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Civ.1 25 septembre 2024 n° 23-12.758

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CF


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 25 septembre 2024



Cassation sans renvoi

Mme CHAMPALAUNE, président


Arrêt n° 503 F-D
Pourvoi n° T 23-12.758
Aide juridictionnelle totale en demande au profit de M. [T] [V]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 10 janvier 2023.



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 25 SEPTEMBRE 2024
M. [T] [V], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° T 23-12.758 contre l'ordonnance rendue le 17 septembre 2022 par le premier président de la cour d'appel de Paris (service des étrangers, pôle 1, chambre 11), dans le litige l'opposant :
1°/ au préfet de la Meuse, domicilié [Adresse 2],
2°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié en son parquet général, [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dumas, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de M. [V], et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 juin 2024 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Dumas, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 17 septembre 2022), le 19 mai 2022, M. [V], de nationalité russe, condamné pour des faits de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme, en situation irrégulière sur le territoire national, a été placé en rétention administrative en exécution d'un arrêté d'expulsion, à l'issue de sa peine d'emprisonnement. La mesure a été prolongée à quatre reprises par un juge des libertés et de la détention.
2. Le 15 septembre 2022, le juge des libertés et de la détention a été saisi par le préfet de la Meuse sur le fondement de l'article L. 742-6 et 7, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), d'une requête en cinquième prolongation de la mesure de rétention.
3. Par une ordonnance du 16 septembre 2022, le juge des libertés et de la détention a prolongé la rétention administrative. M. [V] a relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. M. [V] fait grief à l'ordonnance de déclarer son appel irrecevable, alors « que le premier président de la cour d'appel ou son délégué ne peut rejeter par ordonnance sans convocation des parties, une déclaration d'appel motivée qui n'est pas une requête en appel manifestement irrecevable ; qu'en jugeant que l'appel était irrecevable, au visa des articles L. 743-23 et R. 743-11 du CESEDA, en statuant par ordonnance sans convoquer les parties à une audience, au prétexte que les perspectives d'éloignement de l'intéressé demeuraient raisonnables et qu'aucune décision d'assignation à résidence ne permettrait un contrôle suffisant de l'intéressé, quand l'appel n'était pas tardif et qu'il ressort de l'ordonnance attaquée qu'il était motivé, le délégué du premier président a violé les articles L. 743-23, R. 743-11, R. 743-14 du CESEDA et l'article 6 § 1 de la Convention sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
Vu l'article R. 743-11 du CESEDA :
5. Il résulte de ce texte que seules les déclarations d'appel manifestement irrecevables, telles que celles qui ne sont pas motivées, peuvent être rejetées par le premier président de la cour d'appel ou son délégué, par ordonnance motivée et sans avoir préalablement convoqué les parties.
6. Pour déclarer irrecevable l'appel de M. [V], l'ordonnance retient que les différents moyens soulevés par son avocat dans la déclaration d'appel, ne peuvent prospérer et sont inopérants ou irrecevables.
7. En statuant ainsi, par des motifs impropres à justifier l'irrecevabilité de l'appel, le premier président a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
9. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond, dès lors que les délais légaux pour statuer sur la mesure étant expirés, il ne reste plus rien à juger.




Civ.1 25 septembre 2024 n° 23-14.300

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CR12


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 25 septembre 2024



Rejet

Mme CHAMPALAUNE, président


Arrêt n° 496 F-D
Pourvoi n° U 23-14.300

Aide juridictionnelle totale en demande au profit de M. [D] [C] . Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 14 mars 2023 .




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 25 SEPTEMBRE 2024
M. [D] [C], domicilié chez M. [S] [V], avocat, [Adresse 3], a formé le pourvoi n° U 23-14.300 contre l'ordonnance rendue le 6 octobre 2022 par le premier président de la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 11), dans le litige l'opposant :
1°/ au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Paris,domicilié [Adresse 2],
2°/ au préfet de police,domicilié [Adresse 1],
3°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié en son parquet général,10 boulevard du Palais, 75001 Paris,
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire, les observations de Me Balat, avocat de M. [C], et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 juin 2024 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 6 octobre 2022) et les pièces de la procédure, le 5 septembre 2022, M. [C], de nationalité algérienne, en situation irrégulière sur le territoire national, a été placé en rétention administrative, en exécution d'une interdiction judiciaire du territoire prononcée par un tribunal. Par ordonnance du 8 septembre 2022, un juge des libertés et de la détention a prolongé la rétention pour vingt-huit jours.
2. Le 5 octobre 2022, le préfet a demandé une deuxième prolongation sur le fondement de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA).
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. M. [C] fait grief à l'ordonnance de rejeter la demande de renvoi de l'affaire et d'autoriser la prolongation de la mesure de rétention administrative pour une durée de trente jours, alors :
« 1°/ que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en affirmant "qu'aucune obligation n'impose au préfet, la transmission à l'intimé ou à son conseil de la déclaration d'appel incidente effectuée par la Préfecture, en sus de l'appel principal du parquet", cependant que la transmission à l'intimé ou à son conseil de la déclaration d'appel du préfet, qui était motivée, était essentielle pour le respect du principe de la contradiction, le délégué du premier président de la cour d'appel de Paris a violé l'article 16 du code de procédure civile et l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2°/ qu'en affirmant que, dans sa déclaration d'appel incidente, "le préfet se borne à demander l'infirmation de l'ordonnance entreprise et la prolongation de la rétention de l'intéressé", cependant que, dans son appel, le préfet de police soulevait en outre une exception d'irrecevabilité du moyen soutenu par M. [C] et qui avait été retenu par le juge des libertés et de la détention, le délégué du premier président de la cour d'appel de Paris a dénaturé le sens de la déclaration d'appel du préfet, violant ainsi l'article 4 du code de procédure civile et le principe de l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause ;
3°/ que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en affirmant que les droits de la défense étaient suffisamment garantis dans la mesure où "les dossiers sont à la disposition des parties dès la veille de l'audience au greffe et avant le début de l'audience où elles peuvent prendre connaissance de l'ensemble du dossier", cependant que l'étranger en rétention administrative n'est évidemment pas en mesure de consulter son dossier au greffe à la veille de l'audience, le délégué du premier président de la cour d'appel de Paris a violé l'article 16 du code de procédure civile et l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
4. Après avoir exactement retenu qu'aucune obligation n'impose au préfet de transmettre, à l'intimé ou à son conseil, sa déclaration d'appel incidente effectuée en complément de l'appel principal du procureur de la République et que les dossiers sont, dès la veille de l'audience, à la disposition des parties, ce qui inclut leurs conseils, qui peuvent en prendre connaissance, le premier président a écarté, à bon droit, une méconnaissance du principe de la contradiction.
5. Inopérant en sa deuxième branche, qui critique un motif surabondant, le moyen n'est pas fondé pour le surplus.




Civ.1 25 septembre 2024 n° 23-12.515 B

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
IJ


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 25 septembre 2024



Rejet

Mme CHAMPALAUNE, président


Arrêt n° 494 F-B
Pourvoi n° D 23-12.515
Aide juridictionnelle totale en demande au profit de Mme [X]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 12 janvier 2023.





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 25 SEPTEMBRE 2024
Mme [Z] [X], domiciliée chez M. [Y] [G], [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 23-12.515 contre l'ordonnance rendue le 28 novembre 2022 par le premier président de la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 12), dans le litige l'opposant au directeur du GHU [4], site [3], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [X], de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur du GHU [4], site [3], après débats en l'audience publique du 25 juin 2024 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 28 novembre 2022), le 8 novembre 2022, Mme [X] a été admise en soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète au GHU [4], par décision du directeur d'établissement et à la demande d'un tiers, en application de l'article L. 3212-1, II, 1°, du code de la santé publique. Elle a été placée à l'isolement du 8 au 17 novembre 2022.
2. Le 10 novembre 2022, le directeur d'établissement a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de poursuite de la mesure d'hospitalisation complète.
Examen du moyen
Sur la première branche du moyen
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur la seconde branche du moyen
Enoncé du moyen
4. Mme [X] fait grief à l'ordonnance d'autoriser la poursuite de son hospitalisation complète, après avoir rejeté les exceptions de nullité, alors « que les mesures d'isolement ou de contention qui peuvent être décidées dans le cadre d'une hospitalisation complète sans consentement constituent une privation de liberté comme l'a rappelé récemment le Conseil constitutionnel dans sa décision du 4 juin 2021 (n° 2021.912.913.914-QPC), elles doivent par conséquent être contrôlées par le juge judiciaire, garant des libertés, dans le délai requis sauf à porter atteinte aux principes fondamentaux de la liberté individuelle et à exposer à un risque de détention arbitraire sanctionné par la nullité ; à la suite de la décision du Conseil constitutionnel précité, sont entrées en vigueur les dispositions de l'article L 3222-5-1 du code de la santé publique issues de la loi du 22 janvier 2022 prescrivant que le renouvellement d'une mesure d'isolement, au-delà d'un délai de 48 heures, impose la saisine du juge des libertés et de la détention avant l'expiration de la 72ème heure, lequel doit statuer dans un délai de 24 heures, à défaut de quoi la mesure est immédiatement levée (article R 211-39 du code de la santé publique) ; en l'espèce, il résulte de l'ordonnance que Mme [X] a été placée à l'isolement dès le début de son hospitalisation complète le 8 novembre 2022 jusqu'au 17 novembre 2022, soit huit jours ou 192 heures ; le juge des libertés et de la détention n'a autorisé l'isolement que la veille 16 novembre 2022 sans qu'il ne soit justifié de la saisine du juge des libertés et de la détention avant la 72ème heure d'isolement, ni d'une décision de ce dernier dans les 96 heures ; la saisine et la décision tardives du juge des libertés et de la détention ne peuvent régulariser ab initio, ni justifier rétroactivement la mesure d'isolement ; en raison de la gravité intrinsèque de l'atteinte qui a été portée aux droits qui s'attachent à la liberté individuelle, et de la circonstance selon laquelle Mme [X] a été retenue arbitrairement à l'isolement contre son gré, toute la procédure d'hospitalisation sans consentement s'en trouve radicalement viciée, particulièrement lorsque la mise à l'isolement a empêché l'intéressé de comparaitre à l'audience relative à la mesure d'hospitalisation ; en refusant d'infirmer l'ordonnance entreprise et de considérer que les irrégularités affectant la mesure d'isolement entraînent nécessairement la nullité de la procédure d'hospitalisation complète sous le régime de l'isolement dont Mme [X] a été l'objet, le premier président a méconnu les textes et principes susvisés ainsi que l'étendue de ses pouvoirs, violé les articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble le principe constitutionnel selon lequel nul ne peut être arbitrairement détenu. »
Réponse de la Cour
5. Il résulte des articles L. 3222-5-1, L. 3211-12, L. 3211-12-1 et R. 3211-39 du code de la santé publique, qu'à l'occasion du contrôle systématique d'une mesure de soins psychiatriques sans consentement prenant la forme d'une hospitalisation complète, d'une demande de mainlevée de cette mesure ou d'une saisine d'office, le constat, par le juge des libertés et de la détention, d'une irrégularité affectant une mesure d'isolement ou de contention ne peut donner lieu à la mainlevée que de l'une ou l'autre de ces dernières mesures. Si cette mainlevée est intervenue avant que le juge ne se prononce, il n'y a plus lieu de statuer à leur égard (Avis de la Cour de cassation, 8 juillet 2021, n° 21-70.010, publié).
6. C'est à bon droit que le premier président a retenu, d'une part, que la demande tendant à voir déclarer irrégulières les décisions de placement et de maintien à l'isolement était devenue sans objet, la mesure ayant été levée, d'autre part, que le non-respect éventuel des délais d'isolement ne permettait pas de déclarer illégale l'ensemble de la procédure de soins sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.




Civ.1 25 septembre 2024 n° 23-10.560 B

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CF


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 25 septembre 2024



Rejet

Mme CHAMPALAUNE, président


Arrêt n° 481 FS-B
Pourvoi n° D 23-10.560







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 25 SEPTEMBRE 2024
La société Marco Vasco, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 23-10.560 contre l'arrêt rendu le 17 novembre 2022 par la cour d'appel d'Amiens (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [Y] [O],
2°/ à M. [F] [O],
domiciliés tous deux [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Kass-Danno, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boullez, avocat de la société Marco Vasco, de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de M. et Mme [O], et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 25 juin 2024 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Kass-Danno, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, MM. Jessel, Mornet, Chevalier, Mmes Kerner-Menay, Bacache-Gibeili, conseillers, Mmes de Cabarrus, Dumas, Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, M. Aparisi, avocat général référendaire, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 17 novembre 2022), le 9 janvier 2019, après plusieurs échanges de courriels relatifs à la réalisation d'un voyage à Hawaï, avec un départ le 25 janvier 2019, la société Marco Vasco a proposé à M. et Mme [O] un projet sur mesure, au prix de 19 300 euros, qu'ils ont accepté et payé le jour-même.
2. La demande d'autorisation de voyage aux Etats-Unis d'Amérique (Esta) de M. et Mme [O] a été refusée au motif qu'ils devaient obtenir un visa en raison de la mention, sur leur passeport, d'un voyage en Iran.
3. N'ayant pu réaliser leur voyage, faute de disposer d'un temps suffisant pour obtenir ce visa avant la date du départ, ils ont assigné la société Marco Vasco en indemnisation de leur préjudice.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
5. La société Marco Vasco fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. et Mme [O] des dommages-intérêts, alors :
« 1°/ que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'il ressort des termes clairs et précis de l'article 3.1 des conditions de vente que "les clients doivent vérifier que les documents administratifs et sanitaires exigées en vue de l'accomplissement de leur voyage sont en conformité avec les informations fournies par Marco Vasco", que "Marco Vasco ne pourra d'aucune manière être tenue pour responsable des conséquences de l'inobservation par le client des règlements policiers, douaniers ou sanitaires du pays de destination", "qu' un client qui ne pourrait pas embarquer sur un vol, faute de présenter les documents exigés ne pourrait prétendre à quelque remboursement, ni dédommagement que ce soit" et que "l'obtention des visas n'est pas incluse dans les prestations, sauf sur demande écrite du client" ; qu'en décidant que la société Marco Vasco était tenue d'un devoir de conseil excédant les limites des articles L. 211-8 et R. 211-4 du code du tourisme qui lui imposent seulement d'informer ses clients des conditions de franchissement des frontières et qu'il lui appartenait, en outre, de s'enquérir de tout et notamment, a minima, de les informer personnellement des obstacles juridiques pouvant exister pour l'obtention d'une autorisation d'entrée aux Etats-Unis et de s'assurer de la situation spécifique de ses clients et des mentions éventuelles figurant sur leur passeport, la cour d'appel a méconnu la force obligatoire qui s'attachait aux conditions de vente ; qu'ainsi, elle a violé l'article 1103 du code civil par refus d'application ;
2°/ qu'une fois le conseil donné, le professionnel est dégagé de toute responsabilité si son client ne l'a pas suivi ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que M. et Mme [O] ont nécessairement admis, dans le bulletin d'inscription accepté le 9 janvier 2019, avoir reçu les informations relatives aux formalités administratives de franchissement des frontières pour entrer aux Etats-Unis, de sorte qu'ils ont eu la connaissance de la nécessité d'obtenir un visa dans l'éventualité où ils auraient voyagé en Iran ; qu'en exigeant de la société Marco Vasco d'autres diligences consistant à informer les consorts [O] personnellement des obstacles juridiques pouvant exister pour l'obtention d'une autorisation d'entrée aux Etats-Unis et à s'assurer de la situation spécifique de ses clients et des mentions éventuelles figurant sur leur passeport, quant elle les avait informés suffisamment des conditions d'entrée sur le territoire des Etats-Unis, la cour d'appel a violé l'article 1231-1 du code civil. »
Réponse de la Cour
6. Selon l'article 5 § 1 f) de la directive 2015/2302 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées, modifiant le règlement (CE) n° 2006/2004 et la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 90/314/CEE du Conseil, transposé aux articles L. 211-8 et R. 211-4 du code du tourisme, les États membres veillent à ce que l'organisateur, ainsi que le détaillant lorsque les forfaits sont vendus par l'intermédiaire d'un détaillant, communique au voyageur, avant qu'il ne soit lié par un contrat de voyage à forfait ou toute offre correspondante, des informations d'ordre général concernant les conditions applicables en matière de passeports et de visas, y compris la durée approximative d'obtention des visas, ainsi que des renseignements sur les formalités sanitaires, du pays de destination.
7. Si l'article 4 de la directive 2015/2302 prévoit une harmonisation complète, son article 2 § 3 dispose qu'elle n'a pas d'incidence sur les dispositions générales du droit des contrats prévues au niveau national, notamment les règles relatives à la validité, à la formation et aux effets des contrats, dans la mesure où les aspects généraux du droit des contrats ne sont pas régis par cette directive.
8. Aux termes de l'article 1112-1, alinéas 1 et 3, du code civil, celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant ; ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.
9. Après avoir constaté qu'il avait été satisfait à l'obligation pré-contractuelle d'information prévue à l'article R. 211-4 du code de tourisme, l'arrêt retient que la prestation, ayant été spécialement conçue pour M. et Mme [O] par la société Marco Vasco avec une date de départ prévue seulement seize jours après l'émission de l'offre de contrat, il appartenait à cette société, qui connaissait les restrictions à l'entrée sur le sol américain, de vérifier si les passeports de M. et Mme [O] ne comportaient pas des mentions nécessitant l'obtention d'un visa et de les informer de la spécificité de leur situation ainsi que des délais requis pour faire les démarches en vue d'obtenir ce visa.
10. Il en résulte qu'en n'alertant pas M. et Mme [O] sur les risques de ne pas obtenir les documents administratifs leur permettant d'entrer aux Etats-Unis d'Amérique en raison de la date rapprochée du départ envisagé, ce qui constituait une information dont l'importance était déterminante pour leur consentement, la société Marco Vasco a commis une faute engageant sa responsabilité.
11. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée.
12. Le moyen n'est donc pas fondé.




Soc. 25 septembre 2024 n° 23-16.941 B

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC. / ELECT
JL10


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 25 septembre 2024



Rejet

M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 1015 F-B
Pourvoi n° Q 23-16.941






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 SEPTEMBRE 2024
La société Brink's Evolution, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Q 23-16.941 contre le jugement rendu le 23 mai 2023 par le tribunal judiciaire de Bobigny (contentieux des élections professionnelles), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [H] [E], domicilié [Adresse 1],
2°/ à l'Union des syndicats gilets jaunes, dont le siège est [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Les parties ou leur mandataire ont produit un mémoire.
Sur le rapport de Mme Arsac, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Brink's Evolution, après débats en l'audience publique du 11 septembre 2024 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Arsac, conseiller référendaire rapporteur, Mme Ott, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Bobigny, 23 mai 2023), M. [E] a été désigné, le 15 septembre 2022, en qualité de représentant de section syndicale par l'Union des syndicats gilets jaunes (l'USGJ) au sein de la société Brink's Evolution (la société).
2. Par requête du 27 septembre 2022, la société a saisi le tribunal judiciaire aux fins d'annulation de cette désignation.
Recevabilité du mémoire en défense
Vu les articles 115, 984 et 1006 du code de procédure civile :
3. Selon ces textes, dans les matières où les parties sont dispensées du ministère d'un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, le mémoire en défense est établi par la partie ou son mandataire muni d'un pouvoir spécial.
4. Le mémoire en défense a été adressé au secrétariat-greffe de la Cour de cassation par un avocat agissant comme mandataire de M. [E] et de l'USGJ. Il a justifié des pouvoirs spéciaux, exigés par les textes susvisés, établis le 12 juillet 2023 par M. [E] et l'USGJ. Il s'ensuit que le mémoire en défense est recevable.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
5. La société fait grief au jugement de la débouter de sa demande tendant à l'annulation de la désignation, par l'USGJ, le 15 septembre 2022, de M. [E] en qualité de représentant de section syndicale au sein de l'établissement « international », alors :
« 1°/ que les syndicats professionnels ont exclusivement pour objet l'étude et la défense des droits ainsi que des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu'individuels, des personnes désignées par leurs statuts ; que ne peut revendiquer la qualité de syndicat l'organisation dont l'objet statutaire et les actions effectivement menées sont, sinon exclusivement, du moins principalement politiques, peu important qu'il ne soit pas l'émanation ou l'instrument d'un parti politique ; qu'en l'espèce, l'Union des Syndicats des Gilets Jaunes revendique dans ses statuts son affiliation au mouvement des Gilets Jaunes dont l'objet est exclusivement politique et mène, de fait, des actions à but éminemment politique, comme l'organisation de manifestations pour la sortie de la France de l'OTAN ou de l'Union Européenne, la destitution du chef de l'Etat, l'introduction d'un référendum d'initiative citoyenne, la dénonciation d'un régime de censure des médias, etc. ; qu'en se bornant à relever, pour dire que l'Union des Syndicats des Gilets Jaunes a bien la qualité d'organisation syndicale, que "le mouvement des gilets jaunes n'étant constitué ni sous forme de parti ni sous forme d'association ni sous aucune forme juridique, la référence de l'union des syndicats gilets jaunes à ce mouvement ne constitue qu'un positionnement idéologique et non la preuve de ce que cette organisation poursuivrait des buts essentiellement politiques et serait la marionnette d'un parti politique", le tribunal judiciaire a violé l'article L. 2131-1 du code du travail.
2°/ que la constitution d'une section syndicale et la désignation d'un représentant de section syndicale sont subordonnées au respect du critère des valeurs républicaines ; qu'en l'espèce, la société Brink's Evolution établissait que l'Union des Syndicats Gilets Jaunes diffuse régulièrement sur sa page Facebook des publications haineuses et une contestation du fonctionnement des institutions démocratiques ; que l'Union des Syndicats Gilets Jaunes fait ainsi figurer, sur la page d'accueil de son site Internet officiel, la revendication suivante : "nous allons nous rendre justice grâce à des actions auxquelles les multinationales et les institutions ne sont pas préparées" ; qu'en se bornant à relever, pour dire que l'exposante ne rapporte pas la preuve d'un défaut de respect des valeurs républicaines par l'Union des Syndicats Gilets Jaunes, que "l'appel à la destitution du président de la république en fonction peut bien être considéré comme mal fondé mais non comme contraire aux valeurs de la république puisque cette procédure est prévue par la constitution et qu'il n'est pas fait appel à un coup de force ou à la violence", sans se prononcer sur les publications haineuses ou l'objectif revendiqué de se rendre justice soi-même, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2142-1 et L. 2142-1-12 du code du travail. »
Réponse de la Cour
6. En premier lieu, la liberté syndicale est consacrée par les articles 2, 3 et 8 de la Convention n° 87 de l'Organisation internationale du travail sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical du 9 juillet 1948, l'article 11 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'alinéa 6 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946.
7. En second lieu, aux termes de l'article L. 2131-1 du code du travail, les syndicats professionnels ont exclusivement pour objet l'étude et la défense des droits ainsi que des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu'individuels, des personnes mentionnées dans leurs statuts.
8. En cas de contestation de la licéité de l'objet d'un syndicat, il appartient au juge de rechercher si le syndicat poursuit dans son action un objectif illicite.
9. D'une part, ayant retenu que la référence de l'USGJ au mouvement des gilets jaunes, qui n'est constitué ni sous forme de parti ni sous forme d'association ni sous aucune autre forme juridique, ne constitue qu'un positionnement idéologique et non la preuve que cette organisation poursuivrait des buts essentiellement politiques et ne serait que l'émanation d'un parti politique, et que la communauté d'idées avec un mouvement ou la sensibilité politique revendiquée par un syndicat ne saurait le priver de la qualité de syndicat dès lors qu'il agit dans l'intérêt qu'il considère être celui des salariés, le tribunal a pu retenir que l'USGJ avait la qualité de syndicat.
10. D'autre part, le tribunal qui, ayant retenu que l'organisation ou la participation à des manifestations exprimant des opinions minoritaires ou non-conformistes et l'appel à la destitution du Président de la République ne portaient pas atteinte aux valeurs républicaines, en a déduit que la demanderesse ne rapportait pas la preuve, qui lui incombe, d'un défaut de respect des valeurs républicaines par l'USGJ, a légalement justifié sa décision.
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
11. La société fait le même grief au jugement, alors « qu'une union de syndicats à laquelle la loi a reconnu la même capacité civile qu'aux syndicats eux-mêmes ne peut exercer les droits conférés aux syndicats dans le champ géographique et professionnel qui est le sien, qu'en l'absence de disposition contraire de ses statuts ; qu'en l'espèce, la société Brink's Evolution faisait valoir que l'objet statutaire de l'Union des Syndicats Gilets Jaunes est de fournir des moyens aux syndicats affiliés pour leur permettre d'exercer des prérogatives dans l'entreprise, et non d'exercer elle-même ces prérogatives, ses statuts prévoyant qu'elle "a pour vocation de fournir aux organisations syndicales affiliées les moyens de toute nature en vue d'obtenir la représentativité dans les entreprises en créant des sections syndicales, en désignant des représentants et en déposant des listes de candidats aux élections professionnelles" ; qu'en outre, l'article 8 des statuts prévoit, à titre dérogatoire, que le secrétaire général peut "procéder à des désignations, participer à des négociations, signer des conventions ou des accords collectifs, déposer des listes de candidats, en lieu et place des organisations syndicales affiliées", mais uniquement "avec leur accord" ; qu'en se bornant à affirmer, pour se prononcer sur la capacité de l'USGJ à créer une section, qu'"une union de syndicats jouit des droits conférés aux syndicats et peut, sauf stipulation contraire de ses statuts, exercer les droits conférés aux syndicats qui lui sont affiliés, notamment désigner des représentants", sans rechercher ainsi qu'il y était invité si les statuts de l'Union des Syndicats Gilets Jaunes ne réservaient pas aux organisations syndicales affiliées la création de sections syndicales et la désignation de représentants syndicaux, sauf accord du syndicat affilié dont le champ professionnel et territorial couvre l'entreprise, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2133-3, L. 2133-1, L. 2142-1 et L. 2142-1-1. »
Réponse de la Cour
12. Il résulte des conclusions de l'employeur, reprises à l'audience, que l'absence d'accord du syndicat primaire pour la désignation d'un représentant syndical par l'union n'avait pas été invoquée.
13. Le tribunal, qui a fait ressortir que l'article 2 des statuts de l'union ne lui interdisait pas d'intervenir dans une entreprise, a légalement justifié sa décision.




Soc. 25 septembre 2024 n° 23-11.860 B

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CL6


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 25 septembre 2024



Rejet

M. SOMMER, président


Arrêt n° 950 FS-B
Pourvoi n° S 23-11.860



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 SEPTEMBRE 2024
La société SPB France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 23-11.860 contre l'arrêt rendu le 8 décembre 2022 par la cour d'appel de Versailles (15e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [C] [K], domicilié [Adresse 3],
2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Barincou, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société SPB France, de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de M. [K], et l'avis de Mme Grivel, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 juillet 2024 où étaient présents M. Sommer, président, M. Barincou, conseiller rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen, MM. Pietton, Seguy, Mmes Douxami, Brinet, conseillers, Mme Prieur, M. Carillon, Mme Maitral, M. Redon, conseillers référendaires, Mme Grivel, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 8 décembre 2022), rendu sur renvoi après cassation (Soc., 2 février 2022, pourvoi n° 19-23.345), M. [K] a été engagé le 5 janvier 2004 par la société Tetra. A la suite de l'absorption de cette société par la société Spectrum Brands France (la société SPB France), il a signé avec cette dernière un contrat de travail lui confiant les fonctions de directeur général en charge de la vente, du marketing et de la logistique, avec un statut de cadre dirigeant.
2. Licencié pour faute grave le 20 septembre 2015, il a saisi la juridiction prud'homale.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. La société SPB France fait grief à l'arrêt de dire nul le licenciement et de la condamner, en conséquence, à verser au salarié diverses sommes à titre d'indemnité de préavis, outre les congés payés afférents, de rappel de salaire, outre les congés payés afférents, correspondant à la mise à pied conservatoire, au 13ème mois et à un bonus sur objectifs, d'indemnité conventionnelle de licenciement, d'indemnité pour licenciement nul et de dommages-intérêts pour perte de chance du bénéfice d'actions gratuites et de la condamner à remettre au salarié une attestation Pôle emploi, un certificat de travail et un bulletin de salaire ainsi qu'à lui payer une somme en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de première instance et d'appel, alors :
« 1°/ que pour dire le licenciement nul comme attentatoire à la liberté d'expression, la cour d'appel a tout d'abord rappelé d'une part, qu'il résultait de l'article L. 1121-1 du code du travail et de l'article 10, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que le salarié jouit dans l'entreprise et en dehors de celle-ci de sa liberté d'expression à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées et d'autre part, que le licenciement reposant, même partiellement, sur un motif lié à l'exercice non abusif de la liberté d'expression, est nul ; qu'ensuite, elle a successivement relevé que les mails avaient un caractère privé, qu'aucun fait n'était pénalement répréhensible, que les mails ne comportaient aucun contenu excessif, diffamatoire ou injurieux, que les mails n'apparaissaient pas stigmatisants et ne ciblaient aucune personne, qu'ils étaient étrangers à tout harcèlement sexuel, y compris en considération de la prévention de ceux-ci et que par ailleurs, l'interdiction de blagues et commentaires du seul fait de leur connotation sexuelle serait regardée comme portant en elle-même une atteinte disproportionnée à la liberté d'expression du salarié ; qu'en se déterminant de la sorte, au prix d'une confusion entre les exigences des dispositions de l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article L. 1121-1 du code du travail et de la limitation issue de l'abus, dont elle a fait, pour chacune, une application partielle et sans qu'il soit possible de déterminer selon quelle logique et quel fondement elle a statué, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle, a violé les articles 12 et 455 du code de procédure civile ;
2°/ que selon l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière. L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire ; qu'en l'espèce, après avoir pourtant visé l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la cour d'appel s'est bornée, pour dire le licenciement nul comme attentatoire à la liberté d'expression, à relever que les mails avaient un caractère privé, qu'aucun fait n'était pénalement répréhensible, que les mails ne comportaient aucun contenu excessif, diffamatoire ou injurieux, que les mails n'apparaissaient pas stigmatisants et ne ciblaient aucune personne, qu'ils étaient étrangers à tout harcèlement sexuel y compris en considération de la prévention de ceux-ci et que par ailleurs, l'interdiction de blagues et commentaires du seul fait de leur connotation sexuelle serait regardée comme portant en elle-même une atteinte disproportionnée à la liberté d'expression du salarié ; qu'en se déterminant de la sorte, sans vérifier, ainsi que la commande la Cour de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, d'abord, si la mesure prise par l'employeur était prévue par la loi, ensuite, si elle était légitime et enfin, si elle était nécessaire dans une société démocratique au regard des restrictions expressément visées par l'article 10, § 2, de la Convention, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
3°/ qu'en application de l'article L. 1121-1 du code du travail, l'employeur peut apporter des restrictions à la liberté d'expression lorsque celles-ci sont justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché ; qu'en l'espèce, pour dire le licenciement nul comme attentatoire à la liberté d'expression, la cour d'appel s'est bornée à relever que les mails avaient un caractère privé, qu'aucun fait n'était pénalement répréhensible, que les mails ne comportaient aucun contenu excessif, diffamatoire ou injurieux, que les mails n'apparaissaient pas stigmatisants et ne ciblaient aucune personne, qu'ils étaient étrangers à tout harcèlement sexuel, y compris en considération de la prévention de ceux-ci et que par ailleurs, l'interdiction de blagues et commentaires du seul fait de leur connotation sexuelle serait regardée comme portant en elle-même une atteinte disproportionnée à la liberté d'expression du salarié ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher et ainsi que l'y invitait l'employeur, si la sanction de la diffusion, par un salarié cadre dirigeant disposant d'un niveau élevé de responsabilités, depuis sa messagerie professionnelle, d'images et propos au contenu stigmatisant et attentatoire à la dignité de la femme à l'adresse d'au moins un de ses subordonnés, n'était pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché et notamment, si un employeur n'est pas tenu de sanctionner tout propos ou échange attentatoire à la dignité de la femme et de prévenir les agissements sexistes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
4°/ qu'en se bornant, pour se déterminer comme elle l'a fait, à considérer que le salarié n'avait pas usé de sa liberté d'expression de façon abusive, après avoir pourtant visé les dispositions de l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article L. 1121-1 du code du travail, lesquels ne limitent aucunement le contrôle des atteintes à la liberté d'expression à celui de l'abus, la cour d'appel a violé l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article L. 1121-1 du code du travail ;
5°/ que l'usage abusif de la liberté d'expression est nécessairement caractérisé lorsqu'il est attentatoire à la dignité humaine et notamment à celle de la femme ; qu'en retenant que les messages diffusés par le salarié à partir de sa messagerie professionnelle ne comportaient aucun contenu excessif, cependant qu'étaient notamment en cause des propos et images stigmatisants et attentatoires à la dignité de la femme qu'il appartenait nécessairement à l'employeur de sanctionner, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article L. 1121-1 du code du travail et le principe selon lequel le salarié jouit dans l'entreprise de sa liberté d'expression dans la limite de l'abus ;
6°/ qu'en se bornant à affirmer que les mails ne comportaient aucun contenu excessif, sans rechercher si la sanction de l'envoi de mails comportant des images attentatoires à la dignité de la femme, ne constituait pas une obligation pour l'employeur tenu d'assurer la protection de ses salariées contre les discriminations, le harcèlement sexuel, les agissements sexistes et plus particulièrement d'assurer la prévention de tels agissements, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article L. 1121-1 du code du travail et le principe selon lequel le salarié jouit dans l'entreprise de sa liberté d'expression dans la limite de l'abus ;
7°/ qu'en se bornant à affirmer que les mails ne comportaient aucun contenu excessif sans à aucun moment tenir compte de la position du salarié dans la hiérarchie lequel était cadre dirigeant, de ce que les mails ont été notamment adressés à un de ses subordonnés et à des tiers de l'entreprise depuis sa messagerie professionnelle, du constat, dénoncé à l'unanimité, du sexisme ordinaire subi par les femmes dans le monde du travail et de son rôle dans les discriminations, harcèlement et violences qu'elles subissent, des luttes entreprises par les associations et les pouvoirs publics pour qu'il soit mis fin aux propos et agissements stigmatisants à l'endroit des femmes et attentatoires à leur dignité et plus généralement, de la nécessité de protéger la dignité de la femme, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article L. 1121-1 du code du travail et le principe selon lequel le salarié jouit dans l'entreprise de sa liberté d'expression dans la limite de l'abus ;
8°/ qu'en retenant, pour se déterminer comme elle l'a fait, qu'étaient seulement en cause des blagues et commentaires humoristiques vulgaires et graveleux, cependant que la photo du radar comme le calendrier véhiculaient une image stéréotypée, dégradante et attentatoire à la dignité de la femme, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, a violé l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article L. 1121-1 du code du travail et le principe selon lequel le salarié jouit dans l'entreprise de sa liberté d'expression dans la limite de l'abus ;
9°/ qu'en affirmant encore que les mails adressés par le salarié avait un caractère privé alors qu'ils avaient été envoyés depuis la messagerie professionnelle et notamment, à un des salariés de l'entreprise et à des tiers à celle-ci, de sorte qu'ils étaient nécessairement rattachables à la vie professionnelle, la cour d'appel a derechef violé l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article L. 1121-1 du code du travail et le principe selon lequel le salarié jouit dans l'entreprise de sa liberté d'expression dans la limite de l'abus. »
Réponse de la Cour
4. D'abord, il résulte des articles 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 9 du code civil et L. 1121-1 du code du travail que le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l'intimité de sa vie privée. Celle-ci implique en particulier le secret des correspondances. L'employeur ne peut dès lors, sans violation de cette liberté fondamentale, utiliser le contenu des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail, pour le sanctionner.
5. Ensuite, il résulte des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail, qu'un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier, en principe, un licenciement disciplinaire, sauf s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail.
6. Le caractère illicite du motif du licenciement fondé, même en partie, sur le contenu de messages personnels émis par le salarié grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail, en violation du droit au respect de l'intimité de sa vie privée, liberté fondamentale, entraîne à lui seul la nullité du licenciement.
7. En l'espèce, l'arrêt constate que le salarié a été licencié pour faute grave, notamment en raison de propos échangés lors d'une conversation privée avec trois personnes au moyen de la messagerie professionnelle installée sur son ordinateur professionnel, dans un cadre strictement privé sans rapport avec l'activité professionnelle.
8. Cette conversation de nature privée n'étant pas destinée à être rendue publique et ne constituant pas un manquement du salarié aux obligations découlant du contrat de travail, il en résulte que le licenciement, prononcé pour motif disciplinaire, est insusceptible d'être justifié et est atteint de nullité comme portant atteinte au droit au respect de l'intimité de la vie privée du salarié.
9. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée en ce qu'elle a dit le licenciement nul.




Civ.1 25 septembre 2024 n° 23-15.679

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CR12


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 25 septembre 2024



Cassation sans renvoi

Mme CHAMPALAUNE, président


Arrêt n° 497 F-D
Pourvoi n° T 23-15.679
Aide juridictionnelle totale en demande au profit de M.[O] [Z] [R] . Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 14 mars 2023 .



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 25 SEPTEMBRE 2024
M. [O] [Z] [R], retenu au centre de rétention administrative de [5], aéroport [5], [Localité 4], a formé le pourvoi n° T 23-15.679 contre l'ordonnance rendue le 9 novembre 2022 par le premier président de la cour d'appel de Lyon, dans le litige l'opposant :
1°/ au préfet du Rhône,domicilié [Adresse 2],
2°/ au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Lyon, domicilié [Adresse 3],
3°/ au procureur général près la cour d'appel de Lyon, domicilié en son parquet général, [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de M. [R], et l'avis de M. Chaumont avocat général, après débats en l'audience publique du 25 juin 2024 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Lyon, 9 novembre 2022) et les pièces de la procédure, le 5 novembre 2022, à 19h00, M. [R], de nationalité algérienne, en situation irrégulière sur le territoire national, a été placé en rétention administrative, en exécution d'une obligation de quitter le territoire français datée du 10 juillet 2021 et notifiée le 10 décembre 2021.
2. Le 6 novembre 2022, le préfet a demandé une première prolongation de la rétention sur le fondement de l'article L 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA).
3. Le 7 novembre 2022, à 9h18, M. [R] a déposé des conclusions, contestant la décision de placement en rétention.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. M. [R] fait grief à l'ordonnance de déclarer irrecevable sa contestation de l'arrêté de placement en rétention, alors « que la légalité de la rétention doit pouvoir être contrôlée à tout moment par le juge ; que la contestation de la légalité de l'arrêté de placement en rétention peut donc être formulée devant le juge des libertés et de la détention dans des conclusions présentées en défense dans le cadre de l'instance, initiée par le préfet, tendant à la prolongation de cette mesure, a fortiori lorsqu'elle présentée dans les quarante-huit heures de sa notification ; qu'en retenant au contraire, pour déclarer irrecevable la contestation de l'arrêté de placement en rétention formulée par M. [R], qu'aucune requête n'avait été déposée et que les conclusions déposées le jour de l'audience ne pouvant constituer une telle requête, le premier président a violé l'article L. 741-10 du code de l'étranger et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ensemble l'article 15 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008, lu en combinaison avec les articles 6 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union, tel qu'interprété par la Cour de justice de l'Union européenne. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 741-10, alinéa 1er, R. 741-3 et R. 743-2, alinéa 1er, du CESEDA :
5. Aux termes du premier de ces textes, l'étranger qui fait l'objet d'une décision de placement en rétention peut la contester devant le juge des libertés et de la détention, dans un délai de quarante-huit heures à compter de sa notification.
6. Selon le deuxième, le juge des libertés et de la détention est alors saisi par simple requête de l'étranger, adressée par tout moyen au greffe du tribunal compétent.
7. Selon le troisième, la requête est, à peine d'irrecevabilité, motivée, datée et signée par l'étranger.
8. Pour déclarer irrecevable la contestation par M. [R] de la décision de placement en rétention, l'ordonnance relève que les conditions prévues au CESEDA n'ont pas été respectées, dès lors qu'aucune requête n'a été adressée et que seules des conclusions ont été déposées le jour de l'audience.
9. En statuant ainsi, alors qu'il ressort des pièces de la procédure que le juge des libertés et de la détention avait été valablement saisi par des conclusions écrites, motivées, datées et signées par l'étranger, transmises dans les quarante-huit heures de la notification de l'arrêté de placement en rétention peu important l'absence d'intitulé « requête », le premier président a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
10. Tel que suggéré par le mémoire ampliatif, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
11. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond, dès lors que les délais légaux pour statuer sur la mesure étant expirés, il ne reste plus rien à juger.




Civ.1 25 septembre 2024 n° 23-15.151

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
IJ


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 25 septembre 2024



Cassation

Mme CHAMPALAUNE, président


Arrêt n° 491 F-D
Pourvoi n° U 23-15.151



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 25 SEPTEMBRE 2024
1°/ Mme [K] [W],
2°/ M. [T] [C],
tous deux domiciliés [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° U 23-15.151 contre l'arrêt rendu le 3 février 2023 par la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, dans le litige les opposant à la société CMM automobiles, société anonyme (SA), dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme de Cabarrus, conseiller référendaire, les observations de la SCP Françoise Fabiani - François Pinatel, avocat de Mme [W], et de M. [C], de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la société CMM automobiles, après débats en l'audience publique du 25 juin 2024 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme de Cabarrus, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de la Réunion, 3 février 2023), le 15 octobre 2013, Mme [W] a acquis un véhicule de marque Ford auprès de la société CMM Automobiles (la société CMM).
2. Invoquant des manquements commis par le garagiste dans la prise en charge du véhicule, à l'issue de cet achat, en l'absence notamment de diagnostic de la cause de vibrations constatées sur le moteur, Mme [W] et M. [C], utilisateur du véhicule assuré par ses soins, ont assigné la société CMM en responsabilité et indemnisation.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
3. Mme [W] et M. [C] font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes, alors « que sur le fondement de l'article 1147 du code civil, devenu 1231-1, le garagiste, tenu d'une obligation de résultat en ce qui concerne la réparation des véhicules de ses clients, doit procéder aux réparations nécessaires pour remédier aux désordres les affectant ; qu'en jugeant que Mme [W] et M. [C] échouaient à démontrer un lien de causalité direct entre la faute de l'établissement CMM le 5 mai 2015 et la découverte de l'origine des vibrations survenues après ses interventions alors qu'il résultait de ses constatations que le véhicule a subi une avarie liée à des vibrations dans la caisse sur laquelle la société CMM est intervenue, ce dont il résultait que le garagiste n'avait pas satisfait à son obligation de remédier à la panne à la suite de laquelle le véhicule lui avait été confié, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard du texte susvisé. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1147, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 1315, devenu 1353, du code civil :
4. Il résulte de ces textes que, si la responsabilité du garagiste au titre des prestations qui lui sont confiées n'est engagée qu'en cas de faute, dès lors que des désordres surviennent ou persistent après son intervention, l'existence d'une faute et celle d'un lien causal entre la faute et ces désordres sont présumées.
5. Pour rejeter les demandes de Mme [W] et M. [C], l'arrêt retient que même si deux rapports d'expertise amiable ont mis en exergue un manque de professionnalisme de la société CMM, il n'est nullement démontré un lien de causalité direct entre le manquement commis par cette dernière le 5 mai 2015 et les désordres relevés à partir du 8 décembre 2015 par un second garagiste, M. [C] et Mme [W] ne justifiant d'aucune démarche entre la date du remplacement de la pompe à huile le 12 mai 2015, l'intervention du second garage le 30 décembre 2015 et le diagnostic de la société CMM le 2 février 2016.
6. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à écarter la présomption de faute pesant sur la société CMM et celle du lien causal au titre de ses interventions à l'issue desquelles les désordres ont subsisté, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.




Civ.1 25 septembre 2024 n° 23-15.419

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
IJ


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 25 septembre 2024



Cassation sans renvoi

Mme CHAMPALAUNE, président


Arrêt n° 499 F-D
Pourvoi n° K 23-15.419



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 25 SEPTEMBRE 2024
M. [H] [N], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° K 23-15.419 contre l'ordonnance rendue le 16 janvier 2023 par le premier président près la cour d'appel d'Aix-en-Provence (hospitalisation sans consentement 1-11 HO), dans le litige l'opposant :
1°/ au directeur de l'Hôpital Edouard Toulouse, domicilié [Adresse 1],
2°/ au procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence, domicilié en son parquet général, 20 place Verdun, 13616 Aix en Provence cedex,
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Kass-Danno, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de M. [N], après débats en l'audience publique du 25 juin 2024 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Kass-Danno, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à M. [N] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence.
Faits et procédure
2. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Aix-en-Provence, 16 janvier 2023), le 6 janvier 2023, au cours d'une mesure de soins sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète, M. [N] a fait l'objet d'une mesure d'isolement dont le juge des libertés et de la détention a autorisé la poursuite par des ordonnances des 9 et 12 janvier 2023.
3. Par une ordonnance du 14 janvier 2023, le juge des libertés et de la détention a fait droit à la requête du directeur de l'hôpital « en maintien de la mesure d'isolement au-delà de sept jours suivant sa dernière décision ».
4. Le 15 janvier à 10h15, M. [N] a relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
5. M. [N] fait grief à l'ordonnance de constater que la juridiction est dessaisie de son appel, alors « qu'il appartient au juge de se prononcer sur les irrégularités soulevées par le patient à l'appui de sa demande d'annulation des mesures d'isolement prises à son encontre et de mainlevée de la mesure d'isolement dont il fait l'objet ; que l'ordonnance retient que « le magistrat délégué par le premier président a eu connaissance le 16 janvier 2023 à 10 heures de la réception de l'appel reçu le 15 janvier 2023 à 10h15 et a fait adresser aux parties l'avis sus-dit ; eu égard à la durée accordée aux parties pour formuler des observations ou adresser des pièces, soit deux heures, il apparaît que la décision statuant sur l'appel de monsieur [H] [N] ne pourra être prononcée dans le délai de 24 heures, qui expire le 16 janvier 2023 à 10h15 ; la juridiction est donc de ce fait dessaisie » ; qu'en statuant ainsi le magistrat délégué par le premier président a manqué à son office, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile, R 3211-39, II, du code de la santé publique. »
Réponse de la Cour
Vu les articles R. 3211-39, alinéa 2, et R. 3211-44 du code de la santé publique :
6. Il résulte de ces textes que le premier président ou son délégué, saisi d'un appel contre une ordonnance du juge des libertés et de la détention ordonnant le maintien d'une mesure d'isolement, doit statuer dans un délai de vingt-quatre heures à compter de sa saisine, que la mesure est levée s'il n'a pas statué dans ce délai et que, dans ce cas, il lui incombe de constater la mainlevée de la mesure à l'expiration de ce délai.
7. Pour constater que la juridiction est dessaisie de l'appel formé par M. [N], l'ordonnance retient que le premier président n'a eu connaissance de cet appel que le 16 janvier 2023 à 10 heures et qu'il a fait adresser aux parties un avis en leur accordant un délai de deux heures pour formuler des observations ou adresser des pièces de sorte que sa décision ne pourrait être prononcée dans le délai de 24 heures, qui expirait le 16 janvier 2023 à 10H15.
8. En statuant ainsi, alors qu'il lui incombait de constater la mainlevée de cette mesure d'isolement à compter du 16 janvier 2023 à 10 heures 15, le premier président a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
10. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond, dès lors que les délais légaux pour statuer sur la mesure étant expirés, il ne reste plus rien à juger.




Soc. 25 septembre 2024 n° 23-15.670

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 25 septembre 2024



Interruption d'instance (avec reprise) par arrêt

Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 940 F-D
Pourvoi n° G 23-15.670
Aide juridictionnelle totale en demande au profit de M. [V]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 20 avril 2023.


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 SEPTEMBRE 2024
M. [Y] [V], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° G 23-15.670 contre l'ordonnance de référé rendue le 19 octobre 2022 par le conseil de prud'hommes de Mâcon, dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [R] [F], domicilié [Adresse 3], pris en la personne de son tuteur, l'Union départementale des associations familiales de Saône-et-Loire,
2°/ à l'Union départementale des associations familiales de Saône-et-Loire, dont le siège est [Adresse 2], pris en qualité de tuteur de M. [R] [F], majeur protégé,
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Seguy, conseiller, les observations de Maître Soltner, avocat de M. [V], de Maître Bertrand, avocat de M. [F], après débats en l'audience publique du 9 juillet 2024 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Seguy, conseiller rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Thuillier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. M. [V] s'est pourvu en cassation le 11 mai 2023 contre une ordonnance de référé rendue le 19 octobre 2022 par le conseil de prud'hommes de Mâcon dans une instance l'opposant à M. [F].
2. [R] [F] est décédé le [Date décès 1] 2024 et son décès a été notifié à M. [V] le 24 avril 2024.
3. En application des articles 370 et 376 du code de procédure civile, l'instance est donc interrompue et il y a lieu d'impartir aux parties un délai pour effectuer les diligences nécessaires à la reprise de l'instance.




Crim. 25 septembre 2024 n° 24-84.000

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° A 24-84.000 F-D
N° 01281

MAS2 25 SEPTEMBRE 2024

NON-LIEU A STATUER

M. BONNAL président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 25 SEPTEMBRE 2024


M. [D] [Z] a formé des pourvois contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nancy, en date du 28 mai 2024, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs de vol en bande organisée, détention et séquestration arbitraires, association de malfaiteurs, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention rejetant sa demande de mise en liberté.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Sur le rapport de M. Gouton, conseiller, les observations de SAS Buk Lament-Robillot, avocat de M. [D] [Z], et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 septembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Gouton, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Examen de la recevabilité du pourvoi formé le 31 mai 2024
1. M. [D] [Z] ayant épuisé, par l'exercice qu'il en avait fait, par l'intermédiaire de son avocat, le 30 mai 2024, le droit de se pourvoir contre l'arrêt attaqué, était irrecevable à se pourvoir à nouveau contre la même décision le 31 mai suivant.
2. Seul est recevable le pourvoi formé le 30 mai 2024.
Examen du pourvoi formé le 30 mai 2024
Vu l'article 606 du code de procédure pénale :
3. Par ordonnance en date du 11 juillet 2024, le juge d'instruction a ordonné la mise en accusation de M. [Z] et son renvoi devant la cour d'assises, et n'a pas remis l'intéressé en liberté.
4. En application de l'article 181 du code de procédure pénale, l'ordonnance de règlement rend caduc, nonobstant appel, le titre de détention sur les effets duquel l'arrêt attaqué s'est prononcé, le demandeur restant détenu sur le fondement du mandat de dépôt décerné contre lui au cours de l'information dont les effets sont maintenus dans les conditions prévues par ce texte.
5. Il s'ensuit que le pourvoi est devenu sans objet .




Soc. 25 septembre 2024 n° 23-11.558

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 25 septembre 2024



Rejet

M. BARINCOU, conseiller le plus ancien faisant fonction de président


Arrêt n° 943 F-D
Pourvoi n° P 23-11.558



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 SEPTEMBRE 2024
La société SPBI, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° P 23-11.558 contre l'arrêt rendu le 15 décembre 2022 par la cour d'appel de Poitiers (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. [S] [O], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Barincou, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société SPBI, de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de M. [O], après débats en l'audience publique du 9 juillet 2024 où étaient présents M. Barincou, conseiller le plus ancien faisant fonction de président et rapporteur, Mme Douxami, conseiller, Mme Prieur, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 15 décembre 2022), M. [O] a été engagé, en qualité de chargé des relations de presse, le 2 novembre 2004 par la société SPBI, appartenant au groupe Bénéteau.
2. Son contrat de travail a été suspendu par sa mise à disposition auprès de la société Bénéteau America, filiale du groupe Bénéteau, pour y occuper les fonctions de directeur des ventes.
3. Par lettre du 8 avril 2019, la société Bénéteau America a rompu le contrat de travail la liant au salarié en raison d'une violation réitérée de la politique américaine de lutte contre toute forme de harcèlement.
4. Licencié le 28 mai 2019, pour faute grave, par la société SPBI, le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour contester ce second licenciement.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en ses première à troisième branches
Enoncé du moyen
6. La société SPBI fait grief à l'arrêt de requalifier le licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse, de la condamner à payer au salarié diverses sommes au titre de la mise à pied conservatoire, des congés payés, de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents et de l'indemnité légale de licenciement, alors :
« 1°/ que le fait pour un salarié, directeur des ventes, d'avoir harcelé sexuellement une cliente sur les réseaux sociaux en lui envoyant des messages insistant à connotation sexuelle et sexiste, entraînant la plainte de cette dernière auprès de l'employeur, se rattache par nature à la vie de l'entreprise et à la sphère professionnelle et constitue donc un fait de nature à justifier son licenciement pour faute, peu important que ce harcèlement sexuel ait été commis sur les réseaux sociaux en dehors du lieu et temps de travail ; qu'au cas présent, il ressort des constatations de l'arrêt qu'étaient établis les faits de harcèlement sexuel reprochés au salarié, directeur des ventes de voiliers, à l'égard d'une cliente de Bénéteau America, qui se sont matérialisés par l'envoi à plusieurs reprises à cette cliente, sans son consentement, de messages sexuels et sexistes sur les réseaux sociaux à la suite d'un salon nautique en Floride ; qu'en écartant néanmoins la faute grave, et à tout le moins la cause réelle et sérieuse du licenciement disciplinaire, au motif inopérant qu'il ne serait pas établi que "ces faits ont été commis dans la sphère professionnelle et non dans la sphère privée" et "qu'ils ont porté atteinte à son image et lui ont causé un préjudice", cependant que le fait pour un directeur de ventes de harceler sexuellement une des clientes de l'entreprise, amenant cette dernière à se plaindre auprès de l'entreprise, constitue un comportement fautif rattachable à la sphère professionnelle rendant impossible la poursuite du contrat de travail dès lors que l'employeur ne peut tolérer une telle atteinte de nature sexuelle et sexiste aux droits de ses clientes de sexe féminin de la part de l'un de ses employés, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail, ensemble les articles L. 1232-1 et L. 1235-3 du code du travail ;
2°/ que si un motif tiré d'apparence de la vie personnelle du salarié ne peut, en principe, justifier un licenciement disciplinaire, tel n'est pas le cas lorsqu'il caractérise un manquement du salarié à ses obligations contractuelles ou engendre un trouble objectif caractérisé au sein de l'entreprise et qu'il se rattache ainsi en réalité à la vie de l'entreprise et à la sphère professionnelle ; qu'en l'espèce pour écarter la faute grave, et à tout le moins le caractère réel et sérieux du licenciement, bien qu'ayant constaté la matérialité des agissements de harcèlement sexuel dont s'est rendu coupable le salarié à l'encontre d'une cliente de la société Bénéteau America par le biais des réseaux sociaux, la cour d'appel s'est fondée sur l'absence de démonstration d'une rencontre physique entre le salarié et sa victime, sur le fait que les agissements de harcèlement sexuel constatés avaient eu lieu sur messagerie privée sans faire l'objet d'une communication publique, sur le fait que les messages à caractère sexuel du salarié n'aient pas été adressés au lieu et pendant le temps de travail et avec un ordinateur professionnel, sur l'absence de preuve de la volonté des époux [K] - qui étaient des clients réguliers - d'acquérir un nouveau bateau et l'absence de devis d'achat et enfin sur l'absence de démonstration, par l'employeur, de l'atteinte à son image ; qu'en statuant par de tels motifs, cependant que caractérise un manquement du salarié à ses obligations contractuelles et / ou engendre à tout le moins un trouble objectif au sein de l'entreprise se rattachant ainsi à la vie de l'entreprise et à la sphère professionnelle le fait pour un salarié de harceler sexuellement une cliente sur les réseaux sociaux, peu important qu'il ne soit pas démontré qu'il l'ait rencontrée physiquement, que les messages sexuels et sexistes n'aient pas été envoyés au lieu et temps de travail avec le matériel de l'entreprise, que ces messages n'aient pas été publics ou encore que ne soit pas démontrée la preuve d'une volonté ferme de nouvel achat de bateau par la cliente victime, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 9 du code civil et des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail, ensemble les articles L. 1232-1 et L. 1235-3 du code du travail ;
3°/ que le bien-fondé d'un licenciement pour faute n'est pas subordonné à la preuve d'un préjudice subi par l'employeur ; qu'en se fondant, pour écarter la faute grave sur l'absence de preuve d'une atteinte à l'image de la société SPBI et de préjudice financier engendré par la perte d'une vente ferme de bateau, cependant que le fait pour un directeur de ventes de voiliers de harceler sexuellement une cliente, au demeurant régulière de l'entreprise, constitue en soi une faute grave rendant impossible la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel qui s'est encore fondée sur un motif impropre pour écarter ladite faute grave, a violé les articles 9 du code civil et les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail, ensemble les articles L. 1232-1 et L. 1235-3 du code du travail. »
Réponse de la Cour
7. D'abord, l'arrêt relève que le salarié a commis les faits de harcèlement sexuel qui lui sont reprochés, via Instagram, à partir de sa messagerie privée vers celle de la victime, en dehors de ses heures de travail et à l'aide d'un matériel informatique qui lui appartenait à titre personnel puis il retient, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve, que l'employeur ne rapporte pas la preuve que le salarié avait rencontré la victime de ses agissements dans un cadre professionnel de sorte qu'il n'est pas établi que ces faits ont été commis dans la sphère professionnelle et non dans la sphère privée.
8. Ensuite, l'arrêt retient, d'une part, que ces échanges n'ayant fait l'objet d'aucune publication la société SPBI n'a souffert d'aucune altération de son image et de sa notoriété, et, d'autre part, que l'employeur n'établit pas la réalité des discussions ouvertes avec la cliente pour l'achat d'un bateau, de sorte que l'employeur ne rapporte pas la preuve que les faits qu'il reproche au salarié sont à l'origine d'une atteinte à son image ou d'un préjudice financier.
9. Ayant ainsi constaté, d'une part, que ces faits avaient déjà été invoqués par la filiale étrangère auprès de laquelle le salarié avait été mis à disposition pour fonder son licenciement et, d'autre part, l'absence de préjudice propre et distinct à la société mère, la cour d'appel en a exactement déduit que ces mêmes faits ne pouvaient pas justifier le licenciement pour faute par la société SPBI.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.




Civ.1 25 septembre 2024 n° 23-13.156

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
IJ


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 25 septembre 2024



Rejet

Mme CHAMPALAUNE, président


Arrêt n° 495 F-D
Pourvoi n° A 23-13.156
Aide juridictionnelle totale en demande au profit de M. [N]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 19 janvier 2023.





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 25 SEPTEMBRE 2024
M. [B] [N], domicilié chez M. [R] [U], [Adresse 3], a formé le pourvoi n° A 23-13.156 contre la décision rendue le 30 juin 2022 (pôle 1, chambre 1) par le premier président de la cour d'appel de Paris, dans le litige l'opposant :
1°/ au préfet des Hauts-de-Seine, domicilié [Adresse 1],
2°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié en son parquet général, [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de M. [N], et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 juin 2024 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 30 juin 2022) et les pièces de la procédure, le 28 mai 2022, M. [N], de nationalité congolaise, en situation irrégulière sur le territoire national, a été placé en rétention administrative, en exécution d'une obligation de quitter le territoire français. Par ordonnance du 30 mai 2022, le juge des libertés et de la détention a prolongé la rétention pour vingt-huit jours. Le 1er juin 2022, l'appel formé par M. [N] a été déclaré irrecevable.
2. Le 27 juin 2022, le préfet des Hauts-de-Seine a demandé une deuxième prolongation sur le fondement de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA).
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. M. [N] fait grief à l'ordonnance de déclarer la requête du préfet recevable et la procédure régulière et d'accueillir la demande de deuxième prolongation, alors « que le juge des libertés et de la détention s'assure, lors de l'examen de chaque demande de prolongation d'une mesure de rétention d'un étranger, que, depuis sa précédente présentation, celui-ci a été placé en mesure de faire valoir ses droits, notamment d'après les mentions du registre de rétention ; que, d'autre part, toute requête formée par l'autorité administrative tendant à la prolongation de la rétention administrative d'un étranger doit, à peine d'irrecevabilité et sans que celui qui invoque cette irrecevabilité ait à justifier d'un grief, être accompagnée d'une copie actualisée du registre de rétention permettant un contrôle de l'effectivité de l'exercice des droits reconnus à l'étranger au cours de la mesure de rétention administrative ; qu'il en résulte qu'est irrecevable la requête formée par l'autorité administrative tendant à la prolongation de la rétention administrative d'un étranger, qui est accompagnée d'une copie du registre de rétention ne comportant aucune mention relative à l'existence, à la date et à l'heure de la notification à l'étranger de l'ordonnance par laquelle la juridiction du premier président de la cour d'appel a statué sur le recours exercé par l'étranger à l'encontre de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention ordonnant une précédente prolongation de sa rétention administrative ; qu'en retenant le contraire, pour déclarer la requête du préfet des Hauts-de-Seine en date du 27 juin 2022 tendant à la deuxième prolongation de la rétention administrative de M. [B] [N] pendant une durée de 30 jours supplémentaires à compter du 27 juin 2022 recevable et la procédure régulière et ordonner une deuxième prolongation de la rétention administrative de M. [B] [N] au centre de rétention administrative n° 2 du [4] ou dans tout autre centre ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire pendant une durée de 30 jours à compter du 27 juin 2022, la juridiction du premier président de la cour d'appel de Paris a violé les dispositions des articles L. 742-4, L. 743-9, L. 744-2, R. 742-1, R. 743-2 et R. 743-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. »
Réponse de la Cour
4. Aux termes de l'article L. 744-2 du CESEDA, il est tenu, dans tous les lieux de rétention, un registre mentionnant l'état civil des personnes retenues, ainsi que les conditions de leur placement ou de leur maintien en rétention. Le registre mentionne également l'état civil des enfants mineurs accompagnant ces personnes ainsi que les conditions de leur accueil. L'autorité administrative tient à la disposition des personnes qui en font la demande les éléments d'information concernant les date et heure du début du placement de chaque étranger en rétention, le lieu exact de celle-ci ainsi que les date et heure des décisions de prolongation.
5. L'annexe de l'arrêté du 6 mars 2018 portant autorisation du registre de rétention prévoit que celui-ci doit, s'agissant du contentieux judiciaire, comporter les mentions suivantes : présentation devant le juge des libertés et de la détention et saisine de ce juge par le retenu, date de présentation, décision, appel, date d'audience de la cour d'appel, résultat, motif d'annulation.
6. Selon l'article R. 743-2, alinéa 2, du CESEDA, toute requête en prolongation de la rétention administrative d'un étranger doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée d'une copie de ce registre.
7. C'est à bon droit qu'après avoir énoncé, par motifs propres et adoptés, qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose la mention, sur le registre du centre de rétention administrative, des heures de notification des différentes décisions judiciaires emportant prolongation de la mesure de rétention, le premier président a écarté l'existence d'une irrégularité de la procédure tenant à l'absence de mention, sur la copie du registre accompagnant la requête, de l'heure de notification de la décision du premier président qui avait statué sur appel de la décision du juge des libertés et de la détention ayant autorisé une première prolongation de la mesure.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.




Civ.1 25 septembre 2024 n° 23-12.540

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CF


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 25 septembre 2024



Cassation partielle

Mme CHAMPALAUNE, président


Arrêt n° 485 F-D
Pourvoi n° F 23-12.540






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 25 SEPTEMBRE 2024
1°/ M. [Z] [F], domicilié [Adresse 2],
2°/ la société Chirurgie orthopédique du pays royannais (COPR), société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° F 23-12.540 contre l'arrêt rendu le 8 novembre 2022 par la cour d'appel de Poitiers (1re chambre civile), dans le litige les opposant à la Société d'exploitation de maisons de santé (SEMS), société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Kerner-Menay, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [F] et de la société Chirurgie orthopédique du pays royannais, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 25 juin 2024 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Kerner-Menay, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 8 novembre 2022), le 15 novembre 2003 a été constituée la société d'exercice libéral Chirurgie orthopédique du pays royannais (la société COPR) ayant pour objet l'exercice libéral de la profession de médecin au sein de la polyclinique [3], dirigée par la Société d'exploitation des maisons de santé (la société SEMS). Le 30 octobre 2015, avec effet au 18 novembre 2015, à la suite de différentes cessions de parts sociales, M. [F], chirurgien orthopédiste, est devenu associé de la société COPR. Le même jour, il a conclu avec la société SEMS un contrat d'exercice professionnel individuel à durée indéterminée prévoyant une faculté de résiliation sous réserve du respect d'un préavis de six mois.
2. Le 29 janvier 2020, la société SEMS a notifié à M. [F] la résiliation de son contrat d'exercice professionnel individuel en lui accordant le préavis contractuel.
3. Le 23 septembre 2020, soutenant que cette résiliation ne lui était pas opposable dès lors qu'il exerçait la médecine au sein de la polyclinique [3], en vertu d'un contrat d'exercice verbal existant entre la société SEMS et la société COPR dont il était associé et à laquelle la résiliation et un préavis de deux ans, selon les usages en vigueur, devaient être notifiés, M. [F] et la société COPR ont, après l'échec d'une médiation, assigné la société SEMS en indemnisation pour non-respect du préavis de deux ans et en réparation d'un préjudice moral.
Examen du moyen
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. M. [F] et la société COPR font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes tendant à voir dire qu'il existait un contrat d'exercice professionnel liant la société SEMS et la société COPR par substitution de plein droit au contrat d'exercice professionnel individuel de M. [F], d'avoir dit, régulière et valable la résiliation de ce contrat d'exercice individuel notifiée à M. [F], que cette résiliation avait produit ses effets, que le contrat était résilié et que cette résiliation n'avait pas revêtu de caractère fautif, alors « 1°/ qu'un associé ne peut exercer la profession de médecin qu'au sein d'une seule société d'exercice libéral de médecins sans pourvoir cumuler cette forme d'exercice avec l'exercice à titre individuel ou au sein d'une société civile professionnelle ; qu'en donnant effet à la convention d'exercice professionnel individuel conclue, le 18 novembre 2015, entre la SEMS et M. [F], associé dans la SELARL COPR, tout en relevant que cette Selarl avait, non seulement sa propre personnalité juridique, mais aussi sa propre patientèle, la cour d'appel a méconnu l'interdiction du cumul d'exercice de la médecine au sein d'une société d'exercice libéral avec un exercice individuel, en violation de l'article R. 4113-3 du code de la santé publique ».
Réponse de la Cour
Vu l'article R. 4113-3, alinéa 1er, du code de la santé publique :
5. Selon ce texte, un associé ne peut exercer la profession de médecin qu'au sein d'une seule société d'exercice libéral de médecins et ne peut cumuler cette forme d'exercice avec l'exercice à titre individuel ou au sein d'une société civile professionnelle, excepté dans le cas où l'exercice de sa profession est lié à des techniques médicales nécessitant un regroupement ou un travail en équipe ou à l'acquisition d'équipements ou de matériels soumis à autorisation en vertu de l'article L. 6122-1 du code de la santé publique ou qui justifient des utilisations multiples.
6. Pour rejeter les demandes de M. [F] et de la société COPR et donner effet au contrat d'exercice professionnel individuel conclu le 18 novembre 2015 entre la société SEMS et M. [F], l'arrêt retient que la référence à l'article R. 4113-3 du code de la santé publique prohibant le cumul d'une activité individuelle avec l'exercice de cette même activité au sein d'une structure n'est pas de nature à justifier que les parties aient formalisé un contrat qui y aurait contrevenu, plutôt qu'un contrat avec la société COPR qui y aurait satisfait, et que, si la société SEMS avait émis des factures à destination de la société COPR, cela ne contredisait pas un exercice professionnel fait à titre individuel par le médecin, une société d'exercice libéral ayant sa personnalité juridique propre et sa propre patientèle.
7. En statuant ainsi, sans tirer les conséquences légales de ses constatations sur l'objet social de la société COPR que M. [F] avait rejoint, sa personnalité morale et sa patientèle, faisant obstacle à la conclusion d'un contrat d'exercice individuel avec celui-ci, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation
7. Tel que suggéré par les demandeurs au pourvoi, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt qui rejette les demandes de M. [F] et de la société COPR tendant à voir dire qu'il existait un contrat d'exercice professionnel liant la société SEMS et la société COPR par substitution de plein droit au contrat d'exercice professionnel individuel de M. [F], d'avoir dit régulière et valable la résiliation de ce contrat d'exercice individuel notifiée à M. [F], que cette résiliation avait produit ses effets, que le contrat était résilié et que cette résiliation n'avait pas revêtu de caractère fautif entraîne la cassation des chefs de dispositif rejetant les demandes indemnitaires formées par M. [F] et par la société COPR.




Civ.1 25 septembre 2024 n° 23-13.574

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CF


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 25 septembre 2024



Rejet

Mme CHAMPALAUNE, président


Arrêt n° 482 F-D
Pourvoi n° E 23-13.574



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 25 SEPTEMBRE 2024
L'établissement public administratif sous la tutelle du ministère de la transition écologie et de la cohésion des territoires Météo-France, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 23-13.574 contre l'arrêt rendu le 20 janvier 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 11), dans le litige l'opposant à la société Meteoconsult, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Jessel, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de l'établissement public administratif sous la tutelle du ministère de la transition écologie et de la cohésion des territoires Météo-France, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Meteoconsult, après débats en l'audience publique du 25 juin 2024 où étaient présents Mme Champalaune, président, M. Jessel, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1.Selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 janvier 2023), Météo-France, établissement public administratif créé par le décret n° 93-861 du 18 juin 1993, a fourni à la société Meteoconsult (la société), qui diffuse, dans divers médias, des prévisions, études et informations météorologiques à destination des entreprises et du public, des prestations ou données d'imagerie et d'observation en exécution de conventions conclues successivement depuis 1994. La dernière, conclue en 2016 pour une durée de deux ans, a été renouvelée tacitement à son terme jusqu'au 31 décembre 2018.
2. La société a assigné Météo-France en responsabilité et indemnisation, soutenant que cet établissement était à l'origine d'une rupture brutale de leur relation commerciale en lui ayant imposé à l'échéance de cette convention une augmentation tarifaire majeure et une diminution des prestations assurées.
3. Par jugement du 28 février 2022, le tribunal de commerce s'est déclaré incompétent et la société a interjeté appel.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Météo-France fait grief à l'arrêt de déclarer le tribunal de commerce compétent pour connaître du litige et de renvoyer les parties au fond devant cette juridiction, alors :
« 1°/ que la juridiction administrative est seule compétente pour connaître des actions en responsabilité dirigées contre les personnes publiques à raison de l'exercice de leurs activités de service public administratif ; que, pour admettre la compétence de la juridiction judiciaire pour connaître de l'action en responsabilité de la société Meteoconsult dirigée contre l'établissement public Météo-France, la cour d'appel s'est fondée sur plusieurs motifs tirés, en premier lieu, du caractère prétendument "commercial" des activités exercées par Météo-France au profit de la société Meteoconsult dans le cadre de la convention du 14 janvier 2016, en deuxième lieu, de l'existence de différences entre les prestations accomplies dans le cadre de cette convention et celles désormais susceptibles de donner lieu au paiement d'une redevance sur le fondement de l'article D. 324-5-1 du code des relations entre le public et l'administratif, en troisième lieu, de la signature après l'entrée en vigueur de dispositions législatives en 2015 et 2016 de nouvelles conventions et la poursuite d'une

activité commerciale, en quatrième lieu, de la nature de la convention ayant lié la société Meteoconsult à Météo-France jusqu'en 2018 ; qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à exclure que l'action de la société Meteoconsult ne tende à mettre en cause la responsabilité de l'établissement public à caractère administratif Météo-France à raison de l'exercice de son activité de service public administratif, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs en violation de la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, ensemble des articles 1er et 2 du décret n° 93-861 du 18 juin 1993 ;
2°/ que la juridiction administrative est seule compétente pour connaître des actions en responsabilité dirigées contre les personnes publiques à raison de l'exercice de leurs activités de service public administratif ; que la nature administrative ou industrielle et commerciale d'un service public s'apprécie au regard de son objet, de l'origine de ses ressources et de ses modalités de fonctionnement ; qu'en retenant la compétence de la juridiction judiciaire pour connaître de l'action en responsabilité de la société Meteoconsult dirigée contre Météo-France sans se prononcer sur la nature de l'activité exercée par cet établissement public au regard des critères précités, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs en violation de la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, ensemble des articles 1er et 2 du décret n° 93-861 du 18 juin 1993 ;
3°/ que tout jugement doit être motivé ; qu'en se bornant à énoncer que, compte tenu de la nature de la convention liant les parties jusqu'en 2018, le tribunal de commerce est [?] compétent pour connaître de l'action pour rupture brutale de la relation commerciale établie entre Météo-France et Meteoconsult, sans préciser la nature juridique, privée ou administrative, de cette convention, la cour d'appel, qui s'est déterminée par une motivation imprécise, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que les litiges relatifs à la mise en oeuvre de l'obligation de service public faite aux personnes publiques de mettre à la disposition des usagers des données publiques dans les conditions prévues par le code des relations entre le public et l'administration relèvent de la compétence exclusive de la juridiction administrative ; que sous couvert d'une action pour rupture brutale d'une relation commerciale établie, la demande de la société Meteoconsult ne tend qu'à remettre en cause l'exécution par Météo-France de cette obligation de service public ; qu'en admettant pourtant la compétence de la juridiction judiciaire pour statuer sur un tel litige, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs en violation de la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, des articles 1er et 2 du décret n° 93-861 du 18 juin 1993, ensemble des articles L. 324-1, L. 324-3, L. 324-4, L. 324-5 et D. 324-5-1 du code des relations entre le public et l'administration. »

Réponse de la Cour
5. Après avoir analysé les activités exercées par Météo-France et énoncé qu'elle avait, outre des missions de service public administratif définies à l'article 2 du décret du 18 juin 1993 précité, des activités commerciales consistant à fournir des prestations météorologiques à des tiers, la cour d'appel, examinant l'objet de la convention conclue avec la société, a retenu que cette convention relevait de ces activités et n'associait pas cette société à l'exécution du service public administratif, que le prix forfaitaire prévu avait été librement convenu entre les parties conformément à l'article 16 du décret du 18 juin 1993 et n'a pas constaté que la convention comportait de clause exorbitante du droit commun.
6. Ayant ainsi fait ressortir par des motifs suffisants que la nature de cette convention était celle d'un contrat de droit privé dont les termes n'étaient pas affectés par les lois n° 2015-1779 du 28 décembre 2015 relative à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public et n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique, complétées par le décret n° 2016-1617 du 29 novembre 2016 relatif aux catégories d'informations publiques de l'Etat et de ses établissements publics administratifs susceptibles d'être soumises au paiement d'une redevance de réutilisation, elle en a exactement déduit, sans excéder ses pouvoirs et sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, que l'action relative à la rupture brutale de la convention relevait de la compétence de la juridiction judiciaire.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.




Civ.1 25 septembre 2024 n° 23-11.482

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
IJ


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 25 septembre 2024



Rejet

Mme CHAMPALAUNE, président


Arrêt n° 490 F-D
Pourvoi n° F 23-11.482



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 25 SEPTEMBRE 2024
La société Toyota France, société par actions simplifiée (SAS), dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° F 23-11.482 contre l'arrêt rendu le 22 novembre 2022 par la cour d'appel de Montpellier (5e chambre civile), dans le litige l'opposant à Mme [Y] [G], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme de Cabarrus, conseiller référendaire, les observations de la SARL Corlay, avocat de la société Toyota France, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de Mme [G], et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 juin 2024 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme de Cabarrus, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 22 novembre 2022), le 15 septembre 2014, Mme [G] a acquis un véhicule dont certaines pièces, fournies par la société Toyota France, avaient été changées en 2011 à la suite d'une panne.
2. Le 18 décembre 2017, après avoir obtenu une expertise judiciaire en raison de dysfonctionnements, Mme [G] a assigné la société Toyota France en paiement de dommages et intérêts sur le fondement de la garantie des vices cachés.
3. La société Toyota France lui a opposé la prescription.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. La société Toyota fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action de Mme [G] et de la condamner à payer à celle-ci diverses sommes, alors « que l'action directe de l'acquéreur en garantie des vices cachés doit être intentée contre le fabricant dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice, enfermée dans le délai de la prescription quinquennale qui court à compter de la date de la vente initiale ; qu'en l'espèce, il est établi que les pièces détachées mises en cause par l'expert judiciaire dans la panne du véhicule ont été fournies par la société Toyota France, conformément à la facture du garage Degenève, le 10 février 2011 ; que le délai de prescription expirait le 10 février 2016 ; que Mme [G], acheteur final, n'ayant assigné en paiement la société Toyota France que par un acte du 13 décembre 2017, son action était irrecevable comme prescrite ; qu'en faisant courir le délai de prescription de cinq ans à compter de la date du dépôt du rapport d'expertise judiciaire, "date de révélation du dommage à la victime", et non à compter de la vente, la cour d'appel a violé ensemble l'article 1648 du code civil et l'article L. 110-4 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
5. Il résulte des articles 1648, alinéa 1er , et 2232 du code civil que l'action en garantie des vices cachés doit être exercée dans les deux ans à compter de la découverte du vice, sans pouvoir dépasser le délai-butoir de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit, lequel est, en matière de garantie des vices cachés, le jour de la vente conclue par la partie recherchée en garantie.
6. L'arrêt constate que la panne du véhicule est liée à la défaillance des pièces fournies en 2011 par la société Toyota France et que Mme [G] a eu connaissance du vice le 18 novembre 2016 à la date de dépôt du rapport d'expertise.
7. Il en résulte que l'action intentée le 18 décembre 2017 par Mme [G] contre la société Toyota France, moins de deux ans après la découverte du vice et moins de vingt ans après la vente des pièces détachées, est recevable.
8. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié.




Civ.1 25 septembre 2024 n° 22-11.559

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
IJ


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 25 septembre 2024



Cassation sans renvoi

Mme CHAMPALAUNE, président


Arrêt n° 492 F-D
Pourvoi n° U 22-11.559



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 25 SEPTEMBRE 2024
M. [D] [U] [Z], dit [N] [K], domicilié chez [F] [I], [Adresse 3], a formé le pourvoi n° U 22-11.559 contre l'ordonnance rendue le 23 juillet 2021 par le premier président de la cour d'appel de Paris, dans le litige l'opposant :
1°/ au préfet du Val-de-Marne, domicilié [Adresse 1], représentant l'Etat,
2°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié en son parquet général, [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dumas, conseiller référendaire, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. [Z], après débats en l'audience publique du 25 juin 2024 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Dumas, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 23 juillet 2021), le 10 mars 2021, M. [Z], de nationalité algérienne, en situation irrégulière sur le territoire national, a été placé en rétention administrative, en exécution d'une obligation de quitter le territoire français. La mesure a été prolongée à trois reprises par un juge des libertés et de la détention.
2. Le 21 juillet 2021, le juge des libertés et de la détention a été saisi par le préfet du Val-de-Marne sur le fondement de l'article L. 742-4, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), d'une requête en quatrième prolongation de la mesure de rétention.
3. Par une ordonnance du 22 juillet 2021, le juge des libertés et de la détention a prolongé la rétention administrative. M. [Z] a relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. M. [Z] fait grief à l'ordonnance de déclarer son appel irrecevable, alors « que le premier président de la cour d'appel ne peut rejeter par ordonnance, sans avoir préalablement convoqué les parties, que les requêtes d'appel manifestement irrecevables ; que par ailleurs, une déclaration d'appel non motivée est une déclaration de laquelle est absente toute motivation de fait ou de droit, sans que le bien ou le mal fondé des moyens n'ait d'incidence sur cette qualification ; qu'en se fondant sur des motifs tirés du mal fondé des moyens pour considérer la requête d'appel non motivée, et statuer par une procédure sans audience, le premier président a violé les articles R.743-11 et L.743-23 du CESEDA. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 743-23, R. 743-11 et R. 743-14 du CESEDA :
5. Selon le deuxième de ces textes, à peine d'irrecevabilité, la déclaration d'appel est motivée.
6. Selon le premier, le premier président de la cour d'appel ou son délégué peut, par ordonnance motivée et sans avoir préalablement convoqué les parties, rejeter les déclarations d'appel manifestement irrecevables.
7. Selon le troisième, sont manifestement irrecevables au sens du premier les déclarations d'appel non motivées.
8. Il s'en déduit que le premier président ou son délégué ne peut constater une telle irrecevabilité que si la déclaration d'appel est dépourvue de toute motivation, peu important sa pertinence.
9. Pour déclarer irrecevable l'appel formé par M. [Z], l'ordonnance retient que les moyens soulevés par son avocat dans sa déclaration d'appel sont irrecevables.
10. En statuant ainsi, le premier président a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
11. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
12. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond, dès lors que les délais légaux pour statuer sur la mesure étant expirés, il ne reste plus rien à juger.




Crim. 25 septembre 2024 n° 24-84.109

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° U 24-84.109 F-D
N° 01282

MAS2 25 SEPTEMBRE 2024

REJET

M. BONNAL président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 25 SEPTEMBRE 2024



M. [G] [O] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 2 juillet 2024, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de vol en bande organisée, vol avec arme aggravé et association de malfaiteurs, en récidive, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant sa détention provisoire.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Diop-Simon, conseiller référendaire, les observations de Me Laurent Goldman, avocat de M. [G] [O], et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 septembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Diop-Simon, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. [G] [O], mis en examen des chefs susvisés, a été placé en détention provisoire le 27 juin 2023.
3. Avisé le mardi 11 juin 2024, par convocation du vendredi 7 juin 2024, d'un débat contradictoire du lundi 17 juin 2024 sur l'éventuelle prolongation de sa détention provisoire devant le juge des libertés et de la détention, l'intéressé, qui n'avait pas fait le choix d'un avocat, a sollicité le report du débat.
4. Par ordonnance du 17 juin 2024, le juge des libertés et de la détention a rejeté cette demande et a ordonné la prolongation de sa détention provisoire.
5. M. [O] a relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé la prolongation de sa détention provisoire, alors :
« 1°/ que la personne mise en examen qui assure seule sa défense peut se prévaloir de l'insuffisance d'un délai de préparation de celle-ci qui serait inférieur à cinq jours ouvrables ; qu'en retenant, pour écarter la nullité du débat contradictoire, tirée de l'insuffisance du délai dont avait disposé M. [O] pour préparer sa défense, qu'il assurait seul, qu'il avait disposé d'un délai de quatre jours ouvrables, quand, avisé le mardi 11 juin 2024 de la tenue d'un débat le lundi 17 juin suivant, il n'avait bénéficié que de trois jours ouvrables, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 6 § 3 b) de la Convention européenne des droits de l'homme et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que, en tout état de cause, en se contentant de relever que le délai dont avait disposé M. [O] « semble » suffisant sans s'expliquer davantage sur l'absence de grief pour le mis en examen, qui avait fait part au juge des libertés et de la détention de son souhait de consulter son dossier, de contacter un avocat et de préparer un projet de sortie, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 6 § 3 b) de la Convention européenne des droits de l'homme et 593 du code de procédure pénale ;

3°/ qu'en se retranchant derrière la circonstance que le retard de notification de la convocation, émise par le juge des libertés et de la détention le 7 juin, n'était pas imputable à ce dernier, ce qui ne pouvait cependant priver M. [O] d'un délai suffisant pour préparer sa défense, la chambre de l'instruction a méconnu l'article 6 § 3 b) de la Convention européenne des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
7. Pour rejeter la demande de nullité du débat contradictoire préalable à la prolongation de la détention provisoire du demandeur, l'arrêt attaqué relève que le juge des libertés et de la détention a fait le nécessaire pour convoquer la personne mise en examen dès le 7 juin 2024, soit dix jours avant la tenue du débat, et que si cette convocation n'a été remise à l'intéressé que le 11 juin, ce retard n'est pas imputable au juge des libertés et de la détention et ne pouvait obliger celui-ci à faire droit à la demande de renvoi, compte tenu des contraintes de son emploi du temps.
8. Les juges ajoutent que M. [O] a disposé, pour préparer sa défense en vue du débat contradictoire, d'un délai de six jours dont quatre jours ouvrables, ce qui semble suffisant.
9. En l'état de ces motifs, et dès lors que le demandeur ne précise pas en quoi le délai dont il a disposé entre la date à laquelle il a été informé de la tenue du débat et le jour où celui-ci s'est tenu a été insuffisant pour lui permettre d'accomplir des démarches et de réunir des éléments utiles à sa défense, la cassation n'est pas encourue, faute de démonstration de l'existence d'un grief résultant de la tardiveté de la connaissance de la date du débat.
10. Le moyen ne peut, dès lors, être accueilli.
11. L'arrêt est par ailleurs régulier, tant en la forme qu'en application des articles 137-3 et 143-1 et suivants du code de procédure pénale.




Soc. 25 septembre 2024 n° 24-40.023

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
COUR DE CASSATION


FP6

______________________
QUESTION PRIORITAIRE de CONSTITUTIONNALITÉ ______________________




Audience publique du 25 septembre 2024



IRRECEVABILITÉ

M. SOMMER, président


Arrêt n° 1052 FS-D
Affaires n° S 24-40.016 à Z 24-40.023 JONCTION


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 SEPTEMBRE 2024

Le conseil de prud'hommes de Tulle a transmis à la Cour de cassation, suite à neuf ordonnances rendues en formation de référé le 26 juin 2024, neuf questions prioritaires de constitutionnalité identiques, reçues le 1er juillet 2024, dans les instances mettant en cause :
D'une part,
la Société Atalian sécurité, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5],
D'autre part,
1°/ M. [M] [J], domicilié [Adresse 9],
2°/ Mme [B] [P] [A], domiciliée [Adresse 1],
3°/ M. [G] [O], domicilié [Adresse 7],
4°/ M. [U] [T], domicilié [Adresse 6],
5°/ M. [C] [X] [Z], domicilié [Adresse 4],
6°/ M. [K] [H], domicilié [Adresse 3],
7°/ M. [R] [L], domicilié [Adresse 8],
8°/ M. [Y] [S], domicilié [Adresse 2],
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de M. Flores, conseiller, et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 18 septembre 2024 où étaient présents M. Sommer, président, M. Flores, conseiller rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mmes Cavrois, Deltort, Le Quellec, conseillers, Mmes Thomas-Davost, Laplume, Rodrigues, conseillers référendaires, M. Halem, avocat général référendaire, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les questions prioritaires de constitutionnalité enregistrées sous les numéros S 24-40.016, T 24-40.017, U 24-40.018, V 24-40.019, W 24-40.020, X 24-40.021, Y 24-40.022 et Z 24-40.023 sont jointes.
Faits et procédure
2. La société Atalian sécurité est soumise à un accord d'entreprise du 15 octobre 2014, qui organise l'annualisation du temps de travail sur l'année et fixe à 1 607 heures le seuil de déclenchement des heures supplémentaires pour un salarié à temps plein ayant acquis ou pris trente jours ouvrables de congés payés.
3. M. [J] et sept autres salariés de l'entreprise Atalian sécurité ont saisi la juridiction prud'homale, statuant en référé, d'une demande en paiement de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires.
Enoncé des questions prioritaires de constitutionnalité
4. Par ordonnances du 26 juin 2024, la formation de référé du conseil de prud'hommes de Tulle a transmis des questions prioritaires de constitutionnalité identiques ainsi rédigées :
« L'article L. 3122-4 du code du travail tel que modifié par la loi n° 2008-789 2008, porte-t-il atteinte au principe constitutionnel d'égalité des citoyens devant la loi, au principe de sécurité juridique, à la liberté contractuelle et à la liberté d'entreprendre contenus dans les articles 4, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, aux principes fondamentaux reconnus par les lois de la République et au préambule de la constitution du 4 octobre 1958 ? »
Examen des questions prioritaires de constitutionnalité
5. Aux termes de l'article 23-1, alinéa 2, de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, devant une juridiction relevant de la Cour de cassation, lorsque le ministère public n'est pas partie à l'instance, l'affaire lui est communiquée dès que le moyen est soulevé afin qu'il puisse faire connaître son avis.
6. Il ne résulte ni de l'ordonnance ni des pièces de procédure que la formation de référé du conseil de prud'hommes ait communiqué les affaires au ministère public avant de statuer sur la transmission des questions prioritaires de constitutionnalité.
7. Les questions sont donc irrecevables.




Crim. 25 septembre 2024 n° 23-87.007

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° Y 23-87.007 F-D
N° 01058

MAS2 25 SEPTEMBRE 2024

CASSATION PARTIELLE

M. BONNAL président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 25 SEPTEMBRE 2024


M. [V] [B] [Z] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux, chambre correctionnelle, en date du 9 mai 2023, qui, pour délit de fuite, conduite après usage de stupéfiants et sous l'empire d'un état alcoolique, usage illicite de stupéfiants, l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis probatoire, six mois de suspension du permis de conduire et une confiscation.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Diop-Simon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de M. [V] [B] [Z], et les conclusions de M. Lemoine, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 juin 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Diop-Simon, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [V] [B] [Z] a été poursuivi des chefs susvisés devant le tribunal correctionnel qui l'en a déclaré coupable et l'a condamné à trois mois d'emprisonnement avec sursis probatoire, six mois de suspension du permis de conduire et l'obligation d'accomplir un stage de sensibilisation à la sécurité routière.
3. Le prévenu a relevé appel de cette décision et le ministère public a formé appel incident.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [Z] coupable du délit de fuite après un accident par conducteur de véhicule terrestre et l'a condamné à ce titre, alors :
« 1°/ que le délit de fuite suppose la conscience d'avoir causé ou occasionné un accident ; qu'en se bornant à retenir, pour déclarer M. [Z] coupable d'un tel délit, que celui-ci a été retrouvé chez lui dans un état important d'imprégnation alcoolique et de stupéfiants une heure seulement après l'accident et que nonobstant ses dénégations constantes, sa culpabilité doit être retenue, sans nullement s'expliquer sur la conscience que M. [Z] aurait eu d'avoir embouti un véhicule en stationnement avec sa voiture, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 434-10 du code pénal, ensemble l'article 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que le délit de fuite suppose la volonté du prévenu de se soustraire à la responsabilité civile ou pénale qu'il pouvait encourir à la suite de l'accident ; qu'en se bornant à retenir, pour déclarer M. [Z] coupable d'un tel délit, que celui-ci a été retrouvé chez lui dans un état important d'imprégnation alcoolique et de stupéfiants une heure seulement après l'accident et que nonobstant ses dénégations constantes, sa culpabilité doit être retenue, sans nullement s'expliquer sur la volonté de M. [Z] de se soustraire à la responsabilité qu'il était susceptible d'encourir pour avoir percuté un véhicule en stationnement, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 434-10 du code pénal, ensemble l'article 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 485 et 593 du code de procédure pénale :
5. Il résulte de ces textes que tout jugement de condamnation doit constater l'existence de chacun des éléments constitutifs de chacune des infractions dont il déclare le prévenu coupable.
6. Pour déclarer M. [Z] coupable, notamment, de délit de fuite, l'arrêt attaqué énonce qu'un témoin, ayant failli être percuté immédiatement avant l'accident par le véhicule mis en cause, a indiqué avoir vu le conducteur seul au volant, sans passager, et ayant l'air drogué ou alcoolisé.
7. Le juge relève que le prévenu a déclaré n'avoir aucun souvenir de la soirée des faits si ce n'est de s'être rendu au stade de [Localité 1] à bord de son véhicule.
8. Il ajoute que M. [Z] a été retrouvé chez lui, une heure seulement après l'accident, dans un état important d'imprégnation alcoolique et de stupéfiants, et que sa voiture, endommagée, était stationnée, devant son domicile.
9. En prononçant ainsi, sans constater que le prévenu avait conscience d'avoir causé un accident, ni caractériser sa volonté d'échapper à sa responsabilité, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.
10. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
11. La cassation portera sur la déclaration de culpabilité du chef de délit de fuite et sur les peines. Les autres dispositions seront donc maintenues.




Civ.1 25 septembre 2024 n° 22-11.560

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
IJ


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 25 septembre 2024



Cassation sans renvoi

Mme CHAMPALAUNE, président


Arrêt n° 493 F-D
Pourvoi n° V 22-11.560



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 25 SEPTEMBRE 2024
M. [T] [J] [V], domicilié chez M. [E] [O], [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 22-11.560 contre l'ordonnance rendue le 23 juillet 2021 par le premier président de la cour d'appel de Paris, dans le litige l'opposant :
1°/ au préfet de l'Essonne, domicilié [Adresse 2], représentant l'Etat,
2°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié en son [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dumas, conseiller référendaire, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. [J] [V], après débats en l'audience publique du 25 juin 2024 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Dumas, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 23 juillet 2021), le 10 mars 2021, M. [R], de nationalité égyptienne, en situation irrégulière sur le territoire national, a été placé en rétention administrative, en exécution d'une obligation de quitter le territoire français. La mesure a été prolongée à trois reprises par un juge des libertés et de la détention.
2. Le 21 juillet 2021, le juge des libertés et de la détention a été saisi par le Préfet de l'Essonne sur le fondement de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), d'une requête en quatrième prolongation de la mesure de rétention.
3. Par une ordonnance du 22 juillet 2021, le juge des libertés et de la détention a prolongé la rétention administrative. M. [R] a relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. M. [V] fait grief à l'ordonnance de déclarer son appel irrecevable, alors « que le premier président de la cour d'appel ne peut rejeter par ordonnance, sans avoir préalablement convoqué les parties, que les requêtes d'appel manifestement irrecevables ; que par ailleurs, une déclaration d'appel non motivée est une déclaration de laquelle est absente toute motivation de fait ou de droit, sans que le bien ou le mal fondé des moyens n'ait d'incidence sur cette qualification ; que le premier président a énoncé que l'appel était irrecevable comme dénué de motivation au visa de l'article R. 743-11 du CESEDA dès lors que concernant la contestation de la prolongation de la rétention pour une durée de 15 jours, l'intéressé se réfère à un courriel du 16 novembre 2020 mais allègue le fait que le défaut d'éloignement résulterait de l'absence de moyens de transport, et que de ce point de vue, la prolongation de la rétention résulte d'une obstruction continue de l'intéressé à la mesure d'éloignement en refusant de se soumettre à un test PCR, et que l'intéressé, égyptien, est dépourvu de tout document transfrontière qui serait remis préalablement à un service de police et les condition prévues à l'article L.552-4 du CESEDA ne sont pas remplies ; qu'en se fondant ainsi sur le mal fondé prétendu des moyens, pour considérer la requête d'appel non motivée, et statuer par une procédure sans audience, le premier président a violé les articles R.743-11 et L.743-23 du ceseda. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 743-23, R. 743-11 et R. 743-14 du CESEDA :
5. Selon le deuxième de ces textes, à peine d'irrecevabilité, la déclaration d'appel est motivée.
6. Aux termes du premier, le premier président de la cour d'appel ou son délégué peut, par ordonnance motivée et sans avoir préalablement convoqué les parties, rejeter les déclarations d'appel manifestement irrecevables.
7. Selon le troisième, sont manifestement irrecevables au sens du premier les déclarations d'appel non motivées.
8. Il s'en déduit que le premier président ou son délégué ne peut constater une telle irrecevabilité que si la déclaration d'appel est dépourvue de toute motivation, peu important sa pertinence.
9. Pour déclarer irrecevable l'appel formé par M. [V], l'ordonnance retient que les moyens soulevés par son avocat dans sa déclaration d'appel sont infondés.
10. En statuant ainsi, le premier président a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
11. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
12. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond, dès lors que les délais légaux pour statuer sur la mesure étant expirés, il ne reste plus rien à juger.




Com. 25 septembre 2024 n° 23-14.828 B

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
SH


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 25 septembre 2024



Cassation

M. VIGNEAU, président


Arrêt n° 512 FS-B

Pourvois n° D 23-13.067 T 23-14.828 JONCTION



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 25 SEPTEMBRE 2024
I - La société Groupe canal +, société anonyme à directoire et conseil de surveillance, dont le siège est [Adresse 2], anciennement [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 23-13.067 contre un arrêt n° RG 21/06512 rendu le 3 février 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 11), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société beIN Sports France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],
2°/ à la société Filiale LFP1, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4],
3°/ à la société Amazon Digital UK, société de droit anglais, dont le siège est [Adresse 5] (Royaume-Uni),
4°/ à l'association Ligue de football professionnel, dont le siège est [Adresse 4],
défenderesses à la cassation. II - la société beIN Sports France, société par actions simplifiée, a formé le pourvoi n° T 23-14.828 contre le même arrêt n° RG 21/06512 rendu, dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Groupe canal +, société anonyme à directoire et conseil de surveillance,
2°/ à la société Filiale LFP1, société par actions simplifiée,
3°/ à l'association Ligue de football professionnel,
4°/ à la société Amazon Digital UK, société de droit anglais,
défenderesses à la cassation.
La demanderesse au pourvoi n° D 23-13.067 invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation.
La demanderesse au pourvoi n° T 23-14.828 invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller, les observations de la SCP Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société beIN Sports France, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Groupe canal +, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Filiale LFP1 et de l'association Ligue de football professionnel, de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la société Amazon Digital UK, et l'avis de M. Douvreleur, avocat général, à la suite duquel le président a demandé aux avocats s'ils souhaitaient présenter des observations complémentaires ; après débats en l'audience publique du 25 juin 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, Mmes Michel-Amsellem, Sabotier, Tréfigny, conseillers, M. Le Masne de Chermont, Mmes Comte, Bellino, M. Regis, conseillers référendaires, M. Douvreleur, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 23-13.067 et 23-14.828 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 février 2023) et les productions, en 2018, agissant par délégation de la Fédération française de football, l'association Ligue française de football professionnel (la LFP), aux droits de laquelle est venue la société Filiale LFP1, a lancé un appel à candidatures pour l'acquisition des droits de diffusion télévisuelle des matchs de football de Ligue 1 pour les saisons 2020-2021 à 2023-2024, ces droits étant divisés en sept lots. A l'issue de cette procédure, les lots 1, 2, 4, 5 et 7 ont été attribués à la société Mediapro, le lot 3, à la société beIN Sports France (la société beIN Sports) pour un prix de 332 millions d'euros par saison, laquelle en a concédé l'exploitation à la société Groupe canal + (la société Canal +), et le lot 6, à la société Free.
3. Le contrat passé avec la société Mediapro ayant été résilié en 2020, à la suite de la défaillance de cette société dans le paiement du prix, la LFP a lancé, le 19 janvier 2021, un nouvel appel à candidatures aux fins de commercialisation des seuls lots 1, 2, 4, 5 et 7, restitués par la société Mediapro.
4. Le 29 janvier 2021, reprochant à la LFP de ne pas inclure le lot 3 dans cet appel à candidatures et, en conséquence, de ne pas résilier le contrat conclu pour ce lot à l'issue de l'appel à candidatures de 2018, la société Canal + a saisi l'Autorité de la concurrence (l'Autorité) de pratiques d'abus de position dominante mises en oeuvre par la LFP dans le secteur de la vente de droits de diffusion télévisuelle des compétitions sportives, consistant notamment en un traitement discriminatoire de l'attributaire du lot 3 par rapport aux autres candidats à l'appel à candidatures de 2021. Par sa décision n° 21-D-12 du 11 juin 2021 relative à des pratiques mises en oeuvre par la Ligue de Football Professionnel dans le secteur de la vente de droits de diffusion télévisuelle de compétitions sportives, l'Autorité a rejeté la saisine au motif qu'elle n'était pas étayée d'éléments suffisamment probants. Le recours introduit contre la décision de l'Autorité a été rejeté par la cour d'appel de Paris par un arrêt du 30 juin 2022, contre lequel la société Canal + a formé un pourvoi sous le numéro 22-19.527.
5. Le 11 juin 2021, la LFP, qui, avait, le 1er février 2021, déclaré l'appel à candidatures infructueux et ouvert une phase de négociation de gré à gré, a annoncé qu'elle avait retenu comme la mieux-disante l'offre présentée par la société Amazon Digital UK (la société Amazon), par préférence à celle faite en commun par les sociétés Canal + et beIN Sports, et lui a attribué la totalité des lots restitués par la société Mediapro.
6. Les 2 novembre et 24 décembre 2021, faisant valoir que la décision de la LFP d'attribuer 80 % des droits de Ligue 1 à la société Amazon pour 250 millions d'euros par saison, tout en contraignant les sociétés beIN Sports et Canal + à exploiter les droits restants dans les conditions de concurrence résultant de l'appel à candidatures de 2018, constituait une discrimination, les sociétés beIN Sports et Canal + ont saisi l'Autorité des pratiques ainsi mises en oeuvre par la LFP sur le marché de l'acquisition des droits de diffusion télévisuelle de Ligue 1. Par sa décision n° 22-D-22 du 30 novembre 2022 relative à des pratiques mises en oeuvre par la Ligue de Football Professionnel dans le secteur de la vente des droits de diffusion télévisuelle de compétitions sportives, l'Autorité a rejeté la saisine au motif qu'elle n'était pas étayée d'éléments suffisamment probants.
7. Parallèlement à ces procédures, la société Canal + a, le 26 janvier 2021, assigné la LFP, en présence de la société beIN Sports, aux fins de voir annuler l'appel à candidatures du 19 janvier 2021 ainsi que tout accord de gré à gré subséquent portant sur les saisons 2021-2022 à 2023-2024, voir enjoindre à la LFP d'organiser un nouvel appel à candidatures, comprenant le lot 3, et la voir condamner à réparer son préjudice moral.
Examen des moyens
Sur la recevabilité des moyens du pourvoi n° 23-13.067 et du premier moyen du pourvoi n° 23-14.828, en ce qu'ils portent sur l'absence de remise en concurrence du lot 3
8. La société Filiale LFP1, venant aux droits de la LFP, conteste la recevabilité des moyens du pourvoi n° 23-13.067 et du premier moyen du pourvoi n° 23-14.828 en tant qu'ils concernent l'absence de remise en concurrence du lot 3 lors de l'appel à candidatures de 2021. Après avoir énoncé que les moyens dirigés contre une décision ayant déclaré à tort une demande irrecevable sont eux-mêmes irrecevables pour défaut d'intérêt lorsqu'il résulte de la décision attaquée que, si cette demande avait été déclarée recevable, elle aurait en toute hypothèse été rejetée, elle soutient qu'il s'infère des motifs propres et adoptés de l'arrêt, et qu'il s'inférera de l'arrêt à intervenir sur le pourvoi n° 22-19.527, que si la cour d'appel n'avait pas déclaré irrecevables les demandes des sociétés Canal + et beIN Sports fondées sur l'absence de remise en concurrence du lot 3, elle les auraient rejetées.
9. Cependant, d'abord, ayant déclaré irrecevables les demandes des sociétés Canal + et beIN Sports, la cour d'appel n'a pas adopté les motifs par lesquels le jugement a rejeté ces demandes comme mal fondées, ensuite, les pourvois critiquent les motifs propres de l'arrêt, enfin, l'inopérance des moyens d'un pourvoi critiquant un arrêt ne saurait être appréciée en se référant à une décision rendue postérieurement dans une autre instance.
10. Les moyens sont donc recevables.
Sur le deuxième moyen, pris en sa quatrième branche, et le troisième moyen du pourvoi n° 23-14.828
11. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche, du pourvoi n° 23-13.067 et le premier moyen, pris en sa deuxième branche, du pourvoi n° 23-14.828
Enoncé du moyen
12. La société Canal + fait grief à l'arrêt de dire irrecevables ses demandes fondées sur le refus de la LFP de remettre en concurrence le lot 3 pour l'appel à candidatures de janvier 2021, alors « que l'autorité de chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ; que, par un arrêt rendu le 30 juin 2022, la cour d'appel de Paris a rejeté "le recours en annulation formé par la société [Canal +] contre la décision n° 21-D-12 du 11 juin 2021 de l'[Autorité] relative à des pratiques mises en oeuvre par la Ligue de Football Professionnel dans le secteur de la vente de droits de diffusion télévisuelle de compétitions sportives" ayant rejeté, faute d'éléments suffisants à l'appui de ses allégations, la saisine et la demande de mesures conservatoires de la société Canal + et, "en conséquence, dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande au fond tendant à juger que la LFP a commis un abus de position dominante" ; qu'en déclarant irrecevable la société Canal + en ses demandes tirées du refus de la LFP de remettre en concurrence le lot 3 pour l'appel à candidature aux motifs qu' "il n'est pas discutable que suivant les articles 1355 du code civil et 122 du code de procédure civile, l'autorité de la chose jugée est attachée aux arrêts rendus par la chambre [de la régulation économique] de la cour d'appel de Paris désignée comme organe juridictionnel pour connaître des recours contre les décisions de l'Autorité", que "la cour examinera les faits et moyens tirés de l'abus de position dominante reproché par les sociétés Canal + et beIN Sports à la LFP et à la société Amazon d'après l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 30 juin 2022, statuant sur le recours à l'encontre de la première déclaration décision de l'Autorité n° 21-D-12 du 11 juin 2021", que les moyens développés en fait par la société Canal + "ont déjà été soumis, dans leur substance à l'Autorité, puis, en cause de recours contre sa décision du 11 juin 2021, à la chambre [de la régulation économique] de la cour d'appel de Paris, qui, dans son arrêt du 30 juin 2022, les a écartés", et qu' "en conséquence, la demande de ce chef sera déclarée irrecevable par application de la chose jugée de l'arrêt du 30 juin 2022", quand les motifs d'un arrêt sont dépourvus de toute autorité de chose jugée et que, dans son dispositif, l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris, le 30 juin 2022, s'était borné à rejeter le recours en annulation de la décision de l'Autorité et dire, en conséquence, sans statuer sur la demande tendant à voir juger que la LFP avait commis un abus de position dominante, qu'il n'y avait pas lieu à statuer, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 1355 du code civil, ensemble les articles 122 et 480 du code de procédure civile. »
13. La société beIN Sports fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable en ses demandes tirées du refus de la LFP de remettre en concurrence le lot 3 pour l'appel à candidature de janvier 2021, alors « que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevables les demandes de la société beIN Sports tirées du refus de la LFP de remettre en concurrence le lot 3 pour l'appel à candidature de janvier 2021, que les moyens soulevés de ce chef avaient "déjà été soumis, dans leur substance, à l'Autorité, puis en cause de recours contre sa décision du 11 juin 2021, à la chambre [de la régulation économique] de la cour d'appel de Paris, qui, dans son arrêt du 30 juin 2022, les a écartés", cependant que l'arrêt du 30 juin 2022 n'a tranché, dans son dispositif, aucune demande tendant à caractériser un abus de position dominante de la LFP pour avoir refusé de remettre en concurrence le lot 3 lors de l'appel d'offres de janvier 2021, et que les motifs de cet arrêt, qui indiquaient expressément que la cour d'appel ne pouvait pas statuer sur une telle demande, étaient pour le surplus dépourvus d'autorité de chose jugée, de sorte que cet arrêt du 30 juin 2022 ne pouvait faire obstacle aux demandes soulevées de ce chef par la société beIN Sports, la cour d'appel a violé les articles 1355 du code civil et 480 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1355 du code civil, L. 462-8, alinéa 2, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-649 du 26 mai 2021 relative à la transposition de la directive (UE) 2019/1 du 11 décembre 2018 visant à doter les autorités de concurrence des États membres des moyens de mettre en oeuvre plus efficacement les règles de concurrence et à garantir le bon fonctionnement du marché intérieur, et L. 464-8 du même code :
14. En vertu du premier de ces textes, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif.
15. Selon le deuxième, lorsque l'Autorité estime que les faits invoqués au soutien d'une saisine ne sont pas appuyés d'éléments suffisamment probants, elle dispose de la faculté de rejeter cette saisine.
16. Il résulte du troisième que les recours formés contre les décisions de l'Autorité sont limités à leur objet. Dès lors, la cour d'appel de Paris, saisie d'un recours formé contre une décision de l'Autorité rejetant sa saisine sur le fondement de l'article L. 462-8, alinéa 2, du code de commerce, doit seulement vérifier si les faits invoqués, tels qu'ils ont été soumis à l'Autorité, étaient appuyés d'éléments suffisamment probants.
17. Pour déclarer irrecevables les demandes des sociétés Canal + et beIN Sports tendant à l'annulation de l'appel à candidatures de 2021 et à ce qu'il soit enjoint à la LFP d'organiser un nouvel appel à candidatures incluant le lot 3, ainsi que leur demande tendant à l'annulation de la cession de gré à gré à la société Amazon des droits restitués par la société Mediapro, en tant qu'elle est fondée sur les manquements commis par la LFP lors de l'appel à candidatures de 2021, l'arrêt retient que les moyens « développés en fait » par la société Canal + et la société beIN Sports au soutien de ces demandes, ont déjà été soumis, « dans leur substance », à la chambre de la régulation économique de la cour d'appel d'appel de Paris, qui les a écartés par son arrêt du 30 juin 2022, et en déduit que lesdites demandes méconnaissent l'autorité de chose jugée de cet arrêt.
18. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Sur le troisième moyen, pris en sa cinquième branche, du pourvoi n° 23-13.067 et le deuxième moyen, pris en sa sixième branche, du pourvoi n° 23-14.828
Enoncé du moyen
19. La société Canal + fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de nullité de l'attribution de gré à gré, par la LFP à la société Amazon, des lots restitués par la société Mediapro tirée de la discrimination tarifaire sur le marché aval de la distribution de services de télévision payante, alors « que la société Canal + sollicitait dans ses conclusions l'annulation de l'attribution de gré à gré, par la LFP à la société Amazon, des lots restitués par la société Mediapro, attribution constitutive d'une discrimination tarifaire sur le marché aval de la distribution télévisuelle des matchs de Ligue 1 ; qu'elle faisait valoir, notamment et preuves à l'appui, que le refus, en janvier 2021, de remettre le lot 3 dans l'appel d'offres, n'avait pas permis l'attribution des lots dans des conditions similaires, créant une discrimination tarifaire à son détriment en raison d'un coût de revient plus élevé eu égard aux conditions inflationnistes dans lesquelles s'était déroulé l'appel d'offres en 2018 ; qu'en se bornant à relever que "l'essentiel de ces moyens rapportés à la conduite de la procédure d'adjudication en 2021 a été écarté par l'arrêt [de la chambre de la régulation économique] de la cour d'appel de Paris [du 30 juin 2022]", quand l'arrêt rendu le 30 juin 2022 était dépourvu de toute autorité de chose jugée et qu'il lui appartenait d'examiner elle-même l'existence d'une discrimination tarifaire, née du refus de la LFP de réintégrer le lot 3 pour la réattribution, la cour d'appel, qui a méconnu les termes de son office, a violé l'article 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, ensemble l'article L. 420-2 du code de commerce. »
20. La société beIN Sports fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de nullité de l'attribution de gré à gré, par la LFP à la société Amazon, des lots restitués par la société Mediapro tirée de la discrimination tarifaire sur le marché aval de la distribution de services de télévision payante, alors « que, pour motiver sa décision, le juge doit se déterminer d'après les éléments particuliers de fait et de preuve qui lui sont soumis et non par voie de référence à des causes déjà jugées ; qu'en retenant, pour écarter tout abus de position dominante de la LFP sur le marché aval de l'édition et de la commercialisation des chaînes de télévision payante, que "l'essentiel [des] moyens rapportés à la conduite de la procédure d'adjudication en 2021 a été écarté par l'arrêt [de la chambre de la régulation économique] de la cour d'appel de Paris [du 30 juin 2022]" et que, "s'agissant des mêmes griefs appliqués à l'attribution de gré à gré des lots à la société Amazon, ils ont aussi [?] déjà été soumis à l'Autorité", quand elle devait se livrer à un examen effectif de la cause, en se déterminant d'après les éléments particuliers de fait et de preuve qui lui étaient soumis et non par voie de référence à l'arrêt du 30 juin 2022 et à la décision du 30 novembre 2022 de l'Autorité, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
21. Il résulte de ce texte que, pour motiver sa décision, le juge ne peut se borner à se référer à une décision antérieure, intervenue dans une autre cause.
22. Pour rejeter la demande de nullité de l'attribution de gré à gré, par la LFP à la société Amazon, des lots restitués par la société Mediapro prise de la discrimination tarifaire sur le marché aval de la distribution de services de télévision payante, l'arrêt retient que l'essentiel des moyens se rapportant à la conduite de l'appel à candidatures de 2021 a été écarté par l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 30 juin 2022.
23. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Sur le troisième moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi n° 23-13.067 et le deuxième moyen, pris en sa cinquième branche, du pourvoi n° 23-14.828
Enoncé du moyen
24. La société Canal + fait le même grief à l'arrêt, alors « que l'article L. 481-2 du code de commerce ne crée, dans les conditions et la mesure qu'il prévoit, de présomption irréfragable d'une pratique concurrentielle que lorsque "son existence et son imputation à cette personne ont été constatées par une décision qui ne peut plus faire l'objet d'une voie de recours ordinaire pour la partie relative à ce constat, prononcée par l'Autorité de la concurrence ou par la juridiction de recours" ; que, par la décision n° 22-D-22 du 30 novembre 2022, l'Autorité a rejeté, faute d'éléments suffisamment probants, la saisine de la société Canal + et sa demande de mesures conservatoires ; qu'en affirmant, pour confirmer le jugement entrepris et débouter la société Canal + de ses demandes, qu'en application des termes de l'article L. 481-2 du code de commerce, dont l'application est d'ordre public, "la cour examinera les faits et moyens tirés de l'abus de position dominante reproché par les sociétés Canal + et beIN Sports à la LFP et à la société Amazon [...] d'après les présomptions irréfragablement établies par la seconde décision de l'Autorité n° 22-D-22 du 30 novembre 2022", quand aucune présomption irréfragable ne pouvait être déduite de cette décision, qui se bornait à rejeter, faute d'éléments suffisamment probants, une plainte pour abus de position dominante, la cour d'appel a violé l'article L. 481-2 du code de commerce. »
25. La société beIN Sports fait le même grief à l'arrêt, alors que « la présomption irréfragable instituée par l'article L. 481-2 du code de commerce porte seulement sur l'existence d'une pratique anticoncurrentielle reconnue caractérisée par l'Autorité ou la cour d'appel dans une décision devenue définitive ; qu'en retenant, pour refuser de caractériser un abus de position dominante de la LFP sur le marché aval de l'édition de chaînes de télévision premium, qu'elle "examinera les faits et moyens tirés de l'abus de position dominante reproché par les sociétés Canal + et beIN Sports à la LFP et à la société Amazon d'après [?] les présomptions irréfragablement établies par la seconde décision de l'Autorité n° 22-D-22 du 30 novembre 2022" et que "[ces griefs] ont aussi été soumis à l'Autorité, telle qu'elle l'a rapporté aux paragraphes 57 et 83 à 89 de sa décision du 30 novembre 2022", cependant que cette décision de l'Autorité a écarté l'existence de la pratique anticoncurrentielle dénoncée devant elle pour insuffisance de preuve, de sorte qu'aucune présomption irréfragable ne pouvait en être déduite, la cour d'appel a violé l'article L. 481-2 du code de commerce, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 481-2 du code de commerce :
26. Aux termes de ce texte, une pratique anticoncurrentielle mentionnée à l'article L. 481-1 est présumée établie de manière irréfragable à l'égard de la personne physique ou morale désignée au même article dès lors que son existence et son imputation à cette personne ont été constatées par une décision qui ne peut plus faire l'objet d'une voie de recours ordinaire pour la partie relative à ce constat, prononcée par l'Autorité ou par la juridiction de recours.
27. Pour rejeter la demande de nullité de l'attribution de gré à gré, par la LFP à la société Amazon, des lots restitués par la société Mediapro, prise de la discrimination tarifaire sur le marché aval de la distribution de services de télévision payante, l'arrêt, après avoir énoncé que la cour d'appel examinera les faits et moyens tirés de l'abus de position dominante reproché par les sociétés Canal + et beIN Sports aux sociétés LFP et Amazon d'après les présomptions irréfragablement établies par la seconde décision de l'Autorité, retient que les moyens se rapportant à l'attribution de gré à gré des lots à la société Amazon ont déjà été soumis à l'Autorité, qui, par sa décision du 30 novembre 2022, les a écartés.
28. En statuant ainsi, alors que l'Autorité s'étant, par sa décision, bornée à rejeter sa saisine faute d'éléments suffisamment probants, il n'en résultait aucune présomption, fût-elle même seulement réfragable, que l'attribution de gré à gré à la société Amazon des lots restitués par la société Mediapro n'était pas constitutive d'un abus de position dominante sur le marché aval des droits de diffusion télévisuelle, la cour d'appel, à qui il appartenait donc d'examiner elle-même l'existence d'une discrimination tarifaire, a violé le texte susvisé par fausse application.
Sur le troisième moyen, pris en sa septième branche, du pourvoi n° 23-13.067 et le deuxième moyen, pris en sa huitième branche, du pourvoi n° 23-14.828
Enoncé du moyen
29. La société Canal + fait le même grief à l'arrêt, alors « que, dans ses conclusions, elle faisait valoir à l'appui de sa demande tendant à l'annulation de l'attribution de gré à gré, par la LFP à la société Amazon, des lots restitués par la société Mediapro, attribution ayant pour conséquence une discrimination tarifaire sur le marché aval de la distribution télévisuelle des matchs de Ligue 1, qu'ainsi qu'il avait été reconnu par la pratique décisionnelle européenne et française, l'importance des droits audiovisuels du football et de la Ligue 1, en particulier, revêtait pour la concurrence sur les marchés avals de la télévision payante une importance primordiale et qu'il était impossible pour l'exploitant du lot 3 de conserver ou d'acquérir des abonnés en proposant 20 % des matchs de Ligue 1, avec un coût de revient annuel de 332 millions d'euros, quand la société Amazon pouvait proposer 80 % des matchs de Ligue 1, dont les meilleures affiches, avec un coût de revient de 250 millions d'euros ; qu'elle observait que, de fait, la société Amazon proposait un abonnement Pass Ligue, permettant l'accès à 80 % des matchs de Ligue 1, aux abonnés Prime pour un montant mensuel de 12,99 euros, quand la société Canal + ne pouvait proposer à ses abonnés que la chaîne Canal Plus Sports permettant d'avoir accès aux 20 % des matchs constituant le lot 3 pour un montant de 21 euros supplémentaires ; qu'en se bornant à affirmer, pour rejeter la demande par un motif qualifié de surabondant, qu'en l'absence de mesure des coûts supportés par les sociétés beIN Sports et Canal +, de l'économie des investissements amortis par le distributeur historique et de l'absence de données sur les prix et les coûts des abonnements pour la réceptions des matchs de football en rapport avec les autres programmes premium de la société Canal +, le prix de revient de la retransmission des matchs du lot 3 n'était pas établi, de sorte que n'était pas non plus établie "la preuve de son caractère excessif entraînant un désavantage dans la concurrence par les prix sur les marchés avals ou connexes", sans rechercher s'il ne ressortait pas de la seule comparaison des prix d'achat respectifs des droits de diffusion télévisuelle, compte tenu de la composition des lots acquis, lesquels constituaient la quasi-totalité des coûts de revient de retransmission, l'existence d'un désavantage dans la concurrence par les prix sur le marché aval de la distribution télévisuelle des matchs de Ligue 1, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et de l'article L. 420-2 du code de commerce. »
30. La société beIN Sports fait le même grief à l'arrêt, alors « que la constatation d'un désavantage dans la concurrence, au sens de l'article 102, second alinéa, sous c), du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, ne requiert pas la preuve d'une détérioration effective et quantifiable de la position concurrentielle, mais doit se fonder sur une analyse de l'ensemble des circonstances pertinentes de l'espèce qui permet de conclure que ledit comportement a une influence sur les coûts, sur les bénéfices ou sur un autre intérêt pertinent d'un ou de plusieurs partenaires commerciaux sur le marché aval, de sorte que ce comportement est de nature à affecter ladite position ; qu'en retenant, pour écarter tout abus de position dominante de la LFP sur le marché aval de l'édition et de la commercialisation des chaînes de télévision payante, en dépit d'un traitement tarifaire différencié entre les sociétés beIN Sports et Amazon, qu' "en l'absence de prix de revient de la retransmission des matchs du lot 3, il ne peut non plus être établi la preuve que sa valeur est excessive et entraîne un désavantage dans la concurrence par les prix sur les marchés avals ou connexes", cependant que l'influence de la pratique anticoncurrentielle dénoncée par la société beIN Sports sur ses coûts ne constituait pas le seul élément susceptible de caractériser ladite pratique anticoncurrentielle qui devait, au contraire, être appréciée au vu de l'ensemble des circonstances pertinentes de l'espèce, tirées en particulier des écarts entre les prix des droits payés par les sociétés beIN Sports et Amazon, des écarts entre les prix moyens des matchs dont les deux sociétés ont, respectivement, acquis les droits, du fait que la LFP avait adopté une logique de péréquation qui revenait à faire supporter à la société beIN Sports l'avantage concurrentiel octroyé à la société Amazon, ainsi que du traitement de faveur ainsi accordé à la société Amazon au regard de la faiblesse des droits payés par celle-ci, en valeur absolue, comme en valeur relative des matchs, la cour d'appel a violé les articles 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et L. 420-2 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et l'article L. 420-2 du code de commerce :
31. Aux termes du premier de ces textes, est incompatible avec le marché intérieur et interdit, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d'en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d'exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché intérieur ou dans une partie substantielle de celui-ci. Ces pratiques abusives peuvent notamment consister à appliquer à l'égard de partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes, en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence.
32. Aux termes du second, est prohibée, dans les conditions prévues à l'article L. 420-1 du code de commerce, l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises d'une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci. Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées ou en conditions de vente discriminatoires ainsi que dans la rupture de relations commerciales établies, au seul motif que le partenaire refuse de se soumettre à des conditions commerciales injustifiées.
33. Pour rejeter la demande en nullité de l'attribution de gré à gré, par la LFP à la société Amazon, des lots restitués par la société Mediapro, tirée de la discrimination tarifaire sur le marché aval de la distribution de services de télévision payante, l'arrêt relève qu'aucun des écarts, arithmétiques ou différentiels entre le prix d'attribution du lot 3 aux sociétés beIN Sports et Canal + et le prix des lots attribués à la société Amazon, avec les prix de distribution des matchs selon les lots, leur programme ou leur attractivité, ne sont mesurés avec les coûts supportés par les sociétés beIN Sports ou Canal +, ni non plus d'après l'économie des investissements amortis par la distribution historique de ces programmes par la société Canal +, ni encore d'après des données, dont la société Canal + se prévaut, sur les prix et les coûts des abonnements pour la réception des matchs de football en rapport avec les autres programmes premium de la société Canal +, ni enfin, d'après des valeurs sur les marchés intermédiaires de l'édition et de la commercialisation de chaînes de télévision payante des sociétés beIN Sports et Canal +. Il en déduit qu'en l'absence de prix de revient de la retransmission des matchs du lot 3, il ne peut être établi la preuve que sa valeur est excessive et entraîne un désavantage dans la concurrence par les prix sur les marchés avals ou connexes.
34. En se déterminant ainsi sur la question des prix de revient dont la comparaison pouvait dépendre de l'efficacité des différents acteurs, et sans procéder à une appréciation de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Et sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, du pourvoi n° 23-13.067
Enoncé du moyen
35. La société Canal + fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande de condamnation de la société Filiale LFP1, venant aux droits de la LFP, à lui payer 68,1 % des sommes qu'elle avait acquittées au titre du lot 3 depuis l'attribution des droits de Ligue 1 à la société Amazon, alors :
« 2°/ que les parties peuvent soumettre à la cour d'appel de nouvelles prétentions pour faire juger les questions nées de la survenance d'un fait postérieur au jugement entrepris ; que la cour d'appel a constaté qu'alors que le jugement entrepris avait été rendu par le tribunal de commerce de Paris le 11 mars 2021, la LFP avait attribué, le 11 juin 2021, aux termes d'une négociation de gré à gré, à la société Amazon l'ensemble des lots restitués par la société Mediapro, incluant les droits de diffusion de 80 % des matchs du championnat de Ligue 1, dont les dix meilleures affiches, pour un prix de 250 millions d'euros par saison ; qu'à la suite de cette attribution, la société Canal + avait sollicité, en cause d'appel, la condamnation de la LFP à lui payer la différence entre le prix qu'elle avait payé pour le lot 3 (332 millions d'euros par saison) et la valeur de ce lot, telle qu'elle aurait été fixée dans les termes de l'accord conclu avec la société Amazon (105,9 millions d'euros par saison), soit 68,1 % des sommes qu'elle avait acquittées au titre du lot 3 depuis l'attribution des droits de Ligue 1 à la société Amazon ; qu'en déclarant irrecevable cette demande, tendant à l'indemnisation du préjudice né de l'attribution, postérieure au jugement entrepris, des lots restitués par la société Mediapro à la société Amazon au prix de 250 millions d'euros par saison, la cour d'appel a violé l'article 564 du code de procédure civile ;
3°/ que les parties peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire ; que la cour d'appel a constaté qu'en première instance, la société Canal + avait sollicité l'annulation de l'appel à candidatures lancé le 19 janvier 2021 par la LFP ainsi que tout accord de gré à gré subséquent portant sur les saisons 2021-2022 à 2023-2024 et qu'il soit enjoint à la LFP d'organiser un appel à candidatures pour la commercialisation des droits du championnat de Ligue 1 restitués par la société Mediapro pour les saisons 2021-2022 à 2023-2024 incluant le Lot 3 attribué à beIN Sports et exploité par Canal + ; qu'en se bornant à relever, pour déclarer irrecevable la demande de condamnation de la société Filiale LFP1 à payer à la société Canal + 68,1 % des sommes acquittées par cette dernière au titre du lot 3 depuis l'attribution des droits de Ligue 1 à la société Amazon, que "les demandes soumises par la société Canal + aux premiers juges ne comprennent pas celle soutenue pour la première fois en cause d'appel tendant à la condamnation de la LFP à payer à 68,1 % des sommes qu'elle a acquittées au titre du lot 3 depuis l'attribution des droits de Ligue 1 à la société Amazon", sans rechercher, au besoin même d'office, si cette demande n'était pas la conséquence ou le complément nécessaire des demandes d'annulation de tout accord de gré à gré portant sur les saisons 2021-2022 à 2023-2024 et d'injonction d'organiser un appel à candidatures pour la commercialisation des droits du championnat de Ligue 1 restitués par la société Mediapro pour les saisons 2021-2022 à 2023-2024 incluant le lot 3, la LFP ayant, entre-temps, conclu un accord de gré à gré avec la société Amazon, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 566 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 564 et 566 du code de procédure civile :
36. Aux termes du premier de ces textes, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour d'appel de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
37. Aux termes du second, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
38. Pour déclarer irrecevable la société Canal + en sa demande de condamnation de la société Filiale LFP1 à payer 68,1 % des sommes qu'elle a acquittées au titre du lot 3 depuis l'attribution des droits de Ligue 1 à la société Amazon, l'arrê
39. En se déterminant ainsi, sans rechercher, au besoin d'office, comme il lui incombait, si, d'une part, cette prétention ne tendait pas à faire juger les questions nées de la cession, le 11 juin 2021, postérieurement au jugement entrepris, à la société Amazon des droits restitués par la société Mediapro ou, d'autre part, elle ne constituait pas l'accessoire, la conséquence ou le complément de celles présentées en première instance, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.




Civ.1 25 septembre 2024 n° 23-17.735

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CF


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 25 septembre 2024



Cassation sans renvoi

Mme CHAMPALAUNE, président


Arrêt n° 502 F-D
Pourvoi n° C 23-17.735
Aide juridictionnelle totale en demande au profit de M. [T] [P]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 26 avril 2023.



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 25 SEPTEMBRE 2024
M. [T] [P], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° C 23-17.735 contre l'ordonnance rendue le 17 novembre 2022 par le premier président de la cour d'appel de Paris (service des étrangers, pôle 1, chambre 11), dans le litige l'opposant :
1°/ au préfet de la Meuse, domicilié [Adresse 1],
2°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié en son [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Dumas, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de M. [P], et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 juin 2024 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Dumas, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 17 novembre 2022), le 19 mai 2022, M. [P], de nationalité russe, condamné pour des faits de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme, en situation irrégulière sur le territoire national, a été placé en rétention administrative en exécution d'un arrêté d'expulsion, à l'issue de sa peine d'emprisonnement. La mesure a été prolongée à six reprises par un juge des libertés et de la détention.
2. Le 14 novembre 2022, le juge des libertés et de la détention a été saisi par le préfet de la Meuse sur le fondement de l'article L. 742-6 et 7, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), d'une requête en septième prolongation de la mesure de rétention.
3. Par une ordonnance du 15 novembre 2022, le juge des libertés et de la détention a prolongé la rétention administrative. M. [P] a relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. M. [P] fait grief à l'ordonnance de déclarer son appel irrecevable, alors « que le premier président de la cour d'appel ne peut rejeter par ordonnance que les requêtes d'appel manifestement irrecevables ; qu'une déclaration d'appel non motivée est une déclaration de laquelle est absente toute motivation de fait ou de droit, sans que son bien-fondé n'ait d'incidence sur cette qualification ; qu'en jugeant que l'appel était irrecevable comme dénué de motivation, au visa de l'article R. 743-11 du CESEDA, et en statuant en conséquence par ordonnance, pour valider la septième prolongation de M. [P] en rétention administrative, sans convoquer les

parties à une audience, ni entendre l'exposant, en déduisant le caractère non motivé de l'appel du mal fondé voire de "l'irrecevabilité" de ses moyens, en énonçant que le moyen reprochant à l'ordonnance d'avoir utilisé les termes « obstruction volontaire à l'éloignement » ne résistait pas à la lecture de la motivation du premier juge et manquait en fait en ce qu'il reprochait au juge de s'être fondé sur l'article L. 742-4 au lieu de l'article L. 742-5 et que le moyen tiré de l'article 5 de la CEDH ne caractérisait pas, par les éléments de l'espèce dûment circonstanciés, l'irrégularité alléguée, ce dont il résultait que la requête d'appel était motivée, de sorte que la déléguée du premier président, qui a affirmé le contraire et a statué par voie d'ordonnance, a violé les articles L. 743-23, R. 743-11 et R. 743-14 du CESEDA, ensemble, les articles 5, 6 § 1 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
Vu l'article R. 743-11 du CESEDA :
5. Il résulte de ce texte que seules les déclarations d'appel manifestement irrecevables, telles que celles qui ne sont pas motivées, peuvent être rejetées par le premier président de la cour d'appel ou son délégué, par ordonnance motivée et sans avoir préalablement convoqué les parties.
6. Pour déclarer irrecevable l'appel formé par M. [P], l'ordonnance retient que le moyen reprochant à l'ordonnance d'avoir utilisé les termes « obstruction volontaire à l'éloignement » manque en fait en ce qu'il reproche au juge de s'être fondé sur l'article L. 742-4 au lieu de l'article L. 742-5 et que le moyen tiré de l'article 5 de la CEDH ne caractérise pas, par les éléments de l'espèce dûment circonstanciés, l'irrégularité alléguée et en déduit que ces moyens sont irrecevables.
7. En statuant ainsi, par des motifs impropres à justifier l'irrecevabilité de l'appel, le premier président a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
9. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond, dès lors que les délais légaux pour statuer sur la mesure étant expirés, il ne reste plus rien à juger.




Soc. 25 septembre 2024 n° 22-16.709

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 25 septembre 2024



Rejet

Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président


Arrêt n° 938 F-D
Pourvoi n° S 22-16.709



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 SEPTEMBRE 2024
La société Sup santé, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° S 22-16.709 contre l'arrêt rendu le 23 mars 2022 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale A), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [D] [Z], domiciliée [Adresse 2],
2°/ au Pôle emploi Auvergne Rhône-Alpes, dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Seguy, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Sup santé, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [Z], après débats en l'audience publique du 9 juillet 2024 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Seguy, conseiller rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Thuillier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 23 mars 2022), Mme [Z] a été engagée, en qualité de responsable Sup santé, par la société Sup santé à compter du 1er juin 2014 avec reprise d'ancienneté au 19 août 1996.
2. La salariée ayant accepté le contrat de sécurisation professionnelle qui lui avait été proposé, la relation de travail a pris fin le 2 août 2016.
3. Elle a saisi la juridiction prud'homale de demandes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le second moyen
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à verser à la salariée des sommes pour non-respect de la priorité de réembauchage et de son obligation de sécurité de résultat en matière de santé, outre une indemnité pour les frais irrépétibles exposés en première instance, alors :
« 1°/ que la partie appelante qui, dans le dispositif de ses premières comme de ses dernières écritures, conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamnée au paiement de dommages-intérêts pour manquement à ses obligations, tout en demandant à la cour de juger qu'elle n'a commis aucun des manquements invoqués par l'intimée et retenus à son encontre par les chefs du jugement déférés, formule ainsi une prétention sur laquelle la cour d'appel est tenue de statuer ; qu'en retenant, pour confirmer le jugement entrepris, que dans le dispositif de ses conclusions d'appel, la société Sup santé se bornait à demander l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamnée au paiement à la salariée d'un certain montant de dommages-intérêts en réparation des préjudices nés du non-respect de l'obligation de reclassement, de la violation de la priorité de réembauchage et du non-respect de l'obligation de sécurité de résultat en matière de santé ainsi qu'au paiement d'une somme au titre des frais irrépétibles, sans toutefois saisir la cour d'aucune prétention sur les demandes tranchées de ces chefs dans le jugement déféré, cependant qu'en demandant également, dans le dispositif de ses conclusions, à ce qu'il soit dit et jugé qu'elle avait procédé à des recherches sérieuses et effectives de postes de reclassement pour la salariée et qu'elle avait respecté l'obligation de priorité de réembauchage ainsi que ses obligations en matière de périodicité des visites médicales, la société Sup santé demandait nécessairement à la cour d'appel de statuer de nouveau sur les demandes indemnitaires de la salariée et de les rejeter, formulant ainsi plusieurs prétentions dont la cour d'appel était valablement saisie, la cour d'appel a violé les articles 562 et 954 du code de procédure civile ;
2°/ qu'en se déterminant de la sorte, la cour d'appel a également méconnu l'objet du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
3°/ qu'il résulte de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, posant le principe que ''toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle'', que les tribunaux ne peuvent, dans l'application des règles de procédure, faire preuve d'un excès de formalisme susceptible de porter atteinte au droit à l'accès au juge et à l'équité du procès ; qu'en jugeant en l'espèce que le dispositif des conclusions d'appel de la société Sup santé demandant l'infirmation du jugement en ce qu'il avait condamné cette dernière au paiement de dommages intérêts en réparation des préjudices nés du non-respect de l'obligation de reclassement, de la priorité de réembauchage et de la périodicité des visites médicales, ne l'avait pas valablement saisie des prétentions en appel de l'employeur, faute de comporter une demande expresse de rejet des demandes indemnitaires de la salariée, bien qu'une telle demande découlait, de la manière la plus claire, des mentions du dispositif des conclusions d'appel de la société Sup santé invitant la cour d'appel à juger que l'employeur avait parfaitement respecté ses obligations en matière de recherche d'un reclassement, de priorité de réembauchage et de périodicité des visites médicales, la cour d'appel qui a fait preuve d'un formalisme excessif ayant pour effet de priver l'appelante du droit à un procès équitable, a violé l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. »

Réponse de la Cour
6. Il résulte de la combinaison des articles 562 et 954 alinéa 3 du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, que la partie qui entend voir infirmer des chefs du jugement critiqué doit formuler des prétentions en ce sens dans le dispositif de ses conclusions d'appel.
7. Il résulte de ces textes, dénués d'ambiguïté, que le dispositif des conclusions de l'appelant doit comporter, en vue de l'infirmation ou de l'annulation du jugement frappé d'appel, des prétentions sur le litige, sans lesquelles la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement frappé d'appel. Cette règle poursuit un but légitime, tenant au respect des droits de la défense et à la bonne administration de la justice.
8. Cette sanction, qui permet d'éviter de mener à son terme un appel irrémédiablement dénué de toute portée pour son auteur, poursuit un but légitime de célérité de la procédure et de bonne administration de la justice.
9. La cour d'appel a constaté que, dans le dispositif de ses dernières conclusions, l'employeur s'était borné à solliciter l'infirmation du jugement frappé d'appel en ce qu'il l'avait condamné au paiement de dommages-intérêts en réparation des préjudices nés de la violation de la priorité de réembauchage et du non-respect de l'obligation de sécurité, ainsi qu'au paiement d'une indemnité au titre des frais irrépétibles, sans toutefois saisir la cour d'aucune prétention sur les demandes tranchées de ces chefs dans le jugement déféré.
10. En l'état de ces constatations, c'est à bon droit, sans modifier l'objet du litige ni méconnaître les dispositions de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'elle a, en l'absence d'appel incident de la salariée quant aux sommes allouées à titre d'indemnités pour non-respect de la priorité de réembauchage et non-respect de l'obligation de sécurité ainsi qu'au titre des frais irrépétibles, confirmé ces chefs du jugement.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.




Soc. 25 septembre 2024 n° 22-20.672 B

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 25 septembre 2024



Cassation partielle sans renvoi

M. SOMMER, président


Arrêt n° 949 FS-B
Pourvoi n° Z 22-20.672



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 SEPTEMBRE 2024
La Régie autonome des transports parisiens, établissement public à caractère industriel et commercial, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 3], a formé le pourvoi n° Z 22-20.672 contre l'arrêt rendu le 23 juin 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 5), dans le litige l'opposant à M. [M] [T] [X], domicilié [Adresse 1], [Localité 4], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Barincou, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la Régie autonome des transports parisiens, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [T] [X], et l'avis de Mme Grivel, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 juillet 2024 où étaient présents M. Sommer, président, M. Barincou, conseiller rapporteur, Mme Mariette conseiller doyen, MM. Pietton, Seguy, Mmes Douxami, Brinet, conseillers, Mme Prieur, M. Carillon, Mme Maitral, M. Redon, conseillers référendaires, Mme Grivel, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 juin 2022), M. [T] [X] a été engagé, en qualité de machiniste receveur, par la Régie autonome des transports parisiens (RATP) à compter du 11 août 2014.
2. Par lettre du 29 juin 2018, la RATP lui a notifié sa révocation, pour faute grave.
3. Contestant la validité et le bien-fondé de cette rupture, le salarié a saisi la juridiction prud'homale.
Sur le premier moyen
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen
Enoncé du moyen
5. L'employeur fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité de la révocation, d'ordonner la réintégration du salarié, de le condamner à lui payer une indemnité correspondant aux salaires qu'il aurait dû percevoir depuis son éviction jusqu'à sa réintégration effective, outre les accessoires et compléments de salaire, et les indemnités de congés payés afférentes, avec intérêts au taux légal et de lui ordonner de remettre au salarié un bulletin de salaire de régularisation reprenant l'ensemble des mois concernés, alors « que le juge ne peut, en l'absence de disposition le prévoyant et à défaut de violation d'une liberté fondamentale, ni annuler un licenciement, ni prononcer la réintégration du salarié dans l'entreprise ; que la catégorie des libertés fondamentales n'englobe pas l'ensemble des droits et libertés du salarié, de sorte qu'un comportement du salarié sans rapport avec l'exécution de son contrat de travail, s'il relève de la vie personnelle du salarié, ne relève pas nécessairement de sa vie privée ; qu'il en résulte que lorsqu'un licenciement a été fondé sur la détention et la consommation de produits stupéfiants par le salarié en dehors de son temps de travail, dont l'autorité de police judiciaire a néanmoins estimé nécessaire d'avertir l'employeur en raison des risques générés pour la sécurité des voyageurs, le licenciement prononcé peut être déclaré sans cause réelle et sérieuse s'il n'est pas justifié, mais n'encourt pas la nullité ; que si le juge considère que ce fait tiré de la vie personnelle du salarié invoqué au soutien du licenciement ne constitue pas un manquement à ses obligations contractuelles et/ou n'a pas engendré un trouble objectif dans l'entreprise, il doit alors déclarer le licenciement du salarié sans cause réelle et sérieuse et lui allouer une indemnité à ce titre, mais il ne peut pas ordonner la réintégration du salarié au sein de l'entreprise ; qu'au cas présent, par lettre du 29 juin 2018 la RATP a notifié au salarié sa révocation pour ''propos et comportement portant gravement atteinte à l'image de l'entreprise et incompatibles avec l'obligation de sécurité de résultat de la RATP tant à l'égard de ses salariés que des voyageurs qu'elle transporte'' sur le fondement d'un signalement spontanément émis par l'autorité de police judiciaire faisant état d'un contrôle de police au cours duquel les forces de l'ordre ont notamment constaté la détention et la consommation de produits stupéfiants par le salarié, outre son comportement particulièrement irrespectueux ; qu'en considérant que ''le licenciement est nul en raison de l'atteinte portée au droit fondamental de l'intéressé à sa vie privée'' pour prononcer la nullité de la révocation et ordonner la réintégration du salarié au sein de la RATP, cependant que la nullité du licenciement n'était pas encourue faute de texte le prévoyant et à défaut d'une violation d'une liberté fondamentale, la cour d'appel a violé les articles L. 1235-1, L. 1235-2, L. 1235-3 et L. 1235-3-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
6. Le salarié conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que, pour s'opposer à la demande tendant à prononcer la nullité du licenciement, d'une part, l'employeur n'a pas soutenu, s'agissant de faits relevant de la vie privée, que la nullité du licenciement n'était pas encourue faute de texte le prévoyant et à défaut d'une violation d'une liberté fondamentale et, d'autre part, avait soutenu que les faits ne relevaient pas de la vie privée du salarié mais de sa vie professionnelle de sorte que le moyen est incompatible avec la thèse développée dans ses conclusions d'appel ainsi que nouvelle et mélangée de fait et de droit.
7. Cependant, l'arrêt constate que l'employeur avait soutenu que la sanction encourue ne serait pas la nullité du licenciement mais l'absence de cause réelle et sérieuse et que la protection de la vie privée ne s'étendait pas au comportement d'un individu dans le cadre d'un contrôle de police justifié par la découverte d'un sac contenant du cannabis.
8. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles L. 1235-1, L. 1235-2, L. 1235-3 et L. 1235-3-1 du code du travail :
9. Il résulte de ces textes que la rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur n'ouvre droit pour le salarié qu'à des réparations de nature indemnitaire et que le juge ne peut, en l'absence de disposition le prévoyant et à défaut de violation d'une liberté fondamentale, annuler un licenciement.
10. Il résulte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel que la liberté proclamée par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen implique le droit au respect de la vie privée.
11. Pour dire le licenciement nul, l'arrêt constate d'abord qu'il résulte des procès-verbaux de la procédure pénale communiquée par le salarié que celui-ci a fait l'objet d'un contrôle d'identité le 22 avril 2018 à 19h48, après sa journée de travail alors qu'il se trouvait sur la voie publique à bord de son véhicule en possession d'un sac contenant de l'herbe de cannabis et que cette procédure pénale a été classée sans suite par décision du procureur de la République, selon avis notifié à l'intéressé le 13 juin 2018, l'infraction n'étant pas suffisamment caractérisée.
12. Il relève ensuite que contrairement à ce que soutient la RATP, les faits reprochés au salarié ne se rattachent pas suffisamment à la vie professionnelle pour lui permettre de retenir une faute disciplinaire, dès lors que le simple fait de signaler sa profession et son appartenance à la RATP n'est qu'une réponse à la question relative à la profession qui a nécessairement été posée par le service interpellateur et que si le contrat de travail invoqué par l'employeur interdit la prise de stupéfiants avant ou pendant le service, il ne l'interdit pas après, étant observé que le contrôle a eu lieu après le service de l'intéressé et que la prise de stupéfiant n'a pas, en l'espèce, été caractérisée, les tests s'étant révélés négatifs.
13. Il en déduit que le licenciement est nul en raison de l'atteinte portée au droit fondamental de l'intéressé à sa vie privée.
14. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la révocation était fondée sur des faits de détention et de consommation de produits stupéfiants à bord de son véhicule, constatés par un service de police sur la voie publique, étrangers aux obligations découlant du contrat de travail, ce dont il résultait que le motif de la sanction était tiré de la vie personnelle du salarié sans toutefois relever de l'intimité de sa vie privée, de sorte que, si le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, il n'était pas atteint de nullité en l'absence de la violation d'une liberté fondamentale, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
15. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
16. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
17. Le licenciement disciplinaire étant fondé sur un motif tiré de la vie personnelle du salarié, sans toutefois relever de l'intimité de sa vie privée, et ne constituant pas un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail, il est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
18. Il convient de confirmer le jugement en ce qu'il alloue au salarié les sommes de 5 668 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de 566,80 euros au titre des congé
19. En application de l'article L. 1235-3 du code du travail, compte tenu de l'ancienneté acquise par le salarié au terme du préavis de deux mois (quatre ans) et de son salaire brut (2 834 euros), la RATP sera condamnée à lui payer la somme de 14 170 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
20. L'employeur sera enfin condamné à payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.




Soc. 25 septembre 2024 n° 23-13.992 B

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CL6


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 25 septembre 2024



Rejet

M. SOMMER, président


Arrêt n° 951 FS-B
Pourvoi n° J 23-13.992



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 SEPTEMBRE 2024
Mme [C] [O], épouse [D], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 23-13.992 contre l'arrêt rendu le 25 janvier 2023 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale A), dans le litige l'opposant à la société Verre équipements, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la société VS Technologies, défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Maitral, conseiller référendaire, les observations de la SCP Krivine et Viaud, avocat de Mme [O], de la SCP Doumic-Seiller, avocat de la société Verre équipements, et l'avis de Mme Grivel, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 juillet 2024 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Maitral, conseiller référendaire rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen, MM. Pietton, Barincou, Seguy, Mmes Douxami, Brinet, conseillers, Mme Prieur, MM. Carillon, Redon, conseillers référendaires, Mme Grivel, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 25 janvier 2023), Mme [O], engagée en qualité d'assistante technique le 1er novembre 1980 par la société VS technologies, aux droits de laquelle se trouve la société Verre équipements, occupait en dernier lieu les fonctions d'assistante commerciale.
2. Licenciée pour faute grave le 27 septembre 2017, la salariée a saisi la juridiction prud'homale notamment de demandes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
Enoncé du moyen
4. La salariée fait grief à l'arrêt de dire son licenciement fondé sur une faute grave et de la débouter de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, et de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, outre les congés payés afférents, alors :
« 2°/ qu'une clé USB n'est présumée utilisée à des fins professionnelles, de sorte que l'employeur peut avoir accès aux fichiers non identifiés comme personnels qu'elle contient, y compris hors la présence du salarié, qu'à la condition qu'elle soit connectée à un outil informatique mis à la disposition du salarié par l'employeur pour l'exécution du contrat de travail ; qu'en l'espèce, l'employeur, qui soutenait de manière vague que les clés USB litigieuses se trouvaient, lorsqu'il s'en est emparé, "dans le bureau de [la salariée]", puis "sur son bureau de travail", n'alléguait pas que ces clés étaient, au moment de leur découverte, connectées à l'ordinateur professionnel de la salariée ou à un ordinateur de l'entreprise ; qu'en rejetant dès lors le moyen de la salariée tiré du caractère illicite de la preuve servant de fondement au licenciement, motifs pris de ce que "les cinq clefs qui se trouvaient dans le bureau de la salariée ne pouvaient en elles-mêmes être identifiées comme étant des clefs personnelles", sans constater que lesdites clés USB étaient connectées à un ordinateur de l'entreprise lors de leur découverte par l'employeur et de son entrée en possession, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 9 du code civil et 9 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 1121-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail (ce dernier dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017) ;
3°/ que pour rejeter le moyen de [la salariée] tiré du caractère illicite de la preuve servant de fondement au licenciement, la cour d'appel a relevé que "les clefs USB litigieuses ont été connectées par la salariée aux ordinateurs appartenant à son employeur pour y copier des fichiers professionnels de l'entreprise, comme elle l'a indiqué elle-même aux services de police" et que, "s'agissant de supports amovibles, ces clefs ont donc été intégrées à divers moments au matériel informatique de l'employeur, y compris à d'autres ordinateurs que celui mis à la disposition personnelle de la salariée" ; qu'en se déterminant ainsi, par des motifs inopérants tirés de la circonstance que lesdites clés USB avaient, par le passé, été connectées à plusieurs reprises au matériel informatique appartenant à l'employeur, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard des articles 9 du code civil et 9 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 1121-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail (ce dernier dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017). »
Réponse de la Cour
5. Il résulte de l'article L. 1121-1 du code du travail que l'accès par l'employeur, hors la présence du salarié, aux fichiers contenus dans des clés USB personnelles, qui ne sont pas connectées à l'ordinateur professionnel, constitue une atteinte à la vie privée du salarié.
6. Il résulte des articles 6 civil et 9 du code de procédure civile, que dans un procès civil, l'illicéité ou la déloyauté dans l'obtention ou la production d'un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l'écarter des débats. Le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d'éléments portant atteinte à d'autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.
7. La cour d'appel, après avoir relevé que l'employeur faisait valoir qu'il avait agi de manière proportionnée afin d'exercer son droit à la preuve, dans le seul but de préserver la confidentialité de ses affaires, a d'abord constaté, par motifs propres et adoptés, que celui-ci démontrait qu'il existait des raisons concrètes qui justifiaient le contrôle effectué sur les clés USB, au regard du comportement de la salariée qui, selon le témoignage de deux de ses collègues, avait, courant juin et juillet 2017, travaillé sur le poste informatique d'une collègue absente et imprimé de nombreux documents qu'elle avait ensuite rangés dans un sac plastique placé soit au pied de son bureau soit dans une armoire métallique fermée.
8. Elle a, ensuite, relevé que pour établir le grief imputé à la salariée, l'employeur s'était borné à produire les données strictement professionnelles reproduites dans une clé unique (Verbatim 64 GB) après le tri opéré par l'expert qu'il avait mandaté à cet effet, en présence d'un huissier de justice, les fichiers à caractère personnel n'ayant pas été ouverts par l'expert et ayant été supprimés de la copie transmise à l'employeur, selon procès-verbal de constat en date du 11 septembre 2017.
9. De ces constatations et énonciations, dont il ressortait que la production du listing de fichiers tiré de l'exploitation des clés USB était indispensable à l'exercice du droit à la preuve de l'employeur et que l'atteinte à la vie privée de la salariée était strictement proportionnée au but poursuivi, la cour d'appel, qui a déduit, abstraction faite des motifs critiqués par le moyen mais qui sont surabondants, que les pièces relatives au contenu des clés USB litigieuses étaient recevables, a légalement justifié sa décision.
Sur le moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches
Enoncé du moyen
10. La salariée fait le même grief à l'arrêt, alors :
« 4°/ que la violation de l'obligation de discrétion n'est caractérisée qu'en l'état de la divulgation à un tiers ou à une personne non autorisée par l'employeur d'informations concernant l'entreprise ; qu'en l'espèce, pour retenir la faute grave, la cour d'appel, se bornant à adopter les motifs des premiers juges, a retenu qu'elle "avait copié, de sa propre initiative, sur des clés USB, de nombreux fichiers, notamment en lien avec le processus de fabrication, qu'elle avait l'intention d'emporter avec elle dans son sac" et que "le transfert par la salariée, soumise à une clause relative à une obligation de discrétion, d'informations relatives à la fabrication de produits sur des clés USB lui appartenant, sans justification professionnelle, rendait impossible le maintien de celle-ci dans l'entreprise et constitue une faute grave, peu important l'ancienneté (27 ans) de l'intéressée" ; qu'en statuant ainsi, quand la seule sauvegarde de fichiers appartenant à l'entreprise sur des clés USB, dont il n'est pas établi qu'ils avaient été divulgués à des tiers ou avaient vocation à l'être, ne constituait pas, à elle seule, un manquement de la salariée, qui justifiait d'une ancienneté de 37 années, à son obligation de discrétion rendant impossible son maintien dans l'entreprise, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail (ce dernier dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017) ;
5°/ que l'impression ou la copie de documents dont il n'est pas établi qu'ils appartiendraient à l'entreprise ou revêtiraient un caractère confidentiel n'est pas fautive ; qu'en l'espèce, en retenant à l'appui de la faute grave, par motifs adoptés que « dans une attestation du 6 septembre 2017, M. [P], responsable logistique et machines spéciales dans la société, indique que ''le vendredi 28 juillet 2017, le matin, alors qu'elle était seule dans son bureau'', la salariée ''a travaillé sur le poste informatique de sa collègue absente, Mme [J] et a imprimé plusieurs documents papier divers'' et que ''Mme [J] et M. [P] rapportent chacun dans leur attestation avoir vu, au cours des mois de juin et juillet 2017, la salariée imprimer ou copier de nombreux documents papier qu'elle rangeait ensuite dans un grand sac plastique placé, soit au pied de son bureau, soit dans une armoire métallique fermée'' », sans constater que les documents imprimés ou copiés par la salariée appartenaient à l'entreprise ou présentaient un caractère confidentiel pour celle-ci, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail (ce dernier dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017). »
Réponse de la Cour
11. La cour d'appel, après avoir constaté, par motifs propres et adoptés, que la lettre de licenciement reprochait à la salariée de s'être connectée sur l'ordinateur de la dirigeante de l'entreprise et celui de sa collègue sans autorisation et d'avoir récupéré des données particulièrement sensibles auxquelles elle n'était pas censée avoir accès, faisant prendre un risque majeur à l'entreprise de voir ces données « se retrouver dans la nature » sur des clés USB non sécurisées, anéantissant ainsi tous les efforts consentis par l'employeur pour protéger ses données, a relevé que l'intéressée, bien qu'elle ne fût pas en charge de la fabrication de produits, avait copié de sa propre initiative sur des clés USB lui appartenant, de nombreux fichiers en lien avec le processus de fabrication qu'elle avait l'intention d'emporter avec elle.
12. En l'état de ces constatations, la cour d'appel a pu en déduire, sans avoir à procéder à une recherche inopérante, que ces faits, nonobstant l'ancienneté de la salariée, constituaient une faute grave rendant impossible son maintien dans l'entreprise.
13. Le moyen n'est donc pas fondé.




Com. 25 septembre 2024 n° 22-19.527

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
HM


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 25 septembre 2024



Rejet

M. VIGNEAU, président


Arrêt n° 513 FS-D
Pourvoi n° E 22-19.527






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 25 SEPTEMBRE 2024
La société Groupe canal +, société anonyme à directoire et conseil de surveillance, dont le siège est [Adresse 3], anciennement [Adresse 1], a formé le pourvoi n° E 22-19.527 contre l'arrêt n° RG 21/13216 rendu le 30 juin 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 7), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Filiale LFP1, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5], venant aux droits de l'association Ligue de Football Professionnel (LFP),
2°/ au président de l'Autorité de la concurrence, domicilié [Adresse 2],
3°/ au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) domicilié [Adresse 4],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Groupe canal +, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Filiale LFP1, de la SCP Duhamel, avocat du président de l'Autorité de la concurrence, et l'avis de M. Douvreleur, avocat général, à la suite duquel le président a demandé aux avocats s'ils souhaitaient présenter des observations complémentaires ; après débats en l'audience publique du 25 juin 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, Mmes Michel-Amsellem, Sabotier, Tréfigny, conseillers, M. Le Masne de Chermont, Mmes Comte, Bellino, M. Regis, conseillers référendaires, M. Douvreleur, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 juin 2022) et les productions, en 2018, l'association Ligue française de football professionnel (la LFP), agissant par délégation de la Fédération française de football (la FFF), a lancé un appel à candidatures pour l'acquisition des droits de diffusion télévisuelle des matchs de football de Ligue 1 pour les saisons 2020-2021 à 2023-2024, ces droits étant divisés en sept lots. A l'issue de cette procédure, les lots 1, 2, 4, 5 et 7 ont été attribués à la société Mediapro, le lot 3, à la société beIN Sports France (la société beIN Sports), qui en a concédé l'exploitation à la société Groupe canal+ (la société Canal +), et le lot 6, à la société Free.
2. Le contrat passé avec la société Mediapro ayant été résilié en 2020, à la suite de la défaillance de cette société dans le paiement du prix, la LFP a lancé, le 19 janvier 2021, un nouvel appel à candidatures aux fins de commercialisation des seuls lots 1, 2, 4, 5 et 7, restitués par la société Mediapro.
3. Le 29 janvier 2021, reprochant à la LFP de ne pas inclure le lot 3 dans cet appel à candidatures et, en conséquence, de ne pas résilier le contrat conclu pour ce lot à l'issue de l'appel à candidatures de 2018, la société Canal + a saisi l'Autorité de la concurrence (l'Autorité) de deux pratiques d'abus de position dominante mises en oeuvre par la LFP dans le secteur de la vente de droits de diffusion télévisuelle des compétitions sportives, consistant, l'une, en un traitement discriminatoire de l'attributaire du lot 3 par rapport aux autres candidats à l'appel à candidatures de 2021, l'autre, en l'imposition de conditions de transaction non équitables lors de ce même appel à candidatures.
4. Par sa décision n° 21-D-12 du 11 juin 2021 relative à des pratiques mises en oeuvre par la Ligue de Football Professionnel dans le secteur de la vente de droits de diffusion télévisuelle de compétitions sportives, l'Autorité a rejeté la saisine au motif que les faits invoqués n'étaient pas appuyés d'éléments suffisamment probants.
5. Le même jour, la LFP, qui avait, le 1er février 2021, déclaré l'appel à candidatures infructueux et ouvert une phase de négociation de gré à gré, a annoncé qu'elle avait retenu comme la mieux-disante l'offre présentée par la société Amazon Digital UK (la société Amazon), par préférence à celle faite en commun par les sociétés Canal + et beIN Sports, et lui a attribué la totalité des lots restitués par la société Mediapro.
6. La société Canal + a formé un recours en annulation de la décision de l'Autorité.
7. A la suite d'une opération d'apport partiel d'actif réalisée le 14 juin 2022, la société Filiale LFP 1 est venue aux droits de la LFP.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
8. La société Canal + fait grief à l'arrêt de rejeter le recours en annulation formé contre la décision de l'Autorité n° 21-D-12 du 11 juin 2021 et, en conséquence, de dire n'y avoir lieu à statuer sur la demande au fond tendant à juger que la LFP a commis un abus de position dominante, alors « que l'Autorité peut rejeter une saisine par décision motivée lorsqu'elle estime que les faits invoqués ne sont pas appuyés d'éléments suffisamment probants ; que l'obligation de motivation à laquelle est soumise l'Autorité dans le prononcé de ses décisions lui impose d'exposer les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement et qui, en cas de rejet, permettent aux parties mises en cause de comprendre ce rejet et à la juridiction saisie d'un recours d'en contrôler la légalité ; qu'elle emporte corrélativement l'obligation de se livrer à un examen effectif des moyens, arguments et offres de preuve des parties ; que, dans ce cadre, l'Autorité doit examiner les principaux arguments et preuves du saisissant et exposer en quoi les faits dénoncés ne sont pas appuyés d'éléments suffisamment probants ; qu'en l'espèce, pour rejeter le recours en annulation de la société Canal +, la cour d'appel a jugé que l'Autorité avait satisfait à son obligation de motivation, "peu important qu'elle n'ait pas répondu expressément à l'argumentation de Canal + sur le caractère indissociable des lots formant un seul produit, ni indiqué de manière explicite les motifs la conduisant à écarter l'analyse de cette dernière fondée sur la comparaison des situations nées des deux appels à candidatures" ; qu'en statuant ainsi, quand elle relevait que le caractère indissociable des lots constituait "le postulat de base de Canal +", que la société Canal + fondait son analyse sur "une masse indivise de droits en lieu et place des contrats de commercialisation autonomes des différents lots", ou encore que "le traitement différencié allégué par Canal + reposait sur la thèse selon laquelle les lots 1 à 3 étaient indissociables", et quand la saisine de l'Autorité par la société Canal + visait principalement à dénoncer l'existence d'une discrimination entre les candidats à la procédure d'appel à candidatures lancée en 2018 et les candidats à la procédure lancée en 2021, du fait de conditions de concurrence sensiblement différentes, ce qui aurait dû appeler une réponse expresse et spécifique de la part de l'Autorité sur ces points déterminants, la cour d'appel a violé l'article L. 462-8 du code de commerce, dans sa version applicable au litige. »
Réponse de la Cour
9. Sous le couvert d'un grief de violation de la loi, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine des juges du fond, qui, après avoir analysé les motifs de la décision de l'Autorité, ont retenu qu'ils permettaient à la société Canal + de comprendre en quoi, selon l'Autorité, les éléments invoqués à l'appui de la saisine n'étaient pas suffisants pour rendre vraisemblable une pratique abusive de discrimination.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
11. La société Canal+ fait le même grief à l'arrêt, alors :
« 1°/ que l'Autorité peut rejeter toute saisine par décision motivée lorsqu'elle estime que les faits invoqués ne sont pas appuyés d'éléments suffisamment probants ; qu'il appartient à l'auteur de la saisine d'apporter des éléments rendant vraisemblable une pratique anticoncurrentielle, sans que l'Autorité ne puisse exiger de lui la preuve de cette pratique ; qu'il appartient au juge saisi du recours contre la décision de l'Autorité rejetant la saisine de contrôler que cette dernière a mis en oeuvre le standard de preuve adéquat, sans faire peser sur l'auteur de la saisine, sous couvert d'exigence d'éléments rendant vraisemblable la pratique anticoncurrentielle alléguée, la preuve même de cette pratique ; que la société Canal + dénonçait l'existence de pratiques de discrimination résultant d'une différence de traitement entre les attributaires de droits de Ligue 1 selon que les lots ont été commercialisés en 2018 ou en 2021, tenant à l'existence de conditions de concurrence et à des modalités d'attribution nettement différentes entre les deux appels à candidatures, la conjonction de ces éléments aboutissant donc à un traitement discriminatoire entre les attributaires de 2018 et les futurs attributaires de 2021 ; que la cour d'appel a constaté que la LFP avait lancé une procédure de réattribution des lots de droits de diffusion de la Ligue 1 à la suite de la défaillance de la société Mediapro en refusant d'y inclure le lot 3 ; qu'elle a parallèlement admis que les "conditions du marché avaient (?) sensiblement évolué à la baisse" entre les deux appels à candidatures, et que le mécanisme d'enchères mis en oeuvre en 2018 avait pu produire un "effet inflationniste", c'est-à-dire une survalorisation des lots alors attribués ; qu'il résultait ainsi de ces constatations qu'était objectivement et suffisamment établie une différence sensible de la situation concurrentielle sur le ou les marchés en cause entre les deux procédures d'appel à candidatures menées respectivement en 2018 et 2021 ; qu'en affirmant que l'Autorité n'avait pas considéré que la preuve d'une pratique d'abus de position dominante par discrimination n'était pas rapportée mais s'était bornée à retenir que le comportement de la LFP lors de l'appel à candidatures de 2021 n'était pas de nature à rendre vraisemblable une différence de traitement entre les opérateurs au détriment de la société Canal +, et qu'en l'absence d'indice suffisant d'un traitement inégalitaire entre les candidats potentiels à l'appel à candidatures de 2021, l'Autorité n'avait pas à rechercher les effets anticoncurrentiels de la décision de la LFP, la cour d'appel a validé à tort de la part de l'Autorité l'application d'un standard de preuve excessif et erroné et appliqué elle-même, ce faisant, un tel standard de preuve excessif et erroné, faisant peser sur l'auteur de la saisine la preuve de la pratique anticoncurrentielle invoquée, en violation de l'article L. 462-8 du code de commerce ;
2°/ que l'Autorité peut rejeter toute saisine par décision motivée lorsqu'elle estime que les faits invoqués ne sont pas appuyés d'éléments suffisamment probants ; que, dans cette perspective, il appartient à l'auteur de la saisine d'apporter des éléments rendant vraisemblable une pratique anticoncurrentielle, sans que l'Autorité puisse exiger de lui la preuve de cette pratique ; que la société Canal + dénonçait l'existence de pratiques de discrimination résultant d'une différence de traitement entre les attributaires de droits de Ligue 1 selon que les lots ont été commercialisés en 2018 ou 2021, tenant à l'existence de conditions de concurrence sensiblement différentes entre les deux appels à candidatures et à l'inflation des prix, en raison des enchères de la société Mediapro en 2018, ayant abouti à une survalorisation du lot 3, pourtant non remis en jeu lors de la réattribution des autres lots en 2021 ; que la cour d'appel a pour sa part constaté que la LFP avait lancé une procédure de réattribution des lots de droits de diffusion de la Ligue 1 à la suite de la défaillance de la société Mediapro, tout en refusant d'y inclure le lot 3 ; qu'elle a parallèlement constaté que les "conditions du marché avaient (?) sensiblement évolué à la baisse" entre les deux appels à candidatures, et que le mécanisme d'enchères successives avait pu produire un effet inflationniste", c'est-à-dire une survalorisation des lots en 2018, en raison des prix alors proposés par la société Mediapro ; que ces différentes constatations permettaient sans conteste de rendre, à tout le moins, vraisemblable une différence de traitement discriminatoire en raison d'une différence significative des conditions de concurrence entre les deux appels à candidatures, dès lors qu'il en résultait que la non-remise en concurrence du lot 3 aboutissait à ce que la société Canal + reste liée par les conditions d'acquisition initiales de ce lot, nettement plus onéreuses que celles susceptibles de résulter de la procédure de réattribution partielle des lots en raison de l'évolution nettement baissière, sur un même marché concurrentiel, de la valeur des droits d'exploitation audiovisuelle des matchs de Ligue 1 de football, avec un risque de distorsion majeure de concurrence sur le marché aval de la télévision payante sur lequel les opérateurs se font concurrence en utilisant la diffusion des matchs de Ligue 1 comme élément attractif pour les abonnés ; qu'en affirmant néanmoins que l'Autorité avait pu retenir que le comportement de la LFP lors de l'appel à candidatures de 2021 n'était pas de nature à rendre vraisemblable une différence de traitement entre les opérateurs au détriment de la société Canal +, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 462-8 du code de commerce ;
3°/ que l'Autorité peut rejeter toute saisine par décision motivée lorsqu'elle estime que les faits invoqués ne sont pas appuyés d'éléments suffisamment probants ; que, dans cette perspective, il appartient à l'auteur de la saisine d'apporter des éléments rendant vraisemblable une pratique anticoncurrentielle, sans que l'Autorité puisse exiger de lui la preuve de cette pratique ; que la méthodologie d'appréciation des éléments soumis au soutien de la vraisemblance d'un abus de position dominante ne saurait donc être la même que celle mise en oeuvre pour apprécier si une telle pratique est établie ; qu'en particulier, au stade de l'examen de la vraisemblance de la pratique invoquée, l'Autorité ¿ ni le juge contrôlant sa décision ¿ ne saurait se borner à une appréciation isolée de l'existence d'une différence de traitement en en faisant une condition préalable, sans aucune prise en considération de l'existence d'un désavantage concurrentiel sur un marché, dont l'identification, notamment quant à son importance, est susceptible de rendre vraisemblable la pratique alléguée et donc de justifier un examen au fond, indépendamment de la consistance des indices relatifs à un traitement inégalitaire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la LFP avait lancé une procédure de réattribution des lots de droits de diffusion de la Ligue 1 à la suite de la défaillance de la société Mediapro, et que le lot 3 n'avait pas été inclus dans cette nouvelle procédure ; qu'elle a encore constaté que les "conditions du marché avaient (?) sensiblement évolué à la baisse" entre les deux appels à candidatures, et que le mécanisme d'enchères successives avait pu produire un "effet inflationniste", c'est-à-dire une survalorisation des lots en 2018, en raison des prix alors proposés par la société Mediapro ; que s'en évinçait ainsi suffisamment le constat d'un désavantage concurrentiel pour la société Canal + si elle restait tenue, en l'absence de remise en concurrence du lot 3, par des conditions d'acquisition sensiblement plus onéreuses de ce lot que celles qui résulteraient, compte tenu de l'évolution des conditions de marché, de la remise en vente en 2021 des autres lots portant sur des droits audiovisuels de matchs de Ligue 1 aussi voire plus attractifs, constituant des prestations équivalentes ; qu'en estimant que l'absence -supposée- d'indices d'un traitement inégalitaire entre les candidats potentiels à l'appel candidatures permettait à l'Autorité de ne pas rechercher les effets anticoncurrentiels de la décision de la LFP, sans rechercher si l'existence d'un désavantage concurrentiel, potentiellement très significatif, pour la société Canal + dès lors que le lot 3 n'était pas remis en concurrence en même temps que les autres lots réattribués, ne rendait pas suffisamment vraisemblable l'atteinte à la concurrence invoquée par la société Canal + au titre d'une discrimination, qui devait s'apprécier de manière globale, pour que l'Autorité doive procéder à un examen au fond des pratiques invoquées, la cour d'appel a violé l'article L. 462-8 du code de commerce ;
4°/ que les juges du fond ne peuvent modifier l'objet du litige, déterminé par les prétentions respectives des parties telles qu'exprimées dans leurs conclusions ; que la société Canal + invoquait en l'espèce une différence de traitement discriminatoire résultant principalement de ce que les conditions de concurrence avaient radicalement changé entre 2018 et 2021 concernant le marché des droits télévisuels des matchs de Ligue 1, de sorte que la réattribution de certains lots dans le cadre de la procédure de 2021, sans remise en vente d'autres lots attribués en 2018 dans des conditions économiques et concurrentielles ayant profondément changé, alors qu'il s'agit de produits équivalents sur un même marché et que les futurs attributaires de 2021 seraient en concurrence avec les attributaires de 2018 sur le marché aval de la télévision payante, aboutirait à une différence de traitement discriminatoire au détriment des attributaires de 2018 ; qu'elle invoquait, au surplus, les liens étroits créés entre les différents lots attribués en 2018 compte tenu des modalités de la procédure d'attribution menée à l'époque par la LFP comme un paramètre venant renforcer la prégnance et les effets de la discrimination ainsi invoquée, notamment en raison de ce que les enchères sur les premiers lots avaient une incidence sur celles concernant les autres lots, de sorte que ces modalités d'attribution avaient eu un effet inflationniste sur les prix d'attribution en 2018, ce qui justifiait de plus fort d'inclure le lot 3 dans l'appel à candidatures de 2021 ; qu'en affirmant néanmoins que le caractère indissociable des lots aurait constitué le "postulat de base" de la société Canal +, de sorte qu'à partir du moment où il était -selon la cour d'appel- erroné, les arguments de la société Canal + tenant à l'évolution des conditions de concurrence ou encore au montant élevé des enchères de la société Mediapro en 2018 auraient été inopérants, la cour d'appel a méconnu l'objet et les termes du litige, et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
5°/ que les droits d'exploitation audiovisuelle cédés aux sociétés sportives sont commercialisés par la LFP dans le respect des règles de concurrence ; qu'est par ailleurs prohibée l'exploitation abusive par une entreprise d'une position dominante sur un marché, consistant notamment dans des conditions de vente discriminatoires ; qu'est, en ce sens, interdit à l'entreprise placée en position dominante d'appliquer à l'égard de partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes, en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence ; que pour invoquer, de manière vraisemblable, l'existence d'un traitement discriminatoire à son détriment résultant de la décision de la LFP de ne pas inclure le lot 3 dans la remise en vente en 2021 des lots attribués en 2018 ensuite de la défaillance de la société Mediapro, la société Canal + ne prétendait pas que les lots n'avaient pas été attribués de manière distincte en 2018 et n'avaient pas donné lieu à une décision séparée ainsi qu'à un contrat de cession pour chacun des lots ; qu'elle ne prétendait pas davantage que les conditions formelles de l'appel à candidatures de 2021 n'auraient pas été les mêmes pour l'ensemble des soumissionnaires à cette procédure ; que la société Canal + soutenait, différemment, que dès lors que l'appel à candidatures de 2021 portait sur la réattribution, à la suite la défaillance de la société Mediapro, de lots précédemment attribués en 2018 dans le cadre d'un appel à candidatures portant sur l'ensemble des lots à attribuer et qui avait par ailleurs abouti à des montants records, du fait précisément des enchères de la société Mediapro ayant fortement tiré vers le haut le prix de l'ensemble des lots, tandis que l'évolution du marché marquait en 2021 une baisse très significative de la valeur des droits audiovisuels en cause, il n'était pas possible de ne pas inclure le lot 3 dans la procédure de remise en vente des lots en 2021 (alors qu'en 2018, tous les lots avaient été mis en concurrence dans le cadre d'un même appel à candidatures, avec un dispositif d'enchères successives) sans créer une discrimination au détriment de l'opérateur restant lié par les conditions, objectivement très différentes, d'attribution de 2018 et un risque de distorsion majeure de concurrence sur le marché aval de la télévision payante par rapport aux attributaires de 2021 qui bénéficieraient très probablement ¿ ce que l'attribution a confirmé de manière flagrante ¿ de conditions tarifaires nettement moins onéreuses pour l'acquisition de lots portant sur des droits aussi voire plus attractifs que ceux objet du lot 3 ; qu'en effet, cela ne pouvait qu'aboutir à attribuer plusieurs lots d'un même produit et pour une même période de temps dans des conditions de concurrence différentes ; que la distorsion de concurrence était d'autant plus forte que les conditions de l'appel à candidatures de 2018 avaient créé un lien très étroit entre les lots, en particulier n° 1, 2 et 3 (notamment à raison du mécanisme d'enchères successives, de prix de réserve global et des sous-enchères pour les lots 2 et 3), ce qui constituait une circonstance aggravante de la discrimination invoquée ; qu'en se fondant, pour statuer comme elle l'a fait, sur les considérations inopérantes tirées de ce que la procédure de 2018 avait porté sur des lots distincts, que l'appel à candidatures de 2021 avait été conçu de manière à préserver son caractère transparent et non discriminatoire, la définition des lots répondant aux exigences légales et les modalités de soumission étant identiques pour tous les candidats potentiels, ou encore que la société Canal + avait librement pris sa décision d'acquérir le lot 3 auprès de la société beIN Sports, sans faire porter sa recherche nécessaire sur la question déterminante, qui était au c?ur de la thèse de la société Canal +, de savoir dans quelle mesure, compte tenu des conditions à la fois procédurales, concurrentielles et financières d'attribution des différents lots en 2018, la remise en vente uniquement des lots acquis par la société Mediapro dans des conditions de marché dont elle constatait elle-même qu'elles avaient très sensiblement évolué à la baisse depuis lors, sans remise en vente concomitante du lot 3 acquis en 2018 au terme d'une procédure dans laquelle les enchères sur un lot avait une incidence sur les enchères sur les autres lots, ne créait pas objectivement un risque de distorsion majeure de concurrence au détriment de la société Canal + sur le marché aval de la télévision payante en cas d'attribution à des concurrents sur ce marché, à des conditions sensiblement plus avantageuses, des lots remis en vente, ce qui rendait suffisamment vraisemblable l'existence d'un traitement discriminatoire entre les attributaires de 2018 et les futurs attributaires de 2021, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 462-8 du code de commerce, ensemble l'article L. 333-2 du code du sport ;
6°/ que les droits d'exploitation audiovisuelle cédés aux sociétés sportives sont commercialisés par la LFP dans le respect des règles de concurrence ; qu'est par ailleurs prohibée l'exploitation abusive par une entreprise d'une position dominante sur un marché, consistant notamment dans des conditions de vente discriminatoires ; qu'est, en ce sens, interdit à l'entreprise placée en position dominante d'appliquer à l'égard de partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes, en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence ; qu'en l'espèce, la société Canal + dénonçait l'existence de pratiques de discrimination résultant d'une différence de traitement entre les acheteurs de droits de Ligue 1 selon que les lots étaient commercialisés en 2018 ou 2021, tenant à l'existence de conditions de concurrence sensiblement différentes entre les deux appels à candidatures et à l'inflation des prix en 2018 en raison des enchères de la société Mediapro ayant abouti à une survalorisation du lot 3 ; que pour rejeter le recours de la société Canal +, la cour d'appel a retenu, après avoir relevé que les conditions du marché avaient sensiblement évolué à la baisse entre 2018 et 2021, que la LFP n'était pas responsable de "l'évolution des conditions de concurrence sur le marché" ; qu'en se déterminant ainsi, par un motif inopérant, dès lors qu'il importait peu que la LFP ait été elle-même à l'origine de cette évolution, la question étant de savoir si, compte tenu de cette évolution objective des conditions de concurrence ¿ induisant par elle-même suffisamment la vraisemblance d'une différence de traitement ¿, cela n'imposait pas à la LFP, tenue de respecter les règles de concurrence et en situation objective de position dominante concernant l'attribution des droits audiovisuels de Ligue 1 constituant des produits à fort potentiel attractif d'abonnés pour les opérateurs en concurrence sur le marché aval de la télévision payante, afin ne pas commettre de discrimination abusive, d'inclure le lot 3 dans la procédure de remise en concurrence de 2021, la cour d'appel a violé les articles L. 420-2 du code de commerce et 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, ensemble l'article L. 333-2 du code du sport ;
7°/ que les droits d'exploitation audiovisuelle cédés aux sociétés sportives sont commercialisés par la LFP dans le respect des règles de concurrence ; qu'est par ailleurs prohibée l'exploitation abusive par une entreprise d'une position dominante sur un marché, consistant notamment dans des conditions de vente discriminatoires ; qu'est, en ce sens, interdit à l'entreprise placée en position dominante d'appliquer à l'égard de partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes, en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence ; que pour rejeter le recours en annulation de la société Canal +, la cour d'appel a retenu, au titre des pratiques de discrimination, que "la circonstance, invoquée dans sa saisine par Canal +, qu'il supportait alors la charge du lot 3, n'était pas pertinente pour apprécier l'existence d'une différence de traitement" résultant du choix de la LFP de ne pas inclure ce lot dans la procédure d'appel à candidatures lancée en 2021 ; qu'en statuant ainsi, quand l'absence de remise en concurrence du lot 3 acquis dans les conditions ayant présidé à l'appel à candidatures de 2018, d'une part, affectait significativement la capacité financière de la société Canal + à acquérir de nouveaux droits à l'occasion de ce nouvel appel à candidatures et constituait de ce fait, pour elle, un handicap par rapport à ses concurrents, qui n'avaient pas une telle charge, comme l'a d'ailleurs souligné le CSA dans son avis du 7 avril 2021, et quand cette absence de remise en concurrence conduisait, d'autre part, la société Canal + à devoir supporter des coûts largement plus élevés que ses concurrents pour un produit équivalent voire de qualité inférieure, ce qui induisait ainsi une distorsion de concurrence, confirmée lors de l'attribution des lots restitués par la société Mediapro à la société Amazon pour un montant inférieur au prix du lot 3 fixé en 2018 alors que la société Amazon détient les droits de 80 % des matchs, dont les 10 meilleures affiches, ce dont il résultait que la circonstance que la société Canal + supportait la charge du lot 3 attribué dans les conditions de l'appel à candidatures de 2018 était à l'évidence pertinente pour apprécier l'existence d'une différence de traitement et donc d'une discrimination concurrentielle, la cour d'appel a violé les articles L. 420-2 du code de commerce et 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
8°/ qu'est prohibée l'exploitation abusive par une entreprise d'une position dominante sur un marché, consistant notamment dans des conditions de vente discriminatoires ; qu'est, en ce sens, interdit à l'entreprise placée en position dominante d'appliquer à l'égard de partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes, en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence ; que les droits d'exploitation audiovisuelle cédés aux sociétés sportives sont commercialisés par la LFP dans le respect des règles de concurrence ; que pour invoquer, de manière vraisemblable, l'existence d'un traitement discriminatoire à son détriment résultant de la décision de la LFP de ne pas inclure le lot 3 dans la remise en vente en 2021 des lots attribués en 2018 ensuite de la défaillance de la société Mediapro, la société Canal + invoquait la circonstance tenant à ce que lors de l'appel à candidatures de 2018, la LFP avait jugé nécessaire d'attribuer tous les lots dans le cadre d'une même procédure, en appliquant un mécanisme d'enchères successives permettant aux opérateurs n'ayant pas été le mieux disant sur le lot 1 d'ajuster leur offre sur les lots 2 puis 3 ; que la société a fait valoir que ce mécanisme avait non seulement eu un effet inflationniste sur le montant des offres sur les différents lots, mais aussi eu pour effet de créer une interdépendance entre les lots sur le plan économique et concurrentiel, en particulier 1 et 3 (renforcée par le mécanisme de sous-enchères pour les lots 2 et 3), en ce sens que les enchères sur le lot 1 avait une incidence sur celles du lot 3 et donc sur le niveau de prix auquel ce lot a été attribué ; qu'elle en déduisait qu'à partir du moment où certains lots, dont en particulier le lot 1, devaient être remis en concurrence du fait de la défaillance de la société Mediapro, qui plus est dans un contexte révélant objectivement une évolution significativement à la baisse de la valeur des droits de Ligue 1 à attribuer laissant présager que les attributions dans le cadre du nouvel appel à candidatures se feraient à un niveau de prix nettement inférieur à celui atteint en 2018, le respect de la concurrence et de l'égalité de traitement entre les opérateurs commandait de remettre en concurrence également le lot 3 ; que la cour d'appel a, pour sa part, constaté que le mécanisme d'enchères successives appliqué en 2018 permettait aux opérateurs n'ayant pas été le mieux disant sur le lot 1 d'ajuster leur offre sur les lots 2 puis 3, ce qui avait été le cas de la société beIN Sports concernant le lot 3 -par la suite acquis en sous-licence par la société Canal + - ce qui avait pu produire un effet inflationniste en incitant les opérateurs à augmenter le montant de leurs offres ; qu'en estimant néanmoins que cela n'était pas de nature à rendre les lots interdépendants, aux motifs que n'avait pas été créé entre les lots un lien d'indissociabilité ou d'indivisibilité, tandis qu'il ressortait de ses constatations un lien d'interdépendance suffisant entre les lots attribués en 2018 en termes d'incidence du prix d'attribution du lot 1 sur les offres formulées sur les lots 2 et 3, pour qu'il soit vraisemblable qu'une absence de remise en concurrence en 2021 du lot 3 attribué dans ces conditions en 2018 crée une inégalité de traitement entre les attributaires de 2018 et les futurs attributaires de 2021, et un risque de distorsion majeure de concurrence sur le marché aval de la télévision payante, la cour d'appel a violé les articles L. 420-2 et L. 462-8 du code de commerce, 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et L. 333-2 du code du sport ;
9°/ que l'Autorité peut rejeter toute saisine par décision motivée lorsqu'elle estime que les faits invoqués ne sont pas appuyés d'éléments suffisamment probants ; que, dans cette perspective, il appartient à l'auteur de la saisine d'apporter des éléments rendant vraisemblable une pratique anticoncurrentielle, sans que l'Autorité puisse exiger de lui la preuve de cette pratique ; qu'à ce stade d'analyse, l'Autorité ne saurait rejeter la saisine au motif que la pratique dénoncée serait justifiée, c'est-àdire nécessaire et proportionnée, l'existence d'une justification ne pouvant être appréciée que dans le cadre d'un contrôle approfondi, impliquant donc que l'auteur de la saisine a été regardé comme ayant établi la vraisemblance de la pratique anticoncurrentielle dénoncée ; que pour rejeter le recours de la société Canal +, la cour d'appel a retenu que la décision de la LFP de ne remettre en vente que les lots restitués par la société Mediapro, et donc de ne pas remettre en cause les contrats conclus sur les autres lots et en particulier sur le lot 3 apparaissait, en l'état des éléments produits au soutien de la saisine, nécessaire et proportionnée aux objectifs de la LFP de préservation des intérêts des clubs professionnels de football, lesquels sont financés pour une grande partie par les recettes provenant de la cession des droits de retransmission ; qu'en statuant ainsi, quand était seulement en question la vraisemblance d'une pratique anticoncurrentielle tenant à un traitement discriminatoire, ce qui excluait donc à ce premier stade, et compte tenu du standard de preuve applicable, que le rejet de la saisine soit motivée par la justification d'un tel traitement, laquelle relevait d'un contrôle plus approfondi supposant de considérer la pratique anticoncurrentielle invoquée comme vraisemblable, la cour d'appel a violé l'article L. 462-8 du code de commerce ;
10°/ que tout défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; que pour contester l'absence de remise en concurrence du lot 3 à l'occasion de la procédure d'appel à candidatures lancée en 2021 et mettre en évidence l'existence de pratiques discriminatoires, la société Canal + faisait valoir que les lots 1 à 3 étaient indissociables et, à tout le moins, interdépendants ; qu'elle soutenait, comme l'a rappelé la cour d'appel dans l'arrêt attaqué, que cela résultait du caractère successif des enchères des lots 1, 2 et 3, de sorte que le prix du lot 3 était largement influencé par l'attribution des lots 1 et 2, de l'existence d'une procédure d'enchère complémentaire pour les lots 2 et 3, afin d'en déterminer le contenu, et de l'existence d'un prix de réserve global pour les trois lots ; que pour écarter la contestation de la société, la cour d'appel s'est bornée à se prononcer sur le "mécanisme d'enchères successives" puis sur le "point d'étape (?) consistant à vérifier sur la somme des trois offres mieux-disantes couvrait la somme des PRI de chacun des lots", pour en déduire que "le postulat de base de Canal+ tenant au caractère indissociable des lots, est erroné" ; qu'en se déterminant ainsi, sans répondre au moyen de la société Canal + sur l'existence d'une procédure de sous-enchère simultanée pour les lots 2 et 3, qui était de nature à établir, à elle seule, l'existence d'une indissociabilité entre au moins deux des lots mis en concurrence en 2018, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
12. En premier lieu, l'arrêt rappelle que si les parties saisissantes n'ont pas à apporter la preuve des pratiques anticoncurrentielles qu'elles invoquent, il leur appartient néanmoins d'apporter des éléments de nature à rendre vraisemblables les atteintes à la concurrence alléguées, faute de quoi leur saisine pourra être rejetée par l'Autorité en application de l'article L. 462-8 du code de commerce. Il souligne que, lorsque la partie saisissante dénonce des faits constitutifs selon elle d'un abus de position dominante par discrimination, consistant pour une entreprise en position dominante à appliquer à ses partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence, il lui appartient d'apporter d'abord des éléments suffisamment probants du traitement différencié dénoncé permettant de rendre vraisemblable une discrimination, condition préalable de l'infraction.
13. Il retient qu'en considérant qu'aucun des éléments analysés n'était « susceptible de démontrer » que la décision de la LFP de ne pas étendre l'appel à candidature de 2021 au lot 3 « créerait une discrimination » à l'encontre de la société Canal +, l'Autorité s'est bornée à retenir que le comportement de la LFP lors de l'appel à candidatures de 2021 n'était pas de nature à rendre vraisemblable une différence de traitement entre les opérateurs au détriment de la société Canal +, condition préalable d'une pratique d'abus de position dominante par discrimination, la conduisant à conclure à l'absence d'éléments suffisamment probants d'une telle pratique.
14. En l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a exactement retenu que l'Autorité n'avait pas exigé de la société Canal + qu'elle rapporte la preuve d'une pratique d'abus de position dominante par discrimination.
15. La première branche du moyen n'est donc pas fondée.
16. En deuxième lieu, bien qu'ayant retenu, par les motifs critiqués par la quatrième branche, que le caractère erroné du postulat de base de la société Canal +, tenant au caractère indissociable des lots, rendait inopérants ses arguments tenant à l'évolution des conditions de concurrence et au montant élevé des enchères de la société Mediapro en 2018, la cour d'appel a néanmoins analysé et rejeté ces arguments.
17. Dès lors, la quatrième branche du moyen, qui s'attaque à des motifs erronés mais surabondants, est inopérante.
18. En troisième lieu, après avoir constaté qu'en 2018, la séquence d'attribution des trois premiers lots avait porté successivement sur le lot 1 puis le lot 2 et enfin le lot 3, aboutissant à l'attribution des lots 1 et 2 à la société Mediapro et du lot 3 à la société beIN Sports, cette attribution étant suivie d'une sous-enchère organisée entre les attributaires des lots 2 et 3, à l'issue de laquelle la société beIN Sports a remporté les groupes de matchs A et C et la société Mediapro les groupes de matchs B et D, l'arrêt, répondant à l'allégation du caractère indissociable des lots 1, 2 et 3, rappelle d'abord que, conformément aux dispositions des articles L. 333-2, R. 333-2 et R. 333-3 du code du sport, les droits de diffusion télévisuelle des matchs de Ligue 1 sont commercialisés par lots distincts dont le nombre et la constitution doivent tenir compte des caractéristiques objectives des marchés sur lesquels ils sont proposés selon une procédure d'appel à candidatures publique et qu'il résulte de ces exigences légales que chacun des lots doit être constitué de telle sorte qu'il présente un intérêt propre, doté d'une attractivité autonome et susceptible d'intéresser les diffuseurs.
19. Il ajoute que le mécanisme d'enchères successives, qui permet aux opérateurs qui n'ont pas été le mieux disant sur le lot 1 d'ajuster leur offre sur les lots 2 puis 3, comme a pu le faire la société beIN Sports, favorise l'attribution de lots à des opérateurs différents et s'inscrit ainsi dans l'objectif poursuivi par le législateur sans avoir pour effet de créer un lien indissociable entre les lots. Il retient encore que le point d'étape prévu après l'attribution des lots 1, 2 et 3, consistant à vérifier si la somme des trois offres mieux-disantes couvre la somme des prix de réserve individuel (PRI) de chacun de ces lots, qui a pour finalité d'apprécier la viabilité économique pour la LFP du montant des attributions, n'est pas davantage de nature à créer un lien d'indivisibilité entre ces trois lots.
20. En l'état de ces constatations et appréciations souveraines, la cour d'appel, qui a répondu, en l'écartant, au moyen prétendument délaissé visé à la dixième branche dès lors que la sous-enchère organisée entre les attributaires des lots 2 et 3 participait du mécanisme d'enchères successives dont elle a expressément retenu qu'il n'avait pas eu pour effet de créer un lien indissociable entre les lots 1, 2 et 3, a pu exclure un lien d'interdépendance ou d'indivisibilité entre ces lots.
21. Les huitième et dixième branches du moyen ne sont donc pas fondées.
22. En quatrième lieu, selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, pour que les conditions d'application de l'article 102, second alinéa, sous c), du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) soient remplies, il faut qu'il soit constaté non seulement que le comportement d'une entreprise en position dominante sur le marché est discriminatoire, mais également qu'elle tend à fausser le rapport de concurrence, c'est-à-dire à entraver la position concurrentielle de certains des partenaires commerciaux de cette entreprise par rapport aux autres (CJUE, arrêt du 19 avril 2018, MEO ¿ Serviços de Comunicações e Multimédia, C-525/16, point 25). Il en résulte que le seul constat d'un désavantage affectant un opérateur est insuffisant à caractériser un abus de position dominante par discrimination et n'est pas davantage suffisant, à lui seul, à établir la vraisemblance d'un tel abus.
23. Le moyen, pris en sa troisième branche, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé.
24. En cinquième lieu, l'arrêt retient, d'abord, que l'évolution des conditions de concurrence sur le marché explique pour une large part la situation prétendument défavorable invoquée par la société Canal+ et que, si la LFP est responsable des conditions d'attribution des droits de retransmission des matchs de Ligue 1, elle n'est pas responsable de cette évolution.
25. Il retient, ensuite, que la circonstance, invoquée dans sa saisine de l'Autorité par la société Canal +, qu'elle supportait alors la charge du lot 3, n'est pas pertinente pour apprécier l'existence d'une différence de traitement dès lors, d'une part, que sa décision d'acquérir la licence de ce lot auprès de la société beIN Sports a été librement prise par elle plus de vingt mois après l'attribution de ce lot, en vue de limiter le risque de perte d'abonnés, puisque, par son choix de porter des enchères basses sur les lots 2 et 3, elle n'avait acquis aucun lot en 2018, d'autre part, que le fait de disposer d'un budget suffisant pour se porter acquéreur des lots restitués par la société Mediapro n'était pas propre à la société Canal +, les autres diffuseurs étant confrontés à la même situation.
26. En l'état de ces constatations et appréciations, d'où il ressort que la LFP, en ne remettant pas en concurrence le lot 3, n'était pas à l'origine du désavantage concurrentiel prétendument subi par la société Canal +, la cour d'appel a pu retenir le caractère insuffisamment probant des éléments invoqués à l'appui de la saisine dénonçant un abus de position dominante de la LFP par discrimination entre les candidats.
27. Inopérant en sa neuvième branche, qui critique des motifs surabondants, le moyen n'est donc pas fondé pour le surplus.
28. Et en l'absence de doute raisonnable quant à l'interprétation de l'article 102, sous c), du TFUE, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de la question préjudicielle suggérée par la société Canal +.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
29. La société Canal + fait le même grief à l'arrêt, alors :
« 1°/ que lorsque la partie saisissante dénonce des faits constitutifs selon elle d'un abus de position dominante, il lui appartient d'apporter des éléments suffisamment probants permettant de rendre vraisemblable un tel abus ; que, dans cette perspective, il appartient à l'auteur de la saisine d'apporter des éléments rendant vraisemblable une pratique anticoncurrentielle, sans que l'Autorité puisse exiger de lui la preuve de cette pratique ; qu'il appartient au juge saisi du recours contre la décision de l'Autorité rejetant la saisine de contrôler que cette dernière a mis en oeuvre le standard de preuve adéquat, sans faire peser sur l'auteur de la saisine, sous couvert d'exigence d'éléments rendant vraisemblable la pratique anticoncurrentielle alléguée, la preuve même de cette pratique ; que pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance, par l'Autorité, du standard de preuve applicable, s'agissant de l'imposition, par la LFP, de conditions de transaction inéquitables, la cour d'appel a relevé que l'Autorité avait considéré que "la saisine ne justifie (?) pas d'éléments suffisamment probants de nature à établir l'existence d'un abus de position dominante résultant de l'imposition de conditions de transaction inéquitable" ; qu'en se déterminant ainsi, quand il ressortait précisément des motifs cités que l'Autorité avait exigé de la société Canal + la production d'éléments établissant l'existence d'un abus de position dominante, sans se borner à exiger la production d'éléments rendant simplement vraisemblable un tel abus, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a validé à tort l'application par l'Autorité d'un standard de preuve excessif et erroné, a violé l'article L. 462-8 du code de commerce ;
2°/ que l'Autorité peut rejeter toute saisine par décision motivée lorsqu'elle estime que les faits invoqués ne sont pas appuyés d'éléments suffisamment probants ; que, dans cette perspective, il appartient à l'auteur de la saisine d'apporter des éléments rendant vraisemblable une pratique anticoncurrentielle, sans que l'Autorité puisse exiger de lui la preuve de cette pratique ; que, dans ce cadre, l'Autorité ne saurait rejeter la saisine au motif que la pratique dénoncée serait justifiée, c'est-à-dire nécessaire et proportionnée, l'existence d'une justification ne pouvant être appréciée que dans le cadre d'un contrôle approfondi ; que pour rejeter le recours, la cour d'appel a retenu que pour apprécier l'existence d'un comportement abusif, en particulier le caractère inéquitable de conditions de transaction au sens de l'article 102 du TFUE, la jurisprudence requiert d'examiner si l'entreprise en position dominante a agi dans une mesure raisonnable, c'est-à-dire si son comportement était à la fois nécessaire et proportionné à l'objectif poursuivi, pour ensuite juger, par adoption des motifs de l'Autorité, que la décision de la LFP de ne pas remettre en vente le lot 3 apparaissait, en l'état des éléments produits, à la fois nécessaire et proportionnée dès lors que le contrat portant sur ce lot était en cours d'exécution, que la LFP n'avait aucune obligation de résilier ni aucun intérêt à le faire, les échéances de prix de ce contrat étant alors sa principale source de revenus ; qu'en statuant ainsi, quand était seulement en question la vraisemblance d'un abus de position dominante, ce qui excluait à ce stade la prise en compte de la justification d'un tel abus, ne pouvant relever que d'un contrôle plus approfondi, la cour d'appel a mis en oeuvre une méthodologie viciée et violé l'article L. 462-8 du code de commerce ;
3°/ que s'il est loisible au juge saisi d'un recours contre un jugement d'adopter les motifs de la décision entreprise, précise et circonstanciée et donc elle-même suffisante, dès lors que cette adoption de motifs s'accompagne d'une analyse en fait et en droit des éléments de l'affaire et qu'aucun moyen nouveau n'est invoqué, la cour d'appel de Paris saisie d'un recours en annulation d'une décision de l'Autorité, statuant comme juge de plein contentieux de premier et dernier ressort, ne saurait adopter les motifs de la décision administrative déférée devant elle pour rejeter le recours en annulation formé contre celle-ci ; qu'en l'espèce, pour rejeter le recours en annulation formé par la société Canal + contre la décision de l'Autorité du 11 juin 2021, la cour d'appel a retenu que "c'est par des motifs pertinents que la Cour adopte que l'Autorité a retenu que la décision de la LFP de ne pas remettre en vente le lot 3 apparaissait, en l'état des éléments produits, à la fois nécessaire et proportionnée dès lors que le contrat sur ce lot était en cours d'exécution, que la LFP n'avait aucune obligation de le résilier ni aucun intérêt à le faire, les échéances de prix de ce contrat étant alors sa principale source de revenus" ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a procédé par adoption des motifs de la décision administrative de l'Autorité dont l'annulation était sollicitée, sans donc donner une motivation propre à son arrêt, a violé l'article 455 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
4°/ qu'il est interdit au juge de dénaturer les documents de la cause ; qu'en jugeant qu'il résultait des statuts de la LFP que celle-ci avait pour "objectif de maximiser les recettes tirées de la commercialisation des droits de transmission des compétitions de football professionnel", quand lesdits statuts se bornaient à prévoir que la LFP avait pour objet la défense des intérêts matériels du football professionnel français, sans autre précision, et quand la LFP ne pouvait, aux termes clairs de ses statuts, poursuivre un objectif purement financier et devait prendre en compte d'autres impératifs, en particulier de service public ainsi que le respect des règles du droit de la concurrence, conformément aux dispositions du code du sport, la cour d'appel, qui a dénaturé les statuts de la LFP, a violé le principe susvisé ;
5°/ qu'est interdit le fait pour une entreprise placée en situation dominante d'imposer de façon directe ou indirecte des conditions de transaction non équitables ; que, pour apprécier l'existence d'un comportement abusif tenant au caractère inéquitable de certaines conditions de transaction, il appartient au juge d'examiner si l'entreprise en position dominante a agi dans une mesure raisonnable, c'est-à-dire si son comportement était à la fois nécessaire et proportionné à l'objectif poursuivi ; que, pour établir la vraisemblance de conditions de transaction inéquitables résultant d'un abus de position dominante de la part de la LFP, la société Canal + a invoqué le fait que la LFP avait profité de sa position dominante pour imposer discrétionnairement en 2021 des conditions de commercialisation des droits de Ligue restitués par la société Mediapro visant, en refusant d'y intégrer le lot 3, à conserver un prix artificiellement élevé obtenu en 2018 et donc a bénéficié de conditions supra-concurrentielles ; que la société Canal + a encore fait valoir que ces conditions de commercialisation étaient manifestement inéquitables et venaient fausser la concurrence sur le marché amont de l'acquisition des droits de Ligue 1, avec pour effet inévitable d'affecter la structure de fonctionnement de la concurrence sur le marché aval de la distribution des chaînes de télévision payante ; que la société Canal + a, en ce sens, souligné que l'appel à candidatures 2021 était resté infructueux compte tenu de l'évolution très nettement à la baisse des droits de retransmission en cause au regard des montants artificiellement élevés atteints en 2018, ce qui avait finalement donné lieu à une attribution à la société Amazon des lots restitués par la société Mediapro pour un montant trois fois inférieur à celui atteint en 2018, avec pour résultat que la société Amazon avait ainsi pu acquérir les droits de diffusion de 80 % des matchs de Ligue 1, dont les dix meilleurs matchs de la saison, pour un montant de 250 millions par an, là où la société Canal +, au titre du lot 3 non remis en concurrence, ne peut proposer que 20 % des matchs pour un coût de 332 millions par an, ce qui aboutit à un prix par match six fois supérieur pour la société Canal +, avec les effets anticoncurrentiels manifestes induits ; que la société Canal + en concluait que la LFP, qui ne pouvait ignorer les effets de sa décision de ne pas remettre en concurrence le lot 3, dont le prix atteint en 2018 était, compte tenu des modalités d'attribution alors décidées par la LFP, fortement interdépendant de celui des autres lots acquis par la société Mediapro et ne correspondait absolument plus aux conditions du marché, avait imposé des conditions inéquitables et abusé de sa position dominante afin de continuer à bénéficier du prix artificiellement élevé du lot 3 atteint en 2018, sans égard pour les effets inéquitables et anticoncurrentiels majeurs au détriment de la société Canal + ; que la cour d'appel a, pour sa part, relevé la position dominante de la LFP sur le marché des droits de retransmission audiovisuelle des matchs de Ligue 1 ainsi que la responsabilité particulière que cela lui conférait ; qu'elle a par ailleurs admis que les "conditions du marché avaient (?) sensiblement évolué à la baisse" entre les deux appels à candidatures et que le mécanisme d'enchères successives en 2018 avait pu produire un "effet inflationniste", c'est-à-dire une survalorisation des lots ; que, pour écarter néanmoins le grief tiré de l'imposition de conditions de transaction inéquitables en raison du refus de la LFP de remettre en concurrence le lot 3 à l'occasion de l'appel à candidatures de 2021, la cour d'appel a cependant relevé que la défaillance de la société Mediapro privait la LFP de sa principale source de revenus et qu'à la suite de cette défaillance, le lot 3 exploité par la société Canal + constituait alors sa principale source de revenus et servait de garantie au prêt qu'elle avait souscrit pour couvrir le défaut de paiement de la société Mediapro ; qu'en se déterminant par de tels motifs, sans mettre en balance les effets ainsi recherchés par la LFP dans l'exercice de son monopole et de sa position dominante, tenant essentiellement à la nécessité de pallier les conséquences financières pour elle de la défaillance de la société Mediapro et de l'absence de garanties suffisantes fournies par cette dernière, avec les conséquences néfastes manifestes pour la société Canal + et plus généralement pour le respect de la concurrence sur le marché amont de l'acquisition des droits et le marché aval de la télévision payante, compte tenu de la distorsion de conditions d'attribution en 2018 et en 2021, la cour d'appel, qui n'a nullement fait ressortir que l'exclusion du lot 3 de la procédure d'appel à candidatures lancée en 2021 était proportionnée à l'objectif de maximisation des recettes de retransmission poursuivi par la LFP, n'a pas caractérisé l'absence de caractère vraisemblable d'une décision disproportionnée de la LFP et donc d'un abus, et a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 420-2 du code de commerce et 102 du TFUE ;
6°/ qu'il est interdit au juge de dénaturer les documents de la cause ; qu'en retenant que, contrairement à ce que soutenait la société Canal + dans ses écritures, l'avis du Conseil Supérieur de l'Audiovisuel (CSA) du 7 avril 2021 ne s'était pas prononcé sur le caractère inéquitable de la décision de la LFP de ne pas remettre en cause le contrat portant sur le lot 3, quand ledit avis soulignait expressément que "la stratégie mise en oeuvre par la LFP, lors des derniers appels d'offres, visant à maximiser la valeur des droits de diffusion de la Ligue 1 sans pour autant porter une attention suffisante aux risques associés à cette stratégie, a conduit à une déstabilisation du modèle économique des acteurs (tant sportifs qu'audiovisuels), du marché de la télévision payante (avec notamment une recrudescence du piratage) et, in fine, des téléspectateurs. (?) Le Conseil estime très souhaitable que, dans l'intérêt des téléspectateurs et du secteur, la LFP organise le plus rapidement possible les modalités d'attribution des droits de la Ligue 1 dans des conditions équitables pour les saisons 2021-2024, afin de donner aux acteurs la visibilité dont ils ont besoin pour construire leurs offres", soulignant ainsi le caractère inéquitable de la procédure suivie par la LFP lors de l'appel à candidatures 2021, la cour d'appel, qui a dénaturé l'avis du CSA, a violé le principe susvisé ;
7°/ que l'Autorité recueille l'avis du CSA - devenu l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique - sur les pratiques anticoncurrentielles dont elle est saisie dans les secteurs de la radio, de la télévision et des services de médias audiovisuels à la demande ; que le CSA lui transmet ses observations dans le délai d'un mois suivant la réception de la communication de la saisine ; qu'en l'absence de dispositions limitant l'étendue de ces observations, le CSA peut donner son avis sur le caractère équitable ou non de certaines conditions de transaction imposées par une entreprise placée en position dominante ; qu'en jugeant, pour écarter la contestation de la société Canal + portant sur l'existence de conditions de transaction inéquitables, qu'il n'entrait pas dans les attributions du CSA de se prononcer sur le caractère inéquitable de la décision de la LFP de ne pas remettre en cause le contrat portant sur le lot 3, quand le CSA disposait d'un tel pouvoir, en l'absence de disposition limitant le champ de l'avis rendu par le CSA, la cour d'appel a violé l'article 41-4 de la loi du 30 septembre 1986, ensemble l'article R. 463-9 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
30. En premier lieu, l'arrêt rappelle que si les parties saisissantes n'ont pas à apporter la preuve des pratiques anticoncurrentielles qu'elles invoquent, il leur appartient néanmoins d'apporter des éléments de nature à rendre vraisemblables les atteintes à la concurrence alléguées, faute de quoi, leur saisine peut être rejetée par l'Autorité en application de l'article L. 462-8 du code de commerce. Il souligne que lorsque la partie saisissante dénonce des faits constitutifs, selon elle, d'un abus de position dominante par imposition de conditions de transaction inéquitables, il lui appartient d'apporter des éléments suffisamment probants permettant de rendre vraisemblable l'infraction dénoncée, en particulier le caractère inéquitable des conditions de transaction qui en constitue un de ses éléments. Rappelant encore que, selon une jurisprudence constante de la Cour de justice, l'existence d'une position dominante ne prive pas une entreprise se trouvant dans cette position ni du droit de préserver ses propres intérêts commerciaux, lorsque ceux-ci sont attaqués, ni de la faculté, dans une mesure raisonnable, d'accomplir les actes qu'elle juge appropriés en vue de protéger ses intérêts commerciaux (CJUE, arrêt du 14 février 1978, United Brands Company et United Brands Continentaal/Commission, 27/76, point 189), il ajoute que, pour apprécier le caractère inéquitable de conditions de transaction au sens de l'article 102 du TFUE, il y a lieu d'examiner si l'entreprise en position dominante a agi dans une mesure raisonnable, c'est-à-dire si son comportement était à la fois nécessaire et proportionné à l'objectif poursuivi.
31. Il retient qu'en considérant qu'aucun des éléments analysés n'était « susceptible de démontrer » que la décision de la LFP de ne pas remettre en concurrence le lot 3 « caractérise l'existence de conditions de transaction inéquitables » à l'encontre de la société Canal +, l'Autorité s'est bornée à relever que les éléments de la saisine n'étaient pas suffisants pour rendre vraisemblable l'infraction dénoncée.
32. En l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a, nonobstant les motifs surabondants figurant au paragraphe 125 de la décision de l'Autorité, exactement retenu que cette dernière n'avait pas exigé de la société Canal + qu'elle rapporte la preuve d'une pratique d'abus de position dominante par imposition de conditions de transaction inéquitables.
33. La première branche du moyen n'est donc pas fondée.
34. En deuxième lieu, l'existence d'une position dominante ne prive une entreprise placée dans cette position ni du droit de préserver ses propres intérêts commerciaux, lorsque ceux-ci sont attaqués, ni de la faculté, dans une mesure raisonnable, d'accomplir les actes qu'elle juge appropriés en vue de protéger ses intérêts commerciaux.
35. Il s'ensuit que les conditions de transaction imposées par une entreprise en position dominante ne présentent un caractère inéquitable que si celle-ci n'a pas agi dans une mesure raisonnable.
36. Dès lors, la partie saisissante doit étayer sa saisine d'éléments suffisamment probants de nature à démontrer que l'entreprise en position dominante n'a pas agi dans une mesure raisonnable, c'est-à-dire que son comportement n'était ni nécessaire ni proportionné à l'objectif poursuivi.
37. La deuxième branche, qui postule le contraire, n'est donc pas fondée.
38. En troisième lieu, la cour d'appel ne s'est pas exclusivement fondée sur les motifs de la décision de l'Autorité pour retenir que les éléments de la saisine n'étaient pas suffisants pour rendre vraisemblable l'infraction dénoncée.
39. La troisième branche, qui manque en fait, n'est donc pas fondée.
40. En quatrième lieu, après avoir relevé que, conformément à l'article 5 de ses statuts, la LFP a le pouvoir de financer « toutes opérations ou toutes actions aptes à développer les ressources du football professionnel dans le but d'en assurer la promotion », c'est sans dénaturer ces statuts, dont l'article 4 énonce que la LFP « assure également la défense des intérêts matériels et moraux du football professionnel », que l'arrêt retient que la défense des intérêts matériels du football professionnel français comprend l'objectif de maximiser les recettes tirées de la commercialisation des droits de transmission des compétitions de football professionnel, dont la LFP a le mandat exclusif.
41. Le grief de la quatrième branche n'est donc pas fondé.
42. En cinquième lieu, après avoir rappelé à juste titre que le CSA n'avait pas compétence pour se prononcer sur l'existence d'une violation aux dispositions de l'article 102 du TFUE, c'est sans dénaturer l'avis de ce Conseil du 7 avril 2021, se bornant à souhaiter que la LFP organise le plus rapidement possible les modalités d'attribution des droits de la Ligue 1 dans des conditions équitables pour les saisons 2021-2024, que l'arrêt retient qu'il ne se prononce pas sur le caractère équitable des conditions de transaction ayant abouti à l'attribution, en 2018, du lot 3 à la société beIN Sports.
43. Les griefs des sixième et septième branches ne sont donc pas fondés.
44. En dernier lieu, l'arrêt retient que si l'objectif de maximisation des recettes tirées de la commercialisation des droits de transmission des compétitions de football professionnel, n'est pas incompatible avec l'obligation pour la LFP de commercialiser les droits de retransmission dans le respect des règles de la concurrence, il doit être poursuivi de manière proportionnée en raison de la position dominante de cette dernière sur ce marché et de la responsabilité particulière qui en découle.
45. Il retient encore que la défaillance de la société Mediapro privait la LFP, et partant les clubs professionnels, de sa principale source de revenus dans un contexte de crise sanitaire ayant conduit à une de baisse importante des recettes issues de la billetterie ou du sponsoring, et que le lot 3 constituait sa principale source de revenus et servait de garantie au prêt souscrit pour couvrir ce défaut de paiement.
46. Il ajoute que la part des droits audiovisuels est prépondérante dans les recettes du football professionnel et que ces droits représentent près de 48 % des revenus des clubs professionnels, hors ressources tirées des transferts des joueurs, et qu'une partie des recettes perçues par la LFP au titre des droits audiovisuels est destinée à financer le football amateur, et ce, conformément au principe de solidarité entre les deux secteurs d'activité, édicté à l'article L. 133-33 du code du sport.
47. Il estime encore que la délégation de service public dont bénéficie la LFP n'est pas incompatible avec la recherche de maximisation des recettes, laquelle entraîne mécaniquement une plus grande contribution du secteur professionnel au secteur amateur, participant ainsi au développement de ce dernier, lequel entre dans la mission de la FFF, telle que définie à l'article L. 131-19 du code du sport.
48. Il relève enfin que le contrat portant sur le lot 3, dont le défaut de remise en concurrence est critiqué, était en cours d'exécution et que la LFP n'avait aucun intérêt à le résilier, les échéances de prix résultant de ce contrat étant alors sa principale source de revenus.
49. En l'état de ces constatations et appréciations souveraines, la cour d'appel a légalement justifié son constat que les éléments de la saisine, et en particulier ceux tenant au contexte dans lequel la décision de l'Autorité avait été prise, n'étaient pas de nature à rendre vraisemblable un abus de position dominante par l'imposition de conditions de transaction non équitables.
50. Le grief de la cinquième branche n'est donc pas fondé.




Crim. 25 septembre 2024 n° 23-86.929

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° P 23-86.929 F-D
N° 01061

MAS2 25 SEPTEMBRE 2024

CASSATION

M. BONNAL président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 25 SEPTEMBRE 2024



M. [L] [W] a formé un pourvoi contre l'ordonnance du président de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Douai, en date du 14 novembre 2023, qui a prononcé sur une réduction de peine.
Un mémoire personnel a été produit.
Sur le rapport de Mme Guerrini, conseiller référendaire, et les conclusions de M. Lemoine, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 juin 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Guerrini, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure
1. Il résulte de l'ordonnance attaquée et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Par ordonnance du 2 novembre 2023, le juge de l'application des peines a accordé six mois de réduction de peine à M. [L] [W], pour la période de détention du 12 juin 2018 au 12 octobre 2023.
3. M. [W] a relevé appel de cette décision le 7 novembre 2023.
Examen de la recevabilité du mémoire
4. Selon l'article 584 du code de procédure pénale, le mémoire déposé par le demandeur au pourvoi, sans le ministère d'un avocat à la Cour de cassation, doit être signé par l'intéressé lui-même.
5. Il s'ensuit que le mémoire personnel produit par le demandeur, qui ne porte que la signature de Mme [P] [Y], avocat, et non de M. [W], ne saisit pas la Cour de cassation des moyens qu'il peut contenir.
Examen du moyen relevé d'office
Vu les articles 712-12 et D. 49-41 du code de procédure pénale :
6. Au terme du premier de ces textes, l'appel des ordonnances mentionnées à l'article 712-5 du code de procédure pénale est porté devant le président de la chambre de l'application des peines qui statue par ordonnance motivée au vu des observations écrites du ministère public et de celles du condamné ou de son avocat.
7. Selon le second, à l'appui de son appel, le condamné ou son avocat peut adresser des observations écrites au président de la chambre de l'application des peines qui, hors le cas d'urgence, doivent être transmises un mois au plus tard après la date de l'appel, sauf dérogation accordée par le président de la juridiction.
8. Par ordonnance du 14 novembre 2023, la présidente de la chambre de l'application des peines a confirmé la décision du juge de l'application des peines, en faisant état des arguments soulevés par M. [W] au soutien de son appel.
9. En statuant ainsi, sans constater l'urgence, et alors que le délai d'un mois pour adresser des observations écrites, initiales ou complémentaires, n'était pas expiré, la présidente de la chambre de l'application des peines a méconnu les textes susvisés.
10. La cassation est par conséquent encourue.




Civ.1 25 septembre 2024 n° 23-13.153

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
IJ


COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 25 septembre 2024



Cassation partielle

Mme CHAMPALAUNE, président


Arrêt n° 498 F-D
Pourvoi n° X 23-13.153



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 25 SEPTEMBRE 2024
M. [B] [Z], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° X 23-13.153 contre l'arrêt rendu le 30 novembre 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 13), dans le litige l'opposant à M. [C] [J], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Kass-Danno, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [Z], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [J], après débats en l'audience publique du 25 juin 2024 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Kass-Danno, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 novembre 2022), M. [Z] a été assisté par M. [J], avocat, dans une instance s'étant achevée par un jugement rendu le 13 octobre 2015.
2. Le 13 novembre 2020, M. [Z] a assigné M. [J], avocat, en responsabilité et indemnisation au titre de fautes dans l'exécution de sa mission.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. M. [Z] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes formées contre M. [J], alors « que le délai de prescription de l'action en responsabilité du client contre son avocat, au titre des fautes commises dans l'exécution de sa mission, court en principe à compter de l'expiration du délai de recours contre la décision ayant terminé l'instance pour laquelle il avait reçu mandat de représenter et d'assister son client ; qu'en jugeant que "la mission d'assistance ou de représentation en justice de l'avocat prend fin au jour du prononcé de la décision de justice, qui termine l'instance à laquelle il a reçu mandat d'assister ou de représenter son client", pour en déduire que l'action en responsabilité engagée le 13 novembre 2020 à l'encontre du jugement rendu le 13 octobre 2015 était prescrite et donc irrecevable, la cour d'appel a violé les articles 2225 du code civil, 412 et 420 du code de procédure civile et l'article 13 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d'avocat. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
4. M. [J] conteste la recevabilité du moyen en soutenant, d'une part, qu'il est contraire aux conclusions d'appel de M. [Z] et, d'autre part, qu'il est nouveau et mélangé de fait et de droit.
5. Cependant, d'une part, dans ses conclusions d'appel, M. [Z] soutenait que la mission de l'avocat chargé d'assister ou de représenter son client ne prenait pas fin dès le prononcé du jugement. 6. Le moyen n'est donc pas contraire à la thèse défendue par M. [Z] devant la cour d'appel.
7. D'autre part, le moyen est de pur droit.
8. Il est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles 2225 du code civil, 412 du code de procédure civile et 13 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d'avocat :
9. Il résulte de la combinaison de ces textes que le délai de prescription de l'action en responsabilité du client contre son avocat, au titre des fautes commises dans l'exécution de sa mission, court à compter de l'expiration du délai de recours contre la décision ayant terminé l'instance pour laquelle il avait reçu mandat de représenter et d'assister son client, à moins que les relations entre le client et son avocat aient cessé avant cette date.
10. Pour déclarer irrecevable comme prescrite l'action exercée par M. [Z], l'arrêt retient qu'en application de l'article 2225 du code civil, la mission de l'avocat prend fin au jour du prononcé de la décision de justice, qui termine l'instance à laquelle celui-ci a reçu mandat d'assister ou de représenter son client, que l'instance, dans laquelle M. [Z] était assisté par M. [J], s'est achevée par le jugement du 13 octobre 2015 et que M. [Z] a agi plus de cinq ans après.
11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.




Crim. 25 septembre 2024 n° 24-83.781

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° N 24-83.781 F-D
N° 01279

MAS2 25 SEPTEMBRE 2024

CASSATION

M. BONNAL président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 25 SEPTEMBRE 2024



M. [V] [Y], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, en date du 7 juin 2024, qui a renvoyé [U] [F], [N] [I] et [A] [M] devant le tribunal pour enfants sous la prévention, pour le premier, de violences et vol aggravés, pour la deuxième, de complicité de violences aggravées, pour le troisième, de vol aggravé et destruction par un moyen dangereux, et M. [R] [X] [H] devant le tribunal correctionnel sous la prévention de violences et vol, aggravés.
Un mémoire personnel a été produit.
Sur le rapport de M. Brugère, conseiller, et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 septembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Brugère, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 11 juin 2022, les gendarmes ont été requis pour une agression à l'arme blanche et un vol de véhicule dont a été victime M. [V] [Y].
3. M. [R] [X] [H] ainsi que deux mineurs, [U] [F] et [A] [M], qui ont reconnu leur participation aux faits, ont été mis en examen des chefs de tentative d'assassinat, vol en réunion et destruction du bien d'autrui par un moyen dangereux pour les personnes, tandis que [N] [I] a été mise en examen pour complicité de tentative d'assassinat.
4. Le 4 avril 2024, le juge d'instruction, après non-lieux partiels et requalification, a renvoyé M. [X] [H] devant le tribunal correctionnel des chefs de violences en réunion, avec usage ou menace d'une arme et avec préméditation ou guet-apens, et vol en réunion, et [U] [F], [A] [M] et [N] [I] devant le tribunal pour enfants, le premier sous la même prévention, le deuxième sous la prévention de vol avec violences et destruction par un moyen dangereux, la dernière pour s'être rendue complice des violences aggravées.
5. La partie civile a relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Enoncé des moyens
Sur les premier et second moyens
6. Le premier moyen, pris de la violation des articles 311-8 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a renvoyé [U] [F], [A] [M] et M. [X] [H] devant la juridiction correctionnelle pour vol en réunion, alors :
1°/ que les juges ont écarté la circonstance aggravante d'usage ou menace d'une arme au motif « qu'il n'apparaît pas de la procédure que l'arme a été utilisée dans le dessein de voler le véhicule », en méconnaissance des textes susvisés ;
2°/ qu'en décidant qu'une conséquence indirecte de l'usage de l'arme ne permet pas la matérialisation de la circonstance aggravante de vol commis avec usage ou menace d'une arme, la chambre de l'instruction a méconnu les articles visés au moyen.
7. Le second moyen, pris de la violation des mêmes textes, critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a renvoyé [U] [F], [A] [M] et M. [X] [H] devant la juridiction correctionnelle pour vol en réunion, alors qu'il ressort des propres constatations de la chambre de l'instruction que l'un des coauteurs du vol était porteur d'une arme dont le port est prohibé.
Réponse de la Cour
8. Les moyens sont réunis.
Vu l'article 311-8 du code pénal :
9. Selon ce texte, le vol est puni de vingt ans de réclusion criminelle et de 150 000 euros d'amende lorsqu'il est commis soit avec usage ou menace d'une arme, soit par une personne porteuse d'une arme soumise à autorisation ou dont le port est prohibé.
10. Pour écarter la qualification de vol avec arme, l'arrêt attaqué énonce que la volonté initiale des auteurs était de s'en prendre physiquement à M. [Y] et que le vol est intervenu après les violences commises avec arme.
11. Les juges ajoutent que, pris de panique à la vue de la victime au sol et ensanglantée, les auteurs se sont emparés des clés de son véhicule pour prendre la fuite.
12. Ils en déduisent que l'arme n'a pas été utilisée dans le dessein de voler le véhicule.
13. En prononçant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'un des auteurs du vol était, au moment de celui-ci, porteur d'un couteau, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé.
14. La cassation est, par conséquent, encourue.




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