Com. 12 juin 2024 n° 23-13.360 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
HM
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 12 juin 2024
Rejet
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 340 F-B
Pourvoi n° X 23-13.360
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 12 JUIN 2024
La société Abondance-J.B Clément Boulogne, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° X 23-13.360 contre l'arrêt rendu le 17 janvier 2023 par la cour d'appel de Versailles (13e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Solal, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], en liquidation,
2°/ à la société Alliance, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], en la personne de Mme [M] [T], prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société Solal,
3°/ au procureur général près la cour d'appel de Versailles, domicilié en son parquet général [Adresse 4],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Riffaud, conseiller, les observations écrites de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Abondance-J.B Clément Boulogne, de Me Bertrand, avocat de la société Alliance, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 avril 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Riffaud, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la société civile immobilière Abondance-J.B Clément Boulogne (la société Abondance) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Solal.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 17 janvier 2023), la société Abondance a consenti à la société Le Pain des abondances deux baux commerciaux qui, au cours de la liquidation judiciaire de cette société, ont été transmis à l'occasion de la cession de son fonds de commerce à M. [W], auquel s'est substituée la société Solal.
3. Le 4 mai 2021, la société Solal a été mise en liquidation judiciaire, la société Alliance étant désignée en qualité de liquidateur et la date de cessation des paiements fixée au 5 novembre 2019.
4. Le 8 juillet 2021, la société Abondance a porté à la connaissance du liquidateur une créance correspondant aux loyers restés impayés depuis l'ouverture de la procédure collective, pour un montant de 69 905,75 euros.
5. Le 23 juillet 2021, le liquidateur de la société Solal a assigné la société Abondance en nullité de deux saisies conservatoires pratiquées à son bénéfice et de quatre virements intervenus à son profit entre la date de cessation des paiements et celle du jugement d'ouverture de la procédure collective et a demandé la condamnation de la société Abondance au paiement de la somme totale de 94 026,66 euros correspondant aux sommes ainsi payées pendant cette période, avant, par une lettre recommandée du 27 juillet 2021, de résilier les deux baux commerciaux.
6. La société Abondance a demandé qu'en cas d'annulation des opérations contestées une compensation soit opérée entre la dette en résultant et sa créance de loyers postérieure à l'ouverture de la liquidation judiciaire de la société Solal.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Et sur le second moyen
Enoncé du moyen
8. La société Abondance fait grief à l'arrêt de la condamner à payer au liquidateur de la société Solal, la somme de 89 947,59 euros et de rejeter sa demande de compensation alors « que l'interdiction de payer les créances antérieures au jugement d'ouverture ne concerne pas les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture, paiement qui peut ainsi intervenir par voie de compensation ; qu'en l'espèce, le bailleur sollicitait la compensation entre, d'une part, la créance d'un montant de 69 905,57 euros dont il était titulaire à l'encontre du locataire en raison de la poursuite du contrat de bail après le jugement d'ouverture et, d'autre part, la créance de restitution dont la société Solal était titulaire en raison de l'annulation des paiements litigieux par la cour d'appel, de telle sorte que les conditions de la compensation étaient réunies, les créances réciproques étant certaines, liquides et exigibles ; qu'en affirmant que la compensation ne pouvait jouer aux motifs que la créance de restitution dont l'entreprise en difficulté était titulaire à l'encontre du bailleur était indisponible" pour être affectée au profit de la collectivité des créanciers", la cour d'appel, qui a interdit la mise en oeuvre de la compensation au créancier titulaire d'une créance régulièrement née après le jugement d'ouverture, a violé les articles L. 622-7 et L. 622-17 du code de commerce, pris ensemble les articles 1347 et 1347-2 du code civil, tels qu'ils sont issus de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
9. La nullité des paiements pour dettes échues effectués à compter de la cessation des paiements, qui peut être prononcée, en application de l'article L. 632-2 du code de commerce, si ceux qui ont traité avec le débiteur connaissaient sa cessation des paiements, a pour finalité, selon l'article L. 632-34 du même code, de reconstituer l'actif du débiteur dans l'intérêt collectif des créanciers.
10. En conséquence, la cour d'appel a exactement retenu que la compensation ne pouvait jouer entre la créance de restitution consécutive à l'annulation des paiements effectués en période suspecte, indisponible pour être affectée au profit de la collectivité des créanciers de la liquidation judiciaire, et la créance dont se prévalait le bailleur au titre des loyers échus après le jugement d'ouverture.
11. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé.
Soc. 12 juin 2024 n° 22-18.838
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 12 juin 2024
Cassation partielle
Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 587 F-D
Pourvoi n° F 22-18.838
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 JUIN 2024
Mme [T] [S], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° F 22-18.838 contre l'arrêt rendu le 7 septembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6,chambre 11), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Club M Paris 13, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5],
2°/ à l' Association développement sport recrutement 69, dont le siège est [Adresse 4],
3°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 1],
4°/ à la société MJA, société d'exercice libéral par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], représentée par Mme [N] [R], prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société Club M Paris 13,
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ala, conseiller référendaire, les observations de la SCP Françoise Fabiani - François Pinatel , avocat de Mme [S], après débats en l'audience publique du 7 mai 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ala, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 septembre 2021),l'association développement sport recrutement 69 (l'association) et la société le Club montmartrois, devenue la société Club M Paris 13 (la société) ont conclu, le 1er septembre 1995, une convention de mise à disposition « par prêt de main d'oeuvre d'éducateurs sportifs ».
2. Selon cette convention, il était prévu que l'association facturerait à la société le salaire brut des salariés, les éventuels frais professionnels ainsi que les frais occasionnés pour un litige prud'homal entre le salarié et l'utilisateur.
3. Mme [S] a travaillé en qualité d'éducateur sportif pour le compte de la société à compter du 19 juin 2012 sans qu'un contrat de travail soit établi.
4. Le 13 mai 2016, Mme [S] a saisi la juridiction prud'homale afin que soit reconnue l'existence d'un co-emploi entre les deux structures et en sollicitant notamment la résiliation judiciaire du contrat de travail.
5. Le 8 septembre 2016, la société a adressé un courriel à l'association par lequel elle lui a fait connaître son souhait de ne plus travailler avec Mme [S].
6. Par lettres des 9 et 11 septembre 2016, l'association a proposé à Mme [S] d'accomplir ses heures de travail au sein d'autres structures. Cette dernière n'a pas donné suite aux propositions.
7. Par jugement du 7 février 2023, a été ouverte une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Club M Paris 13, la société MJA étant désignée en qualité de liquidatrice.
Examen des moyens
Sur les premier et troisième moyens
8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen et le troisième moyen, pris en sa première branche, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation et sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche, qui est irrecevable.
Mais sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
9. La salariée fait grief à l'arrêt de dire que la résiliation judiciaire du contrat de travail produit les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse à la date du 8 septembre 2016, alors « qu'en cas de résiliation judiciaire du contrat de travail, la date d'effet de la résiliation ne peut être fixée qu'au jour de la décision qui la prononce dès lors que le contrat n'a pas été rompu avant cette date et que le salarié est toujours au service de l'employeur ; que la cour d'appel a reconnu à la société Club M Paris 13 la qualité de co-employeur avec l'ADSR 69 en raison du lien de subordination exercé par elle à l'égard de Mme [S] ; qu'en considérant, pour fixer la date d'effet de la résiliation judiciaire du contrat de travail intermittent à durée indéterminée de Mme [S] au 8 septembre 2016, qu'à cette date, par un courriel adressé à l'ADSR 69, la société Club M Paris 13 a clairement manifesté son intention de rompre la relation de travail avec Mme [S] et de cesser toute collaboration avec celle-ci, la cour d'appel a violé les articles 1224 et 1227 (ancien article 1184) du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
10. Il résulte de ce texte, qu'en cas de résiliation judiciaire du contrat de travail, la date d'effet de la résiliation ne peut être fixée qu'au jour de la décision qui la prononce dès lors que le contrat n'a pas été rompu avant cette date et que le salarié est toujours au service de l'employeur.
11. Pour fixer au 8 septembre 2016 la date de prise d'effet de la résiliation judiciaire aux torts de l'employeur, l'arrêt retient que suite au courrier adressé par la société à l'association le 8 septembre 2016, il a été refusé tout travail à la salariée. L'arrêt ajoute qu'en sa qualité de co-employeur, la société ne pouvait légitimement mettre ainsi fin à la relation de travail.
12. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations qu'aucun courrier mettant fin à la relation de travail n'avait été adressé à la salariée et que le contrat de travail n'avait pas été rompu, ce dont elle aurait dû déduire que la relation contractuelle s'était poursuivie après cette date, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
13. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée sur le deuxième moyen, entraîne la cassation par voie de conséquence du chef de dispositif qui déboute la salariée de sa demande de rappel de salaire et congés payés afférents formulée jusqu'au mois de mai 2018, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
14. La cassation des chefs de dispositif se rapportant à la résiliation du contrat de travail n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant in solidum l'association développement sport recrutement 69 et la société Club M Paris 13 aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celles-ci et non remises en cause.
Soc. 12 juin 2024 n° 23-10.037
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 12 juin 2024
Cassation partielle
Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 611 F-D
Pourvois n° F 23-10.033 H 23-10.034 G 23-10.035 K 23-10.037 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 JUIN 2024
La société Placeo, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 5], a formé les pourvois n° F 23-10.033, H 23-10.034, G 23-10.035 et K 23-10.037 contre quatre arrêts rendus le 3 novembre 2022 par la cour d'appel de Rouen (chambre sociale et des affaires de sécurité sociale), dans les litiges l'opposant respectivement :
1°/ à M. [U] [M], domicilié [Adresse 4],
2°/ à M. [C] [G], domicilié [Adresse 1],
3°/ à M. [S] [X], domicilié [Adresse 6],
4°/ à M. [Z] [L], domicilié [Adresse 3],
5°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de ses recours, deux moyens communs de cassation.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de M. Pietton, conseiller, les observations écrites de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de la société Placeo, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de MM. [M], [G], [X] et [L], après débats en l'audience publique du 14 mai 2024 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pietton, conseiller rapporteur, M. Seguy, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° F 23-10.033 à G 23-10.035, et K 23-10.037 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon les arrêts attaqués (Rouen, 3 novembre 2022), la société Placeo (la société), qui a pour activité la réalisation et la mise en place de sols en béton et possède plusieurs agences en France, a notifié aux salariés, MM. [M], [G], [X] et [L], une proposition de modification de leur contrat de travail pour motif économique par lettres du 22 juin 2016.
3. A la suite du refus des salariés d'accepter cette modification, la société leur a notifié par lettres du 27 juillet 2016, des propositions de reclassement.
4. MM. [M], [G], [X] et [L], ont accepté par la suite d'adhérer au contrat de sécurisation professionnelle qui leur avait été proposé lors de l'entretien préalable à un éventuel licenciement et ont reçu, pour le premier, le 26 septembre 2016, pour les autres le 15 septembre 2016, une lettre de licenciement pour motif économique.
5. Contestant le bien-fondé de la rupture de leur contrat de travail, les salariés ont saisi la juridiction prud'homale.
Examen des moyens
Sur le second moyen
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
7. La société fait grief aux arrêts de dire sans cause réelle et sérieuse la rupture du contrat de travail des salariés, de la condamner à leur payer des sommes à titre de dommages-intérêts pour rupture du contrat de travail dépourvue de cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, de la condamner à rembourser à l'organisme concerné le montant des indemnités de chômage versées aux salariés depuis la rupture de leur contrat de travail, dans la limite de six mois de prestations et déduction faite de la contribution versée par l'employeur à cet organisme lors de l'adhésion des salariés au contrat de sécurisation professionnelle, et d'ordonner la remise aux salariés des documents de fin de contrat de travail et d'un bulletin de paie récapitulatif conformes aux arrêts, alors « que satisfait à son obligation légale d'informer le salarié du motif économique de la rupture, avant l'acceptation par celui-ci du contrat de sécurisation professionnelle, l'employeur qui remet au salarié, dans le cadre des possibilités de reclassement devant être recherchées à compter du moment où le licenciement est envisagé, une lettre lui proposant un ou plusieurs postes à ce titre et énonçant que la suppression de son poste est consécutive à une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ; que la société Placeo produisait, en pièce 23 ou 24, la lettre du 27 juillet 2016 par laquelle elle avait adressé au salarié des propositions de reclassement, en lui indiquant que la suppression de son poste était consécutive au redéploiement des effectifs attachés à l'agence de [Localité 7], au sein de laquelle il travaillait, et que ce redéploiement était lié à une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ; que la cour d'appel, pour affirmer qu'au moment de l'adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle, il n'avait pas été satisfait à l'obligation d'information concernant le motif de la rupture, et pour juger en conséquence que la rupture du contrat de travail était dépourvue de cause réelle et sérieuse, a retenu que l'exécution de cette obligation d'information ne pouvait pas résulter des éléments contenus dans les propositions de reclassement faites au salarié par courrier du 27 juillet 2016, dès lors que ces propositions étaient antérieures à l'engagement de la procédure de licenciement ; qu'en statuant par ce motif, quand l'information due au salarié pouvait lui être régulièrement donnée dans le cadre des propositions de reclassement formulées préalablement au licenciement, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-3, L. 1233-65, L. 1233-66 et L. 1233-67 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
8. Les salariés contestent la recevabilité du moyen. Ils exposent que le moyen est contraire à l'argumentation soutenue devant le juge du fond par la société qui faisait valoir qu'il n'avait jamais été question d'une suppression d'emploi mais que les salariés avaient été licenciés par suite de leur refus d'accepter la proposition de modification de leur contrat de travail comme l'avait indiqué la lettre du 27 juillet 2016.
9. Cependant, l'employeur avait fait valoir dans ses conclusions que l'information du salarié sur les motifs économiques du licenciement avait été régulièrement donnée dans le cadre des propositions de reclassement, faites préalablement à la rupture du contrat de travail. Il s'ensuit que le moyen n'est pas contraire à l'argumentation soutenue devant la cour d'appel.
10. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles L. 1233-3, L. 1233-16 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 et L. 1233-67 du même code :
11. Il résulte de ces textes que la rupture du contrat de travail résultant de l'acceptation par le salarié d'un contrat de sécurisation professionnelle doit avoir une cause économique réelle et sérieuse. L'employeur doit en énoncer le motif économique dans un écrit remis ou adressé au salarié au cours de la procédure de licenciement et au plus tard au moment de l'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle par le salarié, afin qu'il soit informé des raisons de la rupture lors de son acceptation.
12. Pour juger le licenciement des salariés sans cause réelle et sérieuse, condamner la société à leur payer diverses sommes au titre de la rupture ainsi qu'à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage éventuellement perçues dans la limite de six mois d'indemnités et ordonner la remise des documents de fin contrat de travail et un bulletin de paie récapitulatif conforme aux décisions, les arrêts retiennent que ni la convocation à entretien préalable, ni la proposition d'adhésion au contrat de sécurisation professionnelle ne portent à la connaissance des salariés les motifs de la rupture avant l'acceptation par eux de ce contrat.
13. Ils ajoutent que les éléments contenus dans le courrier de proposition de modification du contrat de travail du 22 juin 2016 remis avant l'engagement de la procédure de licenciement sont insuffisants et ne permettent pas à l'employeur de répondre à son obligation d'information de la cause économique de la rupture du contrat de travail et qu'il en est de même concernant les propositions de reclassement formulées aux salariés par lettres du 27 juillet 2016, antérieurement à l'engagement de la procédure de licenciement.
14. Ils en déduisent que lors de l'adhésion des salariés au contrat de sécurisation professionnelle, l'employeur n'avait pas satisfait à l'exigence d'information concernant le motif de la rupture.
15. En statuant ainsi, alors que la société avait adressé le 27 juillet 2016 aux salariés, dans le cadre des possibilités de reclassement devant être recherchées à compter du moment où le licenciement était envisagé, une lettre leur proposant un poste à ce titre et énonçant que la modification du contrat de travail qu'ils avaient refusée était fondée sur une réorganisation de la société nécessaire pour sauvegarder la compétitivité, ce dont il résultait que l'employeur avait satisfait à son obligation légale d'informer les salariés, avant leur acceptation du contrat de sécurisation professionnelle, du motif économique de la rupture, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
16. La cassation des chefs de dispositif ayant dit sans cause réelle et sérieuse les ruptures des contrats de travail des salariés et condamnant l'employeur à leur verser diverses sommes au titre de la rupture n'emporte pas celle des chefs de dispositif des arrêts condamnant la société aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celle-ci.
Soc. 12 juin 2024 n° 22-23.235
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 12 juin 2024
Cassation partielle
Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 610 F-D
Pourvoi n° K 22-23.235
Aide juridictionnelle totale en demande au profit de M. [B]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 22 septembre 2022.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 JUIN 2024
M. [F] [B], domicilié chez [Adresse 3], a formé le pourvoi n° K 22-23.235 contre l'arrêt rendu le 12 janvier 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 3), dans le litige l'opposant :
1°/ à l'UNÉDIC délégation AGS CGEA Île-de-France Est, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à Mme [U] [Y], domiciliée [Adresse 2], prise en qualité de mandataire ad hoc de la société Garage Sid en liquidation judiciaire,
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, cinq moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pietton, conseiller, les observations écrites de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de M. [B], après débats en l'audience publique du 14 mai 2024 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pietton, conseiller rapporteur, M. Seguy, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 janvier 2022), M. [B] a été engagé en qualité de mécanicien à compter du 7 février 2013 par la société Garage Sid.
2. Le 9 juillet 2014, le salarié a trouvé à son retour d'un arrêt de travail, l'entreprise fermée. Il a alors saisi en référé le conseil de prud'hommes et a obtenu la condamnation de son employeur à lui payer des rappels de salaire.
3. Le 24 septembre 2014, par lettre recommandée avec avis de réception le salarié a demandé à son employeur de lui adresser une « lettre de résiliation » de son contrat de travail pour lui permettre de s'inscrire à Pôle emploi. Cette lettre est restée sans réponse.
4. La société Garage Sid n'ayant pas exécuté les condamnations prononcées par l'ordonnance de référé, le salarié a saisi le tribunal de commerce qui, par jugement du 7 octobre 2015, a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de cette société, Mme [Y] étant désignée liquidateur. Celle-ci a été ultérieurement nommée mandataire ad hoc de la société.
5. Le 23 juin 2015, le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur et obtenir la fixation au passif de la société de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande tendant à la fixation au passif de la société Garage Sid d'une créance de 472,14 euros, outre les congés payés afférents, au titre du rappel de salaire minimum conventionnel, alors « que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'un rappel de salaire au titre du salaire minimum conventionnel, l'arrêt retient que "M. [B] sollicite l'application de l'échelon 3 de la convention collective, qui correspond à un professionnel titulaire d'une qualification de branche dans la spécialité. Toutefois, il ne donne aucun élément sur sa qualification, de sorte qu'il sera débouté de sa demande de re-classification. Son salaire de base est par conséquent de 1.430,22 euros" ; qu'en statuant ainsi, quand dans ses conclusions d'appel, M. [B] ne revendiquait pas une classification différente de celle qui lui avait été reconnue mais sollicitait simplement l'application du salaire minimum conventionnel correspondant à la qualification qui lui avait été octroyée par son employeur, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code de procédure civile :
7. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
8. Pour rejeter la demande, l'arrêt retient que le salarié sollicite l'application de l'échelon 3 de la convention collective, qui correspond à un professionnel titulaire d'une qualification de branche dans la spécialité, mais qu'il ne donne aucun élément sur sa qualification, de sorte qu'il sera débouté de sa demande de reclassification.
9. En statuant ainsi, alors que dans ses conclusions d'appel, le salarié sollicitait, non l'échelon 3 de la classification ouvriers et employés, mais l'application du salaire minimum conventionnel correspondant à la qualification de mécanicien reconnue par l'employeur, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
10. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que la résiliation judiciaire du contrat de travail a pris effet au 19 novembre 2018, alors « qu'en cas de résiliation judiciaire du contrat de travail, la date d'effet de la résiliation ne peut être fixée qu'au jour de la décision qui la prononce, dès lors que le contrat n'a pas été rompu avant cette date, et que le salarié est toujours au service de l'employeur ; qu'en l'espèce, pour dire que la résiliation du contrat de travail a pris effet la date du jugement, soit le 19 novembre 2018, l'arrêt relève que "Il est constant qu'alors que l'entreprise a fermé ses portes en juillet 2014 et que la société a été liquidée en octobre 2015, M. [B], dont la qualité de salarié n'a pas été contestée, n'a pas été licencié. Dès lors que l'employeur a manqué à ses deux principales obligations, fournir du travail et payer la rémunération, la demande de résiliation du contrat de travail formée par le salarié et justifiée, et il y sera fait droit. En revanche, le conseil de prud'hommes a fixé la date d'effet de cette résiliation au 24 septembre 2014, date à laquelle M. [B] a écrit à son employeur pour demander à être licencié. Or, la résiliation judiciaire du contrat de travail prend effet au jour où le juge la prononce, dès lors qu'à cette date le salarié est toujours au service de son employeur" ; qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'elle relevait que par courrier du 29 septembre 2014, le salarié avait écrit à l'employeur afin de voir le licenciement acté, de sorte que M. [B] ne s'était plus tenu à disposition de l'employeur à compter de cette date, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles 1224, 1227 et 1353 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
11. Il résulte de ce texte, qu'en cas de résiliation judiciaire du contrat de travail, la date d'effet de la résiliation ne peut être fixée qu'au jour de la décision qui la prononce dès lors que le contrat n'a pas été rompu avant cette date et que le salarié est toujours au service de l'employeur.
12. Pour fixer au 19 novembre 2018 la date de prise d'effet de la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, l'arrêt retient que le conseil de prud'hommes a fixé la date d'effet de cette résiliation au 24 septembre 2014, date à laquelle le salarié a écrit à son employeur pour demander à être licencié mais que la résiliation judiciaire du contrat de travail prend effet au jour où le juge la prononce, dès lors qu'à cette date le salarié est toujours au service de son employeur et qu'en l'espèce, la résiliation a donc pris effet à la date du jugement, soit le 19 novembre 2018.
13. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le salarié n'était plus au service de son employeur depuis le 24 septembre 2014, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé.
Sur le troisième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
14. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande au titre de la prime de panier, alors « que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; que saisie d'une demande d'indemnisation au titre de la prime de panier, la cour d'appel ne pouvait modifier le fondement juridique de la demande, et appliquer les dispositions conventionnelles applicables au titres restaurant, sans provoquer au préalable les explications des parties ; que faute de l'avoir fait, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 16 du code de procédure civile :
15. Aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
16. Pour rejeter la demande en paiement d'une prime de panier, l'arrêt retient qu'aux termes de la convention collective nationale du commerce et de la réparation de l'automobile, du cycle et du motocycle et des activités connexes, ainsi que du contrôle technique automobile du 15 janvier 1981, lorsque dans l'entreprise, le nombre de travailleurs voulant prendre leur repas est inférieur à vingt-cinq et que par suite de difficultés matérielles, l'employeur n'est pas en mesure de fournir un emplacement permettant de se restaurer dans de bonnes conditions d'hygiène et de sécurité, il remettra aux salariés concernés des titres-restaurant et qu'en l'espèce, le salarié ne donne aucun élément sur les locaux dans lesquels il travaillait et sur l'impossibilité où il se serait trouvé de se restaurer dans de bonnes conditions d'hygiène et de sécurité.
17. En statuant ainsi, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur le moyen relevé d'office tiré de l'application de l'article 1.14 de la convention collective applicable, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Sur le quatrième moyen
Enoncé du moyen
18. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande au titre de l'indemnité pour travail dissimulé, alors que « tout jugement doit être motivé ; que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; que pour débouter le salarié de sa demande au titre du travail dissimulé, l'arrêt retient que "M. [B] verse lui-même ses bulletins de paie aux débats, ce qui atteste que son emploi salarié était bien déclaré" ; qu'en s'abstenant néanmoins de répondre aux conclusions d'appel du salarié, pourtant déterminantes pour l'issue du litige, faisant valoir qu'aucune cotisation n'avait été reversée à la caisse de retraite de mai 2014 à juillet 2014, alors que le dernier jour travaillé est le 9 juillet 2014, ainsi que cela ressortait clairement du relevé de carrière qu'il versait aux débats, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
19. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions équivaut à un défaut de motifs.
20. Pour rejeter la demande, l'arrêt retient que l'indemnité pour travail dissimulé n'est due que sous réserve que soit établi le caractère intentionnel de cette dissimulation et qu'en l'espèce, le salarié verse lui-même ses bulletins de paie aux débats, ce qui atteste que son emploi salarié était bien déclaré.
21. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions du salarié qui soutenait qu'aucune cotisation à la caisse de retraite n'avait été reversée de mai à juillet 2014, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
Et sur le cinquième moyen
Enoncé du moyen
22. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que la créance indemnitaire allouée pour paiement tardif des salaires n'était pas garantie par l'AGS, alors « que les dommages-intérêts alloués en réparation du préjudice né de l'inexécution par l'employeur de ses obligations contractuelles devaient être garantis par l'AGS, dès lors que ces créances, qui se rattachent à l'exécution du contrat de travail et non à sa rupture, sont nées avant le jugement de liquidation judiciaire ; qu'en jugeant au contraire que "les dispositions précitées ne prévoient pas la garantie de l'AGS pour la créance indemnitaire allouée pour le paiement tardif des salaires", la cour d'appel a violé l'article L. 3253-8 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3253-8 1° du code du travail :
23. Selon ce texte, l' AGS garantit les sommes dues aux salariés à la date du jugement d'ouverture de toute procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.
24. Après avoir alloué une somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé au salarié par le retard important du paiement des salaires pour les mois de décembre 2013, janvier 2014 et du 1er juin au 25 septembre 2014, l'arrêt retient que les dispositions de l'article L. 3253-8 du code du travail ne prévoient pas la garantie de l'AGS pour la créance indemnitaire allouée pour le paiement tardif des salaires.
25. En statuant ainsi, alors que cette créance réparait un préjudice qui, subi par le salarié du fait de l'inexécution par l'employeur d'une obligation résultant du contrat de travail, était né pendant la période antérieure à la date de l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
26. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation sur les premier, deuxième, et troisième moyens entraîne la cassation par voie de conséquence, respectivement, des chefs de dispositif fixant au passif de la liquidation judiciaire de l'employeur diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail, disant que l'AGS ne garantit pas les créances liées à la rupture du contrat de travail et l'autorisant à déduire des sommes dont elle reste redevable les paiements faits antérieurement pour des créances liées à cette rupture et du chef de dispositif déboutant le salarié de sa demande en réparation du préjudice causé par une exécution déloyale du contrat de travail, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
Soc. 12 juin 2024 n° 22-18.138
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CH9
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 12 juin 2024
Cassation partielle sans renvoi
Mme CAPITAINE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 572 F-D
Pourvoi n° V 22-18.138
Aide juridictionnelle partielle en défense au profit de Mme [Y]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 13 octobre 2022.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 JUIN 2024
La société Bellevue Sainte-Marie, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 22-18.138 contre l'arrêt rendu le 18 février 2022 par la cour d'appel de Fort-de-France (chambre sociale), dans le litige l'opposant à Mme [O] [Y], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Mme [Y] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, quatre moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Palle, conseiller, les observations écrites de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Bellevue Sainte-Marie, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [Y], après débats en l'audience publique du 7 mai 2024 où étaient présentes Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Palle, conseiller rapporteur, Mme Salomon, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 18 février 2022), Mme [Y] a été engagée en qualité d'ouvrière agricole, le 7 juillet 1996, par la société Bellevue espérance puis, à compter du 1er janvier 2015, par la société Bellevue Sainte-Marie (l'employeur).
2. Victime d'un accident du travail le 9 juin 2016, la salariée a été déclarée « inapte à tous postes dans l'entreprise » en une seule visite, précisant « danger immédiat, tout maintien dans l'entreprise serait préjudiciable à son état de santé », le 2 septembre 2016.
3. Licenciée par l'employeur, le 23 juin 2017, pour refus abusif de trois postes de reclassement, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes relatives à l'exécution et à la rupture du contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le troisième moyen du pourvoi principal et les premier et deuxième moyens du pourvoi incident
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
5. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement de diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, d'indemnité spéciale de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors :
« 1°/ que l'obligation qui pèse sur l'employeur de rechercher un reclassement au salarié déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment naît à la date de la déclaration d'inaptitude par le médecin du travail ; qu'il en résulte que la loi applicable à l'inaptitude et au licenciement consécutif est celle en vigueur au moment du constat de l'inaptitude ; qu'il était constant en l'espèce que l'inaptitude de Mme [Y] avait été constatée le 2 septembre 2016 et son licenciement prononcé le 23 juin 2017 ; qu'en faisant application de l'article L. 1226-12 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, entrée en vigueur le 1er janvier 2017, la cour d'appel a violé la disposition susvisée par fausse application ;
2°/ que s'il résulte des dispositions de l'article L. 1226-12 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015, que l'employeur peut rompre le contrat de travail si l'avis du médecin du travail mentionne expressément que tout maintien du salarié dans l'entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé, il n'en résulte aucune interdiction faite à l'employeur de rechercher le reclassement du salarié, ni aucune obligation de procéder immédiatement à son licenciement ; qu'en jugeant, parce que l'avis d'inaptitude de Mme [Y] mentionnait que son maintien dans l'entreprise serait préjudiciable à sa santé, que la société Bellevue Sainte-Marie était dispensée de toute recherche de reclassement, qu'elle « devait » licencier la salariée pour inaptitude sans la maintenir à son poste, et que son licenciement ne pouvait être motivé que par le caractère préjudiciable pour son état de santé de son maintien dans l'entreprise, pour en déduire que son licenciement fondé sur son refus des propositions de reclassement qui lui avaient été faites était dénué de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé l'article L. 1226-12 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 ;
3°/ que les termes du litige sont fixés par les prétentions des parties ; que le juge ne peut se fonder sur des faits qui ne sont pas dans le débat ; qu'en retenant que la société Bellevue Sainte-Marie ne pouvait, sans méconnaître les recommandations du médecin du travail, maintenir la salariée à son poste, pour en déduire que son licenciement fondé sur son refus des propositions de reclassement qui lui avaient été faites était dénué de cause réelle et sérieuse, lorsqu'en l'espèce aucune des parties n'avait soutenu que Mme [Y] aurait repris ses fonctions après le constat de son inaptitude jusqu'à son licenciement, la cour d'appel a violé les articles 4 et 7 du code de procédure civile ;
4°/ que les juges du fond doivent préciser l'origine de leurs renseignements ; qu'en affirmant que Mme [Y] aurait été maintenue par l'employeur à son poste de travail après l'avis d'inaptitude, sans préciser de quelles pièces elle tirait un tel constat, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
6. Ayant constaté que l'avis d'inaptitude mentionnait expressément que tout maintien de la salariée dans l'entreprise serait préjudiciable à sa santé et ayant fait ressortir que les propositions de reclassement faites par l'employeur n'étaient pas compatibles avec les recommandations du médecin du travail, la cour d'appel qui a retenu que le licenciement prononcé pour le motif de refus de reclassement était sans cause réelle et sérieuse, a, par ces seuls motifs, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les deux dernières branches, légalement justifié sa décision.
Sur le troisième moyen du pourvoi incident
Enoncé du moyen
7. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande d'indemnité de congés payés, alors « que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs ; qu'en déboutant la salariée de sa demande d'indemnité de congés payés au motif qu'elle ne justifie pas d'un impayé de congés payés en cause d'appel et ne produit aucune pièce au soutien de cette demande, sans examiner les motifs du jugement ayant fait droit à cette prétention et dont la salariée demandait confirmation, la cour d'appel a violé les articles 455 et 954, alinéa 6, du code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
8. Aucun des chefs du dispositif de l'arrêt attaqué n'infirmant le jugement en ce qu'il condamne la société Bellevue Sainte-Marie à payer à la salariée une certaine somme à titre de congés payés, ni ne rejetant cette demande, cette condamnation est au nombre des chefs du dispositif du jugement que l'arrêt confirme, de sorte que la salariée ne justifie d'aucun intérêt à la cassation de l'arrêt qui fait droit à sa demande.
9. Le moyen est donc irrecevable.
Sur le quatrième moyen du pourvoi incident
Enoncé du moyen
10. La salariée fait grief à l'arrêt de limiter le montant de l'indemnité compensatrice de préavis à une certaine somme, alors « qu'en application de l'article L. 5213-9 du code du travail, en cas de licenciement d'un travailleur handicapé, la durée du préavis est doublée, sans toutefois que cette mesure puisse avoir pour effet de porter au-delà de trois mois la durée du préavis ; qu'en refusant d'allouer à la salariée un supplément d'indemnité compensatrice de préavis d'un montant de 1 480,30 euros au motif que ce texte n'est pas applicable à l'indemnité compensatrice de préavis prévue par l'article L. 1234-5 du code du travail, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-5 et L. 5213-9 du code du travail. »
Réponse de la Cour
11. L'article L. 5213-9 du code du travail qui a pour but de doubler la durée du délai-congé en faveur des salariés handicapés, n'est pas applicable à l'indemnité compensatrice prévue à l'article L. 1226-14 du même code.
12. L'arrêt, après avoir énoncé les dispositions des articles L. 1226-14 et L. 5213-9 du code du travail, retient que la salariée peut prétendre par application de l'article L. 1226-14 à une indemnité compensatrice égale à l'indemnité de préavis prévue à l'article L. 1234-5.
13. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par l'article 620, alinéa 1er, du code de procédure civile, l'arrêt, en ce qu'il a rejeté la demande de la salariée en paiement d'un supplément d'indemnité compensatrice en raison de sa qualité de travailleur handicapé, se trouve légalement justifié.
Mais sur le deuxième moyen du pourvoi principal, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de condamner l'employeur à verser à la salariée une somme au titre des congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis
Recevabilité du moyen
14. L'employeur conteste la recevabilité du moyen. Il soutient qu'il est nouveau.
15. Cependant, le moyen ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations des juges du fond.
16. Le moyen est donc de pur droit et partant recevable. Bien-fondé du moyen
Enoncé du moyen
17. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer une somme au titre des congés payés afférents à l'indemnité compensatrice, alors « que l'indemnité prévue à l'article L. 1226-14 du code du travail, au paiement de laquelle l'employeur est tenu en cas de rupture du contrat de travail d'un salarié déclaré par le médecin du travail inapte à son emploi en conséquence d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, et dont le montant est égal à celui de l'indemnité prévue à l'article L. 1234-5 du code du travail, n'a pas la nature d'une indemnité de préavis et n'ouvre pas droit à congés payés ; qu'en accordant à Mme [Y] la somme de 2 960,60 euros à titre d'indemnité de préavis assortie d'une indemnité de congés payés de 296,06 euros, la cour d'appel a violé l'article L. 1226-14 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1226-14 du code du travail :
18. Selon ce texte, l'indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis n'a pas la nature d'une indemnité de préavis et n'ouvre pas droit à congés payés.
19. La cour d'appel a accordé à la salariée une somme correspondant à l'indemnité de préavis et une somme au titre des congés payés afférents.
20. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
21. Tel que suggéré par la défense, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
22. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
23. Le deuxième moyen du pourvoi principal ne formulant aucune critique contre les motifs de l'arrêt fondant la décision de condamner l'employeur à une certaine somme au titre de l'indemnité compensatrice, la cassation ne peut s'étendre à ces dispositions de l'arrêt qui ne sont pas en lien de dépendance avec les dispositions de l'arrêt critiquées par ce moyen.
24. La cassation prononcée n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci non remises en cause.
Soc. 12 juin 2024 n° 22-19.917
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 12 juin 2024
Cassation partielle
Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 581 F-D
Pourvoi n° D 22-19.917
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 JUIN 2024
Mme [B] [T], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 22-19.917 contre l'arrêt rendu le 9 juin 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 2), dans le litige l'opposant à la société La Tradition de [Localité 3], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Cavrois, conseiller, les observations de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de Mme [T], après débats en l'audience publique du 7 mai 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Cavrois, conseiller rapporteur, Mme Deltort, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 juin 2022), soutenant avoir été employée par la société La Tradition de [Localité 3], en qualité de vendeuse, par contrat verbal à durée indéterminée à compter du 1er octobre 2017, Mme [T] a, le 19 octobre 2020, saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes au titre de l'exécution et de la rupture de la relation de travail.
2. Le 7 octobre 2020, la salariée a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
3. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de l'ensemble de ses demandes, alors :
« 1°/ que la signature d'un contrat de travail à durée déterminée par l'employeur a le caractère d'une prescription d'ordre public dont l'omission entraîne, à la demande du salarié, la requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée ; qu'en retenant, dès lors, pour débouter Mme [T] de l'ensemble de ses demandes, qu'il n'avait pas existé de contrat de travail à durée indéterminée entre Mme [T] et la société La Tradition de [Localité
2°/ que la signature d'un contrat de travail à durée déterminée par le salarié a le caractère d'une prescription d'ordre public dont l'omission entraîne, à la demande du salarié, la requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, sauf dans les seuls cas où le salarié a délibérément refusé de signer le contrat de travail de mauvaise foi ou dans une intention frauduleuse ; qu'en retenant, dès lors, pour débouter Mme [T] de l'ensemble de ses demandes, qu'il n'avait pas existé de contrat de travail à durée indéterminée entre Mme [T] et la société La Tradition de [Localité 3], après avoir constaté que les parties ne contestaient pas l'existence du contrat de travail à durée déterminée conclu par Mme [T] et par la société La Tradition de [Localité 3], pour la période du 13 juin au 30 septembre 2019, sans rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée par Mme [T] à l'appui de sa prétention selon laquelle elle avait été liée à la société La Tradition de [Localité 3] par un contrat de travail à durée indéterminée, si le contrat de travail à durée déterminée produit par la société La Tradition de [Localité 3], pour la période du 13 juin au 30 septembre 2019, n'était pas dépourvu de la signature de Mme [T], ni constater que Mme [T] avait délibérément refusé de signer le contrat de travail à durée déterminée de mauvaise foi ou dans une intention frauduleuse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article L. 1242-12 du code du travail ;
3°/ qu'en présence d'un contrat de travail apparent, il appartient à celui qui invoque son caractère fictif d'en apporter la preuve ; qu'il résulte de la production d'un contrat de travail écrit signé par les parties l'existence d'un contrat de travail apparent entre ces parties ; qu'en énonçant, par conséquent, pour débouter Mme [T] de l'ensemble de ses demandes, que Mme [T] ne démontrait pas que le contrat de travail à durée déterminée signé par les parties le 28 décembre 2019, pour la période du 1er janvier au 31 mars 2020, avait été exécuté, qu'elle n'était notamment pas en mesure de produire des bulletins de paie, ni ne démontrait qu'elle les avait réclamés à date ou ultérieurement, quand, en l'état de la production par Mme [T] du contrat de travail à durée déterminée écrit signé par les parties le 28 décembre 2019, elle était en présence d'un contrat de travail apparent et quand, en conséquence, il appartenait à la société La Tradition de [Localité 3] d'apporter la preuve du caractère fictif de ce contrat de travail, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a violé les dispositions de l'article 1353 du code civil et de l'article L. 1221-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
4. En application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour d'appel ne peut statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions d'appel.
5. La cour d'appel, qui a constaté que dans le dispositif des conclusions de la salariée, ne figurait aucune demande subsidiaire attachée à la demande de « requalification du contrat de travail à durée indéterminée du 1er octobre 2017 en un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet », n'était pas tenue de statuer sur des demandes en requalification des contrats à durée déterminée portant sur les périodes du 13 juin au 30 septembre 2019 ou du 1er janvier au 31 mars 2020, dont elle n'était pas saisie, fût-ce à titre subsidiaire.
6. Le moyen, qui pris en ses trois branches est inopérant, n'est donc pas fondé.
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
7. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de l'ensemble de ses demandes, alors « qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments et le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences posées par les dispositions des articles L. 3171-2 et L. 3171-3 du code du travail, qui imposent à l'employeur, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, d'établir les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés, et de tenir à la disposition de l'agent de contrôle de l'inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié ; qu'en énonçant, par conséquent, après avoir constaté que les parties ne contestaient pas l'existence du contrat de travail à durée déterminée conclu par Mme [T] et par la société La Tradition de [Localité 3], pour la période du 13 juin au 30 septembre 2019, pour débouter Mme [T] de ses demandes de rappel de salaires correspondant à des heures supplémentaires pendant la période du 13 juin au 30 septembre 2019 et de ses demandes subséquentes de congés payés et d'indemnité pour travail dissimulé, que Mme [T] ne fournissait pas d'éléments précis, réels et vérifiables sur ses horaires pendant cette période et procédait par calcul forfaitaire dénué de toute réalité et vraisemblance, quand, en se déterminant de la sorte, elle faisait reposer la charge de la preuve uniquement sur Mme [T] et quand la société La Tradition de [Localité 3] ne produisait aucun élément sur la durée du travail de Mme [T] pendant la période du 13 juin au 30 septembre 2019, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail. » Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :
8. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
9. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
10. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
11. Pour débouter la salariée de sa demande en paiement de rappel de salaire au titre des heures de travail effectuées pendant la période du 13 juin au 30 septembre 2019, l'arrêt retient que la salariée indique qu'elle effectuait 48 heures de travail effectif par semaine et travaillait tous les jours sauf le mercredi de 6 heures à 10 heures et de 16 heures à 21 heures alors qu'un témoin indique qu'elle le servait chaque fois sauf le mardi. L'arrêt ajoute qu'un autre témoin déclare aller tous les jours, deux fois par jour, le matin et le soir à la boulangerie et que c'est la salariée qui le servait à chaque fois, ce qui n'est pas davantage compatible avec l'emploi du temps décrit par cette dernière.
12. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la salariée présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur la seule salariée, a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
13. La cassation prononcée au titre du rejet des heures supplémentaires pour la période du 13 juin au 30 septembre 2019 est sans incidence sur les chefs de dispositif de l'arrêt rejetant les demandes au titre de la requalification du contrat à durée indéterminée du 1er octobre 2017 en contrat à durée indéterminée à temps complet et de la rupture de la relation contractuelle, ni sur ceux rejetant les demandes en paiement de l'indemnité de requalification, de rappels de salaire correspondant aux périodes autres que celle du 13 juin au 30 septembre 2019, outre congés payés afférents et d'une indemnité pour défaut de visite d'information et de prévention d'embauche.
Soc. 12 juin 2024 n° 22-16.806
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CH9
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 12 juin 2024
Cassation partielle
Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 602 F-D
Pourvoi n° X 22-16.806
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 JUIN 2024
Mme [F] [I], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° X 22-16.806 contre l'arrêt rendu le 24 mars 2022 par la cour d'appel de Versailles (6e chambre), dans le litige l'opposant à la société Audit gestion développement, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Rouchayrole, conseiller, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [I], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Audit gestion développement, après débats en l'audience publique du 7 mai 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rouchayrole, conseiller rapporteur, M. Flores, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 24 mars 2022), Mme [I] a été engagée en qualité d'assistante confirmée le 7 décembre 2009 par la société Audit gestion développement.
2. Le 28 février 2017, elle a démissionné en invoquant divers manquements de son employeur.
3. Elle a saisi, le 12 septembre 2017, la juridiction prud'homale de demandes en requalification de sa démission en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et en paiement de diverses sommes à caractère salarial ou indemnitaire.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande au titre des heures supplémentaires, alors « qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'après avoir estimé que les éléments produits par la salariée étaient suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre, la cour d'appel a débouté celle-ci de ses demandes motifs pris de l'incohérence de ces éléments et sans qu'il ne résulte de ses constatations que l'employeur avait justifié de la durée du travail de la salariée ; qu'en statuant ainsi, en faisant porter la charge de la preuve sur la seule salariée, la cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du code du travail ».
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :
5. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, l'employeur tient à la disposition des membres compétents de l'inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
6. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
7. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
8. Pour rejeter la demande au titre des heures supplémentaires, l'arrêt retient que la salariée a fourni des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre, tels que des tableaux de décompte et de calcul des heures supplémentaires qu'elle prétend avoir effectuées entre le 1er juin 2014 et la fin du mois de mai 2017, indiquant par type de travaux le nombre d'heures supplémentaires réalisées chaque semaine et les majorations applicables, ainsi que des fiches d'état des travaux indiquant par client et pour chaque jour de la semaine le nombre d'heures de travail réalisées, enfin un journal des temps pour les années 2014 et 2016.
9. Il relève toutefois que l'employeur conteste les données produites par la salariée en y relevant des incohérences, des erreurs ou des chiffres récurrents et artificiellement majorés. A ce titre, il constate que la salariée a fait état d'heures de travail alors qu'elle était en congés payés, ou qu'elle prétend avoir travaillé onze heures quinze une journée en janvier 2015, tout en ayant posé une demi-journée de congés, et observe qu'au mois d'août 2014, la salariée a mentionné invariablement le même nombre d'heures de travail chaque jour, soit sept heures, alors qu'elle était en congés et qu'en mentionnant des heures non facturables, c'est-à-dire imputées à aucun client, produisait un extrait du journal des temps pour la journée du 23 décembre 2015 faisant ressortir que la salariée avait inscrit dans le logiciel vingt-deux heures cinquante de travail pour une seule journée.
10. L'arrêt relève encore que l'employeur avait communiqué un procès-verbal d'un huissier de justice ayant été en mesure de constater que les utilisateurs du logiciel de gestion des temps, qui y avaient librement accès tant en écriture qu'en modification, disposaient de la faculté de modifier les enregistrements figurant dans l'historique des événements de temps passé, y compris sur des dates très anciennes, dès lors qu'il n'était pas prévu dans les paramètres un blocage de saisie des temps.
11. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part, que la salariée présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, d'autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur la seule salariée, a violé le texte susvisé.
Et sur le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
12. La salariée fait grief à l'arrêt de juger que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produisait les effets d'une démission et de la débouter de ses demandes en paiement d'une indemnité conventionnelle de licenciement et d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que la cassation des dispositions afférentes aux heures supplémentaires qui sera prononcée au premier moyen entraînera la cassation des dispositions relatives à rupture, en application de l'article 624 du code de procédure civile ».
Réponse de la Cour
Vu l'article 624 du code de procédure civile :
13. La cassation du chef de dispositif de l'arrêt déboutant la salariée de sa demande au titre des heures supplémentaires entraîne, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif la déboutant de sa demande relative à la qualification de la rupture du contrat de travail, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
Soc. 12 juin 2024 n° 22-24.598 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 12 juin 2024
Rejet
Mme CAPITAINE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 594 F-B
Pourvoi n° S 22-24.598
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 JUIN 2024
La société La Poste, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 22-24.598 contre l'arrêt rendu le 20 octobre 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 5), dans le litige l'opposant à M. [P] [Z], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lacquemant, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société La Poste, de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de M. [Z], après débats en l'audience publique du 7 mai 2024 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lacquemant, conseiller rapporteur, Mme Nirdé-Dorail, conseiller, et Mme Thuillier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 octobre 2022), M. [Z] a été engagé en qualité de manutentionnaire/trieur par la société La Poste le 3 avril 2001. Il exerçait ses fonctions sur le site de la plateforme industrielle courrier Paris Sud [Localité 3].
2. Il a saisi le 27 septembre 2013 la juridiction prud'homale pour obtenir le paiement de sommes au titre du complément poste.
3. Il a par ailleurs exercé son droit de retrait du 31 mars au 9 avril 2020 et a formé devant la cour d'appel une demande de paiement des salaires correspondant aux retenues effectuées au titre de l'exercice de son droit de retrait.
4. Le syndicat Sud des services postaux (le syndicat) est intervenu volontairement à l'instance.
Examen des moyens
Sur le premier moyen et sur le second moyen, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de condamner l'employeur à payer diverses sommes au syndicat
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation et sur le second moyen qui est irrecevable.
Sur le second moyen, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de condamner l'employeur à payer diverses sommes au salarié
Enoncé du moyen
6. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié diverses sommes à titre de rappel de salaire correspondant aux retenues injustifiées opérées au titre de l'exercice de son droit de retrait, outre les congés payés correspondants, de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral étant résulté de la violation de son droit de retrait et de dommages-intérêts pour l'exécution déloyale du contrat de travail, ainsi qu'une indemnité au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, alors « que l'exercice de son droit de retrait par le salarié suppose qu'il ait un motif raisonnable de juger menacées sa vie, sa santé ou sa sécurité ; que tel n'est pas le cas lorsqu'en l'état d'une pandémie, l'employeur justifie avoir mis en oeuvre les dispositions prévues par le code du travail et les recommandations nationales visant à protéger la santé et à assurer la sécurité de son personnel, et l'avoir informé et préparé notamment dans le cadre des institutions représentatives du personnel ; qu'en jugeant fondé l'exercice par chacun des salariés demandeurs, de son droit de retrait dans un cadre collectif sans rechercher, comme l'y invitait La Poste, si elle n'avait pas, à l'époque de l'exercice de ce droit ¿ du 31 mars au 9 ou au 10 avril 2020 ¿ et compte tenu des connaissances scientifiques et des recommandations nationales de l'époque, mis en oeuvre les mesures prescrites par les autorités de telle sorte que le salarié, nonobstant les dangers avérés du virus et l'exercice de son droit d'alerte par le CHSCT, n'avait aucun motif légitime de croire en un danger imminent pour sa santé et sa sécurité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 6 et 7 du décret n° 2011619 du décret du 31 mai 2011. »
Réponse de la Cour
7. Selon l'article 6 du décret n° 2011-619 du 31 mai 2011, tout agent de La Poste peut se retirer d'une situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé.
8. La cour d'appel a constaté que le 17 mars 2020, dans le contexte sanitaire de la pandémie de covid-19 et d'incertitudes et d'interrogations sur les modes de transmission du virus, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (le CHSCT) avait alerté l'employeur de l'existence d'un danger grave et imminent au sein de l'établissement, plusieurs mesures de prévention n'étant pas appliquées ou ne pouvant être appliquées.
9. Elle a ensuite relevé que les salariés n'avaient pas disposé de masques avant le 8 avril 2020, que la distribution de gel hydroalcoolique n'avait été mise en place que le 26 mars et les essuie-mains papier le 10 avril, que la distance d'un mètre ne pouvait pas être toujours respectée et que l'alerte du CHSCT avait été levée le 10 avril 2020 après que l'employeur avait mis en place des mesures correctives.
10. Après avoir justement rappelé que l'appréciation de la légitimité de l'exercice du droit de retrait ne consistait pas à rechercher si l'employeur avait commis un manquement mais à déterminer si, au moment de l'exercice de ce droit, le salarié avait un motif raisonnable de penser que sa situation de travail présentait un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, la cour d'appel a estimé que le salarié avait un motif de penser que sa situation de travail présentait un tel danger, sans être tenue de rechercher si l'employeur avait mis en oeuvre les mesures prescrites par les autorités gouvernementales au regard des connaissances scientifiques et des recommandations nationales.
11. Le moyen n'est donc pas fondé.
Soc. 12 juin 2024 n° 22-19.581
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 12 juin 2024
Cassation
Mme CAPITAINE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 601 F-D
Pourvoi n° P 22-19.581
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 JUIN 2024
Mme [L] [Y], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 22-19.581 contre l'arrêt rendu le 12 mai 2022 par la cour d'appel de Versailles (6e chambre), dans le litige l'opposant à la société Assystem engineering and operation services, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Nirdé-Dorail, conseiller, les observations de la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de Mme [Y], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Assystem engineering and operation services, après débats en l'audience publique du 7 mai 2024 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Nirdé-Dorail, conseiller rapporteur, Mme Lacquemant, et Mme Thuillier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 mai 2022), Mme [Y] a été engagée en qualité de responsable juridique par la société Assystem engineering and operation services à compter du 18 novembre 2014.
2. Le 16 juillet 2018, la salariée a pris acte de la rupture de son contrat de travail et a saisi la juridiction prud'homale pour notamment demander la requalification de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse et le paiement d'heures supplémentaires.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes tendant à la condamnation de l'employeur à lui payer diverses sommes à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires et des congés payés afférents, de dire que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail produit les effets d'une démission, de la débouter de ses demandes d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité conventionnelle de licenciement et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de la condamner à verser à l'employeur une somme à titre d'indemnité pour non-respect du préavis de rupture du contrat de travail alors « qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'en l'espèce, la salariée indiquait dans ses écritures que ses horaires habituels étaient 8h30-19h/19h30, ce "de manière systématique" et versait aux débats de ( ?) nombreux courriels démontrant qu'elle travaillait de manière récurrente avant 9h du matin et après 19h ainsi que pendant ses congés, ce dont il se déduisait qu'elle présentait des éléments suffisamment précis auxquels l'employeur pouvait répondre en produisant ses propres éléments ; qu'en jugeant le contraire, ce aux motifs qu' "elle se contente de verser aux débats quelques échanges de mails dans le but de démontrer qu'elle recevait et devait traiter de nombreux mails avant 9 heures du matin et après 19 heures" et que "la salariée ne produit cependant pas d'éléments suffisamment précis, et en particulier pas de décompte, pour permettre à l'employeur d'y répondre", la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur la seule salariée, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :
4. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
5. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
6. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
7. Pour débouter la salariée de sa demande au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents, l'arrêt relève que l'intéressée, qui soutient avoir accompli régulièrement plus de 50 heures hebdomadaires de travail soit 3 heures supplémentaires par jour et donc 15 heures par semaine, se contente de verser aux débats quelques échanges de courriels dans le but de démontrer qu'elle recevait et devait traiter de nombreux courriels avant 9 heures du matin et après 19 heures. L'arrêt en déduit que la salariée ne produit pas d'éléments suffisamment précis, et en particulier pas de décompte, pour permettre à l'employeur d'y répondre.
8. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part, que la salariée présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, d'autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur la seule salariée, a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
9. En application de l'article 624 du code de procédure civile, dès lors que la salariée invoquait à l'appui de sa prise d'acte de la rupture du contrat de travail une charge de travail excessive, la cassation prononcée sur le premier moyen entraîne la cassation, par voie de conséquence, des chefs de dispositif de l'arrêt déclarant que la rupture du contrat de travail produit les effets d'une démission, déboutant la salariée de ses demandes d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité conventionnelle de licenciement et d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse et la condamnant à verser à l'employeur une somme à titre d'indemnité pour non-respect du préavis de rupture du contrat de travail, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
Soc. 12 juin 2024 n° 23-10.372
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CH9
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 12 juin 2024
Cassation partielle
Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 603 F-D
Pourvoi n° Z 23-10.372
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 JUIN 2024
M. [K] [Z], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Z 23-10.372 contre l'arrêt rendu le 27 octobre 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 5), dans le litige l'opposant à la société Expleo France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La société Expleo France a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [Z], de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de la société Expleo France, après débats en l'audience publique du 7 mai 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Flores, conseiller rapporteur, M. Rouchayrole, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 octobre 2022), M. [Z] a été engagé en qualité d'ingénieur par la société Duons systèmes à compter du 11 janvier 2010. Le contrat de travail a été transféré le 1er juillet 2011 à la société Assystem France devenue Expleo France.
2. Le salarié a été élu en 2015 en qualité de membre titulaire du comité d'entreprise et de délégué du personnel suppléant.
3. L'employeur applique la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, dite « Syntec ».
4. Le 22 octobre 2018, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes au titre de l'exécution du contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi incident de l'employeur, qui est préalable
Enoncé du moyen
5. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer certaines sommes à titre de rappel des heures supplémentaires forfaitaires occasionnelles sur la période courant de mai 2017 à juin 2018, d'indemnité de congés payés et de dommages-intérêts pour inégalité de traitement, alors « que même si le principe en est posé par une convention ou un accord collectif, le paiement des heures supplémentaires selon un forfait ne peut résulter que d'un accord particulier écrit entre l'employeur et le salarié ; que le seul renvoi général fait par le contrat de travail à un accord d'entreprise ne peut pas constituer un tel accord particulier écrit ; que l'article 15 de l'accord d'entreprise sur l'aménagement et la réduction du temps de travail, conclu le 30 novembre 2006 par la société Assystem France, devenue Expleo France, avec plusieurs organisations syndicales représentatives, prévoyait, pour le personnel cadre position 2, coefficients 105, 115, 130, 150, trois heures et trente minutes par semaine d'heures supplémentaires occasionnelles, rémunérées forfaitairement ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que le contrat de travail de M. [Z], transféré à la société Expleo France le 1er juillet 2011 et modifié par un avenant du 16 décembre 2011, ne faisait qu'un renvoi général à l'accord d'entreprise du 30 novembre 2006, et qu'aucun avenant signé par le salarié ne prévoyait spécifiquement l'application du forfait d'heures supplémentaires occasionnelles prévu par l'article 15 de cet accord d'entreprise ; que la cour d'appel a ainsi mis en lumière qu'il n'existait aucun accord particulier écrit entre M. [Z] et son employeur, concernant ce forfait d'heures supplémentaires occasionnelles ; qu'en retenant malgré tout que M. [Z] était fondé à réclamer l'application de l'article 15 de l'accord d'entreprise du 30 novembre 2006 pour la période allant de mai 2017 jusqu'à la suppression de cet article 15 intervenue le 1er juillet 2018, et en condamnant en conséquence l'employeur au paiement des heures supplémentaires forfaitaires occasionnelles sur ladite période, outre les congés payés afférents, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations ; qu'elle a ainsi violé l'article 1134, devenu 1103, du code civil, les articles L. 3121-38 et L. 3121-40 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, et les articles L. 3121-28 et L. 3121-55 du code du travail, dans leur rédaction issue de ladite loi. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
6. Le salarié conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que le moyen est nouveau, l'employeur ne s'étant jamais prévalu des dispositions relatives au forfait en heures dans ses écritures d'appel.
7. Cependant, le pourvoi incident ayant été signifié le 10 juillet 2023, cette fin de non-recevoir soulevée dans un mémoire déposé le 8 janvier 2024, après l'expiration du délai prévu à l'article 1010 du code de procédure civile, est irrecevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles L. 3121-22 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, L. 3121-55 du code du travail, dans sa rédaction issue de cette loi, l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et l'article 1103 du code civil :
8. Il résulte de ces textes que, même si le principe en est posé par la convention collective, le paiement des heures supplémentaires selon un forfait ne peut résulter que d'un accord particulier entre l'employeur et le salarié.
9. La convention individuelle de forfait doit être établie par écrit et il appartient à celui qui invoque l'existence d'un tel forfait d'en rapporter la preuve.
10. Pour condamner l'employeur au paiement de sommes à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, de congés payés afférents et de dommages-intérêts pour inégalité de traitement, l'arrêt observe que l'avenant du contrat de travail signé entre les parties le 16 décembre 2011, lors du transfert du salarié, prévoyait que ce dernier devait bénéficier des dispositions de l'accord collectif d'entreprise relatif à l'aménagement et la réduction du temps de travail. L'arrêt ajoute qu'aucune mention du contrat ne prévoit que seules les dispositions de l'article 5 de l'ARTT étaient visées par cette mention ainsi que le prétend la société Expleo France, alors que le salarié était cadre, position 2.2, coefficient 130 et que l'article 15 de l'accord énonçait des dispositions « spécifiques au personnel cadre position 2 ». L'arrêt ajoute que l'employeur ne justifie aucunement avoir adressé aux fins de signature un avenant lorsque le salarié a réclamé l'application de l'article 15 de l'accord par le biais de son conseil, la seule communication d'un projet d'avenant non signé n'y suffisant pas. L'arrêt retient en conséquence que le salarié est fondé à réclamer l'application de l'article 15 de l'ARTT du 30 novembre 2006 pour la période courant de mai 2017 au mois de juin 2018 étant rappelé que l'article 15 a été supprimé à compter du 1er juillet 2018 par l'avenant n° 2 à l'accord d'entreprise sur l'aménagement et la réduction du temps de travail.
11. En statuant ainsi, sans constater l'existence d'une convention individuelle de forfait établie par écrit, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur le moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi principal du salarié
Enoncé du moyen
12. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande d'intégration du forfait d'heures occasionnelles à son salaire de base et de ses demandes en paiement de rappel de salaire subséquentes pour la période courant du 1er juillet 2018 jusqu'au prononcé de l'arrêt, alors « que l'article 15 de l'ARTT prévoyait pour les salariés cadres position 2 de la convention collective le paiement d'un forfait d'heures supplémentaires occasionnelles, que l'article 1er de l'avenant n° 2 à l'ARTT a supprimé ce forfait mais a prévu afin de ne pas impacter la rémunération des salariés cadres position 2 présents au sein de l'UES Assystem France, [que] la rémunération versée en contrepartie du forfait d'heures occasionnelles sera intégrée dans leur salaire de base. Par conséquent le taux horaires de ces salariés sera augmenté" ; qu'en conséquence, le salarié position 2 qui aurait dû bénéficier de ce forfait mais en a été privé illégalement peut demander le paiement de ce forfait pour la période antérieure à sa suppression et l'intégration de ce forfait à sa rémunération à compter de sa suppression, ce dont il résulte nécessairement des rappels de salaire correspondant au montant de ce forfait sur l'intégralité de la période concernée ; qu'en retenant que M. [Z] devait être débouté de sa demande d'intégration du forfait à son salaire de base et de ses demandes de rappel de salaire subséquentes pour la période courant du 1er juillet 2018 jusqu'au prononcé de l'arrêt au motif que l'employeur verse les bulletins de salaire de plusieurs cadres position 2 démontrant qu'aucune augmentation salariale n'a été effectuée et que la suppression de la ligne mentionnant le FHSO n'a pas entraîné une augmentation de salaire mais une simple augmentation du taux horaire corrélée avec une baisse du nombre d'heures effectuées au titre du salaire de base", la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et violé l'article 15 de l'ARTT et l'article 1er de l'avenant n° 2 à l'ARTT, ensemble l'article 1103 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
13. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé.
14. Pour débouter le salarié de sa demande d'intégration du forfait d'heures occasionnelles à son salaire de base et de ses demandes en paiement de rappel de salaire subséquentes, l'arrêt retient que l'employeur verse les bulletins de salaire de plusieurs cadres position 2 démontrant qu'aucune augmentation salariale n'a été effectuée et que la suppression de la ligne mentionnant le FHSO n'a pas entraîné une augmentation de salaire mais une simple augmentation du taux horaire corrélée avec une baisse du nombre d'heures effectuées au titre du salaire de base.
15. En statuant ainsi, par des motifs inopérants, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
Soc. 12 juin 2024 n° 22-23.655
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CL6
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 12 juin 2024
Cassation partielle
Mme CAPITAINE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 573 F-D
Pourvoi n° S 22-23.655
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 JUIN 2024
La société Holding Beaudoin LVP, anciennement dénommée Les Vieilles poutres, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 22-23.655 contre l'arrêt rendu le 28 septembre 2022 par la cour d'appel de Versailles (19e chambre), dans le litige l'opposant à Mme [D] [E], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, cinq moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Palle, conseiller, les observations écrites de la SCP Poupet & Kacenelenbogen, avocat de la société Holding Beaudoin LVP, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [E], après débats en l'audience publique du 7 mai 2024 où étaient présentes Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Palle, conseiller rapporteur, Mme Salomon, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 28 septembre 2022), Mme [E] a été engagée en qualité d'employée polyvalente au coefficient 155 de la convention collective nationale de la boulangerie-pâtisserie du 19 mars 1976, à compter du 1er mars 2016, par la société Les vieilles poutres, aux droits de laquelle vient la société Holding Beaudoin LVP (l'employeur).
2. Après avoir saisi la juridiction prud'homale d'une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail, par lettre du 16 novembre 2017, la salariée a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur.
3. Le même jour, l'employeur l'a convoquée à un entretien préalable avec mise à pied conservatoire, puis lui a notifié un licenciement pour faute lourde, le 15 décembre 2017.
4. La salariée a formé diverses demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur les quatrième et cinquième moyens
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que la salariée relève du coefficient hiérarchique 190 de la catégorie « personnel de vente » de la convention collective de la boulangerie-pâtisserie du 19 mars 1976, fixer à une certaine somme la moyenne mensuelle brut des salaires pour cent quatre-vingt-deux heures, dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, condamner l'employeur à payer à la salariée des rappels de salaires et congés payés afférents sur le minima conventionnel, des heures supplémentaires, des repos compensateurs, l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés sur le préavis, un complément d'indemnité de congés payés, l'indemnité de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter du 26 octobre 2017, ainsi que des dommages-intérêts pour rupture abusive, une indemnité pour travail dissimulé, avec intérêts au taux légal à compter du jugement, débouter l'employeur de ses demandes au titre de la faute lourde et au titre de la procédure abusive, et de condamner celui-ci à payer à la salariée certaines sommes à titre de rappel de salaire d'heures du dimanche à compter du 1er mars 2016 et d'indemnité de congés payés, un rappel d'heures travaillées les jours fériés à compter du 1er mars 2016 et d'indemnité de congés payés ainsi que des dommages-intérêts en réparation des préjudices causés par le dépassement des durées maximales de travail et la violation du droit au repos, alors « que le salarié qui réclame son repositionnement à un niveau de classification supérieur doit établir qu'il exerce l'ensemble des conditions inhérentes audit niveau ; qu'aux termes de l'article 9 de la convention collective de la boulangerie-pâtisserie du 19 mars 1976, relève du coefficient 185, catégorie personnel de vente, le salarié exerçant les fonctions de - responsable d'un point de vente occupant au moins 3 salariés - ; que relève en revanche du coefficient 190, le responsable d'un point de vente occupant au moins 3 salariés titulaire du CQP - Vendeur/ vendeuse - Conseil en boulangerie-pâtisserie - ; qu'en l'espèce, pour ordonner le repositionnement de la salariée au coefficient 190, de la catégorie - personnel de fabrication-, de la convention collective de la boulangerie-pâtisserie, la cour d'appel s'est bornée à relever, par motifs propres, que la salariée n'avait pas seulement exercé les fonctions stipulées au contrat de travail d'employée polyvalente (coefficient 155) dans la mesure où elle avait en réalité exercé, comme l'indiquait l'employeur dans un courriel non contesté du 21 octobre 2016, des fonctions de responsable/manager, sans pour autant exercer des fonctions du coefficient 240 qu'elle réclamait ; que par motifs expressément adoptés, la cour d'appel a en outre énoncé que la salariée disposait d'une grande autonomie et était responsable d'un point de vente occupant au moins 3 salariés ; qu'en statuant ainsi, sans constater que la salariée remplissait les conditions de diplôme propres au coefficient 190, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 9 de la convention collective de la boulangerie-pâtisserie du 19 mars 1976. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 9 de la convention collective nationale de la boulangerie- pâtisserie du 19 mars 1976, dans sa rédaction modifiée par l'article 2 de l'avenant n° 103 du 11 juin 2012 :
7. Selon ce texte, est classé au coefficient hiérarchique 190 du personnel de vente le salarié qui est responsable d'un point de vente occupant au moins trois salariés, titulaire du certificat de qualification professionnelle (CQP) « vendeur/vendeuse-conseil en boulangerie-pâtisserie ».
8. Pour dire que la salariée relève du coefficient 190 de la classification du personnel de vente de la convention collective de la boulangerie-pâtisserie du 19 mars 1976, fixer la moyenne mensuelle brut des salaires pour cent quatre-vingt-deux heures et condamner l'employeur à payer à la salariée des rappels de salaires et congés payés afférents, l'arrêt retient que la salariée disposait d'une grande autonomie et était responsable d'un point de vente occupant au moins trois salariés et que l'emploi réellement exercé par celle-ci pendant toute la durée de la relation de travail correspondait à celui de responsable d'un point de vente occupant au moins trois salariés.
9. En se déterminant ainsi, sans constater que la salariée disposait de la certification professionnelle requise par la classification conventionnelle, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Portée et conséquences de la cassation
10. Le premier moyen ne formulant aucune critique contre les motifs de l'arrêt fondant la décision de débouter l'employeur de ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour faute lourde, de dommages-intérêts pour procédure abusive et de le condamner à payer à la salariée la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices causés par le dépassement des durées maximales de travail et de violation du droit au repos, la cassation ne peut s'étendre à ces dispositions de l'arrêt qui ne sont pas en lien de dépendance avec les dispositions de l'arrêt critiquées par ce moyen.
11. La cassation des chefs du dispositif visés par le premier moyen n'emporte pas celle des chefs du dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause.
Soc. 12 juin 2024 n° 23-13.981
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 12 juin 2024
Cassation
Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 585 F-D
Pourvoi n° X 23-13.981
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 JUIN 2024
Mme [I] [K] [D] [C], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° X 23-13.981 contre l'arrêt rendu le 20 janvier 2023 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre section 2, chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Akka ingéniérie produit, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Deltort, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme [D] [C], de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de la société Akka ingéniérie produit, après débats en l'audience publique du 7 mai 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Deltort, conseiller rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 20 janvier 2023), Mme [D] [C] a été engagée en qualité d'ingénieur procédés par la société Akka ingéniérie process, aux droits de laquelle est venue la société Akka ingéniérie produit, à compter du 29 mai 2017. La convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, dite Syntec, était applicable à la relation de travail.
2. Le 23 novembre 2018, la salariée a démissionné.
3. Le 9 mai 2019, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de demandes en requalification de sa démission en prise d'acte de la rupture du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et en paiement d'indemnités de déplacement et de voyages de détente.
Sur le moyen, pris en ses cinquième et sixième branches
Enoncé du moyen
4. La salariée fait grief à l'arrêt de dire que sa démission doit s'analyser en une prise d'acte de la rupture du contrat de travail ne produisant pas les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de rejeter ses demandes en paiement d'indemnités de déplacement, de voyages de détente, des dommages-intérêts pour déloyauté, de l'indemnité compensatrice de préavis, de l'indemnité de licenciement, des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de remise des documents sociaux rectifiés, alors :
« 5°/ que lorsqu'un salarié a été recruté par un employeur pour partir en mission à plus de 700 kilomètres de son domicile, tout en restant rattaché administrativement à l'agence située près de son domicile, le simple fait que le salarié ait déménagé temporairement, à la demande de son employeur, pour les besoins de la mission, et que l'ordre de mission mentionne comme domicile le logement temporaire du salarié près de son lieu de mission, ne permet pas à l'employeur d'éluder les dispositions applicables de la convention collective relatives aux indemnités de déplacement et aux voyages de détente ; qu'en l'espèce, en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si Mme [D] [C] n'avait pas loué un appartement à Vernon que pour les seuls besoins de sa mission, étant domiciliée à Ramonville-Saint-Agne au moment de la conclusion du contrat de travail, de sorte que ce changement de résidence était temporaire et qu'il convenait de prendre en considération le domicile occupé par la salariée avant le début de sa mission pour apprécier son droit aux indemnités de grand déplacement, nonobstant le domicile mentionné sur l'ordre de mission, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 50, 51, 52 et 53 de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, ensemble l'article 102 du code civil ;
6°/ que les articles 50 et 53 de la convention collective des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987 disposent que les déplacements hors du lieu de travail habituel nécessités par le service ne doivent pas être pour le salarié l'occasion d'une charge supplémentaire, que le salarié dont la lettre d'engagement mentionne qu'il doit travailler tout ou partie de l'année en déplacement continu aura droit, outre son salaire, à une indemnité de remboursement de frais pendant la durée de ce déplacement et que cette indemnité sera soit forfaitaire, auquel cas, elle représentera la différence entre les frais de séjour et les dépenses normales du salarié s'il vivait au lieu où il a été engagé, soit versée sur pièces justificatives ; qu'en l'espèce, en s'estimant liée par la mention du domicile portée sur l'ordre de mission, sans rechercher si, en pratique, l'application du régime des déplacements locaux ne conduisait pas à laisser à la charge de la salariée une charge supplémentaire compte tenu du maintien de son domicile à Ramonville, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 50 et 53 de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 50 et 53 de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987 :
5. Selon le premier de ces textes, les déplacements hors du lieu de travail habituel nécessités par le service ne doivent pas être pour le salarié l'occasion d'une charge supplémentaire ou d'une diminution de salaire. L'importance des frais dépend du lieu où s'effectuent les déplacements, ils ne sauraient être fixés d'une façon uniforme. Ils seront remboursés de manière à couvrir les frais d'hôtel et de restaurant du salarié. Ils pourront faire l'objet d'un forfait préalablement au départ, soit par accord particulier, soit par règlement spécifique approprié.
6. Selon le second, le salarié dont la lettre d'engagement mentionne qu'il doit travailler tout ou partie de l'année en déplacement continu, a droit, outre son salaire, à une indemnité de remboursement de frais pendant la durée de ce déplacement, laquelle est soit forfaitaire, auquel cas, elle représente la différence entre les frais de séjour et les dépenses normales du salarié s'il vivait au lieu où il a été engagé, et est fixée par accord préalable entre l'employeur et le salarié, sauf règlement spécifique conformément à l'article 50, soit versée sur pièces justificatives.
7. Pour rejeter la demande de la salariée en paiement d'une indemnité de déplacement forfaitaire quotidien et de deux voyages de détente mensuels entre l'Eure et la Haute-Garonne, l'arrêt retient que le barème de remboursement institué au sein de la société distingue plusieurs types de déplacements, la distance à prendre en compte étant le delta entre la distance domicile - lieu de mission et la distance domicile - lieu de travail habituel (en général agence de rattachement) : les déplacements locaux pour le trajet aller jusqu'à 15 kilomètres, les petits déplacements pour le trajet aller compris entre 16 et 75 kilomètres, les grands déplacements pour le trajet aller compris entre 76 et 275 kilomètres et les très grands déplacements pour le trajet aller supérieur à 275 kilomètres.
8. Il relève que l'ordre de mission du 19 mai 2017 mentionnait une agence de rattachement à [Localité 2] (Haute-Garonne), un lieu de mission à [Localité 4] (Eure), une adresse de la salariée dans l'Eure, un trajet aller domicile - lieu de mission de quatre kilomètres, un trajet aller domicile - lieu de travail habituel de 722 kilomètres, soit une différence de moins 718 kilomètres correspondant à un déplacement local, donnant droit à des tickets restaurant et à la prise en charge de 60 % de l'abonnement transports en commun.
9. Il ajoute que la salariée a signé cet ordre de mission, qui a ensuite été prorogé au-delà du 31 août 2017 ainsi que les parties en sont convenues, même si aucun nouvel ordre de mission n'est produit, que si la salariée soutient que l'employeur a profité de sa jeunesse pour lui faire signer un ordre de mission chez un client très éloigné géographiquement et sous le régime des déplacements locaux, pour autant elle n'allègue pas un vice du consentement et ne demande pas l'annulation de cet ordre de mission.
10. La cour d'appel en a conclu qu'elle ne pouvait que se baser sur ce document contractuel, sans avoir à s'interroger sur le domicile administratif ou fiscal de la salariée et qu'elle retenait une adresse à Vernon et un régime de déplacements locaux, quand bien même la salariée avait conservé une adresse chez ses parents à Ramonville.
11. En se déterminant ainsi, sans rechercher si le déplacement à la distance qu'elle constatait de plus de 700 kilomètres de son lieu de travail habituel nécessité par le service était pour la salariée l'occasion d'une charge supplémentaire ou d'une diminution de salaire pendant la durée du déplacement en sorte que l'intéressée avait droit à une indemnité de remboursement de frais pendant toute cette durée, selon le barème de l'employeur en rapport avec cette distance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Crim. 11 juin 2024 n° 23-86.389
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° B 23-86.389 F-D
N° 00756
GM 11 JUIN 2024
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 11 JUIN 2024
MM. [F] et [I] [U], parties civiles, ont formé des pourvois contre l'arrêt n° 2 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 4e section, en date du 6 octobre 2023, qui, dans la procédure suivie contre personne non dénommée du chef de diffamation envers un citoyen chargé d'un mandat public, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction constatant la prescription.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Un mémoire personnel a été produit.
Sur le rapport de M. Hill, conseiller, et les conclusions de M. Lemoine, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 mai 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Hill, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 2 juillet 2021, MM. [I] et [F] [U] ont déposé plainte avec constitution de partie civile à l'encontre de Mme [Z] [N], élue municipale de [Localité 1], pour diffamation publique, à raison de publications effectuées sur le compte Facebook de cette dernière le 2 avril 2021.
3. Le 17 juin 2022, une information a été ouverte.
4. Le 2 août suivant, les parties civiles ont été informées de la désignation d'un magistrat instructeur survenue le 8 juillet 2022.
5. Le 4 janvier 2023, le juge d'instruction a rendu son avis de fin d'information.
6. Le 31 janvier suivant, le juge d'instruction, constatant la prescription de l'action publique, a prononcé un non-lieu.
7. Le 9 février 2023, les deux parties civiles ont relevé appel de cette ordonnance.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
8. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
9. Le moyen soutient qu'il ne s'est pas écoulé un mois entre l'émission de l'avis de fin d'information et l'ordonnance de refus d'informer et que le délai de rigueur, prévu à l'article 175 VII, du code de procédure pénale, n'a pas été respecté.
Réponse de la Cour
10. Un moyen présenté pour la première fois devant la Cour de cassation est nouveau, et, comme tel, irrecevable, sauf s'il s'agit d'un moyen d'ordre public et de pur droit.
11. Le moyen, pris de la violation du VII de l'article 175 du code de procédure pénale, applicable en raison de l'abrogation du dernier alinéa de l'article 51-1 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse par la décision du Conseil constitutionnel du 14 septembre 2021, n'est pas d'ordre public (Cons. const., 14 septembre 2021, décision n° 2021-929/ 941 QPC).
12. En effet, les dispositions précitées, en ce qu'elles font obstacle à ce que le juge d'instruction rende son ordonnance de règlement avant l'expiration des délais prévus audit article, ont pour objet de permettre aux parties d'exercer durant ces délais les droits qu'elles tiennent des IV et VI de l'article 175 précité d'adresser des observations écrites au juge d'instruction, de formuler des demandes ou de présenter des requêtes, de sorte que leur méconnaissance n'affecte qu'un intérêt privé.
13. Il s'ensuit que le moyen, qui n'a pas été soulevé devant la chambre de l'instruction, est irrecevable.
14. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
Crim. 11 juin 2024 n° 24-80.132
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° W 24-80.132 F-D
N° 00670
ODVS 11 JUIN 2024
IRRECEVABILITE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 11 JUIN 2024
Le procureur de la République financier a formé un pourvoi contre l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 22 novembre 2023, qui, dans la procédure suivie des chefs de fraude fiscale et blanchiment aggravés, a prononcé sur une contestation élevée en matière de saisie d'un document relevant de l'exercice des droits de la défense et couvert par le secret professionnel de la défense et du conseil.
Par ordonnance du 29 janvier 2024, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.
Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Thomas, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocats des sociétés [1] et [2], et les conclusions de M. Lemoine, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 avril 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Thomas, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'ordonnance attaquée et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Lors d'une enquête préliminaire ouverte des chefs susvisés, des perquisitions ont été menées dans les locaux des sociétés [1] et [2].
3. Certains des documents découverts étant susceptibles de relever de l'exercice des droits de la défense et d'être couverts par le secret professionnel de la défense et du conseil, les sociétés se sont opposées à leur saisie en application de l'article 56-1-1 du code de procédure pénale.
4. Par ordonnance du 17 novembre 2023, le juge des libertés et de la détention a ordonné le versement à la procédure de certains de ces documents, dont ceux objet du scellé n° 9 comprenant un échange de courriers entre divers collaborateurs des deux sociétés et Mme Anne-Sophie Maes, avocate.
5. Les deux sociétés et le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris ont formé des recours contre cette décision.
Examen de la recevabilité du pourvoi formé par le procureur de la République financier
6. À défaut de texte législatif contraire, l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction rendue sur le recours suspensif formé à l'encontre de la décision du juge des libertés et de la détention statuant sur la contestation, par le bâtonnier ou son délégué, de la saisie effectuée dans le cabinet ou au domicile d'un avocat, entre dans les prévisions de l'article 567 du code de procédure pénale.
7. Il en va de même de l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction portant sur la saisie, réalisée hors le cabinet ou le domicile d'un avocat, d'un document ou objet susceptible de relever de l'exercice des droits de la défense et d'être couvert par le secret professionnel de la défense et du conseil prévu à l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971.
8. Dès lors, conformément à l'article 567 susvisé, le ministère public a qualité pour former un pourvoi contre l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction.
9. L'article 192 du code de procédure pénale dispose que les fonctions du ministère public auprès de la chambre de l'instruction sont exercées par le procureur général ou par ses substituts.
10. Il en résulte que le procureur général a, seul, qualité pour former un pourvoi contre la décision susvisée, les dispositions de l'article 56-1 du code précité, auxquelles renvoie l'article 56-1-1 de ce code, selon lesquelles le procureur de la République, s'il est le magistrat qui a procédé à la perquisition, est entendu par le juge des libertés et de la détention et, en cas de recours, par le président de la chambre de l'instruction, ne conférant pas pour autant au procureur de la République la qualité de représentant du ministère public devant le président de la chambre de l'instruction.
11. En conséquence, le pourvoi formé par le procureur de la République financier est irrecevable.
Crim. 11 juin 2024 n° 23-87.202 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° K 23-87.202 FS-B
N° 00679
ODVS 11 JUIN 2024
IRRECEVABILITE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 11 JUIN 2024
Le procureur de la République financier a formé un pourvoi contre l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 23 octobre 2023, qui, dans la procédure suivie du chef de blanchiment aggravé de fraude fiscale aggravée, a prononcé sur une contestation élevée en matière de saisie d'un document relevant de l'exercice des droits de la défense et couvert par le secret professionnel de la défense et du conseil.
Par ordonnance du 29 janvier 2024, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.
Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits.
Sur le rapport de Mme Thomas, conseiller, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de Mme [Z] [O], les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris, et les conclusions de M. Lemoine, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 avril 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Thomas, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, MM. Cavalerie, Maziau, Seys, Dary, Mme Chaline-Bellamy, M. Hill, conseillers de la chambre, M. Violeau, Mme Merloz, M. Michon, conseillers référendaires, M. Lemoine, avocat général, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'ordonnance attaquée et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Lors d'une enquête préliminaire ouverte du chef susvisé, des perquisitions ont été menées dans les locaux des sociétés [1] et [2].
3. Certains des documents découverts étant susceptibles de relever de l'exercice des droits de la défense et d'être couverts par le secret professionnel de la défense et du conseil, les sociétés se sont opposées à leur saisie en application de l'article 56-1-1 du code de procédure pénale.
4. Par ordonnance du 11 avril 2023, le juge des libertés et de la détention a ordonné le versement à la procédure de certains de ces documents, dont ceux objet du scellé n° 6 comprenant deux exemplaires d'une consultation juridique émanant de Mme [Z] [O], avocate.
5. Les deux sociétés, le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris et Mme [O], notamment, ont formé des recours contre cette décision.
Examen de la recevabilité du pourvoi formé par le procureur de la République financier
6. À défaut de texte législatif contraire, l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction rendue sur le recours suspensif formé à l'encontre de la décision du juge des libertés et de la détention statuant sur la contestation, par le bâtonnier ou son délégué, de la saisie effectuée dans le cabinet ou au domicile d'un avocat, entre dans les prévisions de l'article 567 du code de procédure pénale.
7. Il en va de même de l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction portant sur la saisie, réalisée hors le cabinet ou le domicile d'un avocat, d'un document ou objet susceptible de relever de l'exercice des droits de la défense et d'être couvert par le secret professionnel de la défense et du conseil prévu à l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971.
8. Dès lors, conformément à l'article 567 susvisé, le ministère public a qualité pour former un pourvoi contre l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction.
9. L'article 192 du code de procédure pénale dispose que les fonctions du ministère public auprès de la chambre de l'instruction sont exercées par le procureur général ou par ses substituts.
10. Il en résulte que le procureur général a, seul, qualité pour former un pourvoi contre la décision susvisée, les dispositions de l'article 56-1 du code précité, auxquelles renvoie l'article 56-1-1 de ce code, selon lesquelles le procureur de la République, s'il est le magistrat qui a procédé à la perquisition, est entendu par le juge des libertés et de la détention et, en cas de recours, par le président de la chambre de l'instruction, ne conférant pas pour autant au procureur de la République la qualité de représentant du ministère public devant le président de la chambre de l'instruction.
11. En conséquence, le pourvoi formé par le procureur de la République financier est irrecevable.
Crim. 11 juin 2024 n° 23-86.388
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° A 23-86.388 F-D
N° 00755
GM 11 JUIN 2024
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 11 JUIN 2024
MM. [V] et [W] [U], parties civiles, ont formé des pourvois contre l'arrêt n° 1 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 4e section, en date du 6 octobre 2023, qui, dans la procédure suivie contre personne non dénommée du chef de diffamation envers un citoyen chargé d'un mandat public, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction constatant la prescription.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Un mémoire personnel a été produit.
Sur le rapport de M. Hill, conseiller, et les conclusions de M. Lemoine, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 mai 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Hill, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 13 juillet 2021, MM. [W] et [V] [U] ont déposé plainte avec constitution de partie civile, pour diffamation publique, à raison de publications effectuées dans un tract diffusé entre les 17 et 23 avril 2021, les décrivant notamment comme des délinquants notoires, des « groupes d'opposition extrémistes », des « groupuscules haineux d'extrême-droite (qui) tentent de provoquer le désordre et le chaos. »
3. Le 17 juin 2022, une information a été ouverte.
4. Le 2 août suivant, les parties civiles ont été informées de la désignation d'un magistrat instructeur survenue le 8 juillet 2022.
5. Le 4 janvier 2023, le juge d'instruction a rendu son avis de fin d'information.
6. Le 31 janvier suivant, le juge d'instruction, constatant la prescription de l'action publique, a prononcé un non-lieu.
7. Le 9 février 2023, les deux parties civiles ont relevé appel de cette ordonnance.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
8. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
9. Le moyen soutient qu'il ne s'est pas écoulé un mois entre l'émission de l'avis de fin d'information et l'ordonnance de refus d'informer et que le délai de rigueur, prévu à l'article 175 VII, du code de procédure pénale, n'a pas été respecté.
Réponse de la Cour
10. Un moyen présenté pour la première fois devant la Cour de cassation est nouveau, et, comme tel, irrecevable, sauf s'il s'agit d'un moyen d'ordre public et de pur droit.
11. Le moyen, pris de la violation du VII de l'article 175 du code de procédure pénale, applicable en raison de l'abrogation du dernier alinéa de l'article 51-1 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse par la décision du Conseil constitutionnel du 14 septembre 2021, n'est pas d'ordre public (Cons. const., 14 septembre 2021, décision n° 2021-929/ 941 QPC).
12. En effet, les dispositions précitées, en ce qu'elles font obstacle à ce que le juge d'instruction rende son ordonnance de règlement avant l'expiration des délais prévus audit article, ont pour objet de permettre aux parties d'exercer durant ces délais les droits qu'elles tiennent des IV et VI de l'article 175 précité d'adresser des observations écrites au juge d'instruction, de formuler des demandes ou de présenter des requêtes, de sorte que leur méconnaissance n'affecte qu'un intérêt privé.
13. Il s'ensuit que le moyen, qui n'a pas été soulevé devant la chambre de l'instruction, est irrecevable.
14. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
Crim. 11 juin 2024 n° 23-82.802
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° C 23-82.802 F-D
N° 00748
GM 11 JUIN 2024
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 11 JUIN 2024
Mme [B] [Y], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt n° 3 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 1re section, en date du 12 avril 2023, qui, dans l'information suivie contre M. [K] [S], des chefs d'assassinats et tentative en lien avec une entreprise terroriste et association de malfaiteurs terroriste, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction déclarant irrecevable sa constitution de partie civile.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Seys, conseiller, les observations de Me Balat, avocat de Mme [B] [Y], et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 14 mai 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Seys, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 29 octobre 2020, en début de matinée, M. [K] [S] est entré dans la basilique [2], à [Localité 1], et y a tué plusieurs personnes à l'aide d'une arme blanche.
3. Plusieurs équipages de fonctionnaires de la police municipale sont intervenus sur les lieux et certains des agents ont fait usage de leur arme, causant des blessures sévères à l'agresseur.
4. Une information a été ouverte le 13 novembre 2020 et M. [S] été mis en examen des chefs susvisés le 7 décembre suivant.
5. Le13 juillet 2022, Mme [B] [Y], fonctionnaire de police municipale, s'est constituée partie civile devant le juge d'instruction.
6. Ce dernier a déclaré cette constitution irrecevable par ordonnance en date du 6 octobre 2022.
7. Mme [Y] a relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première et quatrième branches
8. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
Enoncé du moyen
9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction ayant prononcé l'irrecevabilité de la constitution de partie civile de Mme [Y], alors :
« 2°/ qu'en s'appuyant sur la position du ministère public selon laquelle « les membres de l'équipage [?] ne se sont pas trouvés directement et personnellement menacés ou mis en danger par [K] [S], à la différence de leurs collègues intervenus en premier lieu, puisque le terroriste avait déjà été neutralisé par les tiers de ce premier équipage et gisait au sol, grièvement blessé, ce qui a pour effet qu'à aucun moment ils n'ont pu de trouver en risque d'être touchés ou menacés par son action homicide », lorsque la menace peut ne pas provenir de l'assaillant initial, qu'il est avéré que Mme [B] [Y] s'est trouvée en présence d'un sac suspect qui se trouvait au sol et qui a conduit à l'évacuation de la cathédrale, avec en outre le risque de la présence d'un second assaillant qui n'avait alors pas été écarté, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 2, 3 et 593 du code de procédure pénale ;
3°/ que l'arrêt qui se borne à reproduire en substance la position des parties, pour conclure péremptoirement que le plaignant « ne peut être considéré comme étant la victime directe des faits dont sont saisis les magistrats instructeurs », doit être considéré comme dépourvu de motivation propre, en violation de l'article 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour
10. Pour confirmer l'irrecevabilité de la constitution de partie civile de Mme [Y], l'arrêt attaqué énonce que, informé par un passant qu'une femme et un homme avaient été poignardés dans l'église, un équipage de policiers municipaux a effectué une brève incursion dans le bâtiment, où il a constaté la présence du corps d'une femme, et s'est replié.
11. Les juges relèvent que les membres de cet équipage, auquel appartenait la demanderesse, ne se sont pas trouvés directement et personnellement menacés ou mis en danger par l'agresseur, à la différence de leurs collègues intervenus en premier lieu, le terroriste ayant été neutralisé par les tirs de ces derniers et gisant au sol, grièvement blessé.
12. Ils précisent que, de ce fait, à aucun moment les agents dudit équipage n'ont pu se trouver exposés au risque d'être touchés ou menacés par l'action homicide du mis en cause.
13. Ils en déduisent que Mme [Y] ne peut ainsi être considérée comme la victime directe des faits dont sont saisis les magistrats instructeurs.
14. En l'état de ces seuls motifs, l'arrêt n'encourt pas les griefs allégués, pour les motifs qui suivent.
15. La Cour de cassation est en mesure de s'assurer qu'en premier lieu, Mme [Y] est entrée dans le bâtiment avec deux autres policiers municipaux et deux fonctionnaires de la police nationale, après que l'agresseur, qui avait agi seul, avait été neutralisé par un autre équipage de membres des forces de l'ordre, et qu'en second lieu, une fois à l'intérieur, Mme [Y] est sortie sur injonction de l'un des fonctionnaires de la police nationale, qui avait signalé la présence d'un sac, considéré comme suspect.
16. Ainsi, Mme [Y] n'a pas été confrontée à l'agresseur ni à son action homicide, alors qu'en sa qualité de professionnelle du maintien de la sécurité publique, elle est entrée, pour une inspection de sécurité, aux côtés de ses collègues et des fonctionnaires susvisés, dans un bâtiment public, qu'elle a quitté sur signalement d'un danger potentiel dû à la présence d'un bagage suspect. En conséquence, la possibilité de l'existence d'un préjudice en relation directe avec les infractions poursuivies n'est pas caractérisée.
17. Dès lors, le moyen doit être écarté.
18. L'arrêt est par ailleurs régulier en la forme.
Crim. 11 juin 2024 n° 23-82.801 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° B 23-82.801 F-B
N° 00747
GM 11 JUIN 2024
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 11 JUIN 2024
M. [O] [W], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt n° 2 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 1re section, en date du 12 avril 2023, qui, dans l'information suivie contre M. [F] [G], des chefs d'assassinats et tentative en lien avec une entreprise terroriste et association de malfaiteurs terroriste, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction déclarant irrecevable sa constitution de partie civile.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Seys, conseiller, les observations de Me Balat, avocat de M. [O] [W], et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 14 mai 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Seys, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le [Date décès 1] 2020, en début de matinée, M. [F] [G] est entré dans la basilique [3], à [Localité 2], et y a tué plusieurs personnes à l'aide d'une arme blanche.
3. Plusieurs équipages de fonctionnaires de la police municipale sont intervenus sur les lieux et certains des agents ont fait usage de leur arme, causant des blessures sévères à l'agresseur.
4. Une information a été ouverte le 13 novembre 2020 et M. [G] été mis en examen des chefs susvisés le 7 décembre suivant.
5. Le 8 juillet 2022, M. [O] [W], fonctionnaire de police municipale, s'est constitué partie civile devant le juge d'instruction.
6. Ce dernier a déclaré cette constitution irrecevable par ordonnance en date du 6 octobre 2022.
7. M. [W] a relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première et quatrième branches
8. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
Enoncé du moyen
9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction ayant prononcé l'irrecevabilité de la constitution de partie civile de M. [W], alors :
« 2°/ qu'en s'appuyant sur la position du ministère public selon laquelle « les membres de l'équipage [?] ne se sont pas trouvés directement et personnellement menacés ou mis en danger par [F] [G], à la différence de leurs collègues intervenus en premier lieu, puisque le terroriste avait déjà été neutralisé par les tiers de ce premier équipage et gisait au sol, grièvement blessé, ce qui a pour effet qu'à aucun moment ils n'ont pu de trouver en risque d'être touchés ou menacés par son action homicide », lorsque la menace peut ne pas provenir de l'assaillant initial, qu'il est avéré que M. [O] [W] s'est trouvé en présence d'un sac suspect qui se trouvait au sol et qui a conduit à l'évacuation de la cathédrale, avec en outre le risque de la présence d'un second assaillant qui n'avait alors pas été écarté, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 2, 3 et 593 du code de procédure pénale ;
3°/ que l'arrêt qui se borne à reproduire en substance la position des parties, pour conclure péremptoirement que le plaignant « ne peut être considéré comme étant la victime directe des faits dont sont saisis les magistrats instructeurs », doit être considéré comme dépourvu de motivation propre, en violation de l'article 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
10. Pour confirmer l'irrecevabilité de la constitution de partie civile de M. [W], l'arrêt attaqué énonce que, informé par un passant qu'une femme et un homme avaient été poignardés dans l'église, un premier équipage de policiers municipaux a effectué une brève incursion dans le bâtiment, où il a constaté la présence du corps d'une femme, et s'est replié.
11. Les juges relèvent que les membres de cet équipage, auquel appartenait le demandeur, ne se sont pas trouvés directement et personnellement menacés ou mis en danger par l'agresseur, à la différence de leurs collègues intervenus en premier lieu, le terroriste ayant été neutralisé par les tirs de ces derniers et gisant au sol, grièvement blessé.
12. Ils précisent que, de ce fait, à aucun moment les agents dudit équipage n'ont pu se trouver exposés au risque d'être touchés ou menacés par l'action homicide du mis en cause.
13. Ils en déduisent que M. [W] ne peut ainsi être considéré comme la victime directe des faits dont sont saisis les magistrats instructeurs.
14. En l'état de ces seuls motifs, l'arrêt n'encourt pas les griefs allégués, pour les motifs qui suivent.
15. La Cour de cassation est en mesure de s'assurer qu'en premier lieu, M. [W] est entré dans le bâtiment avec deux autres policiers municipaux et deux fonctionnaires de la police nationale, après que l'agresseur, qui avait agi seul, avait été neutralisé par un autre équipage de membres des forces de l'ordre, et qu'en second lieu, une fois à l'intérieur, M. [W] est sorti sur injonction de l'un des fonctionnaires de la police nationale, qui avait signalé la présence d'un sac, considéré comme suspect.
16. Ainsi, M. [W] n'a pas été confronté à l'agresseur ni à son action homicide, alors qu'en sa qualité de professionnel du maintien de la sécurité publique, il est entré, pour une inspection de sécurité, aux côtés de ses collègues et des fonctionnaires susvisés, dans un bâtiment public, qu'il a quitté sur signalement d'un danger potentiel dû à la présence d'un bagage suspect. En conséquence, la possibilité de l'existence d'un préjudice en relation directe avec les infractions poursuivies n'est pas caractérisée.
17. Dès lors, le moyen doit être écarté.
18. L'arrêt est par ailleurs régulier en la forme.
Crim. 11 juin 2024 n° 23-82.806
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° H 23-82.806 F-D
N° 00752
GM 11 JUIN 2024
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 11 JUIN 2024
M. [N] [B], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt n° 7 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 1re section, en date du 12 avril 2023, qui, dans l'information suivie contre M. [F] [Z], des chefs d'assassinats et tentative en lien avec une entreprise terroriste et association de malfaiteurs terroriste, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction déclarant irrecevable sa constitution de partie civile.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Seys, conseiller, les observations de Me Balat, avocat de M. [N] [B], et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 14 mai 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Seys, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 29 octobre 2020, en début de matinée, M. [F] [Z] est entré dans la basilique [2], à [Localité 1], et y a tué plusieurs personnes à l'aide d'une arme blanche.
3. Plusieurs équipages de fonctionnaires de la police municipale sont intervenus sur les lieux et certains des agents ont fait usage de leur arme, causant des blessures sévères à l'agresseur.
4. Une information a été ouverte le 13 novembre 2020 et M. [Z] été mis en examen des chefs susvisés le 7 décembre suivant.
5. Le 8 juillet 2022, M. [N] [B], fonctionnaire de police municipale, s'est constitué partie civile devant le juge d'instruction.
6. Ce dernier a déclaré cette constitution irrecevable par ordonnance en date du 6 octobre 2022.
7. M. [B] a relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première et quatrième branches
8. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
Enoncé du moyen
9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction ayant prononcé l'irrecevabilité de la constitution de partie civile de M. [B], alors :
« 2°/ qu'en s'appuyant sur la position du ministère public selon laquelle « les membres de l'équipage [?] ne se sont pas trouvés directement et personnellement menacés ou mis en danger par [F] [Z], à la différence de leurs collègues intervenus en premier lieu, puisque le terroriste avait déjà été neutralisé par les tiers de ce premier équipage et gisait au sol, grièvement blessé, ce qui a pour effet qu'à aucun moment ils n'ont pu de trouver en risque d'être touchés ou menacés par son action homicide », lorsque la menace peut ne pas provenir de l'assaillant initial, qu'il est avéré que M. [N] [B] s'est trouvé en présence d'un sac suspect qui se trouvait au sol et qui a conduit à l'évacuation de la cathédrale, avec en outre le risque de la présence d'un second assaillant qui n'avait alors pas été écarté, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 2, 3 et 593 du code de procédure pénale ;
3/° que l'arrêt qui se borne à reproduire en substance la position des parties, pour conclure péremptoirement que le plaignant « ne peut être considéré comme étant la victime directe des faits dont sont saisis les magistrats instructeurs », doit être considéré comme dépourvu de motivation propre, en violation de l'article 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
10. Pour confirmer l'irrecevabilité de la constitution de partie civile de M. [B], l'arrêt attaqué énonce que, informé par un passant qu'une femme et un homme avaient été poignardés dans l'église, un premier équipage de policiers municipaux a effectué une brève incursion dans le bâtiment, où il a constaté la présence du corps d'une femme, et s'est replié.
11. Les juges relèvent que les membres de cet équipage, auquel appartenait le demandeur, ne se sont pas trouvés directement et personnellement menacés ou mis en danger par l'agresseur, à la différence de leurs collègues intervenus en premier lieu, le terroriste ayant été neutralisé par les tirs de ces derniers et gisant au sol, grièvement blessé.
12. Ils précisent que, de ce fait, à aucun moment les agents dudit équipage n'ont pu se trouver exposés au risque d'être touchés ou menacés par l'action homicide du mis en cause.
13. Ils en déduisent que M. [B] ne peut ainsi être considéré comme la victime directe des faits dont sont saisis les magistrats instructeurs.
14. En l'état de ces seuls motifs, l'arrêt n'encourt pas les griefs allégués, pour les motifs qui suivent.
15. La Cour de cassation est en mesure de s'assurer qu'en premier lieu, M. [B] est entré dans le bâtiment avec deux autres policiers municipaux et deux fonctionnaires de la police nationale, après que l'agresseur, qui avait agi seul, avait été neutralisé par un autre équipage de membres des forces de l'ordre et qu'en second lieu, une fois à l'intérieur, M. [B] est sorti sur injonction de l'un des fonctionnaires de la police nationale, qui avait signalé la présence d'un sac, considéré comme suspect.
16. Ainsi, M. [B] n'a pas été confronté à l'agresseur ni à son action homicide, alors qu'en sa qualité de professionnel du maintien de la sécurité publique, il est entré, pour une inspection de sécurité, aux côtés de ses collègues et des fonctionnaires susvisés, dans un bâtiment public, qu'il a quitté sur signalement d'un danger potentiel dû à la présence d'un bagage suspect. En conséquence, la possibilité de l'existence d'un préjudice en relation directe avec les infractions poursuivies n'est pas caractérisée.
17. Dès lors, le moyen doit être écarté.
18. L'arrêt est par ailleurs régulier en la forme.
Crim. 11 juin 2024 n° 23-86.725
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° S 23-86.725 F-D
N° 00760
GM 11 JUIN 2024
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 11 JUIN 2024
M. [S] [X] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 8e section, en date du 15 novembre 2023, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'importation de stupéfiants en bande organisée, infractions à la législation sur les stupéfiants, blanchiment aggravé et association de malfaiteurs, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure.
Par ordonnance du 29 janvier 2024, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Dary, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [S] [X], et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 mai 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Dary, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 28 juin 2022, M. [S] [X] a été mis en examen des chefs susvisés.
3. Le 16 décembre suivant, il a déposé une demande d'annulation de pièces de la procédure.
Examen des moyens
Sur les premier, deuxième et quatrième moyens
4. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le moyen relevé d'office et mis dans le débat
Vu l'article 174, alinéa 2, du code de procédure pénale :
5. Il résulte de ce texte que ce n'est que lorsqu'elle a prononcé la nullité d'un acte de la procédure que la chambre de l'instruction peut annuler par voie de conséquence les actes qui ont pour support nécessaire l'acte vicié.
6. Après avoir relevé que le procureur de la République, au visa de l'article 77-1-1 du code de procédure pénale, avait autorisé les enquêteurs à procéder aux seules réquisitions téléphoniques nécessaires à l'enquête, l'arrêt attaqué en déduit que ces derniers n'étaient ainsi pas autorisés à procéder à la réquisition visant à obtenir l'accès aux enregistrements de vidéo-surveillance de l'immeuble de M. [D] [O], situé [Adresse 1] à [Localité 5] et qu'il y a lieu en conséquence de canceller les procès-verbaux d'exploitation D 275/2 et D 291/2 des 17 août et 3 septembre 2020.
7. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.
8. En effet, les juges, qui n'ont pas prononcé la nullité de la réquisition litigieuse, ne pouvaient ordonner par voie de conséquence la cancellation des cotes précitées qui, d'ailleurs, se rapportaient à des mesures d'investigation ordonnées sur commission rogatoire et non en exécution de ladite réquisition.
9. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Et sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
10. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en nullité présentée par la défense en ce qu'elle sollicitait l'annulation de la géolocalisation en urgence des véhicules utilisés par M. [X], alors :
« 1°/ qu'il incombe au juge d'instruction, qui autorise la poursuite d'une mesure de géolocalisation mise en oeuvre à la seule initiative des enquêteurs, de motiver l'urgence ou le risque imminent de dépérissement des preuves ou d'atteinte grave aux personnes ou aux biens ayant commandé à la réalisation de cet acte ; que la chambre de l'instruction ne peut substituer ses motifs à ceux, inexistants, du juge d'instruction ; qu'au cas d'espèce, il résulte de la procédure que les enquêteurs ont procédé à la pose de dispositifs de géolocalisation, sans autorisation préalable, sur les véhicules Mercedes Classe A immatriculé [Immatriculation 4], Audi A3 immatriculé [Immatriculation 3] et Smart immatriculé [Immatriculation 2], utilisés par l'exposant ; que si ces mesures ont effectivement été autorisées a posteriori par le juge d'instruction, celui-ci s'est borné à motiver ses décisions au regard de la nécessité des différentes mesures, sans jamais établir l'existence d'un quelconque risque imminent de dépérissement des preuves ou d'atteinte grave aux personnes ou aux biens ayant justifié la mise en place des dispositifs litigieux sans autorisation préalable ; qu'en substituant aux motifs inexistants du juge d'instruction sa propre appréciation de l' « urgence » dans laquelle se seraient trouvés les enquêteurs, pour en déduire que les mesures litigieuses avaient régulièrement été autorisées par le magistrat instructeur, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 230-33, 230-35, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ qu'il en va d'autant plus ainsi que les motifs par lesquels la chambre de l'instruction a substitué sa propre appréciation à celle du juge d'instruction, et qui tiennent essentiellement à l'implication des véhicules litigieux dans un trafic de stupéfiants, et à la nécessité de pouvoir suivre leur déplacements, s'ils peuvent justifier la mise en oeuvre d'une mesure de géolocalisation, ne sauraient, faute d'urgence ou de risque quelconque d'atteinte aux biens ou aux personnes, suffire à justifier que cette mesure soit mise en oeuvre à la seule initiative des enquêteurs ; qu'en fondant ainsi sa décision sur des motifs inopérants et impropres à caractériser l'urgence ou le moindre risque de dépérissement des preuves ou d'atteinte grave aux personnes ou aux biens, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 230-33, 230-35, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 230-35, alinéas premier et dernier, du code de procédure pénale :
11. Selon ce texte, l'officier de police judiciaire agissant sur commission rogatoire, qui, en cas d'urgence, procède à l'installation d'un moyen technique destiné à la localisation en temps réel d'une personne, d'un véhicule ou de tout autre objet, doit en informer immédiatement le juge d'instruction qui dispose alors d'un délai de vingt-quatre heures pour prescrire, le cas échéant, la poursuite des opérations, par une décision écrite qui comporte l'énoncé des circonstances de fait établissant l'existence d'un risque imminent de dépérissement des preuves ou d'atteinte grave aux personnes ou aux biens.
12. Pour rejeter le moyen de nullité de la géolocalisation en urgence de trois véhicules pris de la motivation insuffisante, par le juge d'instruction, du risque imminent de dépérissement des preuves ou d'atteinte grave aux personnes ou aux biens, l'arrêt attaqué énonce en substance, pour chacun de ces véhicules, qu'il résulte des motifs retenus dans les trois commissions rogatoires délivrées par ce magistrat que lesdits véhicules sont susceptibles d'être utilisés à tout moment par M. [X] pour des trajets réalisés dans le cadre d'activités criminelles d'importation de cocaïne en préparation, dont il est soupçonné, ce qui implique nécessairement un risque de dépérissement des preuves justifiant la pose d'un dispositif en urgence.
13. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé pour les motifs qui suivent.
14. En premier lieu, les commissions rogatoires du juge d'instruction ne comportent, au soutien de la poursuite de la mesure de géolocalisation des trois véhicules équipés en urgence de dispositifs, aucun énoncé des circonstances de fait de nature à établir l'existence d'un risque imminent de dépérissement des preuves ou d'atteinte grave aux personnes ou aux biens.
15. En second lieu, la chambre de l'instruction ne pouvait pallier cette carence par sa propre appréciation sur ce point, laquelle ne se réfère pas au surplus à l'imminence du risque.
16. La cassation est également encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
17. La cassation à intervenir sera limitée aux seules dispositions relatives, d'une part, au prononcé de la nullité des cotes D 275/2 et D 291/2, d'autre part, à la pose en urgence de dispositifs de géolocalisation sur les véhicules Mercedes Classe A immatriculé [Immatriculation 4], Audi A3 immatriculé [Immatriculation 3] et Smart immatriculé [Immatriculation 2]. Les autres dispositions seront donc maintenues.
Crim. 11 juin 2024 n° 24-81.760
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° R 24-81.760 F-D
N° 00915
ODVS 11 JUIN 2024
ANNULATION
M. BONNAL président,
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 11 JUIN 2024
M. [Y] [X] a formé un pourvoi contre l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nîmes, en date du 14 mars 2024, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'infractions aux législations sur les stupéfiants et sur les armes et association de malfaiteurs, a déclaré sa demande de mise en liberté irrecevable.
Des mémoires et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Chaline-Bellamy, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [Y] [X], et les conclusions de Mme Djemni-Wagner, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 juin 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Chaline-Bellamy, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'ordonnance attaquée et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. [Y] [X] a été mis en examen des chefs susvisés et placé en détention provisoire le 8 avril 2023.
3. Son avocate a formé une demande de mise en liberté sur le fondement de l'article 148-4 du code de procédure pénale, par courrier adressé au greffe de la cour d'appel, reçu le 8 mars 2024, et transmis au greffe de la chambre de l'instruction le 12 mars 2024.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Le moyen critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a déclaré manifestement irrecevable la demande de mise en liberté de M. [X] du 5 mars 2024, aux motifs que la demande de mise en liberté formulée par lettre simple n'a pas respecté les formes imposées par les articles 148-6 et 148-7 du code de procédure pénale, alors :
« 1°/ que contrairement à ce qu'énoncent l'ordonnance attaquée et l'attestation du greffier du 12 mars 2024, la demande a été adressée par un courrier recommandé reçu au greffe le 8 mars 2024, ainsi qu'il résulte de la preuve de dépôt et de l'accusé de réception établis par la poste et de l'attestation du greffier que la lettre contenant la demande de mise en liberté de M. [X] a é
Réponse de la Cour
Vu les articles 148-6 et 148-8 du code de procédure pénale :
5. Selon le premier de ces textes, toute demande de mise en liberté doit faire l'objet d'une déclaration au greffier de la juridiction d'instruction saisie du dossier ou à celui de la juridiction compétente et doit être constatée et datée par le greffier qui la signe ainsi que le demandeur ou son avocat. Lorsque la personne ou son avocat ne réside pas dans le ressort de la juridiction compétente, la déclaration au greffier peut être faite au moyen d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception.
6. En vertu du second, lorsque la personne mise en examen entend saisir la chambre de l'instruction notamment en application des dispositions de l'article 148-4 du code de procédure pénale, sa demande doit être faite, dans les formes prévues par les articles 148-6 et 148-7 dudit code, au greffier de la chambre de l'instruction compétente ou au chef de l'établissement pénitentiaire qui en assure la transmission.
7. Pour dire irrecevable la demande de mise en liberté, l'ordonnance attaquée énonce qu'en adressant sa demande formulée en application de l'article 148-4 du code de procédure pénale au greffe de la chambre de l'instruction par lettre simple, l'avocate n'a pas respecté les formes imposées par les articles 148-6 et 148-7 de ce code.
8. En se déterminant ainsi, alors qu'il est justifié par les pièces produites au soutien du moyen qu'une lettre recommandée a été déposée via le service de lettre recommandée en ligne de La Poste le 5 mars 2024 par la même avocate à l'intention du greffe de la cour d'appel de Nîmes puis reçue le 8 mars suivant et doit ainsi être rattachée, par la concordance exacte des dates, à la lettre comprenant la demande de mise en liberté transmise le 12 mars suivant au greffe de la chambre de l'instruction, le président de ladite chambre a commis un excès de pouvoir.
9. L'annulation de l'ordonnance est par conséquent encourue, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres griefs.
Portée et conséquences de l'annulation
10. Du fait de cette annulation, la chambre de l'instruction se trouve saisie de la demande de mise en liberté de M. [X].
11. M. [X] est détenu en exécution d'un titre de détention régulier dès lors que l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction, fût-elle annulée, a été prononcée dans le délai prescrit par l'article 148, dernier alinéa, du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction saisie devant elle-même statuer dans le délai prévu par l'article 194-1 du même code.
Crim. 11 juin 2024 n° 23-86.920 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° D 23-86.920 F-B
N° 00757
GM 11 JUIN 2024
REJET
M. BONNAL président,
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 11 JUIN 2024
M. [F] [V], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt n° 715 de la cour d'appel de Reims, chambre correctionnelle, en date du 29 novembre 2023, qui l'a débouté de ses demandes après relaxe de M. [B] [M] du chef de diffamation publique envers un particulier.
Un mémoire personnel a été produit.
Sur le rapport de Mme Merloz, conseiller référendaire, et les conclusions de M. Lemoine, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 mai 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Merloz, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 7 avril 2022, M. [F] [V] a fait citer à comparaître devant le tribunal correctionnel M. [B] [M] du chef de diffamation publique envers un particulier à la suite de la publication, les 9 août et 16 décembre 2021, de vidéos sur la page Facebook du « [1] » renommé, le 3 mars 2022, « [2] », qui évoquaient l'éviction d'une personne dudit mouvement de contestation en raison de son comportement dangereux.
3. Par jugement du 11 avril 2023, le tribunal correctionnel a constaté la prescription de l'action publique et renvoyé le prévenu des fins de la poursuite, sans prononcer sur l'action civile.
4. M. [V] a relevé appel du jugement.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen est pris de la violation des articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme et 593 du code de procédure pénale.
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a débouté M. [V] de ses demandes alors que la cour d'appel, qui était tenue d'évoquer les faits et de statuer sur la responsabilité civile, ne pouvait débouter la partie civile au motif que la décision du tribunal, qui a constaté la prescription de l'action publique, était définitive, sans examiner ni la régularité de la procédure et notamment la prescription des faits, ni les faits permettant de mettre en évidence la responsabilité civile des prévenus.
Réponse de la Cour
7. C'est à tort que, pour débouter la partie civile de ses demandes, l'arrêt attaqué, statuant sur le seul appel de la partie civile d'un jugement de relaxe, énonce que la décision rendue par les premiers juges ayant retenu la prescription de l'action publique est désormais définitive.
8. En effet, l'appel de la partie civile à l'encontre d'un jugement de relaxe a pour effet de déférer à la juridiction du second degré l'action en réparation des conséquences dommageables qui peuvent résulter de la faute civile du prévenu définitivement relaxé, cette faute devant être démontrée à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite.
9. Il s'en déduit que, saisie du seul appel de la partie civile formé à l'encontre d'un jugement ayant constaté l'extinction de l'action publique et débouté l'intéressé de ses demandes, la cour d'appel doit vérifier que les faits objet de la poursuite ne sont pas, en tout ou en partie, atteints par la prescription de l'action publique.
10. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure dès lors que, lorsque des poursuites pour diffamation publique sont engagées à raison de la diffusion, sur le réseau internet, d'un message figurant sur un site, le point de départ du délai de prescription de l'action publique et de l'action civile prévu par l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse doit être fixé à la date du premier acte de publication, qui est celle à laquelle le message a été mis pour la première fois à la disposition des utilisateurs.
11. En l'espèce, il résulte de la citation du 7 avril 2022 que la publication litigieuse a été diffusée sur une page internet le 16 décembre 2021, la modification du seul nom du titulaire de ladite page, le 3 mars 2022, ne constituant pas une nouvelle mise en ligne des propos qui ferait courir un nouveau délai. Il s'ensuit que les faits objet de la poursuite sont atteints par la prescription de l'action publique.
12. Ainsi, le moyen doit être écarté.
13. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
Crim. 11 juin 2024 n° 24-81.742
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° W 24-81.742 F-D
N° 00914
ODVS 11 JUIN 2024
ANNULATION
M. BONNAL président,
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 11 JUIN 2024
M. [F] [E] a formé un pourvoi contre l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nîmes, en date du 11 mars 2024, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'infractions aux législations sur les stupéfiants et sur les armes et association de malfaiteurs, a déclaré sa demande de mise en liberté irrecevable.
Des mémoires et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Chaline-Bellamy, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [F] [E], et les conclusions de Mme Djemni-Wagner, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 juin 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Chaline-Bellamy, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'ordonnance attaquée et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. [F] [E] a été mis en examen des chefs susvisés et placé en détention provisoire le 8 avril 2023.
3. Son avocate a formé une demande de mise en liberté sur le fondement de l'article 148-4 du code de procédure pénale, par courrier adressé au greffe de la cour d'appel et transmis au greffe de la chambre de l'instruction le 4 mars 2024.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Le moyen critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a déclaré manifestement irrecevable la demande de mise en liberté de M. [E], alors :
« 1°/ que, contrairement à ce qu'énonce l'ordonnance attaquée la demande a été adressée par un courrier recommandé, ainsi qu'il résulte de la preuve de dépôt et de l'accusé de réception établis par la poste et de l'attestation du greffier que la lettre contenant la demande de mise en liberté de M. [E] a été reçue au greffe le 4 mars 2024 ; que dès lors en déclarant la demande de mise en liberté manifestement irrecevable, le président de la chambre de l'instruction a excédé ses pouvoirs. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 148-6 et 148-8 du code de procédure pénale :
5. Selon le premier de ces textes, toute demande de mise en liberté doit faire l'objet d'une déclaration au greffier de la juridiction d'instruction saisie du dossier ou à celui de la juridiction compétente et doit être constatée et datée par le greffier qui la signe ainsi que le demandeur ou son avocat. Lorsque la personne ou son avocat ne réside pas dans le ressort de la juridiction compétente, la déclaration au greffier peut être faite au moyen d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception.
6. En vertu du second, lorsque la personne mise en examen entend saisir la chambre de l'instruction notamment en application des dispositions de l'article 148-4 du code de procédure pénale, sa demande doit être faite, dans les formes prévues par les articles 148-6 et 148-7 dudit code, au greffier de la chambre de l'instruction compétente ou au chef de l'établissement pénitentiaire qui en assure la transmission.
7. Pour dire irrecevable la demande de mise en liberté, l'ordonnance attaquée énonce qu'en adressant sa demande formulée en application de l'article 148-4 du code de procédure pénale au greffe de la chambre de l'instruction par lettre simple, l'avocate n'a pas respecté les formes imposées par les articles 148-6 et 148-7 de ce code.
8. En se déterminant ainsi, alors qu'il est justifié par les pièces produites au soutien du moyen qu'une lettre recommandée a été déposée via le service de lettre recommandée en ligne de La Poste le 29 février 2024 par la même avocate à l'intention du greffe de la cour d'appel de Nîmes puis reçue le 4 mars suivant, et doit ainsi être rattachée, par la concordance exacte des dates, à la lettre comprenant la demande de mise en liberté transmise au greffe de la chambre de l'instruction, le président de ladite chambre a commis un excès de pouvoir.
9. L'annulation de l'ordonnance est par conséquent encourue, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres griefs.
Portée et conséquences de l'annulation
10. Du fait de cette annulation, la chambre de l'instruction se trouve saisie de la demande de mise en liberté de M. [E].
11. M. [E] est détenu en exécution d'un titre de détention régulier dès lors que l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction, fût-elle annulée, a été prononcée dans le délai prescrit par l'article 148, dernier alinéa, du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction saisie devant elle-même statuer dans le délai prévu par l'article 194-1 du même code.
Crim. 11 juin 2024 n° 23-85.631
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° C 23-85.631 F-D
N° 00494
GM 11 JUIN 2024
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 11 JUIN 2024
M. [M] [C] a formé un pourvoi contre l'arrêt n°1 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 8e section, en date du 22 septembre 2023, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs, notamment, d'infractions aux législations sur les stupéfiants et sur les armes, association de malfaiteurs, en récidive, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure.
Par ordonnance du 1er décembre 2023, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Hill, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [M] [C], et les conclusions de Mme Djemni-Wagner, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 mars 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Hill, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. [M] [C] a été mis en examen le 22 octobre 2021 des chefs précités. 3. Il a saisi la chambre de l'instruction de demandes d'annulation visant notamment diverses mesures de géolocalisation et de sonorisation.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a constaté la régularité de la procédure sous réserves des seules annulations et cancellations prononcées par la chambre de l'instruction dans cette affaire et dans les affaires connexes jugées le même jour, alors « que le maintien, sur un véhicule privé, d'un dispositif de géolocalisation en temps réel ou de sonorisation au-delà de la durée initialement fixée pour cette mesure n'est régulier qu'à la double condition qu'aucune information n'ait été obtenue par les enquêteurs postérieurement à l'expiration de l'autorisation initiale et que soit établie l'impossibilité technique du retrait de ce dispositif ; qu'au cas d'espèce, il résulte de la procédure que les dispositifs de géolocalisation et de sonorisation du véhicule Toyota Auris utilisé par l'exposant ont été maintenus sur ce véhicule au-delà du délai initialement fixé pour leur mise en oeuvre, avant d'être « réactivés » les 1er et 3 février 2021 ; que ni les enquêteurs, ni les magistrats, n'ont pourtant allégué, ni a fortiori établi, qu'il avait été impossible de procéder au retrait de ces dispositifs ; qu'en se bornant, pour dire régulier le maintien de ces dispositifs en dehors de tout cadre juridique, à relever que la procédure ne fait apparaître aucun acte qui aurait été pris en exécution des mesures litigieuses postérieurement à leur terme, sans établir l'impossibilité technique pour les enquêteurs de procéder au retrait des dispositifs litigieux, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 230-33, 706-95-16 et 706-97, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
5. Le moyen n'est pas fondé dès lors qu'il résulte des pièces de la procédure, dont la Cour de cassation a le contrôle, que les enquêteurs ont constaté que les conditions de sécurité et de discrétion nécessaires au retrait du dispositif de géolocalisation n'avaient jamais été réunies (D 5003) et qu'il en était de même s'agissant du dispositif de sonorisation (D 5127).
6. Dès lors, et à supposer même que M. [C] ait qualité à agir en nullité de la poursuite de la mesure de sonorisation, le moyen doit être écarté.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a limité la portée des annulations et cancellations consécutives à la nullité des mesures de géolocalisation, sonorisation, et interception insuffisamment motivées que la chambre de l'instruction a prononcée dans la présente procédure et les procédures connexes, alors « que doivent être annulées par voie de conséquence les pièces qui ont pour support nécessaire l'acte entaché de nullité ; qu'en omettant d'annuler de nombreux actes qui trouvaient leur support dans les actes et pièces annulés dans la présente procédure et dans les procédures connexes examinées le même jour, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 174 et 206 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
8. Le moyen, en ce qu'il reproche à la chambre de l'instruction de ne pas avoir tiré les conséquences des annulations prononcées, non par l'arrêt frappé du présent pourvoi, mais exclusivement par des arrêts connexes, est inopérant.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a limité la portée des annulations et cancellations consécutives à la nullité des mesures de géolocalisation, sonorisation, et interception insuffisamment motivées que la chambre de l'instruction a prononcée dans la présente procédure et les procédures connexes, alors « qu' à peine de nullité, le juge d'instruction ne peut mettre en examen que les personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont il est saisi ; qu'au cas d'espèce la défense faisait valoir que la mise en examen de M. [C] trouvait son seul support nécessaire dans deux séries de mesures : l'exploitation de la géolocalisation du véhicule Toyota Yaris [Immatriculation 1] d'une part, et l'exploitation de la sonorisation du même véhicule d'autre part ; que la chambre de l'instruction, après avoir annulé les mesures de sonorisation susvisées, a elle-même constaté que « l'identification de [M] [C] et de son véhicule trouv[e] [?] son origine dans la mesure de géolocalisation du même véhicule » ; qu'elle en a déduit que la mesure de géolocalisation du véhicule litigieux n'étant, quant à elle, pas nulle, la mise en examen de M. [C] ne pouvait être annulée ; qu'en statuant ainsi, cependant même que, par un autre arrêt, elle avait annulé cette mesure de géolocalisation, la chambre de l'instruction, qui n'a pas tiré les conséquences légales des annulations qu'elle a prononcées dans les arrêts connexes qu'elle a rendus le même jour dans la même procédure, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 174, 206, 80-1, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
10. Pour rejeter le moyen de nullité de la mise en examen de M. [C], l'arrêt attaqué énonce que son identification et celle de son véhicule trouvent leur origine dans la mesure de géolocalisation du véhicule Toyota Yaris immatriculé [Immatriculation 1].
11. En prononçant ainsi, alors qu'il ressort des pièces de la procédure, dont la Cour de cassation a le contrôle, que, par arrêt définitif (n° 4) rendu le même jour à la requête de M. [Y] [P], elle a prononcé l'annulation de cette mesure de géolocalisation, et en particulier de la cote D 1934, de sorte qu'il lui appartenait d'examiner l'existence d'indices graves ou concordants justifiant la mise en examen de M. [C], la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision.
12. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
13. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions ayant rejeté le moyen de nullité de la mise en examen de M. [C], toutes autres dispositions étant expressément maintenues.
Crim. 11 juin 2024 n° 24-80.502
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° Y 24-80.502 F-D
N° 00761
GM 11 JUIN 2024
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 11 JUIN 2024
L'officier du ministère public près le tribunal de police de Paris a formé un pourvoi contre le jugement dudit tribunal, en date du 2 novembre 2023, qui, pour contraventions au code de la route, a déclaré M. [D] [R] coupable et l'a dispensé de peines.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Chaline-Bellamy, conseiller, et les conclusions de M. Lemoine, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 mai 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Chaline-Bellamy, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte du jugement attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Des contraventions de dépassement de véhicule par la droite et d'utilisation en agglomération par conducteur d'un véhicule à des régimes excessifs ont été relevées contre M. [D] [R], qui a présenté une requête en exonération.
3. Il a été poursuivi devant le tribunal de police.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Le moyen est pris de la violation des articles 132-59 du code pénal et 593 du code de procédure pénale.
5. Le moyen critique le jugement attaqué en ce qu'il a prononcé une dispense de peine pour chacune des deux infractions au motif que le prévenu remplit les conditions d'une dispense de peine qui paraît de bonne justice, alors que, pour dispenser de peine un prévenu, le tribunal doit s'assurer que son reclassement social est acquis et que le trouble résultant de l'infraction a cessé, ce qui n'est pas établi en l'espèce.
Réponse de la Cour
Vu l'article 132-59 du code pénal :
6. Il résulte de ce texte que le juge ne peut accorder une dispense de peine que s'il constate dans sa décision que le reclassement du coupable est acquis, que le dommage causé est réparé et que le trouble résultant de l'infraction a cessé.
7. Pour dispenser le prévenu de peines, le jugement attaqué énonce que le tribunal estime que celui-ci peut bénéficier d'une dispense de peine, remplissant les conditions de la dispense de peine qui paraît de bonne justice.
8. En statuant ainsi, sans énoncer de motifs propres à établir que le reclassement du coupable est acquis, que le dommage causé est réparé et que le trouble résultant de l'infraction a cessé, le tribunal a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.
9. La cassation est par conséquent encourue.
Portée et conséquence de la cassation
10. Elle sera limitée aux dispositions relatives à la peine, dès lors que la déclaration de culpabilité n'encourt pas la censure. Les autres dispositions seront donc maintenues.
Crim. 11 juin 2024 n° 24-80.090
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° A 24-80.090 F-D
N° 00942
ODVS 11 JUIN 2024
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 11 JUIN 2024
M. [E] [B] a déposé une requête en récusation, parvenue à la Cour de cassation le 23 mai 2024, de M. David Hill, conseiller à la chambre criminelle de ladite Cour.
Un mémoire personnel a été produit.
Sur le rapport de M. Maziau, conseiller, et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 juin 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Maziau, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Vu les articles 668 à 674-2 du code de procédure pénale :
Vu les observations écrites de M. le conseiller [S], en date du 29 mai 2024 :
1. M. [B] a déposé une requête en récusation de M. Hill, conseiller désigné pour faire le rapport sur le pourvoi formé par le requérant contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 6 décembre 2023, qui, dans l'information suivie, sur sa plainte, contre personnes dénommées, des chefs de faux en écriture publique et usage, corruption active et passive, a confirmé l'ordonnance de refus d'informer rendue par le juge d'instruction le 9 avril 2021.
2. Le grief de partialité allégué par le requérant qui soutient que l'avis de non-admission est illégal en ce qu'il avait un droit absolu à obtenir le renvoi de l'audience devant la chambre de l'instruction et qu'en proposant de rejeter les moyens au soutien de son pourvoi, le conseiller rapporteur a outrepassé ses compétences et excédé ses pouvoirs pour protéger ses adversaires, magistrats du tribunal administratif de Marseille, n'est pas établi.
3. En effet, la procédure de non-admission d'un pourvoi en cassation revient à juger qu'il n'existe aucun moyen sérieux devant conduire à la cassation de la décision critiquée. L'arrêt de non-admission rendu en formation collégiale donne lieu à l'établissement préalable d'un rapport écrit par le conseiller rapporteur, puis d'un avis écrit de l'avocat général, tous deux communiqués au demandeur ou à son avocat à la Cour de cassation, qui peuvent y répondre. La procédure, qui respecte ainsi le contradictoire, est conforme aux dispositions de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.
4. En l'espèce, le conseiller rapporteur, qui a explicité les raisons pour lesquelles le pourvoi de M. [B] lui paraît devoir être non admis, a répondu à l'ensemble des griefs présentés par le demandeur dans son mémoire personnel, dans le respect de la contradiction.
5. Dès lors, la requête en récusation qui n'expose aucun fait précis susceptible d'établir que le conseiller commis aurait manqué à son devoir d'impartialité à l'égard de la partie civile, ni même se trouverait dans une situation personnelle laissant à penser qu'il n'est pas impartial, doit être rejetée comme non fondée.
Crim. 11 juin 2024 n° 23-86.894
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° A 23-86.894 F-D
N° 00758
GM 11 JUIN 2024
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 11 JUIN 2024
M. [O] [B], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt n° 717 de la cour d'appel de Reims, chambre correctionnelle, en date du 29 novembre 2023, qui l'a débouté de ses demandes, après relaxe de MM. [M] [R] et [K] [E] des chefs de menaces, entrave à la liberté d'expression et de manifestation, diffamation publique envers un particulier, pour le premier, et des chefs d'entrave à la liberté de manifestation et diffamation publique envers un particulier, pour le second.
Un mémoire personnel a été produit.
Sur le rapport de Mme Merloz, conseiller référendaire, et les conclusions de M. Lemoine, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 mai 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Merloz, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 10 février 2022, M. [O] [B] a fait citer à comparaître MM. [K] [E] et [M] [R] devant le tribunal correctionnel des chefs d'entrave à la liberté d'expression et de manifestation et diffamation publique envers un particulier ainsi que, s'agissant de M. [R], du chef de menaces.
3. Il indiquait que, alors qu'il avait refusé d'obéir à une consigne de M. [R] lors d'une manifestation le 20 novembre 2021, ce dernier l'avait menacé à trois reprises en ces termes : « je vais te niquer ta mère ». M. [R] avait réitéré ces propos lors d'une réunion le 24 novembre 2021. Il précisait que, par la suite, les organisateurs l'avaient exclu de la manifestation par divers moyens. Enfin, il ajoutait que MM. [E] et [R] avaient posté sur internet des vidéos, à une date non spécifiée, déplorant un incident passé, sans mentionner le nom de M. [B], propos jugés diffamatoires par ce dernier.
4. Par jugement du 11 avril 2023, le tribunal correctionnel a constaté la nullité des poursuites du chef de diffamation et a relaxé les deux prévenus des autres faits, sans statuer sur l'action civile.
5. M. [B] a interjeté appel du jugement.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen est pris de la violation des articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme et 593 du code de procédure pénale.
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a débouté la partie civile de ses demandes alors que la cour d'appel, qui était tenue d'évoquer les faits et de statuer sur la responsabilité civile, ne pouvait retenir que la décision du tribunal, qui a constaté la nullité de la citation, était définitive sans examiner ni la régularité de la procédure, ni les faits permettant de mettre en évidence la responsabilité civile des prévenus ; que la cour d'appel ne pouvait en outre se borner à retranscrire le jugement s'agissant des faits de menace et d'entrave à la liberté d'expression, sans examiner les faits permettant de mettre en évidence la responsabilité civile des prévenus.
Réponse de la Cour
Vu les articles 2 et 497 du code de procédure pénale :
8. Il se déduit de ces textes que le dommage dont la partie civile, appelante d'un jugement de relaxe, peut obtenir réparation doit résulter d'une faute démontrée à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite.
9. Pour débouter la partie civile de ses demandes, l'arrêt attaqué énonce que, les abus de la liberté d'expression prévus et réprimés par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ne pouvant être réparés sur le fondement de l'article 1240 du code civil, l'action de la partie civile ne peut être fondée que sur la loi précitée, à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite ; qu'en l'espèce, la nullité de la citation ayant été relevée, aucune action indemnitaire ne peut prospérer.
10. Les juges ajoutent, s'agissant des faits de menaces et d'entrave à la liberté de manifestation ayant fait l'objet d'une relaxe définitive, qu'ils ne peuvent retenir l'existence d'une faute civile que si les faits retenus pour l'établir entrent dans les prévisions du texte pénal visé à la prévention et qu'en l'espèce, il a été retenu par les premiers juges que les faits poursuivis ne relevaient d'aucun texte pénal, s'agissant de menaces sans condition et de tentative d'entrave.
11. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.
12. En effet, saisie du seul appel de la partie civile formé à l'encontre d'un jugement ayant constaté la nullité de la citation, la cour d'appel aurait dû s'assurer de la régularité de la procédure et, si tel était le cas, rechercher, au terme de l'analyse des éléments de fait contradictoirement débattus, si MM. [R] et [E] avaient commis une faute civile démontrée à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite.
13. Par conséquent, la cassation est encourue.
Crim. 11 juin 2024 n° 24-96.003 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° X 24-96.003 F-B
N° 40002
ODVS 11 JUIN 2024
AVIS SUR SAISINE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 11 JUIN 2024
La cour d'appel de Versailles, 9e chambre, par arrêt en date du 15 mars 2024, reçu le 26 mars 2024 à la Cour de cassation, a sollicité l'avis de ladite Cour dans la procédure suivie contre M. [D] [H] des chefs d'abus de biens sociaux, faux et usage.
Sur le rapport de M. Seys, conseiller, et les conclusions de Mme Djemni-Wagner, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 juin 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Seys, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Énoncé de la demande d'avis
1. La demande d'avis est ainsi rédigée :
« Vu les articles 175, 184, 385 et 520 du code de procédure pénale :
Après qu'une chambre des appels correctionnels, constatant l'irrégularité d'une ordonnance de règlement en ce qu'elle a renvoyé le prévenu devant le tribunal correctionnel en partie pour des faits pour lesquels il n'avait pas été mis en examen, a annulé le jugement déféré, a évoqué en application des dispositions de l'article 520 du code de procédure pénale, a renvoyé la procédure au ministère public pour lui permettre de saisir de nouveau la juridiction d'instruction afin que la procédure soit régularisée et a renvoyé I'affaire à une audience ultérieure, cette régularisation peut-elle consister en la seule mise en examen supplétive de l'intéressé, ou celle-ci doit-elle être suivie d'autres actes (nouvel avis de fin d'information, nouvelle ordonnance de règlement...), avant le retour de la procédure devant la cour d'appel, par hypothèse non dessaisie ?
Le mode de régularisation a mettre en oeuvre est-il identique lorsque l'irrégularité est constatée par le tribunal correctionnel, qui renvoie, de la même manière, la procédure au ministère public pour saisine de la juridiction d'instruction ? ».
Examen de la demande d'avis
Vu les articles L. 441-1 du code de l'organisation judiciaire et 706-64 et suivants du code de procédure pénale :
2. Il se déduit des articles 385, alinéa 2, et 512, du code de procédure pénale que si le tribunal correctionnel et la chambre des appels correctionnels n'ont pas qualité pour constater les nullités des procédures qui leur sont soumises lorsqu'ils sont saisis par une ordonnance de règlement, il en va différemment dans le cas où l'ordonnance qui les a saisis n'a pas été portée à la connaissance des parties dans les conditions prévues, selon le cas, par le quatrième alinéa de l'article 183 du code de procédure pénale ou par son article 217, ou si l'ordonnance n'a pas été rendue conformément aux dispositions de l'article 184 de ce même code.
3. Dans ces cas, la juridiction correctionnelle renvoie la procédure au ministère public pour lui permettre, au moyen d'un réquisitoire supplétif, de saisir à nouveau la juridiction d'instruction à seule fin de régularisation de la procédure.
4. Cette saisine ne constitue pas une réouverture de l'information.
5. En effet, la Cour de cassation juge de manière constante que, dans un tel cas, la juridiction correctionnelle ne peut annuler l'ordonnance ou l'arrêt de renvoi (Crim., 21 février 2007, pourvoi n° 06-89.043, Bull. crim. 2007, n° 56) et reste seule saisie de la procédure (Crim., 7 juin 2016, pourvoi n° 15-87.697).
6. Lorsque cette juridiction est une cour d'appel, elle doit, en outre, après avoir annulé le cas échéant le jugement contesté, évoquer en application de l'article 520 du code de procédure pénale (Crim., 2 mars 2011, pourvoi n° 10-86.940, Bull. crim. 2011, n° 47).
7. L'article 385 précité n'exige pas de la juridiction d'instruction ainsi saisie l'accomplissement de formalités spécifiques.
8. En outre, la décision aux fins de régularisation prise par la juridiction correctionnelle n'impliquant pas le dessaisissement de cette juridiction, les articles 175 et 179 du code de procédure pénale, relatifs à la clôture de la procédure d'information et à l'ordonnance de règlement, ne sont pas applicables en l'absence de reprise de l'information.
Crim. 11 juin 2024 n° 23-82.805
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° F 23-82.805 F-D
N° 00751
GM 11 JUIN 2024
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 11 JUIN 2024
Mme [J] [R], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt n° 6 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 1re section, en date du 12 avril 2023, qui, dans l'information suivie contre M. [S] [T], des chefs d'assassinats et tentative en lien avec une entreprise terroriste et association de malfaiteurs terroriste, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction déclarant irrecevable sa constitution de partie civile.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Seys, conseiller, les observations de Me Balat, avocat de Mme [J] [R], et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 14 mai 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Seys, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 29 octobre 2020, en début de matinée, M. [S] [T] est entré dans la basilique [2], à [Localité 1], et y a tué plusieurs personnes à l'aide d'une arme blanche.
3. Plusieurs équipages de fonctionnaires de la police municipale sont intervenus sur les lieux et certains des agents ont fait usage de leur arme, causant des blessures sévères à l'agresseur.
4. Une information a été ouverte le 13 novembre 2020 et M. [T] été mis en examen des chefs susvisés le 7 décembre suivant.
5. Le 28 juillet 2022, Mme [J] [R], fonctionnaire de police municipale, s'est constituée partie civile devant le juge d'instruction.
6. Ce dernier a déclaré cette constitution irrecevable par ordonnance en date du 6 octobre 2022.
7. Mme [R] a relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première et quatrième branches
8. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
Enoncé du moyen
9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction ayant prononcé l'irrecevabilité de la constitution de partie civile de Mme [R], alors :
« 2°/ qu'en s'appuyant sur la position du ministère public selon laquelle « les membres de l'équipage [?] ne se sont pas trouvés directement et personnellement menacés ou mis en danger par [S] [T], à la différence de leurs collègues intervenus en premier lieu, puisque le terroriste avait déjà été neutralisé par les tiers de ce premier équipage et gisait au sol, grièvement blessé, ce qui a pour effet qu'à aucun moment ils n'ont pu se trouver en risque d'être touchés ou menacés par son action homicide », lorsque la policière s'est trouvée en contact direct avec l'assaillant initial qu'elle a tenu en joue comme ses collègues précédents tout en surveillant les portes du lieu clos dans lequel ils se trouvait, qu'une menace venant d'ailleurs et notamment d'un autre assaillant, n'était à ce stade pas exclue, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 2, 3 et 593 du code de procédure pénale ;
3°/ que l'arrêt qui se borne à reproduire en substance la position des parties, pour conclure péremptoirement que le plaignant « ne peut être considéré comme étant la victime directe des faits dont sont saisis les magistrats instructeurs », doit être considéré comme dépourvu de motivation propre, en violation de l'article 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
10. Pour confirmer l'irrecevabilité de la constitution de partie civile de Mme [R], l'arrêt attaqué énonce qu'un premier groupe de policiers municipaux, dont Mme [R] ne faisait pas partie, après être entrés dans la basilique par l'arrière du bâtiment, s'est trouvé face à un homme aux mains maculées de sang, tenant en main un couteau, qui chargeait en criant « Allahou akbar. »
11. Les juges relèvent qu'après s'être effondré une première fois sous l'impact des tirs de ces mêmes policiers, l'agresseur a tenté de se relever dans leur direction avant d'être neutralisé.
12. Ils ajoutent que, durant son menottage, l'agresseur continuait de parler à voix basse en arabe et de dire « Allahou akbar. »
13. Les juges retiennent que les membres de l'équipage auquel appartenait la demanderesse ne se sont pas trouvés directement et personnellement menacés ou mis en danger par l'agresseur, à la différence de leurs collègues intervenus en premier lieu, le terroriste ayant été neutralisé par les tirs de ces derniers et gisant au sol, grièvement blessé.
14. Ils précisent que, de ce fait, à aucun moment les agents dudit équipage n'ont pu se trouver exposés au risque d'être touchés ou menacés par l'action homicide du mis en cause.
15. Ils en déduisent que Mme [R] ne peut être considérée comme la victime directe des faits dont sont saisis les magistrats instructeurs.
16. En l'état de ces seuls motifs, l'arrêt n'encourt pas les griefs allégués, pour les motifs qui suivent.
17. La Cour de cassation est en mesure de s'assurer qu'au moment où l'équipage auquel appartenait Mme [R] est intervenu pour entraver M. [T] à l'aide de menottes, ce dernier gisait au sol, atteint de treize projectiles, sans arme à portée de mains, alors que les lieux avaient fait l'objet d'un contrôle de sécurité par d'autres membres des forces de l'ordre.
18. Ainsi, Mme [R] n'a pas été confrontée à l'action homicide de l'agresseur, l'intervention des policiers précédant la sienne ayant mis un terme à celle-ci. En conséquence, la possibilité de l'existence d'un préjudice en relation directe avec les infractions poursuivies n'est pas caractérisée, Mme [R], professionnelle du maintien de la sécurité publique, ayant été requise pour immobiliser, par l'emploi des objets de sûreté, un homme hors d'état de nuire mais restant susceptible de prendre la fuite.
19. Dès lors, le moyen doit être écarté.
20. L'arrêt est par ailleurs régulier en la forme.
Crim. 11 juin 2024 n° 23-82.803 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° D 23-82.803 F-B
N° 00749
GM 11 JUIN 2024
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 11 JUIN 2024
M. [S] [L], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt n° 4 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 1re section, en date du 12 avril 2023, qui, dans l'information suivie contre M. [N] [I], des chefs d'assassinats et tentative en lien avec une entreprise terroriste et association de malfaiteurs terroriste, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction déclarant irrecevable sa constitution de partie civile.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Seys, conseiller, les observations de Me Balat, avocat de M. [S] [L], et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 14 mai 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Seys, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le [Date décès 1] 2020, en début de matinée, M. [N] [I] est entré dans la basilique [3], à [Localité 2], et y a tué plusieurs personnes à l'aide d'une arme blanche.
3. Plusieurs équipages de fonctionnaires de la police municipale sont intervenus sur les lieux et certains des agents ont fait usage de leur arme, causant des blessures sévères à l'agresseur.
4. Une information a été ouverte le 13 novembre 2020 et M. [I] été mis en examen des chefs susvisés le 7 décembre suivant.
5. Le 8 juillet 2022, M. [S] [L], fonctionnaire de police municipale, s'est constitué partie civile devant le juge d'instruction.
6. Ce dernier a déclaré cette constitution irrecevable par ordonnance en date du 6 octobre 2022.
7. M. [L] a relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première et quatrième branches
8. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
Enoncé du moyen
9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction ayant prononcé l'irrecevabilité de la constitution de partie civile de M. [L], alors :
« 2°/ qu'en s'appuyant sur la position du ministère public selon laquelle « les membres de l'équipage [?] ne se sont pas trouvés directement et personnellement menacés ou mis en danger par [N] [I], à la différence de leurs collègues intervenus en premier lieu, puisque le terroriste avait déjà été neutralisé par les tiers de ce premier équipage et gisait au sol, grièvement blessé, ce qui a pour effet qu'à aucun moment ils n'ont pu se trouver en risque d'être touchés ou menacés par son action homicide », lorsque le policier s'est trouvé en contact direct avec l'assaillant initial qu'il a tenu en joue comme ses collègues précédents tout en surveillant les portes du lieu clos dans lequel il se trouvait, qu'une menace venant d'ailleurs et notamment d'un autre assaillant, n'était à ce stade pas exclue, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 2, 3 et 593 du code de procédure pénale ;
3°/ que l'arrêt qui se borne à reproduire en substance la position des parties, pour conclure péremptoirement que le plaignant « ne peut être considéré comme étant la victime directe des faits dont sont saisis les magistrats instructeurs », doit être considéré comme dépourvu de motivation propre, en violation de l'article 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
10. Pour confirmer l'irrecevabilité de la constitution de partie civile de M. [L], l'arrêt attaqué énonce qu'un premier groupe de policiers municipaux, dont M. [L] ne faisait pas partie, après être entré dans la basilique par l'arrière du bâtiment, s'est trouvé face à un homme aux mains maculées de sang, tenant en main un couteau, qui chargeait en criant « Allahou akbar. »
11. Les juges relèvent qu'après s'être effondré une première fois sous l'impact des tirs de ces mêmes policiers, l'agresseur a tenté de se relever dans leur direction avant d'être neutralisé.
12. Ils ajoutent que, durant son menottage, l'agresseur continuait de parler à voix basse en arabe et de dire « Allahou akbar. »
13. Les juges retiennent que les membres de l'équipage auquel appartenait le demandeur ne se sont pas trouvés directement et personnellement menacés ou mis en danger par l'agresseur, à la différence de leurs collègues intervenus en premier lieu, le terroriste ayant été neutralisé par les tirs de ces derniers et gisant au sol, grièvement blessé.
14. Ils précisent que, de ce fait, à aucun moment les agents dudit équipage n'ont pu se trouver exposés au risque d'être touchés ou menacés par l'action homicide du mis en cause.
15. Ils en déduisent que M. [L] ne peut être considéré comme la victime directe des faits dont sont saisis les magistrats instructeurs.
16. En l'état de ces seuls motifs, l'arrêt n'encourt pas les griefs allégués, pour les motifs qui suivent.
17. La Cour de cassation est en mesure de s'assurer qu'au moment où l'équipage auquel appartenait M. [L] est intervenu pour entraver M. [I] à l'aide de menottes, ce dernier gisait au sol, atteint de treize projectiles, sans arme à portée de mains, alors que les lieux avaient fait l'objet d'un contrôle de sécurité par d'autres membres des forces de l'ordre.
18. Ainsi, M. [L] n'a pas été confronté à l'action homicide de l'agresseur, l'intervention des policiers précédant la sienne ayant mis un terme à celle-ci. En conséquence, la possibilité de l'existence d'un préjudice en relation directe avec les infractions poursuivies n'est pas caractérisée, M. [L], professionnel du maintien de la sécurité publique, ayant été requis pour immobiliser, par l'emploi des objets de sûreté, un homme hors d'état de nuire mais restant susceptible de prendre la fuite.
19. Dès lors, le moyen doit être écarté.
20. L'arrêt est par ailleurs régulier en la forme.
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