution en repos ou en paiement d'heures supplémentaires. Les directeurs d'entité garantiront qu'aucun personnel autonome ne soit amené en prévision ou a posteriori à effectuer des horaires excédant les dispositions afférentes aux minima journaliers et hebdomadaires de repos stipulés à l'article L. 220-1 du code du travail.
11. La cour d'appel a retenu que les dispositions conventionnelles ne précisaient pas les conditions de contrôle de l'application du forfait en jours ni les modalités du suivi de l'organisation du travail des salariés concernés ainsi que l'amplitude de leur journée de travail comme de la charge de travail qui en résulte. Elle a relevé que l'existence d'entretiens dialogues « My performance development » au cours desquels, selon l'employeur, le salarié avait tout loisir d'évoquer d'éventuelles difficultés, n'étaient pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restaient raisonnables, assuraient une bonne répartition dans le temps du travail de l'intéressé et assuraient ainsi la protection de la sécurité et de la santé du salarié.
12. La cour d'appel en a exactement déduit que l'accord d'entreprise ne répondait pas aux exigences légales et que la convention de forfait en jours était nulle.
13. Le moyen n'est donc pas fondé.




Soc. 12 juin 2024 n° 23-11.858

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 12 juin 2024



Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 605 F-D
Pourvoi n° Q 23-11.858





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 JUIN 2024
La Société nouvelle de l'hôtel atlantique, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 23-11.858 contre l'arrêt rendu le 8 décembre 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-5), dans le litige l'opposant à M. [X] [Y], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Techer, conseiller référendaire, les observations de la SCP Françoise Fabiani - François Pinatel , avocat de la Société nouvelle de l'hôtel atlantique, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [Y], après débats en l'audience publique du 7 mai 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Techer, conseiller référendaire rapporteur, M. Rouchayrole, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 8 décembre 2022), M. [Y] a été engagé en qualité de responsable de restauration d'un hôtel, le 1er juin 2018, par la Société nouvelle de l'hôtel atlantique. Les parties ont conclu une convention de forfait en jours.
2. Licencié le 30 mars 2020, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur les deux premiers moyens
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
4. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement nul et de le condamner à payer au salarié des sommes à titre d'indemnité pour licenciement nul, d'indemnité légale de licenciement, d'indemnité de préavis, outre congés payés afférents, et en application de l'article 700 du code de procédure civile, alors « qu'un licenciement ne peut être annulé que s'il a été prononcé en raison de l'exercice par le salarié d'une liberté fondamentale ; qu'en l'espèce, M. [Y] avait été licencié au motif de problèmes d'hygiène dans les cuisines, de problèmes de gestion du personnel, d'absence de développement du service restauration et de son absence au cours du service du soir, sans qu'à aucun moment, la société SNHA lui ait reproché, de manière explicite ou implicite, d'avoir fait valoir son droit à la santé et au repos ; qu'en retenant qu'en lui imposant d'effectuer un nombre important d'heures supplémentaires, la société SNHA aurait porté atteinte à ce droit au repos et à la santé, de sorte que le licenciement intervenu à la suite de cette violation devait être déclaré nul, sans constater qu'il aurait été prononcé en raison de l'exercice par le salarié dudit droit, la cour d'appel a violé de plus fort l'article L. 1235-3-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1235-3-1 du code du travail :
5. Selon ce texte, l'article L. 1235-3 n'est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Les nullités mentionnées au premier alinéa sont celles qui sont afférentes notamment à la violation d'une liberté fondamentale.
6. Pour dire le licenciement nul, l'arrêt relève qu'une clause de forfait a été insérée dans le contrat de travail en prévoyant 270 jours de travail par an, alors que le nombre de jours maximal que peut comprendre un forfait en jours est de 218. Il ajoute que, si une convention de forfait a été conclue le 1er juin 2019, en réduisant le nombre de jours travaillés au plafond légal, cette convention est privée d'effet. Il retient que l'employeur a imposé au salarié d'effectuer un nombre important d'heures supplémentaires et porté atteinte à son droit au repos et à la santé. Il en conclut que le licenciement intervenu à la suite de cette violation d'un droit fondamental doit être déclaré nul.
7. En statuant ainsi, sans caractériser l'existence d'un lien entre le licenciement prononcé et la violation d'une liberté fondamentale, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
8. La cassation prononcée est sans incidence sur les chefs de dispositif condamnant l'employeur aux dépens et au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, qui sont justifiés par d'autres condamnations prononcées à son encontre et non remises en cause.




Soc. 15 mai 2024 n° 23-14.188

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CL6


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 15 mai 2024



Rejet

Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 488 F-D
Pourvoi n° X 23-14.188



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 MAI 2024
M. [K] [P], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 23-14.188 contre l'arrêt rendu le 15 décembre 2022 par la cour d'appel de Rouen (chambre sociale et des affaires de sécurité sociale), dans le litige l'opposant à l'association Agence d'urbanisme de Rouen et des boucles de Seine-Eure, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
L'association Agence d'urbanisme de Rouen et des boucles de Seine-Eure a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'applui de son recours, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Redon, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. [P], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de l'association Agence d'urbanisme de Rouen et des boucles de Seine-Eure, après débats en l'audience publique du 2 avril 2024 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Redon, conseiller référendaire rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 15 décembre 2022), M. [P] a été engagé en qualité de directeur général par l'association Agence d'urbanisme de Rouen et des boucles de Seine-Eure à compter du 1er février 2010.
2. Il a été licencié pour faute grave par lettre du 6 mars 2019.
3. Contestant son licenciement, et sollicitant le paiement d'heures supplémentaires, il a saisi la juridiction prud'homale.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi principal
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen du pourvoi incident
Enoncé du moyen
5. L'employeur fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de restitution de la somme de 13 459,83 euros au titre des jours de réduction du temps de travail (RTT), alors « que celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu ; que l'inopposabilité de la convention de forfait entraîne l'obligation, pour le salarié, de restituer la rémunération perçue en contrepartie des jours de réduction de temps de travail pris en exécution de cette convention ; que pour rejeter la demande de restitution de l'indu de l'employeur, la cour d'appel a retenu que la convention de forfait en jours de M. [P] était privée d'effet, que l'association AURBSE justifiait que ce dernier avait bénéficié de 13 jours de RTT en 2016, 11 en 2017 et 12 en 2018 en exécution de cette convention et qu'il n'avait pas soustrait ses jours de RTT de sa demande d'heures supplémentaires mais s'était contenté de ne pas les valoriser en temps de travail et ainsi de ne pas solliciter d'heures supplémentaires sur les semaines durant lesquelles ces jours ont été posés ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il résultait de ses propres constatations que l'employeur justifiait que le salarié avait bénéficié de 13 jours de RTT en 2016, 11 en 2017 et 12 en 2018, en exécution d'une convention de forfait ultérieurement privée d'effet, ce dont elle aurait dû déduire que le paiement de ces journées de repos accordées en exécution de la convention était devenu indu et devait faire l'objet d'une restitution, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé l'article 1302-1 du code civil, ensemble les articles L. 3121-1 et L. 3121-64 du code du travail. »
Réponse de la Cour
6. La cour d'appel a relevé que le salarié avait bénéficié de 13 jours de RTT en 2016, 11 en 2017 et 12 en 2018, et que contrairement à ce qu'il affirmait, il n'avait pas soustrait ses jours de RTT de sa demande d'heures supplémentaires mais s'était contenté de ne pas les valoriser en temps de travail et ainsi de ne pas solliciter d'heures supplémentaires sur les semaines durant lesquelles ces jours ont été posés.
7. Elle a ensuite constaté l'existence d'heures supplémentaires en 2016, 2017 et 2018, puis, au regard des éléments apportés par chacune des parties, des fonctions qui étaient celles du salarié et de la charge de travail en résultant, également impactée par la baisse des effectifs et enfin des jours de RTT dont il avait bénéficié, en a évalué souverainement l'importance et a fixé en conséquence les créances salariales s'y rapportant.
8. De ces constatations et énonciations, dont il ressort que contrairement à ce que soutient le moyen, la cour d'appel a soustrait la somme versée au titre des jours de RTT accordés en exécution de la convention de forfait en jours, de la somme due au titre des heures supplémentaires, elle a exactement déduit que l'association n'était pas fondée en sa demande de restitution des sommes versées à ce titre qui avaient déjà été prises en compte.
9. Le moyen n'est donc pas fondé.




Soc. 15 mai 2024 n° 22-18.986

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 15 mai 2024



Rejet

M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 498 F-D
Pourvoi n° S 22-18.986



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 MAI 2024
M. [P] [G], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 22-18.986 contre l'arrêt rendu le 19 mai 2022 par la cour d'appel de Versailles (11e chambre), dans le litige l'opposant à la société Gaztransport et Technigaz, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Rinuy, conseiller, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [G], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Gaztransport et Technigaz, après débats en l'audience publique du 3 avril 2024 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rinuy, conseiller rapporteur, Mme Sommé, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 19 mai 2022), M. [G] a été engagé, le 9 janvier 2017, en qualité de responsable développement informatique par la société Gaztransport et Technigaz (la société).
2. La société a, le 12 novembre 2018, convoqué le salarié à un entretien préalable en vue de son licenciement, qui s'est déroulé le 22 novembre 2018, et lui a notifié, le 27 novembre 2018, son licenciement pour cause réelle et sérieuse.
3. Le 2 juillet 2019, le salarié a saisi la juridiction prud'homale.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de juger que la convention de forfait en jours lui était opposable et de rejeter ses demandes de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires pour 2017 et 2018, outre les congés payés afférents, d'indemnité de travail dissimulé et de rappel d'indemnité compensatrice de préavis et d'indemnité conventionnelle de licenciement, alors « que la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut au défaut de motifs ; qu'en l'espèce, après avoir, dans ses motifs, retenu que le salarié ne pouvait pas contester l'application de la clause de forfait à son contrat de travail, l'arrêt a confirmé le jugement ayant, dans son dispositif, jugé que la convention de forfait-jours ne lui était pas opposable ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a entaché sa décision d'une contradiction entre les motifs et le dispositif, a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
6. La contradiction existant entre les motifs et le dispositif procède d'une erreur matérielle qui peut, selon l'article 462 du code de procédure civile, être réparée par la Cour de cassation à laquelle est déférée la décision dont la rectification sera ci-après ordonnée.
7. Le moyen ne peut, dès lors, être accueilli.




Soc. 24 avril 2024 n° 22-22.286 B

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CH9


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 24 avril 2024



Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 405 F-B
Pourvoi n° D 22-22.286



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 24 AVRIL 2024
M. [S] [R], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 22-22.286 contre l'arrêt rendu le 25 août 2022 par la cour d'appel de Dijon (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Aldi Marché 9, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la Société Leader Distribution Chenove défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, cinq moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Techer, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [R], après débats en l'audience publique du 13 mars 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Techer, conseiller référendaire rapporteur, M. Rouchayrole, conseiller, et Mme Thuillier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 25 août 2022), M. [R] a été engagé en qualité d'adjoint chef de magasin, le 1er juillet 2005, par la société Leader Distribution Chenôve, aux droits de laquelle se trouve la société Aldi marché 9. À compter du 13 novembre 2006, une convention de forfait en jours a été conclue.
2. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale le 8 juillet 2015 à l'effet d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail et le paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture dudit contrat.
3. Le 15 septembre 2017, il a été licencié.
Examen des moyens
Sur le deuxième moyen
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes en paiement d'un rappel de salaire à titre d'heures supplémentaires et d'une indemnité pour travail dissimulé, alors « que seule une prétention, définie comme l'avantage économique et social concret attendu de l'exercice de l'action, doit figurer dans le dispositif des conclusions ; qu'en relevant, pour débouter l'exposant de sa demande de paiement d'heures supplémentaires, que M. [R] ne formul[ait] dans le dispositif de ses conclusions aucune demande de nullité de la clause de forfait en jours tel qu'alléguée dans le corps de ses écritures au soutien de sa demande de rappel d'heures supplémentaires et de repos compensateur quand la seule prétention de l'exposant portait sur l'obtention d'un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires qu'il avait effectuées de sorte, la nullité de la convention n'étant qu'un moyen soulevé à l'appui de cette prétention, la cour d'appel a violé l'article 954 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 4 et 954 du code de procédure civile :
6. Selon le second de ces textes, d'une part, dans les procédures avec représentation obligatoire, les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée, d'autre part, les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif et la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.
7. La contestation de la validité d'une convention de forfait en jours sur laquelle est fondée une demande en paiement d'un rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires constitue un moyen et non une prétention au sens du premier texte.
8. Il en résulte qu'elle n'a pas à figurer dans le dispositif des conclusions.
9. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement au titre d'heures supplémentaires, l'arrêt relève que la demande de nullité de la clause de forfait en jours, invoquée dans le corps de ses écritures au soutien de sa demande de rappel d'heures supplémentaires et de repos compensateur, ne figure pas dans le dispositif de ses conclusions. Il ajoute que le salarié concerné par une convention de forfait en jours n'est pas soumis aux durées maximales, quotidiennes et hebdomadaires de travail de l'article L. 3121-48 du code du travail et que ne s'appliquent pas non plus les dispositions relatives aux heures supplémentaires.
10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
11. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif déboutant le salarié de sa demande en paiement au titre d'heures supplémentaires entraîne la cassation des chefs de dispositif le déboutant de ses demandes en paiement de repos compensateur, de compléments d'indemnités de licenciement et de préavis, en résiliation judiciaire produisant les effets d'un licenciement nul et en indemnisation subséquente, en résiliation judiciaire produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et indemnisation subséquente, en contestation du bien-fondé de son licenciement et indemnisation subséquente, en remise de documents de fin de contrat, en paiement d'une indemnité de procédure et le condamnant aux dépens, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.




Soc. 24 avril 2024 n° 22-20.539 B

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 24 avril 2024



Cassation partielle

M. SOMMER, président


Arrêt n° 413 FS-B
Pourvoi n° E 22-20.539


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 24 AVRIL 2024

Mme [W] [R], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° E 22-20.539 contre l'arrêt rendu le 22 juin 2022 par la cour d'appel de Montpellier (1re chambre sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Ernst and Young société d'avocats, société d'exercice libéral par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ au bâtonnier de l'ordre des avocats de Montpellier, dont le siège est [Adresse 4],
3°/ au procureur général près la cour d'appel de Montpellier, dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [R], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Ernst and Young société d'avocats, et l'avis de M. Halem, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 mars 2024 où étaient présents M. Sommer, président, M. Flores, conseiller rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, M. Rouchayrole, Mmes Deltort, Le Quellec, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, Techer, Rodrigues, conseillers référendaires, M. Halem, avocat général référendaire, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 22 juin 2022), Mme [R] a été engagée par la société Ernst and Young (la société) en qualité d'assistante, le 7 octobre 2013, puis en qualité d'avocate suivant contrat de travail du 5 novembre 2013, soumis à la convention collective nationale des cabinets d'avocats (avocats salariés) du 17 février 1995 et comportant une convention de forfait en jours. Elle a été promue au grade de senior 1 en juillet 2015, puis à celui de senior 3 en juillet 2017. Elle a été en congé de maternité, suivi d'un congé parental, du 2 mars au 28 septembre 2018, puis à nouveau du 31 mai 2019 au 15 janvier 2020.
2. La salariée a été licenciée pour cause réelle et sérieuse par lettre du 27 mai 2020.
3. Soutenant avoir subi une discrimination en raison de son sexe et de son état de maternité, la salariée a saisi, le 29 janvier 2021, le bâtonnier de l'ordre des avocats de demandes tendant notamment à ordonner son repositionnement au grade senior manager 1 au 1er juillet 2019, à condamner la société au paiement de rappels de salaires correspondants du 1er juillet 2019 au 11 novembre 2020, de rattrapages d'intéressement et de participation ainsi que de bonus sur cette période, de dommages-intérêts en réparation du préjudice financier lié à la discrimination et de rappel d'heures supplémentaires, à prononcer la nullité de son licenciement, à ordonner sa réintégration et à condamner la société au paiement d'une somme provisionnelle à titre d'indemnité d'éviction à compter du 12 novembre 2020.
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes tendant à ordonner son repositionnement au grade senior manager 1 au 1er juillet 2019, à fixer sa rémunération globale au niveau moyen des salariés situés au grade senior manager 1 au 1er juillet 2019, soit 7 112,50 euros mensuels bruts, à condamner la société au paiement de diverses sommes à titre de rappels de salaires correspondants entre cette date et le 11 novembre 2020, de rattrapages d'intéressement et de participation, de bonus correspondants sur la période et de dommages-intérêts au titre de son préjudice financier lié à la discrimination, et de la débouter de ses demandes tendant à ordonner sa réintégration et à condamner la société au paiement d'une somme provisionnelle au titre de l'indemnité d'éviction à compter du 12 novembre 2020, à parfaire au jour de la décision à intervenir, outre les augmentations moyennes individuelles et générales perçues par les salariés de la même catégorie ainsi que les avantages, primes et salaires de toute nature, alors « que la réparation intégrale d'un dommage oblige à placer celui qui l'a subi dans la situation où il se serait trouvé si le comportement dommageable n'avait pas eu lieu et que les dispositions de l'article L. 1134-5 du code du travail ne font pas obstacle à ce que le juge ordonne le reclassement d'un salarié victime de discrimination ; qu'en conséquence, lorsqu'il apparaît qu'un salarié a été privé d'une possibilité de promotion par suite d'une discrimination, ce dernier peut prétendre, en réparation du préjudice qui en est résulté dans le déroulement de sa carrière, à un reclassement au niveau de classification qu'il aurait atteint en l'absence de discrimination ; qu'il appartient alors au juge de rechercher à quelle classification le salarié serait parvenu en l'absence de discrimination ; qu'en l'espèce, alors que Mme [R] demandait son repositionnement au grade de Senior Manager 1 au 1er juillet 2019, pour débouter la salariée de cette demande, la cour d'appel a relevé qu'il était justifié aux débats que le passage à ce grade nécessitait d'assurer le suivi commercial et technique des missions ainsi que la participation à la vie interne et l'encadrement d'une équipe et qu'aucun élément ne permettait d'affirmer que cette promotion était due à Mme [R] au 1er juillet 2019, date à laquelle elle se trouvait en congé maternité ; qu'en statuant par ces motifs inopérants, sans rechercher à quel grade la salariée serait parvenue en l'absence de discrimination, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1132-1, L. 1142-1 et L. 1134-5 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1132-1, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2020-760 du 22 juin 2020, et L. 1134-5 du code du travail et le principe de la réparation intégrale du préjudice :
5. Selon le principe susvisé, la réparation intégrale d'un dommage oblige à placer celui qui l'a subi dans la situation où il se serait trouvé si le comportement dommageable n'avait pas eu lieu.
6. Il résulte des articles L. 1132-1 et L. 1134-5 du code du travail que le salarié privé d'une possibilité de promotion par suite d'une discrimination peut prétendre, en réparation du préjudice qui en est résulté dans le déroulement de sa carrière, à un reclassement dans le coefficient de rémunération qu'il aurait atteint en l'absence de discrimination et qu'il appartient au juge de rechercher à quel coefficient de rémunération le salarié serait parvenu sans la discrimination constatée.
7. Pour débouter la salariée de sa demande tendant à ordonner son repositionnement au grade senior manager 1 au 1er juillet 2019, l'arrêt retient que le passage à ce grade nécessite d'assurer le suivi commercial et technique des missions ainsi que la participation à la vie interne et l'encadrement d'une équipe et qu'aucun élément ne permet d'affirmer que cette promotion était due à la salariée au 1er juillet 2019, date à laquelle elle se trouvait en congé de maternité.
8. En statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors qu'ayant retenu que la salariée avait subi une discrimination en raison de son état de grossesse à compter du 2 mars 2018, date de son premier congé de maternité, se caractérisant notamment par une modification des modalités de son évaluation et une chute de sa rémunération, il lui incombait de rechercher à quel grade conventionnel la salariée serait parvenue sans la discrimination constatée, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Sur le moyen relevé d'office
9. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.
Vu l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article L. 3121-39 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, interprété à la lumière des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne :
10. Le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles.
11. Il résulte des articles susvisés de la directive de l'Union européenne que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur.
12. Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.
13. Aux termes de l'article 12 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'exécution d'une convention individuelle de forfait en jours conclue sur le fondement d'une convention ou d'un accord de branche ou d'un accord d'entreprise ou d'établissement qui, à la date de publication de la présente loi, n'est pas conforme aux 1° à 3° du II de l'article L. 3121-64 du code du travail peut être poursuivie, sous réserve que l'employeur respecte l'article L. 3121-65 du même code. Sous ces mêmes réserves, l'accord collectif précité peut également servir de fondement à la conclusion de nouvelles conventions individuelles de forfait.
14. Pour débouter la salariée de sa demande en paiement d'une somme au titre des heures supplémentaires, l'arrêt retient que l'employeur soutient que la convention de forfait en jours est autorisée par l'avenant 7 du 7 avril 2000 relatif à la réduction du temps de travail de la convention collective des avocats salariés dans la limite de deux cents dix-sept jours, que l'accord d'entreprise signé le 14 mai 2007 contient l'ensemble des mentions légalement prévues et mettant en place les garanties suffisantes et que l'avenant n° 15 du 25 mai 2012, relatif au forfait annuel en jours de la convention collective des avocats, qui est applicable au sein du cabinet, valide cette convention de forfait.
15. En statuant ainsi, alors que ni les dispositions de l'avenant n° 7 du 7 avril 2000 relatif à la réduction du temps de travail, alors applicable, à la convention collective des avocats salariés (cabinets d'avocats) du 17 février 1995, qui, dans le cas de forfaits en jours, se limitaient à prévoir, en premier lieu, que le nombre de journées ou demi-journées de travail sera comptabilisé sur un document établi à la fin de l'année par l'avocat concerné et précisant le nombre de journées ou de demi-journées de repos pris, en second lieu, qu'il appartient aux salariés concernés de respecter les dispositions impératives ayant trait au repos quotidien et au repos hebdomadaire, le cabinet devant veiller au respect de ces obligations, ni les stipulations de l'accord d'entreprise relatif à l'organisation du temps de travail du 14 mai 2007 qui se bornent à prévoir qu'un suivi du temps de travail sera effectué pour tout collaborateur sur une base annuelle, que toutefois, autant que faire se peut, la direction cherchera à faire un point chaque trimestre et à attirer l'attention des collaborateurs dont le suivi présente un solde créditeur ou débiteur trop important afin qu'ils fassent en sorte de régulariser la situation au cours du trimestre suivant, ni les dispositions de l'avenant n° 15, à la convention collective des avocats salariés (cabinets d'avocats) du 17 février 1995, du 25 mai 2012, relatif au forfait annuel en jours, qui se bornent à prévoir que l'avocat doit organiser son travail pour ne pas dépasser onze heures journalières, sous réserve des contraintes horaires résultant notamment de l'exécution des missions d'intérêt public, que le nombre de journées ou de demi-journées de travail sera comptabilisé sur un document de contrôle établi à échéance régulière par l'avocat salarié concerné selon une procédure établie par l'employeur, que l'avocat salarié bénéficie annuellement d'un entretien avec sa hiérarchie portant sur l'organisation du travail, sa charge de travail, l'amplitude de ses journées d'activité, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale et sa rémunération, que l'employeur ou son représentant doit analyser les informations relatives au suivi des jours travaillés au moins une fois par semestre et que l'avocat salarié pourra alerter sa hiérarchie s'il se trouve confronté à des difficultés auxquelles il estime ne pas arriver à faire face, en ce qu'elles ne permettent pas à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, ne sont pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié, ce dont elle aurait dû déduire que, sous réserve de l'application des dispositions de l'article 12 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, la convention de forfait en jours était nulle, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur le quatrième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
16. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en paiement d'une somme au titre des heures supplémentaires, alors « qu'il appartient à l'employeur qui conclut avec un salarié une convention individuelle de forfait en jours sur l'année de s'assurer régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail ; que l'accord collectif autorisant la conclusion de conventions individuelles de forfait en jours détermine les modalités selon lesquelles l'employeur assure l'évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié ; que l'exécution d'une convention individuelle de forfait en jours conclue sur le fondement d'une convention ou d'un accord de branche ou d'un accord d'entreprise ou d'établissement qui, au 9 août 2016 ne détermine pas ces modalités peut être poursuivie, sous réserve notamment que l'employeur s'assure que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires ; qu'en l'espèce, pour débouter Madame [R] de sa demande tendant à voir prononcer la nullité du forfait jour et de sa demande subséquente en paiement d'heures supplémentaires, la Cour d'appel a relevé que la convention de forfait en jours était autorisée par l'avenant n° 7 du 7 avril 2000 relatif à la réduction du temps de travail de la convention collective des avocats salariés dans la limite de 217 jours par an, que l'accord d'entreprise signé le 14 mai 2007 contenait l'ensemble des mentions légalement prévues et mettait en place les garanties suffisantes, que l'avenant n° 15 du 25 mai 2012 relatif au forfait annuel en jours de la convention collective des avocats salariés applicable au sein du cabinet validait cette convention de forfait et que conformément aux dispositions de la loi travail du 8 août 2016 la société employeur avait complété l'ensemble des dispositions conventionnelles par une charte des bonnes pratiques en matière d'organisation du temps de travail, et en a déduit qu'il était inexact d'affirmer qu'aucun outil de contrôle de la charge de travail n'avait été mis en place par l'employeur pour garantir le bon équilibre de la vie professionnelle des salariés ; qu'en statuant ainsi sans rechercher si la charte des bonnes pratiques dont se prévalait la société employeur prévoyait des modalités d'évaluation et de suivi régulier de la charge de travail du salarié permettant notamment à l'employeur de s'assurer que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires, quand, ni les dispositions de l'avenant n° 7 du 7 avril 2000 relatif à la réduction du temps de travail à la convention collective des avocats salariés du 17 février 1995, ni les stipulations de l'accord d'entreprise relatif à l'organisation du temps de travail du 14 mai 2007 n'étaient de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressée, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles L. 3121-60, L. 3121-64 et L. 3121-65 du Code du travail ensemble de l'article 12 de la loi 6 n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 3121-60 et L. 3121-65 I du code du travail, l'article 12 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :
17. Aux termes du premier de ces textes, dont les dispositions sont d'ordre public, l'employeur s'assure régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail.
18. Aux termes du deuxième, à défaut de stipulations conventionnelles prévues aux 1° et 2° du II de l'article L. 3121-64, une convention individuelle peut être valablement conclue sous réserve des dispositions suivantes : 1° L'employeur établit un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées. Sous la responsabilité de l'employeur, ce document peut être renseigné par le salarié ; 2° L'employeur s'assure que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires ; 3° L'employeur organise une fois par an un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail, qui doit être raisonnable, l'organisation de son travail, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération.
19. Aux termes du troisième, l'exécution d'une convention individuelle de forfait en jours conclue sur le fondement d'une convention ou d'un accord de branche ou d'un accord d'entreprise ou d'établissement qui, à la date de publication de la présente loi, n'est pas conforme aux 1° à 3° du II de l'article L. 3121-64 du code du travail peut être poursuivie, sous réserve que l'employeur respecte l'article L. 3121-65 du même code. Sous ces mêmes réserves, l'accord collectif précité peut également servir de fondement à la conclusion de nouvelles conventions individuelles de forfait.
20. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'une somme au titre des heures supplémentaires, l'arrêt retient que l'employeur a complété l'ensemble des dispositions conventionnelles applicables par une charte des bonnes pratiques en matière d'organisation du temps de travail et qu'il est inexact d'affirmer qu'aucun outil de contrôle de la charge de travail n'a été mis en place par l'employeur pour garantir le bon équilibre de la vie professionnelle et de la vie personnelle des salariés.
21. En statuant ainsi, par des motifs généraux impropres à caractériser que la charte des bonnes pratiques en matière d'organisation du temps de travail était de nature à répondre aux exigences de l'article L. 3121-65 du code du travail et que l'employeur avait effectivement exécuté son obligation de s'assurer régulièrement que la charge de travail de la salariée était raisonnable et permettait une bonne répartition dans le temps de son travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
22. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt déboutant la salariée de ses demandes de repositionnement au grade senior manager 1 au 1er juillet 2019, de ses demandes salariales subséquentes, de ses demandes de dommages-intérêts au titre de son préjudice financier lié à la discrimination, de réintégration et au titre de l'indemnité d'éviction entraîne la cassation du chef de dispositif condamnant la société à payer à la salariée des dommages-intérêts pour licenciement nul qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
23. La cassation des chefs de dispositif déboutant la salariée de ses demandes de repositionnement au grade senior manager 1 au 1er juillet 2019, de ses demandes salariales subséquentes, de ses demandes de dommages-intérêts au titre de son préjudice financier lié à la discrimination, de réintégration et au titre de l'indemnité d'éviction et condamnant la société à payer à la salariée des dommages-intérêts pour licenciement nul et de sa demande en paiement d'une somme au titre des heures supplémentaires effectuées et non payées, n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant la société aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celle-ci non remises en cause.




Soc. 27 mars 2024 n° 22-17.078

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 27 mars 2024



Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 367 F-D
Pourvoi n° T 22-17.078



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 27 MARS 2024
M. [D] [H], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° T 22-17.078 contre l'arrêt rendu le 31 mars 2022 par la cour d'appel d'Orléans (chambre sociale A, section 2), dans le litige l'opposant à la société Tenotel, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. [H], après débats en l'audience publique du 28 février 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, M. Flores, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 31 mars 2022), M. [H] a été engagé en qualité de directeur d'hôtels par la société Tenotel à compter du 1er juin 2015, au statut cadre. Son contrat de travail, soumis à la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants du 30 avril 1997, incluait un forfait annuel en jours.
2. Le salarié a saisi le 9 juillet 2018 la juridiction prud'homale d'une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail.
3. Par lettre du 22 novembre 2018, il a notifié à son employeur sa démission, en lui reprochant différents manquements à ses obligations contractuelles. Il a sollicité du conseil de prud'hommes la requalification de cette démission en prise d'acte de la rupture produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et la condamnation de l'employeur à lui payer diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que sa prise d'acte de la rupture de son contrat de travail s'analysait en une démission, de le débouter de sa demande tendant à faire requalifier sa démission en prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que de ses demandes subséquentes, et de le condamner à payer à l'employeur une certaine somme à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents, alors :
« 1°/ qu'en retenant que ''M. [P] indique dans l'email du 8 novembre 2016 que « aucune augmentation de salaire n'a jamais été discutée en CODIR » (comité de direction), et notamment pas celle invoquée par M. [H], de sorte qu'il apparaît que seule une décision de cette instance aurait pu constituer un engagement de la part de l'employeur en ce sens'', quand il ressortait de ce courriel, qu'à l'exception d'un cas dans sa région, aucune augmentation de salaire n'a jamais été discutée au niveau du comité de direction (CODIR), de sorte que cet organe ne décidait pas des augmentations de salaire, la cour d'appel en a, malgré l'interdiction qui lui est faite, dénaturé les termes et la portée ;
2°/ qu'en retenant que seule une décision du comité de direction aurait pu constituer un engagement de la part de l'employeur d'augmenter le salaire, sans préciser le fondement juridique de sa décision, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile ;
3°/ qu'en relevant d'office le moyen pris de ce que seule une décision du comité de direction aurait pu constituer un engagement de la part de l'employeur en vue de l'augmentation des salaires, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
5. Sous le couvert de griefs non fondés de dénaturation d'un courriel et de violations de la loi, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine par la cour d'appel des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, au terme de laquelle elle a retenu que le salarié n'apportait pas la démonstration de l'existence d'un engagement ferme de son employeur quant à une augmentation de son salaire fixe.
Sur les deuxième et troisième moyens réunis, en ce qu'ils font grief à l'arrêt de condamner le salarié à payer à l'employeur une certaine somme à titre de congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis
Énoncé des moyens
6. Par le deuxième moyen, le salarié fait ce grief à l'arrêt, alors :
« 1°/ que l'employeur est tenu d'organiser une fois par an un entretien avec le salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année, portant sur sa charge de travail, l'organisation de son travail, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération ; qu'un entretien d'évaluation et de performance qui a pour seul objet d'évaluer les performances du salarié ne constitue pas un tel entretien ; qu'en retenant que l'employeur a mis en place annuellement des entretiens d'évaluation au cours desquels le rythme de travail ou l'amplitude de ses horaires n'a donné à aucune remarque, après avoir constaté que seul un entretien d'évaluation et de performance avait été organisé, la cour d'appel a violé l'article L. 3121-46 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, les articles L. 3121-60 et L.3121-65 du même code dans leur rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et l'article 2.4 de l'avenant n° 22 bis du 7 octobre 2016 relatif aux cadres autonomes à la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants du 30 avril 1997 ;
2°/ en toute hypothèse qu'en retenant que ''l'employeur a mis en place annuellement des entretiens d'évaluation au cours desquelles le rythme de travail de M. [H] ou l'amplitude de ses horaires n'a donné lieu à aucune remarque particulière de sa part'' et que ''la SAS Tenotel a bien mis en place des entretiens annuels ayant pour objet de faire le bilan de l'année écoulée et d'acter les perspectives de l'année à venir'', quand il ressortait des comptes- rendus d'entretiens produits par l'employeur qu'ils n'avaient eu lieu qu'en 2014 et en 2016 et qu'aucune partie de ceux-ci n'était dédiée à aborder la charge de travail, l'organisation de son travail, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération, la cour d'appel en a, malgré l'interdiction qui lui en est faite, dénaturé les termes. »
7. Par le troisième moyen, le salarié fait ce grief à l'arrêt, alors « que l'indemnité due par le salarié à l'employeur en cas de non-respect de son préavis n'ouvre pas droit à des congés payés au profit de l'employeur ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 1237-1 du code du travail, ensemble l'article 30 de la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants du 30 avril 1997. »
Réponse de la Cour
8. Les moyens, qui critiquent les motifs et non un chef de dispositif de l'arrêt, sont irrecevables.
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de dire que la prise d'acte du salarié s'analyse en une démission et de le débouter en conséquence de sa demande tendant à faire requalifier sa démission en prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de ses demandes subséquentes, et de le condamner à payer à l'employeur une certaine somme à titre d'indemnité compensatrice de préavis
Enoncé du moyen
9. Le salarié fait ce grief à l'arrêt, alors « que l'employeur est tenu d'organiser une fois par an un entretien avec le salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année, portant sur sa charge de travail, l'organisation de son travail, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération ; qu'un entretien d'évaluation et de performance qui a pour seul objet d'évaluer les performances du salarié ne constitue pas un tel entretien ; qu'en retenant que l'employeur a mis en place annuellement des entretiens d'évaluation au cours desquels le rythme de travail ou l'amplitude de ses horaires n'a donné [lieu] à aucune remarque, après avoir constaté que seul un entretien d'évaluation et de performance avait été organisé, la cour d'appel a violé l'article L. 3121-46 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, les articles L. 3121-60 et L. 3121-65 du même code dans leur rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et l'article 2.4 de l'avenant n° 22 bis du 7 octobre 2016 relatif aux cadres autonomes à la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants du 30 avril 1997. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 3121-46 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, L. 3121-64 II du même code, 2.4 de l'avenant n° 22 du 16 décembre 2014 à la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants du 30 avril 1997, relatif aux cadres autonomes, étendu par arrêté du 29 février 2016 et 2.4 de l'avenant n° 22 bis du 7 octobre 2016 à la même convention collective, étendu par arrêté du 9 mars 2018 :
10. Selon le premier de ces textes, un entretien annuel individuel est organisé par l'employeur avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année. Il porte sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié.
11. Selon les deux derniers, chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours devra bénéficier chaque année d'un entretien avec son supérieur hiérarchique au cours duquel seront évoquées la charge de travail du salarié, l'amplitude de ses journées d'activité, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle et familiale ainsi que sa rémunération.
12. Lorsque l'employeur ne respecte pas les dispositions légales et les stipulations de l'accord collectif qui ont pour objet d'assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié et de son droit au repos, la convention de forfait en jours est privée d'effet de sorte que le salarié peut prétendre au paiement d'heures supplémentaires dont le juge doit vérifier l'existence et le nombre.
13. Pour rejeter la demande du salarié tendant à faire juger sa convention de forfait en jours inopposable, l'arrêt retient que l'employeur a mis en place annuellement des entretiens d'évaluation au cours desquels le rythme de travail de l'intéressé ou l'amplitude de ses horaires n'a donné lieu à aucune remarque particulière de sa part, de sorte qu'il ne peut être retenu un défaut de suivi régulier quant à l'amplitude de sa charge de travail.
14. En statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser qu'au cours du déroulement de ces entretiens d'évaluation, avaient été évoquées l'organisation et la charge de travail du salarié ainsi que l'amplitude de ses journées d'activité, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle et familiale et sa rémunération, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
15. La cassation prononcée n'emporte pas cassation du chef de dispositif condamnant l'employeur aux dépens justifié par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.




Soc. 13 mars 2024 n° 22-19.133

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
HP


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 13 mars 2024



Cassation partielle partiellement sans renvoi

Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 297 F-D
Pourvoi n° B 22-19.133



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 13 MARS 2024
La société Epigone, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° B 22-19.133 contre l'arrêt rendu le 18 mai 2022 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre civile), dans le litige l'opposant à M. [K] [D], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
M. [D] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, sept moyens de cassation.
Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Cavrois, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Epigone, de la SARL Corlay, avocat de M. [D], après débats en l'audience publique du 7 février 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Cavrois, conseiller rapporteur, Mme Deltort, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 18 mai 2022), M. [D] a été engagé, en qualité de responsable de site, par la société Epigone, à compter du 1er février 2000 par un contrat à temps partiel puis à temps complet à compter du 1er juin 2000.
2. Le 8 mars 2016, le médecin du travail l'a déclaré inapte en une seule visite.
3. Le licenciement a été notifié au salarié par lettre du 14 avril 2016 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
4. Le salarié a saisi, le 31 août 2017, la juridiction prud'homale de demandes relatives à l'exécution et à la rupture du contrat de travail.
Examen des moyens
Sur les premier à sixième moyens du pourvoi principal de l'employeur et sur le second moyen du pourvoi incident du salarié
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le septième moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
6. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié une certaine somme au titre de l'indemnité équivalente à l'indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents, et de dire que l'employeur devrait dans les deux mois de la signification de l'arrêt délivrer au salarié l'attestation destinée à Pôle emploi, le certificat de travail et le bulletin de paie rectifiés, alors « que l'indemnité prévue à l'article L. 1226-14 du code du travail, au paiement de laquelle l'employeur est tenu en cas de rupture du contrat de travail d'un salarié déclaré par le médecin du travail inapte à son emploi en conséquence d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, et dont le montant est égal à celui de l'indemnité prévue à l'article L. 1234-5 du code du travail, n'a pas la nature d'une indemnité de préavis et que, dès lors, elle n'ouvre pas droit à congés payés ; qu'en l'espèce, en allouant au salarié une somme à titre de congés payés sur l'indemnité compensatrice de préavis versée en application de l'article L. 1226-14 du code du travail, la cour d'appel a violé la disposition susvisée. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1226-14 du code du travail :
7. Il résulte de ce texte que l'indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis n'a pas la nature d'une indemnité de préavis et n'ouvre pas droit à congés payés.
8. La cour d'appel a alloué au salarié une somme correspondant à l'indemnité de préavis et une somme au titre des congés payés afférents.
9. En statuant ainsi, elle a violé le texte susvisé.
Et sur le premier moyen du pourvoi incident
Enoncé du moyen
10. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que les demandes en paiement pour la période antérieure au 1er août 2014 sont irrecevables car prescrites et de limiter en conséquence la condamnation au paiement de l'employeur au titre des heures supplémentaires à la somme de 15 944,40 euros, outre congés payés afférents, alors « que la durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance invoquée, l'action en paiement d'un rappel de salaire fondée sur l'application erronée d'une convention de forfait en jours est soumise à la prescription triennale de l'article L. 3245-1 du code du travail ; que la demande non prescrite peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le contrat de travail a été rompu le 14 avril 2016, M. [D] ayant été licencié à cette date pour inaptitude avec impossibilité de reclassement ; que M. [D] a introduit sa demande le 31 août 2017 ; que la demande de M. [D] portait sur les heures supplémentaires accomplies entre le 26 avril 2013 et le 31 octobre 2015 ; que la demande en paiement des heures supplémentaires, qui ne se trouvait pas prescrite au moment de la saisine du juge, pouvait donc porter sur les trois années antérieures à la rupture du contrat, soit à compter du 14 avril 2013 ; qu'en considérant que M. [D] au titre de la demande en paiement des heures supplémentaires ''(?) est irrecevable en ses demandes pour la période antérieure au 1er août 2014'', soit dans les trois ans précédant la saisine du juge, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé l'article L. 3245-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3245-1 du code du travail :
11. Aux termes de ce texte, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.
12. Pour dire irrecevables les demandes en paiement au titre du rappel d'heures supplémentaires pour la période précédant le 1er août 2014, l'arrêt retient que le salarié dont le contrat de travail a été rompu le 31 août 2016 et qui a saisi la juridiction prud'homale le 31 août 2017, est recevable à agir en paiement d'un rappel de salaire uniquement pour les trois années précédant la rupture soit du 1er août 2014 au 31 août 2017.
13. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que la rupture du contrat de travail du salarié avait été notifiée le 14 avril 2016 et que le salarié sollicitait un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires pour la période du 26 avril 2013 au 31 octobre 2015, soit sur une période comprise pendant les trois années précédant la rupture du contrat, ce dont elle aurait dû déduire que les demandes pouvaient porter sur l'intégralité de cette période, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
14. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
15. La cassation prononcée au titre du septième moyen du pourvoi principal n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond.
16. La cassation du chef de dispositif condamnant l'employeur au paiement d'une indemnité de congés payés au titre de l'indemnité équivalente à l'indemnité compensatrice de préavis n'emporte pas celle du chef de dispositif de l'arrêt disant que l'employeur devra délivrer au salarié l'attestation destinée à Pôle emploi, le certificat de travail et le bulletin de paie rectifiés.
17. La cassation du chef de dispositif disant que les demandes en paiement pour la période antérieure au 1er août 2014 sont irrecevables n'emporte pas cassation des chefs de dispositif condamnant l'employeur au paiement de la somme de 15 944,40 euros au titre des heures supplémentaires, outre congés payés afférents pour la période postérieure à cette date.
18. Les cassations prononcées n'entraînent pas non plus la cassation des chefs de dispositif condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.




Soc. 28 février 2024 n° 22-22.428

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 28 février 2024



Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 249 F-D

Pourvois n° C 22-22.423 D 22-22.424 E 22-22.425 H 22-22.427 G 22-22.428 JONCTION



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 FÉVRIER 2024
La société CGI France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé les pourvois n° C 22-22.423, D 22-22.424, E 22-22.425, H 22-22.427, et G 22-22.428 contre cinq arrêts rendus le 15 juin 2022 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section A), dans les litiges l'opposant respectivement :
1°/ à M. [M] [O], domicilié [Adresse 3],
2°/ à Mme [C] [N], domiciliée [Adresse 5],
3°/ à M. [K] [B], domicilié [Adresse 7]
4°/ à M. [H] [I], domicilié [Adresse 4]
5°/ au syndicat CGT CGI, dont le siège est [Adresse 6],
6°/ à M. [S] [F], domicilié [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
MM. [O], [B], [F], [I] et Mme [N], ont formé des pourvois incidents communs contre les mêmes arrêts.
La demanderesse aux pourvois principaux invoque, à l'appui de ses recours, trois moyens communs de cassation.
Les demandeurs aux pourvois incidents invoquent, à l'appui de leur recours, des moyens de cassation.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société CGI France, de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de MM. [O], [B], [I], [F], Mme [N] et du syndicat CGT CGI, après débats en l'audience publique du 24 janvier 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n°C 22-22.423, D 22-22.424, E 22-22.425, H 22-22.427 et G 22-22.428 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon les arrêts attaqués (Bordeaux, 15 juin 2022), M. [O] et quatre autres salariés, engagés en qualité d'ingénieur analyste ou de consultants solutions par la société CGI France ont saisi la juridiction prud'homale le 26 juillet 2016, afin de solliciter la condamnation de leur employeur à leur verser des sommes au titre de l'exécution du contrat de travail.
3. Le syndicat CGT CGI est intervenu volontairement à l'instance afin de solliciter des dommages-intérêts pour atteinte à l'intérêt collectif de la profession et non-respect des dispositions collectives de branche et d'entreprise.
4. Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseil, du 15 décembre 1987 dite Syntec.
Examen des moyens
Sur les premier et deuxième moyens du pourvoi principal de l'employeur et les cinq moyens du pourvoi incident des salariés
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui soit sont irrecevables, soit ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le troisième moyen du pourvoi principal de l'employeur
Enoncé du moyen
6. L'employeur fait grief aux arrêts, après avoir jugé que la convention de forfait hebdomadaire était inopposable aux salariés, de le débouter de ses demandes en répétition du paiement des jours de réduction du temps de travail octroyés en application de ladite convention, alors :
« 1°/ que lorsque la convention de forfait appliquée au salarié est invalidée ou lui est déclarée inopposable, le paiement des jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de la convention devient indu pour la période d'inopposabilité de la convention de forfait ; qu'en déboutant la société CGI France de sa demande en répétition des sommes versées aux salariés au titre des jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de sa convention de forfait hebdomadaire en heures, au motif inopérant que les salariés avaient toujours travaillé au-delà de la durée légale de 35 heures hebdomadaires, quand elle a jugé que la convention de forfait hebdomadaire en heures leur était inopposable, dont il résultait que le paiement des jours de réduction du temps de travail devenaient automatiquement indus, la cour d'appel a violé l'article 1376 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
2°/ qu'en jugeant qu'il n'y avait pas lieu, en dépit de l'inopposabilité aux salariés de leur convention de forfait en heures sur la semaine, de les condamner à restituer à l'employeur les sommes qui leur avaient été versées au titre des jours de réduction du temps de travail, aux motifs que ¿'l'attribution de ces jours de RTT dits Ql, qui ne figure pas dans le contrat initial, n'était pas liée à la convention de forfait en heures mais à la réduction du temps de travail dans l'avenant conclu entre les parties à effet au 1er janvier 2009'¿ quand les conventions de forfait hebdomadaire en heures avaient été rendues possibles par l'application de l'accord collectif de branche Syntec du 22 juin 1999 ¿'sur la durée du travail (application de la loi du 13 juin 1998)'¿, d'une part, et de l'accord collectif d'entreprise Logica du 30 juin 2008 ¿'sur la réduction du temps de travail'¿ d'autre part, la cour d'appel qui a dissocié la convention de forfait hebdomadaire en heures de l'octroi des jours de réduction du temps de travail, a violé les deux accords collectifs précités, les articles L. 1221-1 du code du travail, 1134 et 1376 du code civil dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1376 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
7. Aux termes de ce texte, celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s'oblige à le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu.
8. Pour débouter l'employeur de ses demandes en répétition du paiement des jours de réduction du temps de travail octroyés en application des conventions de forfait en heure, les arrêts retiennent que les salariés ont été rémunérés pour une durée de travail supérieure à la durée légale, 38 h 30 au lieu de 35 heures en sorte que les jours de RTT correspondaient à un dépassement de la durée légale du travail et n'ont pas été indûment payés. Ils ajoutent que l'attribution de ces jours de RTT dits Q1, qui ne figure pas dans les contrats initiaux, n'était pas liée à la convention de forfait en heures mais à la réduction du temps de travail dans l'avenant conclu entre les parties à effet au 1er janvier 2009.
9. En statuant ainsi, alors qu'elle avait retenu que la convention de forfait à laquelle les salariés étaient soumis était privée d'effet, en sorte que, pour la durée de la période de suspension de la convention individuelle de forfait en heures, le paiement des jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de la convention était devenu indu, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
10. La cassation prononcée n'emporte pas celle des chefs de dispositif des arrêts condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.




Soc. 28 février 2024 n° 21-25.600

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 28 février 2024



Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 247 F-D
Pourvoi n° K 21-25.600




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 FÉVRIER 2024
1°/ M. [G] [X], domicilié [Adresse 3],
2°/ le syndicat CGT CGI, dont le siège est [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° K 21-25.600 contre l'arrêt rendu le 22 septembre 2021 par la cour d'appel de Versailles ( 19e chambre ), dans le litige les opposant à la société CGI France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La société CGI France a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, deux moyens de cassations.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours deux moyens de cassations. Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de M. [X] et du syndicat CGT CGI, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société CGI France, après débats en l'audience publique du 24 janvier 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 22 septembre 2021), M. [X] a été engagé en qualité d'ingénieur en technologie de l'information, à compter du 30 août 2004, par la société Unilog IT services, aux droits de laquelle est venue en dernier lieu la société CGI France. Une convention individuelle de forfait en heures à hauteur de 38 heures 30 a été prévue entre les parties par avenant à effet du 1er septembre 2010.
2. Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseil, du 15 décembre 1987 dite Syntec.
3. Le 28 juillet 2016, le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour demander notamment la condamnation de son employeur à lui verser diverses sommes au titre de l'exécution du contrat de travail.
4.Le salarié a pris acte de la rupture du contrat de travail aux torts de son employeur le 8 juin 2018.
5. Le syndicat CGT CGI (le syndicat) est intervenu volontairement à l'instance d'appel afin de solliciter des dommages-intérêts pour atteinte à l'intérêt collectif de la profession et non-respect des dispositions collectives de branche et d'entreprise.
Examen des moyens
Sur le premier moyen du pourvoi principal du salarié et du syndicat, et le premier moyen du pourvoi incident de l'employeur
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui soit sont irrecevables, soit ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen du pourvoi principal, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
7. Le syndicat fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour atteinte à l'intérêt collectif de la profession, alors « que la conclusion de conventions de forfait avec des salariés n'y étant pas éligible porte une atteinte à l'intérêt collectif de la profession que le syndicat représente ; qu'en s'abstenant dès lors de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le refus de l'employeur de respecter les conditions d'application de la modalité II, et notamment le principe d'une rémunération au moins égale au plafond annuel de la sécurité sociale, n'avait pas causé à l'intérêt collectif de la profession un préjudice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2132-3 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 2132-3, alinéa 2 du code du travail :
8. Selon ce texte, les syndicats peuvent exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.
9. Pour débouter le syndicat de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour atteinte à l'intérêt collectif de la profession, l'arrêt retient que l'absence de paiement d'heures supplémentaires et complémentaires, reprochée par le syndicat pour justifier sa demande, n'est pas établie.
10. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté une irrégularité commise par l'employeur au regard des dispositions conventionnelles portant sur les conditions d'éligibilité des salariés aux conventions de forfait en heures et qu'une telle irrégularité cause un préjudice à l'intérêt collectif de la profession, la cour d'appel, à qui il appartenait d'évaluer ce préjudice, a violé le texte susvisé.
Et sur le second moyen du pourvoi incident
Enoncé du moyen
11. L'employeur fait grief à l'arrêt, après avoir jugé que la convention de forfait hebdomadaire était inopposable au salarié, de le débouter de sa demande en répétition du paiement des jours de réduction du temps de travail octroyés en application de ladite convention, alors « que lorsque la convention de forfait appliquée au salarié est invalidée ou lui est déclarée inopposable, le paiement des jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de la convention devient indu pour la période d'inopposabilité de la convention de forfait ; qu'en déboutant la société CGI France de sa demande en répétition des sommes versés au salarié à titre de 10 jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de sa convention de forfait hebdomadaire en heures, au motif inopérant qu'elle avait débouté le salarié de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, quand elle avait jugé que sa convention de forfait hebdomadaire en heures lui était inopposable, la cour d'appel a violé l'article 1376 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1376 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
12. Aux termes de ce texte, celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s'oblige à le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu.
13. Pour débouter l'employeur de sa demande, l'arrêt retient qu'en l'absence de condamnation de l'employeur en paiement d'un rappel de salaire pour heures supplémentaires, il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande de remboursement de jours de réduction du temps de travail.
14. En statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors qu'elle avait retenu que la convention de forfait à laquelle le salarié était soumis était privée d'effet, en sorte que, pour la durée de la période de suspension de la convention individuelle de forfait en heures, le paiement des jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de la convention était devenu indu, la cour d'appel a violé le texte susvisé.




Soc. 28 février 2024 n° 21-25.596

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 28 février 2024



Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 244 F-D
Pourvoi n° F 21-25.596



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 FÉVRIER 2024
1°/ Mme [G] [F], domiciliée [Adresse 3],
2°/ le syndicat CGT CGI, dont le siège est [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° F 21-25.596 contre l'arrêt rendu le 22 septembre 2021 par la cour d'appel de Versailles (19e chambre), dans le litige les opposant à la société CGI France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La société CGI France a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, deux moyens de cassations.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours deux moyens de cassations.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de Mme [F] et du syndicat CGT CGI, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société CGI France, après débats en l'audience publique du 24 janvier 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 22 septembre 2021), Mme [F] a été engagée en qualité d'ingénieur en technologie de l'information le 30 août 2004 par la société Unilog IT services, aux droits de laquelle est venue en dernier lieu la société CGI France. Le contrat de travail de la salariée avait prévu une convention individuelle de forfait hebdomadaire en heures de 38h30.
2. Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseil, du 15 décembre 1987 dite Syntec.
3. Le 28 juillet 2016, la salariée a saisi la juridiction prud'homale pour demander notamment la condamnation de son employeur à lui verser diverses sommes au titre de l'exécution du contrat de travail.
4. Le syndicat CGT CGI (le syndicat) est intervenu volontairement à l'instance d'appel afin de solliciter des dommages-intérêts pour atteinte à l'intérêt collectif de la profession et non-respect des dispositions collectives de branche et d'entreprise.
Examen des moyens
Sur le premier moyen du pourvoi principal de la salariée et du syndicat, et le premier moyen du pourvoi incident de l'employeur
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui soit sont irrecevables, soit ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen du pourvoi principal, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
6. Le syndicat fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour atteinte à l'intérêt collectif de la profession, alors « que la conclusion de conventions de forfait avec des salariés n'y étant pas éligible porte une atteinte à l'intérêt collectif de la profession que le syndicat représente ; qu'en s'abstenant dès lors de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le refus de l'employeur de respecter les conditions d'application de la modalité II, et notamment le principe d'une rémunération au moins égale au plafond annuel de la sécurité sociale, n'avait pas causé à l'intérêt collectif de la profession un préjudice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2132-3 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 2132-3, alinéa 2 du code du travail :
7. Selon ce texte, les syndicats peuvent exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.
8. Pour débouter le syndicat de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour atteinte à l'intérêt collectif de la profession, l'arrêt retient que l'absence de paiement d'heures supplémentaires et complémentaires, reprochée par le syndicat pour justifier sa demande, n'est pas établie.
9. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté une irrégularité commise par l'employeur au regard des dispositions conventionnelles portant sur les conditions d'éligibilité des salariés aux conventions de forfait en heures et qu'une telle irrégularité cause un préjudice à l'intérêt collectif de la profession, la cour d'appel, à qui il appartenait d'évaluer ce préjudice, a violé le texte susvisé.
Et sur le second moyen du pourvoi incident
Enoncé du moyen
10. L'employeur fait grief à l'arrêt, après avoir jugé que la convention de forfait hebdomadaire était inopposable à la salariée, de le débouter de sa demande en répétition du paiement des jours de réduction du temps de travail octroyés en application de ladite convention, alors « que lorsque la convention de forfait appliquée au salarié est invalidée ou lui est déclarée inopposable, le paiement des jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de la convention devient indu pour la période d'inopposabilité de la convention de forfait ; qu'en déboutant la société CGI France de sa demande en répétition des sommes versés au salarié à titre de 10 jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de sa convention de forfait hebdomadaire en heures, au motif inopérant qu'elle avait débouté le salarié de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, quand elle avait jugé que sa convention de forfait hebdomadaire en heures lui était inopposable, la cour d'appel a violé l'article 1376 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1376 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
11. Aux termes de ce texte, celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s'oblige à le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu.
12. Pour débouter l'employeur de sa demande, l'arrêt retient qu'en l'absence de condamnation de l'employeur en paiement d'un rappel de salaire pour heures supplémentaires, il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande de remboursement de jours de réduction du temps de travail.
13. En statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors qu'elle avait retenu que la convention de forfait à laquelle la salariée était soumise était privée d'effet, en sorte que, pour la durée de la période de suspension de la convention individuelle de forfait en heures, le paiement des jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de la convention était devenu indu, la cour d'appel a violé le texte susvisé.




Soc. 28 février 2024 n° 21-25.598

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 28 février 2024



Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 245 F-D
Pourvoi n° G 21-25.598



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 FÉVRIER 2024
1°/ M. [D] [W], domicilié [Adresse 3],
2°/ le syndicat CGT CGI, dont le siège est [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° G 21-25.598 contre l'arrêt rendu le 22 septembre 2021 par la cour d'appel de Versailles (19e chambre), dans le litige les opposant à la société CGI France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La société CGI France a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, deux moyens de cassations.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours deux moyens de cassations
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de M. [W] et du syndicat CGT CGI, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société CGI France, après débats en l'audience publique du 24 janvier 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 22 septembre 2021), M. [W] a été engagé en qualité d'ingénieur analyste, le 1er mars 2007, par la société Unilog IT services France, aux droits de laquelle est venue en dernier lieu la société CGI France. Une convention individuelle de forfait en heures à hauteur de 38 heures 30 était prévue au contrat de travail.
2.Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseil, du 15 décembre 1987 dite Syntec.
3.Le 28 juillet 2016, le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour demander notamment la condamnation de son employeur à lui verser diverses sommes au titre de l'exécution du contrat de travail.
4.Le salarié a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 6 octobre 2020.
5. Le syndicat CGT CGI (le syndicat) est intervenu volontairement à l'instance d'appel afin de solliciter des dommages-intérêts pour atteinte à l'intérêt collectif de la profession et non-respect des dispositions collectives de branche et d'entreprise.
Examen des moyens
Sur les trois premiers moyens du pourvoi principal de la salariée et du syndicat, et le premier moyen du pourvoi incident de l'employeur
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui soit sont irrecevables, soit ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le quatrième moyen du pourvoi principal, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
6. Le syndicat fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour atteinte à l'intérêt collectif de la profession, alors « que la conclusion de conventions de forfait avec des salariés n'y étant pas éligible porte une atteinte à l'intérêt collectif de la profession que le syndicat représente ; qu'en s'abstenant dès lors de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le refus de l'employeur de respecter les conditions d'application de la modalité II, et notamment le principe d'une rémunération au moins égale au plafond annuel de la sécurité sociale, n'avait pas causé à l'intérêt collectif de la profession un préjudice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2132-3 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 2132-3, alinéa 2 du code du travail :
7. Selon ce texte, les syndicats peuvent exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.
8. Pour débouter le syndicat de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour atteinte à l'intérêt collectif de la profession, l'arrêt retient que l'absence de paiement d'heures supplémentaires et complémentaires, reprochée par le syndicat pour justifier sa demande, n'est pas établie.
9. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté une irrégularité commise par l'employeur au regard des dispositions conventionnelles portant sur les conditions d'éligibilité des salariés aux conventions de forfait en heures et qu'une telle irrégularité cause un préjudice à l'intérêt collectif de la profession, la cour d'appel, à qui il appartenait d'évaluer ce préjudice, a violé le texte susvisé.
Et sur le second moyen du pourvoi incident
Enoncé du moyen
10. L'employeur fait grief à l'arrêt, après avoir jugé que la convention de forfait hebdomadaire était inopposable au salarié, de le débouter de sa demande en répétition du paiement des jours de réduction du temps de travail octroyés en application de ladite convention, alors « que lorsque la convention de forfait appliquée au salarié est invalidée ou lui est déclarée inopposable, le paiement des jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de la convention devient indu pour la période d'inopposabilité de la convention de forfait ; qu'en déboutant la société CGI France de sa demande en répétition des sommes versés au salarié à titre de 10 jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de sa convention de forfait hebdomadaire en heures, au motif inopérant qu'elle avait débouté le salarié de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, quand elle avait jugé que sa convention de forfait hebdomadaire en heures lui était inopposable, la cour d'appel a violé l'article 1376 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1376 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
11. Aux termes de ce texte, celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s'oblige à le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu.
12. Pour débouter l'employeur de sa demande, l'arrêt retient qu'en l'absence de condamnation de l'employeur en paiement d'un rappel de salaire pour heures supplémentaires, il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande de remboursement de jours de réduction du temps de travail.
13. En statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors qu'elle avait retenu que la convention de forfait à laquelle le salarié était soumis était privée d'effet, en sorte que, pour la durée de la période de suspension de la convention individuelle de forfait en heures, le paiement des jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de la convention était devenu indu, la cour d'appel a violé le texte susvisé.




Soc. 28 février 2024 n° 21-25.601

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 28 février 2024



Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 248 F-D
Pourvoi n° M 21-25.601



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 FÉVRIER 2024
1°/ M. [W] [R], domicilié [Adresse 2],
2°/ le syndicat CGT CGI, dont le siège est [Adresse 3],
ont formé le pourvoi n° M 21-25.601 contre l'arrêt rendu le 22 septembre 2021 par la cour d'appel de Versailles ( 19e chambre ), dans le litige les opposant à la société CGI France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La société CGI France a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, deux moyens de cassations.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours deux moyens de cassations.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de M. [R] et du syndicat CGT CGI, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société CGI France, après débats en l'audience publique du 24 janvier 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, Mme Dumont , greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 22 septembre 2021), M. [R] a été engagé en qualité d'ingénieur en technologie de l'information, à compter du 30 août 2004, par la société Unilog IT services, aux droits de laquelle est venue en dernier lieu la société CGI France. Une convention individuelle de forfait en heures à hauteur de 38 heures 30 a été prévue entre les parties par avenant à effet du 1er septembre 2010.
2. Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseil, du 15 décembre 1987 dite Syntec.
3. Le 28 juillet 2016, le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour demander notamment la condamnation de son employeur à lui verser diverses sommes au titre de l'exécution du contrat de travail.
4. Le syndicat CGT CGI (le syndicat) est intervenu volontairement à l'instance d'appel afin de solliciter des dommages-intérêts pour atteinte à l'intérêt collectif de la profession et non-respect des dispositions collectives de branche et d'entreprise.
Examen des moyens
Sur le premier moyen du pourvoi principal du salarié et du syndicat, et le premier moyen du pourvoi incident de l'employeur
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui soit sont irrecevables, soit ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen du pourvoi principal, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen
6. Le syndicat fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour atteinte à l'intérêt collectif de la profession, alors « que la conclusion de conventions de forfait avec des salariés n'y étant pas éligible porte une atteinte à l'intérêt collectif de la profession que le syndicat représente ; qu'en s'abstenant dès lors de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le refus de l'employeur de respecter les conditions d'application de la modalité II, et notamment le principe d'une rémunération au moins égale au plafond annuel de la sécurité sociale, n'avait pas causé à l'intérêt collectif de la profession un préjudice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2132-3 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 2132-3, alinéa 2 du code du travail :
7. Selon ce texte, les syndicats peuvent exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.
8. Pour débouter le syndicat de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour atteinte à l'intérêt collectif de la profession, l'arrêt retient que l'absence de paiement d'heures supplémentaires et complémentaires, reprochée par le syndicat pour justifier sa demande, n'est pas établie.
9. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté une irrégularité commise par l'employeur au regard des dispositions conventionnelles portant sur les conditions d'éligibilité des salariés aux conventions de forfait en heures et qu'une telle irrégularité cause un préjudice à l'intérêt collectif de la profession, la cour d'appel, à qui il appartenait d'évaluer ce préjudice, a violé le texte susvisé.
Et sur le second moyen du pourvoi incident
Enoncé du moyen
10. L'employeur fait grief à l'arrêt, après avoir jugé que la convention de forfait hebdomadaire était inopposable au salarié, de le débouter de sa demande en répétition du paiement des jours de réduction du temps de travail octroyés en application de ladite convention, alors « que lorsque la convention de forfait appliquée au salarié est invalidée ou lui est déclarée inopposable, le paiement des jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de la convention devient indu pour la période d'inopposabilité de la convention de forfait ; qu'en déboutant la société CGI France de sa demande en répétition des sommes versés au salarié à titre de 10 jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de sa convention de forfait hebdomadaire en heures, au motif inopérant qu'elle avait débouté le salarié de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, quand elle avait jugé que sa convention de forfait hebdomadaire en heures lui était inopposable, la cour d'appel a violé l'article 1376 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1376 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
11. Aux termes de ce texte, celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s'oblige à le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu.
12. Pour débouter l'employeur de sa demande, l'arrêt retient qu'en l'absence de condamnation de l'employeur en paiement d'un rappel de salaire pour heures supplémentaires, il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande de remboursement de jours de réduction du temps de travail.
13. En statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors qu'elle avait retenu que la convention de forfait à laquelle le salarié était soumis était privée d'effet, en sorte que, pour la durée de la période de suspension de la convention individuelle de forfait en heures, le paiement des jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de la convention était devenu indu, la cour d'appel a violé le texte susvisé.




Soc. 28 février 2024 n° 21-25.599

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 28 février 2024



Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 246 F-D
Pourvoi n° J 21-25.599



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 FÉVRIER 2024
1°/ Mme [R] [Y], domiciliée [Adresse 3],
2°/ le syndicat CGT CGI, dont le siège est [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° J 21-25.598 contre l'arrêt rendu le 22 septembre 2021 par la cour d'appel de Versailles (19e chambre), dans le litige les opposant à la société CGI France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La société CGI France a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, deux moyens de cassations.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours deux moyens de cassations

Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de Mme [Y] et du syndicat CGT CGI, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société CGI France, après débats en l'audience publique du 24 janvier 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 22 septembre 2021), Mme [Y] a été engagée en qualité d'ingénieur études et développement, le 1er décembre 2000, par la société Unilog ingénierie aux droits de laquelle est venue la société CGI France. Une convention individuelle de forfait hebdomadaire en heures à hauteur de 38 heures 30 a été prévue au contrat de travail.
2. Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseil, du 15 décembre 1987 dite Syntec.
3. Le 28 juillet 2016, la salariée a saisi la juridiction prud'homale pour demander notamment la condamnation de son employeur à lui verser diverses sommes au titre de l'exécution du contrat de travail.
4. Le syndicat CGT CGI (le syndicat) est intervenu volontairement à l'instance d'appel afin de solliciter des dommages-intérêts pour atteinte à l'intérêt collectif de la profession et non-respect des dispositions collectives de branche et d'entreprise.
Examen des moyens
Sur le premier moyen du pourvoi principal de la salariée et du syndicat et le premier moyen du pourvoi incident de l'employeur
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui soit sont irrecevables, soit ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen du pourvoi principal, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
6. Le syndicat fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour atteinte à l'intérêt collectif de la profession, alors « que la conclusion de conventions de forfait avec des salariés n'y étant pas éligible porte une atteinte à l'intérêt collectif de la profession que le syndicat représente ; qu'en s'abstenant dès lors de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le refus de l'employeur de respecter les conditions d'application de la modalité II, et notamment le principe d'une rémunération au moins égale au plafond annuel de la sécurité sociale, n'avait pas causé à l'intérêt collectif de la profession un préjudice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2132-3 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 2132-3, alinéa 2 du code du travail :
7. Selon ce texte, les syndicats peuvent exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.
8. Pour débouter le syndicat de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour atteinte à l'intérêt collectif de la profession, l'arrêt retient que l'absence de paiement d'heures supplémentaires et complémentaires, reprochée par le syndicat pour justifier sa demande, n'est pas établie.
9. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté une irrégularité commise par l'employeur au regard des dispositions conventionnelles portant sur les conditions d'éligibilité des salariés aux conventions de forfait en heures et qu'une telle irrégularité cause un préjudice à l'intérêt collectif de la profession, la cour d'appel, à qui il appartenait d'évaluer ce préjudice, a violé le texte susvisé.
Et sur le second moyen du pourvoi incident
Enoncé du moyen
10. L'employeur fait grief à l'arrêt, après avoir jugé que la convention de forfait hebdomadaire était inopposable à la salariée, de le débouter de sa demande en répétition du paiement des jours de réduction du temps de travail octroyés en application de ladite convention, alors « que lorsque la convention de forfait appliquée au salarié est invalidée ou lui est déclarée inopposable, le paiement des jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de la convention devient indu pour la période d'inopposabilité de la convention de forfait ; qu'en déboutant la société CGI France de sa demande en répétition des sommes versés au salarié à titre de 10 jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de sa convention de forfait hebdomadaire en heures, au motif inopérant qu'elle avait débouté la salariée de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, quand elle avait jugé que sa convention de forfait hebdomadaire en heures lui était inopposable, la cour d'appel a violé l'article 1376 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1376 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
11. Aux termes de ce texte, celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s'oblige à le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu.
12. Pour débouter l'employeur de sa demande, l'arrêt retient qu'en l'absence de condamnation de l'employeur en paiement d'un rappel de salaire pour heures supplémentaires, il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande de remboursement de jours de réduction du temps de travail.
13. En statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors qu'elle avait retenu que la convention de forfait à laquelle la salariée était soumis était privée d'effet, en sorte que, pour la durée de la période de suspension de la convention individuelle de forfait en heures, le paiement des jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de la convention était devenu indu, la cour d'appel a violé le texte susvisé.




Soc. 28 février 2024 n° 22-13.613

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 28 février 2024



Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 258 F-D
Pourvoi n° B 22-13.613



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 FÉVRIER 2024
Mme [F] [G], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° B 22-13.613 contre l'arrêt rendu le 13 janvier 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 7), dans le litige l'opposant :
1°/ à l'association Choose [Localité 4] région, dont le siège est [Adresse 2], anciennement dénommée [Localité 4] région entreprises,
2°/ au Pôle emploi d'Ermont, dont le siège est [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de Mme [G], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'association Choose [Localité 4] région, et après débats en l'audience publique du 24 janvier 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Flores, conseiller rapporteur, M. Rouchayrole, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 janvier 2022), Mme [G] a été engagée en qualité de conseiller entreprise par le Centre francilien de l'innovation, aux droits duquel vient l'association Choose [Localité 4] région, le 3 février 2010. Une convention individuelle de forfait en jours a été conclue entre les parties.
2. Une convention de rupture a été signée le 18 février 2015.
3. Le 10 février 2016, la salariée a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande tendant à juger que la convention de forfait en jours lui était inopposable et en paiement d'une somme au titre des heures supplémentaires, alors « que la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires d'un salarié soumis à une convention de forfait en jours doit être effective ; que la seule mise en place d'entretiens réguliers portant sur la charge de travail et l'amplitude des journées de travail ne constitue une garantie effective du respect des durées maximales de travail et du droit repos que dans la mesure où l'employeur prend les mesures nécessaires pour remédier aux alertes formulées par le salarié quant au caractère excessif de son temps de travail à l'occasion de ces entretiens ; qu'en retenant que la convention de forfait était opposable à Mme [G] dès lors que l'employeur justifiait de l'organisation d'entretiens trimestriels portant sur la charge de travail, sans rechercher si l'employeur avait mis en oeuvre la moindre mesure pour remédier à la surcharge de travail dénoncée systématiquement lors de ces entretiens trimestriels par Mme [G] (en mars 2013, en août 2013, en octobre 2013, en janvier 2014, en mars 2014, en juin 2014), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 11 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, de l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, article L. 3121-39 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, interprété à la lumière de l'article 17, paragraphes 1 et 4 de la Directive 1993-104 CE du Conseil du 23 novembre 1993, les articles 17, paragraphe 1, et 19 de la Directive 2003-88 CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. »
Réponse de la Cour
Vu l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article L. 3121-39, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-789 du code du travail, interprété à la lumière de l'article 17, paragraphe 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne :
6. Le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles.
7. Il résulte des articles susvisés des directives de l'Union européenne que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur.
8. Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.
9. Pour débouter la salariée de sa demande tendant à la nullité ou subsidiairement à la privation d'effet de la convention individuelle de forfait en jours, l'arrêt retient que l'employeur justifie avoir organisé des mesures de contrôle destinées à s'assurer du respect des règles protectrices de la salariée et que sont versés aux débats les points trimestriels effectués par la salariée avec son supérieur hiérarchique portant sur la charge de travail, l'amplitude des journées de travail, l'articulation vie professionnelle et vie privée et le respect du forfait en jours. Il ajoute que si la salariée a précisé à certains moments que la charge de travail était trop importante, elle a toujours mentionné que le forfait en jours était respecté.
10. L'arrêt précise que l'avenant à l'accord d'entreprise du 20 septembre 2013 a institué un droit d'alerte du salarié qui a le droit de solliciter auprès de son responsable hiérarchique direct un entretien supplémentaire afin de s'entretenir sur sa charge de travail, celui-ci s'engageant alors à le recevoir dans un délai de dix jours ouvrables afin le cas échéant d'ajuster la charge de travail et de définir avec lui une nouvelle organisation du travail. Il ajoute que la salariée, qui avait connaissance de cette possibilité, pour avoir versé aux débats l'avenant à l'accord d'entreprise, n'a pas exercé ce droit d'alerte.
11. En se déterminant ainsi, alors qu'elle avait constaté que lors des entretiens trimestriels de 2013 et de 2014, la salariée avait fait état de difficultés de surcharge de travail et d'articulation entre sa vie professionnelle et sa vie privée, sans préciser si l'employeur avait institué un suivi effectif et régulier de la charge de travail, notamment au regard de l'obligation, prévue par l'article 3.1 de l'accord d'entreprise du 20 septembre 2013, de validation par le supérieur hiérarchique, du suivi journalier qui doit faire apparaître, pour chaque jour travaillé le nombre d'heures de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.




Soc. 7 février 2024 n° 22-15.256

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 7 février 2024



Cassation

Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 142 F-D
Pourvoi n° N 22-15.256



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 7 FÉVRIER 2024
M. [W] [L], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° N 22-15.256 contre l'arrêt rendu le 18 novembre 2021 par la cour d'appel de Caen (chambre sociale, section 1), dans le litige l'opposant à la société Solocal, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la société Pages jaunes, défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. [L], la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Solocal, après débats en l'audience publique du 10 janvier 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Flores, conseiller rapporteur, Mme Deltort, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 18 novembre 2021), M. [L] a été engagé en qualité de responsable des ventes terrain à compter du 1er septembre 2014 par la société Pages jaunes aux droits de laquelle vient la société Solocal. Le salarié était soumis à une convention individuelle de forfait en jours.
2. Les parties ont conclu une convention de rupture du contrat de travail à effet du 19 juillet 2018.
3. Le 31 octobre 2018, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes relatives à l'exécution de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes tendant à ce que la convention de forfait en jours lui soit déclarée inopposable et au paiement de sommes au titre des heures supplémentaires, des congés payés afférents, des repos de récupération, de dommages-intérêts pour non-respect des repos journalier et hebdomadaire et d'une indemnité pour travail dissimulé, alors « qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'au soutien de ses demandes au titre des heures supplémentaires, le salarié justifiait avoir envoyé et reçu des courriels tôt le matin (avant 8h) ou tard le soir (après 20h et même après 23h), parfois sans que ne soit respectée une durée minimale de 11h entre la dernière connexion le soir et la première connexion le lendemain matin, et s'être connecté, avant 8h et après 19h (entre 19h19 et 00h30), via son poste de travail, de manière intentionnelle et non simplement automatique, notamment au logiciel San Marco, ces éléments établissant qu'il avait travaillé, au moins ponctuellement, aux heures indiquées ; que pour débouter néanmoins le salarié de ses demandes, la cour d'appel a relevé, d'une part, que ses calculs, qui auraient dû être réalisés d'après les horaires allégués, sur la base de 52,5h par semaine, l'avaient été, pour une raison inexpliquée, sur la base de 52h, d'autre part, que les éléments produits par le salarié, qui n'était pas soumis à des horaires collectifs, ne venaient pas valider son postulat de principe" selon lequel il aurait travaillé chaque jour de 8h à 12h30 et de 14h à 19h, en l'absence de tout élément sur le temps effectivement travaillé au cours de la journée, pas plus qu'ils ne permettaient de contrôle de la part de l'employeur à défaut de précision sur les semaines travaillées, l'arrêt relevant enfin que le nombre revendiqué de quarante-sept semaines de travail par an était exclu compte tenu des jours de RTT dont le salarié avait bénéficiés ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve des heures de travail accomplies sur le seul salarié, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :
5. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, l'employeur tient à la disposition des membres compétents de l'inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
6. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
7. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
8. Pour le débouter de sa demande au titre des heures supplémentaires, l'arrêt retient que le salarié indique dans ses écritures retenir « comme postulat de principe une journée de travail se fixant comme suit : 8h à 12h30 et 14h à 19h » (soit 47,5 heures) et y ajoute une heure par jour au titre des connexions en soirée, le week-end et jours fériés (soit 5 heures) ce qui devrait le conduire à retenir un temps de travail hebdomadaire de 52,5 heures. L'arrêt précise que le salarié effectue toutefois, pour une raison inexpliquée, ses calculs ultérieurs sur la base de 52 heures (et non 52,5 heures) et multiplie ce nombre d'heures par le nombre de semaines pendant lesquelles il estime avoir travaillé (soit quarante-sept semaines par année entière). L'arrêt ajoute que le salarié, qui n'était pas soumis à des horaires collectifs, ne fournit aucun élément validant son « postulat de principe » selon lequel il aurait travaillé chaque jour de 8h à 12h30 et de 14h à 19h.
9. L'arrêt précise qu'en l'absence de tout élément sur le temps effectivement travaillé au cours de la journée, le fait que le salarié ait parfois travaillé tard ou tôt ne démontre pas, pour autant, qu'il a effectué plus de 7 heures de travail journalier ni, a fortiori, plus de 35 heures hebdomadaires et que le salarié ne précise pas les semaines travaillées, ce qui ne permet aucun contrôle de la part de l'employeur, alors qu'il est exclu, compte tenu des jours de RTT dont il a bénéficié qu'il ait travaillé quarante-sept semaines par an.
10. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé.




Soc. 7 février 2024 n° 22-15.255

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 7 février 2024



Cassation

Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 141 F-D
Pourvoi n° M 22-15.255



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 7 FÉVRIER 2024
Mme [N] [E], domiciliée [Adresse 3], [Localité 1], a formé le pourvoi n° M 22-15.255 contre l'arrêt rendu le 18 novembre 2021 par la cour d'appel de Caen (chambre sociale, section 1), dans le litige l'opposant à la société Solocal, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 4], venant aux droits de la société Pages jaunes, défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de Mme [E], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Solocal, après débats en l'audience publique du 10 janvier 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Flores, conseiller rapporteur, Mme Deltort, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 18 novembre 2021), Mme [E] a été engagée en qualité de conseiller communication digitale spécialiste, à compter du 5 septembre 2016, par la société Pages jaunes aux droits de laquelle vient la société Solocal.
2. Le 31 octobre 2018, la salariée a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en résiliation du contrat de travail et en paiement de diverses sommes.
3. La salariée a été licenciée le 8 mars 2019.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
4. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes tendant à ce que la convention de forfait en jours soit déclarée inopposable, à obtenir des sommes au titre des heures supplémentaires, des congés payés afférents, des repos de récupération et des congés payés afférents audit repos, de sa demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail, de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'une demande d'indemnité pour travail dissimulé, de condamner l'employeur à lui verser une somme à titre de dommages-intérêts pour non-respect des temps de repos journaliers et de la débouter de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour non-respect des temps de repos hebdomadaire, alors « qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'au soutien de ses demandes au titre des heures supplémentaires, la salariée produisait, d'une part, de multiples courriels adressées et/ou reçus tôt le matin (entre 4h25 et 7h38) ou tard le soir (entre 19h01 et 22h17), parfois sans que ne soit respectée une durée minimale de 11h entre la dernière connexion le soir et la première connexion le lendemain matin, d'autre part, des copies d'agenda électronique mentionnant des tâches, dont certaines avant 9h et d'autres après 17h, l'intéressée établissant enfin s'être connectée, à plusieurs reprises, au logiciel Salesforce après 20h et donc avoir travaillé à ce moment-là ; que pour la débouter néanmoins de ses demandes, la cour d'appel a relevé que les éléments produits par la salariée, qui n'était pas soumise à des horaires collectifs, ne venaient pas valider son postulat de principe" selon lequel elle aurait travaillé chaque jour de 8h30 à 12h30 et de 14h à 18h, pas plus qu'ils ne permettaient de contrôle de la part de l'employeur en l'absence de précision sur les semaines travaillées, l'arrêt relevant en outre que le nombre revendiqué de quarante-sept semaines de travail par an était exclu compte tenu des jours de RTT dont la salariée avait bénéficiés ; qu'en statuant ainsi, ce d'autant qu'elle relevait par ailleurs que l'employeur ne justifiait pas avoir mis en place des instruments (notamment une charte) pour réguler les outils numériques et permettre d'assurer aux salariés un droit à la déconnexion, ni avoir assuré, chaque année, un suivi de la charge de travail de la salariée, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve des heures de travail accomplies sur la seule salariée, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :
5. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, l'employeur tient à la disposition de l'agent de contrôle de l'inspection du travail mentionné à l'article L. 8112-1 les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
6. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
7. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
8. Pour la débouter de sa demande au titre des heures supplémentaires, l'arrêt retient que la salariée qui n'était pas soumise à des horaires collectifs, ne fournit aucun élément validant son « postulat de principe » selon lequel elle aurait travaillé chaque jour de 8h30 à 12h30 et de 14h à 18h. Il souligne que les copies d'agenda électronique qu'elle produit pour la période du 25 janvier au 3 juillet 2018 ne mentionnent que quelques tâches pour chaque journée (au demeurant rarement avant 9h après 16h30 ou 17h) ce qui ne permet pas de corroborer les horaires avancés. L'arrêt ajoute que la salariée ne précise pas les semaines travaillées, ce qui ne permet aucun contrôle de la part de l'employeur, alors qu'il est exclu, compte tenu des jours de RTT dont elle a bénéficié qu'elle ait travaillé quarante-sept semaines par an.
9. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur la seule salariée, a violé les textes susvisés.




Soc. 24 janvier 2024 n° 22-16.858

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
HP


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 24 janvier 2024



Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 108 F-D
Pourvoi n° D 22-16.858





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 24 JANVIER 2024
M. [Z] [D], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 22-16.858 contre l'arrêt rendu le 2 février 2022 par la cour d'appel de Metz (chambre sociale, section 1), dans le litige l'opposant à la société Keos Metz Marly by Autosphere, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommée société Auto Losange, défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Le Quellec, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [D], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Keos Metz Marly by Autosphere, après débats en l'audience publique du 13 décembre 2023 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Le Quellec, conseiller rapporteur, Mme Deltort, conseiller, et Mme Thuillier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 2 février 2022) M. [D] a été engagé en qualité de chef d'atelier, par la société Garage Chevalier à compter du 4 janvier 1993, puis par la société Auto Losange, devenue Keos Metz Marly by Autosphere, à compter du 1er février 2011, avec reprise d'ancienneté.
2. Ayant pris acte de la rupture de son contrat de travail le 29 décembre 2016, il a saisi la juridiction prud'homale le 21 septembre 2018 de demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches
Enoncé du moyen
3. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement de rappel d'heures supplémentaires et des congés payés afférents, alors :
« 1°/ d'une part, qu'aux termes de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable ; que le salarié qui a été soumis à tort à une convention de forfait annuel en jours ou dont la convention de forfait en jours est déclarée nulle, privée d'effet ou inopposable peut prétendre au paiement d'heures supplémentaires dont le juge doit vérifier l'existence et le nombre conformément aux dispositions de l'article susvisé ; que pour rejeter la demande en paiement d'un rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires, la cour d'appel, ayant dit que la convention de forfait était privée d'effet, ouvrant ainsi au salarié le droit au paiement des heures supplémentaires effectuées, a retenu que M. [D] "indique qu'il travaillait 62 heures par semaine, à raison de 11,5 heure par jour du lundi au vendredi (7h30-19h30 avec 30 minutes de pause pour déjeuner) et 4,5 heure le samedi (7h30–12h), soit 8 heures supplémentaires à 25 % et 19 heures supplémentaires à 50 % par semaine" et que "à l'appui de sa demande, M. [D] produit seulement une attestation de M. [R] [I], commercial, datée du 2 avril 2019. Il atteste "avoir eu les fonctions de vendeur sociétés au sein des sociétés Renault Marly et Metz Autolosange" et que "M. [Z] [D], dans sa fonction de chef d'atelier de ces deux établissements [?] avait bien en charge l'ouverture et la fermeture de l'entreprise de 7h30 à 19h00", pour décider "que les affirmations de M. [D] et l'attestation produite ne sont pas de nature à appuyer sérieusement sa demande, notamment sur l'existence des heures revendiquées. Ainsi, le salarié n'apporte pas un seul élément propre à justifier de son temps de travail et n'explique ni les raisons de l'étendue des horaires qu'il affirme avoir effectué systématiquement, ni son affirmation selon laquelle il travaillait le samedi, alors que son employeur justifie des jours et des horaires d'ouverture de l'établissement au public et qu'il n'est pas contesté qu'il bénéficiait d'une liberté d'organisation de son temps de travail" ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a fait peser la charge de la preuve exclusivement sur le salarié et a violé les articles L. 3171-1, L. 3171-2 et L. 3171-4 du code du travail ;
3°/ en outre, qu'aux termes de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable ; que le salarié qui a été soumis à tort à une convention de forfait annuel en jours ou dont la convention de forfait en jours est déclarée nulle, privée d'effet ou inopposable peut prétendre au paiement d'heures supplémentaires dont le juge doit vérifier l'existence et le nombre conformément aux dispositions de l'article susvisé ; que pour débouter M. [D] de sa demande en paiement d'heures supplémentaires et de sa demande en paiement de congés payés subséquente, la cour d'appel a retenu que "bien qu'il soit effectivement regrettable que la SAS Auto Losange n'ait pas procédé au suivi du temps de travail de son salarié au forfait-jours, M. [D] (?) échoue à présenter des éléments suffisamment sérieux et précis à l'appui de sa demande" ; qu'en statuant ainsi, quand il résultait de ses constatations, d'une part, que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, d'autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé les articles L. 3171-1, L. 3171-2 et L. 3171-4 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :
4. Aux termes de l'article L. 3171- 2, alinéa 1, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
5. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
6. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
7. Pour débouter le salarié de sa demande au titre des heures supplémentaires, l'arrêt retient que le salarié indique qu'il travaillait 62 heures par semaine, à raison de 11,5 heures par jour du lundi au vendredi (7h30-19h30 avec 30 minutes de pause pour déjeuner) et 4,5 heures le samedi (7h30-12h) soit 8 heures supplémentaires à 25 % et 19 heures supplémentaires à 50 % par semaine, qu'à l'appui de sa demande le salarié produit seulement une attestation dont l'employeur conteste la teneur, que l'employeur produit une photographie des horaires affichés au sein de l'entreprise et des attestations.
8. L'arrêt retient également que les affirmations du salarié et l'attestation produite ne sont pas de nature à appuyer sérieusement sa demande, sur l'existence des heures revendiquées, que le salarié n'apporte pas un seul élément propre à justifier de son temps de travail et n'explique ni les raisons de l'étendue des horaires qu'il affirme avoir effectué systématiquement, ni son affirmation selon laquelle il travaillait le samedi, alors que son employeur justifie des jours et des horaires d'ouverture de l'établissement au public et qu'il n'est pas contesté qu'il bénéficiait d'une liberté d'organisation de son temps de travail.
9. L'arrêt en conclut que bien qu'il soit regrettable que l'employeur n'ait pas procédé au suivi du temps de travail de son salarié au forfait-jours, ce dernier, à qui il incombe de rapporter des éléments au soutien de ses prétentions, échoue à présenter des éléments suffisamment sérieux et précis à l'appui de sa demande.
10. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part, que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, d'autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé.
Et sur les deuxième et troisième moyens, pris en leur première branche, réunis
Enoncé des moyens
11. Par son deuxième moyen, le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé, alors « qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir sur le premier moyen entraînera, par voie de conséquence, la cassation des chefs de dispositif ayant débouté le salarié de sa demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé ; que selon l'article L. 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur, notamment, de mentionner intentionnellement sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieure à celui réellement accompli. »
12. Par son troisième moyen, le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement de sommes au titre des indemnités conventionnelle de licenciement, compensatrice de préavis, des congés payés afférents et de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, alors « qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir sur le premier moyen entraînera, par voie de conséquence, la cassation des chefs de dispositif ayant débouté le salarié de sa demande en paiement de diverses indemnités et de dommages et intérêts au motif que "M. [D] n'établit pas les faits qu'il reproche à son employeur ; en conséquence, la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produira les effets d'une démission" ; que, pour rejeter cette demande, la cour d'appel s'est en effet fondée sur le fait que "il a été retenu que le salarié ne justifie pas des heures supplémentaires qu'il affirme avoir effectué". »
Réponse de la Cour
Vu l'article 624 du code de procédure civile :
13. La cassation prononcée sur le premier moyen emporte la cassation, par voie de conséquence, des chefs de dispositif rejetant les demandes en paiement de dommages-intérêts pour travail dissimulé, des indemnités conventionnelle de licenciement, compensatrice de préavis, de congés payés afférents ainsi que de dommages-intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
Portée et conséquences de la cassation
14. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée sur les premier et troisième moyens entraîne la cassation, par voie de conséquence, des chefs de dispositif de l'arrêt requalifiant la prise d'acte de la rupture du contrat de travail en démission, rejetant les demandes du salarié tendant à ce qu'il soit jugé que la prise d'acte de la rupture de son contrat produit les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et à obtenir, sous astreinte, la délivrance d'un bulletin de paie et d'une attestation pour Pôle emploi, et condamnant le salarié à payer à l'employeur une indemnité compensatrice de préavis, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.




Soc. 24 janvier 2024 n° 22-19.890

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
HP


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 24 janvier 2024



Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 105 F-D
Pourvoi n° Z 22-19.890



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 24 JANVIER 2024
La société Egis bâtiments Sud, dont le siège est [Adresse 3], anciennement Egis bâtiments Sud-Ouest, a formé le pourvoi n° Z 22-19.890 contre l'arrêt rendu le 30 mai 2022 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre civile, section 1), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [N] [S], domicilié [Adresse 2],
2°/ à Pôle emploi Occitanie, dont le siège est direction régionale Occitanie [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, cinq moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Deltort, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Egis bâtiments Sud, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [S], après débats en l'audience publique du 13 décembre 2023 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Deltort, conseiller rapporteur, Mme Le Quellec, conseiller, et Mme Thuillier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 30 mai 2022), M. [S] a été engagé en qualité d'ingénieur, statut cadre, par la société Egis bâtiments Sud-Ouest, aujourd'hui dénommée Egis bâtiment Sud, le 3 janvier 2000 avec une ancienneté reprise au 16 novembre 1995.
2. Le 12 septembre 2018, le salarié a démissionné.
3. Le 11 janvier 2019, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes en requalification de sa démission en prise d'acte de la rupture de son contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et en paiement de diverses sommes au titre de l'exécution de ce dernier.
Examen des moyens
Sur les premier, deuxième et quatrième moyens
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
5. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement d'une certaine somme au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents, alors « que le salarié ne peut pas prétendre au paiement de l'indemnité compensatrice préavis lorsqu'il a exécuté son préavis et que celui-ci lui a été rémunéré ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir, preuve à l'appui, que le salarié avait exécuté une partie de son préavis du 12 septembre au 5 octobre 2018 et avait été rémunéré pendant cette période de sorte qu'il ne pouvait pas prétendre à la somme de 15 925 euros correspondant à une indemnité compensatrice de trois mois ; que la cour d'appel a relevé que le salarié avait pris acte de la rupture de son contrat de travail le 12 septembre 2018 et que l'employeur avait accepté son départ anticipé à compter du 5 octobre suivant ; qu'en affirmant que le salarié avait droit au paiement de l'indemnité de préavis équivalente à trois mois de salaire brut, soit la somme de 15 925 euros outre les congés payés afférents, sans à aucun moment tenir compte de la période de préavis exécutée et rémunérée, la cour d'appel a violé l'article L. 1234-5 du code du travail. »
Réponse de la cour
Vu l'article L. 1234-5 du code du travail :
6. Aux termes de cet article, lorsque le salarié n'exécute pas son préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice.
7. Pour condamner l'employeur à payer une indemnité compensatrice de préavis correspondant à trois mois de salaire, l'arrêt retient que le salarié a droit au paiement d'une indemnité de préavis équivalente à trois mois de salaire brut, outre congés payés afférents.
8. En se déterminant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le départ du salarié de l'entreprise, celui-ci ayant démissionné le 12 septembre 2018, était survenu le 5 octobre 2018, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si pour partie la période de préavis avait été travaillée et rémunérée, n'a pas donné de base légale à sa décision.
Et sur le cinquième moyen
Enoncé du moyen
9. L'employeur fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme nouvelle sa demande formée à titre subsidiaire en remboursement des jours de RTT au titre des années 2016, 2017 et 2018 et de le condamner à payer au salarié certaines sommes à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires réalisées, outre congés payés afférents, et la contrepartie obligatoire en repos, outre congés payés afférents, alors « que la recevabilité d'une demande reconventionnelle formée pour la première fois en cause d'appel doit être appréciée par le juge au regard du lien la rattachant à la prétention originaire du demandeur ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir que sa demande reconventionnelle formée pour la première fois en cause d'appel, tendant au remboursement de la somme perçue par le salarié au titre des RTT, dont il avait bénéficié de 2016 à 2018, était rattachée par un lien suffisant à la prétention de M. [S] tendant au paiement d'un rappel d'heures supplémentaires suite à la remise en cause de sa convention de forfait en jours ; qu'en déclarant irrecevable la demande de remboursement des sommes perçues de 2016 à 2018 par le salarié au titre des RTT formée par l'employeur comme nouvelle en cause d'appel, sans rechercher s'il n'existait pas un lien suffisant la rattachant aux prétentions originaires de M. [S], la cour d'appel a violé les articles 64, 70 et 567 du code du procédure civile. »
Réponse de la cour
Recevabilité du moyen
10. Le salarié conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que le moyen est nouveau, mélangé de fait et de droit, dès lors que l'employeur n'a jamais soutenu que la demande en remboursement de jours de RTT se rattachait par un lien suffisant aux demandes originaires formées par lui-même, seul l'article 567 du code de procédure civile ayant été visé.
11. Cependant, le moyen, qui est de pur droit, est recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles 567 et 70 du code de procédure civile :
12. Selon le premier de ces textes, les demandes reconventionnelles sont recevables en appel.
13. Aux termes du second, les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.
14. Pour dire irrecevable la demande formée en appel par l'employeur en remboursement des jours de RTT au titre des années 2016, 2017 et 2018, l'arrêt retient que cette demande est nouvelle en cause d'appel.
15. En statuant ainsi, alors que la demande, qui revêtait un caractère reconventionnel comme émanant du défendeur en première instance, se rattachait par un lien suffisant aux prétentions originaires du salarié qui poursuivait la nullité de sa convention de forfait en jours et, subsidiairement, la privation d'effet de celle-ci, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
16. En application de l'article 624 du code de procédure civile, les cassations prononcées n'emportent pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur à payer au salarié certaines sommes au titre d'un rappel de salaire pour des heures supplémentaires, outre congés payés afférents, et de la contrepartie obligatoire en repos, outre congés payés, qui ne s'y rattachent par un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.
17. En application de l'article 624 du code de procédure civile, les cassations prononcées n'emportent pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.




Soc. 10 janvier 2024 n° 22-13.200 B

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
HP


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 10 janvier 2024



Cassation

M. SOMMER, président


Arrêt n° 22 FS-B
Pourvoi n° C 22-13.200



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 10 JANVIER 2024
M. [E] [D], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 22-13.200 contre l'arrêt rendu le 12 janvier 2022 par la cour d'appel de Limoges (chambre économique et sociale), dans le litige l'opposant à la société Hôtel [2], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de la SCP Poupet et Kacenelenbogen, avocat de M. [D], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Hôtel [2], et l'avis de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 29 novembre 2023 où étaient présents M. Sommer, président, M. Flores, conseiller rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, M. Rouchayrole, Mmes Deltort, Le Quellec, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, Techer, Rodrigues, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Limoges, 12 janvier 2022), M. [D] a été engagé en qualité de directeur de l'hôtel [4] d'[Localité 5] (19) le 1er septembre 2016. Le contrat prévoyait un forfait annuel de deux cent dix-sept jours.
2. Le forfait annuel ayant été dépassé de vingt-cinq jours en 2016, puis de vingt-six jours en 2017, la direction a limité à cent soixante-six jours le forfait en 2018, lequel a été dépassé de trente jours.
3. Par lettre du 28 janvier 2019, le salarié a démissionné à effet du 31 mars 2019.
4. Le 6 mai 2019, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes relatives à l'exécution et à la rupture du contrat de travail.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de l'ensemble de ses demandes, alors :
« 2°/ qu'aux termes de l'article L. 3121-60 du code du travail, l'employeur s'assure régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail ; qu'en application de l'article 2.4 de l'avenant n° 22 du 16 décembre 2014 de la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants, relatif au suivi du temps de travail, chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours devra bénéficier chaque année d'un entretien avec son supérieur hiérarchique au cours duquel seront évoquées la charge de travail du salarié, l'amplitude de ses journées d'activité, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle et familiale, ainsi que sa rémunération ; que la méconnaissance par l'employeur de son obligation d'organiser un entretien annuel individuel avec le salarié ayant conclu une convention de forfait jours, mesure destinée à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié, prive d'effet la convention de forfait jours ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'un entretien annuel avait eu lieu le 13 décembre 2017, le compte-rendu de cet entretien indiquant que la charge de travail de M. [D] "avait un impact sérieux d'un niveau 4/5", le forfait de M. [D] ayant été dépassé (244 jours au lieu de 218) ce qui avait un impact notable sur la situation du salarié ; que la cour d'appel a encore constaté "qu'aucun entretien annuel n'a eu lieu en 2018" ; qu'il en résultait que la convention de forfait jours signée par M. [D] était privée d'effet, faute pour l'employeur d'avoir respecté son obligation d'organiser un entretien annuel individuel ; qu'en énonçant néanmoins, pour débouter M. [D] de ses demandes, que celui-ci n'était "pas fondé à invoquer l'absence de l'entretien annuel en 2018, prévu par l'article 2.4 de l'avenant n° 22 bis du 7 octobre 2016, pour voir privée d'effet la convention de forfait jours le concernant", la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant l'article L. 3121-60 du code du travail et l'article 2.4 de l'avenant n° 22 du 16 décembre 2014 de la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants ;
3°/ qu'aux termes de l'article L. 3121-60 du code du travail, l'employeur s'assure régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail ; qu'en application de l'article 2.4 de l'avenant n° 22 du 16 décembre 2014 de la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants, relatif au suivi du temps de travail, chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours devra bénéficier chaque année d'un entretien avec son supérieur hiérarchique au cours duquel seront évoquées la charge de travail du salarié, l'amplitude de ses journées d'activité, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle et familiale, ainsi que sa rémunération ; que la méconnaissance par l'employeur de son obligation d'organiser un entretien annuel individuel avec le salarié ayant conclu une convention de forfait jours, mesure destinée à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié, prive d'effet la convention de forfait jours ; qu'en déboutant M. [D] de ses demandes, aux motifs inopérants que la société [2] justifiait qu'en raison de la démission de son directeur général, M. [L], le 31 décembre 2018, et de la prise de poste très récente au 21 janvier 2019 du nouveau directeur des opérations, M. [K], les directeurs des différents hôtels avaient été convoqués à l'entretien individuel de suivi du forfait cadre au titre de l'année 2018 en mars 2019, que dans ce cadre, M. [D] avait été convoqué le 6 mars 2019 mais avait refusé cet entretien par mail en faisant valoir que la période concernée était dépassée et que son contrat se terminant le 31 mars 2019, le recul de la date de l'entretien de M. [D] était "admissible et légitime" de la part de l'employeur et que si le salarié était resté en poste, l'entretien de 2018 se serait déroulé en mars 2019 et celui relatif à l'année 2019 fin 2019, les dispositions conventionnelles étant respectées, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs impropres à justifier légalement sa décision, en violation de l'article L. 3121-60 du code du travail et de l'article 2.4 de l'avenant n° 22 du 16 décembre 2014 de la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
6. L'employeur conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que l'avenant n° 22 bis du 7 octobre 2016 était bien applicable à la convention de forfait en jours, au plus tard à compter du 1er avril 2018, et que pour la période antérieure, l'avenant n° 22 du 16 décembre 2014, entré en vigueur le 1er avril 2016, n'était applicable que sous réserve du respect de mesures complémentaires de l'employeur, de sorte que le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, tirées de la violation du seul avenant n° 22 du 16 décembre 2014, le cas échéant conjugué avec l'article L.3121-60 du code du travail, est imprécis.
7. Cependant, le moyen, qui précise le cas d'ouverture invoqué, la partie critiquée de la décision et ce en quoi elle encourt le reproche allégué, n'est pas imprécis.
8. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles L. 3121-60, L. 3121-64, II, du code du travail, 2.4 de l'avenant n° 22 du 16 décembre 2014 à la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants (HCR) du 30 avril 1997, relatif aux cadres autonomes, étendu par arrêté du 29 février 2016 et 2.4 de l'avenant n° 22 bis du 7 octobre 2016, relatif aux cadres autonomes, étendu par arrêté du 9 mars 2018 :
9. Aux termes du premier de ces textes, dont les dispositions sont d'ordre public, l'employeur s'assure régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail.
10. Selon le deuxième, l'accord collectif autorisant la conclusion de conventions individuelles de forfait en jours détermine les modalités selon lesquelles l'employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail du salarié, sur l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération, ainsi que sur l'organisation du travail dans l'entreprise.
11. Selon les deux derniers, chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours devra bénéficier chaque année d'un entretien avec son supérieur hiérarchique au cours duquel seront évoquées la charge de travail du salarié, l'amplitude de ses journées d'activité, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle et familiale ainsi que sa rémunération.
12. Pour débouter le salarié de ses demandes au titre de la convention individuelle de forfait en jours, l'arrêt, après avoir constaté qu'aucun entretien annuel n'avait eu lieu en 2018, retient que l'employeur justifie qu'en raison de la démission de son directeur général, le 31 décembre 2018, et de la prise de fonction le 21 janvier 2019 du nouveau directeur des opérations, les directeurs des différents hôtels ont été convoqués à l'entretien individuel de suivi du forfait cadre au titre de l'année 2018, en mars 2019. Il ajoute qu'eu égard à la nécessité de décaler l'ensemble des entretiens des directeurs du fait des contraintes de la société, le recul de la date d'entretien du salarié au 6 mars 2019 était admissible et légitime.
13. En statuant ainsi, par des motifs inopérants tirés de contraintes internes à l'entreprise, alors qu'elle avait constaté que, lors de l'entretien réalisé en 2017, le salarié avait signalé l'impact sérieux de sa charge de travail et le non-respect ponctuel du repos hebdomadaire, que le repos hebdomadaire n'avait pas été respecté à plusieurs reprises en 2018 et que les convocations pour l'entretien pour 2018 n'avaient été adressées qu'en mars 2019, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur le moyen, pris en sa cinquième branche
Enoncé du moyen
14. Le salarié fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'aux termes de l'article L. 3121-60 du code du travail, l'employeur s'assure régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail ; qu'en application de l'article 2.4 de l'avenant n° 22 du 16 décembre 2014 de la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants, relatif au suivi du temps de travail, "l'employeur tient un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées travaillées, le positionnement et la qualification des jours de repos (repos hebdomadaire, congés payés, jours fériés (...) ; que ce document sera tenu à la disposition de l'inspection du travail et permettra au supérieur hiérarchique (...) d'assurer un suivi de l'organisation du travail du salarié, afin de veiller à ce que l'amplitude et la charge de travail soient raisonnables (...) ; ces cadres doivent bénéficier des dispositions relatives au repos quotidien minimal prévu à l'article 21.4 de la convention collective nationale des HCR et au repos hebdomadaire prévu à l'article 21.3 de ladite convention" ; que des solutions à la surcharge de travail d'un salarié doivent être recherchées et trouvées et que les garanties mises en place par l'accord collectif doivent avoir été effectives ; que la méconnaissance, par l'employeur, de son obligation de veiller à ce que l'amplitude et la charge de travail du salarié restent raisonnables et de vérifier le respect du repos quotidien et hebdomadaire par le salarié, mesures destinées à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié, prive d'effet la convention de forfait jours ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté, d'abord, que M. [D] avait, lors de l'entretien annuel du 13 décembre 2017, indiqué que sa charge de travail avait un impact sérieux et qu'il avait dépassé son forfait annuel ; qu'elle a relevé, ensuite, que M. [D] avait effectivement alerté le service des ressources humaines sur sa fatigue et sur la surcharge de travail, par mails des 26 juin 2018, 6 juillet 2018 et 20 août 2018 et que le salarié avait dépassé son forfait de 25 jours en 2016, de 16 jours en 2017 et de 30 jours en 2018 ; qu'elle a ajouté que M. [D] avait parfois travaillé "plus de six jours de suite (en 2016, janvier, mars, octobre, novembre 2017, janvier, juin, août 2018)" ; qu'il ressortait de ces constatations que l'employeur avait méconnu son obligation d'assurer un suivi de l'organisation du travail de M. [D] afin de veiller à ce que son amplitude et sa charge de travail restent raisonnables ; qu'il s'en déduit que l'employeur n'avait pas recherché ni trouvé de solutions à la surcharge de travail du salarié et n'avait pas vérifié le respect des règles relatives au repos quotidien et hebdomadaire par M. [D], de sorte que les garanties mises en place par l'accord collectif n'avaient pas été effectives ; que, dès lors, en déboutant M. [D] de ses demandes, la cour d'appel n'a donc pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, violant les articles L. 3121-60 du code du travail et 2.4 de l'avenant n° 22 du 16 décembre 2014 de la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
15. L'employeur conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que l'avenant n° 22 bis du 7 octobre 2016 était bien applicable à la convention de forfait en jours, au plus tard à compter du 1er avril 2018, et que pour la période antérieure, l'avenant n° 22 du 16 décembre 2014, entré en vigueur le 1er avril 2016, n'était applicable que sous réserve du respect de mesures complémentaires de l'employeur, de sorte que le moyen, pris en sa cinquième branche, tiré de la violation du seul avenant n° 22 du 16 décembre 2014, le cas échéant conjugué avec l'article L. 3121-60 du code du travail, est imprécis.
16. Cependant, le moyen, qui précise le cas d'ouverture invoqué, la partie critiquée de la décision et ce en quoi elle encourt le reproche allégué, n'est pas imprécis.
17. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles L. 3121-60, L. 3121-64 et L. 4121-1 du code du travail :
18. Aux termes du premier de ces textes, dont les dispositions sont d'ordre public, l'employeur s'assure régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail.
19. Il résulte du troisième que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité envers les salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Il ne méconnaît pas cette obligation légale s'il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.
20. Pour débouter le salarié de ses demandes au titre du forfait en jours l'arrêt, après avoir relevé que le salarié avait parfois travaillé plus de six jours de suite en 2016, 2017 et 2018, retient qu'à compter de 2018 les tableaux mentionnent une alerte de l'employeur (115 repos hebdomadaires à prendre au lieu de 104) et que le salarié a bénéficié de jours de récupération.
21. L'arrêt ajoute que le forfait ayant été dépassé de vingt-cinq jours en 2016 et de vingt-six jours en 2017, l'employeur a imposé au salarié un forfait annuel de cent soixante-six jours en 2018 pour compenser la différence de cinquante et un jours travaillés, montrant ainsi son souci que le temps de travail du salarié ne dépasse pas deux cent dix-sept jours par an afin de préserver sa santé et sa sécurité. L'arrêt précise que le salarié ayant encore dépassé de trente jours le forfait en 2018, l'employeur a payé ce dépassement.
22. L'arrêt relève enfin que la responsable des ressources humaines s'est déplacée du 17 au 19 mai 2017, pour expliquer au salarié le fonctionnement du fichier forfait cadre, et du 18 au 20 juillet 2017, et a invité à cette occasion le salarié à poser ses congés, que la note de service relative au report des congés a été signée en décembre 2017, que la fiche relative à la durée du temps de travail a été remise le 14 décembre 2017 et que des informations sur le forfait en jours ont été données aux directeurs d'hôtels en mars et août 2018. L'arrêt en conclut que le salarié ne peut pas dire que son employeur ne portait pas un regard attentif sur le nombre de jours travaillés.
23. En statuant ainsi, par des motifs inopérants tirés de la récupération ou du paiement des jours de dépassement du forfait et des alertes mentionnées sur les tableaux tenus par l'employeur, alors qu'elle avait constaté, d'une part, que le repos hebdomadaire n'avait pas été respecté à plusieurs reprises en 2016, 2017 et 2018, d'autre part, que le forfait annuel avait été dépassé de vingt-cinq jours en 2016, vingt-six jours en 2017 et trente jours en 2018, ce dont il résultait que l'employeur qui s'était abstenu de mettre en place des mesures de nature à remédier en temps utile à la charge de travail incompatible avec une durée raisonnable de travail dont il avait été informé, avait manqué à ses obligations légales et conventionnelles, a violé les textes susvisés.




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