Crim. 11 juin 2025 n° 24-86.313 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° Q 24-86.313 F-B
N° 00773
SB4 11 JUIN 2025
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 11 JUIN 2025
M. [V] [E] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-9, en date du 26 septembre 2024, qui, pour exercice illégal de la profession de médecin et tromperie aggravée, l'a condamné à un an d'emprisonnement avec sursis, 15 000 euros d'amende et une interdiction professionnelle définitive, a ordonné la publication de la décision, et a prononcé sur les intérêts civils.
Un mémoire personnel et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Charmoillaux, conseiller référendaire, et les conclusions de Mme Gulphe-Berbain, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 mai 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Charmoillaux, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [V] [E], radié du tableau de l'ordre des médecins depuis le 1er mars 2018, a poursuivi après cette date une activité dans le cadre de laquelle il se présentait notamment comme « naturopathe ».
3. Il a été poursuivi des chefs d'exercice illégal de la profession de médecin et tromperie sur une prestation de service entraînant un danger pour la santé de l'homme et de l'animal.
4. Le tribunal correctionnel l'a déclaré coupable de ces chefs, l'a condamné à diverses peines, et a prononcé sur les intérêts civils.
5. M. [E] et le ministère public ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, le deuxième moyen, pris en ses première et deuxième branches, les troisième, quatrième et cinquième moyens
6. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a écarté le moyen de nullité de la perquisition réalisée au cabinet du prévenu, alors :
3°/ qu'en jugeant régulière la présence d'un représentant du conseil de l'ordre lors de la perquisition, sans répondre au prévenu qui faisait valoir qu'en raison de sa radiation définitive du tableau de l'ordre des médecins, il ne relevait plus du régime légal, réglementaire et disciplinaire applicable à cette profession, de sorte que la présence d'un tiers représentant l'un des plaignants portait atteinte aux principes d'impartialité, de neutralité et de secret de l'enquête, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 11, 56-3 du code de procédure pénale et R. 4127-4 du code de la santé publique.
Réponse de la Cour
8. Pour écarter le moyen de nullité de la perquisition des locaux professionnels du prévenu, l'arrêt attaqué énonce que la présence d'un membre du conseil départemental de l'ordre des médecins, imposée par l'article 56-3 du code de procédure pénale, est justifiée tant par la nature des faits reprochés que par l'ancienne qualité de médecin du prévenu.
9. Les juges retiennent que la présence de ce représentant permet de garantir le respect du secret médical des patients ou anciens patients de M. [E].
10. Ils ajoutent que l'intéressé ne démontre l'existence d'aucun grief.
11. C'est à tort que la cour d'appel a, d'une part, retenu que la présence d'un représentant du conseil départemental de l'ordre des médecin était imposée par l'article 56-3 du code de procédure pénale, alors que ce texte ne s'appliquait plus à M. [E], radié du tableau de l'ordre des médecins, d'autre part, fondé sa décision sur l'inexistence d'un grief alors que la présence, lors d'une perquisition, d'un tiers étranger à la procédure est de nature à constituer une violation du secret de l'enquête portant nécessairement atteinte aux intérêts de la personne concernée.
12. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure, dès lors que les juges se sont déterminés par des motifs dont il résulte que la présence d'un représentant du conseil départemental de l'ordre des médecins, requise par le magistrat du ministère public, était au nombre des mesures prises en application de l'article 56, alinéa 3, du code de procédure pénale pour que soit assuré le respect du secret professionnel.
13. Ainsi, le moyen doit être écarté.
14. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
Crim. 11 juin 2025 n° 25-90.009
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° C 25-90.009 F-D
N° 00966
11 JUIN 2025
ECF
QPC PRINCIPALE : NON LIEU À RENVOI AU CC
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 11 JUIN 2025
La cour d'appel de Poitiers, chambre correctionnelle, par arrêt en date du 25 mars 2025, reçu le 31 mars 2025 à la Cour de cassation, a transmis une question prioritaire de constitutionnalité dans la procédure suivie contre M. [P] [V] notamment du chef de dégradation ou déterioration du bien d'autrui par un moyen dangereux ayant entraîné la mort.
Sur le rapport de M. Joly, conseiller référendaire, et les conclusions de M. Desportes, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 11 juin 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Joly, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Pinna, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« L'article 10 alinéa 4 du code de procédure pénale méconnaît-il les droits et libertés constitutionnellement garantis et plus particulièrement le principe de la présomption d'innocence, protégé par l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et le principe du contradictoire, dont la valeur constitutionnelle a été reconnue par le Conseil constitutionnel, en ce qu'il permet à la juridiction pénale de mettre en oeuvre la responsabilité civile délictuelle pour faute d'une personne qui n'a pas été jugée coupable des faits ayant causé le dommage, et en ce qu'il ne prévoit pas la citation de la personne mise en cause à comparaître à l'audience publique se tenant devant la juridiction de jugement pour statuer sur l'action civile ? ».
2. La disposition législative contestée est applicable à la procédure et n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.
3. La question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.
4. La question posée ne présente pas un caractère sérieux, pour les motifs qui suivent.
5. En premier lieu, les dispositions contestées permettent au juge répressif, d'office ou à la demande des parties, de tenir une audience publique pour statuer uniquement sur l'action civile, lorsque l'état mental ou physique d'une personne citée ou renvoyée devant une juridiction de jugement, constaté par une expertise, rend durablement impossible sa comparution personnelle dans des conditions lui permettant d'exercer sa défense et que la prescription de l'action publique se trouve ainsi suspendue.
6. Ces dispositions ont pour objet de garantir à la victime d'une infraction la possibilité de demander la réparation de son préjudice, lorsqu'une personne poursuivie devant une juridiction de jugement pour cette infraction est durablement empêchée d'y comparaître.
7. Le juge répressif, qui se prononce après un débat contradictoire au cours duquel la personne poursuivie est obligatoirement représentée par un avocat, ne peut alors statuer que sur la demande formée au titre de l'action civile, sans déclarer celle-ci coupable des faits ni prononcer une peine. Sa décision n'a pas autorité de la chose jugée sur celle susceptible d'être ultérieurement rendue dans l'instance pénale.
8. En second lieu, l'article 10, alinéa 4, du code de procédure pénale ne déroge pas aux dispositions du même code selon lesquelles les parties comparaissent ou sont citées à comparaître devant la juridiction de jugement.
9. En conséquence, les dispositions contestées ne portent atteinte ni au principe du contradictoire, ni à la présomption d'innocence.
10. Il n'y a pas lieu en conséquence de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.
Crim. 11 juin 2025 n° 24-86.211
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° D 24-86.211 F-D
N° 00779
SB4 11 JUIN 2025
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 11 JUIN 2025
L'officier du ministère public près le tribunal de police de Nantes a formé un pourvoi contre le jugement dudit tribunal, en date du 16 septembre 2024, qui, dans la procédure suivie contre M. [O] [B] du chef de contravention au code de la route, a constaté l'extinction de l'action publique.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Charmoillaux, conseiller référendaire, et les conclusions de Mme Gulphe-Berbain, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 mai 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Charmoillaux, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [O] [B] a été cité devant le tribunal de police en qualité de pécuniairement redevable de l'amende encourue pour la contravention d'excès de vitesse mettant en cause un véhicule immatriculé à son nom.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. Le moyen critique le jugement attaqué en ce qu'il a constaté l'extinction de l'action publique en raison de la prescription, alors qu'en retenant qu'aucun acte interruptif n'était intervenu entre les réquisitions du ministère public en date du 4 avril 2023 et le mandement de citation du 15 mai 2024, quand une ordonnance pénale avait été rendue le 24 janvier 2024, le tribunal a méconnu les articles 9, 9-2 et 593 du code de procédure pénale.
Réponse de la Cour
Vu les articles 9 et 9-2 du code de procédure pénale :
4. Aux termes du premier de ces textes, l'action publique des contraventions se prescrit par une année révolue à compter du jour où l'infraction a été commise.
5. Selon le second, le délai de prescription de l'action publique est interrompu, notamment, par tout jugement ou arrêt, même non définitif, s'il n'est pas entaché de nullité.
6. Pour dire l'action publique éteinte par l'effet de la prescription, le jugement attaqué énonce qu'aucun acte interruptif de prescription n'est intervenu entre les réquisitions du ministère public du 4 avril 2023 et le mandement de citation du 15 mai 2024.
7. En statuant ainsi, alors qu'il résulte des pièces de procédure que son président a rendu le 24 janvier 2024, en application de l'article 525, alinéa 3, du code de procédure pénale, une ordonnance pénale renvoyant le dossier au ministère public aux fins de poursuite dans les formes de la procédure ordinaire, le tribunal a méconnu les textes et principes ci-dessus rappelés.
8. La cassation est par conséquent encourue.
Crim. 11 juin 2025 n° 25-81.760
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° M 25-81.760 F-D
N° 00968
11 JUIN 2025
ECF
QPC INCIDENTE : NON LIEU À RENVOI AU CC
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 11 JUIN 2025
M. [K] [L] a présenté, par mémoire spécial reçu le 19 mai 2025, une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi formé par lui contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 2e section, en date du 13 février 2025, qui, dans l'information suivie contre lui du chef d'escroquerie aggravée, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure.
Des observations ont été produites.
Sur le rapport de M. Charmoillaux, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [K] [L], et les conclusions de M. Croizier, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 juin 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Charmoillaux, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Pinna, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« Les dispositions de l'article 84 du Code de procédure pénale, en ce qu'elles ne définissent pas les notions de « dessaisissement » et de « remplacement » tout en assortissant le premier d'un régime procédural plus strict, soumis au moins pour partie au contrôle de la défense et des juges, méconnaissent-elles le droit à un recours effectif, qui découle de l'article 16 de la Déclaration de 1789, et l'objectif à valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789 et de l'obligation pour le législateur d'exercer pleinement la compétence que lui confie l'article 34 de la Constitution ? ».
2. La disposition législative contestée est applicable à la procédure et n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.
3. La question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.
4. La question posée ne présente pas un caractère sérieux, pour les raisons qui suivent.
5. Les modalités de désignation du ou des juges d'instruction en charge d'une affaire déterminée, qu'il s'agisse de dessaisir un juge d'instruction toujours présent dans la juridiction au profit d'un autre, ou de remplacer un juge d'instruction ayant quitté la juridiction, n'intéressent pas les droits des parties, qui ne sauraient tirer grief de ne pouvoir en contester l'existence ou la régularité.
6. Néanmoins, les parties disposent de voies de droit produisant des effets équivalents à ceux d'un recours contre la décision en cause, puisqu'elles peuvent, en premier lieu, solliciter le dessaisissement du ou des juges d'instruction ainsi désignés dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice en application de l'article 84 du code de procédure pénale, en deuxième lieu, présenter une demande de récusation selon les modalités prévues à l'article 669 du même code, en troisième lieu, contester dans le cadre du contentieux des nullités les actes accomplis au motif d'un défaut d'impartialité de leur auteur, de sorte qu'il n'est porté aucune atteinte disproportionnée, au regard de l'objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice, au droit à un recours juridictionnel effectif garanti par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
7. Enfin, le Conseil constitutionnel a jugé que la méconnaissance de l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ne peut, en elle-même, être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution. Il se rattache à la compétence du législateur et ne peut être regardé comme un droit ou une liberté au sens de ce texte (Cons. const., 22 juillet 2010, décision n° 2010-4/17 QPC), si bien que le grief tiré de l'absence de clarté des dispositions critiquées est irrecevable.
8. Il n'y a pas lieu en conséquence de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.
Soc. 11 juin 2025 n° 22-15.409
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 11 juin 2025
Cassation partielle
Mme CAPITAINE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 635 F-D
Pourvoi n° D 22-15.409
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 JUIN 2025
1°/ M. [V] [O],
2°/ Mme [J] [C], épouse [O],
tous les deux domiciliés [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° D 22-15.409 contre l'arrêt rendu le 16 mars 2022 par la cour d'appel de Versailles (17e chambre), dans le litige les opposant à la société Distribution Casino France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La société Distribution Casino France a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, trois moyens de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident, invoque à l'appui, de son recours, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lacquemant, conseiller, les observations de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat de M. et Mme [O], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Distribution Casino France, après débats en l'audience publique du 13 mai 2025 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lacquemant, conseiller rapporteur, Mme Nirdé-Dorail, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 16 mars 2022), M. et Mme [O] (les cogérants) ont régularisé avec la société Distribution Casino France (la société), à compter du 23 janvier 2006, quatre contrats de gérance non salariée de succursales de commerce de détails alimentaires. Ils exploitaient en dernier lieu une supérette située à [Localité 3] selon un contrat de cogérance conclu le 23 mai 2012.
2. Les cogérants ont saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir la requalification du contrat en contrats de travail et le paiement de diverses sommes au titre de l'exécution de ces contrats.
3. Le 4 janvier 2019, la société leur a notifié la rupture du contrat de cogérance en raison de la fermeture définitive du magasin qu'ils exploitaient et de leur refus des propositions de reclassement dans d'autres succursales.
Examen des moyens
Sur les premier et deuxième moyens du pourvoi principal des cogérants et sur le moyen du pourvoi incident de la société
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le troisième moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
5. Les cogérants font grief à l'arrêt de condamner la société à leur payer diverses sommes à titre de rappel de salaire et congés payés afférents et de les débouter du surplus de leurs demandes, alors « que si les accords collectifs peuvent déterminer la rémunération minimale garantie des gérants non salariés des succursales de commerce de détail alimentaire compte tenu de l'importance de la succursale et des modalités d'exploitation de celle-ci, il demeure qu'en application de l'article L. 7322-3 du code du travail, la rémunération convenue ne peut jamais être inférieure au SMIC ; qu'en retenant pourtant en l'espèce, au prétexte que le contrat conclu par les époux [O] n'avait pas été requalifié, que "M. et Mme [O] ont présenté des demandes individuelles de rappel de salaire sur la base du SMIC horaire mais le calcul de leur rémunération minimale s'effectue conformément aux dispositions précédemment indiquées, soit pour le couple", quand l'application des stipulations de la convention collective ne pouvait en toute hypothèse avoir pour conséquence de réduire la rémunération en deçà du salaire minimum interprofessionnel de croissance, la cour d'appel a violé l'article L. 7322-3 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 7322-1, L. 7322-3, L. 3232-1, L. 3232-3, D. 3231-5 et D. 3231-6 du code du travail :
6. Il résulte de ces textes que si les accords collectifs peuvent déterminer la rémunération minimum garantie des gérants non salariés des succursales de commerce de détail alimentaire compte tenu de l'importance de la succursale et des modalités d'exploitation de celle-ci, il demeure qu'en application de l'article L. 7322-3 du code du travail, la rémunération convenue ne peut jamais être inférieure au salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC).
7. Pour condamner la société à payer à chacun des cogérants la seule somme de 2 814,48 euros au titre de rappel sur rémunération minimum outre les congés payés afférents, l'arrêt, après avoir rappelé les dispositions conventionnelles instituant le paiement d'une commission mensuelle minimum notamment en cas de cogérance, retient que la garantie du revenu minimum prévu aux articles L. 3231-1 et suivants du code du travail, en cas de cogérance non salariée, s'applique aux deux cogérants et non à chacun individuellement, que si les intéressés ont présenté des demandes individuelles de rappel de salaire sur la base du SMIC horaire, le calcul de leur rémunération minimale doit s'effectuer conformément aux dispositions conventionnelles, soit pour le couple. L'arrêt relève ensuite que de 2014 à 2016, les cogérants devaient percevoir chaque mois, en application de l'article 5 de l'accord collectif du 18 juillet 1963, au moins la somme de 2 380 euros puis celle de 2 400 euros, qu'ils ont été rémunérés sur cette base à l'exception des mois de juillet 2015 et de février, mars, août et septembre 2016 durant lesquels ils ont perçu une somme moindre, qu'ils doivent par conséquent percevoir le différentiel.
8. En se déterminant ainsi, sans vérifier la conformité des rémunérations perçues par chacun des gérants au regard du SMIC horaire, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Portée et conséquences de la cassation
9. Le troisième moyen ne formulant aucune critique contre les motifs de l'arrêt fondant la décision de rejet des autres demandes des cogérants, la cassation des chefs de dispositif condamnant la société à payer à ces derniers certaines sommes à titre de rappel de salaire et congés payés afférents ne peut s'étendre à cette disposition de l'arrêt que le moyen n'est pas susceptible d'atteindre.
10. La cassation des chefs de dispositif condamnant la société à payer à chacun des cogérants les sommes de 2 814,48 euros à titre de rappel de salaire et de 281,48 euros au titre des congés payés afférents, n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant la société aux dépens ainsi qu'au paiement de sommes en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celle-ci.
Soc. 11 juin 2025 n° 23-14.382
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 11 juin 2025
Cassation partielle
Mme CAPITAINE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 639 F-D
Pourvoi n° G 23-14.382
Aide juridictionnelle totale en demande au profit de M. [J]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 14 décembre 2023.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 JUIN 2025
M. [G] [J], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° G 23-14.382 contre l'arrêt rendu le 10 janvier 2023 par la cour d'appel de Nîmes (chambre civile, 5e chambre sociale PH), dans le litige l'opposant :
1°/ à l'association Unedic délégation AGS-CGEA de [Localité 5], dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à Mme [O] [H], domiciliée [Adresse 4], exploitant sous l'enseigne PACA Sud nettoyage,
3°/ à la société Bleu Sud, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], prise en la personne de Mme [B] [Z], en qualité de mandataire ad hoc de Mme [O] [H], exploitant sous l'enseigne PACA Sud nettoyage,
4°/ à la société BRMJ, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], pris en qualité de mandataire liquidateur de Mme [O] [H], défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Pecqueur, conseiller référendaire, les observations de Me Ridoux, avocat de M. [J], après débats en l'audience publique du 13 mai 2025 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Pecqueur, conseiller référendaire rapporteur, Mme Lacquemant, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à M. [J] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société BRMJ, en sa qualité de liquidateur de Mme [H], exerçant sous l'enseigne PACA Sud nettoyage.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 10 janvier 2023), M. [J] a été engagé en qualité d'agent de service par Mme [H], exerçant sous l'enseigne PACA Sud nettoyage, le 6 février 2016.
3. Un tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire de l'employeur le 19 avril 2017 et a désigné la société BRMJ en qualité de mandataire liquidateur.
4. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.
5. La liquidation judiciaire de l'employeur a été clôturée le 7 avril 2021.
6. La société Bleu Sud a été désignée en qualité de mandataire ad hoc par jugement d'un tribunal de commerce du 31 juillet 2024.
Examen des moyens
Sur le second moyen
7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
8. Le salarié fait grief à l'arrêt de juger que la résiliation judiciaire ne produit pas les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de le débouter de ses demandes au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents, l'indemnité légale de licenciement et de l'indemnité pour résiliation judiciaire produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que la résiliation judiciaire du contrat de travail est prononcée à la demande du salarié dans le cas d'un manquement de l'employeur de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail ; que la résiliation judiciaire produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, soit d'un licenciement nul ; qu'en l'espèce, à la demande de M. [J], la cour d'appel a confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail, ce qui impliquait nécessairement que la rupture était prononcée aux torts de l'employeur, la résiliation devant alors produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que dès lors, en jugeant que la résiliation judiciaire intervenue le 6 février 2020 n'était pas aux torts exclusifs de l'employeur et qu'elle ne produisait pas les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé l'article L. 1222-1 du code du travail, ensemble les articles 1134 et 1184 du code civil dans leur ancienne rédaction applicable au litige. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1231-1 du code du travail, 1224 et 1227 du code civil :
9. Il résulte de ces textes que la résiliation judiciaire du contrat de travail qui ne peut être prononcée qu'aux torts exclusifs de l'employeur lorsqu'il a commis des manquements empêchant la poursuite du contrat de travail, produit les effets soit d'un licenciement nul, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
10. Pour débouter le salarié des demandes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt, après avoir prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail, retient qu'elle n'est pas aux torts exclusifs de l'employeur et qu'elle ne produit pas les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ni ne donne lieu aux indemnisations subséquentes.
11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Soc. 11 juin 2025 n° 24-12.401
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 11 juin 2025
Cassation
Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 657 F-D
Pourvoi n° A 24-12.401
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 JUIN 2025
M. [G] [V], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° A 24-12.401 contre l'arrêt rendu le 1er février 2024 par la cour d'appel de Versailles (chambre sociale 4-2), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Mandateam, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 3], prise en la personne de M. [N] [E], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Splash Toys,
2°/ à l'association AGS-CGEA Ile-de-France Ouest, dont le siège est [Adresse 1],
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Segond, conseiller référendaire, les observations écrites de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [V], de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de la société Mandateam, ès qualités, après débats en l'audience publique du 14 mai 2025 où étaient présentes Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Segond, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 1er février 2024), M. [V] a été engagé en qualité de directeur marketing et vente international, statut cadre dirigeant, par la société Splash Toys selon contrat à durée indéterminée du 2 janvier 2014.
2. Le 31 mars 2021, le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail.
3. Le 17 février 2022, la société Splash Toys a été placée en liquidation judiciaire, la société Mandateam ayant été désignée en qualité de liquidatrice.
4. Le 15 mars 2022, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement de rappel de primes pour le deuxième semestre 2019 et pour l'année 2020, outre les congés payés afférents, et, en conséquence, de dire que la prise d'acte produit les effets d'une démission, de le débouter de sa demande tendant à ce qu'il soit dit que sa prise d'acte de la rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de le débouter de ses demandes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, d'indemnité conventionnelle de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que les objectifs servant au calcul de la rémunération variable et les modalités de détermination du montant de celle-ci doivent être fixés par l'employeur et portés à la connaissance du salarié en début de la période y afférente ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a rappelé que "le contrat de travail de M. [V] prévoit une part variable de rémunération dans les termes suivants : Article 5 ... Prime : Une prime à compter de l'exercice 2014 pourra être attribuée à M. [V] [G] au 30 juin et 31 décembre de chaque année, en fonction des résultats semestriels de la société Splash Toys, basés sur le chiffre d'affaires, et les marges sur la partie export. Chaque prime sera versée dans les 30 jours de la constatation de la réalisation des objectifs semestriels sous réserve qu'à la date d'exigibilité, M. [V] [G] fasse toujours partie des effectifs de la société Splash Toys. Au 1er semestre, cette prime sera d'un montant maximum de 12 000 euros brut en cas de réalisation des objectifs. Au 2nd semestre, cette prime sera d'un montant maximum de 12 000 [lire 14 000] euros brut en cas de réalisation des objectifs. Les conditions d'obtention de ces primes seront fixées chaque année discrétionnairement par la société Splash Toys, en fonction du potentiel et de l'évolution de son secteur et de la politique commerciale de la société Splash Toys. La société Splash Toys informera M. [V] [G] en début de chaque exercice des conditions d'obtention de ces primes", puis constaté qu' "il n'est par ailleurs pas discuté que les primes réclamées n'ont pas été payées" ; que pour débouter le salarié de sa demande de rappel de rémunération variable, la cour d'appel - après avoir rappelé que le contrat de travail stipulait que les objectifs sont fixés "en fonction des résultats semestriels de la société Splash Toys, basés sur le chiffre d'affaires et les marges sur la partie export" - a retenu, d'une part, que le salarié était cadre dirigeant, qu'il était totalement associé à la gestion de l'entreprise et qu'il avait la charge de la filiale hongkongaise, d'autre part, que le comptable de la société indiquait que le seul critère de déclenchement des primes était que les ventes à l'international, par le biais de ladite filiale, soient rentables, c'est-à-dire qu'elles permettent de dégager un bénéfice, et que M. [V] était parfaitement informé que ses primes semestrielles étaient, chaque année, déclenchées uniquement si l'activité de cette société était bénéficiaire, ce dont elle a déduit que ce dernier connaissait pertinemment ses objectifs et avait parfaitement connaissance des critères d'attribution de sa rémunération variable ; qu'en se déterminant ainsi, sans constater que les objectifs servant au calcul de sa rémunération variable et les modalités de détermination du montant de celle-ci avaient été portés à la connaissance du salarié en début d'exercice, sans quoi le paiement de l'intégralité de la rémunération variable était dû, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1101 et 1103 du code civil en leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'article L. 1221-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1353 du code civil :
6. Aux termes de ce texte, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
7. Lorsque les objectifs sont définis unilatéralement par l'employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, celui-ci peut les modifier dès lors qu'ils sont réalisables et qu'ils ont été portés à la connaissance du salarié en début d'exercice.
8. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement des primes pour le second semestre 2019 et l'année 2020, après avoir constaté que son contrat de travail prévoyait que l'intéressé percevrait, sur la base d'objectifs fixés chaque année par l'employeur en fonction des résultats de la société basés sur le chiffre d'affaires et les marges sur la partie export, une prime d'un montant maximum de 12 000 euros au premier semestre et d'un montant maximum de 14 000 euros au second semestre, l'arrêt relève d'une part, que le salarié était cadre dirigeant, qu'il était totalement associé à la gestion de l'entreprise et qu'il avait la charge de la filiale hongkongaise, d'autre part, que le comptable de la société indiquait que le seul critère de déclenchement des primes était que les ventes à l'international, par le biais de ladite filiale, soient rentables, c'est-à-dire qu'elles permettent de dégager un bénéfice, et que le salarié était parfaitement informé que ses primes semestrielles étaient, chaque année, déclenchées uniquement si l'activité de cette société était bénéficiaire.
9. En se déterminant ainsi, sans vérifier que les objectifs et les modalités de calcul de la rémunération variable avaient, pour chaque exercice, été fixés par l'employeur et portés à la connaissance du salarié en début d'exercice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Et sur le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
10. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour discrimination, et, en conséquence, de dire que la prise d'acte produit les effets d'une démission, de le débouter de sa demande tendant à ce qu'il soit dit que sa prise d'acte de la rupture produit les effets d'un licenciement nul et de le débouter de ses demandes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, d'indemnité conventionnelle de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement nul, alors « que lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que, pour écarter la discrimination fondée sur l'âge, la cour d'appel a retenu, d'une part que, compte tenu des termes employés et de leur sens, les propos tenus par M. [P] ne peuvent être considérés comme injurieux ni même vexatoire, mais s'analysent comme l'expression sans excès d'une opinion sur un collègue de travail, laquelle s'inscrit dans ce qui est autorisé au titre de la liberté d'expression, d'autre part qu'il n'est pas prétendu que les propos, qui sont isolés, auraient été tenus à M. [V] lui-même ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'elle constatait que deux salariés de l'entreprise attestaient que M. [P], directeur général de l'entreprise, avait, à plusieurs reprises, dit de M. [V] qu'il était "has been" et "dépassé", l'appelait "le vieux" et expliquait à ses subalternes qu'il "doit s'arrêter et prendre sa retraite", ce dont il résultait que le salarié présentait des éléments laissant supposer une discrimination en raison de son âge et qu'il appartenait dès lors à l'employeur de prouver que son comportement et ses propos étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1132-1, dans sa rédaction issue de la loi n° 2020-760 du 22 juin 2020, L. 1134-1 et L. 1134-5 du code du travail :
11. Selon le premier de ces textes, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de nomination ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison notamment de son âge.
12. En application de l' article L. 1134-1 du code du travail, lorsque le salarié présente plusieurs éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
13. Aux termes de l'article L. 1134-5 du code du travail, l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination. Ce délai n'est pas susceptible d'aménagement conventionnel. Les dommages-intérêts réparent l'entier préjudice résultant de la discrimination, pendant toute sa durée.
14. Pour débouter le salarié de ses demandes tendant à dire que sa prise d'acte produit les effets d'un licenciement nul et en paiement de dommages-intérêts pour discrimination, l'arrêt, après avoir constaté que plusieurs attestations de salariés de l'entreprise faisaient état de propos humiliants tenus par le directeur général de la société, M. [P], à l'encontre du salarié tels que « il est toujours aujourd'hui en train de bosser sur des bases d'il y a 15 ans »,« has-been », « dépassé » et qu'il « était préférable qu'il passe à autre chose », « Le [V] qui ne sait rien, le vieux, qui doit s'arrêter et prendre sa retraite », « je ne sais pas ce qu'il fait de ses journées », « il va à [Localité 4] pour se balader », retient, d'une part que compte tenu des termes employés et de leur sens, les propos tenus ne peuvent être considérés comme injurieux ni même vexatoires, mais s'analysent comme l'expression sans excès d'une opinion sur un collègue de travail, laquelle s'inscrit dans ce qui est autorisé au titre de la liberté d'expression, d'autre part qu'il n'est pas prétendu que les propos, qui sont isolés, auraient été tenus à l'intéressé lui-même.
15. En statuant ainsi, alors que les propos tenus à l'égard du salarié par le directeur général étaient de nature à laisser supposer une discrimination, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Soc. 11 juin 2025 n° 23-18.950
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 11 juin 2025
Cassation partielle sans renvoi (Pourvoi Y 23-18.950) Rejet (Pourvoi V 23-18.878)
Mme CAPITAINE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 634 F-D
Pourvois n° V 23-18.878 Y 23-18.950 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 JUIN 2025
I) La société Gazocéan, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 23-18.878 contre un arrêt rendu le 23 mai 2023 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-8), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société CMA-CGM, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],
2°/ à M. [I] [G], domicilié [Adresse 2],
3°/ à M. [K] [Y], domicilié [Adresse 5],
4°/ à M. [C] [B], domicilié [Adresse 6],
5°/ à M. [N] [V], domicilié [Adresse 4],
défendeurs à la cassation. II) La société CMA-CGM, société anonyme, a formé le pourvoi n° Y 23-18.950 contre le même arrêt rendu entre les mêmes parties.
La demanderesse au pourvoi n° V 23-18.878 invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.
La demanderesse au pourvoi n° Y 23-18.950 invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de M. Leperchey, conseiller référendaire, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de la société Gazocéan, de la SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, avocat de la société CMA-CGM, de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de MM. [G], [Y], [B] et [V], après débats en l'audience publique du 13 mai 2025 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Leperchey, conseiller référendaire rapporteur, Mme Degouys, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° V 23-18.878 et Y 23-18.950 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 23 mai 2023), MM. [G], [Y], [B] et [V] ont été engagés respectivement en qualité d'ouvrier d'entretien origine machine, d'assistant d'entretien machine, de polyvalent et de maître d'entretien machine, par la société CMA-CGM, les 27 juillet 1977, 29 juillet 1970, 17 juillet 1976 et 31 juillet 1972.
3. Leurs contrats de travail ont été transférés à la société Gazocéan le 1er janvier 2001.
4. MM. [G], [Y], [B] et [V] ont fait valoir leurs droits à la retraite, respectivement, les 31 août 2011, 31 août 2008, 31 août 2011 et 9 novembre 2007, puis ont saisi la direction départementale des territoires et de la mer des Bouches-du-Rhône afin de voir reconnaître l'existence d'un préjudice d'anxiété liée à leur exposition à l'amiante. Une tentative de conciliation a eu lieu le 23 septembre 2013 et un procès-verbal de non-conciliation a été dressé le 2 octobre 2013. Les salariés ont saisi la juridiction prud'homale le 24 septembre 2015.
Examen des moyens
Sur le second moyen du pourvoi n° V 23-18.878 et le deuxième moyen du pourvoi n° Y 23-18.950, pris en sa première branche
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen du pourvoi n° V 23-18.878 et le deuxième moyen du pourvoi n° Y 23-18.950, pris en sa seconde branche, réunis
Enoncé des moyens
6. Par son premier moyen, la société Gazocéan fait grief à l'arrêt de dire l'action introduite par les salariés recevable et non prescrite et de la condamner solidairement avec la société CMA-CGM à verser à chacun des salariés une somme en réparation de son préjudice d'anxiété, alors « que toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit ; qu'ayant constaté l'échec de la tentative de conciliation le 23 septembre 2013 et la rédaction d'une procès-verbal dans lequel il était indiqué que, ''n'ayant pu concilier les parties, de ce que dessus, nous avons fait et dressé procès-verbal le 23 septembre 2013'', alors que les salariée n'avaient saisi le tribunal d'instance que par acte d'huissier du 24 septembre 2015 à l'encontre des sociétés CMA-CGM et Gazocéan, soit plus de deux ans après, peu important qu'elle ait aussi retenu que ce procès-verbal n'avait été établi que le 2 octobre 2013 et était ainsi daté, donc n'avait pas pu être notifié avant cette dernière date, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en retenant que, la saisine de la juridiction judiciaire ne pouvant intervenir qu'au vu de la preuve de l'exercice du recours préalable obligatoire à cette tentative de conciliation, dont le demandeur devait justifier en joignant copie du procès-verbal de non-conciliation ou de défaut de conciliation, le délai de deux ans n'aurait pu courir au plus tôt que le 2 octobre 2013, et a violé l'article L. 1471-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, ensemble l'article 11 du décret n° 2015-219 du 27 février 2015 relatif à la résolution des litiges individuels entre les marins et leurs employeurs. »
7. Par son deuxième moyen, pris en sa seconde branche, la société CMA-CGM fait grief à l'arrêt de dire l'action introduite par les salariés recevable et non prescrite et de la condamner solidairement avec la société Gazocéan à verser à chacun des salariés une somme en réparation de son préjudice d'anxiété, alors « que la tentative de conciliation devant l'administrateur des affaires maritimes exigée par l'article 2 du décret n ° 59-1337 du 20 novembre 1959 préalablement à la soumission au tribunal d'instance de tout litige concernant les contrats d'engagement régis par le code du travail maritime, entre les armateurs et les marins, à l'exception des capitaines, constitue un acte interruptif de prescription ; que la prescription est interrompue à compter de la date à laquelle l'administrateur des affaires maritimes a été saisi de la demande aux fins de conciliation préalable, soit à la date de réception de cette demande ; qu'en retenant que le délai de prescription avait été interrompu par la saisine de la délégation de la mer et du littoral des Bouches-du-Rhône par l'expédition des lettres AR le 14 juin 2013, peu important la date de leur réception, la cour d'appel a violé l'article 2 du décret n° 59-1337 du 20 novembre 1959 alors applicable et l'article 2241, alinéa 1er, du code civil. »
Réponse de la Cour
8. Il résulte de l'article L. 5542-48 du code des transports, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2013-619 du 16 juillet 2013, que la tentative de conciliation devant l'administrateur des affaires maritimes exigée par ce texte préalablement à la soumission au tribunal d'instance de tout litige concernant les contrats d'engagement régis par le code du travail maritime, entre les armateurs et les marins, à l'exception des capitaines, constitue un acte interruptif de prescription.
9. Selon l'article 4 du décret n° 59-1337 du 20 novembre 1959, applicable au litige, en cas d'échec de la tentative de conciliation, l'administrateur des affaires maritimes dresse un procès-verbal dont il est remis au demandeur une copie contenant permission de citer devant le tribunal d'instance compétent, qui peut citer devant le tribunal compétent en produisant le procès-verbal d'échec.
10. D'abord, les modalités de saisine de l'autorité compétente de l'Etat n'étant soumises à aucune forme particulière, la cour d'appel a exactement décidé que la direction départementale du territoire et de la mer avait été saisie par les courriers adressés le 14 juin 2013.
11. Ensuite, la cour d'appel, qui a constaté que la tentative de conciliation avait eu lieu le 23 septembre 2013 et que le procès-verbal de non-conciliation n'avait été établi que le 2 octobre 2013, et relevé que la saisine de la juridiction judiciaire ne pouvait intervenir qu'au vu de la preuve de l'exercice du recours préalable obligatoire à cette tentative de conciliation, dont le demandeur doit justifier en joignant copie du procès-verbal de non-conciliation ou de défaut de conciliation, en a exactement déduit que le délai biennal de prescription n'avait pu courir au plus tôt que le 2 octobre 2013.
Mais sur le premier moyen du pourvoi n° Y 23-18.950
Enoncé du moyen
12. La société CMA-CGM fait grief à l'arrêt de dire l'action introduite par les salariés recevable et non prescrite et de la condamner solidairement avec la société Gazocéan à verser à chacun des salariés une somme en réparation de son préjudice d'anxiété, alors « que le préjudice d'anxiété, qui ne résulte pas de la seule exposition à un risque créé par l'amiante, est constitué par les troubles psychologiques qu'engendre la connaissance de ce risque par les salariés ; qu'il naît à la date à laquelle les salariés ont eu connaissance du risque élevé de développer une pathologie grave résultant de leur exposition à l'amiante ; que pour condamner la société CMA-CGM, solidairement avec la société Gazocéan, à payer des dommages et intérêts à chacun des salariés en réparation de leur préjudice d'anxiété, l'arrêt retient qu'il n'y a pas lieu de décharger la société CMA-CGM de toute responsabilité en référence aux effets de l'application L. 122-12 (devenu L. 1224-2) du code du travail, inopérant en l'espèce ; qu'en statuant ainsi quand le transfert des contrats de travail à la société Gazocéan est intervenu le 1er janvier 2001, soit antérieurement aux dates auxquelles chacun des salariés a eu connaissance du risque élevé de développer une pathologie grave liée à l'exposition de l'amiante, de sorte que ce préjudice ne constituait pas une créance due à la date de la modification de la situation juridique de l'employeur, la cour d'appel a violé les articles L. 122-12 et L. 122-12-1 devenus L. 1224-1 et L. 1224-2 du code du travail et l'article L. 4121-1 du même code, en sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
13. Les salariés contestent la recevabilité du moyen. Ils soutiennent que celui-ci n'est pas compatible avec la position adoptée par la société CMA-CGM devant les juges du fond.
14. Cependant, la société CMA-CGM faisait valoir devant les juges du fond que, les contrats de travail ayant été transférés à la société Gazocéan avant la date à laquelle était né le préjudice d'anxiété des salariés, sa responsabilité ne pouvait être utilement recherchée.
15. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l'article L. 122-12-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 94-475 du 10 juin 1994, et l'article L. 4121-1 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 :
16. Le préjudice d'anxiété, qui ne résulte pas de la seule exposition à un risque créé par l'amiante, est constitué par les troubles psychologiques qu'engendre la connaissance de ce risque par les salariés. Il naît, lorsque le salarié ne bénéficie pas de l'allocation de cessation anticipée d'activité prévue par l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, à la date à laquelle celui-ci a eu connaissance du risque élevé de développer une pathologie grave résultant de son exposition à l'amiante. Ce point de départ ne peut être antérieur à la date à laquelle cette exposition a pris fin.
17. Pour condamner la société CMA-CGM, solidairement avec la société Gazocéan, à payer à chacun des salariés des dommages-intérêts au titre du préjudice d'anxiété causé par l'exposition à l'amiante, l'arrêt retient que l'article L. 122-12 du code du travail est inopérant en l'espèce.
18. En statuant ainsi, alors qu'elle avait fait ressortir que les salariés avaient eu connaissance du risque élevé de développer une pathologie grave résultant de leur exposition à l'amiante le 28 septembre 2010 s'agissant de MM. [G] et [Y], le 23 septembre 2009 s'agissant de M. [B] et le 1er octobre 2007 s'agissant de M. [V], et que le transfert des contrats de travail à la société Gazocéan était intervenu le 1er janvier 2001, soit antérieurement à ces dates, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
19. Tel que suggéré par la société CMA-CGM et après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
20. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
21. Le dommage subi par les salariés étant né après le transfert des contrats de travail, les demandes présentées par les salariés à l'encontre de la société CMA-CGM doivent être rejetées.
Soc. 11 juin 2025 n° 23-16.734
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 11 juin 2025
Cassation partielle
Mme CAPITAINE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 636 F-D
Pourvoi n° Q 23-16.734
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 JUIN 2025
La société Kassbohrer engins service environnement, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], exerçant sous l'enseigne Pisten Bully, Beach Tech, a formé le pourvoi n° Q 23-16.734 contre l'arrêt rendu le 25 novembre 2022 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre, section 1), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [N] [V], domicilié [Adresse 2],
2°/ à Pôle emploi direction régionale Occitanie, dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Nirdé-Dorail, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Kassbohrer engins service environnement, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [V], après débats en l'audience publique du 13 mai 2025 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Nirdé-Dorail, conseiller rapporteur, Mme Lacquemant, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 25 novembre 2022), M. [V] a été engagé en qualité de mécanicien le 18 décembre 2000 par la société Kassbohrer engins service environnement (l'employeur).
2. Le salarié a déclaré une maladie professionnelle le 23 avril 2010 prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie, puis a été victime d'une rechute le 19 juillet 2017.
3. A l'issue d'un arrêt de travail, il a repris le travail le 27 octobre 2017 à mi-temps thérapeutique puis le 19 janvier 2018 à plein temps et a été affecté dans les Alpes.
4. Le 7 février 2018, l'employeur a convoqué le salarié à des entretiens prévus les 13 et 20 février en vue d'une rupture conventionnelle.
5. Placé en arrêt de travail pour maladie le 14 février 2018, le salarié a été déclaré inapte à son poste par le médecin du travail aux termes de deux avis des 19 et 30 octobre 2018.
6. Licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 21 décembre 2018, le salarié a saisi la juridiction prud'homale.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
8. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que l'inaptitude du salarié est d'origine professionnelle, de le condamner à lui payer des sommes à titre d'indemnité de préavis, outre les congés payés afférents à ce préavis, à titre de complément de l'indemnité spéciale de licenciement, de lui ordonner la remise au salarié d'une attestation destinée à Pôle emploi rectifiée et d'un bulletin de salaire récapitulant l'ensemble des condamnations prononcées, alors « qu'en premier lieu et à titre principal, les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine au moment du licenciement ; qu'en l'espèce, après avoir relevé que le salarié avait été licencié le 21 décembre 2018 pour inaptitude d'origine non professionnelle, à la suite d'un arrêt maladie renouvelé depuis le 14 février 2018, la cour d'appel a constaté, d'une part, que, malgré une maladie professionnelle déclarée le 23 avril 2010, le salarié a été déclaré apte à la reprise du travail à mi-temps thérapeutique le 26 octobre 2017 et a repris le travail à plein temps le 19 janvier 2018, d'autre part, que l'employeur l'a convoqué, dès le 7 février 2018, à un entretien en vue d'une rupture conventionnelle de son contrat que le salarié a refusé, enfin, qu'avant son licenciement, le salarié avait déclaré, le 15 décembre 2017, une seconde maladie professionnelle, prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie, puis le 27 avril 2018, une troisième maladie professionnelle, également prise en charge ; qu'elle en a conclu qu'il résultait de la chronologie de ces événements et de l'ensemble des pièces versées aux débats que la société avait obligatoirement connaissance de l'origine au moins en partie professionnelle de l'inaptitude de son salarié ; qu'en statuant ainsi, sans vérifier si l'inaptitude du salarié avait, au moins partiellement, une origine professionnelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1226-10, L. 1226-14 et L. 1226-15 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1226-10 et L. 1226-14 du code du travail :
9. Il résulte de ces textes que les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.
10. Pour condamner l'employeur à payer au salarié diverses sommes en application de l'article L. 1226-14 du code du travail, l'arrêt relève d'abord que le salarié avait été licencié le 21 décembre 2018 pour inaptitude d'origine non professionnelle, à la suite d'un arrêt maladie renouvelé depuis le 14 février 2018 puis, il constate d'une part, que, malgré une maladie professionnelle déclarée le 23 avril 2010, le salarié a été déclaré apte à la reprise du travail à mi-temps thérapeutique le 26 octobre 2017 et a repris le travail à plein temps le 19 janvier 2018 et, d'autre part, que l'employeur l'a convoqué, dès le 7 février 2018, à un entretien en vue d'une rupture conventionnelle de son contrat que le salarié a refusé, enfin, qu'avant son licenciement, le salarié avait déclaré le 15 décembre 2017 puis le 27 avril 2018 une deuxième et troisième maladies professionnelles, toutes prises en charge.
11. L'arrêt déduit de cette chronologie et de l'ensemble des pièces versées aux débats que l'employeur avait obligatoirement connaissance de l'origine au moins en partie professionnelle de l'inaptitude de son salarié.
12. En se déterminant ainsi, par des motifs inopérants, sans rechercher si l'inaptitude du salarié avait, au moins partiellement, pour origine une maladie professionnelle et si l'employeur avait connaissance de cette origine au moment du licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Et sur le troisième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
13. L'employeur fait grief à l'arrêt de juger le licenciement du salarié nul comme prononcé en raison de son état de santé, de le condamner à payer à ce dernier une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, de lui ordonner la remise au salarié d'une attestation destinée à Pôle emploi rectifiée et d'un bulletin de salaire récapitulant l'ensemble des condamnations prononcées et de lui ordonner le remboursement à Pôle emploi Occitanie des indemnités chômage éventuellement payées au salarié, dans la limite de six mois d'indemnités, alors « que constitue une discrimination directe, prohibée, la situation dans laquelle, sur le fondement de ses activités syndicales, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable, notamment en matière de sanction, de rémunération, de formation, d'affectation, de qualification, de classification ou de promotion professionnelle ; que, lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que l'employeur avait connaissance de la dégradation de l'état de santé du salarié et qu'à l'issue de sa période de reprise du travail à mi-temps thérapeutique, le 19 janvier 2018, au lieu de permettre au salarié de reprendre son travail à plein temps sur le site des Pyrénées, l'employeur l'avait envoyé en mission dans les Alpes, ce qui avait provoqué chez le salarié un stress important ; qu'elle a, en outre, constaté que, dès le 7 février 2018, l'employeur a sollicité l'ouverture de pourparlers en vue d'une rupture conventionnelle, ce qui témoignerait d'une volonté de rupture du contrat de travail du salarié, en raison de son état de santé, dont la dégradation est essentiellement d'origine professionnelle ; qu'elle en a déduit que le licenciement prononcé le 21 décembre 2018 était nul ; qu'en statuant ainsi, sans vérifier si le salarié avait apporté des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination ni vérifier, dans l'affirmative, si l'employeur avait prouvé que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, la cour d'appel, qui a méconnu son office, a violé les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail, le premier dans sa rédaction issue de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 :
14. Selon le premier de ces textes, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, en raison notamment de son état de santé.
15. Il résulte de ces textes que lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
16. Pour déclarer nul le licenciement comme prononcé en raison de l'état de santé, l'arrêt, après avoir rappelé que l'employeur avait connaissance de la dégradation de l'état de santé du salarié, retient, d'une part qu'à l'issue de sa période de reprise du travail à mi-temps thérapeutique, le 19 janvier 2018, au lieu de permettre au salarié de reprendre son travail à plein temps sur le site des Pyrénées, celui-ci avait été envoyé en mission dans les Alpes, provoquant chez lui un stress important, d'autre part que l'employeur avait sollicité l'ouverture de pourparlers en vue d'une rupture conventionnelle témoignant d'une volonté de rompre le contrat de travail en raison de son état de santé dont la dégradation était essentiellement d'origine professionnelle.
17. En statuant ainsi, après avoir constaté que le salarié présentait des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, sans apprécier si ceux-ci, pris dans leur ensemble, laissaient supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, si l'employeur prouvait que sa décision était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et par des motifs impropres à justifier le caractère discriminatoire du licenciement, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
18. La cassation des chefs de dispositif disant que l'inaptitude du salarié est d'origine professionnelle et que son licenciement est nul comme prononcé en raison de son état de santé et condamnant l'employeur au paiement de sommes au titre de l'indemnité compensatrice de préavis prévue par l'article L. 1226-14 du code du travail, au titre des congés payés afférents à cette indemnité compensatrice de préavis, au titre du complément de l'indemnité spéciale de licenciement, à titre de dommages-intérêts au titre du licenciement nul n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.
Soc. 11 juin 2025 n° 23-23.291
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 11 juin 2025
Cassation partielle
Mme CAPITAINE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 643 F-D
Pourvoi n° S 23-23.291
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 JUIN 2025
M. [H] [X], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 23-23.291 contre l'arrêt rendu le 27 septembre 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 6), dans le litige l'opposant à la société Completel, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lacquemant, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [X], de la SCP Françoise Fabiani - François Pinatel , avocat de la société Completel, après débats en l'audience publique du 13 mai 2025 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lacquemant, conseiller rapporteur, Mme Nirdé-Dorail, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 septembre 2023), M. [X] a été engagé en qualité d'ingénieur commercial moyennes et grandes entreprises par la société Completel à compter du 14 juin 2012.
2. Le salarié a été placé en arrêt de travail pour maladie du 14 au 28 février 2018 puis jusqu'au 28 novembre 2018. Il a repris son poste le 29 novembre et a, le 21 décembre, fait valoir son droit de retrait à partir du 2 janvier 2019.
3. Licencié pour faute grave le 5 février 2019, il a saisi la juridiction prud'homale.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses deuxième à quatrième branches, et sur les deuxième et troisième moyens, en ce qu'ils font grief à l'arrêt de débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour violation par l'employeur de son obligation de prévention et absence d'organisation de la visite médicale de reprise
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes de nullité du licenciement, de réintégration, sous astreinte, dans son poste au sein de la société Completel et en paiement, d'une part, d'une indemnité d'éviction du 8 février 2019 jusqu'à la date de sa réintégration effective, d'autre part, d'une somme à titre de rappel de salaire pour la période afférente à son droit de retrait soit du 2 janvier 2019 au 7 février 2019, de juger que son licenciement pour faute grave est fondé et de le débouter du surplus de ses demandes, alors « que l'article L. 4131-1 du code du travail autorise le salarié à cesser le travail s'il a un motif raisonnable de penser qu'il présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ; que selon l'article L. 4131-3 du même code, aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l'encontre d'un travailleur qui s'est retiré d'une situation de travail dont il avait un motif raisonnable de penser qu'elle présentait un danger grave et imminent pour sa vie ou pour sa santé ; qu'il s'ensuit qu'est nul le licenciement prononcé par l'employeur pour un motif lié à l'exercice légitime par le salarié de son droit de retrait d'une situation de danger pour sa santé ; que, pour écarter la nullité du licenciement de M. [X] à raison de l'exercice de son droit de retrait, la cour d'appel a énoncé qu'il a exercé son droit de retrait en date du 21 décembre 2018 à effet au 2 janvier 2019 au motif que la société aurait modifié sans son accord les conditions de sa rémunération variable et que, dans ces conditions, le caractère d'imminence du danger fait manifestement défaut, dans la mesure où le salarié ne saurait se prévaloir d'un droit de retrait "à venir", ne prenant donc effet que de façon différée, cette temporalité condui[san]t à déclarer infondé le droit de retrait ; qu'en se déterminant ainsi quand il ressortait de ses propres constatations que le salarié était placé en congé au titre des RTT entre le 24 décembre et le 31 décembre 2018 et qu'il ne devait donc reprendre le travail que le 2 janvier 2019, de sorte que le fait que le salarié ait exercé son droit de retrait le vendredi 21 décembre 2018 pour une prise d'effet au 2 janvier ne rendait pas le droit de retrait injustifié, la cour d'appel a violé les articles L. 4131-1 et L. 4131-3 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 4131-1 et L. 4131-3 du code du travail :
6. Aux termes du premier de ces textes, le travailleur alerte immédiatement l'employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu'il constate dans les systèmes de protection. Il peut se retirer d'une telle situation. L'employeur ne peut demander au travailleur qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d'une défectuosité du système de protection.
7. Aux termes du second, aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l'encontre d'un travailleur ou d'un groupe de travailleurs qui se sont retirés d'une situation de travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu'elle présentait un danger grave et imminent pour la vie ou pour la santé de chacun d'eux.
8. Pour écarter le caractère légitime du droit de retrait et rejeter la demande de nullité du licenciement, l'arrêt retient que le caractère d'imminence du danger fait défaut dès lors que le salarié a exercé son droit de retrait le 21 décembre 2018 à effet au 2 janvier 2019 et que ce dernier ne pouvait se prévaloir d'un droit de retrait à venir, prenant effet de façon différée.
9. En statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de rechercher si le salarié avait un motif raisonnable de penser le 21 décembre 2018, que la situation de travail, à la date à laquelle il devait reprendre son poste, le 2 janvier 2019, à l'issue de la période de ses congés, présentait un danger grave et imminent pour sa vie ou pour sa santé, indépendamment de l'existence d'un tel danger, justifiant l'exercice du droit de retrait, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
10. La cassation prononcée n'est pas susceptible d'atteindre le chef de dispositif rejetant la demande de dommages-intérêts pour violation par l'employeur de son obligation de prévention et absence d'organisation de la visite médicale de reprise, le moyen ne formulant aucune critique contre les motifs de l'arrêt fondant ce chef de dispositif.
Soc. 11 juin 2025 n° 24-13.083 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 11 juin 2025
Cassation partielle
Mme CAPITAINE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 637 F-B
Pourvoi n° S 24-13.083
Aide juridictionnelle totale en demande au profit de M. [D]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 18 janvier 2024.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 JUIN 2025
M. [Z] [D], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 24-13.083 contre l'arrêt rendu le 10 mai 2023 par la cour d'appel de Nîmes (chambre civile, 5e chambre sociale PH), dans le litige l'opposant à la société La Flèche, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Filliol, conseiller, les observations de la SAS Hannotin Avocats, avocat de M. [D], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société La Flèche, après débats en l'audience publique du 13 mai 2025 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Filliol, conseiller rapporteur, Mme Lacquemant, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 10 mai 2023), M. [D] a été engagé en qualité de conducteur routier le 19 juillet 2011 par la société La Flèche.
2. Il a été victime d'un accident du travail le 14 décembre 2016.
3. Aux termes d'une attestation de suivi individuel de l'état de santé du 29 mai 2017, le médecin du travail a indiqué : « Peut reprendre son travail. Affectation sur un poste avec transpalettes électriques nécessaire le premier mois. A revoir avec le médecin en charge de l'entreprise dans un mois. »
4. Le 26 juin 2017, le médecin du travail a déclaré le salarié apte, en précisant « sans port de charge supérieure à 10kg, tirer ou pousser une charge pendant 5 mois, sauf à l'aide d'un chariot électrique ».
5. A la suite de cet avis, le salarié qui exerçait ses fonctions sur le site de [Localité 4] a été affecté sur le site de [Localité 3].
6. Le 7 novembre 2017, le médecin du travail a déclaré le salarié apte à son poste.
7. Placé en arrêt de travail à compter du 22 novembre 2017, le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail.
8. A l'issue d'un examen médical de reprise, le médecin du travail a déclaré le 16 avril 2018 le salarié inapte à son poste, en précisant que tout maintien du salarié dans son emploi serait gravement préjudiciable à sa santé.
9. Le salarié a été licencié le 31 mai 2018 pour inaptitude.
Examen des moyens
Sur le second moyen
10. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
11. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes de résiliation du contrat de travail, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité de préavis et de dommages- intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et pour exécution déloyale du contrat de travail, alors « que manque à son obligation de sécurité l'employeur qui ne justifie pas qu'il a mis en oeuvre les mesures prescrites par le médecin du travail ; qu'il appartient à l'employeur d'un salarié exerçant des fonctions de livreur de vérifier que les lieux qu'il prévoit pour sa "tournée" sont équipés du matériel préconisé par le médecin du travail ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé qu'il résultait des protocoles de sécurité de six des lieux de livraison attribués au salarié que ceux-ci n'étaient pas équipés d'un transpalette électrique, constatant expressément que cela ne correspondait pas aux préconisations du médecin du travail ; qu'en décidant néanmoins, bien qu'ayant ainsi constaté que l'employeur ne s'était pas assuré que les lieux de livraison imposés à son salarié étaient bien tous équipés du matériel préconisé par le médecin du travail, qu'il n'aurait pas commis de manquement contractuel dès lors qu'il s'agissait de sociétés tierces et qu'il appartenait au salarié d'alerter son employeur sur ce point, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1222-1, L. 4121-1, L. 4121-2 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 4121-1, L. 4624-3 et L. 4624-6 du code du travail, le premier dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010, les suivants dans leur rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :
12. Aux termes du deuxième de ces textes, le médecin du travail peut proposer, par écrit et après échange avec le salarié et l'employeur, des mesures individuelles d'aménagement, d'adaptation ou de transformation du poste de travail ou des mesures d'aménagement du temps de travail justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge ou à l'état de santé physique et mental du travailleur.
13. Aux termes du troisième, l'employeur est tenu de prendre en considération l'avis et les indications ou les propositions émis par le médecin du travail en application des articles L. 4624-2 à L. 4624-4. En cas de refus, l'employeur fait connaître par écrit au travailleur et au médecin du travail les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite.
14. Il résulte de la combinaison de ces textes que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité, doit en assurer l'effectivité en prenant en considération les propositions de mesures individuelles d'aménagement, d'adaptation ou de transformation du poste de travail justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge ou à l'état de santé physique et mental du travailleur que le médecin du travail est habilité à faire en application de l'article L. 4624-3 du code du travail.
15. Pour dire que l'employeur n'avait pas manqué à son obligation de sécurité, l'arrêt retient que l'employeur justifie que le site de [Localité 3] est équipé de chariots transpalettes électriques mis à la disposition du salarié, que le salarié invoque sans le démontrer, l'absence de quais de déchargement dans de nombreux magasins Intermarché faisant partie de sa tournée, que le salarié produit un protocole de sécurité concernant sept magasins Intermarché qui précise qu'un transpalette manuel est mis à la disposition du conducteur à l'exception d'un magasin disposant d'un transpalette électrique, ce qui ne correspond pas aux préconisations du médecin du travail, mais que s'agissant de sociétés tierces, clientes de l'employeur, ce dernier ne peut avoir connaissance de l'absence de transpalette électrique, si le chauffeur intervenant chez le client ne l'alerte pas sur ce point.
16. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le médecin du travail avait préconisé l'aide d'un chariot électrique et que l'employeur, informé de cette préconisation, n'avait pas vérifié que les lieux dans lesquels le salarié effectuait sa tournée étaient équipés de ce matériel, ce dont il résultait que l'employeur avait manqué à son obligation de sécurité, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
17. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt relatives à l'indemnité de préavis entraîne la cassation du chef de dispositif déboutant le salarié de sa demande de congés payés afférents à l'indemnité de préavis qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
18. Le premier moyen ne formulant aucune critique contre les motifs de l'arrêt fondant la décision de débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, la cassation ne peut s'étendre à cette disposition de l'arrêt qui n'est pas dans un lien de dépendance nécessaire avec les dispositions de l'arrêt critiquées par ce moyen.
Soc. 11 juin 2025 n° 23-22.739
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ
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Arrêt du 11 juin 2025
Cassation
Mme CAPITAINE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 632 F-D
Pourvoi n° S 23-22.739
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 JUIN 2025
Mme [I] [M], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 23-22.739 contre l'arrêt rendu le 8 février 2023 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Preistavigne, société coopérative de production à responsabilité limitée, à capital variable, dont le siège est [Adresse 3],
2°/ à la société Ekip', société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], prise en qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société Prestavigne,
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Palle, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, avocat de Mme [M], de la SCP Françoise Fabiani - François Pinatel, avocat de la société Preistavigne, et après débats en l'audience publique du 13 mai 2025 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Palle, conseiller rapporteur, Mme Degouys, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à Mme [M] du désistement partiel de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Ekip', prise en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société Prestavigne.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 8 février 2023) et les productions, Mme [M] était gérante unique désignée par les statuts de la société Preistavigne, société coopérative de production (Scop) constituée sous la forme d'une société à responsabilité limitée.
3. Le 29 septembre 2010, la Scop a fait l'objet de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire puis, par jugement du 5 octobre 2011, un plan de redressement a été arrêté.
4. Le 25 juin 2015, l'assemblée générale des associés de la Scop a décidé de révoquer le mandat de gérante de Mme [M].
5. Soutenant qu'elle était titulaire d'un contrat de travail dans des fonctions de directrice, le 4 août 2015, l'intéressée a saisi la juridiction prud'homale de demandes en résiliation judiciaire de son contrat de travail et en paiement d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts.
6. Le 22 septembre 2015, la Scop lui a notifié un licenciement pour faute grave.
Examen du moyen
Sur le moyen relevé d'office
7. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.
Vu l'article 15, alinéa 2, de la loi n° 78-763 du 19 juillet 1978, dans sa rédaction modifiée par la loi n°2014-856 du 31 juillet 2014 :
8. Selon ce texte, lorsque la société coopérative de production comprend des associés qui ne sont pas employés dans l'entreprise, il ne peut leur être attribué plus du tiers des mandats de gérants, de directeur général, d'administrateurs, de membres du directoire, du conseil de surveillance ou de l'organe de direction lorsque la forme de société par actions simplifiée a été retenue.
9. Il en résulte que le gérant unique d'une Scop, constituée sous la forme d'une société à responsabilité limitée, ne peut être désigné que parmi les associés qui sont salariés de l'entreprise.
10. Pour dire que Mme [M] n'était pas titulaire d'un contrat de travail, qu'elle bénéficiait du statut de gérante rémunérée de Scop et déclarer la juridiction prud'homale incompétente, la cour d'appel retient, d'une part, que le caractère fictif du contrat de travail apparent est démontré, d'autre part, que l'article 17 de la loi du 19 juillet 1978 ne mentionne pas la qualité de salarié mais celle d'employé et, qu'en l'absence de lien de subordination, ce statut de salarié ne peut résulter du seul bénéfice des allocations de chômage ou des prestations de la mutualité sociale agricole, peu important que les statuts de la société indiquent qu'en cas de gérance unique, le gérant est obligatoirement salarié, cette disposition ayant pour finalité de faire bénéficier le gérant d'une rémunération.
11. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que l'intéressée était gérante unique de la Scop, constituée sous la forme d'une société à responsabilité limitée, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé.
Soc. 11 juin 2025 n° 24-15.297 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 11 juin 2025
Rejet
Mme CAPITAINE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 630 F-B
Pourvoi n° Y 24-15.297
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 JUIN 2025
Mme [H] [F], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Y 24-15.297 contre l'arrêt rendu le 12 mars 2024 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant à l'association [3], dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Valéry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Poupet & Kacenelenbogen, avocat de Mme [F], de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de l'association [3], et l'avis écrit de Mme Roques, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 13 mai 2025 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Valéry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Degouys, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 12 mars 2024) Mme [F] a été engagée en qualité d'agent de restauration le 3 octobre 2011 par l'association [3].
2. La salariée a été déclarée inapte le 26 octobre 2020, avec mention que tout maintien dans un emploi serait gravement préjudiciable son état de santé et que celui-ci faisait obstacle à tout reclassement.
3. Elle a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 16 novembre 2020.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
Enoncé du moyen
5. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors :
« 2°/ que lorsqu'il est impossible à l'employeur de proposer un autre emploi au salarié déclaré inapte, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent à son reclassement ; que cette obligation s'impose aussi bien à l'employeur lorsque, comme en l'espèce, le médecin du travail a déclaré le salarié inapte à son poste en précisant que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article L. 1226-2-1 du code du travail ;
3°/ que la compétence territoriale du médecin du travail est limitée à l'établissement auquel il est rattaché ; qu'il en résulte que la dispense de recherche de reclassement par le médecin du travail ne concerne que l'établissement dans lequel il a été nommé, de sorte que l'avis d'inaptitude dans l'emploi ne peut s'étendre aux autres entreprises ou établissements dont il ignore l'activité et les postes et ne dispense pas, le cas l'échéant, l'employeur de solliciter un complément d'avis auprès du médecin du travail sur la portée de la dispense de recherche de reclassement ; qu'en l'espèce, pour affirmer que la salariée reprochait en vain à l'employeur ne pas avoir recherché de poste de reclassement, la cour d'appel s'est bornée à relever que l'avis du médecin du travail du 26 octobre 2020 indiquait que Mme [F] était inapte au poste d'agent de cuisine qu'elle occupait, tout en cochant les cases selon lesquelles le maintien de la salariée dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé et que son état de santé faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi, de sorte que l'employeur n'était pas tenu de solliciter un complément d'avis du médecin du travail ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la compétence territoriale du médecin du travail n'était pas limitée à l'établissement en cause, si bien qu'en l'état d'une inaptitude au poste d'agent de cuisine qu'il relevait, la dispense de recherche de reclassement ne pouvait pas s'étendre aux autres établissements ou entreprises du groupe invoqués par la salariée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1226-2 et R. 4623-5 à R. 4623-11 du code du travail. »
Réponse de la Cour
6. Selon l'article L. 1226-2-1 du code du travail, lorsqu'il est impossible à l'employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent à son reclassement. L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
7. L'arrêt constate que l'avis d'inaptitude mentionne expressément que tout maintien dans un emploi serait gravement préjudiciable à l'état de santé de la salariée.
8. La cour d'appel en a exactement déduit que, d'une part, l'employeur n'était pas tenu de notifier par écrit à la salariée, préalablement à la mise en oeuvre de la procédure de licenciement, les motifs s'opposant au reclassement, d'autre part qu'il ne pouvait lui être reproché de ne pas avoir recherché un poste de reclassement dans les autres établissements de l'entreprise.
Soc. 11 juin 2025 n° 23-23.894
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 11 juin 2025
Rejet
Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 654 F-D
Pourvoi n° X 23-23.894
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 JUIN 2025
M. [I] [D], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 23-23.894 contre le jugement rendu le 26 octobre 2023 par le conseil de prud'hommes de Lyon (section industrie), dans le litige l'opposant à la société TotalEnergies raffinage France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Le Quellec, conseiller, les observations écrites de la SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, avocat de M. [D], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société TotalEnergies raffinage France, après débats en l'audience publique du 14 mai 2025 où étaient présentes Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Le Quellec, conseiller rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (conseil de prud'hommes de Lyon, 26 octobre 2023), rendu en dernier ressort, M. [D] a été engagé en qualité de d'opérateur extérieur en 3x8C, par la société TotalEnergies raffinage France selon contrat de travail à durée indéterminée en date du 1er août 2017.
2. Le 25 mars 2021, le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement de rappels de salaire et congés payés afférents.
Recevabilité du pourvoi contestée par la défense
3. L'employeur soutient que le jugement est susceptible d'appel et que le pourvoi formé à son encontre n'est pas recevable.
4. Cependant, la demande est caractérisée exclusivement par son objet et le fait qu'elle conduise à trancher une question de principe portant sur l'interprétation d'un texte ou que la solution du litige puisse servir de base à de nouvelles réclamations ne suffit pas à lui donner un caractère indéterminé.
5. Le conseil de prud'hommes saisi d'une demande de rappel de salaires et de congés payés afférents dont le montant précisé est inférieur au taux du ressort a exactement décidé que le jugement était rendu en dernier ressort.
6. Le pourvoi est donc recevable.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
7. Le salarié fait grief au jugement de le débouter de ses demandes salariales fondées sur l'application du minimum conventionnel d'un coefficient 200+15 points supplémentaires attribués par l'accord d'établissement de [Localité 3] du 15 novembre 2002, modifié par avenant du 27 octobre 2005, alors :
« 1°/ que le protocole d'accord du 15 novembre 2002 relatif à l'organisation du travail au sein de l'établissement de [Localité 3] de la société TotalEnergies raffinage France, modifié par avenant du 27 octobre 2005, instaure, au profit du salarié opérateur extérieur qui obtient deux aptitudes, un coefficient 200+15, lequel se situe entre les coefficients 200 et 215 ; que la majoration des 15 points d'indice s'effectue selon la valeur du point de base UFIP telle que définie par le barème des appointements mensuels minima de l'UFIP, laquelle permet de déterminer le minimum hiérarchique; qu'en écartant cette modalité de calcul de la valeur des 15 points d'indice en faisant sienne l'argumentation de la société TotalEnergies raffinage France selon laquelle le point mensuel de base du barème UFIP est utilisé uniquement pour calculer le salaire minimum hiérarchique pour chacun des coefficients à l'exclusion des 15 points d'indice litigieux, le conseil de prud'hommes a violé l'accord précité ensemble l'article 402 de la convention collective nationale de l'industrie du pétrole ;
2°/ que le coefficient 200+15 issu de l'accord précité de [Localité 3] du 15 novembre 2002 est distinct du coefficient 215 prévue par ce même accord ce dont il s'ensuit que le traitement mensuel minimum correspondant à chacun de ces coefficients ne peut être identique ; qu'ayant constaté que les parties s'accordent sur le fait que le coefficient 200+15 correspond à une étape intermédiaire entre les coefficients 200 et 215 et en retenant cependant l'interprétation de l'employeur selon laquelle le coefficient 200 + 15 doit être calculé sur la base du coefficient 215 au motif inopérant que le salarié au coefficient 200+15 ne peut bénéficier d'une situation plus favorable que celui au coefficient 215, le conseil de prud'hommes a encore violé le protocole d'accord du 15 novembre 2002 relatif à l'organisation du travail au sein de l'établissement de Feyzin de la société TotalEnergies raffinage France, modifié par avenant du 27 octobre 2005, ensemble l'article 402 de la convention collective nationale de l'industrie du pétrole ainsi que l'article 12 du code de procédure civile ;
3°/ qu'il appartient au juge de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables en précisant la règle sur laquelle il se fonde pour rejeter la demande dont il est saisi ; qu'en déboutant M. [D] de sa demande fondée sur la majoration des 15 points d'indice calculée sur la base du point mensuel de base du barème UFIP, aux motifs que le salarié au coefficient 200+15 ne peut bénéficier d'une situation plus favorable que celui au coefficient 215 et que rien ne permet de confirmer l'analyse du salarié, le conseil de prud'hommes qui a statué en équité et qui n'a pas précisé le fondement juridique du rejet de la demande de M. [D], a violé l'article 12 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
8. Une convention collective, si elle manque de clarté, doit être interprétée comme la loi, c'est à dire d'abord en respectant la lettre du texte, ensuite en tenant compte d'un éventuel texte législatif ayant le même objet et, en dernier recours, en utilisant la méthode téléologique consistant à rechercher l'objectif social du texte.
9. Selon l'article 402 de la convention collective nationale de l'industrie du pétrole les salaires minima sont basés sur les éléments suivants : 1° Le salaire minimum professionnel (SMP) correspondant au coefficient d'emploi 100 de la hiérarchie ; 2° Les coefficients hiérarchiques afférents aux emplois ou positions de la classification professionnelle des salariés visés par la convention collective ; 3° La majoration conventionnelle calculée par point de différence entre 880 et le coefficient du salarié.
10. Selon l'article 4.2 de l'accord relatif à l'harmonisation des systèmes de rémunération constitution d'un socle commun du 28 mars 2002, la rémunération mensuelle se compose de deux éléments : un traitement mensuel qui ne peut être inférieur au salaire minimal, tel qu'il est défini à l'article 402 de la CCNIP (salaire minimum professionnel + majoration conventionnelle) sans limite supérieure ; le différentiel entre traitement mensuel et salaire minimal étant communément appelé majoration individuelle, la prime d'ancienneté pour les personnels OETAM auxquels le cas échéant peut s'ajouter une ligne d'harmonisation.
11. Selon l'accord d'établissement du 15 novembre 2002 relatif à l'organisation du travail au sein de l'établissement de [Localité 3] et son avenant du 27 octobre 2005, l'évolution des coefficients sur les postes d'opérateur extérieur est prévue de la manière suivante : le coefficient d'entrée sur les postes d'opérateur extérieur 3x8C est de 185, le passage au coefficient 200 est automatiquement acquis à compter de dix-huit mois après l'obtention de la première aptitude, le coefficient 200+15 points est attribué pour deux aptitudes, celui de 215 pour trois aptitudes.
12. Le conseil de prud'hommes, qui a retenu à bon droit que la majoration des quinze points du coefficient 200 devait être calculée, comme le soutenait l'employeur, sur la base du salaire minimum mensuel du coefficient 215 de laquelle il fallait soustraire la base du salaire minimum mensuel du coefficient 200, en a exactement déduit, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par le moyen pris en ses deuxième et troisième branches, que le salarié devait être débouté de ses demandes.
13. Le moyen n'est donc pas fondé.
Crim. 11 juin 2025 n° 24-82.443
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° G 24-82.443 F-D
N° 00778
SB4 11 JUIN 2025
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 11 JUIN 2025
M. [O] [V] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 6e section, en date du 26 mars 2024, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs, notamment, d'infractions à la législation sur les stupéfiants et refus d'obtempérer, a confirmé la décision de destruction d'objet saisi rendue par le procureur de la République.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Chafaï, conseiller référendaire, les observations de Me Laurent Goldman, avocat de M. [O] [V], et les conclusions de Mme Gulphe-Berbain, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 mai 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Chafaï, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Au cours d'une enquête de flagrance diligentée à l'encontre de M. [O] [V], différents objets ont été saisis et placés sous scellés.
3. A l'issue de l'enquête, M. [V] a été poursuivi devant le tribunal correctionnel des chefs susvisés.
4. Avant de faire déférer l'intéressé, le procureur de la République a ordonné la destruction de treize des scellés.
5. M. [V] a formé un recours contre cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté le recours de M. [V] portant sur les scellés quatre, six, sept, neuf, dix, onze, douze, treize et « perquise liquide quatre », alors :
« 1°/ qu'en s'abstenant de motiver sa décision s'agissant des scellés perquise stup et fouille liquide, dont la destruction avait été ordonnée par le procureur de la République et qui faisaient également l'objet du recours de M. [V], la chambre de l'instruction a méconnu l'article 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que le procureur de la République peut ordonner la destruction des biens meubles saisis s'il s'agit d'objets qualifiés par la loi de dangereux ou nuisibles, ou dont la détention est illicite ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que les scellés sept, neuf, dix, onze, douze, treize et liquide quatre ne contenait aucun objet dont la détention était illicite, de sorte qu'en retenant, pour rejeter le recours de M. [V] contre la décision du procureur de la République de destruction de ces scellés, que la détention des objets litigieux était illicite, la chambre de l'instruction a méconnu l'article 41-5 du code de procédure pénale ;
3°/ que le procureur de la République peut ordonner la destruction des biens meubles saisis dont la conservation n'est plus nécessaire à la manifestation de la vérité ; qu'en s'abstenant de rechercher en quoi les scellés quatre, six, sept, neuf, dix, onze, douze, treize et perquise liquide quatre, dont la destruction avait été ordonnée, ne seraient plus nécessaires à la manifestation de la vérité, la chambre de l'instruction n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 41-5 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Sur le moyen, pris en sa première branche
Vu l'article 593 du code de procédure pénale :
7. Tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux demandes des parties des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
8. En ne statuant pas sur deux des scellés concernés par le recours, désignés sous les termes « perquise stup » et « fouille liquide », la chambre de l'instruction a omis de prononcer sur une demande dont elle était saisie.
9. La cassation est par conséquent encourue.
Et sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
Vu les articles 41-5, alinéa 4, et 593 du code de procédure pénale :
10. Aux termes du premier de ces textes, au cours de l'enquête ou lorsqu'aucune juridiction n'a été saisie ou que la juridiction saisie a épuisé sa compétence sans avoir statué sur le sort des scellés, le procureur de la République peut ordonner la destruction des biens meubles saisis dont la conservation n'est plus nécessaire à la manifestation de la vérité, s'il s'agit d'objets qualifiés par la loi de dangereux ou nuisibles, ou dont la détention est illicite.
11. Tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
12. Pour infirmer la décision prise par le procureur de la République concernant deux des scellés et la confirmer s'agissant de neuf autres scellés, l'arrêt attaqué énonce que cette décision de destruction porte sur des biens meubles dont la détention est illicite.
13. Les juges ajoutent que les scellés dont la décision de destruction est infirmée, soit « perquise liquide deux » et « perquise liquide trois », portant sur deux fioles contenant chacune 5 millilitres de liquide aux fins d'expertise et d'éventuelle contre-analyse sont de toute évidence, et alors que le jugement a été frappé d'appel, utiles à la manifestation de la vérité.
14. En se déterminant ainsi, sans répondre à l'articulation essentielle du mémoire dont elle était saisie, selon laquelle les neuf scellés dont elle a confirmé la décision de destruction présentaient encore une utilité pour la manifestation de la vérité, dès lors que demandeur contestait en être le propriétaire et souhaitait solliciter la réalisation d'analyses génétiques sur plusieurs d'entre eux, la chambre de l'instruction a insuffisamment justifié sa décision.
15. De surcroît, elle n'a pas expliqué en quoi la détention des biens saisis placés sous scellés sept, neuf, dix, onze, douze, treize et « perquise liquide quatre » était illicite.
16. La cassation est par conséquent de nouveau encourue.
Portée et conséquences de la cassation
17. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions ayant rejeté le recours concernant les scellés quatre, six, sept, neuf, dix, onze, douze, treize et « perquise liquide quatre ». Les autres dispositions seront donc maintenues.
Soc. 11 juin 2025 n° 23-22.432 B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 11 juin 2025
Rejet
Mme CAPITAINE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 640 F-B
Pourvoi n° G 23-22.432
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 JUIN 2025
M. [J] [Y], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 23-22.432 contre l'arrêt rendu le 14 septembre 2023 par la cour d'appel de Pau (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Section paloise rugby pro, société anonyme sportive professionnelle, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Chiron, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [Y], de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de la société Section paloise rugby pro, après débats en l'audience publique du 13 mai 2025 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Chiron, conseiller référendaire rapporteur, Mme Lacquemant, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 14 septembre 2023), M. [Y] a été engagé en qualité de joueur de rugby le 14 mai 2018 par la société Section paloise rugby pro, pour une durée déterminée consistant dans les trois saisons sportives 2018-2019, 2019-2020 et 2020-2021.
2. Il a été mis fin à ce contrat pour faute grave le 26 décembre 2019.
3. Les parties ont conclu le 30 décembre 2019 un protocole transactionnel prévoyant en contrepartie du versement au salarié d'une indemnité transactionnelle, la renonciation par les parties à toute action et/ou instance de quelque nature que ce soit née ou à naître, ainsi qu'à toutes prétentions et moyens de fait ou de droit, nés ou à naître, chacune en ce qui la concerne à l'égard de l'autre, susceptible de trouver directement ou indirectement leur fondement ou leur origine dans le contrat de travail du 14 mai 2018.
4. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de dommages-intérêts pour rupture anticipée du contrat de travail et subsidiairement, d'un solde d'indemnité transactionnelle.
Examen des moyens
Sur premier moyen, pris en sa troisième branche, et le second moyen
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches
Enoncé du moyen
6. Le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter toutes ses demandes, alors :
« 1°/ que la transaction ayant pour objet de prévenir ou terminer une contestation ne peut être valablement conclue par le salarié licencié que lorsqu'il a eu connaissance effective des motifs du licenciement par la réception de la lettre de licenciement prévue à l'article L. 1232-6 du code du travail ; qu'en l'espèce, pour écarter le moyen de nullité du protocole transactionnel, la cour d'appel a retenu qu'il était mentionné dans le préambule du protocole que "postérieurement à la réception de cette lettre de licenciement, M. [Y] a contesté la rupture de son contrat, estimant que les faits qui lui étaient reprochés n'étaient pas établis" et qu' "il résulte ainsi des termes du protocole transactionnel que M. [Y] a signé qu'il avait antérieurement à cette signature reçu le courrier en date du 26 décembre 2019 portant notification de la sanction disciplinaire et de ses motifs" ; qu'en statuant ainsi, sans faire ressortir que le licenciement avait été notifié à M. [Y] par lettre recommandée avec accusé de réception dont le salarié aurait effectivement accusé réception avant la signature de la transaction le 30 décembre 2019, les termes du protocole transactionnel ne suffisant pas à rapporter une telle preuve, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-6 et L. 1231-4 du code du travail, ensemble l'article 2044 du code civil ;
2°/ que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, en retenant qu'il résultait "des termes du protocole transactionnel que M. [Y] a signé qu'il avait antérieurement à cette signature reçu le courrier en date du 26 décembre 2019 portant notification de la sanction disciplinaire et de ses motifs", sans répondre au moyen opérant de M. [Y] qui faisait valoir qu'à la date du 26 décembre 2019, date à laquelle l'indemnité transactionnelle avait été enregistrée en paie, il n'avait matériellement pas pu recevoir la lettre de licenciement datée du même jour, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
7. Il résulte, d'une part de l'article L. 1242-14 du code du travail que les dispositions des articles L. 1232-2 et L. 1235-6 du même code ne sont applicables qu'à la procédure de licenciement et non à celle de la rupture du contrat de travail à durée déterminée laquelle, lorsqu'elle est prononcée pour faute grave, est soumise aux seules prescriptions des articles L. 1332-1 à L. 1332-3 du code du travail, d'autre part de l'article R. 1332-2 que la sanction prévue à l'article L. 1332-2 fait l'objet d'une décision écrite et motivée et que la décision est notifiée au salarié soit par lettre remise contre récépissé, soit par lettre recommandée, dans le délai d'un mois prévu par l'article L. 1332-2.
8. La cour d'appel, répondant à l'argumentation prétendument délaissée, qui a relevé qu'aux termes du protocole transactionnel, notamment de son préambule, signé le 30 décembre 2019, le salarié avait reconnu avoir reçu la lettre du 26 décembre 2019 portant notification de la sanction disciplinaire et de ses motifs, en a exactement déduit que ce moyen de nullité du protocole transactionnel n'était pas fondé.
9. Le moyen, inopérant en sa première branche, n'est donc pas fondé.
Soc. 11 juin 2025 n° 23-13.315
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 11 juin 2025
Cassation
Mme CAPITAINE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 631 F-D
Pourvoi n° Y 23-13.315
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 JUIN 2025
La société Siem services, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Y 23-13.315 contre l'arrêt rendu le 13 janvier 2023 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale B), dans le litige l'opposant à M. [D] [B], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Leperchey, conseiller référendaire, les observations de la SCP Poupet & Kacenelenbogen, avocat de la société Siem services, de la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de M. [B], après débats en l'audience publique du 13 mai 2025 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Leperchey, conseiller référendaire rapporteur, Mme Degouys, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 13 janvier 2023), rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 16 décembre 2021, pourvoi n° 20-18.237), M. [B] a été engagé en qualité de responsable d'exploitation, le 2 mai 2011, par la société Siem services. Le contrat de travail contenait une clause de non-concurrence.
2. Après avoir démissionné le 9 novembre 2016, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes liées à l'exécution de la clause de non-concurrence.
3. Par ordonnance du 9 mai 2019, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables, en raison du non-respect du délai prescrit par l'article 909 du code de procédure civile, les conclusions du salarié notifiées le 11 décembre 2018.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. L'employeur fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à voir déclarer irrecevables les conclusions du salarié devant la cour d'appel de renvoi, de le condamner au paiement de sommes à titre de contrepartie de la clause de non-concurrence et au titre des congés payés afférents, de rejeter sa demande de paiement d'une indemnité forfaitaire, d'ordonner la capitalisation des intérêts, d'ordonner la remise de bulletins de paie conformes aux dispositions de l'arrêt et de le condamner à une astreinte, alors :
« 1°/ que devant la juridiction de renvoi, l'instruction est reprise en l'état de la procédure non atteinte par la cassation ; qu'il en résulte que lorsque l'intimé dont les premières conclusions devant la cour d'appel dont l'arrêt a été cassé ont été déclarées irrecevables, il n'est pas recevable à conclure à nouveau devant la cour d'appel de renvoi, laquelle ne peut donc se fonder sur des pièces produites par l'intimé à l'appui de ses conclusions pour apprécier les mérites de l'appel ; qu'en l'espèce, par une ordonnance du conseiller de la mise en état de cour d'appel de Dijon rendue le 9 mai 2019, les conclusions d'appel déposées M. [B] devant la cour d'appel dont l'arrêt a été ultérieurement cassé ont été déclarées irrecevables ; qu'en affirmant que l'appelante, la société Siem services, ne peut valablement opposer cette ordonnance dans la mesure où cette décision s'est bornée à déclarer irrecevables les conclusions notifiées devant la cour d'appel en cause le 11 décembre 2018 compte tenu du non-respect des délais régissant la procédure d'appel devant cette cour d'appel, que ladite ordonnance a une portée limitée aux conclusions qu'elle vise expressément et que devant la cour d'appel de renvoi les parties peuvent invoquer de nouveaux moyens à l'appui de leurs prétentions, avant de se fonder sur les pièces produites par l'intimé pour faire droit à ses prétentions, la cour d'appel a violé les articles 631, 906, 909 et 1037-1 du code de procédure civile, dans leur version applicable en la cause ;
2°/ que le principe de concentration des prétentions résultant de l'article 910-4 du code de procédure civile s'applique devant la cour d'appel de renvoi en considération des premières conclusions des parties devant la cour d'appel dont l'arrêt a été cassé ; qu'il en résulte que l'intimé dont les premières conclusions devant la cour d'appel dont l'arrêt a été cassé ont été déclarées irrecevables n'est pas recevable à soulever des prétentions ainsi que des moyens à leur soutien devant la cour d'appel de renvoi ; qu'en affirmant au contraire que l'appelante ne peut valablement opposer l'ordonnance du conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Dijon du 9 mai 2019 dans la mesure où cette décision s'est bornée à déclarer irrecevables les conclusions notifiées devant la cour d'appel en cause le 11 décembre 2018 compte tenu du non-respect des délais régissant la procédure d'appel devant cette cour d'appel, que cette ordonnance a une portée limitée aux conclusions qu'elle vise expressément et que devant la cour d'appel de renvoi les parties peuvent invoquer de nouveaux moyens à l'appui de leurs prétentions, la cour d'appel a violé les articles 631, 910-4 et 1037-1 du code de procédure civile, dans leur version applicable en la cause. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 631 du code de procédure civile :
5. Il résulte de ce texte que, lorsque la connaissance d'une affaire est renvoyée à une cour d'appel par la Cour de cassation, ce renvoi n'introduit pas une nouvelle instance, la cour d'appel de renvoi étant investie, dans les limites de la cassation intervenue, de l'entier litige tel que dévolu à la juridiction dont la décision a été cassée, l'instruction étant reprise en l'état de la procédure non atteinte par la cassation.
6. Ainsi, la cassation de l'arrêt n'anéantit pas les actes et formalités de la procédure antérieure.
7. Il s'ensuit qu'une ordonnance d'un conseiller de la mise en état ayant prononcé l'irrecevabilité des conclusions de l'intimé, devenue irrévocable en l'absence de déféré, s'impose à la cour d'appel de renvoi. L'intimé dont les conclusions ont été déclarées irrecevables par une telle ordonnance n'est donc pas recevable à conclure devant la cour d'appel de renvoi.
8. Pour rejeter la demande de l'employeur tendant à voir déclarer irrecevables les conclusions du salarié devant la cour d'appel de renvoi, l'arrêt se fonde sur les conclusions de l'intimé des 29 avril et 23 août 2022. L'arrêt ajoute que l'employeur ne peut valablement opposer l'ordonnance du conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Dijon du 9 mai 2019 dans la mesure où cette décision s'est bornée à déclarer irrecevables les conclusions notifiées devant la cour d'appel en cause le 11 décembre 2018 compte tenu du non-respect des délais régissant la procédure d'appel devant cette cour, que cette ordonnance a une portée limitée aux conclusions qu'elle vise expressément et que devant la cour d'appel de renvoi les parties peuvent invoquer de nouveaux moyens à l'appui de leurs prétentions.
9. En statuant ainsi, alors que l'ordonnance du conseiller de la mise en état ayant déclaré irrecevables les conclusions de l'intimé, devenue irrévocable, faisait obstacle à ce que ce dernier conclue devant la cour d'appel de renvoi et à ce que cette dernière prenne en compte ces conclusions, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
10. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt rejetant la demande de l'employeur tendant à voir déclarer irrecevables les conclusions du salarié devant la cour d'appel de renvoi, condamnant l'employeur au paiement de sommes à titre de contrepartie de la clause de non-concurrence et au titre des congés payés afférents, rejetant sa demande de paiement d'une indemnité forfaitaire, ordonnant la capitalisation des intérêts et la remise de bulletins de paie conformes aux dispositions de l'arrêt sous astreinte entraîne la cassation des chefs de dispositif rejetant la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive présentée par le salarié et statuant sur les dépens et les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.
Soc. 11 juin 2025 n° 24-13.990
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 11 juin 2025
Cassation partielle sans renvoi
Mme CAPITAINE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 642 F-D
Pourvoi n° C 24-13.990
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 JUIN 2025
Mme [I] [Z], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 24-13.990 contre l'arrêt rendu le 16 novembre 2023 par la cour d'appel de Versailles (21e chambre), dans le litige l'opposant à la société Eurofins bio lab, société d'exercice libéral par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Chiron, conseiller référendaire, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [Z], de la SCP Françoise Fabiani - François Pinatel, avocat de la société Eurofins bio lab, après débats en l'audience publique du 13 mai 2025 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Chiron, conseiller référendaire rapporteur, Mme Lacquemant, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt infirmatif attaqué (Versailles, 16 novembre 2023), Mme [Z] a été engagée en qualité de secrétaire le 12 février 2001 par la société Laboratoire [D], aux droits de laquelle vient la société Eurofins bio lab.
2. La salariée a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et sollicité la condamnation de l'employeur au paiement de diverses sommes relatives à l'exécution et à la rupture du contrat de travail.
3. Par jugement du 20 août 2020, assorti de l'exécution provisoire, le conseil de prud'hommes a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail et condamné l'employeur à payer diverses indemnités à la salariée.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. La salariée fait grief à l'arrêt de la condamner à rembourser à l'employeur des sommes au titre des différentes indemnités afférentes au jugement et des "charges" sociales afférentes aux indemnités, alors « que l'obligation de restitution résulte de plein droit de l'infirmation du jugement assorti de l'exécution provisoire ; qu'en condamnant la salariée à rembourser à la société Eurofins bio lab la somme de 105 345,07 euros au titre des différentes indemnités afférentes au jugement infirmé et la somme de 11 148,56 euros au titre des "charges" sociales afférentes aux indemnités, la cour d'appel, qui n'avait pas à statuer sur cette demande, a violé l'article 561 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 561 du code de procédure civile :
6. Aux termes de ce texte, l'appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d'appel. Il est statué à nouveau en fait et en droit dans les conditions et limites déterminées aux livres premier et deuxième du code de procédure civile.
7. Pour condamner la salariée à rembourser à l'employeur des sommes au titre des différentes indemnités afférentes au jugement et des charges sociales afférentes aux indemnités, l'arrêt constate que l'employeur justifie avoir exécuté le jugement infirmé et versé à la salariée des sommes au titre des différentes indemnités afférentes au jugement et des charges sociales afférentes aux indemnités, sommes non contestées par la salariée.
8. En statuant ainsi, alors que l'obligation de restitution résulte de plein droit de l'infirmation du jugement assorti de l'exécution provisoire, la cour d'appel, qui n'avait pas à statuer sur cette demande, a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
10. La cassation prononcée par voie de retranchement n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond.
11. La cassation des chefs de dispositif condamnant la salariée à rembourser à l'employeur des sommes au titre des différentes indemnités afférentes au jugement et des charges sociales afférentes aux indemnités n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant la salariée aux dépens et disant n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause.
Soc. 11 juin 2025 n° 23-21.128
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 11 juin 2025
Cassation partielle
Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 651 F-D
Pourvoi n° R 23-21.128
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 JUIN 2025
M. [V] [W], domicilié [Adresse 4], a formé le pourvoi n° R 23-21.128 contre l'arrêt rendu le 13 juillet 2023 par la cour d'appel de Pau (chambre sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société AFC promotion, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à la société [R] et associées, société d'exercice libéral par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], représentée par Mme [S] [J], prise en qualité de mandataire judiciaire de la société AFC promotion,
3°/ à la société CBF associés, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 3], représentée par M. [M] [N], prise en qualité d'administrateur judiciaire de la société AFC promotion,
défenderesses à la cassation.
La société AFC promotion a formé un pourvoi incident contre le même arrêt, soutenu également par les sociétés [R] et associées et CBF associés, ès qualitès, qui sont intervenues à l'instance.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Rodrigues, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [W], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat des sociétés AFC promotion, [R] et associées et CBF associés, ces deux dernières prises ès qualités, après débats en l'audience publique du 14 mai 2025 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Rodrigues, conseiller référendaire rapporteur, Mme Deltort, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 13 juillet 2023), M. [W] a été engagé en qualité de directeur immobilier résidentiel, à compter du 1er septembre 2018, par la société AFC promotion (la société).
2. L'article 2 de son contrat de travail mentionnait une période d'essai de quatre mois, renouvelable une fois et ne pouvant excéder sept mois. La relation de travail était en outre régie par la convention collective nationale de la promotion immobilière du 18 mai 1988.
3. Par lettre du 1er mars 2019, l'employeur a informé le salarié de la rupture de la période d'essai avec un délai de prévenance d'un mois.
4. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une contestation des conditions de la rupture de son contrat de travail et d'une demande en paiement d'un rappel de salaire.
5. Par jugement du 14 octobre 2024, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de la société, la société CBF associés étant désignée en qualité d'administratrice judiciaire et la société [R] et associées en qualité de mandataire judiciaire. Par mémoire déposé le 14 novembre 2024, le salarié a indiqué poursuivre l'instance à l'égard des organes de la procédure, lesquels ont, par un mémoire en intervention déposé le 22 novembre 2024, fait connaître leur volonté de poursuivre la procédure et, en particulier, de soutenir le pourvoi incident de la société.
Examen des moyens
Sur le premier moyen du pourvoi principal du salarié et le moyen du pourvoi incident de l'employeur
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal
Enoncé du moyen
7. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que la période d'essai a été valablement rompue du fait de la régularité de son renouvellement, de dire que la rupture du contrat n'est pas un licenciement et de rejeter ses demandes en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, de congés payés sur préavis et de dommages-intérêts pour licenciement abusif, alors « que le renouvellement de la période d'essai ne peut se faire que dans les conditions prévues par la convention collective et le contrat de travail ; qu'en l'espèce, M. [W] faisait valoir que l'article 2 de son contrat de travail du 1er septembre 2018 stipulait une période d'essai de quatre mois pouvant être renouvelée une fois et ne pouvant pas excéder sept mois et que l'article 7 de la convention collective de la promotion immobilière précisait que ''La période d'essai peut être renouvelée une fois pour une durée de travail effectif qui ne peut, au plus, excéder la durée de la période initiale. Ce renouvellement fait l'objet d'un accord écrit entre le salarié et l'employeur ou son représentant, avant le terme de la période initiale'', de sorte qu'il résultait de la combinaison de ces dispositions que sa période d'essai ne pouvait être renouvelée que par un accord écrit et préalable des parties ; qu'en jugeant que la période d'essai avait été valablement rompue aux motifs que ''Si la signature de M. [W] sur la lettre de renouvellement de la période d'essai constitue seulement un accusé de réception de celle-ci et ne saurait être considérée en tant que telle comme un accord exprès et non équivoque du renouvellement de cette période d'essai, il importe de tenir compte, outre ce courrier, du contenu du mail auquel il était joint en retour" et que ''les propos de M. [W], « voici la lettre de renouvellement signée ce jour », puis sa signature après la formule « bien à toi », doivent ici s'entendre comme la signature de sa part de ce renouvellement et en conséquence un accord non équivoque du renouvellement de la période d'essai", la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'existence d'un accord écrit des parties sur le renouvellement de la période d'essai tel qu'exigé par la convention collective, a violé l'article 7 de la convention collective nationale de la promotion immobilière, ensemble les articles 1103 du code civil, L. 1221-21, L. 1221-23 et L. 1231-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1221-21 et L. 1221-23 du code du travail, et l'article 7 de la convention collective nationale de la promotion immobilière du 18 mai 1988 étendue par arrêté du 4 novembre 1988, dans sa rédaction issue de l'avenant n° 25 du 7 avril 2009 relatif à la période d'essai :
8. Selon le premier de ces textes, la période d'essai peut être renouvelée une fois si un accord de branche étendu le prévoit. Cet accord fixe les conditions et les durées de renouvellement.
9. Selon le dernier, la période d'essai peut être renouvelée une fois. Ce renouvellement fait l'objet d'un accord écrit entre le salarié et l'employeur ou son représentant, avant le terme de la période d'essai initiale.
10. Pour dire la rupture du contrat de travail du salarié régulière, l'arrêt constate que, par courriel du 5 décembre 2018, l'employeur lui a envoyé une lettre l'informant que sa période d'essai était renouvelée pour trois mois à compter du 1er janvier 2019, qu'au bas de cette lettre figurent la date du 7 décembre 2018 et la signature du salarié après une mention par laquelle il a déclaré avoir reçu la lettre de renouvellement de période d'essai et que cette lettre a été retournée par le salarié par courriel du 7 décembre 2018, avec les termes suivants : « voici la lettre de renouvellement signée ce jour ».
11. L'arrêt retient que, si la signature du salarié sur la lettre de renouvellement de la période d'essai constitue seulement un accusé de réception de celle-ci et ne saurait être considérée en tant que telle comme un accord exprès et non équivoque du renouvellement de cette période d'essai, il importe de tenir compte, outre ce courrier, du contenu du mail auquel il était joint en retour, et ajoute que les termes du salarié « voici la lettre de renouvellement signée ce jour », puis sa signature après la formule « bien à toi », doivent ici s'entendre comme la signature de sa part de ce renouvellement et en conséquence un accord non équivoque du renouvellement de la période d'essai.
11. En se déterminant ainsi, par des motifs qui ne suffisent pas à caractériser l'accord écrit non équivoque du salarié au renouvellement de la période d'essai, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Soc. 11 juin 2025 n° 24-13.207
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 11 juin 2025
Rejet
Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 658 F-D
Pourvoi n° B 24-13.207
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 JUIN 2025
M. [C] [W], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° B 24-13.207 contre l'arrêt rendu le 26 janvier 2024 par la cour d'appel de Bourges (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Adecco France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La société Adecco France a formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident éventuel invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Segond, conseiller référendaire, les observations écrites de la SAS Boucard-Capron-Maman, avocat de M. [W], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Adecco France, après débats en l'audience publique du 14 mai 2025 où étaient présentes Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Segond, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bourges, 26 janvier 2024), M. [W] a été engagé par la société Adecco France (l'entreprise de travail temporaire) et mis à disposition de la société Smurfit kappa France (l'entreprise utilisatrice), selon contrats de mission successifs du 25 mars 2014 au 28 février 2021.
2. Le 1er mars 2021, le salarié a été engagé par l'entreprise utilisatrice selon contrat à durée indéterminée.
3. Le 23 juillet 2021, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes en requalification de ses contrats de mission en contrat à durée indéterminée à l'égard de l'entreprise utilisatrice et paiement de diverses sommes.
4. Par jugement du 26 janvier 2022, le conseil de prud'hommes a homologué le protocole d'accord transactionnel conclu le 1er décembre 2021 entre le salarié et l'entreprise utilisatrice aux termes duquel l'entreprise utilisatrice a versé certaines sommes à titre d'indemnité transactionnelle et de rappel de prime d'ancienneté.
5. Le 22 juillet 2022, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes en requalification de ses contrats de mission en contrat à durée indéterminée à l'égard de l'entreprise de travail temporaire et en paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
6. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes en paiement d'indemnités compensatrices de préavis, outre congés payés afférents, de licenciement et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors :
« 1°/ que de première part, le salarié temporaire, qui a obtenu la requalification du contrat de mission en contrat de travail à durée indéterminée, peut prétendre, en cas de rupture de ce contrat de travail à durée indéterminée et sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice de préavis et aux congés payés afférents qui s'ajoutent à l'indemnité de fin de mission ; qu'en énonçant, par conséquent, pour débouter M. [W] de ses demandes tendant à la condamnation de la société Adecco France à lui payer diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis et au titre des congés payés afférents, après avoir requalifié les contrats de mission conclus par M. [W] et par la société Adecco France et après avoir retenu que la rupture de la relation à durée indéterminée liant M. [W] et la société Adecco France aurait dû intervenir le 28 février 2021, date du terme des contrats de mission conclus par M. [W] et par la société Adecco France, selon les règles du droit commun, qu'il ne pouvait y avoir cumul des indemnités de rupture de droit commun et des indemnités de fin de mission de la société Adecco France, et que, M. [W] ayant reçu de telles indemnités de fin de mission de la société Adecco France, M. [W] doit être débouté de ses demandes d'une indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, quand elle ne retenait pas que M. [W] avait commis une faute grave, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1234-1 et L. 1251-32 du code du travail ;
2°/ que de deuxième part, le salarié temporaire, qui a obtenu la requalification du contrat de mission en contrat de travail à durée déterminée, peut prétendre, en cas de rupture de ce contrat de travail à durée indéterminée et sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité de licenciement, qui s'ajoute à l'indemnité de fin de mission ; qu'en énonçant, par conséquent, pour débouter M. [W] de ses demandes tendant à la condamnation de la société Adecco France à lui payer une indemnité de licenciement, après avoir requalifié les contrats de mission conclus par M. [W] et par la société Adecco France en contrat à durée indéterminée liant M. [W] et la société Adecco France et après avoir retenu que la rupture de la relation à durée indéterminée liant M. [W] et la société Adecco France aurait dû intervenir le 28 février 2021, date du terme des contrats de mission conclus par M. [W] et par la société Adecco France, selon les règles de droit commun, qu'il ne pouvait y avoir cumul des indemnités de rupture de droit commun et des indemnités de fin de mission versées par l'entreprise de travail temporaire et que, M. [W] ayant reçu de telles indemnités de fin de mission de la société Adecco France, M. [W] doit être débouté de ses demandes d'une indemnité de licenciement, quand elle ne retenait pas que M. [W] avait commis une faute grave, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1234-9 et L. 1251-32 du code du travail ;
3°/ que, de troisième part, le travailleur temporaire peut exercer concurremment, à l'encontre d'une entreprise de travail temporaire, une action en requalification du contrat de mission en contrat de travail à durée indéterminée et, à l'encontre de l'entreprise utilisatrice, une action, fondée sur les dispositions de l'article L. 1251-40 du code du travail, en reconnaissance des droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée ; qu'en cas de requalification du contrat de mission ayant lié le travailleur temporaire à l'entreprise de travail temporaire en contrat de travail à durée indéterminée, l'absence de poursuite du contrat de mission conclu entre le travailleur temporaire et l'entreprise de travail temporaire s'analyse en un licenciement qui, en l'absence de notification au travailleur temporaire par l'entreprise de travail temporaire de son licenciement par une lettre de licenciement, est dépourvu de cause réelle et sérieuse, peu important que le travailleur temporaire ait été engagé, le lendemain du terme, initialement convenu, du dernier contrat de mission, en vertu d'un contrat de travail à durée indéterminée par l'entreprise utilisatrice ; qu'en énonçant, dès lors, après avoir requalifié les contrats de mission conclus par M. [C] [W] et par la société Adecco France en contrat de travail à durée indéterminée liant M. [C] [W] et la société Adecco France et après avoir retenu que la rupture de la relation à durée indéterminée liant M. [C] [W] et la société Adecco France aurait dû intervenir le 28 février 2021, date du terme des contrats de mission conclus par M. [C] [W] et par la société Adecco France, selon les règles du droit commun, que cette rupture n'était pas dénuée de cause réelle et sérieuse puisqu'il résultait du protocole transactionnel conclu le 1er décembre 2021 par M. [C] [W] et par la société Smurfit Kappa, entreprise utilisatrice, que M. [C] [W] avait obtenu d'être engagé par l'entreprise utilisatrice en contrat à durée indéterminée dès le lendemain du terme du dernier contrat de mission, quand elle ne constatait pas que la société Adecco France avait notifié, par une lettre de licenciement, son licenciement à M. [C] [W] au moment de l'absence de poursuite du dernier des contrats de mission qu'elle avait conclus avec M. [C] [W], la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1232-6 et L. 1235-3 du code du travail. »
Réponse de la Cour
7. Le salarié temporaire, dont le contrat de mission est requalifié en contrat à durée indéterminée, tant à l'égard de la société de travail temporaire qu'à l'égard de l'entreprise utilisatrice, ne peut prétendre qu'à leur condamnation in solidum au titre de la rupture du contrat.
8. Après avoir retenu que la société de travail temporaire s'était placée hors du champ d'application du travail temporaire et que les contrats de mission devaient être requalifiés en contrat de travail à durée indéterminée, la cour d'appel a constaté que le salarié avait été engagé par l'entreprise utilisatrice en contrat à durée indéterminée dès le lendemain du terme du dernier contrat de mission.
9. Ayant ainsi fait ressortir que la relation de travail s'était poursuivie au terme du dernier contrat de mission, la cour d'appel en a déduit à bon droit que les demandes en paiement des indemnités compensatrices de préavis, de licenciement et de licenciement sans cause réelle et sérieuse consécutives à la rupture devaient être rejetées.
10. En l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a, abstraction faite des motifs erronés critiqués par le moyen, légalement justifié sa décision.
Soc. 11 juin 2025 n° 24-13.974
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 11 juin 2025
Cassation partielle sans renvoi
Mme CAPITAINE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 638 F-D
Pourvoi n° K 24-13.974
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 JUIN 2025
La société Sylvagreg, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 24-13.974 contre l'arrêt rendu le 23 février 2024 par la cour d'appel de Douai (chambre sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [R] [B], domicilié [Adresse 2],
2°/ à France travail, dont le siège est [Adresse 3], anciennement dénommé Pôle emploi,
défendeurs à la cassation.
M. [B] a formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation.
Le demandeur au pourvoi incident éventuel invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Filliol, conseiller, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Sylvagreg, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [B], après débats en l'audience publique du 13 mai 2025 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Filliol, conseiller rapporteur, Mme Lacquemant, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 23 février 2024) M. [B] a été engagé en qualité d'aide-maçon le 7 juillet 1997 par la société Sylvagreg. Il exerçait en dernier lieu les fonctions de maçon.
2. Placé en arrêt de travail à compter du 19 novembre 2018, il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail.
3. Déclaré inapte à son poste suivant avis médical du 9 octobre 2020, il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Examen des moyens
Sur les premier et deuxième moyens du pourvoi principal de l'employeur et sur le pourvoi incident éventuel du salarié
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le troisième moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
5. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées au salarié du jour de son licenciement jusqu'à la date de l'arrêt, alors « que selon l'article L. 1235-4 du code du travail, dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, "dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé" ; qu'en l'espèce, en condamnant la société Sylvagreg à rembourser des indemnités de chômage du jour du licenciement, soit le 3 novembre 2020, jusqu'à la date de l'arrêt soit le 23 février 2024, donc sur une période de plus de trois ans, la cour d'appel a violé l'article L. 1235-4 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1235-4 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 :
6. Selon ce texte, dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.
7. L'arrêt, après avoir prononcé la résiliation judiciaire avec effet au 3 novembre 2020, ordonne le remboursement par l'employeur des allocations de chômage versées au salarié du jour de son licenciement, jusqu'à la date de l'arrêt, soit le 23 février 2024.
8. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
10. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
11. L'employeur devra rembourser les indemnités de chômage éventuellement versées au salarié dans la limite de six mois.
12. La cassation du chef de dispositif ordonnant le remboursement par l'employeur, aux organismes concernés, des indemnités de chômage éventuellement versées au salarié du jour de son licenciement jusqu'au 23 février 2024 n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.
Soc. 11 juin 2025 n° 23-16.604
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 11 juin 2025
Cassation partielle partiellement sans renvoi
Mme CAPITAINE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 625 F-D
Pourvoi n° Y 23-16.604
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 JUIN 2025
L'association Fédération française de handball, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Y 23-16.604 contre l'arrêt rendu le 4 avril 2023 par la cour d'appel de Nîmes (5e chambre sociale PH), dans le litige l'opposant à M. [K] [M], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, cinq moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Palle, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de l'association Fédération française de handball, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [M], après débats en l'audience publique du 13 mai 2025 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Palle, conseiller rapporteur, Mme Degouys, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 4 avril 2023), M. [M], fonctionnaire du ministère de l'Education nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, a conclu le 29 août 2013 un contrat de travail à durée déterminée d'une durée de deux ans avec le ministère des sports, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative, prévoyant qu'il serait placé en position de détachement afin d'assurer la mission d'entraîneur national auprès de la Fédération française de handball (la fédération).
2. Selon un avenant du 23 avril 2015, ce contrat a été renouvelé pour la période du 1er septembre 2015 au 31 août 2016. Un second avenant du 8 juin 2016 a prévu que la mission confiée à M. [M] ne ferait pas l'objet d'un renouvellement le 1er septembre 2016.
3. Soutenant être lié à la fédération par un contrat de travail et avoir fait l'objet d'un licenciement abusif, M. [M] a saisi la juridiction prud'homale.
4. Le pourvoi formé contre l'arrêt du 16 octobre 2018 de la cour d'appel de Nîmes déclarant la juridiction prud'homale compétente pour connaître du litige et que l'intéressé était lié à la fédération par un contrat de travail a fait l'objet d'un arrêt de rejet (Soc., 21 octobre 2020, pourvoi n° 18-25.958).
Examen des moyens
Sur les premier, deuxième et troisième moyens
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le quatrième moyen
Enoncé du moyen
6. La fédération fait grief à l'arrêt de la condamner à verser à M. [M] une certaine somme au titre de l'indemnité de licenciement , alors « qu'il résulte de l'article 45 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant statut général des fonctionnaires d'État que le fonctionnaire, à l'issue de son détachement, ne peut prétendre ni à l'indemnité de licenciement prévue par les dispositions de l'article L. 1234-9 du code du travail, ni à toute indemnité de licenciement ou de fin de carrière prévue par toute disposition législative, réglementaire ou conventionnelle ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que ''eu égard à la reconnaissance d'un contrat de travail et de droit privé liant les parties, M. [M] est en droit de prétendre à une indemnité de licenciement'' et a condamné la Fédération à verser à M. [M] la somme de 5 800 euros à ce titre ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé dans sa rédaction applicable au litige. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 45 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016, devenu l'article L. 512-9 du code général de la fonction publique :
7. Selon ce texte, le fonctionnaire détaché est soumis aux règles régissant la fonction qu'il exerce par l'effet de son détachement, à l'exception des dispositions des articles L. 1243-6, L. 1243-1, L. 1243-2, L. 1243-3, L. 1243-4 et L. 1234-9 du code du travail ou de toute disposition législative, réglementaire ou conventionnelle prévoyant le versement d'indemnités de licenciement ou de fin de carrière.
8. Pour condamner la fédération à verser à l'intéressé une indemnité de licenciement, l'arrêt retient qu'un contrat de travail de droit privé lie les parties.
9. En statuant ainsi, alors que le statut de fonctionnaire d'Etat interdit le versement au fonctionnaire détaché de toute indemnité de licenciement, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Et sur le cinquième moyen
Enoncé du moyen
10. La fédération fait grief à l'arrêt de la condamner à verser à M. [M] certaines sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, alors « que le juge ne doit pas modifier l'objet du litige tel que déterminé par les prétentions des parties ; qu'en l'espèce, en retenant, pour condamner la Fédération française de handball à verser à M. [M] les sommes de 29 002,17 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de 2 900,22 euros bruts pour les congés payés afférents, que ''lesdites sommes n'éta(ie)nt pas contestées par la FFHB dans ses écritures'', tandis qu'aux termes de ses écritures d'appel, la Fédération française de handball avait fait valoir que ''L'indemnité compensatrice de préavis ne saurait excéder la rémunération que M. [M] aurait perçu s'il avait eu à exécuter un tel préavis, soit 2 879,73 euros brut mensuel. Sur la base d'un préavis de 3 mois sollicité par M. [M], l'indemnité compensatrice de préavis ne saurait ainsi excéder 3 x 2 879,73 = 8 639,19 euros brut (ICP 10 % en sus)'', la cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile.
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code de procédure civile :
11. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
12. Pour condamner la fédération à verser la somme de 29 002,17 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et celle de 2 900,22 euros brut au titre des congés payés afférents, l'arrêt retient que les sommes demandées ne sont pas contestées par la fédération.
13. En statuant ainsi, alors que, dans ses conclusions, la fédération soutenait que l'indemnité compensatrice ne pouvait excéder la rémunération que l'intéressé aurait perçue s'il avait exécuté le préavis, soit une somme de 8 639,19 euros brut pour un préavis de trois mois, ce dont il résultait qu'elle contestait les sommes demandées, la cour d'appel, qui a méconnu l'objet du litige, a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
14. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
15. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
16. En application de l'article 45 de la loi n° 84-46 du 11 janvier 1984, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016, il convient de débouter M. [M] de sa demande en condamnation de la fédération à lui payer l'indemnité légale de licenciement.
17. La cassation des chefs de dispositif qui condamnent la fédération à verser à M. [M] une certaine somme au titre de l'indemnité de licenciement et certaines sommes au titre de l'indemnité compensatrice et des congés payés afférents n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant la fédération aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celle-ci et non remises en cause.
Crim. 11 juin 2025 n° 24-83.009
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° Y 24-83.009 F-D
N° 00785
SB4 11 JUIN 2025
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 11 JUIN 2025
M. [T] [P] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre 5-3, en date du 28 mars 2024, qui, pour homicide et blessures involontaires, l'a condamné à vingt-quatre mois d'emprisonnement dont dix-huit mois avec sursis et l'annulation du permis de conduire.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Busché, conseiller, les observations de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de M. [T] [P], et les conclusions de Mme Gulphe-Berbain, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 mai 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Busché, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [T] [P] a été condamné par le tribunal correctionnel à dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis et l'annulation du permis de conduire pour homicide et blessures involontaires par conducteur d'un véhicule.
3. M. [P] et le ministère public ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a condamné à un emprisonnement délictuel de vingt-quatre mois, a dit que cet emprisonnement sera assorti du sursis à hauteur de dix-huit mois et a dit que la partie ferme de l'emprisonnement sera exécutée sous le régime de la détention à domicile sous surveillance électronique, alors « que le juge qui prononce, en matière correctionnelle, une peine d'emprisonnement sans sursis doit motiver ce choix en faisant apparaître qu'il a tenu compte des faits de l'espèce, de la personnalité de leur auteur, ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale ; qu'il lui appartient d'établir, au regard de ces éléments, que la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine indispensable et que toute autre sanction est manifestement inadéquate ; que pour aggraver la peine d'emprisonnement prononcée par le tribunal à l'encontre du prévenu en la portant de dix-huit mois avec sursis total à vingt-quatre mois assortie du sursis à hauteur de dix-mois seulement, la partie ferme étant exécutée sous le régime de la détention à domicile sous surveillance électronique, l'arrêt énonce que le prévenu s'est enfermé dans une forme de déni, qu'il était encore titulaire d'un permis de conduire probatoire au jour de l'accident, que « les circonstances de commission de l'infraction analysées à l'aune des éléments de personnalité rendent indispensable le prononcé d'une peine de 24 mois d'emprisonnement » et que « cet emprisonnement ne sera assorti du sursis qu'à hauteur de 18 mois » ; qu'il ajoute qu'« au regard du comportement adopté par Monsieur [P], toute autre sanction serait en effet manifestement inadéquate pour réprimer les agissements poursuivis qui ont entraîné des conséquences dramatiques et qui découlent notamment d'une conduite routinière gravement inadaptée aux exigences de prudence et de concentration au volant » ; que pour aménager cette peine, l'arrêt ajoute que « l'examen de la situation personnelle et matérielle de Monsieur [P] permet toutefois à la cour de décider que la partie ferme de l'emprisonnement sera exécutée sous le régime de la détention à domicile sous surveillance électronique selon les modalités qui seront fixées par le juge de l'application des peines » ; qu'alors que le tribunal correctionnel n'avait pas condamné le prévenu à une peine d'emprisonnement ferme, la cour d'appel ne fait pas état de la situation matérielle, familiale et sociale de M. [P] ; qu'en se déterminant ainsi, sans se prononcer au regard de la situation matérielle, familiale et sociale du prévenu, la cour d'appel, à qui il appartenait d'interroger le prévenu, présent à l'audience, si elle estimait n'être pas en possession d'éléments suffisants, a méconnu les articles 132-19 du code pénal, 464-2 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 132-19 du code pénal et 464-2 du code de procédure pénale :
5. Il résulte de ces textes que le juge qui prononce, en matière correctionnelle, une peine d'emprisonnement ferme doit, quels que soient la durée et la décision prise quant à son éventuel aménagement, motiver ce choix en faisant apparaître qu'il a tenu compte des faits de l'espèce, de la personnalité de leur auteur, ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale. Il lui appartient d'établir, au regard de ces éléments, que la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine indispensable et que toute autre sanction est manifestement inadéquate.
6. Pour condamner M. [P] à vingt-quatre mois d'emprisonnement dont dix-huit mois avec sursis, l'arrêt attaqué énonce que le prévenu s'est enfermé dans une forme de déni, qu'il est dépourvu de la moindre capacité d'autocritique, que ces constatations augurent mal de son avenir personnel et de son insertion professionnelle, et qu'il était titulaire d'un permis de conduire probatoire le jour de l'accident.
7. Les juges ajoutent que les circonstances de commission de l'infraction analysées à l'aune des éléments de personnalité rendent indispensable le prononcé d'une peine de vingt-quatre mois d'emprisonnement qui ne sera assorti du sursis qu'à hauteur de dix-huit mois, au regard du comportement adopté par M. [P] et des conséquences dramatiques découlant d'une conduite inadaptée.
8. En se déterminant ainsi sans faire état de la situation matérielle, familiale et sociale du prévenu, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés.
9. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
10. La cassation sera limitée aux dispositions sur les peines, dès lors que la déclaration de culpabilité n'encourt pas la censure.
Soc. 11 juin 2025 n° 23-16.789
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 11 juin 2025
Rejet
Mme CAPITAINE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 626 F-D
Pourvoi n° Z 23-16.789
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 JUIN 2025
La société Oxance, société mutualiste, dont le siège est [Adresse 5], a formé le pourvoi n° Z 23-16.789 contre l'arrêt rendu le 7 avril 2023 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-2), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [M] [C], dont le siège est [Adresse 7], pris en qualité de liquidateur de la mutuelle Grand conseil de la mutualité,
2°/ à Mme [K] [E], épouse [J], domiciliée [Adresse 4],
3°/ à la société [S] & associés, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 3], prise en la personne de M. [T] [S], pris en qualité d'administrateur judiciaire de la mutuelle Grand conseil de la mutualité,
4°/ à l'association Unedic AGS-CGEA de [Localité 6], dont le siège est [Adresse 2],
5°/ à la société Grand conseil de la mutualité, société mutualiste, dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Palle, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la mutuelle Oxance, de la SARL Ortscheidt, avocat de Mme [E], après débats en l'audience publique du 13 mai 2025 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Palle, conseiller rapporteur, Mme Degouys, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 7 avril 2023), Mme [E] a été engagée en qualité de chirurgien-dentiste à compter du 4 juillet 2005 par la société Grand conseil de la mutualité.
2. Le 17 mars 2016, la chambre disciplinaire nationale du conseil de l'ordre des chirurgiens-dentistes a notifié à la salariée une sanction disciplinaire d'interdiction de prodiguer des soins aux assurés sociaux pendant une période de douze mois, dont trois mois avec sursis, à compter du 1er juillet 2016 jusqu'au 31 mars 2017.
3. Le 9 juin 2016, la salariée a été placée en arrêt de travail jusqu'au 11 juin 2016 puis du 16 juin 2016 jusqu'au 31 mars 2017.
4. Le 15 juin 2016, la société Grand conseil de la mutualité lui a notifié une suspension sans solde de son contrat de travail pendant la période d'exécution de la sanction disciplinaire.
5. Le 3 avril 2017, le médecin du travail a émis un avis d'inaptitude de la salariée à son poste de travail.
6. La salariée a saisi la juridiction prud'homale en résiliation judiciaire de son contrat de travail et en paiement de diverses sommes à titre de rappels de salaire, indemnités et dommages-intérêts.
7. Un plan de cession de la société Grand conseil de la mutualité, en liquidation judiciaire, a été arrêté le 11 décembre 2018 au profit de la société Mutuelles de France réseau santé, devenue la société Oxance (l'employeur), avec laquelle le contrat de travail s'est poursuivi à compter du 1er janvier 2019.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
9. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée un rappel de salaire au titre de l'obligation de reprise de paiement du salaire un mois après l'inaptitude sur la période du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2022 et l'indemnité de congés payés afférents, de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse au jour de sa décision, de le condamner à lui payer une indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents, l'indemnité de licenciement et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que le chirurgien-dentiste salarié, qui s'est vu infliger à titre de sanction par son ordre professionnel une interdiction de donner des soins aux assurés sociaux pour une période donnée, ne peut invoquer un congé maladie postérieur recoupant la période de la sanction, pour préserver sa rémunération, y compris lorsqu'il s'agit de calculer le montant du salaire dû en application de l'article L. 1226-4 du code du travail à la suite d'une déclaration d'inaptitude ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que ''la sanction d'interdiction du droit de donner des soins aux assurés sociaux pendant douze mois, dont trois mois avec sursis, notifiée par la chambre disciplinaire nationale du conseil de l'ordre des chirurgiens-dentistes par décision du 17 mars 2016 et devant s'exécuter pendant la période du 1er juillet 2016 au 31 mars 2017 inclus infligée à Mme [E] est antérieure à son placement en arrêt maladie [du 16 juin 2016 au 31 mars 2017, soit exactement le dernier jour de sa sanction disciplinaire]'' et que la sanction avait eu pour effet de suspendre son droit au maintien de son salaire ; que du fait de l'interdiction de prodiguer des soins aux assurés sociaux pendant la période du 1er juillet 2016 au 31 mars 2017, le salaire dû à Mme [J] en application de l'article L. 1226-4 du code du travail un mois après la déclaration d'inaptitude du 3 avril 2017 ne pouvait s'entendre que du salaire minimum garanti contractuellement, à l'exclusion de toute commission sur des actes que la sanction interdisait de réaliser, peu important le congé maladie dont la salariée avait bénéficié durant la même période ; qu'en jugeant cependant que la reprise du paiement du salaire devait se faire sur la base d'une rémunération incluant le salaire variable reçu antérieurement à la sanction et au congé maladie, de mai 2015 à juin 2016, la cour d'appel a violé l'article L. 1226-4 du code du travail et l'article L. 145-2 du code de la sécurité sociale. »
Réponse de la Cour
10. En application de l'article L. 1226-4 du code du travail, l'employeur est tenu de verser au salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel, qui n'est pas reclassé dans l'entreprise à l'issue du délai d'un mois à compter de la date de l'examen de reprise du travail ou qui n'est pas licencié, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail. Il en résulte qu'en l'absence d'une disposition expresse en ce sens, aucune réduction ne peut être opérée sur la somme, fixée forfaitairement au montant du salaire antérieur à la suspension du contrat, que l'employeur doit verser au salarié.
11. La cour d'appel, recherchant la rémunération que la salariée aurait perçue si elle avait travaillé, a exactement décidé que pour le calcul du salaire, l'ensemble des éléments de rémunération, y compris sa partie variable, perçus avant l'arrêt de travail et la mise à exécution de la sanction disciplinaire, devaient être pris en compte.
12. Le moyen n'est donc pas fondé.
Soc. 11 juin 2025 n° 23-21.819
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 11 juin 2025
Cassation partielle partiellement sans renvoi
Mme CAPITAINE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 644 F-D
Pourvoi n° S 23-21.819
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 JUIN 2025
M. [Y] [D], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 23-21.819 contre l'arrêt rendu le 25 août 2023 par la cour d'appel de Chambéry (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Dimane plus, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Pecqueur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de M. [D], après débats en l'audience publique du 13 mai 2025 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Pecqueur, conseiller référendaire rapporteur, Mme Lacquemant, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 25 août 2023) et les productions, M. [D] a travaillé en qualité de directeur d'exploitation pour la société Dimane plus.
2. Le salarié a été placé en arrêt de travail le 9 août 2019, lequel a été pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie au titre d'un accident du travail intervenu le 8 août 2019, décision déclarée inopposable à l'employeur par jugement du pôle social d'un tribunal judiciaire du 22 décembre 2022.
3. Le 14 août 2019, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.
4. Déclaré inapte à son poste, avec dispense de reclassement par un avis médical du 15 septembre 2020, le salarié a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 12 octobre 2020.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
6. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes au titre du licenciement verbal dont il soutenait avoir fait l'objet et de la demande afférente au titre des dommages-intérêts et de le condamner à verser à l'employeur une somme représentant la partie de l'indemnité spéciale de licenciement qu'il a perçue excédant l'indemnité légale de licenciement et une somme correspondant à l'indemnité de préavis, alors « que constitue un licenciement verbal le fait, pour l'employeur de retirer à son salarié toute activité et tout moyen d'accès à l'entreprise ; qu'en jugeant que le fait que le salarié ait remis à l'employeur son véhicule de fonction, les clés et badges de l'entreprise et que les dossiers lui aient été repris ne saurait manifester la volonté par l'employeur de licencier oralement le salarié, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1232-6 du code du travail :
7. Il résulte de ce texte que lorsque l'employeur manifeste la décision irrévocable de rompre le contrat de travail d'un salarié avant l'envoi de la lettre de licenciement, le licenciement est nécessairement sans cause réelle et sérieuse.
8. Pour rejeter les demandes du salarié au titre d'un licenciement verbal intervenu le 9 août 2019, l'arrêt retient que le salarié ne démontre pas que ses accès informatiques et à la messagerie ont été interrompus, qu'il produit un courriel envoyé de sa messagerie professionnelle le 12 août 2019 et qu'il a envoyé des courriels entre les 10 et 12 août dans lesquels il se présentait comme « directeur d'exploitation encore à ce jour ».
9. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le salarié avait remis à la demande de l'employeur son véhicule de fonction, les clefs et badges de l'entreprise et que les dossiers lui avaient été repris, ce dont elle aurait dû déduire que l'employeur avait manifesté sa décision irrévocable de rompre le contrat de travail, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Et sur le troisième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
10. Le salarié fait grief à l'arrêt d'infirmer le chef du jugement qui condamnait l'employeur à lui verser un reliquat de solde de tout compte et de le condamner à restituer une somme représentant la partie de l'indemnité spéciale de licenciement qu'il a perçue excédant l'indemnité légale de licenciement et une somme correspondant à l'indemnité compensatrice de préavis, alors « qu'il résulte de l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable, que l'effet dévolutif de l'appel est limité par la critique expresse des chefs de jugement qui est faite dans la déclaration d'appel et ne peut être étendu par des conclusions postérieures ; qu'en infirmant le chef du jugement qui condamnait l'employeur à verser au salarié un reliquat de solde de tout compte de 10 611,43 euros nets, incluant notamment l'indemnité spéciale de licenciement et l'indemnité de préavis dues en application de l'article L. 1226-14 du même code, quand l'employeur avait limité son appel à certains chefs du jugement sans viser celui portant condamnation au titre du reliquat de solde de tout compte, la cour d'appel a violé le texte susvisé. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 :
11. Selon ce texte, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.
12. Pour infirmer le jugement en ce qu'il avait condamné l'employeur à verser le reliquat du solde de tout compte et condamner le salarié à restituer les sommes perçues au titre des indemnités prévues par l'article L. 1226-14 du code du travail, l'arrêt retient qu'il n'est pas démontré que l'inaptitude du salarié trouvait son origine dans un accident ou une maladie professionnelle, à savoir en l'espèce un harcèlement dans le cadre de son travail.
13. En statuant ainsi, alors qu'il résultait des conclusions de l'employeur qu'il avait acquiescé au jugement le condamnant au paiement du reliquat du solde de tout compte, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
14. La cassation des chefs de dispositif déboutant le salarié de ses demandes au titre du licenciement verbal, des dommages-intérêts afférents et le condamnant à rembourser les sommes versées au titre de l'indemnité spéciale de licenciement et de l'indemnité de préavis n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci.
15. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
16. La cassation prononcée sur le troisième moyen n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le reliquat du solde de tout compte et le remboursement par le salarié d'une somme représentant la partie de l'indemnité spéciale de licenciement qu'il a perçue excédant l'indemnité légale de licenciement et une somme correspondant à l'indemnité compensatrice de préavis dès lors que l'employeur a acquiescé à la condamnation prononcée par le conseil de prud'hommes.
Crim. 11 juin 2025 n° 23-87.258
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° W 23-87.258 F-D
N° 00776
SB4 11 JUIN 2025
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 11 JUIN 2025
Le procureur général près la cour d'appel de Metz a formé un pourvoi contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre correctionnelle, en date du 16 novembre 2023, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 22 novembre 2022, pourvoi n° 21-84.575), a relaxé M. [I] [H] du chef d'homicide involontaire et prononcé sur les intérêts civils.
Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Sottet, conseiller, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de M. [I] [H], et les conclusions de Mme Gulphe-Berbain, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 mai 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Sottet, conseiller rapporteur, M. Coirre, conseiller de la chambre, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le 30 avril 2012, M. [I] [H], chef de garde d'un groupement de sapeurs-pompiers, a dirigé une opération de reconnaissance sur un site classé Seveso 2, en raison du déclenchement de l'alarme incendie dans un local où étaient entreposés des produits dangereux et inflammables.
3. Trois sapeurs-pompiers, parmi lesquels [G] [E], ont pénétré dans le bâtiment, dans lequel s'était répandue automatiquement une mousse destinée à étouffer tout départ de feu.
4. A l'issue de l'opération, [G] [E] n'est pas ressortie du local où elle a été ultérieurement retrouvée inanimée. Transportée à l'hôpital, elle y est décédée.
5. M. [H] a été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour avoir involontairement causé la mort de [G] [E], en attachant le système de liaison personnelle de celle-ci au mousqueton du sac contenant la ligne de vie et non au ceinturon du pompier qui la précédait.
6. Les juges du premier degré l'ont déclaré coupable et ont prononcé sur les intérêts civils.
7. Le prévenu, le ministère public et les parties civiles ont relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
8. Le moyen, pris de la violation des articles 121-3, alinéa 4, du code pénal et 593 du code de procédure pénale, critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a relaxé le prévenu par des motifs insuffisants et contradictoires, en énonçant que M. [H] n'a pas eu conscience que son erreur d'accrochage de [G] [E] à la ligne de vie, à l'origine d'une perte de chance pour la victime de sortir avec ses deux coéquipiers d'un environnement hostile, exposait celle-ci au risque d'hypoxie qui a causé son décès, et en concluant que ne peut être retenue à son encontre qu'une faute simple et non une faute caractérisée.
Réponse de la Cour
Vu l'article 121-3, alinéa 4, du code pénal :
9. Selon ce texte, en cas de délit non-intentionnel, les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, sont responsables pénalement s'il est établi qu'elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer.
10. Pour relaxer le prévenu, l'arrêt attaqué énonce que ce dernier a commis une erreur involontaire d'accrochage, à l'origine de la rupture de la liaison physique entre [G] [E] et les deux autres pompiers, et de la désorientation de la victime dans un bâtiment rempli de mousse et encombré de matériels.
11. Les juges ajoutent que M. [H] ne pouvait ignorer ce risque, du fait de son expérience et de ses compétences professionnelles.
12. Ils constatent toutefois que les examens médicaux établissent que le décès de [G] [E] est imputable à un arrêt cardio-respiratoire probablement d'origine hypoxique, soit une privation d'air, alors que les sapeurs-pompiers ont été confrontés à une mousse dense, à l'origine de défauts d'étanchéité de leur masque occasionnant des fuites d'oxygène vers l'extérieur ainsi qu'une surconsommation en air, et donc un stress accru, diminuant d'autant le temps pour effectuer la mission.
13. Ils en déduisent, d'une part, qu'il ne peut être démontré que, par son erreur d'accrochage, M. [H] a eu conscience d'exposer [G] [E] au risque d'hypoxie à l'origine de son décès, d'autre part, que cette erreur est uniquement à l'origine d'une perte de chance pour la défunte de sortir, comme l'ont fait ses deux co-équipiers, du milieu hostile où se déroulait la mission.
14. Ils concluent qu'il ne peut être retenu à l'encontre du prévenu qu'une faute simple, et non une faute caractérisée au sens de l'article 121-3, alinéa 4, du code pénal.
15. En statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé, pour les motifs qui suivent.
16. En premier lieu, la faute dont les juges ont considéré qu'elle avait été à l'origine de la perte d'une chance de survie de la victime a contribué à la réalisation du dommage.
17. En second lieu, les juges, qui ont constaté que l'erreur d'accrochage à l'origine de la désorientation de la victime, qui n'a pu s'extraire d'un environnement hostile, est imputable au professionnel qui dirigeait les opérations et ne pouvait ignorer le risque encouru, du fait de son expérience et de ses compétences, n'ont pas tiré les conséquences de ces constatations en qualifiant ce manquement de faute simple.
18. La cassation est par conséquent encourue.
Soc. 11 juin 2025 n° 24-10.016
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 11 juin 2025
Cassation partielle sans renvoi
Mme CAPITAINE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 633 F-D
Pourvoi n° G 24-10.016
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 JUIN 2025
L'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs (l'ANGDM), établissement public national à caractère administratif, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 24-10.016 contre l'arrêt rendu le 31 octobre 2023 par la cour d'appel de Metz (chambre sociale, section 1), dans le litige l'opposant à M. [F] [E], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Leperchey, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boucard-Capron-Maman, avocat de l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [E], après débats en l'audience publique du 13 mai 2025 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Leperchey, conseiller référendaire rapporteur, Mme Degouys, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 31 octobre 2023), M. [E], mineur salarié des Houillères du bassin de Lorraine, a fait valoir ses droits à la retraite le 1er avril 1997.
2. Il avait conclu le 17 mars 1997 une convention de capitalisation des indemnités de logement auxquelles lui ouvrait droit le statut minier, par laquelle il autorisait l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs (l'ANGDM) à percevoir ces indemnités en remboursement du capital versé.
3. Sollicitant la reprise du versement de ces indemnités, il a saisi la juridiction prud'homale.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. L'ANGDM fait grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande en nullité du contrat de capitalisation, de fixer la date de reprise des versements des indemnités de logement au salarié au mois de mars 2018 et de la condamner à lui verser des sommes au titre des indemnités de logement pour la période de mars 2018 au 30 juin 2021 et pour la période du 1er juillet 2021 jusqu'à la date de l'arrêt, alors « que si une demande en paiement se heurte à une clause claire et précise, le juge ne peut y faire droit qu'à condition d'avoir préalablement écarté cette clause voire le contrat qui la contient comme étant frappé d'une cause d'inefficacité juridique, peu important que cette sanction n'ait pas été expressément sollicitée par le demandeur ; que dans un tel cas, il est loisible au défendeur d'opposer à la demande en paiement la prescription de la nullité de la clause ou de la convention et, si cette fin de non-recevoir prospère, elle emportera irrecevabilité de la demande en paiement ; qu'au cas présent, M. [E], ayant souscrit un contrat de capitalisation des indemnités statutaires de logement aux termes duquel il renonçait viagèrement au versement de l'indemnité en contrepartie d'un capital, sollicitait la reprise des versements de l'indemnité à compter de la date d'amortissement du capital ; qu'ainsi, le succès de cette demande nécessitait de déclarer nulle comme contraire à l'ordre public la clause abdicative ou le contrat de capitalisation, peu important que M. [E] n'ait pas expressément sollicité cette annulation ; que, pour écarter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la nullité, la cour d'appel a retenu que M. [E] réclamait, non l'annulation de la convention mais le bénéfice de l'article 23 du décret du 14 juin 1946 portant statut du mineur en ce qu'il confère au mineur retraité un droit aux indemnités de logement et que l'action en paiement des salaires se prescrivait par trois ans ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a fait abstraction du caractère préalable de l'annulation de la clause abdicative ou du contrat de capitalisation sur la demande en reprise du paiement des indemnités, a violé l'article 1304 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ».
Réponse de la Cour
Vu l'article 1304, alinéa 1er, du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
5. Aux termes de ce texte, dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans.
6. Pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande en nullité du contrat de capitalisation, l'arrêt relève d'abord que le salarié fait valoir avec pertinence qu'il réclame non pas l'annulation de la convention conclue avec I'employeur mais le bénéfice des dispositions de I'article 23 du décret du 14 juin 1946 relatives aux conditions d'octroi aux mineurs de l'indemnité logement en espèces et que, si l'article 4 de ladite convention mentionne que M. [E] et tout ayant droit de son chef renoncent expressément et définitivement à la prestation de logement en nature et concerne également les prestations en espèces, il n'est pas conforme à I'ordre public et peut par là-même être écarté sans qu'il y ait lieu de prononcer la nullité du contrat.
7. La cour d'appel en a déduit que l'employeur qui invoquait une demande de nullité de contrat que le salarié ne soutenait pas, ne pouvait valablement soulever l'irrecevabilité des prétentions de ce dernier.
8. En statuant ainsi, alors que la demande de reprise du versement des indemnités de logement tendait à l'annulation de la clause de renonciation stipulée dans le contrat de capitalisation et concernait l'économie générale du contrat, ce dont il se déduisait que cette demande était soumise au délai de prescription de l'action en nullité des contrats, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
9. Tel que suggéré par l'ANGDM et après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
10. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
11. La demande de l'intéressé, qui tend à l'annulation de la clause de renonciation stipulée dans le contrat de capitalisation, se prescrit par cinq ans à compter de la date de conclusion de ce contrat. Celui-ci ayant été signé le 17 mars 1997, l'action est irrecevable comme prescrite. La demande accessoire de dommages-intérêts présentée par l'intéressé doit être rejetée.
12. Les demandes des parties fondées sur l'article 700 du code de procédure civile sont également rejetées.
Soc. 11 juin 2025 n° 24-11.683
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 11 juin 2025
Cassation partielle
Mme CAPITAINE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 629 F-D
Pourvoi n° V 24-11.683
Aide juridictionnelle totale en demande au profit de M. [P]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 14 décembre 2023.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 JUIN 2025
M. [B] [P], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° V 24-11.683 contre l'arrêt rendu le 23 mars 2023 par la cour d'appel de Nouméa (chambre sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Le Froid, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à la Caisse de compensation des prestations familiales, des accidents du travail et de prévoyance des travailleurs de Nouvelle-Calédonie dite CAFAT, dont le siège est [Adresse 1],
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Valéry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, avocat de M. [P], de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Le Froid, après débats en l'audience publique du 13 mai 2025 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Valéry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Degouys, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nouméa, 23 mars 2023), M. [P] a été engagé en qualité d'apprenti chef de quart le 3 mai 2010 par la société Le Froid et occupait depuis 2014 un poste aménagé d'opérateur machine, sur la recommandation du médecin du travail.
2. Il a été licencié pour motif économique le 4 février 2019, la lettre de licenciement énonçant que « la direction industrie doit revoir son organisation et notamment optimiser la composition de ses équipes de production. Compte-tenu des raisons économiques, le maintien à votre poste d'apprenti chef de quart s'avère impossible ».
Examen des moyens
Sur le premier moyen
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
4. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement pour motif économique est régulier et justifié par une cause réelle et sérieuse et de le débouter de l'ensemble de ses demandes à ce titre, alors « que le licenciement pour motif économique est privé de cause réelle et sérieuse si l'employeur ne démontre pas la réalité de la suppression du poste du salarié visée dans la lettre de notification ; le poste dont la suppression justifie le licenciement n'est pas le poste stipulé au contrat de travail mais le poste réellement et effectivement occupé par le salarié au moment du licenciement ; en déboutant le salarié de ses demandes aux motifs que ''M. [P] ne saurait se retrancher derrière le fait que sa lettre de licenciement mentionne ses fonctions de chef de quart alors qu'il occupait lors de son licenciement un poste aménagé d'opérateur machine ; qu'en effet ses fonctions qui n'étaient pas conformes à son recrutement ne pouvaient être considérées comme définitives'', la cour d'appel qui a refusé de prendre en considération le fait que depuis le 7 juillet 2014 il n'occupait plus le poste de chef de quart visé dans la lettre de licenciement du 4 février 2019, mais celui d'opérateur machine dont il n'est nullement constaté qu'il devrait être supprimé dans le cadre du licenciement économique, a violé les articles Lp. 122-9 et Lp. 122-13 du code du travail de Nouvelle-Calédonie ».
Réponse de la Cour
Vu l'article Lp. 122-9 du code du travail de la Nouvelle-Calédonie :
5. Selon ce texte, tout licenciement pour motif économique doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.
6. Pour dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que le procès-verbal de la réunion du comité d'entreprise du 5 octobre 2018 comporte l'organigramme des suppressions de poste pour la direction industrie dont celui de chef de quart, précisant que la baisse des volumes et la rationalisation de la gamme engendrent une forte baisse des heures de production, avec un passage en deux quarts pour diminuer les heures de production du fait de la baisse du niveau des commandes matières premières et consommables.
7. L'arrêt ajoute que le salarié ne saurait se retrancher derrière le fait que sa lettre de licenciement mentionne ses fonctions de chef de quart alors qu'il occupait lors de son licenciement un poste aménagé d'opérateur machine, qu'en effet, ses fonctions, qui n'étaient pas conformes à son recrutement, ne pouvaient être considérées comme définitives et que l'employeur a bien précisé le retentissement sur le poste de travail de M. [P] des difficultés économiques rencontrées.
8. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que l'employeur n'avait pas justifié de la nécessité de supprimer le poste d'opérateur machine occupé par le salarié à la date du licenciement, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Soc. 11 juin 2025 n° 23-22.296
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 11 juin 2025
Rejet
Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 653 F-D
Pourvoi n° K 23-22.296
Aide juridictionnelle totale en défense au profit de Mme [S]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 22 avril 2024.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 JUIN 2025
La société Hub Safe Nantes, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 23-22.296 contre le jugement rendu le 12 septembre 2023 par le conseil de prud'hommes de Nantes (section activités diverses), dans le litige l'opposant à Mme [F] [S], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Cavrois, conseiller, les observations écrites de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la société Hub Safe Nantes, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [S], après débats en l'audience publique du 14 mai 2025 où étaient présentes Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Cavrois, conseiller rapporteur, Mme Le Quellec, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (conseil de prud'hommes de Nantes, 12 septembre 2023), rendu en dernier ressort, Mme [S] a été engagée en qualité d'opérateur de sûreté qualifié, à temps complet, par la société Hub Safe Nantes à compter du 25 février 2014.
2. La relation de travail est régie par la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985.
3. Du 4 au 18 juin 2018, la salariée a été placée en arrêt de travail. A l'issue de cet arrêt, elle a repris le travail en mi-temps thérapeutique et ce jusqu'au 28 février 2021.
4. Le 30 novembre 2021, la salariée a saisi la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir le paiement de rappels sur la prime annuelle de sûreté aéroportuaire (dite PASA), outre congés payés afférents, pour les années 2018 à 2020.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. L'employeur fait grief au jugement de le condamner au paiement de diverses sommes au titre de la prime PASA des mois de novembre 2018, novembre 2019 et novembre 2020 outre congés payés afférents, d'ordonner la remise à la salariée d'un bulletin de salaire récapitulatif conforme à sa décision, de le condamner à verser à la salariée une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, de fixer le salaire mensuel moyen de référence à 1 693,48 euros et de le débouter de ses demandes reconventionnelles, alors « qu'en vertu de l'article 2.5 de l'annexe VIII de la convention collective nationale des entreprises de prévention et sécurité applicable Outre la prime de performance mentionnée à l'article 3.06 ci-après et spécifiquement eu égard aux pratiques salariales existantes pour d'autres métiers exercés sur les plate-formes aéroportuaires, les salariés entrant dans le champ d'application de la présente annexe perçoivent une prime annuelle de sûreté aéroportuaire égale à un mois du dernier salaire brut de base du salarié concerné, non cumulable dans l'avenir avec toute autre prime éventuelle versée annuellement. Cette prime est soumise à la totalité des cotisations sociales (assurance maladie, vieillesse et chômage, etc). Le versement de cette prime en une seule fois, en novembre, est subordonné à la double condition d'une année d'ancienneté au sens de l'article 6.05 des clauses générales de la C.C.N. et d'une présence au 31 octobre de chaque année. Cette prime n'est donc pas proratisable en cas d'entrée ou de départ en cours d'année en dehors des cas de transfert au titre de l'accord conventionnel de reprise du personnel. Dans ce dernier cas, l'entreprise sortante réglera au salarié transféré ayant déjà acquis plus d'un an d'ancienneté, au moment de son départ, le montant proratisé de cette prime pour la nouvelle période annuelle en cours. Le solde sera réglé par l'entreprise entrante à l'échéance normale du versement de la prime ; qu'il résulte de ces dispositions que le montant de la prime annuelle de sûreté aéroportuaire due à un salarié en mi-temps thérapeutique est égal au montant du dernier salaire brut de base effectivement perçu par le salarié concerné ; qu'en jugeant que le salaire de base du salarié pour le calcul de sa prime annuelle de sûreté aéroportuaire doit s'entendre non comme étant le salaire contractuel du salarié ni comme étant le salaire réellement perçu au prorata des jours de présence effective, mais comme le salaire minimum conventionnellement fixé correspondant au coefficient du salarié le mois précédent le versement de la prime et en faisant droit à la demande de la salariée en mi-temps thérapeutique, en paiement d'un rappel de prime annuelle de sûreté aéroportuaire sur la base d'une rémunération pour un travail à temps plein, le conseil de prud'hommes a violé l'article 2.5 de l'annexe VIII de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985. »
Réponse de la Cour
6. Selon l'article 2.5 de l'annexe VIII de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985, les salariés entrant dans le champ d'application de la présente annexe perçoivent une prime annuelle de sûreté aéroportuaire égale à un mois du dernier salaire brut de base du salarié concerné, non cumulable dans l'avenir avec toute autre prime éventuelle versée annuellement. Le versement de cette prime en une seule fois en novembre est subordonné à la double condition d'une année d'ancienneté, au sens de l'article 6.05 des clauses générales de la convention collective nationale, et d'une présence au 31 octobre de chaque année. Cette prime n'est pas proratisable en cas d'entrée ou de départ en cours d'année, en dehors des cas de transfert au titre de l'accord conventionnel de reprise du personnel, l'entreprise sortante réglant au salarié transféré ayant déjà acquis plus d'un an d'ancienneté au moment de son départ le montant proratisé de cette prime pour la nouvelle période en cours, le solde étant réglé par l'entreprise entrante à l'échéance normale du versement de la prime.
7. Il en résulte que la prime annuelle de sûreté aéroportuaire est versée au salarié qui remplit les conditions d'ancienneté et de présence dans les effectifs de l'entreprise au 31 octobre pour en bénéficier sans proratisation en fonction du temps de travail effectif.
8. Le conseil de prud'hommes qui, pour condamner l'employeur au paiement d'un rappel sur prime annuelle de sûreté aéroportuaire, a retenu qu'il n'était pas fait référence dans la définition de cette prime à une minoration à raison du prorata des jours de présence effective, a fait une exacte application des dispositions conventionnelles.
9. Le moyen n'est donc pas fondé.
Soc. 11 juin 2025 n° 24-12.042
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ
COUR DE CASSATION ______________________
Arrêt du 11 juin 2025
Cassation partielle
Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 656 F-D
Pourvoi n° K 24-12.042
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 JUIN 2025
M. [I] [O], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 24-12.042 contre l'arrêt rendu le 13 décembre 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 3), dans le litige l'opposant à la société Sovitrat 10, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Segond, conseiller référendaire, les observations écrites de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [O], de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Sovitrat 10, après débats en l'audience publique du 14 mai 2025 où étaient présentes Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Segond, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 décembre 2023), M. [O] a été engagé en qualité de directeur d'agence par la société Sovitrat 10 le 6 septembre 2010. Son contrat de travail comportait une clause de forfait annuel en jours.
2. Le 1er mars 2019, le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail.
3. Le 10 mai 2019, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes en paiement d'un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, outre congés payés afférents, d'indemnité pour travail dissimulé, de sa demande en requalification de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que de ses demandes en paiement des indemnités de préavis et congés payés sur préavis, de licenciement et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, alors « qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'en l'espèce, après avoir relevé que "pour établir les heures supplémentaires demandées, monsieur [O] produit un décompte sur un tableau difficilement lisible indiquant le montant des heures réalisées le montant des heures normales globalisées par semaine, mais surtout pour chaque semaine un tableau indiquant ses heures d'arrivée et de départ, ses déplacements ainsi que des courriels qui permettraient de considérer exacte l'amplitude horaire de travail effectif qu'il indique", la cour d'appel l'a débouté de ses demandes aux motifs propres que " l'employeur reprend les évaluations horaires hebdomadaires pour les critiquer en particulier les courriels adressés hors de l'agence dans des horaires décalés que rien ne justifie. Ainsi que les calculs d'horaires réalisés lors de ces déplacements expliquant que les heures de vol ont été choisies par le salarié et qu'il n'est pas établi de son retour à agence à son arrivée. L'employeur produit également des attestations des salariés de l'agence expliquant que monsieur [O] n'était plus motivé depuis qu'il avait eu des problèmes personnels, que les salariés de l'agence étaient livrés à eux-mêmes et avaient une totale liberté ainsi que deux attestations de directrices d'agence décrivant leur totale autonomie. Enfin, s'agissant de la mise en place d'un système de contrôle des heures, s'agissant d'un salarié ayant un forfait jours, l'employeur n'y était pas tenu, seuls des entretiens annuels sur l'équilibre vie professionnelle / vie personnelle auraient dû être mis en place la cour relève qu'en tant que directeur d'agence, il appartenait à monsieur [O] d'organiser les plannings de salariés de l'agence, ce dont il s'est abstenu. En conséquence, la cour ne peut retenir comme probant le décompte d'heures supplémentaires produit par le salarié" et aux motifs adoptés que "la demande de rappels d'heures supplémentaires est récente, qu'elle n'a jamais fait l'objet de la part de M. [O] de demande particulière et qu'aucune heure supplémentaire n'a été validée par la société" ; qu'en statuant ainsi, quand il résultait de ses constatations, d'une part, que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, d'autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :
5. Aux termes de l'article L. 3171-2 , alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, l'employeur tient à la disposition des membres compétents de l'inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
6. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
7. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
8. Pour débouter le salarié de sa demande au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents, l'arrêt, après avoir relevé que les parties s'accordaient pour écarter le forfait en jours, retient que l'intéressé produit un tableau difficilement lisible indiquant le nombre d'heures réalisées et le nombre des heures normales globalisées par semaine, un autre tableau indiquant, pour chaque semaine, ses heures d'arrivée et de départ et ses déplacements, ainsi que des courriels qui permettraient de considérer exacte l'amplitude horaire de travail effectif qu'il indique.
9. Il ajoute que l'employeur objecte que les courriels ont été adressés hors de l'agence dans des horaires décalés que rien ne justifie, que les heures de vol ont été choisies par le salarié et que celui-ci n'établit pas son retour à l'agence à son arrivée. Il relève que l'employeur produit des attestations de salariés de l'agence expliquant que l'intéressé n'était plus motivé depuis qu'il avait eu des problèmes personnels, qu'ils étaient livrés à eux-mêmes et avaient une totale liberté ainsi que deux attestations de directrices d'agence décrivant leur totale autonomie.
10. Il précise que s'agissant d'un salarié en forfait en jours, l'employeur n'était pas tenu de mettre en place un système de contrôle des heures mais uniquement des entretiens annuels sur l'équilibre vie professionnelle / vie personnelle et ajoute qu'en sa qualité de directeur d'agence, il s'est abstenu d'organiser les plannings des salariés de l'agence alors que cette tâche lui incombait.
11. Il conclut que le décompte d'heures supplémentaires produit par le salarié ne peut être retenu comme probant.
12. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé.
Et sur le second moyen
Enoncé du moyen
13. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes en paiement d'un rappel de RTT et de dommages-intérêts pour inapplication de l'accord RTT, alors « que le salarié a droit à être indemnisé des jours de repos au titre de la réduction du temps de travail qu'il n'a pas pris, dès lors que cette situation est imputable à l'employeur qui ne l'a pas informé de ses droits et ne l'a pas mis en mesure de les faire valoir ; que pour débouter le salarié de sa demande, la cour d'appel a retenu, par motifs propres, qu' "il résulte de l'article 7 du contrat à durée indéterminée que monsieur [O] avait l'obligation de se tenir à jour et de consulter régulièrement le site intranet de la société portant à sa connaissance des différentes évolutions de la réglementation applicable à son activité et qu'il pouvait demander à participer à toute formation complémentaire de la présente réglementation applicable, s'il le juge utile. Les comptes-rendus de réunions de l'agence produits établissent que monsieur [O] gérait les RTT de ses collaborateurs de sorte qu'il avait une parfaite connaissance de ce dispositif qu'il a choisi de ne pas s'appliquer" et, par motifs adoptés, que "M. [O] était en poste dans la société depuis septembre 2010, qu'il avait la pratique de l'intranet de l'entreprise, qu'il appliquait cet accord de RTT pour ses collaborateurs directs et qu'en conséquence il ne pouvait ignorer la teneur de cet accord. C'est donc en toute connaissance de cause qu'il ne prenait pas ces jours de RTT" ; qu'en statuant ainsi, sans constater que le salarié avait été informé de son propre droit à bénéficier de jours de réduction du temps de travail et mis effectivement en mesure de les prendre, la cour d'appel a violé l'article 1231-1 du code civil, ensemble les articles L. 3121-44, D. 3171-12 et D. 3171-13 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1231-1 du code civil, les articles L. 3122-6, L. 3122-19 à L. 3122-22 du code du travail dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 et l'article 20, V, de cette loi :
14. Il résulte de ces textes qu'à défaut d'un accord collectif prévoyant une indemnisation, l'absence de prise des jours de repos au titre de la réduction du temps de travail n'ouvre droit à une indemnité que si cette situation est imputable à l'employeur.
15. Pour débouter le salarié de ses demandes au titre des RTT, l'arrêt retient qu'il résulte de l'article 7 de son contrat de travail que le salarié a l'obligation de se tenir à jour et de consulter régulièrement le site intranet de la société portant à sa connaissance les différentes évolutions de la réglementation applicable à son activité et qu'il peut demander à participer à toute formation complémentaire. Il relève ensuite que les comptes-rendus de réunions de l'agence produits établissent que l'intéressé gérait les RTT de ses collaborateurs. Il en conclut que le salarié avait une parfaite connaissance de ce dispositif qu'il a choisi de ne pas s'appliquer.
16. En se déterminant ainsi, par des motifs inopérants, alors que, d'une part, il incombe à l'employeur d'informer ses salariés quant à leurs droits en matière de jours de repos et que, d'autre part, elle avait constaté que pendant l'exécution du contrat de travail le salarié avait été soumis à un forfait en jours et non à un « accord de 35h » qui ouvrait droit à des jours de réduction du temps de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Portée et conséquences de la cassation
17. Les cassations prononcées n'emportent pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci non remises en cause.
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