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Soc. 6 mai 2025 n° 23-21.908

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 6 mai 2025



Rejet

Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 441 F-D
Pourvoi n° P 23-21.908

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 MAI 2025
Mme [M] [K], épouse [S], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 23-21.908 contre l'arrêt rendu le 7 septembre 2023 par la cour d'appel de Rouen (chambre sociale et des affaires de sécurité sociale), dans le litige l'opposant à la société Aris, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La société Aris a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, quatre moyens de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Seguy, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de Mme [S], de Me Guermonprez-Tanner, avocat de la société Aris, après débats en l'audience publique du 25 mars 2025 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Seguy, conseiller rapporteur, M. Redon, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 7 septembre 2023), Mme [S] a été engagée en qualité d'assistante comptable, le 7 juillet 2016, par la société Aris (la société).
2. Par lettre du 5 novembre 2018, elle a dénoncé à son employeur faire l'objet d'un harcèlement moral imputé à deux de ses collègues de travail. Elle a été placée en arrêt de travail à compter du même jour.
3. Les 9 janvier 2019 et 2 mai 2019, elle a informé son employeur de son état de grossesse, précisant que son congé maternité était prévu à compter du 4 juillet 2019 jusqu'au 24 octobre 2019.
4. Licenciée pour faute grave par lettre du 20 mai 2019, elle a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes au titre de l'exécution de son contrat de travail et d'une demande en nullité de son licenciement.
Examen des moyens
Sur les deuxième, troisième et quatrième moyens du pourvoi principal de la salariée et le moyen du pourvoi incident de l'employeur
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
6. La salariée fait grief à l'arrêt de juger légitime son licenciement pour faute grave et de la débouter de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement illicite, d'indemnité de préavis, d'indemnité pour les congés payés afférents, d'indemnité de licenciement et de toute autre demande, alors :
« 1°/ que le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut pas être licencié pour ce motif sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu'il dénonce ; qu'en l'espèce, la salariée faisait valoir que son licenciement était nul pour avoir été prononcé en violation de cette règle ; que la cour d'appel a constaté l'existence du harcèlement moral dénoncé par la salariée notamment par lettre du 5 novembre 2018, à raison, entre autres, de l'existence sur le serveur informatique de l'entreprise ''d'un tableau Excel recensant ses temps de présence, d'absence, de travail'', l'employeur ne justifiant ''pas des mesures prises relatives à ce tableau alors qu'il est établi qu'il en a eu connaissance en octobre 2018'' ; que la lettre de licenciement, dont les termes ont été rappelés par la cour d'appel, se fondait sur une enquête du CHSCT, soulignant que cette enquête avait été ''réalisée à la suite d'une réclamation de votre part'', faisait notamment grief à la salariée d'avoir dénoncé l'existence du fichier Excel ''planning 2018'' en lui reprochant d'avoir voulu ''l'utiliser comme preuve pour asseoir vos dénonciations'' ; qu'il s'en évinçait que la salariée avait été licenciée pour avoir dénoncé des faits de harcèlement moral dont la cour d'appel a constaté la réalité ; qu'en n'en déduisant pas la nullité du licenciement, la cour d'appel a violé l'article L. 1152-1, dans sa version antérieure à la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022, et l'article L. 1152-3 du code du travail ;
2°/ que lorsque les faits invoqués dans la lettre de licenciement caractérisent une cause réelle et sérieuse de licenciement, le salarié peut démontrer que la rupture de son contrat de travail constitue en réalité une mesure de rétorsion à la dénonciation antérieure de faits de harcèlement moral ; qu'en l'espèce, la salariée faisait valoir que son licenciement était nul pour avoir été prononcé en conséquence de la dénonciation du harcèlement dont elle était victime ; qu'en jugeant que l'attitude de la salariée caractérisait une faute grave, sans rechercher si la rupture du contrat de travail ne constituait pas une mesure de rétorsion à la dénonciation antérieure de faits de harcèlement moral, dont elle a pourtant constaté la réalité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1, L. 1152-3 et L. 1154-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
7. Il résulte des articles L. 1152-2 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022 et L. 1152-3 du même code que, lorsque les faits invoqués dans la lettre de licenciement caractérisent une cause réelle et sérieuse de licenciement, il appartient au salarié de démontrer que la rupture de son contrat de travail constitue une mesure de rétorsion à la dénonciation antérieure de faits de harcèlement moral. Dans le cas contraire, il appartient à l'employeur de démontrer l'absence de lien entre la dénonciation par le salarié d'agissements de harcèlement moral et son licenciement.
8. La cour d'appel, après avoir constaté que la lettre de licenciement reprochait à la salariée une attitude récurrente ayant conduit à mettre en danger la santé physique et mentale d'une de ses collègues, a retenu qu'elle avait fait preuve d'un réel acharnement à l'encontre de cette collaboratrice, se matérialisant par des appels incessants, un contrôle excessif de son temps de travail, des pressions régulières, l'usage d'un ton inadapté et un positionnement hiérarchique anormal, le fait qu'elle ait pu être elle-même victime d'agissements inadaptés de la part de ses collègues ne pouvant justifier son comportement.
9. Procédant ainsi à la recherche de la véritable cause du licenciement, elle a fait ressortir que la salariée avait été licenciée pour ce seul motif et non pour avoir dénoncé des faits de harcèlement moral.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.




Soc. 6 mai 2025 n° 24-10.992

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 6 mai 2025



Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 465 F-D
Pourvoi n° U 24-10.992

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 MAI 2025
La société La Poste, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 24-10.992 contre le jugement rendu selon la procédure accélérée au fond le 12 décembre 2023 par le président du tribunal judiciaire de Laon (1re chambre), dans le litige l'opposant au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la plateforme de préparation et de distribution du courrier de [Localité 3], dont le siège est [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Rinuy, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société La Poste, de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la plateforme de préparation et de distribution du courrier de [Localité 3], après débats en l'audience publique du 26 mars 2025 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rinuy, conseiller rapporteur, Mme Sommé, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (président du tribunal judiciaire de Laon, 12 décembre 2023), statuant selon la procédure accélérée au fond, et les pièces de la procédure, la société La Poste (La Poste) a souhaité mettre en place, dans son établissement de [Localité 3], des casiers de tri à cinq colonnes regroupant les points de distribution (PDI) en remplacement des casiers à neuf colonnes prévoyant un espace par PDI. L'information sur ce projet a été mise à l'ordre du jour de la réunion du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la plateforme de préparation et de distribution du courrier de [Localité 3] (le CHSCT) du 15 décembre 2022 et le CHSCT a voté le 17 mars 2023 une délibération décidant de recourir à une expertise pour projet important.
2. Le 31 mars 2023, La Poste a assigné le CHSCT, contestant la nécessité de l'expertise faute de démonstration de l'existence d'un projet important.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. La Poste fait grief au jugement de la débouter de sa demande d'annulation de la délibération du CHSCT du 17 mars 2023 ordonnant une expertise "projet important", alors « qu'aux termes de l'article L. 4614-12 du code du travail, dans sa rédaction, encore en vigueur à La Poste, antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, le CHSCT peut faire appel à un expert agréé "2°) en cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail prévu à l'article L. 4612-8-1" ; que tel n'est pas le cas d'un projet d'adaptation du tri du courrier par les facteurs préalablement à sa distribution consistant uniquement à remplacer les casiers à neuf colonnes par des casiers à cinq colonnes, et à réaliser ce tri sur une table plutôt que dans leur véhicule ; qu'en l'espèce, le tribunal judiciaire a constaté qu'"aux termes de la délibération du 17 mars 2023, le CHSCT de la PPDC de [Localité 3] a motivé sa décision de recourir à une expertise par le fait que le projet de la société La Poste de remplacer le casier de tri à neuf colonnes par un modèle à cinq colonnes, alors que ce casier est un des principaux outils utilisés par le facteur, est de nature à modifier de façon importante les conditions de travail des agents en ce que le tri occupe une part significative de la journée de travail et qu'il se ferait dès lors nécessairement en position assise sans que soit produite une étude d'impact sur les troubles musculosquelettiques pouvant en découler" ; que pour débouter La Poste de sa demande d'annulation de cette délibération, il a énoncé qu'"il est ainsi établi que le projet de la PPDC de la société La Poste de [Localité 3] va d'une part amener les facteurs à effectuer sur table le tri qu'ils effectuaient le plus souvent dans leur voiture, ce tri occupant une part importante de leur journée de travail et que la position assise prolongée induite par ce tri devant une table à effectuer des gestes vers les casiers est susceptible d'entraîner des troubles musculosquelettiques qui n'ont pas été évalués" ; qu'en se déterminant aux termes de tels motifs impropres à caractériser un projet important, le tribunal judiciaire a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 4612-8-1 et L. 4614-12, 2°, du code du travail, demeurés applicables à La Poste :
4. Aux termes de l'article L. 4612-8-1 du code du travail, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est consulté avant toute décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail et, notamment, avant toute transformation importante des postes de travail découlant de la modification de l'outillage, d'un changement de produit ou de l'organisation du travail, avant toute modification des cadences et des normes de productivité liées ou non à la rémunération du travail.
5. Selon l'article L. 4614-12, 2°, du même code, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail peut faire appel à un expert agréé en cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, prévu à l'article L. 4612-8-1.
6. Pour débouter La Poste de sa demande d'annulation de la délibération du 17 mars 2023, le jugement retient, d'abord, qu'aux termes de cette délibération, le CHSCT a motivé sa décision de recourir à une expertise par le fait que le projet de La Poste de remplacer le casier de tri à neuf colonnes par un modèle à cinq colonnes, alors que ce casier est un des principaux outils utilisés par le facteur, est de nature à modifier de façon importante les conditions de travail des agents en ce que le tri occupe une part significative de la journée de travail.
7. Le jugement retient, ensuite, que le projet va amener les facteurs à effectuer sur table le tri qu'ils effectuaient le plus souvent dans leur voiture, ce tri occupant une part importante de leur journée de travail et que la position assise prolongée induite par ce tri devant une table à effectuer des gestes vers les casiers est susceptible d'entraîner des troubles musculosquelettiques qui n'ont pas été évalués.
8. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'existence d'un projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, permettant au CHSCT de recourir à un expert, le président du tribunal judiciaire n'a pas donné de base légale à sa décision.
Portée et conséquences de la cassation
9. La cassation du chef de dispositif déboutant La Poste de ses demandes n'emporte pas celle du chef de dispositif du jugement la condamnant aux dépens mais emporte celle du chef de dispositif la condamnant au paiement d'une somme au titre des frais de procédure, dès lors que La Poste invoquait dans ses conclusions devant le tribunal le caractère abusif du recours à l'expertise.




Soc. 6 mai 2025 n° 23-21.382

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 6 mai 2025



Rejet

M. BARINCOU, conseiller le plus ancien faisant fonction de président


Arrêt n° 450 F-D
Pourvoi n° S 23-21.382



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 MAI 2025
La société Pfizer PFE France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 23-21.382 contre l'arrêt rendu le 6 juillet 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 6,chambre 5), dans le litige l'opposant à M. [F] [D], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Carillon, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société Pfizer PFE France, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [D], après débats en l'audience publique du 25 mars 2025 où étaient présents M. Barincou, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, M. Carillon, conseiller référendaire rapporteur, Mme Brinet, conseiller, et Mme Thuillier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 juillet 2023), M. [D] a été engagé, en qualité de chef de projet, par la société Pfizer, aux droits de laquelle se trouve la société Pfizer PFE France (la société). Il occupait en dernier lieu les fonctions de responsable optimisation de portefeuille.
2. Le 28 juin 2016, la société et des organisations syndicales représentatives ont conclu un accord sur une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), prévoyant notamment des possibilités de mobilité externe sous forme de départs volontaires.
3. Le 12 avril 2017, l'employeur a refusé au salarié le bénéfice du plan de départ volontaire prévu par cet accord, au motif que son emploi n'était pas éligible au dispositif.
4. Le 12 juillet 2017, le salarié a démissionné, en imputant cette décision à son employeur, puis il a saisi la juridiction prud'homale.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche, et sur le second moyen
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en ses première, troisième et quatrième branches
Enoncé du moyen
6. La société fait grief à l'arrêt de dire que le salarié remplissait les conditions d'éligibilité au plan de départ volontaire prévu par l'accord sur une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences intégrant des possibilités de mobilité externe sous la forme de départs volontaires pour des catégories d'emplois menacées conclu le 28 juin 2016 entre la société et des organisations syndicales, et de l'avoir condamnée à lui payer une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour refus abusif de lui accorder le bénéfice du plan de départ volontaire, alors :
« 1°/ que selon l'article 3.1 de l'accord GPEC du 28 juin 2016, est éligible au départ volontaire pour projet professionnel ou repositionnement professionnel-congé de mobilité le salarié occupant « une catégorie d'emplois menacés » ; que selon l'article 3.2, la demande de mobilité peut être rejetée lorsque « le salarié n'occupe pas un emploi figurant dans la liste actualisée des catégories d'emplois menacées » ; que cette liste comprend le « responsable marketing » avec l'indication « catégorie d'emploi menacée par la baisse des investissements et des efforts promotionnels sur les produits LOEs (Lyrica & Revatio) » ; qu'il en résulte que seul est éligible au départ volontaire l'emploi menacé « par la baisse des investissements et des efforts promotionnels sur les produits LOEs (Lyrica & Revatio) » ; qu'en retenant au contraire qu'il n'était pas nécessaire que l'emploi soit en lien avec les indications figurant sous la rubrique « rationnel » qui ne visait qu'à expliquer en quoi la catégorie était menacée et non à restreindre la définition de la catégorie d'emploi et qu'il « est dès lors indifférent que M. [D] ait ou non travaillé sur les produits LOEs », la cour d'appel a violé l'accord sur une GPEC du 28 juin 2016, ensemble les articles 1103 du code civil et L. 1221-1 du code du travail ;
3° / que la liste des emplois menacés éligibles au départ volontaire comprend le « responsable marketing » ; qu'en statuant par des motifs inopérants pour caractériser en quoi le salarié, qui occupait un poste de « responsable optimisation de portefeuille » et gérait les produits non promus à la différence des « responsables marketing », pouvait se prévaloir de la qualité de « responsable marketing » bien que, comme l'avait souligné la société, « son poste n'a jamais été celui d'un responsable marketing. Il n'a jamais bénéficié de ce titre ni dans son contrat de travail, ni dans l'organigramme, ni dans sa fiche de poste », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 3.1 et 3.2 de l'accord GPEC du 28 juin 2016, L. 1221-1 du code du travail ;
4°/ qu'en statuant par des motifs inopérants pour caractériser en quoi le salarié occupait un emploi menacé au sens de l'accord GPEC du 28 juin 2016, ce qui était d'autant plus exclu qu'il n'avait été envisagé de supprimer ce poste qu'en avril 2019, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 3.1 et 3.2 de l'accord GPEC du 28 juin 2016, L. 1221-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
7. D'abord, l'arrêt relève que la liste des emplois, communiquée le 20 octobre 2016, comprend parmi les catégories d'emploi menacées celle de « responsable marketing » avec l'indication du « rationnel » suivant : « catégorie d'emploi menacée par la baisse des investissements et des efforts promotionnels sur les produits LOEs (Lyrica & Revatio) » puis il retient que l'accord ne prévoit pas qu'outre la condition d'occuper un emploi figurant dans la liste actualisée des emplois menacés, l'emploi du salarié doive avoir un lien avec les indications figurant sous la rubrique « rationnel » qui visent à expliquer en quoi la catégorie concernée est menacée et non à restreindre la définition de la catégorie d'emploi, de sorte qu'il est indifférent que le salarié ait ou non travaillé sur les produits LOEs.
8. Ensuite, ayant relevé que l'emploi du salarié n'a pas pour intitulé celui de « responsable marketing » mais celui de « responsable optimisation portefeuille », l'arrêt ajoute que ce seul intitulé ne saurait suffire à l'exclure de la liste des emplois menacés, de sorte qu'il convient de rechercher les fonctions réellement exercées afin de déterminer si le salarié appartient ou non à la catégorie litigieuse de responsable marketing, étant précisé que la catégorie d'emplois doit s'entendre de l'ensemble des salariés exerçant des fonctions de même nature supposant une formation commune.
9. Enfin, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve, l'arrêt retient que l'emploi du salarié correspondait à des fonctions de même nature que celles des responsables marketing, qu'il reposait sur une formation commune et qu'après le départ du salarié, ses attributions ont été reprises par deux responsables marketing sans que son poste de responsable d'optimisation de portefeuille ait été pourvu avant sa suppression officielle en 2019.
10. La cour d'appel, qui a interprété la notion de catégorie d'emplois menacés par référence au seul accord collectif puis a souverainement déduit des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis que l'emploi du salarié appartenait à la catégorie des responsables marketing, visée par cet accord, en a justement déduit, sans avoir à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que le salarié remplissait les conditions d'éligibilité pour bénéficier du plan de départ volontaire.
11. Le moyen n'est donc pas fondé.




Soc. 6 mai 2025 n° 23-19.041

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 6 mai 2025



Rejet

Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 439 F-D
Pourvoi n° X 23-19.041



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 MAI 2025
Mme [Z] [T], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° X 23-19.041 contre l'arrêt rendu le 4 mai 2023 par la cour d'appel de Rouen (chambre sociale et des affaires de sécurité sociale), dans le litige l'opposant à la société Ambulances havraises, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Seguy, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de Mme [T], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Ambulances havraises, après débats en l'audience publique du 25 mars 2025 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Seguy, conseiller rapporteur, M. Redon, conseiller référendaire, ayant voix délibérative, et Mme Dumont, greffier de chambre,
La chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l' article L.431-3 alinéa 2 du code de l'organisation judiciaire, des présidents et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 4 mai 2023), Mme [T] a été engagée en qualité de chauffeur ambulancier, le 24 décembre 2010, par la société Ambulances havraises (la société).
2. Par lettre du 10 mars 2020, la société lui a notifié une mise à pied disciplinaire de cinq jours.
3. La salariée a saisi la juridiction prud'homale de demandes en annulation de cette mise à pied disciplinaire et en paiement de diverses sommes à titre de rappel de salaire et de dommages-intérêts.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. La salariée fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'annulation de la mise à pied disciplinaire, alors :
« 1°/ que constitue une sanction disciplinaire toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié qu'il considère comme fautif, peu important que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non sa présence dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération ; qu'en l'espèce, constituait une sanction disciplinaire la lettre de mise en demeure formulée à la suite de faits qualifiés d'insubordination laquelle l'employeur reprochait à la salariée : ''vous persistez dans votre comportement d'insubordination'', ''contrevenez à vos obligations professionnelles'' et lui précisait que ''le temps de lavage des véhicules que vous avez effectué ce jour, contre notre volonté et en dépit de nos instructions, ne vous sera pas rémunéré'', lettre versée au dossier de la salariée avec les réponses de cette dernière ; que pour exclure l'existence d'une double sanction, la cour d'appel a retenu que cette mise en demeure se distinguait d'une sanction motifs pris qu'elle consistait seulement à enjoindre à la salariée de quitter l'entreprise dans le respect du planning de travail établi et que si elle affectait sa présence dans l'entreprise, ce n'était qu'en exécution de son planning et non par l'effet d'une sanction, cependant que cette lettre reprochait à la salariée des faits qualifiés d'insubordination et de manquements à ses obligations professionnelles, et la privait de surcroît d'une partie de sa rémunération, la cour d'appel a violé l'article L. 1331 du code du travail, ensemble le principe selon lequel un salarié ne peut être sanctionné deux fois pour un même fait ;
2°/ constitue une sanction pécuniaire prohibée la lettre indiquant au salarié qu'une tâche effectuée contrairement aux directives de l'employeur ne sera pas rémunérée ; qu'en l'espèce, la mise en demeure du 21 février 2020 adressée à la salariée lui a reproché son ''comportement d'insubordination'' en précisant ''le temps de lavage des véhicules que vous avez effectué ce jour, contre notre volonté et en dépit de nos instructions, ne vous sera pas rémunéré'' ; qu'il s'agissait manifestement d'une sanction pécuniaire prohibée ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 1331-1 et L. 1331-2 du code du travail ;
3°/ que la poursuite par un salarié d'un fait fautif n'autorise l'employeur à se prévaloir de faits similaires y compris ceux ayant déjà été sanctionnés qu'à condition qu'ils soient de même nature ; qu'en l'espèce, après avoir rappelé qu'un même fait ne saurait justifier successivement deux sanctions, la cour d'appel a retenu que la mise en demeure du 21 février 2020 demandant à la salariée de respecter son planning de travail, de prendre son jour de repos conformément à son planning et de quitter immédiatement la société afin de respecter le planning établi et le temps de repos qui lui a été notifié, ne constituait pas une sanction et qu' ''en tout état de cause, la mise à pied disciplinaire vise également le fait qu'elle ne se soit pas effectivement présentée pour assurer sa garde le samedi 22 février 2020'' ; qu'en statuant par des motifs ne faisant pas ressortir que le nouveau fait visé dans la mise à pied du 10 mars 2020 était de même nature que ceux visés dans la lettre du 22 février 2020, et aurait permis à l'employeur d'invoquer les faits déjà visés dans la lettre de mise en demeure du 22 février 2020, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe non bis in idem et des articles L. 1331-1 et suivants du code du travail. »
Réponse de la Cour
5. D'abord, le moyen, pris en sa deuxième branche, formule une critique contre les motifs de l'arrêt concernant la mise en demeure du 21 février 2020 et la demande de rappel de salaire et non contre ceux fondant la décision de débouter la salariée de sa demande d'annulation de la mise à pied disciplinaire notifiée le 10 mars suivant.
6. Ensuite, il résulte de l'article L. 1331-1 du code du travail que la poursuite par un salarié d'un fait fautif autorise l'employeur à se prévaloir de faits similaires, y compris ceux ayant déjà été sanctionnés, pour prononcer une nouvelle sanction.
7. La cour d'appel a relevé qu'un nouvel acte d'insubordination avait été commis par la salariée qui ne s'était pas présentée dans l'entreprise le 22 février 2022 pour effectuer son tour de garde, après celui précédemment sanctionné la veille, la salariée ayant refusé de quitter l'entreprise et de prendre son jour de repos conformément au planning.
8. Elle a pu en déduire que l'employeur n'avait pas épuisé son pouvoir disciplinaire et que la poursuite par la salariée de son comportement fautif justifiait sa mise à pied.
9. Le moyen, irrecevable en sa deuxième branche, n'est pas fondé pour le surplus.




Soc. 6 mai 2025 n° 22-23.178

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 6 mai 2025



Cassation

Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 442 F-D

Pourvois n° G 22-23.164 N 22-23.168 P 22-23.169 U 22-23.174 V 22-23.175 W 22-23.176 X 22-23.177 Y 22-23.178 JONCTION

Aide juridictionnelle totale en défense au profit de MM. [M], [E] et Mme [S]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 26 juin 2023.
Aide juridictionnelle partielle en défense au profit de MM. [Z], [T] et [H]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 8 septembre 2023.


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 MAI 2025
La société Services maintenance et propreté, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 9], a formé les pourvois n° G 22-23.164, N 22-23.168, P 22-23.169, U 22-23.174, V 22-23.175, W 22-23.176, X 22-23.177 et Y 22-23.178 contre huit arrêts rendus le 20 septembre 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 11), dans les litiges l'opposant respectivement :
1°/ à M. [K] [G], domicilié [Adresse 5],
2°/ à M. [P] [M], domicilié [Adresse 7],
3°/ à M. [I] [Z], domicilié [Adresse 3],
4°/ à M. [A] [T], domicilié [Adresse 8],
5°/ à M. [C] [H], domicilié [Adresse 1],
6°/ à Mme [W] [S], domiciliée [Adresse 6],
7°/ à M. [V] [E], domicilié [Adresse 4],
8°/ à M. [B] [Y], domicilié [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de chacun de ses pourvois, un moyen de cassation rédigé en des termes similaires.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de M. Redon, conseiller référendaire, les observations de la SARL Corlay, avocat de la société Services maintenance et propreté, de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de M. [G] et de sept autres salariés, après débats en l'audience publique du 25 mars 2025 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Redon, conseiller référendaire rapporteur, M. Seguy, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° G 22-23.164, N 22-23.168, P 22-23.169 et U 22-23.174 à Y 22-23.178 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon les arrêts attaqués (Paris, 20 septembre 2022), M. [G] et sept autres salariés ont été engagés en qualité d'agents d'entretien entre les années 1993 et 2001. Les salariés ont été repris en dernier lieu par la société Services maintenance et propreté (SMP), nouvel attributaire du marché, à compter du 11 décembre 2016.
3. À la suite d'un différend avec l'employeur entrant sur le paiement de primes, les salariés ont saisi la juridiction prud'homale.
Examen des moyens
Sur les moyens uniques, pris en leur première branche, rédigées en des termes similaires
Enoncé des moyens
4. L'employeur fait grief aux arrêts de l'avoir condamné à payer aux salariés des sommes au titre des primes d'ancienneté, d'intéressement et d'habillement pour la période d'avril 2016 au 13 septembre 2022, outre frais irrépétibles et dépens, alors « que lorsque le nouveau titulaire d'un marché de prestation de services reprend les contrats de travail des salariés affectés audit marché, sans y être tenu par les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, il n'est lié que par les clauses des contrats de travail et non par les usages en vigueur dans une entité économique qui ne lui a pas été transférée ; que la cour d'appel a constaté qu'il y avait eu un ''transfert conventionnel'' du contrat de travail du salarié de la société TFS à la société SMP, et que les primes litigieuses provenaient d'usages en vigueur dans l'entreprise sortante ; qu'en considérant cependant que l'usage relatif aux primes litigieuses ''suit le régime du contrat de travail et est ainsi transféré au nouvel employeur'' et ''par conséquent, la cour considère que l'usage concernant la prime d'ancienneté, la prime d'intéressement et la prime d'habillement est opposable à la société SMP qui reste tenue au paiement des primes susvisées à l'égard (du salarié)'', la cour d'appel a violé l'article L. 1224-1 du code du travail, ensemble l'article 1103 du code civil et la convention collective du personnel des entreprises de manutention ferroviaire applicable. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1103 du code civil et de la convention collective nationale du personnel des entreprises de manutention ferroviaire et travaux connexes du 6 janvier 1970 :
5. Sauf dispositions conventionnelles contraires, lorsque le nouveau titulaire d'un marché reprend les contrats de travail des salariés affectés audit marché sans y être tenu par les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, il n'est lié que par les clauses des contrats de travail et non par les usages en vigueur dans une entité économique qui ne lui a pas été transférée.
6. Pour condamner l'entreprise entrante à payer aux salariés diverses sommes au titre des primes d'ancienneté, d'intéressement et d'habillement, les arrêts constatent d'abord qu'elle a signé avec les salariés un avenant à leur contrat de travail initial en application des articles 15 ter et quater de la convention collective nationale du personnel des entreprises de manutention ferroviaire et travaux connexes du 6 janvier 1970, aux termes duquel elle assurait la continuité des contrats de travail.
7. Ils énoncent ensuite qu'en cas de changement d'employeur, l'usage suit le régime du contrat de travail et est ainsi transféré au nouvel employeur, ce transfert de l'usage vers le nouvel employeur n'excluant pas pour autant la possibilité pour ce dernier de le dénoncer, sous réserve de respecter les formalités de dénonciation propres aux usages.
8. Ils retiennent enfin qu'il est établi qu'à compter du 1er avril 2016, l'entreprise sortante n'a plus versé aux salariés, les primes d'ancienneté et d'intéressement et l'indemnité de nettoyage des vêtements alors que ces primes fixes étaient versées chaque mois aux salariés depuis 2011 sans qu'il soit démontré que l'usage relatif à ces primes ait été régulièrement dénoncé auprès des représentants du personnel en 2016, ni auprès de chaque salarié, de sorte que cet usage est demeuré en vigueur lors de la reprise des contrats de travail des salariés par l'entreprise entrante, celle-ci ne démontrant pas avoir elle-même dénoncé l'usage en cours relatif aux primes des salariés selon les formalités de dénonciation propres aux usages.
9. En statuant ainsi, alors qu'il était constant que la poursuite des contrats de travail des salariés par la société entrante résultait de la seule application des dispositions conventionnelles susvisées, ce dont il résultait que, n'étant pas tenue à l'application de l'usage en vigueur chez l'ancien employeur, elle n'avait pas l'obligation d'informer les salariés de son intention de ne pas appliquer cet avantage, la cour d'appel a violé les textes susvisés.




Soc. 6 mai 2025 n° 23-22.916

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 6 mai 2025



Cassation partielle

M. BARINCOU, conseiller le plus ancien faisant fonction de président


Arrêt n° 449 F-D
Pourvoi n° J 23-22.916
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 MAI 2025
M. [C] [X], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 23-22.916 contre l'arrêt rendu le 28 septembre 2023 par la cour d'appel de Limoges (chambre économique et sociale), dans le litige l'opposant à la société Précision mécanique de [Localité 2], société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Brinet, conseiller, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [X], de la SCP Boullez, avocat de la société Précision mécanique de [Localité 2], après débats en l'audience publique du 25 mars 2025 où étaient présents M. Barincou, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Brinet, conseiller rapporteur, M. Carillon, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Thuillier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Limoges, 28 septembre 2023), M. [X], engagé en qualité de fraiseur à compter du 7 novembre 1994 par la société Précision mécanique de [Localité 2] (la société), exerçait en dernier lieu les fonctions de métrologue.
2. Il a accepté, le 23 décembre 2020, le contrat de sécurisation professionnelle que son employeur lui avait proposé lors de l'entretien préalable tenu le 2 décembre 2020.
3. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour contester la rupture de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
4. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que la réalité du licenciement économique et la régularité de la procédure de contrat de sécurisation professionnelle étaient démontrées et de le débouter de sa demande de dommages-intérêts, alors « qu'il appartient à l'employeur de justifier qu'il a recherché au préalable toutes les possibilités de reclassement existantes et de proposer au salarié dont le licenciement est envisagé des emplois relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou des emplois équivalents assortis d'une rémunération équivalente, ou, à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, de catégorie inférieure, fût-ce par voie de modification du contrat de travail, en assurant au besoin l'adaptation du salarié à une évolution de son emploi ; que la catégorie professionnelle ne se réduit pas à un emploi déterminé mais regroupe l'ensemble des salariés qui exercent dans l'entreprise des activités de même nature supposant une formation professionnelle commune ; qu'en écartant tout manquement de l'employeur à son obligation de reclassement, aux motifs inopérants que ''la catégorie des deux salariés, dont M. [X] qui occupait les fonctions de métrologue, ayant été supprimée, l'employeur ne pouvait plus former M. [X]'', la cour d'appel a violé l'article L. 1233-4 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1233-4 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 :
5. Pour dire que l'employeur n'avait pas manqué à son obligation de recherche de reclassement, la cour d'appel a retenu que la catégorie des deux salariés, dont le salarié licencié qui occupait les fonctions de métrologue, ayant été supprimée, l'employeur ne pouvait plus former le salarié à un autre poste occupé.
6. En statuant ainsi, alors qu'il appartient à l'employeur de rechercher toutes les possibilités de reclassement existantes et de proposer aux salariés dont le licenciement est envisagé des emplois de même catégorie ou, à défaut, de catégorie inférieure, fût-ce par voie de modification des contrats de travail, en assurant au besoin l'adaptation de ces salariés à une évolution de leur emploi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Et sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
7. Le salarié fait grief à l'arrêt de limiter à 2 879,95 euros la somme allouée à titre de rappel d'indemnité de licenciement, alors « que sauf disposition conventionnelle plus favorable, l'indemnité légale de licenciement est due ; qu'en vertu de l'article R. 1234-2 du code du travail, l'indemnité légale de licenciement ne peut être inférieure aux montants suivants : 1° un quart de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à dix ans ; 2° un tiers de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années à partir de dix ans ; qu'en limitant le rappel d'indemnité légale de licenciement alloué aux motifs que celui-ci était conforme aux dispositions conventionnelles sans vérifier si l'indemnité légale de licenciement n'était pas plus favorable au salarié, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-9, L. 2251-1, R. 1234-1, R. 1234-2, et R. 1234-4 du code du travail, et l'article 38 de la convention collective territoriale des industries métallurgiques de Corrèze. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
8. L'employeur conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que le moyen est nouveau, mélangé de fait et de droit.
9. Cependant, le moyen est de pur droit dès lors qu'il ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations des juges du fond.
10. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles R. 1234-1 et R. 1234-2 du code du travail, dans leur rédaction issue du décret n° 2017-1398 du 25 septembre 2017 :
11. Selon le second de ces textes, l'indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un quart de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à dix ans et un tiers de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années à partir de dix ans.
12. Pour limiter l'indemnité de licenciement à une certaine somme, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que l'application de la convention collective de la métallurgie de la Corrèze conduit à une indemnité de licenciement égale à un cinquième de mois par année d'ancienneté, plus un cinquième de mois de onze douzièmes, plus deux quinzièmes de mois par année complète au-delà de dix ans, plus deux quinzièmes de mois de onze douzièmes, soit un montant total de 12 178,49 euros et, par motifs propres, que l'indemnité de licenciement a été calculée en fonction des dispositions de la convention collective de la métallurgie de la Corrèze de sorte que la fixation du reliquat de l'indemnité de licenciement à 2 879,95 euros, non remise en cause par l'employeur, est justifiée.
13. En statuant ainsi, en faisant application d'un barème moins favorable que celui résultant des dispositions légales et réglementaires, la cour d'appel a violé les textes susvisés.




Soc. 6 mai 2025 n° 23-22.147

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 6 mai 2025



Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 466 F-D
Pourvoi n° Y 23-22.147



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 MAI 2025
Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la plateforme de préparation et de distribution du courrier de Vallée Vilaine Sud, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Y 23-22.147 contre le jugement rendu selon la procédure accélerée au fond le 29 septembre 2023 par le président du tribunal judiciaire de Rennes, dans le litige l'opposant à la société La Poste, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Sommé, conseiller, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la plateforme de préparation et de distribution du courrier de Vallée Vilaine Sud, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société La Poste, après débats en l'audience publique du 26 mars 2025 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Sommé, conseiller rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (président du tribunal judiciaire de Rennes, 29 septembre 2023), statuant selon la procédure accélérée au fond, la nouvelle gamme courrier de la société La Poste (La Poste) a été présentée le 6 février 2023 au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la plateforme de préparation et de distribution (PPDC) du courrier de Vallée Vilaine Sud (le comité). Le même jour, le comité a décidé de recourir à une expertise pour projet important au sens de l'article L. 4614-12, 2°, du code du travail.
2. Par acte du 17 février 2023, La Poste a saisi le président du tribunal judiciaire d'une demande d'annulation de cette délibération.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses deuxième et cinquième branches
Enoncé du moyen
3. Le comité fait grief au jugement d'annuler sa délibération du 6 février 2023 décidant de faire appel à un expert agréé, alors :
« 2°/ que la contestation par l'employeur de la nécessité de l'expertise décidée par le CHSCT ne peut concerner que le point de savoir si le projet litigieux est un projet important modifiant les conditions d'hygiène et de sécurité ou les conditions de travail, lequel doit être apprécié dans sa globalité ; qu'en annulant la délibération du 6 février 2023 décidant de recourir à une expertise au titre d'un projet important sans examiner, comme il y était pourtant invité par le CHSCT, l'incidence de l'étalement des flux, permis par la distribution pilotée, sur l'activité de distribution, et partant sur les conditions de travail des facteurs, qui est au c?ur du projet de la nouvelle gamme courrier, pour apprécier l'importance dudit projet, le président du tribunal judiciaire a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L. 4614-12, 2°, du code du travail, demeuré applicable à La Poste ;
5°/ qu'en l'absence d'une instance temporaire de coordination des différents comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail implantés dans les établissements concernés par la mise en oeuvre d'un projet important modifiant au niveau national les conditions de travail au sens de l'article L. 4612-8-1 du code du travail alors applicable, chacun des CHSCT territorialement compétents pour ces établissements est fondé à recourir à l'expertise, nonobstant l'absence de mesures spécifiques d'adaptation à l'établissement ; qu'en l'espèce, pour annuler la délibération du CHSCT de la PPDC de Vallée Vilaine du 6 février 2023, le jugement relève que le CHSCT échoue à démontrer le caractère important du projet de nouvelle gamme courrier, après avoir rejeté la valeur probante des questionnaires émanant de "postiers affectés en Loire-Atlantique ou en Vendée" estimant qu'ils n'étaient "guère probants quant aux conditions de travail des postiers relevant de son périmètre" ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'en raison de son caractère national, le CHSCT exposant était fondé à justifier de l'impact du projet sur les conditions de travail des agents relevant de sa compétence, en s'appuyant sur des éléments de preuve recueillis en dehors du périmètre d'implantation du CHSCT, le président du tribunal judiciaire a violé l'article L. 4614-12, 2°, du code du travail, demeuré applicable, ensemble l'article 1315, devenu 1353 du code civil. »
Réponse de la Cour
4. Vu les articles L. 4612-8-1 et L. 4614-12, 2°, du code du travail demeurés applicables à La Poste :
5. Aux termes du premier de ces textes, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est consulté avant toute décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail et, notamment, avant toute transformation importante des postes de travail découlant de la modification de l'outillage, d'un changement de produit ou de l'organisation du travail, avant toute modification des cadences et des normes de productivité liées ou non à la rémunération du travail.
6. Selon le second, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail peut faire appel à un expert agréé en cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, prévu à l'article L. 4612-8-1.
7. L'existence de mesures spécifiques d'adaptation à l'établissement ne constitue pas une condition de la reconnaissance du projet important au sens de l'article L. 4612-8-1 du code du travail, de nature, en l'absence d'instance temporaire de coordination des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, à priver le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de son droit à faire appel à un expert agréé.
8. Pour annuler la délibération du comité du 6 février 2023 décidant de recourir à une expertise, le jugement retient qu'il ne saurait être déduit de la seule installation de standards de travail, notamment le classement sur table, et d'un renforcement de la part du temps de distribution des facteurs permise par une augmentation du tri mécanisé, que le projet litigieux modifierait de façon significative les conditions de travail des postiers concernés, que parmi les questionnaires produits par le comité pour démontrer que l'étalement des flux recherché par la nouvelle offre courrier modifierait lesdites conditions de travail, ceux émanant de postiers affectés en Loire-Atlantique ou en Vendée ne sont guère probants quant aux conditions de travail des postiers relevant du périmètre du comité et que les autres pièces produites ne sont pas de nature à démontrer le caractère important du projet litigieux.
9. En statuant ainsi, alors qu'en l'absence d'instance temporaire de coordination des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, le comité pouvait, au regard du caractère national de la nouvelle gamme courrier de La Poste, se prévaloir d'éléments de preuve recueillis en dehors de son périmètre de compétence pour démontrer, comme il le soutenait, que la généralisation de la distribution pilotée permettant un étalement des flux modifiait de manière significative les conditions de travail des facteurs, le président du tribunal judiciaire a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
10. La cassation du chef de dispositif annulant la délibération du comité du 6 février 2023 décidant de recourir à une expertise n'emporte pas celle des chefs de dispositif du jugement laissant les dépens à la charge de La Poste et la condamnant au paiement d'une somme en application de l'article L. 4614-13 du code du travail.




Soc. 6 mai 2025 n° 23-22.588

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 6 mai 2025



Cassation partielle

M. BARINCOU, conseiller le plus ancien faisant fonction de président


Arrêt n° 452 F-D
Pourvoi n° C 23-22.588



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 MAI 2025
La société Entreprise Guy Challancin, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° C 23-22.588 contre l'arrêt rendu le 25 octobre 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 6), dans le litige l'opposant à Mme [D] [H], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Carillon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Entreprise Guy Challancin, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [H], après débats en l'audience publique du 25 mars 2025 où étaient présents M. Barincou, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, M. Carillon, conseiller référendaire rapporteur, Mme Brinet, conseiller, et Mme Thuillier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 25 octobre 2023), Mme [H] a été engagée, en qualité d'assistante des ressources humaines, à compter du 21 août 2013 par la société Entreprise Guy Challancin (la société).
2. La salariée a été convoquée, par une lettre du 25 avril 2016 reçue le 28 avril, à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement.
3. Par lettre du 27 avril 2016, la salariée a dénoncé auprès de son employeur des faits de harcèlement moral.
4. Licenciée pour faute grave le 12 mai 2016, elle a saisi la juridiction prud'homale pour que soit prononcée la nullité de son licenciement et obtenir le paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant du harcèlement moral et du refus de l'employeur de prendre toutes dispositions utiles en vue de le prévenir.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. La société fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement est nul et de la condamner à payer à la salariée diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, d'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents et à titre d'indemnité légale de licenciement, alors :
« 1° / qu'il résulte des articles L. 1152-2, L. 1152-3 et L. 1154-1 du code du travail que lorsque les faits invoqués dans la lettre de licenciement caractérisent une cause réelle et sérieuse de licenciement, il appartient au salarié de démontrer qu'il a été licencié pour avoir subi ou refusé de subir des agissements de harcèlement moral et que, dans le cas contraire, il appartient à l'employeur de démontrer l'absence de lien entre le harcèlement moral et son licenciement ; que pour prononcer la nullité du licenciement, la cour d'appel s'est bornée à affirmer que le licenciement pour faute grave était intervenu dans un contexte de harcèlement moral ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si les motifs énoncés par la lettre de licenciement pour caractériser la faute grave étaient établis par l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-2, L. 1152-3 et L. 1154-1 du code du travail ;
2° / que l'annulation d'un licenciement en raison du harcèlement moral dont un salarié a fait l'objet ne peut être prononcée que s'il est établi que le salarié a été licencié pour avoir subi ou refusé de subir de tels agissements ; qu'en se bornant à affirmer que le licenciement pour faute grave était intervenu dans un contexte de harcèlement moral pour le déclarer nul, sans caractériser que la salariée avait été licenciée pour avoir subi ou refusé de subir un harcèlement, le cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1152-2, dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-954 du 6 août 2012, et L. 1152-3 du code du travail :
6. Selon le premier de ces textes, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
7. Aux termes du second, toute rupture de contrat de travail intervenue en méconnaissance des articles L. 1152-1 et L. 1152-2 du code du travail, toute disposition ou tout acte contraire est nul.
8. Pour prononcer la nullité du licenciement, l'arrêt retient que le harcèlement moral est établi et qu'en application de l'article L. 1152-3 du code du travail, le licenciement pour faute grave, intervenu dans ce contexte, est nul.
9. En se déterminant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la lettre de licenciement ne faisait pas mention d'une dénonciation de faits de harcèlement moral, sans caractériser le fait que la salariée avait été licenciée pour avoir subi ou refusé de subir un harcèlement moral, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Portée et conséquences de la cassation
10. La cassation des chefs de dispositif disant le licenciement nul et condamnant la société Entreprise Guy Challancin à payer à Mme [H] la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant la société Entreprise Guy Challancin aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celle-ci et non remises en cause, à savoir la condamnation de l'employeur à payer la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral.




Soc. 6 mai 2025 n° 23-23.054

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 6 mai 2025



Rejet

M. BARINCOU, conseiller le plus ancien faisant fonction de président


Arrêt n° 427 F-D

Pourvois n° F 23-23.051 G 23-23.053 J 23-23.054 JONCTION


Aide juridictionnelle totale en défense au profit de M. [T]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 12 février 2024.
Aide juridictionnelle partielle en défense au profit de Mme [O]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 2 juillet 2024.



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 MAI 2025
La société Carrefour proximité France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5], a formé les pourvois n° F 23-23.051, G 23-23.053 et J 23-23.054 contre trois arrêts rendus le 28 septembre 2023 par la cour d'appel de Caen (1re chambre sociale), dans les litiges l'opposant respectivement :
1°/ à Mme [R] [Z], domiciliée [Adresse 3],
2°/ à M. [S] [T], domicilié [Adresse 2],
3°/ à Mme [X] [V], épouse [O], domiciliée [Adresse 4],
4°/ à France travail, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommé Pôle emploi,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de ses recours, un moyen commun de cassation.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de Mme Brinet, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Carrefour proximité France, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [T] et de Mme [O], après débats en l'audience publique du 25 mars 2025 où étaient présents M. Barincou, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Brinet, conseiller rapporteur, Mme Prieur, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° F 23-23.051, G 23-23.053 et J 23-23.054 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon les arrêts attaqués (Caen, 28 septembre 2023), Mmes [Z] et [O] et M. [T], salariés de la société Carrefour proximité France (la société), ont été licenciés pour motif économique dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) validé le 21 juin 2018.
3. Contestant leur licenciement, ils ont saisi la juridiction prud'homale pour obtenir des dommages-intérêts.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. La société fait grief aux arrêts de la condamner à payer à chaque salarié des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors :
« 1°/ que l'employeur satisfait à son obligation de reclassement en proposant au salarié les postes disponibles les plus proches par leur niveau de qualification et de rémunération et par leur localisation de l'emploi qu'il occupait, peu important qu'il ne lui ait pas proposé tous les postes disponibles, y compris de catégorie inférieure et plus éloignés de son domicile ; qu'en l'espèce, l'accord collectif majoritaire portant plan de sauvegarde de l'emploi du 25 avril 2018 prévoyait que la société Carrefour proximité France proposera à chaque salarié au moins deux offres de reclassement au sein du groupe, en privilégiant les postes situés au sein de l'établissement le plus proche de son domicile ; que la société Carrefour proximité France justifiait que, conformément à cet engagement, elle avait proposé aux salariés deux offres individuelles de reclassement sur des postes de même catégorie ou de catégorie équivalente à ceux qu'ils occupaient, avec un salaire équivalent voire supérieur, et que ces postes étaient situés dans l'établissement le plus proche de leur domicile ; qu'en refusant de se prononcer sur le sérieux de ces offres de reclassement, au motif erroné que ''la seule présentation de deux offres ne suffit pas à établir le respect de l'obligation de reclassement lequel suppose que l'employeur ait proposé l'ensemble des postes disponibles dans une époque contemporaine de la notification du licenciement'', la cour d'appel a violé l'article L. 1233-4 du code du travail dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017, ensemble le chapitre 7 de l'accord collectif majoritaire du 25 avril 2018 portant plan de sauvegarde de l'emploi ;
2°/ que la recherche, par l'employeur, des possibilités de reclassement adaptées aux compétences des salariés menacés de licenciement n'exige pas nécessairement qu'il interroge chacune des entreprises du groupe sur les postes disponibles en leur sein ; que lorsque le groupe est doté d'un outil qui recense l'ensemble des postes disponibles dans le groupe, l'employeur peut utiliser cet outil pour identifier les possibilités de reclassement, procéder à une recherche des postes adaptés aux compétences du salarié et justifier du respect de son obligation de reclassement ; qu'en l'espèce, la société Carrefour proximité France soutenait que le groupe Carrefour, qui compte plusieurs dizaines de filiales et emploie environ 105 000 salariés en France, a mis en place une bourse de l'emploi en ligne appelée ''enviedebouger'', qui recense l'ensemble des emplois vacants dans les différentes entités du groupe en France et que cet outil était le plus adapté pour collecter en temps réel l'ensemble des emplois disponibles en France en vue du reclassement ; qu'elle justifiait que l'utilisation de cet outil avait permis d'identifier 1 848 emplois disponibles au jour de la conclusion de l'accord majoritaire portant plan de sauvegarde de l'emploi et d'actualiser ensuite régulièrement cette liste, en produisant à titre d'exemple la liste des postes issue de cet outil à la date des 2 et 6 juillet 2018 sur laquelle figurait 3 127 postes et qu'à partir de cet outil, dans lequel figurait les principales caractéristiques des emplois disponibles, elle avait ainsi pu proposer à chaque salarié deux offres de reclassement portant sur des emplois équivalents à celui qu'il occupait et situé dans l'établissement le plus proche de son domicile ; qu'en considérant cependant que la société Carrefour proximité France ne pouvait, pour justifier du sérieux de ses recherches de reclassement, se fonder sur la liste des postes publiée sur le site ''enviedebouger'', ''sans que soient connues les conditions de publication des postes sur cette liste et d'établissement de cette liste'', la cour d'appel s'est fondée sur un motif impropre pour refuser à l'employeur la faculté de faire appel à un tel dispositif pour rechercher et justifier des possibilités de reclassement existant dans le groupe, en violation de l'article L. 1233-4 du code du travail ;
3°/ que la recherche, par l'employeur, des possibilités de reclassement adaptées aux compétences des salariés menacés de licenciement n'exige pas nécessairement qu'il interroge chacune des entreprises du groupe sur les postes disponibles en leur sein ; que lorsque le groupe est doté d'un outil qui recense l'ensemble des postes disponibles dans le groupe, l'employeur peut utiliser cet outil pour identifier les possibilités de reclassement, procéder à une recherche des postes adaptés aux compétences du salarié et justifier du respect de son obligation de reclassement ; qu'en retenant encore, pour refuser d'examiner la suffisance des recherches de reclassement au regard des listes de postes issues du site ''enviedebouger'', que la production de cette liste ''n'est pas accompagnée d'une interrogation des sociétés du groupe'', la cour d'appel a ajouter à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, en violation de l'article L. 1233-4 du code du travail ;
4°/ que selon l'article L. 1233-4 du code du travail dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017, l'employeur peut soit adresser au salarié des offres de reclassement personnalisées, soit diffuser par tout moyen la liste des postes disponibles à l'ensemble des salariés ; qu'il en résulte que l'employeur peut compléter les offres de reclassement personnalisées soumises au salarié, en l'invitant à consulter, pour le surplus, la liste des postes disponibles, régulièrement mise à jour, auprès de la cellule chargée du reclassement ou sur un site internet dédié ; qu'en l'espèce, il était prévu, dans le plan de sauvegarde de l'emploi, que la liste des postes disponibles au sein du groupe sera portée à la connaissance des salariés de l'entreprise par voie d'affichage ou par le biais de l'Espace Information Conseil puis l'Espace Mobilité et Compétences ; qu'en outre, l'employeur avait rappelé au salarié, sur les offres individuelles de reclassement, qu'il avait la possibilité de prendre connaissance de la liste intégrale des postes ouverts au reclassement interne au sein du groupe en France auprès de l'Espace Mobilité et Compétences ainsi que sur le site ''enviedebouger'' ; qu'en retenant encore, pour dire que l'exposante ne démontrait pas avoir satisfait à son obligation de reclassement, que la liste des postes disponibles issue du site ''enviedebouger'' n'était pas contemporaine au licenciement, sans rechercher si les salariés n'avaient pas pu avoir accès à cette liste actualisée pendant toute la période de reclassement pour vérifier si d'autres postes que ceux proposés étaient susceptibles de leur convenir, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail. »
Réponse de la Cour
5. Selon l'article D. 1233-2-1, III, du code du travail, en cas de diffusion d'une liste des offres de reclassement interne, celle-ci comprend, les postes disponibles situés sur le territoire national dans l'entreprise et les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie et précise les critères de départage entre salariés en cas de candidatures multiples sur un même poste, ainsi que le délai dont dispose le salarié pour présenter sa candidature écrite.
6. D'abord, les arrêts retiennent que, si aux termes du PSE, la société s'engageait à proposer à chaque salarié directement concerné par le projet de licenciement au moins deux solutions de reclassement au sein du groupe, la seule présentation de deux offres ne suffit pas à établir le respect de l'obligation de reclassement, lequel suppose que l'employeur ait proposé l'ensemble des postes disponibles dans une époque contemporaine de la notification du licenciement, puis relèvent que, pour justifier n'avoir adressé que deux propositions de postes de reclassement à chaque salarié, la société se fonde sur une liste de postes publiée sur le site « enviedebouger », bourse d'emploi de l'entreprise sur laquelle figureraient l'ensemble des postes vacants en France.
7. Ensuite, les arrêts retiennent que la liste produite est datée du 2 juillet 2018 et ne saurait en conséquence refléter l'état des postes disponibles dans une époque contemporaine des licenciements, notifiés près d'un an plus tard.
8. En l'état de ces énonciations, constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a fait ressortir que la bourse aux emplois dont se prévalait l'employeur ne répondait pas aux dispositions de l'article D. 1233-2-1 du code du travail et qui n'était pas tenue d'effectuer une recherche que ses constatations rendaient inopérantes, a pu en déduire que l'employeur n'avait pas satisfait à son obligation de reclassement.
9. Le moyen, qui critique des motifs surabondants en sa troisième branche, n'est donc pas fondé.




Soc. 6 mai 2025 n° 24-12.492

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 6 mai 2025



Cassation

M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 485 F-D
Pourvoi n° Z 24-12.492
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 MAI 2025
La société Spie Batignolles génie civil, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Z 24-12.492 contre l'arrêt rendu le 6 février 2024 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant à M. [B] [V], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Arsac, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Spie Batignolles génie civil, de la SCP Françoise Fabiani - François Pinatel, avocat de M. [V], après débats en l'audience publique du 26 mars 2025 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Arsac, conseiller référendaire rapporteur, Mme Ott, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 6 février 2024), M. [V] a été engagé en qualité de technicien de chantier par la société Spie Batignolles selon contrat à durée indéterminée du 1er août 1990. Son contrat de travail a ensuite été transféré à la société Spie Batignolles TP, devenue depuis Spie Batignolles génie civil.
2. Le 11 février 2010, le salarié a signé avec la société Infra services et ingénierie, filiale suisse du groupe Spie Batignolles, un contrat de travail à durée indéterminée pour exercer les fonctions d'ingénieur études de prix.
3. Le 8 juillet 2019, la société Infra services et ingénierie a annoncé verbalement au salarié la fin prochaine de son contrat d'engagement en Suisse.
4. Le 8 août suivant, le salarié a été convoqué par la société Spie Batignolles génie civil en vue de l'organisation de son retour en France.
5. Durant le mois de septembre 2019, le salarié a été informé que le contrat conclu avec la filiale suisse prendrait fin le 31 octobre suivant.
6. Le 26 septembre 2019, le salarié a conclu un contrat de travail avec une société concurrente, la prise de fonctions étant fixée au 1er novembre 2019.
7. Par lettre du 17 octobre 2019, la société Spie Batignolles génie civil lui a présenté une proposition de poste en qualité de chargé d'études de prix à [Localité 3], que le salarié a refusée.
8. Par lettre du 16 décembre 2019, la société Spie Batignolles génie civil lui a notifié son licenciement pour faute grave, lui reprochant de ne pas s'être présenté sur son lieu de travail depuis le 18 novembre 2019.
9. Par requête du 12 mai 2020, le salarié a saisi la juridiction prud'homale afin que soit constatée l'exécution déloyale du contrat de travail et que le licenciement soit jugé sans cause réelle et sérieuse.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses première et quatrième branches, et sur le second moyen, pris en sa première branche, réunis
Enoncé du moyen
10. Par son premier moyen, la société Spie Batignolles génie civil fait grief à l'arrêt de dire qu'elle a manqué à son obligation de loyauté à l'égard du salarié et que le licenciement qu'elle a notifié à ce dernier le 16 décembre 2019 était sans cause réelle et sérieuse, de la condamner en conséquence à payer au salarié certaines sommes à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de loyauté, à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, d'indemnité de préavis, à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de la débouter de ses demandes reconventionnelles en paiement d'une indemnité de préavis et en paiement du salaire versé pendant la période du 1er au 17 novembre 2019, alors :
« 1°/ que les obligations de rapatriement et de réintégration qui pèsent sur la société mère en application des dispositions de l'article L. 1231-5 du code du travail naissent de la rupture du contrat de travail qui liait le salarié à la filiale étrangère et s'apprécient à la date de cette rupture ; qu'il ressort des constatations de l'arrêt attaqué que la société mère française a reçu le salarié en entretien pour évoquer les conditions de son rapatriement dès le 8 août 2019, peu après l'annonce de la fin prochaine de sa mission en Suisse prévue pour le 31 octobre 2019, que la rupture du contrat de travail avec la filiale est finalement intervenue le 29 septembre 2019 et qu'une proposition précise d'emploi au titre de sa réintégration a été faite au salarié le 17 octobre 2019 tandis que ce dernier avait d'ores et déjà signé un nouvel engagement contractuel avec une société tierce dès le 26 septembre 2019, soit avant la rupture effective du contrat qui le liait à la filiale suisse de la société ; qu'en jugeant néanmoins que la société avait manqué à son obligation de loyauté en ne formulant officiellement de proposition de poste que par courrier du 17 octobre 2019, après la rupture du contrat de travail avec la filiale Suisse, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 1221-1, L. 1222-1 et L. 1231-5 du code du travail ;
4°/ que lorsqu'un salarié engagé par une société mère a été mis à la disposition d'une filiale étrangère et qu'un contrat de travail a été conclu avec cette dernière, la société mère assure son rapatriement en cas de licenciement par la filiale et lui procure un nouvel emploi compatible avec l'importance de ses précédentes fonctions en son sein ; que la nature du poste offert pour la réintégration du salarié comme la rémunération qui lui est attachée ne peuvent être appréciées qu'eu égard aux fonctions exercées et à la rémunération perçue par l'intéressé avant son expatriation et sa mise à disposition, non eu égard à la situation qui était la sienne durant la période de mise à disposition ; qu'en jugeant que la société n'avait fait aucune offre sérieuse de réintégration au motif qu'aucun élément du dossier ne permet d'apprécier dans quelle mesure le niveau de salaire acquis par le salarié au sein de la société Suisse avait été pris en compte dans l'offre adressée au salarié, la cour d'appel a ajouté aux obligations légale de la société mère employeur un élément qu'elles ne comportent pas et a violé les dispositions des articles L. 1221-1 et L. 1231-5 du code du travail. »
11. Par son second moyen, la société Spie Batignolles génie civil fait à l'arrêt le même grief, alors « que la cour d'appel ne pouvait affirmer que l'employeur avait échoué à démontrer que la démission du salarié présenterait un caractère non équivoque, sans rechercher si la période au cours de laquelle celui-ci avait entrepris de rechercher un nouvel emploi, plusieurs mois avant la fin de sa mission, et la date à laquelle il avait signé un engagement contractuel auprès d'une société suisse étrangère au groupe tandis que la société Spie Batignolles lui avait indiqué être à la recherche d'un emploi lui convenant pour assurer sa réintégration, ne traduisait pas en réalité une volonté non équivoque de mettre fin dans les meilleurs conditions financières à sa relation avec le groupe Spie Batignolles ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 1231-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du premier moyen, pris en sa quatrième branche
12. Le salarié soutient que le moyen est incompatible avec la position adoptée par la société mère devant les juges du fond.
13. Cependant, l'arrêt indique que « l'employeur soutient que la proposition adressée au salarié le 17 octobre 2019 est conforme aux dispositions de l'article L. 1231-5 du code du travail s'agissant d'un emploi compatible avec ses anciennes fonctions ».
14. Le moyen est donc recevable.
Bien fondé des moyens
Vu l'article L. 1231-5 du code du travail :
15. Selon ce texte, lorsqu'un salarié engagé par une société mère a été mis à la disposition d'une filiale étrangère et qu'un contrat de travail a été conclu avec cette dernière, la société mère assure son rapatriement en cas de licenciement par la filiale et lui procure un nouvel emploi compatible avec l'importance de ses précédentes fonctions en son sein.
16. Il en résulte que les obligations de la société mère issues de ce texte naissent de la rupture du contrat de travail avec la filiale.
17. Pour dire que la société Spie Batignolles génie civil n'a pas exécuté loyalement le contrat de travail et juger que le licenciement du salarié est dénué de cause réelle et sérieuse, l'arrêt constate que le salarié avait été informé le 8 juillet 2019 de la fin prochaine de sa mission auprès de la filiale suisse et relève que, bien qu'ayant été reçu en entretien par la société Spie Batignolles génie civil le 8 août 2019 pour évoquer les conditions de son rapatriement en France, le salarié ne s'était vu ensuite présenter aucune proposition de poste avant le 17 octobre 2019 en dépit de courriels adressés à la direction les 21 août, 9 et 16 septembre 2019 et en déduit que, malgré la conclusion d'un nouveau contrat de travail avec une société concurrente le 26 septembre, l'employeur échouait à démontrer que le contrat de travail aurait été antérieurement rompu par l'effet d'une démission du salarié. Il énonce en outre qu'aucun élément versé aux débats ne permet d'apprécier utilement dans quelle mesure le niveau de salaire acquis en Suisse par le salarié a été pris en compte par la société au regard de la différence du coût de la vie entre la Suisse et la France tel qu'elle l'allègue et qu'il ne saurait être reproché au salarié aucun abus dans le refus de la proposition de poste du 17 octobre 2019.
18. En statuant ainsi, alors, d'une part, que la société avait reçu le salarié le 8 août 2019 pour évoquer les modalités de son retour en France, que la date de fin de contrat avec la filiale suisse est demeurée inconnue jusqu'au mois de septembre, que le 27 septembre 2019, une convention de « fin de rapport de travail » a été conclue entre le salarié et la filiale avec effet au 31 octobre 2019, ce dont il résultait qu'au 26 septembre, date à laquelle le salarié a conclu un contrat de travail avec une entreprise concurrente, la société n'avait pas manqué aux obligations que lui impose l'article L. 1231-5 du code du travail, et, d'autre part, que l'offre de réintégration doit être compatible avec l'importance, non des fonctions exercées à l'étranger, mais de celles occupées au sein de la société mère, la cour d'appel a violé le texte susvisé.




Soc. 6 mai 2025 n° 24-11.167

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 6 mai 2025



Cassation

M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 481 F-D
Pourvoi n° J 24-11.167



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 MAI 2025
1°/ La société SFR Fibre, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 9],
2°/ la société Completel, société par actions simplifiée,
3°/ la société SFR, société anonyme,
ayant toutes deux leur siège [Adresse 3], [Localité 7],
4°/ la société SRR, société anonyme, dont le siège est [Adresse 15], [Localité 12],
5°/ la société Numergy, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 11],
6°/ la société SMR, dont le siège est [Adresse 5], [Localité 13],
7°/ la société XP Fibre, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 11],
8°/ la société XP Fibre.Cvn, dont le siège est [Adresse 6],
ont formé le pourvoi n° J 24-11.167 contre le jugement rendu le 18 janvier 2024 par le tribunal judiciaire de Paris, dans le litige les opposant :
1°/ à la société Sextant expertise, dont le siège est [Adresse 10], [Localité 8],
2°/ au comité social et économique B2C & fonctions support de l'unité économique et sociale SFR, dont le siège est [Adresse 3], [Localité 7],
défendeurs à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ollivier, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat des sociétés SFR Fibre, Completel, SFR, SRR, Numergy, SMR, XP Fibre et XP Fibre.Cvn, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Sextant expertise et du comité social et économique B2C & fonctions support de l'unité économique et sociale SFR, et l'avis écrit de Mme Canas, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 mars 2025 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ollivier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Ott, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (président du tribunal judiciaire de Paris, 18 janvier 2024), statuant selon la procédure accélérée au fond, et les pièces de la procédure, l'unité économique et sociale SFR (l'UES SFR) se compose des sociétés SFR Fibre, Completel, SFR, SRR, Numergy, SMR, XP Fibre, XP Fibre.Cvn. Elles exercent principalement une activité d'opérateur de téléphonie mobile et appartiennent au pôle télécom du groupe Altice France, composante du groupe Altice.
2. Au sein de l'UES SFR, la représentation du personnel est assurée par un comité social et économique central et six comités sociaux et économiques. Le comité social et économique B2C et fonctions support (le CSE B2C et FS) représente les salariés attachés aux directions exécutives grand public, ressources humaines, financière, juridique et secrétariat général, exécutive contenus acquisitions et partenariat, des six sociétés situées en métropole.
3. En 2016, le groupe Altice a annoncé son projet de création d'un pôle relation client dédié en dehors du pôle télécom et a acquis, à cette fin, le groupe Intelcia.
4. Le 28 septembre 2023, l'UES SFR a transmis au CSE B2C et FS un document d'informations relatif à un projet de transfert de l'activité assurance de la société SFR à la société Intelcia France appartenant au groupe Intelcia et l'a convoqué à une réunion extraordinaire fixée au 4 octobre 2023 dans le cadre d'une procédure d'information-consultation au titre des dispositions du 2° de l'article L. 2312-8 du code du travail.
5. A l'issue de la réunion du 4 octobre 2023, le CSE B2C et FS a décidé de désigner la société Sextant expertise pour l'accompagner dans le cadre de cette consultation en application des dispositions de l'article L. 2315-94 du code du travail.
6. Le 7 octobre 2023, la société Sextant expertise a adressé à la direction de l'UES un projet de lettre de mission estimant le coût prévisionnel de son intervention.
7. Le 12 octobre 2023, l'UES SFR a assigné le CSE B2C et FS ainsi que la société Sextant expertise selon la procédure accélérée au fond devant le président du tribunal judiciaire de Paris à l'audience du 21 décembre 2023 afin de contester la nécessité de l'expertise et, subsidiairement, son étendue et son coût prévisionnel.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches
Enoncé du moyen
8. Les sociétés composant l'UES SFR font grief au jugement de les débouter de leur demande d'annulation de la délibération du CSE B2C et FS du 4 octobre 2023 désignant la société Sextant expertise, alors :
« 1°/ que selon l'article L. 2315-94, 2°, du code du travail, le comité social et économique (CSE) peut faire appel à un expert habilité en cas d'introduction de nouvelles technologies ou de ''projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail'', prévus au 4° du II de l'article L. 2312-8 ; que ne constitue pas un projet important celui qui reste sans effet sur les contrats de travail, le statut collectif, le lieu d'exécution des contrats de travail et l'organisation du travail ; qu'en l'espèce, le tribunal a constaté que ''le transfert des contrats de travail, conséquence de la réorganisation envisagée, n'aura pas d'effet immédiat sur les contrats de travail et le statut collectif. Le document de présentation du projet précise par ailleurs que ce transfert n'emportera pas de modification du lieu de travail des salariés concernés, dans la mesure où les locaux situés [Adresse 4] à [Localité 14] seront loués à Intelcia France, ni de modification dans l'organisation du travail de l'équipe'' ; qu'en n'ayant pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait que le projet et ses impacts sur les conditions de travail des 24 salariés concernés ne justifiaient pas le recours à une expertise, le tribunal a violé l'article L. 2315-94 2° du code du travail ;
3°/ que selon l'article L. 2315-94, 2°, du code du travail, le CSE peut faire appel à un expert habilité, en cas d'introduction de nouvelles technologies ou de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, prévus au 4° du II de l'article L. 2312-8 ; que l'importance du projet, qui est appréciée à la date à laquelle le recours à l'expertise est voté, implique que les modifications soient certaines et non hypothétiques ; que le CSE doit identifier de façon précise et concrète les modifications importantes découlant du transfert des contrats de travail en application de l'article L. 1224-1 du code du travail et qui ne résultent pas de la seule application de ce texte ; qu'en l'espèce, en se fondant sur les circonstances qu'un changement d'employeur comporte ''en germe une modification des conditions de travail'', que les salariés concernés ''n'ont aucune garantie quant au maintien de leur lieu de travail à Chartres, qui n'est pas un site de la société Intelcia, et de leurs missions actuelles, dédiées à la clientèle SFR'', et que le statut collectif ''sera effectivement mis en cause à terme par le transfert, dans les conditions fixées par les dispositions de l'article L. 2261-14 du code du travail'', lesquelles étaient inopérantes pour caractériser, au 4 octobre 2023, date de la délibération du CSE ayant voté le recours à un expert, un projet important modifiant de manière certaine les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail des 24 salariés concernés, ce qui ne pouvait résulter de la seule application de l'article L. 1224-1, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2315-94, 2°, du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 2312-8, II, 2° et 4°, et L. 2315-94 du code du travail :
9. Selon l'article L. 2312-8, II, du code du travail, le comité social et économique est informé et consulté sur les questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise, notamment, 2°, sur la modification de son organisation économique ou juridique et, 4°, sur l'introduction de nouvelles technologies, tout aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail.
10. Selon l'article L. 2315-94, 2°, du code du travail, le comité social et économique peut faire appel à un expert habilité en cas d'introduction de nouvelles technologies ou de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, prévus au 4° du II de l'article L. 2312-8.
11. Il en résulte qu'il n'y a pas un droit général à l'expertise, laquelle ne peut être décidée que lorsque les conditions visées à l'article L. 2315-94 du code du travail sont réunies.
12. Pour débouter les sociétés composant l'UES SFR de leur demande d'annulation de la délibération du 4 octobre 2023, le jugement retient que le transfert des contrats de travail de vingt-quatre salariés, conséquence de la réorganisation envisagée, n'aura pas d'effet immédiat sur les contrats de travail et le statut collectif, que ce transfert n'emportera pas de modification du lieu de travail des salariés concernés, dans la mesure où les locaux situés à [Localité 14] seront loués à Intelcia France, ni de modification dans l'organisation du travail de l'équipe. Il ajoute qu'un changement d'employeur comporte en germe une modification des conditions de travail, le CSE B2C et FS estimant qu'il doit pouvoir s'appuyer sur l'expert qui va recueillir des informations auprès de la société pour compléter le document d'information dès lors que l'employeur ne s'est pas donné la peine de réaliser une étude de l'impact sur la santé des salariés.
13. En statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser au jour de la délibération litigieuse le droit du comité social et économique de recourir à un expert, alors qu'elle avait constaté l'absence de modification des conditions de santé et de sécurité ou des conditions de travail à la date de la délibération litigieuse, ce dont il résultait que le projet consistant dans le transfert des contrats de travail de vingt-quatre salariés au sein d'une autre société du groupe ne pouvait être qualifié de projet important au sens de l'article L. 2315-94, 2°, du code du travail justifiant le recours à une expertise, la cour d'appel a violé les textes susvisés.




Soc. 6 mai 2025 n° 23-21.955

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 6 mai 2025



Rejet

M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 470 F-D
Pourvoi n° Q 23-21.955



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 MAI 2025
Le CSE de l'UES Resort Barrière d'[Localité 4], dont le siège est Société touristique et thermale d'[Localité 4], [Adresse 1], [Localité 4], a formé le pourvoi n° Q 23-21.955 contre le jugement rendu selon la procédure accélérée au fond le 20 octobre 2023 par le président du tribunal judiciaire de Pontoise, dans le litige l'opposant :
1°/ à la Société touristique et thermale d'[Localité 4], société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 4],
2°/ à la société Pavlac, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], [Localité 4],
3°/ à la société Immobilière et d'exploitation de l'hôtel du Lac, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 4],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Dieu, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat du CSE de l'UES Resort Barrière d'[Localité 4], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la Société touristique et thermale d'[Localité 4], de la société Pavlac, de la société Immobilière et d'exploitation de l'hôtel du Lac, après débats en l'audience publique du 26 mars 2025 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Dieu, conseiller rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (président du tribunal judiciaire de Pontoise, 20 octobre 2023), statuant selon la procédure accélérée au fond, par délibération du 30 mai 2023, le comité social et économique de l'unité économique et sociale (UES) « Resort Barrière d'[Localité 4] » (le comité) a décidé de recourir à une expertise pour risque grave.
2. Par acte du 9 juin 2023, les trois sociétés composant l'UES (la Société touristique et thermale d'[Localité 4], la société Pavlac et la société Immobilière et d'exploitation de l'hôtel du Lac) ont saisi le président du tribunal judiciaire d'une demande d'annulation de cette délibération.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses troisième, quatrième et cinquième branches
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en ses première, deuxième, sixième, septième et huitième branches
Enoncé du moyen
4. Le comité fait grief au jugement d'annuler sa délibération du 30 mai 2023 en ce qu'elle prévoit la désignation d'un expert pour risque grave, alors :
« 1°/ que, tenus de motiver leur décision, les juges du fond ne peuvent procéder par voie de simple affirmation générale ; que pour annuler la délibération du 30 mai 2023 du CSE de l'UES Resort Barrière décidant de recourir à une expertise pour risque grave, le tribunal judiciaire s'est borné à énoncer que les griefs formulés dans la première partie de la résolution alternent des reproches précis et des reproches plus généraux en ajoutant que les seuls faits précis invoqués sont isolés et sans lien entre eux alors que de nombreux autres faits sont supposés ou allégués sans être démontrés, tout en déclarant que certains des éléments produits aux débats interrogent sur la qualité du dialogue social et que l'existence d'un ou plusieurs risques ne peut être totalement écartée ; qu'en statuant par de telles considérations générales, sans préciser quels reproches lui semblaient empreints de trop de généralité, quels étaient les faits jugés isolés, supposés ou non démontrés et les risques dont il retenait au contraire l'existence, le tribunal judiciaire, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans avoir examiné, même de façon sommaire, tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leur prétentions ; qu'en retenant que le comité social et économique était défaillant dans la preuve d'un risque grave, identifié et actuel concernant soit un service particulier, soit une problématique commune à tous les salariés, sans examiner, ni analyser même sommairement, l'ensemble des pièces produites par le comité et visées dans ses conclusions pour caractériser l'existence d'un tel risque et, en particulier, les attestations émanant des représentants du personnel établissant l'existence des effets délétères sur la santé des salariés de la dégradation des conditions de travail au sein des trois établissement de l'UES, découlant entre autres de la situation de sous-effectifs entraînant une surcharge de travail comme des modifications des horaires de nuit et des graves carences en matière de sécurité, ainsi que les comptes-rendus de réunions des représentants du personnel au cours desquelles étaient souvent évoquées la question de la nécessaire évaluation des risques psychosociaux préconisée depuis plusieurs années par les DUERP et celle de la sécurité du personnel, notamment du casino, constamment exposé à des agressions verbales, voire physiques, situation générant un risque pour les salariés expressément reconnu par la direction et s'avérant une préoccupation majeure pour les intéressés, et, encore, le "registre des incivilités" versé aux débats rapportant les nombreux incidents de sécurité survenus au cours de l'année en cours, le tribunal judiciaire a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
6°/ que le comité social et économique peut faire appel à un expert lorsqu'un risque grave, identifié et actuel est constaté dans l'établissement ; que le tribunal judiciaire a constaté que "certains indicateurs (absentéisme, accidents du travail, taux de sortie des effectifs) ont pu faire l'objet d'une augmentation récente parfois importante" ; qu'en se bornant à relever, pour estimer que cette situation ne constituait pas un risque grave, que ces augmentations faisaient suite à une baisse sur la période précédente, sans rechercher si, comme le reconnaissait l'employeur, cette diminution de l'absentéisme, des arrêts de travail et des accidents du travail pour la période 2020-2021 ne résultait pas seulement du placement en activité partielle de la quasi-totalité des salariés sur une longue période pendant la crise sanitaire liée au covid et si l'importance, dans tous les établissements, de l'augmentation des absences pour maladie et de l'allongement de leur durée, ainsi que du nombre, de la fréquence et de la gravité des accidents du taux de travail entre la période 2018-2019 et la période 2021-2022 n'était pas révélatrice, avec l'existence d'un "turn-over" important constaté dans l'entreprise, d'une forte dégradation de la santé et des conditions de travail des salariés caractérisant l'existence d'un risque grave, le tribunal judiciaire a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2315-94 du code du travail ;
7°/ que le comité social et économique peut faire appel à un expert lorsqu'un risque grave, identifié et actuel est constaté dans l'établissement ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que "certains indicateurs (absentéisme, accidents du travail, taux de sortie des effectifs) ont pu faire l'objet d'une augmentation récente parfois importante", le tribunal a relevé, pour écarter cependant comme insuffisants à caractériser l'existence d'un risque grave les trois indicateurs précités, que le comité échoue à démontrer que les taux actuels sont manifestement supérieurs aux taux constatés dans les autres entreprises du même secteur d'activité ; qu'en statuant par ce motif inopérant, il a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2315-94 du code du travail ;
8°/ que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; que le comité social et économique faisait valoir devant le tribunal que non seulement la direction de l'UES Resort Barriere ne mettait en oeuvre aucune mesure effective et efficace de prévention des risques psychosociaux en dépit des nombreuses interpellations des représentants du personnel au sujet de l'insécurité régnant sur le site comme de la souffrance au travail des salariés et de ses propres déclarations, mais qu'elle se refusait également, depuis plusieurs années, à suivre les préconisations de la médecine du travail et du bureau d'études chargé d'établir les DUERP rappelant la nécessité de procéder à une évaluation spécifique des risques psychosociaux ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen déterminant des conclusions du comité, dont se déduisait de plus fort l'existence d'un risque identifié et actuel pesant sur la santé et la sécurité du personnel, le tribunal judiciaire n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »



Réponse de la Cour
5. Selon l'article L. 2315-94, 1°, du code du travail, le comité social et économique peut faire appel à un expert habilité dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat lorsqu'un risque grave, identifié et actuel, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l'établissement.
6. Il incombe au comité social et économique dont la délibération ordonnant une expertise en application de l'article L. 2315-94, 1°, du code du travail est contestée, de démontrer l'existence d'un risque grave, identifié et actuel, dans l'établissement.
7. Ayant relevé que la délibération litigieuse faisait état de reproches généraux ou de faits isolés sans lien entre eux, le président du tribunal judiciaire, qui n'était tenu ni de s'expliquer sur les pièces qu'il décidait d'écarter, ni de suivre le comité dans le détail de son argumentation, et qui a constaté, appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, que le comité ne rapportait pas la preuve de l'existence d'un risque grave, identifié et actuel, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision.




Soc. 6 mai 2025 n° 23-14.978

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 6 mai 2025



Cassation partielle

Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 435 F-D
Pourvoi n° F 23-14.978



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 MAI 2025
M. [Y] [W], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° F 23-14.978 contre l'arrêt rendu le 19 janvier 2023 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-4), dans le litige l'opposant à la société Citya Baie des Anges, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommée société Tordo - TSM immogestion, exerçant sous l'enseigne Citya Tordo, défenderesse à la cassation.
La société Citya Baie des Anges a formé un pourvoi incident.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Seguy, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de M. [W], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Citya Baie des Anges, après débats en l'audience publique du 25 mars 2025 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Seguy, conseiller rapporteur, M. Redon, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3 alinéa 2 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 19 janvier 2023), M. [W] a été engagé en qualité de directeur, le 13 janvier 2014, par la société Tordo-TSM immogestion, exerçant sous l'enseigne Citya Tordo, devenue la société Citya Baie des Anges.
2. Licencié pour faute grave par lettre du 27 octobre 2017, il a saisi la juridiction prud'homale d'une contestation de son licenciement, de demandes en paiement de diverses sommes subséquentes ainsi que de demandes en nullité ou en inopposabilité de la clause de non-concurrence.
Examen des moyens
Sur les premier et second moyens du pourvoi principal du salarié
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le troisième moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
4. Le salarié fait grief à l'arrêt de juger que la clause de non-concurrence est valable et de le débouter de l'intégralité de ses demandes, alors :
« 1°/ qu'une contrepartie financière dérisoire de la clause de non-concurrence équivaut à une absence de contrepartie rendant la clause nulle ; qu'est dérisoire la contrepartie financière fixée à 15 % de la rémunération brute d'un salarié directeur d'agence, statut cadre, lorsque la clause de non-concurrence a une durée de deux ans et porte sur un secteur géographique très large, étendu aux ''départements de province ou aux arrondissements de [Localité 4] sur lesquels le salarié sera amené à intervenir'' ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a admis que le montant de la contrepartie financière était ''certes modeste pour un cadre'' avant de considérer que ''si la contrepartie financière apparaît modeste au regard du statut de cadre du salarié, elle demeure proportionnée aux restrictions géographiques limitées apportées à la liberté de travail'' ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 1121-1 du code du travail ;
2°/ qu'est nulle la clause de non-concurrence qui est imprécise quant à sa limitation géographique et qui ne permet pas au salarié, au moment de la conclusion du contrat de travail, de connaître le secteur réellement protégé ; qu'au cas présent, la clause de non-concurrence contenue dans le contrat de travail du salarié s'étendait aux ''départements de province ou aux arrondissements de [Localité 4] sur lesquels le salarié sera ramené à intervenir'' ; qu'une telle clause ne permettait pas au salarié de connaître le secteur réellement protégé au moment de la conclusion de son contrat de travail ; qu'en jugeant au contraire que la clause était ''claire, précise, et le secteur géographique auquel elle est limitée est aisément déterminable, dès qu'elle s'étend aux départements de province ou aux arrondissements de [Localité 4] sur lesquels le salarié sera amené à intervenir et qu'elle se retrouve ainsi limitée au périmètre d'activité du salarié'', tandis que le salarié n'était pas en mesure, en présence d'une telle clause, de connaître, à la date de la signature de son contrat de travail, le secteur qui sera à l'avenir automatiquement intégré et protégé par ladite clause, la cour d'appel a violé l'article 1121-1 du code du travail ;
3°/ qu'est nulle la clause de non-concurrence qui est imprécise quant à sa limitation géographique ; qu'est imprécise et nulle la clause de non-concurrence qui s'étend aux ''départements de province ou aux arrondissements de [Localité 4] sur lesquels le salarié sera amené à intervenir'' et qui doit être interprétée ; qu'en l'espèce, à supposer que les motifs des premiers juges aient été adoptés, la cour d'appel a énoncé que ''la clause est bien limitée dans le temps : 2 ans et dans l'espace : les Alpes maritimes car la société Tordo ayant son siège à [Localité 3], [le salarié] n'est intervenu que dans le département des Alpes maritimes. L'essentiel étant que la limitation géographique soit déterminable (?) Le conseil étant souverain dans l'appréciation des faits, considère que la contrepartie financière n'est pas dérisoire car la clause de non-concurrence du salarié s'applique sur un seul département et non pas plusieurs'' ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a interprété la clause de non-concurrence pour en déduire qu'elle ne s'appliquait que sur un seul département ; qu'en écartant pourtant la nullité de la clause de non-concurrence, tandis que cette dernière n'était pas claire et précise et devait être interprétée quant à sa délimitation géographique, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1121-1 du code du travail ;
4°/ que nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ; qu'est nulle la clause de non-concurrence qui est imprécise et a pour effet de mettre le salarié dans l'impossibilité d'exercer une activité normale conforme à son expérience professionnelle ; qu'en l'espèce, le salarié faisait valoir qu'il avait toujours travaillé dans le secteur de l'immobilier et exerçait depuis plus de 10 ans comme directeur, de sorte que la clause lui interdisait de travailler dans un emploi conforme à sa formation et à ses connaissances ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme il lui était demandé, si la clause de non-concurrence était illicite car disproportionnée en ce qu'elle empêchait le salarié de travailler dans un emploi conforme à sa formation et à ses connaissances, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1121-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
5. Une clause de non-concurrence n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, est limitée dans le temps et dans l'espace, tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives.
6. Sous le couvert de griefs non fondés de manque de base légale et de violation de la loi, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation par la cour d'appel de la valeur et de la portée des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, dont elle a déduit que la clause de non-concurrence figurant dans le contrat de travail ne faisait pas obstacle à l'exercice d'une activité professionnelle par le salarié, que la contrepartie financière prévue n'était pas dérisoire et était proportionnée à la mesure de l'interdiction et qu'elle était justifiée tant par ses limites géographique et temporelle que par la nécessité de protéger les intérêts de l'entreprise.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le moyen du pourvoi incident de l'employeur, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
8. La société fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de dommages-intérêts pour concurrence déloyale, alors « que la société fondait son action principalement sur la clause de non-concurrence et subsidiairement -pour le cas où la clause aurait été jugée illicite comme le demandait le salarié- sur le droit commun de la concurrence déloyale ; qu'après avoir jugé que la clause de non-concurrence était licite, la cour d'appel avait l'obligation de s'assurer qu'elle n'a pas été violée par le salarié postérieurement à la rupture de son contrat de travail comme l'affirmait la société ; qu'en déboutant la société de sa demande au motif qu'elle n'était pas fondée sur la violation de la clause de non-concurrence la cour d'appel a méconnu l'objet de la demande tel qu'il résultait des prétentions de la société, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ». Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code de procédure civile :
9. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
10. Pour débouter la société de sa demande de dommages-intérêts pour concurrence déloyale, l'arrêt retient que, s'il est établi que le salarié a, postérieurement à la rupture du contrat de travail, commis un acte de démarchage, au profit d'une entreprise concurrente, d'une copropriété gérée par son ancien employeur, ce dernier n'a pas fondé sa demande dirigée contre son ancien salarié sur la violation de la clause de non-concurrence contenue dans le contrat de travail.
11. En statuant ainsi, alors que l'employeur faisait valoir que le salarié avait violé sa clause de non-concurrence puisqu'il avait concurrencé immédiatement la société Tordo sur [Localité 3] en travaillant pour le compte de la société CDS Gestion, la cour d'appel a violé le texte susvisé.




Soc. 6 mai 2025 n° 23-23.972

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 6 mai 2025



Cassation partielle

M. BARINCOU, conseiller le plus ancien faisant fonction de président


Arrêt n° 446 F-D
Pourvoi n° H 23-23.972

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 MAI 2025
1°/ Mme [T] [W], domiciliée [Adresse 2],
2°/ le syndicat Union des travailleurs guyanais (UTG), dont le siège est [Adresse 3],
ont formé le pourvoi n° H 23-23.972 contre l'arrêt rendu le 7 juillet 2023 par la cour d'appel de Cayenne (chambre sociale), dans le litige les opposant à l'association L'Ebène, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Barincou, conseiller, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [W], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'association L'Ebène, après débats en l'audience publique du 25 mars 2025 où étaient présents M. Barincou, conseiller le plus ancien faisant fonction de président et rapporteur, Mme Brinet, conseiller, M. Carillon, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Thuillier, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte au syndicat Union des travailleurs guyanais (UTG) du désistement de son pourvoi.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Cayenne, 7 juillet 2023) et les productions, Mme [W] a été engagée, en qualité d'aide médico-psychologique, à compter du 1er août 1997, par l'association L'Ebène.
3. Le 15 février 2017, son employeur lui a notifié une mise à pied.
4. Par lettre du 22 février 2017, la salariée a été convoquée à un entretien préalable, fixé au 8 mars 2017 puis, par lettre du 8 mars 2017, cet entretien a été reporté au 20 mars 2017.
5. Contestant son licenciement, prononcé pour faute grave par lettre du 23 mars 2017, la salariée a saisi la juridiction prud'homale. Le syndicat UTG est intervenu volontairement à l'instance.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
6. La salariée fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement est légitime en ce qu'il repose sur l'existence d'une faute grave et de la débouter de ses demandes à titre de rappel des salaires afférents à la mise à pied conservatoire, d'indemnité légale de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « qu'une mise à pied qui n'est pas suivie immédiatement de l'engagement d'une procédure de licenciement présente un caractère disciplinaire ; que le salarié ne peut être sanctionné deux fois pour les mêmes faits ; qu'en l'espèce, il était constant et non contesté que le 15 février, la salariée s'était vu notifier oralement une mise à pied conservatoire, confirmée par lettre datée du 16 février et remise en mains propres le février, que cette notification avait été suivie d'une première convocation à un entretien préalable datée du 22 février pour le 8 mars, puis, d'une seconde convocation datée du 8 mars pour un entretien préalable fixé au 20 mars ; qu'en retenant que le licenciement du 23 mars reposait sur une faute grave, sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si la mise à pied notifiée sept jours avant la première convocation à un entretien préalable, annulée par l'employeur, et vingt et un jours avant la seconde convocation ne présentait pas un caractère disciplinaire, nonobstant sa qualification de mise à pied conservatoire, et par conséquent, si la salariée n'avait pas été sanctionnée deux fois pour les mêmes faits, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1332-1 et L. 1332-3 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1331-1 du code du travail :
7. Il résulte de ce texte qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à double sanction.
8. Pour rejeter les demandes indemnitaires fondées sur l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, l'arrêt relève que la salariée ne conteste pas les faits qui lui sont reprochés puis retient qu'il s'agit d'actes graves qui ont permis de justifier à la fois une mise à pied immédiate, par procédure orale en raison de l'urgence de la situation puis confirmée par lettre, et qu'ils caractérisent à eux seuls l'existence d'une faute grave.
9. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la procédure de licenciement avait été engagée, au plus tôt, sept jours après la notification de la mise à pied et qu'elle n'avait retenu aucun motif de nature à justifier ce délai, en sorte que cette mesure présentait le caractère d'une sanction disciplinaire et que l'employeur ne pouvait ensuite décider, à raison des mêmes faits, le licenciement de l'intéressée, la cour d'appel a violé le texte susvisé.




Soc. 6 mai 2025 n° 23-19.214

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 6 mai 2025



Cassation

Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 458 F-D
Pourvoi n° K 23-19.214



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 MAI 2025
La société [J] assurances, société à responsabilité limitée à associé unique, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° K 23-19.214 contre l'arrêt rendu le 5 mai 2023 par la cour d'appel de Bourges (chambre sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [C] [S], domiciliée [Adresse 1],
2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Seguy, conseiller, les observations de la SAS Boucard-Maman-Capron, avocat de la société [J] assurances, de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de Mme [S], après débats en l'audience publique du 25 mars 2025 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Seguy, conseiller rapporteur, Mme Panetta, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bourges, 5 mai 2023), Mme [S] a été engagée en qualité de collaboratrice d'agence, à compter du 10 décembre 2010, par son époux, M. [J], agent d'assurances. Son contrat de travail a été transféré le 1er janvier 2018 à la société [J] assurances (la société).
2. Licenciée pour faute grave par lettre du 11 juin 2020, elle a saisi la juridiction prud'homale d'une contestation de la rupture de son contrat de travail.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses trois premières branches
Enoncé du moyen
3. La société fait grief à l'arrêt de juger le licenciement de la salariée dépourvu de cause réelle et sérieuse, de la condamner en conséquence à lui payer diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, d'indemnité légale de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de lui ordonner, en application de l'article L. 1235-4 du code du travail, de rembourser à Pôle emploi des indemnités de chômage payées à la salariée à la suite de son licenciement, dans la limite de trois mois et de lui remettre, dans un délai de trente jours à compter de sa signification, un bulletin de salaire, un certificat de travail et une attestation destinée à Pôle emploi conformes, alors :
« 1°/ que si la lettre de licenciement doit comporter l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur, la datation, dans la lettre de licenciement, des faits invoqués par l'employeur pour justifier le licenciement n'est pas nécessaire pour que la lettre de licenciement satisfasse à l'exigence de motivation posée par la loi ; qu'en énonçant, par conséquent, pour dire le licenciement de la salariée sans cause réelle et sérieuse et pour, en conséquence, condamner la société [J] assurances à lui payer diverses sommes et à remettre différents documents à la salariée et lui ordonner de rembourser à Pôle emploi des indemnités de chômage payées à la salariée, que les faits reprochés à celle-ci dans la lettre de licenciement n'étaient pas datés, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 1232-6 du code du travail ;
2°/ que la lettre de licenciement satisfait à l'exigence de motivation posée par la loi dès lors qu'elle comporte l'énoncé de motifs matériellement vérifiables et suffisamment précis pour être discutés devant les juges du fond ; qu'en énonçant, dès lors, pour dire le licenciement de la salariée était sans cause réelle et sérieuse et pour, en conséquence, condamner la société [J] assurances à lui payer diverses sommes et à remettre différents documents à la salariée et lui ordonner de rembourser à Pôle emploi des indemnités de chômage payées à la salariée, que les faits reprochés à celle-ci dans la lettre de licenciement n'étaient ni précis, ni circonstanciés, dès lors que la lettre de licenciement était rédigée en des termes particulièrement vagues, de sorte qu'ils n'étaient pas matériellement vérifiables, quand elle retenait que la société [J] assurances avait reproché à la salariée, dans la lettre de licenciement, d'avoir dénigré régulièrement la société [J] assurances ainsi que son gérant, d'avoir demandé à l'une de ses collègues de mentir sur son heure d'arrivée au travail, d'avoir contesté régulièrement avec agressivité les décisions prises par son employeur, notamment lorsqu'elle avait été placée en chômage partiel et n'avait pas participé à une formation, de s'être à ces occasions violemment emportée et d'avoir adopté un comportement agressif et contestataire et quand il en résultait que la lettre de licenciement énonçait des griefs matériellement vérifiables et suffisamment précis pour être discutés devant les juges du fond et satisfaisait à l'exigence de motivation posée par la loi, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 1232-6 du code du travail ;
3°/ que la lettre de licenciement satisfait à l'exigence de motivation posée par la loi dès lors qu'elle comporte l'énoncé de motifs matériellement vérifiables et suffisamment précis pour être discutés devant les juges du fond ; que, dans un tel cas, l'employeur est en droit, en cas de contestation, d'invoquer toutes les circonstances de fait permettant de justifier les motifs énoncés dans la lettre de licenciement et il incombe au juge de se prononcer sur les éléments avancés par l'employeur pour justifier ces motifs ; qu'en énonçant, pour dire que le licenciement de la salariée était sans cause réelle et sérieuse et pour, en conséquence, condamner la société [J] assurances à lui payer diverses sommes et à remettre différents documents à la salariée et lui ordonner de rembourser à Pôle emploi des indemnités de chômage payées à la salariée, que le fait pour celle-ci d'avoir contesté l'application du dispositif de chômage partiel relevait de l'exercice de son droit d'expression dont seul un usage abusif pouvait être sanctionné et que les termes agressifs avec lesquels la salariée aurait critiqué l'application à son égard de ce dispositif n'étant pas même mentionnés dans la lettre de licenciement, aucun manquement ne se trouvait caractérisé, sans rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée par la société [J] assurances, si la salariée n'avait pas contesté avec agressivité son placement en chômage partiel en raison de la crise sanitaire, en écrivant, dans un message électronique en date du 20 mars 2020 qu'elle avait adressé à son employeur : ''je pense sérieusement à faire un blog de femme désespérée mise en chômage technique par son futur ex-mari entourée d'ados drogués ? je pense que je vais avoir du succès et ça sera mieux que de tourner en rond dans TA maison'', quand il lui appartenait de procéder à cette recherche, dès lors qu'elle relevait que, dans la lettre de licenciement, la société [J] assurances avait formulé le grief, qui était suffisamment précis et matériellement vérifiable, d'avoir contesté avec agressivité la décision prise par son employeur de la placer en chômage partiel, peu important que les propos tenus par la salariée n'eussent pas été mentionnés dans la lettre de licenciement, et dès lors que la société [J] assurances avançaient ces éléments pour justifier ce motif de licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles L. 1232-6 et L. 1235-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1232-6 du code du travail :
4. Il résulte de ce texte que si la lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables, la datation des faits invoqués n'est pas nécessaire et l'employeur est en droit, en cas de contestation, d'invoquer toutes les circonstances de fait qui permettent de justifier ces motifs.
5. Pour condamner l'employeur à payer à la salariée des indemnités de rupture et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt constate, d'abord, que la lettre de licenciement fait état de griefs tirés du dénigrement de l'entreprise et de son dirigeant de façon régulière par l'intéressée, du fait que celle-ci avait demandé à une collègue de travail de mentir sur ses heures d'arrivée au bureau, de sa contestation agressive des décisions de l'employeur, notamment lorsqu'il lui avait indiqué qu'elle était placée en chômage partiel en raison de la crise sanitaire et que, à la différence d'une autre collaboratrice, elle ne bénéficierait pas d'une formation.
6. Il retient, ensuite, que ces faits n'étaient pas datés ni circonstanciés, étaient formulés en termes particulièrement vagues et ne constituaient pas des motifs précis et matériellement vérifiables de licenciement.
7. Il ajoute, enfin, que la contestation du dispositif de chômage partiel relevait de l'exercice par la salariée de son droit d'expression dont seul un usage abusif pouvait être sanctionné et que les termes agressifs qu'il lui était reproché d'avoir employés à cette occasion n'étaient pas mentionnés dans la lettre de licenciement.
8. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la lettre de licenciement énonçait des griefs précis et matériellement vérifiables pouvant être discutés devant les juges du fond, la cour d'appel, à laquelle il appartenait de vérifier le caractère réel et sérieux du licenciement, a violé le texte susvisé.




Crim. 6 mai 2025 n° 24-85.675

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° W 24-85.675 F-D
N° 00547

ECF 6 MAI 2025

REJET

M. BONNAL président,




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 6 MAI 2025

M. [M] [N] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nîmes, en date du 13 septembre 2024, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'infractions aux législations sur les stupéfiants et sur les armes, association de malfaiteurs et non-justification de ressources, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure.
Par ordonnance du 9 décembre 2024, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Thomas, conseiller, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de M. [M] [N], et les conclusions de Mme Caby, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Thomas, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Pinna, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Un policier affecté au commissariat de police d'[Localité 1] (84) se trouvant dans sa commune de résidence à [Localité 2] (30) en dehors de ses heures de service a assisté, sur la voie publique, au transfert d'une arme du coffre d'un véhicule vers celui d'un autre véhicule puis entendu l'un des véhicules partir en trombe. Revenant un peu plus tard, il a ouvert le coffre de celui demeuré sur place, senti une forte odeur de stupéfiants, extrait du véhicule l'arme aperçue ainsi que des sacs de stupéfiants et des téléphones et a rapporté le tout chez lui dans un sac. De là, il a appelé la gendarmerie, qui a procédé à une perquisition du véhicule et du sac et a pris sa déposition.
3. M. [M] [N], titulaire du certificat d'immatriculation du véhicule, a été mis en examen des chefs susvisés le 5 avril 2024.
4. Le 17 juin suivant, il a déposé une requête en annulation des actes du policier à l'origine de la procédure.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en annulation d'actes de M. [N], tendant notamment à l'annulation de tous les actes d'enquête et de tous les actes subséquents, alors :
« 1°/ que le fonctionnaire de police qui, en dehors de tout cadre de travail et de sa propre initiative, ouvre le coffre d'un véhicule stationné sur la voie publique et s'empare des objets qu'il contient, est considéré comme étant en service et agissant dans le cadre de ses fonctions ; que de telles opérations constituent alors une fouille, assimilable à une perquisition, qui, sauf si un texte l'autorise expressément, ne peut être réalisée, par ou sous le contrôle d'un officier de police judiciaire, qu'avec l'assentiment du propriétaire ou du conducteur du véhicule ; qu'en refusant pourtant de qualifier de fouille, assimilable à une perquisition, et de les annuler, les actes du fonctionnaire de police [L] ¿ dont il n'a au demeurant pas été constaté qu'il était officier de police judiciaire ¿, qui, en dehors de ses fonctions, de sa propre initiative, sans le propriétaire ni le conducteur du véhicule, ni aucun témoin, avait ouvert le coffre d'un véhicule et s'était emparé des objets qu'il contenait, notamment par la considération que de tels actes étaient ceux d'un « simple citoyen », la chambre de l'instruction a violé les articles 19 du décret n° 95-654 du 9 mai 1995 et R. 434-19 du code de la sécurité intérieure, ensemble les articles 56 et 78-2-3 du code de procédure pénale et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2°/ en toute hypothèse, que l'ingérence dans la vie privée qui résulte de l'ouverture et de la fouille d'un véhicule doit être prévue par la loi et constituer une mesure qui, dans une société démocratique, poursuit un but légitime ; qu'aucune disposition légale n'autorise les particuliers à rechercher et constater des infractions, en procédant de leur propre chef à l'ouverture et à la fouille de véhicules et à l'appréhension des objets qu'ils contiennent ; qu'en refusant d'annuler les actes d'enquête litigieux, après avoir pourtant relevé que monsieur [L], comme « simple citoyen » ayant suspecté une infraction, avait, avant d'alerter les gendarmes, ouvert le coffre d'un véhicule, s'était emparé des objets qu'il contenait et les avait rapportés chez lui, la cour d'appel a violé les articles 14, 56 et 78-2-3 du code de procédure pénale et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
3°/ en outre, que constitue une atteinte au principe de loyauté de la preuve le stratagème employé par un agent de l'autorité publique qui, par un contournement ou un détournement d'une règle de procédure, a pour objet ou pour effet de vicier la recherche de la preuve en portant atteinte à l'un des droits essentiels ou à l'une des garanties fondamentales de la personne suspectée ou poursuivie ; que le comportement consistant, pour un service enquêteur, à interroger un fonctionnaire de police pour relater des faits qu'il a pu constater dans le cadre d'une fouille et d'une saisie réalisées hors de tout cadre légal participe d'un contournement des règles de la procédure pénale qui porte atteinte aux garanties les plus fondamentales de la personne suspectée ou poursuivie ; qu'en jugeant le contraire et en retenant que l'audition de monsieur [L] ¿ qui, avant de prévenir la gendarmerie, en dehors de tout cadre de travail et de sa propre initiative, avait ouvert le coffre du véhicule et appréhendé les objets supposément infractionnels qu'il contenait ¿ avait été régulièrement réalisée dans le cadre de l'article 61 du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction a violé le principe de loyauté de la preuve et l'article 61 du code de procédure pénale, ensemble l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
6. Pour rejeter le moyen de nullité des actes par lesquels un policier a retiré du coffre d'un véhicule en stationnement une arme, des stupéfiants et des téléphones avant de prévenir la gendarmerie et de lui remettre ces objets, l'arrêt attaqué énonce que ce policier, qui se trouvait hors service et hors circonscription, a agi en simple citoyen, en dehors de tout cadre d'enquête.
7. En l'état de ces seules énonciations, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application des textes visés au moyen, pour les motifs qui suivent.
8. En premier lieu, le policier en cause, qui a agi d'initiative en dehors de ses heures de service, ne saurait avoir agi en sa qualité dès lors qu'il se trouvait en dehors de sa circonscription de compétence et ne pouvait effectuer des actes de sa fonction. Il n'y a pas lieu, de ce fait, de rechercher si les actes qu'il a accomplis étaient conformes aux textes de procédure pénale qui s'imposent aux officiers et agents de police judiciaire pour la recherche et la constatation des infractions et la poursuite de leurs auteurs.
9. En deuxième lieu, en application de l'article 427 du code de procédure pénale, les moyens de preuve produits par les personnes autres que les agents de l'autorité publique agissant en cette qualité sont recevables quand bien même ils auraient été obtenus de manière illicite ou déloyale, en dehors des prévisions de la loi et au mépris du caractère de lieu privé d'un véhicule.
10. En troisième lieu, de tels moyens de preuve produits par les particuliers ne constituent pas des actes ou pièces de la procédure susceptibles d'annulation. En conséquence, l'audition du policier en cause qui a procédé au retrait des objets du véhicule suspect et à leur remise aux enquêteurs ne saurait constituer un stratagème de ceux-ci tendant à se prémunir contre l'annulation de ces actes.
11. Le moyen doit, dès lors, être écarté.
12. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.




Soc. 6 mai 2025 n° 23-24.024

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 6 mai 2025



Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 467 F-D
Pourvoi n° P 23-24.024


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 MAI 2025
Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la plateforme de préparation et de distribution du courrier de [Localité 3] Nord 92, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 23-24.024 contre le jugement rendu selon la procédure accélérée au fond le 22 décembre 2023 par le président du tribunal judiciaire de Nanterre, dans le litige l'opposant à la société La Poste, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Sommé, conseiller, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la plateforme de préparation et de distribution du courrier de [Localité 3] Nord 92, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société La Poste, après débats en l'audience publique du 26 mars 2025 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Sommé, conseiller rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (président du tribunal judiciaire de Nanterre, 22 décembre 2023), statuant selon la procédure accélérée au fond, la nouvelle gamme courrier de la société La Poste (La Poste) a été présentée le 15 novembre 2022 au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la plateforme de préparation et de distribution du courrier de [Localité 3] Nord 92 (le comité). Le même jour, le comité a décidé de recourir à une expertise pour projet important au sens de l'article L. 4614-12, 2°, du code du travail.
2. Par acte du 30 novembre 2022, La Poste a saisi le président du tribunal judiciaire d'une demande d'annulation de la délibération du 15 novembre 2022.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. Le comité fait grief au jugement d'annuler la délibération du 15 novembre 2022 par laquelle il a désigné un expert pour l'assister dans l'analyse de la mise en place de la nouvelle gamme courrier, alors « que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail peut faire appel à un expert agréé en cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, prévu à l'article L. 4612-8-1 du code du travail ; qu'en l'espèce, pour annuler la délibération du 15 novembre 2022 décidant de recourir à une expertise au titre d'un projet important, le président du tribunal judiciaire, après avoir relevé "qu'il ressort effectivement du support de présentation susmentionné que la mise en place de la nouvelle gamme conduit à un "étalement des flux à distribuer" par les postiers et à l'augmentation du "groupage (sic.) des objets à chaque point de remise", a néanmoins considéré que "le principe suivant lequel l'adaptation des tournées des facteurs à l'évolution des flux traités en amont par les plateformes industrielles du courrier est mis en oeuvre depuis l'année 2017", ce dont il a déduit que "la seule circonstance que la mise en place de la nouvelle gamme ait une incidence à ce titre ne saurait, en tant que telle, caractériser une modification substantielle de l'organisation et des conditions de travail des facteurs" ; qu'en se déterminant ainsi, cependant qu'il ressort tant des pièces du dossier que des écritures des parties que c'est la généralisation de la distribution pilotée, laquelle existe depuis l'année 2017, à compter du 1er janvier 2023, qui a permis l'étalement des flux, mis en oeuvre à cette même date, lequel modifie en profondeur les tournées des facteurs et caractérise un projet important, le président du tribunal judiciaire a violé l'article L. 4614-12, 2°, du code du travail, demeuré applicable à La Poste. »
Réponse de la Cour
4. Vu les articles L. 4612-8-1 et L. 4614-12, 2°, du code du travail demeurés applicables à La Poste :
5. Aux termes du premier de ces textes, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est consulté avant toute décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail et, notamment, avant toute transformation importante des postes de travail découlant de la modification de l'outillage, d'un changement de produit ou de l'organisation du travail, avant toute modification des cadences et des normes de productivité liées ou non à la rémunération du travail.
6. Selon le second, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail peut faire appel à un expert agréé en cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, prévu à l'article L. 4612-8-1.
7. Pour annuler la délibération litigieuse, le jugement retient que s'il ressort du support de présentation de La Poste que la mise en place de la nouvelle gamme courrier conduit à un étalement des flux à distribuer par les postiers et à l'augmentation du groupage des objets à chaque point de remise, il résulte des pièces produites par La Poste que le principe suivant lequel l'adaptation des tournées des facteurs à l'évolution des flux traités en amont par les plateformes industrielles du courrier est mis en oeuvre depuis l'année 2017 et que, dès lors, la seule circonstance que la mise en place de la nouvelle gamme courrier ait une incidence à ce titre ne saurait, en tant que telle, caractériser une modification de l'organisation et des conditions de travail des facteurs.
8. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il était soutenu, si la généralisation de la distribution pilotée, à compter du 1er janvier 2023, permettant un étalement des flux mis en oeuvre à cette date, modifiait de manière significative les conditions de travail des facteurs, le président du tribunal judiciaire n'a pas donné de base légale à sa décision.
Portée et conséquences de la cassation
9. La cassation du chef de dispositif annulant la délibération du comité du 15 novembre 2022 décidant de recourir à une expertise emporte celle du chef de dispositif laissant à la charge de chaque partie la charge de ses propres dépens mais n'emporte pas celle du chef de dispositif condamnant La Poste au paiement d'une somme en application de l'article L. 4614-13 du code du travail.




Soc. 6 mai 2025 n° 24-12.249

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC. / ELECT
CZ


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 6 mai 2025



Rejet

M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 474 F-D
Pourvoi n° K 24-12.249



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 MAI 2025
La société Electricité de France, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° K 24-12.249 contre le jugement rendu le 12 février 2024 par le tribunal judiciaire de Tours (contentieux des élections professionnelles), dans le litige l'opposant :
1°/ au syndicat national UNSA énergie, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à M. [B] [U], domicilié [Adresse 4],
3°/ à la fédération nationale CFE-CGC énergies, dont le siège est [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lanoue, conseiller référendaire, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de la société Electricité de France, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat du syndicat national UNSA énergie et de M. [U], et l'avis de Mme Laulom, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 mars 2025 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lanoue, conseiller référendaire rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Tours, 12 février 2024), la société EDF (la société) a organisé courant novembre 2023 les élections de la délégation du personnel au comité social et économique (CSE) au sein de ses quarante-huit établissements distincts.
2. Les élections se sont déroulées du 6 au 13 novembre (premier tour) et du 23 au 27 novembre 2023 (second tour).
3. Dans l'établissement Centre nucléaire de production d'électricité de [Localité 5], qui compte au moins cinq cents salariés, le syndicat UNSA énergie (le syndicat UNSA) a déposé au premier tour une liste de candidats en son nom propre pour le premier collège.
4. Pour le deuxième et le troisième collèges, le syndicat UNSA et le syndicat CFE-CGC énergies (le syndicat CFE-CGC) ont présenté des listes communes de candidats en application d'un accord d'entente électorale conclu le 12 octobre 2023 prévoyant le dépôt de listes communes dans les deuxième et troisième collèges sous le nom « Alliance CFE-CGC UNSA énergies », les parties déterminant, d'un commun accord, que la répartition des suffrages s'opérerait à concurrence de 60 % en faveur du syndicat CFE-CGC et 40 % au bénéfice du syndicat UNSA.
5. Le syndicat UNSA a obtenu un élu titulaire dans le premier collège et la liste commune trois sièges de titulaires dans le deuxième collège et trois sièges dans le troisième collège.
6. Le 5 décembre 2023, le syndicat UNSA a informé la société de la désignation sur le périmètre de l'établissement de M. [U] en qualité de délégué syndical supplémentaire.
7. La société a saisi le tribunal judiciaire en annulation de cette désignation.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
8. La société fait grief au jugement de déclarer régulière la désignation de M. [U] en qualité de délégué syndical supplémentaire UNSA au sein de l'établissement distinct du Centre nucléaire de production d'électricité de [Localité 5], alors « qu'un syndicat ayant constitué une liste commune pour les élections au comité social et économique ne peut procéder à la désignation d'un délégué syndical supplémentaire que s'il réunit à lui seul l'ensemble des conditions posées à l'article L. 2143-4 du code du travail, sans préjudice de la possibilité pour les syndicats ayant constitué cette liste commune de désigner ensemble un délégué syndical supplémentaire ; que le scrutin est de liste à deux tours avec représentation proportionnelle à la plus forte moyenne, les candidats étant proclamés élus dans l'ordre de leur présentation, sauf à ce que l'un d'eux ait été raturé dans les proportions suffisantes pour être exclu de l'élection ; qu'en l'absence d'identification de l'appartenance syndicale des salariés figurant sur la liste commune, il n'est pas possible d'apprécier si l'un des syndicat composant cette liste remplit à lui seul les conditions posées par l'article L. 2143-4 du code du travail pour désigner un délégué syndical supplémentaire, notamment la condition relative à l'obtention d'un élu dans tel collège dans lequel il a constitué cette liste commune avec une autre organisation syndicale ; que le tribunal, qui a considéré qu'il pouvait être satisfait à cette condition en calculant le nombre d'élus obtenus par chacun des syndicat ayant constitué la liste commune sur la base indiquée par les organisations syndicales concernées lors du dépôt de la liste, a par la même méconnu les dispositions des articles L. 2143-4 et L.2314-29 du code du travail. »
Réponse de la Cour
9. Aux termes de l'article L. 2143-4, alinéa 1, du code du travail, dans les entreprises d'au moins cinq cents salariés, tout syndicat représentatif dans l'entreprise peut désigner un délégué syndical supplémentaire s'il a obtenu un ou plusieurs élus dans le collège des ouvriers et employés lors de l'élection du comité social et économique et s'il compte au moins un élu dans l'un des deux autres collèges.
10. Lorsque plusieurs syndicats ont constitué une liste commune aux élections du comité social et économique, chacun d'eux peut procéder à la désignation d'un délégué syndical supplémentaire dès lors qu'il remplit à lui seul l'ensemble de ces conditions, sans préjudice de la possibilité pour les syndicats ayant constitué une liste commune de désigner ensemble un délégué syndical supplémentaire.
11. Le nombre d'élus obtenu par chaque organisation syndicale s'apprécie sur la base indiquée par les organisations syndicales concernées lors du dépôt de leur liste commune et, à défaut, par parts égales entre les organisations concernées.
12. L'indication de la base de répartition permettant de déterminer le nombre d'élus de chaque syndicat peut également résulter de la mention sur la liste de candidature présentée aux électeurs, pour chacun des candidats de la liste commune, de leur appartenance à l'un ou l'autre des syndicats de la liste.
13. Il en résulte que lorsqu'une clé de répartition a été indiquée lors du dépôt de la liste, elle sert de base au calcul du nombre d'élus obtenu par chaque syndicat composant la liste commune.
14. Le tribunal judiciaire, qui a constaté que l'accord d'entente électorale communiqué lors du dépôt de la liste commune prévoyait une répartition de 40 % des suffrages exprimés pour le syndicat UNSA et que la liste commune avait obtenu trois élus au sein du deuxième collège et trois élus dans le troisième collège, en a déduit à bon droit qu'il résultait de l'application de cette clé de répartition que le syndicat UNSA satisfaisait à la condition requise par l'article L. 2143-4, alinéa 1, du code du travail.
15. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.




Soc. 6 mai 2025 n° 24-17.928

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC. / ELECT
CZ


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 6 mai 2025



Rejet

M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 471 F-D
Pourvoi n° G 24-17.928



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 MAI 2025
La société SNF, société anonyme à conseil d'administration, dont le siège est [Adresse 12], a formé le pourvoi n° G 24-17.928 contre le jugement rendu le 9 juillet 2024 par le tribunal judiciaire de Saint-Etienne (contentieux des élections professionnelles), dans le litige l'opposant :
1°/ à la Direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités Auvergne Rhône-Alpes, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à M. [N] [H], domicilié [Adresse 2], en qualité de délégué syndical de la CFE-CGC,
3°/ à M. [T] [P], domicilié [Adresse 3], en qualité de délégué syndical de la CFE-CGC,
4°/ à M. [Y] [J], domicilié [Adresse 8], en qualité de délégué syndical de la CGT,
5°/ à M. [W] [C], domicilié [Adresse 10], en qualité de délégué syndical de la CGT,
6°/ à M. [I] [S], domicilié [Adresse 5], en qualité de représentant du syndicat CFTC,
7°/ à M. [E] [M], domicilié [Adresse 6], en qualité de délégué syndical de la CFDT,
8°/ à M. [R] [G], domicilié [Adresse 4], en qualité de délégué syndical de la CFDT,
9°/ à M. [V] [F], domicilié [Adresse 7], en qualité de délégué syndical de l'UNSA,
10°/ à M. [D] [K], domicilié [Adresse 9], en qualité de délégué syndical de l'UNSA,
11°/ à Mme [L] [Z], domiciliée [Adresse 11], en qualité de représentante du syndicat Force ouvrière,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Dieu, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société SNF, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de MM. [J], [C], [M] et [G], après débats en l'audience publique du 26 mars 2025 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Dieu, conseiller rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Saint-Etienne, 9 juillet 2024), par lettre du 11 juillet 2023, la société SNF (la société) a informé les syndicats de l'entreprise (CFE-CGC, CGT, FO, CFDT, UNSA et CFTC) de l'organisation des élections au comité social et économique de la société et les a invités à négocier le protocole préélectoral.
2. En l'absence d'accord, la société a saisi, le 17 août 2023, le Directeur régional de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités Auvergne-Rhône-Alpes (le Dreets), afin qu'il fixe la répartition du personnel et des sièges entre les collèges électoraux pour les élections du comité social et économique. Le silence gardé par l'administration sur cette demande a fait naître une décision implicite de rejet.
3. La société a saisi le tribunal judiciaire, le 3 novembre 2023, d'une demande tendant à l'annulation de cette décision et à la fixation de la répartition du personnel et des sièges entre les collèges électoraux.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. La société fait grief au jugement de confirmer la décision implicite de rejet du Dreets portant sur le protocole d'accord préélectoral en vue de la mise en place de son comité social et économique et sur la répartition des sièges entre les différentes catégories de personnel et la répartition du personnel dans les collèges électoraux, et de la renvoyer à négocier le protocole d'accord préélectoral en vue de la mise en place de son comité social et économique, alors :
« 1°/ qu'il appartient au tribunal saisi, faute d'accord préélectoral, en application de l'article L. 2314-13 du code du travail, d'une demande visant à répartir les sièges entre les différentes catégories de personnel et le personnel dans les collèges électoraux, d'effectuer cette répartition en s'appuyant sur les pièces fournies par l'employeur ou, le cas échéant, de demander la production de justificatifs complémentaires ; qu'en rejetant la demande de l'employeur et en le renvoyant à négocier le protocole préélectoral, le tribunal a méconnu son office et violé l'article 4 du code civil, ensemble les articles L. 2314-13 et R. 2314-3 du code du travail ;
2°/ que chaque partie doit rapporter la preuve de ce qu'elle allègue ; que l'employeur ayant établi qu'il avait invité les syndicats à négocier le protocole préélectoral et la répartition des sièges entre les différentes catégories de personnel et du personnel dans les collèges électoraux, que deux réunions s'étaient tenues et qu'aucun accord n'avait pu être trouvé, il revenait aux organisations syndicales d'établir que, comme elles le soutenaient, la négociation n'avait pas été menée loyalement ; qu'en faisant peser sur l'employeur la charge de la "réalité" et de la loyauté de la négociation, le tribunal a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1353 du code civil ;
3°/ que les jugements doivent être motivés ; que les juges doivent viser et analyser les pièces sur lesquelles ils fondent leur décision ; que le tribunal ne pouvait donc affirmer que l'employeur pouvait se voir reprocher des "agissements déloyaux", sans viser ni analyser les éléments de preuve desquels cette constatation était tirée ; qu'il a ainsi violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
5. Aux termes de l'article L. 2314-13, alinéas 1 et 3, du code du travail, la répartition des sièges entre les différentes catégories de personnel et la répartition du personnel dans les collèges électoraux font l'objet d'un accord entre l'employeur et les organisations syndicales conclu selon les conditions de l'article L. 2314-6. Lorsque au moins une organisation syndicale a répondu à l'invitation à négocier de l'employeur et que l'accord mentionné au premier alinéa du présent article ne peut être obtenu, l'autorité administrative décide de cette répartition entre les collèges électoraux. Pour ce faire, elle se conforme soit aux modalités de répartition prévues par l'accord mentionné à l'article L. 2314-12, soit, à défaut d'accord, à celles prévues à l'article L. 2314-11.
6. Il en résulte que ce n'est que lorsque, à l'issue d'une tentative loyale de négociation, un accord préélectoral n'a pu être conclu que l'autorité administrative peut décider de la répartition des sièges et du personnel entre les collèges électoraux.
7. Ayant constaté que le courrier de l'inspecteur du travail du 2 janvier 2024 confortait les déclarations des syndicats CGT et CFDT sur les conditions délétères dans lesquelles se tenaient les réunions de négociation du protocole d'accord préélectoral et sur les agissements déloyaux de l'employeur dénoncés par ceux-ci et que l'employeur, s'il versait aux débats une liste du personnel de l'entreprise et une liste du personnel des entreprises extérieures remplissant les conditions fixées par l'article L. 1111-2 du code du travail ainsi qu'un récapitulatif du calcul des effectifs, ne rapportait pas la preuve d'une réelle négociation sur les effectifs et les classifications des salariés, le tribunal, appréciant souverainement les pièces qui lui étaient soumises et sans inverser la charge de la preuve, a pu retenir que l'employeur avait manqué à son obligation de loyauté dans la négociation du protocole d'accord préélectoral, ce dont il a exactement déduit que la décision de rejet implicite de l'autorité administrative devait être confirmée et que la société devait être renvoyée à la négociation du protocole préélectoral.
8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.




Soc. 6 mai 2025 n° 23-20.077

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 6 mai 2025



Rejet

M. BARINCOU, conseiller le plus ancien faisant fonction de président


Arrêt n° 433 F-D
Pourvoi n° Y 23-20.077



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 MAI 2025
La société Egide, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° Y 23-20.077 contre l'arrêt rendu le 20 juin 2023 par la cour d'appel de Nîmes (5e chambre sociale PH), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [L] [Z], domicilié [Adresse 2],
2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Carillon, conseiller référendaire, les observations de la SCP, Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Egide, de la SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, avocat de M. [Z], après débats en l'audience publique du 25 mars 2025 où étaient présents M. Barincou, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, M. Carillon, conseiller référendaire rapporteur, Mme Brinet, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 20 juin 2023), M. [Z] a été engagé par la société Egide (la société) et, au dernier état de la relation contractuelle, occupait les fonctions de directeur administratif et financier.
2. La société a mené une réorganisation structurelle à compter du premier semestre 2019 et a obtenu un avis favorable du comité d'entreprise le 7 juin 2019.
3. Ayant refusé la proposition de modification de son contrat de travail qui lui avait été faite par lettre du 5 août 2019, le salarié a été convoqué le 10 septembre 2019 à un entretien préalable, fixé au 19 septembre 2019, à la suite duquel il a accepté, le 20 septembre 2019, le contrat de sécurisation professionnelle (CSP) qui lui avait été proposé.
4. La société a adressé au salarié, le 27 septembre 2019, une lettre précisant le motif économique de la rupture puis lui a notifié une « rupture d'un commun accord pour motif économique après acceptation du CSP », le 14 octobre 2019.
5. Contestant la légitimité de la mesure prise à son encontre, le salarié a saisi la juridiction prud'homale en paiement d'indemnités de rupture et de diverses sommes.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses troisième à sixième branches
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches



Enoncé du moyen
7. La société fait grief à l'arrêt de dire que la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, de la condamner à verser au salarié diverses sommes à titre de complément d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, et à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de lui ordonner de rembourser aux organismes concernés tout ou partie des indemnités de chômage payées du jour du licenciement au jour du prononcé de la décision, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage, sous déduction de la contribution prévue à l'article L. 1233-69 du code du travail déjà versée, alors :
« 1°/ que la rupture du contrat de travail résultant de l'acceptation par le salarié d'un contrat de sécurisation professionnelle doit avoir une cause économique réelle et sérieuse ; que l'employeur est en conséquence tenu d'énoncer la cause économique de la rupture du contrat soit dans le document écrit d'information sur ce dispositif remis obligatoirement au salarié concerné par le projet de licenciement, soit dans la lettre qu'il est tenu d'adresser au salarié lorsque le délai de réponse expire après le délai d'envoi de la lettre de licenciement imposé par les articles L. 1233-15 et L. 1233-39 du code du travail, soit encore, lorsqu'il n'est pas possible à l'employeur d'envoyer cette lettre avant l'acceptation par le salarié du contrat de sécurisation professionnelle, dans tout autre document écrit, porté à sa connaissance au plus tard au moment de son acceptation ; que constitue un tel document le courrier adressé par l'employeur au salarié, après la consultation des représentants du personnel sur le projet de licenciement économique, pour lui proposer une modification de son contrat de travail pour motif économique dès lors qu'il est énoncé dans ce courrier le motif économique ; qu'en l'espèce, en retenant que si la société Egide avait adressé à M. [Z] par lettre recommandée avec accusé de réception du 5 août 2019 une proposition de modification de son contrat de travail exposant les motifs économiques à l'origine de cette proposition, pour autant ces motifs économiques n'avaient pas été repris par la suite dans le cadre de la procédure de licenciement et que faute pour l'employeur d'avoir fait connaître par écrit au salarié, avant son acceptation du contrat de sécurisation professionnelle, les motifs conduisant à son licenciement, celui-ci était donc dénué de cause réelle et sérieuse, quand il ressortait de ses constatations que le courrier du 5 août 2019, postérieur à l'avis du comité d'entreprise du 7 juin 2019 sur le projet de réorganisation, mentionnait le motif économique, ce dont il s'évinçait que l'employeur avait satisfait à son obligation d'informer le salarié des motifs de la rupture avant son acceptation du contrat de sécurisation professionnelle le 20 septembre 2019, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-65, L. 1233-66 et L. 1223-67 du code du travail ainsi que l'article 4 de la convention Unédic relative au contrat de sécurisation professionnelle du 26 janvier 2015, agréée par arrêté du 16 avril 2015 ;
2°/ que, lorsque la rupture du contrat de travail résulte de l'acceptation par le salarié d'un contrat de sécurisation professionnelle, le document par lequel l'employeur informe celui-ci du motif économique de la rupture envisagée peut être précisé par l'employeur, soit à son initiative, soit à la demande du salarié, dans le délai de quinze jours suivant l'adhésion de ce dernier au dispositif ; qu'en estimant que les motifs économiques énoncés dans la proposition de modification du contrat de travail n'ayant pas été repris par la suite dans le cadre de la procédure de licenciement et que faute pour l'employeur d'avoir fait connaître par écrit au salarié avant son acceptation du contrat de sécurisation professionnelle les motifs conduisant à son licenciement, celui-ci était dénué de cause réelle et sérieuse, sans rechercher si l'employeur, qui avait déjà énoncé le motif économique dans la proposition de modification du contrat de travail en date du 5 août 2019, n'avait pas ensuite précisé ce motif, par courriers des 27 septembre 2019 et 14 octobre 2019, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-65, L. 1233-66 et L. 1223-67 du code du travail ainsi que l'article 4 de la convention Unédic relative au contrat de sécurisation professionnelle du 26 janvier 2015, agréée par arrêté du 16 avril 2015. »
Réponse de la Cour
8. La rupture du contrat de travail résultant de l'acceptation par le salarié d'un contrat de sécurisation professionnelle doit avoir une cause économique réelle et sérieuse. L'employeur est en conséquence tenu d'énoncer la cause économique de la rupture du contrat dans un écrit remis ou adressé au salarié au cours de la procédure de licenciement et au plus tard au moment de l'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle par le salarié, afin qu'il soit informé des raisons de la rupture lors de son acceptation.
9. La cour d'appel, qui a constaté qu'aucun écrit énonçant la cause économique de la rupture n'avait été remis ou adressé au salarié au cours de la procédure de licenciement, la lettre du 5 août 2019 lui ayant été adressée lors de la procédure spécifique de modification de son contrat de travail, en a exactement déduit, nonobstant l'avis du comité d'entreprise du 7 juin 2019 sur le projet de réorganisation, que l'employeur n'avait pas satisfait à son obligation légale d'informer le salarié du motif économique de la rupture et que son licenciement était sans cause réelle et sérieuse.
10. Le moyen, qui est inopérant en sa deuxième branche, n'est donc pas fondé pour le surplus.






Crim. 6 mai 2025 n° 24-82.372

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° F 24-82.372 F-D
N° 00554

ECF 6 MAI 2025

REJET

M. BONNAL président,




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 6 MAI 2025


M. [X] [T] et la [4], parties civiles, ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre 5-2, en date du 13 mars 2024, qui les a déboutés de leurs demandes après relaxe de M. [P] [U] du chef de diffamation publique envers un particulier.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Hill, conseiller, les observations de la SCP Richard, avocat de M. [X] [T] et de la [4], et les conclusions de Mme Caby, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Hill, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Pinna, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. [P] [U] a été poursuivi du chef de diffamation publique en raison de propos tenus lors du conseil municipal de [Localité 1] (83) le 30 juillet 2020 et publiés sur Facebook le 2 août suivant : « Je vais citer l'exemple [Localité 3] pour vous donner un petit peu le pedigree de cette [4] qui nous pourrait faire peser sur les prochaines années. [Localité 3] ils signent au bout de 6 mois, avant les élections municipales 2013 une convention de renouvellement urbain, dont le Trésor Public, dont tous les services ont dit clairement à la mairie en cours que signer cette convention c'est assurer la mort, la ruine financière de la commune, c'était intenable. La Mairie a été mise en 2014, ils prennent la gestion en 2 ans alors qu'ils devaient, soit-disant, rénover des bâtiments, refaire des places, c'était quelques 17 ou 16 M¿ quand même, ils n'ont rien fait mis à part embaucher du personnel spécifiquement pour cette opération, acheter des bureaux (et encore que les bureaux, ils ont forcé la mairie à leur donner des fonds de commerce pour se loger). Ils ont rien fait. Face à cela, la mairie a voulu retirer. Ils gagnent devant les Tribunaux etc..., à chaque fois c'est la peine. Il faut savoir que c'est une structure, elle est dirigée par un monsieur qui n'hésite pas à utiliser l'argent, donc l'argent des contribuables quelque part, parce que c'est l'argent des communes pour tout, c'est-à-dire qui va vous poursuivre pendant 10, 20, 30 ans jusqu'à votre mort s'il le faut. Ce sont pour moi, pour moi ce sont des brutes financièrement, judiciairement. Moi je dénonce le grand danger de cette [5] qui en plus quand vous avez des soucis avec elle, on s'aperçoit qu'au fur et à mesure au niveau des facturations, voilà, ils n'y vont pas de main morte. Je ne parlerais pas, du moins je ne parlerais pas de Mafia parce que ce serait quand même? voilà? je ne dis pas ce mot, mais je le pense très très fort. Parce qu'aujourd'hui, c'est un petit peu une structure qui est à la croisée entre le politique, parce que c'est un instrument de pouvoir politique, fait par certaines personnes dans une TPM par un Maire qui est Président de Fédération des républicains, voilà?, donc, et qui mélange au niveau technique. Voilà pour moi, aujourd'hui, c'était comme ce qu'était la [2] à l'époque, c'est-à-dire une bonne idée dans le fond mais totalement galvaudée, totalement, on va dire pour forcer le trait, totalement laissée en jachère par des pratiques douteuses. Donc je pense honnêtement que durant ce mandat, il faudra sortir de cette [5] ».
3. Les juges du premier degré ont relaxé M. [U].
4. M. [X] [T] et la [4] ([4] ou [5]) ont relevé appel de cette décision.


Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a jugé qu'aucune faute civile n'était imputable à M. [U] à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite et a, en conséquence, débouté M. [T] et la [5] de leurs demandes tendant à le voir condamner, sous astreinte, à retirer les propos litigieux de son compte Facebook et à publier un communiqué judiciaire en page d'accueil de ce compte, et à le voir condamner à leur payer la somme de 10 000 euros chacun à titre de dommages-intérêts, en réparation de leur préjudice moral, alors :
« 1°/ que toute expression qui contient l'imputation d'un fait précis et déterminé de nature à porter atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne visée constitue une diffamation, même si elle est présentée sous une forme déguisée ou dubitative ou par voie d'insinuation ; que constitue l'imputation d'un fait précis et déterminé, l'insinuation selon laquelle une personne physique ou morale commet des actes pénalement répréhensibles, peu important que leur qualification pénale ne soit pas explicitement formulée ; qu'en décidant que les propos tenus par Monsieur [U], à savoir « Je vais citer l'exemple du Luc pour vous donner un petit peu le pedigree de cette [4] [...] », ils « n'ont rien fait » des « quelques 17 ou 16 M¿ » perçus pour « soit-disant rénover des bâtiments, refaire des places », ne caractérisaient aucune faute civile en ce qu'ils ne contenaient pas d'accusation explicites ou déguisées d'actes illégaux et ne renfermaient l'imputation d'aucun faits vérifiables et susceptibles de faire l'objet d'une preuve dans un débat contradictoire, bien qu'une telle allégation, insinuant que la [4] se livrait à des détournements de fonds publics, ait porté sur un fait précis susceptible de faire l'objet d'une preuve dans un débat contradictoire, lequel était attentatoire à l'honneur et à la considération, la Cour d'appel a violé l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 ;
2°/ que toute expression qui contient l'imputation d'un fait précis et déterminé de nature à porter atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne visée constitue une diffamation, même si elle est présentée sous une forme déguisée ou dubitative ou par voie d'insinuation ; que constitue l'imputation d'un fait précis et déterminé, l'insinuation selon laquelle une personne physique ou morale commet des actes pénalement répréhensibles, peu important que leur qualification pénale ne soit pas explicitement formulée ; qu'en décidant que les propos tenus par Monsieur [U], à savoir « c'est une structure, elle est dirigée par un monsieur qui n'hésite pas à utiliser l'argent, donc c'est l'argent des contribuables quelque part, parce que c'est l'argent des communes » ne révélaient aucune accusation de détournement de fonds publics et ne contenaient aucune imputation précise et vérifiable, bien qu'une telle allégation, insinuant que Monsieur [T], Directeur Général de la [4], se livrait à des détournements de fonds publics, ait portée sur un fait précis susceptible de faire l'objet d'une preuve dans un débat contradictoire, lequel était attentatoire à l'honneur et à la considération, la Cour d"appel a violé l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 ;
3°/ que toute expression qui contient l'imputation d'un fait précis et déterminé de nature à porter atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne visée constitue une diffamation, même si elle est présentée sous une forme déguisée ou dubitative ou par voie d'insinuation ; que constitue l'imputation d'un fait précis et déterminé, l'insinuation selon laquelle une personne physique ou morale se livre à des actes d'improbité dans l'exercice de son activité professionnelle et/ou appartient à une organisation criminelle ; qu'en décidant que les propos tenus par Monsieur [U], à savoir « je ne parlerai pas de Mafia parce que ce serait quand même.. voilà... Je ne dis pas ce mot, mais je le pense très très fort », et l'allégation de « pratiques douteuses », ne caractérisaient aucune faute civile, motif pris qu'ils ne contenaient aucune allégation spécifique vérifiable dont la preuve pourrait être rapportée, bien que de telles allégations, insinuant un manque de probité de la [4] et son appartenance à une organisation criminelle, aient porté sur des faits précis susceptibles de faire l'objet d'une preuve dans un débat contradictoire, lesquels étaient attentatoires à l'honneur et à la considération, la Cour d'appel a violé l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 ;
4°/ que toute expression qui contient l'imputation d'un fait précis et déterminé de nature à porter atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne visée constitue une diffamation, même si elle est présentée sous une forme déguisée ou dubitative ou par voie d'insinuation ; qu'en décidant que les propos tenus par Monsieur [U] ne présentaient pas un caractère diffamatoire, motif pris qu'ils consistaient en l'expression d'une opinion politique, d'une critique générale typique de la rhétorique politique et volontairement polémique émise dans le cadre d'un débat d'intérêt général par un homme politique local, bien que de telles considérations, qui ont trait à l'excuse de bonne foi dont peut se prévaloir l'auteur de propos diffamatoires, aient été indifférentes quant à la détermination de l'existence de faits précis susceptibles de faire l'objet d'une preuve dans un débat contradictoire, fussent-ils présentés sous une forme déguisée ou dubitative ou par voie d'insinuation, la Cour d"appel a violé l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 ;
5°/ que les imputations diffamatoires sont réputées de droit faites avec intention de nuire, de sorte qu'il appartient à l'auteur de telles imputations de rapporter la preuve de sa bonne foi ; que le fait justificatif de bonne foi se caractérise par la légitimité du but poursuivi, l'absence d'animosité personnelle, la prudence et la mesure dans l'expression ainsi que par le sérieux de l'enquête ; qu'en se bornant à énoncer, pour écarter une faute civile imputable à Monsieur [U], que ses propos mettant en cause la [4] et Monsieur [T], son Directeur Général, en leur imputant des pratiques mafieuses et/ou contraires à la probité, ainsi que des détournements de fonds publics dans le cadre de la signature d'une convention de renouvellement urbain avec la commune [Localité 3], consistaient en l'expression d'une opinion politique, d'une critique générale typique de la rhétorique politique et volontairement polémique émise dans le cadre d'un débat d'intérêt général par un homme politique local, sans constater la légitimité du but poursuivi, l'absence d'animosité personnelle, la prudence et la mesure dans l'expression, ainsi que le sérieux de l'enquête de l'auteur des propos incriminés, la Cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs généraux impropres à caractériser la bonne foi de Monsieur [U], a privé sa décision de base légale au regard de l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 ;
6°/ qu'est diffamatoire l'allégation ou l'imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur et à la considération de la personne à laquelle le fait est imputé ; qu'afin de déterminer leur signification véritable, les propos incriminés ne doivent pas être pris isolément mais interprétés les uns par rapport aux autres ; qu'en décidant néanmoins que chacun des propos incriminés ne présentait pas un caractère diffamatoire, sans les considérer dans leur ensemble, la Cour d'appel a violé l'article 29 de la loi 29 juillet 1881. »
Réponse de la Cour
6. Pour rejeter l'existence d'une faute civile du prévenu et débouter M. [T] et la [5] de leurs demandes, l'arrêt attaqué énonce que les propos relatifs à la signature par la municipalité [Localité 3] d'une convention de renouvellement urbain ne contiennent pas d'accusations explicites ou déguisées d'actes illégaux et consistent en l'expression d'une opinion politique sur la qualité de gestion d'une société publique locale.
7. Les juges précisent que les propos relatifs aux conflits et litiges juridiques coûteux découlant de cette convention tendent à dénoncer la propension de la [5] à engager de longues procédures judiciaires, financées indirectement par les contribuables, mais que ces déclarations ne contiennent aucune accusation de détournement de fonds publics ou d'autres infractions pénales.
8. Ils ajoutent que les propos litigieux expriment une forte désapprobation du mode de fonctionnement de la [5] mais ne renferment aucune allégation factuelle vérifiable dont la preuve pourrait être rapportée et que la référence à des « pratiques douteuses » de la société ne contient aucune accusation spécifique d'actes illégaux.
9. Ils précisent enfin que l'allusion à la « mafia » est immédiatement tempérée par M. [U] qui précise qu'il ne souhaite pas utiliser ce terme, tout en indiquant qu'il le conservait en pensée et qu'il s'agit d'un jugement de valeur qui ne contient pas l'imputation d'un fait précis.
10. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision.
11. En effet, les juges ont exactement retenu que les propos incriminés, par leur sens et leur portée, n'imputaient à M. [T] et à la [5] aucun fait précis portant atteinte à leur honneur ou à leur considération, en ce qu'ils se limitaient à des jugements de valeur d'ordre général et à une critique de la gestion et des actions de cette société.
12. Dès lors, le moyen doit être écarté.
13. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.




Soc. 6 mai 2025 n° 22-24.726

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 6 mai 2025



Cassation

Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 456 F-D
Pourvoi n° F 22-24.726



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 MAI 2025
M. [G] [W] né [L], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° F 22-24.726 contre l'arrêt rendu le 26 octobre 2022 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre sociale), dans le litige l'opposant à la Fondation apprentis d'Auteuil, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Seguy, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [W] né [L], de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la Fondation apprentis d'Auteuil, après débats en l'audience publique du 25 mars 2025 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Seguy, conseiller rapporteur, Mme Panetta, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 26 octobre 2022), M. [W] né [L] a été engagé en qualité de psychologue, le 25 mars 2010, par la Fondation apprentis d'Auteuil (la fondation). En dernier lieu, il occupait les fonctions de psychologue à la Maison des familles à [Localité 6].
2. Licencié pour faute grave par lettre du 13 octobre 2016, il a saisi la juridiction prud'homale d'une contestation de la rupture de son contrat de travail.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. Le salarié fait grief à l'arrêt de juger que son licenciement repose sur une faute grave et, en conséquence, de le débouter de toutes ses demandes, alors « que le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression, sauf abus qui n'est caractérisé qu'en cas de propos injurieux, diffamatoire ou excessif ; qu'en l'espèce, le salarié écrivait, dans la lettre litigieuse du 15 septembre 2016 adressée à l'autorité de tutelle de la fondation, à titre personnel, en précisant qu'il prenait ''la responsabilité de cet écrit en qualité de psychologue'' et au regard de sa ''conscience'' et ''responsabilité de psychologue'', pour exprimer son opinion personnelle selon laquelle le nombre multiple d'intervenants autour du jeune [F] [D] était paradoxalement une limite et une gêne à la coopération, qu'il avait le sentiment d'avoir atteint un point où ses compétences ''ne peuvent plus aider ce jeune homme à grandir ni empêcher sa lente mais sûre bascule dans des processus qui me semblent pathologiques'' qu'il souhaitait que sa conscience et sa responsabilité de psychologue soient détachés d'objectifs institutionnels dont il partageait moins le sens et la visée et qu'il estimait que le jeune [F] [D] était ''en train de perdre pied'' et ne pouvait ''sans les soins adaptés à ses problématiques, basculer dans un registre d'actes que nous aurions à déplorer'' ; qu'en jugeant que la lettre du 15 septembre 2016 n'entrait pas dans '' le cadre de la liberté d'expression'' du salarié, aux motifs que ''si [le salarié] était libre de porter un jugement sur l'action des divers intervenants au regard de la situation d'un mineur en difficulté et ne pas partager les objectifs institutionnels de son employeur, les termes employés dans son écrit ne se limitaient pas à une simple critique ou à l'expression d'une opinion personnelle. En effet, en lui imputant faussement une réaction inadaptée à la situation d'un mineur en danger et en opposant la notion d'éthique aux objectifs de l'employeur sans que le moindre élément matériel ne vienne préciser ou corroborer un tel jugement moral aussi négatif de la part du salarié, ils étaient excessifs et diffamatoires en ce qu'ils imputaient à l'employeur des faits portant atteinte à son honneur et à sa considération et le dénigraient ouvertement'', quand le salarié avait seulement fait part dans cette lettre à son interlocuteur, par des termes mesurés, sans imputer à son employeur aucun fait précis et déterminé qui serait de nature à dénigrer ce dernier ou à porter atteinte à son honneur et à sa considération, de ses inquiétudes relatives aux limites de sa compétence personnelle, en qualité de psychologue, pour soigner [F] [D] et avait seulement implicitement suggéré qu'à son avis, il lui semblait que l'enfant devait bénéficier de soins médicaux ne relevant plus de ses compétences de psychologue, ce qui ne pouvait constituer un abus par le salarié de sa liberté d'expression et donc une faute a fortiori grave, la cour d'appel a violé les articles 10 de la Convention des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 1121-1, L. 1232-1, L. 1234 1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1121-1 du code du travail :
4. Il résulte de ce texte que, sauf abus résultant de propos injurieux, diffamatoires ou excessifs, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées.
5. Le licenciement prononcé, même en partie, par l'employeur pour un motif lié à l'exercice non abusif par le salarié de sa liberté d'expression est nul.
6. Pour rejeter les demandes du salarié au titre de son licenciement, l'arrêt constate qu'il a adressé, le 15 septembre 2016, à la direction générale adjointe des solidarités du département, une lettre ayant pour objet « alerte mineur en danger et/ou susceptible de mettre son entourage en danger » contenant les termes suivants : « Je me permets de vous alerter par rapport à la situation du jeune [F] [D], né le [Date naissance 2]/1999 et confié par l'ASE à l'établissement [5] depuis le mois de février 2015, suite à la dégradation très significative de son comportement et à la manifestation de troubles de celui-ci conduisant à des passages à l'acte (auto et hétéro agressifs) nombreux, le mettant en danger dans son intégrité psychologique et physique mais mettant également en difficulté voire en insécurité les professionnels qui assurent son accompagnement. Je prends la responsabilité de cet écrit, en qualité de psychologue référent sur le site de la [5] et sur ce que je peux observer de lui, échanger avec lui et dont j'ai été ou suis témoin, en lien avec les membres de l'équipe éducative du service « adolescents » auquel il est affilié. Ceci étant, je dois vous préciser qu'autour de lui, le réseau des partenaires est multiple (Conseil Départemental, [5], ITEP, PJJ, Réseau Ado66 ...) et traversé d'intentions vraies de coopération mais sa densité en constitue paradoxalement les limites et la gêne, chaque acteur obéissant à des contraintes et des objectifs qui parfois se recoupent mais souvent s'excluent les uns les autres. Dans l'exercice de ma fonction, je ne peux demeurer spectateur de cette dégradation, ne pas reconnaître que j'ai atteint un point où mes compétences ne peuvent plus aider ce jeune homme à grandir ni empêcher sa lente mais sûre bascule dans des processus qui me semblent pathologiques. Je souhaite également que ma conscience et ma responsabilité de psychologue soient détachées d'objectifs institutionnels dont je partage moins le sens ainsi que la visée. Malgré les efforts qu'il a faits et qu'il fait pour tenter de contenir ses tensions internes, sa colère et sa douleur, il est en train de perdre pied et peut, sans les soins adaptés à ses problématiques, basculer dans un registre d'actes que nous aurions tous à déplorer. Je reste naturellement disponible pour tout complément d'information et prêt à me déplacer dans votre service, au besoin ».
7. Il retient que cette lettre d'alerte est, par les commentaires qu'elle contient, une critique non équivoque de l'action de l'employeur dans son domaine d'activité et adressée à l'autorité publique, alors qu'elle a été volontairement tronquée dans ses éléments d'appréciation et de critique, puisqu'il résulte des mails produits aux débats par l'employeur que le salarié savait, au moment où il avait adressé la lettre, d'une part, que les informations qu'il transmettait sur les circonstances et les risques présentés par le mineur à la suite des dégradations commises par lui sur le site du [Adresse 4] au cours du week-end du 9 au 11 septembre 2016 étaient délibérément parcellaires, d'autre part, que sa direction avait pris de très nombreuses mesures, dont la nature et les effets attendus étaient totalement adaptés et proportionnés à la situation, ce dont le salarié, de par ses fonctions de chef de service et son appartenance à l'équipe éducative en tant que psychologue, avait parfaitement conscience, de sorte qu'aucun des éléments versés aux débats ne l'autorisait objectivement à penser ou à craindre que de telles mesures étaient insuffisantes ou inappropriées à la situation.
8. Il énonce également que le salarié était allé jusqu'à taire sciemment l'existence de ces mesures et avait préféré se livrer à une critique générale, brutale et sans nuance de l'action de l'employeur en laissant supposer une absence de réaction ou à tout le moins une absence de prise de conscience de la gravité de la situation de la part de ce dernier, ce qui n'était manifestement pas le cas. Il ajoute, qu'alors qu'il lui avait été rappelé, par un mail du 12 septembre 2016, la nécessité de réfléchir en interne à la stratégie de communication auprès des partenaires avant d'envoyer des messages, le salarié était volontairement passé outre cette consigne en adressant la lettre incriminée à l'insu de son employeur lequel n'avait appris son existence que plus tard par le destinataire de la lettre.
9. Il conclut que les critiques et commentaires du salarié n'entraient pas dans le cadre de la liberté d'expression dès lors que les termes employés dans son écrit ne se limitaient pas à une simple critique ou à l'expression d'une opinion personnelle et qu'en imputant faussement à l'employeur une réaction inadaptée à la situation d'un mineur en danger et en opposant la notion d'éthique aux objectifs de l'employeur, sans que le moindre élément matériel ne vienne préciser ou corroborer un tel jugement moral aussi négatif, ils étaient excessifs et diffamatoires en ce qu'ils imputaient à l'employeur des faits portant atteinte à son honneur et à sa considération et le dénigraient ouvertement.
10. En statuant ainsi, alors que la lettre litigieuse, adressée à l'autorité publique chargée de l'aide sociale à l'enfance par le salarié, en sa qualité de psychologue référent, était destinée à exprimer ses réserves sur le caractère suffisant et adapté des mesures prises à l'égard d'un mineur en grande difficulté et à signaler les risques pouvant en découler, ce qui participait de sa liberté d'expression, et était rédigée en des termes qui n'étaient ni injurieux, ni diffamatoires ou excessifs, la cour d'appel a violé le texte susvisé.




Soc. 6 mai 2025 n° 23-22.329

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 6 mai 2025



Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 478 F-D
Pourvoi n° W 23-22.329
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 MAI 2025
M. [F] [G], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° W 23-22.329 contre l'arrêt rendu le 14 septembre 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 7), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Mandataire judiciaire associés (MJA), société d'exercice libéral à forme anonyme, dont le siège est [Adresse 1], représentée par Mme [I] [X], prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société Financière JOD (FIJOD), venant aux droits de la société Assistance intérim,
2°/ à l'Unédic, délégation AGS-CGEA Ile-de-France Ouest, dont le siège est [Adresse 2],
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ott, conseiller, les observations de Me Ridoux, avocat de M. [G], de la SAS Boucard-Capron-Maman, avocat de la société Mandataires judiciaires associés, ès qualités, après débats en l'audience publique du 26 mars 2025 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ott, conseiller rapporteur, Mme Ollivier, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciare, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 septembre 2023), M. [G] a été engagé le 16 mars 2009 en qualité d'attaché commercial gestionnaire de compte par la société Tom assistance et a démissionné le 5 mai 2009. Il a été à nouveau engagé par la même société le 7 septembre 2009 selon la même qualification. Sa rémunération était composée d'un salaire fixe et d'une part variable.
2. Le 1er janvier 2015 son contrat de travail a été transféré, avec reprise d'ancienneté, à la société Assistance intérim, société qui tout comme la société Tom assistance était présidée par la société Financière Jod.
3. Promu à compter du 1er janvier 2016 chef d'agence, le salarié a été placé en arrêt de travail à compter du 2 mai 2017.
4. Licencié le 1er septembre 2017, il a saisi le 1er mars 2018 la juridiction prud'homale aux fins de paiement de diverses sommes.
5. Lors de la dissolution de la société Assistance intérim le 22 novembre 2018, il a été procédé à la transmission universelle de son patrimoine à la société Financière Jod à effet du 31 décembre 2018, date à laquelle la société Assistance intérim a été radiée.
6. Par jugement du 5 novembre 2019, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Financière Jod et a désigné la société MJA, représentée par Mme [X], en qualité de mandataire liquidateur.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen
Enoncé du moyen
8. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de fixation de ses créances au passif de la société Financière Jod, venant aux droits de la société Assistance intérim, à certaines sommes à titre de rappel d'heures supplémentaires, des congés payés afférents et de la contrepartie obligatoire en repos, alors « qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'à l'appui de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, M. [G] a allégué le fait que sa durée de travail était de 40 heures par semaine et qu'il accomplissait 235 heures supplémentaires sur une année, lesquelles ne lui avaient jamais été payées par l'employeur, ce dont il résulte qu'il présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre ; qu'en le déboutant de sa demande, en l'absence de tout élément de contrôle de la durée du travail produit par l'employeur, au motif qu'il n'établissait pas qu'il avait systématiquement travaillé 40 heures, la cour d'appel qui a fait peser sur le seul salarié la charge de la preuve des heures supplémentaires, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :
9. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3, alinéa 1, du même code, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
10. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
11. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
12. Pour rejeter la demande au titre d'un rappel d'heures supplémentaires, après avoir retenu que le forfait convenu entre les parties, ne précisant ni le nombre d'heures incluses ni la rémunération mensuelle correspondante, est inopposable au salarié et ouvre à celui-ci droit à une réclamation au titre des heures supplémentaires, l'arrêt retient que le salarié sollicite le paiement d'une somme de 29 493 euros, outre les congés payés, au titre des trois années précédant la rupture du contrat de travail qui prévoit une durée de travail sur la base de 40 heures tandis que ses bulletins de salaire ne mentionnent que 151,67 heures, que le salarié qui estime que le rappel de salaire serait lié aux termes de la clause du contrat de travail ne fournit cependant aucun décompte et que l'inopposabilité revendiquée de cette clause ne permet pas de conclure à défaut de toute production de décompte ou d'éléments suffisamment précis que le salarié a systématiquement travaillé 40 heures en effectuant des heures supplémentaires.
13. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part, que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, d'autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
14. La cassation des chefs de dispositif déboutant le salarié de ses demandes au titre d'un rappel d'heures supplémentaires, des congés payés afférents et de la contrepartie obligatoire en repos n'emporte pas celle du chef de dispositif de l'arrêt condamnant le mandataire liquidateur aux dépens, justifié par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause.




Soc. 6 mai 2025 n° 23-22.730

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 6 mai 2025



Cassation partielle

M. BARINCOU, conseiller le plus ancien faisant fonction de président


Arrêt n° 453 F-D
Pourvoi n° H 23-22.730



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 MAI 2025
L'association [4], dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° H 23-22.730 contre l'arrêt rendu le 21 septembre 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 5), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [V] [I], domiciliée [Adresse 2],
2°/ à la Direction générale de Pôle emploi dont le siège est [Adresse 1], devenu France travail,
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Carillon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, avocat de l'association [4], de la SCP Duhamel, avocat de Mme [I], après débats en l'audience publique du 25 mars 2025 où étaient présents M. Barincou, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, M. Carillon, conseiller référendaire rapporteur, Mme Brinet, conseiller, et Mme Thuillier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 septembre 2023), Mme [I] a été engagée en qualité de chef de service pédagogique et éducatif à compter du 15 juin 2003 par l'association [4] (l'association). En dernier lieu, elle occupait les fonctions de directrice adjointe.
2. Convoquée le 25 août 2016 à un entretien préalable à un éventuel licenciement et mise à pied à titre conservatoire, la salariée a été licenciée pour faute lourde par lettre du 12 septembre 2016.
3. Contestant son licenciement et estimant ne pas être remplie de ses droits, elle a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir la condamnation de l'employeur à lui verser diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.
4. L'association, de son côté, a également saisi la même juridiction prud'homale en répétition de l'indû et paiement de dommages-intérêts en réparation de ses divers préjudices.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
5. L'association fait grief à l'arrêt de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, de la condamner aux indemnités subséquentes et de la débouter de ses demandes, alors « que l'astreinte est une période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise ; qu'en retenant que « la simple coïncidence de dates entre des formations et une période d'astreinte ne [suffit] pas à établir que la salariée n'effectuait en réalité aucune astreinte à ces dates ou à une autre », la cour d'appel a violé l'article L. 3121-9 du code du travail et l'article 1er de l'accord n° 2005-04 du 22 avril 2015 de la branche sanitaire, sociale et médico-sociale à but non lucratif relatif aux astreintes. »
Réponse de la Cour
6. Aux termes de l'article L. 3121-9 du code du travail, constitue une astreinte la période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, doit être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise.
7. Contrairement à ce que soutient le moyen, ce texte n'impose aucune obligation au salarié de demeurer à son domicile ou à proximité.
8. C'est dès lors à bon droit que la cour d'appel, après avoir constaté que l'employeur reprochait à la salariée d'avoir suivi des formations durant ses temps d'astreinte, a retenu qu'aucune faute ne pouvait valablement être imputée à la salariée à cet égard, la simple coïncidence de dates entre des formations et une période d'astreinte ne suffisant pas à établir que la salariée n'effectuait en réalité aucune astreinte à ces dates ou à une autre.
9. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches
Enoncé du moyen
10. L'association fait grief à l'arrêt de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, de la condamner aux indemnités subséquentes et de la débouter de ses demandes, alors :
« 4°/ que le juge ne peut écarter tout abus du salarié dans l'exercice de sa liberté d'expression sans examiner si les propos qu'il a tenu ne sont pas injurieux, diffamatoires ou excessifs ; qu'en se bornant à relever que « le courrier daté du 11 juin 2016 [?] signé de M. [H] et de Mme [I] adressé à MM. [Y] et [F], administrateurs et membres du bureau de l'association par lequel comme le soutient l'employeur ils indiquent que la continuité des établissements est en péril et leur transmettent le compte rendu d'une réunion du conseil de direction n'est pas abusif au seul motif qu'il « n'a été diffusé qu'aux membres du bureau et contient un questionnaire qui a été effectivement transmis au président de l'association » sans examiner les propos tenus par Mme [I] dans ce courrier et sans vérifier s'il n'étaient pas injurieux, diffamatoires ou excessifs, alors qu'elle constatait que les rapports de l'ARS et du Conseil Départemental de l'Essonne établis à l'issue d'un contrôle concluaient à l'absence de « danger grave et/ou imminent dans l'accompagnement des résidents » de la maison d'accueil spécialisée et à l'absence d'« ingérence de l'association » ou de « graves dysfonctionnement dans la prise en charge et l'accompagnement des résidents » du foyer de vie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du l'article L. 1121-1 du code du travail ;
5°/ que le juge ne peut écarter tout abus du salarié dans l'exercice de sa liberté d'expression sans examiner si les propos qu'il a tenus ne sont pas injurieux, diffamatoires ou excessifs ; qu'en se bornant à relever que le « courrier daté du 11 juillet 2016 signé de M. [H] et Mme [I] adressé au président de l'association et en copie à l'ARS, l'inspection du travail, la médecine du travail, les syndicats, le bureau de l'association par lesquels ils reprochent au président de l'association ses propos lors d'une réunion du comité d'établissement du 7 juillet 2016 » n'est pas abusif aux seuls motifs que les thèmes évoqués « relève[nt] de leur liberté d'expression » et que « [l]es missions d'inspection [diligentées en réaction à ce courrier] n'ont pas été inutiles », sans examiner si les propos tenus par Mme [I] dans ce courrier ne relevaient pas de l'injure, de la diffamation, ou de l'excès, alors qu'elle constatait que les rapports de l'ARS et du Conseil Départemental de l'Essonne établis à l'issue d'un contrôle concluaient à l'absence de « danger grave et/ou imminent dans l'accompagnement des résidents » de la maison d'accueil spécialisée et à l'absence d'« ingérence de l'association » ou de « graves dysfonctionnement dans la prise en charge et l'accompagnement des résidents » du foyer de vie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du l'article L. 1121-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
11. Il résulte de l'article L. 1121-1 du code du travail que, sauf abus résultant de propos injurieux, diffamatoires ou excessifs, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées.
12. D'abord, l'arrêt retient que l'employeur ne pouvait s'appuyer que sur deux lettres, datées du 11 juillet 2016 et cosignées par la salariée avec le directeur de l'établissement, la première adressée à deux administrateurs membres du bureau de l'association, indiquant que la continuité des établissements est en péril, et la seconde, adressée au président de l'association avec copie à l'agence régionale de santé, l'inspection du travail, la médecine du travail, les syndicats et le bureau de l'association, reprochant au président de l'association ses propos lors d'une réunion du comité d'établissement du 7 juillet 2016.
13. Ensuite, l'arrêt retient que le contenu de la première de ces lettres ne peut pas suffire à caractériser l'intention de nuire alléguée par l'employeur dès lors qu'elle n'a été diffusée qu'aux membres du bureau et contient un questionnaire qui a été effectivement transmis au président de l'association.
14. Enfin, s'agissant de la seconde lettre, l'arrêt retient que sa large diffusion ne suffit pas davantage à caractériser l'intention de nuire dès lors que, concernant essentiellement une réunion des délégués du personnel et du comité d'entreprise tenue le 7 juillet 2016, elle reprend les points qui y ont été abordés.
15. Ayant ensuite analysé de manière détaillée la reprise de ces différents points, l'arrêt retient que cette seconde lettre relève d'un exercice non abusif de la liberté d'expression des salariés dès lors que son envoi a entraîné l'organisation de missions d'inspection qui n'ont pas été inutiles dans la mesure où elles ont révélé, d'une part s'agissant de la maison d'accueil spécialisée, des manquements et dysfonctionnements, sans toutefois qu'ils constituent un danger grave ou imminent, dans l'accompagnement des résidents, et se sont montrés plus réservés en ce qui concerne les conditions de travail des salariés et, d'autre part s'agissant du foyer de vie, ont conclu à l'absence de graves dysfonctionnements dans la prise en charge et l'accompagnement des résidents mais ont préconisé une réorganisation comprenant des actions correctives, de sorte qu'il ne pouvait valablement être reproché à la salariée d'avoir provoqué ces missions d'inspection.
16. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée et qui a fait ressortir l'absence de propos injurieux, diffamatoires ou excessifs contenus dans la seconde lettre, a légalement justifié sa décision.
17. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le moyen pris en sa première branche
Enoncé du moyen
18. L'association fait grief à l'arrêt de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, de la condamner aux indemnités subséquentes et de la débouter de ses demandes, alors « que la lettre de licenciement fixant les limites du litige, le juge ne peut retenir que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse sans examiner l'ensemble des griefs énoncés dans la lettre de licenciement ; qu'en l'espèce, l'employeur reprochait à Mme [I] d'avoir « donné l'autorisation à une personne non qualifiée, M. [N] [T], chef de service d'accéder au serveur au lieu du siège de l'établissement, ce qui a permis la destruction fin juin début juillet 2016 du planning de présence du directeur ainsi que l'écrasement du fichier du personnel entrainant de multiples incohérences dans les plannings horaires de salariés nécessaires à l'établissement de leurs bulletins de paie » et de ne pas avoir « remédier à ces dysfonctionnements » ainsi que d'avoir « régularisé a posteriori en fabriquant un faux document comme justificatif, l'absence injustifiée du 27 juin 2016 de M. [N] [T] » ; qu'en jugeant le licenciement de Mme [I] sans cause réelle et sérieuse sans examiner ces deux griefs figurant dans la lettre de licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 1232-6, et L. 1235-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1232-6 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 :
19. Il résulte de ce texte que le juge est tenu d'examiner l'ensemble des griefs invoqués dans la lettre de licenciement.
20. Pour juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que le premier grief, relatif à l'envoi de multiples lettres à l'agence régionale de santé, à deux des membres du bureau de l'association, aux délégués du personnel, aux médecins des établissements, au médecin du travail, à l'inspection du travail et au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et le deuxième grief de dissimulation du dossier du chef de service accusé de faits de harcèlement ne peuvent être retenus ; que les faits du troisième grief tiré de la prise de congés payés en août 2016 concomitamment avec l'absence du directeur ne caractérisent pas une faute ni une volonté de nuire ; qu'aucune faute ne peut être imputée à la salariée au titre du quatrième grief de mise en place d'un système de double astreinte et que l'intention de nuire n'est pas caractérisée, pas plus que n'est établie l'existence d'une cause réelle et sérieuse de sorte que la faute tirée du cinquième grief consistant dans l'envoi de lettres à des familles contenant des informations erronées sur la disponibilité de places dans les établissements n'est pas retenue.
21. En statuant ainsi, sans examiner les sixième et septième griefs, énoncés par la lettre de licenciement, tirés de l'autorisation donnée au chef de service d'accéder au serveur au lieu du siège de l'établissement et de la régularisation a posteriori d'une absence injustifiée de ce chef de service par l'établissement d'un faux document, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
22. Le moyen ne formulant aucune critique contre les motifs de l'arrêt fondant la décision de condamner l'association à payer à la salariée la somme de 3 823,36 euros à titre de remboursement de la déduction effectuée en septembre 2016 au titre des astreintes et la déboutant de sa demande en paiement d'une somme au titre des astreintes indûment perçues du 12 septembre 2013 au 31 décembre 2015, la cassation ne peut s'étendre à cette disposition de l'arrêt qui n'est pas dans un lien de dépendance avec les dispositions de l'arrêt critiquées par ce moyen.
23. La cassation des chefs de dispositif condamnant à payer diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents, d'indemnité conventionnelle de licenciement et à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt la condamnant aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à son encontre et non remises en cause.




Soc. 6 mai 2025 n° 24-15.368

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC. / ELECT
CZ


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 6 mai 2025



Rejet

M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 472 F-D
Pourvoi n° A 24-15.368



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 MAI 2025
La société Electricité de France, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° A 24-15.368 contre le jugement rendu le 7 mai 2024 par le tribunal judiciaire de Bobigny (contentieux des élections professionnelles), dans le litige l'opposant :
1°/ au syndicat national UNSA énergie, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à M. [D] [I], domicilié [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lanoue, conseiller référendaire, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de la société Electricité de France, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat du syndicat national UNSA énergie et de M. [I], et l'avis de Mme Laulom, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 mars 2025 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lanoue, conseiller référendaire rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Bobigny, 7 mai 2024), la société EDF (la société) a organisé courant novembre 2023 les élections de la délégation du personnel au comité social et économique (CSE) au sein de ses quarante-huit établissements distincts.
2. Les élections se sont déroulées du 6 au 13 novembre 2023 (premier tour) et du 23 au 27 novembre 2023 (second tour).
3. Dans l'établissement Unité d'ingénierie d'exploitation et état major direction de la production nucléaire, qui compte au moins cinq cents salariés, le syndicat UNSA énergie (le syndicat UNSA) a déposé au premier tour une liste de candidats en son nom propre pour le premier collège.
4. Pour le deuxième et le troisième collèges, le syndicat UNSA et le syndicat CFE-CGC énergies (le syndicat CFE-CGC) ont présenté des listes communes de candidats en application d'un accord d'entente électorale conclu le 12 octobre 2023 prévoyant le dépôt de listes communes dans les deuxième et troisième collèges sous le nom « Alliance CFE-CGC UNSA énergies », les parties déterminant, d'un commun accord, que la répartition des suffrages s'opérerait à concurrence de 70 % en faveur du syndicat CFE-CGC et 30 % au bénéfice du syndicat UNSA.
5. Le syndicat UNSA a obtenu un élu titulaire dans le premier collège et la liste commune un siège de titulaire dans le deuxième collège et onze sièges dans le troisième collège.
6. Le 16 janvier 2024, le syndicat UNSA a informé la société de la désignation sur le périmètre de l'établissement de M. [I] en qualité de délégué syndical supplémentaire.
7. La société a saisi le tribunal judiciaire en annulation de cette désignation.



Examen du moyen
Enoncé du moyen
8. La société fait grief au jugement de la débouter de ses demandes tendant à l'annulation de la désignation de M. [I] en qualité de délégué syndical supplémentaire sur le périmètre du comité social et économique de l'UNIE - État-major DPN , alors « qu'un syndicat ayant constitué une liste commune pour les élections au comité social et économique ne peut procéder à la désignation d'un délégué syndical supplémentaire que s'il réunit à lui seul l'ensemble des conditions posées à l'article L. 2143-4 du code du travail, sans préjudice de la possibilité pour les syndicats ayant constitué cette liste commune de désigner ensemble un délégué syndical supplémentaire ; que le scrutin est de liste à deux tours avec représentation proportionnelle à la plus forte moyenne, les candidats étant proclamés élus dans l'ordre de leur présentation, sauf à ce que l'un d'eux ait été raturé dans les proportions suffisantes pour être exclu de l'élection ; qu'en l'absence d'identification de l'appartenance syndicale des salariés figurant sur la liste commune, il n'est pas possible d'apprécier si l'un des syndicat composant cette liste remplit à lui seul les conditions posées par l'article L. 2143-4 du code du travail pour désigner un délégué syndical supplémentaire, notamment la condition relative à l'obtention d'un élu dans tel collège dans lequel il a constitué cette liste commune avec une autre organisation syndicale ; que le tribunal, qui a considéré qu'il pouvait être satisfait à cette condition en calculant le nombre d'élus obtenus par chacun des syndicat ayant constitué la liste commune sur la base indiquée par les organisations syndicales concernées lors du dépôt de la liste, a par la même méconnu les dispositions des articles L. 2143-4 et L. 2314-29 du code du travail. »
Réponse de la Cour
9. Aux termes de l'article L. 2143-4, alinéa 1, du code du travail, dans les entreprises d'au moins cinq cents salariés, tout syndicat représentatif dans l'entreprise peut désigner un délégué syndical supplémentaire s'il a obtenu un ou plusieurs élus dans le collège des ouvriers et employés lors de l'élection du comité social et économique et s'il compte au moins un élu dans l'un des deux autres collèges.
10. Lorsque plusieurs syndicats ont constitué une liste commune aux élections du comité social et économique, chacun d'eux peut procéder à la désignation d'un délégué syndical supplémentaire dès lors qu'il remplit à lui seul l'ensemble de ces conditions, sans préjudice de la possibilité pour les syndicats ayant constitué une liste commune de désigner ensemble un délégué syndical supplémentaire.
11. Le nombre d'élus obtenu par chaque organisation syndicale s'apprécie sur la base indiquée par les organisations syndicales concernées lors du dépôt de leur liste commune et, à défaut, par parts égales entre les organisations concernées.
12. L'indication de la base de répartition permettant de déterminer le nombre d'élus de chaque syndicat peut également résulter de la mention sur la liste de candidature présentée aux électeurs, pour chacun des candidats de la liste commune, de leur appartenance à l'un ou l'autre des syndicats de la liste.
13. Il en résulte que lorsqu'une clé de répartition a été indiquée lors du dépôt de la liste, elle sert de base au calcul du nombre d'élus obtenu par chaque syndicat composant la liste commune.
14. Le tribunal judiciaire, qui a constaté que l'accord d'entente électorale communiqué lors du dépôt de la liste commune prévoyait une répartition de 30 % des suffrages exprimés pour le syndicat UNSA et que la liste commune avait obtenu onze élus au sein du troisième collège, en a déduit à bon droit qu'il résultait de l'application de cette clé de répartition que le syndicat UNSA avait obtenu au moins un élu dans le troisième collège, peu important que la liste commune ne fasse pas apparaître l'appartenance syndicale de chacun des candidats.
15. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.




Soc. 6 mai 2025 n° 24-15.077

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC. / ELECT
JL10


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 6 mai 2025



Rejet

M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 477 F-D
Pourvoi n° J 24-15.077



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 MAI 2025
La société Enedis, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° J 24-15.077 contre le jugement rendu le 29 avril 2024 par le tribunal judiciaire de Lille (contentieux des élections professionnelles), dans le litige l'opposant :
1°/ au syndicat national UNSA énergie, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à M. [F] [D], domicilié [Adresse 1],
3°/ à Mme [S] [Y], domiciliée [Adresse 4],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lanoue, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Enedis, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat du syndicat national UNSA énergie, de M. [D] et de Mme [Y], et l'avis écrit de Mme Laulom, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 mars 2025 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lanoue, conseiller référendaire rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Lille, 29 avril 2024), la société Enedis (la société) a organisé courant novembre 2023 les élections de la délégation du personnel au comité social et économique (CSE) au sein de ses vingt-huit établissements distincts.
2. Les élections se sont déroulées du 6 au 13 novembre 2023 (premier tour) et du 23 au 27 novembre 2023 (second tour).
3. Dans l'établissement Direction régionale du Nord - Pas-de-Calais, qui compte au moins cinq cents salariés, le syndicat UNSA énergie (le syndicat UNSA) a déposé au premier tour une liste de candidats en son nom propre pour le premier collège.
4. Pour le deuxième et le troisième collèges, le syndicat UNSA et le syndicat CFE-CGC énergies (le syndicat CFE-CGC) ont présenté des listes communes de candidats en application d'un accord d'entente électorale conclu le 10 octobre 2023 prévoyant le dépôt de listes communes dans les deuxième et troisième collèges sous le nom « Alliance CFE-CGC UNSA énergies », les parties déterminant, d'un commun accord, que la répartition des suffrages s'opérerait à concurrence de 65 % en faveur du syndicat CFE-CGC et 35 % au bénéfice du syndicat UNSA.
5. Le syndicat UNSA a obtenu un élu titulaire dans le premier collège et la liste commune quatre sièges de titulaires dans le deuxième collège.
6. Le 7 décembre 2023, le syndicat UNSA a informé la société de la désignation sur le périmètre de l'établissement de M. [D] en qualité de délégué syndical supplémentaire.
7. La société a saisi le tribunal judiciaire en annulation de cette désignation.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
8. La société fait grief au jugement de la débouter de sa demande tendant à l'annulation de la désignation de M. [D] en qualité de délégué syndical supplémentaire par le syndicat UNSA, alors « que dans les entreprises d'au moins cinq cents salariés, l'article L. 2143-4 du code du travail autorise tout syndicat représentatif dans l'entreprise à désigner un délégué syndical supplémentaire sous réserve, notamment, qu'il ait obtenu au moins un élu dans le premier collège et au moins un élu dans le deuxième ou le troisième collège aux dernières élections du comité social et économique ; que lorsque plusieurs syndicats ont constitué une liste commune aux élections professionnelles, chacun d'eux peut procéder à la désignation d'un délégué syndical supplémentaire dès lors qu'il remplit à lui seul l'ensemble des conditions fixées par l'article L. 2143-4 du code du travail, sans préjudice de la possibilité pour les syndicats ayant constitué une liste commune de désigner ensemble un délégué syndical supplémentaire ; que, par ailleurs, en cas de présentation d'une liste commune à plusieurs syndicats, sans précision de l'étiquette syndicale de chaque candidat, la candidature et l'élection d'un salarié ne peuvent être attribuées spécifiquement à l'un ou l'autre des syndicats colistiers ; qu'il en résulte qu'aucun des syndicats ayant présenté une liste commune sans mention de l'étiquette syndicale de chacun des candidats, ne peut prétendre avoir obtenu individuellement au moins un élu dans le deuxième ou le troisième collège et ainsi être en mesure de désigner, en son nom propre, un délégué syndical supplémentaire ; qu'au cas présent, pour débouter la société Enedis de sa demande tendant à l'annulation de la désignation par l'UNSA énergie de M. [D] en qualité de délégué syndical supplémentaire, le tribunal judiciaire a retenu que "les syndicats UNSA énergie et CFE-CGC énergies ont communiqué à l'employeur leur liste commune de candidats ainsi que leur accord d'entente électorale 2021-2023 prévoyant une répartition de 35 % des suffrages exprimés pour le syndicat UNSA énergie et de 65 % pour le syndicat CFE-CGC énergies. Cette liste commune ne fait pas mention de l'appartenance de chaque candidat à l'un ou l'autre des syndicats. Néanmoins, l'alliance CFE-CGC/UNSA a obtenu quatre élus au sein du deuxième collège. Il résulte de l'application de la clé de répartition prévue lors du dépôt de la liste que le syndicat UNSA énergie a obtenu au moins un élu dans le deuxième collège. La désignation de M. [D] par le syndicat UNSA énergie en qualité de délégué syndical supplémentaire au sein de l'établissement « direction régionale du Nord ¿ Pas-de-Calais » remplit donc l'ensemble des conditions fixées par l'article L. 2143-4 du code du travail" ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il constatait que la liste commune présentée par l'Alliance CFE-CGC-UNSA énergie ne faisait pas mention de l'étiquette syndicale de chaque candidat présenté sur la liste commune, ce dont il aurait dû déduire qu'aucun élu ne pouvait être attribué séparé
Réponse de la Cour
9. Aux termes de l'article L. 2143-4, alinéa 1, du code du travail, dans les entreprises d'au moins cinq cents salariés, tout syndicat représentatif dans l'entreprise peut désigner un délégué syndical supplémentaire s'il a obtenu un ou plusieurs élus dans le collège des ouvriers et employés lors de l'élection du comité social et économique et s'il compte au moins un élu dans l'un des deux autres collèges.
10. Lorsque plusieurs syndicats ont constitué une liste commune aux élections du comité social et économique, chacun d'eux peut procéder à la désignation d'un délégué syndical supplémentaire dès lors qu'il remplit à lui seul l'ensemble de ces conditions, sans préjudice de la possibilité pour les syndicats ayant constitué une liste commune de désigner ensemble un délégué syndical supplémentaire.
11. Le nombre d'élus obtenu par chaque organisation syndicale s'apprécie sur la base indiquée par les organisations syndicales concernées lors du dépôt de leur liste commune et, à défaut, par parts égales entre les organisations concernées.
12. L'indication de la base de répartition permettant de déterminer le nombre d'élus de chaque syndicat peut également résulter de la mention sur la liste de candidature présentée aux électeurs, pour chacun des candidats de la liste commune, de leur appartenance à l'un ou l'autre des syndicats de la liste.
13. Il en résulte que lorsqu'une clé de répartition a été indiquée lors du dépôt de la liste, elle sert de base au calcul du nombre d'élus obtenu par chaque syndicat composant la liste commune.
14. Le tribunal judiciaire, qui a constaté que l'accord d'entente électorale communiqué lors du dépôt de la liste commune prévoyait une répartition de 35 % des suffrages exprimés pour le syndicat UNSA et que la liste commune avait obtenu quatre élus au sein du deuxième collège, en a déduit à bon droit qu'il résultait de l'application de cette clé de répartition que le syndicat UNSA avait obtenu au moins un élu dans le deuxième collège, peu important que la liste commune ne fasse pas mention de l'appartenance de chaque candidat à l'un ou l'autre des syndicats.
15. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.




Soc. 6 mai 2025 n° 23-17.005

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 6 mai 2025



Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 469 F-D
Pourvoi n° J 23-17.005

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 MAI 2025
La société Tournier expansion [Localité 4], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° J 23-17.005 contre l'arrêt rendu le 21 mars 2023 par la cour d'appel de Chambéry (chambre sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à Pôle emploi [Localité 4], dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à M. [S] [L], domicilié [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Dieu, conseiller, les observations de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de la société Tournier expansion [Localité 4], de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de M. [L], après débats en l'audience publique du 26 mars 2025 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Dieu, conseiller rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la société Tournier expansion [Localité 4] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Pôle emploi, devenu France travail.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 21 mars 2023), M. [L] a été engagé en qualité de conseiller vente à compter du 6 novembre 2017 par la société Tournier expansion [Localité 4] (la société), qui exploite dans cette commune un magasin sous l'enseigne « Darty ». Dans le dernier état des relations contractuelles, il cumulait cette fonction avec celle de responsable logistique.
3. Placé en arrêt de travail du 1er octobre 2019 au 1er janvier 2020, il a été déclaré définitivement inapte par le médecin du travail le 2 janvier 2020, puis licencié le 15 avril 2020 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
4. Soutenant avoir subi un harcèlement moral, le salarié a saisi la juridiction prud'homale, le 4 août 2020, de demandes tendant à la nullité de son licenciement et au paiement de diverses sommes à titre salarial et indemnitaire.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
6. La société fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement du salarié trouve sa cause dans l'inaptitude et est en conséquence nul et de la condamner à payer à celui-ci diverses sommes, alors « que le licenciement pour inaptitude d'un salarié victime de harcèlement n'est entaché de nullité que s'il est établi avec certitude que les faits de harcèlement moral ont entraîné une dégradation de l'état de santé du salarié à l'origine de son inaptitude ; qu'en se bornant, pour dire nul le licenciement du salarié, à énoncer que l'inaptitude faisait suite à une souffrance au travail résultant d'un management harcelant, la cour d'appel qui n'a pas caractérisé un lien certain entre le harcèlement moral et le licenciement pour inaptitude, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail. »
Réponse de la Cour
7. Après avoir retenu que le salarié avait été victime de harcèlement moral, l'arrêt constate que l'inaptitude du salarié faisait suite à une souffrance au travail résultant d'un management harcelant.
8. La cour d'appel, qui a ainsi fait ressortir que le licenciement pour inaptitude du salarié était consécutif au harcèlement subi par celui-ci, a légalement justifié sa décision.
Mais sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
9. La société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer au salarié une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour violation de l'article L. 1226-4 du code du travail, alors « que les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure ; que le juge ne peut allouer au créancier des dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires qu'à la condition de caractériser, d'une part, la mauvaise foi du débiteur, d'autre part, l'existence d'un préjudice indépendant du retard de paiement ; qu'en l'espèce, pour condamner la société Tournier expansion [Localité 4] à verser au salarié une indemnisation pour violation de l'article L. 1226-4 du code du travail, la cour d'appel s'est bornée à relever que l'employeur n'établissait pas avoir payé les rappels de salaire, que le retard était donc important, que le salarié n'avait pu bénéficier de ressources nécessaires pour assumer ses besoins de sorte qu'il avait subi un préjudice du fait du non-paiement du salaire à l'issue du délai d'un mois après la visite médicale de reprise ; qu'en statuant ainsi, sans caractériser la mauvaise foi de l'employeur, la cour d'appel a violé l'article 1231-6 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1231-6 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
10. Aux termes de ce texte, les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure. Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte. Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l'intérêt moratoire.
11. Pour condamner l'employeur au paiement de dommages-intérêts pour violation de l'article L. 1226-4 du code du travail, l'arrêt retient que l'employeur n'établit pas avoir payé les rappels de salaire du 1er mars au 15 avril 2020, que le retard est donc important, que le salarié n'a pu bénéficier de ressources nécessaires pour assumer ses besoins et qu'il a subi un préjudice du fait du non-paiement du salaire à l'issue du délai d'un mois après la visite médicale de reprise.
12. En statuant ainsi, sans caractériser l'existence d'un préjudice distinct de celui résultant du retard apporté dans le paiement des créances, causé par la mauvaise foi de l'employeur, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
13. La cassation prononcée n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.




Soc. 6 mai 2025 n° 23-22.337

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 6 mai 2025



Cassation partielle

M. BARINCOU, conseiller le plus ancien faisant fonction de président


Arrêt n° 448 F-D
Pourvoi n° E 23-22.337

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 MAI 2025
La société Cabinet [Z] [C], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° E 23-22.337 contre l'arrêt rendu le 14 septembre 2023 par la cour d'appel de Nancy (chambre sociale, section 2), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [U] [W], domiciliée [Adresse 2],
2°/ à Pôle emploi Lorraine - Le Médiateur Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 3], devenu France travail Lorraine,
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Brinet, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Cabinet [Z] [C], de la SCP Françoise Fabiani - François Pinatel, avocat de Mme [W], après débats en l'audience publique du 25 mars 2025 où étaient présents M. Barincou, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Brinet, conseiller rapporteur, M. Carillon, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Thuillier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 14 septembre 2023), Mme [W] a été engagée en qualité d'assistante de cabinet et de responsable de dossiers, le 2 novembre 2007, par M. [C], expert-comptable et commissaire aux comptes exerçant en son nom propre, aux droits duquel se trouve la société Cabinet [Z] [C].
2. Mise à pied à titre conservatoire le 13 mai 2020, puis licenciée, pour faute grave, le 25 mai 2020, la salariée a saisi la juridiction prud'homale en contestant le caractère réel et sérieux de la cause de son licenciement et en demandant le paiement de diverses sommes à titre d'indemnités et de dommages-intérêts.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à rembourser à Pôle emploi les prestations servies à la salariée dans la limite de six mois, alors « qu'en application de l'article L. 1235-5 du code du travail, ne sont pas applicables au licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, les dispositions relatives au remboursement des indemnités de chômage, prévues à l'article L. 1235-4, en cas de méconnaissance des articles L. 1235-3 et L. 1235-1 ; que dans ses écritures, l'exposant avait démontré, pièces à l'appui, qu'au jour de la rupture du contrat de travail, l'effectif de l'entreprise était inférieur à onze salariés ; qu'en se bornant à affirmer que la condition d'un effectif supérieur à onze salariés était remplie, sans s'expliquer sur les écritures et les pièces non contestées de l'exposant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1235-5 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1235-5 du code du travail :
5. Il résulte de ce texte que ne sont pas applicables au licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, les dispositions relatives au remboursement des indemnités de chômage, prévues à l'article L. 1235-4, en cas de méconnaissance des articles L. 1235-3 et L. 1235-11.
6. Pour condamner l'employeur à rembourser à Pôle emploi les prestations prévues à l'article L. 1235-4 du code du travail, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que l'obligation de condamner l'employeur au remboursement de ces indemnités s'impose au juge dès lors que les trois conditions suivantes sont réunies : un licenciement sans cause réelle et sérieuse, une entreprise de plus de onze salariés, un salarié ayant plus de deux ans d'ancienneté et qu'en l'espèce ces trois conditions sont réunies et, par motifs propres, que la décision entreprise est confirmée en ce qu'elle a condamnée l'employeur à rembourser à l'établissement public Pôle emploi le montant des indemnités versées à la salariée dans la limite de six mois d'indemnités.
7. En se déterminant ainsi, sans rechercher si l'entreprise employait moins de onze salariés au moment du licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Portée et conséquences de la cassation
8. La cassation du chef de dispositif condamnant l'employeur à rembourser à Pôle emploi les prestations servies à la salariée dans la limite de six mois n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt le condamnant aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à son encontre.
9. En application de l'article 625, alinéa 3, du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause Mme [W], dont la présence n'est plus nécessaire devant la cour de renvoi.




Soc. 6 mai 2025 n° 24-12.403

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC. / ELECT
JL10


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 6 mai 2025



Cassation

M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 475 F-D
Pourvoi n° C 24-12.403

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 MAI 2025
1°/ Le syndicat national UNSA énergie, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ M. [C] [L], domicilié [Adresse 3],
ont formé le pourvoi n° C 24-12.403 contre le jugement rendu le 19 février 2024 par le tribunal judiciaire d'Amiens (pôle social, contentieux des élections professionnelles), dans le litige les opposant à la société Enedis, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lanoue, conseiller référendaire, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat du syndicat national UNSA énergie et de M. [L], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Enedis, et l'avis écrit de Mme Laulom, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 mars 2025 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lanoue, conseiller référendaire rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire d'Amiens, 19 février 2024), la société Enedis (la société) a organisé courant novembre 2023 les élections de la délégation du personnel au comité social et économique (CSE) au sein de ses vingt-huit établissements distincts.
2. Les élections se sont déroulées du 6 au 13 novembre 2023 (premier tour) et du 23 au 27 novembre 2023 (second tour).
3. Dans l'établissement Direction régionale Picardie, qui compte au moins cinq cents salariés, le syndicat UNSA énergie (le syndicat UNSA) a déposé au premier tour une liste de candidats en son nom propre pour le premier collège.
4. Pour le deuxième et le troisième collèges, le syndicat UNSA et le syndicat CFE-CGC énergies (le syndicat CFE-CGC) ont présenté des listes communes de candidats en application d'un accord d'entente électorale conclu le 9 octobre 2023 prévoyant le dépôt de listes communes dans les deuxième et troisième collèges sous le nom « Alliance CFE-CGC UNSA énergies », les parties déterminant, d'un commun accord, que la répartition des suffrages s'opérerait à concurrence de 65 % en faveur du syndicat CFE-CGC et 35 % au bénéfice du syndicat UNSA.
5. Le syndicat UNSA a obtenu un élu titulaire dans le premier collège et les listes communes quatre sièges de titulaires dans le deuxième collège et deux dans le troisième collège.
6. Le 5 décembre 2023, le syndicat UNSA a informé la société de la désignation sur le périmètre de l'établissement de M. [L] en qualité de délégué syndical supplémentaire.
7. La société a saisi le tribunal judiciaire en annulation de cette désignation.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
8. Le syndicat UNSA et M. [L] font grief au jugement d'annuler la désignation de M. [L] en qualité de représentant syndical supplémentaire propre au syndicat UNSA, alors « que dans les entreprises d'au moins cinq cents salariés, tout syndicat représentatif dans l'entreprise peut désigner un délégué syndical supplémentaire s'il a obtenu un ou plusieurs élus dans le collège des ouvriers et employés lors de l'élection du comité d'entreprise et s'il compte au moins un élu dans l'un des deux autres collèges ; que lorsque plusieurs syndicats ont constitué une liste commune aux élections du comité social et économique, chacun d'eux peut procéder à la désignation d'un délégué syndical supplémentaire dès lors qu'il remplit à lui seul l'ensemble de ces conditions, sans préjudice de la possibilité pour les syndicats ayant constitué une liste commune de désigner ensemble un délégué syndical supplémentaire ; qu'en l'espèce, le vice-président du tribunal judiciaire a constaté d'une part que "l'accord d'entente électorale liant les syndicats CFE-CGC et UNSA énergie prévoit une répartition des « voix » entre chacune des deux organisations syndicales, [?] selon les proportions de 65 % pour le syndicat CFE-CGC et de 35 % pour le syndicat UNSA énergie", d'autre part que "la liste commune Alliance CFE-CGC UNSA a [?] obtenu 4 sièges de titulaires au second collège, et 2 sièges au troisième collège", ce dont il résulte que le syndicat UNSA énergie avait obtenu au moins un élu dans les deuxième et troisième collèges ; qu'en retenant néanmoins que l'appartenance syndicale personnelle de chacun des candidats de la liste n'est pas déterminable au vu des seuls documents électoraux pour en déduire qu'"il ne résulte d'aucun des éléments produits aux débats la certitude que le syndicat UNSA énergie compte au moins un élu dans le second ou le troisième collège", le vice-président du tribunal judiciaire a, en y ajoutant une condition qu'il ne prévoit pas, violé l'article L. 2143-4 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 2143-4, alinéa 1, du code du travail :
9. Aux termes de ce texte, dans les entreprises d'au moins cinq cents salariés, tout syndicat représentatif dans l'entreprise peut désigner un délégué syndical supplémentaire s'il a obtenu un ou plusieurs élus dans le collège des ouvriers et employés lors de l'élection du comité social et économique et s'il compte au moins un élu dans l'un des deux autres collèges.
10. Lorsque plusieurs syndicats ont constitué une liste commune aux élections du comité social et économique, chacun d'eux peut procéder à la désignation d'un délégué syndical supplémentaire dès lors qu'il remplit à lui seul l'ensemble de ces conditions, sans préjudice de la possibilité pour les syndicats ayant constitué une liste commune de désigner ensemble un délégué syndical supplémentaire.
11. Le nombre d'élus obtenu par chaque organisation syndicale s'apprécie sur la base indiquée par les organisations syndicales concernées lors du dépôt de leur liste et, à défaut, par parts égales entre les organisations concernées.
12. L'indication de la base de répartition permettant de déterminer le nombre d'élus de chaque syndicat peut également résulter de la mention sur la liste de candidature présentée aux électeurs, pour chacun des candidats de la liste commune, de leur appartenance à l'un ou l'autre des syndicats de la liste.
13. Il en résulte que lorsqu'une clé de répartition a été indiquée lors du dépôt de la liste, elle sert de base au calcul du nombre d'élus obtenu par chaque syndicat composant la liste commune.
14. Pour annuler la désignation de M. [L] en qualité de délégué syndical supplémentaire, le jugement retient que si les syndicats CFE-CGC et UNSA énergie ont présenté des listes communes dans le deuxième et le troisième collège en application d'un accord d'entente électorale prévoyant une répartition des voix à hauteur de 35 % pour le syndicat UNSA, cette répartition est inopérante en ce qui concerne le point de savoir si le syndicat UNSA compte ou non au moins un élu dans le deuxième ou le troisième collège, faute de désignation de l'appartenance syndicale personnelle de chacun des candidats de la liste, au nombre desquels les quatre candidats de la liste commune élus dans le deuxième collège.
15. En statuant ainsi, le tribunal a violé le texte susvisé.




Soc. 6 mai 2025 n° 24-12.248

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC. / ELECT
CZ


COUR DE CASSATION ______________________

Arrêt du 6 mai 2025



Rejet

M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 473 F-D
Pourvoi n° J 24-12.248



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 MAI 2025
La société Electricité de France, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° J 24-12.248 contre le jugement rendu le 12 février 2024 par le tribunal judiciaire de Bourges (contentieux des élections professionnelles), dans le litige l'opposant :
1°/ au syndicat national UNSA énergie, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à Mme [N] [E], domiciliée [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lanoue, conseiller référendaire, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de la société Electricité de France, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat du syndicat national UNSA énergie et de Mme [E], et l'avis de Mme Laulom, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 mars 2025 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lanoue, conseiller référendaire rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Bourges, 12 février 2024), la société EDF (la société) a organisé courant novembre 2023 les élections de la délégation du personnel au comité social et économique (CSE) au sein de ses quarante-huit établissements distincts.
2. Les élections se sont déroulées du 6 au 13 novembre 2023 (premier tour) et du 23 au 27 novembre 2023 (second tour).
3. Dans l'établissement Centre nucléaire de production d'électricité de [Localité 4], qui compte au moins cinq cents salariés, le syndicat UNSA énergie (le syndicat UNSA) a déposé au premier tour une liste de candidats en son nom propre pour le premier collège.
4. Pour le deuxième et le troisième collèges, le syndicat UNSA et le syndicat CFE-CGC énergies (le syndicat CFE-CGC) ont présenté des listes communes de candidats en application d'un accord d'entente électorale conclu le 12 octobre 2023 prévoyant le dépôt de listes communes dans les deuxième et troisième collèges sous le nom « Alliance CFE-CGC UNSA énergies », les parties déterminant, d'un commun accord que la répartition des suffrages s'opérerait à concurrence de 70 % en faveur du syndicat CFE-CGC et 30 % au bénéfice du syndicat UNSA.
5. Le syndicat UNSA a obtenu un élu titulaire dans le premier collège et la liste commune quatre sièges de titulaires dans le deuxième collège et quatre sièges dans le troisième collège.
6. Le 8 décembre 2023, le syndicat UNSA a informé la société de la désignation sur le périmètre de l'établissement de Mme [E] en qualité de délégué syndical supplémentaire.
7. La société a saisi le tribunal judiciaire en annulation de cette désignation.

Examen du moyen
Enoncé du moyen
8. La société fait grief au jugement de constater la régularité de la désignation de Mme [E] en qualité de délégué syndical supplémentaire par le syndicat national UNSA à l'issue des élections du comité social et économique de l'établissement CNPE de [Localité 4], alors « qu'un syndicat ayant constitué une liste commune pour les élections au comité social et économique ne peut procéder à la désignation d'un délégué syndical supplémentaire que s'il réunit à lui seul l'ensemble des conditions posées à l'article L. 2143-4 du code du travail, sans préjudice de la possibilité pour les syndicats ayant constitué cette liste commune de désigner ensemble un délégué syndical supplémentaire ; que le scrutin est de liste à deux tours avec représentation proportionnelle à la plus forte moyenne, les candidats étant proclamés élus dans l'ordre de leur présentation, sauf à ce que l'un d'eux ait été raturé dans les proportions suffisantes pour être exclu de l'élection ; qu'en l'absence d'identification de l'appartenance syndicale des salariés figurant sur la liste commune, il n'est pas possible d'apprécier si l'un des syndicat composant cette liste remplit à lui seul les conditions posées par l'article L. 2143-4 du code du travail pour désigner un délégué syndical supplémentaire, notamment la condition relative à l'obtention d'un élu dans tel collège dans lequel il a constitué cette liste commune avec une autre organisation syndicale ; que le tribunal, qui a considéré qu'il pouvait être satisfait à cette condition en calculant le nombre d'élus obtenus par chacun des syndicat ayant constitué la liste commune sur la base indiquée par les organisations syndicales concernées lors du dépôt de la liste, a par la même méconnu les dispositions des articles L. 2143-4 et L.2314-29 du code du travail. »
Réponse de la Cour
9. Aux termes de l'article L. 2143-4, alinéa 1, du code du travail, dans les entreprises d'au moins cinq cents salariés, tout syndicat représentatif dans l'entreprise peut désigner un délégué syndical supplémentaire s'il a obtenu un ou plusieurs élus dans le collège des ouvriers et employés lors de l'élection du comité social et économique et s'il compte au moins un élu dans l'un des deux autres collèges.
10. Lorsque plusieurs syndicats ont constitué une liste commune aux élections du comité social et économique, chacun d'eux peut procéder à la désignation d'un délégué syndical supplémentaire dès lors qu'il remplit à lui seul l'ensemble de ces conditions, sans préjudice de la possibilité pour les syndicats ayant constitué une liste commune de désigner ensemble un délégué syndical supplémentaire.
11. Le nombre d'élus obtenu par chaque organisation syndicale s'apprécie sur la base indiquée par les organisations syndicales concernées lors du dépôt de leur liste commune et, à défaut, par parts égales entre les organisations concernées.
12. L'indication de la base de répartition permettant de déterminer le nombre d'élus de chaque syndicat peut également résulter de la mention sur la liste de candidature présentée aux électeurs, pour chacun des candidats de la liste commune, de leur appartenance à l'un ou l'autre des syndicats de la liste.
13. Il en résulte que lorsqu'une clé de répartition a été indiquée lors du dépôt de la liste, elle sert de base au calcul du nombre d'élus obtenu par chaque syndicat composant la liste commune.
14. Le tribunal judiciaire, qui a constaté que l'accord d'entente électorale communiqué lors du dépôt de la liste commune prévoyait une répartition de 30 % des suffrages exprimés pour le syndicat UNSA et que la liste commune avait obtenu quatre élus au sein du deuxième collège et quatre élus dans le troisième collège, en a déduit à bon droit qu'il résultait de l'application de cette clé de répartition que le syndicat UNSA avait obtenu au moins un élu dans le deuxième collège, peu important que la liste commune ne fasse pas mention de l'appartenance de chaque candidat à l'un ou l'autre des syndicats.
15. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.




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